SEANCE DU 20 NOVEMBRE 2002
M. le président.
L'amendement n° 165, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« Avant l'article 24, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Il est inséré au titre II du livre III de la sixième partie du code de
la santé publique un chapitre V ainsi rédigé :
« Chapitre V
« Permanence des soins
« Art. L. 6325-1. - Sous réserve des missions dévolues aux établissements de
santé, les médecins mentionnés à l'article L. 162-5, dans le cadre de leur
activité libérale, et à l'article L. 162-32-1 du code de la sécurité sociale,
participent, dans un but d'intérêt général, à la permanence des soins dans des
conditions et selon des modalités d'organisation définies par un décret en
Conseil d'Etat. »
« II. - A l'article L. 162-5 du code de la sécurité sociale est ajouté un 15°
ainsi rédigé :
« 15° Les modes de rémunération par l'assurance maladie, le cas échéant autres
que le paiement à l'acte, de la participation des médecins au dispositif de
permanence des soins en application des dispositions prévues à l'article L.
6325-1 du code de la santé publique. »
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-François Mattei,
ministre.
C'est un point important, car cet amendement n'a pas été
discuté à l'Assemblée nationale : il s'agit de reconnaître que la permanence
des soins relève de l'intérêt général.
Nous n'aurions pas été amenés à discuter de cette question si, l'année
dernière, les médecins généralistes ne s'étaient pas mis en grève pendant sept
mois. Une fois en grève, ils se sont affranchis de l'obligation des gardes et
ils ont découvert que, finalement, une bonne nuit, c'était plutôt agréable.
Certains rechignent donc à reprendre le système de garde.
J'ai confié au sénateur honoraire Charles Descours la difficile mission de
mener à bien une négociation avec tous les partenaires, de sorte que notre pays
retrouve enfin une permanence de soins médicaux digne de ce nom et, surtout,
que soient allégées nos urgences.
M. Alain Gournac.
C'est certain !
M. Jean-François Mattei,
ministre.
Car, en l'absence de système médical de garde, les urgences ne
peuvent plus faire face.
M. Alain Gournac.
Bien sûr !
M. Jean-François Mattei,
ministre.
A l'évidence, des problèmes de rémunération se posent : les
médecins assurant des gardes soulèvent la question des gardes qui pourraient
être prises soit dans des maisons médicales de garde, soit par téléphone - un
centre « 15
bis »
-, soit dans d'autres circonstances.
La question qui se pose est de savoir si ces gardes seront rémunérées au
forfait, à l'acte, ou s'il s'agira d'un panaché des deux. Pour que ces gardes
puissent être payées au forfait, il faut que la permanence des soins soit
reconnue comme un service d'intérêt général. Telle est donc la disposition que
je vous demande d'adopter aujourd'hui et qui nous permettra d'aller plus
vite,...
M. Nicolas About,
président de la commission des affaires sociales.
Tout à fait !
M. Jean-François Mattei,
ministre.
... après les conclusions de la mission de Charles Descours,
pour rétablir la permanence des soins et rémunérer justement les praticiens qui
l'assureront.
M. Alain Gournac.
C'est une très bonne mesure !
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
La commission est tout à fait favorable à cet amendement, qui
va dans le sens de ses attentes. Il répond, en effet, au souci de rendre plus
efficace l'action des professionnels de santé et de mieux couvrir l'ensemble du
territoire. L'engagement de ces médecins leur permettra donc de bénéficier
d'une rémunération adaptée à ce service.
M. le président.
La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.
M. Guy Fischer.
Nous voterons cet amendement du Gouvernement. En fait, il traduit le problème
du service des urgences et les difficultés de plus en plus grandes auxquelles
est confronté le corps médical pour assurer dans de très bonnes conditions, y
compris de sécurité, les astreintes.
Nous savons fort bien en effet que, aujourd'hui, notamment dans les zones
urbaines, mais également parfois dans les zones rurales, il est très difficile
d'obtenir un médecin en urgence. Les attentes sont longues, ce qui accroît
notamment les angoisses des familles des patients qui attendent un médecin dans
des conditions particulières, souvent la nuit et le week-end.
Un certain nombre d'outils, en particulier des maisons médicales de garde, se
développent actuellement. Dans ma ville a été inaugurée la première maison
médicale de garde de la région Rhône-Alpes. Je sais que d'autres projets sont
financés par l'union régionale des caisses d'assurance maladie, l'URCAM,
etc.
Il nous faut réfléchir à l'accès aux soins qui sera proposé dans les quartiers
qui se trouvent confrontés à de grandes difficultés : je pense aux grands
ensembles, à la démographie médicale. Dans certains quartiers, beaucoup de
cabinets médicaux ont fermé leur porte, le personnel médical est moins
nombreux, de sorte qu'il est très difficile de faire appel à un médecin, à une
infirmière ou à une aide-soignante.
Vous venez de nous faire une proposition. Nous la voterons ! Mais je voulais
attirer votre attention sur cette réalité, que vous n'ignorez pas.
M. le président.
La parole est à M. Alain Gournac, pour explication de vote.
M. Alain Gournac.
Monsieur le ministre, bien évidemment, je soutiendrai votre amendement, encore
plus que mes collègues, parce que j'ai besoin de la présence des médecins de
garde. Dans ma circonscription, l'hôpital de Saint-Germain-en-Laye n'assure
plus les urgences à partir de dix-huit heures jusqu'au lendemain matin. Avec
cet amendement, monsieur le ministre, en attendant de rétablir le service des
urgences au centre hospitalier de Saint-Germain-en-Laye, vous allez nous offrir
la possibilité d'avoir des médecins de garde. C'est une très bonne mesure !
M. le président.
La parole est à M. Dominique Leclerc, pour explication de vote.
M. Dominique Leclerc.
Monsieur le ministre, je soutiendrai, moi aussi, cette initiative, car elle va
dans le bon sens sous deux aspects.
D'abord, du point de vue de la permanence des soins, cette mesure est très
importante. Je puis en témoigner aussi, car, dans mon département, cette
permanence de soins est en train de se mettre en place.
Le deuxième aspect du problème, c'est la pénurie des médecins de ville.
Découragés, fatigués, ceux-ci ont du mal à assurer le service des urgences.
Aujourd'hui, le centre « 15 » regroupe le secteur public hospitalier et le
secteur de la médecine de ville, ce qui représente déjà une avancée
considérable en matière de permanence des soins.
L'autre avancée est d'ordre technique : l'accueil téléphonique est assuré par
un personnel médical. Aujourd'hui, le débordement des urgences que l'on déplore
est souvent dû au fait que celles-ci accueillent des populations qui n'ont pas
obligatoirement besoin d'un service médical. Dans nos quartiers, nous le vivons
tous les jours : ces populations demandent souvent, par méconnaissance ou par
obligation, une réponse médicale à leur désarroi moral ou social.
A cet égard, monsieur le ministre, certains départements voisins plus avancés
ont constaté une chute spectaculaire du nombre des urgences grâce à la réponse
in situ
d'un médecin.
Enfin, et je rejoins là la préoccupation de mes collègues, il faut savoir que
l'on est attentif, à juste titre, à la réponse qui est apportée sur l'ensemble
d'un territoire. Mais notre première cohérence, celle qui est la plus proche de
chez nous, c'est le département. Dans mon département, le conseil général est
en train de travailler avec les professionnels publics et privés pour apporter
une réponse matérielle à l'échelle du canton. Nous avons là cette fameuse
réponse de proximité, et en permanence. Par conséquent, nous ne pouvons
qu'encourager cette initiative.
Des conflits peuvent surgir avec des associations : je pense à SOS Médecins,
très présent et très efficace, mais la démarche n'est pas tout à fait la même.
Tout à l'heure, je parlais d'une réponse entièrement médicalisée dès l'instant
où l'appel avait été filtré. La logique n'est pas obligatoirement territoriale
sur ce plan-là. C'est donc, je le répète, une bonne avancée.
M. le président.
La parole est à M. Gilbert Barbier, pour explication de vote.
M. Gilbert Barbier.
Je vous prie de m'excuser de ne pas chanter à l'unisson : je m'interroge sur
ce que cache cette mesure.
Monsieur le ministre, comment allez-vous concrètement organiser la permanence
des services, même avec le motif d'intérêt général ? A défaut d'un calendrier
de gardes précis et de personnes pour les assurer, comment ferez-vous ?
Allez-vous procéder par réquisition ?
(M. le ministre fait signe de
dénégation.)
Le critère d'intérêt général vous permettra-t-il d'intervenir
de manière autoritaire ?
Je pense que cette mesure n'était pas nécessaire : pour discuter valablement
avec les associations et les groupements de médecins d'un secteur géographique
donné, il suffit, et vous le savez, de rémunérer les gardes à leur juste
valeur. Et le problème sera résolu !
Je souhaite donc que cette permanence de soins puisse être organisée plus par
la concertation que par la contrainte.
M. le président.
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Godefroy.
Je rejoins ceux de nos collègues qui viennent de s'exprimer. Toutefois, je
suis un peu en désaccord avec M. Barbier s'agissant de la solution du
volontariat : personnellement, je l'ai essayée dans ma commune pendant très
longtemps, mais cela n'a pas fonctionné.
Je crois donc qu'un texte qui reste incitatif tout en permettant de régler les
problèmes est une avancée indéniable. C'est la raison pour laquelle, avec mes
collègues du groupe socialiste, je voterai cet amendement.
M. Alain Gournac.
Très bien !
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-François Mattei,
ministre.
Je remercie tous les intervenants de leur assentiment et je
rassure M. Barbier : il n'y aura ni contrainte ni réquisition.
Ce que nous sommes en train de faire, ou plus exactement ce qu'est en train de
faire votre ancien collègue M. Charles Descours, c'est d'obtenir de l'ensemble
des partenaires un accord pour que le dispositif fonctionne. Reste que
l'affaire est beaucoup plus compliquée qu'il n'y paraît, car un certain nombre
de femmes choisissent désormais de faire des études de médecine mais sans avoir
forcément le même désir que les hommes de s'impliquer dans des gardes de nuit :
leur mode de vie est différent ; elles peuvent avoir des enfants à élever.
Ainsi, sans aller jusqu'au volontariat absolu, nous cherchons véritablement la
voie consensuelle. Je ne veux pas dévoiler par avance les conclusions du groupe
de travail de M. Descours, mais je puis vous dire que nous cheminons.
M. Alain Gournac.
Très bien !
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 165.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi, avant l'article 24.
Article 24