SEANCE DU 4 DECEMBRE 2002
M. le président.
Dans la suite de l'examen des dispositions du projet de loi de finances
concernant l'outre-mer, la parole est à M. Paul Vergès.
M. Paul Vergès.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, donner tout
son sens à un budget oblige à dépasser son caractère statique et à appréhender
la réalité mouvante dans laquelle il s'inscrit. C'est aussi se dégager de la
limite de l'annualité budgétaire et garder les yeux fixés sur un horizon qui,
déjà, se dévoile.
Assurément, le nouveau paysage de l'outre-mer prendra forme au cours de
l'année 2003, tant cette année verra la convergence des rendez-vous qui
conditionneront notre avenir.
C'est tout d'abord l'année de la décentralisation et de l'entrée en vigueur de
la réforme constitutionnelle. Je n'insisterai pas, madame la ministre, sur
l'absence d'audace des uns et de fermeté des autres, qui a conduit à vider en
partie la réforme de ses potentialités positives pour la Réunion. Toutefois,
les assises de la décentralisation, qui seront organisées dans notre région au
début de l'année prochaine, pourraient, tout en augmentant les responsabilités
locales, permettre une clarification des compétences entre les différentes
collectivités.
Ces assises de la décentralisation pourraient aussi permettre une contribution
réunionnaise à l'élaboration des futures lois organiques : il est impérieux de
corriger le caractère pénalisant pour l'outre-mer de la rédaction du projet de
loi constitutionnelle en matière de transferts financiers.
Les collectivités d'outre-mer ne demandent pas de responsabilités nouvelles
pour gérer - de plus en plus difficilement, d'ailleurs - la pénurie des moyens.
Elles demandent, pour exercer efficacement ces responsabilités nouvelles, des
moyens adéquats correspondant à une juste reconnaissance de leurs retards, qui
sont amplifiées par la progression démographique.
Mais, au-delà de l'environnement juridique, l'acquisition de la responsabilité
est aussi affaire d'audace, d'imagination et de volonté politique. J'en veux
pour preuve l'importance de la rencontre organisée la semaine dernière, à la
Réunion, par les acteurs associatifs, qui ont affirmé leur volonté de créer une
véritable chambre consulaire de la vie associative. Cette initiative inédite et
originale peut constituer l'un des premiers exemples d'expérimentation de la «
République décentralisée ».
La façon dont l'épineux dossier du désenclavement et de la desserte aérienne a
trouvé un début de solution dans notre île en est un autre. Dans un consensus
exemplaire entre les deux collectivités, la Réunion a fait le pari de maîtriser
son désenclavement et d'offrir aux Réunionnais, avec l'effort attendu de l'Etat
en matière de continuité territoriale, des conditions pérennes et
satisfaisantes de mobilité.
En juin 2003 débuteront les vols entre la Réunion et Paris assurés par la
compagnie régionale Air Austral. Les récents développements en matière de
desserte aérienne de l'outre-mer témoignent de la justesse de la position
réunionnaise.
Dans ce domaine comme dans d'autres si essentiels, nous avons la conviction
que le développement durable serait en permanence menacé si il était tributaire
de contingences extérieures.
Cela est particulièrement vrai en matière d'énergie. La région Réunion a fait
le choix stratégique de parvenir à l'autonomie énergétique d'ici à vingt ans.
Dans notre île, par définition entourée d'eau, dans notre île tropicale,
montagneuse, volcanique, ensoleillée et soumise aux alizés, l'indépendance
énergétique est possible.
L'année 2003 est aussi la dernière année avant l'élargissement de l'Union
européenne. Cela me conduit à faire deux remarques.
Premièrement, il nous faut saisir le mouvement de l'histoire et nous rendre à
l'évidence, sans porter de jugement de valeur : les départements d'outre-mer
seront de plus en plus des régions ultrapériphériques d'Europe.
Pour autant, l'élargissement de l'Union vers l'est ouvre également une période
d'incertitudes. Cela signifie que nous devons consolider ce statut avec le plus
grand soin, au cours de cette année, et lui donner un véritable contenu positif
pour le développement de nos régions. J'ai eu l'occasion de le dire lors des
rencontres de la délégation pour l'Union européenne, je le redis aujourd'hui :
il est d'une haute importance que l'ultrapériphéricité demeure inscrite au plus
haut niveau dans l'ordre juridique communautaire qui sera issu de la nouvelle
architecture institutionnelle de l'Union. Souhaitons à ce propos que les
incohérences de la révision constitutionnelle n'affaiblissent pas
l'argumentation qui sera développée auprès de Bruxelles pour que soient prises
en compte nos spécificités.
Ma deuxième remarque porte sur le dossier de l'octroi de mer. L'année 2003
sera celle de la prorogation d'un an du dispositif. C'est un sursis, certes
important, mais rien de plus. Il ne doit pas occulter que l'enjeu essentiel
réside dans la sauvegarde de l'économie générale du régime actuel pour une
nouvelle période de dix ans. Nous devons donc, d'ores et déjà, veiller à ce que
la chronique de cette réforme annoncée ne se transforme pas insidieusement, à
terme, en chronique d'une extinction annoncée.
L'année 2003 doit surtout voir l'entrée en vigueur de la loi de programme pour
l'outre-mer. Cette loi, qui régira les quinze prochaines années, s'appliquera
dans une période où la population active n'aura jamais été aussi nombreuse à la
Réunion, puisqu'elle coïncidera avec la dernière partie de notre transition
démographique.
En effet, la population active réunionnaise pourrait augmenter de 34 % dans
l'hypothèse basse et jusqu'à 48 % dans l'hypothèse moyenne durant cette
période. Cette force profonde qui agit silencieusement est, je crois, la donnée
fondamentale. Elle indique très clairement que la problématique de l'emploi est
et restera au coeur des priorités pour de nombreuses années encore.
Le budget de l'outre-mer comme la loi de programme annoncée font du
développement de l'économie marchande et de l'objectif d'égalité économique les
axes essentiels de la politique gouvernementale pour relever ce défi.
Si l'objectif de développement est bien évidemment partagé, trois remarques
s'imposent.
Premièrement, pour peu que le concept d'égalité économique recouvre un sens
précis, les Réunionnais savent que l'égalité ne se divise pas et qu'elle n'en
est pas moins politique et sociale.
Deuxièmement, la corrélation entre les exonérations de charges accordées aux
entreprises et le nombre d'emplois créés doit pouvoir être rigoureusement
établie.
Aussi, il me semble essentiel, avant toute amplification, qu'une évaluation
des dispositifs de la loi d'orientation pour l'outre-mer soit conduite.
Il serait souhaitable, pour la clarté des débats, que la commission nationale
prévue à cet effet soit réunie avant la discussion de la loi de programme au
Parlement.
Troisièmement, cela relève presque du bon sens, la complémentarité entre le
secteur marchand et celui de l'économie sociale doit être recherchée. En la
matière, nous devons davantage faire confiance aux statistiques qu'à
l'idéologie ! Les chiffres indiquent sans contestation possible que notre
secteur productif, performant qu'il puisse être, ne pourra absorber, dans les
quinze ans qui viennent, le nombre de jeunes qui arriveront en masse sur le
marché du travail.
Dans ce contexte se pose avec gravité la question actuelle du devenir des
emplois-jeunes dont les contrats arrivent à expiration.
Il ne s'agit pas de faire de procès d'intention aux uns ou autres autres, il
s'agit simplement d'interroger l'Etat sur l'avenir réservé à des milliers de
jeunes qui ne demandent qu'à continuer à travailler et à participer au
développement du pays.
Une importante réunion s'est déroulée sur cette question dans le cadre de la
région, le 4 novembre dernier. De nombreuses solutions ont été esquissées dans
un dialogue avec les jeunes. Une unanimité s'est dégagée en faveur de la
prorogation d'un an des contrats arrivant à expiration. Rien qu'en 2003, 2 400
contrats arriveront à expiration. Au total, plus de 7 000 jeunes sont concernés
; c'est autant que le nombre de planteurs installés dans notre île.
Ne pas trouver de solution à ce problème, c'est obérer, d'ores et déjà, toutes
les conditions de mise en oeuvre et de réussite de la loi de programme.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, pour conclure,
j'appellerai votre attention sur un fait majeur qui, dès le début de l'année
2003, dominera l'actualité dans l'océan Indien.
Dans un mois et demi, le président des Etats-Unis, M. George Bush, accompagné
du secrétaire d'Etat aux affaires étrangères, M. Colin Powell, présideront, à
l'île Maurice voisine, une rencontre de trente-huit pays africains.
L'importance nouvelle accordée par les Etats-Unis à cette zone en pleine
mutation nous interroge, comme elle devrait interroger la France et l'Union
européenne.
Si l'avenir de la Réunion est lié à celui de l'océan Indien, n'oublions jamais
que l'océan Indien, zone de paix, est aussi la condition de la stabilité
mondiale.
(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et sur
certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Jean-Paul Virapoullé.
M. Jean-Paul Virapoullé.
Monsieur le président, mes chers collègues, j'ai plaisir cette année à prendre
la parole sur le premier budget que nous présente Mme la ministre de
l'outre-mer.
Alors que l'année dernière j'avais voté contre un budget dont le montant était
à peu près le même - à 1,5 % près - que celui que vous nous présentez, on ne
manquera pas de me demander comment je pourrai voter le vôtre, madame la
ministre.
A cette objection, je répondrai qu'un budget, ce n'est pas seulement un
problème de volume, c'est aussi un problème de volonté politique. Or, comme
vous l'avez dit, madame la ministre, avec la clarté et la passion qui vous
caractérisent, nous allons passer cette année d'un budget déclaratif à un
budget concret, réel, adapté aux réalités de nos départements et territoires
d'outre-mer.
Je vais vous donner un exemple pour illustrer cette évolution. Le budget 2002
prévoyait 23 000 mesures nouvelles... mais il n'en est resté que 7 000 à
l'arrivée.
Pour votre part, dès votre prise de fonctions, vous avez annoncé le passeport
mobilité et vous l'avez mis en oeuvre, permettant à des milliers de jeunes de
passer des concours, de venir travailler en métropole et de trouver ainsi une
dignité par le travail.
C'est la raison pour laquelle nous tenons dès à présent à apporter, à travers
ce budget, notre soutien à la volonté politique qui vous anime pour avancer
avec courage, avec détermination, avec résolution.
La réélection du Président de la République et l'arrivée du nouveau
gouvernement au pouvoir ont suscité un grand espoir, espoir justifié par
l'annonce d'une loi devant porter sur quinze ans et ayant pour objectif
l'égalité économique.
Au moment ou il est procédé aux arbitrages, je voudrais vous dire, madame la
ministre - et à travers vous, à tout le Gouvernement, notamment à son chef,
Jean-Pierre Raffarin - que cet espoir ne doit pas être déçu. Il va donc falloir
tenir compte, dans ces arbitrages, de nos handicaps, de nos retards, de notre
jeunesse, de notre isolement, de notre éloignement.
Mieux vaut investir dans le développement économique, qui rapporte à la
collectivité nationale et à nos régions, que de continuer à jeter l'argent dans
le panier percé de la solidarité nationale passive, qui annihile, qui inhibe et
finit par mécontenter les populations d'outre-mer.
C'est la raison pour laquelle nous choisissons résolument la voie de
l'éducation, du travail, de l'effort, de la responsabilité et de la dignité.
M. Roland du Luart,
rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Très bien !
M. Jean-Paul Virapoullé.
Sur ce chemin, nous avons besoin de vous. Faites-nous confiance et investissez
dans l'homme, dans les outils de production, dans la réduction de nos
handicaps. Vous récolterez alors le développement au lieu de renforcer le
besoin d'assistance !
(Marques d'approbation sur les travées de l'Union
centriste et du RPR.)
M. Paul Vergès vient d'aborder la question des emplois-jeunes. J'ajouterai à
ce qu'il a dit que les emplois-jeunes sont pour nous un cadeau empoisonné.
En métropole, il y en avait 300 000, mais la métropole est riche, elle a un
tissu industriel, un tissu commercial, un tissu productif. La Réunion, au
contraire, est pauvre, le tissu commercial et industriel y est limité. Si l'on
souhaite se rendre dans le département voisin, il faut franchir la mer ;
au-delà se trouve l'Afrique, et bien plus loin encore la France métropolitaine
et l'Europe.
Résorber 9 000 emplois-jeunes dans notre économie va nous être très difficile
compte tenu des 12 000 jeunes qui arrivent chaque année sur le marché du
travail.
Aussi, madame la ministre, nous serons à vos côtés pour demander au
Gouvernement de réintégrer ces jeunes dans l'économie productive, si possible,
mais aussi pour lui rappeler que ces emplois-jeunes sont utiles dans bien des
domaines.
Ils ont, en effet, démontré leur utilité tant au sein des collectivités
locales que dans les associations. Or, dans les pays pauvres, les associations
jouent un rôle de cohésion sociale et de lien culturel extraordinaire. Le
Gouvernement ne pourra pas échapper à la définition d'une politique
d'intégration d'un certain nombre - à mon avis important - d'emplois-jeunes,
politique à laquelle il faudra bien consacrer les moyens budgétaires
nécessaires.
Quand vous plaiderez cette cause, madame la ministre, vous pourrez vous
prévaloir de l'accord de tous les élus de la Réunion. On ne peut pas, comme
vous l'avez si bien dit, laisser des jeunes qui ont fait la preuve de leur
efficacité et de leur dévouement au travail sur le bord du chemin.
Je voudrais maintenant aborder le problème du logement des Réunionnais en
liasion avec leur intégration en métropole. A ce propos, j'ai lu avec beaucoup
de plaisir dans un quotidien national, madame la ministre, que vous entendiez
faire des efforts pour trouver en métropole les moyens de loger nos
compatriotes.
Aujourd'hui se tiennent à la Réunion des forums d'entreprises. Des entreprises
nationales, parmi les plus célèbres, viennent y recruter de la main-d'oeuvre
locale qualifiée grâce à nos lycées, nos collèges, nos lycées professionnels et
nos centres de formation d'apprentis, les CFA. Nous avons passé convention avec
la chambre permanente des métiers, qui a ouvert tous les CFA métropolitains aux
jeunes Réunionnais. Nous ferons de même avec l'APCI, l'assemblée permanente des
chambres de commerce et d'industrie, avec les écoles d'infirmières, etc.
Toutefois, nous nous heurtons au problème du logement. Vous avez remarqué,
comme moi, qu'il ne fait pas chaud dehors : on ne peut pas laisser les enfants
des Réunionnais loger sous les ponts ! Il faut donc trouver des logements. Si
nous parvenons à résoudre ce problème du logement, si, en 2003, nous nous
consacrons à l'humanisation de la mobilité des jeunes qui veulent suivre un
cursus d'intégration par le travail en France métropolitaine ou en Europe, nous
aurons fait un grand pas pour l'accès de ces jeunes à la qualification.
J'en viens à la loi de programme que vous préparez, pour vous assurer de notre
soutien : nous sommes au coude à coude avec vous.
Selon nous, quatre grands chantiers doivent être ouverts.
Tout d'abord, l'égalité économique voulue par le chef de l'Etat suppose
l'égalité d'accès au savoir. Quand les entreprises Bénéteau, Renault ou Peugeot
viennent à la Réunion, ce qui les intéresse, c'est la main-d'oeuvre
qualifiée.
La région et le département font de gros efforts, mais il faut aller encore
plus loin et, si l'on ne peut pas avoir cette égalité d'accès au savoir à la
Réunion, il faut qu'elle soit possible en Europe, en métropole. C'est le
premier pilier, j'allais dire le pilier indispensable à l'épanouissement de
notre jeunesse. Pour cette raison, nous sollicitons l'accès des jeunes
Réunionnais à tous les lieux de savoir européens.
Le deuxième pilier, madame la ministre, c'est la réduction du handicap qu'est
la distance. Après avoir quitté la France, un conteneur de matières premières
devant être transformées à la Réunion passe par dix intervenants : ce n'est pas
un parcours du combattant, c'est un parcours du résistant, avec les coûts y
afférents, et pourtant, la Réunion se développe !
La continuité territoriale, c'est la baisse du coût des matières premières,
c'est la baisse du coût de revient des touristes qui passent dans nos régions,
de telle sorte que se dégagent pour les Antillais des marges d'investissement
et des bénéfices.
La continuité territoriale, c'est aussi la baisse du coût des communications
dans les NTIC, les nouvelles technologies de l'information et de la
communication. Les centres de travail et de téléservices se développent dans
mon département, le dessin animé ayant fait la preuve que nous pouvons devenir
des lieux de production.
Le quatrième pilier, c'est la compétitivité. Madame la ministre, vous allez
baisser le coût du travail. Vous allez mettre en place le chantier de la
défiscalisation. Mais, si l'Etat n'a pas les moyens de faire tout, il faudra
cibler. Comme la Réunion veut exporter dans la région et sur l'Europe, ciblez
sur l'export, prenez des mesures décisives qui, dans les domaines que nous
choisirons ensemble, avec tous les élus locaux, nous permettront de nous
inscrire sur la carte du développement économique. Nous ne sommes pas plus
bêtes que les autres et, grâce à la solidarité, nous possédons un
savoir-faire.
Le dernier pilier - et cela rejoint la mission que vous avez eu l'amabilité de
me confier - c'est l'intégration irréversible, automatique et proportionnée,
compte tenu de nos handicaps, aux mécanismes européens. Dans la nouvelle
Constitution européenne, nous devrons être inscrits en tant que région
ultra-périphérique.
Mais la volonté du Gouvernement ne suffit pas. Il faut aussi celle des
populations et des élus locaux. Nous aussi, nous devons changer de culture.
Nous ne pouvons plus passer notre temps à nous plaindre alors même que nous
n'utilisons pas tous les moyens mis à notre disposition, notamment les moyens
européens. Nous devons passer de la culture de l'enfant gâté, renfermé sur
lui-même, à l'envie de relever le défi de la compétition, de la conquête des
marchés, de la mobilité, du bon usage de la solidarité nationale. Nous devons
avoir le courage de passer de la solidarité passive à la solidarité active.
Nous avons le devoir de dire que les populations de l'outre-mer veulent
inscrire cette nouvelle mandature sous le signe de l'égalité économique, de la
liberté par le travail et la dignité.
(Applaudissements sur les travées de
l'Union centriste, des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. le président.
La parole est à M. Rodolphe Désiré.
M. Rodolphe Désiré.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le budget pour
2003 du ministère de l'outre-mer, qui s'élève à 1 084 millions d'euros, est en
faible augmentation - 0,60 % - par rapport au budget voté l'année dernière.
Cependant, il faut signaler qu'il ne représente que 11 % de l'ensemble des
sommes allouées par l'Etat à l'outre-mer.
J'ai toujours pensé, et je le déclare ici même à chaque débat budgétaire, que
la politique du Gouvernement en direction des départements d'outre-mer devait
être une politique de projet de développement plutôt qu'une politique de
guichet. Il est évident que, si le budget de l'outre-mer n'a cessé d'augmenter
ces dernières années - de 50 % en cinq ans -, nous n'avons malheureusement pas
connu pour autant une baisse corrélative du chômage et que la situation
économique s'est même globalement aggravée, notamment aux Antilles.
J'ai bien noté les mesures que vous comptez engager, madame la ministre,
concernant le développement de l'emploi dans le secteur marchand et le
logement. Cela constitue une première étape, en attendant la mise en place
d'une loi de programme pour quinze ans, consacrée au rattrapage économique.
Cette durée est nécessaire, me semble-t-il, pour obtenir des résultats
durables. Mais cette loi de programme ne devra pas décevoir.
Je ne m'attarderai pas sur l'analyse des masses financières, et mon
intervention portera surtout sur les conditions d'une véritable relance de
l'économie, plus particulièrement à la Martinique.
Dans le secteur agricole, on ne peut que déplorer la mauvaise santé de la
filière de la banane. C'est la survie de ce pilier de l'économie martiniquaise
- il emploie 20 000 personnes -, qui est aujourd'hui menacée par la baisse des
cours. S'il faut se réjouir du préfinancement, par la Banque de développement
pour les petites et moyennes entreprises, des aides compensatoires, la récente
revalorisation de ces dernières demeure insuffisante pour résorber l'inquiétude
et les contestations légitimes des producteurs. Mais je pense que l'aide à
l'exportation, si elle est mise en place rapidement, pourrait aider la filière
à résister.
La filière ananas, malgré de gros efforts de restructuraion fournis par les
professionnels, souffre d'un endettement chronique. Il convient d'apporter
d'urgence à cette filière les moyens financiers et d'encadrement qui lui sont
nécessaires si l'on ne veut pas qu'elle s'effondre définitivement.
Les fruits et légumes, notamment à la Martinique, n'ont pas de crédits de
promotion inscrits au volet correspondant du FEOGA. Il faudrait y penser lors
de la renégociation du DOCUP, le document unique de programmation, pour
2003-2004.
En manifestant son intention de faire voter une loi de programme, de mettre en
place une défiscalisation plus efficace et d'installer un climat de confiance
favorable à une relance des investissements vers les départements d'outre-mer,
le Gouvernement donne un signe fort en faveur du rattrapage économique.
Mais il faudra probablement envisager aussi la mise en place de zones franches
puisque ce système s'est révélé particulièrement efficace en Corse. C'est l'une
des revendications des professionnels du tourisme.
Les PME de la Martinique, qui ont un poids déterminant dans le tissu
économique local, sont actuellement très inquiètes devant la reprise de la
Société de crédit pour le développement de la Martinique, la SODEMA, par la
BRED, banque privée, alors même que l'Agence française de développement s'est
engagée à renforcer ses interventions aux Antilles.
Concernant le tourisme, comme l'a dit M. le secrétaire d'Etat au tourisme,
c'est d'un véritable « plan Marshall » que nous avons besoin. Il faut rappeler
l'importance de ce secteur qui, malgré ses difficultés actuelles, est à
l'origine, pour l'économie martiniquaise, de retombées financières deux fois
plus importantes que celles qu'induit le secteur de la banane.
J'insisterai plus particulièrement aujourd'hui sur la nécessité d'intervenir
rapidement dans le domaine de la plaisance. Ce secteur à forte valeur ajoutée,
même s'il a résisté à la crise, connaît d'énormes difficultés, essentiellement
dues à la réticence du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie
à délivrer les agréments nécessairs à la reconstitution de la flotte de
location. Signalons pour mémoire que la plaisance rapporte à la Martinique deux
fois plus que la navigation de croisière.
Je n'insisterai pas sur le problème du transport aérien, que vous avez abordé
concrètement, madame la ministre, en préconisant d'appliquer le principe de
continuité territoriale. J'apprécie, en outre, les efforts entrepris pour
consolider la position d'Air Lib : le maintien d'une concurrence sur ces
destinations est en effet salutaire, et même indispensable.
La loi Perben du 25 juillet 1994, qui a institué une négociation annuelle sur
le fret, devrait être étendue au transport de passagers de façon que soient
mieux maîtrisés les capacités en sièges et les tarifs sur les lignes des
Antilles et de la Guyane.
Il me reste, concernant la continuité territoriale, à vous dire que ce
principe devrait aussi concerner les nouvelles technologies de l'information et
de la communication.
Compte tenu du temps qui m'est imparti, j'évoquerai brièvement la nécessaire
relance, dès 2003, de l'économie antillaise, notamment par la commande
publique. La réactivation de celle-ci, qui connaît une baisse constante,
permettrait de sortir le secteur du BTP de la crise à laquelle il est
actuellement confronté. Cela nécessite la mobilisation des collectivités
territoriales, en particulier des communes, et de l'Etat pour qu'un certain
nombre de projets soient accélérés. Je compte sur vous, madame la ministre, en
ce qui concerne la mobilisation des services de l'Etat.
Je voudrais enfin insister rapidement sur deux points.
D'une part, une intervention de l'Etat et de l'Europe s'avère indispensable
pour aider à la rénovation et à la construction d'écoles primaires à la
Martinique, chantier qui est très au-dessus des moyens financiers des communes.
Par exemple, les besoins sont évalués à 35 millions d'euros pour
Fort-de-France, ville de 100 000 habitants, et à 9 millions d'euros pour Le
Marin, ville de 9 000 habitants.
D'autre part, je soulignerai une fois de plus la nécessité d'aborder de
manière déterminée le problème de la sécurité et de la lutte contre les trafics
de stupéfiants et l'immigration clandestine. A quand des accords de coopération
avec nos voisins - la Dominique, Sainte-Lucie et Saint-Vincent - comme la
France a su en passer avec la Roumanie ? Le développement économique n'a aucune
chance de se réaliser dans un environnement instable et violent.
En conclusion, je me réjouis des perspectives qu'ouvre la réforme de la
Constitution en cours pour l'accession à la responsabilité locale des
populations des Antilles et de la Guyane dans le cadre de la République. Dès
lors, le rattrapage économique doit être à l'ordre du jour.
Madame la ministre, comme le dit un proverbe chinois, « un chemin de mille
lieues commence par un pas ». L'effort de rattrapage économique qu'entreprend
le Gouvernement sera long. Et ce n'est pas une mince affaire ! Amener le PIB
des départements d'outre-mer de 52 % à 80 % du PIB moyen métropolitain en vingt
ans devrait être notre objectif. J'ai conscience qu'aujourd'hui vous faites le
premier pas dans cette direction. C'est la raison pour laquelle je voterai
votre projet de budget.
(Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à Mme Anne-Marie Payet.
Mme Anne-Marie Payet.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens
d'abord à saluer une nouvelle fois l'initiative qu'a prise le Président de la
République en nous dotant d'un grand ministère de l'outre-mer, montrant par là
même son attachement aux territoires ultra-marins et l'importance qu'il leur
accorde.
Madame la ministre, ce projet de budget, même s'il ne répond pas dans
l'immédiat à toutes les attentes, car il est « transitoire », nous donne une
idée de l'ambition de votre future loi de programme.
Fixé à 1,084 milliard d'euros, il affiche une augmentation de 0,56 % par
rapport à 2002, et je m'en réjouis. Certains critiquent cette hausse modérée du
budget. C'est oublier trop vite la politique d'affichage du gouvernement
précédent et les budgets virtuels que vous avez dénoncés lors de votre audition
devant la commission des affaires sociales : le montant cumulé des reports de
crédits des derniers budgets s'élève à 727 millions d'euros, l'équivalent d'un
budget non consommé tous les quatre ans ! Face à l'ampleur des besoins de
l'outre-mer, cela est inacceptable.
Il faut absolument procéder à la simplification de certains circuits
administratifs et mettre fin à la sous-consommation des crédits. Cette demande
est formulée depuis de nombreuses années par les élus de l'outre-mer. Je note
que le Gouvernement s'y emploie par l'utilisation du levier fiscal et la
création d'une cellule de contrôle mensuel de gestion au sein du ministère.
Les engagements pris par Jacques Chirac pendant la campagne pour l'élection
présidentielle vont se concrétiser.
Vous avez axé vos actions autour de deux secteurs prioritaires l'emploi et le
logement, en leur consacrant plus des deux tiers des crédits, et je m'en
réjouis.
Le passeport mobilité destiné à aider les jeunes souhaitant poursuivre leurs
études ou une formation en métropole, se met en place et près de 16 000 jeunes
en bénéficieront. C'est une avancée majeure pour notre jeunesse, qui manque de
perspectives. Leur offrir cette possibilité révèle une réelle considération
pour les jeunes de l'outre-mer. C'est un moyen, parmi d'autres encore à venir,
de concrétiser le principe de continuité territoriale.
Je tiens également à souligner les effort qui sont consentis en faveur de la
formation professionnelle dispensée dans le cadre du service militaire adapté.
En 2003, 3 000 jeunes seront concernés par des mesures d'insertion et par une
formation dont la qualité est unanimement reconnue.
Madame la ministre, la création de véritables emplois durables est un enjeu
pour l'outre-mer, et vous tentez d'y répondre par des mesures concrètes. La
multiplication des emplois aidés ne participe pas d'une véritable politique
pour l'emploi. Afin de répondre à la forte demande des jeunes sans formation,
en 2003, 65 % des crédits du FEDOM seront consacrés aux emplois non marchands
et seulement 35 % aux emplois marchands. Cependant, vu la détermination qui est
la vôtre, madame la ministre, je suis sûre que vous saurez inverser cette
tendance.
Vous montrez déjà que vous en avez la volonté en augmentant le nombre de
contrats d'accès à l'emploi de plus de 11 %. Ce nombre avait en effet diminué
de plus de moitié à la Réunion et des deux tiers dans l'ensemble de l'outre-mer
depuis leur création, en 1997, par l'ancien gouvernement.
Le logement, qui constitue l'autre volet de ce projet de budget, attire toute
mon attention parce qu'il est primordial.
Vous connaissez bien la Réunion, madame la ministre, et vous savez donc que
nous avons besoin de 9 000 logements par an, dont 6 000 logements sociaux.
Je retiens deux points dans vos déclarations sur ce sujet.
Le premier est l'engagement du Gouvernement de consommer en totalité la ligne
budgétaire unique pour 2003. La mise en place d'un contrôle mensuel de la
consommation des aides publiques permettra de suivre au plus près la gestion de
cette ligne budgétaire et de parvenir à cet objectif.
Le second concerne la résorption de l'habitat insalubre. Je constate, à cet
égard, une volonté forte de la part du Gouvernement puisque je relève dans le
projet de budget une augmentation de 10 % par rapport aux crédits de 2002, soit
30 millions d'euros.
Enfin, je tiens à saluer la volonté du Gouvernement d'aligner les allocations
logement sur le niveau intermédiaire de la métropole.
L'ensemble de ces mesures répond aux demandes des élus, des professionnels et
de la population. Ce budget pour l'outre-mer est réaliste et pragmatique.
Je terminerai mon propos, madame la ministre, en soulignant quelques attentes
auxquelles ce budget « de transition » ne répond pas mais qui devront
nécessairement être prises en compte dans la loi de programme pour
l'outre-mer.
La mise en place du passeport mobilité est la mesure phare de ce budget et
ouvre de véritables chances pour nos jeunes. Il me semble toutefois nécessaire
d'encourager également la mobilité à l'intérieur de nos départements.
La création de foyers de jeunes travailleurs dans les principales
agglomérations permettrait à notre jeunesse de lever le handicap de la distance
entre le lieu de travail et le domicile. C'est une étape nécessaire dans
l'appréhension du monde du travail, étape complémentaire du passeport
mobilité.
Pour conclure, je voudrais vous rappeler la gravité du problème de l'effet de
seuil de la CMU, qui prive plus de 20 000 Réunionnais d'une prise en charge
totale de leurs frais médicaux. Il n'est pas acceptable qu'en France les
populations les plus fragiles, à faibles revenus, retraités et handicapés,
hésitent à se soigner parce qu'ils n'ont pas les moyens financiers qui leur
permettraient de souscrire une assurance complémentaire.
Madame la ministre, vous avez récemment déclaré que, pour régler ce problème,
il fallait une loi. Soyez assurée de mon soutien, car il est difficilement
concevable d'attendre l'entrée en vigueur de la loi de programme pour répondre
aux attentes des personnes intéressées.
(Applaudissements sur les travées de
l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur
certaines travées du RDSE.)
(M. Christian Poncelet remplace M. Serge Vinçon au fauteuil de la
présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET
M. le président.
La parole est à M. Simon Loueckhote.
M. Simon Loueckhote.
Monsieur le président, nous apprécions beaucoup que vous consacriez une part
de votre emploi du temps, déjà très chargé, à la discussion des moyens
consacrés à l'outre-mer. C'est un témoignage fort de votre soutien à son égard.
Vous vous y êtes rendu à plusieurs reprises, vous venez cet après-midi de
marquer une nouvelle fois cet attachement et nous vous en sommes très
reconnaissants.
(Applaudissements.)
Madame la ministre, mes chers collègues, ce projet de loi de finances pour
2003 ne saurait être évoqué, s'agissant des crédits réservés à l'outre-mer,
sans rappeler le projet de révision constitutionnelle, dont nous avons débattu
il y a quelques semaines au sein de la Haute Assemblée.
Affirmer l'intégration de l'outre-mer au sein de la nation française est un
témoignage de reconnaissance et un signe de fraternité qu'attendent de la
représentation nationale les populations d'outre-mer. Car notre souhait le plus
élémentaire, faut-il le rappeler, est que l'on nous considère effectivement
comme des citoyens français, ce dont nul ne saurait douter.
Permettez-moi d'ailleurs de dire qu'il est grand temps que l'outre-mer soit
enfin reconnu au sein du texte fondateur de la Ve République dans sa volonté et
sa fierté d'appartenir à la France et non pas uniquement dans son aptitude à en
sortir.
En proposant ce projet de décentralisation en faveur de nos compatriotes
d'outre-mer, réalisant ainsi une volonté du Président de la République, le
Premier ministre et vous-même, madame le ministre, avez choisi de transformer
ce regard porté sur eux en substituant à la notion de dépendance celle
d'appartenance.
Il est bon que le Gouvernement, comme la représentation nationale, puisse
contribuer à corriger cette image quelquefois peu flatteuse de l'outre-mer, que
tend malheureusement à véhiculer la presse.
En effet, mes chers collègues, notre appartenance à la République française
est bien une réalité.
Elle exprime le choix de toute une communauté et je veux, à cet égard,
souligner l'importance de l'obligation de consultation des populations
intéressées en matière d'évolution statutaire, qui est un principe clairement
énoncé dans cette réforme de notre Constitution.
Ainsi, favoriser l'émancipation des populations d'outre-mer tout en
réaffirmant leur place au sein de la République n'est pas un paradoxe, et leur
donner plus d'autonomie n'est pas non plus la voie ouverte à l'indépendance.
Nos collègues de la Réunion nous ont exprimé, dans un vibrant témoignage, leur
attachement à la nation.
A mon tour, je tiens une nouvelle fois à affirmer, s'agissant de la
Nouvelle-Calédonie, que cette collectivité est bien ancrée dans la République
française, contrairement à ce que certains pourraient penser.
En Nouvelle-Calédonie comme partout au sein de la République, nous sommes
particulièrement attachés à un principe démocratique fondamental, qui est le
fait majoritaire.
Sachez, mes chers collègues, que nous venons d'observer une nouvelle
démonstration de la pression que veut exercer la minorité sur la majorité issue
du suffrage universel.
Le nouveau statut issu de l'accord de Nouméa a introduit le principe d'un
gouvernement collégial, élu par le Congrès de la Nouvelle-Calédonie à la
représentation proportionnelle des groupes d'élus qui le constituent.
La récente démission de l'un de ses membres et de tous ses suivants de liste a
eu pour effet d'emporter la démission du gouvernement dans son ensemble.
Nous avons découvert, à nos dépens, que la loi organique relative à la
Nouvelle-Calédonie ne prévoyait aucun rempart face à de telles manoeuvres
subversives ayant pour seul objectif la déstabilisation.
Nous avons donc été contraints de procéder à de nouvelles élections et je veux
vous alerter, mes chers collègues, sur les conséquences d'une telle dérive.
En Nouvelle-Calédonie comme partout ailleurs au sein de la République
française, il n'est pas acceptable qu'une minorité dicte sa loi et il nous
appartient à tous de faire respecter le droit de la majorité, en ce qu'elle est
l'indiscutable expression du suffrage universel, principe fondateur de notre
démocratie !
(Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
Il résulte sans nul doute de l'intégration des populations d'outre-mer dans la
nation française que l'Etat doit assumer ses obligations en tous points de son
territoire : nous ne pourrions comprendre qu'il en soit autrement.
C'est pourquoi nous attendons beaucoup de la politique du Gouvernement pour
l'outre-mer, car les besoins en matière de développement sont notoires, et les
efforts des populations, qui donnent à ces archipels toute leur dimension
économique et culturelle méritent d'être davantage soutenus par l'Etat.
C'est ainsi que je formule de nouveau, madame le ministre, une demande maintes
fois réitérée concernant les conditions d'accueil de la population scolaire en
Nouvelle-Calédonie, qui est en pleine croissance, notamment dans le Sud.
Vous n'ignorez pas, en effet, que la province Sud se trouve aujourd'hui dans
une véritable impasse budgétaire, car elle assume la part de financement
incombant à l'Etat en matière de construction des collèges, de dépenses
relatives à l'enseignement privé et à la médecine scolaire.
Nous espérons, madame le ministre, que vous ne vous contenterez pas d'une
réponse de principe à ce sujet.
L'outre-mer a toujours permis à la France de rayonner économiquement,
socialement et culturellement partout dans le monde. Mais sa diversité, qui
constitue son extraordinaire richesse, se traduit aussi par de fortes
disparités en termes de développement.
S'il convient notamment de se féliciter de l'attribution aux départements
d'outre-mer d'un statut de région ultrapériphérique au regard de la
réglementation européenne, ce qui leur ouvrira la porte à de nouvelles aides,
je tiens aussi à souligner le lourd handicap que continuent de subir certaines
collectivités d'outre-mer en matière de financements européens.
Ainsi, l'effort particulier qui a été annoncé dans ce projet de budget pour
favoriser le développement de Wallis-et-Futuna est un premier pas que nous
saluons, tant sont importants les besoins de cet archipel, dont plus de la
moitié de la population réside en Nouvelle-Calédonie.
Je voudrais, à cet égard, vous interroger, madame le ministre, sur l'épineuse
question du non-recouvrement des créances du centre hospitalier territorial de
Nouvelle-Calédonie, qui accueille régulièrement des malades de
Wallis-et-Futuna.
Votre prédécesseur s'était empressé d'ignorer ce problème, qui ne fait
qu'empirer au fil du temps et constitue une source sérieuse de déséquilibre
pour le fonctionnement de l'hôpital.
Vous avez souvent insisté, madame le ministre, sur un élément marquant de la
politique du Gouvernement pour l'outre-mer, qui est de responsabiliser les
acteurs locaux, de faire en sorte que l'activité prenne le pas sur
l'assistance.
C'est un langage que nous comprenons parfaitement - Jean-Paul Virapoullé s'est
longuement exprimé tout à l'heure sur cette nouvelle volonté politique qui
anime l'ensemble de l'outre-mer - puisqu'il correspond pleinement à notre
conception du développement.
Il est en particulier essentiel que nous puissions continuer à bénéficier d'un
dispositif de défiscalisation renforcé. Nous souhaiterions donc qu'à l'occasion
de l'examen du projet de loi de finances pour 2003 vous puissiez nous apporter
quelques assurances à ce sujet.
Une autre de nos préoccupations majeures est la continuité territoriale avec
la métropole. Nous nous réjouissons, à cet égard, de la mesure que vous avez
prise et qui vise à accroître la mobilité des jeunes de l'outre-mer, tant il
paraît essentiel que nos étudiants puissent compléter leur formation et
acquérir une expérience en métropole, élargissant ainsi leur horizon.
Cependant, donner à l'outre-mer les moyens de son développement passe
incontestablement par une baisse des coûts du transport aérien. Je vous saurais
gré, madame le ministre, de nous apporter quelques précisions sur les
engagements du Gouvernement dans ce domaine.
Depuis plusieurs années, la collectivité territoriale de Nouvelle-Calédonie et
ses provinces sont tenues, pour soutenir les filières de production agricole
tournées vers l'exportation, de subventionner massivement ces secteurs, afin de
compenser la charge que représente le fret maritime et aérien.
Sur le plan interne même, l'activité économique est fortement pénalisée par la
lourdeur des coûts de transport entre les différents pôles économiques de
l'archipel : c'est particulièrement le cas en Polynésie française, comme en
Nouvelle-Calédonie.
Le Gouvernement a-t-il l'intention, madame le ministre, de prendre en compte
le problème de la continuité territoriale ? Et, si oui, dans quelle mesure ?
Pour conclure, je voudrais témoigner ma confiance au Gouvernement quant à sa
capacité à donner aux populations d'outre-mer la place qui leur revient. Nous
sommes sensibles, à cet égard, madame le ministre, à la façon dont vous
appréhendez la situation et les enjeux de l'outre-mer.
(Applaudissements sur
les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union
centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Georges Othily.
M. Georges Othily.
Madame le ministre, le budget pour 2003 que vous présentez devant notre Haute
Assemblée n'appelle de ma part aucune critique. Les critiques, vous les avez
certainement entendues à l'Assemblée nationale et vous risquez de les entendre
ici. Pour autant, je ne me livrerai pas au petit jeu qui consiste à brosser
dans le sens du poil pour faire plaisir ou dans l'autre sens pour déplaire.
Vous l'avez dit, il s'agit d'un budget de vérité et de transition. Les
priorités sont l'emploi et le logement.
La lecture du budget et l'analyse faite par notre excellent rapporteur, M.
Roland du Luart, révèlent l'insuffisance, sinon la réduction des crédits pour
ce qui concerne les infrastructures en Guyane.
Vous n'ignorez pas, madame la ministre, l'immense chantier que nous avons à
réaliser dans ce pays de Guyane pour relier les régions entre elles - car la
Guyane comprend plusieurs régions - et pour créer des espaces nouveaux pour
développer l'activité des hommes et des femmes de ce pays.
Je suis persuadé que les explications que vous nous apporterez pourront
peut-être nous faire comprendre les raisons de ce choix et, peut-être, nous
convaincre de son bien-fondé.
Par ailleurs, je souhaiterais que vous puissiez nous indiquer l'état de la
réforme du fonds d'investissement des départements d'outre-mer, le FIDOM, que
vous allez nous proposer.
J'observe que le FIDOM régional et départemental avait permis pendant de très
nombreuses années aux conseils régionaux et départementaux de l'outre-mer de
concourir, en partenariat avec l'Etat, à l'aménagement du territoire et aux
investissements d'ordre économique.
Pourrais-je vous suggérer, au stade où vous en êtes de votre réflexion sur
l'élaboration de ce nouveau décret, de créer, tout en prenant en compte la
nécessaire obligation de maintenir le FIDOM général de l'Etat, une section du
FIDOM communal ? Ce dispositif pourrait permettre à chaque commune d'outre-mer
d'obtenir une certaine somme et de se voir attribuer des subventions
complémentaires, soit par le département, soit par la région, ou d'accéder à
l'emprunt. En effet, vous n'ignorez pas que bon nombre de communes d'outre-mer
ne disposent pas de recettes fiscales suffisantes pour entreprendre des actions
dans ce domaine.
S'agissant des crédits alloués au logement social en outre-mer, qu'il me soit
permis de vous indiquer que ce secteur mérite des réajustements significatifs
et une réforme de fond. A défaut de telles mesures, la situation ne pourra que
continuer à se dégrader.
La production de terrains viabilisés reste la priorité pour permettre la
relance de la construction de logements sociaux. Pour répondre à ces besoins,
il faut encore insister sur la mise en place des fonds régionaux d'aménagement
foncier et urbain, les FRAFU, assortis des dotations financières adéquates.
Dans le secteur locatif, le logement social et le logement très social
bénéficient de procédures efficaces.
Néanmoins, il nous faut adapter les plafonds, car les coûts de production
divergent d'un département à un autre et le secteur du bâtiment et des travaux
publics reste très fragile dans certains départements.
La situation est encore beaucoup plus grave dans le domaine de l'accession. Il
faut envisager une refonte complète des produits destinés à l'accession très
sociale, compte tenu du blocage du logement évolutif social et de l'inexistence
d'autres produits destinés à la clientèle sociale et intermédiaire.
Votre ministère a en charge la gestion de la ligne budgétaire unique. Depuis
2002, cette ligne est ouverte au financement des résidences sociales pour
personnes âgées et des foyers pour étudiants, de même qu'à la diversification
des aides à l'amélioration des logements.
Cependant, aucune disposition réglementaire n'est prévue pour l'attribution de
cette aide aux gestionnaires des établissements sociaux et médico-sociaux des
départements d'outre-mer, qui doivent obligatoirement restructurer les locaux,
en application de l'arrêté du 26 avril 1999 fixant le contenu du cahier des
charges et de la convention pluriannuelle imposée par l'article 23 de la loi n°
97-60 du 24 janvier 1997.
En effet, jusqu'ici, cette aide n'était accordée qu'aux propriétaires occupant
les lieux, aux opérateurs de logements sociaux dans le cadre d'une opération
programmée d'amélioration de l'habitat ou d'un programme d'intérêt général et
dans le cadre de travaux présentant un intérêt architectural. Madame le
ministre, je vous demande de porter une attention particulière à ce sujet et
d'envisager la réforme nécessaire.
Le gouvernement précédent avait annulé les dispositions de l'article 199
sexies
C du code général des impôts, qui ouvrait droit à une réduction
d'impôt sur le revenu pour dépenses de grosses réparations, d'amélioration ou
de ravalement d'immeuble payées entre le 31 décembre 1999 et le 31 décembre
2002. Pour amorcer votre politique de l'habitat et du logement, je vous demande
de renouveler le bénéfice de cette disposition en intervenant auprès de M. le
ministre délégué au budget.
En effet, une telle mesure permettrait d'encourager l'activité et la création
d'emploi dans les PME et les TPME de l'artisanat et du bâtiment des
départements d'outre-mer. Il faut créer le travail avant de créer l'emploi.
Pour ce qui est de la Guyane, l'immensité du chantier à entreprendre est telle
que la loi de programme n'y suffira pas.
La Guyane mérite mieux. Une loi de programmation d'investissements pour son
aménagement et pour le rattrapage des équipements et infrastructures à réaliser
serait mieux adaptée, et ce sur une période d'au moins quinze ans pour
seulement permettre d'amorcer le développement économique.
L'une des grandes causes du sous-développement de la Guyane est l'immigration.
Ce phénomène constitue une plaie en Guyane.
En France métropolitaine, le ministère de l'intérieur a engagé une lutte pour
régler le problème de l'immigration avec la fermeture du camp de Sangatte.
Hier, c'était l'opération à Choisy-le-Roi, avec l'expulsion des Roms.
La Guyane est depuis de très nombreuses années une terre d'accueil : accueil
des Martiniquais après l'éruption de la montagne Pelée en 1802, des Polonais
dans les années cinquante, avec la création du bureau pour l'immigration en
Guyane, des Hmongs en 1977. Mais, aujourd'hui, il nous est insupportable de
voir arriver dans notre pays des populations qui n'ont ni notre culture ni
notre histoire.
Il ne peut plus être question de seuil de tolérance. Ces immigrés ne
contribuent pas à nous aider à bâtir ce pays de Guyane. L'Etat est responsable
de ce que nous appelons un génocide par substitution du peuple guyanais.
Force est de constater que le laxisme dont ont fait preuve les gouvernements
successifs pour régler ce problème a contribué à faire perdurer le
sous-développement.
Le temps est venu pour que des dispositions énergiques mais humaines soient
prises. Nous sommes prêts à intégrer ceux qui sont présents aujourd'hui dans
notre communauté guyanaise et s'engagent à participer avec nous à la
construction et au développement de la Guyane.
Cette immigration me conduit à penser qu'il s'agit d'une subvention déguisée
de l'Etat, de prestations sociales versées insolemment aux peuples des pays
limitrophes ou venus d'ailleurs. Les Guyanais en ont assez !
Puisque vous prenez des dispositions en France métropolitaine, faites de même
en Guyane !
J'aurais pu vous demander où en est le remboursement de la CMU dans le
département de la Guyane, où en sont les 35 % de recettes d'octroi de mer
perçus par le département de la Guyane au détriment des communes.
J'aurais pu vous interroger sur l'ODEADOM, l'Office de développement de
l'économie agricole dans les départements d'outre-mer, sur la situation
difficile de la trésorerie de l'UAG, l'université des Antilles-Guyane, ou sur
la situation sanitaire catastrophique en Guyane... Madame la ministre, il nous
faut « mieux d'Etat », mais non pas « plus d'Etat ».
Si, en France, au nom des droits de l'homme, certains esprits chagrins
refusent le principe de la double peine, cette disposition me paraît
extrêmement importante pour la Guyane. Il importe que vous puissiez, avec le
ministère des affaires étrangères, engager rapidement - comme je l'avais
demandé à votre prédécesseur, par courrier en date du 2 mai 2001 - la mise en
place d'une représentation diplomatique du Guyana en Guyane française, puisque
les autorités de cet Etat ne reconnaissent pas comme leurs citoyens ceux qui
viennent exercer la violence dite sud-américaine sur le territoire français de
Guyane.
Vous le devez, vous le pouvez, car, bientôt, un climat xénophobe et raciste
s'installera dans ce pays.
Dans vos revendications, il y a le souhaitable, mais votre budget nous propose
le possible. Ainsi donc, c'est dans la raison - et avec beaucoup de raison -
que je voterai les crédits que le Gouvernement et vous-même apportez à
l'outre-mer.
(Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union
centriste, des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. le président.
La parole est à Mme Jacqueline Gourault.
Mme Jacqueline Gourault.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, conçu comme un
budget de transition dans l'attente du vote d'une loi de programme sur quinze
ans, le projet de budget de l'outre-mer pour 2003 « redéploie » les crédits de
ce ministère vers deux priorités annoncées : l'emploi, l'insertion et la
formation, d'une part, le logement, d'autre part.
Par ailleurs, ce projet de budget témoigne d'une réelle volonté d'apporter un
soutien financier aux collectivités d'outre-mer, notamment aux moins avancées,
les îles Wallis et Futuna et Mayotte.
Je voudrais ici, au nom du groupe de l'Union centriste - et comme le ferait
mieux que moi mon collègue Marcel Henry -, souligner avec intérêt les
principales mesures concrètes en faveur de Mayotte, sans toutefois taire nos
préoccupations pour l'avenir.
L'évaluation de l'impact des orientations prioritaires fixées par le
Gouvernement sur le développement économique et social de Mayotte est facilitée
par la présentation individualisée des lignes budgétaires consacrées à la lutte
pour l'emploi, la formation et l'insertion sociale.
Les crédits consacrés aux contrats emplois-solidarité et aux contrats emplois
consolidés sont augmentés sensiblement alors que ceux qui financent les mesures
en faveur de l'emploi sont maintenus à leur montant de l'année 2002.
La formation est également soutenue largement grâce au doublement de la
dotation affectée au paiement des bourses en faveur des étudiants mahorais et à
l'extension à Mayotte du passeport mobilité, la nouvelle mesure, ô combien
justifiée ! du Gouvernement en faveur des jeunes d'outre-mer.
L'ouverture d'une ligne budgétaire réservée aux actions de santé à Mayotte
laisse augurer non seulement d'une évaluation précise des dépenses sanitaires
supplémentaires engendrées par l'immigration clandestine, qui est toujours en
hausse dans l'île, mais aussi de leur prise en charge effective par l'Etat,
conformément aux règles de droit commun.
Enfin, la notable majoration des crédits de la dotation de rattrapage et de
premier équipement des communes de Mayotte ainsi que de ceux du fonds mahorais
de développement traduit en actes l'ambition de votre ministère, madame la
ministre, d'être à la fois pragmatique et ouvert aux adaptations nécessitées
par la situation particulière de chaque composante territoriale de
l'outre-mer.
L'idée de développer chaque territoire ultramarin non pas seulement en
fonction de son statut institutionnel, mais surtout en raison de ses besoins
réels en matière de progrès économique, social et culturel est comparable aux
généreuses dispositions de l'article 299, paragraphe 2, du traité sur l'Union
européenne qui permettent d'adapter la solidarité européenne aux handicaps
structurels et aux retards économiques des régions ultrapériphériques. Et je
vous remercie de mettre à l'étude, en liaison avec nos partenaires de l'Union,
l'application de ces dispositions à Mayotte, puisque notre île demeure
pénalisée par sa simple éligibilité au fonds européen de développement.
Nous saluons, en outre, le rétablissement, si souvent réclamé, en faveur de
Mayotte du principe d'une « convention de développement », en complément des
actions financées par le contrat de plan. Une telle procédure, initiée dans
l'île en 1987 et appliquée jusqu'en 1999, a fait ses preuves en matière de
rattrapage des retards de développement.
Ce contrat de progrès est d'autant plus le bienvenu que le contrat de plan
Etat-Mayotte pour la période 2000 à 2004 n'a quasiment pas reçu de commencement
d'exécution. Il importe, dans ces conditions, de veiller à concrétiser les
engagements de l'Etat afin de renforcer la confiance, notamment des
investisseurs.
A ce sujet, nous croyons devoir souligner combien les projets de réalisation
d'une piste d'aviation de 3 000 mètres et d'un deuxième quai en eau profonde à
Longoni, que l'ensemble des Mahorais attendent, demeurent déterminants pour le
développement de l'île.
D'une manière générale, nous appelons votre attention sur la nécessité de
compléter par des textes d'application un certain nombre de dispositions
importantes applicables à Mayotte. Ces textes sont en effet sans portée, faute
de mesures spécifiques d'application. On peut citer, à cet égard, les
dispositions relatives au fonds d'intervention pour la sauvegarde de
l'artisanat et du commerce, le FISAC, au fonds de compensation de la TVA, le
FCTVA, et à la mise en place du décret relatif au fonds mahorais de
développement.
Compte tenu du tarissement progressif des ressources du FIDOM et des
difficultés constatées sur le contrat de plan, il semble plus que jamais
indispensable d'élaborer un véritable plan de développement de Mayotte, qui
pourrait, je le répète, être financé par les fonds structurels européens.
C'est pourquoi il est grand temps que le Gouvernement dépose officiellement
auprès de l'Union européenne la candidature de Mayotte au statut de région
ultrapériphérique. L'étude de faisabilité commandée par M. le Président de la
République à M. Jean-Paul Virapoullé, sénateur en mission sur la réforme du
statut des départements d'outre-mer français en Europe, offre l'occasion de
faire le point sur ce sujet en recueillant l'avis des élus de Mayotte.
Pour terminer, nous voulons insister, madame la ministre, sur la
non-consommation, cette année, des crédits du fonds de coopération régionale
pour Mayotte. Nous sommes prêts pour cette coopération, comme nous demeurons
ouverts au dialogue, dès lors que la volonté mahoraise d'ancrage dans la
République française est respectée par tous.
Mais il ne peut y avoir d'effort de coopération en direction des Comores
voisines sans un engagement précis et des actes concrets venus des autorités
comoriennes pour juguler le fléau, nuisible à tous, d'une immigration
clandestine qui pervertit aujourd'hui tous les équilibres sociaux mahorais. A
cet égard, nous comptons sur la ferme détermination que vous avez affichée lors
de votre visite à Mayotte au mois de septembre dernier.
Sous le bénéfice de ces observations, les élus du groupe de l'Union centriste,
en particulier M. Marcel Henry, voteront, madame la ministre, en faveur de
l'adoption du projet de budget de votre ministère pour 2003.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Robert Laufoaulu.
M. Robert Laufoaulu.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, étant donné le
peu de temps imparti aux orateurs et parce que les rapporteurs - que je
remercie de leur excellent travail - ont déjà dit l'essentiel sur l'ensemble du
budget de l'outre-mer pour 2003, je me concentrerai sur les questions relatives
à Wallis-et-Futuna.
Mais auparavant, je voudrais profiter de cette prise de parole pour rendre un
hommage appuyé à Mme Girardin et à son équipe. En effet, depuis quelques mois,
nous ressentons bel et bien un changement d'état d'esprit au ministère. Nous
sommes passés d'une logique d'assistance à une politique volontariste de
développement. Et c'est de cela que nous avons besoin, particulièrement à
Wallis-et-Futuna, pour créer les conditions de notre propre développement
économique et social.
Ce budget, avant même la prochaine loi de programme pour l'outre-mer voulue
par le Président de la République, illustre déjà cette orientation.
Pour Wallis-et-Futuna, l'effort que vous consentez est important, puisqu'il
correspond à une hausse de 11,5 %, et je tiens à vous en remercier, madame la
ministre.
La desserte aérienne inter-îles reçoit une aide tout à fait bienvenue.
La convention de développement promise par le Président de la République prend
forme. Des crédits liés à cette convention sont d'ores et déjà inscrits dans le
budget ; cette convention sera, je le rappelle, discutée dans les prochains
jours avec la mission du territoire. Cette dernière est arrivée ce matin et
vous avez bien voulu accepter de la recevoir, madame la ministre, avant de nous
rendre visite dans le Pacifique.
Cette visite sera pour vous, madame la ministre, l'occasion de vous rendre
compte sur place que les mesures prises en faveur de notre territoire n'ont
rien de superflu ! Elles se justifient pleinement par le retard de
développement de Wallis-et-Futuna et la nécessité d'un rattrapage économique
urgent.
Chez nous, certains chiffres parlent d'eux-mêmes : 2 500 salariés sur 15 000
habitants, dont près de la moitié dans le secteur public ou para-public et
presque un quart dans les chantiers de développement. Reste donc seulement un
peu plus d'un quart dans le secteur privé. Cela se passe de commentaires !
Mais cet effort financier consenti par l'Etat risque d'être sans impact si,
parallèlement, des moyens humains ne sont pas mis en place pour la réalisation
de ces projets. Je sais que la sous-consommation des crédits est un problème
général et récurrent, mais, à Wallis-et-Futuna, cela devient critique.
L'expérience montre que les crédits ne sont pas consommés par manque de
personnel compétent au sein du service des travaux publics, qui est chargé des
études, de la réalisation et du suivi des projets et des grands travaux sur le
territoire. Est-il normal qu'en quarante ans de statut de territoire
d'outre-mer Wallis n'ait que quarante kilomètres de routes goudronnées ? Un
kilomètre par an ! Pour un territoire faisant partie de la France, pays qui
compte de très grandes entreprises pour la réalisation des routes, cela ne
manque pas de surprendre.
Il faut que cela cesse. Nous avons besoin de personnels et je vous demande
instamment, madame la ministre, de faire le nécessaire pour augmenter le nombre
des ingénieurs qui doivent mettre en oeuvre les projets dont le territoire a
tant besoin.
L'argument consistant à dire que la question du foncier serait la raison du
retard des réalisations d'infrastructures est fallacieux. La vérité tient au
nombre insuffisant d'ingénieurs et à la mauvaise gestion des crédits. Si ce
problème n'est pas réglé, la convention sera un échec.
Après ce point essentiel, je voudrais aborder la question de notre agence de
santé et, tout d'abord, de sa dette à l'égard de la compagnie Air Calédonie et
du centre hospitalier universitaire de Nouméa. Cette dette est essentiellement
due aux évacuations sanitaires vers la Nouvelle-Calédonie.
Mon collègue et ami Simon Loueckhote se soucie aussi de ce problème et vient
de l'évoquer ; nous aimerions savoir quelles mesures sont envisagées pour y
remédier, puisque l'agence de santé est un établissement public national.
Enfin, le recrutement des médecins pose également un problème. Je souhaiterais
ainsi, pour la continuité et la qualité des soins dispensés, que le territoire
puisse bénéficier d'un recrutement de médecins de la fonction publique.
Madame la ministre, nous avons toujours l'impression de mendier et de demander
toujours trop pour la santé de nos populations isolées. Mais comparons les
chiffres des dépenses de santé entre la métropole et le territoire de
Wallis-et-Futuna : 2 300 euros environ par habitant et par an pour la
métropole, et 590 euros pour Wallis-et-Futuna. Aussi, est-ce vraiment sans
honte ni scrupule que je me permets de demander l'aumône : accordez-nous le
droit à la santé !
Enfin, pour terminer, je souhaite attirer votre attention, comme M. Brial l'a
déjà fait à l'Assemblée nationale, sur les graves difficultés que nous
rencontrons du fait de la situation de monopole dans laquelle se trouve
l'unique banque présente sur le territoire. Il faut absolument mettre fin à
cette situation et, pour cela, nous avons besoin de l'aide de l'Etat.
D'une manière générale, madame la ministre, je voudrais vous redire toute
notre confiance et aussi tout l'espoir que suscite pour nous la stratégie de
développement durable qui se met en place et pour laquelle nous savons pouvoir
compter sur votre soutien personnel et sur l'expertise de vos services.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants
et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Dominique Larifla.
M. Dominique Larifla.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, on dit du
budget qu'il est l'âme d'une politique. Je m'efforcerai donc, à travers ce
propos, de vous faire part avec franchise et concision de mon opinion dans les
cinq minutes qui me sont imparties.
Il ressort de la lecture de ce projet de budget, en dépit des explications
apportées, que son taux d'augmentation est inférieur à celui de l'inflation.
Or, dans le même temps, lorsque l'on parle de la situation de la Guadeloupe à
la faveur de l'actualité de ces derniers jours, elle est dite « préoccupante »,
voire « catastrophique ».
Cette année, sous les feux médiatiques, jamais la situation n'est apparue
aussi alarmante. Ce contexte justifie la mise en oeuvre sans tarder d'une
politique active et volontariste.
Nos départements, qui ont à surmonter de nombreuses difficultés, sont
maintenus dans l'attente de la loi de programme annoncée pour la fin de cette
année et doivent se contenter d'une transition sans ambition et sans réelle
nouveauté.
La politique et surtout la gestion des crédits de l'ancien gouvernement ont
largement fait l'objet de vos critiques, madame la ministre. J'y reviendrai.
Vous avez annoncé maintenir le cap de la priorité accordée à la lutte contre
le chômage et au rattrapage dans le domaine du logement.
Pourtant, s'agissant du chômage, les perspectives offertes par les mesures
mises en place depuis 2000 sont réduites cette année. A travers l'offre, c'est,
en effet, l'horizon de nombreux chômeurs qui est limité par la réduction des
mesures potentielles.
Même si l'on peut en contester la philosophie, les emplois aidés ont constitué
un véritable traitement social de l'inactivité avec, de surcroît, pour nombre
d'entre eux, une véritable utilité collective.
Il faut souligner, madame la ministre, que vous avez eu la sagesse de
poursuivre, en le renforçant, le dispositif de formation par le SMA, le service
militaire adapté.
Indéniablement - je peux en témoigner au quotidien - le SMA joue un rôle
essentiel dans la formation des jeunes et les résultats sont encourageants.
Dans la perspective de l'arrivée de nombreux jeunes sur le marché du travail,
vous déclarez, madame la ministre, ne vouloir laisser « personne au bord de la
route ». Nous partageons cette préoccupation.
Vous annoncez donc des cellules de reclassement. Le principe est lisible,
certes. Je vous saurais gré, cependant, de m'en communiquer le contenu et de
m'indiquer la direction de ce reclassement.
En matière de formation, j'attire votre attention sur la qualité de
l'enseignement dispensé par l'université Antilles-Guyane, malheureusement
handicapée par d'importants coûts de fonctionnement qui résultent de son
éclatement sur trois pôles. Les étudiants y suivent leur cursus dans des
conditions qui tendent à se dégrader.
La situation hospitalière de la Guadeloupe, singulièrement celle du CHU,
appelle des mesures d'urgence pour faire face notamment au sous-encadrement en
personnel et au déficit en moyens matériels.
En matière de logement, une augmentation de l'offre, traduction de la
consommation effective des crédits, ne peut être possible sans une
simplification administrative de l'accès à la ligne budgétaire unique par les
bailleurs sociaux, entre autres.
La direction départementale de l'équipement doit les accompagner et jouer
pleinement le jeu.
Ni nos jeunes, ni nos malades, ni nos chômeurs, ni nos familles ne peuvent
attendre ! Bref, dans cette situation, les départements d'outre-mer ne peuvent
patienter.
J'en reviens donc à la question de la gestion budgétaire qui a largement
justifié la révision des crédits de l'outre-mer.
Le budget de l'outre-mer, les années précédentes, n'a pas échappé aux
différents gels de crédits et autres contrats de gestion, qui expliquent la
sous-consommation des crédits votés en loi de finances initiale.
Réduire les crédits, c'est fermer les perspectives sans même chercher à agir
sur les moyens de réalisation, d'autant que vous avez eu la charge de
l'exécution d'une part du budget de 2002.
Qualifier d'« affichage » le niveau des crédits votés en 2002 revient à
anticiper l'exécution du présent budget pour 2003, établi sur des hypothèses de
croissance et, partant, sur des recettes incertaines.
Votre politique pour l'outre-mer ne peut donc se lire, pour l'heure, qu'à
l'aune de vos intentions.
Je reste donc dans l'attente de la loi de programme.
(Applaudissements sur
les travées du RDSE. - M. le rapporteur spécial applaudit également.)
M. le président.
La parole est à M. Victor Reux.
M. Victor Reux.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le budget de
l'outre-mer affiche une augmentation de 1,50 % par rapport au précédent, ce qui
peut paraître peu mais, comme chacun le sait, il ne représente que le dixième
environ des transferts des divers ministères vers la France ultramarine.
Vous avez raison, madame la ministre, de stigmatiser le laxisme de ceux qui
vous ont précédée, laxisme entraînant ainsi un haut niveau des budgets non
utilisés et reportés alors qu'il y a tant à faire outre-mer.
Focalisé sur des projets concrets, ce budget de terrain, mais également de
transition, traduit bien la volonté de situer l'emploi et la formation au
centre des priorités de votre gouvernement.
Pour autant, il ne néglige pas les autres volets essentiels ou innovants tels
que la création du passeport mobilité, l'augmentation des crédits pour le
logement - la ligne budgétaire unique augmente de 7,5 % -, dont la dotation a
été doublée pour Saint-Pierre-et-Miquelon, ou encore la promotion de moyens
particuliers destinés à permettre le rattrapage économique et social des
collectivités qui en ont le plus besoin.
Enfin, tout comme en métropole, vous ne tirez pas un trait sur les
emplois-jeunes, puisque vous prévoyez même un accompagnement individualisé en
fin de contrat.
J'aborderai quelques sujets plus spécifiques à ma collectivité.
Le premier est le secteur de la pêche artisanale, notamment s'agissant la
campagne 2002, laquelle, vous le savez, madame la ministre, s'est soldée par de
mauvais résultats, tout simplement parce que, pour certaines espèces, la
ressource n'était pas au rendez-vous.
Cette filière d'activité a vu, au cours de la décennie précédente, la
naissance et le développement d'inititives pour que ne meure pas localement un
métier de tradition. Leurs auteurs ont dû faire des investissements importants.
S'ils n'étaient pas aidés et si l'année à venir et la suivante n'était pas
meilleures, ce secteur de notre diversification économique se trouverait en
péril.
Vous sachant sensible à cette question, je renouvelle donc la demande que
j'avais faite ici-même à votre prédécesseur, qui, à l'évidence, ne l'a pas
entendue, afin que puisse avoir lieu dans les eaux avoisinant l'archipel, et ce
dès que possible, une mission française d'évaluation de la ressource
halieutique qui pourrait être effectuée par l'Institut français de recherche
pour l'exploitation de la mer, l'IFREMER. Ainsi, les divers acteurs de la pêche
locale, disposant de données scientifiques plus fiables, se trouveront aidés
dans le choix de leurs orientations.
Par ailleurs, dans ce même secteur - vous pourrez le constater lors de votre
prochaine visite -, le projet en cours de réalisation d'exploitation de
coquilles Saint-Jacques lancé à Miquelon est porteur d'emplois. Il a nécessité
aussi de lourdes mises de fonds de la part des actionnaires locaux : 860 000
euros en 2002 seulement.
Toutefois, les aides publiques normalement prévues ne semblent pas se
concrétiser, alors que les deux années à venir seront cruciales pour la
viabilité de l'entreprise. Pouvez-vous m'indiquer où est la participation de
l'Etat dans cette entreprise prometteuse ?
Dans le secteur de la pêche et dans l'archipel, je veux également souligner,
madame la ministre, l'émotion soulevée par l'annonce faite par le Canada, à
l'instar de la Commission de Bruxelles récemment, d'une probable et forte
réduction de quotas autorisés de cabillaud déjà bien maigres.
La situation économique de l'archipel ne s'est guère améliorée depuis le
changement de majorité au conseil général en mars 2000. Elle n'a fait
qu'empirer.
En parallèle, la dégradation de notre situation budgétaire constitue un
facteur défavorable pour la commande publique, ainsi que pour l'investissement
en général.
S'agissant de la commande publique, et compte tenu des troubles sociaux qui
ont eu lieu récemment du fait des errements de l'exécutif local, je suis
également demandeur de la venue sur place d'une commission d'enquête sur les
marchés publics pour faire le point en ce domaine, où se posent de nombreuses
questions.
S'agissant de la situation budgétaire, la collectivité est confrontée à un
endettement semblable à celui qu'elle connaissait avant 1994, notamment en
raison de la charge des emprunts qu'elle a dû contracter pour participer aux
dépenses liées à la construction du nouveau complexe aéroportuaire. C'est
pourquoi je demande, cette année encore, qu'une partie de la dette de la
collectivité territoriale soit exceptionnellement prise en charge par
l'Etat.
Pour ce qui est des investissements, j'espère que, dans la future loi de
programme, Saint-Pierre-et-Miquelon, malgré son régime fiscal spécifique,
pourra être mieux loti que par le passé en matière de défiscalisation, laquelle
est indispensable pour les investissements.
Madame la ministre, nous venons tout récemment de voter le projet de loi
relatif à la décentralisation. S'agissant du transfert de compétences relatif à
notre zone économique exclusive, notre ZEE, au large de
Saint-Pierre-et-Miquelon, au profit de la collectivité territoriale, votre
prédécesseur n'a jamais répondu à la question suivante, que je tiens donc à
poser à nouveau à cette tribune : où en est-on de l'élaboration du cahier des
charges prévu et de son approbation par le Conseil d'Etat pour ce transfert de
compétences ?
Cette interrogation se greffe sur l'important sujet de la prospection et de
l'exploitation éventuelles des hydrocarbures dans les fonds sous-marins
avoisinant l'archipel, et dans notre zone économique exclusive en
particulier.
Dans cette zone, vous le savez, depuis le forage intervenu en avril 2001, tout
semble au point mort, mais le contexte s'est modifié avec le règlement du
contentieux existant entre les provinces canadiennes de Nouvelle-Ecosse et de
Terre-Neuve, lequel avait entraîné un moratoire sur les forages en zone
maritime canadienne.
Ce moratoire n'ayant plus de raison d'être, il est normal que l'on se pose la
question de savoir si les compagnies étrangères qui se sont montrées
intéressées par notre ZEE le seront autant que par le passé.
Quel que soit le cas de figure envisagé, il me semble indiqué que notre zone
économique exclusive soit, pour le futur, concrètement prise en compte dans le
« Plan hydrocarbures » français. Madame la ministre, me rejoignez-vous sur ce
point ?
Autre sujet que je voudrais aborder touchant la santé, celui des évacuations
sanitaires d'urgence par voie aérienne, majoritairement vers le Canada, et,
dans une bien moindre mesure, en inter-îles vers Saint-Pierre à partir de
Miquelon.
Il s'agit pour la compagnie Air Saint-Pierre d'une contrainte forte puisqu'en
fait - et c'est le cas depuis quarante ans - l'Etat, la collectivité et les
particuliers comptent sur elle pour ce type d'évacuation qui peut intervenir à
n'importe quelle heure du jour ou de la nuit, dans des conditions
météorologiques souvent difficiles.
Cette astreinte effective de mise à disponibilité du matériel et des hommes
vingt-quatre heures sur vingt-quatre engendre des coûts importants, qui vont
augmenter avec le remplacement incontournable du petit bimoteur affecté à ce
service depuis longtemps.
Compte tenu du fait que nous n'avons pas sur place de SAMU ou d'autre
organisme public susceptible d'assurer les missions d'urgence, d'assistance et
de protection sanitaire du citoyen, il me paraît indiqué que, dans la future
loi de programme, des dispositions soient prévues afin que l'Etat prenne en
charge une partie des coûts induits par ces missions permanentes qui ne
relèvent pas d'un service commercial ordinaire.
J'ajouterai quelques remarques au sujet de la loi d'orientation, qui est
appliquée dans l'archipel pour ce qui relève de l'exonération des charges
sociales, des projets initiatives jeunes, les PIJ, de l'apurement des dettes
sociales et le fonds d'échanges culturels.
Des difficultés inhérentes aux particularités locales freinent cependant la
concrétisation des mesures prévues en matière de congé-solidarité et de
parrainage, notamment.
L'application de la loi d'orientation pour l'outre-mer se poursuivra en
attendant que la loi de programme prenne le relais.
Dans cette perspective, afin de faire le point, peut-on envisager la mise en
action de la commission de suivi - c'est l'article 74 -, de manière à savoir si
tous les acteurs économiques concernés jouent le jeu en matière de création
d'emplois et de maîtrise des coûts du travail ? Compte tenu de la situation à
ce sujet dans l'archipel, le rapport de cette commission permettrait d'y voir
plus clair et de mieux encadrer les dispositions en gestation en vue de leur
finalité.
Enfin, sur un plan culturel et économique, j'appelle votre attention sur
l'avenir de la station locale RFO, et précisément sur la diffusion de son
signal hertzien sur le Canada.
Avec une retransmission vers 300 000 abonnés, soit environ un million de
téléspectateurs, ce média constitue à partir de l'archipel une véritable
vitrine de la France et de la francophonie vers un public très attaché à notre
culture.
Avec de 70 à 80 salariés, RFO tient une place importante dans notre fragile
équilibre économique. Recrutant majoritairement sur place, cette station est un
excellent vecteur de formations valorisantes dans les métiers d'avenir
porteurs. Elle mérite donc d'être défendue contre les pressions destinées à
restreindre sa diffusion chez nos voisins.
Madame la ministre, je pense que le pragmatisme et le réalisme qui
caractérisent la démarche du Gouvernement dans son approche des problèmes de
l'outre-mer marqueront vos réponses, aujourd'hui et par la suite, à mes
interrogations en faveur de mes concitoyens. Aussi est-ce bien volontiers que
j'apporterai mon total soutien à votre budget, tel que vous nous le présentez.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants
et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Brigitte Girardin,
ministre de l'outre-mer.
Monsieur le président, madame, messieurs les
rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, c'est avec plaisir et
conviction que j'ai l'honneur de défendre devant votre assemblée, pour la
première fois, le budget du ministère de l'outre-mer. C'est pour moi l'occasion
de vous présenter les grandes orientations de l'action du Gouvernement pour les
dix collectivités dont j'ai la charge.
Ce projet de budget est d'abord une première concrétisation des engagements du
Président de la République pour l'outre-mer.
Le premier engagement tenu est celui d'une attention particulière accordée à
la création d'emplois dans le secteur marchand, qui est la base du
développement économique outre-mer. Le projet de budget pour 2003 prévoit une
réorientation des crédits du FEDOM vers la création de vrais emplois durables
dans ce secteur productif. Je vous remercie, madame Létard, de l'avoir relevé
avec satisfaction. On en revient à l'esprit de la loi Perben, qui avait créé le
FEDOM ; il est ainsi prévu d'augmenter de plus de 11 % le nombre de contrats
d'accès à l'emploi.
Je tiens à vous rassurer, monsieur Lise : je ferai en sorte que les CAE
conservent leur attractivité pour les employeurs. Cela est possible, notamment
par le relèvement du montant des exonérations de charges sociales qui y est
associé. Je note qu'une telle amélioration aurait pu être apportée par la loi
d'orientation de mon prédécesseur pour relancer l'emploi dans le secteur
marchand. Nous veillerons à le faire dans la loi de programme.
La persistance, outre-mer, d'un taux de chômage trois fois supérieur à celui
de la métropole justifie amplement cette réorientation du FEDOM.
Si le budget pour 2003 contient encore des financements importants pour les
emplois aidés, qui sont par nature des emplois précaires, c'est qu'il s'agit
d'un budget de transition - vous l'avez remarqué, monsieur Raoul - dans
l'attente de la loi de programme qui vous sera présentée au début de l'année
prochaine et dont l'objectif est de substituer une logique d'activité à une
logique d'assistance. Nous devons offrir à la jeunesse d'outre-mer de
véritables perspectives d'emploi.
Pour répondre à votre interrogation, monsieur Lise, je vous indique que si,
comme je le souhaite, la loi de programme est votée au plus tard le 1er juillet
prochain, elle sera financée en loi de finances rectificative en 2003 et en loi
de finances initiale en 2004.
Les moyens financiers en faveur des emplois aidés augmentent encore en 2003
pour tenir compte des engagements pris et de cette période transitoire. Ce
n'est qu'en 2004 que les effets de la loi de programme seront pris en compte.
Il est inexact de dire que les moyens du FEDOM diminuent ; je le dis en réponse
aux quelques critiques que j'ai entendues.
Je vous rappelle que les moyens du FEDOM représentent 44 % de mon budget. Les
dotations pour les contrats emploi-solidarité, les contrats emploi consolidé et
les emplois-jeunes augmentent en 2003 de 6 %. Je vous rappelle aussi que 15 %
de mon budget est consacré aux emplois-jeunes !
Beaucoup d'entre vous, notamment MM. Lise, Vergès, Virapoullé, Larifla et bien
d'autres, ont exprimé à juste titre sur le devenir des emplois-jeunes une
inquiétude que je comprends parfaitement.
Ainsi que je l'ai maintes fois précisé, tous les contrats iront à leur terme
et chaque jeune en fin de contrat bénéficiera d'un accompagnement individualisé
afin qu'aucun d'eux, j'y insiste, ne soit laissé au bord du chemin.
Je vous rappelle, monsieur Larifla, monsieur Lise, que le précédent
gouvernement n'avait pas pris de disposition pour assurer à ces jeunes une
sortie positive du dispositif. Mon objectif est donc qu'une solution soit
trouvée, au cas par cas, pour chaque jeune. A cet effet, j'ai donné instruction
aux préfets de travailler avec les structures de reclassement mises en place
dans chaque collectivité. Un dispositif transitoire est en cours de
finalisation pour les jeunes qui n'auront pu sortir de ces emplois. Il
s'appliquera jusqu'à ce que l'on aboutisse à une solution pérenne.
En outre, pour répondre aux besoins du monde associatif, nous étudions
actuellement, avec le ministre des affaires sociales, un nouveau dispositif
d'insertion des jeunes qui comportera un volet spécifique pour l'outre-mer.
Nous devons tous nous mobiliser - et j'ai bien entendu M. Jean-Paul Virapoullé
sur ce sujet - et nous montrer créatifs afin de trouver de vraies solutions en
matière d'emploi pour tous ces jeunes qui arrivent au terme du dispositif.
C'est en tout cas la volonté que j'ai au plus profond de moi-même et que j'ai
affichée. Mais je ne fais pas preuve de naïveté. Compte tenu du nombre de
jeunes qui arrivent chaque année sur le marché de l'emploi, il serait illusoire
de penser que le secteur marchand les absorbera dans leur totalité. Nous
travaillons donc à des solutions intermédiaires.
Dans ce budget, nous avons fait un effort particulier en créant 500 postes
supplémentaires pour le SMA, qui est un véritable instrument d'insertion et de
formation. Son succès n'est plus à prouver, et je note d'ailleurs que vous vous
en êtes tous félicité, ce dont je vous remercie. Je vous rappelle que
pratiquement tous les jeunes qui passent par le SMA trouvent un emploi à la fin
de cette formation et de cette insertion.
Le deuxième engagement tenu est celui d'un premier contenu donné au principe
de continuité territoriale, avec la création du passeport mobilité au profit de
11 000 étudiants et de 5 000 jeunes en formation.
Ce passeport - dont vous avez tous salué la création - répond à une attente
forte des jeunes d'outre-mer et permet de faciliter leur mobilité vers la
métropole ou une autre collectivité d'outre-mer dans le cadre de leurs études,
de leur formation ou de leur accès à un premier emploi. Il est en vigueur
depuis le 1er septembre pour les jeunes en formation, et même depuis le 1er
juillet pour les étudiants.
La continuité territoriale pour nos jeunes ne doit cependant pas se limiter à
prendre en charge le coût de leur transport. Il faut aussi organiser leur
accueil en métropole. A cet égard, je partage pleinement le souhait de M.
Jean-Paul Virapoullé de répondre à cette attente et, notamment, de régler le
problème du logement. Effectivement, il faut mettre en place une véritable
politique du logement pour ces jeunes.
Dès que je suis arrivée à la tête de ce ministère, j'ai constaté que l'Agence
nationale pour l'insertion et la promotion des travailleurs d'outre-mer, qui
devrait normalement jouer ce rôle, n'avait malheureusement plus de structures
dirigeantes depuis plusieurs années, qu'il s'agisse de président ou de
directeur général. Je me suis donc employée à remédier à cette situation. J'ai
demandé à l'ANT, l'Agence nationale pour l'insertion et la promotion des
travailleurs d'outre-mer, de prendre des contacts avec les bailleurs sociaux de
métropole pour que des logements soient réservés aux jeunes d'outre-mer dans
leurs parcs immobiliers. Le CNARM, le comité national de l'action des
Réunionnais en mobilité, pourrait appuyer cette démarche. On peut aussi
envisager que l'Etat réserve un volume de logements pour ces jeunes d'outre-mer
dans le parc HLM, selon des modalités financières à préciser.
Il faut faire vite pour concrétiser cette continuité territoriale au profit de
la jeunesse, qui est la principale richesse de l'outre-mer. C'est pourquoi je
souhaite que ces mesures soient mises en place dès le printemps prochain.
Après le passeport mobilité et le renforcement de l'ANT, nous engagerons une
deuxième étape, dans le cadre de la future loi de programme, pour améliorer les
transports terrestres, maritimes et aériens, et faire baisser leur coût,
problèmes que vous avez été très nombreux à évoquer.
Je souhaite favoriser la concurrence dans le transport aérien et éviter les
situations de monopole. Plusieurs mesures en faveur des compagnies existantes
et d'une nouvelle compagnie dédiée à l'outre-mer sont actuellement soumises à
l'arbitrage du Premier ministre. Elles permettraient aux compagnies aériennes
de consolider leurs conditions d'exploitation sur la desserte de l'outre-mer et
de mettre en place un dispositif d'allégements du coût du transport, en
partenariat avec les collectivités locales concernées et avec le soutien des
fonds européens.
MM. Virapoullé et Désiré ont évoqué la question des NTIC, qui est importante
et étroitement liée à la continuité territoriale.
Les télécommunications entre la métropole et l'outre-mer posent en effet de
sérieux problèmes, notamment en termes de coûts. Ceux-ci sont encore trop
élevés, même s'ils ont, il faut le reconnaître, baissé depuis trois ans.
Cette baisse devrait se poursuivre dans les mois à venir grâce à la libération
des canaux satellitaires par le ministère de la défense et à l'évolutions des
techniques qui permettent précisément d'envisager des coûts plus réduits. Je
veille avec mes deux collègues du Gouvernement - Mme la ministre déléguée à
l'industrie et Mme la ministre déléguée à la recherche et aux nouvelles
technologies - à ce que toutes les dispositions soient prises pour faciliter la
concurrence entre les opérateurs et faire ainsi baisser les coûts d'accès et
les abonnements.
Le troisième engagement tenu consiste à mettre en place des moyens financiers
supplémentaires pour le développement économique et social des collectivités
nécessitant un effort particulier de rattrapage. Il s'agit des deux conventions
de développement pour Mayotte et pour Wallis-et-Futuna, pour un montant
respectif de 20 millions d'euros et 2,5 millions d'euros sur cinq ans, qui
s'ajoutent aux contrats de plan.
Je tiens à remercier tout particulièrement les élus de ces deux collectivités,
avec lesquels nous avons travaillé de façon très constructive, pour que ces
conventions puissent être signées avant la fin de l'année. J'espère, monsieur
Laufoaulu, que nous construirons ainsi plus d'un kilomètre de route par an à
Wallis-et-Futuna !
Ces moyens viennent renforcer de manière pragmatique ceux qui existent déjà et
qui sont insuffisamment mobilisés, comme le fonds mahorais de développement, ou
qui sont enlisés dans les arcanes de l'administration, tel que le fonds d'aide
au développement de Wallis-et-Futuna. Ce n'est pas acceptable alors que les
besoins sont patents. Nous allons donc faire aboutir ces projets d'ici à la fin
de l'année, afin de les rendre opérationnels en 2003.
J'ajoute que les moyens des chapitres 68-01 et 68-90, qui regroupent notamment
ceux du FIDOM et du FIDES, augmentent. Ils prennent en compte avec réalisme
l'ensemble des besoins contractualisés au titre des contrats de plan ou de
développement et financent certains besoins importants, tel le plan global de
développement de l'agriculture en Guyane.
Monsieur Othily, je suis d'accord avec vous sur la nécessité de moderniser la
gestion du FIDOM, mais je crois qu'il faut d'abord tirer tous les enseignements
de l'expérience un peu controversée du FIDOM décentralisé ces dernières années
avant d'envisager de créer de nouvelles sections territoriales. Je rappelle, en
effet, qu'une dette de 5 millions d'euros a été réglée par le Gouvernement cet
été, lors de l'élaboration du collectif budgétaire.
J'ai bien noté, monsieur Othily, les remarques que vous avez formulées sur les
mécanismes à mettre en oeuvre pour faciliter l'accès au logement. Sachez que
nous avons travaillé sur ces sujets dans le cadre de la préparation de la loi
de programme.
Je partage également votre analyse sur les besoins d'infrastructures que
connaît la Guyane. Je suis favorable au maintien d'un chapitre budgétaire
destiné spécialement à financer ces besoins et je procèderai, en 2003, à une
analyse de l'emploi des crédits qui doivent être recentrés sur les grandes
infrastructures, notamment les infrastructures de communication.
Mesdames, messieurs les sénateurs, la place privilégiée que le Gouvernement
souhaite donner à l'outre-mer dans l'action gouvernementale se reflète dans ce
projet de budget. Vous l'avez presque tous souligné : à périmètre constant, il
augmente de 1,5 %, soit une progression supérieure à celle du budget de l'Etat,
ce qui témoigne de l'effort accompli en faveur de l'outre-mer dans un contexte
budgétaire difficile.
Cet effort se réalise au profit des préoccupations majeures de l'outre-mer, à
savoir, d'une part, l'emploi, la formation et l'insertion et, d'autre part, le
logement, toutes préoccupations qui sont au coeur de mes priorités.
L'effort du Gouvernement pour l'outre-mer est d'autant plus remarquable que,
ces dernières années, les budgets ont enregistré un taux de consommation qui
n'est pas convenable.
Monsieur du Luart, vous l'avez noté dans votre intervention, et je tiens à
répondre aux critiques que j'ai entendues, notamment de la part de M. Lise : ce
n'est pas l'existence même d'une sous-consommation des crédits que je critique,
car c'est un constat que l'on peut faire dans d'autres secteurs ; c'est son
ampleur, que je ne peux accepter au regard des besoins à financer. En effet,
j'ai constaté, à mon arrivée au ministère, que plus de 727 millions d'euros
avaient été reportés en cumul ces dernières années.
M. Roland du Luart,
rapporteur spécial.
Eh oui ! malheureusement !
Mme Brigitte Girardin,
ministre.
Nous avons donc perdu, au cours de la précédente législature,
l'équivalent d'un budget de l'outre-mer. C'est un véritable gâchis ! Je ne peux
que déplorer que de telles occasions aient été manquées au profit de
l'outre-mer.
Les crédits reportés représentent ainsi, l'équivalent de trois années de
dotations de la ligne budgétaire unique pour le logement, ou près de deux
années de crédits pour l'emploi du FEDOM.
Afficher, comme auparavant, des augmentations de budget pour ne pas consommer
l'ensemble des crédits est, à mon avis, un non-sens et relève d'une logique
avec laquelle je souhaite rompre résolument.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR et de l'Union
centriste.)
M. Roland du Luart,
rapporteur spécial.
La commission vous suivra !
Mme Brigitte Girardin,
ministre.
L'essentiel de notre travail ne se résume pas à la simple
présentation d'un budget une fois l'an. Il faut agir au jour le jour pour
consommer les crédits, utilement et efficacement.
M. Roland du Luart,
rapporteur spécial.
Très bien !
Mme Brigitte Girardin,
ministre.
Quelle ne fut pas ma surprise en constatant que, dans le même
temps où les reports de crédits progressaient au rythme de l'augmentation du
budget, l'Etat était complètement défaillant dans la tenue de ses engagements à
l'égard de plusieurs collectivités d'outre-mer !
Je vais vous en donner quelques exemples.
Dans les quatre DOM, les budgets des assemblées départementales ont subi des
prélèvements indus au titre de la couverture maladie universelle pour un
montant de 70 millions d'euros.
(M. Georges Othilly fait un signe
d'approbation.)
Dès 2003, nous mettrons un terme à ces erreurs inadmissibles. J'espère aussi
traiter la situation particulière des communes de Guadeloupe qui ont été
injustement pénalisées par une augmentation brutale de leurs contingents d'aide
sociale, grevant ainsi leur budget.
Par ailleurs - c'est un deuxième exemple - le gouvernement précédent a
instauré l'obligation légale pour l'Etat de financer le fonds intercommunal de
péréquation des communes de Polynésie à hauteur de 7,9 millions d'euros par an.
Mais il n'a pris aucune mesure budgétaire pour respecter son engagement sur les
années 2001 et 2002. Nous sommes en train de régler cette question.
Monsieur Flosse, vous avez souligné également la situation financière des
communes de Polynésie, dont les ressources propres doivent être réévaluées.
C'est une demande que je comprends parfaitement. Elle est notamment liée à
l'instauration d'une fiscalité propre des communes, que vous avez d'ailleurs
évoquée à l'occasion de la présentation du budget à l'assemblée territoriale le
19 septembre dernier. Il conviendra alors de définir une base fiscale et de
laisser la liberté aux communes de fixer le taux en fonction des recettes
attendues. La part du territoire dans le financement des communes pourra, dans
ces conditions, être réduite.
J'ajoute, monsieur le sénateur, que la dotation de rattrapage que vous évoquez
pourrait prendre, pour l'Etat, la forme d'une défiscalisation. Vous savez que
je propose, dans le cadre de la loi de programme, l'éligibilité à la
défiscalisation de certains équipements structurants pour les communes, comme,
par exemple, les stations d'épuration, les unités de dessalement de l'eau de
mer ou de production d'électricité.
Un autre exemple de non-respect par l'Etat de ses engagements peut être relevé
en Nouvelle-Calédonie. La dotation pour la construction et l'équipement des
collèges a été insuffisamment abondée. Monsieur Loueckhote, vous avez raison de
vous élever contre cette situation : l'Etat n'a pas respecté le critère des
effectifs scolarisés fixé par la loi. Ce sont plusieurs millions d'euros qui
manquent, alors que les besoins sont criants. Là aussi, nous sommes en train de
mettre fin à ce manquement inacceptable de l'Etat.
Le projet de budget que je vous présente rompt résolument avec ces pratiques
et s'inscrit dans une dynamique pragmatique, au plus près des réalités de
terrain et des attentes de nos compatriotes d'outre-mer. Répondre aux attentes,
faire ce que l'on annonce, c'est aussi respecter celles et ceux pour lesquels
nous travaillons.
Le développement économique et social durable de l'outre-mer passe par un
respect mutuel des engagements dans le cadre d'un partenariat financier
clairement exprimé entre l'Etat et les collectivités. C'est pourquoi je
veillerai à ce que les concours financiers de l'Etat aux collectivités
d'outre-mer soient effectivement versés, conformément aux engagements pris, et
soient adaptés aux besoins spécifiques de l'outre-mer.
Pour assurer, précisément, une bonne prise en compte des spécificités de nos
dix collectivités d'outre-mer, il me paraît essentiel d'insister sur la
nécessaire cohérence de l'action de l'Etat outre-mer.
Je le souligne avec d'autant plus de plaisir que, cette année, l'outre-mer a
retrouvé toute sa place au coeur de l'organisation gouvernementale avec un
ministère à part entière, dont la vocation interministérielle est enfin
réaffirmée. C'est à la fois une marque de respect, de reconnaissance et
d'estime à l'égard de ces Français d'outre-mer, qui sont une part irremplaçable
de notre communauté nationale et qui apportent à l'épanouissement de notre pays
une immense et généreuse contribution.
(Applaudissements sur les travées du
RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur
certaines travées du RDSE.)
C'est avant tout pour eux que le Gouvernement a
la volonté de mener une action ambitieuse fondée sur la confiance, avec pour
objectif l'égalité économique, définie par le Président de la République comme
l'étape ultime de l'accès à la pleine citoyenneté de chacun par le travail et
la dignité.
En effet, vous le savez, les moyens de mon ministère ne représentent pas
l'ensemble de l'effort que l'Etat consacre à l'outre-mer : il s'agit seulement
d'un dixième des crédits qui y sont affectés. Il est donc de ma responsabilité
d'intervenir auprès de mes collègues du Gouvernement pour qu'ils mettent en
place, dans les domaines qui relèvent de leur compétence, les financements et
les moyens propres à satisfaire les besoins de l'outre-mer.
J'ai bien noté les demandes qui ont été formulées par M. Flosse. Bien entendu,
je les transmettrai à mes collègues du Gouvernement.
Dans cet esprit, et à titre d'exemple, j'ai décidé de relancer l'action de la
commission interministérielle de coordination des investissements de l'Etat
outre-mer, afin de garantir, sous mon autorité, la cohérence des actions
économiques et des investissements de l'Etat. Je constate d'ailleurs que cette
commission ne s'est plus réunie depuis quatre ans, témoignant sans doute du
faible intérêt porté à l'action concrète de l'Etat outre-mer.
Cette action est d'autant plus essentielle qu'il existe outre-mer une très
forte imbrication entre les contrats de plan et les actions financées au titre
des DOCUP. Il importe donc de dynamiser cette synergie, que l'on ne retrouve
pas en métropole. Je rappelle que 85 % des actions des contrats de plan des
quatre DOM bénéficient d'un financement européen. Mon ministère a donc
participé activement à l'élaboration des mesures de simplification
administrative permettant une meilleure consommation des crédits européens pour
éviter des dégagements d'office qui seraient une catastrophe pour les
collectivités concernées. Je réponds sur ce point à l'interrogation de M.
Raoul.
Mon ambition est de faire simple et pratique, surtout quand on connaît le
poids des investissements publics dans les économies d'outre-mer.
Mon souci de cohérence de l'action de l'Etat outre-mer s'illustre aussi dans
la lutte contre l'insécurité - MM. Balarello, Hyest et Othily l'ont souligné -,
qui est aggravée outre-mer, en particulier en Guyane et à Mayotte, par le poids
de l'immigration clandestine.
Je veille à ce que les particularités de l'outre-mer soient pleinement prises
en compte, et ma présence comme membre permanent du conseil de sécurité
intérieure me permet de faire valoir certaines spécificités et d'obtenir un
renforcement significatif des moyens de police et de gendarmerie, comme ce fut
le cas en Guyane cet été.
En matière de sécurité, vous attendez tous légitimement des faits. Je peux
vous dire que nous sommes en train de renverser la tendance, puisque la
délinquance de voie publique a sensiblement fléchi grâce aux mesures prises par
le Gouvernement avec, en particulier, la création, comme en métropole, des
groupements d'intervention régionaux.
Nous avons, vous le savez, engagé en Guyane une action déterminée pour lutter
intensivement contre l'orpaillage clandestin, et les premiers résultats sont
encourageants. Je tiens à remercier à cet égard M. Othily de nous avoir aidés à
modifier le code minier, afin de permettre la destruction sur place du matériel
des orpailleurs clandestins.
Sur l'initiative du préfet de Guyane, les opérations ciblées se succèdent
depuis le 30 septembre dernier. Plusieurs tonnes de matériels, des milliers de
litres de carburant, des groupes électrogènes, du ravitaillement ont été saisis
et détruits, et une centaine de personnes en situation irrégulière ont été
interpellées.
Il faut que les orpailleurs clandestins, et surtout leurs commanditaires,
comprennent que, désormais, ces activités ne seront plus rentables en Guyane
pour ceux qui les exercent dans l'illégalité.
J'ai bien noté votre souci, monsieur Othily, de faire en sorte d'activer, sur
le plan de la coopération régionale, la conclusion d'accords. C'est déjà le cas
avec le Brésil, et nous travaillons actuellement pour en conclure avec le
Surinam et le Guyana.
Cependant, toutes ces actions seraient vaines si elles n'étaient pas
accompagnées par des mesures significatives pour moderniser la gestion des
crédits du ministère.
Je sais que votre assemblée s'est montrée soucieuse de faire réaliser des
économies à l'Etat. C'est un point sur lequel j'ai veillé lors de l'élaboration
de mon budget, en ne reconduisant pas les 31 millions d'euros de la
compensation de la créance de proratisation. Comme vous le savez, mesdames,
messieurs les sénateurs, cette créance comportait deux volets : l'un consacré
au logement, l'autre destiné à l'insertion.
Le volet du logement, qui était le plus important, a été inscrit durablement
dans la base budgétaire de la ligne budgétaire unique, conformément aux
engagements du Président de la République. L'autre volet a été supprimé, car le
maintien de la part « insertion » de la créance de proratisation ne se
justifiait plus du fait de la disparition, à compter du 1er janvier 2002, du
différentiel entre le niveau du RMI dans les DOM et celui de la métropole.
Je précise que, compte tenu du mode de financement des agences départementales
d'insertion, les ADI, cette économie de structure se réalisera sans
bouleversement de la situation financière de celles-ci. En effet, le
réalignement du montant du RMI outre-mer sur celui de la métropole augmente
mécaniquement la dépense de RMI et donc d'autant la part que le conseil général
doit lui consacrer.
En maintenant la compensation de cette créance, l'Etat organisait au profit
des ADI un effet d'aubaine les conduisant à bénéficier à la fois d'une dotation
du département augmentée et d'une créance qui n'avait plus lieu d'être.
J'ajoute que les quatre ADI disposent d'un confortable fonds de roulement, de
120 millions d'euros, correspondant à quatre années de créance.
J'estime, par ailleurs, nécessaire d'accomplir un effort pour mieux mobiliser
les moyens financiers des ADI.
De même, les mesures de la loi d'orientation pour l'outre-mer de mon
prédécesseur ont été financées, cette fois-ci, de manière plus réaliste. En
effet, sur les 23 000 mesures affichées au titre du projet initiatives-jeunes,
du congé solidarité et du retour à l'activité, seul un tiers au mieux aura été
réalisé. Une réflexion au premier euro dépensé a permis de réajuster ces
mesures à 9 300, ce qui représente, par rapport à ce qui sera effectivement
réalisé en 2002, une augmentation de 23 %. Nous évitons ainsi d'immobiliser
inutilement 30 millions d'euros que l'on sait ne pas pouvoir dépenser.
Plus généralement, j'entends, à compter de 2003, commencer à combler le retard
de modernité dont souffre le ministère et faire en sorte que l'outre-mer
participe activement aux efforts de modernisation de la gestion des crédits
publics et s'inscrive pleinement dans les orientations de la réforme de
l'Etat.
Mon objectif est simple : dynamiser la ressource budgétaire du ministère, avec
cette conviction qu'un bon budget n'est pas un budget qui augmente
systématiquement dans des proportions importantes. C'est d'abord un budget qui
optimise les ressources pour faire plus et mieux.
M. Roland du Luart,
rapporteur spécial.
Très bien !
Mme Brigitte Girardin,
ministre.
Parmi les mesures que j'ai retenues, figure une déconcentration
plus importante de crédits, notamment ceux du FEDOM et ceux qui concernent la
réhabilitation de l'habitat insalubre. Cela va donc dans le sens que vous
souhaitez, monsieur le rapporteur spécial.
Une expérimentation sera conduite en Martinique pour déconcentrer des crédits
du FEDOM. Il n'est pas davantage normal que ce soit à Paris que l'on décide,
par exemple, des bourses pour les étudiants, des crédits pour la formation des
cadres ou de certains crédits de rémunération pour du personnel embauché
localement.
Enfin, la modernisation de la gestion des crédits du ministère se concrétise
par la mise en place d'un contrôle de gestion, afin de me permettre de
connaître régulièrement l'état des dépenses et la réalisation des objectifs,
pour ne pas être en situation de justifier le besoin en constatant la dépense.
Le contrôle de gestion est un outil aujourd'hui indispensable pour piloter
correctement un budget.
Ces différents outils, mesdames, messieurs les sénateurs, me permettront
d'améliorer de façon significative le taux de consommation de mes crédits au
profit de l'outre-mer.
Je répondrai maintenant plus précisément aux questions que, les uns et les
autres, vous m'avez posées.
Vous avez été nombreux à évoquer la « crise » du tourisme, relayée par la
presse de façon sans doute un peu exagérée. Mme Létard, MM. Lise, Désiré et
Larifla ont souligné, avec raison, l'importance de ce secteur clé du
développement économique de l'outre-mer, notamment aux Antilles.
Compte tenu des difficultés actuelles, j'estime indispensable de bâtir
rapidement un plan d'action pour la sauvegarde et la relance du tourisme
outre-mer. Je précise que les choix en matière de développement touristique
sont d'abord une affaire locale et qu'il appartient, en premier lieu, au corps
social, aux élus, aux entrepreneurs et aux collectivités d'outre-mer de définir
la place que cette activité doit occuper dans leur économie.
Face à cette situation préoccupante, le secrétaire d'Etat au tourisme, M. Léon
Bertrand, et moi-même avons engagé, dès le mois de septembre dernier, au sein
de nos ministères, une réflexion concertée avec les forces vives locales, afin
de définir un plan d'action pour la relance du tourisme outre-mer. Nous
détaillerons très prochainement ces mesures.
Comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire, le levier fiscal doit être plus
largement utilisé pour remettre à niveau nos infrastructures touristiques. J'ai
proposé des mesures spécifiques pour ce secteur dans le cadre de la future loi
de programme et du nouveau système de défiscalisation qui sera mis en place.
Monsieur Lise, je vous remercie d'avoir évoqué le dossier important et
sensible des agences des cinquante pas géométriques. Il est vrai que, créées en
1996, ces agences n'ont réellement été mises en place qu'à partir de 2000. Ce
délai s'est traduit par un retard important dans l'accomplissement des missions
qui leur sont imparties.
Aujourd'hui, ces agences rencontrent des difficultés de financement. Nous
étudions plusieurs solutions. Je vous confirme, d'ailleurs, que les premiers
reversements du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie au
titre des occupations et des cessions interviendront dans les semaines qui
viennent.
M. Vergès a bien voulu souligner, et de façon opportune, les potentialités
extraordinaires de nos collectivités d'outre-mer en termes d'environnement ;
elles ont, de surcroît, un véritable besoin d'indépendance énergétique.
J'ai, pour ma part, eu l'occasion d'évoquer la nécessité de développer le
recours aux énergies renouvelables lors du séminaire gouvernemental consacré au
développement durable qui s'est tenu voilà quelques jours. L'outre-mer a
effectivement des potentialités extraordinaires : le soleil pour l'énergie
solaire, le vent pour les éoliennes, les volcans pour la géothermie et, en
Guyane, l'eau pour l'hydroélectricité.
Malheureusement, les potentialités ne sont pas suffisamment exploitées. Il
faut que nous donnions un coup d'accélérateur afin que les collectivités
territoriales aient accès à une électricité à moindre coût. Je pense à Mayotte,
où le coût de l'électricité est près de sept fois supérieur à celui qui est
pratiqué en métropole. Je compte, dans le cadre de la loi de programme, user
notamment du levier fiscal pour donner une nouvelle impulsion au développement
de tels investissements, qui, je le crois, sont de nature à améliorer la vie
quotidienne de nos compatriotes d'outre-mer.
MM. Lise et Désiré, notamment, ont évoqué certains problèmes agricoles bien
connus, ceux de la banane et de l'ananas.
Les producteurs de bananes antillais connaissent une grave situation
financière.
Avec l'appui d'Hervé Gaymard, nous avons obtenu diverses mesures d'urgence
pour aider les producteurs et leurs groupements à refaire surface. Il s'agit,
tout d'abord, d'une revalorisation de 2,84 centimes d'euro par kilo de l'avance
sur l'aide compensatoire au titre de l'année 2002. Je reconnais que ce
résultat, qui n'a pas été facile à obtenir, est loin d'être satisfaisant, mais
il devrait, je pense, permettre aux groupements de producteurs et aux planteurs
de retrouver un peu d'oxygène.
Pour répondre au manque de trésorerie des groupements de producteurs, vous
savez que deux autres mesures ont été obtenues : tout d'abord, une augmentation
du préfinancement de l'avance sur l'aide compensatoire à 100 % par la BDPME, la
banque du développement des PME, ensuite, l'élaboration, à l'échelon national,
d'un dispositif d'urgence, par la transformation partielle en subventions des
prêts de l'ODEADOM - l'office de développement de l'économie agricole dans les
départements d'outre-mer - et, à l'échelon local, par l'appui à la mise en
place de fonds de garantie permettant aux groupements de producteurs d'accéder
à des emprunts destinés à préfinancer une plus grande partie de l'aide
compensatoire.
J'en suis tout à fait consciente, ces mesures d'urgence ne suffisent pas.
C'est pourquoi, avec M. le ministre de l'agriculture, nous allons lancer, dès
le début de l'année 2003, une grande concertation des professionnels afin
d'anticiper l'avenir de l'OCM banane dans l'Union élargie et dans la
perspective de l'éventuelle révision de 2006.
Je peux vous assurer, monsieur Lise, que nous défendrons toujours aussi bien
le volet interne que le volet externe de l'OCM banane, avec la même
détermination et la même conviction, même si la tâche n'est pas facile car,
hormis les Espagnols et les Portugais, nous n'avons guère de soutien au sein de
l'Union.
S'agissant de l'ananas de Martinique, monsieur Désiré, j'ai envoyé, en accord
avec M. le ministre de l'agriculture, une mission en Martinique, afin de faire
le point sur la situation technique et financière de la SOCOMOR. Ce travail
d'évaluation et de concertation mené à l'échelon local devrait nous permettre
de répondre, d'ici à la fin du mois de janvier, à l'attente de la Commission
européenne, qui souhaite que la France présente un programme 2003-2006 plus
équilibré entre la commercialisation en frais et la transformation. Et je
veillerai, avec M. Hervé Gaymard, à ce que le calendrier soit respecté et à ce
qu'un programme quadriennal solide soit présenté à la Commission pour
approbation.
Monsieur Désiré, vous avez également souhaité avoir des précisions sur les
conditions de financement de l'économie outre-mer. Vous avez fait part de vos
inquiétudes sur l'accès au crédit, au financement des entreprises et à la
SODEMA, la société de crédit pour le développement de la Martinique.
La baisse du coût du crédit dans les départements d'outre-mer depuis 1995,
même si elle n'a pas éliminé les écarts de taux d'intérêt avec la métropole, a
tout de même favorisé le financement des activités des entreprises et des
particuliers.
Par ailleurs, l'accès au crédit des entreprises est désormais facilité par des
outils d'ingénierie financière mis en place dans les quatre régions d'outre-mer
par l'Etat et par les collectivités régionales, avec le concours du FEDER, tel
le fonds de garantie dénommé « Fonds Dom ».
Face aux difficultés des filiales financières de l'Agence française de
développement, notamment de la SODEMA, dont les parts de marché se réduisent de
plus de 10 % chaque année, la recherche d'une solution durable est en cours,
après concertation avec les collectivités locales. Nous sommes donc très
vigilants sur ce dossier, et nous allons essayer de trouver la solution la plus
adaptée.
Vous avez également évoqué, monsieur Désiré, le problème des constructions
scolaires. Je partage votre souci et votre constat sur la nécessité d'un plan
de rattrapage pluriannuel en ce domaine. Les besoins sont effectivement très
importants pour faire face à une forte poussée démographique et à un bâti
existant qui présente, vous l'avez dit, de sérieuses lacunes en termes de
sécurité.
Notre jeunesse d'outre-mer, bien évidemment, doit bénéficier sur place d'une
formation de qualité, ainsi que de véritables perspectives d'emploi durable.
Aussi, je partage votre avis sur la nécessité de mettre en oeuvre un véritable
plan de rattrapage partout où le besoin est criant. C'est la raison pour
laquelle je vais envoyer prochainement sur place, avec l'accord du ministre
chargé de l'éducation nationale, une mission d'évaluation qui sera chargée de
dresser un état des lieux et d'établir des priorités.
Madame Payet, vous avez évoqué la CMU, dossier qui requiert toute mon
attention depuis mon entrée en fonctions. Vous avez traité avec beaucoup de
pertinence du problème de seuils instaurés par la loi du 27 juillet 1999. Le
dispositif mis en place n'est absolument pas adapté aux spécificités de
l'outre-mer, et tout particulièrement celles de la Réunion, où, pour des
raisons historiques, la culture mutualiste est peu étendue. Le système a
conduit à une régression sociale d'autant plus injustement vécue que le coût
des prestations de santé est plus élevé outre-mer qu'en métropole.
Je partage donc pleinement votre analyse et souhaite faire en sorte que les
moins démunis outre-mer ne soient plus pénalisés par l'instauration de la
CMU.
J'ai donc pris contact, depuis plusieurs mois déjà, avec le ministre chargé de
la santé, M. Jean-François Mattei, qui partage complètement mon analyse, pour
que nous essayions de régler ce dossier au plus vite.
Nous avons réfléchi à deux pistes possibles.
La première consisterait à majorer, dans les départements d'outre-mer, le
montant de l'aide à la mutualisation et à faire en sorte que les personnes
concernées soient couvertes par une bonne assurance complémentaire.
La seconde piste - je ne cache pas qu'elle a ma préférence - consisterait à
relever, toujours dans les départements d'outre-mer, le plafond des ressources
ouvrant droit à la CMU complémentaire. Cette proposition figure dans le projet
de loi de programme actuellement soumis à l'arbitrage du Premier ministre.
Pour rester sur les problèmes de santé, je voudrais répondre à la fois à M.
Loueckhote et à M. Laufoaulu sur la dette de l'agence de santé de
Wallis-et-Futuna envers l'hôpital Gaston-Bourret de Nouméa du fait des
évacuations sanitaires vers la Nouvelle-Calédonie. Cette dette est
préoccupante, car elle grève le développement de l'agence de santé ; elle sera
progressivement apurée dans le cadre d'un accord mutuel en cours de discussion
entre l'agence de santé et l'hôpital Gaston-Bourret.
Je vous précise, à cette occasion, que le directeur de l'agence de santé doit
prendre ses fonctions le 1er janvier prochain. J'espère donc que nous pourrons
régler ce problème dans les meilleurs délais.
Vous avez également évoqué monsieur Laufoaulu, le problème des travaux publics
à Wallis-et-Futuna. J'avais déjà été interrogée à l'Assemblée nationale sur
cette question par M. Victor Brial, dans le cadre de la discussion
budgétaire.
Depuis, la situation a progressé, et je suis intervenue de nouveau pour que le
recrutement du chef du service des travaux publics à Wallis-et-Futuna avance.
Je peux d'ailleurs vous annoncer que l'intéressé sera sur le territoire avant
Noël. Il lui reviendra de prendre la mesure des moyens humains et budgétaires à
la disposition de son service. S'il le juge nécessaire, il pourra proposer des
ajustements en fonction des tâches et des chantiers à venir.
Je veillerai, avec mon collègue chargé de l'équipement, à ce que ses
propositions soient étudiées avec l'attention qu'elles méritent.
J'en viens maintenant à Mayotte. Madame Gourault, vous avez bien voulu
exprimer les préoccupations de votre collègue Marcel Henry, notamment sur
certains fonds au profit de Mayotte.
Je précise que le décret ouvrant le droit au fonds de compensation pour la TVA
aux communes de Mayotte est actuellement en cours de signature et devrait être
publié d'ici à la fin de l'année. Il en est de même pour le décret fixant le
fonctionnement du fonds de coopération régionale.
La mise en place du fonds mahorais de développement a pris du retard sous le
gouvernement précédent, retard que nous nous sommes attachés à combler. Le
décret organisant le fonctionnement de ce fonds a été signé par les ministres
concernés et sera publié dans les tout prochains jours.
Quant au fonds d'intervention pour la sauvegarde, la transmission et la
restructuration des activités commerciales et artisanales, le FISAC, outil
majeur pour le développement local de l'artisanat, il fait actuellement l'objet
d'une réforme. Un nouveau cadre juridique est prévu pour 2003. M. le Premier
ministre a pris l'engagement de maintenir pour les trois années à venir la
dotation de 71 millions d'euros, soit 3,9 millions d'euros de plus qu'en 2002.
Je veillerai à ce que Mayotte puisse bénéficier de ces crédits dès 2003.
Enfin, vous avez insisté sur la nécessité pour Mayotte de bénéficier du statut
de région ultrapériphérique. Je peux vous assurer que, sur ce sujet, le
Gouvernement tout entier est mobilisé dans le cadre, notamment, des travaux de
la Convention sur l'avenir de l'Europe pour que nous puissions obtenir de nos
partenaires une modification de l'article 299-2 du traité d'Amsterdam. M.
Jean-Paul Virapoullé, que j'ai chargé d'une mission sur l'application de cet
article, nous y aide. Nous ferons tout pour que Mayotte puisse accéder au
statut de région ultrapériphérique, et ainsi bénéficier des fonds structurels
européens.
Monsieur Reux, j'aurai, dans quelques jours, l'occasion de me rendre dans
votre bel archipel et je détaillerai, alors, mes réponses aux nombreuses
questions que vous m'avez posées concernant Saint-Pierre-et-Miquelon.
La filière pêche est effectivement un sujet de préoccupation permanent. Vous
savez, monsieur le sénateur, que j'ai déjà obtenu des résultats, dont une aide
exceptionnelle à l'investissement au bénéfice des Nouvelles pêcheries. Nous
travaillons actuellement à la mise en oeuvre d'une mesure d'urgence en faveur
des petits pêcheurs artisans.
Pour l'avenir, afin de déterminer les potentialités en matière halieutique, je
souhaite que soit réalisée le plus rapidement possible une étude exhaustive des
ressources halieutiques de la zone économique de Saint-Pierre-et-Miquelon. Les
discussions sont en cours entre mes services et les organismes compétents, dont
l'Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer, l'IFREMER, afin
d'élaborer un programme de travail.
Vous avez évoqué la situation financière des collectivités de
Saint-Pierre-et-Miquelon : elle est effectivement préoccupante. Nous sommes en
train d'analyser ces difficultés pour imaginer des solutions pérennes.
J'estime, en effet, qu'une approche d'ensemble des finances locales est
nécessaire et qu'il ne faut pas se limiter à des mesures ponctuelles.
S'agissant des perspectives d'exploitation d'hydrocarbures au large de
Saint-Pierre-et-Miquelon, le Gouvernement a pleinement conscience de l'enjeu et
c'est déterminés que nous menons, avec le Canada, des négociations, au
demeurant difficiles, sur la répartition des retombées économiques à venir.
Je compte d'ailleurs, sur le chemin de Saint-Pierre-et-Miquelon, m'arrêter à
Ottawa pour discuter avec le gouvernement canadien de ce dossier important pour
l'économie et l'avenir de l'archipel.
Concernant Air Saint-Pierre et le coût des astreintes liées aux évacuations
sanitaires, je voudrais préciser que le fonds d'intervention pour les aéroports
et le transport aérien, le FIATA, qui est géré par le ministère chargé des
transports, intervient pour compenser en totalité le déficit d'exploitation des
liaisons internationales régulières vers le Canada.
Je terminerai avec un dossier un peu délicat : la diffusion de Radio France
Outremer, RFO, au Canada. Il est vrai que cette diffusion est une bonne chose
pour la francophonie, mais elle soulève un certain nombre de problèmes
juridiques pour les ayants droit des programmes diffusés par Télé
Saint-Pierre-et-Miquelon, problèmes que nous ne pouvons pas ignorer.
Mesdames, messieurs les sénateurs, ces éléments de réponse ne constituent
qu'une première étape de la politique ambitieuse que mènera le Gouvernement
pour l'outre-mer, dans le strict respect des engagements pris par le Président
de la République.
Je tiens à remercier vivement les rapporteurs de la qualité de leur analyse de
projet de budget et à les assurer que je tiendrai le plus grand compte de leurs
remarques.
Dans quelques jours, les assemblées locales d'outre-mer seront consultées sur
le projet de loi de programme qui tracera pour quinze ans l'avenir économique
et social de nos collectivités d'outre-mer. J'aurai le plaisir, avant l'été
prochain, de défendre devant vous ce projet de loi de programme promis par le
Président de la République. Je le ferai avec beaucoup de conviction, beaucoup
de détermination et beaucoup d'enthousiasme aussi, car, au-delà de l'égalité
économique, qui est un droit pour nos concitoyens d'outre-mer, il faut que,
ensemble, nous puissions bâtir un vrai projet de société, où la participation
etl'épanouissement de chacun sera la règle.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
(M. Serge Vinçon remplace M. Christian Poncelet au fauteuil de la
présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. SERGE VINÇON
vice-président
M. le président.
Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant le ministère
de l'outre-mer et figurant aux états B et C.
ÉTAT B