COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. GUY FISCHER
vice-président
M. le président. La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à dix heures.)
PROCÈS-VERBAL
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
MÉCÉNAT, ASSOCIATIONS ET FONDATIONS
Adoption définitive d'un projet de loi
en deuxième lecture
M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion en deuxième lecture du projet de loi, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture (n° 413, 2002-2003), relatif au mécénat, aux associations et aux fondations. [Rapport n° 415 (2002-2003).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Jean-Jacques Aillagon, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, le 13 mai dernier, j'ai eu l'honneur de vous présenter le projet de loi en faveur du mécénat, des fondations et des associations, et nous voici aujourd'hui réunis pour la deuxième lecture de ce texte.
Vous le savez, l'objectif de cette réforme est de donner un nouveau souffle à l'initiative des particuliers et des entreprises en proposant un dispositif plus incitatif et plus lisible en faveur du mécénat et des fondations et en accordant à nos concitoyens le choix des causes auxquelles ils souhaitent consacrer leur générosité.
Le projet de loi souligne ainsi la profonde volonté du Gouvernement de faire évoluer durablement les mentalités et de témoigner sa confiance et sa reconnaissance à la société civile. Je souhaite à cet égard rappeler que l'implication des particuliers et des entreprises - je tiens à clore définitivement cette mauvaise querelle - ne vise pas à se substituer à l'engagement de l'Etat et des collectivités territoriales et, en quelque sorte, à en justifier l'extinction : c'est un procès que l'on me fait parfois.
Cette générosité interviendra aux côtés de l'action publique dans une parfaite complémentarité, afin de contribuer plus efficacement à l'épanouissement de l'intérêt général dans les secteurs culturel, social, éducatif, sportif, médical et philanthropique.
Le présent projet de loi est le résultat de la prise en compte des réflexions menées en France à ce sujet, de la concertation avec les ministères dont les champs sont couverts par le mécénat et d'un travail étroit avec le ministère de l'intérieur, s'agissant des fondations, et avec le ministère des finances, s'agissant du vaste arsenal de mesures fiscales envisagées.
Je tiens à vous rappeler brièvement les principales orientations de cette réforme, qui vise, premièrement, à développer le mécénat des particuliers par un renforcement des incitations fiscales, deuxièmement, à favoriser le mécénat des entreprises par un doublement de l'encouragement fiscal, et troisièmement, à alléger la fiscalité des fondations.
Je remercie le Parlement pour sa contribution décisive à l'élaboration de ce projet de loi. Avec votre concours, le dispositif fiscal a été amplifié et se révèle plus incitatif encore que ce qu'avait proposé le Gouvernement dans le projet de loi initial, tout en ne remettant pas en cause l'architecture et l'équilibre général du projet.
L'enrichissement de ce dispositif résulte notamment des modifications apportées par votre assemblée en première lecture, qui, pour la plupart, ont été appréciées et retenues par la commission des finances de l'Assemblée nationale.
Je prendrai trois exemples d'améliorations significatives ainsi adoptées.
Le premier concerne l'abattement d'impôt sur les sociétés pour les fondations d'utilité publique. L'Assemblée nationale, lors de la première lecture, avait augmenté le montant de cet abattement de 30 000 euros à 40 000 euros. Vous avez oeuvré dans le même sens en portant ce montant à 50 000 euros. La réduction d'impôt passerait donc de 15 000 euros à plus du triple. Cette nouvelle disposition constituera un encouragement essentiel à la création de nouvelles fondations. Or vous savez à quel point la situation des fondations est déprimée dans notre pays par rapport à d'autres pays européens, et à plus forte raison par rapport aux Etats-Unis d'Amérique, dans une configuration naturellement très différente de la nôtre.
Le deuxième exemple est l'assouplissement des obligations d'exposition au public des oeuvres originales d'artistes vivants acquises par les entreprises. L'article 238 bis AB du code général des impôts permet aux entreprises une déduction sur cinq ans du prix d'acquisition des oeuvres originales d'artistes vivants, sous réserve que celles-ci soient exposées dans un lieu spécialement aménagé pour le public. Vous avez souhaité modifier cette condition, en précisant qu'il suffisait que ce lieu soit accessible au public. Vous avez ainsi levé les contraintes matérielles qui privaient de fait le texte d'une grande partie de sa portée.
Le dernier exemple concerne le dispositif prévu dans la loi du 4 janvier 2002 relative aux musées de France, loi qui a tout particulièrement bénéficié de votre travail, mesdames, messieurs les sénateurs, puisque ce dispositif résulte d'amendements issus du Sénat.
Comme vous le savez, cette loi accorde aux entreprises une réduction d'impôt de 40 % au titre de l'acquisition pour leur propre compte d'un trésor national, et de 90 % au titre de dons à l'Etat ou à une personne publique pour lui permettre d'acquérir un trésor national destiné à une collection publique. Ce régime s'appliquait uniquement aux trésors nationaux ainsi entendus, c'est-à-dire à des oeuvres auxquelles l'administration n'avait pas donné de visa de sortie du territoire.
L'Assemblée nationale, successivement en première et en deuxième lecture, a proposé l'extension de ce dispositif aux oeuvres d'intérêt majeur qui présentent toutes les caractéristiques d'un trésor national et situées à l'étranger ou entrées sur le territoire français depuis moins de cinquante ans. Paradoxalement, des dispositions primitives de la loi sur les musées ne permettaient pas à une entreprise de concourir à l'acquisition, par exemple, d'une commode ayant appartenu au mobilier royal dans les mêmes conditions fiscales.
Le Sénat a supprimé le caractère provisoire de ce dispositif d'incitation fiscale, initialement limité par la loi sur les musées à 2006, pour donner plus de visibilité aux entreprises potentiellement intéressées.
L'ensemble de ces dispositions, à savoir l'extension du concept de trésor national et la non-limitation de la durée d'application des dispositions prévues par la loi sur les musées, garantit l'enrichissement du patrimoine artistique, historique et archéologique de notre pays.
Il convient cependant de noter que l'Assemblée nationale, en deuxième lecture, a enrichi à son tour ce projet de loi, en prévoyant notamment le report sur cinq ans de la réduction d'impôt pour les entreprises mécènes déficitaires, et en excluant les oeuvres d'art acquises grâce au mécénat des bases d'imposition de la taxe professionnelle.
Elle est par ailleurs revenue sur quelques points que vous aviez modifiés, et je souhaite retenir votre attention sur l'un d'eux.
Un point soulevé par l'Assemblée nationale fait référence à votre volonté d'introduire une différence de traitement fiscal pour les donateurs selon l'objet de l'oeuvre concernée. A la suite de la première lecture au Sénat, les dons aux organismes qui procèdent à la fourniture gratuite de repas ou de soins à des personnes en difficulté ou qui facilitent leur hébergement seraient déductibles à hauteur de 25 % du revenu imposable, et non plus de 20 %.
La commission des finances de l'Assemblée nationale a relevé que la distinction que vous aviez faite allait à l'encontre du principe de simplicité qui est à la base de cette réforme visant à une parfaite lisibilité de la loi et, par conséquent, à un large recours à ce dispositif de la part de nos concitoyens.
Il lui a donc semblé préférable d'écarter toute mesure qui nuirait à la bonne compréhension du dispositif fiscal en faveur du mécénat et qui introduirait des distorsions entre les organismes d'intérêt général qui en bénéficient.
Je me suis finalement rangé à cet avis, malgré l'immense considération que je porte aux organismes visés par l'amendement sénatorial. Il est vrai que le projet de loi, en proposant la généralisation du taux de 60 %, ne leur ménage aucun avantage spécifique, mais il leur octroie de meilleures conditions qu'auparavant. Je tiens en effet à souligner que le projet de loi renforce considérablement l'avantage fiscal qui leur était conféré jusqu'alors par l'amendement « Coluche » en faisant évoluer le plafond de 407 euros à 20 % du revenu imposable.
Je voudrais enfin revenir sur l'engagement que j'ai pris devant vous, le 13 mai dernier, d'étudier la possibilité d'étendre le dispositif du mécénat à tous les organismes culturels, publics ou privés, dont la gestion est désintéressée. Vous le savez, ces organismes n'atteignent l'équilibre financier que grâce aux concours de l'Etat et des collectivités locales. Lorsqu'ils sont assujettis à la TVA et, corrélativement, aux autres impôts commerciaux, ils ne peuvent aujourd'hui bénéficier des circuits de financement du mécénat, ce qui les handicape lourdement. Ils sont contraints d'avoir recours au parrainage. Or le projet de loi consent désormais au mécénat des conditions plus favorables qu'au parrainage.
A la suite de l'adoption d'un amendement du Gouvernement en deuxième lecture à l'Assemblée nationale, la possibilité de recourir au mécénat serait désormais ouverte aux festivals. Cette extension représente une avancée significative pour ces organismes, dont les ressources sont mesurées et, parfois, insuffisantes. Je demeure néanmoins conscient qu'elle ne doit constituer qu'une première étape vers une application plus large aux structures permanentes du spectacle vivant et de la musique, soumises aux mêmes contraintes d'assujettissement à la TVA et désireuses de recourir au mécénat plutôt qu'au parrainage.
J'entends donc déployer dans les prochains mois les efforts nécessaires pour y parvenir. J'ai d'ores et déjà obtenu l'engagement de mon collègue Alain Lambert pour que cette question soit traitée au plus tard dans le cadre du projet de loi de finances pour 2004. Il serait en effet aberrant qu'un festival puisse bénéficier des dispositions du mécénat et qu'une formation ou une compagnie permanente ne puisse en bénéficier. Nous le savons, certains organismes culturels permanents - je pense notamment aux formations baroques telles que Les Arts florissants - font très largement appel au mécénat pour équilibrer leur budget.
En conclusion, je souhaiterais saluer l'intérêt que le Sénat a témoigné envers cette réforme. Je remercie notamment M. le rapporteur de la commission des finances, M. Yann Gaillard, et son président, M. Jean Arthuis, M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, M. Philippe Nachbar, et son président, M. Jacques Valade, pour leur très efficace contribution à l'élaboration de ce texte.
La commission des finances a proposé l'adoption conforme du texte de l'Assemblée nationale. A l'issue de nos débats, le projet de loi devrait donc être voté définitivement par le Parlement ; en tout cas, je l'espère ! Il donnera, je le sais, une très forte impulsion au mécénat et à l'activité des fondations dans notre pays. La France, après avoir accusé un important retard dans ce domaine, peut enfin espérer se doter d'un dispositif moderne, stimulant et même exemplaire à bien des égards comparé à la situation que connaissent d'autres démocraties occidentales. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Yann Gaillard, rapporteur de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais surtout, en cette ultime étape - du moins je l'espère - du processus législatif, m'attacher à faire ressortir la très bonne coopération qui a prévalu entre nos deux assemblées. Je ne voudrais pas que les sénateurs aient le sentiment que nous agissons avec une certaine passivité devant les initiatives de l'Assemblée nationale en proposant un vote conforme, d'autant que ces initiatives, je le rappelle, ont souvent vu le jour sur ces travées.
En première lecture, le Sénat avait adopté trois articles dans la rédaction de l'Assemblée nationale : le premier concernait une clarification du régime d'exonération de droits de mutation applicable aux dons manuels faits aux organismes d'intérêt général ; le deuxième ouvrait la possibilité pour les salariés de faire des dons à la fondation de leur entreprise, innovation très importante qui, vous le verrez, a encore été étendue ; le troisième, enfin, supprimait l'interdiction faite aux associations reconnues d'utilité publique de recevoir des donations avec réserve d'usufruit.
En première lecture, le Sénat avait également enrichi le texte d'un certain nombre de dispositions nouvelles.
Je ne m'attarderai pas sur les dispositions importantes mais très spécifiques concernant l'Alsace-Moselle, prises sur l'initiative de notre collègue Daniel Hoeffel, pour centrer mon propos sur les dispositions concernant le mécénat.
Certaines innovations introduites par le Sénat sous forme d'articles additionnels, déjà adoptées conformes par l'Assemblée nationale, résultent de l'initiative de notre collègue Philippe Nachbar, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, avec qui la commission des finances a travaillé dans un esprit de parfaite coopération. Elles concernent notamment la possibilité d'étalement des versements de la dotation initiale d'une fondation reconnue d'utilité publique sur une période de dix ans et la révision du mode de calcul des intérêts de retard en cas de rupture de la convention liant l'Etat au propriétaire d'un immeuble inscrit ou classé ayant bénéficié de l'exonération de droits de succession.
Il revient en outre à notre collègue Ivan Renar d'avoir fait introduire dans le projet de loi, avec l'appui de votre rapporteur, l'obligation d'informer les salariés sur la politique de mécénat de l'entreprise. Cette innovation, qui me semble politiquement intéressante, a été maintenue par l'Assemblée nationale.
Si les articles relatifs au régime fiscal du mécénat ont fait l'objet d'une approche convergente de la part des deux assemblées, des discussions de principe ont eu lieu s'agissant, d'une part, des modalités de contrôle et de suivi de la dépense fiscale et, d'autre part, du problème des organismes d'intérêt général pour l'aide aux personnes en difficulté que M. le ministre vient d'évoquer.
J'en viens aux convergences. Diverses dispositions, souvent adoptées sur l'initiative ou avec l'appui de votre rapporteur, ont recueilli l'accord des deux assemblées.
La première concerne l'abattement d'impôt sur les sociétés dont bénéficient les fondations - M. le ministre l'a rappelé. A mon avis, la mesure est encore insuffisante au regard de l'objectif d'exonération totale des revenus de la dotation. S'il n'a pas été possible d'atteindre cet objectif, il y a tout de même un grand progrès.
La deuxième disposition a trait à l'aménagement du régime des achats d'oeuvres d'artistes vivants par les entreprises. Je suis d'autant plus sensible à l'intérêt manifesté par M. le ministre en faveur de cette mesure que cette idée de l'assouplissement de l'obligation d'exposition figurait déjà dans une proposition de loi que j'avais présentée et que le Sénat avait adoptée, mais qui n'avait pas eu à l'époque d'aboutissement législatif.
La troisième disposition, relative à l'extension aux instruments de musique du régime favorable actuellement prévu pour les oeuvres d'art, constitue une innovation qui a été introduite à la suite d'une initiative de M. Philippe Nachbar et aussi, je crois, un peu du cabinet du président du Sénat.
La quatrième disposition concerne la procédure de rescrit introduite par l'Assemblée nationale et réécrite sur l'initiative de la commission des finances. De même, a été acceptée par l'Assemblée nationale la nouvelle rédaction de l'article 4 du projet de loi relatif à l'exonération de droits de succession des dons aux fondations et associations reconnues d'utilité publique, qui étend cette disposition aux dons en nature.
S'agissant de l'extension aux biens culturels majeurs situés à l'étranger, je n'ai rien à ajouter aux précisions que vient d'apporter M. le ministre.
En revanche, des divergences subsistaient entre les assemblées sur deux points.
Le premier portait sur la question de principe concernant le suivi et le contrôle des organismes d'intérêt général. Cette question a été résolue en grande partie grâce à la très bonne coopération qui s'est instaurée avec le ministère de l'intérieur.
En résumé, l'Assemblée nationale s'est ralliée à la proposition du Sénat tendant à poser le principe de l'obligation d'une certification des comptes au-delà d'un montant de 153 000 euros. Le Sénat, pour sa part, a cédé à l'Assemblée nationale sur l'idée d'un contrôle de la Cour des comptes alors qu'il aurait préféré s'en remettre aux inspections générales des ministères. J'espère vivement que la Cour des comptes aura les moyens administratifs d'assumer cette responsabilité.
Le second point de divergence portait sur les organismes d'aide aux personnes en difficulté. Je n'ajouterai rien à ce propos sinon que, pour ma part, par entêtement, j'avais maintenu les amendements que le Sénat avait adoptés ; mais à mon grand regret, la commission des finances de la Haute Assemblée ne m'a pas suivi. Par conséquent, il vous est proposé d'émettre un vote conforme. Je crois que c'est une bonne chose pour le déroulement de notre session parlementaire.
La commission se rallie aux différentes adjonctions effectuées par l'Assemblée nationale en deuxième lecture parce qu'elles lui paraissent aller dans le bon sens.
L'amendement présenté par MM. Laurent Hénart et Charles de Courson à l'Assemblée nationale ouvre aux salariés la possibilité de faire des dons à la fondation du groupe auquel appartient leur entreprise. Je l'ai évoqué précédemment, c'est une amélioration, de ce qui avait été voté en première lecture.
Ensuite, dans la liste des organismes susceptibles de recevoir des dons ouvrant droit à la réduction d'impôt figure désormais l'organisation de festivals culturels. C'est là un énorme progrès.
Cette mesure, mes chers collègues, n'est pas liée uniquement à la conjoncture, car elle avait pris naissance antérieurement au Sénat, grâce à un amendement déposé par la commission des affaires culturelles. A l'époque, le ministre n'avait pas été en mesure de donner un avis favorable, car les négociations avec le ministère des finances n'étaient pas achevées. M. le ministre vient d'ailleurs de nous dire que la négociation était toujours en cours avec les organismes permanents.
Cette disposition constitue une innovation considérable ; c'est même le principal apport de la deuxième lecture à l'Assemblée nationale.
La commission des finances a également donné un avis favorable à l'amendement qui tend à permettre aux entreprises déficitaires de reporter le bénéfice de la réduction d'impôt sur les cinq exercices suivants celui des versements qui n'ont pu ouvrir droit à réduction d'impôt en raison de l'insuffisance de l'impôt dû.
Par ailleurs, la commission a approuvé la nouvelle rédaction de l'article 302 bis KD du code général des impôts, régissant la taxe sur la publicité diffusée par voie de radiodiffusion sonore et de télévision, qui alimente le fonds de soutien à l'expression radiophonique venant en aide aux radios associatives à faibles ressources publicitaires. C'est là un cavalier, mais je pense que la mesure peut être très positive pour le Gouvernement et pour l'audiovisuel.
Il s'agit de tenir compte des critiques de la Commission européenne, en substituant à la formule « à destination du territoire français » les mots « à partir du territoire français ».
Enfin, l'Assemblée nationale a adopté, sur l'initiative de notre collègue député Charles de Courson, un amendement favorisant la reprise du mécénat de certaines entreprises produisant des boissons alcoolisées, en dépit de l'avis défavorable du Gouvernement. Ce mécénat ne pourra s'effectuer qu'à la condition que cette campagne ne comporte que le nom de l'entreprise, et rien d'autre. Nous avons cru ne pas devoir refuser de suivre l'Assemblée nationale sur ce point.
S'agissant des donations temporaires d'usufruit, je me bornerai à préciser que le Gouvernement a réitéré devant l'Assemblée nationale la promesse qu'il avait faite devant le Sénat que les critères de déductibilité feraient l'objet d'une instruction fiscale très éclairante sur ce point. L'Assemblée nationale n'a donc pas jugé utile de traiter de ce sujet par la voie législative.
Sous réserve des observations contenues dans le présent rapport et qui démontrent que, en réalité, les choses se sont parfaitement imbriquées entre l'Assemblée nationale et le Sénat ainsi qu'entre les deux commissions du Sénat, je tiens à saluer le progès que marque ce texte très important. A cet égard, je me rallie à l'analyse de M. le ministre affirmant qu'il ne s'agit pas d'un retrait de l'Etat. L'intérêt général doit être pris en compte, non seulement par l'Etat mais par la société tout entière. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Jack Ralite.
M. Jack Ralite. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous connaissez la position d'abstention que M. Ivan Renar et moi-même avons exprimée ici même au nom de notre groupe lors de la première lecture du présent texte, ainsi que la justification que nous lui avons apportée. Cette position ne change pas, et j'en rappelle les raisons.
Premièrement, c'est une bonne chose, ô combien, de chercher à obtenir davantage de crédits !
Deuxièmement, dans un contexte de déresponsabilité publique en matière de culture et d'art - et tout ce qui se passe actuellement démontre que notre crainte exprimée en mai était fondée - ce geste positif peut se transformer en geste négatif.
L'objet du projet de loi, par-delà les associations et les particuliers, vise à apporter une aide aux entreprises afin qu'elles investissent plus dans l'art.
C'est un texte fiscal visant à apporter une modification au code général des impôts. C'est un texte que la commission des affaires culturelles, n'a eu à connaître que du bout des lèvres, pour ne pas dire du bout de l'esprit : c'est un texte financier et économique.
Ce n'est pas un texte - je me limite à cette dimension - culturel. C'est donc un texte visant les entreprises, destiné à aider ces dernières, notamment celles qui adhèrent au MEDEF, dont l'actuel pilote conduit par ailleurs, à l'égard des artistes, une politique méprisante et de régression sociale.
Ainsi, d'un côté, le Gouvernement fait un geste positif, que je soutiens, en direction des entreprises, avec des conséquences incertaines pour la culture. De l'autre côté, et en même temps, le MEDEF, du haut de son ciel bancaire, fait un acte à cran d'arrêt aux conséquences assurées contre les femmes et les hommes artistes et techniciens, intermittents du spectacle, qui contribuent à cette dimension essentielle de la culture qu'est la création.
Vous comprendrez donc que, si nous discutons aujourd'hui du modeste élément, positif et espéré, du projet de loi, je veuille pour ma part m'arrêter un vrai moment sur l'élément négatif que constitue l'accord du 26 juin sur le régime d'assurance chômage des professionnels intermittents, y compris son avenant n° 1, signé par des syndicats très minoritaires et que le Gouvernement s'apprête à agréer. A la suite des réflexions et des actions auxquelles j'ai participé à Paris, à Avignon et à Hérisson, dans l'Allier, je suis conduit à développer six idées.
Premièrement, cet accord est un mauvais accord. Je l'ai dit dès le début. Je vois qu'aujourd'hui nombre de ceux qui l'avaient jugé bon reviennent sur l'idée qu'ils avaient émise en premier. Je pense à un certain nombre d'artistes qui ne l'avaient pas vraiment étudié.
Pourquoi s'agit-il d'un mauvais accord ? Je m'en suis ouvert, notamment dans une lettre adressée le 17 juillet à votre collègue M. François Fillon, dont je vous ai adressé une copie, monsieur le ministre, dès la semaine dernière.
J'ai, en effet, rencontré une jeune intermittente de la région Champagne-Ardenne - elle s'appelle Nathalie Charbaut -, très fine connaisseuse et analyste des textes réglant sa profession.
Elle m'a fait part, après s'en être entretenue avec un avocat, un juriste et de hauts responsables des administrations culturelle et sociale, d'une atteinte au principe constitutionnel d'égalité de traitement entre un homme et une femme dans une situation comparable.
Sur un tableau qu'elle a exposé dans la cour de la Maison Jean-Vilar, que vous connaissez bien, monsieur le ministre, elle a décortiqué deux cas de « créateurs lumière » ayant un statut tout à fait comparable, pour leur réadmission aux annexes VIII et X.
Je parle de situations complètement comparables car il s'agit de la même période donnée : même date initiale, même travail, même rémunération, même nombre d'heures de travail, même franchise, mêmes jours de différés, même montant du salaire journalier de référence.
Elle a découvert que l'un sera réadmis avec 512 heures et que l'autre sera exclu avec 504 heures. La raison en serait que si chacun d'eux a travaillé, en mars, neuf jours dont huit jours identiques selon le calendrier, le neuvième jour a été le 31 mars pour le premier, ce qui est légitime pour un entrepreneur, et le 20 mars pour le second.
Des questions se posent donc en ces termes : est-ce dû au hasard ? Est-ce dû à un texte non maîtrisé ? Est-ce dû à une rédaction quelque peu diabolique ? Toujours est-il qu'il y a discrimination de traitement.
Dans ces conditions, le texte agréé peut être frappé d'illégalité, d'autant qu'entre l'agrément et la Constitution, aucune loi ne fait écran. Oui, le risque de contentieux et de saisine du tribunal administratif existe. Il serait donc sage, me semble-t-il, de ne pas donner l'agrément. Tel est mon premier argument.
Deuxièmement, cet accord constitue une expérimentation préoccupante du point de vue législatif. Je rappelle qu'il s'agit d'un agrément. Or j'ai écouté sérieusement et avec respect l'intervention du Président de la République le 14 juillet dernier. Dans son propos, il a notamment déclaré que, pour l'élaboration des lois, il ne fallait plus procéder comme jusqu'à présent, c'est-à-dire s'appuyer - je développe sa pensée - sur l'initiative politique, qu'elle émane du législateur, de partis politiques, de syndicats ou qu'elle soit d'initiative populaire, mais que l'on ne pourrait partir que d'un accord entre partenaires sociaux. En l'occurrence, nous sommes confrontés à un cas typique.
Dès lors, je me pose une question, et je ne cherche aucunement à dramatiser : quand il s'est agi de la peine de mort, où était l'accord entre les partenaires sociaux ?
Le style d'élaboration des lois dans notre pays s'inscrit dans une tradition française que nous connaissons bien. Or, avec cet exemple, il y a risque de basculement vers une initiative que j'appellerai un « américanisme » et qui tend à ériger le pouvoir économique en émetteur d'idées, voire de l'idéologie gouvernementale. Nous sommes à un tournant historique. Tel est mon deuxième argument.
Troisièmement, il me semble que c'est un nouveau pouvoir donné au MEDEF et à la financiarisation. A Avignon, le Crédit local de France, comme chaque année, a tenu des assises qui, ma foi, ont été fort suivies, avec pour thème « Le Politique et les Marchés financiers ». J'y ai assisté pour ma part. Le premier orateur, au cours d'un exposé très intéressant, a dit que : « Le politique doit avoir conscience et tenir compte des contraintes qu'expriment les marchés financiers... » - quand il dit « le politique », il pense aussi à l'Etat, qui en est une partie prenante - « ... le politique ne doit s'occuper que des questions dont les marchés financiers ne s'occupent pas ».
Autrement dit - c'est ce qui est ressorti d'un dialogue nourri avec cet orateur - c'est l'empire de la nécessité, ce qui est tout le contraire de l'art, dont les créations visent à s'échapper pour créer du sens. Quand on parle du MEDEF, on peut dire que c'est une organisation, mais ce MEDEF est institué et justifie, dans la pratique, la financiarisation.
Or je rappelle, et nous avons tous vécu l'affaire Vivendi Universal - mais ce n'est qu'un exemple - qu'actuellement la financiarisation, à côté de l'intégration verticale, à côté de la déréglementation, c'est, en premier lieu, la capitalisation. Ainsi, Vivendi était arrivé à 120 milliards de dollars de capitalisation. Si l'on prend AOL Time Warner, la capitalisation s'élevait au double !
En deuxième lieu, la financiarisation, c'est la recherche de la valeur placée au coeur de l'activité, c'est le fameux BIDTA, c'est-à-dire les résultats d'exploitation avant intérêts, impôts et investissements.
En troisième lieu, la financiarisation, c'est la concentration de valeurs en deux pôles : portefeuille de droit d'un côté, portefeuille d'abonnés de l'autre.
Enfin, en quatrième lieu, la financiarisation, c'est la concentration du pouvoir autour des actionnaires - même pas des managers, on l'a vu pour M. Jean-Marie Messier - notamment institutionnels, c'est-à-dire les banques, les assurances, les fonds de pension.
Vous voyez qu'à partir d'un texte qui paraît anodin, encore que son écho monte et que, sur le plan national, il n'est pas vécu comme tel, on aboutit à comprendre que, dans la pratique, pour citer l'un des fondateurs du festival d'Avignon, René Char, « la réalité ne peut être franchie que soulevée ». C'est ce qui se passe actuellement dans notre pays. Il y a comme une sorte de basculement.
J'en viens à mon quatrième argument. L'accord du 26 juin représente une évolution par rapport aux relations entre le pouvoir et les artistes. Jean Vilar, dans une lettre fameuse à André Malraux en 1968, parlait de « mariage cruel ». Il a même utilisé l'expression « danse de mort ». Mais tenons-nous-en au « mariage cruel ». Nous y sommes avec, actuellement, pour le pouvoir, un avantage, si j'ose dire : le mot « gestion » a remplacé le mot « liberté ». Le mot « gestion » pénètre bardé de statistiques dans les esprits comme un cheval de Troie et, soyons nets, il réussit parfois à empêcher la pensée d'une alternative. Or il en faut une.
Et c'est là mon cinquième argument. L'accord du 26 juin représente une évolution qui exige une repensée du travail et de la démarche culturelle. Et c'est tout de suite, bien sûr, qu'il faut renégocier cet accord qui n'a pas sauvé les annexes. Le Sénat avait voté, l'Assemblée nationale également, un texte de loi qui garantissait les annexes tant qu'il n'y avait pas un accord. Mais il n'y a pas d'accord sans agrément. Quand il n'y a pas d'agrément, il y a toujours un texte sauvé, si l'on peut dire.
Je veux insister sur la nécessité de repenser les rapports création-société. Cette question est aujourd'hui au coeur de la politique culturelle. Pour me souvenir de Vilar, il était inquiet - et nous donc ! -, de ce qu'il appelait l'« enfarinement du savoir ». Il était inquiet de la « médecine d'un soir ». Il était inquiet du « pire et du meilleur ». L'explicitant dans sa lettre à André Malraux, il fustigeait cette société « triste et sans esprit, parce qu'on ne lui donne qu'à penser fric ».
C'est la question ! Nous devons dire si nous voulons ou non une société de pensée et d'imagination. Nous devons dire quel doit être le statut de l'esprit dans notre pays. C'est un problème non pas de compte d'exploitation, mais de civilisation.
Je pense là à une remarque de Spinoza. Bien sûr, il était très éloigné de nos contingences actuelles, mais on parle beaucoup du public en ce moment, alors pensons-y « Pourquoi les gens courent-ils vers la servitude, alors qu'ils croient aller vers leur salut ? » Immense question dans la culture ! J'en aurai fini en disant que c'est une question qui porte un coup à l'exception culturelle.
On prétend que nous avons le meilleur système du monde. Alors, pourquoi le blesser, pourquoi l'ébrécher, pourquoi le remettre en cause ? Je pense qu'il est le meilleur non pas quant à sa configuration, mais quant à l'esprit qui l'anime. Nous sommes les seuls en Europe ! Nous qui sommes les porte-parole de l'exception culturelle, il faut que nous soyons logiques au dedans comme nous le sommes au dehors. Encore que...
Je souhaite formuler une remarque à la suite de l'intervention du Président de la République. Il s'est félicité - je serai le dernier à ne pas le faire - que le texte de la convention préfigurant la Constitution européenne ait finalement retenu le vote à l'unanimité. Mais il faut être précis ! Il a dit : il y aura vote. Donc le vote à l'unanimité n'est pas assuré. Je crois cependant que quelques garanties seront apportées. Toutefois, le texte ne reprend par les dispositions qui sont prévues à l'article 133 du traité de Nice, puisque la règle ce sera la majorité qualifiée. L'unanimité ne sera requise que si l'on considère que la diversité culturelle est atteinte. Quelle distance ! Nous avons encore à nous battre et à travailler sur ce point. Le Sénat s'honorerait s'il organisait cette fameuse séance que je lui recommande de tenir depuis un certain temps.
Je dirai, en guise de conclusion, que personne ne doit se faire d'illusion : il n'y aura pas de division profonde chez les artistes et les techniciens, même si, à un moment donné, certains se sont parlé vertement. En effet, à Avignon, ceux qui voulaient annuler le festival ont pleuré et ceux qui ne le voulaient pas ont également pleuré. Pour moi, c'est un élément de santé publique et de santé individuelle qui résiste à la désespérance.
Les artistes et les techniciens ont besoin de mêler leurs différences, de les croiser, pour contribuer - c'est une de leurs raisons d'être - à bâtir une nouvelle responsabilité publique. « La culture est un bien public, sa responsabilité doit l'être aussi », disions-nous dans un texte que j'ai publié avec Jean-Luc Nancy et qui, à ce jour, a recueilli 900 signatures, dont celles de 300 universitaires de haut rang, qui, d'habitude - pardonnez-moi d'utiliser cette expression - ne se « mouillent » pas dans ce type de problème.
Bien évidemment, tout cela ne semble pas relever du mécénat. En tout cas, c'est le mécénat de l'esprit ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Denis Badré.
M. Denis Badré. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il est toujours difficile d'intervenir après notre collègue Jack Ralite. Ses accents sont en effet inimitables, mais ses propos nous ont quelque peu éloignés du sujet.
Je dirai simplement qu'il est bien triste que nos festivals les plus prestigieux aient dû être annulés. Pour ma part, je n'aime pas voir la culture prise en otage. La culture rélève de la transcendance bien plus que des comptes d'exploitation qu'évoquait Jack Ralite voilà un instant. Nous devons pouvoir continuer à parler du sanctuaire de la culture. Tout ce qui touche à la culture, donc nos festivals, devrait bénéficier, de la part de tout le monde, d'une attention toute particulière ; il y va de la survie de nos sociétés.
Mais revenons à notre sujet. Nous partageons tous, j'en suis sûr, le même souci de servir la culture, et tel est l'objet de votre projet de loi, monsieur le ministre. A cet égard, ce texte vient en discussion à son heure. Il répond à une attente. Certes, on l'a déjà dit, mais cela vaut la peine de le répéter, spécialement aujourd'hui.
Notre pays connaît un retard certain en matière de mécénat, surtout si l'on compare sa situation avec celle des pays anglo-saxons. Ce constat ne met nullement en cause la générosité des Français ; il s'agit plutôt du régime auquel est soumis le mécénat, trop complexe, donc insuffisamment incitatif.
Pour qu'il y ait plus de donateurs, la loi doit être simple. C'est dans cet esprit que les députés ont supprimé la disposition introduite par le Sénat et qui tendait à conserver un avantage au bénéfice des organismes qui procèdent à la fourniture gratuite de repas ou de soins à des personnes en difficulté ou qui facilitent leur logement ; notre rapporteur Yann Gaillard y a fait allusion tout à l'heure.
Par conséquent, les mesures proposées par le projet de loi devraient stimuler les dons des Français et des entreprises. En effet, ceux-ci bénéficieront désormais d'une réduction d'impôt sur le revenu de 60 % du montant du don au lieu de 50 %, et ce sans différenciation selon le texte de l'Assemblée nationale, dans la limite de 20 % de leurs revenus imposables au lieu de 10 % actuellement. En cas de dépassement de ce seuil, l'excédent pourra être étalé sur cinq ans.
Dans votre intervention liminaire, monsieur le ministre, vous êtes revenu sur cette question et vous avez été très clair. Je pense que le débat sur le sujet est clos. Nous sommes satisfaits de la conclusion à laquelle nous sommes parvenus, même si nous conservons quelques petits regrets.
De même, pour les entreprises, le plafond est porté à 5 du chiffre d'affaires, contre un double taux de 2,25 ou de 3,25 dans le régime actuel. Comme pour les particuliers, en cas de dépassement, l'excédent pourra être reporté sur les quatre années suivantes.
De pareilles initiatives ont déjà été couronnées de succès chez nos voisins européens, notamment en Allemagne, où, à la suite d'une réforme qui a amélioré tant le cadre fiscal que le dispositif de création des fondations, le nombre de créations de ces dernières a quintuplé entre 1990 et 2001. Il s'agit là d'un excellent exemple et nous devons tout faire pour le suivre.
Lors de la première lecture du texte, notre assemblée a apporté trois séries de modifications qui ont été approuvées par l'Assemblée nationale.
La première série portait sur plusieurs cas concrets - achat d'oeuvres à des artistes vivants, mise à disposition d'instruments de musique - afin d'aller plus loin dans la définition du champ du mécénat.
La deuxième série de modifications introduites par notre assemblée tendait à relever à 50 000 euros le seuil d'abattement de l'impôt sur les sociétés pour les fondations. Le statut fiscal d'une fondation n'en sera que plus attractif.
La troisième série de modifications apportée par le Sénat consistait à simplifier tout le droit associatif particulier à l'Alsace-Moselle, comme le rappelait à l'instant Yann Gaillard, de telle sorte que les dispositions du présent texte y soient pleinement applicables. L'Alsacien que je suis ne peut que souscrire à ce souci et considérer que l'alignement sur le mieux-disant dans cette affaire est parfaitement satisfaisant pour tous.
Nos collègues députés ont à leur tour enrichi ce texte. Nous leur devons des avancées notables, auquel le groupe de l'Union centriste apporte son soutien. Il s'agit des mesures suivantes : d'abord, l'extension du bénéfice du dispositif prévu à l'article 200 du code général des impôts pour les salariés des filiales, ce qui est une excellente chose ; ensuite, le bénéfice de la réduction d'impôt des dons aux organismes publics ou privés qui organisent des festivals ; enfin, le report du bénéfice de la réduction d'impôt, pour les entreprises déficitaires, sur les cinq exercices suivants celui des versements qui n'ont pu ouvrir droit à réduction d'impôt.
Par ailleurs, monsieur le ministre, vous avez fait adopter un article 14 nouveau, qui vise à modifier le régime de la taxe sur la publicité radiodiffusée, afin de continuer à assurer le financement du fonds de soutien à l'expression radiophonique dans le respect de la réglementation européenne. Le groupe de l'Union centriste y est favorable, puisqu'il s'agit de se mettre en conformité avec le droit communautaire.
Trop souvent, nous prenons du retard dans la transcription des directives et la prise en compte du droit communautaire dans notre droit national. Nous ne le répéterons jamais assez ! Nous reprochions aux gouvernements précédents certains retards. Je ne voudrais pas que nous nous mettions en situation de nous adresser ce reproche à nous-mêmes.
Nous regrettons, toutefois, que cette occasion n'ait pas été saisie pour donner un cadre législatif aux fondations. Leur statut, encore trop incertain parce qu'il relève de la jurisprudence, explique sans doute qu'elles soient si peu nombreuses en France.
Il semble également que le retard pris par la France soit dû beaucoup moins à la faiblesse des incitations fiscales qu'à une excessive complexité juridique, sans compter le frein que constitue le niveau de la dotation initiale fixée par la jurisprudence à 750 000 euros cela n'est pas satisfaisant et doit être modifié.
Monsieur le ministre, vous avez souhaité vous en remettre aux recommandations du Conseil d'Etat, qui avait, dans un rapport publié en 1996, préconisé plusieurs dispositions de nature à améliorer le fonctionnement des fondations. Malheureusement, l'application de ces mesures de modernisation a sans cesse été différée.
Vous avez rappelé combien vous êtes attaché à mener à bien cette réforme qui achèverait la mise en place du statut des fondations en France. La réduction à six mois du délai de reconnaissance du caractère d'utilité publique d'un organisme serait une excellente mesure. Nous serons à vos côtés, monsieur le ministre, si vous engagez une réforme en ce sens.
Au bénéfice de ces quelques remarques et suivant l'avis de la commission des finances, notamment de notre excellent et toujours passionné rapporteur Yann Gaillard, le groupe de l'Union centriste votera le texte en l'état. Le rapporteur nous a appelés à émettre un vote conforme. Nous souscrivons parfaitement à ce souci. Vous pouvez compter sur notre soutien sans réserve. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Claude Estier.
M. Claude Estier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'interviendrai brièvement lors de cette deuxième lecture d'un projet de loi dont le sort est déjà arrêté, puisque vous avez décidé de le faire adopter conforme lors de la navette, ce qui, je le note en passant, devient une habitude au Sénat.
Lors du débat en première lecture, mes collègues et amis Gérard Miquel et Marcel Vidal se sont longuement exprimés sur le fond du texte et ils ont défendu des amendements qui n'ont malheureusement pas reçu l'accueil qu'ils auraient mérité de la part du Parlement.
Sur le principe, nous sommes tout à fait favorables au mécénat. Au travers des siècles, cette pratique a favorisé l'émergence de nombreux artistes qui, sans l'intervention de généreux mécènes, ne nous seraient sans doute pas accessibles aujourd'hui ; elle a contribué à faire du patrimoine français l'un des plus riches et des plus divers. On ne peut donc nier que certaines dispositions contenues dans ce projet de loi soient intéressantes pour le développement de pratiques culturelles ou permettent d'agir sur le terrain social, en faveur notamment du développement du tissu associatif et de l'amélioration de l'aide aux plus démunis.
Sur le dispositif même du projet de loi, j'exprimai deux regrets principaux.
Tout d'abord, la réduction d'impôt sur le revenu, qui est prévue à l'article 1er, n'a pas été remplacée par un crédit d'impôt, ce qui aurait permis de placer sur un pied d'égalité tous les donateurs, qu'ils soient ou non redevables de l'impôt sur le revenu. Le dispositif proposé va donner l'impression aux Français que les pouvoirs publics se désintéressent des pratiques de générosité de la moitié des Français, en l'occurrence des plus modestes, qui ne sont pas assujettis à l'impôt sur le revenu.
Ensuite, l'avantage comparatif dont bénéficiaient les dons aux organismes relevant de ce que l'on appelle l'« amendement Coluche », c'est-à-dire ceux qui aident les personnes en grande difficulté - accueil, restauration et soins apportés à ces personnes -, qui avait été supprimé par le projet de loi initial et partiellement réintroduit au Sénat, a été de nouveau supprimé par l'Assemblée nationale en deuxième lecture. Cette suppression est d'autant plus malvenue que la précarité sociale ne cesse d'augmenter et que le Gouvernement continue de rogner sur les crédits affectés aux personnes en difficulté.
En première lecture, les sénateurs socialistes avaient déposé des amendements sur ces deux points ; je regrette que le Parlement ne leur ait pas réservé un sort meilleur.
Au-delà de ces lacunes, c'est l'esprit même du projet de loi que nous critiquons. Car ne nous leurrons pas : l'empressement que manifeste le Gouvernement à faire adopter un projet de loi sur le mécénat multisectoriel n'a d'égal que sa hâte à faire supprimer des crédits, notamment dans le secteur culturel, concerné au premier chef par ce texte. Il est inadmissible que l'Etat se défausse sur l'initiative privée pour des charges qu'il lui revient d'assumer.
En 2003, les crédits budgétaires du ministère de la culture sont déjà passés sous le seuil symbolique de 1 % du budget de l'Etat, accusant une baisse de 4,3 par rapport à 2002. Nous ne savons pas encore ce qu'il en sera pour 2004, mais comment être optimiste alors que l'ensemble des gels et des annulations de crédits affectant, pour cette année, le budget de la culture, déjà en baisse, se chiffrerait globalement à quelque 220 millions d'euros ?
Le 12 juin dernier, le Gouvernement a encore pris un arrêté d'annulation de crédits pour le ministère de la culture. Ainsi, une annulation de 6,8 millions d'euros affectera les interventions culturelles déconcentrées et une autre de 2,4 millions d'euros grèvera les interventions culturelles d'intérêt national.
Cette politique restrictive est également parfaitement illustrée par la remise en cause actuelle du régime du chômage des intermittents du spectacle, puisque le Gouvernement va sans doute cautionner, par la procédure légale d'agrément, l'accord signé par des représentations minoritaires du spectacle prévoyant notamment de réduire la durée d'indemnisation de ces intermittents et de diminuer le nombre de bénéficaires de ces régimes par un calcul du nombre total d'heures travaillées fondé sur une période revue à la baisse.
Nous avons déjà dit notre opposition à cet accord, et je rejoins volontiers ici les propos que vient de tenir mon ami Jack Ralite.
Cette réduction des moyens consacrés indirectement à la culture va se retourner contre la création et la diffusion culturelles. Les estimations font valoir qu'un tiers des intermittents actuels se retrouveront en marge du système.
Que dire aussi du sort réservé à l'archéologie préventive où, là encore, ce sont principalement des considérations budgétaires qui ont guidé la rédaction du projet de loi, encore en navette jusqu'à demain, faisant peser de grandes inquiétudes sur l'accomplissement à venir de cette mission de service public ?
Monsieur le ministre, je résumerai mon propos en concluant qu'on ne fait pas une politique culturelle et qu'on ne défendra pas longtemps la fameuse exception culturelle française en procédant uniquement à des modifications du code général des impôts, modifications auxquelles, hormis les deux remarques précédentes, on ne peut guère s'opposer. C'est la raison pour laquelle, comme en première lecture, le groupe socialiste s'abstiendra sur ce projet de loi.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens à réagir vivement aux propos de M. Estier.
Le parti socialiste s'obstine à déclarer que les crédits de la culture seraient en baisse. Je vous rappelle, monsieur le sénateur, que les crédits d'intervention inscrits pour 2003 au titre IV du ministère de la culture ont augmenté de près de 5 % et que ceux qui figurent au titre III ont augmenté de 5 %. C'est l'une des augmentations des crédits de ce ministère les plus importantes des dix dernières années.
Par ailleurs, le ministre de la culture n'a subi cette année aucune annulation de crédits. J'aimerais bien que cesse la profilération de ce pur mensonge. Par volonté du Président de la République et du Premier ministre, quatre ministères ont été mis à l'abri de toute mesure d'annulation de crédits. Il s'agit des ministères de la défense, de la justice et de l'intérieur, ainsi que du ministère de la culture et de la communication.
Le ministère de la culture et de la communication dispose donc, en 2003, de la totalité de ses moyens d'intervention.
Enfin, je tiens à vous rassurer, la préparation du projet de budget pour 2004 se présente sous d'excellents auspices.
Mais je me souviens : j'étais alors président du Centre Pompidou, du premier acte du gouvernement « culturel » de M. Jospin, quand, durant l'été 1997, il a imposé au ministère de la culture une annulation de crédits sans précédent : Mme Trautmann ne s'en est jamais remise ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ? ...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Je rappelle que, aux termes de l'article 42, alinéa 10, du règlement, à partir de la deuxième lecture au Sénat des projets de loi, la discussion des articles est limitée à ceux pour lesquels les deux chambres du Parlement n'ont pas encore adopté un texte identique.