SEANCE DU 17 DECEMBRE 2002
M. le président.
La parole est à M. Dominique Mortemousque, auteur de la question n° 75,
adressée à M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et
de l'aménagement du territoire.
M. Dominique Mortemousque.
Monsieur le secrétaire d'Etat, ma question porte sur la réorganisation des
services publics en milieu rural, dont le démantèlement lancinant risque de se
traduire par un véritable abandon de nos communes.
Depuis une dizaine d'années, les élus des cantons ruraux sont régulièrement
informés de la fermeture, qui d'une école, qui d'un bureau de poste, qui d'une
perception et, le plus souvent, ils sont mis devant le fait accompli, sans
aucune concertation préalable, malgré les engagements qui avaient été pris par
le gouvernement précédent et qui n'ont pas été tenus.
L'immense majorité des élus des cantons ruraux considèrent que le déclin n'est
pas inéluctable et qu'il dépend de la volonté des élus et des pouvoirs publics
de bâtir un nouveau développement reposant sur les réalités locales.
C'est d'ailleurs dans cet esprit que M. le Premier ministre, au cours des
premiers mois qui ont suivi sa prise de fonctions à Matignon, a demandé aux
parlementaires de participer aux assises régionales des libertés locales.
Ces travaux devaient constituer une nouvelle étape de la décentralisation.
En Dordogne, lors de ces assises, le thème du service public en milieu rural a
constitué la première des priorités pour l'ensemble des élus, car un projet
d'aménagement du territoire offrant des perspectives à chaque commune
permettrait à celle-ci d'envisager un avenir attractif pour l'ensemble de ses
administrés.
Lors du congrès des maires de Dordogne, qui a eu lieu le 4 octobre dernier,
j'ai proposé aux élus d'agir en ce sens. Ils m'y ont vivement encouragé.
Aussi est-ce la raison pour laquelle je souhaiterais connaître la position de
M. le ministre sur une proposition de réorganisation territoriale dont la
réalisation se décompose comme suit.
Il faut d'abord dresser l'inventaire des services publics existant dans chaque
département en faisant ressortir leurs lieux actuels d'implantation et les
contraintes d'adaptation pour l'avenir pesant sur eux. Cet inventaire, qui
apportera une connaissance globale de ce qui existe, nous permettra d'exiger
des services performants et de qualité.
Il faut ensuite faire le point sur les nouvelles technologies, que ce soit la
téléphonie mobile ou la couverture par le réseau ADSL. Il est en effet
important que, dans tous les cantons ruraux, la téléphonie mobile mais aussi le
web soient accessibles afin que chacun puisse communiquer par l'intermédiaire
d'une messagerie électronique. Notons que la demande de télétravail ne cesse de
se développer. C'est le fait des chefs d'entreprise, des créateurs d'entreprise
mais aussi des propriétaires de résidences secondaires : tous attendent le
développement de ces moyens de communication pour installer leurs activités et
leur famille là où ils ont choisi de vivre.
Il faut également organiser les moyens d'agir, d'une part en rendant
opérationnelle la cellule interministérielle qui existe au niveau du
département et qui est placée sous l'autorité du préfet en la dotant de moyens
suffisants, d'autre part en élargissant le champ de compétence de cette cellule
afin que tous les établissements publics soient soumis à cette autorité
locale.
Il faut enfin prévoir une évaluation annuelle de cette réorganisation
fonctionnelle des services publics afin, le cas échéant, d'adapter le
dispositif.
Cette démarche doit aboutir, grâce à l'utilisation optimale des nouvelles
technologies, à une répartition équilibrée et cohérente des nouveaux
équipements sur l'ensemble du territoire, facteur de cohésion et de confiance
des élus.
Je souhaiterais donc connaître la position de M. le ministre sur ces
propositions qui tendent à s'articuler autour d'un véritable contrat
territorial définissant la France rurale du xxie siècle, en parfaite cohérence
avec le dernier comité interministériel pour l'aménagement et le développement
du territoire, le CIADT, qui s'est tenu le 13 décembre dernier.
Ces propositions concrètes devraient contribuer à faire émerger des
initiatives qui redonnent envie de travailler en milieu rural. Notre
département est prêt à expérimenter cette organisation sur les 557 communes de
son territoire.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Henri Plagnol,
secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat.
Monsieur le sénateur, je tiens
d'abord à vous présenter les excuses de M. Jean-Paul Delevoye, ministre de la
fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire,
qui aurait souhaité pouvoir vous répondre personnellement mais qui, en ce
moment, préside une table ronde réunissant les syndicats sur les conséquences
de la décentralisation. Au cours de cette table ronde, d'ailleurs, a été
évoquée la question qui vous préoccupe : la réorganisation territoriale du
service public.
Je peux d'ailleurs vous rassurer : vos constatations et vos suggestions
rejoignent très exactement la préoccupation de M. Jean-Paul Delevoye et de
l'ensemble du Gouvernement. Il faut en effet sortir d'une situation dans
laquelle le milieu rural a le sentiment de subir et d'assister impuissant à la
fermeture des services publics les uns après les autres pour entrer dans une
démarche d'anticipation tendant vers l'organisation des services publics en
milieu rural. C'est très exactement la démarche que vous avez engagée dans le
cadre des assises des libertés locales, en Dordogne, et nous vous en
remercions.
Comment atteindre cet objectif ? Vous avez vous-même évoqué les deux logiques
qui s'affrontent : celle de la rationalisation des moyens appliqués par les
responsables gestionnaires dans la mesure où le service public ne peut échapper
à l'impératif de productivité et de performance si le pays veut maîtriser ses
déficits et diminuer les impôts ; celle tout aussi fondamentale d'une attente
légitime quant à la présence des services publics en milieu rural, où très
souvent elle est vitale pour pérenniser l'activité et le développement.
Je vais maintenant résumer les messages du Gouvernement par rapport à cette
question fondamentale.
Premier message : la réorganisation des services publics ne doit pas se
traduire par la condamnation d'un territoire. Le Gouvernement croit, comme
vous, à la valeur essentielle des principes qui commandent la présence du
service public : un égal accès sur l'ensemble du territoire, l'Etat restant le
garant de l'égalité des droits et des chances des Français où qu'ils soient,
une égale qualité dans le traitement des dossiers, un délai maîtrisé et une
réponse sécurisée irréprochable sur le plan technique.
Cela passe, bien entendu, comme vous l'avez indiqué, par la couverture de
l'ensemble du territoire par les nouveaux leviers du développement que sont la
téléphonie mobile et les hauts débits numériques. Vous savez que cette
dimension est au coeur de la stratégie du Premier ministre pour ce qu'il a
appelé « la République numérique » que nous devons bâtir ensemble.
Actuellement, hélas ! le bilan est très peu convaincant.
L'éparpillement des compétences fragilise la qualité des réponses et nourrit
une incertitude quant à la pérennité de la présence des services publics, qui,
légitimement, préoccupe les populations.
Par conséquent - c'est le deuxième message - comme vous le souhaitez, pour
sortir de cet engrenage, il faut bâtir ensemble un nouveau contrat qui soit «
gagnant-gagnant ».
Pour cela, il convient d'abord de s'appuyer sur les nouvelles technologies de
l'information et de la communication, qui permettent de développer de nouveaux
modes d'accueil de proximité. Chacun devrait pouvoir avoir accès, à travers les
messageries électroniques, à l'ensemble des services publics, à condition bien
entendu que tout le territoire soit équipé de bornes publiques d'accès à
Internet dotées du personnel capable d'accompagner les utilisateurs dans leur
démarche.
Cela nous permettrait de concilier la proximité de l'accueil et la
réorganisation en pôles de compétences pour le traitement des dossiers afin
d'apporter tous les éléments techniques nécessaires à une société développée et
complexe comme la nôtre.
Très concrètement, il nous faut donc poursuivre la multiplication des points
d'accueil en développant, autour de l'Etat, des acteurs locaux, départementaux,
régionaux, des établissements publics intercommunaux, l'offre des services
publics, avec le souci d'évoluer vers le guichet unique, lequel inclurait
d'ailleurs les services à caractère social ; je pense aux URSSAF, aux caisses
d'allocations familiales ou aux ASSEDIC.
Enfin, troisième message, il faut engager une démarche cohérente fondée sur un
schéma d'organisation territoriale des services publics et ne pas se contenter
de discours incantatoires, voire d'un moratoire, lequel en fait n'est qu'un
piège car il ne fait que retarder les évolutions inéluctables. Une approche
pragmatique du terrain est nécessaire.
La réussite de la décentralisation dépendra de notre capacité à réformer
l'organisation territoriale de l'Etat et des services publics.
Sur un territoire donné, comme la Dordogne, il faut donc fédérer l'ensemble
des acteurs, y compris les agents du service public, pour aboutir au schéma le
plus cohérent de l'offre de services publics qui réponde à deux impératifs :
faciliter les démarches pour les usagers et rationaliser le traitement des
demandes.
Telle est la préoccupation - vous y avez fait référence - qui a guidé les
choix du Gouvernement lors de la dernière réunion du comité interministériel à
l'aménagement du territoire. Il a également été décidé que plusieurs
départements devraient mener une expérimentation.
Nous savons, monsieur le sénateur, que vous êtes tout particulièrement
sensible à la nécessité de réorganiser le service public territorial en milieu
rural. Jean-Paul Delevoye et, bien entendu, Xavier Darcos seront très attentifs
à la situation de la Dordogne et aux propositions qui seront faites pour que,
ensemble, nous trouvions les moyens de sortir de la logique du fatalisme ou du
déclin pour anticiper les évolutions nécessaires et faire en sorte que le
service public accompagne le développement de votre beau département.
M. le président.
La parole est à M. Dominique Mortemousque.
M. Dominique Mortemousque.
Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'Etat, des réponses de qualité que
vous venez de me faire. Elles vont nourrir en nous beaucoup d'espoir. Sachez
que nous sommes prêts à contribuer à l'action qui va être engagée. La confiance
ne se décrète pas, mais je suis intimement convaincu que les maires ruraux
seront un gisement important de cohésion sociale si l'on prend en considération
leur participation.
Prenons un exemple très concret : celui de la téléphonie mobile.
Aujourd'hui, tout le monde est conscient des vertus de cet outil, si bien que
les demandes de cabines téléphoniques archaïques et dépassées se sont
complètement taries.
Je suis convaincu que les maires seront prêts à accepter des modifications
dans les services existants - donc des économies et une meilleure performance -
si l'on sait leur faire percevoir de façon tangible les nouveaux enjeux.
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