SEANCE DU 5 DECEMBRE 2002
M. le président.
La parole est à M. Claude Domeizel.
M. Claude Domeizel.
Ma question s'adressait à M. le ministre des affaires sociales, du travail et
de la solidarité, mais c'est sans doute M. le ministre de l'économie, des
finances et de l'industrie qui va me répondre.
Monsieur le ministre, lors de la discussion du projet de loi de financement de
la sécurité sociale pour 2003, à chacune des nombreuses avancées que le groupe
socialiste a proposées concernant les retraites, vous n'avez cessé de
conseiller d'attendre, nous assurant que cette question serait incluse dans la
réforme programmée pour le premier semestre 2003. Soit !
L'actualité et les interrogations, bien légitimes, d'ailleurs, de nos
concitoyens vous amènent cependant à lever le voile sur des pistes envisagées
bien avant l'ouverture officielle des négociations.
M. René-Pierre Signé.
Il ne faut pas qu'ils se dévoilent : ce ne serait pas beau !
M. Claude Domeizel.
A ce sujet, je vous ferai grâce de l'énumération des déclarations
contradictoires entendues çà et là. Je pense aux fonds de pension, par exemple,
tantôt décriés par M. le Premier ministre, tantôt - et dès le lendemain -
redevenus d'actualité pour le porte-parole du Gouvernement.
Et que dire du surprenant quiproquo entre le Premier ministre et le président
de la Confédération générale des petites et moyennes entreprises, la CGPME, à
propos de l'alignement du régime des retraites du secteur public sur celui du
secteur privé ?
M. Paul Raoult.
Oui !
M. Claude Domeizel.
Le tout démenti par la suite, d'ailleurs !
Tout cela suscite inquiétude et méfiance.
Plus rassurant, M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail
et de la solidarité, vient d'affirmer que « les esprits ont suffisamment mûri »
pour que l'on puisse envisager « avec optimisme un consensus ». Je vois dans
cette déclaration un hommage au précédent gouvernement, qui avait suffisamment
préparé le terrain.
(Protestations sur les travées du RPR et des
Républicains et Indépendants.)
M. René-Pierre Signé.
Bravo !
M. Jean Chérioux.
Le précédent gouvernement ? Il n'a rien fait !
M. Claude Domeizel.
Bref ! Nous assistons à une valse-hésitation entre volonté de respecter un
calendrier plein de promesses et de négociations, et des orientations déjà bien
ficelées, lâchées au compte-gouttes.
Monsieur le ministre, les sénateurs comme tous leurs concitoyens sont en droit
de connaître de façon claire, et non pas au détour de fuites ou
d'indiscrétions, vos positions sur votre réforme des retraites. Quel est votre
calendrier ? Quelle est votre méthode ? Comment, dans cet ensemble, le
Gouvernement situe-t-il la négociation en cours à EDF-GDF ?
Monsieur le ministre, ce qui nous intéresse aujourd'hui - dois-je le préciser
- ce n'est pas un rappel de ce qu'ont fait ou n'ont pas fait les gouvernements
de MM. Balladur, Juppé et Jospin dans ce domaine, mais plutôt ce que vous allez
faire dorénavant.
(Applaudissements sur les travées du groupe
socialiste.)
M. le président.
La parole est à M. le Premier ministre.
(Applaudissements sur les travées
des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur
certaines travées du RDSE.)
M. René-Pierre Signé.
Nous sommes gâtés !
M. Jean-Pierre Raffarin,
Premier ministre.
Monsieur le sénateur, je remercie M. Francis Mer de me
laisser la possibilité de nous répondre.
(Rires.)
Puisque vous m'avez
mis en cause, il est normal que je m'adresse à vous, et le respect que je dois
à la Haute Assemblée exige que je vienne moi-même apporter les réponses que
vous attendez.
(Très bien ! sur les travées des Républicains et Indépendants
et du RPR.)
Comme il s'agit, de surcroît, d'un sujet d'une extrême clarté, je n'ai
vraiment aucune difficulté à m'exprimer devant vous !
Vous avez dit qu'il ne fallait pas faire référence aux gouvernements du passé
: je suis bien d'accord avec vous, nous ne regardons, d'ailleurs, que l'avenir
!
Sur ce sujet-là, je dois vous dire que la situation est particulièrement
préoccupante. Vous savez comme moi qu'en 2006 les classes nées après la guerre
vont partir à la retraite. Il s'ensuivra un gonflement du nombre des retraités,
et ce à un moment où les effectifs de la population active connaîtront une
diminution particulièrement importante.
Nous sommes donc devant une équation nationale vraiment difficile et il faut
la regarder en face !
Il est très important que, dans notre pays, on prenne conscience de cette
réalité : aujourd'hui, l'avenir de notre système de retraite par répartition
n'est pas assuré.
(Murmures sur les mêmes travées.)
Le gouvernement que
j'ai l'honneur de conduire entend bien assurer un avenir au système de retraite
par répartition.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et
Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées
du RDSE.)
M. René-Pierre Signé.
Avec les fonds de pension !
M. Jean-Pierre Raffarin,
Premier ministre.
C'est un engagement que nous avons pris, mais
aujourd'hui, les éléments statistiques et financiers qui sont en ma possession
ne me permettent pas de dire que cet avenir est assuré. Cependant, j'entends
bien faire en sorte que l'action que nous engagerons nous permette d'assurer
cet avenir.
Qu'allons-nous faire ? Nous allons d'abord agir pour que l'information soit
particulièrement bien diffusée sur l'ensemble du territoire afin que les
Françaises et les Français participent à ce débat.
Mme Nicole Borvo.
Plus il y a de plans sociaux, moins l'avenir du système est assuré. Alors, le
débat...
M. Jean-Pierre Raffarin,
Premier ministre.
Je vois naître, ici ou là, des tentations pour opposer
le privé au public. Pour ma part, je ne souhaite pas qu'on oppose les Français
les uns aux autres ; le Gouvernement n'oppose pas les Français, il tient, au
contraire, à les rassembler.
M. Jean Bizet.
Très bien !
M. Jean-Pierre Raffarin,
Premier ministre.
Donc, nous expliquerons pourquoi nous en sommes là. Car
les Français ont le droit à l'explication et à l'information sur le système de
retraite tel qu'il a été construit par l'histoire.
(Exclamations sur les
travées du groupe socialiste.)
M. René-Pierre Signé.
Les retraites, c'est de Gaulle !
M. Jean-Pierre Raffarin,
Premier ministre.
Nous ferons ce travail d'information pour les uns et
pour les autres.
Nous lancerons ensuite une grande concertation nationale avec tous les
partenaires sociaux. Il est clair que nous voulons être attentifs à ce que
disent les uns et les autres sur ce sujet.
M. René-Pierre Signé.
Comme pour les libertés locales !
M. Jean-Pierre Raffarin,
Premier ministre.
Le dialogue, monsieur le sénateur, il ne faut jamais le
regretter. Chaque fois qu'on a bousculé l'ordre des choses, on a eu à s'en
mordre les doigts.
M. René-Pierre Signé.
Pas du tout !
M. Jean-Pierre Raffarin,
Premier ministre.
Moi, je prends le temps du dialogue et de la
concertation. C'est dans ma nature et c'est ma conviction !
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR
et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Donc, nous prendrons le temps de la concertation. J'en connais beaucoup qui se
sont mordu les doigts de ne pas l'avoir fait.
(« Juppé ! » sur les travées
du groupe socialiste.)
N'allez pas chercher ailleurs les exemples que vous
avez en vous-mêmes !
Voici ce que je vous propose. Le Gouvernement va achever son travail
interministériel au cours du mois de janvier. Aux mois de février, mars, avril,
nous pourrons engager une concertation approfondie avec l'ensemble des
partenaires sociaux, qui pourront exposer leurs souhaits, leur vision du sujet.
Ensuite, nous débattrons devant le Parlement, nous vous proposerons de faire
face à vos responsabilités, tous ensemble.
M. René-Pierre Signé.
Quel plaisir !
M. Jean-Pierre Raffarin,
Premier ministre.
Nous vous proposerons les réformes nécessaires.
Ces réformes seront inspirées à la fois par la volonté de sauver le système de
retraites par répartition et par la recherche de davantage d'équité dans la
société française.
Mme Nicole Borvo.
Egalité !
M. Jean-Pierre Raffarin,
Premier ministre.
Je tiens à le dire clairement, notre combat, c'est
celui de la justice, de l'équité, ce n'est pas le combat des privilèges.
(Rires et exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe
CRC.)
Mme Nicole Borvo.
Et les baisses d'impôts pour les plus riches ?
M. René-Pierre Signé.
C'est nouveau !
M. Jean-Pierre Raffarin,
Premier ministre.
Nous ferons en sorte que les Françaises et les Français
puissent se prononcer sur ce sujet à travers un débat national, de multiples
conférences locales et une vraie ouverture sur le choix qui sera opéré par la
représentation nationale.
M. René-Pierre Signé.
Et les stock-options ?
M. Jean-Pierre Raffarin,
Premier ministre.
C'est donc au printemps prochain, comme je m'y suis
engagé à l'occasion de mon discours de politique générale, que nous
appellerons...
M. René-Pierre Signé.
Au référendum !
M. Jean-Pierre Raffarin,
Premier ministre.
... le Parlement à trancher.
Telle est ma conception de la démocratie. Un Gouvernement réfléchit et
instruit, engage une concertation, et le Parlement décide.
M. Ladislas Poniatowski.
Très bien !
M. Jean-Pierre Raffarin,
Premier ministre.
Vous déciderez donc, selon le calendrier, annoncé par
M. le Président de la République, que je vous avais présenté dans mon discours
de politique générale.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et
Indépendants, du RPR, de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
MM. Didier Boulaud et René-Pierre Signé.
Ce n'est pas la réponse à notre question !
LE CONTRAT DE JURIDICTION