PRÉSIDENCE DE M. JEAN-CLAUDE GAUDIN

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

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CONFÉRENCE DES PRÉSIDENTS

M. le président. La conférence des présidents a établi comme suit l'ordre du jour des prochaines séances du Sénat :

Mercredi 26 février 2003 :

Ordre du jour prioritaire

A 15 heures et le soir :

1° Déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat, sur la question de l'Irak ;

(La conférence des présidents a fixé :

- à quinze minutes le temps réservé au président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées ;

- à vingt minutes le temps attribué à un orateur de chaque groupe et à cinq minutes le temps attribué à l'orateur de la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe.

L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort.)

2° Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, portant diverses dispositions relatives à l'urbanisme, à l'habitat et à la construction (n° 160, 2002-2003).

Jeudi 27 février 2003 :

A 9 h 30 :

Ordre du jour prioritaire

1° Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, portant diverses dispositions relatives à l'urbanisme, à l'habitat et à la construction.

A 15 heures et, éventuellement le soir :

2° Questions d'actualité au Gouvernement.

(L'inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la séance avant 11 heures.)

Ordre du jour prioritaire

3° Proposition de loi de M. Louis de Broissia et de plusieurs de ses collègues modifiant la loi n° 2001-647 du 20 juillet 2001 relative à la prise en charge de la perte d'autonomie des personnes âgées et à l'allocation personnalisée d'autonomie (n° 169, 2002-2003.)

(La conférence des présidents a fixé :

- au mercredi 26 février 2003, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte ;

- à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe.

L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le mercredi 26 février 2003.)

4° Suite de l'ordre du jour du matin.

Eventuellement, vendredi 28 février 2003 :

Ordre du jour prioritaire

A 9 h 30 et à 15 heures :

Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, portant diverses dispositions relatives à l'urbanisme, à l'habitat et à la construction.

Mardi 4 mars 2003 :

A 9 h 30 :

Ordre du jour prioritaire

1° Projet de loi autorisant l'approbation de l'avenant à la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Sultanat d'Oman en vue d'éviter les doubles impositions (ensemble un protocole) (n° 94, 2002-2003).

2° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'avenant à la convention entre la République française et la République fédérale d'Allemagne en vue d'éviter les doubles impositions et d'établir des règles d'assistance administrative et juridique réciproque en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune, ainsi qu'en matière de contributions des patentes et de contributions foncières, du 21 juillet 1959, modifiée par l'avenant du 9 juin 1969 et par l'avenant du 28 septembre 1989, signé à Paris le 20 décembre 2001 (n° 136, 2002-2003).

3° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Lettonie relatif au statut de l'immeuble de la légation de la République de Lettonie à Paris (n° 109, 2002-2003).

4° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Lituanie relatif au statut de l'immeuble de la légation de la République de Lituanie à Paris (n° 110, 2002-2003).

5° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d'Estonie relatif à l'indemnisation de la République d'Estonie pour l'immeuble de son ancienne légation à Paris (n° 111, 2002-2003).

(La conférence des présidents a décidé que ces trois projets de loi feraient l'objet d'une discussion générale commune.)

6° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant la ratification de l'accord de stabilisation et d'association entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et l'ancienne République yougoslave de Macédoine, d'autre part (ensemble sept annexes et cinq protocoles) (n° 134, 2002-2003).

7° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant la ratification de l'accord de stabilisation et d'association entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et la République de Croatie, d'autre part (ensemble huit annexes et six protocoles) (n° 135, 2002-2003).

8° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérale d'Allemagne relatif à la construction et l'entretien de ponts frontières sur le Rhin dont les Parties contractantes n'assurent pas la maîtrise d'ouvrage (n° 112, 2002-2003).

9° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation du protocole de Carthagène sur la prévention des risques biotechnologiques relatif à la convention sur la diversité biologique (n° 137, 2002-2003).

10° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de Son Altesse Sérénissime le Prince de Monaco relatif à l'attribution et à l'utilisation par la société Télé Monte Carlo de fréquences hertziennes terrestres pour la diffusion de son programme à partir d'installations d'émission implantées en territoire français (ensemble une annexe) (n° 113, 2002-2003).

11° Projet de loi autorisant l'approbation de la convention sur les effets transfrontières des accidents industriels (ensemble treize annexes) (n° 311, 2001-2002).

12° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant la ratification de l'accord euro-méditerranéen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et la République arabe d'Egypte, d'autre part (n° 133, 2002-2003).

13° Projet de loi autorisant l'adhésion de la France au protocole de 1996 à la convention de 1972 sur la prévention de la pollution des mers résultant de l'immersion de déchets (n° 310, 2001-2002).

14° Projet de loi autorisant l'approbation de la convention sur les polluants organiques persistants (ensemble six annexes) (n° 395, 2001-2002).

15° Projet de loi autorisant l'approbation de la convention sur la procédure de consentement préalable en connaissance de cause applicable à certains produits chimiques et pesticides dangereux qui font l'objet d'un commerce international (ensemble cinq annexes) (n° 396, 2001-2002) ;

(La conférence des présidents a décidé que ces deux projets de loi feraient l'objet d'une discussion générale commune.)

16° Projet de loi autorisant l'approbation du protocole d'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Grand-Duché de Luxembourg relatif au raccordement du Grand-Duché de Luxembourg au TGV est-européen (ensemble trois annexes) (n° 130, 2002-2003).

A 16 heures et le soir :

17° Eloge funèbre de Robert Calmejane.

Ordre du jour prioritaire

18° Projet de loi relatif à l'élection des conseillers régionaux et des représentants au Parlement européen ainsi qu'à l'aide publique aux partis politiques, considéré comme adopté par l'Assemblée nationale (urgence déclarée) (n° 182, 2002-2003).

(La conférence des présidents a fixé :

- au lundi 3 mars 2003, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte ;

- à trois heures trente la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe.

L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le lundi 3 mars 2003.)

Mercredi 5 mars 2003 :

Ordre du jour prioritaire

A 15 heures et le soir :

Suite du projet de loi relatif à l'élection des conseillers régionaux et des représentants au Parlement européen ainsi qu'à l'aide publique aux partis politiques, considéré comme adopté par l'Assemblée nationale.

Jeudi 6 mars 2003 :

A 9 h 30 :

Ordre du jour prioritaire

1° Suite du projet de loi relatif à l'élection des conseillers régionaux et des représentants au Parlement européen ainsi qu'à l'aide publique aux partis politiques, considéré comme adopté par l'Assemblée nationale.

A 15 heures et le soir :

2° Questions d'actualité au Gouvernement.

(L'inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la séance avant 11 heures.)

Ordre du jour prioritaire

3° Suite du projet de loi relatif à l'élection des conseillers régionaux et des représentants au Parlement européen ainsi qu'à l'aide publique aux partis politiques, considéré comme adopté par l'Assemblée nationale.

Vendredi 7 mars 2003 :

Ordre du jour prioritaire

A 9 h 30, à 15 heures et, éventuellement, le soir :

Suite du projet de loi relatif à l'élection des conseillers régionaux et des représentants au Parlement européen ainsi qu'à l'aide publique aux partis politiques, considéré comme adopté par l'Assemblée nationale.

Mardi 11 mars 2003 :

A 9 h 30 :

1° Dix-huit questions orales (l'ordre d'appel des questions sera fixé ultérieurement) :

- n° 96 de M. Jean-François Picheral à M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées (Dépistage du cancer colorectal) ;

- n° 118 de M. Gérard Roujas à M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales (Régime douanier céréalier) ;

- n° 136 de Mme Brigitte Luypaert à M. le ministre délégué aux libertés locales (Statut de l'élu local) ;

- n° 144 de Mme Nicole Borvo à M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation (Porte-monnaie électronique « Monéo ») ;

- n° 146 de M. Jean-Patrick Courtois à M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer (Réalisation du pont sud à Mâcon assurant la jonction entre l'A 6 et la future A 40) ;

- n° 149 de M. Bernard Cazeau à M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer (Augmentation des redevances de l'Etablissement public Aéroports de Paris) ;

- n° 151 de M. Claude Biwer à M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales (Aides aux communes sinistrées) ;

- n° 152 de M. Jean Besson à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie (Fiscalisation du service d'enlèvement des ordures ménagères) ;

- n° 159 de M. François Zochetto à M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation (Evolution des relations entre fournisseurs et distributeurs) ;

- n° 162 de M. Pierre-Yvon Trémel à M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche (Situation de l'enseignement public bilingue) ;

- n° 164 de M. Jean-Pierre Godefroy à M. le ministre de la culture et de la communication (Sous-titrage des programmes télévisés et niveau sonore des publicités) ;

- n° 166 de M. Jean-Marie Poirier à M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer (Développement du trafic aérien) ;

- n° 167 de M. Jean Bizet à M. le secrétaire d'Etat aux transports et à la mer (Constructibilité des bergeries et abris en bordure du littoral) ;

- n° 169 de Mme Françoise Férat à M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées (Intégration des techniciens de laboratoires des centres hospitaliers en catégorie B) ;

- n° 170 de M. André Vallet à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie (Restructuration et réorganisation de la Banque de France) ;

- n° 172 de M. Gérard César à M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales (Mise en oeuvre du plan national pour la forêt) ;

- n° 175 de Mme Michelle Demessine à M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées (Conditions d'ouverture des droits aux indemnités journalières) ;

- n° 192 de M. Jacques Oudin à M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer (Politique des transports).

A 16 heures et le soir :

Ordre du jour prioritaire

2° Suite du projet de loi relatif à l'élection des conseillers régionaux et des représentants au Parlement européen ainsi qu'à l'aide publique aux partis politiques, considéré comme adopté par l'Assemblée nationale.

Mercredi 12 mars 2003 :

Ordre du jour prioritaire

A 15 heures et le soir :

Suite du projet de loi relatif à l'élection des conseillers régionaux et des représentants au Parlement européen ainsi qu'à l'aide publique aux partis politiques, considéré comme adopté par l'Assemblée nationale.

Jeudi 13 mars 2003 :

Ordre du jour réservé

A 9 h 30 :

1° Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, relative au chèque-emploi associatif (n° 19, 2002-2003).

(La conférence des présidents a fixé au mercredi 12 mars 2003, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.)

A 15 heures :

2° Question orale avec débat n° 11 de M. Pierre André à M. le ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine sur les zones franches urbaines. (En application des premier et deuxième alinéas de l'article 82 du règlement, la conférence des présidents a fixé à deux heures la durée globale du temps dont disposeront dans le débat les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe ;

L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le mercredi 12 mars 2003.)

3° Conclusions de la commission des finances sur la proposition de loi de M. Jean-Marie Poirier tendant à étendre aux communautés d'agglomération créées ex nihilo le régime de garantie d'évolution de la dotation globale de fonctionnement des communautés d'agglomération issues d'une transformation (n° 179, 2002-2003).

(La conférence des présidents a fixé au mercredi 12 mars 2003, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.)

Eventuellement, vendredi 14 mars 2003 :

Ordre du jour prioritaire

A 9 h 30, à 15 heures et, éventuellement, le soir :

Suite du projet de loi relatif à l'élection des conseillers régionaux et des représentants au Parlement européen ainsi qu'à l'aide publique aux partis politiques, considéré comme adopté par l'Assemblée nationale.

Mardi 18 mars 2003 :

Ordre du jour prioritaire

A 10 h 30 :

1° Projet de loi relatif à la protection de l'environnement en Antarctique (n° 279, 2001-2002) ;

(La conférence des présidents a décidé de fixer au lundi 17 mars 2003, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.)

A 16 heures et, éventuellement, le soir :

2° Projet de loi de sécurité financière (n° 166, 2002-2003).

(La conférence des présidents a fixé :

- au lundi 17 mars 2003, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte ;

- à trois heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe.

L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le lundi 17 mars 2003.)

Mercredi 19 mars 2003 :

Ordre du jour prioritaire

A 15 heures et le soir :

Suite du projet de loi de sécurité financière.

Jeudi 20 mars 2003 :

A 9 h 30 :

Ordre du jour prioritaire

1° Suite du projet de loi de sécurité financière.

A 15 heures et le soir :

2° Questions d'actualité au Gouvernement.

(L'inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la séance avant 11 heures.)

Ordre du jour prioritaire

3° Suite du projet de loi de sécurité financière.

Mardi 25 mars 2003 :

A 9 h 30 :

1° Questions orales ;

A 16 heures et, éventuellement, le soir :

Ordre du jour prioritaire

2° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, pour l'initiative économique (n° 170, 2002-2003).

(La conférence des présidents a fixé :

- au lundi 24 mars, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte ;

- à trois heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe.

L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le lundi 24 mars 2003.)

Mercredi 26 mars 2003 :

Ordre du jour prioritaire

A 15 heures et le soir :

Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, pour l'initiative économique.

Jeudi 27 mars 2003 :

Ordre du jour prioritaire

A 9 h 30, à 15 heures et, éventuellement le soir :

Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, pour l'initiative économique.

Y a-t-il des observations en ce qui concerne les propositions de la conférence des présidents relatives à la tenue des séances ?...

Ces propositions sont adoptées.

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DIVERSES DISPOSITIONS

RELATIVES À L'URBANISME,

À L'HABITAT ET À LA CONSTRUCTION

Discussion d'un projet de loi

 
Dossier législatif : projet de loi portant diverses dispositions relatives à l'urbanisme, à l'habitat et à la construction
Discussion générale (interruption de la discussion)

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 160, 2002-2003), adopté par l'Assemblée nationale, portant diverses dispositions relatives à l'urbanisme, à l'habitat et à la construction. [Rapport n° 175 (2002-2003) et avis n° 171 (2002-2003).]

Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.)

M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi que je vous présente aujourd'hui porte, d'une part, sur la réforme des dispositions d'urbanisme issues de la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite loi SRU, et, d'autre part, sur la sécurité des habitations, notamment des ascenseurs. Il a été complété, à l'Assemblée nationale, par plusieurs dispositions, notamment un amendement sur les « pays ».

Dans son discours de politique générale, le Premier ministre avait mis en évidence les problèmes que pose la mise en oeuvre, sur le terrain, des lois Voynet, Chevènement et SRU.

A sa demande, Nicolas Sarkozy, Jean-Paul Delevoye, Patrick Devedjian et moi-même avons reçu les principales associations d'élus. Nous avons également demandé à un groupe de hauts fonctionnaires de nous faire des propositions.

Le projet de loi qui vous est soumis est largement conforme tant aux observations des associations d'élus qu'aux propositions de ce groupe de travail.

La mise en oeuvre de la loi SRU a, en effet, créé de réelles difficultés, vivement critiquées par les élus locaux. Vous êtes nombreux, mesdames, messieurs les sénateurs, à vous en être fait l'écho auprès de mon ministère.

Certes, certains des objectifs de la loi SRU semblent bons. Je pense en particulier à la lutte contre l'étalement urbain anarchique.

Il n'en reste pas moins que, le diable se logeant parfois dans les détails, des corrections urgentes étaient nécessaires.

Il était ainsi indispensable de clarifier des dispositions mal comprises par les élus locaux, voire parfois par les services de l'Etat eux-mêmes. En effet, l'incertitude bloque des projets nécessaires au logement de nos concitoyens et donc au développement de notre pays.

Bien évidemment, le Gouvernement travaille sur d'autres mesures pour faciliter le logement, qu'il s'agisse de la location ou de l'accession à la propriété. Mais le foncier est un préalable.

Le projet de loi a donc pour objectif d'apporter des réponses aux problèmes posés par la règle des 15 kilomètres, par les plans locaux d'urbanisme, ou PLU, et par la « participation pour voie nouvelle et réseaux ».

La règle dite « des 15 kilomètres » devait inciter les communes à organiser ensemble leur développement au sein d'un même bassin de vie à travers des schémas de cohérence territoriale, les SCOT. Mais, en pratique, elle a bloqué des projets d'urbanisation prévus depuis longtemps.

Elle limite, en effet, la possibilité de rendre constructibles non seulement les zones naturelles et agricoles, mais aussi les zones d'urbanisation future. Le projet de loi que je vous présente aujourd'hui lève cette contrainte pour les zones d'urbanisation future délimitées avant l'entrée en vigueur de cette mesure.

De plus, les conditions de dérogation sont clarifiées, élargies et même transformées dans leur esprit. En effet, le texte prévoit désormais que « la dérogation ne peut être refusée que si les inconvénients du projet éventuels sont excessifs pour les communes voisines, l'environnement ou l'agriculture ».

Enfin, l'Assemblée nationale a voté un amendement qui vise à supprimer la règle des 15 kilomètres autour des agglomérations de moins de 50 000 habitants.

Ces assouplissements ne doivent pas être compris comme une remise en cause de l'intérêt des SCOT. La cohérence, à l'échelle des bassins de vie, entre les politiques d'urbanisme, de déplacements et d'environnement est et reste très souhaitable.

Aussi ai-je souhaité que l'Etat participe, pendant quatre ans, au financement des études de SCOT, et ce quelle que soit la taille de l'agglomération, y compris au-dessus de 50 000 habitants, y compris en-dessous de 15 000 habitants. Seuls les secteurs que l'Etat aide déjà à travers une agence d'urbanisme n'en bénéficieront pas.

Un amendement a également clarifié le rôle des conseils généraux et des conseils régionaux dans les SCOT. Il vise, en particulier, à éviter toute tutelle d'une collectivité sur une autre.

En ce qui concerne les plans locaux d'urbanisme, deux évolutions importantes sont prévues. Le projet d'aménagement et de développement durable, ou PADD, ne sera plus opposable directement aux autorisations de construire. En d'autres termes, le PADD doit permettre un débat d'orientation d'urbanisme, comme il y a un débat d'orientation budgétaire. Ce ne doit pas être un document supplémentaire, long et coûteux.

Par ailleurs, pour faciliter la gestion des documents d'urbanisme, la procédure plus légère de modification devient la procédure de droit commun, et la procédure de révision, plus lourde, devient l'exception.

M. Gérard Larcher, président de la commission des affaires économiques et du Plan. Très bien !

M. Charles Revet. Parfait !

M. Gilles de Robien, ministre. Enfin, les conditions dans lesquelles les communes peuvent faire évoluer leur plan d'occupation des sols, ou POS, sans attendre l'élaboration d'un PLU sont assouplies et prolongées dans le temps de 2004 à 2006.

Le projet de loi traite aussi de ce qui s'appellera désormais la participation pour « voirie et réseaux », et non plus « pour voie nouvelle et réseaux », puisqu'elle pourra être mise en place pour financer des réseaux même sur une voie existante qui ne fait l'objet d'aucun aménagement.

M. Philippe Arnaud. Très bien !

M. Gilles de Robien, ministre. L'Assemblée nationale, sur proposition du rapporteur, a utilement amélioré le texte du Gouvernement.

Je sais que c'est un sujet qui vous est cher, car il concerne de très nombreuses communes de France. Nous en reparlerons sûrement, à l'occasion de l'examen des nombreux amendements que vous avez bien voulu déposer.

Je résumerai simplement la position du Gouvernement ainsi : le maximum de liberté possible pour les communes avec, pour limite, la sécurité juridique des décisions des communes.

Plusieurs autres dispositions sur l'urbanisme ont été ajoutées par l'Assemblée nationale, dont deux qui avaient fait l'objet de débats au Sénat à l'automne dernier : l'une permet à la commune, sous certaines conditions, d'exiger une taille minimale de terrain pour la construction ; l'autre permet de limiter les droits à construire sur un terrain ayant fait l'objet d'une division depuis moins de dix ans.

Enfin, un amendement, adopté contre l'avis du Gouvernement, porte sur les possibilités de construire dans les zones de bruit des aéroports.

Pour conclure sur la question de l'urbanisme, je tiens à vous indiquer que j'ai adressé aux préfets une lettre leur demandant d'appliquer la loi actuelle de façon non restrictive, dans l'attente des assouplissements qui seront apportés par le projet de loi, si vous l'adoptez.

Le président de la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale, Patrick Ollier, a également déposé un amendement sur les pays, dont le contenu est très proche du point de vue du Gouvernement. Jean-Paul Delevoye représentera le Gouvernement sur ce sujet. Je vous dirai donc seulement que le nouveau titre V a pour objectif de simplifier et de clarifier la démarche d'élaboration des pays, notamment en supprimant le périmètre d'études et l'avis conforme de la conférence régionale d'aménagement et de développement du territoire, la CRADT, en faisant valider la démarche par le préfet à son terme et en permettant une organisation plus souple du pays.

J'en viens maintenant à la sécurité des habitations, en particulier à celle des ascenseurs.

Les accidents dramatiques qui ont eu lieu récemment ont bien montré aux Français que ce moyen de transport qu'ils utilisent tous les jours pouvait être dangereux. On dénombre, chaque année en France, près de 2 000 accidents dont sont victimes des usagers ou des agents d'entretien. Une quinzaine d'accidents se sont révélés particulièrement graves ou mortels au cours des quatre dernières années.

Or, nous le savons, l'état du parc, qui est le plus ancien d'Europe, fait craindre une augmentation du nombre et de la gravité des accidents dans les semaines, dans les mois ou dans les années à venir. En l'absence de remise à niveau, les deux tiers des appareils qui ont plus de vingt ans d'âge seront frappés d'obsolescence d'ici à quinze ans.

D'ici là, il est hautement probable que, si rien n'est fait, les accidents graves voire mortels se multiplieront. La prévention de ces accidents est donc un véritable enjeu public. Nous en avons les moyens. C'est l'objet du texte qui vous est proposé aujourd'hui.

Le projet de loi prévoit d'imposer trois obligations aux propriétaires d'ascenseurs.

La première est l'obligation de réaliser des travaux de mise en sécurité sur les appareils qui ne posséderaient pas de dispositifs permettant de remédier aux risques les plus importants, en fixant un délai maximal de quinze ans pour réaliser ces travaux, compte tenu de leur importance, de leur fréquence et de leur coût. Les risques les plus graves, ceux qui ont causé, y compris récemment, des accidents mortels devront être traités dans les cinq premières années de cette période de quinze ans.

La deuxième obligation est celle de passer un contrat d'entretien dont le contenu sera actualisé par rapport aux textes actuellement en vigueur qui remontent à plus de vingt-cinq ans, et les responsabilités incombant à chaque partie devront être clarifiées.

La troisième obligation consiste à faire réaliser périodiquement un contrôle technique de l'appareil par une personne indépendante pour permettre de vérifier le bon état de fonctionnement de l'appareil et sa conformité avec les mesures de sécurité obligatoires.

Le projet de loi comprend plusieurs autres dispositions dont certaines ont été introduites par l'Assemblée nationale.

Le contrôle technique des bâtiments présentant un risque particulier sera étendu à ceux qui sont situés dans des zones soumises particulièrement à des risques naturels ou technologiques, ce qui couvre au premier chef les zones à risques sismiques, comme l'actualité nous le rappelle.

Une disposition introduite par l'Assemblée nationale prévoit que seront déterminés par décret les dispositifs à installer ou les mesures à mettre en oeuvre pour prévenir les intoxications par le monoxyde de carbone, qui tuent environ trois cents personnes par an. Cela sera bien évidemment étudié avec Jean-François Mattei, ministre de la santé, afin de retenir les dispositifs les plus efficaces.

Le délai pour mettre en oeuvre le régime comptable dans les copropriétés prévu par la loi SRU est reporté de 2004 à 2005 ; cela donnera du temps aux copropriétés pour s'adapter aux nouvelles règles qui seront fixées par décret dans les prochains mois.

Plusieurs articles concernent le 1 % logement et les organismes d'HLM.

Le contrôle de l'Agence nationale pour la participation des employeurs à l'effort de construction sera amélioré sur les opérations réalisées par des organismes propriétaires et gestionnaires de foyers de travailleurs migrants et financées par des fonds du 1 % logement. Les organismes d'HLM pourront désormais construire des logements, les gérer et effectuer des prestations de services pour le compte de l'Association foncière, créée par la loi SRU à la suite de la convention passée entre l'Etat et les partenaires sociaux sur la participation du 1 % logement à la politique de renouvellement urbain.

Enfin, deux articles permettent de faciliter l'engagement d'opérations de location-accession ou d'acquisition temporaire de l'usufruit d'un logement par les organismes d'HLM.

Telles sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les dispositions prévues dans ce projet de loi portant diverses dispositions relatives à l'urbanisme, à l'habitat et à la construction.

Avant de laisser la place au débat, je tiens à remercier dès à présent le président de la commission des affaires économiques et du Plan, M. Gérard Larcher, et les trois rapporteurs, MM. Dominique Braye, Charles Guené et Pierre Jarlier, dont le travail va éclairer vos débats. Ils vous proposeront des amendements qui, bien souvent, permettront de clarifier ou de simplifier le texte proposé par le Gouvernement. Quoi qu'il en soit, je me félicite de leur travail, dont je les remercie sincèrement. Tout au long de cette discussion, je serai très ouvert aux propositions de la Haute Assemblée. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Dominique Braye, rapporteur.

M. Dominique Braye, rapporteur de la commission des affaires économiques et du Plan. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le développement durable, au-delà d'une terminologie à la mode, est devenu une préoccupation et un enjeu qui sont au coeur de toute action publique. Il englobe le champ d'action de nombreuses politiques, parmi lesquelles l'aménagement équilibré et harmonieux de notre territoire ; l'urbanisme en est évidemment l'une des composantes essentielles.

Les politiques de l'urbanisme modifient en effet l'aspect de notre territoire de façon durable et, bien souvent, quasi définitive. Le législateur doit donc toujours veiller à modifier avec beaucoup de circonspection les règles instituées par le code de l'urbanisme.

Aussi, la discussion du présent projet de loi relatif à l'urbanisme, à l'habitat et à la construction nous invite-t-elle à être à la fois pragmatiques et prudents : pragmatiques, parce que la mise en oeuvre de la loi SRU pose de réels problèmes d'application sur le terrain, essentiellement pour les élus locaux ; prudents, car nous devons nous méfier de toute innovation qui, bien qu'inspirée par de bonnes intentions, risquerait d'engendrer des difficultés plus grandes que celles auxquelles nous voulons remédier.

Le texte aujourd'hui soumis à notre examen a en effet pour vocation principale de remédier aux difficultés d'application patentes de la loi SRU, et non, je tiens à le souligner, de remettre en cause l'essentiel de son esprit.

Or s'il existe un consensus sur les principes de la loi SRU, il subsiste une véritable confusion concernant ses modalités d'application.

Permettez-moi de le rappeler afin de lever toute équivoque : à une exception près - même si elle est de taille ; j'y reviendrai bientôt -, l'accord est très large sur les principes qui ont inspiré la loi SRU. Ceux-ci portent sur le renforcement de la mixité sociale, l'élaboration de documents intercommunaux et la coordination de l'ensemble des politiques de gestion de l'espace, qu'il s'agisse du logement, du développement économique, des transports, etc.

Nous souscrivons tous à ces principes et à ces objectifs. J'ajouterai, quitte à surprendre certains d'entre vous, qu'il faut éviter de faire l'amalgame entre une mauvaise interprétation d'une loi, due à ses imprécisions et à ses ambiguïtés, et une loi mauvaise sur le fond.

J'en viens à la seule divergence qui nous oppose, mais qui est capitale : elle porte sur le sort que la loi SRU réserve à l'espace rural.

En effet, cette loi applique, à tort selon nous, à l'espace rural des règles essentiellement conçues pour maîtriser la construction dans l'espace urbain. Mes collègues Daniel Goulet et Aymeri de Montesquiou reviendront plus longuement, j'en suis sûr, sur cette importante critique.

S'agissant de la mise en oeuvre de la loi SRU, nous avons identifié, pour notre part, deux problèmes majeurs.

Tout d'abord, nous avons noté l'opacité du texte adopté en dernière lecture, voilà deux ans, par l'Assemblée nationale.

Ensuite, nous nous sommes arrêtés sur les conditions de son application sur le terrain.

L'opacité de certaines des dispositions du texte voté en 2001 par l'Assemblée nationale est patente : j'en veux pour preuve l'article 4 du projet de loi, qui vise à clarifier le libellé de l'article L. 123-13 du code de l'urbanisme.

Avant comme après le vote du projet de loi que nous examinons, la procédure de modification du plan local d'urbanisme, le PLU, constitue le droit commun, mais il nous faut le préciser, tant cela était peu intelligible !

Il est donc nécessaire de légiférer de nouveau pour clarifier la situation. Sur le terrain, certains élus se croient en toute bonne foi contraints d'engager la révision de leur plan d'occupation des sols alors qu'une simple modification suffirait !

Au demeurant, j'observe que, conformément aux engagements de M. le Premier ministre, l'urgence n'a pas été déclarée sur ce texte. Nous ne pouvons qu'en féliciter le Gouvernement ; cela nous permettra, j'en suis sûr, d'entamer et de poursuivre un dialogue fructueux avec l'Assemblée nationale, afin de parvenir au texte le plus clair possible.

N'est-ce pas l'objectif même de la navette parlementaire ?

Celle-ci nous donnera peut-être aussi la possibilité d'aborder le sujet des pouvoirs de police des maires en matière d'urbanisme, pouvoirs qui sont très insuffisants.

En effet, si les procédures d'élaboration des plans d'urbanisme sont complexes et exigent beaucoup de travail de la part des élus locaux, ces derniers se trouvent totalement démunis devant les violations des règles d'urbanisme, qui sont insuffisamment sanctionnées par la justice. Il en résulte un sentiment d'impunité pour ceux qui passent outre les règles d'urbanisme, mais aussi un sentiment d'iniquité pour ceux qui s'y conforment.

Il faudrait donc établir un réel pouvoir de police du maire afin que les infractions soient constatées et sanctionnées par ces élus qui sont les plus proches du terrain, à l'instar d'ailleurs de ce qui se pratique chez certains de nos voisins européens, notamment en Belgique, où les infractions sont constatées et verbalisées par les municipalités, qui ont même le pouvoir d'interrompre un chantier en cas d'infraction aux règles d'urbanisme.

Je ne doute pas que l'immense majorité des élus français approuverait un tel dispositif dans un domaine où la compétence du maire paraîtrait parfaitement légitime aux yeux de ses concitoyens.

J'en viens maintenant aux conditions d'application de la loi SRU. C'est bien là - on peut l'affirmer objectivement - que le bât a blessé.

Que dire de l'interprétation restrictive de l'article 46 de la loi relative à la participation pour voies nouvelles et réseaux ? Comment qualifier les querelles byzantines qui ont opposé les services déconcentrés de l'Etat sur la notion de « voies », de « voies nouvelles » et de « réseaux » ?

Les élus, confrontés à des avis divergents, pourtant contraints d'agir, se voyaient opposer des dispositions très variables provenant des multiples interprétations que l'on pouvait faire d'un texte illisible, ambigu et donc inapplicable.

J'en veux pour preuve les nombreux exemples que j'ai pu recenser lors des très nombreuses auditions et rencontres organisées sur le terrain auprès de l'ensemble des acteurs et élus concernés. La conclusion était chaque fois la même : il fallait réviser un texte dont la complexité, l'opacité et les difficultés concrètes de mise en oeuvre produisaient trop de blocages.

Le présent projet de loi est donc le bienvenu car il répond à l'attente du terrain et constitue un vrai motif d'espoir. Mais c'est aussi l'expression d'un acte courageux et volontariste de la part du Gouvernement.

Tel qu'il nous est transmis par l'Assemblée nationale, le projet de loi répond à notre attente : il s'inscrit dans le cadre des engagements du Gouvernement, qui avait annoncé une harmonisation des lois Voynet, Chevènement et Gayssot au cours de l'année 2003.

Je tiens à cet égard à souligner l'heureux présage qu'a constitué la diffusion de la circulaire du 21 janvier 2003, qui précise de façon fort utile le cadre dans lequel le Gouvernement entend voir appliquer la loi SRU.

Vous avez d'ailleurs annoncé, monsieur le ministre, devant la commission des affaires économiques, que vous donneriez de nouvelles directives après la publication du texte adopté par le Parlement pour en assurer - si je puis employer après vous cette expression - le « service après-vente ».

De telles directives faisaient défaut jusqu'alors et on ne saurait raisonnablement critiquer les services de l'Etat, alors qu'ils n'avaient pas reçu des instructions suffisamment claires et précises.

Nous savons tous que la nature a horreur du vide et que, lorsque les responsables politiques ne remplissent pas leur rôle, l'administration se fait un devoir et une joie de se substituer à eux !

Permettez-moi, mes chers collègues, de vous présenter maintenant les observations et les propositions de la commission des affaires économiques.

Le texte qui nous est transmis, et dont vous nous avez exposé, monsieur le ministre, l'économie générale, nous apparaît comme le résultat d'un arbitrage équilibré et raisonnable.

Il découle de la volonté d'éviter tout bouleversement malvenu tout en satisfaisant aux légitimes demandes des élus locaux, qui, il faut bien le reconnaître, ont été désorientés - et c'est un euphémisme - par certaines dispositions de la loi SRU.

En ce qui concerne l'urbanisme, la commission des affaires économiques et son rapporteur se réjouissent que deux des propositions qu'ils ont récemment formulées, les 12 et 13 novembre dernier, aient été reprises par voie d'amendement à l'Assemblée nationale, à savoir la faculté de fixer une taille minimale des terrains constructibles - article 2 bis -, mais aussi l'établissement d'un régime de division des parcelles - article 2 ter.

La commission vous propose en outre, d'une part, de rendre les dépenses d'élaboration, de révision ou de modification des documents d'urbanisme éligibles au fonds de compensation pour la TVA, le FCTVA, et, d'autre part, de clarifier le régime d'opposabilité du plan d'aménagement et de développement durable, le PADD, et celui de ce qu'elle vous propose d'appeler les « orientations d'aménagement », qui constituent des sortes de loupes à l'intérieur du PADD.

Elle vous propose par ailleurs d'améliorer, à l'article 6, le régime de la participation pour voirie et réseaux, les PVR, et de prévoir que des délibérations prises afin d'instituer une participation pour le financement des voies nouvelles et réseaux, les PVNR, emporteront automatiquement la création de la PVR.

Elle vous proposera d'insérer dans le texte plusieurs articles additionnels pour permettre le versement de subventions par les collectivités locales dans le cadre d'opérations publiques d'aménagement, pour que le préfet dispose d'un délai de deux mois pour se prononcer explicitement sur l'approbation des cartes communales, pour que le transfert de compétences en matière de délivrance des permis de construire par les communes ayant institué une carte communale ne puisse résulter que d'une décision explicite du conseil municipal, enfin, pour clarifier le régime d'élaboration des PLU par un établissement public de coopération intercommunale.

Elle vous demandera également de parfaire le régime du raccordement des particuliers aux réseaux électriques.

La commission des affaires économiques vous proposera enfin de supprimer l'article 5 bis relatif à la mise en oeuvre d'opérations de rénovation ou de réhabilitation aux abords des aéroports. Sur ce point, il convient de faire primer l'intérêt général, la sécurité et le bien-être des habitants sur les intérêts particuliers.

M. Daniel Goulet. Très bien !

M. Dominique Braye, rapporteur. Permettez-moi de me réjouir du travail effectué en commun avec notre collègue Pierre Jarlier, rapporteur pour avis de la commission des lois. Il a donné lieu à plusieurs amendements conjoints des deux commissions, amendements que nous soumettrons ensemble à votre approbation, mes chers collègues.

Je souhaite également remercier notre collègue Charles Guené, rapporteur des titres II, III et V du présent projet de loi, avec qui nous avons eu de fructueux échanges, mais aussi, naturellement, le président de la commission, Gérard Larcher, toujours à l'écoute de nos préoccupations et toujours prêt à apporter son aide brillante et efficace aux rapporteurs.

Soyez assurés, monsieur le ministre, mes chers collègues, que nous abordons la discussion de ce texte dans un esprit constructif, ouvert aux suggestions de tous nos collègues, de la majorité comme de l'opposition.

M. Jean-Yves Mano. Comme toujours ! (Sourires.)

M. Dominique Braye, rapporteur. Nous sommes dépourvus, soyez-en sûrs, de tout esprit de revanche vis-à-vis des auteurs de la loi SRU.

M. Gérard Larcher, président de la commission des affaires économiques et du Plan. Bien sûr !

M. Dominique Braye, rapporteur. Nous sommes animés, mon cher collègue Jean-Yves Mano, par le seul souci de faire primer la lisibilité de la loi et la clarté de son dispositif sur toute préoccupation partisane. (Sourires sur les travées socialistes.)

M. Charles Revet. Souci constructif !

M. Dominique Braye, rapporteur. Je manquerais toutefois à mon devoir en omettant de faire part d'une préoccupation constante de très nombreux élus locaux : il existe sur le terrain, personne ici ne l'ignore, une aspiration très forte à la modification des dispositions relatives au logement locatif social.

La situation actuelle n'est pas satisfaisante. Les élus locaux concernés se sont sentis agressés et humiliés par le dispositif de l'article 55, qui consistait à changer les règles du jeu en cours et à les sanctionner a priori. (Protestations sur les travées socialistes.)

Alors que, pour de nombreux maires, cette question du logement social était déjà prise en compte ou arrivait à maturité, cette démarche les a choqués et blessés, cassant ainsi une dynamique qui commençait à s'instaurer. (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)

M. Jacques Blanc. Il a raison !

M. Dominique Braye, rapporteur. C'est ainsi, mes chers collègues, que, à la suite du vote de cet article 55, le nombre de mises en chantier de logements locatifs sociaux - et c'est cela seul qui doit nous intéresser - n'a cessé de décroître,...

M. Gérard Larcher, président de la commission des affaires économiques et du Plan. C'est paradoxal, mais c'est ainsi !

M. Dominique Braye, rapporteur. ... ce qui est contraire à l'objectif visé par la loi SRU, auquel je souscris pleinement comme chacun d'entre nous.

M. Jean-Pierre Sueur. On partage l'esprit de la loi, à condition qu'elle ne s'applique pas ! (Sourires.)

M. Dominique Braye, rapporteur. Il serait d'ailleurs intéressant - je dirais même « édifiant » - pour la représentation nationale que vous nous communiquiez, monsieur le ministre, les chiffres précis relatifs aux constructions lancées ces deux dernières années.

Vous nous avez précisé que le Gouvernement préparait pour l'automne prochain un projet de loi visant à réformer ce dispositif. Je rappelle que, récemment, j'ai déposé avec mes collègues Gérard Larcher, Charles Revet, Jean François-Poncet, Georges Gruillot et Michel Mercier une proposition de loi, dont j'ai été le rapporteur, visant notamment à réviser cet article 55 pour faire des élus locaux de véritables partenaires de la politique du logement social.

En effet, monsieur le ministre, si l'Etat continuait à imposer ses vues sans tenir compte des réalités du terrain et de l'avis des élus locaux, ce dossier très sensible et urgent ne pourrait que se dégrader posant ainsi des problèmes de plus en plus insolubles aux plus fragiles de nos concitoyens et aux plus modestes d'entre eux.

Monsieur le ministre, en conclusion de mon intervention sur ce titre Ier, je vous ferai simplement deux demandes.

Tout d'abord, écoutez et entendez la grogne des élus locaux sur ce point car, pour relever le défi du logement social, sur lequel butent tous les gouvernements depuis plusieurs décennies, il n'y a pas d'autre solution que de transformer tous les élus locaux en partenaires actifs de cette juste et légitime cause. (Applaudissements sur les travées de l'UMP).

Entendez aussi, monsieur le ministre, car c'est votre devoir, tous les partenaires non élus du logement social, tout en résistant aux sirènes utopistes qui, bien que ô combien généreuses, ne nous conduiront qu'à l'échec.

M. le Premier ministre nous a dit vouloir être dans tous les domaines jugé sur les résultats. C'est une saine et pragmatique vision des choses et, en ce qui concerne le logement social, nous savons tous combien l'évaluation des résultats est aisée et peut apparaître au grand jour.

Or nous sommes persuadés que si l'article 55 de la loi SRU n'est pas modifié la situation ne cessera de se dégrader ; les défenseurs du logement social devront se préparer alors à des lendemains qui déchantent !

Je serais donc heureux que vous nous confirmiez, monsieur le ministre, que les travaux préparatoires du futur projet de loi vont dans le sens de notre attente et que nous pourrons, dès le mois d'octobre prochain, discuter de ce texte très attendu.

La Haute Assemblée apportera dans cette discussion, comme elle en est coutumière, sa contribution avisée, pragmatique et soucieuse des réalités du terrain.

J'en viens à la réforme des « pays ». Celle-ci fait l'objet de trois articles additionnels adoptés par l'Assemblée nationale et qui constituent le titre V du projet de loi.

Il convient de rappeler que la loi du 25 juin 1999, dite loi Voynet, n'a pas eu l'effet souhaité par ses auteurs. C'est le moins que l'on puisse dire.

Un sénateur du groupe UMP. C'était une catastrophe !

M. Dominique Braye, rapporteur. Alors qu'à la date de promulgation de la loi Pasqua du 4 février 1995 on dénombrait une cinquantaine de « pays » expérimentaux, soixante-huit seulement étaient effectivement constitués au 1er février 2003.

Par ailleurs, les deux cents périmètres d'études en discussion représentent autant de pays en attente de l'autorisation d'exister et seuls douze contrats de pays ont été signés à ce jour.

La principale cause de cet insuccès tient à la lourdeur excessive de la procédure de création des pays posée par la loi Voynet, procédure qui comprenait trois étapes et multipliait à plaisir les obstacles de toutes sortes. Que l'on en juge !

Première étape : définition d'un périmètre d'études, sur proposition des communes et groupements de communes intéressés, par le préfet de région après avis conforme de la ou des conférences régionales pour l'aménagement et le développement du territoire concernées, les célèbres CRADT, avis de la ou des commissions départementales de la coopération intercommunale concernées, avis du ou des préfets de département concernés, enfin, avis du ou des préfets de région concernés.

Deuxième étape : élaboration d'une charte par les communes et leurs groupements en association avec les départements et les régions.

Troisième étape : définition d'un périmètre définitif par le préfet de région dans les formes et selon les procédures prévues pour le périmètre d'études. Il faut donc repartir de zéro.

Convenez que, si l'on avait voulu décourager les velléités des élus locaux de constituer leurs collectivités en pays, on ne s'y serait pas pris autrement qu'en inventant cette véritable usine à gaz juridico-administrative.

Le bon sens imposait donc de simplifier et d'assouplir ce dispositif, ce qu'a fait l'Assemblée nationale en adoptant des dispositions simples et souples.

Le rôle du préfet de région, dans ce cadre simplifié, se réduit au contrôle de légalité sur des propositions émanant des communes et des EPCI à fiscalité propre, sur le simple avis de la CDCI et du conseil régional, auquel nous proposerons d'ajouter l'avis du conseil général.

L'Assemblée nationale a également simplifié les dispositions relatives au « conseil de développement » en prévoyant seulement l'association de la « société civile » à l'élaboration du projet de pays, au sein d'un conseil de développement librement organisé.

Un autre dispositif a été allégé par nos collègues députés : la procédure de contractualisation.

La loi Voynet prévoyait en effet que, pour contracter avec l'Etat ou toute collectivité publique, le pays devait créer une autre structure juridique : un groupement d'intérêt public de développement local ou un syndicat mixte.

Si contractualisation il doit y avoir, ce sont désormais les communes ou groupements de communes à fiscalité propre existants qui contracteront directement. (MM. Jacques Blanc et Philippe François applaudissent.)

Ces collectivités auront en outre la possibilité de désigner un ou des « chefs de file » pour assurer la mise en oeuvre de leurs projets.

Pour l'essentiel, ces dispositions rétablissent la philosophie de la loi Pasqua, fondée sur la souplesse et la liberté locale.

M. Jacques Blanc. Très bien !

M. Dominique Braye, rapporteur. Ainsi, désormais, mes chers collègues, la vision défensive qui était celle de certains d'entre nous ne devrait plus avoir lieu d'être. Il ne s'agit plus de remplacer la démocratie élective par cette démocratie participative que certains, au cours des dernières années, ont semblé appeler de leurs voeux.

C'est sous l'impulsion des élus locaux que les projets de pays seront élaborés, le plus souvent dans le cadre d'une « charte », seule garante à mes yeux d'une vision à long terme pour les pays. Et je sais bien que, même si cette charte n'est pas obligatoire, beaucoup d'entre nous tiendront à en élaborer une.

Comme le souligne notre ancien collègue Paul Masson, qui préside aux destinées de l'Association pour la fondation des pays, un contrat de pays sans charte conduirait à une logique de guichet. J'en suis également convaincu.

J'insisterai, en outre, sur l'importance des pays pour l'organisation « mobilisante » de l'espace au regard de ce que j'appellerai l'« équilibre de la ruralité ».

Nous devons avoir cette donnée constamment présente à l'esprit alors que se multiplient les réflexions sur les contours de la politique de développement rural. Ce thème fera, vous le savez, l'objet d'un projet de loi qui nous sera prochainement présenté par M. Hervé Gaymard.

Les pays doivent être des espaces de projet, des espaces de liberté, et la souplesse doit présider à leur création comme à leur fonctionnement. Evitons donc l'excès d'encadrement législatif qui a cassé leur élan initial et qui portait en germe leur institutionnalisation en tant que nouvel échelon territorial, ce qu'ils n'ont pas vocation à être ni à devenir. (Appaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

Nous laisserons ainsi enfin vivre et prospérer librement les pays, qui avaient été imprudemment englués dans un carcan bureaucratique qui a failli leur être fatal.

M. Jacques Blanc. Bravo !

M. Dominique Braye, rapporteur. La commission des affaires économiques vous demandera donc, mes chers collègues, d'approuver cette réforme des pays, même si elle est prête à accepter certains amendements susceptibles d'améliorer le texte sans en modifier l'esprit. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Charles Guené, rapporteur.

M. Charles Guené, rapporteur de la commission des affaires économiques et du Plan. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les dispositions du titre II, plus techniques, concernent la sécurité des constructions. Elles visent notamment à renforcer la sécurité des usagers des ascenseurs.

Comme vous l'avez précisé, monsieur le ministre, le parc d'ascenseurs français est le plus important d'Europe. L'ascenseur est le mode de transport le plus utilisé en France dans la mesure où près de 60 millions de personnes le prennent tous les jours.

Toutefois, ce parc est vieillissant. La majorité des ascenseurs ont en effet plus de vingt ans, les plus anciens datant de la fin du xixe siècle, alors que la durée de vie d'un ascenseur est estimée à trente ou trente-cinq ans.

La modernisation de ce parc est donc devenue une nécessité eu égard à l'insatisfaction des usagers et aux nombreux accidents qui se produisent chaque année.

Les dispositions que vous nous proposez, monsieur le ministre, tendent, sur la base d'un travail réalisé en concertation entre les services du ministère et les acteurs du secteur, à renforcer la sécurité des usagers des ascenseurs.

Cette mise à niveau s'articule autour de trois axes principaux.

Tout d'abord, le projet de loi prévoit, pour le parc existant, de rendre obligatoire l'installation de dispositifs de sécurité, ces dispositifs correspondant à des risques identifiés par le groupe de travail. Ces travaux seront financés par les propriétaires et devront être mis en oeuvre dans des délais s'étalant entre cinq et quinze ans, en fonction de l'importance des risques.

Par ailleurs, il est proposé de rendre obligatoire l'entretien des ascenseurs. Pour ce faire, les propriétaires des appareils devront recourir à un prestataire de services, par la voie d'un contrat écrit.

Enfin, devra être réalisé de manière périodique, sur le modèle de ce qui existe pour les véhicules automobiles, un contrôle technique de chaque ascenseur. Ce contrôle devra être effectué par un expert indépendant et permettre de s'assurer que le fonctionnement de l'appareil est de nature à garantir la sécurité des usagers.

De manière plus générale, le projet de loi fixe les grands principes de mise en sécurité des ascenseurs, mais renvoie largement au décret le soin de définir les modalités d'application de ces dispositions.

Ce décret devra notamment préciser la nature des dispositifs de sécurité et les délais de mise en oeuvre qui seront impartis aux propriétaires, les modalités d'entretien des ascenseurs ou le contenu et la périodicité du contrôle technique.

Sur ce volet, l'Assemblée nationale a apporté un certain nombre de précisions, comme la possibilité de déléguer l'entretien de l'ascenseur à un prestataire de services ou le fait que le contrôle technique doive être confié à une personne qualifiée ou compétente dans ce domaine.

La commission des affaires économiques ne peut que se féliciter de ce plan d'ampleur visant à la remise à niveau du parc d'ascenseurs. Elle s'est néanmoins interrogée sur plusieurs points.

Sa première interrogation porte sur le financement des mesures de mise en sécurité. En effet, le coût des travaux, estimé à environ 4 milliards d'euros, sera à la charge des propriétaires. Même si cette estimation inclut des travaux qui ont déjà été décidés et que la dépense supplémentaire sera étalée sur quinze ans, il paraît nécessaire d'aider financièrement les propriétaires à réaliser ces travaux.

En effet, ces derniers sont déjà sollicités à plus d'un titre, notamment avec les mesures relatives au plomb ou à l'amiante. Même si les propriétaires privés bénéficient de la TVA à taux réduit pour réaliser les travaux prévus par le présent projet de loi, il apparaît aujourd'hui que la pérennité de cette mesure n'est pas assurée.

Dans le cas où cette mesure ne serait pas reconduite, le Gouvernement compte-t-il mettre en oeuvre un dispositif de substitution ? A défaut, la loi serait difficilement applicable, notamment dans les copropriétés dégradées.

Par ailleurs, ces dispositions vont impliquer un important surcroît d'activité pour les entreprises chargées de la maintenance des appareils et pour les fabricants. Or les personnels qualifiés risquent d'être en nombre insuffisant pour satisfaire les besoins qui vont en découler. Quelles sont les actions que le Gouvernement, notamment le ministère de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche, compte mettre en oeuvre pour accroître le nombre des personnes qualifiées en ce domaine ?

Enfin, la commission s'est interrogée sur le sens et sur le contenu juridique de la notion de « délégation de l'entretien de l'ascenseur ». Cette notion lui a tout d'abord paru redondante avec le fait de « confier » l'entretien. En outre, elle ne renvoie pas à une notion juridique clairement établie en droit civil.

Aussi la commission a-t-elle souhaité préciser, à tout le moins, que cette délégation ne concerne que la prestation d'entretien et qu'elle ne saurait, en aucun cas, modifier l'équilibre des responsabilités entre les propriétaires et les entreprises chargées de l'entretien.

En outre, la commission des affaires économiques a, au cours de ses travaux, adopté un certain nombre d'amendements.

Ainsi, il lui semble nécessaire de préciser dans la loi le contenu du contrôle technique en prévoyant qu'il portera sur l'état de fonctionnement de l'appareil et sur la sécurité des personnes.

Elle a souhaité également que les obligations des entreprises chargées de l'entretien, aux termes du contrat d'entretien, soient fixées par décret, tout comme la liste des dispositifs et des exigences de sécurité sur lesquels devra porter le contrôle technique.

Enfin, notre commission proposera qu'un bilan d'application de ces dispositions, dont il sera rendu compte au Parlement, soit réalisé tous les cinq ans, ce qui correspond aux diverses tranches d'obligation de travaux.

L'Assemblée nationale a introduit dans le projet de loi des dispositions relatives à la prévention des intoxications par monoxyde de carbone, comme vous l'avez indiqué, monsieur le ministre. La commission est, bien sûr, favorable à ces dispositions, mais elle proposera de les corriger légèrement.

Le projet de loi comporte, par ailleurs, dans ses titres III et IV, diverses dispositions, de nature technique pour la plupart, relatives au contrôle des fonds provenant de la participation des employeurs à l'effort de construction, ainsi qu'à la sortie des logements HLM du parc social quand ils deviennent la propriété de leurs occupants.

De la même manière, un article du projet de loi tend à donner une base légale à une convention signée entre l'UESL, l'Union d'économie sociale pour le logement, et l'Etat.

Je souhaiterais profiter de cette occasion pour dire un mot de l'Association foncière logement, créée par une convention du même type signée en décembre 2001 et consacrée par la loi de finances de 2002. Cette association, gérée de manière paritaire par les partenaires sociaux, sera appelée à jouer un rôle très important.

En effet, il est prévu qu'à terme l'Association foncière logement investisse plus d'un milliard d'euros par an en vue de la réalisation de près de 15 000 logements. Ces logements devront être réalisés dans les quartiers faisant l'objet de mesures de rénovation urbaine, pour 40 % des investissements, et dans les communes ne respectant pas le seuil des 20 % de logements sociaux prévus par l'article 55 de la loi SRU, la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains.

A plus long terme, les investissements réalisés par cette association devraient venir consolider les régimes de retraite complémentaire, soit par la vente des logements ainsi réalisés, soit grâce au produit de ces investissements.

Enfin, l'Assemblée nationale a introduit trois articles additionnels permettant aux organismes HLM d'intervenir pour le compte de l'Association foncière logement dans trois domaines : la vente d'immeubles à construire, la prestation de services et la gestion d'immeubles.

Sur ces deux titres du projet de loi, la commission des affaires économiques vous présentera quelques amendements rédactionnels ou de clarification.

Je ne saurais terminer sans remercier le président Gérard Larcher, mon collègue Dominique Braye et tous les membres de la commission des affaires économiques, ainsi, bien sûr, que M. Pierre Jarlier, rapporteur pour avis de la commission des lois : tous ont contribué, avec nos collaborateurs et les services du ministère, à rendre excellente l'ambiance de travail qui a présidé à la préparation de ce rapport. Cela me paraît augurer, monsieur le ministre, la mise au point, au cours de nos débats, d'un texte consensuel. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Pierre Jarlier, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes satisfaits des orientations de ce texte. En effet, si certaines des dispositions d'urbanisme de la loi SRU avaient fait, ici, l'objet d'un certain consensus dans la mesure où une nouvelle approche privilégiait la logique de projet par rapport à celle du foncier, en vue de favoriser un juste équilibre entre les différentes fonctions urbaines, péri-urbaines ou rurales, nous avions néanmoins affirmé la nécessité de donner un cadre plus décentralisé à ce texte, en faisant prévaloir l'incitation sur la contrainte, la contractualisation sur les mesures coercitives, bref, en faisant confiance aux collectivités et aux élus locaux.

C'est pourquoi, monsieur le ministre, les adaptations que vous nous proposez, telles qu'elles ont été amendées par l'Assemblée nationale, sont les bienvenues. Elles sont d'ailleurs très attendues par un grand nombre d'élus locaux, car elles permettront non seulement de procéder à de nécessaires clarifications mais aussi de débloquer de nombreuses situations grâce aux mesures d'assouplissement prévues.

La commission des lois, qui avait déjà été associée au débat sur la loi SRU, a décidé de se saisir pour avis des chapitres du présent texte qui ont trait à l'urbanisme et aux pays.

Je ne reviendrai ni sur leur contenu ni sur les amendements adoptés par l'Assemblée nationale. Je souhaite seulement expliciter l'esprit dans lequel s'inscrivent les quelque quarante amendements adoptés par la commission des lois.

Ces amendements répondent à quatre objectifs : premièrement, poursuivre la décentralisation en matière d'urbanisme, en renforçant le rôle des collectivités et en favorisant la concertation entre collectivités dans l'élaboration des documents de planification ; deuxièmement, faciliter l'évolution des documents d'urbanisme existants au cours de la période de transition entre les POS et les PLU, au regard des enjeux de développement des territoires ; troisièmement, adapter certaines règles d'urbanisme en zone de montagne afin d'assurer un juste équilibre entre la protection et le développement ; quatrièmement, enfin, sécuriser le fonctionnement des pays et, surtout, associer le département à leur définition.

Tout d'abord, l'urbanisme ne peut rester à l'écart de la nouvelle étape de la décentralisation, engagée avec la révision constitutionnelle qui sera bientôt soumise à l'approbation du Congrès.

L'urbanisme a en effet une importance capitale pour les collectivités territoriales, car celles-ci doivent être en mesure de prévoir l'aménagement de leur territoire et d'en maîtriser l'urbanisme ou la protection.

Les schémas de cohérence territoriale constituent des instruments essentiels au service de la planification et de la mise en cohérence des politiques d'aménagement et d'urbanisme des communes appartenant à un même bassin de vie.

Les élus ont un rôle majeur à jouer dans la mise en oeuvre de cette nouvelle démarche.

Aussi la commission des lois proposera-t-elle de renforcer le rôle des collectivités territoriales dans la définition des périmètres de ces schémas et de limiter celui des préfets à l'exercice d'un contrôle de légalité sur les choix librement effectués par les élus locaux.

De même, en approuvant les assouplissements apportés à la règle dite des « quinze kilomètres », car l'incitation est préférable à la contrainte, notre commission proposera de favoriser la concertation entre l'établissement public chargé d'un schéma de cohérence territoriale et les communes situées à sa périphérie lors de l'élaboration de leurs plans locaux d'urbanisme.

Les plans locaux d'urbanisme permettront aux communes de mener une véritable politique d'aménagement, sur la base d'un diagnostic préalable et d'un projet d'aménagement et de développement durable. Les plans d'occupation des sols souffraient en effet d'être cantonnés dans une logique strictement foncière, dont on a malheureusement trop souvent vu les limites.

Pour autant, il convient, là encore, de faciliter la tâche des communes et de renforcer leur rôle dans l'élaboration d'un document essentiel pour leur avenir, car il sera le support même du développement équilibré et harmonieux de leur territoire.

La commission des lois proposera, en premier lieu, de clarifier le contenu des plans locaux d'urbanisme en distinguant, comme le souhaite la commission des affaires économiques, les orientations générales d'aménagement et d'urbanisme de l'ensemble de la commune, définies dans le projet d'aménagement et de développement durable, et les orientations d'aménagement relatives à des quartiers ou secteurs de la commune - gages d'une démarche qualitative d'aménagement - qui seront, elles facultatives.

La commission des lois juge nécessaire, en deuxième lieu, d'associer davantage les communes membres d'un établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de plan local d'urbanisme à l'élaboration, à la modification et à la révision de ce document. Elle vous soumettra, à cet effet, mes chers collègues, un amendement s'inspirant d'une disposition adoptée par le Sénat sur l'initiative de M. Jean-Claude Gaudin lors de l'examen de la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains, qui n'avait malheureusement pas été retenue par l'Assemblée nationale.

Il convient, en troisième lieu, de supprimer l'obligation d'avoir prescrit une révision générale d'un plan, d'occupation des sols pour pouvoir procéder à sa révision simplifiée, afin de faciliter la gestion de l'urbanisme avant l'élaboration d'un plan local d'urbanisme.

De la même façon, un amendement permettant l'aboutissement des révisions d'urgence engagées avant l'adoption de ce texte vous sera proposé.

Pour ce qui est des cartes communales, elles ont acquis le statut d'un véritable document d'urbanisme. Aussi les communes ayant entrepris d'élaborer de tels documents doivent-elles disposer des instruments de maîtrise foncière pour faciliter la réalisation de leurs projets.

La commission des lois vous proposera, en conséquence, d'étendre le bénéfice du droit de préemption aux communes dotées d'une carte communale approuvée, pour faciliter la réalisation des équipements et des opérations d'aménagement qu'elle envisage.

L'exercice de ce droit sera toutefois encadré afin d'éviter toute utilisation abusive aux fins de règlement de conflits de voisinage.

Par ailleurs, si l'élaboration de ces documents d'urbanisme constitue bien un enjeu majeur de développement pour les collectivités, les communes, en particulier les plus petites d'entre elles, doivent bénéficier d'une aide financière de l'Etat afin d'élaborer des documents d'urbanisme de qualité.

Vous avez évoqué, monsieur le ministre, la parution prochaine d'un décret rendant l'élaboration des cartes communales éligible à la dotation générale de décentralisation. Sur ce point, auquel les élus sont très attentifs, pourriez-vous nous préciser quand il est envisagé de publier ce décret, car ce soutien financier est indispensable pour encourager l'établissement des cartes communales dans les petites communes ?

La commission des lois a enfin repris une disposition de la proposition de loi adoptée par le Sénat le 12 novembre 2002 sur l'initiative de nos collègues Daniel Goulet et Aymeri de Montesquiou. Elle vous proposera donc, mes chers collègues, comme la commission des affaires économiques, de permettre aux communes et aux établissements publics de coopération intercommunale d'inscrire en section d'investissement de leur budget les dépenses liées aux études des documents d'urbanisme, ces dépenses ouvrant droit aux attributions du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée.

Le deuxième objectif que s'est assigné la commission des lois consiste dans l'adaptation de certaines règles d'urbanisme en zone de montagne, afin d'assurer un juste équilibre entre protection et développement.

M. Jacques Blanc. Très bien !

M. Pierre Jarlier, rapporteur pour avis. Chacun sait combien les élus de la montagne sont attachés à cet objectif, compte tenu des nombreuses situations de blocage auxquelles ils sont confrontées.

Pour cela, nous nous appuyons sur certaines propositions issues de la mission commune d'information du Sénat...

M. Jacques Blanc. Très bien !

M. Pierre Jarlier, rapporteur pour avis. ... chargée de dresser le bilan de la politique de la montagne dont le président est notre collègue Jacques Blanc et le rapporteur Jean-Paul Amoudry.

La commission des lois a adopté cinq amendements qui permettront, tout en respectant l'esprit initial de la loi « montagne », de faciliter la restauration du patrimoine traditionnel montagnard et les constructions nouvelles - dans des conditions encadrées - dans les communes où il n'existe pas de pression foncière.

Les autres propositions de la mission d'information sénatoriale qui traitent en particulier des unités touristiques nouvelles, de la continuité de l'urbanisme, des lacs de montagne ou de l'adaptation des règles d'urbanisme à la réalité du terrain nécessitent encore une large concertation.

Elles font l'objet actuellement d'une réflexion approfondie au sein du Conseil national de la montagne.

Leur adoption serait sans doute prématurée aujourd'hui. Pour autant, leur intégration dans le prochain projet de loi relatif au développement rural se révèle vraiment indispensable pour adapter les textes en vigueur aux nouveaux enjeux à la fois de protection et de développement de l'espace montagnard, notamment en moyenne montagne, laquelle a beaucoup souffert d'une interprétation extrêmement restrictive de règles certes légitimes mais surtout conçues pour éviter le bétonnage sauvage des stations de sport d'hiver dans les années quatre-vingt. Nous comptons sur vous, monsieur le ministre, pour tenir compte de ces attentes fortes, qui conditionnent l'avenir des territoires de montagne.

La commission a donc adopté cinq amendements.

Elle vous proposera, en premier lieu, de préciser la notion de ruines afin de permettre la reconstruction des bâtiments abandonnés qui appartiennent pourtant à notre patrimoine et qui sont les témoins d'une culture locale. La définition de la notion de ruines est en effet difficile à cerner, et les interprétations qu'en fait la jurisprudence sont malheureusement divergentes et extrêmement restrictives.

En deuxième lieu, la commission juge également nécessaire d'étendre aux bâtiments d'estive le bénéfice des dispositions relatives aux chalets d'alpage.

En troisième lieu, il convient de permettre la réalisation de travaux sur des chalets d'alpage ou des bâtiments d'estive, même en l'absence de raccordement à la voirie ou aux réseaux d'eau et d'électricité, moyennant l'instauration d'une servitude administrative, publiée au bureau des hypothèques, interdisant l'utilisation du bâtiment l'hiver ou limitant son usage pour tenir compte de l'absence de réseau.

En quatrième lieu, la proposition formulée par la commission des lois consiste à prévoir que, dans les communes de montagne où la pression foncière est faible et où la population diminue, le conseil municipal et le préfet peuvent exceptionnellement autoriser des constructions ou des installations en dehors des parties actuellement urbanisées de la commune.

La loi du 13 décembre 2000 avait réglé cette question en zone rurale. En effet, dans les communes dont la population diminue, après délibération du conseil municipal et lorsque l'intérêt de la commune le justifie, une autorisation de construire aurait pu être délivrée en dehors des zones urbanisées. Malheureusement, cette disposition ne s'est pas appliquée en montagne parce que l'administration y oppose la loi « montagne », qui est beaucoup plus restrictive.

En cinquième lieu, enfin, il vous sera proposé d'autoriser la mise en place, par délibération du conseil municipal, d'un permis de démolir dans les communes dépourvues de document d'urbanisme, afin de lutter contre le démontage des chalets d'alpage ou des bâtiments d'estive qui met en péril la préservation du patrimoine montagnard.

Je terminerai mon propos, monsieur le ministre, en vous indiquant que la commission des lois souscrit pleinement à l'objectif de simplification des règles relatives à la création et au fonctionnement des pays. Les pays doivent, en effet, rester des espaces de projet fondés sur une coopération volontaire au sein d'un même bassin de vie, sans pour autant devenir un nouvel échelon de collectivité territoriale.

La commission des lois proposera, comme la commission des affaires économiques, de rétablir l'avis des conseils généraux sur le projet des pays et son périmètre. Les départements apportent une contribution essentielle au développement des bassins de vie et d'emploi que constituent les pays, il n'est donc pas souhaitable de les écarter de cette procédure.

La commission des lois vous demandera, enfin, mes chers collègues, d'encadrer la procédure de désignation d'une collectivité chef de file pour la mise en oeuvre de projets communs. Dans l'attente de l'adoption définitive du projet de loi constitutionnelle relatif à l'organisation décentralisée de la République, il convient, en effet, d'éviter tout risque d'inconstitutionnalité en tenant compte des observations formulées par le Conseil constitutionnel dans une décision du 26 janvier 1995.

Monsieur ministre, mes chers collègues, je souhaite remercier Dominique Braye et Charles Guené, ainsi que les présidents de la commission des affaires économiques et de la commission des lois, car notre excellente collaboration nous permet aujourd'hui de présenter des propositions qui sont, pour la plupart, communes.

Bien sûr, sous réserve de ce qui a été indiqué, la commission des lois émettra un avis favorable sur ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :

Groupe Union pour un mouvement populaire, 114 minutes ;

Groupe socialiste, 59 minutes ;

Groupe de l'Union centriste, 23 minutes ;

Groupe communiste républicain et citoyen, 20 minutes ;

Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 16 minutes.

Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe, 8 minutes.

Dans la discussion générale, la parole est à M. Gérard Delfau.

M. Gérard Delfau. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi avait au départ un objectif modeste puisqu'il s'intitule « diverses dispositions relatives à l'urbanisme, à l'habitat et à la construction ». Il ne s'attaque pas au coeur de la loi solidarité et renouvellement urbains, qui a fait l'objet de vives critiques de la part de la majorité actuelle. Il ne revient pas sur le fond des lois Chevènement et Voynet. Il assouplit de façon souvent justifiée, la législation concernant l'urbanisme ; il tente d'instaurer une cohérence entre les divers documents, PLU et SCOT ; il élargit la capacité d'intervention en la matière pour les petites communes, notamment en zone de montagne.

Au total, il s'agit davantage de retouches que d'une révision de la législation actuelle. Par ailleurs, ce texte inclut plusieurs articles relatifs à la sécurité dans les ascenseurs ; des drames récents en ont, en effet, rappelé l'urgence.

Enfin - c'est le thème qui retiendra tout particulièrement mon attention - l'Assemblée nationale a ajouté un important chapitre consacré à la notion de « pays », à son élaboration, à la portée de cette structure destinée à promouvoir un projet territorial, à son « emboîtage » dans l'ensemble des institutions décentralisées. Sur ce plan, il y a refonte et, pour une part, régression, même si je comprends les critiques que l'on a pu émettre à l'encontre de la loi Voynet, notamment sur la complexité de la procédure.

Il est vrai qu'il y a lieu de simplifier. Plus fondamentalement, il faut cesser de vouloir tenir la main des élus qui prennent des décisions. Il est irritant et contraire à l'autonomie des communes et des intercommunalités de donner au préfet un pouvoir de décision en matière de fixation d'un périmètre au sein duquel les acteurs d'un territoire décident de travailler ensemble à l'élaboration d'un projet de développement.

A la tête du réseau de développement local des comités de bassin d'emploi, entre 1990 et 2000, je n'ai cessé de défendre le contraire : hier le comité de bassin d'emplois le « pays » ne peut naître que d'une volonté collective des élus et acteurs de terrain. Il appartient au représentant de l'Etat de constater cette décision et de lui donner visibilité dans l'organisation de la République, non d'en juger l'opportunité et la légitimité !

M. Eric Doligé. Bravo !

M. Gérard Delfau. Quant aux commissions régionales d'aménagement du territoire et aux commissions départementales de coopération intercommunale, d'où tirent-elles une autorité pour dire à des élus, à des acteurs socio économiques - chefs d'entreprises, chambres consulaires ou syndicalistes - à des militants associatifs : « organisez-vous sur ce territoire-ci plutôt que sur celui-là » ?

De la même façon, je n'ai jamais approuvé l'obligation qui était faite à ces structures - d'après le texte de loi actuel - de se doter d'un syndicat mixte ou d'un groupement d'intérêt public de développement local pour mener à bien des projets. C'était aller - qu'on le veuille ou non - vers la création d'un nouvel échelon autonome d'organisation territoriale de la République, avec son administration propre. C'était prendre le risque de voir se multiplier les conflits et la concurrence entre les intercommunalités et le « pays » sur un territoire restreint. Quel gâchis financier pour le contribuable ! Quelle opacité pour le citoyen !

Vous proposez un allégement des procédures, un retour à la primauté de décision des élus sur celle de l'administration, et c'est bien ! Il faudrait pourtant préciser le rôle de la région et celui du conseil général dans la mise en place de ces structures. A ce propos, je dis encore à mes collègues : attention, ni tutelle ni désintérêt !

En revanche, il y a régression sur ce qui faisait autrefois l'originalité des comités de bassin d'emploi et à présent d'une certaine conception du « pays » : associer étroitement les acteurs socioéconomiques et associatifs au développement local dont les élus ont la charge au travers des collectivités territoriales.

La loi Voynet institutionnalisait un conseil de développement un peu rigide certes, mais qui avait l'avantage d'accompagner l'élaboration des projets, puis leur mise en oeuvre. Ce conseil de développement était une sorte de conseil économique et social local, habilité à épauler le travail des élus, à qui seuls incombaient la prise de décision et la gestion.

Mais une telle conception de la démocratie locale fait peur à nombre de nos collègues parlementaires. Ils n'admettent pas que, s'il est vrai que la démocratie représentative reste l'épine dorsale de la République, des formes de démocratie participative peuvent en prolonger les effets et en accroître le « rendement », si l'on me permet ce mot provocateur.

Le texte de loi voté par la majorité à l'Assemblée nationale a fait de ce conseil de développement une structure qui n'est même pas pérenne et dont la capacité à peser sur la politique locale est quasi nulle. Au mieux, ce conseil sera une commission consultative de plus, et non un acteur à part entière, subordonnée aux élus du suffrage universel. Ce geste de défiance sera durement ressenti par les chambres consulaires, par les chefs d'entreprise et les agriculteurs, par les représentants des syndicats de salariés et par les militants associatifs.

Non, les élus locaux ne peuvent seuls rassembler les énergies, faire aboutir des projets en matière de développement économique, de culture, d'urbanisme, etc. Ils ont besoin de prendre appui sur les forces vives d'un territoire pour lui donner toutes ses chances de développement.

Il est temps de revenir à un meilleur équilibre et j'espère que nous ferons tous preuve de sagesse. Mon vote, mes chers collègues, dépendra largement de l'orientation que prendront nos débats sur ce sujet. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Reiner.

M. Daniel Reiner. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, sur l'ensemble de ces bancs, chacun s'accorde, paraît-il, sur la philosophie de la loi SRU. C'est du moins ce que j'ai cru entendre dans les discussions que nous avons eues en commission, même si la proposition de loi qu'avait défendue M. le rapporteur à l'automne dernier, et dont la tonalité était tout autre, nous en avait fait douter.

Au regard de cette proposition, ce projet de loi, préparé et présenté par le Gouvernement, était plutôt sage : outre des mesures assez consensuelles sur la sécurité des ascenseurs et sur l'activité des organismes HLM, il avait pour objectif de lever diverses ambiguïtés ou difficultés d'application de la loi SRU du 13 décembre 2000.

Cela ne nous posait guère question du moment que l'esprit en était respecté. Mais, après l'examen de ce texte en première lecture par l'Assemblée nationale, nous reconnaissons moins le texte ! (Sourires.)

Dans la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, le dispositif législatif relatif à l'urbanisme, à la ville et à l'habitat restait largement inadapté aux trois grandes caractéristiques du monde urbain moderne : la dégradation de certaines parties du territoire urbain, l'étalement croissant des agglomérations et la très forte augmentation des déplacements individuels.

La loi SRU avait proposé une réponse à ces évolutions autour de trois objectifs simples et c'est ce qui en constitue son essence : renouveler et renforcer la cohérence de la planification urbaine, notamment au moyen des SCOT, des PLU et des cartes communales ; développer la mixité sociale dans l'habitat en réponse à des inégalités de plus en plus évidentes ; inscrire les transports dans le développement durable, objectif qui a été atteint avec la régionalisation des TER.

Certes, l'application de la loi a connu des difficultés et des soucis d'interprétation. Mais seule la mise en pratique des lois sur le terrain permet de déterminer les ajustements qui s'imposent.

J'ai moi-même animé, parfois avec les représentants de la direction départementale de l'équipement, la DDE, auprès des maires de mon département, de nombreuses réunions d'explication de la loi SRU et j'ai bien entendu les remarques des uns et des autres. Nous ne sommes donc pas naturellement opposés à l'idée d'apporter précisions et simplifications utiles pour lever les ambiguïtés d'interprétation, qui étaient parfois restrictives.

Mais l'examen en première lecture à l'Assemblée nationale du projet de loi a remis en cause l'esprit de cette loi bien au-delà du cadre fixé par le projet initial. Je citerai notamment : la réduction du nombre de communes concernées par les SCOT ; l'introduction de surfaces minimales de construction limitant ainsi les possibilités d'améliorer la densification urbaine - vieux sujet, entre nous -, les menaces toujours latentes sur la mise en oeuvre de la mixité sociale, en dépit des discours rassurants sur la pérennité de l'article 55 ; et, enfin, ce que je considère comme un cavalier législatif, un titre V, ajouté au détour d'un amendement, qui vide les pays de l'essentiel de leur substance et qui a peu de rapport avec le présent projet de loi relatif à l'urbanisme, à l'habitat et à la construction.

Pourquoi cette précipitation ? Est-on, monsieur le ministre, en phase avec les discours du Gouvernement qui no us annoncent l'examen par le Parlement de nouvelles lois de décentralisation au printemps 2003, puis des lois de mise en cohérence des lois Voynet, Chevènement, SRU et démocratie de proximité à l'automne 2004 ?

En ce qui concerne les pays, il ne s'agit pas de simplification mais de démantèlement. Et ce démantèlement ne manquera pas d'être apprécié par les deux cent soixante-quinze territoires qui ont fait l'effort de s'organiser et qui sont dans l'expectative, dans l'attente des résultats de nos débats.

La plupart de ces territoires sont d'ailleurs animés par des élus de toutes tendances, y compris de l'actuelle majorité qui, en praticiens du développement local, ont utilisé au mieux les outils qui leurs étaient offerts par la loi Voynet. L'assemblée des communautés de France s'est récemment fait l'écho de leur désarroi.

En complément des prochaines interventions de mes collègues Jean-Yves Mano, Jean-Marc Pastor et Jean-Pierre Sueur, je concentrerai mon intervention sur les aspects du projet de loi liés à l'aménagement du territoire et à la solidarité villes-campagnes, à savoir les schémas de cohérence territoriale et aux pays.

Tout d'abord, je tiens à rappeler que les schémas de cohérence territoriale, les SCOT, constituent à notre sens une des principales avancées de la loi Gayssot.

Remplaçant annoncé du schéma directeur, devenu inadapté au fil du temps aux enjeux actuels, le SCOT en conserve le caractère prospectif, mais adopte une approche novatrice en devenant un outil de planification et d'orientation. Elaboré pour dix ans, il ne définit plus la destination générale des sols, laquelle incombe aux plans locaux d'urbanisme, les PLU, mais doit proposer une vision de l'agglomération à moyen terme.

Ce document assure la cohérence des politiques en matière d'urbanisme, d'habitat, de déplacements et d'équipements commerciaux. Il a donc une échelle globale, indispensable pour appréhender aujourd'hui le formidable développement et la complexité de nos agglomérations. La politique des élus qui l'élaborent est déclinée dans un projet d'aménagement et de développement durable.

De plus, et c'est là une de ses caractéristiques, le SCOT est un outil visant à développer la solidarité entre villes-centres, communes périurbaines et territoires ruraux situés dans la sphère d'influence de l'agglomération. C'est pourquoi la fameuse règle des quinze kilomètres, ou règle de constructibilité, a été édictée.

Beaucoup d'informations erronées ou contradictoires sur les SCOT ont circulé sur le terrain auprès des maires, notamment au sujet de cette règle des quinze kilomètres.

A plusieurs reprises, dans nos contacts avec les élus, il a fallu rappeler certains points fondamentaux : le SCOT n'est pas obligatoire ; il existe des possibilités de dérogation à la règle de constructibilité limitée ; la loi, en zone urbaine, n'impose aucune restriction à la délivrance des permis de construire, enfin, la règle des quinze kilomètres ne concerne que les communes dotées d'un plan d'occupation des sols ou d'un plan local d'urbanisme approuvé. De nombreuses communes rurales ne sont donc pas concernées.

A ce titre, je souligne, monsieur le ministre, la qualité de votre circulaire du 21 janvier qui reprend et clarifie ces différents points. C'est, comme j'ai eu l'occasion de vous le dire en commission, une excellente circulaire d'application d'une excellente loi.

Toutefois, au vu de l'accueil des dispositions relatives au SCOT sur le terrain, le Gouvernement a souhaité assouplir le dispositif en matière de constructibilité, considérant qu'il avait bloqué des projets d'urbanisme prévus depuis longtemps et pouvait amener les élus à élaborer des SCOT dans une certaine précipitation, dommageable à la qualité de la réflexion prospective.

C'est un argument que nous pouvons recevoir et nous pouvons ainsi admettre un aménagement du pouvoir de dérogation du préfet et la levée du gel des zones d'urbanisation futures dans le domaine de l'habitat délimitées avant le 1er juillet 2002, soit dix ans de réserves foncières.

Dans le domaine des zones industrielles et commerciales, avouons que c'est plus discutable.

Mais l'Assemblée nationale a introduit dans le texte un amendement relevant de 15 000 à 50 000 habitants - j'ai même entendu dire que cela pourrait aller au-delà - le seuil des agglomérations concernées par la règle des quinze kilomètres. Or, mes chers collègues, il est du devoir du Sénat de ne pas perdre de vue l'esprit de la loi : pour 140 agglomérations de plus de 50 000 habitants concernées, 173 agglomérations de taille inférieure - mais comprenant plus de 15 000 habitants néanmoins - englobant plus de 8 000 communes, soit un gros quart du territoire, seraient ainsi écartées du dispositif. Et rien ne prouve, monsieur le ministre, en dépit de vos déclarations à l'Assemblée nationale et devant notre commission, que ces territoires s'engageront dans un SCOT s'ils n'y sont incités que par des aides financières.

Or de nombreux enjeux pèsent sur ces agglomérations : pression foncière, développement rapide des moyens de transport en commun, maîtrise des flux de véhicules, déboires paysagers - notamment les entrées de villes -, qualité de l'environnement : il faut les inciter à s'organiser.

Je ne fais que reprendre ici les arguments développés par notre excellent collègue Gérard Larcher, président de la commission des affaires économiques et du Plan, qui, dans un rapport de 1997, mettait déjà l'accent sur les espaces périurbains désignés comme lieux d'« ignorance mutuelle » entre population d'origine rurale ou urbaine. Il préconisait une relance vigoureuse des schémas directeurs, prédécesseurs des SCOT, en demandant qu'ils « prennent en compte globalement l'extension de la ville et son impact sur l'espace rural ». Il avait raison.

M. Dominique Braye, rapporteur. Tout à fait ! Mme Voynet n'était pas encore passée par là !

M. Daniel Reiner. Mes chers collègues, la France est désormais un pays au mode de vie urbain. C'est au nom de l'égalité des chances pour les territoires qu'il nous faut éviter de laisser faire un développement anarchique autour des villes moyennes,...

M. Gérard Delfau. Très bien !

M. Daniel Reiner. ... alors que les agglomérations de plus de 50 000 habitants tireraient seules les leçons du passé.

Dans certains départements fortement urbanisés, il est possible que le relèvement de ce seuil change assez peu de choses. Ce n'est pas le cas dans les départements plus ruraux - certains ne verraient plus de SCOT du tout - où les élus ne seraient plus incités à organiser les relations entre ville et campagne.

Il me semble que le dispositif SCOT a été suffisamment allégé dans le texte initial pour qu'il ne connaisse plus ou peu de difficultés d'application sur le terrain.

Conservons son esprit, incitons les territoires autour des villes moyennes et avec elles à penser intelligemment leur aménagement et leur développement pour les années à venir. Le groupe socialiste vous proposera en conséquence un amendement visant à retrouver le seuil de 15 000 habitants.

J'en viens maintenant au titre V, ajouté au projet de manière incidente. J'en veux pour preuve que mon propos s'adresse à vous, monsieur le ministre, plutôt qu'à votre collègue en charge de ces questions, mais, en fait, il concerne l'ensemble du Gouvernement.

Qu'il me soit permis, avant de m'expliquer, de rappeler brièvement que les pays sont issus non d'une loi, ni même de deux lois, mais d'une pratique de terrain depuis plus de vingt ans, celle du développement local.

M. Gérard Delfau. Très bien !

M. Daniel Reiner. Les lois sont venues couronner ce travail d'initative de terrain.

Un peu partout, dans les parties fragiles, rurales ou en reconversion de notre territoire, des énergies se sont mobilisées, d'abord timidement, puis se sont organisées autour de projets de territoire, de façon pragmatique, sous l'impulsion d'élus de toutes tendances qui ont su motiver et organiser les forces vives de leurs territoires. De nombreuses expériences de démocratie locale ont ainsi vu le jour. Plusieurs d'entre vous, mes chers collègues, ont participé à ce mouvement.

M. Gérard Delfau. Bien sûr !

M. Daniel Reiner. J'ai eu moi-même l'occasion dans mon département, en 1989, de créer une association de préfiguration d'un territoire qui est aujourd'hui un pays.

Progressivement, ce mouvement du développement local a su s'organiser pour porter son message : organisation des Etats généraux des pays en 1982, à Mâcon, création de l'Association nationale pour le développement local et les pays, relayée ensuite par l'Union nationale des acteurs du développement local, convention nationale des territoires en développement en 1997 à Carcassonne, etc.

De plus en plus, la nécessité de dépasser l'échelon intercommunal est apparue aux acteurs de terrain, pour travailler sur des projets plus transversaux : développement d'infrastructures, développement économique, problématiques d'emploi et de formation, environnement, tourisme,... au-delà des services de proximité mis en place par les EPCI. Il fallait penser le développement à une échelle plus vaste. C'est ce niveau territorial qui a été retenu dans les lois de 1995 et 1999.

Vous le voyez, mes chers collègues, ce n'est pas la loi qui a créé artificiellement les pays ; elle les a - enfin ! - reconnus et a tenté de leur fournir des bases communes d'organisation.

M. Gérard Delfau. Très bien !

M. Daniel Reiner. Aujourd'hui, les élus se sont emparés du dispositif : 275 périmètres d'étude, 61 périmètres définitifs, une accélération prévue de la signature des contrats de pays pour 2003 - une centaine selon la DATAR - et des formules parfois très innovantes d'organisation du territoire.

La participation des milieux économiques, sociaux et associatifs au développement du pays au sein du conseil de développement est une formule originale, issue de la tradition du développement local, qui distingue bien le pays d'un échelon administratif supplémentaire, ce que personne ne souhaite, s'il était encore besoin de le répéter.

Pour autant, nous ne méconnaissons pas les problèmes générés par la loi de 1999 et ses décrets d'application : complexité et longueur des procédures, coïncidence avec le développement de l'intercommunalité à fiscalité propre qui a pu créer des confusions dans l'esprit des élus, création de certains pays d'aubaine...

Je pense, pour ma part, que le territoire national n'a pas forcément vocation à être recouvert de pays. Ceux-ci doivent avant tout traduire la volonté de développement des acteurs locaux.

Je comprends donc que nous soyons amenés à rediscuter du dispositif mis en place après quelques années de pratique sur le terrain. Mais pas sous forme de cavalier législatif dans un projet de loi relatif à l'urbanisme, l'habitat et la construction !

En effet, s'il est bien un sujet qui mérite une discussion préalable - voire des consultations - avec les acteurs de terrain et les organismes qui les représentent, c'est bien le développement local. Nous nous trouvons là devant un terrible paradoxe.

L'Union nationale des acteurs du développement local a d'ailleurs adressé à l'ensemble des parlementaires un courrier relatif au projet de loi. Auparavant, l'assemblée des communautés de France, à laquelle participent plusieurs de nos collègues de toutes tendances, lors de sa rencontre des pays du 28 janvier dernier, avait adopté une motion très claire demandant que « le pays soit un lieu de mise en oeuvre privilégié des politiques et services publics » et « que la mobilisation de l'ensemble des acteurs du territoire, et notamment de ceux issus de la société civile, puisse être poursuivie dans le cadre des conseils de développement ».

Ils n'ont guère été entendus, si l'on se réfère au texte qui nous est présenté aujourd'hui.

En effet, le conseil de développement, après avoir failli être rendu facultatif, est réduit au rôle croupion d'associé à l'élaboration du projet de pays. Il pourrait être congédié ensuite. La leçon des événements du 21 avril semble ne pas avoir été comprise ! Il faut rapprocher, et vite, politiques et citoyens.

De plus, la notion de charte de pays, expression politique de la stratégie de développement des acteurs, disparaît au profit de la notion vague de « projet de pays », notion tellement vague qu'elle pourrait se résumer à un simple catalogue d'actions communales.

Enfin, la contractualisation n'est offerte qu'aux EPCI et aux communes. Le risque est grand de pratiquer une politique de guichet pour le compte des seules communes et de leurs groupements. Dans ces conditions, monsieur le ministre, le volet territorial des contrats de plan Etat-région - auquel nous sommes attachés - perd également une grande part de son sens, et le pays devient pour les collectivités un simple cadre permettant de bénéficier de financements complémentaires.

La nouvelle rédaction risque de briser un élan intelligent impulsé par les territoires, et notamment par des élus qui ont su associer les forces vives, à l'heure où - paradoxalement - le Gouvernement affiche une volonté décentralisatrice et a nécessairement besoin d'interlocuteurs efficaces et organisés sur le terrain.

En affaiblissant ainsi cette capacité d'organisation des territoires, la nouvelle version du texte amènerait à opposer les agglomérations, qui ont des moyens structurants, à un monde rural laissé à lui-même, au nom de la liberté des élus à ne rien faire si bon leur semble.

Mes chers collègues, notre assemblée ne peut se résoudre à confier aux seules grandes agglomérations la responsabilité de l'aménagement de l'ensemble du territoire.

Quelles seront nos propositions ? Elles se veulent constructives, et j'ai bien entendu que vous étiez prêt à les entendre, monsieur le ministre. Comme je l'ai dit, nous sommes conscients des difficultés d'application de la loi Voynet, et certains dispositifs du texte sont acceptables pour éviter les lourdeurs : suppression de l'avis de la CRADT, suppression de la distinction entre périmètre d'étude et périmètre définitif, par exemple, encore que...

Toutefois, trois points nous semblent essentiels, et nous proposerons des amendements en conséquence. Certains prendront une forme non contraignante afin de laisser le choix aux élus. Nous faisons le pari que les praticiens du développement local, sur l'ensemble de ces travées, s'en saisiront.

Le premier point est l'inscription dans la loi de la nécessité, pour le pays, d'élaborer une charte de développement, expression du projet politique du pays et pacte entre l'ensemble des acteurs ; le deuxième point est la libre organisation par les élus d'un conseil de développement, outil d'élaboration, mais aussi de suivi, de mise en oeuvre et d'évaluation de la charte, c'est-à-dire la garantie de sa pérennité.

M. Gérard Delfau. Tout à fait !

M. Daniel Reiner. Le troisième point est la possibilité - et non plus l'obligation - pour un syndicat mixte ou un GIP - car il en existe beaucoup - de signer le contrat de pays, pas seulement pour les communes et les intercommunalités. Nous détaillerons les raisons qui nous amènent à présenter ces amendements.

Ces propositions nous semblent à la fois tenir compte de la volonté de simplification de tous les élus locaux et de la nécessité de conserver l'intelligence d'un dispositif qui, je crois l'avoir démontré, puise - et ce depuis longtemps - ses fondements sur le terrain.

Mes chers collègues, en matière d'urbanisme et d'aménagement du territoire, le laisser-aller, même sous le couvert de la belle expression de « liberté des collectivités locales », n'a jamais produit que des inégalités et des gaspillages. Nous avons le devoir de corriger et d'éviter les erreurs du passé. C'est ce qu'attendent de nous, pour améliorer leur vie quotidienne, nos concitoyens, qu'ils vivent en ville ou à la campagne. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Darniche.

M. Philippe Darniche. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi dont nous débattons aujourd'hui et que nous allons amender puis voter au Sénat a fait l'objet d'un large débat technique en commission. Pour résumer, ce texte vise d'abord à poursuivre la décentralisation en matière d'urbanisme tout en corrigeant enfin le manque de pragmatisme et de « bon sens » du terrain d'une loi dite de « solidarité et de renouvellement urbains », inapplicable dans ses grandes lignes.

Mes chers collègues, jamais, de mémoire d'élu, une loi, celle de votre prédécesseur, monsieur le ministre, n'avait connu autant de difficultés d'application. C'est pourquoi, dès l'annonce en novembre dernier de l'initiative parlementaire de notre excellent collègue Dominique Braye, rapporteur de ce texte, j'ai cosigné ses amendements correctifs et je me félicite de voir aujourd'hui certaines dispositions concrètes reprises avec d'autant plus de force qu'elles prennent doublement en compte les attentes des élus locaux, d'une part, et les inquiétudes de nos concitoyens, d'autre part.

Je défendrai donc deux défis majeurs qui me sont tout particulièrement chers en matière d'urbanisme et d'habitat. Enfin, je conclurai à cette tribune par un rappel de ma position concernant le quota de 20 % de logements sociaux auquel, tout comme notre rapporteur, je n'adhère pas. Monsieur le ministre, je vous proposerai une solution alternative et plus pragmatique, favorisant également la nécessaire mixité sociale de l'habitat, à laquelle nous sommes tous ici attachés.

M. Jean-Yves Mano. Chez les autres !

M. Philippe Darniche. Monsieur le ministre, ma première remarque de soutien concerne le droit de l'urbanisme, que vous proposez de rénover aujourd'hui. Nous devons le rendre « urba-décentralisateur » pour les élus locaux que nous représentons.

Profondément conscient des défis à relever sur le terrain par une urbanisation longtemps mal maîtrisée, je rends hommage à votre initiative et soutiens votre détermination pour faire désormais passer notre droit de l'urbanisme d'une approche territoriale exclusivement foncière à une véritable « logique » territoriale. C'est en effet par une démarche dynamique, responsable et concertée que nous favoriserons durablement l'aménagement et la promotion de nos territoires.

Pour ce faire, je voterai les dispositions permettant, entre autres, aux communes et aux établissements publics de coopération intercommunale d'inscrire en section d'investissement de leur budget les dépenses entraînées par les études, l'élaboration, la modification et la révision de leurs documents d'urbanisme, ces dépenses ouvrant droit aux attributions du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée.

Par ailleurs, spécifier que la délimitation du périmètre des schémas de cohérence territoriale relève clairement de la compétence des communes et des établissements publics de coopération intercommunale, et non des préfets, m'apparaît comme une bonne avancée en matière de décentralisation de notre urbanisme. Il en va de même avec le rétablissement de l'avis des conseils généraux concernés sur le projet de « pays » et de délimitation de leur périmètre.

S'agissant de la règle dite « des quinze kilomètres », je l'accepte dès lors qu'elle ne s'applique qu'aux communes situées à moins de quinze kilomètres, soit du rivage de la mer, soit de la périphérie d'une agglomération de plus de 50 000 habitants, au lieu de 15 000 habitants auparavant. Toutefois, vous n'ignorez pas que de nombreux élus locaux auraient souhaité voir disparaître cette disposition. Votre proposition ne les satisfera qu'à moitié.

Enfin, je soutiens le dispositif proposé de régime des divisions parcellaires, qui accorde au maire la faculté de fixer une taille minimale de terrains constructibles.

Ma deuxième observation concerne les indispensables efforts de proximité et de démocratisation des procédures que vous engagez dans ce texte de loi. Toujours au service de nos concitoyens, les textes doivent être « urba-simplificateurs ».

Les modifications que vous apportez dans votre projet de loi dans le cadre de la nouvelle participation pour voirie et réseaux, la PVR, constitue une importante amélioration de l'ancienne participation pour voies nouvelles et réseaux, la PVNR, très défavorable aux petites communes. Il me semble toutefois utile d'améliorer les dispositions de ce texte : c'est la raison pour laquelle j'ai personnellement cosigné les amendements n°s 119 et 120 de notre collègue M. Arnaud, qui visent à éviter d'éventuels contentieux, d'une part, et à donner aux communes les moyens financiers et budgétaires leur permettant d'assumer enfin les travaux nécessaires à l'implantation de nouvelles constructions, d'autre part.

Mes chers collègues, il était urgent de réaffirmer, en milieu rural, la nécessaire et équitable répartition de la charge de ces travaux sur l'ensemble des propriétaires bénéficiaires des terrains rendus désormais constructibles par les travaux ainsi réalisés.

Proche des inquiétudes de nos concitoyens en matière d'habitat, mais surtout sensible à la douleur de familles endeuillées, je soutiendrai avec force les dispositions relatives à la sécurité des ascenseurs rendant désormais obligatoires la mise aux normes du parc ancien, l'entretien des ascenseurs et leur contrôle technique périodique.

Enfin, monsieur le ministre, je souhaite attirer votre attention sur un aspect de la loi SRU sur lequel votre texte reste muet : je veux parler de la règle des 20 % de logements sociaux, qui s'avère foncièrement inadaptée pour nombre de départements ruraux. En effet, uniquement centrée sur une pure logique - je devrais plutôt parler d'une « pure idéologie » - de densification urbaine des constructions, la règle des 20 % de logements sociaux de la loi SRU n'est pas bonne dans sa mise en application : règle uniforme, s'appliquant indifféremment à l'ensemble du territoire, de la plus grande cité urbaine aux communes de cinq mille habitants et plus des départements ruraux, elle ne prend pas en compte la diversité et la spécificité de nos territoires.

Comme nous tous ici, j'adhère, bien évidemment, aux efforts nécessaires de mixité sociale. Mais il me paraît essentiel d'analyser, département par département, le réel besoin en logements sociaux locatifs. Je prendrai l'exemple du département de la Vendée que je représente, et dont plus de 70 % des habitants sont propriétaires de leur habitation : la demande de logements locatifs est très perceptible pour les élus et pour les opérateurs locaux. En conséquence, je suggère que soit élaboré conjointement avec le président du conseil général et le préfet un véritable « plan départemental d'évaluation des besoins en logements », solution qui me paraît pragmatique. De plus, cette proposition entre totalement dans les objectifs de décentralisation souhaités par le Premier ministre. Elle concilierait décentralisation et déconcentration dans la décision et la préconisation.

En conclusion, je soutiendrai et voterai ce projet de loi dans sa globalité, en souhaitant fortement que les amendements concernant la nécessaire simplification de la participation pour voirie et réseaux, la PVR, reçoivent un avis favorable de votre part. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. Dominique Braye, rapporteur. Je demande la parole.

M. le président. La parole est à Dominique Braye, rapporteur.

M. Dominique Braye, rapporteur. Monsieur le président, je souhaite informer nos collègues que le titre V sera examiné par priorité, demain soir, à la reprise de la séance.

M. Gille de Robien, ministre. Je le confirme.

M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils.

Mme Marie-France Beaufils. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, un grand projet de loi portant sur les questions de l'habitat est annoncé. La politique de la ville est en passe d'être repensée par le ministère de M. Borloo. Et nous voici confrontés à la discussion d'un projet de loi qui s'apparente à un ensemble disparate de mesures sans lien trop évident entre elles.

Vous nous présentez, monsieur le ministre, des dispositions relatives au droit de l'urbanisme, venant adapter, selon vous, les mesures de trois textes de la précédente législature sur le sujet, c'est-à-dire la loi Voynet sur l'aménagement et le développement durable du territoire, la loi Chevènement relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale et la loi Gayssot relative à la solidarité et au renouvellement urbains, textes pour lesquels, si j'ai bien compris, vous nous proposerez prochainement des modifications. Pourquoi ne pas avoir attendu ces propositions ?

Il est vrai que les dramatiques accidents qui sont survenus dans le courant de l'année 2002 nécessitent une réponse sur les mesures à prendre pour assurer la sécurité du parc d'ascenseurs installés dans les immeubles d'habitation et les immeubles destinés aux activités économiques.

Ce projet de loi comporte également des dispositions relatives au fonctionnement des organismes collecteurs de la participation des entreprises à l'effort de construction dans un contexte marqué, notamment, par le regroupement d'un certain nombre d'entre eux.

Enfin, deux chapitres viennent compléter le projet de loi : l'un est relatif aux activités des organismes d'HLM en qualité de gestionnaires pour compte de tiers et l'autre concerne - c'est un retour sur le titre Ier, en quelque sorte - la question des pays en termes d'aménagement du territoire. On observera d'ailleurs que cet ultime titre du projet de loi - qualifié, à juste titre, de « cavalier » par M. Reiner - a été totalement introduit par voie d'amendements lors de la discussion à l'Assemblée nationale, ce qui souligne encore plus le caractère « ramasse-tout » du présent texte.

Une analyse superficielle du projet de loi pourrait nous conduire à en rejeter les éléments essentiels du fait, notamment, de ce caractère disparate. Mais les choses ne sont pas si simples.

En effet, on peut reconnaître au texte au moins une vertu : celle de tenter, autant que faire se peut, de répondre à certaines questions posées récemment. On pense évidemment au titre Ier du projet de loi qui, sous certains aspects, tend à proposer une solution aux difficultés nées de l'application conjointe des trois textes que vous prétendez remettre en cohérence.

Même si ces textes sont loin d'avoir fait l'unanimité dans cette assemblée, les apports au droit des collectivités locales dans le domaine de l'urbanisme, la volonté qu'ils expriment d'aménager notre territoire national en étant plus respectueux de notre environnement et la nécessaire solidarité entre les territoires qu'ils permettaient enfin de traiter, méritent que l'on cherche à améliorer leur efficacité plutôt qu'à les remettre en question.

Pour ma part, je m'attacherai donc, dans le cadre de cette intervention, à regarder d'un peu plus près les dispositions relatives au droit de l'urbanisme comprises dans le périmètre de ce projet de loi.

Je formulerai une première observation, assez fondamentale.

Nous avons débattu, le 12 novembre dernier, d'une proposition de loi portant modification de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, et concernant à la fois l'application du droit de l'urbanisme et, surtout, les dispositions relatives à la mise en oeuvre d'un objectif essentiel, celui de la mixité sociale.

Force est de constater que, quatre mois et demi plus tard, la partie de cette proposition de loi, que nous avions combattue, relative à l'article 55 de la loi SRU a quelque peu disparu, n'en déplaise à notre collègue rapporteur de la commission des affaires économiques, auteur de la proposition de loi.

Que l'on ne s'y trompe pas, ce fait n'est pas survenu de la seule volonté du ministère de ne pas remettre en cause l'équilibre trouvé dans le cadre de la loi SRU en matière de réalisation de logements sociaux. Sans l'avis unanime du Haut Comité pour le logement des personnes défavorisées, présidé par Xavier Emmanuelli, sans la mobilisation des associations de défense des sans-abri, de l'ensemble de ceux qui agissent pour le droit au logement, jamais ce Gouvernement n'aurait été amené à freiner l'enthousiasme de certains des membres de sa majorité à défaire, dans les délais les plus brefs, ce qui avait pu être construit durant la précédente législature. Et je crois avoir compris qu'au travers de quelques amendements nous allions revenir sur ce point.

Il me semble d'ailleurs que, lors du débat sur la proposition de loi de M. Braye, M. le ministre avait exprimé des réserves et s'en était remis à la sagesse de notre assemblée. Les parlementaires du groupe communiste républicain et citoyen prennent donc acte de cette évolution, qui justifie pleinement, a posteriori, la position qu'ils avaient pu exprimer à l'automne. Mais il est bien évident que cela ne règle pas tout à fait le problème.

Le combat, si l'on peut dire, n'est pas terminé, et nous pouvons penser que la fièvre qui avait pu animer certains à l'automne dernier trouve aujourd'hui de nouvelles formes permettant, de manière indirecte, de remettre encore en question les objectifs de solidarité et de renouvellement urbains qui figurent désormais dans notre droit.

Certaines des dispositions adoptées par l'Assemblée nationale posent en particulier problème de ce point de vue, et nous craignons qu'au motif de préserver l'intérêt paysager ou encore de respecter certaines contraintes de construction on ne finisse par remettre en cause tout programme concerté de réalisation de logements sociaux abordables pour les demandeurs, et même d'accessions sociales à la propriété, dont tout le monde considère pourtant qu'elle correspond bien à l'état d'esprit, et à l'attente de nos concitoyens.

M. Jean-Pierre Sueur. Absolument !

Mme Marie-France Beaufils. Même si l'on peut faire confiance à l'intelligence des élus locaux pour faire face aux défis du développement urbain, on peut aussi craindre que certaines mesures n'incitent de nouveau à la remise en question d'un véritable droit au logement, qui viendrait contredire un droit de l'urbanisme « adapté » aux attentes du temps.

Nous ne croyons pas à l'incompatibilité entre développement urbain raisonné, durable et équilibré et réponse adaptée à la demande sociale en matière de logement.

Nous sommes tous ici suffisamment instruits des dérives d'un aménagement urbain déséquilibré et ségrégatif pour savoir ce qu'il convient aujourd'hui de repenser, de ne plus faire, et quelles orientations on peut fixer pour répondre aux attentes de la population.

Nous ne pouvons d'ailleurs que regretter - ma collègue et amie Odette Terrade y reviendra tout à l'heure - qu'aucune disposition essentielle ne soit préconisée dans ce texte pour faire face à la demande sociale en matière de logement.

Cela se passe un peu comme si l'on avait oublié, un peu trop vite, que la question du développement urbain est non seulement un problème de densité des constructions - et la densité n'est pas nécessairement le fait d'ensembles de logements locatifs sociaux -, mais également un problème de droit à l'habitat, de droit à la ville pour les demandeurs de logement et leurs familles.

C'est d'ailleurs dans ce sens que nous nous sommes positionnés dans ce débat, ce qui revient à caractériser ce texte comme insuffisant de ce point de vue.

Ce projet de loi reste donc au milieu du gué s'agissant des débats ouverts aujourd'hui en matière de logement, d'habitat, de développement urbain. Il ne fait donc qu'effleurer les préoccupations réelles qui s'expriment dans le pays. Quel aménagement souhaitons-nous pour la France ? Quelle qualité de services sommes-nous prêts à mettre en place ? Quelle qualité de vie voulons-nous construire pour la population ? Autant de questions dont on sait bien qu'elles sous-tendent des choix de société.

Ou nous choisissons de poursuivre dans la voie d'une organisation territoriale regroupant les populations les plus modestes, les populations qui sont « piégées » dans des quartiers où la vie devient chaque jour plus difficile, ou nous travaillons à une conception d'aménagement permettant aux populations de vivre dans la diversité sur le territoire de chacune de nos communes. Nous aurons l'occasion d'y revenir lors de la discussion des articles.

Je citerai un seul exemple : la question du devenir de la participation des entreprises à l'effort de construction, la mal nommée 1 % - elle ne s'élève plus qu'à 0,35 %, me semble-t-il -, ne se pose pas uniquement en termes de contrôle et d'agrément administratifs, même si quelques faits plus ou moins récents ont montré la nécessité de ces mesures.

Elle se pose également en ce qui concerne les affectations du produit de la collecte et du retour de celle-ci, ces deux éléments constituant la base de la liquidité des fonds gérés par les comités interprofessionnels du logement, les CIL. Nous nous interrogeons, notamment, sur le devenir de structures telles que les foyers de travailleurs migrants ou encore sur l'implication des collecteurs dans la politique nationale de requalification urbaine.

En outre, qu'en est-il des droits dévolus aux salariés eux-mêmes pour connaître de l'affectation des sommes collectées au mieux des intérêts et des spécificités des demandeurs de logement ?

Ce projet de loi, outre son caractère assez disparate, laisse donc une impression d'inachevé.

Espérons que la discussion de ce texte par notre Haute Assemblée permettra de porter le débat à son juste niveau. C'est en tout cas dans ce sens que les parlementaires du groupe communiste républicain et citoyen interviendront. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Alduy.

M. Jean-Paul Alduy. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, force est d'admettre que la loi SRU était nourrie de bonnes intentions : promouvoir la mixité sociale, favoriser les transports collectifs et relancer la planification spatiale à grande échelle.

Malheureusement, sur le terrain, le résultat est insignifiant, voire négatif : la partie concernant le logement était trop normative, la partie relative au transport trop compliquée, et la partie ayant trait à la planification trop brutale. C'est sur ce dernier point que j'interviendrai, c'est-à-dire sur le titre Ier : « Dispositions relatives à l'urbanisme ».

Il nous faut aujourd'hui corriger dans l'urgence une loi votée dans l'urgence et ressentie sur le terrain comme une complication supplémentaire, source de nouveaux blocages, là où il fallait relancer la planification stratégique, là où il fallait simplifier pour dynamiser la réorganisation de l'urbanisation.

Les SCOT et leur règle brutale des quinze kilomètres ont introduit de nouveaux périmètres là où il y avait déjà les plans de déplacements urbains, les contrats de ville, les contrats de pays, les contrats d'agglomération, les prêts locatifs aidés, etc. Plus grave, ils ont suspendu toute nouvelle urbanisation à l'élaboration des nouveaux documents - SCOT et PLU - sans que la méthodologie d'élaboration ait été expérimentée, et encore moins maîtrisée.

Certes, on a repoussé de quelques mois, à plusieurs reprises, la date d'entrée en vigueur de la loi. On a prévu que les syndicats intercommunaux ou, en leur absence, les préfets pourraient octroyer des dérogations. Mais le constat est simple.

D'abord, les périmètres des SCOT sont encore à définir dans une large partie de la France, et les syndicats intercommunaux opérationnels ne sont que quelques dizaines.

Ensuite, l'élaboration et le contenu des PLU s'avèrent chaque jour plus complexes. Les PLU, qui ont désormais une fonction réglementaire et opérationnelle, se composent d'un nombre de documents plus importants et plus exigeants que les POS, notamment dans leur portée juridique, ce qui exige une plus grande cohérence dans leur établissement et dans leur justification.

Enfin, on découvre dès aujourd'hui, au bout de deux ans à peine, la pénurie foncière, faute d'avoir pu faire évoluer rapidement les POS et les PAZ des ZAC existants.

Force est donc de constater que cette loi aux intentions tout à fait louables - relancer l'effort de planification à long terme des territoires où se développent les villes - a été engagée dans la précipitation, sans pédagogie ni formation préalable des acteurs - élus, administrations municipales ou Etat - qui en assument sur le terrain la mise en oeuvre.

Personnellement, j'ai milité depuis plusieurs années pour une méthode simple : suspendre l'application de la loi SRU dans son ensemble pendant quatre ans durant lesquels les maires conduiraient en parallèle l'adaptation - modification et révision - des POS et des PAZ existants et l'élaboration de la nouvelle génération de documents d'urbanisme : SCOT et PLU.

Ainsi, sans remettre en cause l'économie générale de la loi SRU, sans anticiper sur les réformes de fond dont elle pourrait faire l'objet, on aurait permis aux maires, pendant quatre ans, de modifier ou de réviser les POS et les PAZ suivant les critères et les procédures qui étaient en vigueur avant la loi SRU et qui sont bien maîtrisés. Au-delà, et après ces quatre années mises à profit pour adapter les méthodes et former les techniciens et les élus, la loi SRU, éventuellement corrigée, se serait appliquée pleinement et naturellement.

Je comprends que le Gouvernement ait choisi une autre voie : celle qui consiste à d'abord repérer, à l'écoute des collectivités locales - notamment de leurs associations représentatives -, les principales difficultés pour proposer aujourd'hui des adaptations.

J'observe d'ailleurs avec satisfaction, monsieur le ministre, qu'une circulaire récente adressée aux préfets, donc aux DDE, ouvre la voie à une interprétation souple de la loi actuelle. On peut seulement s'étonner que le gouvernement précédent n'ait pas jugé nécessaire d'accompagner sa loi d'une telle circulaire : on aurait évité à bien des maires et à de nombreux préfets des déboires inutiles.

Le gouvernement précédent était sans doute tellement sûr de sa vérité, tellement bloqué dans sa vérité, qu'il n'a pas jugé utile de définir une période de transition souple et progressive. Nous devions tous, de Dunkerque à Perpignan - vous comprendrez le hasard ! (Sourires) -, sur le même moule, à la même heure, mettre au placard POS et PAZ pour parler la nouvelle langue universelle des PLU !

Monsieur le ministre, les maires de toutes sensibilités vous seront reconnaissants d'avoir agi vite en publiant cette circulaire visant à assouplir les pratiques administratives et à remettre de l'ordre dans les conditions d'application de la loi, et en déposant ce projet de loi tendant à corriger les erreurs flagrantes de la loi et des décrets d'application relatifs aux documents d'urbanisme. Encore faut-il bien analyser les modifications proposées et vérifier qu'effectivement elles simplifieront et dynamiseront les démarches de planification urbaine.

Beaucoup ayant déjà été dit, je limiterai mes remarques à quelques points qui pourront faire l'objet d'amendements.

Sur l'article 1er et la modification du seuil de population, qui passe de 15 000 habitants à 50 000 habitants, je sais qu'il y a débat, mais je considère que cela tient compte du fait qu'aujourd'hui la France ne dispose pas d'une ingénierie capable de faire face à la demande correspondante. Il faut donc agir par étapes et retenir, dans un premier temps, le seuil de 50 000 habitants, pour voir, dans trois ou quatre ans, s'il convient de reprendre le dispositif. Je signale tout de même que rien n'empêche dès aujourd'hui de réaliser des SCOT dans des agglomérations dont la population est inférieure à 50 000 habitants si une intercommunalité compétente le souhaite !

Sur l'article 2, je note avec satisfaction que le PADD voit son statut clarifié. Ce doit être un document de politique urbaine, qui définit les objectifs, la stratégie, les actions clefs, bref, le vrai support du débat local, mais en aucune manière ce ne peut être un document qui définit le droit des sols et ses prescriptions. Or, contrairement aux intentions du législateur et, d'ailleurs, à ce qui était préconisé dans le rapport du Sénat consacré à la modernisation du droit de l'urbanisme du 15 mars 2000, les auteurs des décrets d'application ont fait du PADD un document normatif, ce qui n'était pas sa vocation. On revient aujourd'hui à plus de bon sens.

Sur l'article 2 bis, je note, là encore avec satisfaction, que l'Assemblée nationale a souhaité rendre aux auteurs des PLU la faculté de fixer, pour des motifs bien déterminés, des règles relatives à la superficie minimale des terrains. Et voilà que l'on agite le chiffon rouge : cette disposition irait à l'encontre du principe de mixité sociale.

M. Jean-Yves Mano. C'est vrai !

M. Jean-Paul Alduy. Je trouve ce procès bien ridicule, car il porte sur des fractions marginales des espaces urbanisables, et la mixité sociale mérite un autre débat.

M. Dominique Braye, rapporteur. Très bien !

M. Jacques Blanc. Tout à fait !

M. Jean-Paul Alduy. En revanche, il faut des critères simples qui évitent les contentieux inutiles.

M. le président. Bien sûr !

M. Jean-Paul Alduy. L'article 4, lui aussi, va dans le bon sens en permettant que la modification soit la règle et la révision, l'exception. Cependant, cette réforme restera de portée limitée si les critères respectifs du champ d'application de ces procédures de modification et de révision restent les mêmes : il ne suffit pas d'inverser l'ordre des facteurs ou l'ordre des choses pour simplifier.

Ainsi, tel qu'il est rédigé, l'article 4 impose, dans les faits, une révision dès lors qu'il s'agira de réduire, même de façon minime, une zone rurale ou naturelle. Il faut, à mon avis, assouplir, raison pour laquelle je propose que, en l'absence de réduction grave des terres agricoles, la procédure de modification puisse être utilisée.

Cette disposition antérieurement applicable n'avait pas soulevé de difficultés.

M. José Balarello. Très bien !

M. Jean-Paul Alduy. Elle ne remet nullement en cause les intérêts agricoles, puisque la chambre d'agriculture peut toujours faire part de son avis sur une telle réduction, ainsi que le code rural le prévoit.

L'article 5, essentiel à mes yeux, permet aux POS de « poursuivre leur vie », à condition que les modifications ou révisions soient achevées avant le 1er janvier 2006. C'est une très bonne chose. J'avais proposé que la mesure soit étendue aux PAZ, et je constate qu'un amendement à l'Assemblée nationale est allé dans ce sens. Il me paraît néanmoins nécessaire d'en clarifier la rédaction car, dans la version actuelle, on sous-entend que les critères de la loi SRU s'appliquent, ce qui vide de son sens la mesure proposée.

Il faut permettre que les PAZ approuvés avant la loi SRU vivent leur vie suivant les mêmes critères applicables aux POS approuvés eux-mêmes avant la loi SRU. Je proposerai, monsieur le ministre, un certain nombre d'amendements visant à unifier le régime juridique applicable à ces deux catégories de document, dans un souci de cohérence et de simplification.

Enfin, monsieur le ministre, je souhaiterais, d'une part, que l'on clarifie aujourd'hui le régime juridique applicable aux plans de sauvegarde et de mise en valeur, les PSMV, rendus publics ou approuvés avant l'entrée en vigueur de la loi relative à la démocratie de proximité et, d'autre part, que l'on assouplisse les conditions d'évolution de ces documents. En effet, faute de publication des décrets d'application de la loi SRU sur ce sujet dans un délai d'un an après la publication de la loi relative à la démocratie de proximité - le délai vient à expiration dans quelques jours et les décrets n'ont toujours pas été publiés -, il est à craindre que les PSMV rendus publics ou approuvés ne soient aujourd'hui fragilisés. Je m'expliquerai sur ce point lors de l'examen d'un amendement sur la valeur juridique des PSMV.

Je souhaite également que l'on engage, pour ces plans de sauvegarde et de mise en valeur, la même démarche que pour les PLU, afin qu'ils puissent être adaptés, modifiés ou faire l'objet de révisions partielles. Il ne servirait à rien d'avoir assoupli les PLU si, par ailleurs, une glaciation quartenaire frappait les secteurs sauvegardés ! Je rappelle que l'on en dénombre une centaine en France, et ils représentent des parties sensibles de nos villes.

Mon intervention, monsieur le ministre, vous l'aurez compris, avait pour seul but de vous alerter sur certaines dispositions du titre Ier, mais aussi et surtout elle est pour moi l'occasion d'être ici l'interprète de nombreux maires qui n'ont pu mettre en oeuvre les projets pour lesquels ils ont été élus ou réélus en 2001, parce que les DDE leur ont dit que, sans SCOT et PLU, plus rien n'était valable ! (Sourires.)

M. Jacques Blanc. Eh oui !

M. Jean-Paul Alduy. Ils ont perdu deux ans, c'est-à-dire un tiers de leur mandat ! Pis, ils constatent aujourd'hui de vraies tensions sur le marché foncier, faute d'avoir pu réalimenter le stock des terrains urbanisables. Il était temps de donner des instructions, ce que vous avez fait, monsieur le ministre. Il était temps de corriger les rigidités excessives d'une loi dont nous partageons tous les objectifs, ce que vous faites aujourd'hui, monsieur le ministre.

M. Jacques Blanc. Très bien !

M. Philippe Darniche. Tout à fait !

M. Jean-Paul Alduy. Au moment où le Premier ministre, M. Jean-Pierre Raffarin, engage la France dans un vaste mouvement de décentralisation et de réforme de l'Etat, votre projet de loi apporte une pierre essentielle à l'édifice en rendant aux maires des outils juridiques adaptés à la conduite des projets urbains et en leur redonnant les moyens d'exercer leur première responsabilité, celle de définir et de maîtriser un développement durable pour nos cités.

Merci, monsieur le ministre, de libérer les maires ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Arnaud.

M. Philippe Arnaud. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, de ces « diverses dispositions relatives à l'urbanisme, à l'habitat et à la construction », je limiterai mes réflexions au volet relatif à l'urbanisme.

Je commencerai par vous remercier, monsieur le ministre, d'avoir tenu votre engagement de réformer la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite « loi SRU » : une telle réforme était nécessaire et urgente, car, lorsque nous avons voté cette loi, en l'an 2000, nous étions loin d'imaginer que son application susciterait autant de difficultés.

Aussi, dans cette discussion générale, j'insisterai, pour ma part, sur l'article 6 du projet de loi, qui a vocation à modifier l'article L. 332-11 du code de l'urbanisme, traitant de la très fameuse PVNR, ou participation pour voies nouvelles et réseaux, heureusement rebaptisée « PVR », ou participation pour voirie et réseaux.

Les objectifs de la PVNR instaurée par la loi SRU étaient pourtant louables et largement partagés : il s'agissait d'offrir aux communes, notamment aux communes rurales, des moyens nouveaux et élargis, plus fiables juridiquement, pour financer les extensions de réseaux ainsi que les voiries nécessaires au développement de leur urbanisme. Très bien ! Sauf que, dans la pratique, il en fut tout autrement : une circulaire - une simple circulaire, mes chers collègues - de juillet 2001 a fait opérer un virage à 180 degrés par rapport aux intentions du législateur et aux garanties apportées par le précédent gouvernement. En bref, l'administration prenait le pas sur le politique, et le politique ne bougeait pas ! Ce qui nous conduit à réécrire la loi, dans le détail et en mettant les points sur les « i », pour prévenir tout risque de nouvelle dérive.

Merci donc encore, monsieur le ministre, de cette initiative.

Lors de l'examen, le 12 novembre dernier, de la proposition de loi de notre collègue Dominique Braye portant modification de la loi SRU, j'étais intervenu sur ce sujet, rappelant les trois points de conflit clairement identifiés.

Le premier point de conflit avait trait à la définition des voies nouvelles ou voies préexistantes qui étaient assimilées à des voies nouvelles si elles avaient fait l'objet de travaux. Aucune précision n'était donnée quant à ces derniers. Ce point est éclairci grâce aux dispositions que vous proposez, monsieur le ministre.

Le deuxième point de conflit résidait dans le lien obligatoire entre voies et réseaux, avec cette conséquence que l'on ne pouvait instaurer la PVNR pour les seuls réseaux s'il n'y avait pas un minimum de travaux de voirie. Je vous pose la question, monsieur le ministre, qu'est-ce qu'un « minimum » ? Sur ce point, la porte était ouverte à toutes les interprétations, et cela avait pour effet pervers d'inciter les communes à réaliser des travaux inutiles uniquement pour pouvoir instaurer la PVNR. Ce problème, par votre proposition, est réglé.

Le troisième point de discorde et de conflit grave, qui subsiste, concerne la distorsion créée par la circulaire entre le périmètre servant d'assiette au calcul de la PVNR et son périmètre de recouvrement. En effet, une telle distorsion revient à mettre à la charge du budget des communes des sommes qu'elles ne supportaient pas antérieurement et qu'elles ne peuvent, dans bien des cas, tout simplement pas supporter, compte tenu de la faiblesse de leur budget. Ce problème n'est pas réglé, malgré les amendements adoptés en première lecture à l'Assemblée nationale.

Tout cela a conduit à paralyser l'urbanisme rural. Faut-il rappeler que, dans nombre de petites communes de France, la demande de constructions est limitée à une ou deux opérations tous les cinq ou dix ans ?

J'insiste, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour rappeler que l'urbanisme rural ne peut être appréhendé de la même manière que l'urbanisme urbain, et que la loi SRU traitait davantage de la problématique urbaine.

Le grand défaut de notre administration centrale, indépendamment de la qualité et de la compétence de nos hauts fonctionnaires, c'est de ne pas « faire dans la dentelle » ! Une règle pour tous et, si 80 % des problèmes sont réglés, tant pis pour les 20 % restants ! Mais quid quand ces 20 % restants représentent 90 % des communes rurales ? Cela ne mérite-t-il pas que l'on s'y arrête et que l'on mette toute son intelligence pour apporter une solution au problème ?

Je vous remercie, monsieur le ministre, d'avoir rappelé, dans votre intervention liminaire, que vous alliez offrir le maximum de liberté possible aux communes, avec une limite tout à fait compréhensible de la part du ministre que vous êtes, je veux parler de la sécurité juridique pour les communes. Mais, de grâce, que cette sécurité juridique ne soit pas prétexte à l'inertie.

Ce matin même, comme une provocation, mais ce n'en était pas une, j'ai été informé qu'un certificat d'urbanisme concernant un bâtiment ancien de ma commune avait été rejeté au prétexte que l'extension du réseau ne pouvait pas être prise dans le cadre de la PVNR et que le budget de ma commune ne pouvait pas en supporter le coût, et ce alors même que l'acquéreur de la maison avait demandé à financer lui-même les réseaux nécessaires à la mise en valeur du bâtiment.

La sécurité juridique était pourtant assurée, puisqu'un jugement du tribunal administratif de Poitiers avait fait droit à la demande d'un propriétaire, désireux, au nom de son intérêt particulier, d'assumer le coût des extensions de réseaux. Le tribunal administratif a indiqué qu'aucune disposition de la loi SRU insérée dans le code de l'urbanisme ne s'oppose à la prise en charge volontaire, par le propriétaire du terrain, du coût de tels travaux. Ce jugement, notifié le 28 mars 2002 au ministère, n'a pas été frappé d'appel.

Alors, soyons pragmatiques ! Que fait-on lorsqu'un bâtiment ancien, une vieille ferme, par exemple, élément constitutif du patrimoine rural souvent remarquable, est achetée en vue d'être restaurée ? Si le bâtiment doit être restauré, il faut du même coup qu'il soit raccordé aux réseaux d'eau et d'électricité : c'est un minimum !

Dans ces cas d'habitats anciens souvent isolés, complètement en dehors des zones urbanisées des communes rurales, les acquéreurs ont toujours pris en charge les raccordements aux réseaux publics d'eau ou d'électricité, parfois sur plusieurs centaines de mètres. C'est leur choix ! La PVNR, dans ces cas-là, n'est pas adaptée. Est-il raisonnable de rester passif et d'attendre, faute de solution financière, que le bâtiment ancien tombe en ruine au préjudice du bâtiment existant ?

Monsieur le ministre, ça gronde dans les campagnes et beaucoup de maires, d'abord découragés, se rebiffent. C'est en tout cas vrai en Charente. Quand vous ajoutez à cela d'autres mesures administratives - mesures qui, je tiens à le préciser, ne relèvent ni de votre responsabilité, monsieur le ministre, ni de votre ministère - comme l'arrêté du 13 décembre 2001 sur la nomenclature prévue à l'article 27 du code des marchés publics, on comprend ces réactions. Songez que cet arrêté impose à tous les acheteurs publics de mettre en oeuvre cette nomenclature, produit par produit, pour permettre d'apprécier s'ils atteignent les seuils de 90 000 euros ou de 200 000 euros par produit... On l'impose même aux communes dont le budget total de fonctionnement n'atteint pas 90 000 euros et est souvent bien en deçà !

M. Dominique Braye, rapporteur. C'est un peu loin de notre débat, mais c'est vrai !

M. Philippe Arnaud. C'est loin de notre débat, certes, mais cela montre qu'il faut mettre un terme à ces dérives.

Vous comprendrez donc que ces excès suscitent un sentiment de « ras-le-bol », quand ils ne sont pas une invitation - souvenons-nous du 21 avril 2002 ! - à exprimer ce ras-le-bol par des votes excessifs, aux extrêmes.

Monsieur le ministre, je vous demanderai, par voie d'amendement, de bien vouloir présenter, dans un an, un rapport au Parlement sur la mise en oeuvre du nouveau dispositif de la PVR, tout en sachant bien que cette affaire ne peut être la seule et constante préoccupation du Gouvernement et que, en conséquence, on ne révisera pas ce texte tous les ans ! C'est donc aujourd'hui le moment d'aller au fond des choses et, selon votre souhait - que nous partageons -, nous devons être pragmatiques et prouver notre réelle détermination à débloquer la situation par des mesures appropriées.

C'est pourquoi, avec mes collègues du groupe de l'Union centriste, nous vous apportons bien évidemment notre soutien dans votre démarche et dans votre volonté de régler les problèmes rencontrés sur le terrain. C'est d'ailleurs à cet effet que nous vous proposerons des amendements.

Au-delà de leur aspect technique, ces amendements, monsieur le ministre, sont politiques, car ils contribuent à recréer les liens de la compréhension nécessaire entre, d'une part, les élus locaux - plus responsables que jamais dans le cadre de la décentralisation - et, d'autre part, l'Etat, que vous avez, monsieur le ministre, avec le Gouvernement et votre administration, la charge de représenter.

C'est parce que je suis membre à part entière de la majorité gouvernementale avec mes collègues du groupe de l'Union centriste, c'est parce que, au-delà de l'amitié qui nous lie, nous soutenons votre action au sein du Gouvernement, que nous sommes aujourd'hui, au nom de nos mandants, exigeants. C'est le politique qui décide, parce que c'est lui qui est responsable. Alors, ensemble, agissons en responsables pragmatiques et attentifs. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.

M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, quel était l'état d'esprit des maires ruraux après la promulgation de la loi SRU, en décembre 2000 ? Beaucoup d'exaspération, d'inquiétude, d'incompréhension, voilà ce que ces maires ressentaient : leur bon sens était heurté. Ils avaient donc placé beaucoup d'espoir dans ce nouveau gouvernement.

Monsieur le ministre, vous avez pris vos fonctions avec une mission, pour nous, maires ruraux, essentielle : améliorer les dispositions actuelles de la loi SRU en matière d'urbanisme, dispositions qui ont vraiment posé de graves problèmes d'application dans les zones rurales.

Le texte que vous nous proposez aujourd'hui répond aux principales attentes de ces élus en matière d'urbanisme. Il est le fruit et l'exemple réussi d'une collaboration étroite entre le Parlement et vous-même, monsieur le ministre.

Nous avions sans relâche, et sans succès, attiré l'attention du gouvernement précédent sur des dispositions d'urbanisme inapplicables dans les zones rurales.

En juin 2001, mon collègue et ami Daniel Goulet avait déposé une proposition de loi sur la participation pour voies nouvelles et réseaux.

Le même mois, j'avais posé une question orale à votre prédécesseur. Elle n'avait donné lieu qu'à une réponse dilatoire et tout à fait insuffisante.

En novembre 2001, en tant que président de l'Association des maires du Gers, qui compte 463 communes, j'avais réuni les maires et recueilli leurs réactions : l'exaspération se mêlait à l'incompréhension face aux difficultés rencontrées dans l'application de la loi SRU.

L'arrivée de la nouvelle majorité nous a redonné de l'espoir.

Dès juin 2002, j'ai déposé avec Daniel Goulet une nouvelle proposition de loi. En novembre, nous avons présenté des amendements communs sur la proposition de loi de Dominique Braye. Nous avons également posé des questions écrites et nous avons travaillé en étroite concertation avec votre cabinet qui s'est montré parfaitement à l'écoute.

Ce n'était pas de l'acharnement de notre part, cela marquait notre volonté de permettre à nos villages de vivre et d'avoir un futur.

Le Sénat a pleinement joué son rôle avec réalisme et pragmatisme. Je suis heureux de constater que nos propositions pour l'essentiel ont été entendues et intégrées dans le projet de loi gouvernemental.

Les petites communes rurales, vous le savez, monsieur le ministre, ont des budgets modestes et connaissent des difficultés de trésorerie. Deux mesures viennent les rassurer, l'une déjà incluse dans votre texte, l'autre proposée par la commission des affaires économiques.

Il s'agit, premièrement, de la participation pour voies et réseaux dans la nouvelle version. C'était le sens de notre proposition de loi. Je suis heureux que l'article 6 de votre projet de loi mette fin au caractère cumulatif, en passant de « et » à « ou ». En supprimant le terme « nouvelle », vous donnez aussi une meilleure lisibilité et une meilleure compréhension à la loi. Par souci d'efficacité, le paiement de la contribution pour l'extension des voies et réseaux sera versé directement à la collectivité responsable, sans passer obligatoirement par l'intermédiaire de la commune.

Vous permettez également que la distance initiale de quatre-vingts mètres soit extensible, autorisant le conseil municipal à appliquer la PVR entre soixante et cent mètres. Nous prenons acte de cet assouplissement et du renforcement du rôle du conseil municipal.

Toutefois, nous avions proposé que la distance atteigne cent cinquante mètres en zone rurale. Certains élus souhaitent même laisser le conseil municipal décider entièrement de la distance à l'intérieur de laquelle la PVR est applicable. Cette proposition est tout à fait pertinente, car le maire et son conseil municipal sont les mieux placés pour évaluer la distance appropriée pour leur commune.

Monsieur le ministre, acceptez-vous qu'un bilan de cette disposition soit dressé dans un an, afin que la distance autorisée ne soit pas figée, et même laissée à l'entière appréciation du conseil municipal ?

M. Gilles de Robien, ministre. Très bien !

M. Aymeri de Montesquiou. Deuxièmement, il s'agit de l'inscription des dépenses consacrées à l'élaboration, à la révision ou à la modification des documents d'urbanisme au volet investissement du budget des communes.

Monsieur le ministre, vous avez pu constater que plusieurs collègues ont déposé un amendement en ce sens. Cette disposition a été heureusement reprise par la commission sous la forme d'un amendement tendant à insérer un article additionnel avant l'article 1er, et j'en remercie le rapporteur, Dominique Braye. La rédaction de la commission traduit l'espoir des communes rurales. Ce sera une excellente disposition, concrète et tout à fait novatrice pour les petites communes, qui pourront ainsi récupérer la TVA.

Monsieur le ministre, vous avez également su redonner du souffle aux petites communes limitrophes des agglomérations en acceptant d'assouplir la règle de constructibilité limitée en l'absence de schéma de cohérence territoriale, autrement dit le SCOT.

Je rappelle aux non-initiés - mais ils sont rares dans cette assemblée - que la règle dite des « quinze kilomètres » prévoyait que, en l'absence d'un SCOT, les zones naturelles et les zones d'urbanisation futures délimitées par les plans locaux d'urbanisme ne pouvaient pas être ouvertes à l'urbanisation. Comme vous l'avez rappelé dans votre discours, elle gelait des territoires en principe urbanisables dans des zones dépourvues de pression foncière ; elle stérilisait ainsi l'activité autour des villes en zone rurale.

En rendant la mesure applicable aux agglomérations de plus de 50 000 habitants, et non plus de 15 000 habitants, vous libérez totalement mon département, le Gers, de cette contrainte, et je vous en remercie.

Au-delà des dispositions législatives, qui vont dans le bon sens, il sera nécessaire que soient mises en oeuvre des mesures complémentaires.

Je pense tout d'abord à des dispositions réglementaires permettant, par exemple, de mieux encadrer les délais dont dispose l'administration pour rendre un certificat d'urbanisme, autorisant à constuire dès lors que deux bâtiments sont équipés en réseaux.

Je pense surtout à la nécessité d'une politique d'urbanisme menée en concertation avec les services publics, en particulier avec EDF. On ne peut raisonnablement envisager un développement harmonieux sans l'appui des services publics locaux.

Monsieur le ministre, bien qu'étant élu dans une grande ville, vous avez constaté les difficultés des maires ruraux, puisque votre département compte 783 communes, et vous montrez bien, aujourd'hui, que vous êtes à l'écoute de ces dernières. Les mesures que vous proposez vont dans le bon sens.

La rédaction du texte que vous présentez est tout à fait en accord avec la subsidiarité et la mise en oeuvre de la politique de décentralisation du Gouvernement, qui responsabilisent les élus.

Pour nous, élus ruraux, ce texte se traduit par une plus grande liberté des communes et nous nous en réjouissons. Membre du Rassemblement démocratique et social européen, je voterai donc votre texte avec conviction et satisfaction. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste et de l'UMP).

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Mano.

M. Jean-Yves Mano. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi portant diverses dispositions relatives à l'urbanisme, à l'habitat et à la construction a suscité de nombreux débats à l'Assemblée nationale et ici-même, en commission. Il fait suite, pour partie, à la proposition de loi de notre collègue, M. Braye, examinée en novembre dernier.

Tout en reconnaissant que la loi SRU était une bonne loi, vous avez, monsieur le ministre, compte tenu des interprétations parfois trop restrictives effectuées depuis un an dans certains départements, exprimé le souhait d'apporter des précisions indispensables au texte. Nous partageons cette volonté.

Ce texte aurait pu également intégrer les modifications de l'article 55 chères à notre collègue M. Braye, modifications que nous avons d'ailleurs combattues. A l'évidence, monsieur le ministre, vous avez fait des déçus, M. Braye et d'autres, si j'en crois les interventions diverses.

M. Dominique Braye, rapporteur. Ceux qui espéraient des logements sociaux !

M. Jean-Yves Mano. Monsieur Braye, soyez raisonnable sur ce sujet !

M. Dominique Braye, rapporteur. C'est important !

M. Jean-Yves Mano. Mais, selon des sources bien informées, il semble que les oracles élyséens aient conseillé aux députés et à vous-même, monsieur le ministre, de ne pas suivre cette voie.

C'est une première étape et elle est à nos yeux positive.

M. Gilles de Robien, ministre. Je n'ai pas besoin de l'Elysée pour suivre ma voie.

M. Jean-Yves Mano. Pour autant, sachez que nous resterons particulièrement vigilants à toute atteinte au principe de mixité sociale dans le projet de loi que vous nous proposerez au mois de septembre 2003 sur l'habitat.

En revanche, nous ne pouvons qu'être déçus par certaines évolutions du texte, notamment, monsieur le ministre, sur le thème que je viens d'évoquer, car vous donnez la possibilité aux maires d'imposer des surfaces foncières minimales pour construire sans commune mesure avec les normes habituellement contestées.

M. Dominique Braye, rapporteur. Arrêtez !

M. Jean-Yves Mano. Cette possibilité est donc la concrétisation des souhaits de M. Braye votés par le Sénat en novembre dernier.

M. Dominique Braye, rapporteur. Ce n'est pas à la hauteur du débat !

M. Jean-Yves Mano. Que vous le vouliez ou non, monsieur Braye, monsieur le ministre, c'est une atteinte à la mixité sociale, c'est une attaque sournoise aux principes qui fondent l'esprit de la loi SRU dans son volet logement et nous la condamnons.

M. Jean-Pierre Sueur. Exactement !

M. Jean-Yves Mano. Je constate également qu'en appliquant dorénavant la limite des quinze kilomètres pour les agglomérations de plus de 50 000 habitants, vous remettez en cause ses principaux fondements.

Disons-le tout net : cette modification de la loi SRU apportée sous forme d'amendements par les députés et validée par le Gouvernement est à nos yeux inacceptable.

Mes chers collègues, la loi SRU, dans son volet urbanisme, a pour ambition de préserver notre territoire des implantations anarchiques et d'organiser l'espace de façon rationnelle sans figer le développement de nos communes. C'est simplement l'application de la conception du développement durable.

M. le Président de la République, converti depuis peu à l'écologie, a fait de ce concept la trame de son intervention au sommet de la terre à Johannesburg...

Mme Nelly Olin. Ce n'est pas très respectueux, ce que vous venez de dire !

M. Jean-Pierre Sueur. M. Mano a quand même la liberté de s'exprimer !

Mme Nelly Olin. Le Président de la République n'a pas besoin de vous pour apprendre l'écologie !

M. Jean-Yves Mano. Madame, pour une fois, j'étais d'accord avec le Président de la République. Ecoutez-moi au lieu de réagir !

Mme Nelly Olin. Je vous ai écouté, mon cher collègue !

M. Jean-Yves Mano. Et si ce concept est essentiel lorsque l'on parle de la planète, il nous semble tout aussi primordial lorsqu'il s'agit d'organiser le développement de notre territoire.

La protection de la planète commence par la maîtrise de l'espace constructible dans l'environnement de nos 36 000 communes.

Si nous ajoutons l'attaque qui est faite au contrat de pays, vous comprendrez, monsieur le ministre, que nous ne pourrons pas voter favorablement pour le volet urbanisme du projet de loi que vous nous soumettez.

C'est pourquoi nous serons amenés à demander un scrutin public pour les autres dispositions contenues dans cette loi, notamment pour celles du titre II concernant la sécurité des ascenseurs.

Sur ce thème, de nombreux incidents et accidents graves provoqués par le non-fonctionnement des ascenseurs des immeubles du secteur privé ou gérés par des organismes d'HLM nécessitent une modification des obligations réglementaires en matière de sécurité.

Le texte qui nous est proposé prend en compte ces besoins de sécurité, et nous partageons le souhait ainsi manifesté. Toutefois, au-delà des intentions légitimes, il soulève malgré tout beaucoup de questions.

Il induit, dans sa rédaction actuelle, un déséquilibre dans les relations entre les propriétaires et les ascensoristes, ainsi que dans leurs obligations respectives.

En effet, la loi vise la responsabilité exclusive des propriétaires et met l'ensemble des obligations de mise en place des dispositifs de sécurité à leur charge. Cela peut remettre en cause, non seulement l'équilibre des relations contractuelles, mais également le partage des responsabilités entre propriétaires et employeurs, notamment pour la sécurité des agents de maintenance.

Une telle absence de partage se traduit par une charge financière importante pesant exclusivement sur les propriétaires et, par voie de conséquence, sur les locataires. Ce n'est ni logique ni équitable, car on peut penser que le volume d'affaires - travaux et maintenance - durablement garanti aux professionnels devrait leur permettre de prendre en charge la sécurité de leurs agents.

Par ailleurs, le projet de loi laisse au décret le soin de définir les obligations minimales des contrats de maintenance. Or certaines questions se posent au regard de la situation et des pratiques actuelles.

Il est en effet extrêmement difficile de changer de prestataire ou de choisir un prestataire qui ne soit pas une filiale de l'installateur.

Cette difficulté atteint une dimension caricaturale avec les dispositifs de télésurveillance, rigoureusement incompatibles d'un fabricant à l'autre, ce qui entraîne de facto l'impossibilité de dénoncer les contrats avec le prestataire de chaque copropriété.

Il conviendrait donc de prévoir une obligation de standardisation de nombreux éléments afin de créer les conditions d'une liberté contractuelle réciproque et de définir les obligations en fin de contrat.

Monsieur le ministre, cette loi est nécessaire mais ne doit pas être à sens unique. Le déséquilibre entre les clients et les prestataires serait nuisible à terme aux relations contractuelles et donc à la sécurité des usagers.

En outre, compte tenu du nombre extrêmement important de mises aux normes nécessaires, le secteur professionnel sera-t-il en mesure de fournir les techniciens qualifiés indispensables ?

M. Emmanuel Hamel. Il en manque !

M. Jean-Yves Mano. Ne serait-il pas utile d'envisager un partenariat avec l'éducation nationale, dans le cadre de la formation professionnelle, pour former les 12 500 techniciens nécessaires, et cela dans les cinq ans à venir ?

L'application de ce texte nécessite bien évidemment de nombreuses précisions qui apparaîtront dans les décrets. Sur ce sujet, monsieur le ministre, je voudrais vous traduire une forte inquiétude du monde HLM, inquiétude que je partage.

Dans le projet de décret qui commence à circuler apparaissent des notions stigmatisant les populations vivant en zone urbaine sensible. Les normes de maintenance envisagées et les prescriptions de sécurité sont variables en fonction du type d'usagers.

A mes yeux, seule la fréquence d'utilisation devrait être un critère déterminant des normes plus ou moins strictes, mais, en aucun cas, le fait de vivre dans telle ou telle catégorie d'immeubles.

Enfin, ces évolutions nécessaires pour garantir la sécurité des usagers ont un coût. S'il nous semble supportable pour les copropriétaires tel qu'il est évalué par les professionnels, ce n'est pas le cas pour les organismes de logements sociaux.

Vous ne pouvez pas faire croire, monsieur le ministre, que ces travaux pourront être financés sur l'enveloppe PALULOS, car votre budget ne le permet pas.

M. Jean-Pierre Sueur. Très bien ! C'est vrai !

M. Jean-Yves Mano. De plus, l'augmentation du contrat de maintenance se traduira par une hausse des charges pour les locataires et je pense, monsieur le ministre, que le temps est venu de reconsidérer le forfait charges inclus dans le calcul des aides personnalisées au logement.

Mme Odette Terrade. Tout à fait d'accord ! Absolument !

M. Jean-Yves Mano. Pour conclure, je souhaiterais rappeler que nous sommes favorables aux dispositions relatives à la participation des employeurs à l'effort de construction et vous dire que nous aurons le souci d'améliorer le projet de loi sur les aspects que j'ai évoqués dans mon intervention tout au long du débat qui va avoir lieu par l'apport d'amendements. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à Mme Odette Terrade.

Mme Odette Terrade. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ainsi que l'a souligné ma collègue et amie Marie-France Beaufils, ce projet de loi portant diverses dispositions relatives à l'urbanisme, à l'habitat et à la construction ne comprend pas de mesures significatives sur les questions du logement, questions pourtant essentielles aux yeux de nombre de nos concitoyens et qu'un quotidien national rappelle aujourd'hui à l'occasion des assises du logement en Ile-de-France.

La réalité de la demande sociale, de l'inadaptation de l'offre compte tenu des tensions existant sur le marché sont autant d'éléments rendant de notre point de vue indispensable la mise en oeuvre de mesures adaptées.

Je citerai quelques exemples. On a encore dû constater, en matière tant de construction neuve que de réhabilitation de logements sociaux, une insuffisance dans la consommation des crédits ouverts dans les lignes du ministère du logement.

Pour autant, certains objectifs essentiels ont été atteints de manière relativement satisfaisante, et je pense, entre autres, à la réalisation de logements sociaux dans le droit-fil des dispositions de l'article 55 de la loi SRU, relatif à la mixité sociale, ce qui montre d'ailleurs la pertinence de ce dispositif.

Mais nous ne pouvons nous satisfaire d'une situation où la demande sociale demeure forte, où de nombreux chantiers de réhabilitation ne sont pas encore ouverts, où de nombreuses familles continuent d'attendre de longues années avant de disposer d'un logement décent. Nous ne pouvons pas nous satisfaire non plus de voir chaque hiver augmenter le nombre des personnes sans abri, victimes entre autres de la précarité des conditions de vie et d'emploi.

M. Dominique Braye, rapporteur. Eh oui !

Mme Odette Terrade. Ainsi, pour la région d'Ile-de-France, à peine 32 000 logements ont été réalisés tandis que 315 000 demandeurs de logements sont recensés !

Or ce texte, malgré certaines intentions, ne prévoit aucune solution adaptée et réelle à ces situations dramatiques vécues douloureusement par un nombre sans cesse croissant de nos concitoyens.

Tout au plus nous invite-t-il à porter un regard sur la gestion des organismes collecteurs de la participation des entreprises à l'effort de construction, ce qui semble un objectif louable mais qui ne règle évidemment pas la question récurrente de l'affectation socialement juste du produit de la collecte et de son exploitation.

De même, il comporte certaines dispositions propres au secteur du logement HLM, mais qui ne modifient qu'à la marge - puisqu'il s'agit de la gestion pour le compte de tiers ou des opérations de vente de logements - les conditions générales de développement de l'activité de ces organismes qui sont d'une autre nature.

En effet, même si le projet de loi peut offrir une certaine forme de sécurité juridique à l'activité de gestion déléguée des organismes d'HLM, il ne règle rien des questions de formation des loyers, de surcharge fiscale, de financement direct des investissements des organismes concernés.

On nous explique que tout cela relèvera d'un autre projet de loi, de portée plus ambitieuse, consacré au problème de l'habitat de manière générale. Mais pourquoi ne pas avoir, dès ce projet de loi, posé une partie des questions que nous venons de rappeler et tenté d'y apporter une réponse ?

Nous ne pouvons examiner sans quelques préoccupations les dispositions relatives à la sécurité des constructions.

En effet, la mise en oeuvre d'une vaste et au demeurant nécessaire opération de remise aux normes de sécurité des ascenseurs va indubitablement poser des problèmes de financement.

Si les ascenseurs situés dans les immeubles à vocation industrielle, commerciale ou tertiaire bénéficient a priori du financement « naturel » que peut constituer, entre autres, la déductibilité de la TVA, la question se pose en d'autres termes pour ce qui concerne les immeubles d'habitation, qu'il s'agisse d'ensembles de logements sociaux ou de copropriétés.

On parle déjà d'un coût de 4 milliards d'euros. Voilà pour l'ensemble du parc d'ascenseurs. Solliciter, comme cela semble prévu, les crédits versés au titre des PALULOS ou les subventions de l'ANAH pour faire face au surcoût paraît quelque peu audacieux.

Quand on examine les lignes budgétaires ouvertes dans vos propres crédits sur les articles concernés, monsieur le ministre, on arrive à un total annuel en crédits de paiement inférieur à 900 millions d'euros. Voilà ce qui situe immédiatement le niveau des besoins conditionnés par la mise aux normes des cages d'ascenseur !

Il faudra bel et bien trouver une réponse adaptée, à la fois juridique, technique et financière, pour atteindre les objectifs fixés dans cette partie du texte, d'autant que l'on a adjoint au titre II des articles relatifs à la prévention des émanations de monoxyde de carbone par les appareils sanitaires. Nous reviendrons sur cette question lors de la discussion des articles.

Cependant, quand on examine la situation du logement dans notre pays et la teneur du présent projet de loi, force est de constater que d'autres orientations doivent être, dans les meilleurs délais, imprimées à la politique publique dans ce domaine.

Les parlementaires du groupe communiste républicain et citoyen ont donc déposé plusieurs amendements tendant à la mise en oeuvre de mesures adaptées à la situation du logement dans notre pays, et, sans entrer dans le détail des arguments que nous fournirons à l'appui de ces amendements le moment venu, nous tenons d'emblée à indiquer dans quel esprit nous les avons déposés.

Les politiques publiques devront être orientées dans les années à venir en fonction des besoins effectifs des locataires et des demandeurs de logement.

Il s'agit en particulier - c'est le sens de nos amendements portant sur les plafonds de ressources - de faire en sorte qu'un panel plus large de salariés et de demandeurs ait accès au logement social, afin de favoriser une plus grande mixité sociale parmi les locataires et d'éviter le processus de paupérisation que, depuis plusieurs années, nous déplorons dans de nombreux quartiers de nos banlieues.

Il s'agit d'ailleurs dans ce cadre de répondre à une demande sociale que la simple application de la loi d'un marché immobilier marqué par la flambée des loyers - plus quinze points sur Paris en un an ! - ne permet pas de satisfaire.

Dans un autre ordre d'idées, les mesures relatives à l'attribution des aides personnelles au logement participent d'un objectif de solvabilisation des familles que l'on ne peut que partager, ne serait-ce que pour éviter aux familles concernées les ruptures de versement d'allocation et la subséquente difficulté de paiement du loyer.

Les propositions que nous versons au débat et que nous formulons dans le cadre de ce texte relèvent donc des objectifs fondamentaux suivants : permettre une mise en oeuvre plus aisée du droit au logement pour tous, éviter l'accroissement intolérable du poste logement dans le budget des familles et défendre le principe d'une mixité sociale réelle.

C'est autour de ces axes que nous proposons un certain nombre d'amendements au présent projet de loi. Nous connaissons déjà une partie des critiques qu'ils susciteront.

Sans doute nous rétorquera-t-on que le projet de loi n'est pas l'occasion réelle de les déposer, que le moment n'est pas venu, qu'ils n'ont pas nécessairement de rapport avec un texte à la teneur pour le moins disparate et qui ne tend qu'à répondre à des questions ponctuelles se posant dans divers domaines. Nous ne le pensons pas. Même si nos concitoyens peuvent s'intéresser au devenir de la cohérence de l'urbanisation ou être sensibles à la sécurisation des ascenseurs - des accidents récents montrent, hélàs ! l'acuité du problème - ils sont également, comme nous l'avons indiqué, particulièrement sensibles à la question du logement sous tous ses paramètres.

Il est donc nécessaire à nos yeux d'apporter des réponses circonstanciées et adaptées à cette question.

Je me permets d'ailleurs de souligner, au terme de cette intervention, les auspices sous lesquels s'annonce, compte tenu, entre autres choses, de la programmation budgétaire, votre politique du logement dans les années à venir. Je rappelle ainsi l'annulation de 240 millions d'euros de crédits au chapitre 65-48 dans le cadre de l'exécution budgétaire 2002 et le gel de crédits prévu pour 2003.

La réduction des crédits de votre ministère suscite des inquiétudes qui s'expriment, bien au-delà des parlementaires de notre groupe, dans l'ensemble du secteur du logement, notamment du côté des associations de locataires et de consommateurs. De même, l'impression plus ou moins nette que le logement social n'est pas à proprement parler une des priorités des politiques publiques semble aujourd'hui s'imposer.

On parle en effet plus aisément de démolitions dans le cadre des opérations de requalification urbaine, ou encore de faciliter la vente du patrimoine social, que d'une véritable politique de relance de la construction.

Ce sont là des éléments qu'il nous paraît nécessaire de souligner au début de la discussion du présent projet de loi. C'est évidemment en fonction de l'attention qu'auront retenue nos propositions que nous déterminerons notre position dans ce débat. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Ambroise Dupont.

M. Ambroise Dupont. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, lors de la discussion devant notre assemblée du projet de loi relatif à la solidarité et au renouvellement urbains, je soulignais à quel point organiser la ville et gérer notre espace constituaient une responsabilité majeure de l'élu local. A ce titre, je voudrais saluer tous ceux qui ont contribué à l'élaboration du projet de loi que nous examinons aujourd'hui, en premier lieu nos excellents rapporteurs, Dominique Braye, Charles Guené et Pierre Jarlier, dont la compétence est largement reconnue, mais aussi tous ceux qui, au fil du temps, s'efforcent d'apporter leur expérience à la clarification des grands textes, essentiels pour notre vie locale et pour notre pays.

La loi SRU est un texte important et il était impératif d'y apporter les modifications attendues sur le terrain par nos collègues maires. Votre texte, monsieur le ministre, répond à cette urgence et fait la preuve que la concertation avec le terrain est nécessaire à la bonne application des lois. Mais il reste encore beaucoup à faire !

L'article L. 121 du code de l'urbanisme s'applique aux contenus des SCOT, des PLU et des cartes communales. Il fixe les principes qui seront systématiquement opposés aux collectivités locales, maîtres d'ouvrage de ces documents : l'équilibre, la mixité sociale, la diversité des fonctions urbaines, enfin le respect de l'environnement, tous principes auxquels nous sommes très attachés.

Il me semble cependant que, dans leur expression, ces principes pourraient être clarifiés et gagner en pragmatisme, ce qui donnerait une plus grande sécurité juridique à leur application.

Notre collègue Pierre Jarlier insiste, dans son excellent rapport, sur l'idée qu'il faut poursuivre - et même accroître dès que cela est possible - la décentralisation en matière d'urbanisme. Je crois qu'il a raison.

Il faudra pour ce faire, d'une part, apporter - désolé, monsieur le ministre ! - le soutien financier nécessaire à l'élaboration des documents d'urbanisme que les procédures ont rendu plus complexes, mais aussi plus intéressants au niveau du projet, et, d'autre part, renforcer le rôle de la collectivité dans la mise en oeuvre de ces documents.

Je suis convaincu que cette tâche relève de l'investissement : c'est la raison pour laquelle je reste partisan d'inscrire ces dépenses dans la section investissement de nos budgets, non pas pour une raison intéressée, récupération la TVA, mais pour marquer l'importance du sujet et consacrer les sommes nécessaires à son étude approfondie, étude sans laquelle on ne déterminera jamais que du « droit à vendre ».

A propos des documents d'urbanisme, je souhaite insister sur la carte communale, qui, par sa simplicité et par son faible coût d'élaboration, apparaît comme le document d'urbanisme adapté aux petites communes. Elle me paraît cependant devoir mieux répondre aux exigences que nous pouvons avoir à satisfaire pour valoriser notre territoire. J'y reviendrai tout à l'heure.

Les amendements que je défendrai à ce sujet reposent sur le principe de la libre administration de nos communes tout en visant à donner plus de lisibilité et plus de cohérence à leurs documents en particulier aux documents qu'elles ont la bonne idée d'établir sous la forme intercommunale. Un paysage ne s'arrête pas, vous le savez bien, aux limites communales !

Ces amendements s'efforcent de donner à la carte communale sa vraie place dans la hiérarchie des documents d'urbanisme, entre le PLU et la possibilité désormais offerte de protéger notre patrimoine en toute circonstance.

La mise en place presque achevée des intercommunalités doit être l'occasion de réfléchir sur la décentralisation en matière d'urbanisme. Celui-ci est encore trop souvent le résultat d'un patchwork de documents communaux, et cet émiettement a été un frein considérable à une véritable décentralisation. Il s'agit non pas, bien sûr, de rendre obligatoires les démarches intercommunales, mais plutôt de mettre en place tous les encouragements possibles à procéder de la sorte, car ces démarches sont les seules susceptibles d'apporter la cohérence indispensable à la gestdion économe et équilibrée du territoire français, à son développement et à la valorisation de ses paysages.

Cela m'amène aux deuxième point que je veux évoquer devant vous, monsieur le ministre, mes chers collègues : PVR, qui a fait couler beaucoup d'encre, suscite des interprétations diverses de la part des services instructeurs, mécontenté de nombreux maires et gelé très largement le développement dans nos petites communes.

Je me réjouis des propositions qui nous sont faites aujourd'hui : le bon sens me paraît retrouver ses droits !

Cela étant dit, pour plus de clarté encore, il me semble nécessaire de préciser l'article L. 332-11-1 en rendant plus explicite la dimension du permis de construire isolé dans le temps ou dans l'espace. Le cas des implantations agricoles mérite une attention particulière.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au-delà des précisions utiles et nécessaires sur lesquelles nous débattons, nous ne pouvons pas, dans un débat sur le thème de l'urbanisme, ne pas évoquer les grands principes d'urbanisme.

Je souhaite ici rappeler mon attachement à ces grands principes et dire à quel point les « coups de canif » à ces principes sont à manier agir avec précaution. Ce n'est pas l'effet du hasard si les règles générales de l'urbanisme sont placées en tête de la partie réglementaire du code de l'urbanisme !

Je ne citerai qu'un seul de ces grands principes que chacun doit avoir à l'esprit : l'article L. 110 du code de l'urbanisme rappelle que l'urbanisme et l'aménagement du territoire relèvent du patrimoine commun de la nation.

Je me permets d'insister sur ce thème, monsieur le ministre : il faudra toujours éviter que les nouvelles constructions ne créent des nuisances à leur environnement immédiat ; il faudra toujours avoir le souci de limiter l'impact du bruit de la circulation sur les riverains ; il faudra toujours protéger les zones non urbanisées en ne délivrant des permis de construire que dans le respect des préoccupations relatives à l'environnement définies dans la loi du 10 juillet 1976 ; enfin, il faudra toujours s'assurer de la bonne intégration de la construction projetée dans le milieu environnant.

Cela m'amène, monsieur le ministre, pour conclure, à la problématique des « entrées de ville », que vous connaissez bien et qui concerne directement l'urbanisme. Cette urbanisation qui se développe de chaque côté des voies principales consommatrices d'espace doit être le résultat de la réflexion et non pas seulement la réponse la plus rapide possible aux questions posées par les utilisateurs. Le règlement ne règle pas tout, on l'a vu. C'est l'objet de l'article L. 111-1 (4°), qui est une sorte de principe de précaution en même temps qu'un sert de clignotant impératif.

Il faut également poursuivre la piste ouverte sur les contrats d'axe - et, là encore, l'intercommunalité est nécessaire -, car ces contrats sont une façon de gérer au mieux les paysages.

M. Jean-Pierre Sueur. Absolument !

M. Ambroise Dupont. Monsieur le ministre, le texte que vous nous présentez est utile et nécessaire ; je l'ai dit, je l'approuve. L'Assemblée nationale l'a déjà examiné, mais cela ne nous exempte pas de grandes réflexions, notamment sur les SCOT, qui se mettent en place et qui ont un grand intérêt - les EPCI correspondants mériteraient sans doute de recevoir plus de compétences juridiques pour la bonne mise en oeuvre des orientations de leurs documents -, sur les DTA, sur la décentralisation, sur l'identité et la spécificité de nos paysages. Je sais que vous reviendrez sur ces sujets, et je m'en réjouis. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. le président. La parole est à M. Christian Gaudin.

M. Christian Gaudin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la mise en oeuvre de la loi SRU s'est révélée très difficile. Dans sa forme actuelle, elle soulève de nombreuses interrogations chez les élus locaux et constitue un réel frein à la construction et aux opérations d'aménagement, pourtant si nécessaires au développement économique de notre pays.

Je vous remercie, monsieur le ministre, car votre initiative apporte les assouplissements indispensables à la relance des investissements des collectivités et donne aux élus un message de compréhension, de pragmatisme et de responsabilité.

L'une des questions soulevées par la loi SRU porte sur l'articulation entre son dispositif et celui de la loi du 25 juillet 1999 d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire, dite « loi Voynet ». On s'interroge notamment sur la cohérence des périmètres de SCOT et de pays, deux entitées fondées sur l'idée de « développement durable » et sur la priorité donnée à la dynamique du projet, c'est-à-dire à la détermination politique.

Le projet d'aménagement et de développement durable du SCOT et la charte des pays intègrent tous deux la planification du développement du territoire.

21 La concertation permanente qu'impose la SRU dans l'élaboration et la gestion du SCOT suppose une implication, voire une appropriation du monde socioéconomique ; le rôle de la structure du SCOT s'apparente ainsi beaucoup à celui du conseil de développement dans le pays.

Les procédures d'élaboration, de mise en oeuvre et de gestion des SCOT et des pays sont très semblables : diagnostic d'abord, document d'orientation et projet de développement ensuite, structure de gestion et d'animation enfin. Si seul le SCOT nécessite la constitution d'un EPCI ou d'un syndicat mixte, le pays peut aussi disposer d'une de ces structures s'il envisage d'être cosignataire auprès des maîtres d'ouvrages des contrats passés avec tous les partenaires, mais il ne faut pas pour autant y voir un niveau supplémentaire de collectivité. Son fonctionnement est d'ailleurs assuré par la participation des maîtres d'ouvrage que sont les communes ou les communautés de communes, qui seules lèvent l'impôt, critère unique de la reconnaissance d'un niveau de collectivité.

Si l'application du SCOT en aire urbaine, par exemple dans le périmètre d'une communauté d'agglomération, semble immédiate, il est évident qu'en territoire rural la dimension de l'espace pris en compte doit être d'une ampleur suffisante pour percevoir et maîtriser les enjeux des territoires. Nous sommes alors très proches de la définition du pays qui, par essence, développe une stratégie homogène et non concurrentielle entre les intercommunalités qui composent son territoire.

J'en profite, monsieur le ministre, pour apporter le témoignage d'un président de pays qui réunit soixante-cinq communes, est composé de sept communautés de communes et totalise plus de 100 000 habitants.

Mon département, le Maine-et-Loire, a choisi, il y a plus de trente ans, d'organiser le territoire rural en pays, de façon à susciter dans ces secteurs la reprise de l'initiative face à l'attraction exercée par les villes. Force est de constater aujourd'hui que ce département a particulièrement réussi l'équilibre rural-urbain.

La relation et la dépendance réciproques entre espaces urbains et espaces ruraux doivent se référer au principe de parité pour réussir un aménagement du territoire.

Une communauté de communes réunit en moyenne une dizaine de communes rurales et totalise 10 000 habitants. Une communauté d'agglomération compte, par définition, au moins 50 000 habitants. En termes d'équilibre comme de moyens, il est essentiel d'harmoniser les structures intercommunales de proximité que représentent les communautés de communes sur un espace suffisant pour répondre aux enjeux du développement durable du territoire. C'est là précisément la mission du pays, qui est la structure de mise en cohérence et d'affirmation politique du projet.

Lorsqu'on évoque les grands investissements structurants que sont les axes de communication, les parcs d'activités ou la couverture haut débit, afin conserver l'attractivité des territoires notamment ruraux, travailler à cette échelle devient obligatoire.

Il est clair que la juxtaposition des deux lois, issues de deux ministères mais totalement convergentes, induit une complexité des procédures et une diversité des outils peu favorables à leur gestion ou à leur compréhension, donc à leur appropriation par les habitants. On peut même penser que la juxtaposition du SCOT et du pays risque d'atténuer l'exigence de cohérence en cantonnant le premier au seul territoire de l'aire urbaine, alors que le second se satisferait de l'espace « interstitiel », l'un s'occupant des « territoires à enjeux », l'autre assurant l'animation du milieu rural.

La simplification du dispositif passe sans doute par une décision législative fusionnant les deux outils qui n'ont pas été conçus exactement pour le même usage mais dont les finalités, à l'évidence, se rejoignent. Cela supposerait une grande loi concernant plus simplement l'urbanisme et l'aménagement des territoires, et intégrant sur l'ensemble du territoire la transversalité des questions relatives aux transports, à l'habitat, au développement économique, à l'environnement, etc.

La fusion des deux lois, en rendant le dispositif plus lisible et en éliminant l'arbitraire de spécificités artificielles, aboutirait à la mise en oeuvre d'un seul outil d'étude, de concertation, de mise en oeuvre et de gestion.

Ce serait de donner au SCOT la dimension du « faire ensemble » qui est l'originalité de la démarche de pays, réflexion partagée avec les acteurs de l'économie, de la société civile et avec les habitants. Ce serait de donner au pays la philosophie générale de mise en cohérence des politiques sectorielles. Ce serait de donner au territoire un outil cohérent en termes de planification partagée et de contractualisation : un seul outil, accessible et lisible, au service d'une seule structure.

Un cadre législatif cohérent et un outil unique semblent être les conditions pour gommer l'un des effets pervers du dispositif actuel, avec les empilements de périmètres, et, surtout, une définition de ces derniers échappant à des considérations objectivement motivées par le souci de la cohérence et du développement durable pour privilégier un « jeu de pouvoir » territorial le plus souvent fondé sur la gestion des héritages.

La France est friande d'accumulation législative et se complaît dans la sédimentation des textes. Le risque législatif serait alors qu'une nouvelle loi se superpose aux deux autres et que la nécessité de gérer « la cohérence de la cohérence » se traduise par un nouveau « chapeau », par exemple au travers de la généralisation des directives territoriales d'aménagement.

L'essentiel est de garder l'apport inestimable de cette prise de conscience : l'urbanisme est une affaire de projet et le territoire a besoin de proximité. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Pastor.

M. Jean-Marc Pastor. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon intervention s'inscrira dans le droit fil de celles de mes collègues Jean-Yves Mano, Daniel Reiner et Jean-Pierre Sueur.

C'est avec une grande attention que j'ai suivi les débats à l'Assemblée nationale sur ce projet de loi. Je dois d'ailleurs dire que j'ai été surpris du ton employé par certains de nos collègues députés pour dénigrer la loi SRU, qui demeure quand même, à mes yeux, une bonne loi sur le fond,...

M. Jean-Pierre Sueur. Absolument ! C'est une bonne loi !

M. Jean-Marc Pastor. ... même s'il fallait certainement l'adapter, parce qu'elle est trop complexe et qu'elle a peut-être été, je le dis franchement, votée trop rapidement.

J'ai suivi avec d'autant plus d'intérêt les débats que j'ai pris quelques initiatives, dans mon département, pour faciliter la compréhension de la loi SRU, dont le volet urbanistique a suscité d'abord nombre de questions de la part des élus locaux. Il y a eu effectivement un moment de flottement, qui ne nous a pas permis d'apporter les réponses alors attendues, en raison notamment d'interprétations divergentes. Je reviendrai ultérieurement sur ce point.

Je donnerai tout d'abord quelques points de repère.

La philosophie qui a présidé à l'adoption de la loi SRU est ambitieuse mais, ne l'oublions pas, solidaire. Chacun dans cet hémicycle peut le reconnaître. Que relevons-nous ?

Ne serait-ce pas la définition d'un meilleur équilibre pour les agglomérations et d'une meilleure cohérence des politiques urbaines, notamment par la création d'un SCOT, le renforcement du plan de déplacements urbains, l'apparition du plan local d'urbanisme, la modernisation des cartes communales et du financement de l'urbanisme ? Ne serait-ce pas, en fait, l'instauration d'un lien entre le milieu urbain et le milieu rural ?

Ne serait-ce pas la conjugaison de l'objectif de mixité urbaine via la réalisation de logements sociaux ?

Ne serait-ce pas l'assurance d'une offre d'habitat diversifiée et de qualité, en ce qui concerne tant le logement social que l'habitat privé ?

Ne serait-ce pas, enfin, la décentralisation et la responsabilisation des élus au sein d'un périmètre de solidarité clairement identifié ?

Grâce aux modifications substantielles qui ont été introduites dans le code de l'urbanisme depuis l'adoption de cette loi, sont enfin réunies - nous avons tous pu le constater sur le terrain - les conditions d'un véritable renouveau du débat sur l'urbanisme. Peut-être est-ce là, d'ailleurs, ce qui peut effrayer ?

Pourquoi la discussion s'est-elle focalisée sur certaines dispositions ? Est-ce dû à l'obligation de créer les conditions d'un développement durable du territoire qui repose sur une utilisation équilibrée des espaces naturels, urbains, ruraux, etc. ? Est-ce parce que tous les territoires sont aujourd'hui concernés, et non pas seulement ceux qui étaient jusqu'alors considérés comme stratégiques et représentaient des enjeux politiques ou économiques ? Les préventions exprimées par les élus relèvent probablement de ces différents motifs mêlés, car il est effectivement nécessaire, aujourd'hui, en matière d'aménagement du territoire, de combiner tous les éléments à la fois et d'adopter un point de vue global. Fondamentalement, c'est non pas tant cet aspect qui gêne, car nous sommes tous, à droite comme à gauche, conscients des enjeux, mais bel et bien le décalage qui peut exister entre l'esprit d'un texte et son application. Ce décalage est d'autant plus sensible lorsque les élus locaux, plus particulièrement ceux des petites communes, sont dépourvus d'expérience en la matière.

Oui, la loi SRU impose désormais que nous organisions notre développement à partir de projets de territoire cohérents. Oui, à cet effet, lorsque les conditions sont remplies, la loi SRU donne au maire les moyens de se passer de la tutelle de l'Etat. Il y a presque un mur à surmonter, mais les élus locaux sont capables de le franchir. Il revient au législateur de leur rendre confiance et de leur donner les clefs de la réussite. Oui, monsieur le ministre, des précisions, des définitions, une simplification de la loi SRU étaient nécessaires et attendues, s'agissant notamment de la PVNR.

A l'heure actuelle, la loi SRU et les mesures qu'elle comporte ne sont pas remises en cause, et elles ne doivent en aucun cas l'être. Pourtant, que n'avons-nous pas entendu ! Les travers de la politique moderne à la française ont conduit certains à pointer quelques défauts, à stigmatiser quelques dispositions de ce texte pour le décrier. Je pense ici, en particulier, à l'article 55. A ce propos, monsieur le ministre, vous vous êtes employé à calmer les ardeurs, tant les positions exprimées ici même voilà quelques mois étaient sujettes à caution.

M. Jean-Pierre Sueur. Absolument ! (M. Dominique Braye, rapporteur, s'esclaffe).

M. Jean-Marc Pastor. Aujourd'hui, le constat est clair : dans le cadre de cette discussion, je relève que le projet de loi que nous examinons « renforce », sur certains points seulement, la loi SRU, en présentant les moyens de la rendre plus lisible, ce dont je vous donne acte, monsieur le ministre.

Pour autant, le texte qui a été adopté à l'Assemblée nationale ne manquera pas de faire l'objet de circulaires interprétatives. Souhaitons que celles-ci éclaircissent les zones d'ombre que mes collègues ont balisées.

En effet, il ne faut pas, monsieur le ministre, que demain des interprétations différentes soient faites selon que l'on est à la DDE d'Amiens ou à celle de Brassac, dans mon département. Monsieur le ministre, lorsque vous viendrez dans le Tarn rencontrer les élus locaux, évitez que la première question qui vous sera posée ne porte précisément sur les interprétations qui pourraient découler de ce texte.

Mes collègues parlementaires de l'Assemblée nationale ont pu pointer les contradictions existant entre la loi votée et les circulaires d'application. Cela doit être mis à leur crédit, mais veillons à ne pas renouveler les mêmes erreurs.

Les solutions existent, monsieur le ministre : il suffit de regarder ce qui s'est passé en France depuis l'adoption et l'entrée en application de la loi SRU. Ainsi, avant de monter à la tribune, j'ai pris soin de vous transmettre le texte de la charte départementale que nous avons élaborée dans le Tarn. Elle a été d'un grand secours, puisqu'elle a permis d'apporter un certain nombre de réponses aux questions soulevées dans le cadre de l'application du texte initial. Combien de fois m'a-t-on fait observer qu'un permis de construire accordé avant l'adoption de la loi SRU n'était plus valable après l'entrée en vigueur de celle-ci ? En tant que président de l'association départementale des maires, j'ai pris le parti, au regard des difficultés juridiques et des quiproquos qui se développaient à propos de l'application de cette loi, s'agissant notamment de ses articles 6 et 46, de constituer un comité de pilotage avec les services de votre ministère, de façon à proposer des solutions concrètes aux problèmes suscités par la disposition relative au financement des voies et réseaux, ainsi que par le fait que tel ou tel terrain, telle ou telle parcelle soit ou non qualifiée zone constructible.

J'aurai peut-être la satisfaction, lors de la discussion de l'article 6, de revenir sur le contenu de notre charte et d'établir un parallèle ou une comparaison entre ce qui existait, ce que nous avons fait localement et ce que vous proposez aujourd'hui, monsieur le ministre. Sans doute serez-vous surpris à plus d'un titre, tout d'abord parce que les dispositions que vous nous présentez sont déjà partiellement appliquées, sans qu'il ait été nécessaire d'élaborer une loi supplémentaire. Mon collègue Christian Gaudin évoquait tout à l'heure cette dérive : évitons de rédiger des lois nouvelles pour expliquer la loi existante. Il convient en effet de ne pas tomber dans ce travers.

Bref, nous n'avons pas « alourdi » la loi SRU, nous l'avons au contraire « dégraissée », afin qu'elle puisse être appliquée correctement dans un esprit constructif. A ce stade de mon intervention, permettez-moi, monsieur le ministre, mes chers collègues, de remercier tous ceux qui ont participé à ce travail local avec les services de l'Etat.

Mes collègues élus locaux du Tarn retrouveront dans le texte que nous étudions aujourd'hui certaines des grandes lignes de notre charte, s'agissant notamment de l'interprétation de la PVNR.

Enfin, il va sans dire que cette charte a été adoptée à l'unanimité, car le pragmatisme a présidé à son élaboration : comme quoi personne n'a le monopole du pragmatisme ! (M. Paul Blanc sourit.)

Monsieur le ministre, le texte que vous nous présentez vise, comme l'indique son intitulé, diverses dispositions relatives à l'urbanisme, à l'habitat et à la construction. Son objet est d'« alléger » le dispositif de la loi SRU. Nous sommes d'accord ! Pourquoi d'ailleurs nous opposerions-nous à ce qui peut permettre une simplification ?

M. Paul Blanc et Mme Nelly Olin. Ah !

M. Jean-Marc Pastor. Ne s'agit-il pas là d'une volonté partagée par tous dans cet hémicycle ? N'avons-nous pas, sous la précédente législature, promu des lois visant à simplifier bon nombre de règlements ou de déclarations administratives, que ce soit pour les entreprises ou les particuliers ? Cette mise au point est essentielle dans la mesure où, au cours des débats, nous ne pourrons être enfermés dans le rôle d'opposants aux avancées ou de défenseurs de positions idéologiques.

Un sénateur du groupe socialiste. Très bien !

M. Jean-Marc Pastor. Bref, on ne pourra nous taxer d'antipragmatisme.

Ce projet de loi comporte, il est vrai, des avancées, du moins des clarifications, en même temps qu'il entraîne une inflation législative, ce qui est quand même, disons-le, le mal français.

M. Dominique Braye, rapporteur. Absolument !

M. Jean-Marc Pastor. Les avancées méritent d'être soulignées.

La possibilité de faire financer les pétitionnaires, s'agissant des voies nouvelles, en est une, mais il est un danger que je tiens à mettre en exergue, monsieur le ministre : s'il fallait certes faire évoluer la PVNR - j'en conviens tout à fait - ce dispositif présentait du moins l'avantage de mutualiser les coûts en fonction d'une décision communale. C'était la commune qui décidait ! Vouloir mettre en oeuvre la PVR procède sans doute d'une bonne intention, mais l'amendement déposé par M. le rapporteur visant à instituer une participation directe du pétitionnaire auprès de la structure concédante, que ce soit pour l'électricité ou pour l'eau, nous inquiète. En effet, s'il était adopté, la commune n'aurait alors plus à participer à la démarche de mutualisation des coûts, de sorte que, demain, le premier pétitionnaire sur un territoire donné devrait supporter la totalité de la charge de l'investissement pour le réseau, ce qui serait dommageable. J'y vois un risque, mais j'attends votre réponse, monsieur le ministre.

Il s'ensuit une seconde inquiétude : dans le domaine de l'urbanisme, nous risquerions alors de passer d'une démarche d'initiative publique à un projet d'initiative privée. Cela constituerait incontestablement une dérive, et entraînerait des lourdeurs que nous ne pourrions accepter, monsieur le ministre. Sachez-le, mes collègues et moi-même serons très vigilants sur ces questions.

Les promoteurs de la loi SRU ont souhaité privilégier les finalités et non les procédures, ils ont voulu « afficher des ambitions de mise en cohérence de politiques multiples en donnant toute leur place aux aspects sociaux, environnementaux, techniques, économiques et culturels ». Préservons cet esprit, maintenons la place accordée au projet de vie.

Monsieur le ministre, s'agissant de la mise en place des PLU, nous nous rendons compte que, aujourd'hui, l'Etat n'a plus les moyens d'accompagner les communes. Il serait bon, à cet égard, que vous puissiez accorder une attention particulière au renforcement des services de la DDE.

Si, dans le cadre de notre discussion, vous reconnaissez, monsieur le ministre, la pertinence des questions que nous soulevons les uns et les autres, le projet de loi que vous nous présentez pourra être approuvé sur toutes les travées. En revanche, ne campez pas sur certaines positions : nous serons très attentifs, pour notre part, à la remise en cause des dispositions relatives à la mixité sociale de la loi SRU. Les initiatives prises sur ce point fondamental par l'Assemblée nationale représentent un véritable dérapage, de même que le « cavalier » tendant à porter atteinte à la vie des pays, qui sont un lieu d'échanges entre les hommes. Enfin, nous réaffirmons avec force notre volonté de promouvoir un urbanisme d'initiative publique contre un urbanisme d'initiative privée.

En tout état de cause, il n'y aura pas d'affrontement, mais nous ferons preuve d'un esprit constructif, afin de rester pragmatiques et de continuer à manifester, dans le domaine de l'urbanisme, une authentique volonté sociale et, mutuelle, en vue de bâtir de véritables projets de vie pour nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et sur celles du groupe CRC.)

M. Emmanuel Hamel. Excellent !

M. le président. La parole est à M. Dominique Leclerc. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Dominique Leclerc. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je m'étais opposé, en son temps, à l'adoption de certains articles de la loi SRU, parce que j'estimais qu'ils contrariaient les intérêts des collectivités locales, bien que procédant de bonnes intentions. De plus, cette loi ne répondait pas aux attentes essentielles des élus locaux, notamment à celles des élus ruraux. Je ne pense pas m'être alors trompé !

Vous nous proposez aujourd'hui, monsieur le ministre, d'y apporter des corrections en simplifiant certaines règles d'urbanisme. Mes collègues et moi-même ne pouvons que nous en réjouir.

Toutefois, ce « toilettage » ne pourra satisfaire la grande majorité des maires, qui ne cessent d'appeler notre attention sur les difficultés auxquelles ils sont confrontés quotidiennement pour appliquer certaines dispositions, à leurs yeux incompréhensibles, de cette loi. En effet, les dispositifs rigides de la loi SRU ne tiennent pas toujours compte des réalités du terrain. Je pense ici, en particulier, à son article 55.

A cet égard, je regrette que votre projet de loi ne reprenne pas certaines des dispositions adoptées par notre assemblée le 12 novembre dernier. Présentées, sur l'initiative de notre collègue Dominique Braye, par la commission des affaires économiques, elles visaient à assouplir les dispositions de l'article 55 en permettant notamment aux communes de s'engager dans une démarche contractuelle pour la réalisation de logements sociaux.

Je sais, monsieur le ministre, que vous devez nous présenter, à l'automne prochain, de nouvelles dispositions tendant à améliorer ce texte. Il est cependant nécessaire d'agir rapidement, dans la mesure où de nombreuses communes supportent des charges au titre de ces dispositions.

Tout d'abord, l'article 55 fixe de manière tout à fait arbitraire un quota de 20 % - pourquoi 20 % ? - de logements sociaux. Cela ne permet absolument pas la prise en compte de l'histoire, de l'identité, du patrimoine et de la vocation des communes. En effet, toute commune a des capacités de développement et d'aménagement différentes de celles de ses voisines. Ce dispositif est venu plaquer un schéma unique sur des réalités multiples, en ne tenant pas compte des réalités locales.

Permettez-moi de prendre pour exemple la commune dont je suis maire. Sa proximité de la Loire et du Cher, sa situation au-dessous du niveau du lit de la Loire entraînent de forts risques d'inondation. La totalité de son territoire est donc soumise à un plan de prévention des risques, en aléas fort et moyen. De nombreux espaces ont été déclarés inconstructibles, afin de permettre l'expansion des crues en cas de rupture des digues : on a beaucoup évoqué, ces derniers jours, la crue centennale.

Outre les risques d'inondation, nous sommes proches de sites importants de stockage de gaz et de dépôts pétroliers classés « Seveso seuil haut ». Après avoir prévenu les inondations, nous devons nous prémunir contre l'effet de souffle du gaz et le risque de périr incendiés dans l'explosion des dépôts pétroliers ! Les périmètres de danger sont ainsi doublés, ce qui limite d'autant la constructibilité dans ma commune. Par conséquent, nous nous trouvons aujourd'hui dans l'impossibilité de construire les nouveaux logements prévus, qu'ils soient ou non sociaux.

Par ailleurs, l'article 55 de la loi SRU restreint la définition du logement social au « tout-locatif ». Or, nous le savons tous, pour l'équilibre de nos communes, il est indispensable, dans l'optique de la mixité, de veiller à ce qu'il y ait à la fois des logements collectifs et des logements individuels, un secteur locatif et des accessions à la propriété.

En effet, ne l'oublions pas, le rêve de la plupart de nos concitoyens est d'accéder à la propriété. Cette attente, monsieur le ministre, je puis vous assurer que je la constate au quotidien !

Travaillant depuis plus de trente ans dans un quartier difficile qui relève encore aujourd'hui de la politique de la ville, je sais que l'objectif premier de nombreux habitants est de devenir propriétaires d'une maison, certes très modeste, mais idéalisée et rêvée, située dans des communes plus aérées et à dimension plus humaine. Une politique sociale moderne du logement doit intégrer cette dimension.

Vouloir écarter cette demande formulée par toute une population socialement très vulnérable mais voulant progresser dans son cursus de vie est à mes yeux inconcevable. Nous devons favoriser l'accès à la propriété, fruit, nous le savons tous, d'efforts considérables de la part de citoyens modestes, en termes de travail et d'épargne.

En outre, comme le montrent les éléments statistiques, les prêts aidés permettant l'accession sociale à la propriété profitent aux catégories socioprofessionnelles disposant des revenus les plus faibles. Ces logements constituent donc de véritables logements sociaux et il n'y a aucune raison de les exclure du champ de l'article 55.

Enfin, je souhaiterais souligner que l'article 55 ne prend pas en compte l'échelon intercommunal dans l'appréciation du nombre de logements sociaux. Or, au moment où l'on entend renforcer l'intercommunalité et dans la mesure où la compétence « logement » est souvent exercée par des EPCI, il semble en effet légitime de permettre une application de l'article 55 à l'échelle la plus pertinente : le territoire intercommunal, qui constitue bien souvent un bassin d'habitat cohérent, compatible - nous le savons tous - avec l'élaboration des PLH.

Pour toutes ces raisons, monsieur le ministre, il est urgent d'opérer un changement en profondeur de ces dispositions, changement qui est fortement attendu par les élus locaux. Nous avons confiance en vous. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. le président. La parole est à M. Claude Biwer.

M. Claude Biwer. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la loi dite de solidarité et de renouvellement urbains, encore appelée « loi Gayssot », constitua, en son temps, une superbe construction technocratique, digne du centralisme démocratique, oeuvre inédite dont seul notre pays a le secret. (Sourires sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.)

M. Daniel Reiner. Cela commence bien !

M. Jean-Pierre Sueur. C'est stalinien !

M. Claude Biwer. Ses effets sur le terrain ne se firent pas attendre : contraintes administratives renforcées ; ralentissement et complexification des procédures ; caractère illisible, voire inapplicable, de la participation pour voies nouvelles et réseaux. Cette loi a complètement désorganisé le marché foncier. Elle a entraîné un gel massif de terrains constructibles et a souvent donné un pouvoir exorbitant aux représentants de l'Etat dans les départements. De plus, elle a profondément mécontenté les maires, qui, comme chacun le sait, sont en première ligne face à des administrés ne comprenant pas les raisons pour lesquelles leurs terrains étaient, subitement, devenus inconstructibles.

Il était donc grand temps de se ressaisir, et je vous sais gré, monsieur le ministre, d'avoir non seulement écouté, mais également entendu les multiples doléances des élus locaux de toutes sensibilités, en nous proposant de modifier certaines dispositions de la loi SRU.

La mise en place des SCOT, les schémas de cohérence territoriale, constituait le type même de la fausse bonne idée : inciter les communes proches d'une agglomération de 15 000 habitants et situées dans un rayon de 15 kilomètres à mutualiser leurs efforts en termes d'infrastructures, d'environnement et d'activités partait, certes, d'un bon sentiment. Mais pourquoi avoir retenu un seuil de 15 000 habitants et un rayon de 15 kilomètres ? Nul ne le sait. Surtout, devant l'évidente inapplicabilité de cette mesure, le processus d'urbanisation de nombreuses communes situées dans les zones concernées fut tout simplement bloqué.

Dans ces conditions, je ne peux qu'approuver les dispositions qui ont été adoptées par l'Assemblée nationale et visant à faire passer de 15 000 à 50 000 habitants le seuil des agglomérations concernées par les SCOT. Cela permettra désormais à des milliers de communes de s'urbaniser comme elles le souhaitent, principe essentiel de la liberté locale. En effet, l'urbanisation rurale ne peut dépendre de la seule orientation urbaine.

Les maires pourront également, et c'est heureux, rendre constructibles des zones NA, dites d'urbanisation future, à condition qu'elles aient été délimitées dans le POS.

S'agissant des COS, les coefficients d'occupation des sols, de nombreux élus nous avaient souvent fait part de leurs préoccupations à l'égard de deux dispositions de la loi SRU qui posaient des problèmes d'application : l'interdiction d'imposer une taille minimale aux terrains à bâtir et la possibilité de construire sur une parcelle issue de la division d'un terrain déjà bâti.

Ces interdictions méconnaissaient totalement la situation des communes suburbaines, et plus encore la situation des communes rurales. Les premières étant souvent soumises à une formidable pression foncière, il est normal que leurs élus ne souhaitent pas les voir transformées en HLM horizontaux. Quant aux communes rurales, la règle de la constructibilité limitée était tout simplement absurde : une famille qui sollicite une autorisation de construire en milieu rural souhaite disposer d'un certain espace de vie ; nous devons respecter ce choix.

Le texte permettra désormais aux conseils municipaux de fixer la taille minimale des terrains constructibles pour des motifs autres que l'assainissement. Il redonne également aux conseils municipaux le pouvoir de décider, s'il y a lieu, de diviser des parcelles en reproduisant sur cette division des droits à construire.

Faisons confiance aux élus qui agiront avec pragmatisme : ils ne s'opposeront sans doute pas systématiquement à des demandes de division parcellaire lorsqu'elles sont justifiées, mais ils empêcheront certainement une division infinie des parcelles et éviteront ainsi une urbanisation anarchique.

Quant au PADD, le plan d'aménagement et de développement durable, jusqu'alors nul n'était en mesure de nous dire s'il était opposable aux tiers ou si un tiers pouvait s'en prévaloir en cas de litige. Avec ce texte, le PADD, qui présente les options générales de la commune en matière d'urbanisme, ne sera pas opposable aux tiers mais aura valeur d'orientation sur le plan local d'urbanisme.

J'en viens à la PVNR, la participation pour voies nouvelles et réseaux, qui devient désormais la PVR, la participation pour voirie et réseaux.

Dans ma vie publique, déjà longue, je n'ai jamais connu une disposition législative qui a suscité autant de difficultés, voire de divergences d'interprétation.

Malgré des réponses à des dizaines de questions orales et de questions écrites posées sur ce sujet, nos collègues maires étaient toujours aussi désorientés et, dans le doute, ils hésitaient à délivrer des autorisations de construire, notamment le long de voies existantes, de peur de devoir engager des dépenses importantes pour leurs communes.

Quant aux voies futures, le texte était si peu clair que, là encore, les maires ne savaient pas s'ils étaient véritablement en droit d'exiger de la part du premier aménageur une participation pour les suivants.

L'article 6 du projet de loi tel qu'il a été adopté par l'Assemblée nationale est sans doute perfectible, mais il clarifie déjà les choses par rapport à la situation actuelle : la participation pour voirie et réseaux que le conseil municipal peut demander pour l'implantation de nouvelles constructions continuera certes à concerner l'aménagement de voies nouvelles mais pourra également concerner les voies existantes ainsi que l'établissement ou l'adaptation des réseaux qui leur sont associés.

Toujours dans le domaine de l'urbanisme, le texte fait de la modification du PLU la procédure de droit commun, la procédure de révision, bien plus lourde, sera désormais l'exception. C'est une bonne chose. Le passage du POS au PLU est également facilité et le délai pour réviser le POS est prolongé jusqu'en 2006 : cela donnera aux élus locaux une plus grande liberté de manoeuvre et leur permettra, s'ils le souhaitent, de faire évoluer leur POS sans attendre l'élaboration du PLU.

Nos collègues députés ont, enfin, ajouté au projet de loi un titre consacré aux pays. Comme vous le savez, la France est déjà très riche en collectivités territoriales et il ne saurait être question de transformer les pays en nouvelles collectivités qui viendraient se superposer aux collectivités existantes.

Cela étant dit, les pays peuvent avoir leur utilité : leur périmètre est souvent plus large que le périmètre des intercommunalités actuelles, ce qui peut susciter des solidarités plus grandes à l'intérieur de zones géographiques ayant une certaine cohérence. Pour autant, je partage les préoccupations qui ont conduit l'Assemblée nationale à simplifier les procédures d'élaboration des pays, en réduisant le nombre des avis sur les frontières des pays et, là encore, en faisant confiance aux élus. En effet, désormais le préfet n'aura plus le pouvoir de déterminer le périmètre des pays, il vérifiera seulement que les élus ont respecté la loi.

Monsieur le ministre, je voudrais, enfin, vous faire part de mes préoccupations en ce qui concerne l'interprétation, parfois abusive, de la règle de construction en continuité. Je déplore, par ailleurs, que, trop souvent, les crédits de l'ANAH et les crédits PALULOS soient insuffisants pour le monde rural. L'interprétation administrative des demandes pour l'obtention de ces crédits, à l'instar des demandes de permis de construire, y est souvent subjective. En effet, elle varie quelquefois d'une vallée à l'autre, voire d'une subdivision à l'autre.

En votant ce projet de loi assorti des amendements que la commission des affaires économiques proposera, nous ferons manifestement oeuvre utile et, j'ose l'espérer, nous redonnerons confiance aux élus locaux qui retrouveront - enfin ! - la plénitude de leurs prérogatives en matière d'urbanisme. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à l'exception de la précédente intervention, j'ai eu le sentiment que, si la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains n'existait pas, il faudrait l'inventer, du moins en ce qui concerne ses principes. En effet, je n'ai jamais entendu autant prononcer le mot « principe » qu'aujourd'hui. Les principes, tout le monde est d'accord, sont excellents. Molière aurait dit : « Les principes, les principes, vous dis-je ! » (Sourires).

Mais, quand on entre dans le détail et que l'on examine certains amendements qui ont été proposés à l'Assemblée nationale et qui sont repris par la commission des affaires économiques du Sénat, on se dit que les principes sont quelquefois très intéressants, à condition qu'ils ne s'appliquent pas !

M. Dominique Braye, rapporteur. Nous vous en parlerons, des principes !

M. Jean-Pierre Sueur. Tout le monde est d'accord, et plusieurs collègues en ont parlé avec éloquence, nous connaissons dans notre pays depuis quatre ou cinq décennies des méfaits qui affectent les paysages urbains et périurbains : le mitage, la consommation excessive d'espace, les constructions anarchiques, les entrées de ville, qui sont les mêmes de Dunkerque à Perpignan et de Brest à Strasbourg, mornes alignements le long des routes nationales de tôles ondulées, de parallélépipèdes, de cubes,...

M. Dominique Braye, rapporteur. Il est des cubes très jolis ! Le cubisme !

M. Jean-Pierre Sueur. ... de pancartes, de panneaux, qui n'ont rien à voir avec l'harmonie de paysage que nous aimons, avec une certaine idée de la cité, de l'entrée dans la ville.

Comment éviter tout cela ? En instaurant des règles claires, qui s'appliquent à tous avec une certaine rigueur et beaucoup de volonté politique.

M. Dominique Braye, rapporteur. Très bien !

M. Jean-Pierre Sueur. Or, malheureusement - et je ne prendrai que deux exemples dans cette brève intervention - deux dispositions qui nous sont proposées ne vont pas dans le sens de la maîtrise que l'on peut souhaiter et, monsieur le ministre, ne figuraient pas dans le projet de loi initial. Vous ne les aviez donc pas jugées indispensables. Peut-être pourriez-vous persister dans l'état d'esprit qui était alors le vôtre.

La première disposition concerne les SCOT. Moi aussi, j'ai rencontré beaucoup d'élus qui m'ont dit : « Les SCOT, c'est un peu austère et il y a déjà tellement de choses ! » Au-delà de l'appellation, l'important, c'est la finalité. Il convient, en effet, de se doter d'outils permettant de maîtriser l'organisation de l'espace et d'assurer l'harmonie et l'équilibre, afin de mettre un terme à ce que l'on a connu pendant des décennies et qui constitue un vrai scandale, sans qu'aucun gouvernement ou élu local ne parvienne à s'y opposer.

Le SCOT peut certes apparaître compliqué, mais c'est tout de même la charte qui permettra aux habitants d'un espace considéré, comportant la ville, l'agglomération, les communes périurbaines ou les communes rurales alentour, de vivre ensemble et d'éviter ce que l'on a connu.

Si, comme je le crois, le SCOT est une bonne chose, quel que soit son nom et les procédures qui y sont attachées, je ne comprends pas pourquoi il faudrait le supprimer autour de toutes les agglomérations comptant moins de 50 000 habitants. Certains de nos collègues ont dit qu'ils étaient libérés des SCOT. Libération !

M. Dominique Braye, rapporteur. Rien ne les empêche d'en faire un !

M. Jean-Pierre Sueur. Un collègue s'est réjoui que son département soit délivré des SCOT. Or, s'il n'y a pas de règle, ce que l'on a constaté autour des grandes agglomérations se reproduira inéluctablement autour des petites. On ira alors à contresens des principes auxquels chacun souscrit avec des discours brillants. C'est pourquoi nous proposons que l'on n'adopte pas la disposition visant à restreindre le champ d'application des SCOT. En effet, si le SCOT est une bonne chose, pourquoi faudrait-il ne plus l'appliquer dans un certain nombre de lieux où les risques de mitage ou de consommation excessive d'espace sont réels ?

La seconde disposition concerne l'article 2 bis et la faculté pour le maire de fixer une surface minimale pour les parcelles constructibles. Dans votre projet de loi, monsieur le ministre, il s'agissait de prendre en compte, ce qui se comprend, des questions techniques relatives à l'assainissement. Mais ne soyons pas hypocrites ! Quand on nous dit que la faculté de fixer une surface minimale pour les parcelles constructibles pourra être prise en compte pour l'intérêt paysager de la zone considérée et pour préserver l'urbanisation traditionnelle, on voit bien de quoi il s'agit. Un certain nombre de quartiers sont des quartiers dits « résidentiels » car y sont implantés des pavillons ou des villas situés sur de grands terrains. Ces quartiers sont habités par certaines catégories de la population. Si l'on veut rester entre soi, finalement chez soi, avec les mêmes, on pourra tout à fait tirer parti de cette disposition. Donc, autant le dire à cette tribune, puisque c'est la vérité. Tout le monde le sait ! Ainsi Louveciennes resterait Louveciennes et Sarcelles resterait Sarcelles et finalement, rien ne changerait alors que l'on continuerait tous à dire que la mixité est un principe auquel nous souscrivons. Certes on y souscrit mais on ne se donne pas les moyens de le mettre en oeuvre. Bien au contraire, on se dote des moyens pour aller dans l'autre sens.

Je conclurai en disant qu'il ne faut pas biaiser. En effet, nous le savons, la mixité sociale est nécessaire. Nous ne pourrons reconstruire les quartiers qui doivent l'être, ce qui suppose que l'on démolisse, que si l'on peut installer des logements sociaux de qualité un peu partout dans notre pays. Il faut un urbanisme plus équilibré et des entrées de villes harmonieuses. Mais tout cela ne peut pas être le fruit du laisser-faire. Bien sûr, nous sommes contre la planification à outrance. La ville est de manière indissociable un espace de liberté et d'initiative ; elle est aussi un projet commun. Hegel disait : « L'air de la ville rend libre ». C'est profondément exact, mais le laisser-faire absolu, la déréglementation, c'est le contraire de la liberté à laquelle nous devons également tenir, la liberté de partager, de vivre tous ensemble dans un espace urbain maîtrisé et harmonieux. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Goulet.

M. Daniel Goulet. Monsieur le ministre, l'application des dispositions, que je qualifiais, il n'y a pas si longtemps, de « ruralicides », de cette fameuse loi SRU du 13 décembre 2000, aussi controversée qu'irritante tant pour la plupart des élus locaux que pour nous-mêmes a conduit un certain nombre d'entre nous à engager auprès de votre ministère, y compris par le dépôt de deux propositions de loi émanant de mon collègue M. Aymeri de Montesquiou et de moi-même, une série de démarches communes pour tenter de remédier aux incompréhensions et aux incohérences d'un texte dont les conséquences s'étaient avérées préjudiciables aux équilibres de notre territoire. Ainsi, les collectivités territoriales et rurales étaient les principales victimes d'une législation qui ne pouvait qu'hypothéquer leur devenir en accentuant le phénomène non maîtrisable de la désertification de nos campagnes.

Aujourd'hui, à la lumière non seulement de la présentation du texte qui nous est soumis et qui reprend l'essentiel de nos recommandations, mais aussi de l'excellent travail d'investigation et de synthèse de nos rapporteurs, nous pouvons, mes chers collègues, être globalement satisfaits d'une oeuvre législative accomplie, exemplaire à bien des titres, tant sur la forme que sur le fond.

Tout d'abord, votre écoute, monsieur le ministre, a été totale, solidaire et réaliste : votre parole donnée lors de notre débat du 12 novembre dernier s'est concrétisée par la circulaire du 21 janvier 2003, qui a eu un effet immédiat d'apaissement et de confiance auprès de nos collègues maires.

Le mérite qui vous revient sera partagé, je crois, par tous ceux qui se sont beaucoup investis dans cette affaire. Notre assemblée, sous réserve de l'adoption de quelques amendements concernant certains points restés obscurs sur lesquels je ne veux pas revenir, devrait en effet voter ce projet de loi.

S'agissant de l'aménagement et du développement rural, je souhaiterais, monsieur le ministre, que vous alliez un peu plus loin dans la voie de l'équité. L'un de nos amendements tend donc à faire prendre en compte par l'Etat les frais d'étude, d'élaboration, de révision ou de modification des documents d'urbanisme, en permettant leur inscription dans la section d'investissement des budgets communaux.

Nous avions déjà présenté cette proposition lors du débat du mois de novembre, nous en avions débattu, et vous aviez eu la sagesse, monsieur le ministre, de nous laisser en décider. Il ne serait pas bon, à mon avis, de revenir sur une disposition, déjà acquise dans le principe, qui permettrait aux collectivités locales et à leurs groupements, lorsqu'ils engagent de tels frais, de prétendre, à ce titre, aux attributions du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée. M. le rapporteur a donc bien fait, je crois, de reprendre cet amendement, au nom de la commission.

La réalisation des documents d'urbanisme représente, nous le savons tous, une part importante du budget des communes, notamment les plus modestes, car les frais de conception augmentent ; au surplus, les directions départementales de l'équipement - je souhaite attirer votre attention sur ce point - sont confrontées à une surcharge de travail ; de ce fait, les collectivités sont conduites à faire appel à des acteurs économiques et des prestataires de services privés.

Puisque j'ai parlé des services départementaux et régionaux de l'équipement qui sont immédiatement placés sous votre autorité, monsieur le ministre, je voudrais d'ores et déjà appeler particulièrement votre attention sur le transfert des compétences, avant que le sujet ne soit abordé sur le fond et noyé dans les multiples dispositions qui s'inscriront dans les futurs textes de la décentralisation actuellement en gestation.

Je crains, en effet, que le projet de transfert de compétences des services des DDE aux départements - il n'est pas trop tôt pour en parler, car la réflexion a besoin de s'organiser - ne conduise inévitablement à en revoir l'organisation sur le terrain, lors des prestations de services, non seulement dans l'élaboration des travaux mais aussi lors de leur exécution. Tous les transferts de compétences que nous observons déjà, notamment la départementalisation des services d'urgence et de sécurité, rendent bon nombre de situations sur le terrain peu satisfaisantes et surtout sans réel bénéfice pour les services dits de proximité, auxquels nous sommes légitimement attachés, notamment dans les zones rurales.

Dans mon département, nous passerions de dix à quatre subdivisions, chargées des services de l'équipement.

La présence et les actions des services de l'Etat et de la DDE sont en la matière, et quelles que soient les intentions louables des départements, d'une absolue nécessité. On peut en effet s'interroger légitimement sur les risques politiques que peuvent faire courir certaines institutions territoriales élues par les choix qu'elles sont parfois amenées à faire, choix ne tenant pas toujours compte de certains impératifs économiques et sociaux, pas plus que des perspectives d'aménagements équilibrés et équitables des territoires dont elles ont la charge.

Je tiens à souligner ce risque de façon que, pour une fois, nous mesurions bien l'enjeu de tels transferts de compétences et que nous procédions à quelques évaluations avant l'adoption d'un texte et non après son entrée en vigueur.

Face à ce transfert de compétences, il convient de prendre également en considération tous les transferts de ressources, étant entendu que, sur ce plan, les collectivités départementales doivent déjà assumer des contributions non négligeables pour leurs obligations de gestion sanitaire et sociale. Je pense notamment, à cet égard, aux problèmes que pose l'allocation personnalisée d'autonomie.

Le sujet que je viens d'évoquer, monsieur le ministre, est connexe au projet de loi que vous nous présentez aujourd'hui. C'est pourquoi je souhaitais vous faire part de mes doutes et de mes craintes, qui résultent de mon expérience de plus de trente années de vie parlementaire. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. le président. La parole est à Mme Nelly Olin.

Mme Nelly Olin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi aujourd'hui de vous apporter mon témoignage d'élue de terrain d'une commune directement concernée par les mesures adoptées par l'Assemblée nationale, relatives à la mise en oeuvre d'opérations de rénovation ou de réhabilitation aux abords des aéroports. Je ne cache pas mon étonnement de constater que le Sénat envisage sérieusement de supprimer l'article 5 bis.

Dans la gestion de nos villes, nous sommes confrontés à l'incompatibilité entre les exigences de la vie urbaine et les contraintes imposées par la réglementation liée au bruit aérien. Si celle-ci est maintenue ou renforcée par la diminution des valeurs d'indice servant à déterminer la limite de la zone C telle qu'elle est prévue dans la révision du plan d'exposition au bruit de l'aéroport de Roissy, elle aura pour conséquence de figer l'évolution de ces territoires et d'accélérer leur dégradation, ce qui est inacceptable. Je vous rappelle que le quart du territoire du Val-d'Oise sera touché par le plan d'exposition au bruit, pourtant récemment rejeté à l'unanimité.

Le texte adopté par l'Assemblée nationale adapte le cadre juridique pour permettre l'évolution indispensable de notre environnement urbain sans accroissement de la capacité d'accueil d'habitants exposés aux nuisances.

Dans l'est du Val-d'Oise, la limite de la zone C envisagée à l'occasion de la révision du plan d'exposition au bruit inclut un territoire à forte densité de population : la quasi-totalité de Sarcelles, de Villiers-le-Bel, les quartiers les plus peuplés de Garges-lès-Gonesse, la totalité de Gonesse et d'Arnouville-lès-Gonesse. C'est pourquoi je veux aujourd'hui parler au nom de bon nombre d'élus valdoisiens.

Le secteur concerné est surtout composé de grands ensembles d'habitats construits dans les armées soixante-dix ; il est classé en territoire prioritaire de la politique de la ville. Vous connaissez les difficultés économiques et sociales de ces quartiers, situés dans un environnement urbain inadapté !

Ces secteurs ont été littéralement laissés de côté par les différentes politiques d'aménagement du territoire, et leur développement présente un énorme retard, que ce soit pour les infrastructures routières - voilà plus de trente ans que nous attendons le boulevard intercommunal du Parisis - ou pour les transports en commun, puisqu'il n'y a rien pour se rendre à Roissy au départ de Sarcelles, de Garges-lès-Gonesse ou de Villiers-le-Bel, ce qui fait, au demeurant, que les retombées économiques de Roissy ne profitent guère aux habitants du Val-d'Oise.

Nous devons rester très vigilants sur l'évolution des modes de vie et sur les attentes des citoyens en termes de logement et de qualité des services qui leur sont offerts. Ces exigences imposent aujourd'hui une évolution importante du tissu urbain.

Face à cet enjeu national, un vaste programme de renouvellement urbain a été institué pour répondre à un double objectif : assurer la régénération de l'habitat et s'engager vers une réelle mixité sociale au sein de nos territoires.

Les dispositifs mettent en évidence l'effort engagé par la collectivité publique : Etat, région, département se sont joints aux communes pour agir sur ce territoire dont une partie est située dans la zone éligible du programme européen Objectif 2. Cette mobilisation est traduite par la mise en place du grand projet de ville Garges-Sarcelles, par l'extension récente des zones franches à Villiers-le-Bel et par l'opération de renouvellement urbain de Gonesse.

Il serait regrettable, voire catastrophique, que ces efforts soient remis en cause par les dispositions du plan d'exposition au bruit qui gèleraient les projets engagés et annuleraient le potentiel de développement.

Notre préoccupation est non pas de densifier encore un territoire qui l'est déjà trop, mais de disposer de réelles marges de manoeuvre pour sortir les villes du Val-d'Oise de la crise urbaine dans laquelle elles s'enfoncent. Le succès de cette politique passe par le renouvellement de la ville elle-même. Pour cela, il faut que nous puissions nous engager dans de véritables opérations d'aménagement permettant tout à la fois de démolir certains secteurs d'immeubles obsolètes et de proposer de petits programmes attractifs, en vue d'accueillir une nouvelle population ou de maintenir les habitants les plus solvables. Cette politique urbaine aura pour effet de diminuer le nombre d'habitants pour assurer surtout et avant tout une meilleure qualité de vie.

Le texte adopté par l'Assemblée nationale présente à cet égard une avancée importante. La modification du deuxième alinéa de l'article L. 147-5 du code de l'urbanisme introduit la possibilité de prévoir des opérations de réhabilitation et de rénovation urbaine ainsi que les opérations d'aménagement en zone C, à condition que ces opérations n'entraînent pas d'accroissement de la capacité totale d'accueil d'habitants dans la zone considérée.

Cette disposition apporte une réponse aux préoccupations que je vous ai exposées, tout en respectant le principe de limitation de la population exposée aux nuisances sonores.

Elle instaure ainsi la possibilité pour les collectivités, en concertation avec les habitants, de maîtriser et de gérer leur développement dans le cadre du PLU, en sortant de la rigidité du plan d'exposition au bruit qui seul pouvait délimiter les secteurs de réhabilitation et de réaménagement urbain. Pourquoi, si nous respectons les principes de précaution fixés par la loi, devrions-nous, sur des secteurs urbains si sensibles, voir notre politique urbaine figée par des arrêtés ministériels ?

Cette disposition permet également de réaliser un travail en profondeur de renouvellement urbain. L'opération d'aménagement, clairement autorisée par ce projet de loi, est l'outil privilégié de cette politique.

Cette disposition permet enfin d'engager une politique de mixité urbaine en confortant les secteurs attractifs de nos communes, notamment les bourgs anciens. Dans sa rédaction, le projet de loi permet la prise en compte globale de la capacité d'accueil d'habitants sur la partie concernée par la zone de bruit du territoire communal, et non l'appréciation opération par opération.

Tel est l'objet de la motion adoptée par la commission consultative de l'environnement. Vous comprendrez l'importance de ce texte pour l'avenir de nos territoires, qui représentent l'un des enjeux majeurs de l'Ile-de-France et de la politique de la ville à l'échelon national. L'ensemble des élus concernés s'est prononcé en ce sens lors de la dernière réunion de la commission consultative de l'environnement de Roissy, au cours de laquelle les propos provocateurs des transporteurs, dont Air France - je tiens à le souligner -, ont été absolument inacceptables, tant ils étaient empreints de mépris pour les élus et pour les populations du Val-d'Oise.

Monsieur le ministre, mon département compte se mobiliser à ce sujet tant l'enjeu est de taille pour nos villes. L'ensemble des élus de l'est du Val-d'Oise vous attendent pour que vous puissiez juger par vous-mêmes, sur le terrain, de la vie dans les quartiers difficiles riverains de zones aéroportuaires.

J'espère que mon témoignage aura non seulement été entendu, mais aussi compris par mes collègues de la Haute Assemblée. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Hoeffel.

M. Daniel Hoeffel. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon intervention concerne plus particulièrement les dispositions relatives aux « pays » prévues par le projet de loi qui nous est soumis.

La notion de « pays » est apparue officiellement dans la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire du 4 février 1995. Le Sénat avait clairement affirmé à l'époque sa conception du pays : un territoire caractérisé par la souplesse, tant en ce qui concerne ses contours que sa raison d'être. Depuis lors, la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire de 1999 a sensiblement étoffé les dispositions initiales, et l'on pouvait se poser la question de savoir si le pays n'était pas en train de changer de nature par rapport à ce qu'a voulu à l'origine le législateur.

M. Paul Blanc. Très bien !

M. Daniel Hoeffel. En effet, le pays, tel que prévu en 1995, était un territoire constaté, représentant à l'intention des collectivités territoriales le cadre d'une communauté d'intérêts économiques et sociaux et, à l'intention de l'Etat, un cadre pour l'organisation de ses services. Quelques principes avaient été clairement affirmés pendant les débats : pas de création de structure administrative supplémentaire, pas de périmètre imposé, importance du partenariat élus, socioprofessionnels et associations.

M. Dominique Braye, rapporteur. Très bien !

M. Daniel Hoeffel. Vingt-cinq lignes de la loi suffisaient pour exprimer cette vision des choses qui était partagée alors tant par le Gouvernement - et j'en sais quelque chose ! - que par le rapporteur de l'Assemblée nationale, M. Patrick Ollier, qui affirmait : « Il ne s'agit pas de faire du pays un échelon administratif supplémentaire ; il ne s'agit pas de lui donner des moyens qui pourraient engager ce processus. Il s'agit, en fait, de constater l'existence de ce lieu géométrique de convergence des partenaires. » (Très bien ! sur les travées de l'UMP.)

Veillons, dans le texte qui nous est soumis et qui est devenu beaucoup plus substantiel, à ce que des procédures plus complexes et plus lourdes ne remplacent pas le pragmatisme d'origine.

M. Dominique Braye, rapporteur, et M. Paul Blanc. Très bien !

M. Daniel Hoeffel. Le pays existe naturellement dans un certain nombre de régions parce qu'il s'y est dégagé spontanément. Parfois, il coïncide avec les contours des établissements publics de coopération intercommunale, les EPCI, ce qui facilite son émergence et la coordination des actions. Dans certains secteurs géographiques, il représente une entité naturelle dans laquelle, spontanément, les forces vives tracent les perspectives d'avenir et répondent à une nécessité.

Mais le débat actuel m'amène à ajouter plusieurs réflexions.

Il convient d'abord de rappeler que la simplification des structures territoriales françaises est ardemment souhaitée par l'immense majorité des élus locaux et par la population. Evitons d'ajouter des strates à la liste des collectivités déjà existantes.

M. Paul Blanc. Très bien !

M. Daniel Hoeffel. Evitons de rendre encore plus complexe la réponse à la question : qui fait quoi ? Autant le pays se conçoit en tant qu'espace de solidarité et de communauté d'intérêts économiques, sociaux et culturels, autant il faut être clair et préciser que cela ne saurait être l'amorce de la reconnaissance d'un échelon territorial nouveau. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Je suis rassuré dans la mesure où le rapport de nos collègues MM. Braye et Guené précise ceci : « Pour l'essentiel, ces dispositions rétablissent la philosophie de la loi Pasqua fondée sur la liberté locale et la souplesse. » Je suis rassuré lorsque notre collègue Pierre Jarlier affirme, dans son rapport, qu'« il importe de rendre aux pays leur vocation d'espaces de projet et d'éviter qu'en constituant une structure de gestion des politiques publiques ils ne deviennent un nouvel échelon de collectivité territoriale. »

M. Philippe Arnaud. Très bien !

M. Daniel Hoeffel. Puisse le texte que nous adopterons refléter fidèlement cette convergence des opinions.

Ma deuxième observation concerne la place du pays par rapport aux SCOT et aux parcs naturels. Veillons à la lisibilité et à la compatibilité entre les projets de pays, les chartes de parcs et les projets d'aménagement des SCOT.

Le fait que plusieurs alinéas du texte qui nous est soumis abordent la nécessité de cette complémentarité prouve qu'elle ne va pas tout à fait de soi. Et pensons aussi aux élus municipaux qui doivent siéger dans les instances superposées communales, intercommunales, de pays, de parc et de SCOT ! N'écrasons pas la commune à la base et les élus municipaux par un empilement exagéré de strates et de chartes qui rendrait leur vie encore un peu plus difficile ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

Ma troisième et dernière observation a trait au rôle des EPCI. L'intercommunalité - et M. Dominique Braye est là pour en témoigner - est et doit rester la prolongation et le complément naturel de la commune.

M. Philippe Arnaud. Bravo !

M. Daniel Hoeffel. Elle doit être le relais naturel et incontournable des départements et des régions au niveau territorial. Il faut éviter de donner à d'autres échelons des missions et une place qui pourraient affaiblir les EPCI et les communes et empiéter sur leurs missions. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Le projet de loi constitutionnel sur la décentralisation va engendrer, dans les mois et les années à venir, des lois d'application, notamment en ce qui concerne la répartition des compétences entre les divers échelons d'administration territoriale. Il nous appartient, dans cette perspective, de veiller dès maintenant à ce que simplification, lisibilité, efficacité et moindre coût de fonctionnement des structures soient respectés.

M. Paul Blanc. Eh oui !

M. Daniel Hoeffel. Ne nous éloignons pas, à ce propos, d'une vision simple, claire et informelle du pays voulue à l'origine. L'acceptation de la décentralisation par nos concitoyens est à ce prix. (Vifs applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Georges Mouly.

M. Georges Mouly. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il n'est pas étrange qu'un texte de loi fondé sur de bonnes intentions - c'était sans aucun doute le cas de la loi SRU - s'avère d'application difficile et induise des points de blocage, des ambiguïtés, des contraintes excessives, toutes choses identifiées par nos rapporteurs et objets de modifications que j'approuve en tant qu'élu d'un département rural.

Pour ma part, c'est sur le volet politique des pays que je m'arrêterai quelques instants. C'est bien audacieux, me direz-vous, après l'intervention de notre collègue Hoeffel. Aussi, mon approche sera toute de modestie.

Le pays, grande aventure des années 1994-1996, est une expérience vécue. En 1996, la majorité du conseil général de mon département a adopté une politique dite de territoire qui voulait et aurait pu être la préfiguration des pays. Mais voilà que l'opposition départementale a déposé un recours au motif d'incompétence du département en matière de développement local et de découpage arbitraire ; il s'agissait d'un secours sélectif qui plus est.

Je mentionne tout cela pour dénoncer un risque contre lequel il faut absolument se prémunir : la politisation ; les hommes politiques doivent se rassembler sur des projets et non se séparer sur des ambitions.

Le pays, fruit d'une démarche concertée, est fondé sur le volontariat local tout simplement. Le texte qui nous est soumis insiste sur ce point. Fort bien, c'est essentiel.

Je poursuis mon propos sur notre expérience vécue du pays. Tel pays épargné par le recours sélectif dont j'ai parlé avait pu se constituer, avec charte ; mais ce n'est qu'au bout de deux ans que fut arrêté le périmètre ! C'est dire combien sont bienvenues toutes les mesures de simplification proposées telles que la suppression de l'avis de la CRADT comme préalable à la constitution des pays. Il est bien d'autres simplifications possibles, mais je n'en parlerai pas, le temps m'étant compté.

Pour l'instant, je souhaite vous poser une question, monsieur le ministre : dans ce nouveau contexte de forte simplification, à quelles règles obéiront désormais dans leur déroulement les pays constitués, avec projets mis en forme ?

Le préfet de région, dont j'ai appelé l'attention sur les projets dénommés « conventions d'objectifs », m'a répondu que la commission mixte compétente « examine les dossiers présentés et donne un avis qui est prononcé selon la règle du consensus. »

Cependant, a-t-il ajouté, « le pouvoir de décision relève du seul exécutif régional et du seul préfet de région ». Je ne mets bien évidemment pas en cause le préfet de région. Je mets simplement le doigt sur une procédure en cours fâcheusement paralysante : une politique de pays ainsi engagée est-elle condamnée à poursuivre son chemin de la sorte ?

Ces pays sont réputés constitués. Mais, dans la pratique, selon quelles règles se déroule leur mise en oeuvre ? Je pose la question : pas plus tard que demain, dans mon département, un pays passe à la moulinette du périmètre.

Permettez-moi de me livrer maintenant à quelques autres réflexions ou questions.

A l'expérience, j'ai pu juger de l'implication des membres du conseil de développement dans la reflexion et, comme beaucoup, j'ai craint la disparition de cette instance. Je me réjouis donc de son maintien librement organisé. N'est-ce pas aussi cela la démocratie de proximité ?

Une des caractéristiques, fortes, du texte concernant les pays est constituée par les mesures de simplification ; que j'ai saluées.

Il s'agit en fait de veiller à maintenir un difficile équilibre entre la volonté de bonne démocratie - il faut consulter, demander des avis - et la nécessité d'aller vite et bien. Or si les communes ou établissements publics de coopération intercommunale approuvent le projet de pays et son périmètre, des avis doivent être demandés.

L'intervention du conseil général à ce niveau me semble opportune - c'est une heureuse proposition que j'approuve -, aux côtés de la commission départementale de la coopération intercommunale, la CDCI, et du conseil régional.

Mais que se passera-t-il en cas d'avis divergents ? Que se passera-t-il en cas d'avis défavorables convergents ? Moins consulter ne serait-ce pas susciter moins de conflits d'intérêt ? La simplicité ne serait-elle pas gage d'efficacité ? Ne demande-t-on pas trop d'avis ? Je pose les questions.

Le pays serait un élément de la « dynamique des territoires ». Veillons surtout à ce que chacun trouve sa pleine efficacité, à ce que soit bien perçue la place importante qui doit être la sienne dans ce qui est trop souvent vécu comme un empilement des diverses structures d'intercommunalité. Certes, les lois de décentralisation vont définir les compétences des diverses strates de collectivités. Mais les élus de terrain aimeraient bien, dans la mesure du possible, y voir plus clair dès à présent.

Se pose également le difficile problème du chef de file. Il faudra bien un pilote dans l'avion !

« L'Etat et les collectivités locales auront à tenir compte du projet de pays pour l'organisation des services publics. » Les services publics : problème récurrent et élément important de l'aménagement du territoire ! Ne vaudrait-il pas mieux, pour le maintien et l'amélioration des services publics, se référer aux seules structures administratives, dont ne fait pas partie, heureusement, le pays ?

Ici une agence postale communale se met en place ; ailleurs, des maisons du département voient le jour. Sur ce sujet sensible, nous ne devons pas donner trop d'espoir à trop de monde !

J'ai voulu livrer ces quelques points de réflexion parce que le pays a aussi pour objet de renforcer les solidarités entre l'espace urbain et l'espace rural, démarche de fond en matière d'aménagement du territoire.

J'ai pu lire, dans le compte rendu des débats de l'Assemblée nationale, qu'un de nos collègues députés avait déclaré à l'occasion du débat sur la politique des pays : « Ce débat est passionnant, mais peut-être est-ce la dernière fois que nous pouvons en tenir un semblable puisque, avec la réforme constitutionnelle, les textes relatifs aux collectivités iront en première lecture au Sénat. C'est dommage. » Alors, mes chers collègues, nous fondant sur la qualité du travail de nos rapporteurs et de nos commissions, nous pouvons, me semble-t-il, rassurer nos collègues députés : le Sénat sera toujours en la matière à la hauteur de l'enjeu ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP, de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

(M. Daniel Hoeffel remplace M. Jean-Claude Gaudin au fauteuil de la présidence.)