SEANCE DU 2 DECEMBRE 2002
M. le président.
« Art. 43. - I. - Il est ouvert aux ministres, pour 2003, au titre des mesures
nouvelles des opérations définitives des dépenses en capital des comptes
d'affectation spéciale, des autorisations de programme s'élevant à la somme de
7 983 770 000 EUR.
« II. - Il est ouvert aux ministres, pour 2003, au titre des mesures nouvelles
des opérations définitives des comptes d'affectation spéciale, des crédits de
paiement s'élevant à la somme de 8 463 876 500 EUR, ainsi répartie :
« Dépenses ordinaires civiles 480 106 500 EUR
« Dépenses civiles en capital 7 983 770 000 EUR
« Total 8 463 876 500 EUR. »
La parole est à Mme Marie-Claude Beaudeau, sur l'article.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le compte
d'affectation des produits de cession de titres, parts et droits de sociétés -
en résumé, le compte d'utilisation du produit des privatisations d'entreprises
publiques - est pourvu pour l'année 2003 d'un montant de recettes de 8
milliards d'euros, qui seront, de manière exclusive, affectées aux dotations en
capital aux entreprises publiques restantes.
Monsieur le ministre, je vous ai demandé ainsi qu'à M. Francis Mer, à quatre
reprises maintenant, en commission des finances ou en séance publique,
d'indiquer à quelles privatisations partielles ou totales et de quelles
entreprises correspondaient ces 8 milliards d'euros. Votre intervention il y a
quelques instants ne répond toujours pas aux questions qui ont été posées lors
de l'examen de la première partie du projet de loi de finances.
J'ai bien noté que vous aviez déclaré à nos collègues députés qu'il ne
s'agissait que d'un objectif de recettes. Mais, monsieur le ministre, vous ne
nous ferez pas croire que vous n'avez pas un programme bien précis de
privatisation. Pourquoi n'indiquez-vous donc pas à la représentation nationale
les entreprises et les participations publiques dont vous comptez défaire la
nation en priorité ?
Monsieur le ministre, je le redis, c'est une question élémentaire de
démocratie, mais nous savons maintenant, hélas ! à quelle conception
démocratique correspondent les silences du Gouvernement sur le sujet.
J'aurais voulu pouvoir le dire aussi à M. le ministre des finances, de
l'économie et de l'industrie dont l'absence, ce matin comme lors du vote de la
première partie du projet de loi de finances, est, je le crains, révélatrice de
l'attention qu'il porte au Parlement : les pratiques de la monarchie patronale
n'ont pas leur place dans la gestion du pays.
M. Pierre Hérisson.
Oh !
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Le secteur public n'est pas votre propriété, monsieur le ministre, mais celle
de la nation, dont le Parlement constitue la représentation. Vous n'avez pas
mandat pour en jouer comme à la bourse. Vous l'aviez d'ailleurs vous-même
reconnu à l'Assemblée nationale, en déclarant à propos de la réalisation des 8
milliards d'euros que dans tous les cas le Parlement serait tenu informé.
C'était le 15 novembre, soit neuf jours avant la fin de la privatisation du
Crédit lyonnais !
Le désengagement de l'Etat du Crédit lyonnais est ainsi une décision
extrêmement grave, qui répond à une vision industrielle et non, comme vous
voudriez nous le faire croire, à une vision « patrimoniale ».
Et voici que, dans la foulée, le Gouvernement vient d'annoncer qu'il allait
recapitaliser France Télécom, engluée dans les lourdes conséquences financières
de l'aventurisme mis en oeuvre par Michel Bon, à hauteur de 9 milliards de
francs.
Le nouveau PDG de France Télécom, Thierry Breton, parce qu'il ne veut
certainement pas dévier du cap fixé, celui de la privatisation définitive, est
sans doute satisfait de cette mesure, qui montre, encore une fois, ce que
signifie le fonctionnement de ce compte 902-24.
Deux questions se posent immédiatement, monsieur le ministre.
D'une part, si le produit de la cession des parts du Crédit lyonnais sert à la
recapitalisation de France Télécom, où l'Etat va-t-il « dénicher » les 6,8
milliards d'euros complémentaires ?
D'autre part, si c'est la dette publique qui est sollicitée pour « faire le
joint », qu'est-ce qui empêcherait qu'une opération identique ne soit menée
pour que l'Etat reprenne à sa charge la dette d'autres entreprises publiques,
par exemple la SNCF ou RFF ? Nous disposons encore de quelques marges de
manoeuvre, même en restant dans les limites imposées par les critères de
convergence, et il serait regrettable de nous priver d'une telle possibilité,
monsieur le ministre.
Je vous remercie donc, monsieur le ministre, de bien vouloir informer le Sénat
des orientations que le Gouvernement entend prendre sur ces différents
points.
M. le président.
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
Madame Beaudeau, le Gouvernement ne souhaite absolument
rien vous cacher. Lors de mon intervention liminaire, j'ai souhaité livrer
toutes les informations relatives à la stratégie que conduit le Gouvernement en
matière d'ouverture du capital ou de cession d'actifs d'entreprises du secteur
concurrentiel. J'ai donc exposé les lignes directrices de la politique
gouvernementale.
Toutefois, je ne suis pas en mesure, madame Beaudeau, de vous dire quelles
seront les conditions de marché dans les mois qui viennent. Je peux cependant
vous assurer que le Gouvernement veillera tout particulièrement à défendre
l'intérêt patrimonial de l'Etat.
Il est par ailleurs de mon devoir de vous préciser que ces questions relèvent
de la compétence, non pas du Parlement, mais de l'exécutif, sous réserve bien
entendu que le Gouvernement obtienne les autorisations qu'il sollicite.
Pour reprendre le dernier exemple que vous avez cité, madame Beaudeau, je vous
indique que la situation du Crédit lyonnais obéit à l'interprétation des
conditions de marché et à la défense des intérêts patrimoniaux de l'Etat. On ne
peut pas faire grief au Gouvernement d'avoir une vision industrielle, comme
vous l'avez fait, madame Beaudeau ; je considère même que c'est son devoir.
S'agissant de France Télécom, je vous apporte quelques éléments d'information
supplémentaires, mais ils ne seront vraisemblablement pas à la hauteur de vos
attentes, madame Beaudeau.
Le soutien que nous apporterons à France Télécom prendra la forme d'un
renforcement substantiel de ses fonds propres et, si cela s'avère nécessaire,
dans l'intervalle, nous soutiendrons son refinancement. Ce faisant, l'Etat se
comportera en investisseur avisé dans le cadre d'une économie de marché, dans
le respect d'ailleurs des règles communautaires.
Quant à l'impact de ces opérations sur les finances publiques, je rappelle
trois éléments que vous connaissez bien, en votre qualité de membre de la
commission des finances.
En premier lieu, ces opérations d'investissement n'ont pas de conséquences sur
le déficit budgétaire au sens du traité de Maastricht.
En deuxième lieu, cet investissement sera financé par le recours à
l'endettement. La dette des administrations publiques sera donc augmentée à due
concurrence du montant de l'investissement réalisé par l'Etat dans France
Télécom.
Enfin, en troisième lieu, compte tenu du mécanisme que nous envisageons, ces
opérations n'auront pas non plus de conséquences sur l'équilibre budgétaire en
2003. La sincérité du projet de loi de finances soumis à votre vote n'est donc
pas en cause.
Dans les prochains jours, je vous l'ai dit, le Gouvernement soumettra au
Parlement les détails du plan de redressement de France Télécom et de son
financement.
M. le président.
L'amendement n° II-34, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« I. - A la fin du I de cet article, majorer la somme : "7 983 770 000 euros"
de la somme : "6 466 000 euros".
« II. - Majorer la ligne "Dépenses ordinaires civiles" du II de cet article de
13 534 000 euros.
« III. - Majorer la ligne « Dépenses civiles en capital" du II de cet article
de 6 466 000 euros.
« IV. - En conséquence, majorer la ligne "Total" du II de cet article de 20
000 000 euros. »
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
Il s'agit d'un amendement de coordination, qui tire les
conséquences d'un amendement adopté en première partie et affectant les
ressources de la deuxième section du compte « Fonds national de l'eau ».
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Paul Loridant,
rapporteur spécial.
La commission des finances ne peut que prendre acte
du vote intervenu lors de la première partie de la loi de finances.
En tant que rapporteur des comptes spéciaux du Trésor, je ne peux cependant
qu'exprimer, dans la continuité du rapport, mon désarroi, car les reports du
compte « fonds d'adduction d'eau » s'accroissent d'année en année, mais dans sa
souveraineté le Sénat n'en a pas moins décidé de majorer ses crédits.
Le Gouvernement en prend acte, et la commission des finances ne peut
qu'émettre un avis favorable sur l'amendement n° II-34.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° II-34.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix l'article 43, modifié.
(L'article 43 est adopté.)
II. - OPÉRATIONS À CARACTÈRE TEMPORAIRE
Articles 44 à 47