SEANCE DU 19 NOVEMBRE 2002
M. le président.
Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M.
Pierre Fauchon, pour explication de vote.
M. Pierre Fauchon.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis trop
longtemps les gouvernements successifs de notre pays se sont ingéniés à fermer
les yeux sur nos problèmes les plus graves et à repousser à plus tard les
réponses.
Il faut donc se réjouir de ce que ce Gouvernement ait pris à bras-le-corps le
problème de l'insécurité, disons plutôt des insécurités puisqu'elles s'étendent
depuis la vie quotidienne jusqu'aux grands trafics criminels, où s'entremêlent
les actions illicites les plus sordides et les plus dangereuses.
Réjouissons-nous également - et je ne dis pas cela par politesse, moins encore
par flagornerie - de ce que le Gouvernement ait confié cette mission si
essentielle et si exposée à un homme qui n'a pas froid aux yeux
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants,
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE)
comme il l'a
montré naguère dans sa commune de Neuilly, un homme qui sait appeler un chat,
un chat, un délinquant, un délinquant ; un désordre, un désordre ; un homme qui
a clairement compris que, dans ce domaine, nous sommes en état de combat et que
ce combat doit être mené, comme tout combat, non seulement à partir des
tribunes mais bien davantage sur le terrain, à la tête des troupes qu'il s'agit
d'organiser, d'animer, de mobiliser.
Merci d'agir comme vous le faites, monsieur le ministre !
Dans cet esprit, nous ne marchanderons pas les mesures qui vous paraissent
nécessaires, d'abord parce que nous vous faisons confiance, ensuite parce que
nous les apprécions au regard des maux auxquels il s'agit de remédier et qui
vont croissant, enfin, parce que nous avons appris de longue date que les
vraies atteintes aux libertés publiques résultent le plus souvent, pour ne pas
dire toujours, non des textes mais des pratiques.
La plupart des régimes totalitaires et liberticides que nous avons connus
brillaient par l'excellence de leurs systèmes juridiques, ce qui ne les
empêchait nullement de les bafouer de la manière la plus systématique et la
plus cynique. On me dispensera de citer des noms ; ils sont dans tous les
esprits.
Notre concours à l'action du Gouvernement ne se borne pas cependant au vote
des textes proposés et que notre rapporteur, à qui je rends hommage, a su
analyser et amender avec sagesse, après avoir procédé à des auditions de façon
tout à fait scrupuleuse, je l'en félicite.
Notre réflexion ne saurait s'arrêter aux mesures de protection et de
répression, qui sont, sans doute, de première nécessité. Sachant que ces
mesures, si elles peuvent enrayer le développement du mal et faire régresser
celui-ci, atteignent les conséquences plus que les causes, notre réflexion doit
se porter sur ces causes.
Dans leur aspect nouveau par rapport à la délinquance traditionnelle, ces
causes sont de deux ordres, de nature bien différente.
Les unes relèvent de la criminalité internationale, à laquelle l'ouverture des
frontières jointe aux technologies nouvelles a offert un champ quasiment
infini. C'est tout le problème de l'espace judiciaire européen : mandat d'arrêt
européen, parquet européen, législation commune, juridictions communes. Voilà
un vaste chantier où l'on n'avance guère alors que les événements nous pressent
d'agir et condamnent cruellement la paralysie de l'ensemble des gouvernements
européens - et je ne vise pas le nôtre en particulier - paralysie qui équivaut
objectivement à une forme de complicité, ne reculons pas devant le mot.
Les autres sources concernent ce si grand nombre de jeunes, y compris
d'enfants qui sont en rupture de ban avec notre société, dont ils attendent
beaucoup sans se croire tenus à quelque obligation que ce soit à son égard.
Que faire pour préserver les nouvelles générations et limiter le nombre des «
sauvageons » ? Que faire pour inculquer à nos enfants le sens de la
responsabilité, le sens de la solidarité, de l'initiative, du bien commun, qui,
très au-delà de l'instruction civique, sont indissociables de l'idée même de
civilisation ?
Nous ne saurions nous décharger de ce souci en le renvoyant sur les seules
familles, souvent absentes et accablées d'occupations quand elles sont
présentes. N'oublions pas qu'aujourd'hui le père comme la mère de famille
travaillent.
Ne comptons pas non plus sur les autres formes d'encadrement de la jeunesse :
religion, associations, dont le rôle est devenu très marginal. Il reste un
lieu, et un seul, où toutes les générations passent, et passent le plus clair
du temps de l'enfance et de l'adolescence : c'est l'école. Ne devons-nous pas
nous interroger sur le moyen d'utiliser l'école à des fins réellement
éducatives, parfaitement distinctes - j'en suis pleinement conscient - de
l'enseignement proprement dit ?
Ne faut-il pas s'interroger sur la possibilité de consacrer une partie
substantielle du temps scolaire à des activités collectives, de sports ou de
plein air mais pratiquées en groupe, c'est-à-dire dans ces petites cellules où
il est encore possible de diffuser par l'exemple et l'expérience vécus les
valeurs de la vie sociale, ce qui suppose à coup sûr du temps, des équipements
et plus encore des moniteurs spécialisés ?
Vaste programme sans doute ! Mais cette transformation profonde de l'éducation
nationale est toutefois rendue possible par le fait que l'acquisition des
connaissances se répartit maintenant sur l'ensemble de l'existence.
Telles sont, monsieur le ministre, les raisons et les perspectives de notre
vote. Sans doute, ces perspectives dépassent-elles le champ de votre compétence
immédiate, mais non celui de vos préoccupations, j'en suis persuadé.
Elles traduisent non seulement notre souci de vous aider à limiter et à
réduire les atteintes à la sécurité, mais aussi celui de combattre le mal à sa
racine, à ses racines. Vous êtes mieux placé que personne pour savoir qu'il
faut aller jusque-là si l'on veut, comme vous le voulez et comme nous le
voulons avec vous, faire en sorte que la force de la loi l'emporte sur la loi
de la force.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR,
des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Roger Karoutchi.
M. Roger Karoutchi.
Monsieur le ministre, le débat qui a eu lieu sur votre projet de loi nous a
tous passionnés, et au premier chef parce que le texte que vous nous avez
soumis était excellent ; en tout cas, je l'ai estimé comme tel, même si
d'autres ont pu le critiquer. Quoi qu'il en soit, chacun reconnaît qu'il est de
nature à faire avancer les choses.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Ah non !
M. Roger Karoutchi.
Quant au rapport présenté par notre collègue Jean-Patrick Courtois, c'est un
document intelligent, qui a parfaitement éclairé le débat, étant à la pointe,
lui aussi, de tout ce qui concerne la sécurité dans notre pays. Toutefois ce
débat, avec ses 280 amendements, sur lesquels on a pu apprécier les
interventions des uns et des autres, a montré qu'en réalité la notion de
sécurité, valeur républicaine s'il en est, n'a pas encore fait l'objet, de la
part de chacun d'entre nous, de toute la réflexion nécessaire.
Oui, la sécurité fut l'une des priorités énoncées lors des élections de 2002,
à gauche comme à droite, peut-être pas avec la même force, encore que, sur
certains points, la gauche ait fait des propositions sur lesquelles elle est
revenue depuis et qu'elle a notamment critiquées dans le texte actuel !
M. Jacques Mahéas.
Pas du tout !
M. Roger Karoutchi.
Ce débat a montré qu'il fallait encore évoluer. Dans bien des cas, à gauche de
cet hémicycle, le débat se poursuit entre ceux que j'appellerai les «
sécuritaires idéologues » et les « sécuritaires pragmatiques ». Ne l'ayant pas
tranché, les premiers se sont employés à critiquer dans le texte ce qui n'y
était pas. A les en croire, le texte gouvernemental s'en prendrait de manière
générale aux pauvres, aux prostituées, aux mendiants agressifs... Que n'a-t-on
entendu ! Ils sont allés jusqu'à comparer les chiens à des peluches,...
Mme Marie-Christine Blandin.
C'était votre ministre !
M. Roger Karoutchi.
... qui ne pouvaient en aucun cas présenter un danger pour quiconque.
La réalité, c'est que le texte gouvernemental, amendé par le Sénat, s'en prend
aux exploiteurs, aux mafieux, aux dérives, à toutes celles et à tous ceux qui
nuisent réellement à la sécurité de nos concitoyens, de nos concitoyens les
plus modestes, d'abord.
Sur ce plan, nous avons fait évoluer le texte. Le Gouvernement a accepté un
certain nombre d'amendements émanant de la commission des lois mais aussi de
divers sénateurs, quel que soit le camp auquel ils appartiennent.
Aujourd'hui, je crois pouvoir dire en toute sincérité que le texte que nous
allons voter fait évoluer les choses. Grâce à cette loi, les gens rentreront
peut-être demain dans leur immeuble sans craindre - du moins, je l'espère - les
bandes qui stationnent en bas et qui constituent pour eux une véritable
nuisance. Celles-ci sont composées non pas de jeunes, ni de vieux, ni de moins
jeunes, ni de moins vieux, mais parfois de délinquants contre lesquels il faut
agir. Comme l'a dit M. Fauchon tout à l'heure, il faut appeler un chat un chat.
Nous n'en voulons à personne en particulier. Nous n'avons déclaré la guerre à
aucune catégorie, loin s'en faut ! Au contraire, ce projet de loi vise, au-delà
des clivages politiques, à rassembler tous les Français dans la défense de leur
bien premier qui est la sécurité. Tant que certains ne comprendront pas cela,
effectivement, il y aura débat.
Quoi qu'il en soit, monsieur le ministre, votre action n'a qu'un objectif :
faire de la sécurité le bien commun des Français, qu'elle cesse d'être un sujet
de débat parce que c'est une valeur universelle pour tous, du plus modeste au
plus privilégié. Vous voulez faire en sorte que chacun soit assuré de pouvoir
vivre tranquillement dans son quartier, où qu'il soit, en toute sécurité, et
pour cela, oui, monsieur le ministre, je vous dis « merci » de la part des
Français !
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Jacques Mahéas.
M. Jacques Mahéas.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la sécurité
est pour nous une préoccupation essentielle et, que ce soit bien clair, les
socialistes considèrent qu'il s'agit de la première des libertés.
M. Jean Chérioux.
C'est un scoop !
M. Jacques Mahéas.
Pour autant, le débat sur le projet de loi pour la sécurité intérieure ne nous
a donné satisfaction ni sur la forme ni, plus grave, sur le fond.
Sur la forme, je tiens à répondre à l'invective de l'un des vôtres qui m'a
traité de « bobo complexé ». Il n'y a, sans doute, nulle honte à être un « bobo
», mais il se trouve que, pour ma part, je ne suis ni bourgeois ni bohème !
Quand je passe porte de Saint-Ouen, ce n'est certainement pas pour aller dîner
rive gauche ! Je discute d'autant plus volontiers avec les Audoniens que c'est
dans leur ville que j'ai passé ma jeunesse. J'y ai connu la guerre, puis j'y ai
enseigné.
Avec force déclarations patelines, monsieur le ministre, vous mettez beaucoup
d'ardeur à vous « approprier » la défense des classes sociales défavorisées.
Mais croyez-vous qu'avoir été maire de Neuilly-sur-Seine pendant près de vingt
ans vous rende particulièrement crédible sur le sujet ?
(Protestations sur
les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Jean Chérioux.
C'est scandaleux, ce que vous dites !
M. Alain Gournac.
Toujours aussi brillant !
M. Jacques Mahéas.
Personnellement, avec mes vingt-cinq ans de terrain à Neuilly-sur-Marne, me
mettre à défendre les nantis m'aurait conduit, de la même manière, à me rompre
le cou !
M. Josselin de Rohan.
C'est mauvais, cela !
M. Jacques Mahéas.
Nous avons écouté vos orateurs ! Alors, faites-nous la gentillesse de nous
écouter, même si cela vous donne des complexes !
(Rires et exclamations sur
les mêmes travées.)
M. Alain Gournac.
Les nôtres, ils étaient bons !
M. Jacques Mahéas.
Quand je fais face, quotidiennement, aux réalités de la banlieue et à ses
difficultés, comment osez-vous me répondre : « On a les commissaires qu'on
mérite ! » Eh bien, justement, il se trouve qu'il n'y a, actuellement, aucun
commissaire à Neuilly-sur-Marne, ce qui est sans doute imputable à un défaut
d'organisation qui n'est pas de mon fait.
Que dire, d'autre part, de l'inscription d'un texte jugé si important en
urgence ? Pourquoi n'en permettre qu'une lecture au Sénat ? Pourquoi toute
cette précipitation, alors que l'Assemblée nationale attendra le mois de
janvier pour s'en saisir ?
Sur le fond, comment qualifier ce projet de loi ?
Il est à la fois médiatique, répressif, incohérent, inapplicable et hypocrite.
(Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)
M. Josselin de Rohan.
Et intelligent !
M. Jacques Mahéas.
Texte médiatique, disais-je. Ce pourrait être positif. Certaines mesures,
comme les bons et mauvais points distribués aux préfets ou la désactivation des
portables volés, ne manqueront pas de porter leur effet, faisant diminuer les
chiffres de la délinquance et, donc, reculer le sentiment d'insécurité.
Je persiste néanmoins à ne pas comprendre pourquoi vous refusez obstinément,
monsieur le ministre, la création d'un observatoire indépendant chargé des
statistiques de la délinquance.
Texte répressif, et uniquement répressif puisqu'il prévoit une batterie de
nouveaux délits mais n'envisage aucune mesure préventive ou éducative.
Texte incohérent et inapplicable : quelques exemples suffiront à le
montrer.
S'agissant des gens du voyage, votre logique se heurte à l'absurde, monsieur
le ministre. Saisir simplement les véhicules revient à installer le camp à
demeure !
Quant aux regroupements dans les entrées, cages d'escalier et autres parties
communes, il faudra mobiliser de nombreux policiers et gendarmes dès que vingt
jeunes seront réunis, lesquels auront tôt fait de filer dans les caves, qui
sont, elles, des parties privatives.
Au demeurant, vous n'ignorez pas que la multiplication des chefs
d'inculpation, dont certains font clairement double emploi avec ceux qui
existent déjà, aboutira à la confusion et à de nombreuses contestations
d'avocats qui s'en feront les spécialistes.
Texte hypocrite, enfin : faute de temps, je ne citerai qu'un exemple. Vendredi
dernier, vous nous avez déclaré ici même que votre projet de loi ne traitait
pas des « mendiants ». Or, dans son exposé des motifs, il est indiqué, à propos
des articles 22 et 23, qu'ils donnent « un cadre juridique à la lutte contre
des formes nouvelles et spécifique de mendicité ». Entre « mendiants » et «
mendicité », la nuance est ténue et la distinction, spécieuse !
Pour conclure, permettez-moi de citer l'un des vôtres, vice-président de notre
commission des lois : « Je ne crois pas beaucoup à l'efficacité de ces mesures,
ni à leur dangerosité. Il faut s'interroger sur les actions de prévention et
repenser à notre système d'éducation. » C'est à croire, monsieur le ministre,
que votre projet de loi ne fait pas l'unanimité non plus du côté droit de
l'hémicycle.
(Si ! Si ! sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Jean-Patrick Courtois,
rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Vous allez
voir cela tout à l'heure !
M. Jean-Claude Carle.
Ne vous faites pas trop d'illusions !
M. Jacques Mahéas.
Et c'est bien légitime puisqu'il s'agit d'un texte qui a fédéré contre lui les
humanistes et les progressistes, les travailleurs sociaux,...
M. Henri de Raincourt.
Les socialistes et les communistes !
M. Jacques Mahéas.
... l'abbé Pierre,...
M. Henri de Raincourt.
Vous oubliez Mgr Gaillot !
M. Jacques Mahéas.
... d'un texte qui ne s'attaque qu'aux conséquences visibles de la
délinquance, négligeant les causes, stigmatisant des populations en souffrance
sociale, d'un texte, enfin, qui refuse la main tendue...
M. le président.
Veuillez conclure, mon cher collègue !
M. Jacques Mahéas.
... pour secourir et pour aider et lui préfère, ostensiblement, la main levée
pour frapper et humilier.
(Protestations sur les mêmes travées.)
M. le président.
C'est terminé, monsieur Mahéas !
M. Jacques Mahéas.
Laissez-moi encore dire, monsieur le président, que, en conséquence, le groupe
socialiste ne peut que voter contre un tel projet de loi.
M. le président.
Vous en êtes à six minutes vingt-six !
M. Jacques Mahéas.
Je demande la parole pour un rappel au règlement.
M. le président.
Vous avez largement dépassé votre temps de parole !
M. Jacques Mahéas.
Monsieur le président, j'ai été le troisième orateur à prendre la parole. Il
est seize heures vingt. J'ai chronométré les orateurs de la majorité : vous les
avez largement laissés déborder.
(Protestations sur les mêmes travées.)
M. Jean-Claude Carle.
Ce n'est pas vrai !
M. Nicolas About.
C'est de la mendicité agressive, cela !
M. Jacques Mahéas.
Je souhaiterais que, pour une minute, vous ayez la même attitude avec nous
qu'avec les orateurs de la majorité !
(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président.
Monsieur Mahéas, je ne vous permets pas de mettre en doute mon honnêteté dans
ma manière de présider ce débat ! J'ai ici les temps de parole et les horaires,
contrôlés par mes collaborateurs : vous en êtes à six minutes vingt-six. Au
bout de cinq minutes, je vous ai demandé de conclure. Aucun des orateurs qui
vous ont précédé n'a atteint cinq minutes.
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin.
Monsieur le président, je prendrai d'abord trente secondes pour faire une mise
au point. C'est M. Xavier Emmanuelli qui avait employé le terme « peluche ». Je
n'avais fait que reprendre les propos d'un ancien ministre du gouvernement de
M. Alain Juppé.
Monsieur le ministre, vous ne nous avez pas convaincus, au contraire, vous le
savez.
Nous sommes très inquiets du choix incohérent d'un gouvernement qui, d'une
part, donne acte aux habitants de leur demande de tranquillité mais, d'autre
part, réduit les budgets et les emplois de la paix sociale et de la justice
économique.
Vous avez répondu aux alertes de nos collègues en leur disant : « Vous parlez
social, économie, etc., mais pas de la réalité concrète. » Eh bien, pour nous,
la pauvreté, la prévention spécialisée, le travail des associations, la
surcharge carcérale, c'est du concret.
Et puis il y a ce que vous écrivez dans la loi, ce que vous écrivez dans
l'exposé des motifs, ce que vous dites calmement ce que vous dites dans la
colère ou l'enthousiasme d'une présentation quasi électorale. Dans la loi, il
n'y a ni mendiant, ni jeune, ni prostituée, ni gens du voyage parmi les
suspects. Dans l'exposé des motifs et dans vos propos, en revanche, les
portraits-robots se précisent.
Pour ce qui est de la précision, ce n'est pas la caractéristique des
formulations employées à propos des délits que vous créez. Des expressions
comme « attitude passive » ou « solliciter des fonds avec un animal dangereux »
ouvrent la porte aux interprétations diverses et à l'arbitraire.
Enfin, notre collègue Jean-Pierre Sueur a pointé le fait que, dans les médias,
les prostituées sont souvent toutes « bulgares », les mendiants, « roumains »
et les gens du voyage, « venus d'ailleurs ».
Quiconque, dans cette assemblée, a tenté de vous montrer les risques de ce
texte, a eu droit, de votre part, à une distribution de blâmes, rôle inédit
pour un ministre au Sénat : « naïveté », « angélisme », « mensonge », « ingénu
», « masque de l'hypocrisie », « argumentation lamentable » et, injure suprême,
« bande d'intellectuels ».
M. Nicolas About.
Cela ouvre les yeux !
Mme Marie-Christine Blandin.
En dehors des justes peines pour ceux qui exploitent la mendicité des autres,
le code pénal comportait déjà l'arsenal juridique que vous remettez en scène.
En revanche, vous prenez de grands risques à permettre le port d'armes à ceux
qui n'ont comme fonction que le gardiennage d'immeuble. Je précise au passage
qu'il n'a jamais été question, dans nos amendements, de supprimer les armes des
transporteurs de fonds, contrairement à ce que vous avez compris ou feint de
comprendre.
Monsieur le ministre, ce texte est une étape de plus dans la communication
sécuritaire, mais il ne répond pas aux légitimes attentes des gens. Il
n'empêchera pas les filles de se faire violer ni les voitures de brûler. Il ne
tarira pas les causes de la violence.
Aujourd'hui, vous jouissez de vos sondages. Demain, les gens regarderont si,
oui ou non, la société est apaisée et vous demanderont des comptes.
Vous vous plaisez aussi à répéter que les Français ont exprimé une attente.
N'oubliez quand même pas que, le 1er mai, sur l'initiative de la gauche, les
Français étaient tous dans la rue
(Rires sur certaines travées du RPR)
non seulement pour faire barrage à des leaders d'extrême droite mais aussi pour
éviter une politique régressive et répressive.
Parce que nous percevons votre projet de loi, comme relevant d'une telle
politique, nous voterons contre.
(Applaudissements sur les travées du groupe
socialiste. - Mme Hélène Luc applaudit également.)
M. le président.
Quatre minutes et trente et une secondes !
La parole est à Mme Nicole Borvo.
Mme Nicole Borvo.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la violence,
les actes agressifs et, l'insécurité qui en découle se sont considérablement
développés, et ce depuis longtemps. Voilà une chose sur laquelle nous pouvons
tous être d'accord. Mais ils se produisent dans une société bouleversée, où
l'insécurité sociale est impitoyable.
Les mafias, les trafics et l'économie parallèle profitent de la dégradation
des conditions de vie, de l'absence de perspectives d'avenir pour de trop
nombreux jeunes. Les solidarités volent en éclat. Le mépris de la personne se
conjugue au culte de la force et de l'argent.
Face à cela, un sentiment d'abandon a effectivement gagné des pans entiers de
la population.
Nous sommes ainsi confrontés à un véritable éclatement de la société. Car
comment croire sérieusement que les hommes, les femmes et les jeunes
d'aujourd'hui seraient « par nature », en quelque sorte, plus violents, plus
délinquants qu'il y a vingt ans ? C'est impensable !
Monsieur le ministre, chers collègues de la majorité sénatoriale, vous
prétendez vous attaquer à la violence et à la délinquance en y opposant la
surenchère du bâton et de la prison. C'est une supercherie !
L'escalade dans la répression ne fera que nourrir l'insécurité. En effet, avec
des populations et des jeunes désignés d'avance au soupçon, avec cette guerre
aux pauvres et aux plus fragiles, avec les atteintes à la dignité, la haine et
les ressentiments trouveront dans cette escalade de nouveaux ressorts.
Malheureusement, c'est bien ce qui est en train de se passer.
Comment les caïds, comme les plus dangereux démagogues, ne prospéreraient-ils
pas sur un tel terreau ? Et, à chaque loi, à chaque étape, nos libertés sont
dangereusement diminuées.
Nous avons défendu l'exception d'irrecevabilité parce que votre texte,
monsieur le ministre, nous paraissait déroger à des principes fondamentaux de
notre droit. C'est ce que dit en substance la Commission nationale consultative
des droits de l'homme, dont les membres et le président, récemment nommé par le
Premier ministre, ne sont pas tous, que je sache, vos adversaires politiques ou
de doux rêveurs !
Cette escalade est sans fin ; elle désigne des boucs émissaires et divise les
populations.
Faire reculer l'insécurité implique de poursuivre avec la même détermination
deux objectifs essentiels.
Evidemment, tout acte de violence ou de délinquance doit être combattu et ses
auteurs sanctionnés. Leurs victimes ont droit à réparation matérielle et
morale. C'est ainsi que la société établit et fait respecter les règles de vie
en commun et les valeurs qui la fondent.
En vingt ans, nous avons connu une suite ininterrompue de modifications du
code pénal : lois « Bonnet », « Peyrefitte », nouveau code pénal, lois « Pasqua
», « Debré », « Vaillant » !
(Exclamations sur les travées du RPR et des
Républicains et Indépendants.)
MM. Roger Karoutchi et Josselin de Rohan.
Ah ! Vaillant !
Mme Nicole Borvo.
Vous avez bien entendu ! Si vous voulez, je peux me répéter : lois « Bonnet »,
« Peyrefitte », « Pasqua », « Debré » ou « Vaillant » !
M. Alain Gournac.
N'attaquez pas Vaillant !
(Sourires sur les mêmes travées.)
Mme Nicole Borvo.
Je suis tentée de dire : « N'en jetez plus dans le durcissement des peines ! »
Ce n'est qu'affichage politique.
Les lois pénales existent. Il faut les faire appliquer et, pour cela,
évidemment, donner des moyens non seulement à la police et à la justice, mais
aussi aux diverses institutions dont l'action conjointe est nécessaire, d'une
part, pour réparer et protéger et, d'autre part, pour dissuader, réprimer et
réinsérer les auteurs d'actes de violence et de délinquance.
La société doit s'attaquer à tout ce qui constitue des ferments de violence et
d'insécurité : les injustices, les inégalités, les ségrégations, la pauvreté,
qui engendrent souffrances, humiliations, frustrations, désespoir et haines.
Elle doit s'attaquer à tout ce qui dégrade les valeurs humaines et réduit à
l'état de marchandises les femmes, les hommes, les jeunes.
Elle doit faire reculer les dominations et les violences sexistes, racistes,
de classe, de groupes, de clans.
Elle doit rechercher en toutes circonstances des réponses humaines aux
problèmes des populations migrantes.
Elle doit donner force aux valeurs de respect et de dignité de chaque être
humain, en commençant par le respect des plus faibles - les immigrés, les
pauvres, les jeunes et les sans-droits -, en faisant avancer la justice et
l'égalité.
Hélas ! nous sommes loin, aujourd'hui, de la loi contre les exclusions de
1998, qui ouvrait la voie à des mesures positives.
Les pouvoirs publics doivent développer tout ce qui permet le progrès social
et humain. Que l'éducation et la culture mettent réellement en partage les
savoirs et les valeurs de civilisation ! Que les services publics garantissent
l'égal accès et usage des biens et des services ! Que les protections sociales
se renforcent sur leur socle solidaire ! Que chacun bénéficie d'un logement et
d'une sécurité d'emploi ! Que la ville, les quartiers et l'espace public
prennent des dimensions humaines ! Que la démocratie s'enrichisse d'un réel
partage des responsabilités et des pouvoirs !
On en est loin ! Vos orientations sont tout autres et votre conception de la
tranquillité publique est fort différente de la nôtre. Pour toutes ces raisons,
monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voterons contre ce projet de
loi.
(Applaudissements sur les travées du groupe CRC et sur celles du groupe
socialiste.)
M. le président.
La parole est à M. Robert Bret.
M. Robert Bret.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voici
parvenus au terme de nos débats.
Nous ne dirons jamais assez que nous, les élus communistes, qui sommes pour la
plupart, vous en conviendrez, élus dans des villes souvent difficiles, ne nions
pas la réalité des besoins et des attentes des Français en matière de
sécurité.
Nous estimons qu'il revient à l'Etat et à la société civile de construire des
réponses proportionnées et adéquates à cette légitime attente de nos
concitoyens. C'est précisément dans les réponses à apporter que nos points de
vue divergent le plus.
A notre sens, la répression ne réglera pas les problèmes quotidiens des
Français qui ont pour nom : chômage, précarité, pouvoir d'achat, retraites,
habitat, santé, éducation, et j'en passe ! L'adoption de normes juridiques
répressives apparaît comme une réponse rapide, trop rapide, aux aspirations des
Français. Mais qu'adviendra-t-il à long terme ? Croyez-vous un seul instant que
vous ferez baisser le sentiment d'insécurité en stigmatisant, sans proposer un
traitement social de fond, les populations les plus fragilisées ou en marge de
la norme sociale : jeunes, SDF, étrangers, postituées, squatters, gens du
voyage ?
Plus que la délinquance, c'est la déviance qui est sanctionnée dans votre
texte, qui prend pour cibles autant des comportements que des actes.
Déclarer la guerre à la délinquance, c'est bien ; cela peut, éventuellement,
rassurer les Français, mais uniquement à très court terme.
En revanche, donner de l'espoir aux jeunes, un emploi aux chômeurs, un habitat
décent aux sans-logis, c'est plus long, mais c'est plus efficace.
Etait-il vraiment utile d'ajouter dans notre code pénal - qu'on peut
difficilement qualifier de laxiste - de nouvelles incriminations alors même
qu'il visait déjà 12 000 infractions, dont certaines permettent évidemment de
répondre à l'objectif que vous visez ?
Commençons par appliquer les textes existants et par donner à la justice les
moyens de remplir convenablement ses missions avant d'engager de telles
réformes.
Pendant les débats parlementaires, avec le mouvement syndical et associatif,
nous avons été nombreux à dénoncer le caractère liberticide de votre texte.
Depuis le 15 novembre dernier, la Commission nationale consultative des droits
de l'homme, qui s'est elle-même saisie du texte, ne dit pas autre chose. Il
ressort ainsi de son avis que votre projet de loi est un texte dangereux pour
les libertés publiques, porteur d'un ordre moral dirigé contre une partie de la
population, au mépris de certains principes de droit. Irez-vous jusqu'à taxer
cette commission de « droits-de-l'hommiste », alors qu'elle comprend plusieurs
personnalités proches de la droite ?
Le système policier et répressif que vous souhaitez mettre en place trouve sa
traduction dans le projet de budget pour 2003, qui est principalement axé sur
le sécuritaire. Priorité absolue est en effet donnée aux fonctions régaliennes
de l'Etat : les crédits de la justice augmentent de 7,4 %, ceux de la défense
de 6,1 % et ceux de l'intérieur de 5,1 %.
M. Jean-Pierre Schosteck.
Et c'est bien !
M. Robert Bret.
Dans le même temps, vous négligez les budgets qui sont nécessaires au soutien
de l'activité économique, du secteur social, du monde éducatif et des actions
de prévention.
En résumé, il y aura moins d'adultes dans les écoles, plus de policiers pour
arrêter les jeunes et plus de surveillants dans le prisons.
M. Jean-Pierre Schosteck.
Parfait !
M. Robert Bret.
Là, avec votre texte, il y a de l'avenir !
A la recherche, au développement, à la culture, à la redistribution, vous
opposez l'ordre, la surveillance, la suspicion et la punition. Quel est
l'avenir d'une société qui ne propose que des réponses pénales ?
Pour toutes ces raisons, monsieur le ministre, les sénateurs communistes
voteront résolument contre votre projet de loi.
(Applaudissements sur les
travées du groupe CRC et sur celles du groupe socialiste.)
M. le président.
La parole est à M. Jean-Claude Carle.
M. Jean-Claude Carle.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous nous
apprêtons à voter un texte important.
Important, car la sécurité est et reste la première préoccupation de nos
concitoyens.
Important, car il conjugue éthique et réalité, et répond aux engagements pris
devant les Françaises et les Français par le Président de la République.
Important, car, après la loi d'orientation que nous avons adoptée en juillet,
il en fixe les modalités d'application.
Ceux qui, aujourd'hui, monsieur le ministre, vous donnent des leçons ne sont
pas qualifiés pour le faire parce qu'ils ont échoué dans ce domaine comme dans
beaucoup d'autres.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et
Indépendants et du RPR.)
M. Alain Gournac.
Echoué lamentablement !
M. Jean-Claude Carle.
D'ailleurs, mes chers collègues, ce débat a montré leur embarras. Ils sont en
effet partagés entre une opposition de principe et une adhésion non avouée.
M. Jacques Mahéas.
Il n'y a aucune adhésion !
M. Jean-Claude Carle.
Cette opposition de principe s'étiole chaque jour un peu plus, d'abord avec la
prise de position de certains de leurs leaders, tels le maire de Montpellier ou
celui de Mulhouse, M. Jean-Marie Bockel...
M. Josselin de Rohan.
Ou Michel Charasse !
M. Jean-Claude Carle.
... qui vivent comme l'ensemble des maires de France, des élus locaux, cette
réalité au quotidien et qui, sans renier leur éthique, reconnaissent que les
critiques adressées à votre texte relèvent « d'une gauche qui n'est plus une
gauche pragmatique, mais une gauche qui a perdu contact avec la réalité vécue
par les gens ».
M. Alain Gournac.
Tiens ! tiens !
M. Jean-Claude Carle.
Voilà ce que dit M. Jean-Marie Bockel.
(Applaudissements sur les mêmes
travées.)
M. Alain Gournac.
Bravo !
M. Jean-Claude Carle.
Enfin, cette opposition de principe ne tient plus face aux mesures que vous
proposez, monsieur le ministre. Ces mesures sont à la hauteur de votre force de
conviction, dont ce débat a été le témoignage.
Cette conviction, vous l'avez exprimée avec beaucoup de passion au cours de ce
débat par la qualité et la précision de vos réponses sans sectarisme, reprenant
les propositions formulées quelle que fut leur origine dans la mesure où elles
tendaient à améliorer le texte.
Ce fut le cas sur des sujets aussi complexes et difficiles que la
prostitution, qu'il faut se garder de stigmatiser mais où le devoir de l'Etat
est de s'attaquer à la racine du mal, le proxénétisme.
Ce fut le cas pour les immigrants clandestins que l'on ne déplace pas comme de
vulgaires objets mais qui doivent être traités avec humanité, respect et
dignité.
M. Jacques Mahéas.
Comme à Sangatte !
M. Jean-Claude Carle.
Ce fut le cas en ce qui concerne la détention d'armes et la légitime
inquiétude des chasseurs devant le risque d'amalgame, comme l'a très bien
rappelé notre collègue Ladislas Poniatowski.
Ce fut enfin le cas pour les gens du voyage, sujet qui interpelle tous les
élus locaux et qui exaspère nos compatriotes.
Les mesures contenues dans ce texte permettront de rendre effective, crédible
et efficace la loi Besson, qu'il s'agisse de la simplification de la procédure
d'expulsion, de la confiscation des véhicules et de votre volonté de faire
respecter la loi, ni plus ni moins, qui s'impose à eux comme à tous les
citoyens de notre pays.
Toutes ces raisons font que le groupe des Républicains et Indépendants votera
sans hésitation ce texte, encore amélioré par le travail et l'implication de
notre rapporteur Jean-Patrick Courtois. Ce texte, je le rappelle, conjugue
éthique et réalité. Comme j'ai eu l'occasion de le dire au cours de la
discussion générale, il est le texte du coeur et de la raison et vous l'avez
défendu, monsieur le ministre, avec passion et conviction.
(Applaudissements
sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union
centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Paul Blanc.
Très bien !
M. le président.
La parole est à Mme Josiane Mathon.
M. Alain Gournac.
Encore un orateur du groupe CRC !
M. Michel Pelchat.
Quel temps de parole !
Mme Josiane Mathon.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, décidément
ce texte correspond bien à l'air du temps libéral dans lequel nous sommes
entrés depuis six mois. Nous n'acceptons plus les leçons que la majorité
prétend donner en matière de sécurité,...
M. Michel Pelchat.
C'est vous qui donnez des leçons !
Mme Josiane Mathon.
... surtout pas à nous, parlementaires communistes, qui sommes élus de villes
populaires, et donc sensibilisés au problème de l'insécurité.
(Protestations
sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste,
ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Eh oui, messieurs !
M. Henri de Raincourt.
De moins en moins, d'ailleurs !
Mme Josiane Mathon.
Monsieur le ministre, vous ne pouvez prétendre être le seul défenseur des
pauvres. Bien au contraire ! Je ne prendrai qu'un exemple : vous supprimez la
disposition de la loi SRU imposant aux communes de construire 20 % de logements
sociaux, qui, me semble-t-il, sont justement prévus pour les plus démunis.
Vous souhaitez le retour de l'Etat gendarme, au moment où vous exigez moins
d'Etat en matière économique et sociale.
M. Henri de Raincourt.
Nous sommes républicains plus que gendarmes !
Mme Josiane Mathon.
L'éducation nationale, les politiques de lutte contre le chômage et pour la
réinsertion sont les grandes absentes de ce débat.
Les services publics sont également laissés pour compte, alors que c'est avec
eux, en les préservant et en optimisant leur efficacité, que nous arriverons à
restaurer une certaine autorité publique.
Vous insistez sur le fait que vous voulez préserver et renforcer une police
républicaine. C'est également ce que nous souhaitons, d'autant plus que,
contrairement au Gouvernement, nous défendons et continuerons de défendre nos
services publics, qui contribuent à assurer l'égalité des chances dans notre
pays.
Nous sommes plus que favorables à une police républicaine, qui, effectivement,
doit protéger et garantir la sécurité de tous les citoyens. Mais c'est ici que
nos points de vue divergent.
Garantir la sécurité publique, ce n'est pas le faire pour les uns au détriment
des autres. Ce n'est pas mettre en prison des personnes différentes par leur
mode de vie, modeste, voire précaire, pour satisfaire un électorat. Car vos
procédés d'affichage politique auront peut-être un effet à court terme, mais
préparent des lendemains « désenchanteurs ».
Certes, la police sera dotée d'un arsenal répressif renforcé. Mais il serait
illusoire de croire qu'il sera effectivement et surtout efficacement employé,
surtout s'il n'est pas accompagné de mesures à caractère social, et cela aussi
bien de manière préventive, afin d'éviter l'infraction, que pour aider à la
réinsertion, en cas de peine d'emprisonnement.
En effet, aucun plan d'aide aux victimes n'est apparu dans ce texte, sauf en
ce qui concerne la traite des êtres humains. Mais surtout, au regard de toutes
les nouvelles peines de prison prévues pour être insérées dans notre code
pénal, aucun traitement de la récidive n'est envisagé.
La prison n'est décidément pas la solution en matière de traitement de
l'insécurité ; c'est pourtant la seule réponse que vous apportez à ces
violences urbaines que constituent à vos yeux la prostitution, la mendicité et
les rassemblements dans les parties communes d'immeubles.
La preuve en est que vous créez un délit de racolage, avec pour seule
conséquence de renvoyer les prostituées dans la clandestinité ; vous pénalisez
la prostitution bien qu'elle ne soit pas interdite en France ! La mendicité
agressive devient également un délit.
Quant aux jeunes, déjà largement stigmatisés dans votre loi d'orientation et
de programmation pour la justice adoptée cet été, ils le sont une fois encore.
Certes, il faut sanctionner quand cela est nécessaire, mais pourquoi ne pas
utiliser des sanctions déjà existantes ?
Monsieur le ministre, vous nous avez dit beaucoup de choses critiquables
durant ce débat.
Je vous cite : « Le délit de racolage n'est pas créé dans l'optique de punir
des malheureuses mais pour les protéger. » Et que faites-vous pour les protéger
? Vous les envoyez en prison.
Vous dites encore : « Assimiler la quête d'une meilleure sécurité à une
agression contre les droits de l'homme est un non-sens. » La commission
nationale consultative des droits de l'homme estime, pour sa part, que «
l'action à mener contre l'insécurité ne légitime pas certaines mesures de
répression d'ordre moral » et que « la volonté ciblée de lutter contre
l'insécurité est mise en oeuvre en prenant des libertés avec certains principes
de droit ».
Vous dites avoir « pris toutes les précautions pour qu'aucune catégorie de
population ne soit désignée dans sa globalité » et vous prévoyez une sanction
collective pour les jeunes rassemblés dans les halls d'immeubles, les mendiants
agressifs et les gens du voyage. Concernant ces derniers, la globalisation va
encore plus loin puisque vous avez accepté un amendement facilitant la
procédure d'expulsion en cas d'occupation sauvage d'un terrain. Cet amendement
prévoit que l'ordonnance de référé, prise à l'encontre de certaines personnes
présentes sur le terrain vaut ordonnance de requête à l'encontre de tous les
occupants.
Enfin, ce qui est le plus choquant, c'est que vous qualifiez de texte inutile
l'amendement « Abbé Pierre », dont l'objet est la lutte pour des conditions de
vie décentes. Vous dites cela d'un texte défendu par un homme qui a fait du
combat aux côtés des exclus sa profession de foi depuis cinquante ans, et qui
est, à ce titre, la personnalité la plus écoutée des Français.
Evidemment, la sécurité est un droit fondamental, que l'Etat se doit d'assurer
à tous. Mais certainement pas comme vous le prévoyez, de manière sécuritaire et
arbitraire, aux dépens des plus démunis.
Nous voterons donc résolument contre ce projet de loi, qui ne répond pas, sur
le long terme, aux réels besoins de sécurité des Français.
(Applaudissements
sur les travées du groupe CRC et sur celles du groupe socialiste.)
M. le président.
La parole est à M. Jacques Pelletier.
M. Jacques Pelletier.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce texte
répond à l'attente des Français en faisant, enfin, de la sécurité une priorité
de l'Etat.
Il est en effet urgent de mettre un terme au sentiment d'insécurité, même si
celui-ci repose quelquefois sur une part d'irrationnel, mais peu importe ! Il
faut sécuriser et rassurer les Français avant de s'attaquer à toutes les autres
grandes réformes ! La sécurité constitue en effet un préalable nécessaire, une
condition
sine qua non,
pour aller de l'avant et fonder une société plus
juste et plus solidaire.
Les mesures contenues dans ce projet de loi permettront aux institutions de
l'Etat chargées du maintien et du respect de l'ordre de disposer désormais des
instruments juridiques nécessaires et appropriés à la conduite d'une politique
efficace. Nous vous en saurons gré, monsieur le ministre.
Ainsi ce texte s'attaque-t-il à toutes les insécurités - elles sont nombreuses
- qui troublent l'ordre public et nuisent à la tranquillité du plus grand
nombre : menaces terroristes, incivilités au quotidien, insultes et actes
dégradants, délinquance, proxénétisme, etc.
Faut-il rappeler, une fois de plus, que la jouissance de la liberté, à
laquelle nous sommes tous ici très attachés, n'est rendue possible que si la
sécurité est une réalité ?
C'est pourquoi il faut donner les moyens pratiques au Gouvernement d'obtenir
des résultat rapides et durables dans le domaine de la lutte contre les
incivilités comme de l'insécurité. Il faut lui permettre de s'attaquer aux
causes visibles et directes de l'insécurité, que l'on observe dans nos villes
et dans nos campagnes.
Il faut également, et surtout, lui donner les moyens de s'attaquer à tous les
réseaux mafieux et souterrains qui exploitent la misère sociale et la détresse
humaine et qui expliquent véritablement les grandes manifestations d'insécurité
dans notre pays. Nos débats dans cet hémicycle ont été, sur ce point, très
clairs.
Néanmoins, les parlementaires que nous sommes devront rester vigilants dans
l'application de ce texte, monsieur le ministre. En effet, il ne faudra pas
tomber dans l'excès inverse : une dérive vers le tout sécuritaire qui
signifierait, au final, une nouvelle insécurité pour nos concitoyens.
A ce titre, des amendements ont été proposés par notre rapporteur dont je
salue l'excellent travail de fond.
M. Henri de Raincourt.
Tout à fait !
M. Jacques Pelletier.
Ces amendements, adoptés par notre assemblée, vont dans le bon sens. Je pense
notamment à l'amendement concernant les traitements automatisés de données
personnelles qui oblige le procureur de la République, en cas de classement
sans suite, de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement, d'ordonner l'effacement
des données dont la conservation n'est dès lors plus justifiée.
Ainsi la loi devra-t-elle s'appliquer dans le respect des principes de la
dignité humaine, de la présomption d'innocence et de l'état de droit.
La sanction et les instruments juridiques sont nécessaires, mais ils ne sont
pas suffisants. Le combat contre l'insécurité se gagnera aussi en restaurant le
civisme comme valeur essentielle de notre République et de notre « vivre
ensemble ».
Monsieur le ministre, c'est dans cet esprit que la grande majorité du groupe
du RDSE, au-delà même de notre clivage habituel, votera ce texte tel qu'il a
été amendé par notre assemblée.
(Applaudissements sur certaines travées du
RDSE, ainsi que sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des
Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Paul Loridant.
M. Paul Loridant.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la
démocratie est un régime de libertés, garanties par nos lois et nos
institutions. Mais elle ne peut, en aucune circonstance, être un régime de
faiblesse, sous peine de bafouer ses principes et de mépriser les droits
élémentaires de ses citoyens.
Aussi, en qualité de parlementaires, nous devons certes concourir à
l'élaboration de la loi mais également veiller en permanence aux conditions de
son application.
Malheureusement, mon expérience de parlementaire et de maire d'une ville de la
banlieue parisienne m'incite à penser que l'application de la loi est souvent
défaillante.
Dans certains quartiers, déjà en proie à une somme considérable de problèmes
économiques et sociaux, les lois appliquées sont non plus celles de l'Etat mais
celles qui sont fondées sur la violence. La citoyenneté est quotidiennement
rongée au profit de la logique de l'enfermement dont profite le
communautarisme.
Aussi, affronter la question de la sécurité, c'est finalement poser la
question des conditions du « vivre ensemble ».
Face à cette inquiétante situation, nous sommes tous responsables, et il est
vain de vouloir entretenir les polémiques et de se renvoyer la balle.
Elus, enseignants, parents, militants associatifs, nous avons souvent péché
par naïveté ou par excès d'optimisme, sous-estimant par là même la dimension de
crise de civilisation que revêtait le développement de la délinquance.
Mais l'Etat lui-même n'a pas été en reste. Permettez-moi de vous livrer cette
anecdote - hélas véridique -, car elle en dit long sur le fonctionnement ou
plutôt les dysfonctionnements de nos institutions.
En qualité de maire des Ulis, j'ai été confronté à une occupation par les gens
du voyage d'un établissement classé « défense nationale » - le Centre national
de transfusion sanguine -, classement établi par l'Etat lui-même. Immédiatement
après avoir été informé des faits, j'ai saisi le représentant de l'Etat pour
l'enjoindre de prendre des mesures d'expulsion immédiate. Or quelle n'a pas été
ma stupéfaction de m'entendre répondre par le préfet qu'une procédure «
classique » d'expulsion allait être mise en oeuvre. Mes chers collègues,
monsieur le ministre, l'Etat lui-même ne fait pas respecter ses propres
prescriptions !
M. Jean Chérioux.
Qui était le ministre à l'époque ? M. Vaillant ?
M. Paul Loridant.
Je ne m'étendrai pas non plus sur ces instructions adressées aux responsables
d'établissements scolaires et aux enseignants les appelant à surtout ne pas
faire de vagues concernant les faits de violence scolaire qu'ils seraient
amenés à connaître.
Au-delà de notre propre crédibilité de femmes et d'hommes politiques, d'élus
locaux ou de parlementaires, c'est la foi même en l'Etat et donc en la
démocratie qui est ébranlée. Beaucoup de nos concitoyens, et souvent parmi les
plus modestes, en viennent à douter de notre volonté, qui s'exprime pourtant
tous les jours, de leur porter assistance face à l'insécurité.
Dès lors, ce projet de loi est-il à la mesure de cet enjeu ?
M. Henri de Raincourt.
Oui !
M. Paul Loridant.
Nous avons de sérieuses raisons de nous interroger.
Nous divergeons sur l'analyse que nous faisons des causes de l'insécurité. Mon
collègue François Autain a eu l'occasion d'exposer nos vues sur cette question.
Comment, par exemple, relever des quartiers sensibles lorsque l'on supprime les
emplois-jeunes ou que l'on démantèle des services publics, ou que l'on ne
pourvoit pas sur-le-champ au remplacement d'un commissaire de police d'une
ville de banlieue, comme c'est le cas aux Ulis, monsieur le ministre ?
De même, nous doutons sérieusement de la volonté du Gouvernement d'accroître
les moyens en matière de prévention. Or une bonne politique de sécurité doit,
selon nous, articuler en permanence prévention et sanction.
Néanmoins, nous reconnaissons que votre projet de loi contient des mesures qui
traduisent la volonté de réaffirmer la primauté du droit et le souci de prendre
en compte les nouvelles formes d'insécurité.
(Applaudissements sur les travées du RPR, ainsi que sur certaines travées des
Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
Je suis d'autant
plus à l'aise pour dire cela, monsieur le ministre, que j'avais soutenu, en son
temps, la démarche de vos prédécesseurs MM. Jean-Pierre Chevènement et Daniel
Vaillant.
Monsieur le ministre, nous vous jugerons sur vos actes et non pas sur vos
déclarations ou vos mises en scène médiatiques, aussi brillantes
fussent-elles.
(Ah ! sur les travées du RPR.)
C'est la raison pour laquelle, monsieur le ministre, les quatre sénateurs
membres du pôle républicain et apparenté confirment leur abstention sur le
projet de loi relatif à la sécurité quotidienne.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, ainsi que sur
certaines travées des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste et du
RDSE.)
M. Jean Chérioux.
Courageux mais pas téméraire !
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Patrick Courtois,
rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Monsieur le
président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes arrivés au
terme d'une discussion particulièrement riche sur un texte qui nous paraît tout
à fait essentiel.
Ce projet de loi, je le rappelle, donnera aux forces de sécurité les
instruments juridiques nécessaires à la conduite d'une politique efficace.
M. Jacques Mahéas.
Pas du tout !
M. Jean-Patrick Courtois,
rapporteur.
Il va en effet avoir plusieurs avantages. D'abord, il rendra
plus cohérentes les actions conduites en matière de sécurité intérieure grâce
au renforcement des pouvoirs des préfets. Ensuite, il va améliorer l'efficacité
d'une police judiciaire qui a été négligée au cours des dernières années.
Au-delà des caricatures qui en ont été faites, le texte permettra d'apporter
des réponses concrètes à des formes de délinquance qui affectent
particulièrement la vie quotidienne de nos concitoyens : attroupements dans les
parties communes d'immeubles, exploitation de la mendicité, occupation sans
titre d'un terrain, racolage.
Le projet de loi permettra aussi de mieux contrôler les armes en circulation
et de lutter contre leur usage par des personnes en proie à des troubles
psychiatriques.
M. Jacques Mahéas.
Ce n'est pas vrai !
M. Jean-Patrick Courtois,
rapporteur.
Enfin, il propose une réforme de la réglementation de la
sécurité privée trop longtemps différée.
Monsieur le ministre, vous avez été critiqué sur la procédure. On vous a dit
que la déclaration d'urgence était scandaleuse.
(M. Michel Dreyfus-Schmidt
s'exclame.)
Je voudrais rappeler que la loi relative à la sécurité
quotidienne, chère à l'opposition de cette assemblée, a été adoptée selon la
même procédure.
Pour notre part, nous acceptons l'urgence quand il y urgence. Et il nous
semble bien qu'en matière de sécurité il y a urgence.
(Très bien ! sur les
travées du RPR.)
Au demeurant, l'urgence n'a pas empêché un travail approfondi de notre
assemblée, malgré les quelques sarcasmes que nous avons entendus sur ce
sujet.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Tu parles !
M. Jean-Patrick Courtois,
rapporteur.
Au cours de plus de 27 heures de débat, nous avons examiné
294 amendements et nous en avons adopté 108, dont 63 ont été proposés par votre
commissions des lois.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Forcément, vous avez travaillé ensemble !
M. Jean-Patrick Courtois,
rapporteur.
Ce sont des chiffres qui méritent d'être soulignés et qui
sont à porter au crédit du Gouvernement.
Le Sénat a ainsi adopté plusieurs modifications importantes au texte.
Je citerai, en premier lieu, l'incrimination de la traite des êtres humains et
le renforcement des instruments de lutte contre le proxénétisme et contre
l'exploitation de toutes les formes de misère.
De même, afin de mieux protéger les victimes étrangères du proxénétisme, le
Sénat a prévu la possibilité de leur attribuer une carte de résident au cas où
elles auraient contribué à la condamnation de leur proxénète.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Et les expulsés sans jugement !
M. Jean-Patrick Courtois,
rapporteur.
Il a en outre prévu, sur proposition du groupe socialiste,
que certains établissements soient réservés et sécurisés afin d'accueillir les
victimes de la traite des êtres humains.
Le Sénat a ainsi marqué son souci de lutter contre les réseaux et de protéger
leurs victimes.
M. Michel Pelchat.
Très bien !
M. Jean-Claude Carle.
Bravo !
M. Jean-Patrick Courtois,
rapporteur.
Peut-on vraiment, dans ces conditions, dire que notre
assemblée ne fait pas son travail, comme l'ont prétendu certains orateurs ?
Le Sénat a par ailleurs complété les dispositions relatives aux fichiers
automatisés de police judiciaire afin d'en accroître l'efficacité, dans le
respect des libertés individuelles. Il a ainsi tenu à définir précisément la
finalité de ces fichiers.
S'agissant de la protection juridique des agents, le Sénat a prévu des
aggravations de peine en cas de meurtre ou de violence commis à l'encontre des
gardiens d'immeubles sociaux.
Il a tenu à étendre aux maires les aggravations de peines et la protection
juridique accordée par le texte aux personnes en charge de la sécurité.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Ils l'avaient déjà !
M. Jean-Patrick Courtois,
rapporteur.
Sur les armes enfin, le Sénat a obtenu du Gouvernement
l'assurance que son intention n'était pas de soumettre à déclaration l'ensemble
des armes de chasse.
(MM. Jacques Mahéas et Michel Dreyfus-Schmidt
s'exclament.)
Au vu de ces apports du Sénat, je crois que ceux qui ont affirmé un peu vite
que notre assemblée ne jouait pas son rôle devraient faire amende honorable.
Mais je ne me fais guère d'illusions !
On nous a reproché l'harmonie régnant entre la commission et le Gouvernement.
Mais je la revendique et je tiens, monsieur le ministre, à remercier vos
collaborateurs pour leur disponibilité, leur volonté constante de respecter nos
prérogatives, l'accueil toujours ouvert qu'ils ont réservé à nos
propositions.
Je me dois aussi de souligner tout spécialement, monsieur le ministre,
l'intérêt que vous avez apporté aux propositions des sénateurs. Votre sens de
l'écoute, votre volonté d'ouverture, votre recherche pragmatique et
systématique du meilleur dispositif législatif ont été particulièrement
appréciés par les membres de la Haute Assemblée.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Parlez seulement pour la majorité, s'il vous plaît !
M. Jean-Patrick Courtois,
rapporteur.
Tout à fait !
Pour ma part, il me semble plutôt rassurant qu'il puisse exister une harmonie
entre le Gouvernement et le Parlement, même si je comprends bien que cela
n'arrange pas les affaires de nos collègues de l'opposition !
M. Claude Estier.
Reconnaissez qu'il puisse y avoir une opposition !
M. Jean-Patrick Courtois,
rapporteur.
L'opposition a d'ailleurs elle-même bénéficié de votre
capacité d'écoute, monsieur le ministre.
M. Jean-Claude Carle.
Eh oui !
M. Jean-Patrick Courtois,
rapporteur.
Ce ne sont, en effet, pas moins de vingt-huit de ses
amendements qui ont été adoptés au cours de la discussion. C'est un exemple
assez rare qui mérite d'être souligné !
Je ne doute pas que nos collègues en tireront les conséquences lors du vote
qui interviendra dans quelques instants !
Le présent texte est un texte utile. C'est un texte nécessaire, qui a été
amélioré par le Sénat. Enfin, c'est un texte qui concrétise les engagements que
le Président de la République et le Gouvernement ont pris devant les Français.
(Très bien ! sur les travées du RPR.)
Aussi votre commission des lois vous en recommande-t-elle avec force, mes
chers collègues, son adoption.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des
Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines
travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Nicolas Sarkozy
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, compte
tenu de l'importance du sujet, je ne m'exprimerai pas sur le même ton qu'un
certain nombre d'intervenants.
Avant que le Sénat ne se prononce sur le projet de loi pour la sécurité
intérieure, dont les discussions furent très soutenues pendant trois jours, je
veux vous dire que j'ai ressenti ce débat comme un moment fort de démocratie ;
et cette appréciation est, dans mon esprit, très loin d'être formelle.
Qu'il me soit ici permis de remercier votre commission des lois, son
président, son rapporteur, à qui je veux rendre un hommage particulier pour son
travail remarquable, reconnaissant bien volontiers sa contribution personnelle,
ainsi que celle de tous les membres de la commission, à l'amélioration du
texte.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Vous vous renvoyez la balle !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre.
Monsieur le rapporteur, je sais toutes les concertations que
vous avez menées depuis plusieurs semaines à la fois par le biais des personnes
que vous avez auditionnées et au sein même des différents groupes de la
majorité sénatoriale. Vos propositions visant à améliorer le projet de loi ont
été très constructives. Vous dites qu'elles ont abouti à l'adoption de
soixante-trois amendements, j'en avais compté soixante-quatre, mais c'est
peut-être moi qui me trompe !...
(M. Michel Dreyfus-Schmidt
s'exclame.)
Tout au long de cette discussion, Jean-Patrick Courtois, votre compétence de
juriste, votre écoute et aussi votre humanité sur des sujets sensibles et
difficiles ont été, pour le Gouvernement, une aide extrêmement précieuse.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants
et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Je tiens à remercier également vos collaborateurs.
Il me semblerait inimaginable de revendiquer l'idée de la démocratie et, une
fois devant la Haute Assemblée, de n'accepter aucun amendement, de considérer
que les remarques des sénateurs, fussent-ils de la majorité, seraient
illégitimes. Laissons cela à des régimes qui ne sont pas démocratiques !
Lorsqu'un ministre vient devant une assemblée, notamment la Haute Assemblée, il
vient aussi pour écouter, pour amender et pour construire. Il est évident que
la majorité d'hier n'a pas toujours agi ainsi. Elle en a payé cher les
conséquences.
D'ailleurs, je le dis à l'opposition d'aujourd'hui, lorsque nous nous sommes
laissés aller nous aussi, dans le passé, à ne pas assez écouter notre majorité,
nous n'avons pas tardé à être sanctionnés.
La leçon ne vaut pas que pour la gauche, elle vaut aussi pour la droite et
pour le centre ; elle vaut pour le présent mais, surtout, pour le futur.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants, de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
Je veux rendre aussi un hommage tout particulier à tous ceux qui ont
participé au débat, tous groupes confondus. Cela prouve l'intérêt réel des
sénateurs pour ce projet de loi qui est en effet au coeur de l'action menée par
le Gouvernement.
Tous, vous avez été au rendez-vous que nous ont fixé les Français et vous avez
participé de manière passionnée, et souvent passionnante, à ce débat.
M. Jacques Mahéas.
Critique !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre.
Je remercie donc tous les représentants des groupes de la
majorité, présents, actifs, parfaitement cohérents avec l'engagement du
Gouvernement ; les amendements de la commission, ceux de MM. Türk, Nogrix et
Carle sont là pour témoigner de leur vigilance.
Je veux également rendre hommage à l'opposition sénatoriale
(Exclamations sur les travées du RPR)
dont vingt-huit amendements ont
été adoptés avec avis favorable du Gouvernement, même si neuf d'entre eux -
c'est vrai - étaient identiques à ceux de la commission.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
C'est le contraire ! Elle nous a copiés !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre.
Monsieur Dreyfus-Schmidt, pour une fois que je vous épargne,
restez tranquille !
(Rires et applaudissements sur les travées du RPR et des
Républicains et Indépendants.)
C'est plutôt une bonne nouvelle que, sur des sujets aussi difficiles et aussi
sérieux, l'opposition, la majorité, la commission et le Gouvernement soient
d'accord.
Peu importe la paternité ! C'est une question d'ego qui n'a aucun sens en
l'occurrence. Seul compte le résultat et le fait que, pour l'obtenir, nous
ayons été capables de nous entendre.
Lors de l'examen de certains articles du projet de loi, l'opposition a accepté
de les étudier sans esprit de système.
Messieurs Dreyfus-Schmidt et Mahéas, vos premiers propos avaient pu laisser
craindre une attitude de défiance. Mais, tout au long de la discussion, vous
avez su parfois être constructifs tout en défendant votre conception des
libertés individuelles avec une mesure relative. Cela me permet de relativiser
vos interventions lors de la discussion générale, dont vous me permettrez de
dire qu'elles s'apparentent plus à des figures imposées qu'à des contributions
intellectuelles au projet de loi que j'ai eu l'honneur de présenter.
(Très
bien ! et applaudissements sur les travées des RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. Jacques Mahéas.
Nous n'acceptons pas vos leçons !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre.
Vous avez - hélas ! - terminé comme vous aviez commencé !
Je veux également saluer l'apport de MM. Gautier et Charasse. La finesse de
juriste de ce dernier a bénéficié notamment, mais pas seulement, aux douaniers,
qu'il n'a jamais oubliés !
(Rires sur les mêmes travées.)
Je lui donne raison sur ce point, et je regrette beaucoup que, par un étrange
hasard, il ne soit pas là en cet instant.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Il est au congrès des maires de France !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre.
Je suis sûr en tout cas que vous lui transmettrez les
compliments du Gouvernement.
Madame Blandin, il semble que je vous ai blessée en vous traitant
d'intellectuelle. Je vous prie de m'en excuser. Je retire bien volontiers ce
que vous avez reçu comme une injure !
(Rires et applaudissements sur les
travées du RPR et des Républicains et Indépendants. - Exclamations sur les
travées du groupe socialiste et sur celles du groupe CRC.)
Mesdames, messieurs les sénateurs, ne m'en veuillez pas de m'imprégner à ce
point de la courtoisie sénatoriale ! J'ai bien des choses à apprendre. Mais,
comme vous le voyez, madame Blandin, j'essaie de progresser.
(Nouveaux rires
sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants. - Nouvelles
exclamations sur les travées du groupe socialiste et sur celles du groupe
CRC.)
M. Claude Estier.
Vous en rajoutez !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre.
Je voudrais aussi souligner la modération et l'humanité d'un
certain nombre de sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen, qui
nous ont permis, fort tard dans la nuit, de vivre des moments privilégiés. Ils
sortaient des clivages obligés tels que nous en avons connu, madame Borvo, à
propos de la prostitution.
Croyez bien qu'en vous disant cela je ne souhaite pas vous gêner. Je veux
simplement vous dire que si votre combat pour humaniser le sort des prostituées
était sincère, soyez persuadée que c'est avec la même sincérité que je vous ai
porté la contradiction.
Un sujet d'une telle importance méritait en effet que l'on laisse parler son
coeur, quel que soit son engagement politique. Vous l'avez fait. Comprenez que
je vous en rende hommage et que je le reconnaisse bien volontiers.
Monsieur le président, votre présidence attentive et éclairée nous a
grandement aidés ainsi que la vigilance de tous les vice-présidents qui ont
assuré la bonne tenue de ces débats.
Cent huit amendements ont été adoptés, soit plus d'un tiers de ceux qui
avaient été déposés sur ce projet de loi. C'est le signe de la vigueur et du
réalisme de nos discussions. C'est aussi le signe de l'utilité, de l'importance
et de la vitalité du Sénat !
(Applaudissements sur les travées du RPR, des
Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
Après un tel bilan, qu'il me soit permis de dire aux sénateurs, quelles que
soient les travées sur lesquelles ils siègent, que le Gouvernement de
Jean-Pierre Raffarin ne se pose pas de question sur l'utilité et sur la
modernité du Sénat !
(Bravo ! et applaudissements sur les travées du RPR,
des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste, ainsi que sur certaines
travées du RDSE.)
Je n'hésiterai pas non plus à dire aux sénateurs socialistes qui soutenaient
le gouvernement de Lionel Jospin que même leurs avis peuvent s'avérer très
utiles pour élaborer un texte sur la sécurité !
(Rires sur les travées du
RPR et des Républicains et Indépendants. - Exclamations sur les travées
socialistes.)
En ce qui concerne les gens du voyage, la prostitution, l'exploitation de la
mendicité, sujets sur lesquels les maires ont l'impression d'être seuls...
M. Jacques Mahéas.
Ils le resteront !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre.
Chacun d'entre nous a pris ses responsabilités.
Monsieur le président, le Gouvernement est très attentif à ces avancées qui
sont dues à la grande connaissance du terrain qu'ont tous les sénateurs.
Notre collaboration a prouvé que nous avons tous pris la mesure des
difficultés quotidiennes des Français, et que nous avions tous, en proposant
parfois des voies différentes, à coeur de les résoudre. Grâce au Sénat, les
Français les plus modestes, les plus faibles, les plus petits, mais aussi les
victimes, les innocents, ceux qui, au quotidien, travaillent dur, sans rien
demander à la société en échange, se sentiront pris en compte, représentés,
défendus, entendus.
Puissions-nous, tous ensemble, leur rendre confiance dans la parole publique !
Puissions-nous tous ensemble, grâce au vote du Sénat, leur rendre espérance
dans une action publique dont nos concitoyens doutent si souvent !
Une chose est de voter les textes de loi, autre chose est de les appliquer.
Monsieur Loridant, je veillerai donc à ce que, dans leur mise en oeuvre, ces
mesures soient, au quotidien, efficaces et, en même temps, profondément
respectueuses des valeurs républicaines qui nous rassemblent.
Ma mission, c'est d'agir et, grâce à vous, mesdames, messieurs les sénateurs,
grâce au Sénat, c'est désormais ce que je pourrai faire.
(Très bien ! et
applaudissements prolongés sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants, de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
M. le président.
Je vous remercie, monsieur le ministre, des compliments que vous avez adressés
au Sénat. Les sénateurs y ont été sensibles.
Nous ne doutons pas un seul instant que vous ferez partager cette appréciation
par tous vos collègues et que vous demeurerez constamment un avocat chaleureux
et courageux de cette institution.
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du
règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président.
Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
Nombre de votants | 320 |
Nombre de suffrages exprimés | 315 |
Majorité absolue des suffrages | 158 |
Pour l'adoption | 208 |
Contre | 107 |
Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
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