SEANCE DU 25 NOVEMBRE 2002


M. le président. L'amendement n° I-10, présenté par M. Marini, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Après l'article 4 bis , insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Dans la première phrase du deuxième alinéa du 4 de l'article 32 du code général des impôts, le chiffre : "cinq" est remplacé par le chiffre : "trois".
« II. - Le 4 de l'article 32 du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Toutefois, en cas de changement du locataire, le contribuable peut opter, pour une année seulement, c'est-à-dire pour l'imposition des revenus de l'année au cours de laquelle le départ du locataire est intervenu, ou pour l'imposition des revenus de l'année suivante, pour le régime prévu aux articles 28 et 31 du présent code. »
« III. - La perte de recettes résultant pour l'Etat des dispositions des I et II ci-dessus est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il convient de rappeler que la loi de finances initiale pour 2002 a transformé le régime dit du micro-foncier, jusqu'alors « régime simplifié sur option », en régime de droit commun pour les contribuables disposant de moins de 15 000 euros de revenus fonciers par an.
Le régime réel peut être choisi sur option, mais pour une période irrévocable de cinq ans. Ce délai de cinq ans, qui ne correspond à rien en matière de location immobilière, vise à dissuader les bailleurs de choisir le régime réel lorsqu'il leur est plus favorable que le régime simplifié. C'est le cas, notamment, lorsque le bailleur réalise des travaux dans son logement, car les travaux ne sont pas déductibles dans le régime simplifié.
Il est donc ici proposé d'assouplir le passage du régime simplifié au régime réel, et ce de deux manières.
Premièrement, nous réduisons la période irrévocable d'option pour le régime réel, qui passe de cinq ans à trois ans. Nous maintenons une période irrévocable pour inciter tout de même les contribuables à rester dans les régime simplifié, mais avec une durée plus raisonnable.
Deuxièmement, nous permettons à tout propriétaire, l'année où son locataire part ou l'année suivante, d'opter pour un an pour le régime réel afin de l'encourager à réaliser des travaux dans son logement. Le micro-foncier ne permettant pas de déduire les travaux effectués dans les logements, si aucune souplesse n'est donnée pour en sortir temporairement, le risque est grand, dans l'état actuel de notre droit fiscal, de dissuader les propriétaires de rénover leur logement. Vous en conviendrez, monsieur le ministre, c'est totalement contraire aux intentions des pouvoirs publics.
Les dispositions préconisées seraient applicables aux revenus de 2002 payés en 2003. Le coût en 2003 devrait être réduit ; il résultera de l'effet d'incitation à opter pour le régime réel du fait de la réduction du délai incompressible de l'option.
Tel est, mes chers collègues, exposé de façon synthétique mais précise, le contenu de cet amendement qui adapte le régime d'imposition dit « micro-foncier ».
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert, ministre délégué. Votre proposition, monsieur le rapporteur général, témoigne de la constance du travail du Sénat puisqu'elle avait été débattue au cours de l'examen de la précédente loi de finances, ce qui, naturellement, ne peut me laisser indifférent.
Vous proposez de donner plus de souplesse au régime du microfoncier en réduisant de cinq ans à trois ans la durée incompressible de l'option que les contribuables peuvent exercer pour l'application du régime réel. Cette mesure que j'approuve, monsieur le rapporteur général, permet sans nul doute de renforcer l'attractivité de ce régime et va dans le sens d'un allégement des obligations des contribuables en même temps que d'une réelle simplification des tâches des services d'assiette.
J'accepte par conséquent sans difficulté le premier volet de votre amendement, monsieur le rapporteur général, mais je voudrais m'assurer que vous acceptez de retirer le deuxième volet, m'épargnant ainsi un long exposé concernant la situation du régime du micro-foncier.
Si l'amendement est rectifié et son paragraphe II supprimé, je lèverai le gage et émettrai un avis favorable.
M. le président. Monsieur le rapporteur général, acceptez-vous de rectifier votre amendement en ce sens ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Par souci de poursuivre un dialogue constructif avec le Gouvernement, j'accepte, à ce stade, de rectifier l'amendement n° I-10 en supprimant le paragraphe II.
Bien entendu, je ne désespère pas de convaincre le Gouvernement et ses services. Toutefois, la mesure préconisée par le paragraphe I constitue déjà un net progrès.
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° I-10 rectifié, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, et ainsi libellé :
« Après l'article 4 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Dans la première phrase du deuxième alinéa du paragraphe 4 de l'article 32 du code général des impôts, le chiffre : "cinq" est remplacé par le chiffre : "trois". »
Je mets aux voix l'amendement n° I-10 rectifié.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 4 bis.
L'amendement n° I-203 rectifié, présenté par M. Richert et les membres du groupe de l'Union centriste, est ainsi libellé :
« Après l'article 4 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Après le 6° bis du 1 de l'article 207 du code général des impôts, il est inséré un 6° ter ainsi rédigé :
« 6° ter Les sociétés d'économie mixte exerçant une activité de gestion de logements sociaux pour les plus-values nettes, les provisions devenues sans objet et les subventions non réintégrées, résultant d'un transport de propriété à un organisme d'habitation à loyer modéré de patrimoine locatif faisant l'objet d'une convention prévue à l'article L. 351-2 du code de la construction et de l'habitation ».
« II. - Au 1° de l'article 1051 du code général des impôts, après les mots "organismes d'habitation à loyer modéré" sont insérés les mots "sociétés d'économie mixte exerçant une activité de gestion de logements sociaux, organismes sans but lucratif qui les mettent à la disposition de personnes défavorisées mentionnées à l'article 1er de la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 visant à la mise en oeuvre du droit au logement et qui ont été agréés à cet effet par le représentant de l'Etat dans le département".
« III. - La perte de recettes résultant pour l'Etat du I et du II est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Denis Badré.
M. Denis Badré. Mon collègue Philippe Richert et les membres du groupe de l'Union centriste sont, vous le savez, soucieux de dynamiser la politique du logement social.
Ainsi estimons-nous devoir encourager la restructuration du patrimoine des organismes de logement social en regroupant des opérateurs qui ne disposent pas toujours d'une taille et d'un savoir-faire suffisants. Encore faudrait-il que ces opérateurs ne soient pas trop lourdement taxés. Telle est le sens de cet amendement.
Le processus de reprise du patrimoine d'une société d'économie mixte, une SEM, par un organisme d'HLM par vente, fusion-absorption ou transmission universelle du patrimoine de la SEM à l'organisme d'HLM entraîne l'imposition immédiate, au titre de l'impôt sur les sociétés, des plus-values latentes, des subventions accordées pour la construction et des provisions devenues sans objet.
Le régime de faveur des fusions ne s'applique pas dès lors que l'organisme d'HLM est exonéré d'impôt sur les sociétés, alors même qu'il s'agit d'opérations non spéculatives s'inscrivant dans le cadre de la rationalisation des opérateurs du logement social. Il est donc proposé d'exonérer la SEM d'impôt sur les sociétés pour les plus-values latentes, les subventions accordées pour la construction et les provisions devenues sans objet résultant d'un transfert de propriété de patrimoine locatif conventionné à un organisme d'HLM.
Par ailleurs sont exonérés de droits de mutation les transferts de biens entre organismes d'HLM. Il est proposé d'étendre cette exonération à l'ensemble des organismes de logement social, donc aux SEM et aux associations d'insertion par le logement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Le problème que posent MM. Badré, Richert et leurs collègues est incontestable. Dans le patrimoine de logements sociaux interviennent des sociétés d'économie mixte entièrement soumises à l'impôt sur les sociétés, des OPAC partiellement exonérés et des sociétés anonymes d'HLM totalement exonérées, y compris parfois pour des opérations qui ne relèvent pas du logement social.
Des distorsions manifestes existent, particulièrement en cas de transfert de patrimoine. Lorsqu'une société d'économie mixte vend un immeuble à une société anonyme d'HLM, les plus-values latentes sont imposées immédiatement au titre de l'impôt sur les sociétés, dans la mesure où la société anonyme d'HLM est exonérée de cet impôt.
MM. Richert et Badré préconisent une exonération pure et simple d'impôt sur les sociétés sur les tranferts, mais ils ne remédient pas aux distorsions de régimes fiscaux qui, pourtant, posent un vrai problème. La solution qu'ils préconisent ne nous semble pas entièrement aboutie.
Monsieur le ministre, la commission souhaiterait vous entendre sur la question des transferts de patrimoine entre organismes sociaux, mais surtout sur celle de l'harmonisation du régime fiscal entre des acteurs qui exercent les mêmes métiers dans le même secteur. Quelles voies de simplification envisagez-vous, monsieur le ministre ? Votre administration a-t-elle commencé à travailler sur ce sujet sensible, le mouvement HLM, représenté dans la plupart des villes et dans les départements, nous écoute avec la plus grande attention !
Tels sont, mes chers collègues, les quelques commentaires que je souhaitais faire. La commission, qui souhaite connaître l'avis du Gouvernement, ne considère pas que l'amendement présenté par M. Richert soit de nature à traiter le sujet dans toute son ampleur ; elle sera sans doute amenée à en suggérer le retrait.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert, ministre délégué. Le Gouvernement souhaite encourager les restructurations. Comme M. le rapporteur général l'a rappelé, les acteurs sont soumis à des régimes fiscaux différents et il est nécessaire de s'engager dans la voie de l'harmonisation.
Je tiens à rassurer M. Badré en lui indiquant que j'ai reçu les dirigeants de la société d'économie mixte du Bas-Rhin, département dont M. Philippe Richert est l'élu, pour tenter de répondre aux besoins du logement social tout en respectant la loi.
Monsieur le rapporteur général, nous travaillons à l'élaboration d'un régime fiscal aussi unifié que possible, qui ne vise pas pour autant à supprimer tous les impôts, même si les acteurs y seraient certainement favorables.
M. Michel Charasse. Ce n'est pas sûr !
M. Alain Lambert, ministre délégué. L'Etat manquerait alors des moyens nécessaires pour assumer ses missions ! Des travaux sont en cours et nous sommes à votre disposition pour vous en donner l'état d'avancement, ainsi que pour connaître vos propositions.
Je veux dire à M. Denis Badré que nous sommes informés tout à fait du sujet. Mais, en l'état, je lui demande de bien vouloir retirer son amendement, moyennant l'engagement que je prends devant vous d'y travailler. Il comporte en effet certaines imperfections : il traite de l'impôt sur les sociétés, mais également des droits d'enregistrement. Connaissant la Haute Assemblée, je n'imagine pas qu'elle veuille amputer les recettes fiscales des collectivités territoriales !
M. le président. Quel est donc l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Compte tenu des explications du Gouvernement, la commission des finances invite, en effet, notre collègue Denis Badré à bien vouloir retirer son amendement.
M. le président. Monsieur Badré, maintenez-vous l'amendement n° I-203 rectifié ?
M. Denis Badré. Je suis toujours très sensible aux invitations de la commission. Je tiens à remercier M. le rapporteur général d'avoir engagé la réflexion qu'appelait cet amendement.
Vous avez dit, avec beaucoup d'indulgence, que cet amendement n'était pas abouti, M. le ministre a lui-même indiqué qu'il comportait des imperfections. Nul n'est parfait ! Nous ne demandons qu'à trouver une bonne solution à un vrai problème. Monsieur le ministre, il s'agit d'un problème national, et non pas particulièrement alsacien, même si vous avez eu le souci d'ouvrir un dialogue avec les responsables d'organismes d'HLM du Bas-Rhin qui se sont montrés en pointe sur le sujet.
Après avoir entendu M. le rapporteur général et M. le ministre, je retire bien sûr mon amendement. Je me demande toutefois s'il n'aurait pas sa place au sein de la deuxième partie de la loi de finances, ce qui nous laisserait le temps de réfléchir et d'aboutir à une vraie solution qui comprendrait moins d'imperfections.
M. le président. L'amendement n° I-203 rectifié est retiré.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean Arthuis, président de la commission. Je voudrais apaiser la crainte qu'a exprimée le ministre il y a un instant. Je ne crois pas que le rapporteur général ait la volonté, par souci de mettre à parité tous les acteurs économiques, de faire disparaître les impôts...
M. Philippe Marini, rapporteur général. Pas tout... pas tout de suite !
M. Jean Arthuis, président de la commission. ... même si nous souhaitons en alléger le poids.
Cependant, monsieur le ministre, nous sommes attachés au principe selon lequel, dans un secteur économique donné, tous les acteurs qui exercent un métier sont soumis au même régime d'imposition, afin de ne pas créer de distorsion dans l'exercice de la concurrence. Telle est notre seule préoccupation.
M. Alain Lambert, ministre délégué. Cela fait dix ans que vous m'avez enseigné ce principe et que j'y souscris !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Monsieur le président, avant que vous n'appeliez en discussion l'amendement n° I-11, je vous indique que la commission des finances en souhaite la réserve jusqu'avant l'examen de l'article d'équilibre, à savoir l'article 34.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur cette demande de réserve ?
M. Alain Lambert, ministre délégué. Le Gouvernement y est tout à fait favorable, monsieur le président.
M. le président. La réserve est ordonnée.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures cinquante-cinq, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Adrien Gouteyron.)