SEANCE DU 25 NOVEMBRE 2002
M. le président.
L'amendement n° I-9, présenté par M. Marini, au nom de la commission, est
ainsi libellé :
« Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Après l'article 885-O
bis
du code général des impôts, il est
inséré un article 885-O
bis
-1 ainsi rédigé :
«
Art. 885-O
bis-
1.
- Sont également considérées comme des biens
professionnels au sens de l'article 885-O
bis
les parts ou actions
détenues par des associés détenant collectivement au moins 25 % des droits
financiers ou des droits de vote attachés aux titres émis par la société, à
condition qu'ils soient liés par une convention de vote et qu'ils s'engagent à
ne pas céder leurs titres pendant une période de cinq ans au moins.
« L'engagement de conservation, ainsi que la convention de vote sont notifiés
à la société émettrice des titres, en précisant le nombre de titres visés. Ces
documents sont délivrés à tout associé qui en fait la demande. Ils sont
communiqués à l'administration fiscale.
« L'associé qui rompt l'engagement de conservation souscrit des déclarations
rectificatives de l'impôt de solidarité sur la fortune au titre des trois
années précédentes et acquitte, dans le mois suivant la rupture de
l'engagement, le supplément d'impôt en résultant augmenté de l'intérêt de
retard visé à l'article 1727 du présent code et de la pénalité visée à
l'article 1731 du présent code.
« Dans le cas où le seuil fixé au premier alinéa n'est plus respecté au 1er
janvier de l'année d'imposition, les associés ayant souscrit l'engagement de
conservation perdent le bénéfice de la présente disposition jusqu'à ce que le
seuil soit de nouveau franchi.
« Un décret en Conseil d'Etat précise les conditions d'application du présent
article. »
« II. - La perte de recettes résultant pour l'Etat des dispositions du I
ci-dessus est compensée par la création, à due concurrence, d'une taxe
additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des
impôts. »
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini,
rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Monsieur le président, monsieur le
ministre, mes chers collègues, nous reprenons ce matin la discussion des
articles de la première partie du projet de loi de finances en abordant l'impôt
sur le patrimoine.
La commission des finances a souhaité qu'ait lieu en toute clarté un débat
relatif aux effets économiques de l'impôt de solidarité sur la fortune. C'est
pourquoi elle a déposé une série d'amendements, dont celui que je défends
présentement, tendant à insérer des articles additionnels après l'article 4.
Cette série d'amendements doit être abordée de manière globale. Nous avons
essayé de façon méthodique, je dirai presque pédagogique, d'identifier les
différents sujets qui, au sein de la problématique de l'impôt de solidarité sur
la fortune doivent être traités.
Le présent amendement pose la question du sort fiscal des participations
minoritaires.
Chacun sait, monsieur le ministre, que les dirigeants d'entreprise, les
personnes qui exercent des fonctions de direction, qui exercent des mandats
sociaux sont fondés à considérer comme biens professionnels, de ce fait exlus
de la base du calcul de l'ISF, les participations qu'ils détiennent pendant la
durée de leur fonction, et ce quelle que soit la quotité de ces
participations.
Un problème se pose essentiellement dans deux cas de figure.
Considérons tout d'abord le cas des actionnaires fidèles, par exemples membres
de groupes familiaux ou investisseurs personnes physiques se trouvant aux côtés
d'un chef d'entreprise, qui détiennent moins de 25 % du capital et des droits
de vote ; leurs participations ne sont pas assimilées aux biens professionnels
et représentent dès lors un actif taxable au titre de l'ISF.
Dès lors, pour que la charge fiscale annuelle soit supportable, il faut
pouvoir compter sur des revenus correspondants, revenus apportés en particulier
par les dividendes issus de ces mêmes participations.
Or, dans certaines situations, le poids fiscal de l'ISF peut être sans commune
mesure avec les revenus issus de ces participations. Nous connaissons des cas
dans lesquels des actionnaires fidèles ont dû céder leurs titres, remettant par
là même en cause le contrôle des entreprises, la continuité de leurs
stratégies, voire l'emploi.
Envisageons ensuite le cas du départ en retraite, de la cessation d'activité
professionnelle du dirigeant.
La participation, qui était exonérée, devient dès lors taxable. Vous savez,
monsieur le ministre, que cette situation est particulièrement mal comprise car
elle est à l'origine de ruptures, parfois très préoccupantes, dans la
continuité des stratégies d'entreprises.
L'amendement n° I-9 reprend une proposition de loi que j'avais déposée en
juillet 1997. Cette proposition visait à créer une articulation entre la notion
de pacte d'actionnaires, d'une part, et le régime des biens professionnels au
titre de l'ISF, d'autre part.
Les pactes d'actionnaires, notamment dans les sociétés non cotées, doivent, à
notre avis, être encouragés, car ils sont un gage de stabilité ; ils permettent
l'organisation claire du pouvoir et du contrôle au sein du capital de
l'entreprise et sont donc facteurs de crédibilité des stratégies conduites au
sein de ces entreprises.
L'idée est simple : il s'agit de permettre aux participations minoritaires
réunies dans un pacte, si ce pacte représente au total plus de 25 % du capital
ou des droits de vote de l'entreprise, de bénéficier du régime du bien
professionnel. Toutefois, cette possibilité est subordonnée à une condition :
l'engagement de conservation des titres pendant une durée de cinq ans au
moins.
L'engagement de conservation ainsi que la convention de vote assortie au pacte
d'actionnaires devraient être notifiés à la société émettrice des actions en
précisant le nombre de titres visés. Selon le principe de transparence, ces
informations seraient portées à la connaissance de tout associé qui en ferait
la demande et seraient communiquées à l'administration fiscale pour faciliter
le contrôle.
Parmi tous les amendements que nous avons déposés sur le sujet, cet amendement
n° I-9 est celui qui correspond sans doute le mieux à l'idée d'attractivité
fiscale. Nous savons bien en effet, par expérience, que l'application de l'ISF
à des participants minoritaires a de nombreux effets pervers pour le tissu
économique ; elle peut être un facteur non négligeable de délocalisation de
projets industriels hors de nos frontières.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert,
ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire.
Monsieur le
président, je vous remercie des paroles d'accueil que vous avez prononcées à
mon endroit. Mesdames et messieurs les sénateurs, j'espère que la pause du
week-end aura été bénéfique et que nous en ressentirons les bienfaits dans nos
travaux à venir.
Permettez-moi de prendre la parole quelque peu longuement pour répondre sur
l'ISF à M. le rapporteur général et à l'ensemble du Sénat. Qu'il soit bien
entendu que je ne compte nullement éluder cette discussion. Aussi, monsieur le
rapporteur général, à l'occasion de l'examen de chacun des amendements de la
commission des finances, vous donnerai-je des explications de la part du
Gouvernement.
Il me semble utile, tout d'abord, de faire un rappel, bref mais clair, du
calendrier fiscal du Gouvernement.
Le Gouvernement a pris ses fonctions au début de l'été - ce qui est habituel
depuis la mort du président Pompidou - c'est-à-dire au moment où l'élaboration
du budget est déjà engagée. Le Gouvernement a souhaité ne pas disperser son
action sur toutes les catégories d'impôts, mais au contraire concentrer son
effort, compte tenu des faibles marges de manoeuvre dont il pouvait disposer,
sur l'allégement des prélèvements qui pèsent sur le travail, afin de favoriser
l'initiative et l'emploi.
C'est ainsi que le Gouvernement a réduit l'impôt sur le revenu ; c'est ainsi
qu'il a diminué la taxe professionnelle qui pèse sur les entreprises ; c'est
ainsi qu'il a financé la convergence des SMIC sur trois ans par l'allégement
des charges. Il n'était absolument pas dans ses intentions d'éluder
l'importante question de la fiscalité du patrimoine, qui est un des éléments
clés - et, monsieur le rapporteur général, vous en parlez tellement mieux que
moi ! - de l'attractivité du territoire français. C'est en effet le rempart
idéal pour éviter les délocalisations qui menacent et pénalisent l'emploi sur
notre territoire.
Le Gouvernement a donc simplement paré au plus pressé, dans le temps très
court qui lui était imparti, d'une part, pour soutenir ceux qui travaillent et
qui commençaient à se décourager en raison du poids de la fiscalité, pour
résoudre le problème de la multiplicité des SMIC qu'ont entraînée les 35 heures
- cela supposait de financer les allégements de charges correspondants - et,
d'autre part, pour soutenir les entreprises qui, nous le savons tous, sont
soumises à une concurrence de plus en plus vive du fait du poids des charges
qui les pénalisent.
S'agissant de la fiscalité du patrimoine, j'ai décidé d'engager, dès le
premier trimestre de 2003, un travail d'ensemble très approfondi - auquel je
convie par avance votre commission des finances - afin que nous soyons prêts
pour la prochaine loi de finances.
Je souhaite que ce travail puisse, comme ce fut le cas dans de nombreux pays
voisins, être mené dans un consensus assez large, sans tabous ni diabolisation.
Dans la mesure où il y va de l'avenir économique de notre pays et de ses
emplois, je pense que ce n'est pas trop demander aux forces politiques que de
s'accorder sur des principes simples, au premier rang desquels figurent, selon
moi, ceux-ci : l'impôt, quel qu'il soit, doit être le plus neutre possible par
rapport aux choix économiques des contribuables et il ne doit pas pénaliser
l'emploi mais au contraire l'encourager.
Il va de soi, mesdames, messieurs les sénateurs, que je conserve, en cet
instant, un souvenir très précis des positions que j'ai été amené à défendre au
cours des années passées au nom de votre commission des finances et que ces
positions ne sont en rien contraires à celles que je suis appelé aujourd'hui à
soutenir au nom du Gouvernement. Ce qui pourrait nous séparer serait plutôt une
question de calendrier que l'orientation générale à donner à notre fiscalité du
patrimoine.
Les défauts de notre système fiscal sont bien connus. Ils révèlent, s'agissant
notamment de l'ISF, une conception trop punitive de notre fiscalité, qui
pourrait s'avérer mortelle dans un univers où les bases de l'impôt sont de plus
en plus mobiles, et qui risque de nuire au rendement et à l'efficacité de nos
prélèvements. Ces défauts, ce sont, en particulier, une progressivité excessive
et un empilement d'impôts sur une même assiette, notamment en ce qui concerne
le patrimoine.
Le renforcement de la compétitivité fiscale de la France doit donc être un
objectif national, transcendant les clivages traditionnels.
Curieusement, en France, cette vision des choses est assimilée à une politique
libérale. Ce n'est pas le cas chez nos voisins dont les gouvernements sont
dirigés par des sociaux-démocrates : chacun se souvient du manifeste publié en
juin 1999, sous la plume conjointe de MM. Schröder et Blair, qui visait à
dessiner la politique fiscale d'une gauche moderne et dans lequel figurait en
bonne place la nécessité d'accroître les compétitivités nationales et
européennes, rangeant en quelque sorte au « placard de l'histoire »
l'irréductible conflit entre la redistribution des revenus héritée des schémas
de l'économie industrielle du XIXe siècle et la diminution du taux
d'imposition, nécessaire à la création de richesses en économie ouverte.
Gageons que les forces politiques de bonne foi et de bon sens - et je suis
très confiant envers le Sénat - s'accorderont pour porter notre pays au premier
rang de la compétitivité.
Je me suis quelque peu éloigné de l'amendement proposé par M. le rapporteur
général, mais je tenais à ne pas esquiver le débat et à me tenir au plus près
des préoccupations qu'il a exprimées au nom de la commission des finances.
Monsieur le rapporteur général, je viens de dire que l'ISF comportait des
effets pervers incontestables pour l'initiative économique et la détention de
participations au capital d'entreprises qui ne sont pas susceptibles de
bénéficier de l'exonération au titre des biens professionnels.
Le seuil de 25 % conduit à retarder le départ à la retraite de certains
dirigeants âgés. Il décourage des membres de la famille qui souhaiteraient
conserver leurs titres, par solidarité ou par respect pour leurs ascendants, de
le faire parce que les dividendes distribués ne couvrent parfois même pas
l'impôt à payer. Il incite donc à la vente des titres, et le contrôle de
certaines de nos belles entreprises par un actionnariat français peut s'en
trouver menacé, avec tous les risques qui en résultent pour nos emplois.
Cette question doit être traitée pour le bien du pays, pour le bien des
entreprises, pour le bien de l'emploi, autant que pour les redevables, dont la
patience, je crois, mérite la considération des pouvoirs publics et de nos
concitoyens mais dont l'impatience, en revanche, pourrait affecter à terme le
contrôle de nos entreprises.
La solution du pacte d'actionnaires que vous suggérez, monsieur le rapporteur
général - je ne la découvre pas puisque j'avais eu la chance de vous la voir
présenter en commission des finances les années passées -, est en effet l'une
des voies possibles. Ce pacte comporte des avantages, que vous soulignez dans
votre rapport, mais il mériterait cependant une base civile qui sécuriserait
les contractants et conférerait une valeur supplémentaire à son contenu.
Sans pouvoir traiter ce sujet de manière exhaustive ce matin, je suis
naturellement prêt à l'examiner avec vous dans le cadre de la préparation de la
réforme que nous allons engager au premier trimestre de 2003.
Je pense, monsieur le rapporteur général, que cette longue réponse devrait
vous permettre de retirer cet amendement.
M. le président.
L'amendement est-il maintenu, monsieur le rapporteur général ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Pour que le débat s'épanouisse, je ne vais pas
immédiatement donner suite à la demande de M. le ministre.
M. le président.
La parole et à M. Denis Badré, pour explication de vote.
M. Denis Badré.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous ne
serez pas surpris que j'intervienne à ce moment de notre débat, alors que nous
examinons le premier des amendements concernant l'ISF.
M. le rapporteur général a parlé d'attractivité, M. le ministre de
compétitivité ; il est normal que le président de la mission sur l'expatriation
des capitaux et les compétences des entreprises monte en ligne ! Vous avez pu
noter que, cette année, je n'avais déposé aucun amendement sur l'ISF, alors que
j'en avais déposé un certain nombre l'année dernière. En vérité, l'année
dernière, les conditions étaient meilleures pour avancer sur ce dossier
essentiel à l'avenir du pays, à son attractivité, à sa compétitivité et donc à
son emploi.
Je ne l'ai pas fait cette année parce que les temps sont un peu plus
difficiles et que j'ai préféré suivre scrupuleusement les positions prises par
la commission des finances, dont je soutiens les amendements.
Je sais que le sujet est passionnel et qu'il peut donner lieu à des
affrontements de nature idéologique. Or ce n'est pas l'intérêt de la France :
le sujet mérite, eu égard à ses aspects tant financiers que psychologiques, une
approche beaucoup plus concrète et pragmatique, une analyse tout à fait
dépassionnée.
Un ISF trop lourd, c'est d'abord de l'ISF qui était payé l'année précédente et
qui ne l'est plus parce que ceux qui le payaient sont partis.
Vos services, monsieur le ministre, savent parfaitement mesurer cet effet de
l'ISF, ils savent même qui est parti, mais ils considèrent trop souvent que
ceux qui paient et qui ne paient plus vont revenir et que la perte n'est,
finalement, que temporaire. Je crains, moi, que la perte ne soit durable et que
ceux qui rentrent ne soient beaucoup moins nombreux que ceux qui sont partis.
Simplement, ceux qui rentrent, vos services ne les connaissent pas et sont donc
incapables de les compter.
Mais, surtout, dans vos statistiques, n'apparaissent pas ceux qui sont partis
avant même d'avoir payé l'ISF : ils sont partis parce qu'ils avaient le
sentiment que leur projet pourrait être développé ailleurs plus intelligemment,
plus facilement, plus économiquement, plus harmonieusement. Or ils sont
nombreux.
Il y a aussi ceux qui sont à l'étranger depuis très longtemps, qui auraient pu
rentrer au moment de leur retraite, par exemple, et qui ne le feront pas parce
qu'ils ne veulent pas voir leur fortune taxée dans ces conditions. Ils restent
donc à l'étranger. J'en ai connu combien qui ont réussi ainsi aux Etats-Unis et
qui y restent au moins la moitié de l'année plus un jour !
Au-delà de la simple question du rendement de l'ISF, quelqu'un qui part à
l'étranger pour y déployer son activité sans perspective de retour en France,
c'est aussi de l'impôt sur les sociétés en moins, de la TVA en moins et toute
une série d'autres recettes qui nous échappent. C'est également quelqu'un qui
aurait épargné en France et qui ne le fera pas.
En tout cas, du seul point de vue fiscal, quelle perte ! D'où la nécessité
impérieuse d'examiner cette question posément, pour voir où est l'intérêt de la
France et pour faire en sorte que, sur un sujet comme celui-là, le pragmatisme
l'emporte sur l'idéologie.
C'est pourquoi je souscris à la proposition du ministre tendant à une
réflexion d'ensemble sur la fiscalité du patrimoine. J'ai d'ailleurs moi-même
émis le souhait, en commission des finances - et je crois avoir recueilli son
approbation -, de voir notre assemblée s'engager dans une telle réflexion, afin
que nous puissions envisager les moyens d'apporter plus de cohérence et
d'efficacité dans l'ensemble que constituent l'ISF, les impôts sur les
plus-values, les droits de mutation et de succession ainsi que les impôts
fonciers.
Bien sûr, dans ce contexte, l'amendement n° I-9, déposé par la commission,
avait une valeur en quelque sorte emblématique de notre volonté de définir une
fiscalité du patrimoine plus cohérente, propre à renforcer l'attractivité et la
compétitivité de notre pays, car ce sont les clés de l'avenir dans un monde
ouvert.
M. le président.
La parole est à M. Jean Chérioux, pour explication de vote.
M. Jean Chérioux.
Les aspects économiques de la question ont été abordés, et je veux, pour ma
part, souligner que l'impôt de solidarité sur la fortune est, en outre, un
impôt injuste dans la mesure où il frappe non pas tant les grosses fortunes que
les classes moyennes.
Je me souviens très bien du débat auquel a donné lieu la création de cet impôt
: M. Fabius était alors ministre délégué chargé du budget. En fait, on était
déjà conscient que c'était une véritable mystification : on savait parfaitement
que les grandes fortunes avaient, elles, la possibilité de s'évader, et c'est
bien ce qu'elles ont fait, au détriment de notre économie, comme l'a justement
montré notre collègue M. Badré.
Qui donc paie alors l'ISF ? Tout simplement les classes moyennes, et ceux qui
croient en leur pays, c'est-à-dire ceux qui restent domiciliés fiscalement en
France, parce qu'ils y ont leur travail, leur entreprise ou un patrimoine, ceux
qui possèdent un ou deux appartements, tous ces membres des professions
libérales qui ont épargné, notamment pour se créer un complément de
retraite.
Ce sont eux qui sont frappés par l'ISF, ce ne sont pas les grosses fortunes !
Voilà en quoi réside la mystification : on dit aux classes populaires que, avec
cet impôt, on va « faire payer les riches », mais, en réalité, les vrais
riches, les très riches ne le paient pas !
J'ai eu, un moment, l'intention de présenter un amendement reprenant une
proposition que j'avais formulée lors de l'examen du texte relatif à la
participation et qui tendait à exonérer de l'ISF les actions détenues au titre
de la participation. A l'époque, le Sénat avait voté le texte que la commission
des affaires sociales avait présenté et qui contenait des dispositions
instituant une telle exonération, mais ces dispositions n'ont pas été retenues
dans le texte qui a été voté ensuite à l'Assemblée nationale sur l'initiative
du gouvernement socialiste.
Il faut savoir, monsieur le ministre, que certains salariés ont accumulé, au
titre de la participation, un patrimoine relativement important et que, ce
patrimoine venant s'ajouter à une petite épargne, ils se trouvent assujettis à
l'impôt sur la fortune, ce qui est tout de même un comble ! J'avais donné à
l'époque l'exemple d'une caissière de grande surface qui, ayant utilisé au
cours de sa carrière toutes les possibilités qui lui étaient données par la
loi, se trouvait finalement à la tête de 3 millions ou 3,5 millions de francs
d'actions de sa société.
On peut également citer le cas de tous ces cadres d'entreprises moyennes qui
détiennent une partie du capital, mais qui ne seraient pas pris en compte par
le dispositif du pacte d'actionnaires, lequel concernerait essentiellement des
financiers.
Puisque ce débat sera repris au début de l'année prochaine, il conviendrait
que le Gouvernement réfléchisse à la possibilité d'inclure les cas que je viens
d'évoquer dans les dispositions qui seront élaborées, car il y a aussi un
aspect social dans cette question de l'ISF.
M. le président.
La parole est à Jean-Pierre Masseret, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Masseret.
Permettez-moi d'ajouter mon « grain de sel » dans un débat qui occupe
manifestement le Gouvernement et sa majorité.
M. Denis Badré.
A juste titre !
M. Jean-Pierre Masseret.
Monsieur Chérioux, je fais partie de ces gens qui n'acquittent pas l'impôt sur
la fortune, mais, manifestement, je dois mal me débrouiller puisque, à vous
entendre, la quasi-totalité de nos concitoyens devraient être assujettis à
l'impôt de solidarité sur la fortune.
Cet impôt, dont on connaît l'origine, qui est parfaitement équilibré quand il
est mis en oeuvre et qui répond à un souci de justice fiscale, a été, en
vérité, progressivement vidé de son contenu.
M. Philippe de Gaulle.
C'est le contraire !
M. Jean-Pierre Masseret.
Et les amendements qui nous sont proposés vont encore plus loin en ce sens.
Le courage politique consisterait aujourd'hui, me semble-t-il, à déposer un
amendement visant à supprimer l'impôt de solidarité sur la fortune.
M. Jean Arthuis,
président de la commission des finances, du contrôle budgtaire et des comptes
économiques de la nation.
Absolument !
M. Jean-Pierre Masseret.
Ce serait conforme à la logique qui vient d'être exprimée. Il faut, à un
moment donné, assumer ce que l'on prétend être.
M. Denis Badré.
Comme nous sommes pragmatiques, nous essayons d'être réalistes !
M. Jean-Pierre Masseret.
Monsieur Badré, souhaitez-vous vous exprimer ?
M. Denis Badré.
Je ne faisais que préciser votre pensée !
M. Jean-Pierre Masseret.
Je peux la préciser seul !
Si j'interviens ce matin, c'est simplement pour souligner que la cohésion
sociale dont chacun se réclame et, la nécessité de mener une politique qui
favorise aussi la consommation devraient nécessairement conduire le
Gouvernement à ne pas privilégier une catégorie de contribuables. Or le projet
de loi de finances inclut des mesures qui vont systématiquement dans le même
sens, c'est-à-dire qui tendent à favoriser une seule catégorie de nos
concitoyens. Mais la France n'est pas seulement composée de chefs d'entreprise,
qui prennent des risques, qui méritent certes d'être considérés et rémunérés !
Une autre partie de la population a des besoins dont il faut tenir compte, et
je vous mets en garde : votre politique fiscale est vraiment inégalitaire.
Je tenais, par cette courte intervention, à rappeler quelques principes que
nous avions déjà évoqués lors de la discussion générale.
M. le président.
La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote.
M. Michel Charasse.
Tout à fait dans la ligne de mon ami M. Jean-Pierre Masseret, je ne résiste
pas à la tentation de participer, moi aussi très brièvement, à ce débat assez
surréaliste de la majorité sénatoriale avec elle-même.
Qu'est-ce qui a provoqué, en 1981, la taxation de la fortune ? Le manque de
discrétion des riches et l'étalement, dans la presse, la radio, la télévision,
des richesses anciennes ou nouvelles, etc. Ils ont donc été victimes de leur
manque de discrétion.
(M. de Gaulle fait un signe de désapprobation.)
J'ai pu comparer, quand j'occupais la place de M. Alain Lambert, la
différence entre les fortunes qui s'étalent dans les magazines, notamment, et
la réalité. Dans ma région d'Auvergne, je m'étais fait communiquer la liste des
contribuables qui étaient assujettis à l'impôt de solidarité sur la fortune.
Dans mon département, il y avait des gens à qui j'aurais donné trois francs six
sous, qui rasaient les murs avec des imperméables « grisouilloux », dont je
n'aurais jamais imaginé qu'ils avaient une telle situation de fortune ; mais
ceux-là, cher Alain Lambert, n'étaient pas dans les magazines !
Donc, au départ, en 1981, la gauche arrive au pouvoir - M. Chérioux évoquait
M. Fabius il y a un instant - et crée l'impôt sur les grandes fortunes.
Toutefois, cet impôt, comme le disait M. Jean-Pierre Masseret, était très
équilibré : les oeuvres d'art, les bois et forêts en étaient exclus et,
surtout, il était plafonné.
La droite arrive en 1986 et commence par le supprimer - erreur psychologique
majeure ! - puis le rétablit, mais avec des allers-retours sur le plafonnement
qui font que, maintenant, le système de plafonnement a sauté alors qu'il ne
posait aucun problème.
Aujourd'hui, mes chers collègues, je ne vous ferai pas de reproches amers, je
constate simplement que l'on ne sait plus comment en sortir.
M. Denis Badré.
Mais si !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Votez nos amendements !
M. Michel Charasse.
En fait, techniquement, on sait très bien comment en sortir. Je me rappelle
très bien M. Balladur disant : « La plus belle c... que j'ai faite pendant que
j'étais au gouvernement a été de supprimer l'impôt sur les grandes fortunes.
»
Par conséquent, quand on dit : « On ne sait plus comment en sortir », on sait
très bien, en fait, techniquement, comment en sortir.
Nous avons un rapporteur général qui est un remarquable technicien ; M. Alain
Lambert, lui aussi, connaît la musique, il avait proposé des solutions les
années précédentes : donc, on sait très bien comment en sortir. Le problème
n'est pas d'ordre technique, vous le savez, c'est un problème politique parce
qu'on a réussi à se metttre, les uns et les autres, dans une situation
impossible, vous avec l'histoire du plafonnement, et éventuellement nous avec
le blocage du barème, qui a fini d'arranger les choses.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Il faut nous soutenir !
Nous sommes parvenus à un système tel qu'aujourd'hui les vrais fortunes sont
parties.
M. Denis Badré.
Ce serait bien qu'elles reviennent !
M. Michel Charasse.
Il ne reste plus aujourd'hui que l'immobilier, qui représente 70 % ou 80 % du
rendement de l'impôt, lequel impôt procure aujourd'hui moins de recettes qu'un
impôt dont on dit qu'il est le « plus bête » de tout le dispositif fiscal
français, à savoir la redevance télévisuelle.
Si un délai devait être mis a profit pour réfléchir - et vous nous donnez un
an de réflexion, ce qui ne sera pas complètement inutile -, il vaudrait mieux
avoir le courage de sortir du système actuel et d'en trouver un plus
intelligent et plus efficace pour taxer les vraies fortunes.
J'ajoute - et nous nous connaissons assez les uns et les autres pour savoir
qu'il n'y a pas de méchanceté dans mes propos -, que je peux quand même
m'amuser de ce débat rituel et annuel qui, au fond, se résume un peu à
l'histoire de l'arroseur arrosé !
M. Denis Badré.
Il finira par aboutir !
M. Jean Chérioux.
Je constate que M. Charasse est d'accord avec moi !
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Je formulerai quelques remarques complémentaires à la
suite des interventions qui viennent d'avoir lieu, qui sont utiles et de
qualité, bien entendu, et de nature à faire progresser les choses.
Cher collègue Michel Charasse, le problème qui nous est posé est en effet de
faire évoluer notre système fiscal dans le sens du réalisme et en tournant le
dos à l'hypocrisie, même si cette hypocrisie est parfois commode dans les
relations des hommes politiques avec l'opinion publique.
Ce n'est pas un parlementaire de la majorité actuelle qui, au début de cette
année, en s'exprimant dans un organe de presse dont le lectorat est plutôt de
droite et de centre droit,
le Figaro,
a souhaité rendre l'ISF «
économiquement supportable ». Je cite les propres termes de l'ancien rapporteur
général du budget à l'Assemblée nationale, M. Didier Migaud. D'ailleurs, vous
le savez, une mouvance existe au sein de votre formation politique qui appelle
à plus de réalisme économique. Ce sont ceux que, par contrecoup, des
personnalités comme Henri Emmanuelli ont qualifiés de sociaux-libéraux.
Loin de moi l'idée de m'immiscer dans des débats internes, mais puisque vous
évoquez des échanges de propos au sein de la majorité sénatoriale,
permettez-moi à mon tour de vous renvoyer à des échanges de propos qui, bien
logiquement, interviennent dans d'autres segments de l'opinion, notamment au
sein du parti socialiste. Il n'y a pas lieu de s'en étonner.
M. Michel Charasse.
C'est Juppé qui a proposé le plafonnement !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Mais nous reviendrons, bien entendu, sur le
plafonnement, mon cher collègue. Il n'y a pas de tabou dans ce débat.
M. Michel Charasse.
MM. Juppé et Emmanuelli sont du même département !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Le devenir de l'ISF est un sujet sérieux qui est
évoqué au sein de toutes les formations politiques, sauf peut-être par nos
collègues du groupe CRC, ou du moins par la principale composante de ce groupe.
Mais pour tous les autres groupes politiques, ce sujet existe et fait l'objet
de discussions que l'on ne saurait nier. On ne peut couvrir ce sein que l'on ne
saurait voir ! Cela fait partie de la réalité économique, politique et sociale
d'aujourd'hui que de débattre de l'ISF, de la fiscalité du patrimoine et du
devenir de cette fiscalité au sein de notre système fiscal.
S'agissant des propos tenus par M. le ministre délégué au budget et à la
réforme budgétaire, que j'ai écouté tout à l'heure avec grande attention, je me
suis réjouis de la forte connexité de nos analyses et des jugements économiques
qu'il a portés.
Oui, cet impôt, tel qu'il est actuellement conçu, peut inciter à la vente de
titres, déstabiliser le contrôle des entreprises et exercer un effet
défavorable, voire destructeur, sur l'emploi. Oui, des situations dans
lesquelles des dirigeants âgés souhaiteraient prendre leur retraite mais ne le
font pas, au détriment de l'entreprise et de son dynamisme, existent
fréquemment. Oui, mes chers collègues, beaucoup de situations, dans la France
profonde, celle de nos provinces, celle de la PME, sont rendues complètement
artificielles par l'existence même de cet impôt et par ses modalités de
calcul.
A cet égard, le pacte d'actionnaires constitue, à notre avis, une bonne
approche.
Bien entendu, dans cet amendement, il ne pouvait être question de tout
traiter. D'ailleurs, ce dispositif s'applique déjà fréquemment : son existence
et sa licéité ne posent pas de problèmes.
Sans doute, monsieur le ministre, la capacité de sanctionner l'inexécution du
pacte nécessiterait-elle d'être renforcée par la voie civile. C'est en effet
l'aspect qui, aujourd'hui, selon la doctrine et la pratique, est le moins
précis dans notre situation juridique ; c'était l'un des aspects traité par la
proposition de loi que j'avais présentée en juillet 1997. Naturellement, dans
une loi de finances, des dispositions purement juridiques ne pouvaient prendre
place, ce qui explique que, sur cet aspect, le dispositif préconisé ne soit pas
complet.
Mes chers collègues, compte tenu des remarques qui ont été formulées tant par
Denis Badré que par Jean Chérioux, compte tenu du débat qu'a suscité ce premier
amendement et compte tenu des réponses du ministre, c'est avec un certain
espoir que je retirerai dans un instant cet amendement n° I-9 : espoir que le
débat se développe, qu'il soit sans tabou, que l'on raisonne en vue du
développement économique et du développement de l'emploi, que l'on évite
l'hypocrisie, que l'on évite de pénaliser...
M. Denis Badré.
La France !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
... des gens sérieux qui peuvent être pris au piège
de cet impôt, parce qu'ils ne seront pas suffisamment riches, parce qu'ils ne
seront pas suffisamment bien conseillés, parce qu'ils auront, finalement, trop
l'amour de leur terroir pour en sortir.
C'est bien avec l'espoir qu'un tel débat puisse se développer et aboutir
rapidement, monsieur le ministre, à des dispositions compréhensibles et
facilement explicables à l'opinion publique, que je retire le premier de cette
série d'amendements tendant à insérer un article additionnel après l'article 4.
(M. Jean Chérioux applaudit.)
M. le président.
L'amendement n° I-9 est retiré.
Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
L'amendement n° I-5, présenté par M. Marini, au nom de la commission, est
ainsi libellé :
« Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le tarif prévu à l'article 885 U du code général des impôts est ainsi
modifié :
FRACTION DE LA VALEUR nette taxable du patrimoine |
TARIF
(en pourcentage) |
---|---|
N'excédant pas 732 000 EUR | 0 |
Comprise entre 732 000 EUR et 1 180 000 EUR | 0,55 |
Comprise entre 1 180 000 EUR et 2 339 000 EUR | 0,75 |
Comprise entre 2 339 000 EUR et 3 661 000 EUR | 1 |
Comprise entre 3 661 000 EUR et 7 017 000 EUR | 1,3 |
Comprise entre 7 017 000 EUR et 15 255 000 EUR | 1,65 |
Supérieure à 15 225 000 EUR | 1,8 |
« II. - Les dispositions relatives à l'article 885 U du code général des
impôts figurant à l'annexe III de l'ordonnance n° 2000-916 du 19 septembre 2000
portant adaptation de la valeur en euros de certains montants exprimés en
francs dans les textes législatifs sont abrogées.
« III. - La perte de recettes résultant pour l'Etat des dispositions du I et
du II ci-dessus est compensée par la création, à due concurrence, d'une taxe
additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des
impôts. »
L'amendement n° I-115, présenté par MM. du Luart, Bourdin, Clouet, Lachenaud
et Trucy, est ainsi libellé :
« Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le tarif prévu à l'article 885 U du code général des impôts est ainsi
modifié :
FRACTION DE LA VALEUR nette taxable du patrimoine |
TARIF
(en pourcentage) |
---|---|
N'excédant pas 732 000 EUR | 0 |
Comprise entre 732 000 EUR et 1 180 000 EUR | 0,55 |
Comprise entre 1 180 000 EUR et 2 339 000 EUR | 0,75 |
Comprise entre 2 339 000 EUR et 3 661 000 EUR | 1 |
Comprise entre 3 661 000 EUR et 7 017 000 EUR | 1,3 |
Comprise entre 7 017 000 EUR et 15 255 000 EUR | 1,65 |
Supérieure à 15 255 000 EUR | 1,8 |
« II. - La perte de recettes pour le budget de l'Etat résultant du I ci-dessus
est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux
droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
L'amendement n° I-116, présenté par MM. du Luart, Bourdin, Clouet, Lachenaud
et Trucy, est ainsi libellé :
« Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le tarif prévu à l'article 885 U du code général des impôts est ainsi
modifié :
FRACTION DE LA VALEUR nette taxable du patrimoine |
TARIF
(en pourcentage) |
---|---|
N'excédant pas 786 000 EUR | 0 |
Comprise entre 786 000 EUR et 1 277 000 EUR | 0,55 |
Comprise entre 1 277 000 EUR et 2 535 000 EUR | 0,75 |
Comprise entre 2 535 000 EUR et 3 936 000 EUR | 1 |
Comprise entre 3 936 000 EUR et 7 621 000 EUR | 1,3 |
Comprise entre 7 621 000 EUR et 16 721 000 EUR | 1,65 |
Supérieure à 16 721 000 EUR | 1,8 |
« II. - La perte de recettes pour le budget de l'Etat résultant du I ci-dessus
est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux
droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. le rapporteur général, pour présenter l'amendement n°
I-5.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Cet amendement pourrait s'appliquer à un certain
nombre d'éléments de notre fiscalité. Il peut arriver - cela se produit
d'ailleurs trop fréquemment à mon goût -, que des seuils en valeur absolue ne
soient pas ajustés comme ils devraient l'être et qu'ainsi, de manière
implicite, la fiscalité progresse sans que le Parlement en ait jamais
véritablement délibéré.
Bien des exemples pourraient être cités à cet égard mais, dans ce contexte,
l'ISF mérite cependant une mention particulière.
De 1997 à 2002, mes chers collègues, chaque année, le gouvernement de Lionel
Jospin a préconisé, dans le projet de loi de finances initiale, une
actualisation selon la hausse officielle des prix du barème de l'ISF et, chaque
année, dans le cadre d'un petit ballet toujours organisé de la même façon à
l'Assemblée nationale, au sein de la majorité alors dite plurielle, M.
Jean-Pierre Brard et ses amis du parti communiste protestaient vigoureusement.
Pour leur donner une satisfaction psychologique - à la vérité, pendant cette
législature, le gouvernement de M. Lionel Jospin n'a guère réservé de
satisfactions autres que psychologiques au parti communiste - chaque année, à
la fin de ce petit ballet, l'Assemblée nationale annulait l'actualisation du
barème. Puis, dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances au Sénat,
la majorité sénatoriale rétablissait l'actualisation dans la version initiale
du gouvernement. Enfin, venait la commission mixte paritaire et, naturellement,
la thèse du Sénat était rejetée puisque jamais les commissions mixtes
paritaires sur les projet de loi de finances n'ont abouti à un accord pendant
la précédente législature.
Au demeurant, ce point précis n'a jamais été évoqué dans les délibérations des
commissions mixtes paritaires, car, vous le savez, il suffit que se révèle un
premier désaccord, selon une pratique qui est à mes yeux contestable, pour que
la commission mixte paritaire soit considérée comme infructueuse et pour que
l'on passe de façon très conviviale aux petits fours qui sont disposés dans la
salle voisine.
(Sourires.)
Nous avons donc vécu ces jeux de rôle pendant une législature, monsieur le
ministre.
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
Ensemble !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Nous les avons vécus ensemble, en effet, et avec le
sourire, parce que nous savions où les choses commençaient et où elles se
termineraient.
Cette année, c'est la surprise ! Bien entendu, le dispositif politique est
nouveau, et la commission, dans sa majorité, ne peut que s'en réjouir, mais,
contrairement à ceux qui étaient présentés sous M. Jospin, le projet de loi de
finances initiale ne comporte pas, cette année, de revalorisation du barème de
l'ISF. Cette décision, monsieur le ministre, mérite sans doute quelques
commentaires, et nous serions heureux de vous entendre sur ce point. Nous
sommes nombreux, en effet, à estimer que la revalorisation du barème de l'ISF,
au même titre que celle du barème de l'impôt sur le revenu, loin d'être une
décision nouvelle, est le simple maintien des choses en l'état.
A l'inverse, en ne revalorisant pas ce barème et en revalorisant celui de
l'impôt sur le revenu, ne prenez-vous pas la décision d'alourdir la charge de
l'ISF ? Je ne vois pas comment analyser différemment cet oubli qui ne peut en
être un, car on a beaucoup parlé de ce sujet. Pourquoi, monsieur le ministre,
alourdir l'ISF, même légèrement, cette année, alors que nous devons, nous
avez-vous dit, nous livrer à un réexamen d'ensemble et sans tabou de cette
question dans le cadre d'une réforme globale de la fiscalité du patrimoine ?
Voyez quelles sont nos incertitudes, voyez dans quels abîmes de perplexité
nous nous trouvons plongés ! Pouvez-vous nous apporter des éléments de réponse,
afin que nous soyons en mesure, simplement, de comprendre ?
M. le président.
La parole est à M. Jean Clouet, pour présenter les amendements n°s I-115 et
I-116.
M. Jean Clouet.
L'amendement n° I-115 a pour objet de corriger une injustice.
Contrairement au barème de l'impôt sur le revenu, qui est actualisé chaque
année en fonction de l'inflation, la dernière actualisation du barème de
l'impôt de solidarité sur la fortune remonte à la loi de finances pour 1996.
Cette non-actualisation est un prélèvement rampant vécu comme confiscatoire
par les contribuables concernés et constitue un facteur déclenchant de
l'expatriation des compétences et des capitaux, lourd de conséquences en
matière de dynamisme économique et d'emploi.
Dans un souci d'équité fiscale et d'efficacité économique, cet amendement tend
à actualiser le barème de l'ISF en fonction du taux de la hausse des prix hors
tabac en 2002, soit 1,7 %, au même titre que l'impôt sur le revenu.
J'en viens à l'amendement n° I-116. Comme je le disais tout à l'heure,
contrairement au barème de l'impôt sur le revenu, qui est actualisé chaque
année en fonction de l'inflation, aucun aménagement du barème de l'impôt de
solidarité sur la fortune n'est intervenu depuis 1996.
Cette non-actualisation du barème durant cinq années aura constitué un
prélèvement rampant de 150 millions d'euros, qu'on pourrait qualifier de « trop
perçu ».
Le présent amendement tend à rattraper le retard ainsi accumulé et procède à
une nouvelle actualisation pour l'année 2003, soit une revalorisation cumulée
de 9,63 %.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
L'amendement n° I-115 est similaire à celui de la
commission, que j'ai défendu il y a un instant. Je ne peux évidemment que
partager le louable souci de nos collègues du groupe des Républicains et
Indépendants.
L'amendement n° I-116 va plus loin puisqu'il refait tout le chemin que l'on
aurait dû parcourir depuis 1997. Mais, à la vérité, c'est l'amendement le plus
fidèle à la pensée de M. Jospin puisque cet amendement cumule ce qu'aurait été
l'effet des lois de finances, si elles avaient été adoptées dans leur version
initiale, des gouvernements de M. Jospin. Donc, pour la continuité de l'Etat,
l'amendement n° I-116 me semble être particulièrement intéressant.
(Sourires.)
Toutefois, il présente l'inconvénient de coûter plus cher que le dispositif de
l'amendement n° I-115. Si l'on veut veiller au respect du solde, il est clair
que la situation des finances publiques qui nous a été léguée
(Ah ! sur les
travées du groupe socialiste)...
M. Marc Massion.
L'héritage !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
... et qui se poursuit ces temps-ci ne peut pas nous
apporter les marges de manoeuvre qui seraient indispensables pour une
actualisation globale immédiate, afin de rattraper tout le terrain perdu depuis
1997.
Je voudrais tout de même indiquer que l'effet de cette non-actualisation du
barème de l'ISF sur toute la période représente, si mes indications sont
justes, un surcoût, pour les contribuables assujettis à cet impôt, de l'ordre
de 150 millions d'euros, soit environ un milliard de francs.
Il faudrait d'ailleurs ajouter à ce coût supplémentaire l'incidence de la
nouvelle tranche d'imposition à 1,8 %. Mais c'est une autre affaire !
Restons-en pour le moment à la question du surcoût de 150 millions d'euros
résultant de la simple non-actualisation du barème depuis 1997.
Sur l'amendement n° I-115, je ne peux que partager les propos qui ont été
tenus par M. Jean Clouet. En revanche, l'amendement n° I-116 me paraissant un
peu coûteux, je souhaite son retrait.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
Tout d'abord, et c'est non pas un reproche mais un
compliment, même si vous êtes un ancien rapporteur général du budget ou un
ancien président de la commission des finances du Sénat, mais lorsque vous
intervenez devant le Sénat au nom du Gouvernement, vous vous voyez rappeler,
sans complaisance, aux idées de la commission des finances.
Monsieur le rapporteur général, encore une fois, ce n'est pas un reproche que
je vous adresse : c'est la crédibilité de la Haute Assemblée et son caractère
irremplaçable que je souligne.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Merci !
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
Pour conserver au débat sa fluidité, je n'ai pas
demandé la parole après les interventions de MM. Jean-Pierre Masseret et Michel
Charasse.
M. Michel Charasse nous a dressé une fresque historique de l'impôt, sur
laquelle je n'ai pas beaucoup d'observations à formuler. Il s'est quelque peu
étonné, après M. Jean-Pierre Masseret d'ailleurs, qu'il y ait un débat.
Mesdames, messieurs les sénateurs, j'aime trop le Parlement pour regretter que
le débat se tienne au Parlement !
Vous le savez, dans les sociétés modernes, très médiatiques, les échanges
d'arguments se font dans la presse. Celle-ci a toute son utilité, et j'espère
bien d'ailleurs qu'elle suit nos travaux. Mais ne regrettons pas de choisir de
parler au Parlement de ces sujets, qui sont essentiels pour l'avenir de notre
économie. Nos compatriotes nous ont accordé leur confiance pour les représenter
et pour exprimer leurs idées. Faisons donc en sorte que ces idées puissent être
soumises au débat dans nos enceintes - la première personne du pluriel étant
une usurpation de ma part, puisque, malheureusement, je ne fais plus partie du
Parlement.
S'agissant de la revalorisation, monsieur le rapporteur général, je comprends
votre argumentation. Par honnêteté intellectuelle, je ne peux en réfuter la
cohérence. Je vous demande simplement de bien vouloir interpréter les propos
que j'ai tenus au début de notre débat, sur un plan général, comme une
indication sur l'ordre dans lequel le Gouvernement a souhaité mettre en oeuvre
son programme fiscal. Mais cet ordre ne saurait s'interpréter comme ayant été
une manifestation de la volonté du Gouvernement d'accroître l'ISF ! Je vous
donne la confirmation que vous souhaitez entendre : à l'evidence, le
Gouvernement n'a pas la volonté d'alourdir l'ISF.
Cela étant, il est vrai que la non-actualisation du barème aboutit à un léger
accroissement de l'ISF, ce qui est sans doute regrettable. Il est cependant
probable que, l'immense majorité des contribuables assujettis à l'ISF étant
également redevable de l'impôt sur le revenu, elle aura perçu dans la baisse de
ce dernier la volonté du Gouvernement d'agir vite et efficacement en matière de
baisse des prélèvements.
C'est ce qui me conduit - mais je reconnais ne pas avoir d'autres arguments,
monsieur le rapporteur général - à vous dire qu'un effort a été fait dans ce
sens. Il a été fait au titre de l'impôt sur le revenu. J'espère que les
redevables de l'impôt de solidarité sur la fortune verront dans la baisse de
l'impôt sur le revenu un signe d'encouragement pour attendre l'année prochaine,
lorsque nous mettrons en oeuvre ensemble une réforme de la fiscalité du
patrimoine.
Telles sont les raisons pour lesquelles je vous demande de bien vouloir, après
nous avoir donné vos explications, retirer cet amendement.
Je me tourne maintenant vers M. Jean Clouet pour lui demander de faire de même
s'agissant de l'amendement n° I-115, qui est rédigé dans les mêmes termes que
l'amendement n° I-5 de la commission et qui appelle de ma part des arguments
identiques.
L'amendement n° I-116 vise, comme M. le rapporteur général l'a exprimé, avec
la forme d'humour que nous lui envions tous, à rattraper ce qui aurait pu être
présenté comme la volonté du gouvernement précédent, incomprise et
insuffisamment soutenue par sa majorité de l'époque. Le rattrapage que vous
proposez, monsieur Clouet, serait toutefois vraiment au-dessus des moyens du
Gouvernement.
Aussi, je vous propose, dans votre grande sagesse que je connais depuis si
longtemps, de bien vouloir retirer également cet amendement.
M. le président.
Monsieur le rapporteur général, l'amendement n° I-5 est-il maintenu ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Monsieur le président, il me semble préférable que
tous ceux qui souhaitent s'exprimer sur le sujet puissent le faire avant un
éventuel retrait.
M. le président.
La parole est à M. Denis Badré, pour explication de vote.
M. Denis Badré.
Je remercie M. le rapporteur général de laisser se développer la discussion.
Je pense effectivement que c'est utile : comme l'indiquait M. le ministre à
l'instant, le débat doit avoir lieu au Parlement. Je pense que nous sommes là
pour cela et que nous le faisons avec un souci de pragmatisme, de réalisme, et
avec une grande sérénité qui nous permettra, je l'espère, d'avancer
régulièrement chaque fois que nous le pourrons.
« N'ayez pas la compétitivité honteuse, monsieur le ministre » : c'est en ces
termes que je vous interpellais, si je me souviens bien, lors de la discussion
générale. Afficher une volonté d'avancer, même si l'on n'avance pas
immédiatement très vite et très loin, mais marquer au moins une volonté, ce
sera déjà un message perçu par ceux qui hésitent à partir car, à l'évidence,
nul ne part de gaîté de coeur - et j'ai pu le vérifier lors de nos travaux en
commission. Marquer une volonté sera perçu par ceux qui sont partis et qui
n'imaginent peut-être pas un instant qu'ils pourraient revenir alors même
qu'ils en ont envie, le désir, car ceux qui sont partis ont toujours envie de
rentrer un jour.
Marquez une volonté, monsieur le ministre !
L'amendement n° I-9 avait un caractère emblématique mais, un peu compliqué, il
n'était pas immédiatement lisible. L'amendement n° I-5 est beaucoup plus
immédiatement lisible et, de ce point de vue, il représente le signal de base,
marquant cette volonté d'aller de l'avant.
Vous avez cette volonté, monsieur le ministre, vous nous l'avez dit. Nous vous
demandons de l'afficher dès maintenant. Je crains, comme vous le souligniez
vous-même à l'instant, que si vous ne le faites pas et si vous opposez un avis
défavorable à cet amendement, le texte du Gouvernement ne donne au contraire un
signal inverse puisqu'il alourdirait alors encore l'ISF. Marquer une volonté
suppose au moins d'aller dans le sens de l'amendement n° I-5 de la commission.
J'insiste beaucoup pour dire que ce serait le signal attendu qu'il nous
paraîtrait psychologiquement important d'envoyer aujourd'hui pour marquer que
le Parlement et le Gouvernement ont la volonté de prendre en main ce qui peut
assurer la compétitivité du pays.
M. le président.
La parole est à M. Jacques Oudin, pour explication de vote.
M. Jacques Oudin.
Je formulerai trois observations.
Premièrement, je remercie M. le rapporteur général de l'historique qu'il nous
a fait concernant la façon dont le débat sur l'ISF s'est déroulé au cours des
dernières années. Le gouvernement socialiste avait lui-même proposé une
revalorisation annuelle. Ensuite, à l'issue de manoeuvres de couloir, la
revalorisation du barème de l'ISF, votée ou rétablie par le Sénat,
systématiquement, n'avait pas figuré finalement dans la loi de finances. Cela
me paraît important et m'amène à ma deuxième observation.
Le Sénat, au cours des dernières années, a toujours demandé la revalorisation
du barème de l'ISF, au moins au niveau de l'inflation. Non seulement il l'a
demandée, mais il l'a votée, et cela sous un gouvernement socialiste.
Actuellement, alors que le gouvernement a changé, que l'aspiration des
Français s'est manifestée clairement et que le Gouvernement a toujours dit
qu'il ne souhaitait pas alourdir l'ISF, je n'imagine pas que nous ne
revalorisions pas ce barème. Ce serait une contradiction complète avec l'action
qui a été menée auparavant.
Je pense donc que l'amendement n° I-5 de la commission est non seulement
normal, mais qu'il sera compris et accepté par nos concitoyens.
Ma troisième observation - ce point a été évoqué dans le débat précédent -
concerne les fortunes mobilières, dont les plus grosses sont parties. Que
reste-t-il ? Il reste les fortunes immobilières. Or comment évolue actuellement
le prix moyen du mètre carré dans l'immobilier en France ? Il augmente beaucoup
plus vite que l'inflation. Si vous voulez estimer l'alourdissement de l'impôt
de solidarité sur la fortune, il faut cumuler à la fois la non-revalorisation
du barème et l'évolution à la hausse du marché des biens immobiliers. Or
celui-ci s'accroît très vite, parfois de 8 %, 9 % ou 10 % dans certaines villes
de province, mais aussi à Paris.
Dans ces conditions, l'alourdissement ne résulte pas simplement de la
non-actualisation il est dû à l'évolution elle-même de ces biens immobiliers
qui, souvent, sont détenus par des personnes qui ne se livrent pas à de la
spéculation immobilière ou à des activités destinées à l'enrichissement,
puisque ces biens sont des biens de famille.
Dans ces conditions, le Gouvernement aurait tout intérêt à écouter le Sénat et
à approuver cet amendement. Ensuite, nous verrons le sort qui sera réservé à ce
dispositif lors de la commission mixte paritaire. Mais je crois que le Sénat
doit pouvoir continuer à confirmer sa position, parce que le problème est
symbolique, comme l'a d'ailleurs expliqué M. Charasse, et nous ne pouvons pas
nous déjuger sur ce point.
(Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. le président.
La parole est à M. Gérard Miquel, pour explication de vote.
M. Gérard Miquel.
Il est difficile de toucher aux symboles, et là nous sommes bien devant un
symbole !
Nous avons, au fil des ans, accumulé les possibilités de déductions fiscales
au titre de l'impôt sur le revenu. Nous avons proposé un amendement visant à
plafonner les possibilités de déduction fiscale à 50 % du montant de l'impôt à
payer. Si vous voulez toucher au symbole de l'ISF, il faut lancer un message
clair qui tende vers une plus grande justice fiscale !
La proposition que nous avons faite visant à plafonner les possibilités de
déduction fiscale au titre de l'impôt sur le revenu serait très intéressante et
très appréciée. Aujourd'hui, les catégories moyennes, qui n'ont pas la
possibilité d'investir ni de déduire leurs investissements de l'impôt sur le
revenu, paient beaucoup plus d'impôt sur le revenu que les catégories
supérieures qui, elles, ont la possibilité de faire des investissements leur
donnant droit aux déductions fiscales.
Notre proposition fournirait, j'en suis convaincu, des gains à l'Etat plus
intéressants que ceux de l'ISF, qui aujourd'hui est devenu un impôt peu
productif.
M. Michel Charasse.
Très bien !
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Tous les propos que nous venons d'entendre suscitent
naturellement beaucoup de réflexions au banc de la commission.
M. le ministre a raison de souligner que l'ISF ne s'apprécie pas tout seul.
D'ailleurs, les quelques analyses - à nos yeux bien insuffisantes mais qui ont
le mérite d'exister -, provenant de la direction générale des impôts, la DGI,
sur les questions d'expatriation des capitaux, montrent que c'est le couple
suivant qu'il faut regarder : d'un côté, l'impôt sur le revenu plus la CSG, de
l'autre, l'ISF. C'est le cumul de ces impositions qui peut expliquer des
délocalisations de capitaux.
Les analyses présentées par la DGI, qui, à cet égard, sont correctes sur le
plan méthodologique, nous laissent cependant une impression d'inachevé. Si des
éléments existent pour dire l'ampleur du phénomène, telle qu'appréciée par
l'administration, des transferts de capitaux, aucun n'élément n'existe
a
contrario
pour dire ce que représentent les projets d'entreprise qui
auraient été réalisés sur notre territoire...
M. Denis Badré.
Absolument !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
... et pour lesquels le choix d'autres territoires a
été fait compte tenu de systèmes fiscaux plus attractifs.
Donc, tout en souscrivant à la démonstration de M. le ministre en ce qui
concerne la combinaison des éléments de politique fiscale, je voudrais malgré
tout souligner que, dans l'appréciation des facteurs de compétitivité fiscale,
l'ISF joue bien sûr un rôle très important : c'est une affaire de montant, mais
c'est aussi une affaire de psychologie.
Dans ce domaine aussi bien que dans celui de l'impôt sur le revenu, le
Gouvernement manipule des volumes d'argent importants en ajustant les curseurs
de la politique fiscale, mais il joue surtout avec la psychologie des acteurs
de l'économie.
Donc, monsieur le ministre, je suis d'accord sur le fait que la baisse de
l'impôt sur le revenu est un acquis important sur le plan psychologique pour
certaines catégories d'agents économiques, notamment pour ceux qui influencent
le climat des affaires.
J'en viens aux propos de notre collègue M. Miquel.
Je voudrais saluer sa conclusion car, si j'ai bien compris, lui non plus ne
considère pas comme tabou le débat sur l'ISF au sein de la fiscalité du
patrimoine. Il ajoute, bien entendu, d'autres préconisations et fait part
d'autres soucis, mais j'ai pris ses appréciations comme le témoignage
responsable que ce débat doit avoir lieu et que le maintien du
statu quo
est économiquement critiquable.
Cela étant dit, je resterai fidèle, naturellement, en ce qui me concerne et en
ce qui concerne la commission, à la parole que j'ai donnée à M. le Premier
ministre, et je retirerai cet amendement n° I-5. Je convie notre collègue M.
Clouet à faire de même pour les amendements n°s I-115 et I-116.
Nous avons devant nous d'autres travaux et M. le ministre nous a répondu en
termes constructifs. Il ne faut pas non plus oublier, hélas ! que la
conjoncture des marchés financiers va conduire, en 2003, malgré la
non-actualisation du barème si elle demeure, la plupart des contribuables
assujettis à l'ISF à payer des cotisations sensiblement plus faibles en raison
de la baisse de la valorisation des actions et des autres produits
financiers.
Dans ce contexte spécifique, monsieur le ministre, pour cette année, et cette
année seulement - je me permets de le dire avec une certaine solennité -,
compte tenu des arguments que vous avez développés, de l'intention que vous
avez manifestée et du plan de travail que vous nous tracez, la commission
accepte de retirer cet amendement.
M. le président.
L'amendement n° I-5 est retiré.
Monsieur Clouet, répondez-vous aux sollicitations de M. le rapporteur général
et de M. le ministre ?
M. Jean Clouet.
Absolument, monsieur le président, je retire l'amendement n° I-115.
S'agissant de l'amendement n° I-116, je formulerai tout de même une
observation.
L'impôt de solidarité sur la forture coûterait, nous dit-on, plus cher à
percevoir qu'il ne rapporte.
M. Jean-Pierre Masseret.
Non !
M. Jean Clouet.
Si cela est vrai, plus il concerne de personnes, plus nous perdons. Par
conséquent, en proposant de diminuer les recettes de l'Etat, nous réduisons ses
pertes !
(Sourires.)
A l'avenir, il faudrait tenir compte de cet argument. Quoi
qu'il en soit, je retire l'amendement n° I-116.
M. le président.
Les amendements n°s I-115 et I-116 sont retirés.
M. Paul Loridant.
« Tout ça... pour ça ! »
(Sourires.)
M. le président.
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
L'amendement n° I-7, présenté par M. Marini, au nom de la commission, est
ainsi libellé :
« Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - A l'article 885 V du code général des impôts, le montant : "150 euros"
est remplacé par le montant : "300 euros".
« II. - La perte de recettes résultant pour l'Etat des dispositions du I
ci-dessus est compensée par la création à due concurrence d'une taxe
additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des
impôts. »
L'amendement n° I-113, présenté par MM. du Luart, Bourdin, Clouet, Lachenaud
et Trucy, est ainsi libellé :
« Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - L'article 885 V du code général des impôts est ainsi rédigé :
«
Art. 885 V. -
Le montant de l'impôt de solidarité pour la fortune
calculé dans les conditions prévues à l'article 885 U est réduit d'un montant
de 300 euros par personne à charge au sens de l'article 196 et de 1 500 euros
par personne à charge au sens de l'article 196 A
bis
. »
« II. - La perte de recettes pour le budget de l'Etat résultant du I ci-dessus
est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux
droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. le rapporteur général, pour défendre l'amendement n°
I-7.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
L'amendement n° I-7 pose le problème de la prise en
compte de la situation familiale pour le calcul de l'impôt de solidarité sur la
fortune. D'une manière très modérée d'ailleurs, la commission préconise de
porter de 150 à 300 euros la réduction par personne à charge. Cette mesure,
d'un coût limité, est quelque peu symbolique, et nous souhaiterions entendre le
Gouvernement à ce sujet.
M. le président.
La parole est à M. Jean Clouet, pour défendre l'amendement n° I-113.
M. Jean Clouet.
La portée de l'amendement n° I-113 est très proche de celle de l'amendement n°
I-7 de la commission. L'argumentation étant la même, je ne la reprendrai
pas.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean Arthuis,
président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes
économiques de la nation.
Avant d'entendre l'avis du Gouvernement, je
ferai observer, mes chers collègues, que le barème de l'ISF laisse peu de place
à la notion de patrimoine familial. Contrairement au barème de l'impôt sur le
revenu, dont le caractère est progressif, l'ISF ne tient pas compte, en effet,
de la situation familiale.
Quelques-unes des mesures proposées dans ces deux amendements ne vont pas
jusqu'au bout de cette logique mais, en faisant cette remarque, je suis en
contradiction avec leurs auteurs car, selon moi, l'ISF est un impôt que nous
aurons bien du mal à améliorer ! Je tenais néanmoins à faire cette observation
avant que le Gouvernement donne son avis sur ces deux amendements.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
C'est un excellent amendement que l'amendement n°
I-113, d'autant que ses auteurs ont pensé à prendre en considération les
charges liées à la présence au foyer d'un handicapé. Ce souci est tout à fait
opportun, à la veille de l'ouverture de l'année des handicapés.
La prise en compte des enfants de moins de dix-huit ans et handicapés, pour
lesquels la réduction serait, selon nos collègues, de 1 500 euros,
représenterait une avancée sociale et humaine significative. La commission
salue par conséquent cette initiative et donne un avis favorable à cet
amendement.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
S'il est vrai que ces mesures visent à mieux
appréhender la situation familiale des redevables pour la liquidation de
l'impôt de solidarité sur la fortune, il est non moins certain que - comme M.
le président de la commission vient de le souligner -, pour la détermination de
la capacité contributive des redevables, la composition du foyer fiscal a une
incidence bien moindre qu'en matière d'impôt sur le revenu.
Selon les statistiques, 84 % des redevables de l'impôt sur la fortune n'ont
pas d'enfants à charge, les deux tiers d'entre eux ayant plus de soixante
ans.
Cette mesure tendant à prendre en compte le foyer familial recueille donc
plutôt ma sympathie, en tout cas à titre personnel, mais, étant un lecteur
assidu de M. le rapporteur général, j'estime, comme il l'a écrit dans son
rapport, que cela appelle une correction corrélative des seuils, voire -
pourquoi pas ? - une introduction ou non d'un quotient familial.
M. Jean Arthuis,
président de la commission.
Absolument !
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
Une telle réforme ne peut donc s'inscrire que dans une
refonte de l'impôt lui-même, à laquelle je vous propose de travailler dès
l'aube de l'année.
(Sourires.)
C'est ce qui me conduit, me tournant à
nouveau vers M. Clouet et sous le bénéfice des explications que je viens de
donner - qui, je pense, sont positives -, à lui demander de bien vouloir
retirer son amendement, sachant que nous allons travailler tous ensemble sur ce
sujet dès le premier trimestre de 2003.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
La dimension familiale de l'impôt sur le patrimoine
doit être connue et reconnue. Au demeurant, c'est ce qu'a fait le Conseil
constitutionnel dans sa décision du 30 décembre 1981 relative à la première
version de l'impôt sur la fortune. Il estimait en effet « qu'il est de fait que
le centre de disposition des revenus à partir duquel peuvent être appréciées
les ressources et les charges du contribuable est le foyer familial ».
A mon sens, ce point a été un peu perdu de vue au cours des dernières années,
la réduction pour personnes à charge étant presque symbolique. Mais, compte
tenu de la réponse qui nous a été apportée, du plan de travail qui nous a été
adressé et qui va commencer, si j'ai bien compris M. le ministre, le 1er
janvier prochain à zéro heure
(Sourires)
, je vais, en témoignage de
confiance, retirer l'amendement n° I-7. Je convie M. Clouet à bien vouloir
faire de même avec son amendement.
M. le président.
L'amendement n° I-7 est retiré.
Monsieur Clouet, acceptez-vous de retirer votre amendement ?
M. Jean Clouet.
Oui, monsieur le président.
M. le président.
L'amendement n° I-113 est retiré.
M. Gérard Miquel.
Je le reprends, monsieur le président.
M. le président.
Il s'agit donc de l'amendement n° I-113 rectifié.
Je vous donne la parole, monsieur Miquel, pour le défendre.
M. Gérard Miquel.
Cet amendement me paraît empreint de bon sens, en particulier la mesure
concernant les personnes handicapées titulaires d'une carte d'invalidité.
Accorder une réduction d'impôt de 1 500 euros pour les personnes à charge est
d'autant plus judicieux que l'on veut valoriser le soutien aux handicapés. En
outre, ce serait un signe intéressant qui ne coûterait pas très cher à
l'Etat.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Défavorable. Je n'ai pas d'observation complémentaire
à ajouter ; je me suis déjà largement exprimé.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
Quels que soient les auteurs de l'amendement, la
position du Gouvernement restera la même. Je l'ai souvent dit, je suis tout à
fait « inoxydable » à la diabolisation, qui n'est, je le sais bien, sûrement
pas dans les intentions de Gérard Miquel, et pas à mon endroit de surcroît.
A l'occasion de l'examen des différents amendements relatifs à l'ISF, je vous
propose de revoir l'instrument, de remettre l'ouvrage sur le métier et d'y
travailler. Cela vaut pour l'ensemble des propositions qui sont faites. Si nous
commençons à choisir des solutions différentes selon la nature des amendements,
cela signifie que nous voulons d'ores et déjà réformer cet impôt.
Si telle était votre intention, mesdames, messieurs les sénateurs du groupe
socialiste, il fallait le dire dès le départ : nous aurions peut-être donné des
avis différents sur les amendements qui viennent d'être débattus.
Par conséquent, je ne recommande pas au Sénat d'adopter cet amendement, en
raison du défaut de méthode - Gérard Miquel ne m'en voudra pas - et parce que
je vois peut-être un peu d'opportunisme dans cette suggestion.
(Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
Ne nous fâchons pas ! Nous n'allons pas, à cette heure matinale, nous dire des
choses désagréables !
Je ne voudrais pas que la position du Gouvernement soit perçue comme étant
aveugle à l'endroit des personnes qui souffrent de handicaps, mais de deux
choses l'une : soit on réforme d'ores et déjà cet impôt, soit on choisit de le
faire l'année prochaine ; on ne peut pas faire les deux en même temps !
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° I-113 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
L'amendement n° I-8, présenté par M. Marini, au nom de la commission, est
ainsi libellé :
« Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Après l'article 885 V
bis
du code général des impôts, il est
rétabli un article 885 V
ter
ainsi rédigé :
«
Art. 885 V
ter. - Les personnes soumises à l'impôt de solidarité sur
la fortune peuvent bénéficier d'une réduction d'impôt égale à 75 % des
versements ou remises de titres cotés effectués en faveur de fondations ou
d'associations reconnues d'utilité publique répondant aux conditions fixées au
b de l'article 200 du code général des impôts, sans que la réduction d'impôt ne
puisse être supérieure à 25 % des droits dus et résulter pour plus de la moitié
de la remise de titres cotés.
« Cette réduction ne peut être cumulée pour un même versement ou une même
remise de titres cotés avec la réduction d'impôt prévue à l'article 200.
« Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités d'application du présent
article. »
« II. - La perte de recettes résultant pour l'Etat des dispositions du I
ci-dessus est compensée par la création à due concurrence d'une taxe
additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des
impôts. »
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Notre pays a besoin des oeuvres d'intérêt général
soutenues par l'initiative privée. Or les fondations sont insuffisamment
développées, ce qui aboutit parfois à un manque de pluralisme et à une
insuffisance de moyens, notamment pour la recherche universitaire.
Cela a également pour conséquence l'omniprésence des fonds publics dans la
mise en valeur ou la préservation du patrimoine, alors que, sous d'autres
cieux, l'initiative privée et la contribution des fonds privés sont souvent
beaucoup plus significatives.
La commission des finances a donc considéré qu'il y avait une urgente
nécessité à envoyer un signal favorable à l'initiative privée, afin de parvenir
à la constitution de fondations puissantes.
Le dispositif proposé s'appuie sur la fiscalité du patrimoine et préconise
l'impôt choisi dans certaines conditions et jusqu'à un certain point, bien
entendu. Cela permettrait aux contribuables de décider de l'affectation de leur
effort et de consacrer de l'argent qui aurait été versé à l'Etat dans le cadre
d'un prélèvement fiscal à un concours personnel privé apporté à une oeuvre
d'intérêt général dans l'ordre social, dans l'ordre patrimonial ou dans l'ordre
de la recherche. C'est l'idée sur laquelle est fondée la proposition de loi que
j'ai eu récemment l'honneur de déposer, et la commission des finances a bien
voulu en reprendre le dispositif dans cet amendement n° I-8.
En clair, il s'agit de transposer à l'impôt de solidarité sur la fortune les
dispositions qui existent en matière d'impôt sur le revenu dans le cadre de
l'actuel article 200 du code général des impôts, et d'accepter une réduction
d'impôt au titre de l'ISF égale à 75 % d'un don dans la limite de 25 % de
l'impôt dû et sans que la remise de titres cotés puisse être à l'origine de
plus de la moitié de la réduction d'impôt. On voit bien que ce système comporte
un effet de levier puisqu'il faut apporter de l'argent frais à hauteur de 25 %
de la totalité du financement dévolu à la fondation.
Enfin, pour que les initiatives puissent librement éclore, il conviendra
d'adapter, d'assouplir le droit des fondations, mais cela est une autre affaire
puisque c'est un dispositif juridique, donc non fiscal et non susceptible
d'être inscrit dans une loi de finances, qui devrait voir le jour si l'on veut
assurer une complète cohérence avec la préconisation que je viens de faire en
ce qui concerne la réduction d'impôt au titre de l'ISF.
Voilà, monsieur le ministre, une réflexion que la commission des finances
voulait vous soumettre pour connaître votre orientation sur le sujet et savoir
si cette proposition est susceptible d'évoluer dans le cadre de la réflexion à
laquelle vous nous avez conviés pour l'année 2003.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
Tout d'abord, je constate un point d'accord, monsieur
le rapporteur général : le développement du mécénat et de la générosité
individuelle doit être encouragé, vous l'avez dit il y a un instant, au moment
où il stagne, au moment où il décline même peut-être.
Je partage donc votre avis sur la nécessité d'explorer des voies nouvelles
pour appeler nos compatriotes au financement volontaire de besoins sociaux,
moyennant un contrôle direct et parfois plus exigeant que celui qu'exerce
l'action publique concernant le bon usage de leurs versements.
Cela peut conduire à une diminution de la contribution publique, donc des
prélèvements obligatoires, ce dont chacun pourrait se réjouir. Mobiliser un
potentiel de générosité des Français est une démarche civique et
l'encouragement fiscal pourrait, en effet, être renforcé.
Monsieur le rapporteur général, il s'agit de savoir s'il est bien opportun de
transposer à l'ISF les dispositions fiscales de l'impôt sur le revenu. Notre
impôt sur le revenu, vous le savez, est complexe. Faut-il « contaminer », si
j'ose dire, l'ISF par les mêmes défauts ? Cette question méritera d'être
approfondie lors des travaux que nous mènerons ensemble dès l'an prochain.
Souvenons-nous - c'est vous qui me l'avez appris - que les moins mauvais impôts
sont ceux dont l'assiette est large et le taux faible.
Puisque vous sembliez prêt, monsieur le rapporteur général, tout à l'heure, à
travailler sur ce sujet dès le 1er janvier prochain, je crois qu'il faut
commencer à mettre l'ouvrage sur le métier dès maintenant.
Je souhaite attirer votre attention sur un point : le cumul des dispositions
d'encouragement aux dons, d'une part au titre de l'impôt sur le revenu, d'autre
part au titre de l'ISF, pourrait créer une situation où la dépense fiscale
serait égale à 100 %.
Nous ne pouvons donc pas travailler sur le sujet sans examiner très
précisement les questions de cumul entre les deux impôts. Par conséquent, cet
amendement justifie, plus encore que tous les autres, un examen très
approfondi, auquel je suis prêt.
Je sais que d'autres ministères ont manifesté des intentions à ce sujet. Je
souhaite donc que l'on évite toute improvisation et que l'on agisse dans un
souci de cohérence fiscale, souci qui a toujours animé la commission des
finances du Sénat.
Sous le bénéfice de ces observations, qui sont sans ambiguïté sur les
intentions du Gouvernement mais qui expriment la nécessité de réfléchir à cette
question, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement, monsieur le
rapporteur général.
M. le président.
Monsieur le rapporteur général, l'amendement n° I-8 est-il maintenu ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Avant de répondre à la sollicitation de M. le
ministre, je souhaite rappeler dans quel esprit cette proposition est formulée.
Dès lors que l'ISF existe, dès lors que son existence n'est pas remise en cause
et dès lors qu'il y a une tranche que l'on peut qualifier de très élevée, il
n'est pas absurde que les cotisations versées au titre de cet impôt puissent
comporter des versements à des oeuvres d'intérêt général. En effet, si ces
versements n'interviennent pas s'agissant de la recherche universitaire,
s'agissant du patrimoine, s'agissant d'oeuvres sociales, que se passera-t-il ?
Ce sont des fonds publics de l'Etat, dans une très large mesure, et des
collectivités locales qui seront affectés aux mêmes finalités.
Monsieur le ministre, on ne peut quand même pas considérer que, dans ce pays,
la situation soit pleinement satisfaisante, par exemple pour le financement des
monuments historiques : nous constatons des retards considérables dans ce
domaine. Le système est assez défectueux, tant en matière de maîtrise d'ouvrage
que de disponibilité des financements. L'initiative privée pourrait assurément
être un facteur de dynamisation d'actions d'intérêt général.
Je voudrais également insister, monsieur le ministre, sur la recherche en
macro-économie, domaine que vous connaissez très bien. Dans notre pays, des
personnalités éminentes conduisent des réflexions tout à fait remarquables. Il
s'agit soit d'équipes qui travaillent sur fonds publics, sur les subventions ou
les commandes - ce qui est souvent un peu analogue - du grand ministère de
Bercy, soit d'équipes qui oeuvrent dans le cadre de groupes financiers et qui,
ainsi, soutiennent et développent la réflexion de ces groupes financiers,
naturellement dans l'intérêt de leur stratégie, en particulier dans l'intérêt
du placement de produits financiers au sein de leur clientèle.
Les jugements dont nous disposons en matière de macro-économie - je vous
renvoie en particulier, monsieur le ministre, à toutes les analyses sur la
croissance économique - sont rarement indépendants de l'Etat, qui finance des
secteurs de l'économie, des branches professionnelles ou des grandes
entreprises, en particulier des banques. Cette situation est-elle vraiment
satisfaisante ?
Il faut vraiment se poser ce type de questions. Passer par le biais de l'ISF
est une démarche que certains peuvent approuver, d'autres désapprouver, mais,
lorsqu'un petit nombre de personnes sont susceptibles d'apporter un concours à
des activités de ce type et souhaitent associer leur nom à la réalisation de
ces buts d'intérêt général, pourquoi ne pas examiner attentivement ce type de
possibilités ?
Vous n'avez pas dit non, monsieur le ministre, à cette réflexion et je m'en
réjouis, car c'est un témoignage de liberté d'esprit qui ne nous surprend pas
de votre part. C'est extrêmement précieux dans le monde franco-français dans
lequel nous vivons et dans lequel beaucoup de choses, hélas ! sont trop souvent
figées par un certain conformisme administratif ou bien-pensant. Tâchons de
sortir de cette situation et peut-être cette disposition sera-t-elle un jour de
nature à y contribuer.
C'est avec cet espoir, monsieur le ministre, que je retire cet amendement.
M. le président.
L'amendement n° I-8 est retiré.
L'amendement n° I-6, présenté par M. Marini, au nom de la commission, est
ainsi libellé :
« Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - La seconde phrase du premier alinéa de l'article 885 V
bis
du
code général des impôts est supprimée.
« II. - La perte de recettes résultant pour l'Etat des dispositions du I
ci-dessus est compensée par la création à due concurrence d'une taxe
additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des
impôts. »
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Je serai beaucoup plus bref, car chacun connaît le
fond de cet amendement. Michel Charasse en a d'ailleurs parlé tout à l'heure
puisqu'il a indiqué qu'à une certaine époque il existait un plafonnement de
l'ISF par rapport aux revenus, plafonnement qu'il a lui-même, si je ne me
trompe, qualifié de « raisonnable » - peut-être a-t-il utilisé un terme
équivalent -...
M. Michel Charasse.
Je l'avais créé !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Il était donc « raisonnable » !
Chacun le sait ici, mes chers collègues, la majorité sénatoriale depuis
plusieurs années a adopté des amendements équivalents pour rétablir le
plafonnement de l'ISF par rapport aux revenus très exactement dans les
conditions dans lesquelles il existait avant la loi de finances de 1996.
Je n'ajouterai donc pas d'arguments supplémentaires ; je rappellerai
simplement à ceux qui affirment que toucher à l'ISF est politiquement
dommageable que les mesures qui figuraient dans la loi de finances de 1996 ont
été fortement préjudiciables et que leurs auteurs l'ont chèrement payé aux
élections législatives anticipées de 1997 !
M. Jean-Pierre Schosteck.
C'est vrai !
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
Je serai aussi bref que M. le rapporteur général, car
de nombreux échanges sont déjà intervenus sur ce sujet. Tout à l'heure, lors de
son intervention, Michel Charasse a expliqué les variations qui s'étaient
produites en matière de plafonnement.
Mesdames, messieurs les sénateurs, dans mon propos introductif, j'avais appelé
à la concorde entre les sensibilités politiques de bonne volonté et de bon
sens. Le tabou du plafonnement va devoir être levé. S'il ne l'était pas, j'y
verrais, à terme, une menace pour nos emplois.
Jean-Pierre Masseret, à qui je n'ai pas répondu lors de la discussion générale
- je saisis donc cette occasion pour le faire -, nous a parlé du drame
industriel qui touche sa région. Il sait que j'en ai moi-même connu un
semblable. Je suis toujours inquiet, non pas par nationalisme exacerbé, de voir
des actionnaires « extérieurs » détenir - ce ne fut pas le cas pour
l'entreprise de votre région, monsieur Masseret mais ce fut celui de Moulinex -
le contrôle d'une entreprise parce qu'ils n'ont pas, en effet, la préoccupation
immédiate de l'emploi. Nous devons donc rester vigilants face à la montée en
charge, si j'ose dire, des fonds de pension dans l'actionnariat de nos
entreprises.
Ne décourageons pas les actionnaires français : c'est un appel que je lance !
Mais cette question pourra faire l'objet d'un débat de fond l'année prochaine,
lors de la réforme de la fiscalité du patrimoine. Il serait bon que les
différentes forces politiques qui croient vraiment à la nécessité de conforter
l'attractivité de la France parviennent, à partir de travaux loyaux et
sincères, à un véritable consensus sur ce sujet.
Cela me conduit, monsieur le rapporteur général, à vous demander de bien
vouloir retirer cet amendement.
M. le président.
Monsieur le rapporteur général, l'amendement est-il maintenu ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Je le retire, monsieur le président.
M. le président.
L'amendement n° I-6 est retiré.
L'amendement n° I-216 rectifié, présenté par MM. Adnot, Darniche,
Durand-Chastel, Seillier, Lachenaud et Oudin, est ainsi libellé :
« Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Après l'article 885 V
bis
du code général des impôts, il est
inséré un article ainsi rédigé :
«
Art. ...
L'impôt sur la fortune est réduit de la moitié des
souscriptions en numéraire effectuées au capital de sociétés immatriculées au
registre du commerce et des sociétés depuis moins de dix ans et dont les titres
ne sont pas admis aux négociations sur un marché réglementé ».
« II. - La perte de recettes résultant pour l'Etat du I ci-dessus est
compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits
prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts ».
La parole est à M. Jacques Oudin.
M. Jacques Oudin.
L'objet du présent amendement est d'accélérer l'accès au financement en fonds
propres des jeunes pousses en encourageant les personnes physiques les plus
fortunées à soutenir la création d'entreprises innovantes à un stade où
l'investissement est des plus risqué.
Outre le fait que cette disposition découragera un certain nombre de
délocalisations fiscales et suscitera des vocations d'anges providentiels, elle
entraînera, en « retour sur investissement » pour l'ensemble de notre économie,
le développement des entreprises. Je pense que tout le monde y gagnera.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Il s'agit d'excellentes réflexions qui, si je ne me
trompe, sont nées au sein du « Club.Senat.fr », le club des nouvelles
entreprises, qu'il faut saluer tout particulièrement.
Nos collègues sont animés par le souci d'inciter les investisseurs
professionnels, que je n'ose pas, monsieur Angels, dénommer selon leur
appellation anglo-saxonne habituelle
(Sourires)
, à investir dans les
jeunes pousses. Cette initiative nous paraît opportune et nous souhaiterions
entendre l'avis du Gouvernement à cet égard.
M. le président.
Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
Nous avons déjà eu l'occasion, lors de la discussion de
l'impôt sur le revenu, d'évoquer ce sujet et la nécessité de prévoir une
fiscalité qui soutienne les initiatives économiques telles que celles qui ont
été décrites par Jacques Oudin. Je vous propose donc, s'agissant de l'ISF, de
procéder comme nous l'avons fait avec l'impôt sur le revenu : ce sujet traité à
l'occasion de l'examen du projet de loi intitulé « Agir pour l'initiative
économique », qui sera présenté par Renaud Dutreil, secrétaire d'Etat aux
petites et moyennes entreprises, au début de l'année, et qui vise, précisément,
à donner à nos entreprises toutes les chances de se développer.
J'ajoute d'ores et déjà - je pense que vous avez besoin de cette précision -
qu'il ne sera pas prétexté, lors de l'examen de ces dispositions, que l'ISF
sera revu au cours du projet de loi de finances pour 2004. En effet, toutes les
mesures relatives à l'entreprise, quand bien même elles touchent à l'ISF,
pourront être traitées dans le projet de loi de M. Dutreil.
J'espère vous avoir donné toutes assurances pour que ce débat puisse se tenir
dès le mois de janvier prochain, à l'occasion de l'examen de ce texte.
Cela me conduit à proposer à M. Oudin de retirer son amendement, afin de
pouvoir le déposer de nouveau lors de la discussion du projet de loi
précité.
M. le président.
Quel est maintenant l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
La commission a entendu avec grand intérêt les
précisions apportées par M. le ministre, car, par rapport à ses précédentes
interventions, il a été un tout petit peu plus loin dans la chronologie : il
nous a indiqué, en effet, que les travaux sur la loi d'action pour l'initiative
économique pourront inclure des dispositifs incitatifs reposant sur la
fiscalité sur le patrimoine, et en particulier sur l'ISF. Ces dispositifs ne
seront pas, nous a-t-il dit, disqualifiés par la réflexion d'ensemble sur la
fiscalité du patrimoine, celle-ci devant aboutir dans la loi de finances pour
2004.
Par conséquent, dès le début de l'année 2003 - en janvier, nous l'espérons -
nous pourrons reprendre des débats de cette nature. C'est un bon jalon qui a
été posé et je suppose que la réponse de M. le ministre vaudrait d'ailleurs
également pour le pacte d'actionnaires et pour d'autres dispositifs relatifs
aux relations entre ISF-entreprises, ISF-investissements, maintien de l'emploi,
etc.
Compte tenu de cette approche, je recommande évidemment à nos collègues, en
particulier à M. Oudin, de bien vouloir patienter encore quelques semaines,
voire quelques mois.
M. le président.
L'amendement est-il maintenu, monsieur Oudin ?
M. Jacques Oudin.
M. le rapporteur général et M. le ministre semblent avoir parfaitement compris
le sens de cet amendement. Il est important de pallier les insuffisances de nos
investissements dans ces jeunes pousses. Nous avons, dans ce domaine, un retard
considérable vis-à-vis de nos concurrents - M. Denis Badré le sait, lui qui
parle de la compétitivité de nos entreprises.
Je comprends que le projet de loi « Agir pour l'initiative économique »
reprendra l'ensemble de ces dispositifs, ce dont je me réjouis. Nous y
participerons, car c'est un débat important pour la France. Dans l'attente de
ce texte, je retire l'amendement.
M. le président.
L'amendement n° I-216 rectifié est retiré.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean Arthuis,
président de la commission.
Avec la présentation de l'amendement n° I-216
rectifié de M. Adnot, prend fin l'examen des amendements portant sur l'impôt de
solidarité sur la fortune.
Monsieur le ministre, je crois que la commission des finances, pas plus que le
Sénat, n'a pas trahi sa réputation et vous avez vous-même contribué à
stabiliser des principes et une doctrine. On ne pourra donc pas dire, au terme
de ce débat de grande qualité, que le Sénat s'est montré complaisant à l'égard
du Gouvernement. Si la majorité du Sénat soutient le Gouvernement, elle entend
le faire en présentant sans indulgence ses préoccupations.
Monsieur le ministre, vous allez repartir avec un dossier enrichi par la
contribution du Sénat et M. le rapporteur général a été particulièrement
convaincant.
Le dossier de l'ISF, Michel Charasse le rappelait, nous a créé beaucoup de
soucis. Moi-même, j'assume la responsabilité d'une erreur, celle de la loi de
finances de 1996. A l'époque, nous souhaitions que la France puisse se
qualifier pour l'euro et il fallait ramener le déficit public de 5,5 % du PIB à
3 % au plus tard le 31 décembre 1997.
Lorsque nous avons voulu plafonner le montant total de l'impôt de solidarité
sur la fortune et de l'impôt sur le revenu par rapport au revenu, nous n'avons
pas trouvé les conditions politiques nécessaires dans la loi de finances pour
1997. Mais c'était une erreur ! Finalement, au travers des différents
amendements, on voit bien que l'on essaie de corriger un ensemble marqué par
une somme de contradictions et d'hypocrisie. En définitive, il n'est pas exclu
que l'ISF coûte plus cher à la France qu'il ne rapporte au budget de l'Etat.
Nous sommes dans le domaine du symbole. Tout cela est emblématique et il
faudra donc aborder nos prochains rendez-vous, celui de la discussion du texte
que prépare le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises et celui
de l'examen de la loi de finances pour 2004, avec beaucoup de pragmatisme, me
semble-t-il, et en essayant de faire taire nos vieux fantasmes politiciens.
C'est l'intérêt de la France qui est en cause !
Ce matin, je crois que nous avons fait la démonstration de notre capacité de
mouvement. Les membres du groupe socialiste ont eux-mêmes pris part à une
tentative de modification de l'ISF. C'est prometteur. J'espère que nous serons
à la hauteur des prochains rendez-vous que vous nous fixez, monsieur le
ministre.
M. le président.
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
L'amendement n° I-77, présenté par MM. Joly, Pelletier et Mouly, est ainsi
libellé :
« Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Dans la première phrase du I de l'article 2 de l'ordonnance n° 82-283
du 26 mars 1982, portant création des chèques-vacances, les sommes : "15 250
euros" et "3 550 euros" sont remplacées respectivement par les sommes : "16 320
euros" et "3 785 euros".
« II. - La perte de recettes résultant du I est compensée à due concurrence
par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et
575 A du code général des impôts. »
L'amendement n° I-100, présenté par MM. Dussaut, Peyronnet, Domeizel et les
membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :
« Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« A l'article 2 de l'ordonnance n° 82-283 du 26 mars 1982 portant création des
chèques-vacances, les sommes : "15 250 euros" et "3 550 euros" sont remplacées
respectivement par les sommes : "16 320 euros" et "3 785 euros". »
L'amendement n° I-77 n'est pas soutenu.
La parole est à M. Michel Charasse, pour défendre l'amendement n° I-100.
M. Michel Charasse.
Il est défendu, monsieur le président.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
De même que l'amendement n° I-77, qui n'a pas été
soutenu, cet amendement n° I-100 tendant à réévaluer le revenu fiscal de
référence dans le dispositif des chèques-vacances doit être considéré comme
satisfait par l'article 59
quinquies
du projet de loi de finances, issu
des délibérations de l'Assemblée nationale, que nous examinerons en deuxième
partie.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
Le Gouvernement partage l'avis de la commission des
finances et souhaite le retrait de cet amendement.
M. le président.
L'amendement n° I-100 est-il maintenu, monsieur Charasse ?
M. Michel Charasse.
Puisqu'il est satisfait, nous le retirons !
M. le président.
L'amendement n° I-100 est retiré.
Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
L'amendement n° I-78, présenté par MM. Joly, Pelletier et Mouly, est ainsi
libellé :
« Après l'article 4, insérer un article additionnel rédigé comme suit :
« I. - Dans la première phrase du I de l'article 2-1 de l'ordonnance n° 82-283
du 26 mars 1982, portant création des chèques-vacances, les mots : "Dans les
entreprises de moins de cinquante salariés" sont remplacés par les mots : "Dans
les entreprises de plus de vingt salariés et de moins de cinquante
salariés".
« II. - Après l'article 2-1 de l'ordonnance n° 82-283 du 26 mars 1982
précitée, il est inséré un article 2-2 rédigé comme suit :
«
Art. 2-2. - I. -
Les entreprises de moins de vingt salariés,
dépourvues de comité d'entreprise et qui ne relèvent pas d'un organisme
paritaire mentionné au dernier alinéa de l'article 6, sont exclues du champ
d'application des articles 2-1 et 2-3.
« L'employeur peut faire bénéficier ses salariés des chèques-vacances selon
les modalités suivantes :
« - la contribution de l'employeur à l'acquisition des chèques-vacances est
fixée en fonction du niveau des rémunérations perçues par les salariés dans
l'entreprises. L'employeur contribue à hauteur de 80 % au plus de leur valeur
libératoire, modulée en fonction du niveau des rémunérations pratiquées dans
l'entreprise ;
« - les termes de la modulation maximale en fonction des rémunérations
pratiquées dans l'entreprise sont de 80 % jusqu'à 1,3 SMIC, de 50 % entre 1,3
et 1,8 SMIC et de 25 % au-delà de 1,8 SMIC.
« L'avantage résultant de la contribution de l'employeur à l'acquisition des
chèques-vancances est exonéré des cotisations et contributions prévues par la
législation du travail et de la sécurité sociale, à l'exception de la
contribution sociale généralisée et de la contribution pour le remboursement de
la dette sociale. Le montant de l'avantage donnant droit à exonération est
limité, par salarié et par an, à 30 % du SMIC apprécié sur une base
mensuelle.
«
II. -
Cette simplification d'attribution des chèques-vacances pour
les très petites entreprises de moins de vingt salariés est laissée à leur
libre choix. Elles peuvent décider de recourir à un dispositif optimisé fondé
sur le revenu fiscal de référence.
«
III. -
Les chefs d'entreprise de moins de vingt salariés, à défaut de
délégués syndicaux et de personnels mandatés, associent leurs salariés à la
procédure de consultation et de fixation de la contribution de l'employeur.
»
« III. - La perte de recettes résultant du I et du II est compensée à due
concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux
articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
L'amendement n° I-101, présenté par MM. Dussaut, Peyronnet, Domeizel et les
membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :
« Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« L'ordonnance n° 82-283 du 26 mars 1982 portant création des chèques-vacances
est modifiée de la façon suivante :
« I. - Au I de l'article 2-1, les mots : "Dans les entreprises de moins de
cinquante salariés" sont remplacés par les mots : "Dans les entreprises de plus
de vingt salariés et de moins de cinquante salariés".
« II. - Après l'article 2-1, il est inséré un article 2-2 ainsi rédigé :
«
Art. 2-2. - I. -
Les entreprises de moins de vingt salariés,
dépourvues de comité d'entreprise, et qui ne relèvent pas d'un organisme
paritaire mentionné au dernier alinéa de l'article 6, sont exclues du champ
d'application de l'article 2-1 et 2-3 de l'ordonnance du 26 mars 1982.
« L'employeur peut faire bénéficier ses salariés des chèques-vacances selon
les modalités suivantes :
« - la contribution de l'employeur à l'acquisition des chèques-vacances est
fixée en fonction du niveau des rémunérations perçues par les salariés dans
l'entreprise (l'employeur contribue à hauteur de 80 % au plus de leur valeur
libératoire) et sera modulée en fonction du niveau des rémunérations pratiquées
dans l'entreprise ;
« - la modulation maximale en fonction des rémunérations pratiquées dans
l'entreprise est de 80 % jusqu'à 1,3 SMIC, de 50 % entre 1,3 et 1,8 SMIC et de
25 % au-delà de 1,8 SMIC.
« L'avantage résultant de la contribution de l'employeur à l'acquisition des
chèques-vacances est exonéré des cotisations et contributions prévues par la
législation du travail et de la sécurité sociale, à l'exception de la
contribution sociale généralisée et de la contribution pour le remboursement de
la dette sociale. Le montant de l'avantage donnant droit à exonération est
limité, par salarié et par an, à 30 % du salaire minimum de croissance
appréciée sur une base mensuelle.
«
II. -
Cette simplification d'attribution des chèques-vacances pour
les entreprises de moins de vingt salariés est laissée au libre choix desdites
entreprises, qui peuvent décider de recourir à un dispositif optimisé basé sur
le revenu fiscal de référence.
«
III. -
Les chefs d'entreprise de moins de vingt salariés, à défaut de
délégués syndicaux et de mandaté, associent le personnel à la procédure de
consultation et de fixation de la contribution de l'employeur. »
L'amendement n° I-212 rectifié, présenté par MM. Dussaut, Peyronnet, Domeizel
et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
« Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« L'ordonnance n° 82-283 du 26 mars 1982 portant création des chèques-vacances
est modifiée de la façon suivante :
« I. - Au I de l'article 2-1, les mots : "Dans les entreprises de moins de
cinquante salariés" sont remplacés par les mots : "Dans les entreprises de plus
de vingt salariés et de moins de cinquante salariés".
« II. - Après l'article 2-1, il est inséré un article 2-2 ainsi rédigé :
«
Art. 2-2. - I.
- Les entreprises de moins de vingt salariés,
dépourvues de comité d'entreprise, et qui ne relèvent pas d'un organisme
paritaire mentionné au dernier alinéa de l'article 6, sont exclues du champ
d'application de l'article 2-1 et 2-3 de l'ordonnance du 26 mars 1982.
« L'employeur peut faire bénéficier ses salariés des chèques-vacances selon
les modalités suivantes :
« - la contribution de l'employeur à l'acquisition des chèques-vacances est
fixée en fonction du niveau des rémunérations perçues par les salariés dans
l'entreprise (l'employeur contribue à hauteur de 80 % au plus de leur valeur
libératoire) et sera modulée en fonction du niveau des rémunérations pratiquées
dans l'entreprise ;
« - la modulation maximale en fonction des rémunérations pratiquées dans
l'entreprise est de 80 % jusqu'à 1,3 SMIC, de 50 % entre 1,3 et 1,8 SMIC et de
25 % au-delà de 1,8 SMIC.
« L'avantage résultant de la contribution de l'employeur à l'acquisition des
chèques-vacances est exonéré des cotisations et contributions prévues par la
législation du travail et de la sécurité sociale, à l'exception de la
contribution sociale généralisée et de la contribution pour le remboursement de
la dette sociale. Le montant de l'avantage donnant droit à exonération est
limité, par salarié et par an, à 80 % du salaire minimum de croissance apprécié
sur une base mensuelle.
«
II. -
Cette simplification d'attribution des chèques-vacances pour
les entreprises de moins de vingt salariés est laissée au libre choix desdites
entreprises, qui peuvent décider de recourir à un dispositif optimisé basé sur
le revenu fiscal de référence.
«
III. -
Les chefs d'entreprise de moins de vingt salariés, à défaut de
délégués syndicaux et de mandaté, associent le personnel à la procédure de
consultation et de fixation de la contribution de l'employeur. »
L'amendement n° I-78 n'est pas soutenu.
La parole est à M. Jean-Pierre Demerliat, pour défendre les amendements n°s
I-101 et I-212 rectifié.
M. Jean-Pierre Demerliat.
L'amendement n° I-101 vise à simplifier les modalités d'attribution des
chèques-vacances aux salariés des entreprises de moins de vingt salariés.
En effet, les employeurs d'entreprises de moins de vingt salariés se plaignent
de la complexité de la mise en place des chèques-vacances et de la procédure de
consultation sociale qui les oblige à une consultation de salariés « mandatés
», lesquels n'existent pas dans la plupart des petites et des très petites
entreprises.
Cet amendement a donc pour objet de simplifier les procédures de mise en place
du chèque-vacances au sein des entreprises, en prenant en compte les critères
de ressources des salariés et en allégeant la procédure de consultation
sociale.
L'amendement n° I-212 rectifié...
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Très proche du précédent !
M. Jean-Pierre Demerliat.
... se situe, en effet, dans la continuité du précédent et répond au même
souci de simplification de la procédure d'attribution des chèques-vacances pour
les entreprises de moins de vingt salariés.
Estimant que la simplification des procédures pour les entreprises de moins de
vingt salariés pourrait être assortie d'un relèvement du plafond d'exonération
des cotisations de sécurité sociale, nous proposons une réévaluation dans la
limite de 80 % pour la contribution de l'employeur.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Ces amendements sont très intéressants, mais ils
relèvent plutôt de la deuxième partie. Je suggère donc à M. Demerliat de les
retirer à ce stade du débat pour les réintroduire lors de l'examen des articles
non rattachés.
M. le président.
Monsieur Demerliat, acceptez-vous la suggestion de M. le rapporteur général
?
M. Jean-Pierre Demerliat.
Oui, monsieur le président, et je retire provisoirement les amendements n°s
I-101 et I-212 rectifié, pour les présenter de nouveau en deuxième partie.
M. le président.
Les amendements n°s I-101 et I-212 rectifié sont retirés.
Article 4 bis