SEANCE DU 20 NOVEMBRE 2002
M. le président.
Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
L'amendement n° 54, présenté par MM. Godefroy et Chabroux, Mme Campion, MM.
Cazeau et Domeizel, Mme Printz, M. Vantomme et les membres du groupe
socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :
« Après l'article 36, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Au cinquième alinéa du 3° du I de l'article 41 de la loi de financement de
la sécurité sociale pour 1999 (n° 98-1194 du 23 décembre 1998), les mots : "les
salariés ou anciens salariés reconnus atteints au titre du régime général d'une
maladie professionnelle provoquée par l'amiante et figurant sur une liste
établie par arrêté des ministres chargés du travail et de la sécurité sociale"
sont remplacés par les mots : "toutes personnes reconnues atteintes d'une
maladie professionnelle provoquée par l'amiante et figurant aux tableaux des
maladies professionnelles prévues du régime général". »
L'amendement n° 134, présenté par Mme Beaudeau, M. Fischer, Mme Demessine, M.
Muzeau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi
libellé :
« Avant l'article 35, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Dans le huitième alinéa du I de l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23
décembre 1998 de financement de la sécurité sociale pour 1999, les mots : "les
salariés ou anciens salariés reconnus atteints au titre du régime général d'une
maladie professionnelle provoquée par l'amiante et figurant sur une liste
établie par arrêté des ministres chargés du travail et de la sécurité sociale"
sont remplacés par les mots : "toutes les personnes reconnues
professionnellement atteintes d'une maladie provoquée par l'amiante et figurant
aux tableaux 30 et 30
bis
prévus par le code de la sécurité sociale".
»
L'amendement n° 163 rectifié, présenté par MM. César, Murat, Bailly, Besse,
Bizet, Cazalet, Doublet, Dubrule, Flandre, François, Gérard, Goulet, Leclerc et
Le Grand, est ainsi libellé :
« Après l'article 36, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le huitième alinéa du I de l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23
décembre 1998 de financement de la sécurité sociale pour 1999 est ainsi rédigé
:
« Ont également droit, dès l'âge de cinquante ans, à l'allocation de cessation
anticipée d'activité les personnes reconnues atteintes, au titre du régime
général ou du régime d'assurance contre les accidents du travail et les
maladies professionnelles des salariés agricoles, d'une maladie professionnelle
provoquée par l'amiante et figurant sur une liste établie par arrêtés des
ministres chargés du travail, de la sécurité sociale et de l'agriculture. »
« II. - Le deuxième alinéa du II dudit article est complété par la phrase
suivante : "Pour les personnes reconnues atteintes, au titre du régime
d'assurance contre les accidents du travail et les maladies professionnelles
des salariés agricoles, d'une maladie professionnelle, l'allocation est
attribuée et servie par les caisses de mutualité sociale agricole."
« III. - Au III dudit article :
« - Dans la seconde phrase du premier alinéa, les mots : "de la branche
accidents du travail et maladies professionnelles du régime général de la
sécurité sociale" sont remplacés par les mots : "des branches accidents du
travail et maladies professionnelles du régime général de la sécurité sociale
et du régime des salariés agricoles". »
« - Dans la première phrase du deuxième alinéa, après les mots : "à l'article
L. 221-4 du code de la sécurité sociale", sont insérés les mots : ", des
représentants du conseil central d'administration de la mutualité sociale
agricole mentionné à l'article L. 723-32 du code rural". »
« IV. - Dans le deuxième alinéa du IV dudit article, après les mots : "des
prestations en nature des assurances maladie et maternité", les mots : "du
régime général" sont remplacés par les mots : "du régime dont elles relevaient
avant la cessation d'activité". »
Le sous-amendement n° 172, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé
:
« Rédiger ainsi le deuxième alinéa du III du texte proposé par l'amendement n°
163 rectifié :
« - Dans la seconde phrase du premier alinéa, les mots : "et d'une
contribution de la branche accidents du travail et maladies professionnelles du
régime général de la sécurité sociale dont le montant est fixé chaque année par
la loi de financement de la sécurité sociale" sont remplacés par les mots :
"d'une contribution de la branche accidents du travail et maladies
professionnelles du régime général de la sécurité sociale dont le montant est
fixé chaque année par la loi de financement de la sécurité sociale et d'une
contribution de la branche accidents du travail et maladies professionnelles du
régime des salariés agricoles dont le montant est fixé chaque année par arrêté
des ministres chargés de la sécurité sociale, du budget et de l'agriculture".
»
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour présenter l'amendement n° 54.
M. Jean-Pierre Godefroy.
La législation actuelle exclut du dispositif de l'ACAATA les victimes d'une
maladie professionnelle non reconnue au titre du régime général. Cet amendement
vise donc à intégrer les fonctionnaires dans le dispositif de cessation
anticipée d'activité des travailleurs victimes de l'amiante, notamment les
enseignants des lycées professionnels qui ont pu être exposés, mais aussi tous
les autres fonctionnaires qui ont été concernés par ce problème.
En Basse-Normandie - c'est évidemment un dossier que vous connaissez bien,
madame la ministre -, des entreprises importantes et leurs salariés ont été ou
sont éminemment concernés ; je mentionnerai notamment Moulinex, la SMN, Société
minière de Normandie, ou la direction des constructions navales.
Il en est en fait de l'amiante un peu comme du tabagisme. On peut parler
d'exposition « active » et d'exposition « passive ».
Ont subi une exposition « active » tous ceux qui ont travaillé au contract
direct de l'amiante : cela veut dire - je le sais par expérence professionnelle
- avoir été amené régulièrement à mettre des gants en amiante, des bottes en
amiante, un tablier en amiante, à répandre de l'amiante pour se protéger de la
chaleur quand on soudait les coques de sous-marins.
Cela, c'est ce qui se passait dans les ateliers.
Cependant, dans la construction navale, outre les travailleurs de l'Etat, qui
ne sont pas des fonctionnaires, il y a des fonctionnaires : les cadres, les
ingénieurs, les administratifs, qui ont subi une contamination « passive » et
qui, pour l'instant, en tant que fonctionnaires, sont exclus de
l'indemnisation. Cet amendement vise à leur permettre de bénéficier du
dispositif.
Pardonnez-moi d'en parler avec émotion, mais c'est un problème que je vis
quotidiennement. L'amiante, c'est tout bonnement épouvantable ; c'est une
asphyxie que vous ressentez chaque jour un peu plus.
En acceptant cet amendement qui ouvre le droit à indemnisation pour les
fonctionnaires, notamment ceux qui ont travaillé pour la défense nationale et
dans l'enseignement, vous feriez un geste qui serait très apprécié, madame la
ministre.
M. le président.
La parole est à M. Roland Muzeau, pour présenter l'amendement n° 134.
M. Roland Muzeau.
Le dispositif de cessation anticipée d'activité concerne les salariés et
anciens salariés des entreprises de traitement de l'amiante et de fabrication
de matériaux contenant de l'amiante relevant du secteur privé, ainsi que les
salariés atteints d'une maladie professionnelle provoquée par l'amiante.
La loi de financement de la sécurité sociale pour 2002 a étendu ce dispositif
aux salariés et anciens salariés des entreprises de réparation et de
construction navales ainsi qu'aux dockers professionnels du secteur privé.
En revanche, du fait de leur qualité de fonctionnaire, les agents de la
fonction publique nationale, territoriale et hospitalière ne sont pas autorisés
à bénéficier de l'ACAATA, exception faite des ouvriers de l'Etat relevant du
ministère de la défense employés dans des établissements de construction et de
réparation navales de ce ministère depuis le décret n° 2001-1269 du 21 décembre
2001.
Ces ouvriers ont en effet désormais la possibilité de bénéficier d'une
allocation spécifique de cessation anticipée d'activité, et l'article 41 de la
loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 étend le bénéfice de
l'ACAATA aux salariés relevant du code du travail, excluant donc tous les
fonctionnaires, à l'exception de ceux qui sont pris en charge par un dispositif
similaire qui leur est propre.
Les modalités d'attribution de l'ACAATA créent donc une forte et injustifiable
inégalité entre ces agents de la fonction publique, d'une part, et les salariés
du régime général et les ouvriers du ministère de la défense, d'autre part. Or
rien ne justifie une telle discrimination au regard de la nature et des degrés
d'exposition à l'amiante ainsi que des préjudices communément subis de la même
manière par ces agents et par ces salariés.
Nul n'ignore que nombre de professeurs - on connaît bien le cas de ceux de
Jussieu -, d'agents de la fonction publique territoriale mais aussi
hospitalière ont été exposés à l'amiante. Des ouvriers, des agents d'entretien,
des ajusteurs travaillant, par exemple, dans les hôpitaux ont été régulièrement
et durant des décennies exposés à l'amiante. Certains en sont d'ailleurs morts
aujourd'hui.
L'Etat ne peut ignorer plus longtemps ces personnels. L'absence de
dispositions de cessation d'activité anticipée pour les fonctionnaires ayant
travaillé au contact de l'amiante viserait-elle à jeter un voile sur la
responsabilité de l'Etat employeur dans l'utilisation de l'amiante durant des
décennies, malgré une dangerosité connue de longue date ?
Dans une réponse à une question écrite que Mme Beaudeau lui avait adressée,
publiée au
Journal officiel
du 29 septembre 2002, Mme la ministre de la
défense évoquait un « projet de dispositif devant être inscrit au programme de
travail gouvernemental du second semestre 2002 » concernant les fonctionnaires,
à l'exception des ouvriers du ministère de la défense.
Aucune mesure n'ayant, pour l'heure, été prise dans ce sens, et au vu de
l'urgence réelle qu'il y a à transposer l'ACAATA pour les agents de la fonction
publique, je vous invite, mes chers collègues, à voter cet amendement, qui tend
à permettre aux personnels de l'Etat de bénéficier d'une cessation d'activité
anticipée.
Cet amendement constitue en fait la concrétisation d'un projet dont Mme la
ministre de la défense affirme qu'il fait l'objet d'un assentiment de la part
du Gouvernement.
M. le président.
La parole est à M. Dominique Leclerc, pour défendre l'amendement n° 163
rectifié.
M. Dominique Leclerc.
Cet amendement vise à étendre le dispositif relatif à l'amiante aux salariés
agricoles âgés d'au moins cinquante ans et reconnus atteints d'une maladie
professionnelle provoquée par l'amiante. La mutualité sociale agricole serait
mise à contribution pour attribuer et servir l'allocation.
M. le président.
La parole est à Mme la ministre, pour défendre le sous-amendement n° 172.
Mme Nicole Ameline,
ministre déléguée.
Les auteurs de l'amendement n° 163 rectifié proposent
que les salariés agricoles victimes d'une maladie liée à l'amiante puissent
bénéficier d'une allocation de cessation anticipée dans les mêmes conditions
que les salariés du régime général et que cette mesure soit financée sur une
dotation du régime des salariés agricoles.
Le Gouvernement est favorable à cet amendement, sous réserve de l'adoption
d'un sous-amendement destiné à faciliter la gestion du dispositif en renvoyant
à un simple arrêté, compte tenu du faible montant prévisible de la contribution
de la branche accidents du travail-maladies professionnelles des salariés
agricoles, le soin de fixer ce montant.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Les amendements n°s 54 et 134 ont le même objet. D'ailleurs,
pour gagner du temps, leurs auteurs auraient pu s'entendre de manière à faire
une présentation commune.
M. Jean-Pierre Godefroy.
Nous n'avons pas fait l'UMP !
(Sourires.)
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Vous voudriez bien, mais vous avez des difficultés !
M. Jean-Pierre Godedroy.
Au Sénat, ce n'est pas encore fait non plus !
(Nouveaux sourires.)
M. Guy Fischer.
Oui, ça paraît difficile de faire l'UMP, ici !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Quoi qu'il en soit, même si nous comprenons les
préoccupations de leurs auteurs, nous ne pensons pas possible de les suivre, et
cela pour deux raisons principales.
D'abord, le dispositif qui a été mis en place ne concerne que le régime
général et le régime des ouvriers de l'Etat. Je rappelle qu'il existe un
système de préretraite spécifique au régime général.
Ensuite, le dispositif actuel est financé exclusivement par le régime général.
Or ces amendements tendent à l'étendre aux fonctionnaires, qui ne relèvent pas
du régime général. Se pose donc un problème de financement.
C'est la raison pour laquelle, sans nier l'intérêt de l'objectif que vous
voulez atteindre, mes chers collègues, la commission ne peut accepter ces deux
amendements.
En revanche, la commission émet un avis favorable sur l'amendement n° 163
rectifié. On pourrait en conclure que nous faisons ainsi preuve de
discrimination à l'égard des fonctionnaires. En réalité, ce qu'il est possible
de faire pour les salariés agricoles, il n'est pas possible, à l'heure
actuelle, de l'envisager pour les fonctionnaires. Les objections que j'ai
soulevées tout à l'heure à propos des deux autres amendements ne sont, en
effet, pas opposables à celui-ci, qui concerne exclusivement les salariés
agricoles. Dans le cas de ces derniers, il est prévu que le régime agricole
assumera le financement du dispositif.
Le sous-amendement n° 172 n'a pas pu être examiné par la commission. Il vise à
prévoir que la dotation du régime des salariés agricoles au FCAATA est fixée
chaque année, compte tenu de son montant prévisionnel très modique, par un
simple arrêté ministériel. Pourquoi pas ?
Si cela répond à un souci de simplification, je propose de donner un avis de
sagesse sur ce sous-amendement, à moins que les membres de la commission ne
demandent une réunion pour l'examiner.
(Sourires.)
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Ameline,
ministre déléguée.
Sans revenir sur les arguments qui ont été développés
par M. le rapporteur, avec lesquels le Gouvernement est d'accord, et malgré la
sensibilité particulière qui est la nôtre sur les problèmes qui ont été évoqués
- vous savez, monsieur Godefroy, combien j'y attache personnellement de
l'intérêt, notamment en ce qui concerne la Basse-Normandie, nous demandons le
rejet des amendements n°s 54 et 134.
M. le président.
La parole est à M. Roland Muzeau, pour explication de vote sur l'amendement n°
54.
M. Roland Muzeau.
Je trouve étonnant que, depuis que nous avons entamé l'examen de la section 1
du titre IV relative aux accidents du travail et aux maladies professionnelles,
vous nous disiez systématiquement : « Oui, vous avez raison, le sujet que nous
évoquons est grave, nous savons qu'il existe des situations extrêmement
douloureuses, mais il nous faut attendre, des commissions d'étude sont en
cours, des travaux vont être rendus, etc. » Vous ne dites pas quel est le fond
de votre pensée ni quelle sera l'action du Gouvernement dans les faits. Vous
entendez rejeter purement et simplement les mesures que nous proposons, qui
sont des mesures de justice sociale, attendues par des dizaines de milliers de
salariés.
Vous ne pouvez pas laisser entendre, madame la ministre, monsieur le
rapporteur, qu'il s'agit de simples surenchères, en nous renvoyant à d'inutiles
commissions, et l'on a le sentiment de baigner dans une totale incertitude
depuis le début du débat sur ces questions qui sont pourtant très graves.
Aujourd'hui, des salariés, qu'ils appartiennent au secteur public ou au secteur
privé, sont en train de mourir, et d'autres voient la maladie se déclarer.
Vous savez pourtant qu'en cas de mésothéliome il faut compter vingt ans avant
que la maladie ne se déclare.
Les amendements que j'ai déposés depuis le début de l'examen du titre IV
visent à empêcher que ne se prolonge indéfinitivement l'attente de certains
malades et de leurs familles.
Ayez la franchise de dire que vous n'êtes pas d'accord pour leur rendre
justice, plutôt que de prétendre le contraire tout en repoussant les
propositions que nous formulons, alors que vous savez pertinemment, madame la
ministre, que les conclusions du monde associatif, des organisations syndicales
et les jugements rendus systématiquement en faveur des salariés vont dans le
même sens et justifient que nos amendements soient pris en compte.
A M. Alain Vasselle, qui craint que nous ne l'accusions d'établir une
discrimination positive en faveur des salariés agricoles, je rétorque que nous
ne ferions jamais, à l'évidence, une chose pareille ! Les salariés agricoles
qui sont victimes de l'amiante doivent, comme les autres, obtenir satisfaction.
Je n'aurai donc aucune difficulté à voter l'amendement n° 163 rectifié. Pour
autant, l'argument selon lequel il faudrait donner satisfaction aux salariés
agricoles « parce que cela ne coûte pas cher », comme vous l'avez dit, est
indéfendable !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Non, nous n'avons pas dit cela !
M. Roland Muzeau.
Ce qui coûte abominablement cher, c'est surtout le résultat en termes de vies
humaines : 100 000 victimes, c'est le chiffre que l'on devrait méditer sur
l'ensemble de ces travées.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit !
M. le président.
La parole est à M. Jean Chérioux, pour explication de vote.
M. Jean Chérioux.
Je suis étonné parce que, en réalité, nous sommes dans un débat consensuel,
tout le monde le sait, et M. le rapporteur et Mme la ministre ont bien montré
que nous étions à l'évidence tous d'accord sur ce problème dramatique de
l'amiante.
Néanmois, il faut bien reconnaître, monsieur Muzeau, qu'un certain nombre des
propositions que vous avez formulées n'ont pas leur place dans ce débat. C'est
notamment le cas lorsque vous proposez, dans le cadre de la législation sur les
accidents du travail, de régler les problèmes de personnes ne relevant pas de
la branche accidents du travail du régime général. Il ne faut pas déplacer les
responsabilités.
Il est vrai qu'il est urgent de régler ces problèmes, mais permettez-moi tout
de même de souligner que cette urgence existait déjà l'année dernière et que
vous n'avez pas posé le problème !
M. Roland Muzeau.
Nous soulevons ces questions depuis des années !
M. le président.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Nicole Ameline,
ministre déléguée.
Monsieur Muzeau, je ne cherche nullement à esquiver
les problèmes ; je partage naturellement la sensibilité qui est la vôtre quant
à la prise en charge des victimes de l'amiante, mais je tiens à nouveau à
préciser que le FCAATA, lorsqu'il a été créé en 1999, concernait exclusivement
les salariés du secteur privé. Peut-être y avait-il là un défaut de conception.
Mais, en tout état de cause, nous sommes aujourd'hui face à une réalité, qui
est aussi financière et qui nous empêche de répondre à un certain nombre
d'évolutions. En tout cas, il me déplaît que vous insinuiez, de près ou de
loin, que le Gouvernement se réfugie dans des arguments de façade qui, encore
une fois, ne sont pas les miens.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 54.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 134.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix le sous-amendement n° 172.
(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président.
Je constate que ce sous-amendement a été adopté à l'unanimité des suffrages
exprimés.
M. Jean Chérioux.
Vous voyez qu'il y a parfois des amendements qui sont votés à l'unanimité !
M. Guy Fischer.
Il faudrait que ce soit dans les deux sens !
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 163 rectifié, modifié.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
L'amendement n° 55, présenté par MM. Godefroy et Chabroux, Mme Campion, MM.
Cazeau et Domeizel, Mme Printz, M. Vantomme et les membres du groupe
socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :
« Après l'article 36, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Après le premier alinéa du II de l'article 41 de la loi de financement de la
sécurité sociale pour 1999 (n° 98-1194 du 23 décembre 1998), il est inséré un
alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque le salarié a connu une diminution de salaire consécutive à
l'interdiction de l'amiante ou pour toute autre raison liée à l'exposition à
cette substance, il doit être tenu compte du salaire le plus avantageux pour
l'intéressé. »
L'amendement n° 135, présenté par Mme Beaudeau, M. Fischer, Mme Demessine, M.
Muzeau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi
libellé :
« Avant l'article 35, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Dans le premier alinéa du II de l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23
décembre 1998 de financement de la sécurité sociale pour 1999, les mots : "en
fonction de la moyenne actualisée des salaires mensuels bruts des douze
derniers mois d'activité salariée du bénéficiaire" sont remplacés par les mots
: "en fonction de la moyenne actualisée des salaires mensuels bruts des douze
meilleures années de la carrière professionnelle du bénéficiaire". »
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour défendre l'amendement n° 55.
M. Jean-Pierre Godefroy.
En commission, M. Vasselle m'a signalé que la question que je posais était en
tout ou partie réglée par le décret du 29 mars 1999. J'ai repris le décret et,
ayant constaté qu'effectivement les articles 2-1, 2-2 et 2-3 apportaient une
réponse à ma question, je retire mon amendement.
(Très bien ! sur les
travées du RPR.)
M. le président.
L'amendement n° 55 est retiré.
La parole est à M. Roland Muzeau, pour défendre l'amendement n° 135.
M. Roland Muzeau.
Pour ma part, je ne procéderai pas comme mon collègue Jean-Pierre Godefroy,
car mon amendement n'est pas satisfait.
Le montant de l'allocation de cessation anticipée d'activité est calculé en
fonction de la moyenne actualisée des salaires mensuels bruts des douze
derniers mois d'activité salariée du bénéficiaire. Il faut distinguer, dans ce
cadre, deux cas de figure.
Lorsque l'allocation de cessation anticipée est délivrée à des salariés
exposés dont l'entreprise figure sur une liste, la formule de calcul du salaire
de référence se fonde soit sur le salaire des douze derniers mois dans
l'établissement qui ouvre droit à l'ACAATA, soit sur le salaire des douze
derniers mois avant que le salarié ne demande à bénéficier de la cessation
anticipée d'activité. De ce mode de calcul sont par ailleurs exclues toutes les
périodes à salaire réduit, y compris les heures ou journées de grève. Si,
cependant, dans cet intervalle, le salarié a perçu un salaire plus important,
cela n'est pas pris en compte.
Dans le cas, en revanche, des personnes bénéficiant de l'ACAATA parce qu'elles
sont victimes d'une pathologie due à leur exposition à l'amiante, le salaire de
référence reste celui des douze derniers mois.
Vous comprendrez, chers collègues, que cette règle peut être particulièrement
défavorable lorsque la victime a accepté des emplois faiblement rémunérés, par
exemple après avoir perdu son travail du fait de sa maladie et des incapacités
qu'elle entraînait.
Certains salariés, en effet, ayant cessé leur activité du fait de
l'interdiction d'utilisation et de fabrication de l'amiante, ont retrouvé un
emploi après la fermeture de l'établissement dans lequel ils travaillaient,
mais à des conditions financières bien inférieures.
Assurément, il apparaît que les modalités de calcul de l'ACAATA et des revenus
sur lesquels ce calcul est fondé ne tiennent pas compte de la réalité
économique des travailleurs de l'amiante et de leur situation du point de vue
de l'emploi et de la rémunération.
Nombreux sont ceux d'entre eux qui, malades, affaiblis, ont vu leur salaire
baisser parce qu'ils étaient devenus inaptes à certains travaux et reclassés,
mais à des postes moins bien rémunérés. Nul n'ignore en effet la mauvaise
volonté qui prévaut parfois dans certaines entreprises en matière de
reclassement, lorsque, par exemple, le salarié ne se voit proposer qu'un
reclassement à un poste moins motivant et, surtout, bien plus mal payé.
Dès lors, le calcul sur les douze mois précédant la demande de bénéfice de
l'ACAATA apparaît comme une pénalisation supplémentaire. Quant au calcul sur
les douze derniers mois dans l'établissement ouvrant droit à l'ACAATA, il
suppose une connaissance de l'établissement dans lequel a eu lieu l'exposition
et de la date à laquelle a débuté la maladie, ce qui se révèle souvent
difficile à déterminer.
Avec ce système de calcul, seuls les salariés les moins mal lotis du point de
vue de leur rémunération sur les douze derniers mois pourront se permettre
d'accepter l'ACAATA. Les autres, outre leur bas salaire, seront
de facto
contraints, même exposés des années durant à l'amiante, même malades, de
travailler jusqu'à l'âge de la retraite.
Il convient donc d'assurer aux potentiels bénéficiaires de l'ACAATA un mode de
calcul servant leurs intérêts et non fondé sur les conséquences néfastes en
termes d'emploi et de rémunération de leur exposition à l'amiante et de ses
conséquences sur le déroulement de leur carrière professionnelle.
Je vous propose, mes chers collègues, d'instaurer un calcul de l'ACAATA fondé
sur les douze meilleurs mois de salaire de l'ensemble de la carrière du
demandeur, afin que les périodes de rémunération faible dont seule l'exposition
à l'amiante est responsable ne masquent pas les meilleurs mois de salaire de la
vie professionnelle des bénéficiaires de l'ACAATA.
Cet amendement a donc pour objet de prendre une mesure de justice sociale.
M. Nicolas About,
président de la commission des affaires sociales.
N'y a-t-il pas, dans ce
cas, une erreur dans la rédaction de votre amendement, monsieur Muzeau ? Il
faudrait sans doute le rectifier !
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Cet amendement peut, par deux de ses aspects, poser
problème.
Le premier est lié au fait, monsieur Muzeau, que vous vouliez remplacer les
mots : « en fonction de la moyenne actualisée des salaires mensuels bruts des
douze derniers mois d'activité salariée du bénéficiaire » par les mots : « en
fonction de la moyenne actualisée des salaires mensuels bruts des douze
meilleures années de la carrière professionnelle du bénéficiaire. »
Je ne suis pas du tout persuadé que prendre comme référence les douze
meilleures années soit à l'avantage des victimes en question. La moyenne des
douze derniers mois peut, dans un certain nombre de cas, être plus avantageuse
que celle des salaires des douze meilleures années.
Votre amendement n'ayant pas été corrigé après son examen en commission, je ne
peux que me prononcer sur le texte tel que vous l'avez défendu à l'instant et,
sur la base de cette rédaction, j'émets un avis défavorable.
Le second aspect, c'est que la base de calcul des préretraites, c'est-à-dire
le salaire de référence pour les retraites, est celle qui est applicable au
droit commun des préretraites. C'est la référence qui a été introduite dans le
texte initial, en 1998. Vous aviez, que je sache, à l'époque, votre part de
responsabilité puisque vous souteniez le gouvernement qui a introduit cette
disposition ; vous auriez donc pu en demander la modification, ce que vous
auriez également eu la possibilité de faire si nous avions nous-mêmes adopté à
ce moment-là cette mesure. Or vous ne l'avez pas fait. Il est donc un peu
facile aujourd'hui, quand la majorité a changé de camp, de formuler cette
demande.
M. Alain Gournac.
Eh oui !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Nous voulons évidemment satisfaire les demandes de ces
victimes, car elles sont tout à fait légitimes et je suis persuadé que le
Gouvernement va tout faire pour accélérer le processus d'indemnisation,
notamment dans le cadre de la préretraite. Mais, évidemment, il faut tenir
compte des moyens dont nous disposons et de la situation que vous nous avez
laissée !
M. Alain Gournac.
Très bonne argumentation !
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Ameline,
ministre déléguée.
Il n'est, en effet, pas envisageable actuellement de
s'extraire du droit commun des préretraites. Je voudrais néanmoins rappeler,
monsieur Muzeau, que la loi a d'ores et déjà prévu de ne pas prendre en compte
pour le calcul de leur allocation les situations dans lesquelles les
bénéficiaires ont pu voir leur rémunération réduite, renvoyant au décret le
soin de préciser ces situations.
Il en est ainsi lorsque l'allocataire a repris une activité salariée après une
période de chômage à la suite de la fermeture ou de la reconversion des
établissements. Dans ce cas, le décret de juillet 2000 prévoit qu'il est tenu
compte du salaire perçu dans cette nouvelle activité si celui-ci est plus
favorable à l'allocataire.
Compte tenu de ces éléments, le Gouvernement est défavorable à l'amendement n°
135.
M. le président.
La parole est à M. Roland Muzeau, pour explication de vote.
M. Roland Muzeau.
Je regrette que M. le rapporteur n'ait pas mis à profit sa sagacité en
commission pour me faire remarquer cette erreur matérielle dans la rédaction de
l'amendement. Je demande à mes collègues de tenir compte de ma faible
expérience et d'accepter une rectification.
Je vous répondrai simplement, monsieur le rapporteur, que le projet de loi de
financement de la sécurité sociale dont j'ai fait état dans mon intervention
était celui de 1999. Depuis lors, tous ceux qui travaillent sur les questions
de l'amiante et sur l'indemnisation à travers le système de l'ACAATA peuvent
avoir pris la mesure de difficultés qui n'avaient pas été suffisamment
appréhendées dans le cadre du projet de loi de financement pour 1999.
Aujourd'hui, se révèlent tous ces éléments profondément injustes qu'il est de
notre devoir de rectifier dans un sens positif pour les victimes. Je crois que
vous avez compris l'objet de cet amendement, monsieur le rapporteur.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Merci de la mesure de votre propos !
M. le président.
Je suis donc saisi d'un amendement n° 135 rectifié, présenté par Mme Beaudeau,
M. Fischer, Mme Demessine, M. Muzeau et les membres du groupe communiste
républicain et citoyen, et ainsi libellé :
« Avant l'article 35, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Dans le premier alinéa du II de l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23
décembre 1998 de financement de la sécurité sociale pour 1999, les mots : « en
fonction de la moyenne actualisée des salaires mensuels bruts des douze
derniers mois d'activité salariée du bénéficiaire » sont remplacés par les mots
: "en fonction de la moyenne actualisée des salaires mensuels bruts des douze
meilleurs mois de la carrière professionnelle du bénéficiaire". »
Je mets aux voix l'amendement n° 135 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Articles additionnels avant l'article 35