M. le président. « Article unique. - Le titre unique du livre Ier de la première partie du code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
« I. - Le chapitre II intitulé "Coopération décentralisée" devient le chapitre IV. Les articles L. 1112-1 à L. 1112-7 deviennent respectivement les articles L. 1114-1 à L. 1114-7.
« A l'article L. 1722-1, les références : " L. 1112-1" et "L. 1112-5 à L. 1112-7" sont remplacées par les références : "L. 1114-1" et "L. 1114-5 à L. 1114-7" et, au 3° de l'article L. 1791-2, la référence : "L. 1112-1" est remplacée par la référence : "L. 1114-1".
« II. - Il est rétabli un chapitre II ainsi rédigé :
« Chapitre II
« Participation des électeurs aux décisions locales
« Section unique
« Référendum local
« Sous-section 1
« Dispositions générales
« Art. L.O. 1112-1. - L'assemblée délibérante d'une collectivité territoriale peut soumettre à référendum local tout projet de délibération tendant à régler une affaire de la compétence de cette collectivité.
« Art. L.O. 1112-2. - L'exécutif d'une collectivité territoriale peut seul proposer à l'assemblée délibérante de cette collectivité de soumettre à référendum local tout projet d'acte relevant des attributions qu'il exerce au nom de la collectivité, à l'exception des projets d'acte individuel.
« Art. L.O. 1112-3. - Dans les cas prévus aux articles L.O. 1112-1 et L.O. 1112-2, l'assemblée délibérante de la collectivité territoriale, par une même délibération, détermine les modalités d'organisation du référendum local, fixe le jour du scrutin, qui ne peut intervenir moins de deux mois après la transmission de la délibération au représentant de l'Etat, convoque les électeurs et précise le projet d'acte ou de délibération soumis à l'approbation des électeurs.
« L'exécutif de la collectivité territoriale transmet au représentant de l'Etat dans un délai maximum de huit jours la délibération prise en application de l'alinéa précédent.
« Le représentant de l'Etat dispose d'un délai de dix jours à compter de la réception de la délibération pour la déférer au tribunal administratif s'il l'estime illégale. Il peut assortir son recours d'une demande de suspension.
« Le président du tribunal administratif ou le magistrat délégué par lui statue dans un délai d'un mois, en premier et dernier ressort, sur la demande de suspension. Il est fait droit à cette demande si l'un des moyens invoqués paraît, en l'état de l'instruction, propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de l'acte attaqué ou du projet de délibération ou d'acte soumis à référendum.
Lorsque la délibération organisant le référendum local ou le projet de délibération ou d'acte soumis à référendum est de nature à compromettre l'exercice d'une liberté publique ou individuelle, le président du tribunal administratif ou le magistrat délégué par lui en prononce la suspension dans les quarante-huit heures.
« Art. L.O. 1112-4. - La délibération décidant d'organiser un référendum local adoptée par l'assemblée délibérante d'une collectivité territoriale autre que la commune est notifiée, dans les quinze jours à compter de sa réception, par le représentant de l'Etat aux maires des communes situées dans le ressort de cette collectivité, sauf s'il a été fait droit à sa demande de suspension.
« Les maires organisent le scrutin. Si un maire refuse de procéder à cette organisation, le représentant de l'Etat, après l'en avoir requis, y procède d'office.
« Art. L.O. 1112-5. - Les dépenses liées à l'organisation du référendum constituent une dépense obligatoire de la collectivité territoriale qui l'a décidée.
« Les dépenses résultant des assemblées électorales tenues dans les communes pour l'organisation d'un référendum décidé par une autre collectivité territoriale leur sont remboursées par cette collectivité de manière forfaitaire, au moyen d'une dotation calculée en fonction du nombre des électeurs inscrits dans la commune et du nombre des bureaux de vote qui y sont installés. Les tarifs de cette dotation sont fixés par décret.
« Art. L.O. 1112-6. - Une collectivité territoriale ne peut organiser de référendum local :
« 1° A compter du premier jour du sixième mois précédant celui au cours duquel il doit être procédé au renouvellement général ou au renouvellement d'une série des membres de son assemblée délibérante ;
« 2° Pendant la campagne ou le jour du scrutin prévus pour des consultations organisées dans son ressort sur le fondement du dernier alinéa de l'article 72-1, de l'article 72-4 et du dernier alinéa de l'article 73 de la Constitution.
« Aucune collectivité territoriale ne peut organiser de référendum local pendant la campagne ou les jours du scrutin prévus pour :
« 1° Le renouvellement général ou le renouvellement d'une série des membres des assemblées délibérantes des collectivités territoriales ;
« 2° Le renouvellement général des députés ;
« 3° Le renouvellement de chacune des séries des sénateurs ;
« 4° L'élection des membres du Parlement européen ;
« 5° L'élection du Président de la République ;
« 6° Un référendum décidé par le Président de la République.
« La délibération organisant un référendum local devient caduque dans les cas prévus au présent article ou en cas de dissolution de l'assemblée délibérante de la collectivité territoriale l'ayant décidé, de démission de tous ses membres ou d'annulation définitive de leur élection.
« Une collectivité territoriale ne peut organiser plusieurs référendums locaux portant sur un même objet dans un délai inférieur à un an.
« Art. L.O. 1112-7. - Le projet soumis à référendum local est adopté si le tiers au moins des électeurs inscrits a pris part au scrutin et s'il réunit la majorité des suffrages exprimés.
« Le texte adopté par voie de référendum est soumis aux règles de publicité et de contrôle applicables à une délibération de l'assemblée délibérante de la collectivité ou à un acte de son exécutif.
« Sous-section 2
« Information des électeurs, campagne électorale
et opérations de vote
« Art. L.O. 1112-8. - Un dossier d'information sur l'objet du référendum décidé par la collectivité territoriale est mis à disposition du public dans les conditions fixées par décret en Conseil d'Etat.
« Art. L.O. 1112-8-1. - La campagne en vue du référendum local est ouverte le deuxième lundi précédant le scrutin à zéro heure. Elle est close la veille du scrutin à minuit.
« Elle est organisée par la collectivité territoriale ayant décidé de recourir au référendum local dans les conditions définies au chapitre V du titre Ier du livre Ier du code électoral, à l'exception de l'article L. 52-3. Pour l'application de ces dispositions, il y a lieu de lire : "groupe, parti ou groupement habilité à participer à la campagne" au lieu de : "candidat" et de : "liste de candidats".
« Les interdictions prévues par l'article L. 50-1, le troisième alinéa de l'article L. 51 et l'article L. 52-1 du code électoral sont applicables à toute propagande relative au référendum dès l'adoption par l'assemblée délibérante de la collectivité territoriale de la délibération visée à l'article L.O. 1112-3.
« Les dispositions de la loi n° 77-808 du 19 juillet 1977 relative à la publication et à la diffusion de certains sondages d'opinion sont applicables aux référendums locaux.
« Art. L.O. 1112-9. - Sont habilités à participer à la campagne en vue du référendum, à leur demande, par l'éxécutif de la collectivité territoriale ayant décidé d'organiser le scrutin :
« - les groupes d'élus constitués au sein de l'assemblée délibérante dans les conditions prévues par le présent code ;
« - les partis et groupements politiques auxquels ont déclaré se rattacher au moins 5 % des élus de l'assemblée délibérante de la collectivité territoriale ayant décidé d'organiser le référendum ;
« - pour un référendum décidé par une commune de moins de 3 500 habitants, les partis et groupements politiques auxquels ont déclaré se rattacher au moins trois candidats ayant obtenu au moins 5 % des suffrages exprimés lors du dernier renouvellement du conseil municipal ;
« - pour un référendum décidé par un département, les partis et groupements politiques auxquels ont déclaré se rattacher des candidats dont l'addition des voix a atteint au moins 5 % des suffrages exprimés au niveau de l'ensemble des cantons lors du premier tour du renouvellement de l'une des séries des conseillers généraux ;
« - pour un référendum décidé par une région ou une commune de 3 500 habitants et plus, les partis et groupements politiques auxquels ont déclaré se rattacher au moins la moitié des candidats d'une liste ayant obtenu au moins 5 % des suffrages exprimés lors du premier tour du renouvellement général de l'assemblée délibérante de la collectivité territoriale.
« Chaque élu ou candidat ne peut se rattacher qu'à un seul parti ou groupement politique.
« Un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions d'application du présent article.
« Art. L.O. 1112-10. - Seuls peuvent participer au scrutin les électeurs de nationalité française inscrits, dans les conditions prévues par les articles L. 30 à L. 40 du code électoral, sur les listes électorales de la collectivité territoriale ayant décidé d'organiser le référendum et, pour un référendum local décidé par une commune, les ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne inscrits, dans les conditions prévues aux articles L.O. 227-1 à L.O. 227-5 du code électoral, sur les listes électorales complémentaires établies pour les élections municipales.
« Art. L.O. 1112-11.- Les opérations préparatoires au scrutin, les opérations de vote, le recensement des votes et la proclamation des résultats sont effectués dans les conditions prévues par le chapitre VI du titre Ier du livre Ier du code électoral, à l'exception des articles L. 56, L. 57, L. 58, L. 66, L. 68 (deuxième alinéa) et L. 85-1.
« Pour l'application du troisième alinéa de l'article L. 65, il y a lieu de lire : "les réponses portées" au lieu de : "les noms portés" ; "des feuilles de pointage" au lieu de : "des listes" ; "des réponses contradictoires" au lieu de : "des listes et des noms différents" ; "la même réponse" au lieu de : "la même liste ou le même candidat".
« Les bulletins de vote autres que ceux fournis par la collectivité territoriale ayant décidé d'organiser le référendum, les bulletins trouvés dans l'urne sans enveloppe ou dans une enveloppe non réglementaire, les bulletins ou enveloppes portant des signes intérieurs ou extérieurs de reconnaissance, les bulletins ou enveloppes portant des mentions quelconques n'entrent pas en compte dans le résultat du dépouillement. Ils sont annexés au procès-verbal ainsi que les enveloppes non réglementaires et contresignés par les membres du bureau de vote. Chacun des bulletins ou enveloppes annexés porte mention des causes de l'annexion.
« Art. L.O. 1112-11-1.- Sont applicables au référendum local les dispositions du chapitre VII du titre Ier du livre Ier du code électoral, à l'exception des articles L. 88-1, L. 95, L. 113-1 (1° à 5° des I, II et III).
« Pour l'application de ces dispositions, il y a lieu de lire : "groupe, parti ou groupement politique habilité à participer à la campagne" au lieu de "candidat" et de : "liste de candidats".
« Art. L.O. 1112-12 - La régularité du référendum local peut être contestée dans les conditions, formes et délais prescrits pour les réclamations contre l'élection des membres de l'assemblée délibérante de la collectivité territoriale ayant décidé de l'organiser. »
ARTICLES L.O. 1112-1 À L.O. 1112-6
DU CODE GÉNÉRAL DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
M. le président. Je mets aux voix les textes proposés pour les articles L.O. 1112-1 à L.O. 1112-6 du code général des collectivités territoriales.
(Ces textes sont adoptés.)
ARTICLE L.O. 1112-7 DU CODE GÉNÉRAL
DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
M. le président. L'amendement n° 1, présenté par M. Hoeffel, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Dans le premier alinéa du texte proposé par cet article pour insérer un article L.O. 1112-7 dans le code général des collectivités territoriales, remplacer les mots : "le tiers" par les mots : "la moitié". »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Daniel Hoeffel, rapporteur. J'ai déjà présenté les arguments qui, selon nous, justifient amplement le seuil de 50 % - la discussion générale qui vient d'avoir lieu nous conforte dans cette position - et je ne puis que recommander au Sénat de bien vouloir suivre la position de la commission.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. A ce stade du débat, et s'agissant de l'essentiel, je voudrais répondre aux arguments qui ont été avancés, souvent avec intelligence et finesse, sur cette question du seuil, notamment par le rapporteur, M. Daniel Hoeffel, qui a invoqué quatre arguments en faveur d'un seuil élevé.
Premier argument : il s'agit de conforter le pouvoir des élus. Monsieur Hoeffel, dès lors que les élus décident eux-mêmes de procéder au référendum, ils ne l'utilisent, bien sûr, que pour conforter leur pouvoir. Ils n'ont donc pas besoin de la garantie du seuil puisqu'ils ont la liberté de procéder ou non au référendum. S'ils choisissent de recourir au référendum, c'est parce qu'au moment où ils prennent cette décision ils pensent que cela conforte leur pouvoir. C'est pourquoi je ne peux vous approuver quand vous dites que le référendum est une servitude. A mes yeux, il est plutôt une liberté.
Le deuxième argument, auquel je suis plus sensible et qui me paraît non négligeable, est le suivant : ce projet de loi étant le premier texte d'application de la réforme de la Constitution, il doit donner lieu à une concertation, et toutes les associations d'élus locaux sont favorables à ce seuil. Je suis plus réceptif à cet argument, car ce texte est effectivement destiné aux élus, et leur avis, dans ce domaine, a une certaine force. Il n'en demeure pas moins que le Parlement est souverain. A l'Assemblée nationale et au Sénat, il y a autant d'élus locaux et les approches peuvent différer, mais elles sont bien sûr toutes respectables.
Votre troisième argument est le suivant : les élus peuvent être acculés au référendum et il faut, par le seuil, leur accorder une protection. Les élus qui seraient acculés au référendum seraient de piètres élus ! En effet, je le répète, il faut une délibération pour donner lieu au référendum. Un conseil municipal, un conseil général ou un conseil régional qui procéderait au vote d'une délibération en y étant acculé ferait preuve de peu de liberté. Selon moi, si sa liberté était entravée pour procéder à cette délibération, celle-ci serait nulle. Aussi, une telle garantie ne me semble pas nécessaire. En tout cas, je me fais une trop haute idée de la responsabilité et de la liberté des conseils légitimement élus pour penser qu'une telle garantie soit nécessaire pour les protéger contre une atteinte à leur éventuelle irresponsabilité, à laquelle je ne crois pas.
Votre quatrième argument, qui est de forme, est réversible : le référendum peut atteindre facilement un taux de participation de 50 %, il suffit de se mobiliser. Si ce seuil peut facilement être atteint, pourquoi en faire une obligation ? Puisque vous ne craignez pas que la participation soit inférieure à ce taux, vous n'avez pas lieu d'être inquiet !
En réalité, je reconnais que mon argument est un peu spécieux (Rires sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste), mais M. Mercier m'a donné l'exemple. (M. Mercier fait un signe de dénégation.) Cela vous apprendra à rire, monsieur le sénateur ! Cependant, mon argument est à la hauteur du questionnement. En effet, tant lors du référendum sur le quinquennat que lors du référendum sur la Nouvelle-Calédonie, qui n'était pas un référendum local mais qui avait un objet local, la participation a été inférieure à 40 %.
Monsieur Gélard, j'ai apprécié la contradiction que porte votre argumentation et que je peux résumer de la manière suivante : quand il y a un véritable enjeu, la participation ne pose pas de problème, on se mobilise ; quand il y a consensus, en revanche, on peut craindre que les électeurs ne se déplacent pas. Vous avez donné, à juste raison, l'exemple du quinquennat : tout le monde était d'accord ; moralité, personne n'est allé voter.
Lorsque l'on est d'accord, on ne peut pas procéder à un référendum, parce qu'il n'y aura pas assez de participants. Lorsque l'on n'est pas d'accord et que l'on est sur le fil, que l'on risque de perdre, il est probable qu'il n'y aura pas non plus de référendum. Il n'y en aura donc jamais ! Soit il n'y en aura pas parce qu'il n'y a pas de participation, soit il n'y en aura pas parce que le risque d'être battu est trop important. On n'en sort pas ! C'est ce que craint le Gouvernement. C'est pourquoi il souhaite que le seuil soit inférieur à 50 %.
L'Assemblée nationale a envisagé 40 %, puis 33 %. Vous en déciderez. Mais je vous ai donné la position du Gouvernement.
M. Sueur a dit qu'il s'agissait d'un texte minimal : c'est forcément le cas, monsieur le sénateur, si l'étiage est à 50 %, a fortiori pour les raisons que je viens d'exposer ! Si vous voulez que le texte ne soit pas minimal, il faut baisser le seuil, mais ce n'est pas votre position.
Vous avez par ailleurs regretté qu'il n'y ait pas davantage d'ouverture vers l'initiative populaire. S'il n'y en pas, c'est parce que le Sénat, à propos du droit de pétition, a délibérément refusé que l'on oblige les conseils municipaux à procéder à un examen des propositions soumises à référendum.
Le Sénat a fait ce choix, le Gouvernement le respecte. Il aurait été malvenu que, dans une loi organique, le Gouvernement propose au Sénat de voter une disposition que le Sénat a refusé d'inscrire dans la Constitution !
M. Jean-Pierre Sueur. La gauche a voté en faveur de l'initiative populaire !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Je ne dis pas le contraire, monsieur Sueur !
M. Jean-Pierre Sueur. C'est important !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Le Gouvernement est dans l'obligation de respecter la Constitution.
M. Jean-Pierre Sueur. Absolument !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. La majorité, donc le Sénat dans son entier et le Congrès dans son ensemble l'ont voulu ainsi. Le Gouvernement a le devoir d'en tenir compte. Il serait malvenu que, par une loi organique, il impose un dispositif constitutionnel qui a été refusé.
J'en viens à l'intercommunalité, monsieur Sueur.
Nous avons déjà eu l'occasion de débattre de l'intercommunalité et du suffrage universel. Mais, dans ce cas-là, il aurait été malséant de permettre à des élus du suffrage indirect d'imposer leur volonté à des élus du suffrage direct.
M. Paul Blanc. Très bien !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Il ne serait pas acceptable qu'une commune et des élus du suffrage universel direct se voient imposer une décision par une intercommunalité, qui est formée de personnes élues au suffrage indirect.
Pour les défenseurs de la démocratie représentative que vous êtes et par rapport aux idées que vous avez exprimées dans ce débat, permettez-moi de vous dire que ce serait une contradiction.
M. Pierre Mauroy. Allons, monsieur le ministre, les élus au deuxième degré des communautés urbaines prennent en permanence des décisions qui sont applicables aux communes !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. J'entends bien ! Mais vous admettrez avec moi que si des élus du suffrage indirect recouraient au suffrage universel pour faire battre des élus du suffrage universel direct, ils porteraient véritablement atteinte au caractère représentatif du suffrage ! A mon avis, monsieur Sueur, cette mesure nuirait au développement de l'intercommunalité.
Nous avons déjà eu ce débat sur l'intercommunalité, et vous avez affirmé que le plus vite serait le mieux. Mais, monsieur Sueur, soyez raisonnable ! Lors de l'adoption, en 2001, du projet de loi relatif à la démocratie de proximité, vous avez renoncé - et vous avez bien fait - à organiser l'élection des EPCI au suffrage universel. J'estime donc que vous n'êtes pas les mieux placés pour venir nous dire aujourd'hui : « le plus tôt sera le mieux » !
Monsieur Mercier, il me semble que j'ai déjà répondu à votre argument selon lequel plus le référendum est incertain plus la participation est forte : dans les deux cas, il n'y aura pas de référendum.
Vous avez trouvé une raison élégante : il s'agirait d'une exigence pour les élus. C'est bien trouvé, et j'admire l'argument. Car si c'est une exigence pour les élus, c'est une raison de plus pour que ces derniers ne s'en servent pas ! Mais c'est bien ce que le Gouvernement craint.
Je dirai maintenant à Mme Mathon, à propos du référendum en Corse, que le Gouvernement considère que la réponse est toujours importante, même quand c'est non. L'important dans le référendum sur la Corse, ce n'est pas le fait que le Gouvernement ait été désavoué, c'est la réponse, en l'occurrence un « non ». C'est la même chose pour les instances locales à l'occasion d'un référendum local : ce qui importe, c'est la réponse. Et, que ce soit à l'échelon national ou à l'échelon local, un « non » signifie : il faut faire autrement.
Je n'accuse personne ! Le résultat du référendum en Corse est ce qu'il est, on ne peut pas le critiquer. Les sociologues, les politologues peuvent donner de nombreuses explications au résultat du référendum, mais ce qui compte, c'est le résultat. Et le Gouvernement, comme toute autorité organisatrice d'un référendum, doit considérer que c'est une réponse ayant une valeur, pouvant guider l'action politique et l'inciter à modifier le projet, à en adopter un autre ultérieurement, à agir autrement.
Ce n'est pas infamant, ce n'est pas une défaite, cela fait partie du fonctionnement de la démocratie. La démocratie, ce n'est pas de dire toujours oui ! Ce n'est pas l'approbation permanente ! On est dans une démocratie qui se cherche, et cela peut aller jusqu'au non. Ce n'est pas un drame, c'est simplement une invitation à travailler davantage.
Le Gouvernement reçoit ce référendum comme tel, y compris pour la Corse.
En résumé, je dirai que le Gouvernement craint que le droit à référendum ne soit trop formel, à l'instar de ce qui s'est passé pour le droit de pétition. C'est la raison pour laquelle il souhaite - mais la commission mixte paritaire sera peut-être saisie de cette question - que le Sénat puisse se rapprocher le plus possible de la solution de l'Assemblée nationale.
M. Paul Blanc. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote.
M. Michel Charasse. Je voudrais simplement faire quelques observations, qui rejoignent d'ailleurs largement les préoccupations de mon groupe, qui s'est largement exprimé sur ce sujet, je crois, en commission.
Monsieur le ministre, j'ai écouté vos propos, comme ceux de M. le rapporteur, avec beaucoup d'attention, mais je voudrais rappeler que la souveraineté nationale ne comporte pas de quorum parce qu'elle est nationale. Comme nous ne sommes pas un Etat fédéral, la souveraineté n'est que nationale et il n'y a aucune souveraineté locale.
Nous ne pouvons donc pas comparer un référendum constitutionnel, par exemple celui qui a porté sur le quinquennat et qui a été le très grand succès que tout le monde sait, et un référendum local.
Dans le cas du référendum local, il s'agit d'approuver un acte administratif, qui est un acte d'une collectivité locale.
L'assemblée locale, qui est le lieu naturel pour que cet acte soit examiné, et éventuellement voté, est soumise, de par la loi, à la règle du quorum : la moitié plus un des membres de l'assemblée doivent être physiquement présents et leur présence constatée pour que l'assemblée puisse valablement délibérer et prendre une décision. Ce n'est qu'en « deuxième lecture », si je puis dire, que le quorum n'est plus exigé, mais la nouvelle réunion est soumise à des règles strictes de convocation, de délai et d'ordre du jour.
La disposition que nous proposent la commission des lois et son rapporteur, M. Hoeffel, qui connaît très bien, sur ce point, l'avis de l'Association des maires de France qu'il préside, ne vise à rien d'autre qu'à respecter le parrallélisme des formes avec le dispositif applicable à toutes les collectivités au plan national, c'est-à-dire qu'un acte soumis au référendum local est approuvé si plus de la moitié des électeurs inscrits ont participé au scrutin.
Si tel n'était pas le cas, mes chers collègues, dans quelle situation serions-nous ? Il ne s'agit pas là d'un avis, comme ce fut le cas du référendum qui a eu lieu en Corse voilà quelques jours. Il s'agit d'une décision applicable aux citoyens et opposable aux tiers !
Il est bien évident que, si la participation au référendum local devait être très faible, en tous cas inférieure à 50 % des inscrits, l'adoption de l'acte serait contestée moralement et politiquement. Les citoyens diraient : « Moi, je ne suis pas allé voter, j'avais autre chose à faire. De toute façon, les gens qui sont allés voter ne sont pas représentatifs. »
Nous n'avons pas intérêt, même si le référendum - on l'a bien compris, monsieur le ministre - reste un recours exceptionnel pour une collectivité locale à un moment où chacun doute de la loi, de la règle et de la République, à fragiliser à ce point les textes qui s'imposent.
En outre, j'imagine quels auraient été les commentaires, y compris ceux du Gouvernement - et cela aurait sans doute été de bonne guerre -, alors qu'il ne s'agissait, en Corse, que d'un référendum purement consultatif, si le « non » l'avait emporté de la même manière, mais avec moins de 50 % de participation. On aurait dit : « Ce scrutin n'est pas valable, le "non" a été exprimé du bout des lèvres, cela ne veut rien dire... »
Vous-même, vous l'auriez contesté, et c'est naturel. Les partisans du « oui » l'auraient contesté aussi, et c'est naturel également.
Si, au lendemain des résultats du référendum sur la Corse, voire le soir même, le ministre de l'intérieur et le Premier ministre ont pris acte de façon tout à fait républicaine et démocratique du scrutin et de ses résultats, c'est bien parce que le taux de participation était supérieur à 50 % et que ce référendum n'était que consultatif !
Par conséquent, je ne comprends pas très bien, mes chers collègues, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, cette querelle que soulève l'Assemblée nationale sur ce sujet. Se rend-on bien compte qu'il s'agit d'actes administratifs opposables aux citoyens ? Ne confond-on pas, dans cette affaire du référendum local, avec le référendum purement consultatif, qui n'est pas l'hypothèse dans laquelle nous nous trouvons ?
Par ailleurs, si, pour un référendum purement consultatif - nous serons peut-être conduits un jour à en débattre de nouveau - on peut toujours accepter qu'il n'y ait pas, si je puis dire, de quorum, en revanche, pour un référendum décisionnel, ce serait vraiment une extraordinaire fragilisation de l'autorité locale, de l'autorité des actes administratifs locaux qui sont applicables aux citoyens et opposables aux tiers.
J'insiste sur ce point parce que nous savons bien, mes chers collègues, que, dans certains cas, le référendum sera proposé ou décidé parce qu'il y aura des pressions locales très fortes sur un projet contesté. Va-t-on accepter que ce projet contesté soit approuvé ou rejeté avec la participation d'un tiers des électeurs, alors que c'est une question importante ? Non ! franchement, c'est impossible ! Là, nous ne sommes pas dans le domaine de la consultation : donnez-moi votre avis et j'en ferai ce que je voudrai ! ; Nous sommes dans le domaine de la décision et, localement, au conseil général ou municipal depuis 1871 et 1884, les décisions se prennent au quorum. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo, pour explication du vote.
Mme Nicole Borvo. Comme M. le ministre, je crains qu'avec le quorum aucun référendum ne soit finalement organisé.
M. Gélard nous propose de maintenir un quorum de 50 %.
Qui souhaite un référendum avec une faible participation et un résultat mi-chèvre mi-chou ? En fait, le problème est de savoir quelle est la question et sur quel sujet elle porte.
Cela dit, les électeurs sont souverains : ils ont le droit de s'abstenir et de ne pas voter, et, par cette attitude, ils traduisent quelque chose. On ne peut pas, que ce soit à l'échelon local ou national, faire peser trop de contraintes sur la souveraineté des électeurs.
Par ailleurs - c'est là, à mes yeux, le problème le plus important - pourquoi un tel décalage entre les contraintes en matière d'élection des représentants du peuple et les résultats du référendum ? Après tout, on considère comme valable l'élection d'un député même avec un nombre de voix parfois limité !
M. Michel Charasse. Cela n'a rien à voir !
Mme Nicole Borvo. Mais si, cela a à voir ! Car, ici, on élit des représentants qui vont faire tel type de politique et qui peuvent être élus par une minorité de citoyens. Par conséquent, il me semble qu'on ne peut pas accepter d'imposer ainsi le nombre de participants à un référendum.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin
n° 229
:
Nombre de votants | 313 |
Nombre de suffrages exprimés | 313 |
Pour | 291 |
Contre | 22 |
Je mets aux voix, modifié, le texte proposé pour l'article L.O. 1112-7 du code général des collectivités territoriales.
(Ce texte est adopté.)
ARTICLES L.O. 1112-8, L.O. 1112-8-1, L.O. 1112-9, L.O. 1112-10, L.O. 1112-11, L.O. 1112-11-1 ET L.O. 1112-12 DU CODE GÉNÉRAL DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
M. le président. Je mets aux voix le texte proposé pour les articles L.O. 1112-8, L.O. 1112-8-1, L.O. 1112-9, L.O. 1112-10, L.O. 1112-11, L.O. 1112-11-1 et L.O. 1112-12 du code général des collectivités territoriales.
(Ces textes sont adoptés.)
M. le président. Avant de mettre aux voix l'article unique du projet de loi organique, je donne la parole à M. Paul Blanc, pour explication de vote.
M. Paul Blanc. Je voterai bien sûr ce texte, mais je le voterai surtout parce que l'on n'a pas donné aux groupements intercommunaux la possibilité d'organiser des référendums locaux. Adopter une telle mesure aurait été faire fi de la liberté des communes, qui se seraient certainement vu imposer des projets en dehors de leur propre volonté. Favorable au maintien de la liberté communale, je suis opposé au fait de transférer ce pouvoir aux institutions intercommunales.
J'ai écouté Michel Mercier avec beaucoup d'intérêt. Ce qu'il a dit sur l'évolution m'a paru tout à fait intéressant, car, un jour, il faudra bien se poser des questions. Il faudra ainsi se demander quelle est la position d'un conseiller général face à un président d'une intercommunalité qui regroupe l'ensemble des communes du canton.
Nous devrons avoir ce débat,...
M. Claude Estier. En effet !
M. Paul Blanc. ... parce que l'on ne pourra pas continuer dans ce flou.
M. Jean-Pierre Sueur. C'est sûr !
M. Paul Blanc. Mais ce débat devra s'inscrire dans un cadre beaucoup plus général. Nous ne pouvons pas l'engager à l'occasion de l'examen d'une loi comme celle que nous allons voter aujourd'hui. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix, modifié, l'article unique du projet de loi organique.
En application de l'article 59 du règlement, le scrutin public est de droit.
Il va y être procédé dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin
n° 230
:
Nombre de votants | 317 |
Nombre de suffrages exprimés | 314 |
Pour | 207 |
Contre | 107 |
Le Sénat a adopté. (Applaudissement sur les travées de l'UMP.)
En conséquence, le projet de loi organique est adopté.
(M. Daniel Hoeffel remplace M. Guy Fischer au fauteuil de la présidence.)