SEANCE DU 20 NOVEMBRE 2002
M. le président.
« Art. 20. - Après l'article L. 162-17-5 du code de la sécurité sociale, il
est inséré un article L. 162-17-7 ainsi rédigé :
«
Art. L. 162-17-7
. - L'entreprise qui exploite un médicament peut,
lorsque ce médicament présente, par son amélioration du service médical rendu,
un intérêt particulier pour la santé publique, demander à bénéficier d'une
procédure d'inscription accélérée sur la liste mentionnée au premier alinéa de
l'article L. 162-17.
« Un accord conclu en application du premier alinéa de l'article L. 162-17-4
ou, à défaut, un décret en Conseil d'Etat précise notamment les médicaments
auxquels cette procédure est applicable, les modalités de mise en oeuvre et la
nature des engagements que doit prendre l'entreprise. »
L'amendement n° 67, présenté par MM. Cazeau, Godefroy, Chabroux et Vantomme,
Mme Campion, M. Domeizel, Mme Printz et les membres du groupe socialiste et
apparenté, est ainsi libellé :
« Rédiger ainsi cet article :
« Avant l'article L. 162-18 du code de la sécurité sociale, il est inséré un
article ainsi rédigé :
«
Art. L. ...
- Par dérogation aux dispositions du premier alinéa de
l'article L. 162-16-4, l'entreprise qui exploite un médicament peut, lorsque ce
médicament présente une réelle valeur thérapeutique ajoutée, caractérisée par
une amélioration de service médical rendu majeure ou importante, et un intérêt
particulier pour la santé publique, demander à bénéficier d'une procédure
d'inscription accélérée sur la liste mentionnée au premier alinéa de l'article
L. 162-17.
« Un décret en Conseil d'Etat précise notamment les conditions requises pour
bénéficier de cette procédure, ses modalités de mise en oeuvre et la nature des
engagements que doit prendre l'entreprise. »
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy.
Nous estimons que les industriels pharmaceutiques peuvent être satisfaits des
dispositions de l'article 20 et nous reviendrons certainement sur ce point au
cours du débat ; ils pourront désormais non seulement commercialiser les
médicaments les plus innovants quelques semaines après avoir obtenu leur
homologation, mais aussi, c'est révolutionnaire, en fixer eux-mêmes les prix
pendant une période de six mois ; c'est du moins ce que l'on nous a dit.
Si l'on imagine parfaitement tout le bénéfice que pourraient retirer nombre de
patients d'un accès accéléré aux molécules les plus innovantes et si l'on veut
bien accepter l'idée que les entreprises doivent rentabiliser leurs innovations
et générer de l'argent pour la recherche, il nous appartient, pourtant, de
veiller à ce qu'un tel dispositif soit encadré au mieux afin d'éviter dérives
et les répercussions néfastes sur notre système de santé. Je pense notamment
aux coûts exorbitants pour la solidarité nationale au profit de l'industrie
pharmaceutique mais sans bénéfice pour la santé publique.
L'objet de cet amendement est donc de mieux définir les produits susceptibles
d'obtenir une liberté tarifaire, notamment par la fixation du niveau de
l'amélioration du service médical rendu - I ou II - et la prise en compte du
critère de valeur thérapeutique ajoutée.
Il serait en effet inadmissible qu'un certain nombre de médicaments ou de
principes actifs nouveaux, sans valeur ajoutée thérapeutique réelle et qui
n'apporteraient pas ou peu d'amélioration au service médical rendu par rapport
à l'existant, entrent néanmoins sur le marché à prix libre.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Défavorable.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-François Mattei,
ministre.
Egalement défavorable.
M. le président.
La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.
M. Guy Fischer.
Nous voterons pour l'amendement n° 67, qui vise à mieux encadrer la liberté
laissée aux laboratoires de fixer eux-mêmes le prix d'un médicament innovant,
rendant un service médical manifestement important aux patients et devant, par
conséquent, être mis à la disposition de ceux-ci très rapidement.
Sur le principe, nous pensons que la liberté des prix n'est pas acceptable
concernant les médicaments. Nous n'acceptons pas qu'ils soient considérés comme
une marchandise quelconque, alors qu'il ne s'agit pas de n'importe quelle
marchandise.
Il convient donc ici d'encadrer au mieux cette liberté tarifaire. Le
Gouvernement pourrait-il nous préciser quelles spécialités bénéficieront d'une
procédure d'inscription accélérée sur la liste mentionnée au premier alinéa de
l'article L. 162-17 du code de la sécurité sociale ?
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Adrien Gouteyron,
rapporteur pour avis de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Je souhaite profiter de la discussion
de cet amendement pour dire un mot de l'article 20 et demander à M. le ministre
de nous préciser un certain nombre de points.
Tout le monde sait que les patients français attendent plus longtemps que
d'autres l'accès aux progrès thérapeutiques. J'ai là, sous les yeux, un
graphique qui fait apparaître combien, en France, la procédure est longue.
Elle est longue parce qu'elle est précautionneuse. On en comprend l'intérêt,
et loin de moi l'idée de le contester !
Hier, au cours de mon intervention, j'ai fait allusion, monsieur le ministre,
à la procédure de dépôt de prix accéléré. J'aimerais vous demander quelques
éclaircissements à ce sujet après avoir entendu les déclarations du président
du comité économique des produits de santé, M. Renaudin.
Je sais bien que l'innovation est un vocable difficile à définir et qu'il est
même difficile d'en préciser les degrés, mais j'ai relevé dans la déclaration
de M. Renaudin une phrase qui m'a un peu inquiété : « La question de
l'innovation n'a pas de sens, car on ne peut pas la résoudre ». Il faut bien
que cela ait un sens, sans quoi la procédure que vous envisagez perdrait toute
son efficacité et tout son sens !
Monsieur le ministre, à propos de l'article 20, quelles sont les intentions du
Gouvernement ?
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-François Mattei,
ministre.
M. Adrien Gouteyron pose une question qui va nous permettre
d'éclairer la Haute Assemblée sur une procédure nouvelle.
Voici comment les choses devraient désormais se passer.
La commission de transparence décide si, oui ou non, il est possible d'adopter
la nouvelle procédure. Dès lors, l'industriel fera une offre au comité
économique des produits de santé, qui donnera sa réponse. Il n'y aura pas de
négociation.
Avant de donner une réponse positive, il veillera naturellement à ce que
l'offre soit compatible avec les prix pratiqués pour des produits semblables
européens. Nous allons donc vers des prix « eurocompatibles ». Dans le cas
d'une réponse négative, il faudra reprendre la procédure traditionnelle.
Autrement dit, les professionnels du médicament ont intérêt, dès lors que la
commission de transparence leur accorde la possibilité d'un dépôt de prix
accéléré, à proposer un prix juste, sous peine de se heurter à un refus du
comité économique du médicament.
Je voudrais ajouter deux choses.
L'essentiel de la mise en oeuvre de ces dispositions sera défini plus
précisément dans l'accord sectoriel qui sera inclus, vous le savez, dans la
loi. Mais il n'est pas possible de préjuger le contenu de cet accord.
J'en viens aux propos de M. Renaudin.
L'innovation correspond aux classes 1 et 2 des améliorations du service
médical rendu, les ASMR. Faut-il pour autant limiter l'innovation à ces deux
niveaux ? C'est là où ce propos donne lieu à une possibilité d'interprétation.
Le caractère innovant pourra éventuellement être attribué à certains produits
de la classe 3, à condition qu'ils apportent quelque chose de nouveau, même si
le service médical rendu n'est pas de premier plan.
L'innovation, cela suppose l'apport de quelque chose de nouveau. On a trop
souvent vu proposer à l'innovation des médicaments qui n'étaient que le mélange
de deux produits déjà existants ou qui n'avaient fait l'objet que d'une
nouvelle présentation, ou encore d'une nouvelle posologie. Il doit s'agir d'un
médicament nouveau que les médecins prescriraient.
M. le président.
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Godefroy.
Je suis très heureux de la question complémentaire posée par M. Gouteyron, car
elle a permis à M. le ministre de nous répondre, même si sa réponse ne va pas
dans le sens que nous souhaitions.., plutôt que donner seulement un avis
défavorable à notre amendement, sans commentaire.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 67.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix l'article 20.
(L'article 20 est adopté.)
Article 21