SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. BERNARD ANGELS
1. Procès-verbal (p. 1).
2. Chèque-emploi associatif. - Adoption d'une proposition de loi. (Ordre du jour réservé.) (p. 2).
Discussion générale : M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité ; Mme Sylvie Desmarescaux, rapporteur de la commission des affaires sociales ; M. Georges Mouly, Mme Gisèle Printz, MM. Jean-Léonce Dupont, Roland Muzeau, Nicolas About, président de la commission des affaires sociales.
M. le ministre.
Clôture de la discussion générale.
Article 1er (p. 3)
Amendement n° 1 de la commission et sous-amendements n°s 4 et 5 de M. Georges Mouly. - Mme le rapporteur, MM. Georges Mouly, le ministre. - Adoption des deux sous-amendements et de l'amendement modifié rédigeant l'article.
Article 2 (p. 4)
Amendement n° 2 de la commission. - Mme le rapporteur, M. le ministre. - Adoption de l'amendement rédigeant l'article.
Article additionnel après l'article 2 (p. 5)
Amendement n° 3 rectifié de M. Henri de Raincourt. - M. Henri de Raincourt, Mme le rapporteur, M. le ministre, Mme Gisèle Printz, M. Guy Fischer. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Vote sur l'ensemble (p. 6)
M. Guy Fischer, Mme le rapporteur, MM. Paul Blanc, Jean Chérioux.
Adoption de la proposition de loi.
Suspension et reprise de la séance (p. 7)
PRÉSIDENCE DE M. GUY FISCHER
3. Zones franches urbaines. - Discussion d'une question orale avec débat. (Ordre du jour réservé.) (p. 8).
MM. Pierre André, auteur de la question ; Gérard Larcher, président de la commission des affaires économiques ; Jean-Paul Alduy, Mmes Jacqueline Gourault, Gisèle Printz, M. Roland Muzeau, Mme Michèle San Vicente.
MM. le président de la commission, Jean-Louis Borloo, ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine.
Clôture du débat.
4. Evolution de la dotation globale de fonctionnement des communautés d'agglomération. - Adoption des conclusions du rapport d'une commission. (Ordre du jour réservé.) (p. 9).
Discussion générale : MM. Michel Mercier, rapporteur de la commission des finances ; Patrick Devedjian, ministre délégué aux libertés locales ; Jean-Marie Poirier, Yves Fréville, Yves Détraigne, Thierry Foucaud, Michel Charasse.
M. le ministre délégué.
Clôture de la discussion générale.
Article additionnel avant l'article unique (p. 10)
Amendement n° 1 de M. Yves Détraigne. - MM. Yves Détraigne, le rapporteur, le ministre délégué. - Retrait.
Article unique. - Adoption (p. 11)
Article additionnel après l'article unique (p. 12)
Amendement n° 2 de M. Thierry Foucaud. - MM. Thierry Foucaud, le rapporteur, le ministre délégué. - Retrait.
MM. le rapporteur, le ministre délégué.
Adoption de l'ensemble de la proposition de loi.
5. Textes soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution (p. 13).
6. Ordre du jour (p. 14).
COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. BERNARD ANGELS
vice-président
M. le président. La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à neuf heures trente.)
PROCÈS-VERBAL
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ? ...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
CHÈQUE-EMPLOI ASSOCIATIF
Adoption d'une proposition de loi
(Ordre du jour réservé)
M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi (n° 19, 2002-2003), adoptée par l'Assemblée nationale, relative à la création d'un chèque-emploi associatif. [Rapport n° 197 (2002-2003).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, notre pays connaît de nombreux blocages structurels. Ils résultent, pour une part, d'une relation ancienne, trop exclusive et trop hiérarchique, entre la puissance publique et les citoyens, et ce aux dépens des corps intermédiaires et de la société civile.
Cette particularité française est à l'origine d'une sorte d'anémie du corps social, accentuant les phénomènes d'uniformisation, de démobilisation et d'atomisation qu'engendre trop fréquemment le monde contemporain.
Cette situation n'est pas propice à l'épanouissement de la société française, à sa nécessaire mise en mouvement. Elle contrarie la quête de dialogue et de consensus qui parcourt le pays. Elle freine l'aspiration croissante de nos concitoyens à un militantisme plus marqué. Bref, cette situation ne facilite pas l'émergence d'une citoyenneté engagée.
Malgré ces pesanteurs historiques et ces obstacles culturels, la société civile est désormais en marche et semble de moins en moins disposée à une dépendante passivité. Dès lors, chacun voit bien que l'organisation des pouvoirs, la gestion des décisions et les instruments de la régulation sociale ne peuvent plus être orchestrés comme par le passé.
C'est la raison pour laquelle le Gouvernement souhaite, dans un même élan, développer la démocratie locale, la démocratie sociale et la vie associative, symbolisée ici par cette proposition de loi. Redistribuer le pouvoir d'imagination et d'initiative vers les élus locaux, vers les représentants professionnels et vers les Français, tel est notre objectif.
Cet objectif s'inscrit dans une perspective dont nous voulons poser les jalons : celle de la société participative, une société créative, trouvant en elle-même les ressorts de l'action collective, du dialogue et de la solidarité quotidienne.
Cette société de la participation rime avec celle de l'association. La proposition de loi de M. Jean-Pierre Decool, que le Sénat a opportunément inscrite à son ordre du jour et dont le rapporteur, Mme Sylvie Desmarescaux, a mesuré et ajusté avec finesse et conviction les contours, se veut utile au développement du monde associatif, au sein duquel s'expriment les passions et le dévouement de nos concitoyens.
Chaque année, se créent dans notre pays plus de 60 000 associations. Cette vitalité du monde associatif, le Gouvernement y est attaché. Il entend la stimuler et l'épauler, car elle alimente le lien citoyen dont notre pays a plus que jamais besoin pour retisser son pacte social et républicain.
Vous le savez, nombre de ces associations éprouvent le besoin de s'attacher le concours de salariés quelques heures par semaine ou par mois pour accomplir diverses tâches. Elles en sont bien souvent dissuadées par la lourdeur et la complexité de notre réglementation. Etablissement d'un contrat de travail, de fiches de paie et de déclarations trimestrielles, correspondance avec les organismes sociaux constituent autant de tâches auxquelles les bénévoles sont généralement peu préparés et qu'ils peinent à effectuer.
L'institution d'un chèque-emploi peut précisément répondre aux difficultés de fonctionnement rencontrées par de très nombreuses associations. Il peut leur permettre de bénéficier des concours occasionnels dont elles ont besoin tout en garantissant à leurs collaborateurs une protection sociale et des droits à la retraite. Le Gouvernement y est donc favorable.
La proposition de loi est, dans son principe, innovante et motivante. Il faut lui offrir toutes les chances de réussite. Pour cela, il convient de ne pas négliger ses modalités d'application ni de sous-estimer les difficultés éventuelles qu'elle peut receler. Le dispositif doit être encadré et sa mise en oeuvre accompagnée par les partenaires sociaux.
Cet encadrement est nécessaire afin de respecter les dispositions relatives aux droits des salariés et aux organismes de protection sociale. C'est pourquoi le recours au chèque-emploi associatif doit rester facultatif pour le salarié. Le texte qui vous est soumis le prévoit.
En relation étroite avec les partenaires sociaux, plusieurs questions doivent être résolues en ce qui concerne la mise en oeuvre de ce nouveau chèque-emploi.
Il s'agit, d'abord, de la convention collective à laquelle ce chèque-emploi associatif devra s'attacher. C'est cette convention, vous le savez, qui détermine les cotisations sociales et patronales. Le chèque-emploi service auquel il est fait référence fonctionne ainsi sur la convention collective des employés de maison.
Parallèlement, il conviendra de préciser les organismes de retraite complémentaire et de prévoyance compétents. En ce qui concerne le chèque-emploi service, la question ne se posait pas puisqu'il n'y a qu'un organisme. En revanche, il en existe à l'évidence plusieurs pour les salariés des associations et, dès lors, un choix devra être fait.
Enfin, et principalement, la question du recouvrement des cotisations doit être bien cadrée. Aujourd'hui, les cotisations sociales sont, vous le savez, collectées par les ASSEDIC, par l'URSSAF et par les organismes de retraite complémentaire. Pour que le dispositif fonctionne de façon satisfaisante, il faut un guichet unique. La proposition révisée utilement par votre rapporteur prévoit que ce soient les URSSAF qui assument ce rôle. Cela me paraît justifié. L'adhésion des partenaires sociaux, gestionnaires des organismes de sécurité sociale, constitue en effet une condition sine qua non de la réussite de ce projet.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, la solution du chèque-emploi associatif doit permettre d'apporter un plus à des centaines de milliers de petites associations. Je sais qu'elles observent avec intérêt nos débats et qu'elles attendent cette mesure, qui facilitera leur tâche.
Cette avancée ne doit cependant pas nous dispenser d'une réflexion plus globale sur les efforts de simplification des relations entre l'administration, les organismes de sécurité sociale et les citoyens. Les complexités qui persistent constituent un frein à l'emploi dans les associations - c'est notre débat d'aujourd'hui -, mais aussi dans les petites entreprises. Il est donc indispensable que l'Etat et les partenaires sociaux puissent progresser ensemble sur ce sujet.
Le Gouvernement a décidé de s'attaquer, dans toutes ses dimensions, à ce sujet de la complexité administrative. Mon collègue Henri Plagnol va présenter en conseil des ministres un projet de loi portant habilitation du Gouvernement à simplifier par ordonnances. La simplification des formalités d'embauche et de paie, dont il est question aujourd'hui, fera bien sûr partie des thèmes prioritaires.
Une de mes propositions, qui figure dans ce projet de loi, consiste à créer un titre emploi salarié pour toutes les petites structures, PME ou petites associations, qui facilitera l'embauche et la rémunération de leurs premiers salariés.
M. Paul Blanc. Très bien !
M. François Fillon, ministre. Ce titre emploi salarié, à l'instar du titre emploi salarié agricole, le TESA, qui existe déjà dans l'agriculture, se composera de quelques formulaires simples que l'employeur utilisera pour toutes les déclarations et fiches de paie. Par ailleurs, les paiements se feront soit par virement automatique, soit par chèque classique. Une ordonnance consacrée à ce sujet sera élaborée en lien avec les partenaires sociaux et les organismes de sécurité sociale, dès que la loi d'habilitation sera votée.
Le Gouvernement soutient donc toutes les démarches qui simplifient la vie des employeurs et de nos concitoyens. Cela est notamment vrai dans le secteur associatif, qui contribue à la société participative que nous appelons de nos voeux. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement est particulièrement favorable à l'esprit pratique et généreux qui inspire cette proposition de loi. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Sylvie Desmarescaux, rapporteur de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi relative à la création d'un chèque-emploi associatif, dont l'initiative revient à M. Jean-Pierre Decool, député du Nord, vise à satisfaire une revendication ancienne des associations, et notamment des plus petites d'entre elles, à savoir la simplification des formalités sociales liées à l'embauche de leurs salariés.
En effet, la vie associative fait preuve d'une vitalité et d'une richesse qu'il convient d'encourager. Ainsi, dans notre pays, on dénombre 900 000 associations actives, qui comptent 20 millions d'adhérents et 11 millions de bénévoles. Ce secteur représente près de 50 milliards d'euros, soit entre 3,5 % et 4 % du PIB.
Le mouvement associatif joue donc un rôle social important, en tant que lieu de sociabilité et de solidarité. Il remplit également un rôle économique majeur, et le secteur associatif est l'un des premiers employeurs de France.
Selon les données communiquées par le conseil national de la vie associative, le nombre d'associations employeurs est passé de 120 000 à 145 000, soit quelque 900 000 emplois en équivalent temps plein. L'emploi associatif représente ainsi près de 5 % de l'emploi salarié total.
Plus de la moitié des associations employeurs - 54 % - n'ont qu'un à deux salariés ; 18 % des associations employeurs comptent de 10 à 49 salariés ; 4 % seulement ont plus de 50 salariés, particulièrement dans le secteur de l'action sociale et de la santé.
Le travail à temps partiel représente 55 % des effectifs salariés des associations. Il est particulièrement élevé dans les secteurs du sport, des loisirs et du tourisme. Le recours à des emplois à durée déterminée, tels les CDD ou les vacations, concerne 36 % des salariés. Cette forme d'emploi est la plus fréquente dans les associations d'insertion, mais reste supérieure ou égale à 50 % dans les associations culturelles, de loisirs, caritatives et humanitaires.
Enfin, l'emploi associatif joue un rôle essentiel dans le dynamisme de certains dispositifs de la politique de l'emploi avec, par exemple, 35 % des contrats emploi-solidarité, mais aussi dans l'embauche de certains publics défavorisés. On ne saurait également passer sous silence sa contribution à l'emploi des femmes, qui occupent plus de 70 % des emplois associatifs.
Au regard de ces chiffres et de l'importance de la contribution de l'emploi associatif à la vie sociale de notre pays, il est donc indispensable de définir une politique plus favorable à l'embauche au profit des associations.
Nombre d'entre elles, notamment les plus petites, sont encore rebutées par la complexité des formalités liées à l'embauche et à l'emploi d'un salarié. La gestion de ces petites associations incombe, en effet, à des bénévoles, qui ne disposent pas des connaissances juridiques et des moyens humains ou matériels nécessaires. La plupart de ces petites associations hésitent donc à embaucher et doivent parfois recourir, à leur corps défendant, à diverses astuces pouvant se situer à la limite de la légalité.
Or ces mêmes associations, même les plus petites, sont également confrontées aux exigences croissantes de leurs membres ou de leurs usagers, qui les conduisent à devoir « professionnaliser » sans cesse davantage leurs services, et donc à embaucher les compétences correspondantes.
La situation actuelle n'est donc pas satisfaisante pour les associations, ni pour leurs gestionnaires. Elle pénalise également les personnes susceptibles d'être embauchées, ainsi que les organismes sociaux qui se trouvent, de ce fait, privés de cotisations sociales supplémentaires.
La proposition de loi de M. Jean-Pierre Decool est donc opportune et bienvenue. En première lecture, elle a d'ailleurs recueilli un large assentiment sur les bancs de l'Assemblée nationale. Son principe est également soutenu par le Gouvernement.
Le dispositif proposé s'inspire directement de celui du chèque-emploi service, déjà utilisé par les particuliers employant une aide domestique et dont le succès confirme, s'il en était encore besoin, qu'il est possible de simplifier les formalités à la charge des employeurs sans compromettre pour autant les droits sociaux des salariés.
Je me permets d'ailleurs d'insister sur ce point. Le but du chèque-emploi associatif n'est pas de définir, pour les salariés des petites associations, un statut « au rabais » qui serait moins favorable que celui des autres salariés. En effet, une telle solution ne serait pas équitable pour les salariés concernés. En outre, elle pénaliserait les petites associations, qui auraient alors les plus grandes difficultés à recruter les compétences nécessaires.
L'objectif visé par cette proposition de loi est donc simple : comme pour le chèque-emploi service, il s'agit de décharger, dans toute la mesure possible, l'association employeur des tâches matérielles liées à l'accomplissement des formalités sociales.
Bien plus, en mettant fin à la tentation du travail dissimulé,...
M. Paul Blanc. Voilà !
Mme Sylvie Desmarescaux, rapporteur. ... le chèque-emploi associatif garantira aux salariés des petites associations l'effectivité de leurs droits sociaux.
M. Jean Chérioux. Très juste !
Mme Sylvie Desmarescaux, rapporteur. En toute hypothèse, comme l'a dit M. le ministre, le chèque-emploi associatif ne pourra pas être utilisé par l'association employeur sans l'accord du salarié.
Comme le chèque-emploi service, le chèque-emploi associatif se composera, d'une part, d'un véritable chèque, que l'association utilisera pour régler son salarié, et, d'autre part, d'un volet social qui sera utilisé pour la détermination des droits sociaux et le calcul des cotisations de ce salarié.
Par ailleurs, la commission rejoint l'auteur de la proposition de loi quand il prévoit de limiter l'utilisation du chèque-emploi associatif aux associations à but non lucratif employant un nombre réduit de salariés.
En effet, les associations plus importantes, ou les associations à but lucratif, disposent des ressources humaines et matérielles nécessaires pour faire face à leurs démarches administratives. Pour être efficace, il convient donc de cibler le chèque-emploi associatif sur les petites associations à but non lucratif, afin de répondre à un véritable besoin et de soulager ainsi efficacement leurs bénévoles.
A ce sujet, je rappelle que 54 % des associations employeurs n'ont qu'un à deux salariés. Près de 80 % d'entre elles emploient moins de dix salariés.
De même, il ne paraît pas opportun à la commission d'élargir le champ du chèque-emploi associatif à d'autres secteurs d'activités dans la mesure où, à l'occasion de l'examen du projet de loi pour l'initiative économique, l'Assemblée nationale a adopté un article visant à créer un « chèque-emploi entreprises » pour les petites entreprises du secteur concurrentiel et artisanal.
Telles sont les raisons qui conduisent la commission à proposer au Sénat d'adopter cette proposition de loi.
Afin d'en garantir l'effectivité et de fournir aux petites associations un outil véritablement opérationnel, il paraît toutefois indispensable à la commission de modifier la rédaction de ce texte sur quatre points essentiels.
Il convient tout d'abord de compléter la rédaction adoptée en première lecture par l'Assemblée nationale afin d'inclure, dans le champ du chèque-emploi associatif, l'ensemble des formalités sociales auxquelles sont astreintes, au même titre que tout employeur de droit privé, les associations.
En effet, la rédaction qui nous vient de l'Assemblée nationale s'inspire directement, et au mot près, de la disposition législative applicable au chèque-emploi service. Or les formalités sociales devant être respectées par un particulier employant une aide domestique sont beaucoup plus limitées que celles qui incombent à un employeur de droit commun, notamment à une association. Il convient donc, sur ce point, de compléter la définition législative des formalités sociales pouvant faire l'objet d'une simplification dans le cadre du chèque-emploi associatif, sous peine de fournir aux associations un outil incomplet.
Il est également nécessaire de désigner l'organisme qui sera compétent pour réceptionner et traiter le volet social du chèque-emploi associatif. A défaut de cette désignation, en effet, l'association employeur serait contrainte d'envoyer autant de volets sociaux qu'il y a d'organismes compétents, que ce soit en matière de sécurité sociale, de chômage, de retraite complémentaire, de prévoyance ou de médecine du travail.
La commission propose donc de désigner la branche recouvrement du régime général de sécurité sociale, c'est-à-dire les URSSAF, comme destinataire du volet social du chèque-emploi associatif. En effet, conscientes des difficultés des associations, notamment des plus petites d'entre elles, les URSSAF ont récemment conçu une solution visant à simplifier leurs démarches administratives. Cette solution permet aux associations, par l'intermédiaire d'un tiers digne de confiance et sans avoir à se mettre à l'informatique, d'utiliser le logiciel « Impact emploi association », qui automatise l'ensemble des déclarations, formalités et règlements liés à l'embauche ou à l'emploi d'un salarié.
J'ai d'ailleurs tenu à constater personnellement sur le terrain les conditions d'application de cette solution développée par les URSSAF. Mon déplacement à Arras et les appréciations positives des associations utilisatrices que j'y ai rencontrées m'ont convaincue de l'intérêt de l'outil informatique « Impact emploi association ».
Dès lors, il serait absurde, dans le propre intérêt des associations, d'opposer « Impact emploi association » et « chèque-emploi associatif ». Au contraire, il est préférable d'utiliser ce dernier pour pallier certaines limites de la solution mise en place par les URSSAF.
En effet, cette solution oblige actuellement l'association à recourir aux services d'un tiers de confiance, moyennant une rémunération pouvant parfois atteindre 25 euros par document édité. De tels frais sont à l'évidence hors de portée des petites associations.
La commission des affaires sociales propose donc de modifier la rédaction de la proposition de loi afin que les URSSAF puissent traiter directement et gratuitement, à l'aide du logiciel « Impact emploi association », les volets sociaux qui leur seront envoyés par les associations choisissant d'utiliser le chèque-emploi associatif.
Je précise que cette solution ne « dépossède » nullement chacun des organismes sociaux concernés du contrôle de ses données et de ses cotisations. Les URSSAF ne joueront, à leur égard, que le rôle d'une « boîte aux lettres électronique » chargée de retransmettre les informations à chacun de leurs destinataires. La mise en oeuvre du chèque-emploi associatif permettra ainsi d'éviter la désignation, sous une forme physique, d'un nouveau « guichet unique », ce qui est toujours une source inutile de polémique entre les partenaires sociaux.
La troisième modification que la commission soumet à l'appréciation du Sénat concerne l'abattement sur les charges sociales prévu dans la rédaction initiale de la proposition de loi, et ce au profit des associations utilisant le chèque-emploi associatif.
La commission propose, en effet, de ne pas retenir le principe de cet abattement. Certes, elle n'ignore pas les contraintes budgétaires des petites associations et ne conteste nullement l'utilité des allégements de charges, bien au contraire. Néanmoins, elle s'interroge sur la conformité de cette mesure par rapport au principe, à valeur constitutionnelle, d'égalité devant les charges publiques. En effet, l'octroi de l'abattement est uniquement subordonné à l'utilisation d'une procédure administrative, le recours au chèque-emploi associatif, dont le bénéfice est, en outre, limité à une catégorie restreinte d'utilisateurs. Il est donc à craindre que cette mesure ne puisse être éventuellement censurée au motif d'une rupture d'égalité devant les charges publiques.
Surtout, la commission constate que l'avantage financier résultant, pour les associations concernées, de cet abattement restera symbolique dans la mesure où les associations peuvent déjà bénéficier, au même titre que les autres employeurs privés, de réductions substantielles de leurs charges patronales.
Les associations bénéficieront ainsi de l'allégement sur les bas salaires, dit « allégement Fillon », qui sera applicable, à compter du 1er juillet 2003, aux salaires inférieurs à 1,7 fois le SMIC. Pour une rémunération équivalente au SMIC, cet allégement représente, dès 2003, 66 % du montant des charges patronales. Au 1er juillet 2005, date de la fin de l'harmonisation progressive des différents SMIC, et « en régime de croisière », cet allégement représentera, au niveau du SMIC, environ 85 % des charges patronales.
Par ailleurs, les associations peuvent également, toujours au même titre que les autres employeurs, cumuler l'allégement « Fillon » avec, d'une part, l'allégement de charges patronales propres au contrat de travail à temps partiel et, d'autre part, le soutien accordé, au titre des charges patronales, dans le cadre des « emplois jeunes en entreprise ». Ce cumul aboutit, dans la plupart des cas, à exonérer totalement l'association de ses charges patronales.
Enfin, les associations peuvent également bénéficier des allégements de charges liés à certaines catégories d'emplois particuliers. Il s'agit, notamment, des contrats emploi-solidarité, ou CES, et des contrats emplois consolidés, ou CEC, dont les associations sont parmi les plus importants utilisateurs, et qui s'accompagnent, dans la plupart des cas, d'une exonération totale des charges patronales.
Pour ces raisons, et sauf à vouloir réduire le rôle du législateur à de simples effets de manche, la commission propose de ne pas retenir les dispositions concernant cet abattement dans la proposition de loi soumise à votre examen.
Enfin, il paraît utile de prévoir une date d'entrée en vigueur pour cette proposition de loi, date que la commission propose de fixer au 1er janvier 2004. Les autorités administratives compétentes auront ainsi le temps, d'une part, de définir les conditions d'application du chèque-emploi associatif et, d'autre part, d'assurer à cette nouvelle simplification administrative toute la publicité qu'elle mérite.
La commission des affaires sociales vous propose donc de voter, mes chers collègues, cette proposition de loi ainsi modifiée. Cette adoption permettra au Sénat de manifester une fois de plus tout l'intérêt qu'il accorde au mouvement associatif et la haute considération dans laquelle il tient l'engagement de ses bénévoles. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste. - Mme Gisèle Printz applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Georges Mouly.
M. Georges Mouly. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne m'attarderai pas sur les chiffres déjà avancés, qui font la démonstration de l'importance du monde associatif.
Qu'il me suffise de rappeler que nous sommes en présence, avec le monde associatif, d'un employeur quelque peu comparable à l'artisanat. La belle vitalité qui le caractérise ne saurait pour le moins laisser indifférent. En effet, nous constatons la création tous les ans de nombreuses associations, au sein desquelles se déploie une action généreuse, inventive, et s'épanouit un altruisme, remarquable facteur de lien social. La vie des associations est également un bel exemple de démocratie participative.
Par ailleurs, les associations sont riches de leur diversité, à l'image des intérêts divers portés par l'être humain ou le citoyen : de l'humanitaire au sport, en passant par la culture et les loisirs. Leur activité et leur développement sont portés par plus de 10 millions de bénévoles dont il convient de saluer le généreux engagement.
Mais nombre d'associations - cela a été dit et c'est une évidence - sont confrontées à des problèmes d'organisation et de fonctionnement. En effet, les bénévoles ne sont pas toujours préparés aux responsabilités engendrées par la gestion d'une personne morale. C'est d'ailleurs à l'intention des bénévoles responsables qu'ont récemment été édités, par exemple, le Guide du bénévolat associatif, le Guide politique-association, ou encore La Fiscalité dans les associations. Nous sommes là au coeur même de la raison d'être du texte en discusion.
Bon nombre de petites associations ne disposent pas des connaissances juridiques, des moyens humains et matériels nécessaires. La plupart hésitent à embaucher - cela a été dit, et c'est la stricte réalité -, alors qu'elles éprouvent le besoin de s'attacher le concours de salariés quelques heures par semaine ou par mois, salariés qui, il faut le préciser, sont loin d'être les ennemis du bénévolat et aident plutôt à la structuration des associations.
C'est dire combien sont opportunes et bienvenues les propositions déclinées dans l'excellent rapport de notre collègue Mme Sylvie Desmarescaux : elles correspondent à une démarche concrète, ponctuelle, pragmatique, qui s'inscrit dans une démarche plus générale de simplification administrative, voulue et illustrée par ailleurs - cela a été rappelé - par l'adoption, à l'Assemblée nationale, du chèque-emploi entreprises. Ce dernier ne nécessite ni déclaration d'embauche, ni contrat écrit, ni bulletin de salaire : difficile de faire plus simple !
Peut-être n'est-il pas déplacé de mentionner, en cet instant de mon propos, le dépôt d'une proposition de loi relative à la simplification des procédures d'agrément délivrées aux entreprises et associations de services aux particuliers ; ce texte se place en effet dans la même optique de simplification et, pour une part, dans le même champ d'action.
La proposition de loi que nous examinons aujourd'hui concerne une démarche réservée aux petites et moyennes associations à but non lucratif, deux caractéristiques auxquelles répond bien la nature de l'emploi proposé. Il y a en effet, à cet égard, une parfaite adéquation.
Les modifications proposées par Mme le rapporteur, au nom de la commission, me paraissent claires et de bon sens ; elles sont le fruit d'une expérience méritoire - je pense notamment au travail réalisé sur le terrain par notre collègue, s'agissant des URSSAF -, empreintes d'honnêteté - je vise plus particulièrement sa proposition tendant à ne pas retenir l'abattement sur les charges sociales -, réalistes et efficaces, s'agissant notamment de la suggestion de fixer la date d'entrée en vigueur de ce texte au 1er janvier 2004.
Aux propositions de la commission, Pierre André et moi souhaitons ajouter, par voie d'amendement, deux modifications tendant à étendre le bénéfice du chèque-emploi associatif aux salariés d'associations à but non lucratif pouvant relever du régime de protection sociale des salariés agricoles, à moins que l'on ne prévoie un lien entre les URSSAF et les caisses de mutualité sociale agricole. Je pense aux associations d'aide à domicile ou aux associations d'insertion dans le monde agricole, par exemple.
En tout cas, il nous a semblé que la simplification des déclarations, du paiement de la rémunération et des cotisations ne devait pas remettre en cause les règles applicables aux régimes de protection sociale.
Avant de conclure, je ne peux manquer d'évoquer rapidement la place et le sort du salarié recruté.
L'objectif du chèque-emploi associatif, est-il précisé dans le rapport, n'est pas de définir un statut au rabais. Le salarié est maître de sa décision ; c'est élémentaire, mais encore convient-il de le préciser.
Quant à la question de la convention de rattachement à des organismes de retraite complémentaire et de prévoyance, elle a été abordée.
Bref, il s'agit de permettre la création de réels emplois pour un meilleur fonctionnement des associations. Cela ne peut que favoriser - vous avez insisté sur ce point, monsieur le ministre - la démocratie locale, la démocratie sociale, toutes choses nécessaires à l'inéluctable mutation de notre société et à la tout aussi nécessaire évolution des relations entre l'Etat et les citoyens. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste).
M. le président. La parole est à Mme Gisèle Printz.
Mme Gisèle Printz. La proposition de loi relative au chèque-emploi associatif a connu une évolution notable depuis son origine, que l'on peut situer en mai 2000.
C'est en effet à cette date que notre collègue député François Sauvadet déposait une proposition de loi visant à étendre aux associations les facilités du chèque-emploi service destiné aux particuliers. Ce texte a été ensuite repris par Jean-Pierre Decool en août 2002, soit après la suppression des emplois-jeunes par le gouvernement et la majorité actuels.
Ce rappel a seulement pour objet de préciser que ce texte correspondait à une idée intéressante pour les petites associations et qu'il répondait à un besoin incontestable. Il n'est en effet pas mauvais de vouloir éviter aux responsables d'associations, qui n'y sont pas préparés, les nombreuses formalités d'embauche, de rédaction de contrat, de bulletin de paie, de calcul et de déclaration de cotisations, etc.
Les responsables des petites associations sont en effet souvent des bénévoles, des personnes qui bénéficient tout juste d'un remboursement de leurs frais les plus importants et dont il ne faut pas décourager la bonne volonté.
En fait, les tâches administratives sont « le talon d'Achille » de toutes ces structures précieuses à notre tissu social. Elles sont accomplies par des bénévoles, des personnes qui acceptent de mettre leurs compétences professionnelles gratuitement au service de l'association à laquelle elles sont attachées, mais dont la disponibilité n'est pas toujours certaine, surtout dans la durée.
L'objectif initialement affiché était donc de sécuriser les associations. Je cite à cet égard le rapport de l'Assemblée nationale : « Il faut permettre aux associations qui n'ont pas encore franchi le cap du passage au statut d'employeur de surmonter les réticences psychologiques qui l'accompagnent. »
En 2002, la situation a notablement changé, et l'on ne peut dissocier cette réapparition de la première proposition de loi de la fin des emplois-jeunes. Ce qui n'était pas urgent ne souffrait plus aucun retard à l'automne 2002.
La démarche initale s'est donc transformée en un besoin urgent de « bricoler », en direction des associations lourdement pénalisées après la fin des emplois-jeunes, un dispositif partiellement compensatoire.
Le chèque-emploi associatif ne permettra plus aux associations de bénéficier du même avantage financier que le dispositif emplois-jeunes. Certes, c'est une petite économie pour le budget de l'Etat, mais encore convient-il de voir si cela n'engendrera pas une autre dépense par ailleurs. Je pense notamment aux demandes qui ne manqueront pas d'être formulées auprès des collectivités territoriales ou du budget de l'UNEDIC, qui doit d'ailleurs de nouveau recourir à l'emprunt.
Après 106 000 chômeurs de plus en 2002, on en attend 77 000 supplémentaires pour 2003, 137 000 si l'on compte les catégories 1 et 6.
Faut-il rappeler que le mouvement associatif dans son ensemble avait créé 92 000 emplois-jeunes en 2001 et qu'il emploie 35 % des contrats emplois solidarité ?
Malgré le bénévolat qui y est très répandu, 120 000 associations emploient 1 200 000 personnes, soit 960 000 équivalents temps plein. Devant de tels chiffres, on peut mesurer le potentiel de nouveaux postes de travail qui peuvent apparaître et qui ne sont pas à négliger.
On comprend dès lors que la suppression hâtive des emplois-jeunes appelle une correction.
Tout miser exclusivement sur l'initiative privée et les créations d'emplois qui devraient en résulter n'est pas opportun dans une conjoncture pour le moins atone.
Un dispositif comme celui des emplois-jeunes était la réponse à de nouveaux besoins sociaux et un moyen d'aider des jeunes à démarrer professionnellement. Il aurait pu être aussi un amortisseur indispensable face à la montée du chômage.
En revanche, le contrat jeune en entreprise que vous avez mis en oeuvre n'apporte pas une réponse adéquate dans la mesure où il est en décalage par rapport à la situation économique actuelle.
Il n'est pourtant pas moins coûteux en exonérations de cotisations sociales patronales que d'autres catégories de contrats aidés du secteur non marchand.
Avec cette proposition de loi, c'est donc un peu à un retour sur idéologie que nous assistons. Car si les petites associations créent peu de valeur au sens financier du terme, elles sont largement créatrices de valeur sur le plan social et pour la qualité de la vie en société.
La proposition de loi prévoit donc l'extension du chèque-emploi service à ces milliers de petites associations à but non lucratif qui irriguent notre territoire.
Sur le plan légal, il s'agit des associations qui ne peuvent que couvrir des besoins non ou mal satisfaits par le secteur marchand, pratiquer des prix inférieurs, réinvestir les bénéfices, ne pas faire de publicité et avoir une activité essentiellement tournée vers des personnes en difficulté.
Toutes les catégories d'emplois qu'elles sont susceptibles de créer, dans la limite d'un équivalent temps plein, sont concernées.
En d'autres termes, le dispositif est destiné à de petites structures qui n'exigent que quelques heures de travail rémunéré par semaine, mais pour lesquelles ce travail est indispensable pour qu'elles puissent fonctionner durablement.
Le chèque-emploi associatif est adapté à ce type de structures ; il ne pourra qu'y faciliter le passage à l'emploi rémunéré.
Deux questions se posent néanmoins, monsieur le ministre.
Pouvez-vous nous indiquer si vous envisagez une convention collective de référence ou bien si la convention collective dépendra de l'activité de chaque salarié ? Je pense en l'occurrence aux associations qui exercent leur activité dans plusieurs domaines.
Quels seront les organismes de retraite complémentaire et de prévoyance compétents ?
Je formulerai enfin une remarque qui ne vous concerne pas directement, monsieur le ministre, tout au moins pour le moment, mais qui est inévitable sur ce thème du chèque-emploi et du guichet social unique.
La commission nous propose en effet - ce que nous acceptons bien volontiers - de désigner les URSSAF comme destinataires du volet social du chèque-emploi associatif.
Depuis leur création, les URSSAF ont fait la preuve de leur compétence en la matière ; elles ont déjà créé le système Impact emploi association, qui donne toute satisfaction. Leur attribuer le volet social participe donc d'une démarche logique et cohérente.
Or, parallèlement, sur le projet de loi pour l'initiative économique, nous voyons surgir inopinément un amendement visant à la création d'un guichet social unique pour les petites entreprises, qui serait attribué non pas aux URSSAF mais à plusieurs autres organismes. Pouvez-vous nous éclairer sur cette démarche, dont la cohérence ne nous apparaît pas d'emblée ?
Sous réserve des remarques que je viens de formuler, le groupe socialiste n'entend pas s'opposer à une mesure qui va dans le bon sens s'agissant de la vie des associations et de la formalisation d'emplois.
M. le président. La parole est à M. Jean-Léonce Dupont.
M. Jean-Léonce Dupont. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, simplification : tel est le maître mot du Gouvernement en matière de formalités administratives, et nous ne pouvons que souscrire à ce mot d'ordre.
Les employeurs, particulièrement lorsqu'il s'agit de petites structures, souffrent de l'extrême complexité et du nombre effarant de déclarations qu'ils doivent remplir, ce dont la France semble malheureusement s'être fait une spécialité.
Cette situation explique dans une large mesure les mauvais résultats enregistrés par notre pays en termes de compétitivité.
Il n'est pas étonnant, eu égard à la complexité parfois kafkaïenne de notre administration, que la France, même en période de croissance, crée relativement moins d'emplois que ses partenaires européens.
Petites entreprises et associations sont soumises à des obligations légales qui, bien souvent, dépassent leurs moyens et pèsent sur leur capacité d'embauche.
L'embauche, c'est bien de cela qu'il est question. La proposition de loi portant création du chèque-emploi associatif vise à faciliter l'exploitation d'un gisement d'emplois associatifs, gisement qui pourrait se révéler important. Ainsi, nous pouvons enfin espérer la mise en place d'un dispositif alternatif au gel et à la suppression des emplois-jeunes. Enfin, la bataille pour l'emploi est lancée !
L'emploi par la simplification, voilà qui sonne comme un slogan, voilà qui est bien séduisant !
Toutefois, au-delà de la séduction, ne pouvons-nous pas craindre qu'une telle mesure ne manque d'efficacité ? Comme chacun l'admettra, il n'est pas question de simplifier pour simplifier. Est-il opportun de simplifier à tout-va ?
Si la question se pose, c'est parce que la proposition de loi sur le chèque-emploi associatif doit être replacée dans un cadre législatif que le gouvernement actuel travaille à compléter.
En effet, il s'agit, dans la présente proposition de loi, de reprendre, au profit de l'emploi associatif, le dispositif déjà en vigueur pour l'emploi domestique. Ainsi, le chèque-emploi associatif est calqué sur le modèle du chèque-emploi service.
Toutefois, alors que le chèque-emploi service ne permet l'emploi que d'une catégorie de salariés, les aides à domicile, qui sont soumis au même régime de sécurité sociale, le chèque-emploi associatif s'adresse à un très grand nombre de catégories de salariés soumis à des conventions collectives très diverses.
Dans ces conditions, il est permis de s'interroger sur le point de savoir s'il aura autant de succès que son modèle.
Dans le même ordre d'idée, le projet de loi sur l'initiative économique que nous aurons prochainement à examiner institue un chèque-emploi entreprise. Dès lors, il est nécessaire de savoir comment s'organisera la coexistence de ces deux dispositifs.
En outre, derrière la question des chèques-emploi associatifs et des chèques-emploi service se profile celle du guichet unique, dont chacun sait dans cette assemblée qu'elle n'est pas politiquement neutre.
Enfin, cette proposition n'est pas non plus étrangère au projet de loi sur la simplification administrative que nous aurons bientôt à examiner.
Ainsi, le cadre législatif de la simplification administrative est d'une redoutable complexité. Il est désolant de constater qu'en voulant combattre le mal, nous n'avons fait que l'alimenter !
Il est regrettable que la proposition de loi sur le chèque-emploi associatif ait été élaborée et votée à la hâte à l'Assemblée nationale. De manière plus générale, il est dommage que l'ensemble des dispositifs que nous avons cités ne paraissent pas avoir fait l'objet d'un projet d'ensemble dont la cohérence sauterait aux yeux.
L'accumulation de mesures sectorielles n'est sans doute pas de nature à aller dans le sens de la transparence et de la simplification pourtant si recherchées.
Dans la mesure où la proposition de loi portant création du chèque-emploi associatif accroît le caractère touffu du maquis législatif et pose un grand nombre de difficultés techniques, j'aimerais saluer l'excellent travail de perfectionnement effectué par le rapporteur, Mme Desmarescaux, et par la commission des affaires sociales, présidée par notre collègue et ami Nicolas About.
Il est en effet nécessaire, pour que le dispositif proposé soit pleinement effectif, que le champ d'application du chèque-emploi associatif soit élargi à l'ensemble des formalités sociales à la charge des associations et que les URSSAF soient désignées comme interlocuteur direct et unique des associations utilisant le chèque-emploi associatif.
Nous allons de ce fait donner probablement un peu de travail supplémentaire aux URSSAF. A ce propos, je voudrais noter les difficultés qu'éprouvent parfois les URSSAF à enregistrer des modifications simples concernant l'employeur.
Permettez-moi de vous faire part d'une expérience personnelle. Une famille proche est passée d'un emploi à domicile à deux emplois à domicile ; après plus d'un an de déclarations mensuelles, téléphoniques et écrites, l'URSSAF n'avait toujours pas enregistré qu'il fallait envoyer à l'employeur deux imprimés au lieu d'un pour les deux déclarations !
Malgré les améliorations dont aura fait l'objet la présente proposition de loi, toutes les questions ne semblent pas définitivement réglées. Ainsi, il n'est pas certain que le caractère très ciblé de la mesure doive être salué. Est-il bon que le dispositif du chèque-emploi associatif ne soit réservé qu'aux associations employant un équivalent temps plein ? Si le chèque est réellement de nature à promouvoir l'emploi, ne peut-on raisonnablement penser que son bénéfice puisse être encore élargi ?
En outre, certaines incertitudes demeurent : le chèque est réservé aux associations à but non lucratif. Or toute association régie par la loi de 1901 n'a-t-elle pas, par nature, un but non lucratif ?
Quoi qu'il en soit, parce que la simplification est une nécessité et l'un des axes les plus importants de la politique qu'il nous appartient de mener en matière de lutte pour l'emploi, nous sommes favorables par principe à la proposition de loi portant création du chèque-emploi associatif.
Parce que de nombreuses interrogations et imperfections techniques demeurent dans ce domaine, c'est sans grand enthousiasme que le groupe au nom duquel je m'exprime soutiendra ce texte.
Mais le droit à l'expérimentation n'est-il pas aussi un droit du Parlement ? (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau.
M. Roland Muzeau. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'examen par l'Assemblée nationale de la présente proposition de loi visant à créer un chèque-emploi associatif, dispositif calqué sur celui du chèque-emploi service, a été l'occasion pour chaque formation politique de témoigner du rôle essentiel rempli par le milieu associatif pour tisser et dynamiser le lien social nécessaire à notre société.
Outre ce rôle social majeur, nous reconnaissons tous au secteur associatif un rôle économique indiscutable : l'emploi associatif représente aujourd'hui près de 5 % de l'emploi salarié total.
Dans ces conditions, comment ne pas souscrire à l'objectif de la proposition de loi, qui, par le biais d'un nouveau mode de gestion, entend faciliter l'embauche de salariés par les petites associations de terrain, lesquelles, effectivement, ont de réels besoins en personnel compétent pour des interventions ponctuelles ?
Nous reconnaissons l'intérêt du dispositif proposé visant à limiter au maximum les formalités administratives et sociales liées au statut d'employeur des associations.
Nous estimons toutefois indispensable de réfléchir aux conséquences que pourraient avoir sur le statut des salariés recrutés et rémunérés par le biais d'un chèque-emploi associatif, les dispenses envisagées pour certaines formalités sociales.
Ainsi, la commission des affaires sociales propose au Sénat d'élargir le champ d'application du dispositif à l'ensemble des déclarations et obligations incombant à l'association, comme à tout employeur de droit commun au titre du droit du travail.
En aucun cas, au motif qu'il convient d'aider les associations, nous ne saurions accepter que l'on précarise davantage l'emploi.
Il ne suffit pas de souligner que « le but du chèque-emploi associatif n'est pas de définir, au détriment des salariés, un statut social au "rabais". » Encore faut-il s'entourer de toutes les garanties nécessaires pour que le « plus » attendu par le monde associatif ne se fasse pas au détriment des droits sociaux de leurs salariés.
Or, sur cette question, la rédaction initiale de la proposition de loi comporte certaines zones d'ombre, notamment en ce qui concerne le volet social du chèque servant à déterminer les droits sociaux du salarié.
Le silence du texte sur la protection à laquelle le salarié a droit est plus que dommageable.
Nous ne savons toujours pas à quelle convention collective ce chèque-emploi associatif devra être rattaché.
Le dispositif s'adressant désormais à tous les types d'emplois susceptibles d'être remplis pour le compte d'une association, et non pas seulement aux emplois d'animation, il est impossible de désigner une convention de référence. Par conséquent, il devient impératif d'envisager les modalités selon lesquelles le chèque lui-même mentionnera la convention collective applicable.
Interrogée sur ce point en commission, ainsi que sur la question de l'organisme de retraite complémentaire dont relèveront les salariés rémunérés à l'aide du chèque-emploi associatif, vous avez, madame le rapporteur, répondu que « cette détermination pourra être effectuée dans le cadre de procédures simplifiées, comparables à celles qui existent, par exemple, dans le cadre du "titre emploi simplifié agricole". »
Cette réponse est loin de me satisfaire, et j'attends de la discussion de ce matin des précisions susceptibles de nous éclairer, notamment sur ces deux aspects.
Monsieur le ministre, vous ne pouvez qu'être attentif à cette demande puisque vous aviez noté vous-même, lors de la première lecture à l'Assemblée nationale, qu'il convenait « de ne pas négliger les modalités d'application du dispositif ni sous-estimer les difficultés éventuelles qu'elles peuvent receler ».
S'il est légitime que les partenaires sociaux accompagnent le chèque-emploi associatif, encore faut-il que le législateur ait préalablement épuisé sa compétence. En l'occurrence, cela signifie que nous fixions au moins le cadre minimal concernant la convention collective de référence et que nous nous entendions sur les organismes de retraite complémentaire et de prévoyance compétents.
Aucune des adaptations envisagées par la commission des affaires sociales ne va dans ce sens.
Le chèque-emploi associatif valait déjà contrat de travail ; il dispensait l'association d'établir un bulletin de paie ; il permettait d'accomplir les déclarations et paiements afférents aux cotisations et contributions dues au régime de sécurité sociale, au régime d'assurance chômage et aux institutions de retraite complémentaire et de prévoyance.
Si les amendements de la commission des affaires sociales reçoivent l'aval de la majorité sénatoriale, les associations à but non lucratif - certes, les plus petites uniquement - pourront s'affranchir de l'ensemble des obligations qui incombent aux employeurs et qui sont définies par le code du travail, qu'il s'agisse de la déclaration unique d'embauche, de la tenue d'un registre unique du personnel, des déclarations au titre de la médecine du travail ou des garanties de ressources accordées aux travailleurs privés d'emplois.
Force est de constater que nombre de nos collègues parlementaires ont la volonté d'alléger toujours plus les contraintes pesant sur les employeurs privés et d'étendre aux entreprises le bénéfice du chèque-emploi destiné aux associations. Le débat sur le projet de loi pour l'initiative économique et les correctifs apportés en première lecture par l'Assemblée nationale en témoignent. Les sénateurs communistes se doivent par conséquent d'être prudents à l'égard des présentes dispositions.
En effet, si la proposition de loi peut effectivement constituer une avancée pour la vie associative, elle peut également se révéler un fâcheux précédent pour l'ensemble des salariés français.
Je soutiens par ailleurs la proposition émise par la commission des affaires sociales de désigner les URSSAF comme interlocuteur direct et unique des associations utilisant un chèque-emploi associatif. Là encore, il nous faut tenir compte des dispositions contenues dans le projet de loi pour l'initiative économique instaurant un guichet social unique : elles suscitent d'énormes inquiétudes chez le personnel des URSSAF. La solution que préconise Mme le rapporteur éviterait l'écueil de la désignation, sous une forme physique, d'un nouveau guichet unique, ce qui, a priori, me semble plus satisfaisant.
Par ailleurs, Mme le rapporteur nous invite à réfléchir à la création d'un guichet unique virtuel s'appuyant sur l'outil informatique, axé sur l'efficacité et le respect de tous les organismes et préservant l'emploi.
A la lumière de ces observations, la proposition de loi paraît moins attrayante et plus symbolique. D'autant - et c'est le second point sur lequel je souhaite insister - qu'il convient de ne pas oublier le contexte dans lequel s'inscrit cette nouvelle disposition législative.
Ce contexte est peu favorable, c'est le moins que l'on puisse dire, au monde associatif, en particulier, et à l'emploi salarié, en général.
Les associations sont parmi les plus importants utilisateurs de contrats aidés - contrats emploi-solidarité, contrats emplois consolidés - et je me souviens d'être intervenu, lorsque vous présentiez, monsieur le ministre, le texte sur les contrats jeunes en entreprises, pour relayer l'inquiétude de l'Union nationale interfédérale des oeuvres et organismes privés sanitaires et sociaux, l'UNIOPS, inquiétude notamment provoquée par les annonces relatives à la non-reconduction des moyens propres à financer ces mesures de traitement social du chômage.
Je me rappelle également avoir exprimé mon inquiétude devant la disparition des emplois-jeunes qui, selon les termes de Mme Edith Arnoult-Brill, présidente du Conseil national de la vie associative, « ont apporté des compétences, un moyen de conforter le projet associatif et de développer des activités ».
Dans un secteur déjà confronté à de graves difficultés, vos choix en matière de politique de l'emploi ont été ressentis comme une régression.
La diminution des crédits inscrits pour 2003 au budget du ministère des sports, par exemple, le paiement tardif des subventions, l'absence de progrès concernant la reconnaissance du bénévolat, sont autant d'éléments qui, aujourd'hui, me confortent dans l'idée selon laquelle, globalement, la politique mise en oeuvre en direction des associations n'est guère volontariste.
Les interrogations formulées par les sénateurs communistes lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2003, notamment sur l'opportunité de vos choix privilégiant l'emploi dans le secteur privé par le biais de l'accentuation des exonérations de cotisations sociales et le démantèlement des 35 heures, de la loi de modernisation sociale ou du dispositif emplois-jeunes, se révèlent malheureusement très justes.
Le contexte actuel, marqué par une forte dégradation de l'emploi et par la multiplication des plans sociaux, vous contraint, monsieur le ministre, à demander des crédits supplémentaires pour l'enveloppe des contrats aidés dans le secteur non marchand, à envisager de réactiver le contrat initiative-emploi, à agiter la perspective du contrat d'insertion dans la vie sociale, aux contours encore très incertains, bref, à bricoler, mais sans jamais renoncer à créer un environnement toujours plus libéral pour les entreprises.
Si la commission des affaires sociales s'apprête à ne pas retenir le principe d'un nouvel abattement spécifique sur les cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales, ce n'est pas, comme prend soin de le préciser le rapport, parce que la majorité conteste l'utilité des allégements de charges sociales, mais parce que les multiples allégements déjà existants et cumulables conduisent, dans la plupart des cas, à exonérer totalement l'employeur de ses charges patronales. De surcroît, ce nouvel abattement pourrait être source de distorsions non seulement entre associations, mais aussi entre associations et entreprises.
Au regard de toutes ces remarques et en l'état du débat, vous comprendrez, chers collègues, que les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen ne puissent être que réservés à l'égard de la présente proposition de loi, qui s'inscrit dans le cadre plus global de la politique du Gouvernement menée en direction - et non au profit - des associations. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, « simplification » et « guichets uniques » sont des termes un peu magiques. Comment ne pas vouloir généraliser la première et multiplier les seconds ? Cela explique le foisonnement des initiatives en ce domaine.
Pas moins de trois « wagons législatifs » sont sur les rails. Je ne sais pas si tous arriveront à bon port et je ne sais pas non plus dans quel état seront ceux qui parviendront au terme du voyage.
Puisque nous abordons le premier d'entre eux, je me permettrai d'évoquer également les suivants.
Aujourd'hui, nous examinons donc avec vous, monsieur le ministre, la question du chèque-emploi associatif. Le principal mérite du texte que la commission vous propose est de ne pas construire une usine à gaz à côté d'un dispositif qui a été mis en place sur le terrain de façon pragmatique et qui, a priori, fonctionne bien : je veux parler du dispositif « Impact emploi association ».
A la fin du mois de mars, nous étudierons le projet de loi pour l'initiative économique, qui comporte également son lot de guichets uniques et de titres simplifiés. Cette initiative est due à l'Assemblée nationale, d'ailleurs contre l'avis du Gouvernement, exprimé avec bon sens par M. Dutreil, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation.
Enfin, doit être déposé, dans les jours qui viennent, un important projet de loi d'habilitation du Gouvernement à prendre par ordonnances des mesures de simplification, projet de loi qui sera défendu par M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat.
Je ne suis pas absolument persuadé que la méthode soit, tout bien considéré, excellente. Un esprit perfide soulignerait que la procédure est bien compliquée pour un dispositif qui vise... à la simplification.
En outre, il me semble que la simplification est une tâche assez technique, qui doit être négociée avec ceux qui en auront la responsabilité sur le terrain. En quelque sorte, la simplification gagnerait à venir « d'en bas ».
Certes, on me rétorquera que les prés carrés des uns et des autres, le conservatisme ambiant, les droits acquis et le « fonds de commerce » que bien souvent, la complexité constitue pour certaines professions, tout cela justifierait que l'on bouscule ce petit monde et que l'on passe en force, pour la bonne cause, bien sûr.
Je n'en suis pas persuadé et je pense, à tout le moins, qu'il faut doser le volontarisme et le pragmatisme ; d'autant que, si l'on n'y prend garde, et si les choses ne sont pas parfaitement coordonnées, nous risquons d'aboutir à une mosaïque cloisonnée, qui me semble aller à l'encontre d'une simplification bien comprise.
Mme le rapporteur a raison de rappeler la liste des « titres simplifiés » qui existent déjà. A trop en rajouter par strates successives viendra un moment où l'usager ne saura plus pour quel régime de simplification il doit opter. Viendra un moment où il faudra donc éditer un mode d'emploi ou une sorte de guide de la simplification. (Sourires.)
La problématique est un peu la même pour le guichet unique, qui me fait penser à cette formule ironique d'Anatole France : « En ce temps-là, le désert était peuplé d'anachorètes. » (Nouveaux sourires.) Gardons-nous de peupler notre pays de guichets uniques !
En fait, et je terminerai par là, je me demande si nous ne frôlons pas, dans ce domaine, la fausse bonne idée, issue de modes de pensée en définitive un peu archaïques, fondés sur des guichets dotés d'hygiaphones et des chèques papier que l'on remplit avec des machines à boule.
Il me semble que l'informatique doit cesser, en 2003, d'être assimilée à la complexité ; Mme Desmarescaux le dit très justement dans son excellent rapport. Il faudra dire à nos élites que la France d'en bas s'est adaptée, elle aussi, aux technologies modernes. Et je sais, monsieur le ministre, que vous êtes un fervent partisan de ces technologies.
L'informatique m'apparaît comme l'instrument par excellence qui permet de neutraliser la complexité - celle qui caractérise aujourd'hui l'architecture de notre protection sociale - par le recours à des « guichets virtuels » qui peuvent se charger de ventiler les déclarations ou les cotisations entre les différents organismes.
J'espère, monsieur le ministre, que vous pourrez faire prévaloir le bon sens auprès de vos collègues.
Il reste que, au-delà d'une neutralisation, plus ou moins bien comprise, de la complexité, il faudra bien réfléchir à une véritable simplification de notre système de protection sociale lui-même. C'est une question d'une tout autre ambition, qui ne se réglera pas, à l'évidence, par un trait de plume législatif. (Applaudissements sur l'ensemble des travées.)
M. Henri de Raincourt. Excellent ! Quel talent !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. François Fillon, ministre. Je voudrais d'abord remercier Mme le rapporteur des améliorations qu'elle propose d'apporter au texte initial et de son souhait de voir cette réforme engagée rapidement, dès le début de l'année 2004.
Je remercie également les orateurs de la majorité d'avoir apporté leur soutien à cette proposition de loi.
Monsieur Mouly, les propositions que vous avez formulées et qui se traduiront tout à l'heure par des amendements reçoivent le soutien du Gouvernement.
La question de la cohérence des différentes mesures de simplification proposées par les uns et par les autres a été évoquée à la fois par M. Jean-Léonce Dupont et, à l'instant, par M. le président de la commission des affaires sociales. Je crois que la recherche de la cohérence n'exclut pas l'attention aux initiatives de terrain, celles qui viennent des associations. A mes yeux, d'ailleurs, celle qui nous réunit aujourd'hui et dont l'auteur, M. Jean-Pierre Decool, nous écoute depuis les tribunes du public vient effectivement du terrain et correspond à une vraie demande des associations.
Si j'ai beaucoup de respect pour les cathédrales, je sais aussi qu'il a fallu des siècles pour les construire. Pour ma part, je ne crois pas que nous puissions, sur des sujets aussi complexes que ceux que nous avons en face de nous, rebâtir toute une législation, en tout cas pas dans un délai trop bref.
Je partage les réserves de M. le président de la commission devant l'envie qu'ont certains de multiplier les guichets uniques, qui, souvent, cachent en réalité une très grande centralisation et une très grande complexité administrative. Au fond, ce qui compte, c'est moins le guichet que le mécanisme qui est dissimulé derrière. J'essaie d'agir pour faire en sorte que nous recourions aux outils modernes qui sont à notre disposition sans vouloir à tout prix contraindre l'ensemble des organisations de notre pays à se couler dans le même moule.
Plusieurs questions ont été posées, auxquelles je veux apporter des réponses très précises.
D'abord, s'agissant de la référence aux conventions collectives et aux organismes complémentaires de retraite, comme je l'ai indiqué dans mon discours introductif, notre souhait est que le choix soit fonction de la nature des activités exercées, ce qui introduit, certes, de la complexité ; mais cette complexité est inévitable.
S'agissant des questions plus générales qui ont été posées sur le guichet unique, et nonobstant la remarque de fond que je viens de faire, le Gouvernement souhaite que les travailleurs indépendants aient un interlocuteur unique pour le recouvrement de leurs cotisations et de leurs contributions en matière de protection sociale.
Toutefois, les modalités de ce nouveau service ne sont pas aujourd'hui arrêtées. Nous avons choisi de confier une mission à la fois à l'inspection générale des affaires sociales, à l'inspection générale des finances et à l'inspection générale de l'industrie et du commerce pour étudier les conditions propres à nous permettre de parvenir à ce résultat. Nous allons voir dans les jours qui viennent...
M. Guy Fischer. La semaine prochaine ?
M. François Fillon, ministre. Non, car la question du guichet unique est renvoyée à une procédure réglementaire qui ne sera mise en oeuvre qu'un peu plus tard.
Je voudrais maintenant réagir à l'intervention de Mme Printz, qui, au prix de quelques contorsions, a essayé de nous expliquer que cette proposition de loi était d'inspiration socialiste. Pourquoi, alors, n'a-t-elle pas été présentée et votée sous la précédente législature ?
Vous avez par ailleurs affirmé, madame le sénateur, que ce texte revenait sur les orientations prises par le Gouvernement en matière de politique de l'emploi. C'est évidemment tout le contraire, car le Gouvernement continue et continuera inlassablement à réorienter la politique de l'emploi pour qu'elle soit génératrice de croissance.
Evidemment, tant que vous n'aurez pas compris que ce qui génère la croissance, c'est le nombre de gens qui sont au travail dans le secteur privé, que c'est le nombre d'heures travaillées multiplié par la productivité, vous aurez bien du mal avec l'économie !
La croissance dépend du nombre d'heures travaillées dans le secteur privé, et toutes les dispositions qui ont abouti, d'un côté, à diminuer le temps de travail et, d'un autre côté, à retirer du marché du travail des gens qui auraient pu y apporter leurs compétences ont été dommageables pour la croissance dans notre pays. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Roland Muzeau. Mais c'est le patronat qui met les gens au chômage !
M. François Fillon, ministre. Non ! Je parle d'une règle de l'économie qui se vérifie dans tous les pays du monde et, pour l'instant, vous êtes les seuls à ne pas l'avoir compris !
M. Jean Chérioux. Il y a des gens qui ne connaissent pas l'économie !
M. Roland Muzeau. Et il y en a qui ne connaissent que la Bourse !
M. François Fillon, ministre. J'ajoute que toutes les mesures que nous prenons, y compris celles que vous examinez aujourd'hui, visent à permettre aux Français, notamment à ceux qui sont en difficulté et que nous voulons aider, d'obtenir de vrais contrats de travail.
Comment peut-on dénigrer les contrats jeunes en entreprise - dont vous évoquiez le coût tout à l'heure, madame Printz -, qui permettent d'avoir de vrais contrats de travail à durée indéterminée avec un vrai salaire, et vanter des dispositifs qui ont conduit des jeunes dans l'impasse - il suffit de les interroger ! - avec des contrats à durée déterminée, sans formation, sans réelles perspectives d'avenir professionnel ?
Je ne nie pas que ces jeunes aient rempli des tâches utiles, qu'ils aient apporté à la société leurs compétences ; c'est vrai, ils ont permis d'améliorer un certain nombre d'aspects de notre vie quotidienne, mais, au total, le bilan est négatif.
Il est négatif avant tout pour eux, parce que, dans bien des cas, ils se sont retrouvés dans une impasse et n'ont pu obtenir au cours des cinq ans de leur contrat la qualification ou la formation susceptible de leur assurer un débouché sur le marché du travail.
Il est aussi négatif pour l'économie française parce que, à un moment où la croissance était forte et où l'on avait besoin de personnes qualifiées - je rappelle qu'aujourd'hui, dans notre pays, plus de 100 000 offres d'emploi ne sont pas pourvues -, ces jeunes ne pouvaient être présents sur le marché du travail.
Quant aux « petites économies » que vous évoquiez tout à l'heure, je souligne qu'il s'agit d'un programme qui coûte plus de 4 milliards d'euros aux contribuables !
Vous nous avez reproché l'arrêt brutal des emplois-jeunes. Or comment pourrait-il vous avoir échappé qu'à l'heure actuelle, en 2003, nous continuons à en financer 250 000 ? C'est dire si les difficultés que notre pays connaît en matière d'emploi sont liées non pas à notre politique, mais aux difficultés conjoncturelles, aux problèmes économiques dont souffre notre société, en particulier en Europe.
Je conclurai en indiquant que le Gouvernement souhaite que cette proposition de loi soit opérationnelle le plus tôt possible pour que les associations puissent rapidement en profiter. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
M. le président. « Art. 1er. - Le chapitre VIII du titre II du livre Ier du code du travail est ainsi rédigé :
« Chapitre VIII
« Associations à but non lucratif
« Art. L. 128-1. - Un chèque-emploi associatif peut être utilisé par les associations à but non lucratif pour rémunérer des salariés et pour simplifier les déclarations et paiements afférents aux cotisations et contributions dues au régime de sécurité sociale, au régime d'assurance chômage et aux institutions de retraites complémentaires et de prévoyance.
« Le chèque-emploi associatif ne peut être utilisé qu'avec l'accord du salarié. Sa remise se substitue à celle du bulletin de paie, prévue par l'article L. 143-3.
« Le chèque-emploi associatif s'adresse aux associations employant au plus un équivalent temps plein. Pour les emplois dont la durée de travail n'excède pas huit heures par semaine ou ne dépasse pas quatre semaines consécutives dans l'année, l'employeur et le salarié qui utilisent le chèque-emploi associatif sont réputés satisfaire aux obligations mises à la charge de l'un ou de l'autre par les articles L. 122-3-1 et L. 212-4-3.
« La rémunération portée sur le chèque inclut une indemnité de congés payés dont le montant est égal au dixième de la rémunération totale brute due au salarié pour les prestations effectuées.
« Les chèques-emploi associatif sont émis et délivrés par les établissements de crédit ou par les institutions ou services énumérés à l'article L. 518-1 du code monétaire et financier qui ont passé convention avec l'Etat.
« Les mentions figurant sur le chèque-emploi associatif ainsi que ses modalités d'utilisation sont fixées par décret.
« Art. L. 128-2. - Les cotisations à la charge de l'employeur au titre des assurances sociales, des accidents du travail et des allocations familiales qui sont assises sur les rémunérations versées sous la forme de chèques-emploi associatif font l'objet d'un abattement dont le taux est fixé par décret. »
L'amendement n° 1, présenté par Mme Desmarescaux, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit cet article :
« I. - Le chapitre VIII du titre II du livre Ier du code du travail est ainsi rédigé :
« Chapitre VIII
« Associations à but non lucratif
« Art. L. 128-1. - Un chèque-emploi associatif peut être utilisé par les associations à but non lucratif employant au plus un équivalent temps plein pour rémunérer des salariés et pour simplifier les déclarations et paiements afférents aux cotisations et contributions dues au régime de sécurité sociale, au régime d'assurance chômage et aux institutions de retraites complémentaires et de prévoyance.
« Le chèque-emploi associatif ne peut être utilisé qu'avec l'accord du salarié. Il se substitue à la remise du bulletin de paie prévue par l'article L. 143-3.
« Les associations utilisant le chèque-emploi associatif sont réputées satisfaire à l'ensemble des formalités liées à l'embauche et à l'emploi de leurs salariés, notamment celles prévues aux articles L. 122-3-1, L. 212-4-3, L. 320, aux déclarations au titre de la médecine du travail et du régime des prestations mentionnées à l'article L. 351-2, ainsi qu'à l'obligation prévue à l'article L. 620-3.
« La rémunération portée sur le chèque-emploi associatif inclut une indemnité de congés payés dont le montant est égal au dixième de la rémunération totale brute due au salarié pour les prestations effectuées.
« Les organismes de recouvrement du régime général de sécurité sociale organisent directement, et à titre gratuit, la gestion du chèque-emploi associatif au profit des associations.
« Les chèques-emploi associatif sont émis et délivrés par les établissements de crédit ou par les institutions ou services énumérés à l'article L. 518-1 du code monétaire et financier qui ont passé convention avec l'Etat. »
« II. - Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités d'application du présent article. »
Le sous-amendement n° 4, présenté par MM. Mouly et P. André, est ainsi libellé :
« Dans le texte proposé par l'amendement n° 1 pour le premier alinéa de l'article L. 128-1 du code du travail, après les mots : "au régime de sécurité sociale", insérer les mots : "ou au régime obligatoire de protection sociale des salariés agricoles". »
Le sous-amendement n° 5, présenté par MM. Mouly et P. André, est ainsi libellé :
« Compléter le texte proposé par l'amendement n° 1 pour le cinquième alinéa de l'article L. 128-1 du code du travail par deux phrases ainsi rédigées :
« Pour les salariés d'association relevant du régime obligatoire de protection sociale des salariés agricoles, les organismes de recouvrement du régime général de sécurité sociale transmettent aux caisses de mutualité sociale agricole les données permettant à ces dernières d'assurer la couverture sociale de ces salariés. Un accord entre les organismes de récouvrement du régime général de sécurité sociale et les caisses de mutualité sociale agricole prévoit les modalités de gestion et de répartition du versement unique des cotisations et contributions sociales dues au titre des rémunérations des salariés concernés. »
La parole est à Mme le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 1.
Mme Sylvie Desmarescaux, rapporteur. Afin de garantir le succès de l'effectivité du chèque-emploi associatif, dont elle a approuvé pleinement le principe, la commission propose d'en modifier le dispositif sur trois points essentiels, à savoir : l'élargissement du champ du chèque-emploi associatif à l'ensemble des formalités sociales qui incombent aux associations, formalités qui sont plus nombreuses que celles qui sont imparties à un particulier utilisant un chèque-emploi service pour rémunérer son aide domestique ; la désignation des URSSAF comme interlocuteur direct et unique des associations utilisant le chèque-emploi associatif ; la suppression de l'abattement prévu dans la rédaction initiale de la proposition de loi, qui n'aurait qu'une portée symbolique, compte tenu des abattements de droit commun dont bénéficient déjà les associations.
M. le président. La parole est à M. Georges Mouly, pour présenter les sous-amendements n°s 4 et 5.
M. Georges Mouly. Ces deux sous-amendements ont le même objet et je les ai déjà présentés dans la discussion générale. Il n'est donc pas utile d'y revenir.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ces deux sous-amendements ?
Mme Sylvie Desmarescaux, rapporteur. En application de l'article L. 722-20 du code rural, certains salariés des associations à but non lucratif ayant un objet agricole, notamment leurs dirigeants, sont affiliés au régime de protection sociale des professions agricoles.
Les deux sous-amendements visent à prendre en compte cette situation particulière. Il s'agit d'une précision utile.
Par conséquent, la commission émet un avis favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre. Le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 1 ainsi qu'aux sous-amendements n°s 4 et 5.
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 4.
(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 5.
(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1, modifié.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 1er est ainsi rédigé.
M. le président. « Art. 2. - Les pertes de recettes résultant pour la sécurité sociale de l'application des dispositions du dernier alinéa de l'article 1er sont compensées, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
L'amendement n° 2, présenté par Mme Desmarescaux, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit cet article :
« La présente loi entre en vigueur à compter du 1er janvier 2004. »
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Sylvie Desmarescaux, rapporteur. Cet amendement tire les conséquences de la suppression de l'abattement que nous venons de décider en adoptant l'article 1er, et fixe au 1er janvier 2004 la date d'entrée en vigueur de la loi.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre. Favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 2.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 2 est ainsi rédigé.
Article additionnel après l'article 2
M. le président. L'amendement n° 3 rectifié, présenté par MM. de Raincourt et Carle, est ainsi libellé :
« Après l'article 2, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
« Il est créé un "chèque-emploi jeune été" visant à faciliter les emplois saisonniers des étudiants, dont les conditions de mise en oeuvre seront créées par décret. »
La parole est à M. Henri de Raincourt.
M. Henri de Raincourt. L'excellente proposition de loi qui a été présentée par notre collègue Mme Desmarescaux va permettre de régler de très nombreux problèmes rencontrés par certaines associations.
J'ai discuté de ce sujet le week-end dernier avec des représentants associatifs soumis à des contrôles de l'URSSAF et j'ai pu constater à quel point les confrontations entre les responsables d'associations et les contrôleurs découragent les dirigeants d'associations.
Quand je leur ai exposé la teneur de la proposition de loi que le Sénat examine aujourd'hui, j'ai bien senti qu'un nouvel espoir était en train de naître. Je félicite donc très sincèrement ceux qui sont à l'origine de cette proposition de loi, ceux qui l'ont étudiée ainsi que ceux qui ont déposé des amendements.
J'ai bien entendu les arguments développés tant par le président de la commission que par vous-même, monsieur le ministre, et vous avez raison : au fond, le grand succès du chèque-emploi service pourrait conduire à la multiplication des dispositions prises en ce domaine et, par là même, à un certain affaiblissement du dispositif. Il faut donc que nous soyons extrêmement vigilants.
Néanmoins, monsieur le ministre, je présente à nouveau un amendement que j'avais déjà déposé l'été dernier, lorsque vous nous présentiez votre projet de loi instituant le contrat-jeune en entreprise. Cet amendement est destiné à régler un certain nombre des problèmes que rencontrent les étudiants qui effectuent des « jobs » de vacances, des « jobs » d'été.
Cet amendement rendrait d'éminents services aux étudiants qui ont besoin de travailler et à ceux qui veulent acquérir une expérience professionnelle, car ils sont aujourd'hui quelque peu laissés à l'abandon sur le plan réglementaire.
La commission des affaires sociales m'a offert un champ extraodinaire pour le présenter, et je suis convaincu qu'il va connaître un sort extrêmement favorable.
Je remercie par avance la commission des affaires sociales ainsi que le Gouvernement de leur compréhension active et sympathique, et je suis sûr que les décrets d'application pourront être pris très prochainement. (Applaudissements sur les travées du l'UMP.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Sylvie Desmarescaux, rapporteur. Cet amendement vise à créer un « chèque-emploi jeune été » afin de faciliter l'emploi saisonnier des étudiants. Son auteur, M. de Raincourt, l'avait déjà présenté à l'occasion de l'examen par le Sénat, en juillet dernier, du projet de loi relatif à l'emploi des jeunes en entreprise, mais il l'avait retiré à la demande du Gouvenement.
En effet, tout en approuvant le principe de ce « chèque-emploi jeune été », le Gouvernement avait estimé qu'il était nécessaire d'en préciser les conditions techniques de mise en oeuvre.
Aujourd'hui, la commission est favorable à l'adoption de cet amendement, qui apporte une contribution utile à la simplification des démarches sociales. En conséquence, elle souhaite connaître les adaptations techniques que le Gouvernement entend y apporter, compte tenu de la réflexion qu'il a probablement engagée sur ce sujet depuis plusieurs mois.
M. Roland Muzeau. Cela devient intéressant !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre. Le Gouvernement est favorable à cet amendement.
M. Roland Muzeau. Sur le principe ! Mais...
M. François Fillon, ministre. Je l'avais d'ailleurs dit à M. de Raincourt lorsqu'il avait présenté cette idée.
Je lui avais simplement indiqué alors que le texte qui servait de base à son amendement ne me paraissait pas le mieux choisi et qu'un certain nombre de questions techniques restaient à clarifier. Elles l'ont été. Le Gouvernement soutient donc cet amendement et prendra sans tarder les décrets d'application.
Vous conviendrez cependant avec moi, mesdames, messieurs les sénateurs, qu'avant que les décrets d'application ne soient pris, il faut que le texte soit voté, ce que je vous invite à faire ! (Rires et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Henri de Raincourt. Quel bon ministre !
M. le président. La parole est à Mme Gisèle Printz, pour explication de vote sur l'amendement n° 3 rectifié.
Mme Gisèle Printz. Dans son principe, cet amendement n'est pas mauvais, mais il est rédigé de manière trop vague et il n'est pas souhaitable de s'en remettre au décret pour régler toutes les modalités d'application.
De plus, les étudiants peuvent trouver des « jobs » en dehors de l'été, par exemple pendant les vacances d'hiver. Il faudrait que cela soit précisé.
Il est vrai que le chèque-emploi associatif permet de réduire le travail au noir, mais une rédaction floue peut aboutir au résultat inverse de celui que l'on attend.
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.
M. Guy Fischer. Le problème posé par M. de Raincourt est réel mais le champ d'application de son amendement est très limité puisqu'il méconnait notamment la situation des jeunes qui se procurent des emplois durant l'hiver.
Cet amendement ne prend pas non plus en compte le fait que les collectivités territoriales, notamment durant les vacances, embauchent de très nombreux jeunes. Pourquoi ne bénéficieraient-elles pas des mêmes avantages que les associations ? Ce serait d'autant plus légitime que, je le constate dans ma commune, les collectivités ont consenti des efforts très importants pour définir des règles équitables à l'égard de ces jeunes.
Nous n'allons donc pas voter contre cet amendement (Ah ! sur plusieurs travées de l'UMP), mais nous allons nous abstenir. Ce texte soulève en effet un certain nombre de problèmes. Mais je reviendrai sur ce point lors de mon explication de vote sur l'ensemble du texte.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 3 rectifié.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l'article 2.
M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Guy Fischer, pour explication de vote.
M. Guy Fischer. L'examen de ce texte intervient dans une période marquée par les incertitudes liées à la conjoncture économique, voire à la mise en oeuvre de décentralisation. Les budgets des collectivités locales sont de plus en plus resserrés, contraints, et le montant des subventions qu'elles versent aux associations pâtit de ce contexte.
Certes, nous l'avons dit, ce texte présente de toute évidence de l'intérêt pour les petites associations. La complexité des démarches administratives, le coût de l'emploi, les modalités de recrutement ou le recours aux CDD apparaissent comme des éléments négatifs. Par ailleurs, Mme le rapporteur a relevé certaines ambiguïtés qui subsistaient s'agissant des critères d'entrée dans le dispositif.
Il reste à répondre à quelques interrogations, notamment sur le guichet social unique. De ce point de vue, M. le président de la commission des affaires sociales a bien posé - c'est la raison pour laquelle nous l'avons applaudi - certaines problématiques qui, de toute évidence, sont incontournables. Dès lors, il s'agit d'aller plus loin.
S'agissant des conventions collectives, nous aurions voulu avoir une discussion un peu plus approfondie concernant leur application, notamment pour les régimes complémentaires de retraite.
Je vous rappelle que, pour les associations, sept conventions collectives sont aujourd'hui applicables et que d'autres sont en préparation, notamment concernant le sport.
Loin de nous l'idée de risquer de léser les salariés au motif de simplifier les démarches des associations employeurs !
Par ailleurs, il y a le problème du guichet social unique M. Roland Muzeau a proposé la création, dès maintenant, d'un guichet social virtuel.
Monsieur le ministre, vous avez en partie répondu à cette demande en disant que la question serait abordée lors de l'examen du projet de loi sur l'initiative économique. J'espère que votre collègue Roland Dutreil donnera une réponse précise, car cela « bouillonne » dans les URSSAF !
J'espère enfin que le recours au décret d'application que vous avez évoqué tout à l'heure ne conduira pas à prendre des décisions sans concertation avec les organismes concernés.
Telles sont, monsieur le président, l'ensemble des raisons pour lesquelles nous nous abstiendrons sur cette proposition de loi.
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Sylvie Desmarescaux, rapporteur. Monsieur Fischer, je le dis clairement et nettement : les conventions collectives seront respectées.
Je veux également préciser - mais je pense que vous le savez - que le guichet virtuel existe déjà avec les dispositifs « Impact emploi association » et « Net entreprises ».
M. Guy Fischer. Je vous remercie de ces précisions, madame le rapporteur.
M. le président. La parole est à M. Paul Blanc.
M. Paul Blanc. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne reviendrai pas sur les excellents propos de notre rapporteur à propos du rôle très important des associations dans notre pays.
J'émettrai d'abord un regret : ce dispositif ne concerne que les associations qui ont recours à un seul emploi permanent alors que, Mme le rapporteur l'a rappelé tout à l'heure, 54 % des associations emploient entre un et deux salariés permanents. Il serait par conséquent intéressant de permettre à ces associations d'utiliser le chèque-emploi associatif.
Je voterai ce texte, car il est empreint de beaucoup de pragmatisme. Alors que les Français reprochent à ceux qui les gouvernent la complication administrative de notre pays, ce texte opère une simplification administrative, dont la conséquence n'est pas négligeable : il s'agit de la suppression du travail au noir, auquel beaucoup d'associations ont recours précisément parce qu'elles sont totalement rebutées par toutes les formalités qu'elles doivent accomplir.
L'exemple du chèque-emploi service destiné aux emplois de maison a d'ores et déjà montré que ce système fonctionnait.
J'ai bien compris que le président de la commission redoutait la multiplication de guichets uniques,...
M. Nicolas About, président de la commission. Je vous connais ! (Sourires.)
M. Paul Blanc. ... mais, étant un pragmatique, je pense qu'« un tiens vaut mieux de deux tu l'auras » ! Puisqu'on nous soumet une proposition concrète, adoptons-la, et nous verrons plus tard ! Je voterai donc ce texte des deux mains. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Nicolas About, président de la commission. Moi aussi !
M. le président. La parole est à M. Jean Chérioux.
M. Jean Chérioux. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le secteur associatif, dont il est inutile de souligner le rôle important qu'il joue dans notre pays, réclame depuis bien des années une simplification des formalités administratives, notamment de celles qui sont liées à l'embauche et au versement des salaires.
Les plus petites associations, qui ne bénéficient pas de structures sur lesquelles s'appuyer, se heurtent ainsi à des obstacles administratifs difficilement surmontables et en tout état de cause préjudiciables à l'accomplissement de ce qui est leur véritable objet social.
Cette proposition de loi constitue donc une réponse pragmatique et adaptée à leurs besoins. Elle apporte simplicité, souplesse, efficacité et responsabilité aux associations, tout en offrant aux salariés un statut leur conférant les droits garantis par le code du travail. Personne ne peut dire le contraire.
Notre Haute Assemblée a quelque peu modifié le texte de l'Assemblée nationale, en adoptant les amendements de clarification proposés fort opportunément par notre excellent rapporteur. Je profite de l'occasion pour dire que ce premier rapport de Mme Desmarescaux a été extrêmement apprécié par la commission des affaires sociales.
Notre assemblée a aussi, dans sa sagesse, retenu la création d'un nouveau titre, afin de rémunérer avec plus de simplicité les emplois effectués l'été par des étudiants. Je tiens à souligner le caractère tout à fait pragmatique et bienvenu de l'amendement qui a été présenté par notre collègue Henri de Raincourt.
Le groupe UMP adoptera donc ce texte tel qu'il vient d'être amendé par notre Haute Assemblée. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Sylvie Desmarescaux, rapporteur. Je remercie mes collègues de leur soutien.
Je souhaite m'adresser quelques instants à M. Paul Blanc, qui a bien voulu prendre la parole malgré son état de santé - puissent mes propos être un bon médicament ! (Sourires) -, pour le tranquilliser : j'ai parlé non pas d'un emploi permanent, mais d'un emploi équivalent temps plein, ce qui signifie qu'il peut y avoir de un à dix salariés.
J'espère ainsi vous avoir rassuré, mon cher collègue.
M. Nicolas About, président de la commission. Il se sent déjà mieux !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble de la proposition loi.
M. Roland Muzeau. Le groupe CRC s'abstient.
Mme Gisèle Printz. Le groupe socialiste également.
(La proposition de loi est adoptée.)
M. le président. Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à onze heures cinq, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Guy Fischer.)
PRÉSIDENCE DE M. GUY FISCHER
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
ZONES FRANCHES URBAINES
Discussion d'une question orale avec débat
(Ordre du jour réservé)
M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion de la question orale avec débat n° 11.
M. Pierre André interroge M. le ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine sur l'état d'avancement des réformes engagées au cours des derniers mois.
Il souhaiterait, en particulier, connaître les mesures prises pour la mise en oeuvre des recommandations figurant dans le rapport intitulé Les Zones franches urbaines : un succès, une espérance, qu'il a présenté au Sénat en juin 2002.
Il serait également désireux d'être informé des perspectives de réforme des zones franches urbaines et des modalités d'extension de ce dispositif au cours des mois à venir, non moins que des conditions d'évaluation de cette politique.
La parole est à M. Pierre André, auteur de la question.
M. Pierre André. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la rénovation urbaine, l'éducation, l'intégration et la sécurité sont des points de passage obligés de la politique urbaine. L'économie et l'emploi sont aussi, et surtout, des gages de réussite.
Laisser à l'abandon économique les quartiers les plus difficiles serait le plus sûr moyen de condamner à l'exclusion des centaines de milliers de nos concitoyens.
Vous l'avez compris, monsieur le ministre, et avec l'appui du Président de la République et du Premier ministre vous avez décidé de relancer et d'étendre le dispositif des zones franches urbaines, les ZFU. Nous vous en sommes reconnaissants.
Les zones franches urbaines constituent le volet économique de la politique de la ville et, plus particulièrement, des quartiers en grande difficulté.
La commission des affaires économiques, sous l'impulsion de son président, M. Gérard Larcher, consciente de l'impact des zones franches urbaines, s'est largement impliquée pour démontrer l'utilité de celles-ci et l'ampleur des résultats obtenus.
Je citerai pour exemple le nombre d'entreprises créées - plus de douze mille -, le nombre d'emplois nouveaux - plus de cinquante mille, dont les neuf dixièmes sont des contrats à durée indéterminée - et le personnel, qui est constitué, dans une proportion de 25 à 30 %, de résidents du quartier.
Les zones franches urbaines ont une incidence bénéfique sur les investissements locaux et les finances locales. Le montant total estimé des investissements publics et privés réalisés dans les ZFU, qui ont eu un effet multiplicateur sur l'activité économique locale, dépasse 3,4 milliards d'euros en cinq ans.
Ces investissements ont souvent permis de doter les « communes dortoir » de véritables pôles économiques et de missions économiques.
Les zones franches urbaines ont constitué un dispositif transparent, qui a permis de remodeler des quartiers et d'apporter une modification déterminante de leur image et une réaffirmation du rôle du travail dans l'intégration sociale.
La création d'emplois a été d'autant plus remarquable qu'en 1996 aucun chef d'entreprise n'envisageait de s'installer dans ces quartiers difficiles, qui étaient caractérisés par une délinquance forte, un taux de chômage supérieur de 25 % à la moyenne nationale, une proportion de jeunes supérieure à 36 % de la population et une proportion de personnes non diplômées, là encore largement supérieure à la moyenne nationale.
L'embauche de populations défavorisées qui résident dans les quartiers « sensibles » constitue un vrai succès qui fait évoluer les mentalités.
Pour les entreprises, cette embauche a cependant un coût économique justifiant l'octroi des exonérations, qui n'ont donc pas été consenties sans contrepartie.
Les exonérations de cotisations sociales sont de l'ordre de 220 millions d'euros pour 2001, l'exonération fiscale se situant à environ 140 millions d'euros pour 2002.
Les détracteurs des zones franches urbaines et, en particulier, le gouvernement précédent, formulaient deux reproches essentiels à l'encontre de ce système : tout d'abord, les ZFU avaient été mises en place par le gouvernement d'Alain Juppé, en particulier par notre collègue Jean-Claude Gaudin, en charge à l'époque, avec Eric Raoult, de la politique de la ville ; ensuite, les ZFU déclenchaient, selon ces mêmes détracteurs, des effets d'aubaine, des fraudes, avec la création d'entreprises fictives.
Dire que tout fut parfait dès le départ serait exagéré. Toutefois, le dispositif encadré a fait l'objet de nombreux contrôles.
C'est ainsi que les conseils d'orientation et de surveillance, les COS, créés sur l'initiative du Sénat, ont bien joué leur rôle de lutte contre les « chasseurs de prime », en permettant un contrôle décentralisé et une sélection des entreprises.
Les zones franches urbaines n'ont en rien constitué des « paradis fiscaux », car les services fiscaux et les URSSAF ont effectué des contrôles quasi systématiques.
Le Gouvernement, monsieur le ministre, non seulement a décidé de relancer le dispositif dans les quarante-quatre ZFU existantes, mais également a annoncé son intention d'en créer quarante et une nouvelles.
M'adressant aux détracteurs des zones franches urbaines, je voudrais souligner, après avoir participé à vos côtés, monsieur le ministre, à quelques réunions des maires des villes concernées, toutes tendances politiques confondues, que je n'ai jamais entendu un maire demander que sa ville ne figure plus en ZFU ou refuser d'être parmi les quarante et une nouvelles zones franches que vous allez mettre en place.
Mieux encore : nombreux sont nos collègues élus ruraux à vous demander de réfléchir à la création de zones franches rurales.
Monsieur le ministre, en reprenant certaines propositions contenues dans le rapport d'information du Sénat Les Zones franches urbaines : un succès et une espérance, la principale question que nous nous posons, dans le cadre de notre débat de ce jour, c'est bien sûr la place des ZFU au sein de la politique de la ville, que vous impulsez avec dynamisme et talent.
Si vous avez déjà répondu à la plupart de nos préoccupations, quelques-unes restent cependant dans l'ombre.
La première préoccupation est relative à l'évaluation générale de la politique de la ville, et en particulier à celle des ZFU. Un système efficace d'évaluation des ZFU à l'échelon infracommunal doit être mis en oeuvre, en associant les services de l'emploi, les services fiscaux, l'INSEE, les URSSAF, les ASSEDIC, les chambres de métiers et les chambres de commerce, pour procéder à une évaluation du dispositif. L'INSEE pourrait, sans délai, être chargé de définir le cahier des charges de la collecte des éléments statistiques nécessaires pour assurer le suivi de cette politique.
La deuxième préoccupation concerne la cohérence de l'action administrative. Il faut appliquer aux URSSAF le principe selon lequel les positions qu'elles ont prises sur l'interprétation de la loi s'imposent ensuite à elles, en prévoyant que, lorsqu'elles refusent de répondre, c'est l'interprétation du redevable de bonne foi qui prévaut, à l'instar de ce qui est prévu pour les services fiscaux par l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.
La troisième préoccupation a trait aux questions foncières : il faut permettre aux ZFU encore dotées de disponibilités foncières de valoriser celles-ci au cours des prochaines années.
La principale limite à l'amélioration des résultats du dispositif des ZFU procède du manque de disponibilités foncières dont ont souffert certaines communes. Il serait donc souhaitable d'améliorer sensiblement, voire de rectifier à la marge certains périmètres de zone, tout en renforçant les compétences des « comités d'agrément » créés par les communes.
En concluant mon propos, j'en viens à trois questions qui m'apparaissent plus urgentes en ce qui concerne les ZFU.
Tout d'abord, où en êtes-vous, monsieur le ministre, de la création des nouvelles ZFU ? Quels sont vos contacts avec Bruxelles ? Nous sommes prêts, dans ce domaine, vous le savez, à vous soutenir dans vos négociations.
Ensuite, pouvez-vous nous assurer que les critères de choix seront transparents ? A défaut, ceux-là mêmes qui vilipendent les ZFU aujourd'hui vous reprocheront, demain, de ne pas en avoir créé chez eux.
Enfin, que pouvez-vous dire du contenu et du calendrier d'examen du projet de loi que vous préparez actuellement ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.
M. Gérard Larcher, président de la commission des affaires économiques et du Plan. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je saisis l'occasion qui m'est donnée pour remercier notre collègue Pierre André, qui m'a succédé en qualité de rapporteur du budget de la ville au nom de notre commission. Je tiens à le féliciter de l'initiative qu'il a prise en posant cette question orale relative au devenir des zones franches urbaines : cela nous permet de parler de la politique de la ville aujourd'hui dans cet hémicycle.
Je le remercie également de la qualité de son rapport de juillet 2002 ; celui-ci trouve son origine dans un débat en commission qui a eu lieu à l'automne 2001, sur l'initiative d'un collègue qui ne fait d'ailleurs pas partie de la majorité sénatoriale : M. Daniel Reiner.
Il a été souligné la nécessité de clarifier sur une procédure qui était largement discutée par les uns ou les autres. Il m'apparaît, en effet, que ce dossier est bien loin d'être clos, même si les détracteurs des zones franches urbaines sont encore actifs ou, plus exactement, si les idéologues qui leur sont hostiles n'ont pas baissé les bras. Au nom de quelques abus - mais n'y en a-t-il pas sur d'autres dispositifs de solidarité : je citerai, pour bien la connaître, la couverture maladie universelle -, abus qu'il faut, certes, combattre, on voudrait supprimer une procédure efficace. Comme Pierre André l'a rappelé, de nombreux élus, toutes sensibilités politiques confondues, souhaitent la création de zones franches urbaines dans les territoires ruraux en très grande difficulté.
Pour ma part, je suis convaincu de l'efficacité de ce dispositif, imaginé en 1996, au cours d'un débat approfondi entre notre collègue Jean-Claude Gaudin, alors ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration, et les commissions spéciales de l'Assemblée nationale et du Sénat, qui ont beaucoup travaillé sur ce sujet.
En réalité, la ligne de partage qui sépare les promoteurs des ZFU de leurs détracteurs est calquée sur l'idée que chacun se fait de la place qui doit revenir à l'initiative individuelle dans notre société. Doit-on laisser nos concitoyens végéter dans des quartiers éternellement en difficulté en leur versant des aides, ou bien faut-il leur permettre de prendre des initiatives, de créer ou de trouver un véritable emploi ?
Telle est bien la question qui nous est posée et à laquelle vous apportez aujourd'hui, monsieur le ministre, une réponse qui est marquée à la fois par votre expérience, votre pragmatisme et, j'allais dire, la réalité du terrain.
Pour soutenir cette thèse, je me référerai aux propos d'un entrepreneur, qui a été entendu par notre commission : installé dans la ZFU de Marseille, c'est-à-dire dans les quartiers Nord, il a, grâce à ce dispositif, pu créer une entreprise performante dans le secteur alimentaire ; il est arrivé dans notre pays voilà quinze ans.
« Ni l'ANPE ni les autres institutions n'étaient préparées pour nous venir en aide, nous a-t-il dit, tandis que notre volonté d'embaucher localement se heurtait aux habitudes et aux réalités des quartiers Nord. Il m'a donc fallu faire du "porte-à-porte", notamment auprès des associations que je connaissais déjà. Nombre d'habitants nous voyaient comme des profiteurs de passage. J'ai eu du mal à les convaincre de l'intérêt des zones franches, dont le but est pourtant de revitaliser les quartiers par l'économie de proximité.
« Jusqu'alors, on avait privilégié l'insertion par le social. Or l'on récolte aujourd'hui les conséquences de ce qui a été promis aux jeunes dans les années quatre-vingt.
« J'ai organisé des réunions avec les habitants, les exhortant à saisir leur chance. Apporter du travail dans la cité était une idée intelligente : les milieux politiques ont compris l'utilité de faire appel au monde économique au lieu de se borner à subventionner encore et toujours les associations : quinze familles, quinze étages... et quinze associations.
« Aujourd'hui, les quartiers Nord sont devenus fréquentables ; les jeunes qui, forts de leur bulletin de salaire, marque d'un travail honorable, peuvent quitter la maison de leurs parents et s'intégrer dans la société de consommation font des émules ! »
Il s'agit donc non seulement de redonner aux individus leur dignité, mais aussi d'éviter qu'ils ne soient « inutiles au monde », pour reprendre une formule de Bronislaw Geremek, afin qu'ils retrouvent un sens à la vie, quelles que soient leur origine, leur formation ou leur localisation dans la cité.
Au demeurant, quelle alternative nous propose-t-on ? Je pense à ceux qui voudraient chasser les ZFU. (Sourires.) Plusieurs d'entre eux font profession de critiquer à Paris les mesures qu'ils réclament quand ils sont revenus dans leur territoire !
M. Bruno Sido. Absolument !
M. Gérard Larcher, président de la commission des affaires économiques. En tant que rapporteur, à l'époque, j'ai encore en mémoire quelques exemples précis, quand il a fallu choisir les territoires à classer en zones franches urbaines...
Je souhaiterais donc que M. le ministre nous indique les résultats obtenus après l'adoption de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite « loi SRU », en décembre 2000, pour venir en aide aux quartiers en difficulté, à comparer aux résultats du Pacte de relance pour la ville.
Je serais curieux de savoir si ces mesures ont été plus utiles. A la limite, je serais le premier à le souhaiter. Car peu m'importe l'origine politique des mesures, pourvu qu'elles aient des résultats ! J'aimerais aussi savoir si l'inspection générale des affaires sociales en a fait un bilan aussi détaillé que celui qui lui avait été commandé il y a cinq ans.
Au fond, monsieur le ministre, la politique de la ville est fondée sur le pragmatisme, la volonté, l'engagement sur le terrain. La ville, il faut l'aimer, et ce quel que soit son visage. C'est à cela aussi que travaille notre commission des affaires économiques.
L'expérience de terrain de M. Pierre André nous démontre tout simplement que l'on peut réussir la politique de la ville. Je l'ai constaté moi-même dans votre commune de Valenciennes, monsieur le ministre, où je m'étais rendu au moment du Pacte de relance pour la ville : vous avez su transformer la vie, et c'est, pour moi, le rôle du politique. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe Union pour un mouvement populaire, 52 minutes ;
Groupe socialiste, 28 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 13 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 11 minutes.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Jean-Paul Alduy.
M. Jean-Paul Alduy. Monsieur le ministre, cher Jean-Louis, je tiens à vous féliciter de votre pugnacité et de votre volontarisme.
Nous pouvons aujourd'hui, pour relancer avec vous ce dispositif, nous appuyer notamment sur le rapport de notre excellent collègue M. Pierre André, ce dont je me réjouis.
Je commencerai par rappeler pourquoi nous avons été nombreux à militer en faveur de la reconduction de la politique définie et mise en oeuvre par M. Jean-Claude Gaudin.
Je dis bien « militer », car nous étions à contre-courant des discours des ministres chargés de la politique de la ville qui, pour donner plus de poids à leurs discours, avaient commandé à la va-vite un audit qui, sans être « malhonnête », fut « déshonnête », pour reprendre un mot de Montaigne. En effet, il était fondé sur les résultats de la période de lancement, toujours hésitante pour une procédure aussi novatrice.
Le rapport - excellent - de notre collègue Pierre André, paru en 2002, a rendu justice à ces maires de droite, de gauche et d'ailleurs (Sourires), qui avaient compris que cette procédure était l'outil décisif qui leur manquait pour combattre l'exclusion de certains quartiers de leur commune. Ils savaient, eux, que l'on ne peut pas combattre l'exclusion sociale, si l'on ne combat pas l'exclusion économique ; que l'on ne peut pas améliorer durablement le cadre de vie et promouvoir la mixité sociale, si la rente foncière de ces quartiers ne s'améliore pas et que pour cela, il faut accorder à ces quartiers le bénéfice de ce que l'on appelle une « discrimination positive ».
La procédure de la zone franche urbaine remet ces quartiers dans le marché de l'immobilier d'entreprise ; le marché des commerces et de l'artisanat leur donne une attractivité forte pour les créateurs d'entreprise et, par là, brise l'exclusion économique, celle-là même qui entraîne l'exclusion sociale, et non l'inverse. Depuis des décennies, on se trompait en agissant sur le bâti ou sur l'espace public et sur le social, sans agir dans le même temps avec force sur l'exclusion économique.
Les zones franches urbaines ont enfin brisé la spirale infernale de la paupérisation, de la marginalisation et du désespoir de ces quartiers. Les résultats sont là, et le rapport de M. Pierre André est éloquent : 50 000 emplois nouveaux, dont la moitié sont des créations, le coût des exonérations fiscales et sociales par emploi - créé, transféré ou préexistant - avoisinant 6 000 euros.
Ce qu'il faut voir, au-delà de ces chiffres déjà prometteurs, c'est la dynamique sociale et urbaine que les ZFU ont entraînée. Ce n'est peut-être pas tout à fait une expérimentation - le mot est d'actualité - qui a été faite ici, car il n'y avait aucun cahier des charges au départ, aucune contractualisation entre les partenaires, aucune méthodologie de suivi permanent et donc aucune évaluation. Cependant, nous avons capitalisé des expériences dans des situations et des démarches diverses qui permettent aujourd'hui de poursuivre l'action avec une efficacité encore plus grande.
Vous avez pris la décision, monsieur le ministre, de reconduire les quarante-quatre ZFU existantes et de vous donner un an pour définir les conditions d'extension du dispositif à quarante et un sites nouveaux : voilà qui est sage et lucide.
Il est sage et lucide de reconduire les quarante-quatre ZFU existantes, car le temps de la ville est un temps long.
M. Gérard Larcher, président de la commission des affaires économiques. C'est vrai !
M. Jean-Paul Alduy. Cinq ans, c'est trop peu pour infléchir le cours de l'évolution d'un quartier.
Cette durée de cinq ans était d'autant plus insuffisante que la procédure était innovante et que les hésitations furent multiples au départ. Certaines administrations - je pense à l'URSSAF - n'ont pas manifesté un zèle particulier, lorsqu'elles ne sabotaient pas les actions de communication des villes ou des associations. Les ministres eux-mêmes développaient, à grand renfort de presse, des contre-messages portant atteinte à la crédibilité et même à la pérennité de cette politique. Les moyens financiers de la politique urbaine, ceux des contrats de ville, ne disposaient au départ, ni de dimensions ni de procédures à la mesure des enjeux. Il a fallu attendre, à mi-parcours et même en fin de parcours, les grands projets de ville, ou GPV, les opérations de renouvellement urbain, ou ORU, ainsi que les plans d'éradication de l'habitat indigne, et j'en passe.
Il était donc sage et lucide non seulement de prolonger ces ZFU, mais aussi de renforcer les moyens financiers de la politique urbaine et de simplifier les procédures afin de les rendre plus efficaces, ce que vous avez commencé à faire.
Il était aussi sage et lucide de se donner un an pour bâtir le cahier des charges des quarante et une nouvelles ZFU, pour préparer et même pour former les acteurs de terrain, afin que la nouvelle génération trouve rapidement son propre rythme de développement.
Il était enfin sage et lucide d'engager le débat avec l'association Entreprendre, villes et quartiers, ici, au Sénat, c'est-à-dire au sein de l'assemblée où la parole des maires peut souvent s'exprimer au-delà de la parole partisane, afin de prendre le meilleur des expériences engagées et d'améliorer le dispositif.
Mon analyse et mes propositions partent évidemment de ma propre expérience d'une ZFU multisites, dans une ville qui comptait 17 % de RMIstes, où le taux de chômage dépassait 20 %, et, sur la zone elle-même, plus de 30 %, le phénomène frappant surtout les jeunes de moins de vingt-cinq ans, qui représentent 45 % de la population de ces quartiers.
A la lumière de cette expérience, je considère qu'il faut renforcer la coordination des moyens et des partenaires publics et privés dans trois domaines.
Il s'agit, d'abord, des interventions de politique urbaine, c'est-à-dire la définition et la conduite du projet urbain dont la ZFU n'est qu'un élément. Il s'agit, ensuite, de l'insertion par l'économique des populations en situation d'exclusion lourde. Il s'agit, enfin, de la création d'entreprises.
Je propose que sur chacun de ces trois domaines, l'année 2003 soit mise à profit pour définir, pour les quatre-vingt cinq ZFU, actuelles et nouvelles, de véritables contrats d'objectifs précisant non seulement les actions, les budgets et les partenaires, mais aussi les procédures de suivi et d'évaluation. La période d'application de ces contrats s'échelonne de 2004 à 2007, ce qui correspond à la fin des mandats municipaux.
Le premier de ces contrats d'objectifs, portant sur l'insertion des ZFU dans le projet urbain, ne sera, en fait, dans la plupart des cas, qu'une réécriture, avec des adaptations et des compléments, des documents établis pour les contrats de ville, pour les GPV et pour les ORU. Il s'agira de bien articuler la ZFU avec le projet urbain, et sans doute de redéfinir les calendriers et les priorités d'investissement pour exploiter au mieux la rente foncière nouvelle et la discrimination positive qu'introduit la zone franche.
Un effort spécifique, d'ailleurs, doit être consacré aux centres de vie afin de dynamiser le commerce. L'EPARECA, l'Etablissement public d'aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux, que j'ai l'honneur de présider et qui a maintenant une bonne expérience de la restructuration commerciale, doit pouvoir être mobilisé en priorité sur ces zones. Malheureusement, la dotation initiale de 20 millions d'euros de cet établissement est aujourd'hui entièrement mobilisée par les actions en cours. Il faudra donc prévoir une dotation nouvelle, pendant trois ou quatre ans, de 6 millions d'euros à 9 millions d'euros par an. Au-delà, la vente des centre commerciaux, qui auront été restructurés et stabilisés dans leur activité et dans leur attractivité, doit permettre à l'EPARECA de poursuivre sa mission sans nouvel apport financier.
Dans ce contrat d'objectifs, il faudra également préciser, à l'évidence, les actions qui seront menées pour l'habitat. J'ai bien noté, monsieur le ministre, votre volonté de changer l'échelle de vos interventions pour accélérer la transformation de cet habitat.
A cet égard, je me permets de signaler une piste de réflexion qui me semble cohérente avec l'idée de zone franche : il s'agit de la défiscalisation des investissements dans les propriétés privées de ces quartiers, y compris pour les propriétaires occupants. Ainsi, la défiscalisation en faveur de l'emploi s'ajouterait à une défiscalisation en faveur de la modernisation de l'habitat. Nous avons, à Perpignan, un secteur sauvegardé qui comprend un quartier en très grande exclusion : je constate que la défiscalisation liée au secteur sauvegardé est un levier très efficace pour éradiquer l'habitat indigne et favoriser la mixité sociale.
Je crois, en outre, que là où il n'y a plus de foncier disponible, il faudra accepter - et je sais que ce sera dur, monsieur le ministre - une extension des périmètres - une extension limitée, de dix ou de quinze hectares - et sans doute en préciser les critères pour cibler davantage le dispositif sur les populations en grande difficulté.
Cela m'amène au deuxième contrat d'objectifs, centré sur la mobilisation des aides diverses qui permettent de bâtir des parcours d'insertion professionnelle pour les publics que les entreprises ne peuvent pas directement accueillir parce que l'exclusion sociale a brisé leur capacité à faire face aux contraintes de l'activité professionnelle et à réunir les savoirs que cette activité exige.
Les plans locaux d'insertion par l'économique, les PLIE, doivent être revisités, lorsqu'ils existent, définis et mis en oeuvre, lorsqu'ils manquent, afin de mobiliser non seulement les collectivités locales - communes, départements, régions -, mais aussi les services de l'Etat, les associations d'insertion, les entreprises intermédiaires, de même que les financements européens. Il faut des PLIE spécifiques aux zones franches urbaines, ce qui suppose, au passage, que les associations de réinsertion, y compris celles qui aident à la formation de base - l'apprentissage de la lecture et de l'écriture - bénéficient des mêmes dégrèvements de cotisations sociales que les entreprises situées dans les zones franches urbaines.
Un troisième contrat d'objectifs, avec des mécanismes et des partenaires différents des deux précédents, devrait être centré sur la création d'entreprise.
En effet, c'est certainement dans ce domaine que les zones franches urbaines ont été le plus efficaces, tout simplement parce que la procédure était simple mais, au-delà, parce qu'elle garantissait, à moyen terme, c'est-à-dire à cinq ans, les conditions favorables à la création, toujours difficile et hasardeuse, d'une entreprise.
Par ailleurs, je note que le projet de loi relatif à l'initiative économique présenté par votre collègue Renaud Dutreil offre un ensemble de mesures nouvelles et opportunes.
On voit bien qu'à partir de là seule une méthode contractuelle permettra d'amplifier l'effet de ces mesures, de créer une vraie solidarité locale pour sortir ces quartiers de leur exclusion et pour changer leur image et les intégrer à part entière dans le développement économique et social de la cité.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, la cité doit rassembler, relier, alors qu'aujourd'hui elle fragmente l'espace urbain.
Cette démarche contractuelle me paraît tout à fait conforme à l'orientation actuelle de la décentralisation. En revanche, si je propose des contrats ciblés plutôt qu'une sorte de vaste contrat, c'est que les partenaires sont spécifiques, les actions également, et parce que je crois en la vertu de procédures bien ciblées.
Le premier contrat d'objectifs doit nous permettre de passer des « zones franches » aux « zones franches urbaines ». Le deuxième sera pour nous l'occasion de traiter le volet sur lequel les résultats des expériences passées sont les plus faibles. Le troisième, au contraire, viendra amplifier les résultats déjà très prometteurs qui sont enregistrés en matière de création d'entreprise. Nous avons un an pour bâtir ces solidarités ; quatre ans, d'ici à la fin du mandat des maires actuels, pour en suivre les résultats et redonner à nos quartiers l'espoir de retrouver toute leur place dans la cité, à égalité de chances et de qualité de vie ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Gourault.
Mme Jacqueline Gourault. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens tout d'abord à remercier moi aussi notre collègue M. Pierre André de son initiative, qui nous permet de débattre aujourd'hui des zones franches urbaines, territoires marqués par une situation économique, sociale et humaine difficile et auxquels il convient d'apporter des solutions et des moyens concrets.
Deux chiffres éclairants me paraissent justifier les dispositions à prendre pour ces territoires. Ainsi, une enquête réalisée par le ministère des affaires sociales a révélé que, dans les zones urbaines sensibles, il faut 10 % de temps en plus pour trouver du travail. En outre, cette fois selon la direction interministérielle à la ville, le taux de chômage dans les zones urbaines sensibles est passé de 18,9 % en 1990 à 25,4 % en 1999.
Le débat d'aujourd'hui permet également d'anticiper sur l'examen du projet de loi de programmation et d'orientation que vous allez nous présenter très prochainement, monsieur le ministre.
Mais je me tourne vers M. Pierre André. Cher collègue, dans votre rapport rendu public en juin 2002, vous avez dressé un premier bilan de ce dispositif mis en place par la loi relative à la mise en oeuvre du Pacte de relance pour la ville de 1996.
La création de ces quarante-quatre premières zones a répondu largement aux attentes initiales et les a même dépassées. Des chiffres ont déjà été rappelés précédemment, mais je tiens à mon tour à en citer quelques-uns, pour illustrer parfaitement l'enjeu de ces zones franches.
Le nombre d'entreprises créées ou transférées dans ces zones est de 12 000 ; ces entreprises ont créé 46 000 emplois depuis 1997, dont 30 % de recrutements locaux, dépassant ainsi le critère d'embauche locale fixé à 20 % ; 85 % des recrutements se font au titre de contrats à durée indéterminée ; le nombre total d'établissements employeurs exonérés des charges sociales a plus que doublé, passant de 5 127 établissements à la fin de 1997 à 10 608 à la fin de 2001.
L'objectif résolument affiché était de revitaliser des quartiers difficiles marqués par une situation économique et sociale particulièrement sensible.
Devant ce premier bilan, il apparaît clairement que l'option prise par le Gouvernement, qui a décidé de relancer le dispositif des zones franches urbaines, est opportune et de bon augure. Je le rappelle, le gouvernement précédent avait fait le choix, radicalement opposé au vôtre, de mettre fin au régime d'exonérations des charges fiscales et sociales dont bénéficiaient ces territoires.
Cette décision n'était pas la bonne, et cet avis était d'ailleurs partagé par une partie de l'ancienne majorité, qui avait su voir dans ce dispositif un instrument efficace en faveur de l'emploi et de l'économie dans les quartiers sensibles.
Vos propositions, monsieur le ministre, vont dans le sens d'une relance, d'un approfondissement et d'un élargissement du dispositif, ce qui me paraît satisfaisant à plus d'un titre. Je sais que vos idées, votre expérience et votre passion pour ces sujets vous permettront d'apporter une empreinte personnelle à ce dispositif renouvelé.
J'en viens tout d'abord à la relance, puisque vous avez, monsieur le ministre, décidé de prolonger le dispositif pour cinq ans. A compter du 1er janvier 2003, les exonérations fiscales et sociales applicables aux entreprises installées entre 1997 et 2001 seront étendues aux entreprises créées ou implantées entre le 1er janvier 2002 et le 31 décembre 2007 sur les territoires d'ores et déjà éligibles.
Ensuite, vous procédez à l'approfondissement et à l'amélioration du dispositif puisque les exonérations sont accordées pour une durée de cinq ans à taux plein, puis pour une durée de trois ans à taux dégressif.
Dans la loi de 1996 relative à la mise en oeuvre du pacte de relance pour la ville, qui institue les zones franches urbaines, la sortie du dispositif était jugée trop brutale pour les entreprises, l'aide s'interrompant totalement au terme des cinq années prévues.
Désormais, l'extinction de ces mesures pour les entreprises situées dans les zones de la première tranche sera plus progressive.
Il s'agit d'éviter les effets d'aubaine. En effet, nombreux sont ceux qui se sont inquiétés de voir une partie non négligeable des entreprises privilégier une stratégie de « course à la prime » plutôt qu'une réelle volonté de s'implanter dans des quartiers dont le potentiel d'employabilité et d'activité est élevé.
La volonté de redynamiser un quartier sensible doit faire partie du projet d'entreprise de tous ceux qui s'implantent dans une zone franche, pour répondre à l'objectif majeur qu'est la réaffirmation du rôle du travail dans l'intégration sociale.
Enfin, vous procédez à l'élargissement du dispositif puisque vous avez décidé de créer quarante et une nouvelles zones franches. Il s'agit, à n'en pas douter, d'une véritable démarche politique volontariste, résolument marquée par la légitime préoccupation d'aider les personnes socialement en difficulté dans ces quartiers.
Au vu des résultats satisfaisants de la première génération de zones franches, l'élargissement du dispositif est une bonne chose.
Dans mon département, vous avez classé plusieurs quartiers de Blois en zone franche urbaine, et je vous en remercie. Vous connaissez bien ces quartiers, que vous avez visités à plusieurs reprises, et donc l'implication du député-maire de Blois sur ces sujets. Je me réjouis que ce dispositif profite à un quartier en grande difficulté, que je connais bien et dont la situation particulièrement dramatique nécessitait une intervention rapide.
J'insisterai sur la nécessité d'inscrire le débat dans le cadre plus large de la politique de la ville, qui englobe les volets urbain, humain et économique. Pour que la politique de la ville soit un véritable succès, une cohérence d'ensemble entre les différents programmes est nécessaire : il faut éviter les politiques à plusieurs vitesses. Le renouvellement urbain, la relance économique et l'intégration sociale sont trois politiques qu'il convient de mener de concert.
Au-delà de la coordination de ces politiques, je salue, monsieur le ministre, votre souci constant de voir l'ensemble des acteurs de ces territoires travailler dans la même direction ; sans les partenariats locaux, la concertation et la coordination des acteurs, la politique de la ville ne saurait réussir.
Je conclurai mon propos par deux remarques.
Tout d'abord, comme l'a rappelé M. André, les instruments d'évaluation sont souvent critiqués, les chiffres variant parfois d'un rapport à l'autre. Toute démocratie de projet doit être également une démocratie de résultat ; c'est pourquoi, monsieur le ministre, il me semble nécessaire de disposer d'outils véritablement efficaces d'évaluation, d'en renouveler les critères et d'en affiner le champ.
Enfin, monsieur le ministre, je tiens également à rappeler, comme plusieurs intervenants, que cette mesure ne produira les effets escomptés que si nous sommes en mesure de régler le problème de la mise en oeuvre du dispositif par les URSSAF. En effet, certaines administrations ont une interprétation restrictive des textes, freinant les initiatives dans ces zones. Il est donc nécessaire, pour reprendre la proposition de M. André, de donner aux URSSAF des instructions tendant à une mise en oeuvre uniforme des textes.
Voilà, monsieur le ministre, les quelques éléments que je tenais à apporter au débat. Les zones franches urbaines sont effectivement un bon système de redynamisation des quartiers difficiles. Le débat que nous avons aujourd'hui et celui que nous aurons lors de l'examen du projet de loi que vous nous présenterez prochainement doivent être l'occasion de faire la lumière sur les points faibles du dispositif que notre collègue a déjà identifiés et sur les nouvelles orientations que vous avez d'ores et déjà dégagées.
Je vous sais très déterminé, monsieur le ministre, sur ces sujets. Vous savez que vous pouvez compter sur le soutien du groupe de l'Union centriste, comme nous savons pouvoir compter sur le vôtre. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Gisèle Printz.
Mme Gisèle Printz. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Gouvernement a décidé de ranimer les quarante-quatre zones franches urbaines définies en 1997 et d'en créer quarante et une nouvelles à partir du 1er janvier 2004. L'objectif est de créer des emplois dans les quartiers en difficulté, définis en fonction du taux de chômage, de la proportion des moins de vingt ans, du taux de non-diplômés et du potentiel fiscal de la commune.
Ainsi, toute entreprise de moins de cinquante salariés exerçant une activité économique de proximité installée en zone franche urbaine sera exonérée de charges sociales, d'impôts sur les bénéfices, de taxes foncières et professionnelles pendant cinq ans, à condition qu'elle emploie des habitants des quartiers concernés dans la proportion d'un tiers de ses effectifs.
Il n'y a là rien de bien nouveau, malheureusement, et l'on se demande s'il ne s'agit pas de donner un coup de projecteur sur un ministère devenu secondaire dans l'ordre des priorités budgétaires, et manifestement peu attentif aux attentes exprimées sur le terrain. Les associations, par exemple, n'ont toujours pas de réponse sur le devenir des emplois-jeunes, ceux-ci leur permettant de mener à bien leurs actions de prévention, d'éducation, d'insertion et d'intégration au coeur des quartiers.
Nous avons bien compris que la dimension sociale de la politique de la ville était mise de côté, et le débat de ce jour ne fait que conforter cette orientation. On nous ressert en effet un dispositif qui n'avait conduit ni à la diminution du chômage ni au redémarrage de l'activité économique, mais qui avait vu s'accumuler les incohérences et les dérives contribuant à montrer du doigt et à isoler davantage les quartiers urbains.
Alors que les efforts du précédent gouvernement avaient justement porté sur l'intégration du quartier à la ville, nous ne pouvons que manifester notre inquiétude face à une mesure de discrimination positive qui va nous ramener cinq ans en arrière, même si des améliorations sont proposées par rapport au dispositif de 1996.
Faut-il rappeler les incohérences qui ont été observées concernant les périmètres des zones franches et des zones de redynamisation urbaine, qui ont fait l'objet de nombreux contentieux et dont plus de la moitié ont été modifiés par décret, tant les frontières étaient rigides ?
Monsieur le ministre, comment seront établis les nouveaux périmètres ? Comment allez-vous définir le début et la fin d'un quartier ? Verra-t-on encore des rues en zones franches où les commerçants, côté impair, seront exonérés de taxes et, côté pair, devront s'en acquitter en totalité ? Tiendrez-vous compte de la continuité des zones industrielles et commerciales entre deux communes ?
A ces délimitations parfois difficilement compréhensibles s'ajoute une grande hétérogénéité des situations au regard des capacités foncières. On note en effet des écarts très importants de population et de superficie entre les zones franches. Leur capacité d'accueil des entreprises est très différente et, en conséquence, les recettes fiscales compensées par l'Etat en matière de taxe professionnelle sont d'un ordre de grandeur très variable selon les communes.
Pour ce qui est des offres foncières, les zones franches urbaines sont placées dans des situations très variables : certaines zones sont presque totalement dépourvues de surfaces foncières permettant d'y implanter de nouvelles activités. Monsieur le ministre, avez-vous pris ces questions en considération ? Que comptez-vous faire pour limiter de telles disparités ?
Concernant l'emploi, nous restons très sceptiques quant à la réussite du dispositif : si les mesures d'exonération sont persuasives, elles se sont davantage traduites par un effet d'aubaine pour la trésorerie des entreprises que par un effet dynamisant sur le flux des embauches. De plus, des cumuls de charges sociales et d'aides à l'emploi ont été constatés, alors que, théoriquement, la loi les exclut. Monsieur le ministre, comment comptez-vous limiter l'effet d'aubaine né de la création de nouvelles zones franches ?
Sur le même sujet, faut-il rappeler que, en 1999, l'inspection générale des affaires sociales avait dénoncé la faible pérennité et la précarité des emplois créés ? Ainsi, pour satisfaire à l'obligation de réaliser 20 % des embauches dans le quartier, des employeurs avaient recruté une femme de ménage deux heures par semaine, avec un turn over impressionnant !
C'est une bonne chose que des améliorations aient été proposées pour limiter ce type de dérapage, mais elles restent insuffisantes. La durée hebdomadaire de travail ne sera pas être inférieure à seize heures par semaine et les exonérations seront limitées à 50 % en cas d'emplois transférés. Pourquoi ne pas aller plus loin en limitant le recours au temps partiel et en interdisant le licenciement la première année ?
S'agissant maintenant du coût des emplois en zone franche, il y a eu des dérapages par rapport aux prévisions. Si, en 1997, l'ensemble des réductions et des exemptions fiscales ou sociales est demeuré inférieur aux 150 millions d'euros prévus, l'enveloppe a, en 2001, atteint 400 millions d'euros. Certaines estimations évaluent à 20 000 euros le coût d'un emploi en zone franche urbaine. C'est beaucoup, monsieur le ministre, surtout pour un gouvernement qui ne cesse de concentrer ses critiques sur les emplois aidés.
Enfin, monsieur le ministre, c'est une réalité : les zones franches et les zones de redynamisation urbaine faussent la concurrence.
En tant qu'élue d'un département frontalier avec le Luxembourg, où les charges sociales sont moins élevées qu'en France, je connais bien le problème de la concurrence et je ne compte plus les entreprises qui se plaignent des prix inférieurs que peuvent proposer les entreprises frontalières. C'est un réel problème, car cette concurrence, face à laquelle il nous est difficile de lutter, a pu conduire des entreprises mosellanes à déposer le bilan.
Certes, les zones franches urbaines ne sont pas le Luxembourg, mais les entreprises qui y seront implantées pourront faire de la concurrence déloyale. Quelles mesures allez-vous prendre, monsieur le ministre, pour les en empêcher ?
En écoutant nos arguments, vous aurez compris que nous ne soutenons pas l'idée de redynamiser les zones franches urbaines. Pour nous, la politique de la ville doit être un outil de développement social, à l'écoute et au service des habitants des quartiers.
Votre démarche visant à généraliser l'instauration de la faillite civile telle qu'elle existe en Alsace-Moselle depuis le xixe siècle est, par exemple, une action qui entre tout à fait dans le cadre de la politique de la ville. Mais le dispositif des zones franches a montré ses limites et quelques améliorations ne suffiront pas à le rendre plus efficace. Ces zones ne sont pour nous ni un succès ni un sujet d'espérance pour l'avenir ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau.
M. Roland Muzeau. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre collègue Pierre André peut avoir des motifs de satisfaction. Les conclusions de son rapport ont été entendues par M. le ministre délégué à la ville et par le Gouvernement, qui ont décidé de procéder à la réouverture immédiate des quarante-quatre zones franches urbaines existantes et à la création de quarante et une nouvelles zones, dans le cadre du futur projet de loi d'orientation et de programmation sur la rénovation urbaine. Curieusement, d'ailleurs, c'est parfois par la presse que certains maires ont appris que leur ville était concernée. Voilà pour l'anecdote !
Selon le rapport de notre collègue, le bilan des zones franches est « tout à fait positif » pour les quartiers concernés. Je rappelle que, dans ces quartiers, le taux de chômage est deux fois plus élevé que dans l'ensemble du pays, qu'il frappe surtout les jeunes de moins de vingt-cinq ans, et que la précarité et la pauvreté y sont accablantes. Malgré la forte croissance économique des années 1999 à 2001, l'écart de chômage n'a pas été réduit entre ces quartiers et les zones où le droit commun prévaut. Dans ces conditions, ces quartiers et leurs habitants ont absolument besoin d'emplois, et même de nombreux emplois.
Les zones franches ont permis l'implantation d'un certain nombre d'entreprises, et donc la création d'emplois, grâce aux importantes exonérations qui leur sont accordées. Mais ces zones franches, qui se résument essentiellement à des exonérations fiscales, permettront-elles de résoudre durablement le problème ? Pour ma part, je serai moins optimiste que mon collègue et, surtout, plus mesuré sur leur impact réel.
Il est vrai que les zones franches ont attiré des entreprises, tentées par d'importantes exonérations. Rappelons cependant que, de 1999 à 2001, la croissance a permis le recul généralisé du chômage. Il faut donc relativiser les succès attribués à ces zones franches. La méthode Coué n'a que peu d'intérêt en la matière.
De surcroît, la situation est très contrastée. Si des emplois nouveaux ont été recensés, 40 % au moins résultent de simples transferts ; c'est d'ailleurs une situation que pointe le rapport. Il s'agit même, parfois, de succursales de grandes entreprises. Or on sait que les délocalisations s'accompagnent bien souvent de suppressions d'emplois. Le régime d'exonérations est forcément transitoire. Quand il deviendra moins favorable, ces entreprises ne risquent-elles pas d'aller chasser des primes ailleurs ?
La loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains a tenté d'y faire obstacle, monsieur le ministre. Elle a intégré notamment une clause de non-licenciement qui interdit à l'entreprise de prétendre aux exonérations si elle a procédé à des licenciements dans les douze mois précédant son implantation dans une zone franche, ou encore la diminution du niveau des exonérations - dans les faits, de 50 % - pour les emplois transférés. Il semble que ces mesures aient disparu pour les nouvelles zones franches ! Vous nous en direz plus tout à l'heure. Elles répondent pourtant à une logique simple et juste, à savoir que les zones franches et leurs importantes exonérations sont réservées aux créations d'emplois.
De même, qu'en est-il des entreprises qui vont passer d'une zone à l'autre en changeant tout simplement d'enseigne ? Il faut que les collectivités locales puissent obtenir des informations sur la situation réelle de l'entreprise avant son installation, afin d'exercer un véritable contrôle de l'utilisation des exonérations fiscales et de vérifier que leur seule fin est bien la création d'emplois et l'action économique.
J'ajoute que des avancées réelles se sont produites là où les collectivités locales s'étaient fortement impliquées, en élargissant l'offre globale d'accueil des entreprises et en mobilisant l'ensemble des structures sociales et de formation. Toutes les collectivités locales n'ont pas cette capacité, ce qui hypothèque d'emblée les résultats, déjà quasi inexistants dans certains quartiers.
En tout cas, l'effort demandé aux collectivités en contrepartie du soutien de l'Etat est trop important pour les villes les plus pauvres. Or cet effort va s'accentuer avec la décentralisation, puisqu'il leur sera demandé des concours financiers plus importants, sans juste compensation.
En conservant uniquement ses missions qualifiées de « régaliennes », l'Etat se déchargera sur elles de compétences importantes qu'il exerçait jusqu'alors. Que vont devenir la politique de la ville et les exonérations promises ? Les collectivités locales ne vont-elles pas devoir les gérer seules ?
Cela est d'autant plus inquiétant, monsieur le ministre, que le budget de la politique de la ville pour 2003, tous ministères confondus, a baissé de 3 %. Cette baisse affecte les financements destinés au développement économique des quartiers et les crédits en faveur des populations en difficulté d'insertion professionnelle. Elle touche aussi les jeunes du fait de la diminution des dépenses de fonctionnement, raison qu'a invoquée le Gouvernement pour annoncer la suppression des emplois-jeunes. Ce faisant, l'Etat met en danger une bonne partie du milieu associatif dans les domaines liés à la politique de la ville, là où, précisément, ces emplois contribuaient à l'insertion par l'économique.
La politique de la ville est sans conteste indispensable comme outil d'un certain « rattrapage », ou d'un certain « rééquilibrage » peu importe le mot. Mais ces crédits, plus que d'autres encore, s'apprécient au regard de l'ensemble du budget de la nation, en recul dans de nombreux domaines.
En outre, les efforts risquent fort d'être anéantis par les fermetures d'entreprises, les suppressions d'emplois et la diminution de la croissance, car nous savons bien que ce sont toujours les plus pauvres qui sont les premières victimes de la montée du chômage et des politiques qui l'accompagnent.
Après l'adoption du budget de l'Etat pour 2003 sur des bases non crédibles - je vous rappelle qu'on nous annonçait une croissance de 2,5 % -, les derniers chiffres sont extrêmement préoccupants : la croissance s'établirait à 1,5 % en 2003, les créations d'emplois salariés sont en net recul et le nombre de chômeurs indemnisés progresse avec une rapidité sans précédent. Le chômage partiel et le chômage de longue durée s'envolent, tandis que celui des jeunes de moins de vingt-cinq ans augmente de plus de 30 % dans certaines villes, et même de 38 % à Paris, contre 20 % pour l'ensemble de la population. Les prochains mois promettent d'être bien sombres !
En suspendant la loi de modernisation sociale et en abrogeant la loi « Hue » sur le contrôle des fonds publics accordés aux entreprises, le Gouvernement a donné aux entreprises le signe qu'elles pouvaient, en toute impunité ou presque, restructurer, licencier, fermer, tout en « empochant » l'argent public.
Metaleurop, Daewoo, ACT, Air Lib, GIAT, Thales, EADS, autant de drames qui vont marquer durablement le pays et auxquels s'ajouteront demain les privatisations.
Quand on classe un quartier en zone franche urbaine, c'est que l'on reconnaît ses difficultés.
Un des éléments essentiels pour assurer la cohésion sociale d'un quartier, c'est la présence et le renforcement des services publics : les transports, La Poste, la sécurité sociale, sans oublier la police proche des habitants, dont le ministre de l'intérieur ne veut plus désormais, comme il l'a annoncé à Toulouse.
Or, en conformité avec le pacte de stabilité et les critères de Maastricht, le Gouvernement envisage de réduire les dépenses publiques, en gelant à nouveau des crédits et en diminuant le nombre des agents publics.
S'il est juste de favoriser l'artisanat et les commerces de proximité, dont certains sont des acteurs de la vie du quartier, prolonger la durée des exonérations en leur faveur, sans critères exigeants, ne risque-t-il pas de profiter à des entreprises qui cherchent simplement à bénéficier de l'effet d'aubaine ?
Il faut par ailleurs reconnaître, monsieur le ministre, que le développement des activités commerciales à caractère ouvertement communautariste constitue une grave dérive et exacerbe les déséquilibres des quartiers. L'affaire d'Evry est, à cet égard, démonstrative.
Plus généralement, nous ne sommes pas opposés à ce que les entreprises soient aidées. Néanmoins, au lieu d'une baisse des cotisations et des impôts sans contrepartie, nous proposons une modulation des cotisations patronales en fonction des créations d'emplois et une politique de « crédit sélectif » favorisant les investissements créateurs d'emplois.
Votre futur projet de loi de rénovation urbaine, monsieur le ministre, contiendra des dispositions relatives aux zones franches. Il prévoira également des opérations de démolition et de réhabilitation, opérations très nécessaires.
Le problème, c'est que le Gouvernement n'a rien prévu pour faire face à la demande de logements sociaux.
Il a remis en cause la loi de 1948, mais, dans le projet de loi portant diverses dispositions relatives à l'urbanisme, à l'habitat et à la construction, aucune disposition n'est prévue pour faire face à la demande sociale, qui pourtant explose.
Monsieur le ministre, le travail d'analyse et de proposition dépasse le cadre d'une question orale avec débat. Il convient cependant de ne pas négliger plusieurs questions.
Je pense, par exemple, à la situation des demandeurs d'emploi des quartiers défavorisés, qui subissent une forme supplémentaire de ségrégation à cause de l'adresse de leur domicile. Il est en effet prouvé que le simple fait d'habiter une zone urbaine sensible allonge de 10 % le temps nécessaire à la recherche d'un emploi, et l'effet d'un nom d'origine étrangère est le même.
Plusieurs rapports, dont celui de l'inspection générale des affaires sociales, pointent par ailleurs la très faible pérennité des emplois créés.
A ce propos, je tiens à dire que j'ai trouvé les commentaires soupçonneux sur la qualité du travail des fonctionnaires des différents organismes qui ont produit des rapports au cours des dernières années fort désagréables.
Quant au coût des exonérations, il est estimé à 20 000 euros par emploi. C'est une question qu'il faut aussi se poser.
Enfin, monsieur le ministre, il est nécessaire de prendre en compte les lourdes contraintes auxquelles sont confrontés les maires, qui, bien au-delà de leur positionnement idéologique, et quels que soient les gouvernements en place, sont amenés à « utiliser » tous les dispositifs existants, y compris celui des zones franches urbaines. Ce sont aussi à eux que nous pensons quand nous formulons des observations et des propositions, dans l'intérêt des populations concernées.
Ces maires, monsieur le ministre - vous le savez puisque vous en étiez - se débattent dans des difficultés souvent inextricables. Il importe donc de mener une politique de la ville « ambitieuse » à leur portée. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Michèle San Vicente.
Mme Michèle San Vicente. Un succès, une espérance ? Le précédent gouvernement avait fait évaluer par trois inspections générales - affaires sociales, finances et administration - le bilan des zones franches urbaines.
Celui-ci était plus que mitigé en termes d'emplois pour les habitants : il y avait beaucoup de microentreprises ayant peu ou pas du tout de salariés, et le coût des exonérations sociales et fiscales était démesuré par rapport aux résultats obtenus. En outre, ces derniers étaient plus le fruit de la croissance que des incitations financières.
Claude Bartolone décida donc de réorienter progressivement les moyens de l'Etat vers des dispositifs plus actifs en faveur de l'emploi, notamment vers un fonds de revitalisation économique et vers un programme prévoyant 10 000 adultes relais. Dès lors, une période d'extinction progressive était prévue dans la loi de finances de 2002.
Mme Nelly Olin déclarait à l'époque : « Sans doute, les engagements européens et la nature du dispositif lui-même interdisent sa pérennisation. Sans doute pour être efficace, un tel dispositif se doit-il d'être temporaire. Les politiques de discrimination positive ne sont utiles qu'en ce qu'elles permettent à terme de ramener les publics visés dans le droit commun. Le coût des exonérations fiscales en zones franches était, en outre, élevé. »
Dans ces conditions, comment ne pas s'étonner qu'en juillet 2002 le rapporteur de la commission des affaires économiques et du Plan ait demandé la relance du dispositif ? C'était d'autant plus étonnant qu'une étude récente de l'INSEE indiquait que le chômage dans les quartiers populaires de la politique de la ville restait deux fois plus élevé qu'ailleurs, notamment dans les villes où il y avait des zones franches.
L'année 2003 est une année de transition pour les finances publiques. Les dépenses seront « gelées », et les dépenses nécessaires à l'emploi seront financées par des redéploiements. Pourquoi, alors, consacrer les moyens disponibles à des exonérations fiscales et sociales ? (M. le ministre délégué proteste.)
La seule réponse aux inquiétudes des salariés est l'allégement de l'impôt sur la fortune et les exonérations de charges !
En neuf mois, la politique de l'emploi a été sacrifiée : suppression de la délégation interministérielle pour l'insertion des jeunes, et on peut se demander quel est désormais le rôle des missions locales ; suppression de la bourse d'accès à l'emploi du programme TRACE, qui permettait aux jeunes d'avoir un revenu constant entre deux contrats ; disparition des emplois-jeunes ; disparition des aides-éducateurs ; réduction drastique du nombre de CES ; abrogation de la loi « Hue » relative au contrôle des fonds publics accordés aux entreprises ; suspension de la loi de modernisation sociale. Le décret d'application de cette dernière aurait pourtant pu s'appliquer à Metaleurop !
Le Gouvernement prétend punir les « patrons voyous ». En « cassant » les politiques publiques de l'emploi, il les encourage au contraire à licencier sans vergogne.
En réalité, la création de quarante et une nouvelles zones franches est précisément destinée à masquer la faiblesse de la politique de la ville du Gouvernement et l'absence de véritables réponses au chômage.
M. le Premier ministre a beau déclarer qu'il proposera à chaque territoire un contrat de crise spécial pour mettre en place des stratégies de reconversion ou des projets qui permettront de retrouver l'espoir, mais, en aucun cas, les zones franches urbaines ne permettront de compenser les fermetures d'usine, sauf à supposer que chaque chômeur créera sa propre entreprise et l'implantera dans un quartier en difficulté.
Les économistes, en grande majorité, estiment que les entreprises n'ont pas fini de se restructurer. Le ministère des affaires sociales, du travail et de la solidarité a-t-il constaté l'augmentation du nombre des licenciements économiques, la hausse du chômage et l'accumulation des plans sociaux ? L'éventualité d'une guerre ou la récession allemande ne sauraient absoudre de leurs reponsabilités les chefs d'entreprise et le Gouvernement !
Même Bruxelles est très réticent sur le fait de laisser se créer de nouvelles zones défiscalisées à caractère industriel comme outil d'aménagement du territoire.
La Commission européenne a-t-elle donné des garanties suffisantes pour que le dispositif prolongé et étendu des zones franches urbaines ne soit pas remis en cause ?
Le Gouvernement répondra-t-il à un éventuel refus de la Commission, laquelle analyse le dispositif comme introduisant des distorsions de concurrence entre les entreprises ? Cette dernière n'avait-elle pas menacé de demander aux entreprises le remboursement des exonérations en cas de prolongation du dispositif, comme elle l'a fait s'agissant du plan textile ?
La quarante et unième zone franche a été « raccrochée » in extremis, après le drame de Metaleurop. Les quartiers retenus étaient déjà classés en zones de requalification urbaine. La communauté d'agglomération d'Hénin-Carvin est composée de quatorze communes, et celle de Lens-Liévin, toute proche, de trente-six communes. En tout, ce sont cinquante communes qui sont presque toutes sinistrées, mais deux d'entre elles seulement ont été retenues !
Croyez-vous sincèrement, monsieur le ministre, que la zone franche urbaine sera en mesure de combler le vide laissé par les fermetures d'usine ? Le contrat de territoire et les quelque mille emplois à la clé prévus sur cinq ans ne remplaceront même pas les emplois perdus de l'usine Metaleurop de Noyelles-Godault !
La députée Valérie Pecresse l'a déclaré : « Il faut bien que les élus de terrain avertissent le Gouvernement, sinon on devient autiste et on gouverne mal ! » Je ne puis qu'être d'accord avec elle et appuyer son propos. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.
M. Gérard Larcher, président de la commission des affaires économiques. L'intérêt d'une question orale avec débat est de nous donner l'occasion de nous enrichir mutuellement à l'écoute les uns des autres. Avant que M. le ministre ne s'exprime, je tiens, en ma qualité de président de la commission des affaires économiques, à rappeler quelles sont nos préoccupations.
M. Jean-Paul Alduy, en insistant sur la volonté qui se manifeste, notamment dans les secteurs sauvegardés ou dans les zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager, les ZPPAUP, d'éviter l'exclusion de certaines populations dans le cadre des opérations de réhabilitation, a mis l'accent sur un aspect essentiel de la politique de la ville.
S'agissant des contentieux, je connais particulièrement bien le seul cas important, étant moi-même - c'est un sacerdoce in aeternam - vétérinaire et ce cas concernant un vétérinaire.
Le manque de surface foncière a été évoqué par plusieurs de nos collègues. Le dispositif actuel a précisément pour objet d'éviter à certains quartiers d'être « étranglés » dans des périmètres, sans espoir d'amélioration.
A cette occasion, je rappelle, mes chers collègues, que la zone franche urbaine est non pas un outil d'aménagement du territoire mais un outil de rattrapage pour les quartiers dont la situation paraît désespérée. Nous n'entendons pas faire de cet outil l'alpha et l'oméga de notre politique d'aménagement et de rééquilibrage du territoire.
Contrairement à ce que prétendent certains, le modèle luxembourgeois n'est pas le modèle de référence des zones franches. Il faudrait que des banques décident d'installer leur siège social au coeur de celles-ci !
Monsieur Muzeau, bien sûr, il faut plutôt délocaliser à Saint-Quentin qu'à Singapour, mais le problème des délocalisations dépasse les zones franches.
Je rappellerai aussi quelques chiffres : un chômeur coûte 20 000 euros par an, un emploi en zone franche 9 000 euros, et ces 9 000 euros permettent à quelqu'un de participer à l'effort de production et à la création de la richesse. Utile, cette dépense est en outre transitoire puisqu'il ne s'agit pas d'emplois temporaires comme les emplois-jeunes. Il faut avoir ces chiffres au coeur et dans la tête !
Enfin, les uns et les autres nous devons nous méfier parce que nous savons - et c'est la force de la démocratie - que si les situations changent les réalités auxquelles nous sommes confrontés demeurent. Aussi, quand un outil comme les zones franches nous est offert, nous devons saisir cette chance quel que soit le fauteuil dans lequel nous siégeons. Je ne comprendrais pas sinon pourquoi Mme Aubry a tant voulu cette fois d'une zone franche à Lille... (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Jean-Louis Borloo, ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, tout d'abord, je remercie votre Haute Assemblée d'avoir permis ce débat, qui fait d'ailleurs suite à ma première audition en qualité de ministre devant votre commission des affaires économiques, à l'invitation de son président, M. Gérard Larcher, sans doute déjà encouragé par M. Pierre André, étant donné leur vieille complicité en la matière.
Je n'étais pas même depuis quinze jours en fonction, mon expérience était pour le moins limitée, et j'avais été très impressionné par la hauteur de vue et par la connaissance des dossiers dont faisaient montre, à l'abri de la presse, les membres de la commission sénatoriale.
Pour tout vous dire, ce n'est pas tout à fait par hasard si, quelques jours après, j'ai opté pour que la future loi sur la cohésion urbaine et sur la solidarité soit d'abord débattue - elle le sera les 16, 17 et 18 juin 2003 - au Sénat.
Je le dis franchement, sans le rapport des sénateurs emmenés par Pierre André, il n'y aurait plus aujourd'hui de mesures exorbitantes du droit commun pour favoriser le développement de l'emploi dans les quartiers les plus défavorisés de notre pays.
Dans cette affaire, la force des mots a entraîné la conviction plutôt que l'inverse. Partant d'une position de principe qu'on peut juger étrange ou au contraire compréhensible, d'aucuns ont eu du mal, malgré l'évidence, à faire machine arrière, ce qui a eu des effets dévastateurs dans l'opinion, y compris dans celle de la Commission européenne - M. Pierre André le sait - qui ne comprenait pas comment nous pouvions venir défendre devant elle les zones franches après que notre propre administration les avait si terriblement combattues en 1998 et 1999.
Je dois d'ailleurs dire que j'étais absolument convaincu, lorsque j'ai pris mes fonctions, que le débat était clos et que les détracteurs des zones franches appartenaient à une espèce en voie d'extinction. Ne m'en veuillez pas, je vivais au quotidien avec des élus dont la seule préoccupation était justement d'obtenir, s'ils n'en avaient pas, une zone franche, et, s'ils en avaient une, de l'étendre et de la conforter.
Je ne veux pas entrer dans la polémique sur le passé, d'autant que chacun sait au fond de son coeur ce qu'il en fut vraiment ; je me contenterai de deux phrases, symboliques de par la personne qui en est l'auteur ; elles me serviront d'argumentaire sur ce point, que je ne souhaite pas développer.
Première de ces phrases, prononcée par cette personne, alors membre du gouvernement en charge de cette question, en 1997 : « Non à cette politique "ghetto" de subventions particulières ! »
Deuxième phrase, écrite par ce même membre du gouvernement devenu maire, dans un article du 30 janvier 2003 paru dans Le Monde : « J'ai pour ma part toujours plaidé pour les zones franches. » (Sourires.)
Cela résume, s'il en était besoin, ce délicat sujet. D'ailleurs, si je ne veux pas m'exprimer plus avant, c'est que, dans la réalité des conversations de travail, il y a unanimité sur les zones franches.
M. Gérard Larcher, président de la commission des affaires économiques. C'est exact !
M. Jean-Louis Borloo, ministre délégué. Bien sûr, n'attendez pas - n'attendons pas - des zones franches qu'elles permettent de régler le problème du bassin minier. Ce n'est pas leur vocation, et elles n'en ont pas les moyens.
En même temps, il était de mon devoir d'intégrer par anticipation deux communes au dispositif, en sollicitant une estimation extensive de ce que seront les chiffres après le drame, les statistiques actuelles ne justifiant pas une telle mesure. Le développement de l'emploi dans ces zones concerne d'ailleurs toute la population du bassin, car une exonération de taxe professionnelle, de charges sociales et, pour partie, d'impôt sur les sociétés pour une durée connue et pour certains sites représente tout de même un avantage majeur, pour autant que tout le monde joue le jeu, en particulier l'administration, les élus, les chambres de commerce et d'industrie, les chambres de métiers, les syndicats, les professionnels.
Monsieur Larcher, j'avais beaucoup appris lors de mon audition par la commission que vous présidez. En effet, comme vous le savez, un élu qui est nommé ministre garde une vision des choses très empreinte de sa propre expérience. Or la qualité de nos échanges m'avait permis d'être confronté à des questions qui ne m'étaient pas familières et sur lesquelles j'ai eu à travailler.
Cela étant, je souhaite avant tout remercier M. Pierre André au nom des responsables des quatre-vingt-cinq sites relevant aujourd'hui du dispositif des zones franches et de leurs collaborateurs. En effet, sans l'argumentaire rapide, efficace, consensuel et transcendant les clivages politiques qu'il a développé, les zones franches auraient disparu en France.
Nous affrontions en fait deux adversaires : la technostructure française et, bien entendu, la technostructure bruxelloise, elle-même influencée par la première.
A cet égard, monsieur le président de la commission, vous m'avez demandé où nous en étions vis-à-vis de la Commission européenne, car vous étiez revenu pour le moins inquiet de votre déplacement à Bruxelles.
Nous avons procédé de la façon suivante : nous avons rencontré MM. Monti et Barnier non pas pour leur annoncer que nous souhaitions rouvrir les zones urbaines, mais pour évoquer avec eux la crise urbaine en Europe.
Ma conviction est en effet que la démocratie européenne peut périr de cette crise. Le problème se pose en France, mais, d'une manière générale, la question des nationalités y est moins aiguë qu'ailleurs : Amsterdam compte ainsi 51 % d'habitants de nationalité ou d'origine étrangère, ce qui est beaucoup plus qu'à Paris.
Quoi qu'il en soit, la crise urbaine, ethnique, sociale et religieuse est européenne, et je souhaitais débattre avec la Commission de l'avenir des fonds structurels, tant il m'apparaissait qu'une différence de PIB de 10 % ou de 15 % entre deux grandes régions éloignées de quelques centaines ou de quelques milliers de kilomètres était de moindre portée qu'un rapport de richesse de un à quatre ou de un à dix d'une rue à une autre ou d'une cité à une autre : c'est bien de cela qu'il s'agit quand on évoque la cohésion sociale européenne.
Ce débat ayant été ouvert, nous avons procédé avec la Commission à l'analyse des réponses européennes. C'est dans le cadre de cette analyse, qui s'inscrit dans l'optique du programme URBACT, lequel consiste en un échange d'expériences entre les 216 villes qui ont été soutenues par la Commission par le biais du dernier programme communautaire, que celle-ci s'est rendu compte avec nous que, finalement, le dispositif le plus simple, le plus transparent, le plus territorialisé, le plus efficace et engendrant les effets de levier indirects les plus importants était celui de la zone franche urbaine à la française. Cela est d'ailleurs si vrai qu'il s'agit de l'un des thèmes retenus au titre du programme URBACT d'échange d'expériences, visant à faire partager à nos amis européens notre expertise de la zone franche urbaine.
Par conséquent, au terme d'une analyse approfondie, la Commission est revenue sur sa position, alors qu'auparavant les mots avaient précédé la réflexion. Dès le 17 novembre dernier, elle a donné un accord de principe à la réouverture des anciennes zones franches urbaines et à l'ouverture de quarante et une nouvelles zones franches sur le territoire métropolitain.
C'est à la suite de l'analyse critique des dispositifs de lutte contre la crise urbaine en Europe que la zone franche urbaine a été qualifiée : n'est-ce pas là le plus bel hommage que l'on puisse rendre à Jean-Claude Gaudin et à Eric Raoult ?
Toutefois, l'intérêt de dresser un bilan n'est pas de définir qui avait raison et qui avait tort, mais de tirer des leçons pour l'avenir.
Le dispositif existe ; le Gouvernement, contre l'avis de quelques technostructures financières, a décidé de le relancer de manière massive. Cela a un coût, mais le débat sur ce coût ne m'intéresse pas, pour l'excellente raison que je n'ai pas le sentiment que la République ait investi beaucoup d'argent, depuis quelques décennies, en faveur des quartiers ou des personnes en grande difficulté. La défense de la cohésion républicaine ne coûtera jamais trop cher, et le coût, en l'occurrence, n'est d'ailleurs pas très élevé. Quoi qu'il en soit, le Gouvernement consent cet effort.
La leçon que l'on peut tirer du rapport et de l'expérience, c'est qu'un dispositif ne vaut que par la qualité de ceux qui l'animent. Il est hors de question - je le dis devant l'assemblée territoriale majeure de la République qu'est le Sénat, afin qu'il se fasse le relais de mes propos - que nous figions les dispositifs ou les périmètres avant que des engagements clairs aient été pris - je suis en cela de l'opinion de Jean-Paul Alduy - par les maires et tous leurs partenaires, qu'il s'agisse des chambres de métiers, des chambres de commerce et d'industrie, des centres de formation, de l'AFPA, l'association pour la formation professionnelle des adultes, des sous-préfets et préfets, des régions, des départements, des clubs d'entreprises ou des syndicats, afin que chaque site connaisse un taux de réussite au moins égal au taux le plus élevé enregistré pour la génération antérieure.
En effet, si celle-ci supportait de lourds handicaps dus à la mise en place du dispositif et aux tâtonnements ou aux réticences, voire à l'hostilité, qui s'ensuivaient, ces excuses ne sont plus valables aujourd'hui.
Je souhaite donc qu'un comité de pilotage, regroupant dès le départ des personnels de l'URSSAF et de l'administration des impôts placés sous l'autorité du représentant de l'Etat ainsi que tous les partenaires, soit installé dans chaque bassin en vue de créer des pépinières d'entreprises et d'autres structures d'accueil.
M. Alduy a eu raison de souligner que trois sujets devaient être abordés : la rénovation urbaine, l'implantation économique et l'émergence du talent dans une situation particulière, c'est-à-dire la micro-création d'entreprise. Il faut que les gens créent leur propre affaire ! Il n'y aura pas de zone franche urbaine si un financement particulier n'est pas prévu en faveur des micro-entreprises : je pense ici aux grands réseaux, tels celui de Mme Novak.
Indépendamment du système économique traditionnel à la française des petites et moyennes entreprises ou du commerce et de l'artisanat, de nouveaux talents doivent pouvoir s'épanouir. On en a vu des exemples au Val-Fourré et dans d'autres zones franches : ainsi, Taxi-Brousse est une réussite exceptionnelle, qui se développe et crée aujourd'hui des franchises en Europe ; cela n'a été possible que grâce à un talent et à un dispositif exceptionnels.
Tous les talents de la jeunesse devront être mobilisés, valorisés, soutenus et aidés : c'est à cette fin que doit servir le bilan des zones franches urbaines, et non pas à alimenter un débat qui me paraît aujourd'hui parfaitement inutile. Nous susciterons, nous défendrons, nous protégerons et nous soutiendrons les initiatives des jeunes, à condition que les partenaires locaux prennent les choses en main. C'est aussi leur affaire, ce n'est plus seulement la nôtre.
Par ailleurs, on m'a interrogé à propos des liens entre les zones franches urbaines et la politique de la ville.
Bien entendu, même si l'on peut estimer, sans vouloir engager aucune polémique, que la mise en place des zones franches urbaines a été la mesure phare de ces dernières années, toute insuffisante et incomplète qu'elle fût, la politique de la ville ne peut se résumer à ce dispositif. A cet égard, ma réponse sera assez brutale.
La situation s'est considérablement dégradée sous les différents ministres de la ville, quelle qu'ait pu être leur sensibilité politique, et mon propos n'a donc aucun caractère partisan. La République a cru, dans sa grande arrogance, que l'égalité des moyens, modulée à la marge de quelques points, lui permettrait de gérer, à l'échelle de son territoire, la crise mondiale de l'intégration, de l'immigration et de l'industrie. Mais elle a échoué.
En effet, la situation de nos quartiers, hormis quelques cas particuliers, a continué de se détériorer. Pour les cent cinquante quartiers de notre pays les plus en difficulté, le rapport est de un à cinq. C'est là que se déroule la guerre ethnique, religieuse et sociale.
Il va bien falloir analyser les raisons de nos échecs. Je vais vous donner mon sentiment sur ce point : la politique de la ville a été élaborée par des gens très engagés, finalement lucides avant les autres, mais qui, privés d'un soutien républicain massif, ont été obligés de « saupoudrer » les moyens, selon une stratégie peu définie et des axes peu clairs, sans disposer d'indicateurs leur permettant d'évaluer la performance des dispositifs. Quelque peu isolés, ils ont fait le maximum pour remédier aux injustices.
En revanche, la politique de la ville de demain comportera trois axes bien définis. L'intitulé de mon ministère mériterait d'ailleurs d'être étudié, car il est source de confusion : qu'est-ce qu'un ministère de la ville au regard de la vie de la démocratie locale ? Je préfère pour ma part la notion de cohésion urbaine et de solidarité.
En tout état de cause, le premier axe a trait à la rénovation urbaine, avec un plan éclair de 50 milliards d'euros de travaux et doté de 9 milliards d'euros d'aides en fonds propres. Une agence opérationnelle sera mise au service des collectivités territoriales. Il s'agit ici de la rénovation urbaine au sens large, et non pas seulement du logement social et des nids pour les mamans. Tout l'environnement sera concerné.
Le deuxième axe consistera en une action tendant à réduire, site par site, la tension extraordinaire créée par l'écart de un à quatre existant entre l'activité dans les quartiers en difficulté et l'activité dans les bassins de vie environnants. Les besoins sont identifiés, les objectifs sont connus.
Le troisième axe concerne l'éducation, à partir de l'école maternelle. Avec les moyens qui sont les siens aujourd'hui, l'éducation nationale ne peut que faire du rattrapage à la marge, ce qui est très insuffisant au regard de la dégradation de la situation dans nos écoles.
Je citerai un seul exemple à cet égard : dans les écoles maternelles des quartiers en difficulté, si l'on rencontrait, voilà dix ans, un ou deux enfants dont on ne savait s'il fallait les qualifier de précoces, de turbulents ou de caractériels, on en compte désormais sept ou huit. Or le potentiel de violence actuel des jeunes âgés de douze à quatorze ans, des enfants proches de la puberté, n'est rien en considération de ce qu'il sera dans six ou sept ans.
C'est le premier jour de la rentrée scolaire que se joue l'avenir des enfants. Pourquoi un élève est-il absent ? Pourquoi une mère n'accompagne-t-elle pas son enfant ? Quelle est la situation psychologique, pédagogique, sociale, administrative et matérielle des familles ? Afin de tenter d'apporter des réponses aux difficultés, le Gouvernement, au premier rang duquel M. Luc Ferry, va mettre en place un corps d'élite, dont la mission sera d'accompagner les personnes les plus importantes de notre société, à savoir les tout-petits, jusqu'à la puberté. Des moyens considérables seront mobilisés pour sauver les enfants des quartiers en difficulté, qui représentent l'énergie et les talents de demain.
La politique de la ville est donc redéfinie de manière très claire. Ce qui ne relève pas de l'Etat sera transféré aux communes, par exemple les quelques dizaines de milliers de versements que nous effectuons en lieu et place des collectivités. Tout l'accompagnement sera géré par les villes, le transfert financier sera immédiat, voire anticipé. Il appartiendra aux communes de conduire leur propre stratégie, il reviendra à la démocratie locale de faire le lien et de soutenir. L'Etat contribuera simplement au financement des investissements lourds. En contrepartie du transfert que j'ai évoqué, il prendra à sa charge l'intégralité du soutien à la rénovation urbaine pour les communes qui comptent des quartiers en très grande difficulté.
Telle est la stratégie dans laquelle s'inscrit l'ensemble du dispositif de la politique de la ville. Nous avons des idées assez simples, nous ne ferons pas tout, mais nous posons deux préalables.
A ce stade de mon intervention, j'indiquerai à Mme Printz que les moyens dont nous disposerons, par le biais de l'agence de rénovation urbaine, n'ont aucun rapport avec ceux qu'a pu mobiliser n'importe lequel de mes prédécesseurs. Par conséquent, oser évoquer un coup de projecteur sur un ministère qui serait devenu secondaire, alors qu'il exerce sa tutelle sur une agence dotée de 1,2 milliard d'euros de crédits et qui n'existait pas voilà encore quelques semaines, cela me paraît quand même quelque peu polémique et déplacé, surtout de votre part, madame Printz, vous dont les amis, quand ils étaient au pouvoir, avaient « oublié » pendant quelques années de nommer un ministre de la ville ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Enfin, je ne reviendrai pas sur les propos tenus par les membres de tel ou tel groupe de cette assemblée territoriale par rapport à ceux de maires appartenant à leur famille politique et avec lesquels nous travaillons tous les jours ! En effet, nous sommes engagés dans une véritable guerre humanitaire, et nous n'avons pas d'énergie à consacrer à ce genre de polémiques et de débats. Le Gouvernement est au service de tous les élus de la nation.
Pour mener cette guerre que nous sommes en train de perdre, nous avons défini deux préalables.
En premier lieu, nous devons prévoir une aide particulière pour les villes épuisées. Rappelons que, entre Condé-sur-l'Escaut et Neuilly-sur-Seine, le rapport de puissance fiscale est de un à trente. Cette disparité des moyens est un véritable cancer pour notre République. Nous avons donc demandé que soit mis en place un comité de pilotage, peut-être pas en vue de préparer le grand soir de la réforme fiscale, mais au moins pour que les villes épuisées puissent disposer de moyens spécifiques autonomes, grâce à une première enveloppe de répartition. Une réunion, à laquelle participait notamment M. Devedjian, s'est tenue voilà quelques jours sur ce point absolument crucial.
En second lieu, madame Printz - je suis d'accord avec vous sur ce plan -, il faut couper la route de l'exclusion. Le refus mental et culturel que nous avons opposé à la loi de la deuxième chance en procédant au quatrième « bidouillage » des commissions de surendettement constitue une faute morale, civique et politique. Cette faute, j'espère que nous la réparerons dans les jours qui viennent. Nous devons être tous unis pour donner enfin une deuxième chance aux familles surendettées de ce pays et à leurs enfants. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. En application de l'article 83 du règlement, je constate que le débat est clos.
ÉVOLUTION DE LA DOTATION GLOBALE
DE FONCTIONNEMENT
DES COMMUNAUTÉS D'AGGLOMÉRATION
Adoption des conclusions
du rapport d'une commission
(Ordre du jour réservé)
M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions du rapport (n° 198, 2002-2003) de M. Michel Mercier, fait au nom de la commission des finances sur la proposition de loi (n° 179, 2002-2003) de M. Jean-Marie Poirier tendant à étendre aux communautés d'agglomération créées ex nihilo le régime de garantie d'évolution de la dotation globale de fonctionnement des communautés d'agglomération issues d'une transformation.
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.
M. Michel Mercier, rapporteur de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'intitulé même de la proposition de loi que nous sommes maintenant appelés à examiner montre à l'évidence qu'il s'agit d'un domaine d'une grande technicité et révèle, si besoin en était, le degré de complexité auquel sont parvenues les relations financières entre l'Etat et les collectivités locales.
Notre collègue Jean-Marie Poirier nous propose en effet d'« étendre aux communautés d'agglomération créées ex nihilo le régime de garantie d'évolution de la dotation globale de fonctionnement des communautés d'agglomération issues d'une transformation ». Voilà qui est clair, tout en étant relativement complexe !
Pourquoi, tout d'abord, sommes-nous appelés à délibérer aujourd'hui sur ce sujet ? Pour la raison essentielle que le Conseil constitutionnel a déclaré non conforme à la Constitution l'article 95 de la loi de finances initiale pour 2003.
Il s'agit d'ailleurs là d'un revirement de jurisprudence sur lequel on peut s'interroger. Le Parlement avait en effet pris l'habitude, ces dernières années, de faire figurer dans la loi de finances initiale non seulement des dispositions relatives au montant de la dotation globale de fonctionnement, la DGF - qui relève naturellement de la loi de finances -, mais également des mesures qui, sans entraîner de conséquences pour le montant de celle-ci, avaient trait aux modalités de sa répartition. Le Conseil constitutionnel est revenu à une lecture stricte des dispositions de l'article 34 de la Constitution et de l'article 1er de l'ordonnance du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances. On peut donc s'interroger, je le disais, sur les raisons pour lesquelles le Conseil constitutionnel a pris cette position. En effet, la nouvelle loi organique prévoit expressément que de telles dispositions pourront désormais figurer dans la deuxième partie de la loi de finances...
M. Michel Charasse. Elle n'est pas encore applicable !
M. Michel Mercier, rapporteur. J'allais le dire, monsieur Charasse !
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur.
M. Michel Mercier, rapporteur. Monsieur le président, il est toujours agréable d'être interrompu par M. Charasse et de pouvoir dialoguer avec lui !
M. Michel Charasse. Vous êtes trop bon, monsieur le rapporteur.
M. Michel Mercier, rapporteur. Je dirai simplement à M. Charasse, qui est, comme beaucoup d'autres, un éminent constitutionnaliste - et, si on ne l'est pas, on peut le devenir assez facilement (Sourires) -,...
M. Michel Charasse. Voilà !
M. Michel Mercier, rapporteur. ... que le Conseil constitutionnel est donc revenu, de ce point de vue, sur une position bien établie, mais pour une durée relativement brève. En effet, la nouvelle loi organique relative aux lois de finances, sur laquelle le Conseil constitutionnel n'a rien trouvé à redire, prévoit expressément que des dispositions semblables à celles de l'article 95 pourront figurer dans la loi de finances à partir de l'année 2006.
Telles sont les observations que je souhaitais formuler pour circonscrire sur le plan juridique la disposition sur laquelle nous sommes appelés à délibérer.
L'article 95 de la loi de finances pour 2003, qui est repris exhaustivement dans la proposition de loi de notre collègue M. Jean-Marie Poirier, avait pour objet d'aligner le régime de garantie d'évolution de la DGF des communautés d'agglomération créées ex nihilo sur le régime de garantie des communautés d'agglomération issues de la transformation d'un établissement public de coopération intercommunale, un EPCI.
La loi du 12 juillet 1999, relative à la création des communautés d'agglomération, a distingué deux catégories de communautés d'agglomération : d'une part, celles qui résultent de la transformation d'un SIVOM, d'un district ou d'un autre établissement public et, d'autre part, celles qui sont créées ex nihilo. En effet, les communes qui composent ces dernières ayant des projets communs, il convenait, en leur garantissant une DGF importante, de les aider à soutenir financièrement leurs projets.
Le dispositif est simple : une DGF a été créée pour ces communautés d'agglomération. C'est d'ailleurs un des problèmes de la DGF aujourd'hui car le poids de cette DGF d'intercommunalité est de plus en plus grand et pèse sur l'ensemble du système. Cette DGF comporte deux dotations : une dotation de base et une dotation de péréquation, en tenant compte des critères habituels que sont la population, le potentiel fiscal et le fameux coefficient d'intégration fiscale, le CIF sur lequel notre assemblée a souvent délibéré.
Pour les communautés d'agglomération issues de la transformation d'un EPCI, un régime de garantie assez favorable avait été mis en place, afin de leur permettre de tenir les engagements antérieurs. Pour les communautés d'agglomération créées ex nihilo, un autre régime, en quelque sorte de droit commun, avait été instauré, ce régime étant moins favorable car elles n'avaient pas d'engagements à honorer.
Dans le cas d'une transformation, le principe est une garantie à 100 % de la DGF la deuxième année, puis à 95 %, à 90 % et à 85 % les années suivantes. Pour les communautés d'agglomérations créées ex nihilo, la garantie accordée s'élevait à 80 %.
Sur le plan législatif, un rapprochement a eu lieu entre les deux régimes. En effet, toutes les communautés d'agglomération bénéficient d'une garantie à 100 % la deuxième année. La différence porte donc sur les troisième, quatrième et cinquième années, la sixième année, toutes les communautés d'agglomération bénéficiant d'une garantie à 80 %.
La proposition de loi de notre collègue Jean-MariePoirier a pour objet d'étendre la garantie accordée les troisième, quatrième et cinquième années, à savoir 95 %, 90 %, 85 %, à l'ensemble des communautés d'agglomération.
Quelles observations peut-on faire sur cette proposition de loi ? D'abord, il est vrai que, avec le temps, on a oublié ce qui justifiait ces deux régimes. Il est normal d'instituer un seul régime. Cela se comprend aisément.
Les conséquences sont claires : on raisonne à enveloppe fermée. Ce n'est pas parce que les garanties d'évolution de la DGF en faveur des communautés d'agglomération créées ex nihilo seront plus élevées qu'il y aura plus d'argent à distribuer ! Simplement, on en distribuera plus par les dispositifs de garantie et moins par les dispositifs liés à la population, au potentiel fiscal et au coefficient d'intégration fiscale. C'est une critique que l'on peut faire à cette proposition de loi. En effet, près des trois quarts des communautés d'agglomération seront dans un régime de garantie. Aussi, tous les dispositifs qui devaient inciter à une plus grande intégration ne jouent pas.
Cette remarque de fond, qui est importante, doit-elle nous conduire à rejeter la proposition de loi de notre collègue Jean-Marie Poirier ?
Si le dispositif s'inscrivait sur une longue période, les dotations de l'Etat aux collectivités locales étant en vitesse de croisière, nous devrions refuser d'accéder à la demande de notre collègue. Mais, dès lors que le régime proposé sera réexaminé dès l'an prochain, lorsque nous débattrons de l'ensemble des concours financiers aux collectivités locales, et donc de la DGF pour les communautés d'agglomération, nous pouvons faire droit à cette demande.
Le coût de cette mesure est limité : quelque 10 millions d'euros. Par ailleurs, l'objet de ce texte est très restreint : il s'agit d'unifier le régime de garantie d'évolution de la DGF des communautés d'agglomération.
Telles sont les raisons pour lesquelles j'émets, au nom de la commission des finances, un avis favorabe sur la présente proposition de loi. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP, ainsi que sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Patrick Devedjian, ministre délégué aux libertés locales. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le Sénat est appelé à examiner la proposition de loi de M. Jean-Marie Poirier, qui vise à aligner la garantie des communautés d'agglomération créées ex nihilo sur le régime de garantie plus protecteur dont bénéficient les communautés d'agglomération issues d'une transformation.
Le rapport de M. Michel Mercier est si excellent que je suis conduit à dire la même chose.
M. Michel Mercier, rapporteur. Si cela pouvait être toujours le cas ! (Sourires.)
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Pas tous les jours, monsieur Mercier ! Mais, une fois encore, c'est intelligent ! (Nouveaux sourires.)
M. Michel Charasse. Il y a plus de joie dans le ciel pour un pécheur qui se convertit !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Je rappelle que cette proposition de loi se borne à réintroduire une disposition que le Sénat avait adoptée, comme M. le rapporteur l'a dit tout à l'heure, au cours de la discussion budgétaire et qui figurait dans le projet de loi de finances pour 2003 adopté par les deux assemblées, mais que le Conseil constitutionnel a censurée dans les conditions que M. Charasse a rappelées, la nouvelle loi organique permettant de faire figurer ce type de mesure dans un projet de loi de finances n'étant pas encore entrée en application. En l'occurrence, le Conseil constitutionnel a considéré qu'il s'agissait d'une sorte de cavalier budgétaire.
Cette censure, il est important de le souligner, est fondée non pas sur un motif de fond, mais sur un motif de procédure.
Brièvement, je veux rappeler, après M. le rapporteur, quel est aujourd'hui le régime de la garantie des communautés d'agglomération. Celles d'entre elles qui sont issues d'une transformation bénéficient d'une garantie de cinq ans. La deuxième année d'attribution dans la catégorie, leur DGF par habitant ne peut être inférieure à celle de l'année précédente - donc, il s'agit effectivement d'une garantie à 100 % -, et elle est indexée comme la dotation forfaitaire des communes. Les troisième, quatrième et cinquième années, leur DGF par habitant ne peut être inférieure, respectivement, à 95 %, à 90 % et à 85 % de celle de l'année précédente. A partir de la sixième année, tout le monde revient au droit commun, c'est-à-dire une garantie égale à 80 %.
Au regard de ce régime, les règles applicables aux communautés d'agglomération créées ex nihilo, dont nous nous préoccupons aujourd'hui, sont moins favorables. Ces communautés d'agglomération ne bénéficiaient à l'origine d'aucune garantie spécifique - car, comme vous l'avez dit, elles n'avaient pas les mêmes engagements que les autres communautés d'agglomération - et elles étaient donc soumises au droit commun, à savoir une garantie à 80 %.
Lors de l'examen du projet de loi de finances rectificative, à la fin de l'année 2000, le Parlement avait jugé nécessaire d'instituer une garantie de deuxième année pour ces groupements. Il leur avait en conséquence étendu le régime de garantie de deuxième année des communautés d'agglomération issues d'une transformation.
Achevant l'alignement des deux régimes de garantie, la proposition de loi de M. Poirier établit un régime unique de garantie des communautés d'agglomération, qu'elles soient issues d'une transformation ou créées ex nihilo. Il s'agit, bien évidemment, d'une simplification opportune des règles applicables en matière de DGF, dans un domaine où le maquis est touffu. La proposition de loi qui vous est soumise permet donc d'éviter des distorsions entre les deux types de communautés d'agglomération, et M. Poirier a pris, à cet égard, une heureuse initiative.
Certes - et c'est bien le problème - il n'est pas usuel de prendre des dispositions qui peuvent affecter la répartition de la DGF en cours. Mais je tiens à souligner que, d'une part, la répartition de la DGF n'est pas encore achevée...
M. Jean-Marie Poirier. Très bien !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. ... et que, d'autre part, la disposition que vous examinez aujourd'hui se limite à reprendre une disposition que le Parlement avait lui-même jugé nécessaire d'introduire dans la loi de finances pour 2003.
Ayant exprimé un avis favorable lors de l'examen de cette disposition cet automne, le Gouvernement est donc cohérent en approuvant la présente proposition de loi, conformément d'ailleurs aux conclusions de votre commission des finances.
Chacun est bien conscient qu'en adoptant cette proposition de loi vous n'aurez réglé que l'une des nombreuses questions que soulève le financement de l'intercommunalité, et plus généralement les règles de répartition de la DGF. Il y a de quoi faire ! Le Gouvernement travaille à une nouvelle architecture des dotations de l'Etat qui aille dans le sens de leur simplification et qui permette aussi de faire une meilleure place à la péréquation, laquelle sera consacrée par la réforme de la Constitution qui devrait intervenir définitivement lundi prochain.
Ce travail permettra d'apporter des réponses aux déficiences actuelles auxquelles le Sénat souhaite légitimement remédier. Il sera mené en étroite concertation avec le comité des finances locales.
Pour conclure, j'indique au Sénat que cette disposition, que vous aviez déjà votée dans le projet de loi de finances pour 2003, pourra être prise en compte dans la répartition en cours de la DGF,...
M. Jean-Marie Poirier. Très bien !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. ... après que le comité des finances locales en aura été saisi...
M. Michel Charasse. Très bien !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. ... - c'est une question de droit incontournable -,...
M. Michel Charasse. Effectivement !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. ... sans que les grands équilibres de la répartition soient affectés. Le comité des finances locales doit se réunir le 27 mars prochain.
M. Jean-Marie Poirier. En effet !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Bien que le calendrier soit un peu serré, nous resterons dans les délais.
Toutefois, je précise au Sénat - et j'ai quelques scrupules à le dire à M. Mercier après le débat que nous avons eu voilà quelques jours (Sourires) -, que le Gouvernement est favorable à cette proposition de loi, mais à cette seule proposition de loi : donc, une fois encore, sans amendement aucun, monsieur Mercier ! (M. le rapporteur sourit.) Telle est la condition pour que nous puissions procéder sans difficulté à la répartition de la DGF. J'espère que le Sénat le comprendra. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Poirier.
M. Jean-Marie Poirier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, tout ayant presque été dit, mon propos sera très bref.
Je tiens tout d'abord à remercier le rapporteur de la commission des finances. Il a excellemment commenté, avec la pertinence que chacun lui connaît, la décision du Conseil constitutionnel en date du 27 décembre 2002, plus particulièrement ses incidences sur la théorie et la pratique des cavaliers budgétaires.
Au-delà de son intérêt doctrinal, cette décision est, avant tout, un fâcheux contretemps pour les communautés d'agglomération, auquel la présente proposition de loi vise à remédier.
Son unique objet est d'harmoniser le régime des garanties d'évolution de la dotation globale de fonctionnement en introduisant, en faveur des communautés d'agglomération créées ex nihilo, un régime dégressif de garantie identique à celui des communautés d'agglomération issues de la transformation d'un EPCI existant antérieurement.
Pourquoi une telle différence de traitement ? Ce sujet vient d'être examiné très largement. Je rappellerai simplement que, à l'origine, la différence de traitement entre les diverses catégories de communautés d'agglomération semblait se justifier, dans la pensée du législateur, par le fait que les communautés créées ex nihilo n'auraient pas eu à faire face aux charges fixes accumulées par les communautés d'agglomération issues d'une transformation, en un mot les engagements antérieurs.
En outre, la diminution plus rapide de la DGF des communautés créées ex nihilo apparaissait alors comme un moyen efficace pour éviter d'éventuels abus, par exemple que certains regroupements s'opèrent dans le seul but de bénéficier des concours de l'Etat.
Le spectre d'une « intercommunalité de guichet » hantait alors certains esprits particulièrement soucieux de rigueur. On peut les comprendre. Mais la réalité est beaucoup plus complexe.
Il faut rappeler qu'en 1999 ces structures intercommunales n'existaient pas encore et que l'objectif initial était de cinquante communautés d'agglomération à l'horizon 2004. Aujourd'hui, on en dénombre cent quarante-trois, et de nombreuses autres sont en phase de constitution, notamment en Ile-de-France. Notre paysage administratif a donc subi une importante transformation, au point que certains ont pu évoquer l'image d'un nouveau « jardin à la française ».
La courte existence des communautés d'agglomération démontre que le fonctionnement de ces structures intercommunales ne va pas sans comporter de nombreuses difficultés, pour ne pas dire des fragilités.
Ces difficultés résultent essentiellement d'une certaine forme d'appréhension quant à l'évolution des rapports entre la communauté et les communes qui la constituent, et de la conviction, assez générale, que les charges financières générées par le fonctionnement ou par les investissements des communautés ne pourront pas être compensées assez rapidement par des économies d'échelle ou par le produit d'un développement économique à venir, développement ressenti comme encore plus aléatoire dans la conjoncture actuelle.
Le seul remède à l'accroissement des charges pour les communes membres d'une communauté à taxe professionnelle unique, ou TPU, désormais privées de leur taxe professionnelle, serait un transfert massif de compétences vers l'EPCI et une augmentation rapide et importante du coefficient d'intégration fiscale.
Or ces transferts sont souvent lents et difficiles pour des raisons pratiques, juridiques, ou tout simplement pour des raisons politiques.
En tout état de cause, ils interviennent le plus souvent la deuxième ou la troisième année, c'est-à-dire au moment où la dégressivité de la dotation globale de fonctionnement intervient.
Le transfert d'une compétence est une opération lourde, vous le savez : il entraîne le transfert des personnels et des biens nécessaires à son exercice. La marge de manoeuvre des communautés d'agglomération créées ex nihilo est, elle, sensiblement réduite par rapport aux communautés issues d'une transformation, qui ont eu plus de temps pour s'organiser.
Autre paradoxe : à travers la notion d'intérêt communautaire, le législateur a invité les communautés d'agglomération créées ex nihilo à étendre largement leurs compétences. N'est-il pas contradictoire d'inciter ces structures intercommunales à développer leur champ d'action tout en réduisant leurs marges de manoeuvre ? La différence entre le dispositif actuel et le dispositif proposé est en effet loin d'être anodine : elle s'élève, pour une communauté représentant environ 100 000 habitants, à 750 000 euros, et ce pour la seule troisième année de garantie.
Devant ce constat, certains conseillers communautaires s'interrogent : y a-t-il une vie après la loi Chevènement ?
Pour conclure, je formulerai deux observations.
Tout d'abord, contrairement aux inquiétudes que j'ai pu entendre ici et là sur le fait qu'un renforcement des aides constituerait une atteinte à l'autonomie fiscale des collectivités locales, il est clair que l'esprit du dispositif n'est pas de mettre les communautés créées ex nihilo sous perfusion financière. Les communautés d'agglomération sont loin de profiter abusivement des concours de l'Etat. Ces établissements publics de coopération intercommunale, à la différence des collectivités locales, tirent en effet l'essentiel de leurs ressources de la fiscalité, en l'occurrence de la taxe professionnelle. La dotation globale de fonctionnement ne représente que 10 % de leurs budgets. En outre, comme l'a fait remarquer M. le rapporteur, le dispositif proposé n'a pas pour effet d'augmenter la masse totale des sommes consacrées aux communautés d'agglomération.
Ensuite, les Assises des libertés locales ont mis en évidence le fait que les communautés d'agglomération et, plus généralement, les EPCI aspiraient et avaient sans doute vocation à exercer des compétences venues d'en haut. Encore faudrait-il qu'ils en aient les moyens...
La proposition de loi qui vous est soumise, mes chers collègues, n'entend naturellement pas régler l'ensemble des difficultés que la courte vie des structures intercommunales a mises en évidence. J'en ai cité quelques-unes, mais il en existe bien d'autres auxquelles le projet de toilettage et de simplification des textes relatifs à l'intercommunalité devra remédier.
La présente proposition de loi n'a qu'un objectif : éviter l'asphyxie prématurée des communautés d'agglomération créées ex nihilo.
Je vous remercie, monsieur le ministre, d'y avoir été sensible, et je ne doute pas que la Haute Assemblée fera siennes les conclusions de son rapporteur. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Yves Fréville.
M. Yves Fréville. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'art équestre est semé d'embûches, surtout dans le domaine de la cavalerie budgétaire. (Sourires.)
Je ne chercherai pas à approfondir les problèmes de droit constitutionnel qu'a rappelés notre excellent rapporteur. Je dirai tout simplement que, s'il est logique de valider cette disposition, adoptée par le Parlement tout entier lors de l'examen du projet de loi de finances, on peut aussi examiner la question au fond, afin de montrer que, loin de constituer une simple validation, cette mesure est justifiée au fond.
Une plaie devait être cautérisée, cela ne fait aucun doute. Existe-t-il des raisons de traiter différemment les communautés d'agglomération suivant leur origine ? Je dirai tout simplement que le système actuel était totalement illisible.
J'illustrerai mon propos en citant l'exemple de mon département : la communauté d'agglomération de Rennes résulte de la transformation d'un district, celle de Vitré est issue de la fusion de deux communautés de communes - il a fallu un amendement Carrez,...
M. Michel Mercier, rapporteur. Plusieurs amendements !
M. Yves Fréville. ... en l'an 2000, pour régler cette question -, et celle de Saint-Malo, enfin, a été créée ex nihilo. Comment expliquer aux élus...
M. Michel Mercier, rapporteur. Surtout à ceux de Saint-Malo !
M. Yves Fréville. ... que la communauté d'agglomération de Saint-Malo, créée ex nihilo, verrait sa garantie tomber à 80 %, alors que celle de Vitré et de Rennes serait garanti à 95 % ? c'est chose impossible !
Il existe toutefois une raison de fond à cet état de fait, lorsqu'une communauté d'agglomération est créée ex nihilo, elle n'a aucune marge de manoeuvre, elle est pratiquement obligée, surtout en ces temps où la progression de la taxe professionnelle unique n'est pas très forte, de redistribuer la quasi-totalité de sa taxe professionnelle unique sous forme d'allocation de compensation aux communes. Et si l'on diminue la seule ressource de démarrage, qui est la DGF, au bout de deux ans - elle est en effet protégée pendant deux ans -, la communauté d'agglomération est étranglée. Raison de fond et lisibilité vont donc dans le sens de la proposition de notre collègue M. Poirier.
Je suis très heureux, monsieur le ministre, que vous nous ayez assurés que, après le passage devant le comité des finances locales, il sera possible de régulariser les choses dès cette année.
Permettez-moi cependant de dire qu'il s'agit tout de même d'un cautère sur une jambe de bois ! (Sourires.) La dotation d'intercommunalité souffre en effet - je parlerai uniquement du régime de garantie qui nous intéresse -, de fortes critiques.
Tout d'abord, nous constatons avec surprise que l'on ne garantit pas la même chose suivant l'année de création des communautés d'agglomération. Les communautés créées en l'an 2000 recevaient toutes la même somme, à savoir 250 francs, soit 38 euros. Le système de garantie est donc tel que des communautés très riches - j'en vois du côté de Montbéliard, par exemple - ...
M. Michel Pelchat. Oh !
M. Yves Fréville. ... ayant un potentiel fiscal considérable, bénéficient d'un régime de garantie pour les trois quarts de leur dotation.
Je n'aurais sûrement pas voté cette proposition si, après cette première année dont je viens de décrire la perversité, les dotations de première année n'avaient pas été fort heureusement indexées totalement sur le potentiel fiscal ; elles ne sont donc pas nécessairement contre-péréquatrices, bien au contraire, puisque c'est le potentiel fiscal qui détermine le mécanisme de péréquation.
J'en viens à une deuxième critique : s'agissant du nombre d'agglomérations bénéficiant de la garantie, nous en sommes à une situation un peu extraordinaire : l'année dernière, si j'ai bien compté, 73 % des communautés d'agglomération de deuxième génération ou troisième génération bénéficiaient d'une garantie. La garantie devient donc la règle, et le jeu normal des mécanismes de péréquation dépendant du coefficient d'intégration fiscale et du potentiel fiscal n'intervient que pour un quart des communautés.
Enfin - et j'en viens ainsi à la troisième critique -, les mécanismes de péréquation jouant sur le coefficient d'intégration fiscale sont-ils bons ?
Là, permettez-moi, monsieur le ministre, de considérer que ce coefficient tel qu'il est conçu mérite, pour le moins, d'être révisé. Sur le fond, je ne suis pas hostile à l'existence d'un coefficient d'intégration fiscale. Il est tout à fait logique que l'on ne favorise pas nécessairement les communautés d'aubaine, et, en sens inverse, il faut éviter que le principe de subsidiarité que vous voulez inscrire dans la Constitution ne soit bafoué.
Pourquoi construire des communautés de communes qui, comme c'est le cas actuellement, servent uniquement de boîte aux lettres pour recevoir la taxe d'enlèvement des ordures ménagères puis reversent cette dernière immédiatement à un syndicat mixte, ce qui leur permet de faire gonfler le CIF ?
Par conséquent, je critique le CIF non pas sur le fond, mais sur la forme qu'il a prise dans la répartition de la dotation d'intercommunalité. En effet, on a inventé le système suivant : on déduit les transferts du produit de la taxe professionnelle unique non pas tout de suite, mais par étapes, à 30 %, puis à 40 % et à 50 %, l'élément principal de ces transferts étant l'allocation de compensation reversée aux communes. Le résultat, qu'avait d'ailleurs parfaitement mis en exergue Gilles Carrez, le rapporteur général de l'Assemblée nationale, c'est qu'une communauté d'agglomération très riche percevant une taxe professionnelle importante aura effectivement un CIF très élevé dans la mesure où on ne lui retirera pas l'allocation de compensation qu'elle reverse aux communes ou qu'on lui retirera au départ à 30 % ou à 40 %. Il faudra attendre la fin de la décennie pour que le CIF prenne sa valeur.
Monsieur le ministre, cela n'est pas satisfaisant ! Si le CIF continue à être biaisé en faveur des communes riches, le système de péréquation tel qu'il est en place se révèle contre-péréquateur.
Permettez-moi alors de dire que je préfère le système de garantie actuel qui, lui, sauf pour les communautés de première génération, ne dépend que du potentiel fiscal.
Mes chers collègues, en adoptant ce système, nous ne faisons donc pas une oeuvre contre-péréquatrice qui irait à l'encontre de la doctrine du Gouvernement et du Parlement que nous allons sans doute ratifier lundi prochain ; nous allons au contraire dans le sens de la péréquation.
Pour ces raisons à la fois de forme et de fond, le groupe UMP votera cette proposition de loi. Cependant, nous espérons, monsieur le ministre, qu'une grande réforme permettra d'améliorer cette dotation pour les communautés d'agglomération. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP ainsi que sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne.
M. Yves Détraigne. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la présente proposition de loi a pour objet d'aligner le régime de garantie d'évolution de la dotation globale de fonctionnement des communautés d'agglomération créées ex nihilo sur celui des communautés d'agglomération qui sont, elles, issues de la transformation d'un précédent établissement public de coopération intercommunale.
Dans la mesure où l'on peut considérer que les communautés d'agglomération commencent réellement à exercer pleinement toutes leurs compétences à partir de la troisième année, qui est celle, dans la législation actuelle, où cette garantie d'évolution n'est plus assurée, cette proposition de loi me paraît être une proposition de bon sens, même si elle correspond à une nouvelle modification des critères d'attribution et d'évolution de la DGF qui, pourtant, n'en manque déjà pas.
Sans faire un cours d'histoire, vous me permettrez de rappeler que, traditionnellement, les concours de l'Etat aux collectivités locales étaient constitués de subventions de fonctionnement et d'équipement attribuées par les divers ministères selon leurs propres critères. Parallèlement, les collectivités locales bénéficiaient de la « taxe locale », un impôt sur le chiffre d'affaires perçu au niveau du commerce de détail. Celle-ci fut remplacée par la « taxe sur les salaires » qui, à la suite de sa suppression pour les employeurs assujettis à la TVA - c'est-à-dire l'essentiel d'entre eux - fut remplacée en 1968 par un prélèvement sur les recettes de l'Etat : le VRTS, ou versement représentatif de la taxe sur les salaires. En 1979, soit onze ans après, le VRTS a été remplacé par la fameuse dotation globale de fonctionnement, dont le montant global à répartir est calculé, au moins au départ, par référence au produit de la TVA.
Avec le VRTS, la répartition de l'enveloppe se faisait selon deux critères - c'était le bon temps !- : une attribution de garantie destinée à maintenir aux collectivités locales les ressources qu'elles auraient tirées de la taxe locale et une attribution en fonction de l'effort fiscal imposé par chaque collectivité à ses habitants, mesuré sur la base du critère de l'impôt sur les ménages.
Lorsque le VRTS a laissé la place à la DGF, un nouveau critère a été introduit : le potentiel fiscal.
En 1985, la DGF des départements a été distinguée de celle des communes, sur laquelle s'impute d'ailleurs également la dotation d'aménagement des groupements de communes à fiscalité propre.
Depuis sa création, la répartition de la DGF entre les collectivités locales est marquée par une complexité croissante. Non seulement la DGF est divisée en parts qui font l'objet d'une répartition séparée - la dotation de base, la dotation de péréquation et la dotation de compensation pour les communes, la dotation forfaitaire et la dotation de péréquation pour les départements -, mais plusieurs autres critères sont pris en compte pour chaque part. Il existe en tout un nombre véritablement impressionnant de critères : la population, l'effort fiscal, le potentiel fiscal, le revenu imposable par habitant, le nombre de logements sociaux, le nombre d'élèves de l'enseignement primaire et maternel, la longueur de la voirie, et même l'attribution de l'année précédente pour les départements.
De plus, cette complexité est aggravée par la multiplication des prélèvements effectués sur la masse globale au profit de certaines catégories de collectivités : non seulement la garantie de ressources minimales, qui a toujours existé, ou les attributions spécifiques au profit de certaines communes telles que les communes touristiques et thermales, mais aussi les dotations de solidarité et les dotations au profit de communes rurales dans le cadre de la politique d'aménagement du territoire, etc.
Ces attributions spécifiques pèsent évidemment sur la masse qui reste à partager selon les critères de référence et réduisent d'autant la part des collectivités qui n'entrent dans aucune des catégories particulières. Face à cela, le législateur a donc introduit divers correctifs : la garantie de progression minimale pour toutes les communes, les concours spécifiques pour certaines d'entre elles et la dotation de fonctionnement minimal pour les départements. Je pourrais d'ailleurs continuer, car je ne vous ai pas tout dit. Je ne vous ai d'ailleurs rien dit sur la DGF des intercommunalités qui est précisément l'objet de la proposition de loi dont nous parlons aujourd'hui. (Sourires.)
Quoi qu'il en soit, comme vous en avez d'ailleurs largement parlé, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, il me paraît évident aujourd'hui que la répartition des concours financiers de l'Etat entre les collectivités locales est devenue purement et simplement incompréhensible et que, à force d'avoir ajouté des correctifs pour essayer d'en corriger les imperfections, on n'a fait qu'accroître le caractère obscur du système et le manque d'équité de sa répartition.
C'est notamment par rapport à cette complexité croissante que, par un amendement que je vous proposerai tout à l'heure, je vous inviterai à ne pas introduire de distinction supplémentaire entre la garantie d'évolution de DGF proposée par notre collègue Jean-Marie Poirier au profit des communautés d'agglomération créées ex nihilo et celle des communautés de communes à taxe professionnelle unique également créées ex nihilo, qui ne sont rien d'autre que l'équivalent en milieu rural des communautés d'agglomération en milieu urbain.
Mais surtout, au travers de ce résumé succinct des critères pris en compte pour répartir la DGF, je souhaite appeler votre attention, monsieur le ministre, mes chers collègues - mais je sais que vous en êtes conscients -, sur l'impérieuse nécessité de remettre de l'ordre et de la lisibilité dans les ressources des collectivités locales, ce qui ne me semble malheureusement pas être la tendance actuelle. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, sur la base des observations formulées par Michel Mercier, on peut être d'accord avec les termes de la proposition de loi qui tend, dans les faits, à résoudre une contradiction inhérente à la législation actuelle, c'est-à-dire la différence de traitement existant entre les communautés d'agglomération issues d'une transformation de structures existantes - districts par exemple - et celles qui ont été créées, dans la foulée de la loi Chevènement, sur l'initiative des élus locaux attachés au développement de la coopération intercommunale.
La question de la garantie de versement de la DGF aux communautés d'agglomération impose manifestement la clarification qui nous est proposée par la présente proposition de loi.
Cela dit, cette proposition de loi ne peut nous dispenser d'une interrogation plus globale sur la manière dont évolue la pratique intercommunale, notamment s'agissant de la distribution des ressources liées au développement de la coopération.
En effet, rendre plus lisible le processus de garantie de ressources des communautés d'agglomération pose immanquablement la question du solde de la dotation, ce que l'on pourrait appeler « la part variable ».
Or, chacun doit avoir aujourd'hui en mémoire que le sensible ralentissement de l'activité économique ne sera pas sans influence sur le montant régularisé des dotations budgétaires placées sous enveloppe, dotations déjà pourtant victimes de blocages internes particulièrement forts dans la répartition entre DGF forfaitaire et DGF d'aménagement, la part de la DGF d'intercommunalité ne pouvant croître sans poser de problèmes aux autres éléments de dotation, d'autant que chaque année voit progresser également le nombre de structures éligibles.
Vous connaissez la position des parlementaires de notre groupe, et je me contenterai donc d'en rappeler l'essentiel.
Nous sommes favorables à une meilleure prise en compte de la réalité de la croissance économique dans la détermination du montant des concours budgétaires de l'Etat aux collectivités locales, comme nous sommes favorables à une réforme de la taxe professionnelle.
De telles orientations, que nous avons maintes fois rappelées, ont évidemment toute leur valeur, quand bien même l'objet du présent débat semblerait s'apparenter à un simple ajustement technique des dispositions.
S'il s'agit certes d'un ajustement technique, il est cependant déterminant pour résoudre les difficultés éventuelles que pourraient rencontrer les structures de coopération qui souhaitent éviter une progression inconsidérée de la fiscalité, notamment de la taxe professionnelle unique.
Il n'en demeure pas moins que sont posées, pour aujourd'hui et pour l'avenir, certaines des questions que nous avons soulevées : la progression des concours budgétaires, singulièrement celle de la DGF, et la réforme de la fiscalité directe locale afin d'assurer un rendement plus pertinent de cette même fiscalité, susceptible de donner aux collectivités locales, en particulier aux groupements, les moyens de mener les missions qui leur sont confiées.
C'est sous le bénéfice de ces observations que notre groupe votera la présente proposition de loi.
M. le président. La parole est à M. Michel Charasse.
M. Michel Charasse. Après les excellentes interventions que nous venons d'entendre de la part tant de M. le rapporteur, de M. le ministre que des quatre orateurs qui se sont exprimés, je tiens à souligner à mon tour que le texte qui nous est soumis constitue en fait un simple ajustement technique. Par conséquent, ce n'est ni le moment ni le lieu, me semble-t-il, d'ouvrir un débat sur la DGF, sur son fonctionnement, sur ses modalités de répartition, sur son avenir, sur sa réforme. Il n'en demeure pas moins qu'il s'agit d'un sujet de préoccupation sur toutes les travées de cette assemblée. C'est en effet une question fondamentale, notamment dans le cadre de la nouvelle phase de la décentralisation.
Aujourd'hui, nous nous livrons en quelque sorte à la rediscussion d'une mesure technique de justice à laquelle mon groupe s'était rallié en son temps. Il confirme par ma voix, son accord avec le dispositif qui nous est proposé par M. Poirier et qui a été approuvé par la commission des finances.
Je me contenterai de formuler deux brèves observations.
La première est de forme.
Je n'aime pas beaucoup les formules latines. Certes, l'expression ex nihilo n'est pas inscrite dans la proposition de loi, mais elle figure dans l'alinéa qu'elle vise à compléter. Aussi, pourrait-on peut-être en profiter pour trouver une autre formule.
Dès lors que nous ne sommes pas au Sénat romain et que l'on peut remplacer ex nihilo par une formule disant, par exemple, qu'il s'agit d'une communauté qui n'est pas créée à partir d'un groupement existant, je trouve un peu désagréable, même si notre civilisation est largement d'origine latine, de trouver une telle expression dans un texte de loi !
En outre, dire en quelque sorte que la communauté considérée ne part de rien, alors qu'elle est constituée de communes et que les communes ce n'est pas rien, est quelque peu déplaisant.
Ma deuxième observation s'adresse à vous, monsieur le ministre.
Nous avons bien noté, puisque le comité des finances locales a déjà réparti la DGF et qu'elle ne peut pas être répartie sans son avis, et même sur certains points sans son accord, qu'il sera de nouveau saisi de cette question le 27 mars. Nous sommes d'ailleurs ici un certain nombre à siéger au comité, dont M. Mercier, par conséquent, comme ce dernier l'a souligné lui-même à la tribune, la loi sera parfaitement respectée.
Reste le problème suivant.
Les communautés ont jusqu'au 31 mars pour voter leur budget. Or la notification des sommes leur revenant ne pourra pas leur être adressée avant le 31 mars.
Actuellement, la loi Defferre prévoit que, lorsque les dotations de l'Etat ne sont pas notifiées à temps, il peut y avoir un délai supplémentaire. Or la présente loi risque de ne pas être promulguée à temps ! Il paraît donc difficile de notifier des sommes à partir d'une loi qui n'est pas encore promulguée, même si l'on sait bien qu'il y a consensus ; rester attaché à ce formalisme nous dispensera de surprises ultérieures qui nous conduiraient à protester violemment.
Dans ces conditions, je pense, monsieur le ministre, qu'il serait opportun que, d'ores et déjà, la direction générale des collectivités locales indique aux communautés concernées qu'elles recevront une notification complémentaire et que, en tout état de cause, comme cette notification risque, pour des raisons matérielles, de ne pas leur arriver avant le 31 mars, elles disposeront naturellement du délai supplémentaire de quinze jours pour voter leur budget.
Cela ne posera pas de réel problème à un certain nombre d'entre elles, mais, pour une communauté nouvelle qui éprouve peut-être des difficultés à établir son budget, ce petit délai supplémentaire peut être assez utile.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Les communautés ont quinze jours pour voter leur budget à compter de la notification. Mais celle-ci n'est pas faite et ne le sera que lorsque le comité aura approuvé, ce que nous espérons, cette nouvelle répartition. Il n'y a donc pas de problème.
M. Michel Charasse. On peut toutefois les avertir d'ores et déjà !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Certes, mais nous entendons faire encore mieux en essayant de prévoir.
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique et des amendements tendant à insérer un article additionnel avant ou après cet article.
Article additionnel avant l'article unique
M. le président. L'amendement n° 1, présenté par M. Détraigne, est ainsi libellé :
« Avant l'article unique, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Dans l'avant-dernier alinéa du II de l'article L. 5211-33 du code général des collectivités territoriales, les mots : "Une communauté d'agglomération, créée ex nihilo," sont remplacés par les mots : "Lorsqu'elle est créée ex nihilo, une communauté de communes ou une communauté d'agglomération". »
La parole est à M. Yves Détraigne.
M. Yves Détraigne. L'objet de cet amendement est d'éviter d'introduire de nouvelles différences - il en existe déjà suffisamment ! - entre les communautés d'agglomération, qui sont systématiquement soumises au régime de la taxe professionnelle unique, et les communautés de communes qui choisissent d'adopter le régime de la taxe professionnelle unique.
En effet, l'anomalie dénoncée par notre collègue Jean-Marie Poirier, qui existe entre les communautés d'agglomération créées ex nihilo et les communautés d'agglomération qui résultent de la transformation d'un EPCI existant, se retrouve exactement pour les communautés de communes selon qu'elles sont crées ex nihilo ou qu'elles résultent d'une transformation.
Vous me répondrez que les communautés de communes ne sont pas automatiquement soumises au régime fiscal de la TPU. C'est pourquoi l'amendement n° 1 ne concerne que les communautés de communes qui ont adopté la TPU, système que le Gouvernement souhaite encourager.
D'après la loi du 12 juillet 1999, la fameuse loi dite Chevènement, les communautés de communes devraient être, en milieu rural, le pendant des communautés d'agglomération en milieu urbain.
Je vous demande donc, mes chers collègues, pour les mêmes motifs de fond que ceux qui ont été invoqués pour justifier l'adoption de la proposition de loi, de voter l'amendement que je vous soumets.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Michel Mercier, rapporteur. Je suis extrêmement sensible à la pertinence de cet amendement.
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Intelligent !
(Sourires.)
M. Michel Mercier, rapporteur. Tout à fait ! Dans la mesure où il émane d'un membre du groupe de l'Union centriste, cela n'étonnera personne après les quinze jours que nous venons de passer ! (Nouveaux sourires.)
En tout cas, cet amendement témoigne de toute l'incohérence qu'il peut y avoir dans les relations financières entre l'Etat et les collectivités.
Toutefois, si le dispositif qu'il nous propose est juste, fondé, équitable, il va bien au-delà de l'objet de la proposition de loi que nous examinons.
En effet, aujourd'hui, il s'agit simplement de rétablir une disposition qui était déjà entrée dans les faits et que le Conseil constitutionnel a annulée. Nous ne pouvons que nous incliner devant cette décision, qui trouve son fondement dans la Constitution, même si nous sommes tous étonnés puisque le Conseil constitutionnel n'avait émis aucune observation précédemment. Il s'agit, en quelque sorte, de recoudre un tissu cohérent qui a été rompu malencontreusement.
Je ne peux donc qu'inviter notre collègue Yves Détraigne à conserver son amendement pour le déposer ultérieurement lorsque nous examinerons le texte portant refonte des dotations de l'Etat aux collectivités locales. Pour l'instant, je lui demande de le retirer ; sinon, je serai dans l'obligation d'émettre un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Monsieur Détraigne, il s'agit en effet aujourd'hui de rétablir une disposition qui a été annulée par le Conseil constitutionnel.
Comme je l'ai dit tout l'heure à M. Charasse, le comité des finances locales devra se prononcer le 27 mars pour valider juridiquement la répartition. Mais, si vous ajoutez un volet supplémentaire au dispositif, alors que nous sommes déjà dans l'urgence, la direction générale des collectivités locales, la DGCL, ne pourra pas respecter les délais, et les budgets locaux ne pourront pas être votés.
Quelle que soit la pertinence de cet amendement, je suis également obligé, monsieur Détraigne, de vous demander de le retirer.
De toute façon, le Gouvernement travaille d'ores et déjà à une réorganisation d'ensemble de la DGF. Vous avez soulevé un problème, mais M. Fréville a eu raison de dire qu'il y en avait bien d'autres. En tout cas, dans le cadre de cette réorganisation, il sera temps de traiter la question que vous soulevez, qui est effectivement pertinente.
M. le président. L'amendement est-il maintenu, monsieur Détraigne ?
M. Yves Détraigne. J'ai bien entendu les appels de M. le rapporteur et de M. le ministre et j'ai noté avec intérêt que la refonte des financements des collectivités locales était à l'ordre du jour. Je sais que l'ensemble de nos collègues estiment, quel que soit le groupe auquel ils appartiennent, qu'il faut absolument introduire plus de simplicité, plus de lisibilité, plus de « compréhensibilité » - je ne sais pas si ce terme est français, il n'est pas latin ; en tout cas ! (Sourires.) - dans le système de répartition de la DGF.
Dans ces conditions, je retire mon amendement.
M. le président. L'amendement n° 1 est retiré.
M. le président. « Article unique. - L'avant-dernier alinéa du II de l'article L. 5211-33 du code général des collectivités territoriales est complété par une phrase ainsi rédigée :
« En outre, elle ne peut, au titre des troisième, quatrième et cinquième années d'attribution dans la même catégorie et sous réserve de l'application des 2° et 3° du présent article, percevoir une attribution par habitant inférieure, respectivement, à 95 %, 90 % et 85 % de la dotation par habitant perçue l'année précédente. »
Je mets aux voix l'article unique.
(L'article unique est adopté à l'unanimité.)
Article additionnel après l'article unique
M. le président. L'amendement n° 2, présenté par M. Foucaud, Mmes Beaudeau et Demessine, M. Loridant et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Après l'article unique, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
« Après le onzième alinéa de l'article L. 2334-4 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Pour l'application de cette disposition, il n'est pas tenu compte de la variation des bases liées à la réintégration des bases des établissements exceptionnels anciennement écrêtées et remplacées par un prélèvement sur les ressources fiscales dudit établissement public de coopération intercommunale. »
La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Cet amendement concerne la détermination du potentiel fiscal des EPCI, sujet qui entre dans le cadre de la discussion qui nous occupe aujourd'hui.
En effet, aux termes actuels de l'article L. 2334-4 du code général des collectivités territoriales, le potentiel fiscal des EPCI est proratisé en fonction de la population de chaque commune membre de l'établissement. Or ce potentiel se trouve concrètement majoré, dans certaines localités, du montant des bases découlant de la présence d'établissements exceptionnels.
Cette observation, que nous formulons à propos d'un texte relatif aux communautés d'agglomération, n'est pas non plus sans incidence sur la situation de certains autres EPCI - les communautés de communes, par exemple, où se trouvent des établissements tels que centrales thermiques ou barrages hydroélectriques.
Nous sommes donc confrontés à la situation suivante.
Si le problème des établissements exceptionnels a été pour partie résolu pour les EPCI grâce à la substitution d'un prélèvement sur les ressources fiscales effectué au profit des fonds départementaux en lieu et place de l'écrêtement sur les bases d'imposition des communes, il n'est pas sans influence sur la situation des communes membres.
En effet, dès lors qu'une communauté d'agglomération applique le régime de la taxe professionnelle unique, le potentiel de la taxe professionnelle - potentiel dont les incidences ne sont pas négligeables sur le montant des dotations qui peuvent être versées aux collectivités locales - se trouve majoré dans chaque commune.
Ce dispositif comporte donc une certaine incohérence : la dotation de solidarité urbaine ou la dotation de solidarité rurale subiront les conséquences de la mise en place de la TPU et, bien sûr, de la majoration du potentiel fiscal par la réintégration des bases précédemment écrêtées.
Par ailleurs, et ce cas de figure n'est sans doute pas isolé, ce sont les communes dont la population est la plus nombreuse au sein de l'EPCI et qui sont, de ce fait, directement concernées par la mise en oeuvre de la politique de la ville - elles peuvent être chefs de file d'un grand projet de ville, par exemple - qui subiront les effets pernicieux de la législation en vigueur.
Sous le bénéfice des observations que je viens de formuler, je vous invite, mes chers collègues, à adopter cet amendement très technique.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Michel Mercier, rapporteur. Monsieur Foucaud, cet amendement extrêmement savant témoigne du degré de complexité des relations financières entre l'Etat et les collectivités territoriales.
Si j'ai bien compris vos propos, cet amendement tend à ne pas prendre en compte la variation des bases liée à la réintégration des bases des établissements exceptionnels anciennement écrêtées et remplacées par des prélèvements sur les ressources fiscales d'un établissement public de coopération intercommunale, tel que cela résulte de la loi du 12 juillet 1999.
Cet amendement a donc pour objet de revenir sur la réforme des fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle issue de la loi Chevènement.
Je ne discuterai pas aujourd'hui de la pertinence de cet amendement, qui soulève de vraies questions mais qui nous éloigne beaucoup du texte que nous examinons.
En effet, si à l'occasion de cette discussion qui porte sur un point précis - l'unification des régimes de garantie de progression de la DGF des communautés d'agglomération - nous touchons au calcul même de la DGF des communautés d'agglomération, puisque votre amendement vise à modifier le potentiel fiscal qui est un élément central de ce calcul, la DGCL sera matériellement incapable de déterminer les répartitions avant le milieu de l'année.
Aussi, monsieur Foucaud, je vous suggère de retirer votre amendement. Nous reprendrons cette discussion lorsque le Gouvernement nous présentera les éléments de la réforme à laquelle il doit s'atteler prochainement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Mon avis est le même que celui de M. le rapporteur, mais mon argumentation est différente.
Je pense, comme lui, qu'il s'agit d'un domaine très complexe et que, dès lors, l'improvisation nous est interdite.
Pour le reste, je considère que cet amendement est déjà satisfait, monsieur Foucaud. En effet, pour les EPCI à taxe professionnelle unique, l'écrêtement direct qui était opéré sur les bases de taxe professionnelle des établissements exceptionnels au profit des fonds départementaux de péréquation a été remplacé par un prélèvement sur les ressources de l'établissement. Pour le calcul du potentiel fiscal des communes membres de l'EPCI à taxe professionnelle unique, le passage de l'écrêtement direct des bases au prélèvement a été neutralisé.
Je rappelle que les bases de taxe professionnelle prises en compte pour le calcul du potentiel fiscal des communes sont les bases diminuées des montants versés au fonds départemental de péréquation. Le fait que l'écrêtement qui était auparavant pratiqué sur les communes ait été remplacé, en raison de la constitution d'un EPCI à taxe professionnelle unique, par un prélèvement n'a donc rien changé au mode de calcul du potentiel fiscal.
Sous le bénéfice de ces observations, monsieur Foucaud, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement.
M. le président. L'amendement n° 2 est-il maintenu, monsieur Foucaud ?
M. Thierry Foucaud. Monsieur le président, je vais retirer cet amendement. Je tiens cependant à dire que j'accepte plus facilement les explications de M. le rapporteur que celles de M. le ministre, qui laisse entendre que notre amendement tendrait à accroître virtuellement la richesse des EPCI.
Cela dit, je prends acte des assurances que nous a données M. le rapporteur quant à la possibilité de revenir très prochainement sur cette question.
M. le président. L'amendement n° 2 est retiré.
M. Michel Mercier, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Michel Mercier, rapporteur. Il est vrai que tout cela est très complexe et qu'il faut être grand spécialiste comme M. Fréville pour s'y retrouver. (Sourires.)
M. Yves Fréville. J'étais effectivement à l'origine de la disposition qui satisfait l'amendement n° 2.
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Et n'oubliez pas le Gouvernement qui comprend tout de même lui aussi quelques spécialistes en la matière ! (Nouveaux sourires.)
M. Michel Mercier, rapporteur. Par définition, le Gouvernement est compétent !
M. Michel Pelchat. Et M. Devedjian a, de toute façon, été parlementaire !
M. Michel Mercier, rapporteur. Cela étant, monsieur le ministre, je veux seulement signaler que, après le vote de ce texte, la dernière partie de l'article L. 5211-33 du code général des collectivités territoriales devra être refondue, puisqu'on y trouvera deux fois la même disposition.
Ce n'est pas très grave, et cela ne vaut pas que l'on dépose un amendement. Simplement, en l'état, cet article L. 5211-33 ne tient pas la route.
Par ailleurs, monsieur le ministre, pour que vous ne preniez pas de mauvaises habitudes (Sourires),...
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Ce n'est pas mon genre ! (Nouveaux sourires.)
M. Michel Mercier, rapporteur. ... je voudrais vous proposer une modification mineure, qui serait, au demeurant, sans conséquence.
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. C'est une habitude ! (Nouveaux sourires.)
M. Michel Mercier, rapporteur. J'ai en effet l'habitude de ne pas partir sans voter un amendement, n'étant pas un adepte du vote conforme dès la première lecture ! (Rires.)
Il s'agirait simplement cette fois-ci de modifier l'intitulé de la proposition de loi.
Je rappelle l'intitulé actuel : « Proposition de loi tendant à étendre aux communautés d'agglomération créées ex nihilo le régime de garantie d'évolution de la dotation globale de fonctionnement des communautés d'agglomération issues d'une transformation ».
Je suggère cet autre intitulé : « Proposition de loi tendant à créer un régime unique de garantie de l'évolution de la dotation globale de fonctionnement des communautés d'agglomération ».
M. Emmanuel Hamel. C'est plus simple et plus compréhensible !
M. Michel Pelchat. Sans être simpliste !
M. le président. Que pensez-vous de la suggestion de M. le rapporteur, monsieur le ministre ?
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. J'y suis a priori favorable, monsieur le président. Mais, pour dire la vérité, je n'ai pas vraiment réfléchi à toutes ses conséquences ! (Sourires.)
M. Michel Mercier, rapporteur. Honnêtement, moi non plus ! (Rires.)
M. le président. Dans ces conditions, il me paraît plus sage de conserver la rédaction actuelle de l'intitulé.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les conclusions du rapport de la commission des finances sur la proposition de loi n° 179.
(La proposition de loi est adoptée à l'unanimité.)
TEXTES SOUMIS AU SÉNAT EN APPLICATION
DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION
M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
Projet de décision du Conseil concernant l'application à Gibraltar de la convention établie sur la base de l'article K.3, paragraphe 2, point c, du traité sur l'Union européenne, relative à la lutte contre la corruption impliquant des fonctionnaires des Communautés européennes ou des fonctionnaires des Etats membres de l'Union européenne : note de la délégation du Royaume-Uni au comité de l'article 36.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-2230 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
Proposition de décision du Parlement européen et du Conseil établissant une seconde phase du programme d'action communautaire (2004-2008) visant à prévenir la violence envers les enfants, les adolescents et les femmes et à protéger les victimes et les groupes à risque (programme DAPHNE II). Document de la Commission.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-2231 et distribué.
ORDRE DU JOUR
M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 18 mars 2003 :
A dix heures trente :
1. Discussion du projet de loi (n° 279, 2001-2002) relatif à la protection de l'environnement en Antarctique.
Rapport (n° 208, 2002-2003) de M. Christian Gaudin, fait au nom de la commission des affaires économiques et du Plan.
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 17 mars 2003, à dix-sept heures.
A seize heures et le soir :
2. Discussion de la proposition de loi (n° 43 rectifié, 2002-2003) de MM. Robert Del Picchia, Philippe Adnot, Jean-Paul Alduy, Pierre André, Jean Arthuis, Roger Besse, Laurent Béteille, Jean Bizet, Paul Blanc, Mme Brigitte Bout, M. Jean Boyer, Mme Paulette Brisepierre, MM. Jean-Pierre Cantegrit, Auguste Cazalet, Gérard César, Jacques Chaumont, Jean Clouet, Christian Cointat, Gérard Cornu, Jean-Patrick Courtois, Fernand Demilly, Christian Demuynck, Yves Détraigne, Michel Doublet, Paul Dubrule, Alain Dufaut, Jean-Léonce Dupont, Hubert Durand-Chastel, Louis Duvernois, Daniel Eckenspieller, Michel Esneu, André Ferrand, Bernard Fournier, Jean François-Poncet, Alain Gérard, François Gerbaud, Charles Ginésy, Francis Giraud, Daniel Goulet, Alain Gournac, Adrien Gouteyron, Georges Gruillot, Charles Guené, Michel Guerry, Hubert Haenel, Emmanuel Hamel, Christian de La Malène, Lucien Lanier, André Lardeux, Robert Laufoaulu, René-Georges Laurin, Jean-René Lecerf, Dominique Leclerc, Jean-François Le Grand, Serge Lepeltier, Philippe Leroy, Philippe Marini, Serge Mathieu, Jean-Luc Miraux, Paul Natali, Philippe Nogrix, Mme Nelly Olin, MM. Joseph Ostermann, Jacques Oudin, Ladislas Poniatowski, Henri de Raincourt, Philippe Richert, Yves Rispat, Roger Romani, Jean-Pierre Schosteck, Louis Souvet, René Trégouët, André Trillard, Maurice Ulrich, Jacques Valade, Alain Vasselle, Jean-Pierre Vial et Xavier de Villepin tendant à autoriser le vote par correspondance électronique des Français établis hors de France pour les élections du Conseil supérieur des Français de l'étranger ;
3. Discussion du projet de loi (n° 166 rectifié, 2002-2003) de sécurité financière.
Rapport (n° 206, 2002-2003) de M. Philippe Marini, fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation.
Avis (n° 207, 2002-2003) de M. Jean-Jacques Hyest, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 17 mars 2003, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 17 mars 2003, à dix-sept heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-sept heures quarante.)
Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
MONIQUE MUYARD
NOMINATIONS DE RAPPORTEURS
Commission des affaires économiques :
MM. Pierre Hérisson et Bruno Sido ont été nommés rapporteurs du projet de loi n° 195 (2002-2003), adopté par l'Assemblée nationale, pour la confiance en l'économie numérique.
Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées :
M. Jean Puech a été nommé rapporteur du projet de loi n° 183 (2002-2003) autorisant la ratification de l'accord sur le commerce, le développement et la coopération entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d'une part, et la République d'Afrique du Sud, d'autre part.
M. Claude Estier a été nommé rapporteur du projet de loi n° 184 (2002-2003) autorisant la ratification de l'accord euro-méditerranéen établissant une association entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d'une part, et la République algérienne démocratique et populaire, d'autre part.
M. Serge Vinçon a été nommé rapporteur du projet de loi n° 185 (2002-2003) autorisant la ratification de l'accord euro-méditerranéen établissant une association entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d'une part, et la République libanaise, d'autre part.
M. Robert Del Picchia a été nommé rapporteur de la proposition de loi n° 203 (2002-2003), adoptée par l'Assemblée nationale, relative aux privilèges et immunités de la délégation du Comité international de la Croix-Rouge en France (CICR).
Commission des finances :
M. Jacques Chaumont a été nommé rapporteur du projet de loi n° 201 (2002-2003) autorisant l'approbation de l'avenant à la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d'Argentine en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune.
Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale :
M. Christian Cointat a été nommé rapporteur de la proposition de loi n° 43 rectifiée (2002-2003), présentée par M. Robert Del Picchia et plusieurs de ses collègues, autorisant le vote par correspondance électronique des Français établis hors de France pour les élections du Conseil supérieur des Français de l'étranger, dont la commission des lois est saisie au fond.
Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON
QUESTIONS ORALES
REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT
(Application des articles 76 à 78 du réglement)
Avenir des auto-écoles
211. - 13 mars 2003. - M. Jean-Pierre Bel attire l'attention de M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer sur l'avenir des auto-écoles. Depuis le 1er janvier 2002, la gestion du service des examens au permis de conduire est placée sous la tutelle de la direction départementale de l'équipement, avec autorité fonctionnelle au 1er avril prochain et la réorganisation des examens totalement effective en août 2003. Sur ce dernier point, une révision de la répartition des centres d'examens est en cours dans son département de l'Ariège. On s'oriente vers un regroupement de plusieurs centres d'examens sur la sous-préfecture de Pamiers, obligeant les candidats du pays d'Olmes à effectuer 80 kilomètres aller-retour. Tout ceci sans aucune concertation. A l'heure où le Premier ministre parle de nécessaire décentralisation dans l'accomplissement de territoires pertinents, on est en droit de se demander si le projet de « centralisation » effective vers une zone urbaine ne contribue pas, au contraire, à vider de son sens la politique territoriale. Et ce d'autant qu'à ce propos, on se trouve face à un réel cas de maintien du service public pour de nombreux candidats pour qui l'obtention du permis de conduire n'est pas un luxe mais une réelle nécessité. Il souhaiterait connaître la position du Gouvernement sur cette question aux répercussions importantes en termes d'aménagement du territoire et de service public.
Réalisation d'un réseau de télécommunications
à haut débit dans le Gard
212. - 13 mars 2003. - M. Simon Sutour attire l'attention de M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire sur le projet du département du Gard de réalisation d'un réseau à haut débit de fibres optiques. Cette initiative a pour but de désenclaver les régions « grises et noires » du territoire départemental, et plus particulièrement de relier le réseau de l'agglomération d'Alès aux infrastructures existantes à Nîmes et dans le sud du département. L'enjeu est fort : l'existence de services de télécommunications à haut débit est une condition de la pérennité et du développement économique du nord du département, aujourd'hui handicapé car numériquement enclavé. Lors de son déplacement dans le Gard le 9 décembre dernier, le ministre a indiqué au président du conseil général du Gard que l'Etat et la région pourraient s'engager prioritairement sur ce projet compte tenu des contraintes financières exceptionnelles imposées au département du Gard et à la communauté d'agglomération d'Alès suite aux inondations des 8 et 9 septembre 2002. En conséquence, il souhaiterait que le ministre lui précise le principe et les modalités du cofinancement de l'Etat afin que le conseil général du Gard puisse envisager la réalisation de ce projet important qui correspond pleinement à la volonté des pouvoirs publics de favoriser l'égalité des territoires.