SEANCE DU 27 NOVEMBRE 2002
M. le président.
« Art. 32. - I. - Par dérogation aux articles L. 1613-2 et L. 2334-1 du code
général des collectivités territoriales, la part revenant aux communes et aux
groupements au titre de la régularisation de la dotation globale de
fonctionnement pour 2001 vient majorer, en 2003, les montants de la dotation de
solidarité urbaine et de la première fraction de la dotation de solidarité
rurale calculés conformément aux dispositions des articles L. 2334-13 et L.
2334-21 du code précité. Cette part est répartie entre ces deux dotations en
proportion de leurs montants respectifs lors de la précédente répartition.
« II. - La dotation de solidarité urbaine et la première fraction de la
dotation de solidarité rurale sont en outre majorées respectivement, au titre
de 2003, de 35 millions d'euros et 4 millions d'euros.
« III. - Les majorations prévues aux I et II ne sont pas prises en compte dans
le montant de la dotation globale de fonctionnement pour 2003 pour
l'application du I et du II de l'article 57 de la loi de finances pour 1999 (n°
98-1266 du 30 décembre 1998). »
Je suis saisi de sept amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
L'amendement n° I-96, présenté par MM. Miquel, Massion, Moreigne, Sergent,
Demerliat, Charasse, Lise, Haut, Marc, Angels, Auban et les membres du groupe
socialiste et rattachée, est ainsi libellé :
« Rédiger ainsi cet article :
« I. - Au titre de 2003, le montant de la dotation de solidarité urbaine,
calculé conformément aux dispositions de l'article L. 2334-13 du code général
des collectivités territoriales, est majoré de 151 millions d'euros.
« II. - Au titre de 2003, le montant de la première fraction de la dotation de
solidarité rurale, calculé conformément aux dispositions de l'article L.
2334-21 du code général des collectivités territoriales, est majoré de 28
millions d'euros.
« III. - Ces majorations ne sont pas prises en compte dans le montant de la
dotation globale de fonctionnement pour l'application du I et du II de
l'article 57 de la loi de finances pour 1999.
« IV. - Les pertes de recettes résultant du I, du II et du III ci-dessus sont
compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle au droit
de consommation sur les tabacs visé à l'article 575 A du code général des
impôts. »
L'amendement n° I-195 rectifié, présenté par M. Foucaud, Mme Beaudeau, M.
Loridant et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi
libellé :
« I. - Supprimer le I de cet article.
« II. - A la fin du II de cet article, remplacer les sommes : "de 35 millions
d'euros et de 4 millions d'euros", par les sommes : "de 230 millions d'euros et
de 35 millions d'euros".
« III. - Pour compenser la perte de recettes résultant du II ci-dessus,
compléter cet article par un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« ... - Pour compenser la perte de recettes résultant du relèvement de la
dotation de solidarité rurale et de la dotation de solidarité urbaine, le taux
de l'impôt sur les sociétés est relevé à due concurrence. »
L'amendement n° I-97, présenté par MM. Miquel, Massion, Moreigne, Sergent,
Demerliat, Charasse, Lise, Haut, Marc, Angels, Auban et les membres du groupe
socialiste et rattachée, est ainsi libellé :
« A. - Supprimer le I de cet article.
« B. - Dans le II de cet article, remplacer respectivement les sommes : "35"
et "4" par les sommes : "118" et "21".
« C. - Pour compenser la perte de recettes résultant des A et B ci-dessus,
compléter
in fine
cet article par un paragraphe rédigé ainsi :
« ... - Les pertes de recettes résultant du maintien de la régularisation de
la dotation globale de fonctionnement pour 2001 et de la majoration des
prélèvements sur recettes au profit de la dotation de solidarité urbaine et de
la dotation de solidarité rurale sont compensées à due concurrence par la
création d'une taxe additionnelle au droit de consommation sur les tabacs visé
à l'article 575 A du code général des impôts. »
L'amendement n° I-129 rectifié, présenté par MM. Doligé et P. André, Mme Olin
et M. J.-C. Gaudin, est ainsi libellé :
« Après le I de cet article, insérer un paragraphe additionnel ainsi rédigé
:
« ... - La part de la majoration prévue au I destinée à abonder en 2003 la
dotation de solidarité urbaine est répartie entre les communes dont le
territoire comprend tout ou partie d'une zone urbaine sensible mentionnées à
l'article 42 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour
l'aménagement et le développement du territoire. »
L'amendement n° I-81 rectifié, présenté par MM. Delfau et Collin, est ainsi
libellé :
« A. - A la fin du II de cet article, remplacer les mots : "de 35 millions
d'euros et de 4 millions d'euros" par les mots : "de 65 millions d'euros et de
15 millions d'euros".
« B. - Pour compenser la perte de recettes résultant pour l'Etat des
dispositions du A ci-dessus, compléter
in fine
cet article par un
paragraphe ainsi rédigé :
« II. - Les pertes de recettes résultant pour l'Etat de la majoration de la
dotation de solidarité urbaine et de la dotation de solidarité rurale des
"bourgs-centres" sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe
additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des
impôts. »
L'amendement n° I-17, présenté par M. Marini, au nom de la commission des
finances, est ainsi libellé :
« A. - A la fin du II de cet article, remplacer les mots : "de 35 millions
d'euros et de 4 millions d'euros" par les mots : "de 58 millions d'euros et de
10,5 millions d'euros".
« B. - Pour compenser la perte de recettes résultant pour l'Etat des
dispositions du I ci-dessus, compléter
in fine
cet article par un
paragraphe ainsi rédigé :
« IV. - La perte de recettes résultant pour l'Etat de la majoration de la DSU
et de la DSR « bourgs-centres » est compensée à due concurrence par la création
d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code
général des impôts. »
L'amendement n° I-196, présenté par M. Foucaud, Mme Beaudeau, M. Loridant et
les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« I. - Compléter le II de cet article, par un alinéa ainsi rédigé :
« La dotation de solidarité urbaine est par ailleurs majorée de 130 millions
d'euros, attribués aux 500 premières communes classées selon l'indice
synthétique défini à l'article L. 2334-17 du code général des collectivités
territoriales. »
« II. - Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus,
compléter cet article par un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« ... - Pour compenser la perte de recettes résultant du relèvement de la
dotation de solidarité urbaine, le taux de l'impôt sur les sociétés est relevé
à due concurrence. »
La parole est à M. Gérard Miquel, pour présenter l'amendement n° I-96.
M. Gérard Miquel.
Cet amendement tend à supprimer les dispositions de l'article 32 qui
conduisent à affecter le montant de la régularisation de la DGF de 2001 des
communes - 100 millions d'euros - aux dotations de solidarité communales : la
DSU et la DSR.
En conséquence, les 100 millions d'euros de la régularisation de la DGF de
2001 seraient répartis entre les collectivités bénéficiaires, dans les
conditions habituelles prévues par le code général des collectivités
territoriales.
L'amendement tend également à porter, d'une part, de 35 millions d'euros à 151
millions d'euros les abondements de l'Etat à la DSU et, d'autre part, de 4
millions d'euros à 28 millions d'euros les abondements de l'Etat à la DSR.
Les ressources directement consacrées à la DSU et à la DSR par le projet de
loi de finances pour 2003 sont insuffisantes pour permettre une progression de
ces deux dotations de 5 %, comme les années précédentes. En effet, l'explosion
de la dotation d'intercommunalité - plus 20 % en 2001 - pèsera à nouveau
lourdement en 2003 sur les ressources de la dotation d'aménagement, dont le
solde alimente la DSU et la DSR.
Selon M. le rapporteur général, les ressources de la DSU et de la DSR
devraient croître de 2 % seulement en 2002 compte tenu, d'une part, des moyens
financiers que le projet de loi de finances pour 2003 leur affecte et, d'autre
part, de l'estimation de la progression de la dotation d'intercommunalité. En
2002, ces dotations avaient bénéficié d'une hausse de 5 %.
Cette politique volontariste du précédent gouvernement a d'ailleurs été
soulignée par l'Observatoire des finances locales, qui indique, très
objectivement, que l'année 2002 a été marquée par la poursuite de l'important
effort de péréquation engagé les années précédentes.
L'adoption du présent amendement permettrait donc aux ressources de la DSU et
de la DSR d'augmenter de nouveau de 5 % en 2003 et aux communes de bénéficier
de la régularisation de la DGF de 2001. Bref, le budget pour 2003 deviendrait
ainsi presque aussi généreux pour les communes que le budget de 2002.
M. le président.
La parole est à M. Thierry Foucaud, pour défendre l'amendement n° I-195
rectifié.
M. Thierry Foucaud.
Par cet amendement, nous proposons de répondre à deux attentes des élus
locaux.
Tout d'abord, il s'agit de répartir le produit de la régularisation positive
de la dotation globale de fonctionnement de 2001. C'est d'ailleurs ce que
souhaitait le comité des finances locales lorsqu'il a annoncé le montant de
cette régularisation en juillet dernier. Les élus, vous le savez, monsieur le
ministre, s'étaient alors mobilisés pour formuler la même demande, à savoir que
les 136,5 millions d'euros supplémentaires soient attribués à ces bénéficiaires
dans le cadre du collectif de 2002, soit une augmentation de 0,7 % de la DGF de
2002. Loin d'apaiser leurs inquiétudes, vous n'aviez alors donné aucune piste
ni aucune garantie quant à l'utilisation de cette régularisation positive.
Aujourd'hui, avec l'article 32, vous voulez faire ce que craignaient les élus
locaux, c'est-à-dire prendre de l'argent à l'ensemble des collectivités pour
combler, ici ou là, le manque de crédits.
S'agissant du détournement de cette régularisation positive, disposition que
l'Association des maires de France condamne dans son communiqué relatif à cette
loi de finances, nous vous proposons de la supprimer.
Par ailleurs, comme les abondements en matière de dotation de solidarité sont
nettement en deçà des besoins, nous vous proposons de les augmenter : plus de
200 millions d'euros sont nécessaires pour la DSU. Ce chiffre fait d'ailleurs
l'objet d'un consensus : c'est celui qu'a avancé l'Association des maires de
grandes villes de France, association pluraliste.
Les 230 millions d'euros que nous demandons représentent une goutte d'eau eu
égard aux baisses d'impôt que comporte le présent projet de loi de finances.
Ces 230 millions d'euros sont encore insuffisants pour les villes les plus
pauvres, qui attendent beaucoup de la réforme des finances locales.
Il faut bien avoir à l'esprit que des communes ont à faire face à des charges
importantes compte tenu de leurs caractéristiques sociologiques. Certaines,
vous le savez, se trouvent dans des situations réellement catastrophiques.
S'agissant des communes rurales, nous proposons un abondement de 35 millions
d'euros, lequel ne peut suffire, d'ailleurs, à résoudre tous les problèmes
financiers qu'affrontent les élus de ces collectivités ; nous en avons parlé ce
matin. Leur résolution est subordonnée à la mise en oeuvre d'une politique
spécifique en direction de la ruralité ayant pour objet de soutenir les
investissements des collectivités concernées, d'y maintenir mais aussi d'y
développer les services et d'absorber l'augmentation des dépenses de
fonctionnement qu'elles connaissent au même titre que les autres
collectivités.
M. le président.
La parole est à M. Gérard Miquel, pour présenter l'amendement n° I-97.
M. Gérard Miquel.
Il s'agit d'un amendement de repli ; le montant prélevé sur le budget serait
moins important pour la DSU et la DSR.
Monsieur le ministre, permettez-moi de vous rappeler que vous vous étiez
engagé, devant le Sénat, à l'occasion de l'examen du collectif budgétaire de
juillet dernier, à ce que la régularisation de la DGF de 2001 soit bien versée
aux collectivités locales qui en étaient bénéficiaires en 2002. Or tel ne sera
pas le cas puisque vous avez alimenté la DSU et la DSR avec le montant qui
devait être affecté aux diverses communes qui ont perdu le bénéfice de la DGF à
la suite de votre proposition.
M. le président.
La parole est à M. Pierre André, pour présenter l'amendement n° I-129
rectifié.
M. Pierre André.
Cet amendement a pour objet de renforcer l'effet péréquateur de la DSU au
profit des communes qui supportent le plus de charges liées, notamment, à la
présence de quartiers en difficulté et comportant au moins une zone urbaine
sensible.
Cet amendement vous est présenté par les trois rapporteurs de la politique de
la ville - les rapporteurs de la commission des finances, des affaires sociales
et des affaires économiques - ainsi que par Jean-Claude Gaudin, ancien ministre
chargé de la ville et maire de la deuxième ville de France.
Nous mesurons chaque jour combien la situation se dégrade dans les quartiers
les plus sensibles. Le temps d'en faire le constat est dépassé. Il faut agir et
telle est, je crois, la volonté du Gouvernement.
M. de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du logement, du
tourisme et de la mer disait, voilà quelques jours, à cette tribune : « Pour
soutenir la politique de la ville et celle de la rénovation urbaine que lance
le Gouvernement, il est indispensable de renforcer l'effet de solidarité des
dotations de l'Etat. La DSU, aujourd'hui, ne répond plus à la nécessité de
provoquer une discrimination suffisamment positive pour aider les villes qui en
ont vraiment besoin. »
Ces derniers jours, tout au long de nos débats, notre collègue Michel Mercier,
rapporteur spécial et nous-mêmes avons tous insisté sur la nécessité de
renforcer la péréquation. Dans son rapport, notre collègue évoque « une
amélioration de la qualité de la dépense en faveur de la péréquation en
réservant l'éligibilité aux dispositifs péréquateurs aux collectivités les plus
en difficulté ».
Actuellement, la DSU est répartie entre 75 % des communes de plus de 10 000
habitants. Elle ne peut donc avoir un effet suffisant pour l'ensemble des
communes en difficulté. C'est la raison pour laquelle l'amendement que nous
vous proposons tend à concentrer la répartition sur les communes qui ont à
supporter les charges sociales et urbaines les plus lourdes au regard de
l'existence, sur leur territoire, d'une zone urbaine sensible, c'est-à-dire
d'un quartier en difficulté. Dans ce cas, un peu plus de 50 % des communes de
plus de 10 000 habitants verraient leur DSU augmenter de l'ordre de 17 % à 20
%. Cela ne coûtera rien à l'Etat.
Mes chers collègues, nous vous demandons d'adopter cet amendement qui
apportera une bouffée d'oxygène à nos quartiers en difficulté, qui en ont bien
besoin.
M. le président.
L'amendement n° I-81 rectifié n'est pas soutenu.
La parole est à M. le rapporteur général, pour présenter l'amendement n°
I-17.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Les dispositions de ce projet de loi de finances
permettent d'envisager, pour 2003, une progression de la DSU de 3 % et une
progression de la DSR « bourgs-centres » de 1,5 %. Au regard de l'objectif de
péréquation, bientôt de portée constitutionnelle, il est apparu à la commission
que ces taux étaient insuffisants.
Notre amendement a donc pour objet d'assurer aux deux dotations une
progression de 5 % de 2002 à 2003. L'arithmétique montre que pour atteindre les
5 % il faut majorer de 23 millions d'euros la DSU et de 6,5 millions d'euros la
DSR « bourgs-centres ».
Sans anticiper sur les choix futurs du comité des finances locales, et dans le
cadre de ce principe d'une évolution de 5 %, il convient, par rapport au
montant résultant des mécanismes de répartition de la DGF prévus par le code
général des collectivités territoriales, de prévoir 58 millions d'euros de plus
pour la DSU et 10,5 millions d'euros de plus pour la DSR « bourgs-centres ».
Mes chers collègues, la commission s'est efforcée, au cours des dernières
semaines, de défendre l'amendement n° I-17 auprès du Gouvernement, avec tous
ses arguments et toute sa conviction. Cet amendement nous paraît être la limite
raisonnable d'un effort susceptible d'être réalisé malgré les contraintes
lourdes des finances publiques pour 2003.
Considérant que les sommes que je viens de citer représenteraient un effort
important, mais raisonnable, la commission souhaiterait, monsieur le président,
que l'amendement n° I-17 soit mis aux voix par priorité.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur cette demande de priorité ?
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
Dans la mesure où il ne s'agit que d'une priorité de
vote, et sachant que les auteurs des différents amendements auront pu
s'exprimer tout à loisir, je suis favorable à cette demande formulée par la
commission.
M. le président.
La priorité est ordonnée.
Vous connaissant, monsieur le ministre, je savais que vous auriez le souci de
laisser le débat aller à son terme.
(Sourires.)
La parole est à M. Thierry Foucaud, pour présenter l'amendement n° I-196.
M. Thierry Foucaud.
Il s'agit d'un amendement de repli, monsieur le président.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Je demande à nos collègues du groupe socialiste, pour
les amendements n°s I-96 et I-97, et à nos collègues du groupe CRC, pour
l'amendement n° I-195 rectifié, de bien vouloir se rallier à l'amendement n°
I-17 de la commission que j'ai eu l'honneur d'exposer et sur lequel le Sénat va
se prononcer en priorité.
S'agissant de l'amendement n° I-129 rectifié, je me tourne vers notre collègue
Pierre André, qui s'est beaucoup investi, au nom de la commission des affaires
économiques, en matière de politique de la ville.
Qu'il me soit permis, monsieur le ministre, de souligner en particulier le
rapport très récent de notre collègue sur les zones franches urbaines, ces
zones franches qui ont été tant critiquées au cours de la précédente
législature, mais dont les effets économiques, notamment en termes de créations
d'emplois, sont incontestables, comme l'a montré Pierre André.
Les zones franches urbaines sont, de par la volonté du législateur de 1996,
l'instrument utile de la discrimination positive. Si l'on considère que
certains points particuliers du territoire souffrent de handicaps lourds, il
est important de rééquilibrer, en quelque sorte, la situation par une politique
ciblée de réductions de charges, de déductions fiscales et d'incitations à la
vie économique. Cette discrimination positive a montré ses effets bénéfiques
dans de nombreuses communes, dont la liste a été dressée avec beaucoup
d'objectivité par la commission des affaires économiques, sous la signature de
notre collègue Pierre André.
Un peu dans la même logique, on nous invite ici à cibler la majoration de la
DSU en 2003 en fonction de l'existence des zones où un maximum de problèmes se
posent, c'est-à-dire les zones urbaines sensibles, selon la terminologie du
ministère de la ville.
L'amendement cosigné par MM. Eric Doligé et Pierre André et Mme Nelly Olin
tend à réserver aux communes sur le territoire desquelles se trouve une zone
urbaine sensible le bénéfice de la part de la régularisation positive de la
dotation globale de fonctionnement de 2001, qui doit être versée en 2003 aux
communes éligibles à la dotation de solidarité urbaine.
Par dérogation aux règles qui régissent le versement des régularisations
positives, l'article 32 prévoit, dans sa rédaction actuelle, que la
régularisation de 2001 abonde la DSU et la DSR en 2003. La DSU devrait ainsi
être majorée de 83 millions d'euros et la DSR de 17 millions d'euros.
L'amendement n° I-129 rectifié vise non pas à majorer la DSU de 83 millions
d'euros, mais à créer une nouvelle enveloppe, une seconde répartition, une
seconde part, en quelque sorte, qui serait réservée aux communes non seulement
éligibles à la DSU, mais aussi sur le territoire desquelles se trouve une zone
urbaine sensible.
Donc, on se réfère ici au zonage de la politique de la ville, donc à des
critères que l'on estime objectifs et précis, et l'on détermine en fonction la
répartition de la seconde part de DSU.
Les simulations qui nous ont été montrées par le ministre délégué à la ville
illustrent les effets d'un tel système. Car tout ciblage amélioré joue, bien
entendu, au détriment d'un certain nombre de communes, en l'occurrence une
centaine, qui sont aujourd'hui éligibles à la DSU mais qui, pour une raison ou
pour une autre, n'ayant pas sur leur territoire de zone urbaine sensible, ne
pourraient bénéficier de la nouvelle enveloppe. Elles ne seraient pas privées
pour autant de ce que j'appelle la « première part de DSU », qui leur resterait
acquise en tout état de cause. Reste que les simulations qui m'ont été
communiquées montrent que la somme totale que percevraient cette centaine de
communes en 2003 au titre de la DSU serait inférieure de 13 %, en euros
courants, à la somme totale perçue en 2002.
Voici les termes du débat, mes chers collègues : améliorer le ciblage au
profit des communes dont on peut estimer, en raison de leur classement en zone
urbaine sensible, qu'elles sont les plus en difficulté, mais porter préjudice à
une centaine de communes de taille plus réduite - une dizaine de milliers
d'habitants - qui peuvent connaître des problèmes sociaux, mais sans que ces
problèmes aient donné lieu à zonage, pour des raisons qui sont certainement
très contingentes ; il faudrait les examiner au cas par cas.
Le ciblage est donc assurément un bon objectif. Dans le cadre de la réforme de
la dotation globale de fonctionnement que nous examinerons l'an prochain, sans
nul doute, l'une des priorités sera d'améliorer le ciblage des dotations de
solidarité, soit par une réduction des bénéficiaires, soit par un renforcement
de la progressivité des attributions versées. Donc, vous sentez bien que le
rapporteur général que je suis, et qui s'efforce d'être pleinement objectif
dans cet exposé, est tiraillé entre différentes considérations.
(
Sourires.
)
L'amendement anticipe la réforme de l'année prochaine, pour des raisons tout à
fait louables. Cependant, par définition, cet amendement arrive en cours de
procédure parlementaire, par une voie éminemment respectable, mais il aurait
peut-être pu être préparé un peu plus en amont. Loin de moi l'idée de critiquer
mes collègues. Je pense plutôt au ministère délégué à la ville qui, à mon avis,
aurait pu anticiper cette difficulté plusieurs semaines à l'avance, nous
permettant ainsi de mieux saisir les avantages et les inconvénients de cette
réforme, en clair, de savoir qui en bénéficie et qui en pâtit, et ce pour que
nous tentions de trouver les correctifs adéquats. La concertation n'a pas
réellement fonctionné. Si nous adoptons cet amendement, une centaine de
communes en difficulté et qui n'ont pas été averties vont se trouver pénalisées
à hauteur de 13 % du montant de la DSU qu'elles auront perçu en 2002.
Dans mon département, et pour la ville dont je vous parle un peu trop souvent
(Sourires),
l'adoption de l'amendement procurerait un gain de quelques
centimes d'euros par habitant, et ce n'est pas significatif. Mon approche est
donc tout à fait neutre. S'agissant des autres villes importantes du
département ayant des zones urbaines, elles sont sensiblement bénéficiaires.
Nous constatons, en revanche, des disparités de traitement sans raison
objective pour les communes de taille plus moyenne, d'une quinzaine de milliers
d'habitants, selon qu'elles disposent ou non d'une zone urbaine sensible sur
leur territoire. Quand on regarde la liste, sur un département que l'on
connaît, avec des communes que l'on connaît, les choses apparaissent évidemment
de façon plus concrète, mes chers collègues !
Bref, je ne sens pas très bien la réforme ici préconisée tout en partageant
l'ambition de nos collègues. A mon avis, il faut les remercier de donner un
coup de pied dans la fourmilière, tant il est vrai que la répartition de ces
dotations de solidarité mérite d'être réexaminée. Il y a, d'ailleurs, beaucoup
d'arbitraire dans les modalités qui ont été retenues depuis que le système
existe. Le bon moment se présentera lors du débat sur les concours financiers
aux collectivités locales. Si nous suivons la voie qui nous est proposée, nous
allons créer une seconde part de la DSU obéissant à des critères différents de
la première, ce qui reviendra à ajouter un étage supplémentaire à un édifice
déjà branlant. Le résultat, je vous le laisse prévoir, mes chers
collègues...
J'ajoute, pour conclure, que, dans le contexte actuel, la DSU, même si elle
est critiquable par certains aspects, est très progressive s'agissant du
montant de ses attributions et qu'une part vraiment prédominante de cette
dotation se trouve aujourd'hui concentrée sur une centaine de communes
considérées comme les plus défavorisées.
Tels sont les éléments d'appréciation que je peux vous donner : réexaminer ce
dossier s'avère, encore une fois, très opportun. L'initiative de nos collègues
est un intéressant appel à la réflexion et à la remise en cause de ces systèmes
administratifs. La commission s'en remet, monsieur le ministre, à l'avis que
vous formulerez au nom du Gouvernement.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
Je m'adresserai tout d'abord à M. Miquel.
Monsieur le sénateur, vous ne trouverez dans aucun compte rendu de nos travaux
un engagement de ma part sur une éventuelle régularisation au bénéfice de
toutes les communes. Vous y lirez même le contraire, parce que je me souviens
que le malicieux Michel Charasse avait déposé un amendement qui prévoyait
explicitement cette répartition et sur lequel j'avais par précaution émis un
avis défavorable : je réfléchissais, en effet, à la façon dont nous pouvions
renforcer la péréquation, ce que nous faisons en la circonstance.
Plutôt que de répartir la DGF en pluie fine sur l'ensemble des communes,
peut-être faut-il, en effet, et à titre exceptionnel, la concentrer sur les
communes qui sont à l'épreuve et qui bénéficient de la DSU et de la DSR. Vous
voyez, monsieur le sénateur, que le Gouvernement est animé, tout comme vous,
d'un esprit de péréquation. Nous ne sommes peut-être pas d'accord sur les
modalités, mais l'objectif nous est commun. Nous avons déjà, de ce point de
vue-là, fait un premier pas !
A ce propos, le prélèvement de 100 millions d'euros sur la régularisation
permet d'accroître notablement l'effet péréquateur des concours de l'Etat. Une
répartition dans les conditions de droit commun, telle que vous proposez de la
réinstaurer, conduirait à un saupoudrage des crédits assez peu efficace. Les
calculs qui ont été faits montre que cela entraînerait une augmentation de 0,76
% de la DGF initiale et qu'une commune percevant 100 000 euros de DGF
bénéficierait de 760 euros supplémentaires, ce qui ne serait sans doute pas
significatif pour elle, mais le serait pour les communes éligibles à la DSU.
J'ajoute que la péréquation est un objectif que le Gouvernement non seulement
partage avec vous mais qu'il encourage. Ainsi, il a souhaité garantir la
progression des dotations de péréquation. Des abondements exceptionnels de la
DSU et de la DSR ont été prévus à cet effet, pour un montant total de 162
millions d'euros, ce qui représente un effort substantiel. Je suis sûr que vous
serez sensibles à ces explications, mesdames, messieurs les sénateurs, et que
vous consentirez à retirer vos amendements.
Quant aux abondements exceptionnels de l'Etat en faveur de la DSU et de la DSR
« bourgs-centres », je souhaite faire trois observations principales.
Tout d'abord, les collectivités territoriales ont fait l'objet, en 2003 - je
sais que tel n'est pas votre avis, même s'il me semble objectivement difficile
de contester les faits - d'un traitement très avantageux compte tenu du
contexte budgétaire actuel. Rappelons ainsi que les concours de l'Etat
progresseront, en 2003, de 3,3 % par rapport à 2002 : beaucoup de nos
compatriotes voudraient avoir l'assurance de voir leurs ressources évoluer dans
la même proportion...
La DGF augmentera, à elle seule, de 422 millions d'euros, soit une
augmentation de 2,3 %, ce qui est tout de même considérable.
Ensuite, je me suis engagé à compenser les effets des nouvelles modalités
d'indexation des dotations qui sont allouées aux établissements publics de
coopération intercommunale décidées par l'Assemblée nationale sur la DSU et la
DSR.
Enfin, je partage l'objectif de progression de la DSU et de la DSR
bourg-centre que souhaite la commission des finances.
C'est ce qui me permet, monsieur le président, d'émettre un avis favorable sur
l'amendement n° I-17, qui est présenté par M. le rapporteur général et dont je
lève le gage.
M. le président.
Il s'agit donc de l'amendement n° I-17 rectifié.
Veuillez poursuivre, monsieur le ministre délégué.
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
J'en viens à l'amendement n° I-129 rectifié. M. le
rapporteur général a salué les travaux que M. Pierre André mène au titre de la
politique de la ville ainsi que l'expérience qui est la sienne, en tant que
maire d'une ville comportant une zone urbaine sensible. Je comprends sa
préoccupation. En effet, je connais très bien une ville de Basse-Normandie qui
se trouve exactement dans la même situation et qui serait certainement
favorisée par cet amendement. Je crois néanmoins qu'il faut, comme en toute
chose - et c'est votre cas à tous -, être aussi objectif que possible !
L'amendement que vous proposez comporte des effets secondaires qui sont
extraordinairement pénalisants pour des communes auxquelles le Sénat doit
porter un intérêt tout aussi attentif et scrupuleux.
Après M. le rapporteur général, je veux vous dire que la DSU est issue d'un
mécanisme extraordinairement compliqué. En aparté, nous sommes convenus qu'il
faudrait le revoir, le nombre de bénéficiaires faisant perdre une partie de
l'efficacité à la dotation. Tout le monde en est convaincu et l'instrument
mérite d'être remis à plat. Pour autant, le modifier, sans doute à la marge,
mais au dernier moment, ferait sortir du système des communes dont la situation
est également préoccupante.
Par conséquent, je ne conteste pas l'utilité, pour les communes ayant une zone
urbaine sensible, d'une mesure comme celle que vous proposez, mais elle
s'appliquerait aux dépens d'autres communes dont la situation peut être aussi
préoccupante et qui n'ont absolument pas, à quelques semaines de la préparation
de leur budget, anticipé une perte de recettes de cette nature, susceptible de
les mettre dans une situation intenable.
C'est la raison pour laquelle, quel que soit le bien-fondé de votre
proposition, de l'esprit qui l'anime ainsi que de votre souhait de contribuer à
l'amélioration du mode de calcul de la dotation, je suis au regret de vous
demander, monsieur André, de bien vouloir retirer votre amendement, faute de
quoi je serais obligé d'émettre un avis défavorable.
Au-delà de votre personne dont je connais l'expérience - car la pratique de la
politique de la ville est plus importante que la théorie -, je voudrais
adresser un message subliminal à ceux qui pratiquent la politique de la ville
en théorie seulement et qui peuvent parfois inspirer de telles idées.
Qu'ils se méfient des mécanismes technocratiques aboutissant à des dotations
devenues incalculables, qui entraînent les pires injustices. Ce n'est pas au
dernier moment que nous pourrons réellement faire du bon travail, alors même
que nous sommes incapables d'opérer les simulations qui nous éclaireraient sans
contestation possible sur leurs véritables effets.
C'est pourquoi je suis contraint, je le répète, car j'ai de la sympathie à la
fois pour son auteur, pour la ville dont il est le premier magistrat et pour
les villes qui sont dans la même situation, d'indiquer au Sénat qu'il serait
tout à fait déraisonnable d'adopter l'amendement n° I-129 rectifié.
Quant aux autres amendements en discussion commune, monsieur le président, le
Gouvernement y est également défavorable.
M. le président.
Je mets aux voix par priorité l'amendement n° I-17 rectifié.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, les amendements n°s I-96, I-195 rectifié et I-97 deviennent
sans objet.
L'amendement n° I-129 rectifié est-il maintenu, monsieur André ?
M. Pierre André.
Je tiens au préalable à remercier M. le ministre et M. le rapporteur général
des propos sympathiques qu'ils ont tenus à l'égard de la commission des
affaires économiques et des travaux que nous menons.
Je souscris à l'analyse qu'ils ont développée. Vous l'avez bien compris, par
cet amendement, nous souhaitions attirer fortement l'attention du Gouvernement
sur la nécessité de revoir la DSU, afin que son effet péréquateur soit sensible
dans nos villes.
Dans ces conditions, ne voulant pas être l'auteur d'un amendement qui
pénaliserait une centaine de communes qui sont en train de préparer leur
budget, je retire l'amendement.
M. le président.
L'amendement n° I-129 rectifié est retiré.
Monsieur Foucaud, l'amendement n° I-196 n'a plus d'objet ?
M. Thierry Foucaud.
Il n'a plus d'objet, monsieur le président.
M. le président.
L'amendement n° I-196 est retiré.
Je mets aux voix l'article 32, modifié.
(L'article 32 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 32