SEANCE DU 10 DECEMBRE 2002


M. le président. L'amendement n° II-72, présenté par Mmes Pourtaud et Blandin, MM. Dauge, Lagauche, Picheral, Todeschini, Vidal, Weber et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :
« Avant l'article 60 A, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Au premier alinéa de l'article 80 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, après les mots : "mentionnés au quinzième alinéa de l'article 29", sont insérés les mots : "et les services de télévision édités par une association".
« II. - Le financement de l'aide prévue au paragraphe I est assuré un relèvement à due concurrence du prélèvement prévu au deuxième alinéa de l'article 80 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 précitée. »
La parole est Mme Danièle Pourtaud.
Mme Danièle Pourtaud. Nous avons déjà présenté cet amendement lors de la discussion de la loi de finances pour 2001.
Il s'agit de permettre aux télévisions associatives dûment conventionnées par le Conseil supérieur de l'audiovisuel, et à elles seules, de bénéficier du fonds de soutien à l'expression radiophonique, moyennant une modification du financement de ce fonds.
Je rappelle que ce fonds a été créé en 1989, sur l'initiative de Jack Lang et de Catherine Tasca, pour aider les radios associatives.
Le fonds de soutien à l'expression radiophonique locale, doté de quelque 20 millions d'euros, permet à environ quatre cents radios associatives d'effectuer, partout en France, un véritable travail de proximité culturelle et sociale. Ce fonds, qui est joint, par le présent projet de loi, au fonds d'aide à la modernisation et à la distribution de la presse quotidienne nationale d'information politique et générale, sera prorogé - il ne devait durer que cinq ans aux termes du décret du 29 décembre 1997 -, puisque l'article 25 de la loi de finances prévoit des modalités de financement de ce fonds pour l'année 2003.
Pour en venir aux télévisions associatives, je rappelle que c'est le gouvernement de Lionel Jospin et la majorité précédente qui ont permis, dans la loi du 1er août 2002 modifiant celle du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, la reconnaissance du « tiers secteur audiovisuel », comme il avait été fait, en 1982, pour le secteur de la radio.
Il serait donc dommage et préjudiciable pour les télévisions associatives que le cadre d'existence légale qui leur est désormais offert depuis plus de deux ans ne constitue qu'une coquille vide, faute de moyens financiers pour émettre.
Nous souhaitons donc permettre aux télévisions associatives de bénéficier d'une aide financière semblable à celle qui existe pour les radios du même type. Pour ce faire, nous proposons un élargissement aux télévisions du périmètre actuel du fonds de soutien à l'expression radiophonique.
Le Conseil supérieur de l'audiovisuel, lui-même favorable à cette extension, l'exprime très clairement dans son rapport d'activité pour 2001 : « Le Conseil estime qu'il est urgent de prévoir la création d'un mécanisme d'aide, à l'instar de ce qui existe en faveur des radios associatives. »
Nous ne souhaitons évidemment pas ponctionner le fonds existant sans en augmenter les ressources pour donner aux télévisions associatives une partie de ce qui revient aujourd'hui aux radios associatives. Nous proposons, en revanche, de majorer le montant de la taxe sur la publicité télévisuelle et radiophonique qui sert à alimenter le fonds de soutien, afin de dégager des sommes suplémentaires pour aider les télévisions associatives.
La mission Langlois-Glandier, mandatée par le CSA pour procéder à une étude sur deux ans - 2001-2002 - portant sur le marché publicitaire des chaînes de télévision et des radios, devrait prochainement nous éclairer sur l'état de ce marché. L'effort supplémentaire à fournir par les opérateurs ne devrait néanmoins pas être exorbitant, puisque les télévisions associatives ont besoin, pour fonctionner, d'un budget annuel minimal de 170 000 euros à 200 000 euros.
Avec l'arrivée de la télévision numérique terrestre, en 2004, le nombre d'opérateurs concernés par le versement de la taxe va augmenter, et l'effort consenti par chacun d'entre eux devrait donc être moindre, voire insensible.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Mme Pourtaud, qui souhaite trouver des ressources supplémentaires pour aider les télévisions associatives, suggère de leur permettre d'accéder au fonds de soutien à l'expression radiophonique.
La solution qu'elle préconise, outre le fait qu'elle ne semble pas avoir atteint la perfection technique nécessaire, pourrait également être critiquée sous l'angle de la recevabilité financière.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert, ministre délégué. L'amendement, s'il était adopté, aurait un coût de 10 millions d'euros pour le fonds de soutien à l'expression radiophonique, que le projet de la loi de finances a transformé en compte d'affection spéciale.
Ce coût serait gagé par une augmentation de près de 50 % du prélèvement sur la taxe fiscale qui l'alimente. Je ne suis pas assuré que cette proposition soit conforme aux exigences de l'article 40 de la Constitution.
De plus, l'objectif du Gouvernement, madame Pourtaud, est non pas d'augmenter les impôts, mais bien de les réduire. Dans un contexte où les ressources dont dispose l'Etat sont limitées, il est nécessaire de les affecter aux acteurs de la communication qui semblent prioritaires.
Le Gouvernement n'est donc pas favorable à l'extension de ce mode de soutien aux télévisions associatives. Les radios associatives locales remplissent déjà le rôle essentiel de communication sociale de proximité.
Pour ces raisons, j'émets, au nom du Gouvernement, un avis défavorable sur l'amendement n° II-72.
M. le président. Madame Pourtaud, l'amendement est-il maintenu ?
Mme Danièle Pourtaud. D'abord, permettez-moi de contester les chiffres dont M. le ministre vient de nous faire part : il ne s'agit pas de 10 millions d'euros.
Par ailleurs, il ne s'agit pas non plus d'augmenter les impôts, puisque la taxe est prélevée sur les recettes publicitaires des chaînes de télévision. J'avoue donc ne pas comprendre les arguments que l'on m'oppose.
De plus, j'attire l'attention de M. le ministre sur le fait que le Sénat avait déjà, il y a deux ans, oeuvré au bénéfice des télévisions associatives. Nous avions effectivement, avec notre collègue M. Belot, proposé que ces télévisions puissent recevoir des autorisations définitives du CSA et non pas des autorisations temporaires, comme c'était le cas auparavant.
J'attire également l'attention de M. le ministre sur le fait qu'un amendement relativement semblable à celui que j'ai défendu à l'instant avait été présenté les années précédentes par M. le rapporteur spécial du budget de la communication audiovisuelle.
Je maintiens donc mon amendement, Monsieur le président.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-72.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° II-73, présenté par MM. Doublet, Souvet, César et Cazalet, est ainsi libellé :
« Avant l'article 60 A, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article 7 de la loi du 21 mai 1836 portant prohibition des loteries est complété par trois alinéas ainsi rédigés :
« Sont également exceptés des dispositions de la présente loi et de l'article 1er de la loi n° 83-628 du 12 juillet 1983 relative aux jeux de hasard, les appareils de divertissement à mise et gain limités. Ces appareils sont déposés par les exploitants de jeux automatiques dans la limite de trois dans tout établissement disposant d'une licence IV. Ils fonctionneront avec une mise maximum d'un euro pour un gain limité à 2 à 300 fois la mise.
« Ces appareils sont soumis au régime général de la taxe sur la valeur ajoutée et une taxe annuelle de 1 600 euros, payables d'avance, par trimestre, leur sera appliquée.
« Une commission est créée, composée de représentants du ministère de l'économie et des finances, de l'intérieur, ainsi que des organisations professionnelles des secteurs Hôtels-Restaurants-Cafés - HORECA - et jeux automatiques, afin de rédiger le cahier des charges et de veiller au respect de la réglementation qui sera déterminée par les décrets d'application. Ces décrets fixeront les sanctions à tout manquement aux règles établies. »
La parole est à M. Michel Doublet.
M. Michel Doublet. L'exploitation en France des jeux de divertissement, et plus particulièrement des jeux d'argent, hors établissements spécialisés échappe à tout contrôle des pouvoirs publics en raison d'une réglementation obsolète et d'une répression quasi inexistante.
Cette situation engendre une perte de recettes déclarées, c'est-à-dire une évasion fiscale, de 860 millions d'euros, soit 4 milliards de francs. Il y a, en effet, actuellement, plus de 30 000 appareils illicites en fonctionnement - de véritables machines à sous -, dont plus de 6 000 pour la seule région d'Ile-de-France.
Il faut donc mettre un terme au marché parallèle des jeux illicites en établissant par la loi une réglementation drastique conforme à la réalité, c'est-à-dire autoriser les jeux, dans une limite raisonnable, en leur donnant une identité légale, comme c'est le cas pour les véhicules automobiles, qui ne peuvent rouler sans leur carte grise, celle-ci donnant lieu à une taxation au profit du Trésor.
La reconnaissance identitaire de l'exploitation de jeux devra donc s'inspirer du même système, à savoir une législation des jeux automatiques de divertissement à mise et gain limités éradiquant une évasion fiscale scandaleuse, puisque, en l'état actuel des choses, elle profite exclusivement, au mépris de l'intérêt public, aux milieux mafieux, voire terroristes.
Cette législation susciterait une recette fiscale de plus de 600 millions d'euros - plus de 4 milliards de francs -, qui pourrait être attribuée en tout ou partie au budget du ministère de l'équipement afin de lui donner les moyens de doter ses services de plus de structures et des équipements qui lui font aujourd'hui cruellement défaut.
J'ajoute que ce cadre légal existe dans tous les pays de l'Union européenne. Les services du ministère de l'intérieur ne peuvent méconnaître cette situation, pas plus qu'ils ne peuvent ignorer qu'il n'y a aucun trouble à l'ordre public lié à cette législation dans tous les Etats qui la connaissent.
M. Gérard Braun. Très bien !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Tout récemment, notre collègue François Trucy, au nom de la commission des finances, a publié un rapport dans lequel il brossait, en quelque sorte, le panorama des jeux en France ; c'est à dessein que je n'utilise pas l'expression de « politique des jeux », car l'un des enseignements de ce rapport est précisément que la France n'a pas de politique des jeux !
Comme toujours, les réglementations et les fiscalités s'empilent, mais on ne comprend plus ce que veut l'Etat, quels sont ses objectifs et quel système il choisit d'appliquer aux acteurs de cette filière. De même, aujourd'hui, la France s'insère dans un ensemble géographique européen, mais, en matière de jeux, l'Etat n'en tire pas les conséquences.
Je le répète, quelles sont véritablement les intentions de l'Etat en ce domaine ? Quelles spécificités l'Etat veut-il préserver ? Quelles exigences de compétitivité accepte-t-il de prendre en compte pour maintenir en particulier des activités hôtelières et touristiques sur une partie non négligeable de notre territoire national ? Telles sont les questions que l'on peut se poser.
C'est dans ce contexte que s'inscrit la suggestion de M. Doublet. Elle nous semble devoir être étudiée très attentivement. Si elle a de bons côtés, elle pourrait aussi avoir des conséquences pénalisantes sur certaines parties du territoire : dès lors qu'une telle concurrence serait exercée par un très grand nombre d'établissements, par définition, les établissements contrôlés au titre de la législation des jeux dans certaines villes ou dans certains départements particuliers verraient leur chiffre d'affaires décroître. Il se produirait certainement un effet de transfert à partir d'un secteur qui, en principe, est contrôlé par l'Etat, au profit d'un secteur diffus sur l'ensemble du territoire et dans l'ensemble de l'économie.
Est-ce cela que l'on veut ? Peut-être, mais, selon la commission, on ne peut sans doute pas le faire à l'occasion d'un amendement ponctuel en deuxième partie de loi de finances. Je souhaite qu'ensemble, monsieur le ministre, à partir du rapport de M. François Trucy, nous puissions, au cours d'une réunion de travail, passer au peigne fin toutes les mesures préconisées. C'est globalement, en effet, qu'il nous faut étudier la question, par le haut, en quelque sorte, de manière que nous sachions où nous allons, ce que nous voulons et avec quels moyens.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert, ministre délégué. M. le rapporteur général nous propose de mener un travail en commun. J'y suis tout à fait favorable, d'autant que le Sénat a déjà beaucoup travaillé sur ce dossier, comme l'atteste le rapport de M. François Trucy, dont je salue la qualité.
S'agissant maintenant de l'amendement présenté par M. Doublet, le Gouvernement partage l'avis de la commission : il y est défavorable, et je suis conforté en ce sens par mon collègue M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur.
M. le président. Monsieur Doublet, l'amendement est-il maintenu ?
M. Michel Doublet. Je ne peux pas faire autrement que de retirer mon amendement après les explications de M. le rapporteur général et de M. le ministre. A la suite du rapport de notre collègue M. François Trucy, nous avons intérêt, en effet, à chercher tous ensemble des solutions propres à satisfaire tout le monde.
M. le président. L'amendement n° II-73 est retiré.

Article 60 A