COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. GUY FISCHER
vice-président
M. le président. La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à neuf heures trente-cinq.)
PROCÈS-VERBAL
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
MAÎTRISE DE L'IMMIGRATION
Suite de la discussion d'un projet de loi
déclaré d'urgence
M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi (n° 396 rectifié, 2002-2003), adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif à la maîtrise de l'immigration et au séjour des étrangers en France. [Rapport n° 1 (2003-2004).]
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l'article 34 bis.
Après l'article 35 quinquies de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 précitée, il est inséré un article 35 sexies ainsi rédigé :
« Art. 35 sexies. - Lorsqu'un étranger fait l'objet d'une mesure de non-admission sur le territoire national, de maintien en zone d'attente ou de placement en rétention et qu'il ne parle pas le français, il indique au début de la procédure une langue qu'il comprend. Il indique également s'il sait lire. Ces informations sont mentionnées sur la décision de non-admission, de maintien ou de placement. Ces mentions font foi sauf preuve contraire. La langue que l'étranger a déclaré comprendre est utilisée jusqu'à la fin de la procédure.
« Lorsqu'il est prévu, dans la présente ordonnance, qu'une décision ou qu'une information doit être communiquée à un étranger dans une langue qu'il comprend, cette information peut se faire soit au moyen de formulaires écrits, soit par l'intermédiaire d'un interprète. L'assistance de l'interprète est obligatoire si l'étranger ne parle pas le français et qu'il ne sait pas lire.
« En cas de nécessité, l'assistance de l'interprète peut se faire par l'intermédiaire de moyens de télécommunication. Dans une telle hypothèse, il ne peut être fait appel qu'à un interprète inscrit sur l'une des listes prévues à l'alinéa suivant ou à un organisme d'interprétariat et de traduction agréé par l'administration. Le nom et les coordonnées de l'interprète ainsi que le jour et la langue utilisée sont indiqués par écrit à l'étranger.
« Dans chaque tribunal de grande instance, il est tenu par le procureur de la République une liste des interprètes traducteurs. Les interprètes inscrits sur cette liste sont soumis à une obligation de compétence et de secret professionnel.
« Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités d'application du présent article et définit notamment les règles d'inscription et de révocation des interprètes traducteurs inscrits auprès du procureur de la République. »
M. le président. L'amendement n° 74, présenté par M. Courtois, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Compléter le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 35 sexies de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 par une phrase ainsi rédigée : "Si l'étranger refuse d'indiquer une langue qu'il comprend, la langue utilisée est le français". »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Cet amendement a pour objet d'éviter une manoeuvre dilatoire de l'étranger, puisqu'il est prévu que le refus d'indiquer une langue qu'il comprend entraînera de droit l'utilisation du français pendant toute la procédure.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Favorable.
M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Nous ne voyons pas la nécessité de cette curieuse formule de précision. En effet, si l'étranger ne comprend pas ce qu'on lui dit, on ne saura pas s'il ne sait pas s'exprimer ou s'il refuse de le faire.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 74.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 34 bis, modifié.
(L'article 34 bis est adopté.)
Après l'article 35 quinquies de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 précitée, il est inséré un article 35 septies ainsi rédigé :
« Art. 35 septies. - Par dérogation aux dispositions des articles 7 et 18 de la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d'ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d'oeuvre privée, l'Etat peut confier à une personne ou à un groupement de personnes, de droit public ou privé, une mission portant à la fois sur la conception, la construction, l'aménagement, l'entretien, l'hôtellerie et la maintenance de centres de rétention ou de zones d'attente.
« L'exécution de cette mission résulte d'un marché passé entre l'Etat et la personne ou le groupement de personnes selon les procédures prévues par le code des marchés publics. Si le marché est alloti, les offres portant simultanément sur plusieurs lots peuvent faire l'objet d'un jugement global.
« Les marchés passés par l'Etat pour l'exécution de cette mission ne peuvent comporter de stipulations relevant des conventions mentionnées aux articles L. 34-3-1 et L. 34-7-1 du code du domaine de l'Etat et à l'article L. 1311-2 du code général des collectivités territoriales.
« L'enregistrement et la surveillance des personnes retenues sont confiés à des agents de l'Etat. »
M. le président. Je suis saisi de trois amendements pouvant faire l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 194 est présenté par Mme M. André, MM. Dreyfus-Schmidt, Mahéas et Sueur, Mme Blandin et les membres du groupe socialiste et apparenté.
L'amendement n° 286 est présenté par M. Bret, Mmes Borvo, Mathon, Beaudeau, Beaufils et Bidard-Reydet, M. Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud et Le Cam, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar, Mme Terrade etM. Vergès.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
« Supprimer cet article. »
L'amendement n° 75, présenté par M. Courtois, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Dans le dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 35 septies de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945, après le mot : "retenues", insérer les mots : "ou maintenues". »
La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour présenter l'amendement n° 194.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Nous sommes toujours extrêmement prudents en matière de marchés, et l'actualité nous donne souvent raison.
Le Gouvernement a voulu étendre certaines dérogations par ordonnance. Il a finalement reculé pour l'ensemble, mais des dérogations existent toujours pour nombre de biens intéressant l'Etat. Or il arrive que des hommes politiques, des personnalités se trouvent entraînés dans des procédures, ce qui est toujours très regrettable pour l'ensemble de la classe politique.
A priori, nous sommes donc contre ce genre de dérogations.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo, pour présenter l'amendement n° 286.
Mme Nicole Borvo. Nous sommes également opposés aux dérogations au droit commun des marchés publics qui, nous le savons, ne sont pas souhaitables. En l'occurrence, je ne vois pas ce qui les justifierait. Le fait de confier à des entreprises privées la construction de centres de rétention nouveaux me paraît en outre pour le moins curieux.
C'est la raison pour laquelle nous proposons la suppression de l'article 34 ter. A tout le moins conviendrait-il de fixer des normes minimales et d'élaborer un cahier des charges strict.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 75 et pour donner l'avis de la commission sur les amendements n°s 194 et 286.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. L'amendement n° 75 est un amendement de précision.
Les amendements n°s 194 et 286 visent à supprimer la possibilité offerte à l'administration de passer des marchés globaux pour la conception, la construction, l'aménagement, l'entretien, l'hôtellerie et la maintenance des centres de rétention et des zones d'attente. Ils sont tout à fait contraires à la position de la commission, celle-ci ayant en effet approuvé le principe de la passation de marchés uniques dans cette hypothèse, le développement de ces marchés plus rapides à exécuter et moins coûteux étant nécessaire pour améliorer la qualité et surtout le nombre des établissements.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 75 et défavorable aux amendements n°s 194 et 286.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote sur les amendements identiques n°s 194 et 286.
Mme Marie-Christine Blandin. Je confirme notre opposition à ce dispositif dérogatoire au droit commun sur les marchés publics.
Je veux interpeller M. le ministre sur l'hôtellerie et lui demander un cahier des charges précis pour la fourniture de repas dans les postes de police et les centres de rétention en plus du cahier des charges sur la restauration dans les zones d'attente. En effet, il ne faudrait pas que les économies qu'évoquait M. Courtois se fassent sur la nourriture servie aux personnes en transit.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n°s 194 et 286.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 75.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 34 ter, modifié.
(L'article 34 ter est adopté.)
Après l'article 35 quinquies de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 précitée, il est inséré un article 35 octies ainsi rédigé :
« Art. 35 octies. - A titre expérimental, dans les conditions prévues par le code des marchés publics, l'Etat peut passer, avec des personnes de droit public ou privé bénéficiant d'un agrément délivré en application de la loi n° 83-629 du 12 juillet 1983 réglementant les activités privées de sécurité, des marchés relatifs au transport de personnes retenues en centres de rétention ou maintenues en zones d'attente.
« Ces marchés ne peuvent porter que sur la conduite et les mesures de sécurité inhérentes à cette dernière, à l'exclusion de ce qui concerne la surveillance des personnes retenues au cours du transport qui demeure assurée par l'Etat.
« Chaque agent concourant à ces missions doit être désigné par l'entreprise attributaire du marché et faire l'objet d'un agrément préalable, dont la durée est limitée, du préfet du département où l'entreprise a son établissement principal et, à Paris, du préfet de police ainsi que du procureur de la République.
« Il bénéficie d'une formation adaptée et doit avoir subi avec succès un examen technique.
« Les agréments sont refusés ou retirés lorsque la moralité de la personne ou son comportement apparaissent incompatibles avec l'exercice de leurs missions. L'agrément ne peut être retiré par le préfet ou par le procureur de la République qu'après que l'intéressé a été mis en mesure de présenter ses observations. Il peut faire l'objet d'une suspension immédiate en cas d'urgence.
« Dans le cadre de tout marché visé au présent article, l'autorité publique peut décider, de manière générale ou au cas par cas, que le transport de certaines personnes, en raison de risques particuliers d'évasion ou de troubles à l'ordre public, demeure effectué par les agents de l'Etat, seuls ou en concours.
« Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions d'application du présent article, notamment les conditions dans lesquelles les agents de sécurité privée investis des missions prévues par le présent article peuvent être armés. »
M. le président. Je suis saisi de cinq amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 195 est présenté par Mme M. André, MM. Dreyfus-Schmidt, Mahéas et Sueur, Mme Blandin et les membres du groupe socialiste et apparenté.
L'amendement n° 287 est présenté par M. Bret, Mmes Borvo, Mathon, Beaudeau, Beaufils et Bidard-Reydet, M. Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud et Le Cam, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar, Mme Terrade etM. Vergès.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
« Supprimer cet article. »
L'amendement n° 76, présenté par M. Courtois, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Dans le deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour insérer un article 35 octies dans l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945, après le mot : "retenues", insérer les mots : "ou maintenues". »
L'amendement n° 77, présenté par M. Courtois, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Après les mots : "du présent article", supprimer la fin du dernier alinéa du texte proposé par cet article pour insérer un article 35 octies dans l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945. »
L'amendement n° 78 rectifié, présenté par M. Courtois, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Compléter le texte proposé par cet article pour insérer un article 35 octies dans l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 par deux alinéas ainsi rédigés :
« Les marchés prévus au premier alinéa peuvent être passés à compter de la promulgation de la présente loi dans un délai de dix-huit mois et pour une durée n'excédant pas deux ans.
« Avant l'expiration d'un délai de deux ans à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement présente au Parlement un rapport dressant le bilan de l'expérimentation. »
La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour défendre l'amendement n° 195.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. L'article 34 quater prévoit qu'à titre expérimental l'Etat pourrait passer avec des personnes de droit public ou privé bénéficiant d'un agrément réglementant les activités privées de sécurité des marchés relatifs aux transports de personnes retenues en centres de rétention ou maintenues en zones d'attente.
On nous parle beaucoup des escortes, mais il n'y a aucune raison, en la matière, que l'Etat n'exerce pas ses missions. Il paraît que l'on crée de nombreux postes. Nous demandons, en ce qui concerne le transport des personnes retenues en centres de rétention ou maintenues en zones d'attente, que l'Etat remplisse l'ensemble des missions qui doivent normalement être les siennes. Qu'en sera-t-il des éventuelles responsabilités ?
Voilà pourquoi nous sommes absolument opposés à l'article 34 quater.
M. le président. La parole est à M. Robert Bret, pour défendre l'amendement n° 287.
M. Robert Bret. Cette disposition nous semble tout à fait contraire à nos principes constitutionnels en ce qu'elle aboutit à déléguer de façon permanente à des personnes privées des mesures qui impliquent l'exercice de pouvoirs de contrainte sur des personnes. Il s'agit donc d'une véritable atteinte à la liberté individuelle. Nous sommes en effet dans un cadre très différent des fouilles à corps dans les aéroports, auxquelles la personne peut refuser de se soumettre. Telles sont les raisons pour lesquelles nous demandons instamment, avec le groupe socialiste, la suppression de cet article.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour défendre les amendements n°s 76, 77 et 78 rectifié, ainsi que pour donner l'avis de la commission sur les amendements identiques n°s 195 et 287.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. L'amendement n° 76 vise à exclure la possibilité pour les agents de sécurité assurant la conduite des personnes retenues ou maintenues d'être armés et à encadrer l'expérimentation proposée par le présent article, conformément aux exigences constitutionnelles. Les amendements n°s 77 et 78 rectifié tendent également à préciser et à améliorer la rédaction de l'article 34 quater ainsi qu'à exclure la possibilité pour les agents de sécurité d'être armés.
Les amendements n°s 195 et 287 ont pour objet de supprimer l'expérimentation prévue à l'article 34 quater en matière de transport des étrangers retenus et maintenus. Ils sont donc contraires à la position générale de la commission.
En effet, il nous est apparu nécessaire d'expérimenter la possibilité d'externaliser la conduite des véhicules et les conditions inhérentes à la sécurité afin de voir si cela permettrait de libérer dans de bonnes conditions des agents de police et de gendarmerie qui seraient dès lors affectés à de véritables missions de sécurité. La commission a donc émis un avis défavorable sur ces deux amendements.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Le Gouvernement est défavorable aux amendements n°s 195 et 287 et favorable aux amendements n°s 76, 77 et 78 rectifié.
M. le président. La parole est à M. Jacques Mahéas, pour explication de vote sur les amendements identiques n°s 195 et 287.
M. Jacques Mahéas. Cet amendement est important, car si l'article était adopté, il y aurait nécessairement, par suite d'un transfert, passage du public au privé pour des tâches régaliennes de l'Etat.
La police et la justice étant, en effet, me semble-t-il, de la responsabilité première et unique de l'Etat, il est logique d'utiliser des fonctionnaires pour assurer les transfèrements des personnes retenues en centre de rétention ou maintenues en zone d'attente.
Vous serez, du point de vue budgétaire, dans une situation paradoxale. En effet, en réduisant le nombre de fonctionnaires - j'ai rappelé à M. le ministre que, selon les syndicats de Seine-Saint-Denis, il y avait dans ce département 500 policiers de moins que les effectifs théoriques -, vous allez peut-être diminuer les dépenses de tel ou tel ministère d'un côté, mais vous allez les augmenter de l'autre, car il faudra rémunérer les personnes privées chargées du transfèrement. Cela me paraît d'un illogisme total !
Nous sommes, nous, pour que l'Etat assume ses responsabilités.
M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Lorsque je considère la manière dont les textes sont faits, je me dis qu'en tout état de cause il aurait tout de même été bon de prévoir une navette.
Par exemple, il est dit que ces marchés peuvent être passés à compter de la promulgation de la présente loi dans un délai de dix-huit mois et pour une durée n'excédant pas deux ans. Puis il est précisé qu'avant l'expiration d'un délai de deux ans le Gouvernemnet présente au Parlement un rapport dressant le bilan de l'expérimentation.
J'aimerais savoir à partir de quand court ce délai de deux ans. Si le dispositif est mis en place dans deux ans, les deux ans seront écoulés !
Mais il y a plus grave. « Dans le cadre de tout marché visé au présent article, l'autorité publique peut décider, de manière générale ou au cas par cas, que le transport de certaines personnes, en raison de risques particuliers d'évasion ou de troubles à l'ordre public, demeure effectué par les agents de l'Etat, seuls ou en concours ». Il est tout de même assez extraordinaire que l'autorité « puisse » et non « doive » décider ! En cas de risques particuliers d'évasion ou de troubles à l'ordre public, le moins qu'on puisse dire est que c'est tout de même du ressort de l'Etat ! Par ailleurs, on sait bien que tout transfèrement de personnes comporte des risques d'évasion !
Voilà pourquoi, derechef, nous voterons bien évidemment les amendements identiques de suppression de l'article 34 quater.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n°s 195 et 287.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 76.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 77.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 78 rectifié.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 34 quater, modifié.
(L'article 34 quater est adopté.)
Articles additionnels après l'article 34 quater
M. le président. L'amendement n° 79 rectifié, présenté par M. Courtois, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Après l'article 34 quater, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Après l'article 35 quinquies de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 précitée, il est inséré un article 35 nonies ainsi rédigé :
« Art. 35 nonies. _ Il est créé une commission nationale de contrôle des centres et locaux de rétention et des zones d'attente. Cette commission veille au respect des droits des étrangers qui y sont placés ou maintenus en application des articles 35 bis et quater de la présente ordonnance et à la qualité des conditions de leur hébergement. Elle effectue des missions sur place et peut faire des recommandations au Gouvernement tendant à l'amélioration des conditions matérielles et humaines de rétention ou de maintien des personnes.
« La commission nationale de contrôle des centres et locaux de rétention et des zones d'attente comprend un député et un sénateur, un membre ou ancien membre de la Cour de cassation d'un grade au moins égal à celui de conseiller, un membre ou ancien membre du Conseil d'Etat, une personnalité qualifiée en matière pénitentiaire, deux représentants d'associations humanitaires et deux représentants des principales administrations concernées. Le membre ou ancien membre de la Cour de cassation en est le président. Les membres de la commission sont nommés par décret. Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités de fonctionnement de la commission. »
Le sous-amendement n° 328, présenté par M. Bret, est ainsi libellé :
« A la fin de la deuxième phrase du premier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 79 pour l'article 35 nonies de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945, remplacer les mots : "à la qualité des conditions de leur hébergement" par les mots : "au respect des normes relatives à l'hygiène, à la salubrité, à la sécurité, à l'équipement et à l'aménagement des centres de rétention". »
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 79.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Il s'agit d'élargir la compétence de la commission nationale de contrôle des centres de rétention aux zones d'attente.
M. le président. La parole est à M. Robert Bret, pour présenter le sous-amendement n° 328.
M. Robert Bret. Je l'ai déjà défendu hier, puisqu'il s'agit d'un amendement que nous avons transformé en sous-amendement.
Si ce sous-amendement est adopté, notre souci étant de bien préciser les conditions d'hébergement des personnes retenues, l'amendement de la commission nous convient et nous le voterons.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement n° 328 ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. La commission des lois est naturellement favorable à ce sous-amendement, comme je l'ai dit hier.
Je suggère quand même à M. Robert Bret d'en modifier la rédaction pour remplacer les mots : « des centres de rétention » par les mots : « de ces lieux », expression plus large qui vise également les zones d'attente.
M. le président. Monsieur Bret, acceptez-vous de rectifier le sous-amendement dans ce sens ?
M. Robert Bret. Tout à fait.
M. le président. Je suis donc saisi d'un sous-amendement n° 328 rectifié, présenté par M. Bret et ainsi libellé :
« A la fin de la deuxième phrase du premier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 79 pour l'article 35 nonies de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945, remplacer les mots : "à la qualité des conditions de leur hébergement" par les mots : "au respect des normes relatives à l'hygiène, à la salubrité, à la sécurité, à l'équipement et à l'aménagement de ces lieux". »
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Même avis que la commission.
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 328 rectifié.
(Le sous-amendement est adopté à l'unanimité.)
M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote sur l'amendement n° 79 rectifié.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Si l'amendement doit être adopté, il est bon qu'il contienne la précision apportée par le sous-amendement. C'est pourquoi nous venons de voter le sous-amendement.
Pour le reste, il n'est pas précisé quand la commission nationale de contrôle entrera en fonction. « Les membres de la commission sont nommés par décret. Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités de fonctionnement de la commission. » Cela signifie que c'est donc le Gouvernement qui va choisir les personnalités qui composeront cette commission, y compris les représentants des associations humanitaires.
Mais la loi n'entrera-t-elle en fonction qu'après que cette commission a été installée ? Ce serait une bonne chose, puisqu'elle a un objectif de contrôle.
Cette commission comprend également deux parlementaires. Les parlementaires ont déjà le droit, tous autant qu'ils sont, de visiter les locaux. Le fait de nommer des parlementaires dans des commissions peut expliquer, en partie seulement, l'absentéisme dont nous souffrons.
M. Robert Bret. Ils ne sont pas tous en mission !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Les colloques l'expliquent plus encore ! Ainsi, le 22 octobre prochain, alors que la commission des lois est invitée toute la journée à prendre connaissance du rapport sur la décentralisation, est organisé un colloque auquel participera - j'ai compté - une quinzaine de sénateurs, dont une bonne partie sont des membres de la commission de lois. Cela me paraît tout de même excessif. Je profite de l'occasion pour le dire.
M. René Garrec, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Ce n'est pas toute la journée ! Il y a une commission mixte paritaire entre deux.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Pour le reste, j'espère obtenir des réponses aux questions que je viens de poser, ce qui n'a pas été le cas tout à l'heure. J'avais demandé à partir de quelle date prenait effet le délai de deux ans prévu pour déposer un rapport ; je n'ai pas eu de réponse.
M. le président. Je mets aux voix, modifié, l'amendement n° 79 rectifié.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Toujours aucune réponse...
M. Jacques Mahéas. Le groupe socialiste s'abstient.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 34 quater.
L'amendement n° 80, présenté par M. Courtois, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« L'article 37 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 est ainsi rédigé :
« Art. 37. _ Les dispositions sur le retrait des titres de séjour prévues à l'article 15 bis et au deuxième alinéa de l'article 30, dans leur rédaction issue de la loi n° 93-1027 du 24 août 1993 relative à la maîtrise de l'immigration et aux conditions d'entrée, d'accueil et de séjour des étrangers en France, ne sont applicables qu'à des étrangers ayant reçu un titre de séjour après l'entrée en vigueur de cette loi.
« Les dispositions du premier alinéa du IV et du IV bis de l'article 29 dans leur rédaction issue de la loi n°... du ... 2003 relative à la maîtrise de l'immigration et au séjour des étrangers en France ne sont applicables qu'à des étrangers ayant reçu un titre de séjour après l'entrée en vigueur de cette loi. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de précision tendant à prévoir la non-rétroactivité des dispositions du premier alinéa du IV et du IV bis de l'article 29 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 relatifs au retrait de certains titres de séjour.
Toutefois, les dispositions que je vous propose en faveur des conjoints étrangers victimes de violences conjugales ne seraient pas concernées par cette non-rétroactivité, afin que, dès l'entrée en vigueur du présent projet de loi, les préfets puissent prendre en compte leur situation difficile, que celle-ci ait commencé avant ou après la mise en oeuvre de cette loi.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 80.
M. Jacques Mahéas. Nous nous abstenons. Nous n'avons toujours pas de réponse du Gouvernement !
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 34 quater.
TITRE Ier bis
DISPOSITIONS
MODIFIANT LE CODE DU TRAVAIL
L'article L. 362-3 du code du travail est complété par les mots : « ainsi que la confiscation des objets produits de l'infraction qui appartiennent au condamné ».
M. le président. L'amendement n° 81, présenté par M. Courtois, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Supprimer cet article. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Il s'agit de supprimer cet article, qui ajoute une peine à l'infraction de travail dissimulé. Or cette peine existe déjà à l'article L. 362-4 du code du travail.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 81.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 34 quinquies est supprimé.
L'article L. 364-3 du code du travail est ainsi rédigé :
« Art. L. 364-3. - I. - Toute infraction aux dispositions du premier alinéa de l'article L. 341-6 est punie de cinq ans d'emprisonnement et de 10 000 EUR d'amende.
« Ces peines sont portées à dix ans d'emprisonnement et à 100 000 EUR d'amende lorsque l'infraction est commise en bande organisée.
« L'amende est appliquée autant de fois qu'il y a d'étrangers concernés.
« Les personnes physiques coupables de l'une ou l'autre des infractions visées au présent article encourent également les peines complémentaires suivantes :
« 1° L'interdiction de séjour pour une durée de cinq ans au plus ;
« 2° L'interdiction du territoire français, dans les conditions prévues par les articles 131-30 à 131-30-2 du code pénal, pour une durée de dix ans au plus ou à titre définitif ;
« 3° L'interdiction, pour une durée de cinq ans au plus, d'exercer l'activité professionnelle ou sociale à l'occasion de laquelle l'infraction a été commise, sous les réserves mentionnées à l'article 131-27 du code pénal.
« Les personnes physiques condamnées au titre de l'infraction encourent également la peine complémentaire de confiscation de tout ou partie de leurs biens, quelle qu'en soit la nature, meubles on immeubles, divis ou indivis.
« II. - Les personnes morales peuvent être déclarées responsables pénalement des infractions aux dispositions de l'article L. 341-6.
« Les peines encourues par les personnes morales sont :
« 1° L'amende, suivant les modalités prévues par l'article 131-38 du code pénal ;
« 2° Les peines mentionnées aux 1° , 2° , 3° , 4° , 5° et 9° de l'article 131-39 du code pénal.
« L'interdiction visée au 2° de l'article 131-39 du même code porte sur l'activité dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise ;
« 3° La confiscation de tout ou partie des biens des personnes morales condamnées, quelle qu'en soit la nature, meubles ou immeubles, divis ou indivis. »
M. le président. L'amendement n° 82, présenté par M. Courtois, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit le texte proposé par cet article pour l'article L. 364-3 du code du travail :
« Art. L. 364-3 _ Toute infraction aux dispositions du premier alinéa de l'article L. 341-6 est punie de cinq ans d'emprisonnement et de 15 000 EUR d'amende.
« Ces peines sont portées à dix ans d'emprisonnement et à 100 000 EUR d'amende lorsque l'infraction est commise en bande organisée.
« L'amende est appliquée autant de fois qu'il y a d'étrangers concernés. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. L'Assemblée nationale a regroupé dans un même article la définition de l'infraction d'emploi de travailleur étranger dépourvu de titre de travail et l'ensemble des peines complémentaires applicables. Actuellement, ces peines sont regroupées dans des articles distincts. Pour la lisibilité, cet amendement ainsi que les trois suivants rétablissent l'ancienne répartition dans plusieurs articles distincts.
L'amendement ne met dans l'article L. 364-3 que la définition de l'infraction et les peines principales. Le montant de l'amende passe néanmoins de 10 000 à 15 000 euros, afin d'augmenter le plafond du cumul des pénalités encourues par un même employeur. Rappelons que, selon les cas, l'employeur doit acquitter, en plus de l'amende pénale, la contribution à l'OMI et la nouvelle contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement, prévue à l'article 19 bis du projet de loi. Le respect du principe de proportionnalité impose que le montant total des pénalités pour un même fait ne dépasse pas le montant de l'amende la plus sévère, en l'espèce l'amende pénale.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Favorable.
Il s'agit d'un très bon amendement qui devrait, je crois, recueillir l'assentiment général, puisqu'il renforce les peines contre les employeurs de travailleurs clandestins.
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt, contre l'amendement.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. D'une part, nous aurions souhaité, puisque l'on modifie le code du travail, connaître l'avis du ministre chargé du travail. D'autre part, nous ne pouvons voter cet amendement car nous avions demandé que, pour la contribution au paiement du billet de celui qui est renvoyé, il soit fait une différence entre les filières et ceux qui rendent service. Cela n'ayant pas été fait, nous ne voterons pas l'amendement n° 82.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 82.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Le groupe socialiste s'abstient.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 34 sexies, modifié.
(L'article 34 sexies est adopté.)
Articles additionnels après l'article 34 sexies
M. le président. L'amendement n° 84, présenté par M. Courtois, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Après l'article 34 sexies, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article L. 364-8 du code du travail est ainsi modifié :
« I. _ Après le sixième alinéa (5°), il est inséré un 6° ainsi rédigé :
« 6° L'interdiction de séjour pour une durée de cinq ans au plus. »
« II. _ A l'avant-dernier alinéa, après les mots : "prévues à" sont insérés les mots : "l'article L. 364-3 et à".
« III. _ Il est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les personnes physiques condamnées au titre de l'infraction visée au deuxième alinéa de l'article L. 364-3 encourent la peine complémentaire de confiscation de tout ou partie de leurs biens, quelle qu'en soit la nature, meubles ou immeubles, divis ou indivis. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. C'est la même chose que précédemment. L'amendement maintient dans l'actuel article L. 364-8 du code du travail les peines complémentaires encourues par les personnes physiques.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Favorable.
M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, contre l'amendement.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. L'interdiction de séjour est une mesure très mauvaise en ce sens qu'elle renvoie quelqu'un qui peut être inséré dans le milieu. Or, il revient toujours, on le sait.
Parce que nous sommes contre le principe même de l'interdiction de séjour, nous voterons contre cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 84.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Le groupe socialiste vote contre.
M. Robert Bret. Le groupe CRC également.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 34 sexies.
L'amendement n° 83, présenté par M. Courtois, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Après l'article 34 sexies, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« A l'article L. 364-9 du code du travail, les mots : "dans les conditions prévues par l'article 131-30 du code pénal, pour une durée de cinq ans au plus" sont remplacés par les mots : "dans les conditions prévues par les articles 131-30 à 131-30-2 du code pénal, pour une durée de dix ans au plus ou à titre définitif". »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Cet amendement est la conséquence du précédent. Il reprend les dispositions de l'actuel article 34 sexies du projet de loi relatif aux interdictions du territoire à titre de peine complémentaire, mais en les insérant dans un article distinct du code du travail.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Favorable.
M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. On a du mal à comprendre les explications de M. le rapporteur. Il semble que l'on vise des articles du code pénal que l'on sera appelé tout à l'heure à modifier. C'est bien cela, monsieur le rapporteur ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Oui !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. On ne peut donc pas mettre aux voix maintenant les dispositions des articles 131-30 et 131-30-2 du code pénal. Il faut donc réserver cet amendement.
Pour le reste, on se retrouve devant une interdiction d'une durée de cinq ans au plus qui est une interdiction du territoire. Or, vous le savez également, nous ne sommes pas d'accord sur le fait qu'il reste une interdiction du territoire judiciaire. Nous ne pourrons donc pas voter cet amendement, dont je demande la réserve pour la raison que j'ai indiquée au début de mes explications.
M. le président. Quel l'avis de la commission sur cette demande de réserve ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Le Gouvernement émet également un avis défavorable.
Cela étant, ce n'est certainement qu'un détail, mais je ne voudrais pas que M. Dreyfus-Schmidt persévère dans l'erreur en confondant, comme il l'a fait, me semble-t-il, auparavant, l'interdiction de séjour et l'interdiction de territoire.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Là, on est toujours dans l'interdiction du territoire !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. J'aurais dû être plus vigilant et dire qu'auparavant il s'agissait non pas d'interdiction du territoire, mais d'interdiction de séjour.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est bien ce que j'ai dit !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Non, vous avez parlé d'interdiction du territoire, c'est-à-dire d'une peine relative aux étrangers.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Non ! Le procès-verbal en fera foi !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Si vous aviez compris, tant mieux ! Cela ne m'étonne pas !
M. le président. Je consulte le Sénat sur la demande de réserve formulée par M. Dreyfus-Schmidt.
La réserve n'est pas ordonnée.
Je mets aux voix l'amendement n° 83.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 34 sexies.
L'amendement n° 85, présenté par M. Courtois, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Après l'article 34 sexies, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article L. 364-10 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les personnes morales condamnées au titre de l'infraction visée au deuxième alinéa de l'article L. 364-3 encourent la peine complémentaire de confiscation de tout ou partie de leurs biens, quelle qu'en soit la nature, meubles ou immeubles, divis ou indivis. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Cet amendement concerne les peines complémentaires qui peuvent être encourues par les personnes morales. Il s'agit de mesures qui existent déjà et que l'on maintient dans ces articles.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 85.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 34 sexies.
Le deuxième alinéa de l'article L. 611-1 du code du travail est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Ils constatent également les infractions prévues par les articles 20, 21 et 21 bis de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France. »
M. le président. L'amendement n° 299, présenté par M. Hyest et les membres du groupe de l'Union pour un mouvement populaire, est ainsi libellé :
« Dans le deuxième alinéa de cet article, supprimer la référence : "20,". »
La parole est à M. Laurent Béteille.
M. Laurent Béteille. Il s'agit d'un simple amendement de conséquence à la suite de la suppression de l'article 14 bis.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 299.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 34 septies, modifié.
(L'article 34 septies est adopté.)
L'avant-dernier alinéa de l'article L. 611-6 du code du travail est complété par les mots : « et les infractions prévues par les articles 20, 21 et 21 bis de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 précitée ».
M. le président. L'amendement n° 300, présenté par M. Hyest et les membres du groupe de l'Union pour un mouvement populaire, est ainsi libellé :
« Dans cet article, supprimer la référence : "20,". »
La parole est à M. Laurent Béteille.
M. Laurent Béteille. Il s'agit également d'un amendement de conséquence.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 300.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. L'amendement n° 86, présenté par M. Courtois, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« A la fin de cet article, remplacer le mot : "précitée" par les mots : "relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France". »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. C'est un amendement rédactionnel.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 86.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 34 octies, modifié.
(L'article 34 octies est adopté.)
I. - L'article L. 611-8 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Dans les conditions prévues par l'article 78-6 du code de procédure pénale, ils sont habilités à relever l'identité et l'adresse des contrevenants aux infractions qu'ils sont chargés de constater. La déclaration intentionnelle d'une fausse adresse ou d'une fausse identité est punie de 3 000 EUR d'amende. »
II. - Dans la dernière phrase du dernier alinéa de l'article L. 724-8 du code rural, les mots : « du dernier alinéa » sont remplacés par les mots : « de l'avant-dernier alinéa ».
M. le président. L'amendement n° 87, présenté par M. Courtois, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit le texte proposé par le I de cet article pour compléter l'article L. 611-8 du code du travail :
« Les inspecteurs du travail et de la main-d'oeuvre sont habilités à relever l'identité et l'adresse des employeurs et des salariés présents dans les établissements assujettis au code du travail. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Cet amendement tend à maintenir, par rapport au projet de loi, la capacité pour les inspecteurs du travail de relever l'identité et l'adresse des employeurs et des salariés présents dans les établissements. Toutefois, il supprime la référence au code de procédure pénale. Celle-ci ne semble pas nécessaire, les inspecteurs ayant toujours la possibilité de faire appel à des officiers de police judiciaire en cas de difficultés. En outre, l'assimilation des inspecteurs du travail à des agents de police judiciaire adjoints n'est pas opportune.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 87.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. L'amendement n° 88, présenté par M. Courtois, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Après le I de cet article, insérer un paragraphe ainsi rédigé :
« I bis. - Après le deuxième alinéa de l'article L. 611-12 du code du travail, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Ils sont habilités à relever l'identité et l'adresse des employeurs et des salariés présents dans les établissements assujettis au code du travail. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Cet amendement a pour objet d'étendre aux contrôleurs du travail l'habilitation à relever l'identité et l'adresse des employeurs et des salariés. Cela va dans le sens des réflexions actuelles tendant à accroître leurs responsabilités.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 88.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 34 nonies, modifié.
(L'article 34 nonies est adopté.)
TITRE II
DISPOSITIONS MODIFIANT LE CODE CIVIL
Articles additionnels avant l'article 35 A
M. le président. L'amendement n° 89, présenté par M. Courtois, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Avant l'article 35 A, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article 17-4 du code civil est ainsi rédigé :
« Art. 17-4. _ Au sens du présent titre, l'expression "en France" s'entend du territoire métropolitain, des départements et des collectivités d'outre-mer ainsi que de la Nouvelle-Calédonie et des Terres australes et antarctiques françaises. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Cet amendement a pour finalité d'actualiser la définition du territoire français au sens du droit de la nationalité à l'issue de la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 relative à l'organisation décentralisée de la République, qui a supprimé la catégorie des territoires d'outre-mer et a créé celle des collectivités d'outre-mer.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 89.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, avant l'article 35 A.
L'amendement n° 90, présenté par M. Courtois, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Avant l'article 35 A, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Au troisième alinéa (2°) de l'article 19-1 du code civil, les mots : "et à qui n'est attribuée par les lois étrangères la nationalité d'aucun des deux parents" sont remplacés par les mots : "pour lequel les lois étrangères de nationalité ne permettent en aucune façon qu'il se voie transmettre la nationalité de l'un ou l'autre de ses parents". »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de précision.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 90.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, avant l'article 35 A.
Dans les premier et deuxième alinéas de l'article 21-2 du code civil, les mots : « d'un an » sont remplacés par les mots : « de deux ans ».
M. le président. Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 196, présenté par Mme M. André, MM. Dreyfus-Schmidt, Mahéas et Sueur, Mme Blandin et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :
« Supprimer cet article. »
L'amendement n° 228, présenté par M. Cointat, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit cet article :
« I. _ L'article 21-2 du code civil est ainsi rédigé :
« Art. 21-2. _ L'étranger ou apatride qui contracte mariage avec un conjoint de nationalité française peut acquérir la nationalité française dans les conditions suivantes.
« S'il désire que ses enfants mineurs quelle que soit la date de leur naissance acquièrent la nationalité française, la procédure de naturalisation est applicable avec dispense des conditions de stage et de résidence prévues aux articles 21-16 et 21-17.
« Dans les autres cas, l'intéressé peut acquérir la nationalité française par déclaration souscrite conformément aux articles 26 et suivants. Par dérogation aux dispositions de l'article 26-1, la déclaration est enregistrée par le ministre chargé des naturalisations.
« La communauté de vie tant affective que matérielle entre les époux ne doit pas avoir cessé et le conjoint français doit avoir conservé sa nationalité à la date de dépôt de la demande de naturalisation ou de souscription de la déclaration selon les cas.
« Le conjoint étranger doit en outre justifier d'une connaissance suffisante, selon sa condition, de la langue française.
« La demande de naturalisation ne peut être présentée ou la déclaration souscrite qu'après un délai de trois ans à compter de la célébration du mariage. Ce délai est supprimé lorsque naît, avant ou après le mariage, un enfant dont la filiation est établie à l'égard des deux conjoints, si les conditions prévues à l'alinéa précédent sont satisfaites. Ce délai est également supprimé lorsque l'intéressé a effectivement accompli des services militaires dans une unité de l'armée française ou qui, en temps de guerre, a contracté un engagement volontaire dans les armées françaises ou alliées. »
« II. _ L'article 21-3 du code civil est ainsi rédigé :
« Art. 21-3. _ Lorsque l'acquisition de nationalité a lieu par déclaration, l'intéressé acquiert la nationalité française à la date à laquelle la déclaration a été souscrite, sous réserve des dispositions prévues aux articles 21-4 et 26-3. »
« III. _ Le début du premier alinéa de l'article 21-4 du code civil est ainsi rédigé :
« Lorsque la procédure de déclaration a été retenue par l'intéressé, le Gouvernement... (Le reste sans changement.) »
« IV. _ L'article 21-6 du code civil est ainsi rédigé :
« Art. 21-6. _ L'enfant étranger ou apatride, légitime, naturel ou ayant fait l'objet d'une adoption plénière, dont le parent a souscrit la déclaration prévue au troisième alinéa de l'article 21 ne peut acquérir la nationalité française que par naturalisation. Il est, dans ce cas, dispensé des conditions de stage et de résidence, prévues aux articles 21-17 et 21-16. »
« V. _ Les dispositions du présent article ne sont applicables qu'aux demandes présentées ou déclarations souscrites après la publication de la présente loi. »
L'amendement n° 91, présenté par M. Courtois, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit cet article :
« L'article 21-2 du code civil est ainsi rédigé :
« Art. 21-2. _ L'étranger ou apatride qui contracte mariage avec un conjoint de nationalité française peut, après un délai de deux ans à compter du mariage, acquérir la nationalité française par déclaration à condition qu'à la date de cette déclaration la communauté de vie tant affective que matérielle n'ait pas cessé entre les époux et que le conjoint français ait conservé sa nationalité. Le conjoint étranger doit en outre justifier d'une connaissance suffisante, selon sa condition, de la langue française.
« Le délai de communauté de vie est porté à trois ans, lorsque l'étranger, au moment de sa déclaration, ne justifie pas avoir résidé de manière ininterrompue pendant au moins un an en France à compter du mariage.
« La déclaration est faite dans les conditions prévues aux articles 26 et suivants. Par dérogation aux dispositions de l'article 26-1, elle est enregistrée par le ministre chargé des naturalisations. »
Le sous-amendement n° 229, présenté par M. Cointat, est ainsi libellé :
« Après le premier alinéa du texte proposé pour l'article 21-2 du code civil par l'amendement n° 91, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« La condition de durée minimale de la communauté de vie est supprimée lorsque l'étranger ou apatride a effectivement accompli des services miliaires dans une unité de l'armée française, ou, lorsqu'en temps de guerre, il a contracté un engagement volontaire dans les armées françaises ou alliées. »
La parole est M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour présenter l'amendement n° 196.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. L'article 35 A dans la rédaction proposée par la commission dispose : « L'étranger ou apatride qui contracte mariage avec un conjoint de nationalité française peut, après un délai de deux ans à compter du mariage, acquérir la nationalité française par déclaration à condition qu'à la date de cette déclaration la communauté de vie, tant affective que matérielle » - on en rajoute ! - « n'ait pas cessé entre les époux et que le conjoint français ait conservé sa nationalité. »
Première observation : jusqu'à présent, la formulation « communauté de vie » vous suffisait. Vous ajoutez : « tant affective que matérielle ». Est-ce le maire qui sera chargé de vérifier si la communauté est affective ? Cela me paraît tout de même difficile à contrôler. Vous pourriez donc au moins supprimer les termes : « tant affective que matérielle ».
Je poursuis ma lecture : « Le conjoint étranger doit en outre justifier d'une connaissance suffisante, selon sa condition, de la langue française. » On ne nous a toujours pas dit comment s'effectuerait la vérification ni qui la ferait : les renseignements généraux, des instituteurs, des professeurs d'université, des fonctionnaires de la préfecture, le maire ? Aucune précision ne nous a été apportée à cet égard.
« Le délai de communauté de vie est porté à trois ans, lorsque l'étranger, au moment de sa déclaration, ne justifie pas avoir résidé de manière ininterrompue pendant au moins un an en France à compter du mariage (...) »
Le principe de penser à l'apatride est une bonne idée, mais, pour le reste, les mesures proposées ne sont pas acceptables telles qu'elles sont rédigées.
M. le président. La parole est à M. Christian Cointat, pour présenter l'amendement n° 228.
M. Christian Cointat, rapporteur. Trop souvent, quand survient une difficulté, on a tendance à se préoccuper des effets et non des causes, et, ce faisant, on perturbe la vie de citoyens qui respectent la loi, au motif qu'une petite poignée d'entre eux la violent.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Très bien !
M. Christian Cointat, rapporteur. Il faut donc déterminer les véritables causes des difficultés. Or, en matière de mariage, il convient de dénoncer la trop grande facilité avec laquelle la nationalité française peut, d'une part, être acquise, et, d'autre part, transmise.
En effet, certains profitent de cette institution qu'est le mariage pour obtenir des papiers et venir en France. D'ores et déjà, le Gouvernement a prévu - et la commission a renforcé ce principe - un délai de deux ans, voire trois ans, à compter du mariage avant qu'il puisse être procédé à une déclaration pour acquérir la nationalité française par mariage. C'est déjà un élément pour éviter les dérapages.
Toutefois, un point n'est pas traité dans ce projet de loi : la transmission de la nationalité française.
Des phénomènes parfois aberrants se produisent : un étranger épouse, à l'étranger, un Français, alors qu'il ne parle pas un mot de français ; il divorce, et se remarie avec une personne de sa nationalité qui ne parle pas non plus le français et qui ne connaît pas la France. Tous deux ont des enfants qui sont français, alors qu'ils n'ont aucun lien manifeste avec la France, si ce n'est qu'ils se tournent parfois vers elle pour des raisons sociales. (M. Michel Dreyfus-Schmidt s'exclame.) Et ils ne votent même pas au Conseil supérieur des Français de l'étranger ! Ils le pourraient, mais cela ne les intéresse pas, ce qui montre bien qu'ils ne sont pas des Français de coeur.
Cet amendement a donc pour objet d'attirer l'attention du Gouvernement sur les difficultés qui sont à l'origine des problèmes que nous rencontrons et dont nous débattons. Nous ne pouvons, en effet, laisser la nationalité française se transmettre aussi librement sans risque.
Cet amendement tend à instaurer un équilibre, car il prévoit que tous ceux qui veulent devenir français par déclaration à la suite de leur mariage pourront obtenir la nationalité française, mais ne pourront plus la transmettre. S'ils veulent pouvoir la transmettre, au même titre que tous les autres, ils devront demander une naturalisation, mais ce sera plus simple, puisqu'ils pourront habiter à l'étranger et qu'aucune condition de stage ou de résidence ne sera exigée.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 91.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Cette mesure a pour objet de redéfinir les conditions d'accès à la nationalité française à raison du mariage, afin de mieux assurer le respect de la condition d'assimilation, qui est au centre de la tradition française en matière d'accès à la nationalité.
L'introduction, parmi les conditions de recevabilité de la déclaration, d'une condition de connaissance suffisante de la langue française par le conjoint étranger permettra de mieux en vérifier le respect par une procédure moins lourde que celle qui est en vigueur.
La création d'une condition de résidence en France pendant une durée d'un an pour pouvoir bénéficier du délai raccourci de deux ans de mariage pour accéder à la nationalité française se justifie par le constat que l'assimilation du conjoint étranger pourrait être ainsi facilitée, sans entraver la liberté du mariage.
M. le président. La parole est à M. Christian Cointat, pour présenter le sous-amendement n° 229.
M. Christian Cointat. Il s'agit par ce sous-amendement de modifier le code civil.
Après mûre réflexion, je pense qu'il est préférable de le faire dans le cadre d'une vision d'ensemble. C'est pourquoi je souhaite simplement que ce sous-amendement soit versé au dossier de ceux qui réfléchissent sur les aménagements à apporter au code civil. Par conséquent, je le retire.
M. le président. Le sous-amendement n° 229 est retiré.
Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 196 et 228 ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. L'amendement n° 196 tend à supprimer les dispositions de l'article 35 A, qui rétablit une durée de mariage de deux ans pour que le conjoint étranger puisse établir une déclaration d'acquisition de la nationalité française.
Cet article a également pour objet de redéfinir les conditions d'accès à la nationalité française par le mariage, en prévoyant que le conjoint étranger doive, en outre, justifier d'une connaissance suffisante de la langue française.
Par ailleurs, le délai de communauté de vie est porté à trois ans lorsque l'étranger, au moment de la déclaration, ne justifie pas avoir résidé de manière ininterrompue pendant au moins un an en France à compter du mariage. L'allongement de la durée du mariage de un à deux ans, cohérent avec l'allongement de la durée de mariage prévu pour l'obtention d'une carte de résident, rétablit le droit en vigueur entre 1993 et 1997.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement tendant à supprimer l'article.
L'amendement n° 228 de M. Cointat vise à mettre au jour le problème réel de la fraude à l'acquisition de la nationalité française par mariage et parentalité. Toutefois, le dispositif prévu durcit sensiblement les conditions d'acquisition de la nationalité française par mariage, en particulier en la subordonnant à une procédure de naturalisation dans le cas où les parents désirent que leurs enfants obtiennent la nationalité française.
Ce dispositif ne nous semble pas satisfaisant, car il remet en cause un principe fondamental de notre droit de la nationalité : l'attribution de conditions d'accès à la nationalité française pour les conjoints étrangers plus souples que celles qui sont exigées pour la naturalisation.
Par ailleurs, ce système risquerait de fragiliser la situation des enfants mineurs et l'unité des familles. La commission souhaiterait donc connaître l'avis du Gouvernement sur cette question. Si M. le ministre apporte des précisions, notre collègue Christian Cointat acceptera peut-être de retirer son amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Tout d'abord, le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 196 et favorable à l'amendement n° 91.
S'agissant de l'amendement n° 228, M. Cointat, qui connaît très bien ces questions, a posé un vrai problème. Cependant, le Gouvernement ne souhaite pas supprimer ce que l'on appelle « l'effet collectif ».
Il est vrai qu'une femme étrangère, mariée en secondes noces à un Français, acquiert la nationalité française, et ses enfants nés d'un premier mariage avec un étranger, et qui sont étrangers, ont la nationalité française grâce à cet effet collectif.
En l'état actuel des choses, on doit, me semble-t-il, maintenir ce principe du fait d'un autre concept juridique important : l'unité de la famille. Car il n'est pas sain que, dans une famille, la nationalité de la mère ne soit pas la même que celle des enfants. Cela ne veut pas dire que je suis contre par principe. Il est de nombreuses familles où la mère est étrangère, mais pas les enfants.
Monsieur Cointat, un groupe de travail interministériel a été mis en place sur la nationalité : ministère de l'intérieur, ministère de la justice, ministère des affaires étrangères, ministère des affaires sociales. Je vais soumettre votre question à ce groupe de travail et je m'engage à ce qu'une réponse y soit apportée.
Pour autant, monsieur Cointat, vous le savez, il serait vraiment dangereux de modifier la situation actuelle par un amendement qui remettrait en cause des principes structurant du droit de la famille. (M. Christian Cointat opine.)
Sous le bénéfice de ces explications et de cet engagement, peut-être pourriez-vous retirer votre amendement.
M. le président. Monsieur Cointat, l'amendement n° 228 est-il maintenu ?
M. Christian Cointat. Vous avez bien compris, mes chers collèges, que cet amendement avait pour objet d'attirer l'attention du Gouvernement.
Je ne suis pas contre la transmission de la nationalité française par déclaration. Il me paraît cependant regrettable que cette déclaration puisse se faire dans des conditions qui ne sont pas celles que le législateur a voulues. Il faut donc y réfléchir.
Monsieur le ministre, à partir du moment où vous acceptez de transmettre ma proposition à ce groupe de travail, je suis pleinement satisfait et, par conséquent, je retire mon amendement.
M. le président. L'amendement n° 228 est retiré.
La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote sur l'amendement n° 196.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Nous n'avons obtenu aucune réponse à notre demande de supprimer au moins les mots : « tant affective que matérielle ». Cela ne veut en effet rien dire : on n'a jamais rencontré ce genre de précision lorsqu'on a parlé de la communauté de vie.
Nous n'avons pas davantage obtenu de réponse à nos questions relatives aux modalités de vérification de la connaissance suffisante de la langue française.
Si M. le ministre ne nous répond pas, nous demanderons un scrutin public sur cet amendement n° 196.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Ce n'est pas que je tremble devant une demande de scrutin public, mais tenant beaucoup à l'estime de M. Dreyfus-Schmidt, je ne voudrais pas que celle-ci s'étiole après trois jours de débat.
M. Jacques Mahéas. Votre cote de popularité baisse, monsieur le ministre !
M. Nicolas About. Ce furent trois jours de liens affectifs et matériels ! (Sourires.)
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Avec M. Dreyfus-Schmidt, ce sont des liens affectifs, mais pas matériels, s'il me le permet, et c'est sans doute la différence ! (Nouveaux sourires.)
De quoi s'agit-il ? De l'acquisition de la nationalité française par le mariage. Ce n'est pas rien ! Vous l'avez d'ailleurs dit vous-même, monsieur Dreyfus-Schmidt.
Nous souhaitons que cette disposition ne soit pas une coquille vide. Prenons l'exemple d'un couple aux revenus modestes, qui n'aurait pas eu les moyens d'engager une procédure de divorce : soit le couple ne vit plus ensemble, soit il vit ensemble, mais la vie devient un enfer si le mari frappe sa femme. C'est la raison pour laquelle nous avons prévu qu'il y ait communauté matérielle et communauté affective. Cela ne bouleverse pas le droit en la matière.
Notre souci est toujours le même, monsieur Dreyfus-Schmidt - peut-être est-ce à tort, peut-être l'avons-nous mal formulé - et vous allez vous y reconnaître : ne pas se tromper de victime.
Nous ne voulons pas que des femmes en situation de faiblesse - et elles sont nombreuses - continuent d'être abusées et utilisées. S'il y a une communauté affective, la femme sera à égalité ; si la communauté n'est qu'une coquille vide, la femme pourra alors refuser de se prêter à la comédie de l'acquisition de la nationalité française.
Je ne prétends pas que nous allons réussir avec ce seul dispositif, mais nous sommes convaincus - et vous aussi - que les femmes, notamment les femmes étrangères, sont souvent dans des situations de faiblesse. C'est un article parmi d'autres pour essayer de remédier à la situation.
Voilà la loyauté du raisonnement du Gouvernement. Vous êtes libre d'être contre ce dispositif ou de le trouver inutile. Vous avez voulu des explications ; je vous les ai fournies !
M. Jacques Mahéas. C'est déjà cela !
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.
Mme Marie-Christine Blandin. Nous pensons que les fraudeurs qui, nous le répétons, sont minoritaires, ne seront pas découragés par l'allongement de ce délai à deux années. En revanche, les couples sincères découvriront une précarité prolongée, cette fois-ci matérielle et affective.
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Pourquoi ?
Mme Marie-Christine Blandin. Deux années, messieurs les sénateurs, cela mérite que vous imaginiez le vécu d'incertitude que cela représente pour ceux qui s'aiment.
M. Nicolas Sarkozy, ministre. On peut s'aimer sans être Français. Il n'y a pas besoin d'être Français pour s'aimer !
Mme Marie-Christine Blandin. Imaginez le vécu de suspicion, non admis, non reconnu.
J'en profite pour vous alerter, monsieur le ministre, sur le décalage qui existe entre le discours médiatique et ce qui se passe dans les préfectures. Souvenez-vous du geste d'ouverture de M. Raffarin, au mois de juillet, envers la communauté homosexuelle ; souvenez-vous des circulaires du 19 décembre 2002 et du 7 mai 2003.
Sur le terrain, le climat ne correspond pas aux recommandations que vous avez formulées. La grande majorité des PACS sont sérieux. Des refus autoritaires et injustifiés des préfectures créent des situations inadmissibles et très difficiles à vivre pour les partenaires étrangers.
M. Nicolas About. Il n'y a pas que des PACS sérieux !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Madame Blandin, vous reprenez toujours la même litanie. Selon vous, il n'y a pas de problèmes et, quand il y en a, ils sont tout petits ; il n'y a pas de fraudeurs et quand il y en a, ils sont en tout petit nombre.
Quant au dispositif ici prévu pour lutter contre la fraude, il est évidemment trop grand, trop gros, et ce n'est pas le moment, et ce n'est pas la bonne procédure. Bref, la conclusion, c'est qu'il faut réfléchir et, ne rien faire, et, de ce point de vue, vous êtes d'une constance absolue à laquelle je tiens à rendre hommage !
M. Jacques Mahéas. Ce n'est pas le sujet !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Je voudrais cependant, madame Blandin, vous citer un extrait d'un jugement du tribunal de grande instance de Melun en date du 6 février 2003 prononcé à l'occasion d'une affaire d'acquisition de nationalité et qui m'a particulièrement choqué : « La cohabitation des époux X résulte au demeurant des procès-verbaux sollicités à l'occasion des disputes et des violences conjugales. » (Rires sur les travées de l'UMP.)
C'est extraordinaire : les violences conjugales viennent attester la réalité de la cohabitation ! Voilà la décision d'un tribunal. (Nouveaux rires sur les mêmes travées.)
Madame Blandin, c'est exactement ce que nous ne voulons plus. Ai-je été assez clair ? (Très bien ! et applaudissements sur les mêmes travées.)
M. Christian Cointat. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Jacques Mahéas, pour explication de vote.
M. Jacques Mahéas. J'espère que M. le ministre demandera au procureur de faire appel.
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Le ministre de l'intérieur donne des instructions au parquet, maintenant ?
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Indirectement !
M. Jacques Mahéas. Je ne veux pas insister, mais nous connaissons des précédents...
En ce qui concerne l'amendement n° 196, j'attire votre attention sur les couples de bonne foi. Vous le savez, les voyages à l'étranger, au titre notamment de la coopération, se multiplient et les mariages mixtes sont de plus en plus nombreux. Or c'est la France - et c'est un bien, je le dis comme je le pense - qui compte sans doute parmi les pays de l'Union européenne le plus de mariages mixtes. Quand le couple vient s'établir en France, l'époux étranger souhaite obtenir la nationalité française. Jusqu'à présent, il pouvait effectivement faire la déclaration en ce sens au bout d'un an.
Il faut préciser que la nationalité française est requise dans de nombreux cas. J'ai connu des personnes qui avaient donné toute satisfaction dans des remplacements de courte durée, durant l'été, et qui se trouveront ainsi brimées parce que, ne pouvant pas obtenir la nationalité française, elles ne pourront pas postuler, par exemple, à certains emplois communaux.
Plus grave, un certain nombre d'étudiants extrêmement bien formés, qui ne demandent qu'à passer des concours, quelquefois de haut niveau, seront obligés d'attendre une année supplémentaire pour obtenir la nationalité française. Pour un étudiant, ce sont bien des difficultés en plus.
Donc, monsieur le ministre, vous accroissez les difficultés pour les personnes de bonne foi. Alors, n'allez pas me parler de faciliter l'intégration !
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Il n'y a pas que des gens de bonne foi !
M. Jacques Mahéas. Il n'y a pas qu'eux, mais ils existent !
M. le président. Monsieur Dreyfus-Schmidt, maintenez-vous votre demande de scrutin public ?
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Non, monsieur le président, j'y renonce.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 196.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, contre l'amendement n° 91.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Une commission a été mise en place pour réfléchir à la nationalité ; cette question intéresse quatre ministères.
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Il s'agit d'un groupe de travail et non pas d'une commission !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il est vrai que, lorsque l'on crée une commission, c'est pour enterrer un problème ; là, ce n'est pas le cas du tout, c'est un groupe de travail, qui donc travaille...
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Comme pour la « double peine » !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Nous en prenons acte. Toujours est-il que cet argument a suffi à convaincre notre collègue M. Cointat de retirer son amendement.
Mais que viennent faire ici, alors, ces articles concernant la nationalité française ?
Je relève que la décision de refus de la nationalité française n'a même pas à être motivée. Il n'y a donc vraiment aucune raison de modifier par ce texte ce qui existe à cet égard.
Peut-être le groupe de travail fera-t-il des propositions et aurons-nous à réfléchir sur un nouveau texte concernant la nationalité française. En l'état actuel des choses, il est évident que, lorsque le demandeur ne parle pas suffisamment le français, par exemple, l'Etat a tous les moyens pour refuser la naturalisation sans avoir à fournir un mot d'explication. C'est souvent gênant, d'ailleurs, parce que l'absence de motivation interdit toute mise en cause du bien-fondé des raisons retenues pour refuser la naturalisation.
En tout état de cause, vous n'êtes pas logique, monsieur le ministre, puisque, d'un côté, vous nous dites qu'il ne faut pas toucher à la nationalité parce qu'un groupe de travail réfléchit sur la question, et, de l'autre, vous nous proposez des textes qui, à l'instar de l'amendement n° 91 de la commission, traitent de la naturalisation.
M. Hilaire Flandre. Ce sont deux problèmes différents !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. En fait, c'est un tout autre problème que celui de l'intégration de ceux qui demandent une carte de résident.
Vous réfléchissez, monsieur le ministre, et vous avez raison ; alors, pour que vous puissiez aller au bout de votre réflexion, demandez le retrait de cet amendement n° 91 qui, à cet égard, n'apporte rien !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Monsieur Dreyfus-Schmidt, je continue à vous répondre, mais n'en profitez pas pour allonger les débats ! (Sourires). Quand je ne vous réponds pas, vous demandez des scrutins publics et, quand je vous réponds, il vous arrive de revenir à plusieurs reprises sur le même sujet !
Mais je reviens à la nationalité. Le groupe de travail a abouti aux propositions que le Gouvernement vous présente. (M. Michel Dreyfus-Schmidt s'esclaffe.)
C'est qu'il y a une petite différence entre le gouvernement d'hier et le gouvernement d'aujourd'hui : le gouvernement précédent considérait que, pour réfléchir, il fallait ne pas agir, alors que le gouvernement d'aujourd'hui part de cette idée - bien curieuse, je vous le concède - que l'on peut faire deux choses à la fois : réfléchir et agir ! (Sourires.)
M. Jacques Mahéas. Polémique !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Ce n'est pas de la polémique, c'est un fait. Et puis, la perche tendue par M. Dreyfus-Schmidt était tellement énorme que je n'aurais pas voulu lui faire la peine de ne pas la saisir !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Comment voulez-vous que l'on vous croie !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 91.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 35 A est ainsi rédigé.
Article additionnel après l'article 35 A
M. le président. L'amendement n° 92, présenté par M. Courtois, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Après l'article 35 A, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Au premier alinéa (1°) de l'article 21-4 du code civil, après les mots : "défaut d'assimilation,", sont insérés les mots : "autre que linguistique". »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de coordination.
La modification relative à l'introduction de la connaissance du français comme condition de recevabilité de la déclaration acquisitive de la nationalité française à raison du mariage avec un ressortissant français doit entraîner une modification du premier alinéa de l'article 21-4 du code civil, article qui ne visera plus que l'indignité et le défaut d'assimilation autre que linguistique comme motif d'opposition.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Favorable.
M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Monsieur le ministre, vous aurez remarqué que vos explications n'ont pas entraîné de nouvelles demandes de parole ! (Sourires.)
Puisque cet amendement concerne toujours le même domaine, permettez-moi de vous dire que nous ne vous croyons pas ! C'est à celui qui affirme de prouver. Or vous n'avez pas essayé de prouver que ce qui nous est proposé résultait bien des travaux du groupe de travail. Ce serait d'ailleurs plutôt à la commission des lois, qui est à l'origine de cet amendement, de nous communiquer les éléments émanant de ce groupe de travail.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Non !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 92.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 35 A.
Le 1° de l'article 21-12 du code civil est ainsi rédigé :
« 1° L'enfant qui, depuis au moins cinq ans, est recueilli en France et élevé par une personne de nationalité française ou confié au service de l'aide sociale à l'enfance ; ».
M. le président. Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 197 est présenté par Mme M. André, MM. Dreyfus-Schmidt, Mahéas et Sueur, Mme Blandin et les membres du groupe socialiste et apparenté.
L'amendement n° 289 est présenté par M. Bret, Mmes Borvo, Mathon, Beaudeau, Beaufils et Bidard-Reydet, M. Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud et Le Cam, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar, Mme Terrade et M. Vergès.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
« Supprimer cet article. »
L'amendement n° 93, présenté par M. Courtois, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Dans le texte proposé par cet article pour le 1° de l'article 21-12 du code civil, remplacer les mots : "cinq ans" par les mots : "cinq années" ».
La parole est à M. Jacques Mahéas, pour présenter l'amendement n° 197.
M. Jacques Mahéas. M. le ministre se réclame du pragmatisme et de l'humanité. Nous allons, avec cet amendement de suppression, lui fournir l'occasion de revenir effectivement sur le texte.
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Merci !
M. Jacques Mahéas. Je rappelle que le projet de loi introduit un délai de cinq ans de prise en charge. Nous avons été approchés par des responsables d'associations qui nous ont fait part de cas extrêmement concrets.
L'association Parada, par exemple, s'occupe depuis un certain nombre d'années des mineurs isolés, étrangers, notamment d'origine roumaine, qui sont en danger dans les rues de Paris et de sa région. Ses responsables nous indiquent qu'ils ont porté assistance à environ quatre cents jeunes, principalement roumains, et qu'ils en ont convaincu cent seize de quitter durablement la rue par le biais du retour à l'école, d'une amorce de formation et, pour seize d'entre eux, du retour en Roumaine, dans leur famille ou en institution. Cette association dispose de moyens limités et d'une équipe réduite, mais réalise un excellent travail de rue.
J'ajoute que Parada n'a jamais poussé un jeune à adopter la nationalité française mais que, malheureusement, cette option est parfois l'unique possibilité pour un jeune de poursuivre un travail éducatif ou d'insertion dans la durée, notamment pour envisager une formation professionnelle.
Introduire un délai de cinq ans de prise en charge revient donc purement et simplement à supprimer cette possibilité d'accéder à la nationalité française pour ces mineurs victimes qui, sauf rares exceptions, ont plus de treize ans lors de leur prise en charge.
Cette association, dans la mesure où elle oeuvre sur le terrain, est bien placée pour savoir que l'accession à la nationalité française grâce à une prise en charge de l'aide sociale à l'enfance n'est absolument pas la raison pour laquelle les jeunes dont elle s'occupe arrivent sur le territoire. Les facteurs déterminants sont l'énorme disparité économique qui existe entre la France et les pays d'origine, la difficulté à lutter efficacement contre les réseaux de trafic d'êtres humains - lutte qui nécessite une étroite collaboration entre la police et les associations capables de gagner la confiance des victimes - et l'absence de prévention dans les pays d'origine.
En outre, on ne dispose d'aucune statistique fiable sur cette question.
Pour toutes ces raisons - et je ne voudrais pas que vous en fassiez un enjeu idéologique - je vous demande de revenir de manière pragmatique sur cette partie du projet de loi.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Voilà encore un sujet sur lequel il a été dit beaucoup de choses fausses. Je ne vise pas personnellement M. Mahéas, car lui-même a été actionné par un réseau qui a actionné tout un tas de gens. L'argumentation, on la connaît par coeur, elle a été servie sur tous les tons, comme d'habitude.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. N'employez pas le mot « réseau » !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Je vous ai connu moins sensible, monsieur Dreyfus-Schmidt !
On dit de quelqu'un qu'il a des réseaux ; on l'a même dit de moi, ce qui m'a plutôt flatté. (Sourires.) Honnêtement, ce n'est pas injurieux. Les réseaux sont constitués de gens organisés, assez déterminés et, en l'occurrence, effectivement, on peut parler de réseau.
Monsieur Mahéas, songez qu'un enfant, par exemple algérien, né en France et ayant passé toute son enfance et son adolescence en France, ne sera français qu'à dix-huit ans.
M. Jacques Mahéas. Il n'a pas été confié à la DDASS !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Et un mineur chinois - puisque des problèmes se posent de ce côté-là - qui arrive à quinze ans à Roissy, qui ne parle pas un mot de français, qui n'a jamais passé une minute en France, serait français dans les quinze jours ?
Pour ma part, je veux protéger ces mineurs algériens nés en France qui ne peuvent devenir français qu'à dix-huit ans ou, sous certaines conditions, à seize ans ou à treize ans. Convenez, monsieur Mahéas, qu'il y a là une incohérence !
M. Jacques Mahéas. L'un a un milieu familial, l'autre pas !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Vous parlez de milieu familial. Mais connaissez-vous l'existence de ces filières asiatiques qui font venir sur notre territoire des mineurs isolés ? Une fois que ces mineurs ont obtenu la nationalité française, les parents arrivent et, comme ils deviennent parents d'enfants français, le titre de séjour est de droit !
M. Jacques Mahéas. Mais punissez les filières !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Il ne suffit pas de crier toujours à la répression. La répression n'est pas tout ; ce que je veux, c'est qu'une telle situation prenne fin.
La Haute Assemblée, et notamment le groupe de l'Union centriste, doit être informée de la parfaite incohérence qu'il y a à accorder un avantage à un mineur isolé qui n'a jamais mis les pieds en France. Cela ne veut évidemment pas dire qu'on ne l'accueillera pas ; le Gouvernement souhaite qu'il soit pris en charge. Cette situation pourra durer cinq ans, mais il ne deviendra pas nécessairement français. Il ne perdra aucun de ses droits sociaux et cela permettra de vérifier que l'on ne fait pas venir les parents clandestinement. En outre, des injustices pourront ainsi être évitées. Si le mineur est réellement isolé, il ne l'est pas seulement pour cinq semaines.
Bien entendu, je ne prétends pas que le Gouvernement a raison. Mais je crois qu'après ces explications plus personne ne pourra dire qu'il n'y avait pas une bonne raison d'agir.
M. Jacques Mahéas. Après dix-huit ans, il est majeur. Ce n'est pas pour cela qu'il va devenir français !
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo, pour présenter l'amendement n° 289.
Mme Nicole Borvo. Vos arguments ne sont pas convaincants, monsieur le ministre. Plaçons-nous du côté des enfants plutôt que des parents qui vont profiter de sa situation.
En 1973, la diminution du délai avait pour objet de placer les enfants privés de leurs parents dans des conditions plus favorables à leur intégration dans notre pays en leur donnant un statut protecteur permettant formation, construction d'un projet éducatif et stabilité de vie. En général, ces enfants ont traversé des épreuves difficiles, quelles que soient les intentions de leurs parents, et ils se retrouvent seuls dans un pays étranger. C'est pourquoi je me place de leur côté.
Contrairement à ce que vous avez défendu tout au long de ce débat, c'est le statut qui devrait permettre l'intégration et non l'inverse. Selon qu'il sera français ou étranger, l'enfant ne sera pas traité de la même façon, le second ne pouvant bénéficier que d'une protection provisoire. A la veille de l'examen du projet de loi relatif à l'accueil et à la protection de l'enfance, il serait tout de même indécent d'instituer une maltraitance administrative à l'égard des enfants, au seul motif qu'ils sont étrangers. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Hilaire Flandre. Qu'est-ce que cela veut dire ?
Mme Nicole Borvo. Le Sénat s'honorerait de rejeter une telle disposition. D'ailleurs, nous considérons qu'il faudrait aller plus loin en permettant, comme nous le suggérons au travers de l'amendement n° 288, d'octroyer automatiquement la nationalité française aux pupilles de l'Etat qui ne la possèdent pas.
Le récent colloque organisé en septembre par l'Organisation internationale des migrations sur la traite des mineurs, comme les résultats des descentes de police dans les camps, devraient nous inciter à développer au maximum la protection de ces enfants.
Selon l'adjointe au maire de Paris chargée des affaires sociales, le nombre de mineurs étrangers passés par l'aide sociale à l'enfance a quadruplé en quatre ans dans la capitale. Au lieu de les traiter comme des clandestins, voire des délinquants potentiels, dans un contexte de durcissement des politiques migratoires, il est absolument nécessaire de leur garantir une protection particulière au titre de l'enfance en danger.
M. Nicolas Sarkozy, ministre. C'est ce que l'on propose !
Mme Nicole Borvo. L'octroi de la nationalité par voie de déclaration, sans condition de durée, permettrait de leur donner un statut protecteur.
J'ajouterai à l'adresse de M. le ministre et de M. Cointat que la France a été honorée dans les domaines économique, scientifique, sportif ou culturel grâce à l'obtention de la nationalité française par des enfants étrangers.
M. Robert Bret. On en a des exemples précis !
Mme Nicole Borvo. On se plaît à dire que le Sénat est une assemblée de réflexion. Alors réfléchissons à cette question pour l'avenir !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Madame Borvo, je ne demande pas mieux que de réfléchir, mais convenez qu'il n'est pas très facile d'avoir un débat de réflexion quand les orateurs lisent un papier prérédigé ne tenant pas compte du débat qui nous intéresse ! (Mme Borvo s'exclame.)
Madame Borvo, je ne veux en aucun cas être désagréable avec qui que ce soit. J'essaie de m'adapter au débat, d'apporter des réponses, de replacer les propositions dans un certain contexte. Je ne vous en veux pas d'être très organisée, mais vos papiers ont été rédigés selon une certaine logique avant que le débat ne commence. Ils ne tiennent donc pas compte des arguments que je développe ! (Mme Nicole Borvo et M. Robert Bret protestent.) Je ne vous fais aucun reproche, mais reconnaissez qu'il est très difficile de faire avancer un débat si chacun arrive avec des papiers figés, certain d'avoir raison sur tout et faisant preuve d'une forme d'autisme concernant tous les arguments présentés parce qu'ils émanent soit de l'opposition, soit du Gouvernement !
C'est un sujet suffisamment difficile pour que nous ne nous fassions pas des procès d'intention les uns aux autres ! Il ne s'agit pas d'affamer ni de brimer qui que ce soit ! Il s'agit simplement d'éviter de rendre service à des filières qui utilisent des enfants mineurs.
Rappelez-vous l'horrible affaire de L'Ile-Saint-Denis où une trentaine de mineurs roumains, enlevés à leurs parents, ont été placés dans un véritable campement. Nous avons eu l'occasion d'en parler avec M. Mahéas à maintes reprises.
Alors, de grâce, ne nous donnez pas de leçon sur la générosité de la France et sur l'attitude qu'il faut adopter à l'égard des mineurs ! La France en a plus qu'assez de recevoir des leçons. Elle fait en général plus et mieux que les autres pays. Reconnaissez au moins l'action de notre pays et de nos compatriotes et arrêtez de donner l'image d'une France qui ne serait pas généreuse - cela ne correspond en rien à la réalité - pour le simple plaisir de lire un papier qui a été rédigé sans tenir compte de mes propositions ni de la qualité du débat qui nous a opposés jusqu'à présent. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 93 et pour donner l'avis de la commission sur les amendements n°s 197 et 289.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. L'amendement n° 93 est purement rédactionnel.
Les deux amendements de suppression de l'article concernent un sujet très difficile. Il faut éviter l'écueil qui consisterait à aider les réseaux criminels à faire entrer des enfants en France dans les conditions que vient de décrire M. le ministre.
La commission des lois a donc été partagée et a sollicité l'avis du Gouvernement. M. le ministre nous a fait comprendre qu'il était défavorable à la suppression de cet article.
Je voudrais dire, à titre personnel, que je me rallierai à l'avis du ministre, car il me semble primordial de réussir à arrêter les réseaux criminels dont les activités ont des conséquences particulièrement dramatiques sur les enfants.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Défavorable.
M. le président. La parole est à M. Jacques Mahéas, pour explication de vote sur l'amendement n° 197.
M. Jacques Mahéas. Ne nous faites pas dire ce que nous n'avons pas dit. Nous vous avons toujours soutenu dans votre action contre les filières. La législation ne sera jamais assez sévère pour ceux qui exploitent la misère humaine.
M. Christian Cointat. Prenons des mesures !
M. Jacques Mahéas. Nous avons déjà dit - et je pense avoir été suffisamment explicite sur ce point - que nous admettions une augmentation des peines encourues pour les délits commis par des passeurs. Nous sommes d'accord sur ce point.
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Un homme à la mer !
M. Jacques Mahéas. Revenons un instant aux enfants pris en charge par les services de l'action sanitaire et sociale du département. Le petit Algérien était au moins dans une famille, ce qui n'était pas le cas des Roumains. Mettez-vous à leur place ! La France est pour eux un pays d'accueil. Sauf à retrouver leur famille en Roumanie, ces jeunes resteront en France. Si nous voulons favoriser leur insertion, il ne faut pas les menacer en leur disant qu'ils n'auront jamais la nationalité française.
M. Hilaire Flandre. On ne l'a jamais dit !
M. Jacques Mahéas. En effet, cinq ans, pour un jeune de treize ans, c'est l'éternité ! Si nous voulons inciter ces enfants à quitter la rue pour suivre une formation professionnelle, nous devons faire un pas dans leur direction.
Cela dit, je suis prêt, si M. le ministre l'accepte, à admettre la fixation d'un laps de temps d'observation de ces jeunes, à condition qu'il soit inférieur à cinq ans, ainsi que l'intervention d'associations reconnues ou de la DDASS. Cela ne me paraît pas exagéré, au plan humain, mais n'a évidemment aucun lien avec les profiteurs et les filières que nous condamnons.
M. Hilaire Flandre. Mais vous voulez les faciliter !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Nicolas Sarkozy, ministre. J'ai prévu un délai de cinq ans parce que c'est le délai de droit commun en la matière et que je ne souhaite pas multiplier les seuils, monsieur Mahéas.
Si vous pensez qu'un délai de trois ans permettrait d'obtenir un consensus, le Gouvernement est prêt à l'accepter. Je ne peux pas faire preuve de plus d'ouverture. Nous aurions pu couper la poire en deux et choisir un délai de deux ans et demi (Non ! sur les travées de l'UMP), mais cela n'aurait pas eu de sens.
Sur un sujet aussi sensible, obtenir un quasi-consensus est une étape importante. (M. Michel Dreyfus-Schmidt s'exclame.) Je vous aurais donc gêné à ce point-là ?... Vous faites une ouverture, je m'y engouffre, et vous reculez immédiatement ! (M. Nicolas About rit.) MonsieurDreyfus-Schmidt, laissez M. Mahéas assumer son ouverture !
M. Mahéas, l'orateur du groupe socialiste à qui je m'adressais, me dit qu'il est prêt à faire un pas ; je suggère donc d'abaisser le délai de cinq à trois ans. Le Gouvernement proposera cette solution si la majorité le veut bien.
M. le président. La parole est à M. Nicolas About, pour explication de vote.
M. Nicolas About. Si nous avons retiré l'amendement que nous avions préalablement déposé, c'est parce que nous avons le sentiment qu'il faut offrir une chance à l'enfant qui a déjà subi une maltraitance en étant « exporté » hors de son pays, maltraité ou laissé à l'abandon. Le but inavoué, M. le ministre a eu raison de le dire, est souvent de permettre l'arrivée ultérieure des parents et d'autres étrangers. Instrumentaliser un enfant, telle est la première caractéristique de la maltraitance. Il faut mettre fin à l'utilisation des enfants par des filières.
La proposition qui figure à l'article 35 B est bonne. Mais retenir un délai de cinq ans nous paraît excessif. C'est pourquoi nous avions voulu déposer un amendement de retrait pour revenir à la situation actuelle.
Ayant entendu à l'instant M. le ministre, je pense qu'il a raison et que le délai de trois ans serait adéquat non seulement pour combattre les filières et empêcher que d'autres enfants ne soient maltraités, mais aussi pour permettre à ceux qui sont malheureusement victimes de ces filières de pouvoir être intégrés, dans un délai raisonnable, au sein de la communauté française.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo. Il est toujours très agréable d'être traitée de débile par le ministre !
M. René Garrec, président de la commission des lois. Il n'a pas dit ce mot !
Mme Nicole Borvo. Il est tout à fait normal de travailler les dossiers avant le débat. Cela n'empêche pas d'écouterle débat. S'il s'agit de lutter contre les trafics, écrivez-le noir sur blanc et prévoyez dans un chapitre « trafics » toutes les mesures nécessaires pour s'attaquer aux trafics.
M. Robert Bret. Très bien !
Mme Nicole Borvo. Je me place du point de vue de l'enfant. Je rejoindrai en cela les propos de M. About : quels que soient les motivations ou les objectifs des parents, l'enfant est de toute façon en situation de maltraitance.
Monsieur le ministre, vous devriez lire les romans de Michel Del Castillo - je suis sûre que vous connaissez cet auteur -, cela vous éclairerait sur ce qu'il en est des enfants trimballés, abandonnés dans tel ou tel pays, qui cherchent à trouver un point de chute quelque part.
Nous estimons que le dispositif envisagé aboutit en réalité à ce qu'un enfant qui entre entre France après l'âge de treize ans ne puisse plus, de fait, acquérir la nationalité française.
C'est clair ! Alors pourquoi vouloir allonger le délai ? D'ailleurs, monsieur le ministre, il s'agit d'un ajout de l'Assemblée nationale et non de l'une de vos propositions !
M. Nicolas About. Un ajout pas forcément débile ! (Sourires.)
Mme Nicole Borvo. Peut-être, mais vous n'avez pas besoin de le défendre à cor et à cri. Je ne sais pas si nous allons faire des marchandages sur le délai. Bien évidemment, si on le raccourcit, je serais satisfaite. Mais au moins, écoutez nos arguments.
M. Nicolas About. Il faut protéger les enfants qui ne sont pas encore venus !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Nicolas Sarkozy, ministre. J'ai eu raison de provoquer un peu Mme Borvo, car elle a été formidable ! (Sourires. - Mme Borvo lève les yeux au ciel.) Dégagée de son papier, c'est la vraie présidente du groupe communiste. Nous ne sommes pas débiles non plus, madame Borvo ; nous connaissons aussi Michel Del Castillo. Il nous est même arrivé de lire, car nous savons lire aussi ! (Sourires.)
Et il nous arrive aussi d'être généreux. Nous sommes sensibles autant que vous à la misère et à la détresse des enfants. Nous sommes humiliés autant que vous par cette vision dégradante, mais nous n'avons pas proposé de changement de ce point de vue.
S'agissant d'un enfant qui est recueilli en France par une famille, je propose de maintenir le délai de cinq ans, car c'est le délai de droit commun pour un enfant né en France ou arrivé en France avant. Je crains beaucoup d'avoir une échelle de perroquet.
En revanche, s'agissant d'un enfant qui arrive en France et qui est confié à un service social, et notamment au service de l'ASE, on pourrait porter ce délai à trois ans.
M. Nicolas About. Tout à fait !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Pour le droit commun, il ne s'agit pas de refuser et le délai de trois ans, mais il faut éviter d'avoir des échelles incompréhensibles.
S'il y a un consensus sur cette proposition, je dispose cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Laurent Béteille, pour explication de vote.
M. Laurent Béteille. Je comprends que l'on veuille prendre en compte l'intérêt de l'enfant, et c'est ce que nous faisons. L'intérêt de l'enfant, c'est d'abord d'être confié à des institutions qui s'occupent correctement de lui et l'aident à retrouver une situation acceptable pour s'épanouir. Cela dit, la nationalité française ne constitue pas un élément obligatoire de ce travail éducatif.
M. Jacques Mahéas. C'est tout de même important !
M. Laurent Béteille. En réalité, la mise en oeuvre de cette mesure apparemment généreuse, c'est-à-dire l'octroi immédiat de la nationalité française, a eu des effets absolument désastreux contraires à l'objectif recherché.
En effet, des fraudeurs se sont engagés dans la brèche ouverte par cette mesure : le nombre d'enfants arrachés à leur famille, à leur pays d'origine et arrivés illégalement sur notre territoire a ainsi augmenté dans des proportions considérables.
Monsieur le ministre, des filières, notamment en provenance de Chine, profitent de ce système. Je crois savoir qu'un millier d'enfants ont ainsi été victimes de ce type de filières. Pouvez-vous me le confirmer ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Monsieur le sénateur, pour l'année 2002, 985 enfants sont concernés, si mon souvenir est exact.
M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je voudrais faire une suggestion, que j'ai d'abord soumise à mon ami Jacques Mahéas, puisque vous avez précisé tout à l'heure, monsieur le ministre, que c'est à lui que vous répondiez.
M. Nicolas Sarkozy, ministre. C'est lui qui m'interpellait !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je ne dis pas le contraire, mais j'ai bien le droit de parler à M. Mahéas !
M. Hilaire Flandre. C'est son conseil !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je disais donc à M. Mahéas qu'il serait bon de créer un groupe de travail sur la nationalité, puis je me suis rappelé tout à coup que vous nous aviez indiqué qu'il en existait déjà un. (M. Nicolas About rit.) Cela étant, monsieur le ministre, ne venez pas prétendre que c'est ce groupe de travail qui a formulé la proposition qui nous est présentée ; c'est M. Goasguen.
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Voulez-vous que je vous remette les conclusions du groupe de travail ? Les voici ! (M. le ministre brandit un document.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Très volontiers ! D'ailleurs, si vous nous communiquiez vos pièces avant les débats, mon cher confrère, je n'y verrais aucun inconvénient ! (Rires.)
M. Nicolas About. Ils nous font le coup du barreau !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Que l'on me permette, à cet instant, de donner lecture des deux premiers alinéas de l'article 21-12 du code civil, qui est en vigueur depuis 1993 :
« L'enfant qui a fait l'objet d'une adoption simple par une personne de nationalité française peut, jusqu'à sa majorité, déclarer, dans les conditions prévues aux articles 26 et suivants, qu'il réclame la qualité de Français, pourvu qu'à l'époque de sa déclaration il réside en France.
« Toutefois, l'obligation de résidence est supprimée lorsque l'enfant a été adopté par une personne de nationalité française n'ayant pas sa résidence habituelle en France. »
Par conséquent, monsieur le ministre, ne nous dites pas que les petits Algériens adoptés doivent attendre d'avoir atteint l'âge de dix-huit ans pour réclamer la nationalité française. Le code civil prévoit déjà, nous le savons tous, que la situation est différente en matière d'adoption.
M. Nicolas About. Oui, en matière d'adoption ! Ce n'est pas pareil !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je ne dis pas le contraire ! J'affirme qu'il existe des cas où un enfant peut devenir français sans aucune condition de délai.
M. Nicolas About. Oui !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. J'ajoute que l'on a sans doute considéré que les enfants confiés au service de l'aide sociale à l'enfance ou à un organisme public ou privé présentant les caractères déterminés par un décret en Conseil d'Etat relèvent, dans une certaine mesure, de l'adoption et que, en outre, pour ces enfants, le fait de devenir français faciliterait celle-ci.
Quoi qu'il en soit, il m'apparaît nécessaire de réfléchir encore sur les problèmes liés à la nationalité, sans chercher à les trancher aujourd'hui.
M. René Garrec, président de la commission des lois. Mais si !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Vous ne l'aviez d'ailleurs pas proposé initialement, monsieur le ministre, puisque l'article 35 B a été inséré dans le projet de loi à l'Assemblée nationale, sur l'initiative de M. Goasguen. Certes, tout parlementaire a le droit de déposer des amendements, mais ne nous dites pas que vous êtes pressé d'agir, parce que si vous l'aviez été, vous n'auriez pas manqué d'introduire d'emblée les dispositions adéquates dans le texte. De grâce, supprimons le dispositif présenté ; à défaut, monsieur le ministre, si vous jugez préférable de prévoir d'autres délais que ceux figurant dans la rédaction actuelle de l'article, formulez vos propositions sans attendre un consensus !
A cet égard, l'amendement n° 216 rectifié bis de M. Détraigne, Mmes Payet et Létard, qui a été retiré avant la séance, reflétait des préoccupations identiques aux nôtres. Il conviendrait vraiment de prendre le temps de la réflexion ! Evidemment, la navette aurait pu permettre de maintenir le dispositif en attendant de revenir sur la question lors de la deuxième lecture, mais il n'y aura pas de navette ! Toutefois, puisqu'il existe un groupe de travail sur la nationalité, il serait bon de lui confier le soin de mener une réflexion.
M. Hilaire Flandre. Comme d'habitude, on renvoie à une commission !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est ce que nous avons décidé pour répondre aux interrogations de M. Cointat tout à l'heure !
M. Robert Bret. Oui, mais c'était M. Cointat !
M. Hilaire Flandre. Ce n'était pas le même problème !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ce ne sont pas non plus les mêmes travées !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Comme je l'ai annoncé tout à l'heure, je souhaite déposer un amendement au nom du Gouvernement.
M. le président. L'amendement n° 331, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« Le 1° de l'article 21-12 du code civil est ainsi rédigé :
« 1° L'enfant qui, depuis au moins cinq ans, est recueilli en France et élevé par une personne de nationalité française ou qui, depuis au moins trois ans, est confié au service de l'aide sociale à l'enfance ; ».
La parole est à M. le ministre.
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Je tiens d'abord à prier la Haute Assemblée de bien vouloir m'excuser de déposer un amendement dans ces conditions, mais les aléas du débat l'imposent et cela fait suite à l'interpellation de M. Mahéas.
Dans un souci de consensus, le Gouvernement propose de prévoir un délai de cinq ans pour l'enfant recueilli en France et élevé par un Français et un délai de trois ans pour l'enfant confié au service de l'aide sociale à l'enfance. C'est exactement ce que j'avais annoncé voilà quelques instants.
Par ailleurs, je voudrais remercier M. Dreyfus-Schmidt : c'est au moins la dix-huitième fois en trois jours qu'il propose la constitution d'une commission ou d'un groupe de travail. Avec M. Dreyfus-Schmidt, la réflexion est nourrie, c'est une certitude ! En ce qui concerne l'action, c'est un peu plus calme... (Sourires.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Le groupe de travail existe, vous vous êtes caché derrière lui tout à l'heure !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n°s 197 et 289.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 331 ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. L'amendement n° 331 n'a donc pas pu être soumis à la commission des lois, mais, compte tenu des explications de M. le ministre, j'émets à titre personnel un avis très favorable sur la proposition du Gouvernement, qui permet de répondre aux questions posées.
M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, contre l'amendement.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. En l'état actuel des choses, comme le disait le président Dailly, « on verra après, pour l'instant je suis contre », en particulier parce que l'amendement est incomplet.
En effet, on a oublié de viser, dans sa rédaction, le cas des enfants confiés soit à un organisme public, soit à un organisme privé présentant les caractères déterminés par un décret en Conseil d'Etat. Je ne veux pas croire qu'il puisse s'agir d'une Commission volontaire, mais il me paraît nécessaire de réparer cet oubli.
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Ce cas est déjà prévu au 2° de l'article 21-12 du code civil.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Non !
M. Jacques Mahéas. On l'a supprimé !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Pas du tout !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Cela concerne la formation française.
M. Nicolas Sarkozy, ministre. On ne touche pas au 2° de l'article 21-12 du code civil !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Oui, mais je propose pour ma part de viser les enfants confiés au service de l'aide sociale à l'enfance ou à un organisme public ou un organisme privé présentant les caractères déterminés par un décret en Conseil d'Etat. Les enfants peuvent avoir été confiés à d'autres services que celui de l'aide sociale à l'enfance.
M. le président. La parole est à M. Jacques Mahéas, pour explication de vote.
M. Jacques Mahéas. La remarque formulée par M. Dreyfus-Schmidt correspond à l'esprit qui sous-tend la rédaction actuelle du code civil. Par conséquent, son intervention me semble mériter une réponse. Si le Gouvernement a fait un pas dans la bonne direction, nous ne sommes pas entièrement satisfaits.
En outre, à propos du délai, pourquoi prévoir que l'enfant devra avoir été recueilli depuis « au moins » trois ans ? Il serait à mon sens préférable de retenir la formulation : « depuis trois ans », qui ne me semble pas comporter la nuance restrictive introduite par la rédaction du Gouvernement. (Protestations sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Je soulignerai tout d'abord que le service de l'aide sociale à l'enfance présente l'avantage d'être clairement identifié et reconnu, et dispose des personnels absolument remarquables. A quels autres organismes font allusion les membres du groupe socialiste ? S'agira-t-il de n'importe quelle association ? Les choses pourront évoluer dans l'avenir, mais j'ai souhaité, pour l'heure, viser le service de l'aide sociale à l'enfance.
Par ailleurs, la formule « depuis au moins trois ans » est juridiquement consacrée.
M. Hilaire Flandre. C'est clair !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Cela étant, si les mots : « au moins » vous gênent, monsieur Mahéas, au point de vous retenir de voter l'amendement, je suis prêt à les supprimer. Cependant, ne vous laissez pas troubler par vos voisins, monsieur Mahéas, faites ce dont vous avez envie. (Rires.) Mieux vaut un petit regret qu'un gros remords ! Par conséquent, laissez-vous aller, on ne vous prendra pas pour autant pour un ami de la majorité ! (Nouveaux rires.)
M. Jacques Mahéas. Pas de risque !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Vous avez de la marge, monsieur Mahéas !
M. Hilaire Flandre. Il y a du chemin à faire !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 331.
M. Jacques Mahéas. Le groupe socialiste s'abstient.
M. Hilaire Flandre. Quel courage !
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'amendement n° 93 n'a plus d'objet.
Je mets aux voix l'article 35 B, modifié.
(L'article 35 B est adopté.)
L'article 21-24 du code civil est complété par les mots : « et des responsabilités et avantages conférés par la citoyenneté ».
M. le président. Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 198, présenté par Mme M. André, MM. Dreyfus-Schmidt, Mahéas et Sueur, Mme Blandin et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :
« Supprimer cet article. »
L'amendement n° 94, présenté par M. Courtois, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Dans cet article, remplacer les mots : "et des responsabilités et avantages conférés par la citoyenneté" par les mots : "et des droits et devoirs conférés par la nationalité française". »
La parole est M. Jacques Mahéas, pour présenter l'amendement n° 198.
M. Jacques Mahéas. L'article 35 C a été introduit par l'Assemblée nationale, qui a d'ailleurs bougrement durci le texte ! Vous en êtes certainement conscient, monsieur le ministre !
L'article 35 C tend ainsi à modifier l'article 21-24 du code civil, afin d'exiger des postulants à l'acquisition de la nationalité française par naturalisation une connaissance suffisante des « responsabilités et avantages conférés par la citoyenneté ». C'est fabuleux !
Actuellement, nul ne peut être naturalisé s'il n'a en France sa résidence depuis les cinq années qui précèdent le dépôt de sa demande et s'il n'a pas dix-huit ans. L'article 21-24 du code civil subordonne en outre la naturalisation à la justification « de son assimilation à la communauté française, notamment par une connaissance suffisante, selon sa condition, de la langue française ».
Afin d'apprécier la satisfaction à ces conditions d'assimilation, une enquête est diligentée par les services de police et de gendarmerie, qui procèdent également à un entretien avec le postulant pour constater son degré d'assimilation aux moeurs et usages de la France et sa connaissance de la langue française.
M. Nicolas About. Très bien !
M. Jacques Mahéas. C'est très bien, en effet, je suis entièrement d'accord avec vous, mon cher collègue ! Par conséquent, les dispositions actuelles nous semblent suffisantes, et il ne nous paraît pas utile d'ajouter que les candidats à la naturalisation devront avoir une connaissance suffisante des « responsabilités et avantages conférés par la citoyenneté » ! Les postulants seront-ils interrogés sur le rôle institutionnel du ministère de l'intérieur ou du Sénat ? Seront-ils « recalés » s'ils ne savent pas répondre ?
M. Nicolas Sarkozy, ministre. S'ils ne me connaissent pas, oui ! (Rires.)
M. Hilaire Flandre. Les avantages, ils les connaissent !
Mme Nicole Borvo. Monsieur Flandre, demandez la parole pour nous faire part de votre expérience !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 94 et pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 198.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Notre amendement est un amendement de précision. La rédaction de l'article issue des travaux de l'Assemblée nationale fait explicitement référence au droit canadien et s'écarte ainsi de notre tradition juridique. Sans vouloir trahir notre collègue député Jean-Christophe Lagarde, auteur du texte, je propose que l'étranger demandant sa naturalisation puisse justifier de son assimilation à la communauté française par une connaissance suffisante des droits et devoirs conférés par la nationalité française.
La connaissance de ces critères et le succès de l'évaluation du postulant constitueraient un indice tangible de la volonté d'intégration et de la réalité de l'assimilation de ce dernier.
S'agissant de l'amendement n° 198, la commission des lois ne peut qu'y être défavorable. Son adoption remettrait en cause l'instauration d'un critère de connaissance suffisante des droits et devoirs conférés par la nationalité française, alors qu'il nous paraît nécessaire de prévoir des indices tangibles et susceptibles d'évaluation de la volonté d'intégration et de la réalité de l'assimilation du postulant à la communauté française.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 198 et favorable à l'amendement n° 94.
M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote sur l'amendement n° 198.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il eût été utile que l'on nous rappelât la teneur de l'article 21-24 du code civil, qui a trait lui aussi à l'acquisition de la nationalité française. Vous m'avez tout à l'heure aimablement proposé, monsieur le ministre, et je vous en avais remercié par avance, de me communiquer les conclusions du groupe de travail sur la nationalité. Je les attends encore ! Disposer de ce document m'aurait pourtant été utile.
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Le méritez-vous ? (Sourires.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je redonne lecture de l'article 21-24 du code civil :
« Nul ne peut être naturalisé s'il ne justifie de son assimilation à la communauté française, notamment par une connaissance suffisante, selon sa condition, de la langue française. »
Comme l'a très bien rappelé Jacques Mahéas, à l'heure actuelle, une enquête est diligentée par les renseignements généraux - vous le savez mieux que quiconque, monsieur le ministre - et un rapport est adressé à la préfecture, qui constitue un dossier, lequel est envoyé à Nantes. La réponse peut parfaitement être négative sans être motivée, comme je l'ai indiqué tout à l'heure. Pourquoi changer ce dispositif, et ce à l'occasion de l'examen d'un texte relatif à la maîtrise de l'immigration ? J'aimerais vraiment que vous nous répondiez sur ce point, monsieur le ministre !
Nous souhaitons donc la suppression de l'article 35 C, en particulier parce qu'il vise à ajouter une disposition qui figure déjà dans le code civil. Il s'agit ici d'obtenir un effet d'affichage pur et simple, monsieur le ministre, et de rien d'autre ! Vous voulez faire croire que l'on durcit le dispositif, alors que, dans la pratique, strictement rien ne changera.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Voilà une déclaration très intéressante de votre part, monsieur Dreyfus-Schmidt ! Elle invalide toutes les vaines tentatives visant à présenter le texte du Gouvernement comme gravement attentatoire aux droits de l'homme, puisque, après avoir étudié le projet de loi, vous établissez le constat, pour moi douloureux, que ce dernier n'aura aucune portée. Il ne présente donc aucun risque, et je vous remercie, monsieur Dreyfus-Schmidt, de me décerner un tel brevet « droit-de-l'hommiste » ! Je n'en attendais pas moins de vous !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. J'ai parlé d'un seul article, vous le savez très bien !
M. Claude Estier. Ce n'est pas sérieux !
M. Jacques Mahéas. C'est de l'argutie ! Ce ne sont pas des arguments !
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo. Je voterai l'amendement, car il s'agit, avec cet article, de notions tout à fait floues. Je crois que tout le monde doit respecter les règles de la République.
M. Christian Cointat. Ah, tout de même ! Merci de le reconnaître !
Mme Nicole Borvo. C'est un principe du droit ! Toute personne se trouvant sur le territoire de notre pays doit respecter les règles de la République !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Sauf le droit à l'insurrection contre les lois injustes !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 198.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. Jacques Mahéas. Dommage !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ils « gobent » tout !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 94.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 35 C, modifié.
(L'article 35 C est adopté.)
Il est inséré, après l'article 21-24 du code civil, un article 21-24-1 ainsi rédigé :
« Art. 21-24-1. - Les conditions de connaissance de la langue française ne s'appliquent pas aux réfugiés politiques et aux apatrides résidant régulièrement et habituellement en France depuis quinze ans au moins et âgés de plus de soixante ans sous réserve des dispositions de l'article 21-23. »
M. le président. L'amendement n° 95, présenté par M. Courtois, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit le texte proposé par cet article pour l'article 21-24-1 du code civil :
« Art. 21-24-1. - La condition de connaissance de la langue française ne s'applique pas aux réfugiés politiques et apatrides résidant régulièrement et habituellement en France depuis quinze années au moins et âgés de plus de soixante-dix ans. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Cet amendement apporte des précisions rédactionnelles à un article du code civil créé par l'Assemblée nationale et fixe l'âge minimal pour bénéficier de ces dispositions à soixante-dix ans.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Favorable.
M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, contre l'amendement.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Voilà que nous abordons maintenant le droit d'asile. Franchement, on mélange tout dans ce texte. Qui a dit que ce texte s'appliquait aux réfugiés ? Personne ! Alors, laissons cette question en dehors, nous en reparlerons la semaine prochaine, lorsque nous examinerons le projet de loi relatif au droit d'asile.
M. Robert Bret. Il faut auditionner le ministre des affaires étrangères ! (Sourires.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 95.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 35 D, modifié.
(L'article 35 D est adopté.)
Le dernier alinéa de l'article 21-27 du code civil est complété par les mots : « , ni au condamné ayant bénéficié d'une réhabilitation de plein droit ou d'une réhabilitation judiciaire conformément aux dispositions de l'article 133-12 du code pénal, ou dont la mention de la condamnation a été exclue du bulletin n° 2 du casier judiciaire, conformément aux dispositions des articles 775-1 et 775-2 du code de procédure pénale ». - (Adopté.)
Article additionnel après l'article 35
M. le président. L'amendement n° 288, présenté par M. Bret, Mmes Borvo, Mathon, Beaudeau, Beaufils et Bidard-Reydet, M. Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud et Le Cam, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar, Mme Terrade et M. Vergès, est ainsi libellé :
« Après l'article 35, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Le premier alinéa de l'article L. 224-4 du code de l'action sociale et des familles est complété par les mots : "et acquièrent la nationalité française s'ils ne la possèdent pas". »
La parole est à Mme Nicole Borvo.
Mme Nicole Borvo. J'avais déposé un amendement identique en 1996, à l'occasion de la discussion sur la réforme des procédures d'adoption, et en 2001, lors du débat sur la proposition de loi relative à l'adoption internationale. En 2001, M. About s'en était remis à la sagesse du Sénat, qui, malheureusement, ne l'avait pas suivi ; c'est pourquoi je persévère aujourd'hui.
L'amendement n° 288 vise à octroyer automatiquement la nationalité française aux pupilles de l'Etat. En effet, dans la situation actuelle, il existe une discrimination injustifiée entre les pupilles de l'Etat selon que leur filiation est inconnue, auquel cas ils sont français, ou connue ; s'ils sont de nationalité étrangère, ils ne peuvent alors obtenir la nationalité française que par déclaration, mais ils ne pourront désormais le faire qu'après un délai de trois ans.
Dans la pratique, les quelque six mois pendant lesquels l'enfant conserve sa nationalité d'origine font obstacle à l'adoption, ce qui, vous en conviendrez, peut constituer un réel préjudice. L'objet de cet amendement est de remédier à cette situation.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Cet amendement vise à donner immédiatement la nationalité française aux pupilles de l'Etat. Or, nous venons d'adopter l'amendement n° 331 du Gouvernement, qui prévoit un délai de trois ans pour l'acquisition de la nationalité française par déclaration des enfants recueillis en France et confiés au service de l'aide sociale à l'enfance.
J'émets donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 288.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Dans le premier alinéa de l'article 25-1 du code civil, après le mot : « produits », sont insérés les mots : « antérieurement à l'acquisition de la nationalité française ou ».
M. le président. Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 199, présenté par Mme M. André, MM. Dreyfus-Schmidt, Mahéas et Sueur, Mme Blandin et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :
« Supprimer cet article. »
L'amendement n° 96, présenté par M. Courtois, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit cet article :
« Le premier alinéa de l'article 25-1 du code civil est ainsi rédigé :
« La déchéance n'est encourue que si les faits reprochés à l'intéressé et visés à l'article 25 se sont produits antérieurement à l'acquisition da la nationalité française ou dans le délai de dix ans à compter de la date de cette acquisition. »
La parole est à M. Jacques Mahéas, pour présenter l'amendement n° 199.
M. Jacques Mahéas. L'article 35 bis du projet de loi est encore une disposition introduite par l'Assemblée nationale dont on se demande si elle est utile.
Cet article tend à modifier l'article 25-1 du code civil afin de prévoir la déchéance de la nationalité française des personnes ayant commis des infractions graves antérieurement à l'acquisition de la nationalité française.
Actuellement, nul ne peut acquérir la nationalité française s'il a été condamné pour les crimes ou délits cités à l'article 21-27 du code civil. Parallèlement, les articles 25 et 25-1 de ce même code prévoient que les personnes ayant acquis la nationalité française qui ont été reconnues coupables d'actes qualifiés de crimes ou délits contre les intérêts fondamentaux de la nation, constituant des actes de terrorisme ou réprimés par le chapitre II du titre III du livre IV du code pénal commis dans le délai de dix ans à compter de la date de l'acquisition de la nationalité, peuvent être déchues de la nationalité française.
Les faits antérieurs à l'acquisition de la nationalité ne pourraient être pris en compte alors même que la condamnation serait intervenue postérieurement.
Or l'article 35 bis prévoit la déchéance de la nationalité français e pour les personnes reconnues coupables après l'acquisition de la nationalité française lorsque les faits ont été commis antérieurement à l'acquisition.
Bref, l'Assemblée nationale a encore durci le texte, mais, très franchement, elle a introduit là un article qui ne trouvera à s'appliquer que dans un ou deux cas tout au plus ! Peut-être disposez-vous en la matière de statistiques, mais, a priori, la portée d'une telle mesure paraît très modeste...
M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 96 et donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 199.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. L'amendement n° 96 est rédactionnel.
En ce qui concerne l'amendement n° 199, je ne partage pas du tout le sentiment de notre collègue Jacques Mahéas. Si, effectivement, il concerne peu de personnes, l'article 35 bis concerne tout de même l'acquisition de la nationalité française par des terroristes. On ne peut donc pas le supprimer !
M. René Garrec, président de la commission des lois. Il est incontournable !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 199 et favorable à l'amendement n° 96.
M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote sur l'amendement n° 199.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Les possibilités de déchéance dans les cas graves étaient déjà prévues. Mais, même observation, renvoyons cette question au groupe de travail, car il s'agit toujours de la nationalité. Ce groupe de travail a-t-il une utilité ? Tout cela est quand même incroyable !
M. Christian Cointat. Il est incroyable que vous vous fassiez les défenseurs des terroristes !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il n'y a pas que les terroristes !
M. René Garrec, président de la commission des lois. Mais il y a aussi les terroristes !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je ne défends en rien les terroristes, monsieur Cointat ! J'ai simplement de bonnes raisons de penser qu'en matière de déchéance de la nationalité des abus se produisent facilement !
M. le président. La parole est à M. Jacques Mahéas, pour explication de vote.
M. Jacques Mahéas. On vient d'entendre une phrase vraiment déplaisante !
M. Christian Cointat. Nous, nous en entendons beaucoup !
M. Jacques Mahéas. Bien évidemment, aucun républicain dans cet hémicycle ne soutient quelque acte terroriste que ce soit, et ce que nous venons d'entendre est inconvenant !
M. Christian Cointat. C'est ce que vous proposez qui est inconvenant !
M. Jacques Mahéas. C'est insultant, je vous le dis très nettement. On ne peut tolérer de pareilles paroles !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. C'est une mise au point utile...
M. Jacques Mahéas. J'ose espérer, car d'ordinaire vous êtes plus urbain, que nous pourrons nous expliquer en tête à tête ! (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Une menace !
M. le président. Pas en duel, j'espère !
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. A la « récré » !
M. Jacques Mahéas. De tels propos sont outranciers !
M. Christian Cointat. Vous voulez bloquer toute action pour protéger la France et les Français !
M. Jacques Mahéas. Si le Gouvernement, qui n'a pas proposé cette disposition, reconnaissait qu'il a oublié que nous avons en France une quinzaine de cas mal réglés par le texte initial...
Mme Nicole Borvo. Il y a de nombreux cas mal réglés !
M. Jacques Mahéas. ... bien évidemment, nous reviendrions sur notre opinion. D'ailleurs, nous nous abstiendrons...
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Ah !
M. Hilaire Flandre. Il y a du progrès !
M. Jacques Mahéas. ... et même, si le Gouvernement nous fournissait des explications satisfaisantes, nous, nous serions prêts à retirer cet amendement. (Rires sur les travées de l'UMP.)
Mais convenez que vous avez dépassé les bornes et dit un certain nombre d'inexactitudes !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est le cas, et je demande la parole !
M. le président. Vous aviez déjà expliqué votre vote, monsieur Dreyfus-Schmidt !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est l'article 25 tout entier qui est visé, pas seulement le premièrement ! C'est scandaleux !
M. le président. Je vous en prie, monsieur Dreyfus-Schmidt !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Trop c'est trop !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Reconnaissez-le : on nous ment !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 199.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, contre l'amendement n° 96.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. La rédaction proposée pour le premier alinéa de l'article 25-1 du code civil par cet amendement est la suivante : « La déchéance n'est encourue que si les faits reprochés à l'intéressé et visés à l'article 25 se sont produits antérieurement à l'acquisition de la nationalité ou dans le délai de dix ans à compter de la date de cette acquisition. »
On prétend qu'il s'agit de lutter contre les terroristes. Ce n'est pas vrai, et je vous rappelle les termes de l'article 25 : « L'individu qui a acquis la qualité de Français peut, par décret pris après avis conforme du Conseil d'Etat, être déchu de la nationalité française, sauf si la déchéance a pour résultat de le rendre apatride :
« 1° S'il est condamné pour un acte qualifié de crime ou délit constituant une atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation ou pour un crime ou un délit constituant un acte de terrorisme ;...
M. Nicolas Sarkozy, ministre, et M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Et alors ? C'est bien ce que nous disons !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. « 2° S'il est condamné pour un acte qualifié de crime ou délit prévu et réprimé par le chapitre II du titre III du livre IV du code pénal ;...
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Vous n'allez tout de même pas nous lire tout le code civil ?
M. Michel Dreyfus-Schmidt. « 3° S'il est condamné pour s'être soustrait aux obligations résultant pour lui du code du service national ;...
M. Jean Chérioux. Il n'y a plus de service national !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. « 4° S'il s'est livré au profit d'un Etat étranger à des actes incompatibles avec la qualité de Français et préjudiciables aux intérêts de la France. »
Il n'y a donc pas que le terrorisme qui soit visé !
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Je n'ai jamais dit qu'il n'y avait que le terrorisme !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. M. Cointat était absolument indigné, parce que, selon lui, nous défendions les terroristes, et il était donc nécessaire que j'apporte ces précisions.
M. Jean Chérioux. Cela ne prouve rien !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. J'aurais aimé que M. le rapporteur nous les donne, mais, dans ses explications, il est tellement bref, tellement évasif, tellement allusif...
M. René Garrec, président de la commission des lois. Non, il est concis !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. ... que, bien souvent, on ne sait pas de quoi il s'agit !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Pas de mise en cause personnelle...
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 96.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 35 bis est ainsi rédigé.
Article additionnel après l'article 35 bis
M. le président. L'amendement n° 97, présenté par M. Courtois, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Après l'article 35 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Après le premier alinéa de l'article 26-4 du code civil, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Dans le délai d'un an suivant la date à laquelle il a été effectué, l'enregistrement peut être contesté par le ministère public si les conditions légales ne sont pas satisfaites. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. La modification proposée concerne les cas d'ouverture de l'action du ministère public en contestation de l'enregistrement d'une déclaration.
Cette contestation est actuellement limitée aux cas de mensonge ou de fraude de la part du déclarant. Or, il existe des exemples de déclarations ayant fait l'objet d'un enregistrement et où l'on découvre postérieurement que les conditions légales n'étaient pas remplies, sans toutefois qu'il y ait eu un comportement frauduleux du déclarant.
C'est l'exemple d'une déclaration de mariage enregistrée alors que le conjoint supposé Français ne l'était pas, ou d'une déclaration réservée aux enfants mineurs souscrite par un majeur.
Il apparaît donc souhaitable que, à l'instar des dispositions existant en matière de retrait de décrets de naturalisation, acquisition ou réintégration, puisse être introduite dans l'article 26-4 du code civil une possibilité de contestation de l'enregistrement d'une déclaration par le ministère public lorsqu'il apparaît que les conditions légales de cet enregistrement n'étaient pas remplies. Cette faculté de contestation serait laissée au ministère public pendant le délai d'un an à compter de l'enregistrement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 97.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 35 bis.
L'article 47 du code civil est ainsi rédigé :
« Art. 47. - Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité.
« En cas de doute, l'administration, saisie d'une demande d'établissement, de transcription ou de délivrance d'un acte ou d'un titre, sursoit à la demande et informe l'intéressé qu'il peut, dans un délai de deux mois, saisir le procureur de la République de Nantes pour qu'il soit procédé à la vérification de l'authenticité de l'acte.
« S'il estime sans fondement la demande de vérification qui lui est faite, le procureur de la République en avise l'intéressé et l'administration dans le délai d'un mois.
« S'il partage les doutes de l'administration, le procureur de la République de Nantes fait procéder, dans un délai qui ne peut excéder six mois, renouvelable une fois pour les nécessités de l'enquête, à toutes investigations utiles, notamment en saisissant les autorités consulaires compétentes. Il informe l'intéressé et l'administration du résultat de l'enquête dans les meilleurs délais.
« Au vu des résultats des investigations menées, le procureur de la République peut saisir le tribunal de grande instance de Nantes pour qu'il statue sur la validité de l'acte après avoir, le cas échéant, ordonné toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. » - (Adopté.)
I. - Le deuxième alinéa de l'article 63 du code civil est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés :
« Sans préjudice de l'application des dispositions de l'article 170, l'officier de l'état civil ne pourra procéder à la publication prévue au premier alinéa ni, en cas de dispense de publication, à la célébration du mariage, qu'après :
« - la remise, par chacun des futurs époux, d'un certificat médical datant de moins de deux mois, attestant, à l'exclusion de toute autre indication, que l'intéressé a été examiné en vue du mariage ;
« - l'audition commune des futurs époux, sauf en cas d'impossibilité ou s'il apparaît, au vu des pièces du dossier, que cette audition n'est pas nécessaire au regard de l'article 146. L'officier de l'état civil, s'il l'estime nécessaire, peut également demander à s'entretenir séparément avec l'un ou l'autre des futurs époux. »
II. - Dans le dernier alinéa de l'article 63 du même code, les mots : « de l'alinéa précédent » sont remplacés par les mots : « des alinéas précédents ».
III. - Dans le deuxième alinéa de l'article 169 du même code, le mot : « deuxième » est remplacé par le mot : « troisième ».
IV. - Dans le premier alinéa de l'article L. 2121-1 du code de la santé publique, le mot : « deuxième » est remplacé par le mot : « troisième ».
M. le président. L'amendement n° 200, présenté par Mme M. André, MM. Dreyfus-Schmidt, Mahéas et Sueur, Mme Blandin et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :
« Supprimer cet article. »
La parole est à M. Jacques Mahéas.
M. Jacques Mahéas. Cet amendement a pour objet de supprimer la possibilité donnée à l'officier d'état civil de procéder à l'audition commune des futurs époux, de demander à l'étranger de justifier de la régularité de son séjour et d'informer, en cas de séjour irrégulier, le préfet, possibilité qui suscite notre perplexité.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. La commission émet un avis défavorable.
Supprimer la possibilité pour l'officier d'état civil de procéder à l'audition commune des futurs époux, voire à l'entretien séparé avec l'un ou l'autre avant d'autoriser la publication des bancs, va à l'encontre d'une revendication de nombreux maires désemparés à l'idée de célébrer des mariages forcés et les prive d'un moyen efficace pour éviter des unions qui ignorent les droits des femmes et qui ne sont pas acceptables dans une démocratie. Il faut rappeler que 70 000 jeunes filles sont aujourd'hui concernées par les mariages forcés selon le Haut Conseil à l'intégration.
Je crois pouvoir dire que tous les maires attendent avec impatience cette disposition.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Défavorable.
M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je suppose que cette procédure assez extraordinaire est inspirée de la procédure de séparation de corps ou de divorce, dans laquelle le juge entend les époux séparément.
Ainsi, dans tous les cas, car les étrangers ne sont pas seuls visés, l'officier d'état civil - le maire, un adjoint, ou même, en cas d'empêchement, sur délégation un conseiller municipal - sera chargé de s'entretenir avec chacun des époux.
Les gens vont beaucoup apprécier et on fait jouer aux maires un rôle qui n'est absolument pas le leur !
M. le président. La parole est à M. Jacques Mahéas, pour explication de vote.
M. Jacques Mahéas. Jusqu'à présent, dans notre pays, à partir du moment où deux êtres voulaient s'unir, certes, ce n'était pas comme aux Etats-Unis, mais tout au moins vérifiait-on la régularité de la future union, par exemple, notamment s'ils étaient étrangers, la situation maritale des futurs époux ; bref, il y avait un dossier de mariage.
Dorénavant, on procédera en plus à un interrogatoire en règle, et par là même on vérifiera si les futurs époux sont en situation régulière ou pas. Ainsi, un décalage de quelques jours entre la date du mariage et la date d'expiration de la carte de séjour qui n'aura pas été renouvelée ou renvoyée en temps et en heure par la préfecture devra être signalé au préfet. Cela va donner lieu à des situations extrêmement rocambolesques !
J'estime que les vérifications existantes sont déjà suffisamment nombreuses et qu'il n'y a pas lieu d'en rajouter, de surcroît en en rendant responsables le maire ou ses adjoints. Ce n'est absolument pas leur rôle.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 200.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 35 quater.
(L'article 35 quater est adopté.)
I. - Après le premier alinéa de l'article 170 du code civil, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« Lorsque ce mariage est contracté entre un ressortissant français et un ressortissant étranger, les futurs époux doivent se présenter personnellement au consulat lors de la demande de la publication prescrite par l'article 63 et lors de la délivrance d'un certificat de capacité à mariage du ressortissant français délivré par les agents diplomatiques et consulaires. La présence des deux époux peut également être requise par les agents précités en cas de demande de transcription du mariage par le ressortissant français.
« Toutefois, la présence des époux n'est pas requise lorsque les attributions de l'état civil consulaire sont exercées, à titre exceptionnel, par les services centraux du ministère chargé des affaires étrangères. »
II. - Dans les deuxième et dernier alinéas du même article, les mots : « une étrangère » sont remplacés par les mots : « un étranger ».
M. le président. L'amendement n° 230 rectifié, présenté par M. Cointat et les membres du groupe de l'Union pour un mouvement populaire, est est ainsi libellé :
« Rédiger ainsi le I de cet article :
« I. _ L'article 170 du code civil est complété par l'alinéa suivant :
« Sauf en cas d'impossibilité ou s'il apparaît, au vu des pièces du dossier, que cette audition n'est pas nécessaire au regard de l'article 146, les agents diplomatiques et consulaires doivent, pour l'application du premier et du deuxième alinéas de cet article, procéder à l'audition commune des futurs époux ou des époux selon les cas soit lors de la demande de publication prescrite par l'article 63, soit lors de la délivrance du certificat de mariage, soit en cas de demande de transcription du mariage par le ressortissant français. Les agents diplomatiques et consulaires peuvent demander à s'entretenir, si nécessaire, avec l'un ou l'autre des futurs époux. Ils peuvent également requérir la présence des époux ou des futurs époux à l'occasion de chacune des formalités ci-dessus indiquées. »
La parole est à M. Christian Cointat.
M. Christian Cointat. Je partage tout à fait la volonté du Gouvernement de lutter contre les mariages blancs et les mariages forcés.
Comme nous le savons, pour être efficaces, les mesures en ce domaine doivent nécessairement être adaptées à la situation sur le terrain. Or il se trouve que les 2 millions de Français établis hors de France n'ont pas tous, loin s'en faut, un consulat de France au coin de la rue. Beaucoup habitent à de très grandes distances du lieu où se trouvera la personne qu'ils devront rencontrer en cas de mariage mixte.
Par ailleurs, les zones où les risques de mariages blancs et de mariages forcés existent ne couvrent pas, et de loin, l'ensemble de la planète. Les mariages blancs et les mariages forcés ne concernent finalement qu'une petite partie de l'ensemble des mariages qui sont célébrés.
Il faut également avoir à l'esprit que les jeunes se marient de moins en moins. Je fais partie de ceux qui sont encore attachés à la cérémonie du mariage, au sacrement du mariage.
M. Robert Bret. Ce n'est pas très républicain !
Mme Nicole Borvo. Le sacrement, c'est à l'église !
M. Christian Cointat. Selon moi, il ne faut pas prendre des mesures qui, finalement, reviendraient à empêcher les mariages.
Le texte initial prévoyait trois rencontres avec le consul : pour la publication des bans, pour la délivrance du certificat de capacité à mariage et pour la transcription. L'Assemblée nationale a déjà amélioré le dispositif puisqu'elle a ramené à deux le nombre de présentations obligatoires au consulat. Pour autant, cela ne me semble pas suffisant. Je prends un exemple : un Français habitant à Perth, en Australie, veut épouser une Australienne.Aux termes du texte adopté par l'Assemblée nationale, ce Français devra se rendre deux fois à Sydney, àcinq mille kilomètres de distance, pour y rencontrer le consul, avec son futur conjoint, ou son conjoint quand il s'agit d'une transcription. Qui paiera les voyages ? Qui permettra de dégager le temps nécessaire si les personnes concernées travaillent ?
Cette disposition rend impossibles le mariage et sa transcription. Il faut donc trouver d'autres solutions, d'autant que, dans les pays où les risques sont les plus forts, la gestion de l'état civil relève de Nantes, et non des consulats.
C'est pourquoi la rédaction que je propose vise à donner au Gouvernement les moyens d'agir, mais en le faisant d'une manière qui soit compatible avec la vie de nos concitoyens vivant à l'étranger. Il s'agit tout simplement de préciser que ces rencontres avec le consul sont nécessaires à moins que ce dernier n'estime qu'il n'y a pas motif à se rencontrer. Cela permettra de répondre à l'attente du Gouvernement et à l'attente des Français établis hors de France.
Voilà pourquoi je vous demande, mes chers collègues, de faire preuve de bon sens et de voter cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Cet amendement est particulièrement opportun et permet de prendre en compte la situation de nos compatriotes expatriés.
Aussi, nous émettons un avis favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 230 rectifié.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 36, modifié.
(L'article 36 est adopté.)
L'article 175-2 du code civil est ainsi rédigé :
« Art. 175-2. - Lorsqu'il existe des indices sérieux laissant présumer, le cas échéant au vu de l'audition prévue par l'article 63, que le mariage envisagé est susceptible d'être annulé au titre de l'article 146, l'officier de l'état civil peut saisir le procureur de la République. Il en informe les intéressés. Constitue un indice sérieux le fait, pour un ressortissant étranger, de ne pas justifier de la régularité de son séjour, lorsqu'il y a été invité par l'officier de l'état civil qui doit procéder au mariage. Ce dernier informe immédiatement le préfet ou, à Paris, le préfet de police, de cette situation.
« Le procureur de la République est tenu, dans les quinze jours de sa saisine, soit de laisser procéder au mariage, soit de faire opposition à celui-ci, soit de décider qu'il sera sursis à sa célébration, dans l'attente des résultats de l'enquête à laquelle il fait procéder. Il fait connaître sa décision motivée à l'officier de l'état civil, aux intéressés et, le cas échéant, au préfet ou, à Paris, au préfet de police.
« La durée du sursis décidée par le procureur de la République ne peut excéder un mois renouvelable une fois par décision spécialement motivée.
« A l'expiration du sursis, le procureur de la République fait connaître par une décision motivée à l'officier de l'état civil s'il laisse procéder au mariage ou s'il s'oppose à sa célébration.
« L'un ou l'autre des futurs époux, même mineur, peut contester la décision de sursis ou son renouvellement devant le président du tribunal de grande instance, qui statue dans les dix jours. La décision du président du tribunal de grande instance peut être déférée à la cour d'appel qui statue dans le même délai. »
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 201 est présenté par Mme M. André, MM. Dreyfus-Schmidt, Mahéas et Sueur, Mme Blandin et les membres du groupe socialiste et apparenté.
L'amendement n° 290 est présenté par M. Bret, Mmes Borvo, Mathon, Beaudeau, Beaufils et Bidard-Reydet, M. Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud et Le Cam, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar, Mme Terrade etM. Vergès.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
« Supprimer cet article. »
La parole est à M. Jacques Mahéas, pour défendre l'amendement n° 201.
M. Jacques Mahéas. C'est une logique imparable, vous le savez, mes chers collègues. Par cet amendement, nous nous opposons à l'accroissement des pouvoirs et des tâches des maires en matière de mariages.
M. le président. La parole est à M. Robert Bret, pour présenter l'amendement n° 290.
M. Robert Bret. L'article 37 vise, en effet, à renforcer encore le rôle du maire dans le contrôle des mariages dits de complaisance. Or, vous le savez, il existe déjà un dispositif qui prévoit la possibilité pour l'officier d'état civil chargé de célébrer les mariages de participer à la lutte contre les mariages de complaisance en saisissant le procureur de la République d'une fraude éventuelle.
Lorsque vous évoquez l'inefficacité ou la perfectibilité de ce contrôle préventif des mariages de complaisance, sur quels critères vous fondez-vous, monsieur le ministre ? Estimez-vous qu'il y a trop de mariages mixtes en France, donc forcément trop de mariages de complaisance ? Estimez-vous qu'il n'y a pas assez de mariages annulés ? Sûrement, à en croire le contenu de l'article 37 bis, sur lequel je reviendrai ultérieurement.
En tout état de cause, rien ne nous permet de constater l'insuffisance des garanties données par le dispositif actuel sur le contrôle de la validité des mariages, insuffisance qui justifierait l'instauration d'un autre dispositif.
La disposition que vous nous proposez constitue une entrave à la liberté du mariage, liberté reconnue comme une liberté individuelle de valeur constitutionnelle. De même, elle contrevient aux articles 8, 12 et 14 de la convention européenne des droits de l'homme : respect de la vie privée familiale, interdiction de toute restriction au mariage en raison notamment de l'origine nationale. En effet, cette mesure subordonne, même si c'est de façon indirecte, le droit de se marier à la production d'un titre de séjour. Le maire peut en effet demander au ressortissant étranger qui souhaite se marier avec un Français de justifier de la régularité de son séjour. Le fait de ne pas justifier de la régularité du séjour constituera alors un indice sérieux du défaut de consentement et du caractère frauduleux du mariage. Je ne vois pas en quoi il y aurait nécessairement un lien entre l'absence de titre régulier et l'absence de consentement.
L'article 37 prévoit par ailleurs une audition commune des futurs époux avant la publication des bans, et même un entretien séparé avec l'un ou l'autre des futurs époux.
C'est donc jeter la suspicion sur tous les couples mixtes, et on en dénombre 40 000 par an.
Nous avons eu l'occasion de le dire s'agissant d'autres dispositions relatives aux mariages mixtes qui figurent dans ce projet de loi, tant elles convergent toutes vers le même but : restreindre les mariages mixtes en vue de restreindre les régularisations.
Vous faites semblant de lutter contre les mariages forcés ou sans consentement, mais en réalité vous vous en prenez directement aux étrangers, et là il est question d'inquiéter non pas les réseaux, mais bel et bien les particuliers.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous proposons de supprimer cet article.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Nous ne partageons absolument pas ce point de vue. En effet, à nos yeux, l'article 37 est une disposition essentielle du projet de loi pour renforcer le contrôle des mariages de complaisance. Cet article prévoit que le maire, au vu de l'audition prévue à l'article 35 quater, que nous venons d'ailleurs de voter, pourra fournir au procureur de la République des éléments recueillis constituant des indices sérieux de défaut de consentement des époux - refus du futur conjoint étranger de justifier de la régularité de son séjour, par exemple - et permettant au procureur d'agir avec efficacité pour finalement prendre une décision : soit laisser procéder au mariage, soit y faire opposition, soit décider de surseoir à la célébration.
Cet article nous semble donc particulièrement intéressant. Aussi, la commission émet un avis défavorable sur les amendements n°s 201 et 290.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Défavorable.
M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. La matière est difficile. Certains ont proposé, à l'Assemblée nationale, que l'on dise purement et simplement que quelqu'un qui est en situation irrégulière en France n'a pas le droit de se marier. Ce serait contraire à la Constitution, on n'est donc pas allé jusque-là. Mais on fait à peu près la même chose. Il peut y avoir des problèmes, d'ailleurs nous ne l'avons pas contesté, mais, voilà quelques instants, j'ai tout de même précisé que ce texte risquait d'être appliqué à tout le monde. D'ailleurs, s'il n'en est pas ainsi, c'est gênant aussi.
L'officier d'état civil sera obligé, lorsque les bans auront été publiés, de s'entretenir avec au moins les deux époux - il peut même le faire séparément -, sauf s'il apparaît que ce n'est pas possible, et, surtout, que nous sommes dans le cadre de l'article 146 actuel, c'est-à-dire qu'il y a consentement. En effet, ce que l'on recherche, c'est le défaut réel de consentement. Lorsque l'officier d'état civil verra les bans, et seulement au vu de ceux-ci, il considérera qu'il y a consentement, qu'il n'y a pas consentement, qu'il n'y a peut-être pas consentement, simplement en lisant le nom des gens, leur date de naissance, encore que, si la personne est très âgée il peut y avoir évidemment un problème.
Cette loi risque d'être appliquée à tout le monde. Ce n'est sans doute pas le meilleur moyen de lutter contre la xénophobie que d'imposer à l'ensemble de nos concitoyens un entretien particulier avec l'officier d'état civil pour savoir si le consentement est libre ou s'il ne l'est pas. D'ailleurs, entre bons et vieux Français de souche, il y a des mariages qui sont arrangés ou des mariages d'affaires. Les subodorera-t-on ? Je n'en sais rien. En tout cas, on pourra entendre les uns et les autres.
Aussi j'aurais aimé avoir la confirmation que ce que je viens de dire est rigoureusement exact.
M. le président. La parole est à M. Jean Chérioux.
M. Jean Chérioux. A force de vouloir tout faire pour que les étrangers puissent prendre tous les moyens pour venir en France, à force de vous faire l'apôtre des mariages irréguliers - car c'est ce que vous faites -,...
M. Jacques Mahéas. Mais non !
M. Jean Chérioux. ... vous en arrivez à un point que je ne peux laisser passer : vous jetez un doute sur l'attitude des maires ! Or les maires sont des gens respectables et respectés !
Mme Nicole Borvo. Pas toujours respectables !
M. Jean Chérioux. Ce sont des gens qui n'ont pas des a priori ! Et s'il y a du racisme, ce n'est pas de leur côté. Monsieur Dreyfus-Schmidt, je ne sais pas si vous avez célébré beaucoup de mariages, mais, en tout cas, vous tenez des propos insultants à l'encontre des maires, qui ont été mes collègues pendant trente-six ans ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Très bien !
Mme Nicole Borvo. Les maires ont bien des problèmes !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Nous n'avons pas obtenu de réponse !
M. le président. La parole est à M. Jacques Mahéas, pour explication de vote.
M. Jacques Mahéas. Le groupe socialiste fait des propositions, mais il attend toujours des réponses à ses questions. Aussi, je pose à nouveau ces questions lors des explications de vote, on ne sait jamais...
Monsieur Chérioux, vos propos ne sont pas raisonnables. Selon vous, nous suspecterions les maires de ne pas faire leur travail. Or j'ai dit exactement le contraire !
M. Jean Chérioux. Ce n'est pas ce qu'a dit M. Dreyfus-Schmidt !
M. Jacques Mahéas. J'ai dit lors de la discussion de l'avant-dernier amendement que les maires vérifiaient effectivement les dossiers mais qu'il n'était pas besoin d'en rajouter. Le groupe socialiste fait totalement confiance aux maires.
M. Jean Chérioux. Il y a deux voix discordantes : la vôtre et celle de M. Dreyfus-Schmidt !
M. Jacques Mahéas. Je suis maire depuis 1977 ; des mariages, j'en ai célébré tous les samedis et, très franchement, j'ai confiance en moi. (Sourires.)
M. Hilaire Flandre. C'est surprenant !
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. C'est de l'égocentrisme !
M. Jacques Mahéas. Je considère que les autres maires sont dans le même état d'esprit que moi.
Mme Nicole Borvo. Tous les maires ne sont pas des saints !
M. Robert Bret. Ou des saintes !
M. Jacques Mahéas. Toutefois, certains maires - je ne vais pas citer encore une fois, notamment, celui qui est en ligne de mire dans cette ville ayant une couleur politique particulière...
M. Jean Chérioux. Vous lui faites bien de l'honneur ! Il ne le mérite pas !
M. Jacques Mahéas. Je lui fais peut-être bien de l'honneur, mais j'ai bien des interrogations dans ce domaine. Mes collègues et moi-même avons le droit d'avoir des interrogations dans ce domaine ! Nous n'en disons pas plus, mais nous n'en disons pas moins.
M. le président. La parole est à M. Laurent Béteille, pour explication de vote.
M. Laurent Béteille. Je suis, moi aussi, maire depuis 1977 et je préside une association de maires du département de l'Essonne, qui en comprend 196. Les maires, et les échos qu'ils me font parvenir le confirment, veulent avoir une plus grande possibilité de contrôle sur des mariages arrangés ou forcés. On ne peut nier que ce genre de situations existent (M. Jacques Mahéas s'exclame), que, s'agissant de certains mariages forcés, nous n'avons pas la possibilité de faire un certain nombre de vérifications parce que les délais ne nous sont pas favorables. Contrairement à M. Dreyfus-Schmidt, je pense que l'entretien qui est institué pour permettre à l'officier d'état civil de recevoir, y compris séparément, les futurs époux afin de s'assurer qu'il y a un véritable consentement est une disposition extrêmement utile.
Aujourd'hui, pour vérifier le consentement, on se contente de poser la question rituelle devant toute l'Assemblée, question à laquelle, évidemment, la future épouse dit oui parce qu'elle ne peut pas faire autrement. Dans un entretien individuel, elle pourra peut-être laisser transpirer, même si elle a de grandes craintes pour elle-même, qu'il s'agit effectivement d'une union forcée.
Toutes les mesures qui renforcent la possibilité pour les élus locaux, pour les officiers d'état civil, de contrer ces pratiques insupportables sont bonnes à prendre. A mes yeux, elles vont tout à fait dans le sens de ce que souhaitent les maires pour lutter contre ces mariages. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n°s 201 et 290.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 37.
(L'article 37 est adopté.)
I. - L'article 190-1 du code civil est abrogé.
II. - Dans l'article 170-1 du même code, la référence : « , 190-1 » est supprimée.
M. le président. L'amendement n° 291, présenté par M. Bret, Mmes Borvo, Mathon, Beaudeau, Beaufils et Bidard-Reydet, M. Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud et Le Cam, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar, Mme Terrade et M. Vergès, est ainsi libellé :
« Supprimer cet article. »
La parole est à M. Robert Bret.
M. Robert Bret. Cet article, introduit à l'Assemblée nationale par le rapporteur, M. Thierry Mariani, porte lui aussi atteinte à la liberté du mariage, car il met fin au délai de prescription d'un an pour la demande d'annulation.
L'article 37 s'inscrit donc parfaitement dans la logique de suspicion sur les mariages mixtes, que nous venons de dénoncer. En effet, sous couvert de lutter contre les mariages frauduleux en général, vous vous en prenez clairement et directement aux mariages mixtes.
J'en veux pour preuve le parallèle que le rapport établit entre le délai de prescription prévu à l'article 190-1 du code civil et celui qui figure dans l'article 21 quater de l'ordonnance du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France.
Je rappelle que ce dernier article crée un nouveau délit pour réprimer le fait de contracter ou d'organiser un mariage dans le seul but d'obtenir un titre de séjour, dont le délai de prescription est de cinq ans.
En réalité, en supprimant ce délai butoir d'un an pour demander l'annulation d'un mariage, vous souhaitez vous donner les moyens, y compris juridiques, de pouvoir annuler le plus grand nombre de mariage dits frauduleux, singulièrement ceux qui sont célébrés entre un ressortissant étranger - en règle ou pas d'ailleurs - et un Français ou une Française. Vous ne serez plus gênés par la prescription d'un an. Nous ne vous suivrons pas sur ce terrain et, en conséquence, nous demandons la suppression de cet article.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. La procédure d'annulation du mariage frauduleux, à la demande de l'époux de bonne foi ou du ministère public, dans l'année du mariage, prévue par l'article 190-1 du code civil, a été peu utilisée, celles qui figurent aux articles 146 et 184 du code civil se révélant moins restrictives. Le délai d'un an pour invoquer la nullité s'est par ailleurs révélé trop bref, excluant rapidement toute action en nullité pour fraude à la loi. Il convient donc, comme le prévoit l'article 37 bis, de supprimer l'article 190-1 du code civil, contrairement à ce qui est proposé par cet amendement.
Aussi, la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 291.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 37 bis.
(L'article 37 bis est adopté.)
TITRE III
DISPOSITIONS MODIFIANT LE CODE PÉNAL
ET LE CODE DE PROCÉDURE PÉNALE
I. - Les quatrième à dixième alinéas de l'article 131-30 du code pénal sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :
« L'interdiction du territoire français prononcée en même temps qu'une peine d'emprisonnement ne fait pas obstacle à ce que cette peine fasse l'objet, aux fins de préparation d'une demande en relèvement, de mesures de semi-liberté, de placement à l'extérieur, de placement sous surveillance électronique ou de permissions de sortir. »
II. - Sont insérés, après l'article 131-30 du même code, deux articles 131-30-1 et 131-30-2 ainsi rédigés :
« Art. 131-30-1. - En matière correctionnelle, le tribunal ne peut prononcer l'interdiction du territoire français que par une décision spécialement motivée au regard de la gravité de l'infraction et de la situation personnelle et familiale de l'étranger lorsque est en cause :
« 1° L'étranger, ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil, et ce depuis la naissance de l'enfant ou depuis un an en cas de reconnaissance postérieure à la naissance de l'enfant ;
« 2° Un étranger marié depuis au moins un an avec un conjoint de nationalité française, à condition que ce mariage soit antérieur aux faits ayant entraîné sa condamnation, que la communauté de vie n'ait pas cessé et que le conjoint ait conservé la nationalité française ;
« 3° Un étranger qui justifie par tous moyens qu'il réside habituellement en France depuis plus de quinze ans, sauf s'il a été, pendant toute cette période, titulaire d'une carte de séjour temporaire portant la mention "étudiant" ;
« 4° Un étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de dix ans, sauf s'il a été, pendant toute cette période, titulaire d'une carte de séjour temporaire portant la mention "étudiant" ;
« 5° Un étranger titulaire d'une rente d'accident du travail ou de maladie professionnelle servie par un organisme français et dont le taux d'incapacité permanente est égal ou supérieur à 20 % ;
« 6° Un étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays de renvoi.
« Art. 131-30-2. - La peine d'interdiction du territoire français ne peut être prononcée lorsqu'est en cause :
« 1° Un étranger qui justifie par tous moyens résider en France habituellement depuis qu'il a atteint au plus l'âge de treize ans ;
« 2° Un étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de vingt ans ;
« 3° Un étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de dix ans et qui est marié depuis au moins trois ans avec un ressortissant français ayant conservé la nationalité française, à condition que ce mariage soit antérieur aux faits ayant entraîné sa condamnation, que la communauté de vie n'ait pas cessé et que le conjoint ait conservé la nationalité française, ou, sous les mêmes conditions, avec un ressortissant étranger relevant du 1° ;
« 4° Un étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de dix ans et qui, ne vivant pas en état de polygamie, est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil, et ce depuis la naissance de l'enfant ou depuis un an en cas de reconnaissance postérieure à la naissance de l'enfant.
« Les dispositions prévues au 3° et au 4° ne sont toutefois pas applicables lorsque les faits à l'origine de la condamnation ont été commis à l'encontre du conjoint ou des enfants de l'étranger.
« Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux atteintes aux intérêts fondamentaux de la Nation prévus par les chapitres Ier, II et IV du titre Ier du livre IV et par les articles 413-1 à 413-4, 413-10 et 413-11, ni aux actes de terrorisme prévus par le titre II du livre IV, ni aux infractions en matière de groupes de combat et de mouvements dissous prévues par les articles 431-14 à 431-17, ni aux infractions en matière de fausse monnaie prévues aux articles 442-1 à 442-4. »
III. - La dernière phrase des articles 213-2, 222-48, 414-6, 422-4, 431-19 et 442-12 du même code ainsi que de l'article 78 de la loi n° 98-467 du 17 juin 1998 relative à l'application de la convention du 13 janvier 1993 sur l'interdiction de la mise au point, de la fabrication, du stockage et de l'emploi des armes chimiques et sur leur destruction est supprimée.
M. le président. Sur cet article, je suis saisi de onze amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune. Toutefois, pour la clarté des débats, je les appellerai successivement.
L'amendement n° 292, présenté par M. Bret, Mmes Borvo, Mathon, Beaudeau, Beaufils et Bidard-Reydet, M. Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud et Le Cam, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar, Mme Terrade et M. Vergès, est ainsi libellé :
« Rédiger ainsi cet article :
« Les articles 131-30, 213-2, 221-11, 222-48, 225-21, 311-15, 312-14, 321-11, 322-16, 324-8, 414-6, 422-4, 431-8, 431-12, 431-19, 434-46, 435-5, 441-11, 442-12, 443-7 et 444-8 du code pénal sont abrogés.
« Les articles L. 362-5 et L. 364-9 du code du travail sont abrogés.
« L'article 8-1 de la loi n° 73-548 du 27 juin 1973 relative à l'hébergement collectif, tel que modifié par la loi n° 93-1027 du 24 août 1993 est abrogé.
« Le dernier alinéa de l'article 42-11 de la loi n° 84-610 du 16 juillet 1984 relative à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives est abrogé.
« Le II de l'article 18 de la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995 d'orientation et de programmation relative à la sécurité est abrogé.
« L'article 476-16 du code de la justice militaire est abrogé.
« Le 2° du II de l'article 78 de la loi n° 98-467 du 17 juin 1998 relative à l'application de la Convention du 13 janvier 1993 sur l'interdiction de la mise au point, de la fabrication, du stockage et de l'emploi des armes chimiques et sur leur destruction est abrogé.
« L'article 729-2 du code de procédure pénale est abrogé.
« Le 5° de l'article 23 de la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure est abrogé.
« L'article 6 de la loi du 18 août 1936 portant abrogation de la loi du 12 février 1924 et réprimant les atteintes au crédit de la nation est abrogé. »
La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo. Il s'agit de la reprise d'une proposition de loi que mon groupe et moi-même avions déposée au cours de la précédente législature. Cet amendement vise à supprimer la peine complémentaire d'interdiction du territoire afin d'en finir avec une disposition particulièrement injuste et anachronique de notre droit, qui aboutit à séparer les enfants de leur père, les maris de leur femme, les frères de leurs soeurs, etc. Monsieur le ministre, vous avez le souci de modifier cette situation. Il faut en finir avec une disposition de notre droit pénal qui continue - et Mme Blandin et moi-même avons eu l'occasion de nous exprimer sur ce point - de condamner les étrangers du seul fait qu'ils sont venus d'ailleurs : personne ne pourra dire le contraire !
Comme nous l'avions souligné dans l'exposé des motifs de notre proposition de loi, la peine d'interdiction du territoire contrevient aux principes directeurs de notre droit.
D'abord, elle contrevient au principe d'égalité devant la loi pénale puisqu'elle crée une peine sans lien direct avec l'infraction elle-même dans la mesure où l'interdiction du territoire français est prononcée du seul fait de la nationalité de l'auteur de l'infraction.
Ensuite, elle contrevient au principe de personnalité des peines en excluant toutes les peines alternatives, les mesures d'aménagement de peines et même le droit au travail en prison. Par là même, elle met en question le sens de la peine et sa vocation principale, en attendant celle, hélas ! qu'on oublie de réinsertion sociale.
Enfin, elle met en place une sanction disproportionnée en restaurant la peine de bannissement, dans la mesure où les conditions de son relèvement sont particulièrement restrictives.
En conséquence et compte tenu du fait qu'a été ajouté un article 25 bis à l'ordonnance de 1945, qui permet l'expulsion en cas d'urgence absolue, ou en cas de nécessité impérieuse pour la sûreté de l'Etat ou la sécurité publique, nous pourrions supprimer totalement cette peine de notre droit pénal. L'éloignement de l'étranger ne serait désormais prononcé que sur le fondement d'une mesure administrative, en fonction de critères liés à la sûreté publique.
L'amendement n° 202, présenté par Mme M. André, MM. Dreyfus-Schmidt, Mahéas et Sueur, Mme Blandin et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit cet article :
« I. - Les articles 222-48, 221-11, 431-8, 324-8, 443-7, 444-8, 434-46, 213-2, 322-16, 434-46, 322-16, 312-14, 442-12, 441-11, 213-2, 431-19, 322-16, 431-12, 225-21, 321-11, 222-48 et 311-15 du code pénal sont abrogés.
« II. - Le premier alinéa du paragraphe II de l'article 21 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 est supprimé. »
La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Nous sommes un peu inquiets : si nous avions commencé l'examen de ce texte mardi dernier, le soir, comme c'était prévu, nous aurions largement terminé son examen à midi et demi, et même avant.
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Il ne tenait qu'à vous qu'il en fût ainsi !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Monsieur le ministre, c'est vous qui avez décidé de demander le renvoi de l'examen du texte au lendemain.
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Je n'ai rien demandé, c'est vous qui avez fait de l'obstruction sur le texte présenté par mon collègue Dominique Perben.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. C'est moi qui ai demandé ce report.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ainsi, puisque, comme d'habitude, le rapporteur ne peut rien vous refuser, monsieur le ministre, c'est lui qui l'a demandé ! Cela étant, nous aimerions savoir à quelle sauce nous allons être mangés étant donné qu'à douze heure trente l'examen de ce texte ne sera pas terminé.
Nous avons appris par ailleurs, monsieur le ministre, que vous seriez de l'autre côté de la Méditerranée cet après-midi.
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Je puis emmener certains d'entre vous ! (Sourires.)
M. René Garrec, président de la commission des lois. Excellente idée !
M. Robert Bret. Vous avez une place dans l'avion !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Oui !
M. le président. Monsieur Michel Dreyfus-Schmidt, la suite de la discussion de ce texte aura lieu après les questions d'actualité, cet après-midi.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Mais ce n'est pas possible, monsieur le président, nous devons participer à des groupes de travail sur le droit d'asile !
M. Hilaire Flandre. Il ne fallait pas perdre de temps !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Merci tout de même de nous avoir communiqué cette nouvelle, monsieur le président.
M. le président. Monsieur Dreyfus-Schmidt, il était prévu dans le feuilleton que le débat se poursuivrait après les questions d'actualité.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Le feuilleton, c'est parfois du roman !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Il agace même le président ! Il faut le faire !
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur Dreyfus-Schmidt, je vous prie.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. L'amendement n° 202 est exactement dans le même esprit, sinon dans sa lettre s'agissant des chiffres.
Actuellement, le code pénal prévoit que la peine judiciaire d'interdiction du territoire peut s'appliquer chaque fois qu'elle est prévue, c'est-à-dire dans les cas visés aux articles qui sont indiqués dans le paragraphe I de notre amendement.
Nous avons du mal à nous faire comprendre. Cependant, nous acceptons, M. le ministre étant le plus à même de connaître les situations difficiles, inhumaines qu'entraîne une interdiction du territoire, de nous en remettre à lui, sous réserve, bien évidemment, que la décision soit motivée et que des recours soient possibles devant les juridictions administratives.
Vous nous dites, monsieur le ministre, que beaucoup de gens sont expulsés. Nous ne disons pas le contraire. Mais comme vos prédécesseurs, vous disposez de tous les moyens d'agir.
Vous ne nous avez donc pas entendus et je vais donner lecture d'une déclaration.
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Cela devient de plus en plus pénible !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Vous avez fait des progrès, nous le reconnaissons, notamment, par rapport à l'un de vos prédécesseurs qui, le 29 janvier 1998, devant le Sénat, alors que nous demandions la suppression de la double peine, nous répondait : « Je vais quand même vous répondre sur le fait que vous souhaitez interdire la possibilité d'une interdiction judiciaire du territoire. Il faut garder un certain équilibre entre la présence de l'étranger et le souci de l'ordre public. Je vois passer sur mon bureau, non pas tous les jours, mais souvent, des dossiers concernant des cas dramatiques. Je ne les citerai pas ici pour ne pas déchaîner les passions. Il s'agit de ceux sur lesquels je dois parfois m'interroger au regard des risques de récidive, qui peuvent être sérieux.
« Il ne faut donc pas priver la puissance publique d'une possibilité d'appréciation. En effet, l'expression "double peine", qui est employée couramment, est, selon moi, totalement démagogique et méconnaît foncièrement la distinction entre le citoyen français et l'étranger.
« Or cette distinction existe. Elle est le fondement même de l'organisation internationale. Les hommes se reconnaissent dans leur appartenance nationale, du point de vue politique, pour l'exercice de la souveraineté politique. On n'a pas encore inventé un autre système. »
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Il lit le bottin !
M. le président. Monsieur Dreyfus-Schmidt, vous approchez de la fin de votre temps de parole !
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Oh oui !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je n'irai donc pas plus loin.
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Ah !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je veux simplement préciser qu'hier M. le ministre a ironisé sur le fait que nous n'avions jamais pu convaincre nos amis. En l'occurrence, c'était le groupe socialiste du Sénat qui demandait la suppression de la double peine. Cela veut dire que nous étions libres et nous aimerions que, de temps en temps, on entende dans votre majorité, particulièrement au Sénat d'ailleurs, certains n'être pas d'accord avec vous.
M. le président. L'amendement n° 118, présenté par MM. Béteille, Gélard et les membres du groupe de l'Union pour un mouvement populaire, est ainsi libellé :
« I. - Au début du deuxième alinéa (1°) du texte proposé par le II de cet article pour insérer un article 131-30-1 dans le code pénal remplacer les mots : "L'étranger" par les mots : "Un étranger".
« II. - Après les mots : "code civil" rédiger comme suit la fin du même alinéa : "Lorsque la qualité de père ou de mère d'un enfant français résulte d'une reconnaissance postérieure à sa naissance, la condition de contribution à son entretien et à son éducation doit être satisfaite depuis la naissance de l'enfant ou depuis un an". »
La parole est à M. Laurent Béteille.
M. Laurent Béteille. Le paragraphe I de cet amendement apporte une modification rédactionnelle.
Son paragraphe II apporte une précision déjà proposée dans deux amendements précédents afin de clarifier la condition de contribution à l'entretien et à l'éducation de l'enfant suivant que la reconnaissance de l'enfant a été ou non postérieure à sa naissance.
M. le président. L'amendement n° 203, présenté par Mme M. André, MM. Dreyfus-Schmidt, Mahéas et Sueur, Mme Blandin et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :
« Modifier comme suit le deuxième alinéa (1°) du texte proposé par le II de cet article pour l'article 131-30-1 du code pénal :
« I. - Après les mots : "l'entretien", remplacer le mot : "et" par le mot : "ou". »
« II. - Après les mots : "prévues par l'article 371-2 du code civil", insérer les mots : "sauf dans le cas où il est dans l'impossibilité de travailler". »
La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Cet amendement a déjà été défendu.
M. le président. L'amendement n° 107, présenté par MM. Gélard, Béteille et les membres du groupe de l'Union pour un mouvement populaire, est ainsi libellé :
« Au troisième alinéa (2°) du texte proposé par le II de cet article pour insérer un article 131-30-1 dans le code pénal, remplacer les mots : "un an" par les mots : "deux ans". »
La parole est à M. Laurent Béteille.
M. Laurent Béteille. Cet amendement tend à rectifier la durée nécessaire de mariage pour bénéficier de la protection relative contre les peines complémentaires d'interdiction du territoire.
M. le président. L'amendement n° 204, présenté par Mme M. André, MM. Dreyfus-Schmidt, Mahéas et Sueur, Mme Blandin et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :
« Dans le troisième alinéa (2°) du texte proposé par le II de cet article pour l'article 131-30-2 du code pénal, remplacer le mot : "régulièrement" par le mot : "habituellement". »
La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est un amendement de coordination.
M. le président. L'amendement n° 98, présenté par M. Courtois, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit le 4e alinéa (3°) du texte proposé par le II de cet article pour l'article 131-30-2 du code pénal :
« 3° Un étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de dix ans et qui est marié depuis au moins trois ans avec un ressortissant français ayant conservé la nationalité française, à condition que ce mariage soit antérieur aux faits ayant entraîné sa condamnation et que la communauté de vie n'ait pas cessé ou, sous les mêmes conditions, avec un ressortissant étranger relevant du 1° ; ».
Le sous-amendement n° 220, présenté par M. Béteille et les membres du groupe de l'Union pour un mouvement populaire, est ainsi libellé :
« Dans le texte proposé par l'amendement n° 98, après les mots : "depuis plus de dix ans et qui", insérer les mots : ", ne vivant pas en état de polygamie,". »
Le sous-amendement n° 315, présenté par M. Bret, Mmes Borvo, Mathon, Beaudeau, Beaufils et Bidard-Reydet, M. Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud et Le Cam, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar, Mme Terrade et M. Vergès,est ainsi libellé :
« Compléter le texte proposé par l'amendement n° 98 pour le 3° de l'article 131-30-2 du code pénal par un alinéa ainsi rédigé :
« Un étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire. »
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 98.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Il s'agit d'un amendement rédactionnel.
M. le président. La parole est à M. Laurent Béteille, pour présenter le sous-amendement n° 220.
M. Laurent Béteille. Il s'agit là aussi d'une proposition qui a déjà été faite et qui consiste à préciser que l'étranger ne doit pas vivre en état de polygamie pour bénéficier de la protection prévue par ce texte.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo, pour présenter le sous-amendement n° 315.
Mme Nicole Borvo. Ce sous-amendement s'inscrit dans la lignée des amendements que nous avons déposés aux articles précédents : il vise à protéger contre les mesures de renvoi, ici l'interdiction du territoire français, les étrangers gravement malades.
M. le président. L'amendement n° 205, présenté par Mme M. André, MM. Dreyfus-Schmidt, Mahéas et Sueur, Mme Blandin et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :
« Dans le quatrième alinéa (3°) du texte proposé par le II de cet article pour l'article 131-30-2 du code pénal, remplacer le mot : "régulièrement" par le mot : "habituellement". »
La parole est à M. Jacques Mahéas.
M. Jacques Mahéas. Il est nécessaire de ne pas opposer les termes « irrégulier » et « régulier ». Ce n'est pas la manière dont les étrangers sont entrés sur le territoire qui importe, si je puis dire.
Si des étrangers résident depuis vingt ans en France, il est bien évident qu'on ne peut pas les expulser, même s'ils ont vécu d'une façon irrégulière en France, ce qui est d'ailleurs extrêmement difficile à prouver.
M. le président. L'amendement n° 206, présenté par Mme M. André, MM. Dreyfus-Schmidt, Mahéas et Sueur, Mme Blandin et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :
« Modifier comme suit l'antépénultième alinéa (4°) du texte proposé par le II de cet article pour l'article 131-30-2 du code pénal :
« I. - Après les mots : "l'entretien", remplacer le mot : "et" par le mot : "ou".
« II. - Après les mots : "prévues par l'article 371-2 du code civil", insérer les mots : "sauf dans le cas où il est dans l'impossibilité de travailler". »
La parole est à M. Jacques Mahéas.
M. Jacques Mahéas. C'est un amendement de coordination.
M. le président. L'amendement n° 119, présenté par MM. Béteille, Gélard et les membres du groupe de l'Union pour un mouvement populaire, est ainsi libellé :
« Après les mots : "code civil" rédiger comme suit la fin du cinquième alinéa (4°) du texte proposé par le II de cet article pour insérer un article 131-30-2 dans le code pénal "Lorsque la qualité de père ou de mère d'un enfant français résulte d'une reconnaissance de l'enfant postérieure à sa naissance, la condition de contribution à son entretien et à son éducation doit être satisfaite depuis la naissance de l'enfant ou depuis un an". »
La parole est à M. Béteille.
M. Laurent Béteille. C'est toujours le même problème : il s'agit de clarifier les règles concernant les conditions de contribution à l'entretien et à l'éducation des enfants.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. L'amendement n° 292 vise à supprimer la peine d'interdiction du territoire français pour l'ensemble des infractions pour lesquelles elle est prévue.
Il est évident que la commission, comme pour l'amendement n° 202, ne peut qu'y être défavorable, puisque nous considérons, au contraire, qu'il convient de maintenir l'existence de peines d'interdiction du territoire français tout en prévoyant des protections pour les étrangers ayant les liens les plus étroits avec la France.
La commission a émis un avis favorable sur l'amendement n° 118, qui a un objet identique aux amendements n°s 114 et 115, car il s'agit de clarifier la condition de contribution à l'entretien et à l'éducation de l'enfant reconnu postérieurement à sa naissance. Cet amendement améliore la rédaction du présent article.
Par coordination avec la position exprimée sur les amendements n°s 142 et 160, la commission ne peut qu'être défavorable à l'amendement n° 203.
Avec l'amendement n° 107, qui vise à étendre d'un an à deux ans la durée de mariage nécessaire pour qu'un étranger bénéficie de la protection relative contre les peines d'interdiction du territoire français, il s'agit d'une coordination avec la procédure d'expulsion pour laquelle le projet de loi prévoit déjà un délai de deux ans. La commission a donc émis un avis favorable.
Par coordination avec la position exprimée sur l'amendement n° 107, la commission ne peut qu'être défavorable à l'amendement n° 204.
La commission est favorable au sous-amendement n° 220 puisque la précision apportée est utile et qu'elle figure déjà dans l'ordonnance.
Le sous-amendement n° 315 est un texte de coordination avec l'amendement adopté par le Sénat à l'article 28, qui vise à protéger certains étrangers gravement malades contre les peines d'interdiction du territoire français. Par conséquent, nous y sommes favorables.
Par coordination avec l'amendement n° 167, nous ne pouvons qu'être défavorables à l'amendement n° 205.
Par coordination avec l'avis de la commission sur l'amendement n° 160, nous sommes aussi défavorables à l'amendement n° 206.
Comme la commission a émis tout à l'heure un avis favorable sur les amendements n°s 114, 115 et 118 elle ne peut qu'être favorable à l'amendement n° 119.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Même avis que la commission, y compris pour le sous-amendement n° 315 du groupe CRC, auquel elle est favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 292.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 202.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 118.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 203.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 107.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 204.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 220.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Le groupe socialiste s'abstient.
M. Robert Bret. Le groupe CRC également.
(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 315.
(Le sous-amendement est adopté à l'unanimité.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 98, modifié.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'amendement n° 205 n'a plus d'objet.
La parole est à M. Jacques Mahéas pour explication de vote sur l'amendement n° 206.
M. Jacques Mahéas. Je voudrais attirer votre attention sur un point, monsieur le ministre. Il paraît difficile qu'une personne privée d'emploi et en invalidité puisse subvenir aux besoins réels d'un enfant.
Pourquoi a-t-on ajouté le mot « et », qui introduit une condition supplémentaire, d'autant que le Conseil constitutionnel a clairement indiqué que l'entretien effectif doit être apprécié compte tenu des ressources des parents ?
De plus, en introduisant par là une discrimination sociale, vous êtes en contradiction avec l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme.
Nous serons obligés de le signaler au Conseil constitutionnel. (Exclamations ironiques sur les travées de l'UMP.)
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Nous tremblons !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 206.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 119.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 38, modifié.
(L'article 38 est adopté.)
I. - L'article 132-40 du code pénal est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque la juridiction prononce, à titre de peine complémentaire, la peine d'interdiction du territoire français pour une durée de dix ans au plus, il est sursis à son exécution durant le temps de la mise à l'épreuve prévue au premier alinéa. »
II. - L'article 132-48 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« La mesure d'interdiction du territoire français est exécutoire de plein droit en cas de révocation totale du sursis avec mise à l'épreuve dans les conditions prévues au présent article. » - (Adopté.)
Article 39
Après le sixième alinéa de l'article 41 du code de procédure pénale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« A l'exception des infractions prévues aux articles 19 et 27 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France, en cas de poursuites pour une infraction susceptible d'entraîner à son encontre le prononcé d'une mesure d'interdiction du territoire français d'un étranger qui déclare, avant toute saisine de la juridiction compétente, se trouver dans l'une des situations prévues par les articles 131-30-1 ou 131-30-2 du code pénal, le procureur de la République ne peut prendre aucune réquisition d'interdiction du territoire français s'il n'a préalablement requis, suivant les cas, l'officier de police judiciaire compétent, le service pénitentiaire d'insertion et de probation, le service compétent de la protection judiciaire de la jeunesse, ou toute personne habilitée dans les conditions de l'article 81, sixième alinéa, afin de vérifier le bien-fondé de cette déclaration. » - (Adopté.)
Après la première phrase du huitième alinéa de l'article 78-2 du code de procédure pénale, il est inséré une phrase ainsi rédigée :
« Lorsqu'il existe une section autoroutière démarrant dans la zone mentionnée ci-dessus, le contrôle peut avoir lieu jusqu'au premier péage autoroutier, même si celui-ci se situe au-delà de la ligne des 20 kilomètres, sur la voie ou sur les aires de stationnement, ainsi que sur le lieu de ce premier péage et les aires de stationnement attenantes. »
M. le président. L'amendement n° 99, présenté par M. Courtois, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit cet article :
« Après la première phrase du huitième alinéa de l'article 78-2 du code de procédure pénale, sont insérées deux phrases ainsi rédigées : "Lorsqu'il existe une section autoroutière démarrant dans la zone mentionnée ci-dessus et que le premier péage autoroutier se situe au-delà de la ligne des 20 kilomètres, le contrôle peut en outre avoir lieu jusqu'à ce premier péage sur les aires de stationnement ainsi que sur le lieu de ce péage et les aires de stationnement attenantes. Les péages concernés par cette disposition sont désignés par arrêté". »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de précision tendant à clarifier la rédaction du dispositif initial et à préciser que les péages concernés seront désignés par arrêté.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 99.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 39 bis est ainsi rédigé.
Après le premier alinéa de l'article 380-13 du code de procédure pénale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque l'appelant est maintenu dans un lieu de rétention administrative, l'appel peut être fait au moyen d'une déclaration auprès du chef du centre ou du local de rétention administrative. »
M. le président. L'amendement n° 312, présenté par M. Courtois, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« A. - Compléter in fine cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
« II. - Le deuxième alinéa du même article est ainsi rédigé :
« La déclaration est constatée, datée et signée, selon le cas, par le chef de l'établissement pénitentiaire ou par le chef du centre ou du local de rétention administrative. Elle est également signée par l'appelant ; si celui-ci ne peut signer, il en est fait mention, selon le cas, par le chef de l'établissement pénitentiaire ou par le chef du centre ou du local de rétention administrative. »
« B. - En conséquence, faire précéder le premier alinéa de cet article de la mention : "I". »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de coordination avec la disposition prévue au présent article et issue d'un amendement adopté par l'Assemblée nationale.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 312.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 39 ter, modifié.
(L'article 39 ter est adopté.)
Articles additionnels après l'article 39 ter
M. le président. L'amendement n° 100 rectifié, présenté par M. Courtois, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Après l'article 39 ter, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Après le premier alinéa de l'article 503 du code de procédure pénale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque l'appelant est maintenu dans un lieu de rétention administrative, l'appel peut être fait au moyen d'une déclaration auprès du chef du centre ou du local de rétention administrative. »
« II. - Le deuxième alinéa du même article est ainsi rédigé :
« La déclaration est constatée, datée et signée, selon le cas, par le chef de l'établissement pénitentiaire ou par le chef du centre ou du local de rétention administrative. Elle est également signée par l'appelant ; si celui-ci ne peut signer, il en est fait mention, selon le cas, par le chef de l'établissement pénitentiaire ou par le chef du centre du local de rétention administrative. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Cet amendement a pour objet d'insérer un article additionnel après l'article 39 ter du projet de loi, afin de permettre que, lorsqu'une personne est maintenue dans un lieu de rétention administrative, elle puisse appeler d'un jugement rendu en matière correctionnelle au moyen d'une déclaration faite auprès du chef du centre ou du local de rétention.
Il s'agit d'étendre aux procédures judiciaires relatives à des délits la facilité offerte à l'article 39 ter du présent projet de loi pour les appels de décisions de cours d'assises. En effet, en principe, la déclaration d'appel doit être faite au greffier de la juridiction qui a rendu la décision attaquée.
Cette disposition s'avère d'autant plus nécessaire que l'article 503 du code de procédure pénale prévoit déjà que, lorsque l'appelant est détenu, la déclaration d'appel peut être faite auprès du chef de l'établissement pénitentiaire, de même que pour les cours d'assises.
Le II vise à modifier par coordination le second alinéa du texte actuel de l'article 503 du code de procédure pénale.
M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je sais bien que le but du Gouvernement et de la commission est de faire en sorte que, dans les locaux de rétention ou dans les zones d'attente, on soit logé, nourri, blanchi, enfin blanchi !... noirci plutôt. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
Monsieur le rapporteur, vous nous dites que la disposition proposée est déjà prévue en matière pénitentiaire. Permettez-moi de vous contredire ! En matière pénitentiaire, l'appel peut toujours être fait par un avocat au greffe du tribunal. Or, en l'occurrence, vous ne donnez pas cette possibilité.
En tout cas, je déplore vraiment votre tendance à confondre les centres pénitentiaires avec les locaux de rétention et les zones d'attente !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 100 rectifié.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet le loi, après l'article 39 ter.
L'amendement n° 294, présenté par M. Bret, Mmes Borvo, Mathon, Beaudeau, Beaufils et Bidard-Reydet, M. Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud et Le Cam, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar, Mme Terrade etM. Vergès, est ainsi libellé :
« Après l'article 39 ter, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Lorsqu'un étranger est condamné en première instance à une peine d'interdiction du territoire français à titre principal avec exécution provisoire et que l'éloignement du territoire a lieu avant la date de l'audience en appel, s'il a un avocat désigné, l'éloignement du territoire vaut excuse valable sans aucune modalité supplémentaire nécessaire.
« Si l'étranger n'a pas d'avocat désigné, il doit pouvoir, dans sa requête en appel, demander le bénéfice d'un conseil. L'avocat commis d'office est alors en charge de sa défense et il sera systématiquement compétent pour le représenter, y compris en l'absence de pouvoir spécial. »
La parole est à M. Robert Bret.
M. Robert Bret. Conséquence de l'adoption d'un amendement à l'Assemblée nationale, il est désormais prévu que la personne condamnée à une interdiction du territoire français à titre principal avec exécution provisoire et qui transite par un centre de rétention peut former appel contre la décision de condamnation par une déclaration auprès du chef de centre ou du local de rétention.
Monsieur le ministre, subsiste le problème de la représentation de l'étranger à l'audience au cas où l'interdiction du territoire français a déjà été mise à exécution.
En effet, il résulte des dispositions du code de procédure pénale, et notamment de son article 410, que toute personne passible de deux ans de prison a l'obligation de comparaître à l'audience.
Son avocat ne peut être entendu ni ses conclusions déclarées recevables ; c'est ce qui résulte d'un arrêt de la Cour de cassation du 2 mars 2001, rendu en assemblée plénière. Or, en application de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme sur le droit à procès équitable et à l'assistance d'un défenseur, il est imposé à la juridiction pénale d'entendre l'avocat présent à l'audience pour assurer la défense d'un prévenu non comparant et non excusé.
En conséquence, par le présent amendement, nous proposons d'introduire dans notre législation une modification du code pénal afin de permettre cette représentation de la personne interdite du territoire français et, à ce titre, non présente sur le territoire a fortiori à l'audience.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. La commission est favorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Le Gouvernement est également favorable à cet amendement.
Je veux profiter de ce moment consensuel pour rappeler à la Haute Assemblée qu'elle a déjà adopté à l'unanimité des dispositifs aussi importants que l'institution du fichier des empreintes digitales, la suppression de la double peine, l'amélioration des conditions d'accueil dans les centres de rétention et les locaux pour les avocats, le délit de mariage blanc, la prise en compte de la situation des étudiants.
Sur les 314 amendements qui ont déjà été examinés, 160 ont été adoptés, soit plus de 50 %.
M. Jacques Mahéas. Il y en a un certain nombre qui sont rédactionnels !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Cela montre combien le Gouvernement veut être à l'écoute de la Haute Assemblée.
Une vingtaine de ces amendements, je tiens à le souligner, ont été déposés par le parti socialiste ou par le parti communiste républicain et citoyen.
Voilà ce qu'est la démocratie, ce qu'est la République : savoir écouter, y compris ceux qui ne sont pas d'accord avec vous.
M. Jacques Mahéas. Vous avez encore des progrès à faire !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Monsieur Mahéas, c'est parce que le Gouvernement est bien conscient qu'il a encore des progrès à faire qu'il n'a pas l'intention de partir. Je vous remercie de m'avoir permis de le préciser. (Rires et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 294.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 39 ter.
Le troisième alinéa de l'article 702-1 du code de procédure pénale est complété par deux phrases ainsi rédigées :
« En cas d'interdiction du territoire prononcée à titre de peine complémentaire à une peine d'emprisonnement, la première demande peut toutefois être portée devant la juridiction compétente avant l'expiration du délai de six mois en cas de remise en liberté. La demande doit être déposée au cours de l'exécution de la peine. » - (Adopté.)
Article 41
L'article 729-2 du code de procédure pénale est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Par exception aux dispositions de l'alinéa précédent, le juge de l'application des peines, ou la juridiction régionale de la libération conditionnelle, peut également accorder une libération conditionnelle à un étranger faisant l'objet d'une peine complémentaire d'interdiction du territoire français en ordonnant la suspension de l'exécution de cette peine pendant la durée des mesures d'assistance et de contrôle prévue à l'article 732. A l'issue de cette durée, si la décision de mise en liberté conditionnelle n'a pas été révoquée, l'étranger est relevé de plein droit de la mesure d'interdiction du territoire français. Dans le cas contraire, la mesure redevient exécutoire. » - (Adopté.)
Article additionnel après l'article 41
M. le président. L'amendement n° 120, présenté par M. Carle et les membres du groupe de l'Union pour un mouvement populaire, est ainsi libellé :
« I. - Après l'article 41, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Le premier alinéa de l'article 67 quater du code des douanes est complété par deux phrases ainsi rédigées : "Lorsqu'il existe une section autoroutière démarrant dans la zone mentionnée ci-dessus et que le premier péage autoroutier se situe au-delà de la ligne des vingt kilomètres, la vérification peut en outre avoir lieu jusqu'à ce premier péage sur les aires de stationnement ainsi que sur le lieu de ce péage et les aires de stationnement attenantes. Les péages concernés par cette disposition sont désignés par arrêté." »
« II. - En conséquence, après cet article, insérer une division additionnelle ainsi rédigée :
« Titre...
« Dispositions modifiant le code des douanes. »
La parole est à M. Laurent Béteille.
M. Laurent Béteille. Il s'agit d'apporter, dans le code des douanes, une précision identique à celle qui a été inscrite dans l'article 39 bis du projet de loi pour le code de procédure pénal. Cet amendement vise donc à aménager la définition de la zone des vingt kilomètres pour permettre aux agents des douanes de pratiquer des contrôles au-delà de cette distance, et ce, en fait, jusqu'au premier péage autoroutier.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 120.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 41.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Les gens ne vont plus s'arrêter sur les aires de stationnement !
TITRE IV
DISPOSITIONS DIVERSES
Article additionnel avant l'article 42
M. le président. L'amendement n° 324, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« Avant l'article 42, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Le deuxième alinéa de l'article L. 323-5 du code des ports maritimes est complété par une phrase ainsi rédigée : "En ce qui concerne les transports de marchandises, ils peuvent procéder à des contrôles visant à détecter une présence humaine sans pénétrer eux-mêmes à l'intérieur des véhicules ou de leur chargement." »
La parole est à M. le ministre.
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Vous savez que, sur le port de Calais notamment, en concertation avec M. David Plunckett, ministre de l'intérieur britannique, nous avons fait installer un certain nombre d'appareils très sophistiqués destinés à détecter les clandestins dans les camions. Il s'agit d'établir une base juridique pour que les agents des ports maritimes puissent utiliser ces appareils.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. On ne peut qu'être favorable à cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 324.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, avant l'article 42.
Mes chers collègues, pour la clarté du débat, je vous propose d'interrompre maintenant nos travaux. Nous entamerons l'examen de l'article 42 cet après-midi.
La parole est à M. le ministre.
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Monsieur le président, si le Sénat souhaite examiner maintenant l'article 42, je suis à sa disposition, sinon cet examen se fera sans moi cet après-midi, puisque, comme vous le savez, je serai en Corse pour l'inauguration de la plaque à la mémoire du préfet Erignac.
M. le président. Merci, monsieur le ministre, mais il est temps d'interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures trente, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Serge Vinçon.)
PRÉSIDENCE DE M. SERGE VINÇON
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
QUESTIONS D'ACTUALITÉ
AU GOUVERNEMENT
M. le président. L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.
Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, le président du Sénat, M. Christian Poncelet, ne peut présider cette séance de questions d'actualité, car il est en déplacement officiel en Allemagne, à l'invitation de M. Wolfgang Böhmer, président du Bundesrat.
Je rappelle que l'auteur de la question de même que le ministre pour sa réponse disposent chacun de deux minutes trente.
TRANSFERT DE CHARGE DU RMI/RMA
VERS LES COLLECTIVITÉS LOCALES
M. le président. La parole est à M. Jean-ClaudePeyronnet.
M. Jean-Claude Peyronnet. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre, et je souhaite qu'il veuille bien répondre lui-même.
J'aimerais que vous nous expliquiez, monsieur le Premier ministre, les raisons qui justifient la précipitation avec laquelle vous voulez mettre en application le transfert de compétence du RMI-RMA - le revenu minimum d'insertion et le revenu minimum d'activité - voté par la majorité sénatoriale.
Le problème tient, d'une part, au gonflement inévitable du nombre des allocataires après la conclusion des accords de l'UNEDIC de décembre 2002 sur le plan d'aide au retour à l'emploi, le PARE, et, d'autre part, à votre décision de réduire ou de supprimer, selon les cas, les prestations d'allocation de solidarité spécifique, ou ASS, pour les chômeurs de longue durée.
J'ai bien compris qu'il y avait de l'idéologie là-dedans...
M. Jean-Patrick Courtois. De notre part, certainement pas !
M. René-Pierre Signé. Il n'y a pas que cela !
M. Jean-Claude Peyronnet. ... et que toute votre culture, issue de la contre réforme catholique, vous conduit à penser qu'il n'y a de rédemption que par le travail.
M. Jean-Patrick Courtois. Et c'est vrai !
M. Jean-Claude Peyronnet. Toutefois, si la loi Rocard sur le RMI instaure bien un droit de survie pour tous, celui-ci est tout de même issu de l'aide sociale.
Il est fort dommageable pour la dignité des bénéficiaires que vous préfériez ce type d'allocation charitable à l'allocation issue d'un travail !
J'ai bien compris aussi que faire sortir des bénéficiaires du système d'indemnisation du chômage présentait quelques avantages statistiques d'affichage, dont vous espérez un avantage politique.
J'ai bien compris enfin que l'urgence de confier le versement de l'allocation de RMI aux départements, en limitant la ressource aux 4,9 milliards d'euros que l'Etat y consacre - sans tenir compte du probable milliard supplémentaire qui proviendra des arrivées nouvelles, grâce à un système de vases communicants -, constituait un délestage des charges de l'Etat sur les finances locales, décelable d'ailleurs dans diverses dispositions du projet de loi sur les « responsabilités locales » que nous allons bientôt examiner.
Mesurez tout de même au passage, monsieur le Premier ministre, que les Français sont de moins en moins dupes de ce tour de passe-passe, mais que, hélas ! du coup, ils croient de moins en moins aux vertus de la décentralisation.
Cela étant, au bout du bout, il reste la technique, il reste les faits et l'impossibilité qui en résulte. La loi ne sera finalement votée qu'à la fin de 2003. Que doivent inscrire les départements dans leur budget pour 2004 ? Quand auront-ils une estimation validée des bénéficiaires ? Y aura-t-il compensation des frais de gestion, en particulier des 5 % réclamés par certaines caisses d'allocations familiales qui, pourtant, instruisaient jusque-là les dossiers gratuitement pour l'Etat.
Comment voulez-vous que les ASSEDIC, les caisses d'allocations familiales, vos services déconcentrés, les services des conseils généraux puissent se concerter suffisamment pour éviter une rupture dans les versements.
Monsieur le Premier ministre, cette précipitation est suspecte. Je vous saurais gré de bien vouloir nous rassurer sur vos intentions en différant la date de mise en oeuvre du nouveau dispositif au 1er janvier 2005, au lieu du 1er janvier 2004, entrant ainsi dans le droit commun que vous avez décidé. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Il n'y a là aucune précipitation, monsieur le sénateur, mais la mise en oeuvre méthodique d'un projet gouvernemental qui consiste à donner une nouvelle orientation à la politique de traitement social du chômage afin qu'elle stimule au mieux la croissance.
C'est dans cet esprit que le Sénat a voté la réforme du RMI-RMA, dont l'Assemblée nationale sera saisie dans quelques jours.
Je voudrais, monsieur le sénateur, vous rassurer sur un premier point : aucun transfert de charges ne sera opéré sans l'octroi de ressources équivalentes aux départements - ce qui vaut aussi pour l'application de la réforme de l'allocation spécifique de solidarité - et cela pour une raison très simple, qui ne vous a d'ailleurs pas échappé, à savoir qu'il existe désormais une garantie constitutionnelle qui permet aux collectivités locales d'exiger que l'Etat assume la totalité des transferts de charges qu'il organise au profit des collectivités locales.
M. René-Pierre Signé. On connaît la chanson !
M. François Fillon, ministre. Pour ce qui concerne le RMI, nous allons d'abord nous fonder sur les dépenses effectives de 2003, dont le niveau est très élevé. Compte tenu de la conjoncture, le nombre de bénéficiaires du RMI est, en 2003, un des plus élevés qu'on ait connus depuis la création de cette allocation.
M. Bernard Piras. Encore un signe de la réussite de ce gouvernement !
M. François Fillon, ministre. De ce point de vue, la référence qui sera choisie devrait vous rassurer.
Par ailleurs, du fait de la limitation de la durée de l'ASS, les transferts éventuels devront être pris en compte par l'Etat dans le calcul du transfert de ressources aux départements.
Il n'est pas question pour le Gouvernement de reporter la mise en oeuvre de cette réforme au 1er janvier 2005. Nous avons besoin du revenu minimal d'activité et nous n'allons pas nous priver, en 2004, de cet instrument extrêmement important, qui permettra d'aider les chômeurs de longue durée à revenir vers l'emploi.
Il est vrai que le vote tardif de ce projet de loi à l'Assemblée nationale, le débat sur les retraites ayant débordé dans le temps, va compliquer la tâche des départements. C'est pourquoi M. le Premier ministre et moi-même recherchons une solution pour adapter - mais il ne s'agira que de quelques semaines - le délai de mise en oeuvre de cette réforme. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
INSTALLATION DU HAUT CONSEIL
POUR L'AVENIR DE L'ASSURANCE MALADIE
M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi.
M. Roger Karoutchi. Monsieur le président, ma question s'adresse à M. le Premier ministre et concerne la réforme de l'assurance maladie.
Notre système de santé permet aujourd'hui à l'ensemble de nos concitoyens d'accéder à l'un des niveaux de soins les plus élevés au monde.
M. Raymond Courrière. Cela ne va pas durer !
M. Roger Karoutchi. Grâce à qui ? Grâce à vous ?
Notre système présente l'avantage d'associer à un très haut taux de remboursement une liberté de choix grandement appréciée des usagers.
M. René-Pierre Signé. Eh oui !
M. Roger Karoutchi. Si certains progrès peuvent sans doute y être apportés, que ce soit dans le domaine de la prévention ou de l'accompagnement des patients, il est considéré comme très performant...
M. René-Pierre Signé. Il n'a jamais été malade !
M. Roger Karoutchi. ... ce qui explique l'attachement autant que la confiance que les Français ont en lui.
Monsieur le Premier ministre, si la santé n'a pas de prix, elle a néanmoins un coût, et je ne pense pas que la gauche ait en la matière beaucoup de leçons à donner étant donné qu'elle n'a rien fait pendant cinq ans ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Raymond Courrière. Et la CMU ?
M. Alain Gournac. C'est de l'assistanat !
M. Roger Karoutchi. La France consacre maintenant à la santé près de 10 % de sa richesse nationale. Notre système est aujourd'hui en faillite, avec un déficit de plus de 10 milliards d'euros, et nos concitoyens sont inquiets.
Ils sont inquiets, parce qu'ils ont vu se succéder depuis près de trente ans des plans de réforme qui ne sont jamais parvenus à apporter de solutions durables au déficit récurrent de l'assurance maladie.
M. Raymond Courrière. La réforme Juppé !
M. Roger Karoutchi. Ils sont inquiets, parce qu'ils craignent une réforme comptable limitant des prestations auxquelles ils sont attachés.
Ils sont inquiets, enfin, parce qu'ils ont pris conscience que le « toujours plus » en matière de dépenses avait une fin et qu'il nous fallait assurer aux générations futures une couverture sociale et une offre de soins de qualité.
En fait, ce qui inquiète légitimement les Français, c'est la pérennité d'un système d'assurance maladie...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Un système public !
M. Roger Karoutchi. ... qui offre à tous un égal accès aux soins.
Monsieur le Premier ministre, vous avez installé lundi dernier un Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie. Pouvez-vous d'ores et déjà préciser à la Haute Assemblée ce que vous attendez de l'audit que ce Haut Conseil doit effectuer et dans quelles conditions vous souhaitez qu'il le réalise ?
Pouvez-vous en fait, ici même, rassurer les Français quant à la sauvegarde du régime de l'assurance maladie ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Bernard Piras. Le téléphone fonctionne bien ! (Sourires sur les travées socialistes.)
M. René-Pierre Signé. Il choisit ses interlocuteurs !
M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Monsieur le sénateur, oui, je peux vous rassurer, ainsi que tous les membres de la Haute Assemblée : le Gouvernement est fermement décidé à assurer la pérennité de l'assurance maladie.
Nous sommes attachés à la « sécu » et nous voulons la sauver, car elle est effectivement menacée. Nous le ferons avec détermination mais sans sacrifier le sens de l'écoute. C'est la raison pour laquelle Jean-François Mattei et moi-même avons installé le Haut Conseil pour l'assurance maladie, qui rassemble tous les experts, afin qu'ils puissent établir un diagnostic partagé, à partir duquel nous pourrons dégager les lignes d'une réforme garantissant l'avenir.
Pourquoi faut-il ce diagnostic partagé ? Parce que, depuis plus de dix ans, l'assurance maladie ne s'est jamais trouvée en situation excédentaire (Si ! sur les travées socialistes) et que, d'après les dernières estimations, le déficit pour l'année 2003 sera sans doute de dix milliards d'euros, ce qui est considérable.
M. René-Pierre Signé. La gauche, elle, sait mieux gouverner !
M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Vous pouvez toujours être fiers de vous mais, moi, sur ce sujet très complexe, je reste modeste,...
M. Raymond Courrière. Vous êtes bien obligé de l'être !
M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. ... sachant que, en vingt-cinq ans, dix-sept plans de sauvetage ont été engagés et que, malgré cela, la sécurité sociale n'est toujours pas sauvée.
C'est la raison pour laquelle nous voulons mener une action en profondeur, s'appuyant sur la négociation, sur le dialogue avec l'ensemble des partenaires.
L'état d'esprit dans lequel nous abordons cette action, que je vous demande de ne point caricaturer, peut se résumer ainsi : ni privatisation ni étatisation, mais responsabilisation. En effet, l'ensemble des partenaires doivent se sentir responsables.
La collectivité publique doit faire en sorte que la sécurité sociale reste au coeur de la nation.
M. Raymond Courrière. Tu parles !
M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Car il est essentiel à nos yeux que tous les partenaires soient impliqués : les acteurs de terrain, le monde médical, les caisses d'assurance maladie, les mutuelles,...
M. René-Pierre Signé. Les assurances privées !
M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. ... que j'écoute très attentivement, mais aussi le citoyen.
Ne perdons pas de vue, en effet, que les Français détiennent la « médaille d'or » de la consommation de médicaments. Il faut donc que l'ensemble de la communauté nationale se sente responsable. C'est pourquoi notre démarche est nécessairement collective.
Le Gouvernement est déterminé à engager celle-ci avec humanité, justice, mais aussi efficacité. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
La phase de diagnostic sera donc suivie d'une phase de dialogue, avant que nous n'entrions dans la phase de décision.
Nous prendrons nos responsabilités avant la fin du premier semestre 2004 : nous soumettrons les décisions issues du dialogue et de la négociation, et nous le ferons avec le souci de l'efficacité. Nous le ferons aussi avec le souci de la justice parce que nous savons que la sécurité sociale appartient à toutes les Françaises et à tous les Français. C'est cela que nous voulons sauvegarder et nous le ferons avec la conscience de l'intérêt général.
M. René-Pierre Signé. Personne ne vous croit !
M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Voilà pourquoi il est tout à fait dommageable que, sur de telles questions, certains se laissent aller à caricaturer. Mieux vaudrait, sur ces grands sujets, comme cela se fait en Allemagne, mobiliser toutes les volontés. D'ailleurs, je lance ici un appel solennel à l'opposition : si elle a des idées à proposer sur ces sujets,...
M. Dominique Braye. Cela se saurait !
M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. ... nous y serons très attentifs.
M. Bernard Piras. C'est nouveau !
M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Car notre démarche est républicaine : selon nous, c'est tous ensemble que nous permettrons à notre pays d'assurer la pérennité de l'assurance maladie. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s'adresse à M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
Dans un contexte récessif, comme l'a souligné M. le ministre lui-même, le chômage s'est aggravé et de nombreuses fermetures industrielles se sont succédé cette année.
M. René-Pierre Signé. Et le phénomène va s'amplifiant !
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Ma propre région a connu les plus spectaculaires : Metaleurop, Comilog, Alcatel, Danone... J'arrête là la litanie.
Je voudrais tout d'abord saluer le courage du Gouvernement (Exclamations sur les travées du groupe socialiste),...
Si, si, messieurs !... qui a recherché et soutenu les efforts de tous ceux qui proposaient des solutions économiques, sociales à ces casses industrielles, qui s'est même substitué aux propriétaires défaillants dans la plus spectaculaire d'entre elles : Metaleurop.
En revanche, dans ce contexte social dégradé, je ne m'explique pas les raisons qui l'ont conduit à réduire la durée de l'allocation de solidarité spécifique, indemnité de fin de droits, par un transfert des bénéficiaires vers le RMI. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jacques Mahéas. C'est effectivement incompréhensible !
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Je crois que cette décision est mal comprise et qu'il aurait été prudent d'attendre que votre nouvelle politique de traitement économique du chômage porte ses fruits.
J'en viens à ma question, qui concerne les emplois aidés.
Vous avez, en 2003, réduit le nombre de CES, contrats emploi-solidarité, et de CEC, contrats emplois consolidés, octroyés aux associations et aux collectivités locales : c'est un fait.
Les collectivités locales préparent actuellement leurs budgets dans un contexte difficile, sans connaître exactement la politique que vous allez suivre, d'autant que, comme vous venez de le dire, le RMA entrera en vigueur en 2004 à une date encore inconnue et qu'on ignore bien entendu les modalités de son application.
Que comptez-vous faire, monsieur le ministre, pour 2004 ? Pouvez-vous indiquer quelles articulations vous envisagez entre les différents dispositifs d'insertion - RMA, CES et CEC -, quels quotas vont leur être octroyés et quelles dispositions complémentaires concernant les plafonds de ressources pour les aides sociales vous comptez prendre de manière que, enfin, les travailleurs en insertion ne soient plus pénalisés par rapport aux inactifs ?
M. Jacques Mahéas. Bonnes questions !
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Voilà plusieurs interrogations qui peuvent se résumer en fait à une seule question : face à la montée du chômage, le Gouvernement peut-il se permettre de réduire le traitement social de celui-ci ? (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et sur celles du groupe socialiste.)
M. Bernard Piras. Bravo !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Monsieur le sénateur, en 2004, le Gouvernement consacrera 32 milliards d'euros à la politique de l'emploi. C'est le troisième budget de l'Etat.
Cette politique de l'emploi, c'est vrai, nous avons voulu la réorienter parce que, depuis maintenant près de vingt ans, les recettes qui ont été utilisées par tous les gouvernements, il faut bien le dire, et qui ont consisté à fabriquer de l'emploi public - et, en général, de l'emploi précaire - pour réduire les chiffres du chômage...
M. Bernard Piras. C'est toujours mieux que le chômage !
M. François Fillon, ministre. ... n'ont en rien permis à la France d'améliorer ses performances en la matière par rapport à ses voisins : nous sommes au onzième rang des pays européens malgré la réduction du temps de travail et le recours massif aux emplois aidés.
M. Jacques Mahéas. Ce n'est pas vrai !
M. François Fillon, ministre. Nous avons donc voulu faire porter progressivement l'essentiel de l'effort sur les emplois aidés dans le secteur marchand. Je rappelle que, quand nous sommes arrivés aux affaires, 50 % du budget du travail étaient consacrés aux emplois aidés dans le secteur public.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Quelle horreur !
M. François Fillon, ministre. Dans le budget pour 2004, 60 % des crédits du travail seront consacrés aux emplois aidés dans le secteur marchand. C'est ainsi que nous inscrirons 470 000 contrats aidés pour les jeunes dans le secteur marchand, que nous augmenterons en 2004 de 80 000 le nombre des contrats initiative-emploi, les CIE - ce mécanisme, je vous le rappelle, ramène à l'emploi dans 70 % des cas, contre 30 % seulement pour les CES - et que nous inscrirons quand même 17 000 CES au budget de 2004, à quoi s'ajouteront 11 000 CIVIS, contrats d'insertion dans la vie sociale, qui prendront effet dans les prochaines semaines puisque les décrets sont maintenant parus.
Quant à la réforme de l'ASS, monsieur le sénateur, elle s'inscrit complètement dans l'esprit de cette politique et de la mise en place du revenu minimum d'activité. Il ne s'agit pas de supprimer l'ASS, à laquelle seront encore consacrés en 2004 1,5 milliard d'euros. Il s'agit d'en réduire la durée parce que, quant on est au chômage depuis plus de quatre ans, on n'a pas seulement besoin d'une allocation : on a surtout besion d'un vrai dispositif d'insertion. C'est pour cette raison que nous mettons en place le revenu minimum d'activité.
M. René-Pierre Signé. Il vont nous faire croire qu'ils viennent au secours des chômeurs, maintenant !
M. François Fillon, ministre. Enfin, monsieur le sénateur, l'augmentation du SMIC dans des proportions sans précédent depuis vingt ans et la création du RMA constituent une réponse à votre souci de mieux valoriser les revenus du travail par rapport aux revenus de l'assistance. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
VERSEMENTS COMPENSATOIRES
EN FAVEUR DE L'INDUSTRIE FORESTIÈRE
M. le président. La parole est à M. Yann Gaillard.
M. Yann Gaillard. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Elle porte sur la forêt, et plus précisément sur la forêt communale.
Monsieur le ministre, vous avez lutté sur tous les fronts cet été et nous comprenons que, face à la canicule et aux incendies, votre attention ait été prioritairement attirée par l'agriculture.
Toutefois, je ne vous cacherai pas que le projet de budget pour 2004 nous a douloureusement affectés sur deux points.
D'abord, le manque de réparation de certaines souffrances de l'été dernier a aggravé celles, non encore guéries, de la tempête de 1999 : je pense aux dégâts dans les régénérations et, bien sûr, aux incendies.
Ensuite, que l'on ait retiré 20 millions d'euros du versement compensateur, sujet éminemment sensible, nous fait douter de la parole de l'Etat. Il s'agit du contrat de plan Etat-ONF du 22 octobre 2001, qui va jusqu'en 2006.
C'est ce que ressentiront les 11 000 communes forestières de France, surtout si un texte de loi vient augmenter ou doubler les frais de garderie.
Sur ces deux points, la discussion budgétaire peut-elle nous laisser espérer quelques inflexions ?
Autre déception : deux ans et demi après la loi d'orientation sur la forêt du 9 juillet 2001, il n'y a toujours pas de fonds d'épargne forestière, alors que sa création était prévue au VI de l'article 9 de cette loi.
Bercy aurait des états d'âme...
M. Raymond Courrière. Ils n'ont pas d'âme !
M. Yann Gaillard. ... sur la durée du dépôt initial qui, à notre avis, doit être cohérente avec celle du mandat municipal.
Il s'agit d'une question financièrement très modeste, mais très symptomatique et, si un tel fonds avait existé au moment des chablis, son utilité aurait été évidente.
Monsieur le ministre, même si elle ne figure pas dans l'intitulé de votre ministère - déjà fort long -, la forêt est une noble attribution...
M. Henri de Richemont. Bravo !
M. Yann Gaillard. ... puisqu'elle recouvre le quart du territoire et qu'elle offre son meilleur ressourcement à notre société blessée.
J'ose donc vous demander, en dépit de l'amitié que je vous porte et des difficultés de l'heure, s'il nous faut continuer à espérer. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - M. Michel Dreyfus-Schmidt applaudit également.)
M. René-Pierre Signé. Espérons que la gauche reviendra vite au pouvoir !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Hervé Gaymard, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Monsieur le sénateur, c'est vrai, cette année, la forêt française - et singulièrement la forêt méditerranéenne - a payé un lourd tribut à l'incendie.
M. René-Pierre Signé. Comme les vieux !
M. Hervé Gaymard, ministre. Le ministère de l'intérieur a été sur tous les fronts, le Premier ministre s'est rendu dans le massif des Maures et, avec Roselyne Bachelot, nous préparons un plan de reconstitution écologique et forestière de la forêt française, pour lequel des moyens budgétaires seront mis en place dans la prochaine loi de finances rectificative.
De même, nous prendrons les mesures nécessaires pour traiter les incidences de la sécheresse sur la forêt, qui se voient moins rapidement que sur les productions agricoles mais qui sont bien réelles, notamment sur les jeunes plantations dans le plan chablis et sur les feuillus, on le constate quand on traverse, par exemple, le Centre et l'Est de la France.
L'Etat sera donc présent au rendez-vous pour réparer les conséquences des incendies et de la sécheresse.
S'agissant des communes forestières concernant le versement compensateur, je vous indique que le projet dont vous parlez a été élaboré avant la sécheresse et les incendies de l'été. Mais les dispositions seront prises dans les prochaines semaines afin que ni les communes forestières ni l'Office national des forêts ne subissent un préjudice en 2004. J'en prends l'assurance devant vous aujourd'hui.
M. Robert Bret. On vous le rappellera !
M. Hervé Gaymard, ministre. Nous travaillons actuellement avec le ministre de l'économie et des finances et avec le ministre délégué chargé du budget à l'établissement du plan d'épargne forestière, et je peux vous assurer qu'avant le début de l'année prochaine toutes les questions un peu complexes que vous avez évoquées et qui demeurent en suspens seront réglées.
M. René-Pierre Signé. Nous verrons la suite !
M. Hervé Gaymard, ministre. Oui, la forêt est une grande cause nationale et, quand on s'exprime au sein de la Haute Assemblée sous le regard de Colbert, qui a créé l'Office national des forêts, on ne peut penser autrement ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
MISE EN OEUVRE DE LA RÉFORME DES RETRAITES
M. le président. La parole est à Mme Michelle Demessine.
Mme Michelle Demessine. Ma question s'adresse à M. le ministre des affaires sociales et concerne les décrets d'application de la réforme des retraites.
En effet, des informations alarmantes nous parviennent s'agissant du projet de décret concernant les départs anticipés pour les salariés ayant commencé à travailler entre quatorze et seize ans.
A la lecture de ce projet, force est de constater que le Gouvernement cherche à atteindre son objectif de réduire à la portion congrue le nombre de salariés qui pourront être concernés.
Alors que 800 000 salariés étaient concernés par la proposition de loi initiée par mon collègue Alain Bocquet et déposée par les groupes communistes de l'Assemblée nationale et du Sénat, on peut s'interroger sérieusement s'ils seront encore 150 000 au final si les choses restent en l'état.
Pourtant, cette mesure était présentée comme une avancée majeure dans votre réforme.
M. René-Pierre Signé. Effet d'annonce !
Mme Michelle Demessine. Et maintenant, monsieur le ministre, tel Harpagon, vous calculez soigneusement toutes les soustractions qui excluront encore un nombre important des bénéficiaires qui espèrent aujourd'hui encore en faire partie. En témoignent, d'ailleurs, les milliers de dossiers qui affluent dans les caisses régionales de l'assurance vieilesse.
Ainsi, ne seront pris en compte que les trimestres cotisés et non l'ensemble des trimestres validés, ce qui est pourtant le cas pour le calcul normal des droits à la retraite.
Ainsi seront exclus les périodes de maladie, d'invalidité, de chômage, les mois d'armée au delà d'un an. Et ce n'est pas fini : « cerise sur le gâteau », seront exclus les congés de maternité et les bonifications pour enfants,...
M. René-Pierre Signé. C'est honteux !
Mme Michelle Demessine. ... ce qui, du reste, témoigne de l'intérêt que le Gouvernement porte à la maternité !
A ce rythme, on peut donc légitimement s'interroger sur le nombre de salariés concernés qui pourront réellement partir en retraite anticipée.
M. René-Pierre Signé. Ce ne sera pas brillant !
Mme Michelle Demessine. De plus, nous savons que l'effectivité de ce départ anticipé à la retraite est suspendue à la négociation sur les retraites complémentaires. Et, de ce côté, rien ne permet encore d'être rassuré.
Ce projet de décret, monsieur le ministre, est très révélateur.
Par son contenu, il acte une nouvelle fois un changement de nature du système par répartition, allant de plus en plus vers le tout contributif, s'inscrivant dans une logique assurantielle et, surtout, gommant les valeurs de solidarité.
Monsieur le ministre, devant les protestations émanant en particulier des organisations syndicales, allez-vous reconsidérer ce projet de décret, reconnaître les périodes validées, et donc réintégrer les périodes que je vous ai citées dans le calcul du droit à la retraite anticipée pour les salariés ayant commencé à travailler entre quatorze et seize ans ?
Allez-vous aussi tout mettre en oeuvre pour que cette mesure soit effective rapidement, en incitant notamment le MEDEF (Exclamations sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE) à négocier un accord spécifique dans le cadre de la négociation sur les retraites complémentaires ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Madame le sénateur, la mesure que le Sénat a votée et qui, je vous le confirme, entrera en application au 1er janvier 2004, coûtera à la caisse nationale d'assurance vieillesse un peu plus d'un milliard d'euros.
Les 800 000 personnes qui étaient visées par la proposition de loi de M. Bocquet n'ont évidemment jamais rien coûté à la caisse nationale d'assurance vieillesse, pour la bonne raison que cette proposition de loi, défendue par le groupe communiste depuis très longtemps, est toujours demeurée virtuelle.
Je ne sais pas qui aujourd'hui est Harpagon, mais la vérité, c'est que nous avons engagé une réforme qui représente une avancée sociale importante...
M. René-Pierre Signé. Elle n'est pas financée !
M. François Fillon, ministre. ... même si, naturellement, elle ne va pas aussi loin que le projet que vous aviez défendu. Mais elle est votée et elle va entrer en application, alors que vous avez eu cinq ans pour mettre en oeuvre la vôtre, qui n'a jamais été soutenue par la majorité de l'époque. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Ce sont donc 200 000 personnes, comme je m'y étais engagé lors du débat au Sénat, qui, à partir du 1er janvier, pourront partir en retraite.
Le décret que le Gouvernement prépare et qui sortira avant la fin du mois d'octobre est parfaitement conforme à la loi : ce sont les trimestres cotisés qui sont pris en compte ; de même, la loi a étendu, à la demande du Parlement, les dispositions du décret au service militaire pour une durée de douze mois.
Quant aux gestionnaires des régimes complémentaires, ils sont, vous le savez, en négociation. Ils ont disposé, pour préparer la concertation, de tous les éléments financiers que leur a fournis le Gouvernement, et notamment du projet de décret.
Je suis convaincu que nous parviendrons à un accord sur les régimes complémentaires avant la fin de l'année et, par conséquent, au 1er janvier, ce sont 200 000 Français qui seront en mesure de prendre une retraite anticipée bien méritée. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Robert Bret. Et les congés maternité ?
FAILLITE CIVILE ET REDRESSEMENT
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Poirier.
M. Jean-Marie Poirier. Ma question s'adresse à M. le garde des sceaux.
Depuis le second trimestre de 2001, les procédures collectives ont connu dans notre pays une hausse que l'on peut qualifier de vertigineuse. La région d'Ile-de-France en détient le triste record, avec une augmentation des faillites de 27 % en 2002.
Les premières victimes sont les PME. Pour les artisans, quelques factures impayées conduisent rapidement à la faillite. Dans le Val-de-Marne, un artisan sur cinq est actuellement soumis à une procédure collective.
Cette situation catastrophique sur les plans économique, social et humain montre l'urgence de la nécessaire réforme de la loi de 1985, votée dans un contexte particulier, celui des nationalisations.
Le redressement judiciaire n'est en effet actuellement possible qu'après la cessation de paiement. On attend que le chef d'entreprise soit étranglé par les dettes pour agir ! Dans 90 % des cas, le redressement judiciaire se solde par la liquidation de l'entreprise.
Il est urgent de mettre fin à l'opprobre du dépôt de bilan.
De nombreux Etats européens, comme la Belgique, ont récemment légiféré pour opérer un traitement en amont des difficultés et ont ouvert plus largement les procédures de conciliation et de règlement amiable.
Ces Etats ont pris exemple sur le « chapitre 11 » du droit américain, qui a largement contribué au redressement de l'économie américaine. Dans ces Etats, la faillite n'est plus stigmatisée et le redressement est devenu un acte viable de gestion.
En France, le précédent gouvernement n'a pas jugé utile de répondre aux appels pressants non seulement des entreprises mais aussi des juges, qui voient s'amonceler les dossiers sur leur bureau.
Je citerai deux chiffres pour illustrer mon propos : 185 000 dossiers sont actuellement en cours d'examen ; 4 500 dossiers sont encore en cours d'examen après vingt ans de procédure !
Monsieur le garde des sceaux, en juillet dernier, vous avez été habilité par le Parlement à simplifier le droit des sociétés par ordonnance, notamment s'agissant des procédures de liquidation, particulièrement longues, complexes et quelque peu opaques.
Dimanche dernier, vous avez annoncé le lancement d'une grande concertation sur un avant-projet de réforme des faillites.
Aujourd'hui, pouvez-vous nous indiquer quelles mesures vous envisagez de prendre afin d'anticiper les difficultés des entreprises, de favoriser les procédures amiables et, ainsi, de permettre la sauvegarde des entreprises, et donc de l'emploi ? Plus particulièrement, je souhaite que vous nous disiez ce qu'il en est du projet d'ordonnance sur la simplification du droit des sociétés.
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur, vous avez raison de stigmatiser l'inadaptation de la loi de 1985 à la conjoncture économique actuelle. Nous assistons, en effet, à un véritable gâchis dans la mesure où, comme vous l'avez vous-même rappelé, 90 % des entreprises qui font l'objet d'un redressement judiciaire finissent en liquidation, ce qui montre qu'il y a une perte de capacité de redressement.
Dans ces conditions, le texte que vous avez évoqué et sur lequel la concertation a été ouverte pourra, après le travail interministériel indispensable, déboucher sur un projet de loi au tout début de l'année 2004.
Il s'agit tout d'abord de permettre au chef d'entreprise d'anticiper sur les réalités afin de sauver des emplois, ce qui est bien l'objet de la démarche. Comment anticiper ? Soit par la mise en place d'un accord amiable avec les créanciers - qui serait, bien sûr, validé par le tribunal -, soit par une procédure de redressement judiciaire anticipée avant la cessation de paiement, comme vous le souhaitez dans votre question.
Ces deux éléments nous permettront, j'en suis convaincu, de procéder à un redressement anticipé de la situation avant qu'il ne soit trop tard, c'est-à-dire, en fait, avant la cessation de paiement.
Le troisième élément de l'avant-projet a trait à la simplification des procédures en cas de liquidation. En effet, 90 % des entreprises qui font l'objet d'une liquidation sont des PME. Or le temps moyen de liquidation est de quatre ans, et l'on passe ce temps à vérifier un certain nombre de créances en sachant très bien que cela ne débouchera sur rien. Nous prévoyons donc une liquidation simplifiée sur un an maximum, ce qui permettra de régler, pour l'essentiel, le cas des petites entreprises.
Le quatrième élément consiste à faire la part entre les patrons qui ont, en effet, commis des irrégularités et le très grand nombre de responsables, de PME en particulier, qui, en réalité, se sont trouvés devant des difficultés incontournables et à qui il faut donner la possibilité d'une deuxième chance sur le plan économique.
Le cinquième élément vise à introduire les professions libérales dans les dispositifs de procédures collectives, car de plus en plus souvent des personnes exerçant une profession libérale se trouvent dans une situation financière et économique extrêmement difficile. Or, aujourd'hui, nous n'avons pas de réponse à leur offrir.
J'en viens à la seconde partie de votre question, qui concerne les ordonnances de simplification.
Dans le cadre de la loi d'habilitation, nous allons effectivement pouvoir procéder à un certain nombre de simplifications du droit des affaires, par exemple en simplifiant et en modernisant le droit des SARL ou le droit des valeurs mobilières pour faire en sorte que la place de Paris ait la même flexibilité et la même capacité d'adaptation au marché financier international que ses grandes concurrentes.
Ces réformes figureront dans les prochaines ordonnances prises dans le cadre de la loi d'habilitation que vous avez votée. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
INTERCONNEXION DES LIGNES FERROVIAIRES
M. le président. La parole est à M. Bernard Joly.
M. Bernard Joly. Ma question s'adresse à M. le secrétaire d'Etat aux transports.
Monsieur le secrétaire d'Etat, le développement du transport ferroviaire français a été depuis longtemps mené sous l'emblème du TGV. Nous avons d'ailleurs converti nos voisins à la grande vitesse.
La mission que m'a confiée au printemps dernier M. le Premier ministre prend fin. Le rapport qui en est issu tente d'apporter une analyse au niveau européen du développement de la grande vitesse ferroviaire.
Nous pouvons, j'en ai la conviction, prendre les initiatives nécessaires à l'interconnexion des réseaux nationaux. Tout d'abord, cela resserrera nos liens avec nos voisins. Ensuite, cette interconnexion sera essentielle dans la perspective de l'élargissement de l'Europe, maintenant tout proche.
Ces ambitions demandent des moyens, et j'ai proposé, vous le savez, non pas nécessairement plus d'efforts budgétaires dans une période difficile, mais des ressources nouvelles, par exemple dans le cadre d'une agence nationale de financement des infrastructures. Ce financement pourrait être alimenté par un système de ressources affectées provenant des taxes sur le gazole, de péages s'appliquant aux poids lourds sur les routes nationales à caractère autoroutier, des dividendes des sociétés d'autoroute, etc.
La participation de l'Europe à travers les fonds du réseau transeuropéen, les fonds structurels et l'intervention de la Banque européenne d'investissement s'impose également.
Pour rendre plus justes les engagements budgétaires nécessaires pour financer les infrastructures, il convient de diminuer la part du prix de l'exploitation payée par le contribuable, en augmentant celle qui est payée par le client.
Avec des financements plus importants d'un milliard d'euros par an, la France n'aurait plus à se limiter à la construction d'un seul TGV à la fois. Grâce aux marges de manoeuvre ainsi dégagées, je propose que la première priorité à privilégier soit Strasbourg, afin de donner enfin à cette ville la desserte que mérite son statut de capitale européenne.
Les autres projets importants pourraient être, sans les classer dans un ordre particulier, le TGV Rhin-Rhône, la ligne Nîmes-Figueras et le Lyon-Turin. Viendront ensuite Bordeaux-Vitoria, dès que la section Paris-Bordeaux sera terminée, la création d'un axe Barcelone-Marseille-Nice-Gênes, ou encore le lien entre la Bretagne et l'Allemagne par le TGV Jonction au sud de Paris.
Monsieur le secrétaire d'Etat, comment le Gouvernement envisage-t-il à présent l'intégration de la France dans le réseau transeuropéen de trains et de lignes à grande vitesse qui naît sous nos yeux ? (Applaudissements sur les travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat aux transports et à la mer. Monsieur le sénateur, je veux d'abord vous remercier de l'excellent travail que vous venez de remettre à M. le Premier ministre sur les liaisons françaises et européennes en matière de grande vitesse ferroviaire.
Faisons le point à partir de votre excellent rapport.
Tout d'abord, s'agissant des travaux en cours en France, le TGV Est est en cours de réalisation et sera achevé jusqu'à Beaudrecourt en 2007. C'est actuellement l'un des plus grands chantiers de notre pays, avec le viaduc de Millau.
Le dernier conseil des ministres franco-allemand a travaillé sur la possibilité de poursuivre la liaison vers Strasbourg et, bien sûr, vers l'Allemagne, par-delà le pont de Kehl, pour se relier au réseau à grande vitesse Inter City Express allemand. Vous savez d'ailleurs que cette ligne Paris-Strasbourg desservira Luxembourg, le Luxembourg participant au financement du projet en cours.
Les autres projets nationaux ou ayant une incidence européenne seront décidés sous l'autorité du Premier ministre dans une prochaine réunion qui se déroulera à l'hôtel Matignon avant la fin de l'année. A cette occasion, nous annoncerons non seulement des projets, mais aussi leur financement, ce qui n'était pas le cas les années précédentes.
Nous réfléchissons donc à des sources de financement, parmi lesquelles figurent les pistes que vous évoquez : un établissement public affecté, des ressources affectées extrabudgétaires éventuellement d'ordre européen, des prêts, des ressources sur d'autres modes de transports. Nous avons étudié l'exemple allemand de péage sur les poids lourds, mais le système ne fonctionne pas et l'application vient d'être reportée de plusieurs mois, ce qui nous conduit à un certaine modestie. Il convient de regarder ces solutions de plus près.
J'en termine par la question des grandes liaisons européennes. Du côté de l'Allemagne, j'évoquais les liaisons nécessaires. La poursuite du TGV vers Amsterdam est en cours. Elle joindra les deux grands aéroports de Schipol et de Roissy. Du côté de l'Italie, il y a le Lyon-Turin, mais également - le sénateur-maire de Nice, M. Jacques Peyrat, y est attaché - toutes les liaisons entre la région Provence-Alpes-Côte d'Azur et l'Italie. Je citerai naturellement le franchissement pyrénéen, avec le projet de liaison grande vitesse Perpignan-Figueras qui est en cours de préparation et de réalisation. Il faudra, par ailleurs, toujours dans le cadre des réalisations européennes, songer à un autre franchissement pyrénéen. Naturellement, à la suite de la section Paris-Bordeaux, il y a la desserte de l'Espagne.
Par conséquent, l'ensemble des projets, y compris l'intéressant projet Rhin-Rhône qui fait l'objet d'un financement conjoint de la Suisse, seront traités dans l'intérêt de l'aménagement du territoire français et européen. A cet égard, monsieur Joly, votre rapport nous apportera une aide précieuse pour prendre les bonnes décisions. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du RDSE, de l'UMP et de l'Union centriste.)
MM. Robert Bret et René-Pierre Signé. Et le tramway ?
MÉTHODE DU GOUVERNEMENT
M. le président. La parole est à M. Bernard Seillier.
M. Bernard Seillier. Ma question s'adresse à M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
En 1970, Michel Crozier publiait la Société bloquée : une question pertinente derrière un titre provocateur. Le corps social, comme tout corps vivant, doit-il, pour exprimer toute sa vitalité, être régulièrement allégé des éléments obsolètes ou paralysants ?
La Constitution de 1958 a de fait rendu son efficacité à la démocratie parlementaire en la libérant de l'impuissance où la confinaient des pratiques stériles. Or, monsieur le ministre, n'est-ce pas un objectif analogue que vous visez aujourd'hui pour la société civile avec un projet de revitalisation de la démocratie sociale ?
Les premières réactions enregistrées à la suite de vos propos devant la Commission nationale de la négociation collective traduisent l'embarras des partenaires sociaux devant le projet de loi que vous avez présenté. Relatif à la formation tout au long de la vie et au dialogue social, il ne peut, il est vrai, laisser personne indifférent.
Il engage à une réflexion fondamentale sur notre démocratie sociale en proposant, d'une part, une articulation de la voie législative sur la démarche conventionnelle et, d'autre part, la conciliation plus facile, au niveau du terrain, de la contrainte économique et de la réalité des relations du travail, dans le respect du droit et de la dignité des personnes.
Je souhaite vivement que ce projet de loi produise toute l'efficacité dont il est porteur et qu'une cohésion sociale plus forte résulte d'une justice mieux répartie entre les exigences du tout, au niveau interprofessionnel ou des branches, et celles de la partie, au niveau de l'entreprise.
La difficulté d'un tel équilibre est bien connue, car « qui veut faire justice en gros fera l'injustice en détail », selon les propos mêmes de Montaigne. Mais, à l'instar de la démocratie politique, la question de la décentralisation de la démocratie sociale ne peut être éludée. Votre projet, monsieur le ministre, me paraît justement caractérisé par une articulation harmonieuse entre le maintien d'une hiérarchie des normes, la préservation de l'initiative à la base au sein même de l'entreprise et la responsabilisation à tous les niveaux de la représentation professionnelle.
Nous soutiendrons donc votre démarche avec conviction. Mais pouvez-vous nous dire comment vous espérez surmonter les divers obstacles qui peuvent se dresser sur le chemin de ce renouveau de la participation responsable, tant individuelle que collective, à la régulation de la vie économique et sociale ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Monsieur le sénateur, le Gouvernement attache une très grande importance à ce projet de réforme du dialogue social, parce qu'il pense qu'il constitue l'un des éléments de réponse - ce n'est pas le seul - à la crise politique qui s'est révélée, notamment à l'occasion du premier tour de l'élection présidentielle. (M. Raymond Courrière s'exclame.)
Face à la montée des extrémismes, de tous les poujadismes, nous avons besoin d'un dialogue social plus intense, nous avons surtout besoin de syndicats plus forts, plus responsables et plus représentatifs. (Exclamations sur les travées du groupe CRC.)
M. Jacques Oudin. Très bien !
M. François Fillon, ministre. Nous avons donc décidé d'engager une discussion autour d'une réforme qui s'appuie sur une position élaborée par les organisations syndicales, à l'exception de la CGT, en 2001.
La réforme que nous proposons s'articule autour de trois idées.
Premièrement, le Gouvernement s'engage solennellement à soumettre à la négociation collective toute proposition de réforme qui se trouve dans le champ social.
Deuxièmement, nous voulons que la légitimation des accords passe par le vote majoritaire, même si nous proposons une marche progressive vers cet accord majoritaire. En effet, si l'on veut confier demain plus de responsabilités aux partenaires sociaux, il faut naturellement que les salariés concernés par les accords se sentent représentés par leurs signataires.
Troisièmement, nous voulons donner plus de liberté aux entreprises (Ah ! sur les travées du groupe socialiste) pour négocier, notamment autour de la question du temps de travail et des conditions d'organisation du travail.
M. René-Pierre Signé. Flexibilité !
M. François Fillon, ministre. Cette réforme est très difficile, d'abord parce qu'elle met en mouvement un sujet figé depuis quarante ans. Elle se heurte à ceux qui pensent qu'ils sont protégés indéfiniment par le système actuel, à ceux qui se satisfont de la faiblesse des syndicats (M. René-Pierre Signé s'exclame) et à ceux qui croient que l'opposition systématique est la meilleure défense de l'intérêt des salariés.
Cette réforme est difficile aussi parce qu'elle s'appuie sur une position commune très ambiguë qui, de surcroît, n'a pas été signée par un syndicat représentant plus de 30 % des salariés syndiqués.
Cette réforme est très difficile, enfin, parce qu'elle se heurte à toute une série de conservatismes. Tant qu'on est dans le débat général, chacun se dit prêt à avancer, mais lorsque les échéances approchent, tout le monde prend peur.
A l'occasion de la Commission nationale de la négociation collective, deux grandes idées, d'ailleurs contradictoires, ont été énoncées par les partenaires sociaux. Il y a, d'un côté, ceux qui veulent aller plus vite vers des élections de représentativité afin de mieux fonder la légitimité syndicale et, de l'autre, ceux qui souhaitent donner plus de champ à l'accord d'entreprise.
Le Gouvernement est prêt à évoluer sur ces deux sujets. Je travaille d'ailleurs avec les partenaires sociaux pour trouver le meilleur équilibre. Toutefois, une chose est sûre : nous sommes déterminés à faire voter cette réforme, essentielle pour l'avenir de la démocratie sociale, mais aussi, de manière plus générale, pour celui de la démocratie. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Yolande Boyer.
Mme Yolande Boyer. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre et concerne les restrictions budgétaires, plus particulièrement leurs conséquences sur le milieu associatif et le champ de l'économie sociale et solidaire.
M. Raymond Courrière. Très bien !
Mme Yolande Boyer. Depuis quelque temps, les élus sont alertés par des associations dont les subventions pour l'année 2002 n'ont pas été totalement honorées, parfois au mépris des conventions qu'elles avaient signées et alors qu'elles ont engagé des actions en 2003 sur la base des subventions qui leur étaient attribuées régulièrement depuis très longtemps et qui craignent grandement pour l'année 2004.
Ce désengagement de l'Etat s'observe en particulier vis-à-vis d'associations, voire d'entreprises, impliquées dans l'insertion par l'économique, dans la lutte contre l'exclusion, dans la protection de l'environnement et le développement durable, le droit des femmes, le logement social, la culture et l'éducation populaire - je citerai, entre autres, les MJC, les maisons des jeunes et de la culture, les CEMEA, les centres d'entraînement aux méthodes d'éducation active, les Éclaireuses Éclaireurs de France, la Fédération Léo Lagrange, Jeunesse au plein air, les Francas, la Fédération des oeuvres laïques, la FOL, et j'en passe.
La baisse des crédits, qui varie de 20 % à 70 % pour les têtes de réseau, d'après un texte du Conseil économique et social régional de Bretagne, à laquelle il faut ajouter la suppression des emplois-jeunes, conduit à des situations dramatiques, comme les cessations de paiement et les risques de liquidation.
Le risque est réel d'asphyxier une vie associative qui est un élément de notre culture, l'un des ciments indispensables à notre société, à notre République. Le risque est réel de remettre en cause le lien social dont tout le monde se réclame. Le risque est réel d'augmenter les inégalités entre les citoyens.
Alors, monsieur le Premier ministre, passez des discours aux actes et dites-nous quel est le remède à la situation actuelle, quelles sont les perspectives pour l'avenir. Enfin, que répondez-vous à la question pertinente posée par la Conférence permanente des coordinations associatives, qui résume si bien le problème actuel : que serait la vie sans les associations ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué au commerce extérieur. (Vives protestations prolongées sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Robert Bret. Erreur de casting, monsieur le président, il n'est pas qualifié !
M. Bernard Piras. Mascarade !
M. Jean-Pierre Sueur. Vous vous moquez des associations !
M. François Loos, ministre délégué au commerce extérieur. Madame le sénateur, mon collègue Alain Lambert m'a demandé de répondre à sa place à cette question qui porte sur la maîtrise des dépenses publiques et sur les choix que nous sommes bien évidemment obligés de faire.
Vous pouvez être certains que nous avons beaucoup de respect pour le travail des associations. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) Vous faites état des difficultés provoquées par les mesures prises par le Gouvernement afin de maîtriser l'exécution de dépenses de l'Etat en 2003.
Permettez-moi tout d'abord de mettre en perspective ces mesures. Si nous nous efforçons de maîtriser les dépenses, c'est avant tout parce que nous tenons à respecter le plafond de dépenses voté par le Parlement. (Rires et exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
La loi de finances pour 2003 a en effet prévu un plafond de 273,8 milliards d'euros. (M. Jacques Mahéas s'exclame.) Le Gouvernement considère comme essentiel de respecter ce vote. C'est pourquoi nous avons été amenés à faire une réserve de précaution de 4 milliards d'euros en début d'année, à la fois pour faire face aux aléas de la gestion mais également pour tenir compte des crédits des exercices précédents qui ont été reportés. Ces crédits ne sont pas pris en compte dans le plafond de la loi de finances et leur éventuelle consommation menacerait le respect de ce plafond.
Si ces mesures n'avaient pas été prises, nous aurions été exposés à un dérapage de nos dépenses, ce que nous ne voulons pas,...
M. René-Pierre Signé. C'est ce que vous dites !
M. François Loos, ministre délégué. ... contraire aux principes de la politique budgétaire que nous menons et préjudiciable à nos engagements européens. (Vives exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. René-Pierre Signé. C'est de la provocation !
M. François Loos, ministre délégué. Dans ce contexte, le Gouvernement pilote l'exécution du budget de façon tout à fait pragmatique et attentive. (Brouhaha sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
D'abord, nous avons procédé à la libération de certains crédits lorsque le besoin s'en est fait sentir. C'est la raison pour laquelle nous avons libéré les crédits destinés à toutes les entreprises d'insertion...
M. Jacques Mahéas. Cela vient seulement d'arriver !
M. François Loos, ministre délégué. ... qui en avaient effectivement un besoin urgent.
Ensuite, nous avons procédé à d'autres annulations de crédits par quatre décrets d'annulation...
M. Robert Bret. Qui va rembourser les agios ?
M. François Loos, ministre délégué. ... qui nous ont permis de gager des ouvertures de crédits pour couvrir les besoins liés à la sécheresse (Ah ! sur les travées du groupe socialiste) et à l'hébergement d'urgence.
M. Jacques Peyrat. Très bien !
M. François Loos, ministre délégué. Ces annulations nous ont donc permis de mettre en oeuvre des crédits qui entrent directement dans les préoccupations dont vous nous faites part.
Bien évidemment, ces mesures peuvent donner lieu par ailleurs à des difficultés ponctuelles. Nous nous employons à les résoudre, mais, en tout état de cause, nous considérons qu'il est indispensable de respecter les plafonds que le Parlement lui-même a votés. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Bernard Piras. Quel mépris !
PROGRAMME « PRIMA 2004 » :
COMPENSATION DES EXONÉRATIONS
M. le président. La parole est à M. Pierre Hérisson.
M. Pierre Hérisson. Ma question s'adresse à Mme Bachelot, ministre de l'écologie et du développement durable.
Madame la ministre, ma question a pour objet de contribuer à faire évoluer le débat et la compréhension quant aux incidences et aux conséquences des décisions gouvernementales sur la fiscalité locale.
A la suite d'un article de presse paru dans un grand quotidien régional, les élus locaux s'inquiètent. Vous savez l'intérêt que nous portons aux problèmes d'environnement, plus particulièrement à ceux qui sont liés aux changements climatiques et à leurs conséquences.
Madame la ministre, je tiens à vous rassurer d'emblée, nous soutiendrons votre projet. Toutefois, d'après ce que j'ai pu lire dans l'avant-projet concernant le « plan climat 2003 », une disposition est inquiétante. Il s'agit des mesures d'incitation fiscale : les constructions nouvelles certifiées propres pourraient bénéficier de l'exonération de la taxe sur le foncier bâti à partir de 2004. Si la mesure est louable, elle nous inquiète au moment où les collectivités locales, comme l'Etat, ont des difficultés à boucler leur budget. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. René-Pierre Signé. Vous remercierez M. Raffarin !
M. Pierre Hérisson. Nous sommes tous dans une situation préoccupante, mais nous assumons aussi nos responsabilités. Le dialogue social doit s'instaurer également avec les 500 000 élus locaux.
Il s'agit donc, madame la ministre, avant les arbitrages interministériels, de nous rassurer quant aux compensations envisagées si cette mesure devait aboutir. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de l'écologie et du développement durable. Monsieur le sénateur, le réchauffement climatique est sans doute la menace la plus grave pour l'environnement de notre planète. La responsabilité humaine est avérée et n'est plus contestée par la communauté scientifique. C'est la raison pour laquelle la France s'inscrit résolument dans le cadre du protocole de Kyoto et ne peut que déplorer le retard pris dans sa mise en oeuvre, du fait de sa non-ratification par la Russie.
La France, dans ce cadre, a pris l'engagement, à l'échéance de 2008-2012, de stabiliser ses émissions de gaz à effet de serre au niveau de l'année 1990. Nous sommes a peu près à mi-parcours et la France a tenu ses engagements, puisque nous sommes, au début des années 2000, légèrement au-dessous du niveau de l'année 1990.
M. René-Pierre Signé. Et le nucléaire ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Néanmoins, nous constatons de grandes disparités selon les secteurs. Si le secteur de l'industrie a considérablement réduit ses émissions de gaz à effet de serre, si le secteur de fourniture de l'énergie, grâce au choix de la France du nucléaire comme énergie socle, tient aussi ses promesses en ce domaine, deux secteurs sont particulièrement préoccupants : le secteur des transports et le secteur résidentiel, qui a d'ores et déjà consommé en 2000 les marges de manoeuvre qu'il s'était fixées jusqu'en 2010. Le secteur résidentiel recèle d'énormes gisements de réduction de gaz à effet de serre. L'effort doit être collectif.
Dans le cadre du plan national de lutte contre le changement climatique, nous avons mis en discussion la possibilité d'une incitation fiscale pour les logements de bonne qualité environnementale qui se situeraient au-dessous d'une efficacité énergétique de 40 kilowatts par mètre carré.
Cette proposition est en cours de discussion avec les acteurs. Il s'agit d'un document de travail. Aucune décision n'a été prise, car elle fait évidemment l'objet d'une concertation entre les différents ministères et représentants des collectivités locales concernées. Soyez assuré, monsieur le sénateur, qu'aucune décision ne sera prise sans votre avis et qui grèverait les ressources budgétaires des collectivités locales. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Mes chers collègues, nous en avons terminé avec les questions d'actualité au Gouvernement.
(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
RAPPELS AU RÈGLEMENT
M. le président. La parole est à M. Claude Estier, pour un rappel au règlement.
M. Claude Estier. Mon rappel au règlement a pour objet de protester contre l'ostracisme dont l'opposition est de plus en plus victime dans cette assemblée. M. le Premier ministre nous en a offert tout à l'heure encore un exemple : il a répondu aux questions de la majorité, mais jamais à celles de l'opposition, en particulier à celles du groupe socialiste.
Hier après-midi a été mise en place la mission d'information sur les conséquences de la canicule, qui comporte un président et trois rapporteurs. Comme c'est logique, nous avions demandé que l'opposition puisse être représentée par au moins un des rapporteurs, ce qui a été refusé. Cette mission d'information est donc uniquement dirigée par des membres de la majorité, contrairement à l'Assemblée nationale, où la commission d'enquête parlementaire est présidée par un membre de l'opposition, Claude Evin, le rapporteur étant membre de la majorité. Ici, au Sénat, tous les postes sont pris par les membres de la majorité !
J'en profite pour rappeler à ce sujet que le Sénat a refusé jusqu'à présent la constitution d'une commission d'enquête parlementaire que le groupe socialiste a demandée dès le 5 septembre dernier.
Nous avons également l'exemple du groupe de travail constitué il y a quelques mois sur les problèmes de la fonction publique, au sein duquel l'opposition a même été écartée.
Il y a là un certain nombre de faits qui sont totalement contraires à la démocratie, dont se flatte souvent M. Poncelet. Je vous prie de lui transmettre notre protestation, monsieur le président, car cette situation ne peut plus durer. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Très bien !
M. le président. Monsieur Estier, je vous donne acte de votre déclaration et je ferai part à M. le président du Sénat de vos observations.
La parole est à M. le président de la commission de lois.
M. René Garrec, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur Estier, je comprends votre peine. Mais je vous signale que, grâce à mon collègue M. Courtois et à la commission de lois, M. Dreyfus-Schmidt sera rapporteur du texte sur la parité en Corse. Par conséquent, le sectarisme n'est pas aussi prononcé que vous le dites, tout du moins en ce qui concerne notre commission !
M. Claude Estier. C'est bien le seul exemple !
M. Robert Bret. C'est l'exception qui confirme la règle !
M. le président. La parole est à M. Jacques Mahéas, pour un rappel au règlement.
M. Jacques Mahéas. Nous avons assisté à une séance de questions au Gouvernement qui nous interpelle.
Lorsque le groupe socialiste pose des questions, nous aimerions que, de temps en temps, les plus hauts responsables de ce Gouvernement nous répondent, surtout lorsque le groupe socialiste pose une question ayant un sujet bien défini, comme celle de notre collègue Mme Yolande-Boyer sur la situation des associations qui se trouvent en grande difficulté. J'en veux pour preuve celles de ma ville.
Il serait quand même intéressant que ce soit le ministre compétent qui réponde ou, s'il ne peut le faire, qu'il fournisse au moins à celui qui le supplée une réponse cohérente sur la question. Nous avons assisté aujourd'hui, je n'ai pas peur de le dire, à une véritable mascarade, au point que Mme Yolande Boyer s'interroge sur l'utilité de préparer avec intelligence une question pour obtenir une réponse aussi nulle !
Le ministre de l'intérieur n'est pas là cet après-midi et nous savons pourquoi. Il va de soi que le groupe socialiste s'associe à l'hommage que M. Sarkozy rend en Corse au préfet Erignac. (Applaudissements.)
M. Emmanuel Hamel. Très bien !
M. le président. Monsieur Mahéas, je vous donne acte de votre rappel au règlement.
DÉPÔT D'UN RAPPORT DU GOUVERNEMENT
M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le rapport présentant l'impact financier de l'indemnisation des victimes de l'amiante pour l'année en cours et les vingt années suivantes, établi en application de l'article 6 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2003.
Acte est donné du dépôt de ce rapport.
MAÎTRISE DE L'IMMIGRATION
Suite de la discussion et adoption
d'un projet de loi déclaré d'urgence
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif à la maîtrise de l'immigration et au séjour des étrangers en France.
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l'article 42.
La carte de séjour temporaire visée à l'article 12 bis de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 précitée est délivrée de plein droit, à sa demande, à l'étranger qui, au 30 avril 2003, justifie par tous moyens résider en France et qui :
1° Résidait en France habituellement depuis au plus l'âge de treize ans à la date du prononcé de son expulsion ou de la peine d'interdiction du territoire français ;
2° Résidait régulièrement en France depuis plus de vingt ans à la date du prononcé de son expulsion ou de la peine d'interdiction du territoire français ;
3° Résidait régulièrement en France depuis plus de dix ans à la date du prononcé de son expulsion ou de la peine d'interdiction du territoire français et est marié depuis au moins trois ans avec un ressortissant français ayant conservé la nationalité française ou avec un ressortissant étranger relevant du 1°, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé ;
4° Résidait régulièrement en France depuis plus de dix ans à la date du prononcé de son expulsion ou de la peine d'interdiction du territoire et qui, ne vivant pas en état de polygamie, est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil, et ce depuis la naissance de l'enfant ou depuis un an en cas de reconnaissance postérieure à la naissance de l'enfant.
La demande doit être formée dans un délai d'un an à compter de la promulgation de la présente loi.
Ces dispositions ne s'appliquent pas lorsque la mesure d'expulsion ou la peine d'interdiction du territoire sont fondées sur les comportements ou les infractions mentionnés respectivement au I de l'article 26 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 précitée ou au dernier alinéa de l'article 131-30-2 du code pénal, dans leur rédaction issue de la présente loi. Elles ne s'appliquent pas non plus lorsque l'étranger a commis, postérieurement au prononcé de la mesure d'expulsion ou de la peine d'interdiction du territoire, des faits de même nature ou a été condamné pour de tels faits, postérieurement au prononcé de la peine d'interdiction du territoire.
La délivrance de la carte de séjour temporaire prévue au premier alinéa emporte relèvement de plein droit de la peine d'interdiction du territoire lorsque celle-ci a été prononcée. Le préfet en informe le parquet de la juridiction de condamnation ainsi que le casier judiciaire national automatisé, afin qu'il soit procédé à la mention de ce relèvement en marge du jugement ou de l'arrêt de condamnation ainsi qu'au casier judiciaire. Le préfet procède également s'il y a lieu à l'effacement de la mention de cette peine au fichier des personnes recherchées. Toute difficulté concernant l'application des dispositions du présent alinéa est portée, à l'initiative du procureur de la République ou de la personne intéressée, devant le président de la juridiction qui a rendu la décision de condamnation ou, si celle-ci a été rendue par une cour d'assises, devant le président de la chambre de l'instruction, dans les conditions prévues à l'article 778 du code de procédure pénale.
M. le président. Je suis saisi de cinq amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 215 rectifié bis, présenté par M. Zocchetto et les membres du groupe de l'Union centriste, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit cet article :
« I. - Par dérogation aux dispositions de l'article 28 quater de la présente ordonnance et sans préjudice de l'article 702-1 du code de procédure pénale, s'il en fait la demande avant le 31 décembre 2004, tout étranger justifiant qu'il résidait habituellement en France avant le 30 avril 2003 et ayant été condamné postérieurement au 1er mars 1994, par décision devenue définitive, à la peine complémentaire d'interdiction du territoire français, est relevé de plein droit de cette peine, s'il entre dans l'une des catégories suivantes :
« 1° Il résidait habituellement en France depuis au plus l'âge de treize ans à la date du prononcé de la peine ;
« 2° Il résidait régulièrement en France depuis plus de vingt ans à la date du prononcé de la peine ;
« 3° Il résidait régulièrement en France depuis plus de dix ans à la date du prononcé de la peine, et, ne vivant pas en état de polygamie, est marié depuis au moins trois ans avec un ressortissant français ayant conservé la nationalité française ou avec un ressortissant étranger qui réside habituellement en France depuis au plus l'âge de treize ans, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé ;
« 4° Il résidait régulièrement en France depuis plus de dix ans à la date du prononcé de la peine et, ne vivant pas en état de polygamie, est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil, cette condition devant être remplie, en cas de reconnaissance postérieure à la naissance de l'enfant, depuis la naissance de ce dernier ou depuis un an.
« Il n'y a pas de relèvement lorsque les faits à l'origine de la condamnation sont ceux qui sont visés au dernier alinéa de l'article 131-30-2 du code pénal. Il en est de même lorsque l'étranger relève des catégories 3° ou 4° ci-dessus et que les faits en cause ont été commis à l'encontre du conjoint ou des enfants de l'étranger.
« La demande ne peut davantage être admise si la peine d'interdiction du territoire français est réputée non avenue.
« La demande est portée, suivant le cas, devant le procureur de la République ou le procureur général de la juridiction qui a prononcé la condamnation ou, en cas de pluralité de condamnations, de la dernière juridiction qui a statué.
« Si le représentant du ministère public estime que la demande répond aux conditions fixées par le présent article, il fait procéder à la mention du relèvement en marge du jugement ou de l'arrêt de condamnation et en informe le casier judiciaire national automatisé. Il fait également procéder, s'il y a lieu, à l'effacement de la mention de cette peine au fichier des personnes recherchées. Il informe le demandeur, par lettre recommandée avec avis de réception, à l'adresse qu'il a fournie lors du dépôt de la demande, du sens de la décision prise.
« Tous incidents relatifs à la mise en oeuvre des dispositions prévues aux alinéas précédents sont portés devant le tribunal ou la cour qui a prononcé la sentence qui statue dans les conditions prévues par l'article 711 du code de procédure pénale. A peine d'irrecevabilité, le demandeur doit saisir le tribunal ou la cour dans un délai de dix jours à compter de la notification de la lettre visée à l'alinéa précédent.
« II. - Par dérogation aux dispositions de l'article 28 quater de la présente ordonnance, et s'il en fait la demande avant le 31 décembre 2004, tout étranger justifiant qu'il résidait habituellement en France avant le 30 avril 2003 et ayant fait l'objet d'un arrêté d'expulsion, peut obtenir l'abrogation de cette décision s'il entre dans l'une des catégories visées aux 1° à 4° du I.
« Il n'y a pas d'abrogation lorsque les faits à l'origine de la mesure d'expulsion sont ceux qui sont visés au premier alinéa du I de l'article 26 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France. Il en est de même lorsque l'étranger relève des catégories 3° et 4° ci-dessus et que les faits en cause ont été commis à l'encontre du conjoint ou des enfants de l'étranger.
« La demande doit être formée auprès de l'auteur de l'acte. Si ce dernier constate que la demande répond aux conditions fixées par le présent article, il fait procéder à la suppression de la mention de cette mesure au fichier des personnes recherchées. Il informe l'intéressé du sens de sa décision par lettre recommandée avec avis de réception à l'adresse qu'il a fournie lors du dépôt de la demande.
« Lorsqu'il est prévu, dans le 1° à 4° du I ci-dessus, qu'une condition s'apprécie à la date du prononcé de la peine, cette condition s'apprécie à la date du prononcé de la mesure d'expulsion pour l'application des dispositions de ce II.
« III. - La carte de séjour temporaire visée à l'article 12 bis de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 est délivrée de plein droit, à sa demande, à l'étranger qui a été relevé de l'interdiction du territoire français dont il faisait l'objet ou dont la mesure d'expulsion a été abrogée dans les conditions prévues par le I ou le II du présent article.
« Les dispositions de l'alinéa précédent ne s'appliquent pas lorsque, postérieurement au prononcé de la mesure d'expulsion, l'étranger a commis des faits visés au deuxième alinéa du II, et, s'il y a lieu, dans les conditions prévues par le deuxième alinéa du II. Elles ne s'appliquent pas davantage si ces mêmes faits ont été commis avant le prononcé de la mesure d'expulsion, mais n'ont pas été pris en compte pour motiver celle-ci. En cas de pluralité des peines d'interdiction du territoire français, les dispositions de l'alinéa précédent ne sont applicables qu'en cas de relevé de l'ensemble des peines d'interdiction du territoire. »
Le sous amendement n° 325, présenté par M. Dreyfus-Schmidt et les membres du groupe socialiste, est ainsi libellé :
« I. - Dans le premier alinéa du I de l'amendement 215 rectifié bis, supprimer les mots : "justifiant qu'il résidait habituellement en France avant le 30 avril 2003 et".
« II. - Dans le premier alinéa du II du même texte, supprimer les mots : "justifiant qu'il résidait habituellement en France avant le 30 avril 2003 et". »
L'amendement n° 207, présenté par Mme M. André, MM. Dreyfus-Schmidt, Mahéas et Sueur, Mme Blandin et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :
« Dans le troisième alinéa (2°) de cet article, remplacer le mot : "régulièrement" par le mot : "habituellement". »
L'amendement n° 208, présenté par Mme M. André, MM. Dreyfus-Schmidt, Mahéas et Sueur, Mme Blandin et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :
« Dans le quatrième alinéa (3°) de cet article, remplacer le mot : "régulièrement" par le mot : "habituellement". »
L'amendement n° 209, présenté par Mme M. André, MM. Dreyfus-Schmidt, Mahéas et Sueur, Mme Blandin et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :
« Dans le cinquième alinéa (4°) de cet article, remplacer le mot : "régulièrement" par le mot : "habituellement". »
L'amendement n° 295, présenté par M. Bret, Mmes Borvo, Mathon, Beaudeau, Beaufils et Bidard-Reydet, M. Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud et Le Cam, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar, Mme Terrade et M. Vergès, est ainsi libellé :
« Après le cinquième alinéa (4°) de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« ... ° Résidait habituellement en France et dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement dans le pays dont il est originaire. »
La parole est à Mme Anne-Marie Payet, pour présenter l'amendement n° 215 rectifié bis.
Mme Anne-Marie Payet. Cet amendement tend à réécrire l'article 42.
Afin de régler la situation des personnes présentes clandestinement sur le territoire bien qu'elles aient fait l'objet d'une mesure d'expulsion ou d'une interdiction du territoire français, le Gouvernement a prévu, pour certaines catégories précisément identifiées, un mécanisme de relèvement automatique de la peine ou de la mesure administrative par la délivrance d'un titre de séjour.
Il nous paraît préférable de prévoir que, en matière d'interdiction du territoire français, seuls les parquets peuvent constater que les personnes entrent dans le champ d'application du dispositif prévu par le législateur, comme c'est le cas par exemple pour les lois d'amnistie. Cela paraît plus conforme à notre tradition juridique et à nos principes constitutionnels.
Il s'agit donc de substituer l'autorité judiciaire à l'autorité administrative pour prononcer le relèvement de la peine complémentaire d'interdiction du territoire.
Par ailleurs, nous proposons un dispositif de recours en cas de litige sur l'application de ce dispositif.
M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour présenter le sous-amendement n° 325 puis les amendements n°s 207, 208 et 209.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Dans son rapport, M. Courtois, rapporteur du texte que nous examinons, s'exprime ainsi :
« En première lecture, les députés ont adopté un amendement présenté par M Thierry Mariani au nom de la commission des lois, ayant pour objet de prévoir que l'étranger devrait justifier par tous moyens résider en France au 30 avril 2003. « En effet, le projet de loi initial avait retenu la date de la promulgation de la loi, mais il est apparu nécessaire d'éviter tout " effet d'opportunité " de la part de certains étrangers. »
Plus loin, il ajoute : « Toutefois, il pourrait paraître regrettable que le projet de loi ne prévoit aucune disposition pour les étrangers qui devraient désormais bénéficier d'une protection absolue, qui ont déjà fait l'objet d'une mesure d'expulsion ou d'une peine d'interdiction du territoire et qui ont déjà quitté la France. Le texte actuel revient à " amnistier " uniquement les étrangers n'ayant pas exécuté la mesure d'expulsion ou la peine d'interdiction du territoire et qui sont restés irrégulièrement sur le territoire français.
« C'est pourquoi votre rapporteur insiste sur la nécessité que soit facilitée la délivrance de visas pour ces étrangers entrant dans la catégorie de ceux qui bénéficient désormais d'une protection absolue et qui ont déjà quitté le territoire français, laissant bien souvent derrière eux une famille et ayant eu de grandes difficultés pour vivre dans un pays dont ils ne connaissaient bien souvent plus ni la culture ni les traditions à leur arrivée et dans lequel ils n'avaient plus d'attaches. Il est favorable à ce que, comme l'a annoncé M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, lors de son audition par la commission des lois de l'Assemblée nationale, une circulaire du ministre des affaires étrangères invite les consulats à délivrer facilement les visas à ces catégories d'étrangers. »
Nous prétendons qu'il y a mieux à faire : c'est de supprimer la date butoir ajoutée par l'Assemblée nationale et qui ne figurait pas dans le projet de loi d'origine : tous les étrangers remplissant les conditions pour bénéficier d'une protection absolue méritent également de pouvoir demander le relèvement de l'interdiction du territoire français, l'ITF, a fortiori lorsqu'ils ont respecté cette mesure, alors que l'ajout de l'Assemblée nationale les pénaliserait plus que ceux qui se seraient maintenus irrégulièrement sur le territoire !
Les amendements n°s 207, 208 et 209 ont été défendus préalablement, mais je n'ai pas été suivi.
M. le président. La parole est à M. Robert Bret, pour présenter l'amendement n° 295.
M. Robert Bret. Il s'agit d'un amendement de coordination avec nos amendements précédents qui a déjà été défendu et qui tend à protéger les malades en leur accordant une carte de séjour temporaire afin de les sécuriser pour la durée de leurs soins.
Mais nos amendements précédents n'ayant pas été votés, je me doute du sort de celui-ci.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. L'amendement n° 215 rectifié bis tend à réécrire complètement l'article 42 du projet de loi relatif à l'amnistie prévue pour les étrangers ayant déjà fait l'objet d'un arrêté d'expulsion ou d'une peine d'interdiction du territoire français qui devraient aujourd'hui bénéficier d'une protection absolue contre ces mesures et qui résidaient en France au 30 avril 2003.
La procédure est clarifiée, tant en matière d'interdiction du territoire français qu'en matière d'expulsion. De plus, il est prévu, contrairement au texte initial, que l'arrêté d'expulsion sera désormais abrogé.
Le dispositif paraît meilleur, plus cohérent et plus complet que le texte initial. La commission y est donc favorable.
J'en viens au sous-amendement n° 325. Afin de tenir compte des situations passées, il est prévu à l'article 42 du projet de loi un dispositif, nettement amélioré par l'amendement n° 215 rectifié bis de M. Zocchetto, permettant d'ouvrir la possibilité aux étrangers qui entretiennent des liens étroits avec la France, du fait notamment qu'ils y résident encore, même en situation irrégulière, et qui auraient dû bénéficier de la protection absolue, d'obtenir une carte de séjour temporaire s'ils en font la demande.
Contrairement à ce qui a été dit précédemment, je tiens à préciser que l'exigence de résidence en France pour bénéficier de cette amnistie était déjà prévue dans le projet de loi initial. L'Assemblée nationale n'a fait qu'ajouter la date butoir du 30 avril 2003.
S'il est vrai que j'ai regretté que la situation de ceux qui vivaient aujourd'hui hors de France ne soit pas prise en compte dans le présent article, j'ai également rappelé qu'une circulaire du ministère des affaires étrangères devait permettre de résoudre le problème. Ces étrangers devraient donc pouvoir désormais obtenir des visas beaucoup plus facilement.
Je serais tenté de proposer le retrait de cet amendement, car la solution proposée n'est pas adaptée à la situation de ces étrangers qui, pour la plupart, vivent dans leur pays d'origine depuis de nombreuses années et ne peuvent donc pas effectuer les mêmes démarches que ceux qui résident toujours en France.
Mais, si les auteurs de cet amendement ne souhaitent pas le retirer, je demanderai l'avis du Gouvernement à ce sujet, afin qu'il nous rassure sur la prise en compte de la situation particulière de ces étrangers lors de la délivrance des visas.
La commission est défavorable aux amendements n°s 207, 208 et 209.
Enfin, elle se ralliera à l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 295 ; qui est un amendement de coordination avec l'amendement n° 267.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi tout d'abord d'excuser M. Nicolas Sarkozy, qui se trouve en ce moment même en Corse pour rendre un hommage particulier au préfet Claude Erignac, hommage auquel la représentation nationale s'associe, j'en suis persuadé.
L'article 42 dont nous débattons est certainement l'un des articles dont la rédaction s'est révélée des plus délicate, puisqu'il s'agit de tirer les conséquences de la réforme de la « double peine » pour les situations passées. L'application des principes généraux du droit ne permettant pas, à elle seule, de procéder à cette adaptation, il est nécessaire de légiférer.
Dans le même temps, il est hors de question de prévoir une amnistie générale pour tous ceux qui, dans le passé, ont fait l'objet d'une interdiction du territoire français ou d'une mesure d'expulsion. Tout d'abord, il est tout à fait possible que certaines de ces personnes ayant été frappées ; voilà très longtemps, de telles mesures fassent désormais partie des catégories protégées. Pour autant, rien ne dit qu'elles aient l'intention de revenir en France. Elles ont peut-être fondé une famille à l'étranger. En l'absence de données précises de recensement, nous n'avons aucune idée du nombre de gens concernés ; ni des implications sur leur situation familiale, que ce soit à l'étranger ou en France. C'est pourquoi il a été décidé de ne résoudre que la situation des personnes qui séjournent actuellement en France. Tel est l'esprit de l'article qui vous est proposé.
Comme dans tout régime d'amnistie - le Gouvernement en a parfaitement conscience - cela peut créer des situations inéquitables. Nous avons donc essayé de retenir la solution qui semblait concilier au mieux la nécessité de régler certaines situations passées particulièrement dramatiques et l'intérêt général, l'ordre public, dont nous avons la charge.
J'en viens aux amendements proprement dits.
Le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 215 rectifié bis, qui vise à garantir le respect du principe de séparation des autorités administratives et judiciaires.
Pour l'ensemble des autres amendements, le Gouvernement émet un avis défavorable.
Je répondrai notamment à M. Dreyfus-Schmidt, qui propose d'étendre l'amnistie à tous les étrangers, qu'ils résident ou non en France.
Nous avons fixé une date-butoir, qui est celle de la présentation de la loi en conseil des ministres. En effet, encore une fois, nous ne savons pas quelle est la population concernée. Des milliers de peines d'interdiction du territoire français ont été prononcées depuis 1970 : par exemple, quinze mille en 1995, onze mille en 1997. Des gens sont repartis, ont refait leur vie ailleurs. Il y a également de nombreuses personnes dont on ne connaît pas le comportement. Il est bien évident que ceux pour lesquels la peine est la plus insupportable sont précisément ceux qui ont choisi de rester en France dans la clandestinité. C'est le sujet qui est évoqué, par exemple, dans les films très émouvants de Bertrand Tavernier ou de Jean-Pierre Thorn.
Nous avons donc choisi, je le répète, la date de présentation du texte en conseil des ministres. Il s'agissait aussi d'éviter les effets d'aubaine : certains reviendraient maintenant en France de manière clandestine uniquement pour bénéficier de cette disposition. C'est tout à fait courant avec les lois d'amnistie. Cela peut aboutir, c'est vrai, à des situations d'injustice.
Vous avez évoqué le caractère erroné, selon vous, d'une circulaire. Le Gouvernement a abouti à la conclusion que vous aviez raison. C'est pourquoi je vous présenterai tout à l'heure, au nom du Gouvernement, un amendement qui prévoit que, pour ceux qui ont exécuté leur peine, qui ont de la famille en France, et qui ne parviendraient pas à obtenir un visa pour revenir en France, le visa serait de droit.
M. Jacques Mahéas. C'est mieux !
M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat. Je vous exposerai ultérieurement le contenu précis de l'amendement proposé par le Gouvernement.
Je terminerai en évoquant l'amendement n° 295 du groupe communiste républicain et citoyen visant à étendre l'amnistie aux étrangers malades. Il s'agit évidemment d'un sujet très douloureux. Vous avez voté précédemment une protection absolue pour les étrangers malades afin d'éviter les mesures d'expulsion, sur l'initiative, d'ailleurs, du Parlement, et je crois que c'est pleinement justifié.
Au stade de l'amnistie, la question se pose en des termes très différents, car, par définition, une maladie est évolutive. Par conséquent, créer une catégorie générale des étrangers malades n'aurait pas une grande pertinence, à moins de donner une qualification beaucoup plus précise à cette catégorie, qui n'a pas de valeur juridique.
Il est donc préférable pour les étrangers concernés d'utiliser l'assignation à résidence en France pour se faire soigner, ainsi que l'a prévu l'Assemblée nationale dans l'article 26 du projet de loi.
Le Gouvernement est donc défavorable à l'amendement n° 295.
M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 325.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. J'aurais préféré, bien évidemment, avoir sous les yeux l'amendement qui vient de nous être annoncé par M. le secrétaire d'Etat. Je pourrais demander que l'on réserve, jusque-là, le vote de l'amendement n° 215 rectifié bis de notre collègue François Zocchetto, mais nous devons faire confiance à M. le secrétaire d'État. La formule qui est envisagée démontre que nous avons été entendus. En effet, il n'y a pas de raison de mieux traiter ceux qui sont restés sur le territoire français irrégulièrement par rapport à ceux qui ont obtempéré.
Vous nous dites, monsieur le secrétaire d'Etat, que ceux qui ont été interdits de territoire et qui ont de la famille en France pourront bénéficier de plein droit de l'autorisation de revenir. Nous remercions le Gouvernement de ce pas vers plus d'équité.
Par conséquent, nous retirons le sous-amendement n° 325.
M. le président. Le sous-amendement n° 325 est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 215 rectifié bis.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence l'article 42 est ainsi rédigé et les amendements n°s 207, 208, 209 et 295 n'ont plus d'objet.
Article additionnel après l'article 42
M. le président. L'amendement n° 332, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« Après l'article 42, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Sauf en cas de menace pour l'ordre public dûment motivée, les étrangers qui résident hors de France et qui ont obtenu l'abrogation de la mesure d'expulsion dont ils faisaient l'objet ou ont été relevés de leurs peines d'interdiction du territoire français ou encore dont les peines d'interdiction du territoire français ont été entièrement exécutées ou ont acquis un caractère non avenu, bénéficient, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, d'un visa pour rentrer en France, lorsque, à la date de la mesure, ils relevaient, sous les réserves mentionnées par ces articles, des catégories 1° à 4° des articles 26 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ou 131-30-2 du code pénal, et qu'ils entrent dans le champ d'application des 4° ou 6° de l'article 12 bis ou dans celui de l'article 29 de l'ordonnance susmentionnée.
« Ces dispositions ne sont applicables qu'aux étrangers ayant fait l'objet d'une mesure d'expulsion ou d'une interdiction du territoire français devenue définitive avant l'entrée en vigueur de la loi n° du relative à la maîtrise de l'immigration et au séjour des étrangers en France. »
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat. Je souhaite tout d'abord présenter mes excuses au Sénat, qui découvre cet amendement en séance...
M. Jacques Mahéas. Ce n'est pas grave !
M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat. ..., mais il a précisément pour objet de répondre aux voeux de votre assemblée.
L'objet en est très simple : il s'agit de régler le problème des étrangers qui ont exécuté leur peine et qui ont de la famille en France, mais qui n'obtiennent pas de visa. Il vous est proposé de prévoir que ceux qui se trouvent dans cette situation, qui ont exécuté leur peine d'interdiction du territoire français ou qui en ont été relevés, et qui font partie des catégories protégées, c'est-à-dire ceux qui ont vécu, plus de vingt ans en France, qui y sont depuis l'âge de treize ans ; qui sont conjoints de Français ou parents d'enfants français - ces catégories protégées ont été créées par les articles 24 et 38 - bénéficieront de plein droit d'un visa. Ce visa ne pourra leur être refusé que s'ils posent de sérieux problèmes d'ordre public : nous pensons, notamment, à la prévention du terrorisme.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Naturellement, je ne peux m'exprimer qu'à titre personnel, puisque cet amendement n'a pas été soumis à la commission. A l'évidence, j'y suis tout à fait favorable, monsieur le ministre. Toutefois, je souhaite présenter un sous-amendement à votre amendement tendant à insérer les mots : « si leur famille résidant en France en fait la demande ». En effet, on pourrait imaginer que la famille ne souhaite pas voir l'étranger revenir en France, parce qu'il a commis des actes qui sont tout à fait préjudiciables à l'intérêt même de la famille.
M. Jacques Mahéas. Et si la famille est partagée ! Que fait-on entre ceux qui veulent et ceux qui ne veulent pas ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Imaginez qu'il y ait eu, par exemple, des coups et blessures et que l'intéressé purge une peine à l'extérieur. Il ne faudrait tout de même pas qu'il puisse revenir en France, alors que la famille ne le souhaite pas. On aboutirait au contraire de ce que l'on veut faire.
M. le président. Je suis donc saisi d'un sous-amendement, n° 333, présenté par M. Courtois, au nom de la commission, qui est ainsi libellé :
« Au premier alinéa de cet article, après les mots : "Conseil d'Etat", insérer les mots : "et si leur famille résidant en France en fait la demande". »
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement est favorable à cette sage précision du rapporteur.
En effet, l'une des difficultés en ce qui concerne les étrangers qui bénéficient de l'amnistie, c'est précisément de se prémunir contre les contentieux familiaux. Car, après plusieurs années, les situations individuelles et familiales peuvent avoir considérablement changés. La loi aurait donc un effet pervers si elle aboutissait à créer des situations inextricables pour les familles en France.
La précision que souhaite apporter M. le rapporteur me paraît donc utile et j'y suis favorable.
M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, contre le sous-amendement n° 333.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Tout à l'heure, nous avons retiré notre amendement après que nous eut été annoncé l'amendement du Gouvernement ; sans que soit évoquée la demande de la famille. Or la formule n'est pas convenable.
En outre, le cas de la demande de la famille est couvert par le début de la première phrase de l'amendement : « Sauf en cas de menace pour l'ordre public dûment motivée ». On ne peut pas s'en remettre à la demande de la famille ! Supposons qu'il y ait cinq frères et soeurs, que quatre soient favorables à l'entrée en France et que le dernier ne le soit pas. Allez-vous compter les membres de la famille qui expriment un avis favorable ? Et si trois sont contre et deux pour ? Franchement, ce n'est pas raisonnable !
Je vous demande instamment, monsieur le secrétaire d'Etat, de considérer que le premier mouvement était le bon et que le cas est couvert, je le répète, par le premier membre de phrase : « Sauf en cas de menace pour l'ordre public dûment motivée ».
Je vous demande également de supprimer les termes : « dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat ». Car une telle disposition est totalement inutile et elle aurait un effet retardateur. En plusieurs endroits du projet de loi, M. le rapporteur a supprimé l'obligation d'un décret lorsque celui-ci n'était pas absolument indispensable. Ici, visiblement, il ne l'est pas, et je vous demande donc de le supprimer.
Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'Etat, de faire droit à nos deux demandes. C'est dans cet esprit que nous avons retiré tout à l'heure notre sous-amendement. Puisque nous sommes d'accord sur le fond, nous devrions parvenir à un accord sur la forme et nous voterions alors votre amendement.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat. Je suis navré de ne pouvoir vous suivre dans votre argumentation, monsieur le sénateur, parce qu'un motif d'ordre familial ne saurait dépendre de considérations d'ordre public. Si la loi ne comportait pas de référence à un motif d'ordre familial, il serait très difficile à l'autorité réglementaire d'aller au-delà de la loi.
En revanche, sur le deuxième point - et cela figurera dans le compte rendu de nos débats - je peux préciser que : si le Gouvernement a prévu un décret en Conseil d'Etat, c'est notamment pour répondre à votre inquiétude : ce décret mentionnera qui pourra, au nom de la famille, exprimer un avis négatif ou une inquiétude. Dans la plupart des cas, il s'agira du conjoint, mais on peut imaginer des situations où ce sera un ascendant ou un descendant.
Sur une matière aussi délicate et touchant à la vie des familles et des personnes, il serait dangereux, me semble-t-il ; de s'aventurer à rédiger un texte en séance.
M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Nous demandions - et vous en étiez d'accord - qu'il n'y ait pas d'injustice entre ceux qui se sont maintenus irrégulièrement en France et ceux qui ont exécuté leur peine d'interdiction du territoire. Or, pour les premiers, vous n'avez pas demandé que l'on sollicite l'avis de la famille. Pourquoi faire une différence entre les uns et les autres ?
Je vous conjure de supprimer cette disposition qui retient d'une main ce que vous accordez de l'autre et qui ne respecte pas le principe d'égalité entre celui qui s'est maintenu irrégulièrement jusqu'au 30 avril 2003 et celui qui est parti au 1er janvier 2003. Je me permets d'y insister vivement.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.
Mme Marie-Christine Blandin. Je ne comprends vraiment pas comment on peut donner un tel pouvoir, arrogant, à la famille, dont la définition juridique en la matière demanderait d'ailleurs à être sérieusement précisée.
Une famille pourrait ainsi s'opposer à une sorte d'amnistie, c'est-à-dire au droit au retour sur le territoire français après l'exécution d'une peine, puisque vous appelez l'ITF une peine. Vous avez évoqué les troubles potentiels qu'un retour pourrait occasionner à une famille. Je vous concède que de tels troubles existent. Mais, dans un souci de parallélisme des formes, demandera-t-on demain aux familles françaises, lors de la libération d'un détenu qui a purgé sa peine, si elles s'opposent ou non à une éventuelle réduction de peine ?
Que je sache, le juge de l'application des peines ne se réfère pas à la famille pour savoir si, oui ou non, on peut réduire telle ou telle peine. Lorsque nous avons délibéré sur l'amnistie, nous n'avons pas présenté des amendements prévoyant un avis conforme de la famille. Je ne comprends donc vraiment pas quel est ce nouveau droit français, quelle est cette démocratie qui veut que l'on demande l'avis de la famille pour dire le droit.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat. J'ai beaucoup d'intérêt à débattre avec vous, madame la sénatrice, de ce sujet grave et douloureux ; et je sais que votre assemblée doit examiner aujourd'hui un projet de loi relatif à l'accueil et à la protection de l'enfance.
On peut fort bien imaginer qu'une femme qui aurait été victime de violences graves ou qu'un enfant qui aurait été l'objet de maltraitance puissent être très profondément traumatisés et d'autant plus inquiets à l'idée de voir revenir, des années plus tard, l'auteur de ces violences.
Entre ceux qui font l'objet de l'amnistie, mais qui résident en France, et qui n'ont donc jamais quitté le périmètre de proximité de leur famille, et ceux qui ont quitté la France depuis quelquefois fort longtemps, la situation n'est pas comparable.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Mais si, c'est pareil !
M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat. Un tel retour, dans un contexte où les deux parties ont refait leur vie, peut avoir des conséquences d'un ordre tout à fait différent.
Le Gouvernement a le même objectif que vous, mais il serait déraisonnable de vous suivre sur cet amendement, et dangereux pour les personnes que nous devons protéger.
Au surplus, il est impossible, ici, en séance, d'envisager tous les cas possibles, et c'est la vocation même d'un décret de prévoir les situations spécifiques, avec une pensée particulière pour la protection de la femme et de l'enfant.
Pour toutes ces raisons, il est sage de maintenir le texte tel qu'il vous est proposé et de rejeter les modifications suggérées.
M. le président. La parole est à M. Jacques Mahéas, pour explication de vote.
M. Jacques Mahéas. En fait, monsieur le président, je souhaite formuler une proposition de repli.
Dans le texte proposé par la commission, c'est la famille qui doit faire la demande. Or, plus que la demande de la famille, c'est son opposition qui est intéressante : la famille s'oppose et le juge tranche ; il ne peut pas en être autrement. Acceptez au moins cette proposition de repli, au moins celle-là !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Le décret en Conseil d'Etat prévu dans l'amendement précisera qui décide dans la famille. En général, ce sera le conjoint, mais ce pourra être un ascendant ou un descendant.
En fait, ce que nous voulons, c'est un visa de droit, et ce sera, d'ailleurs, le seul cas dans toute la législation. Il faut bien qu'il y ait l'accord de la famille. On peut imaginer, en effet, que l'étranger ait exercé des pressions sur les membres de la famille ; on voit mal comment ; revenant en France ; il ne continuerait pas ses pressions sur la famille. Mais l'étranger aura toujours la possibilité de bénéficier d'un visa de droit commun.
Si le Gouvernement accepte la rectification suggérée par M. Mahéas, la commission retirera son sous-amendement.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat. La dernière rédaction suggérée, qui prévoit la manifestation expresse de la famille en cas d'opposition, me semble un compromis sage et équilibré. Par ailleurs, il serait souhaitable que la Haute Assemblée soit unanime sur un tel sujet.
Le Gouvernement, qui, vous le voyez bien, est attentif aux suggestions de l'opposition, est prêt à se rallier à cette rédaction.
M. René Garrec, président de la commission des lois. Nous aussi !
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 332 rectifié ; présenté par le Gouvernement, et ainsi libellé :
« Après l'article 42, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Sauf en cas de menace pour l'ordre public, dûment motivée, les étrangers qui résident hors de France et qui ont obtenu l'abrogation de la mesure d'expulsion dont ils faisaient l'objet ou ont été relevés de leurs peines d'interdiction du territoire français ou encore dont les peines d'interdiction du territoire français ont été entièrement exécutées ou ont acquis un caractère non avenu, bénéficient, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, sauf si la famille s'y oppose, d'un visa pour rentrer en France, lorsque, à la date de la mesure, ils relevaient, sous les réserves mentionnées par ces articles, des catégories 1° à 4° des articles 26 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ou 131-30-2 du code pénal, et qu'ils entrent dans le champ d'application des 4° ou 6° de l'article 12 bis ou dans celui de l'article 29 de l'ordonnance susmentionnée.
« Ces dispositions ne sont applicables qu'aux étrangers ayant fait l'objet d'une mesure d'expulsion ou d'une interdiction du territoire français devenue définitive avant l'entrée en vigueur de la loi n° du relative à la maîtrise de l'immigration et au séjour des étrangers en France. »
Quant au sous-amendement n° 333, il est retiré.
La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote sur l'amendement n° 332 rectifié.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Compte tenu de cette rectification, je vous propose à mon tour une modification ; dans l'esprit de ce que vous venez de dire, monsieur le secrétaire d'Etat. Il s'agirait d'écrire « sauf opposition justifiée d'un ascendant, d'un conjoint ou d'un enfant. » Cela aurait l'avantage de reprendre les termes mêmes de la loi et d'éviter les gloses sur la définition de la famille.
M. le président. La parole est à M. le secrétariat d'Etat.
M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat. Il faut en terminer avec ce débat : c'est au juge d'apprécier si l'opposition est justifiée ou non.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ce n'est pas dit qu'il y aura retour vers un juge ! Et lequel ?
M. Jacques Mahéas. Le Conseil d'Etat le dira !
M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat. Je suggère donc d'en rester à la formule de compromis : « sauf si la famille s'y oppose ».
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 332 rectifié.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Le groupe socialiste s'abstient !
Mme Nicole Borvo. Le groupe CRC également !
(L'amendement est adopé.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 42.
Dans le délai d'un an suivant la publication de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport évaluant l'application de la réforme des règles de protection contre les mesures d'expulsion et les peines d'interdiction du territoire français issue de ladite loi.
M. le président. L'amendement n° 101, présenté par M. Courtois, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Dans cet article, remplacer les mots : "d'un an" par les mots : "de cinq ans". »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Cet amendement a pour objet de prévoir qu'un rapport portant sur l'évaluation de l'application de la réforme des règles de protection contre les mesures d'expulsion et les peines d'interdiction du territoire français issue de la présente loi devrait être remis au Parlement dans le délai de cinq ans et non d'un an. En effet, le délai retenu par l'Assemblée nationale semble trop court pour que le Gouvernement puisse réellement évaluer les résultats de cette réforme.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat. Nous nous en remettons à la sagesse du Sénat.
M. le président. La parole est à M. Jacques Mahéas, contre l'amendement.
M. Jacques Mahéas. Permettez-moi d'être impertinent. (Exclamations amusées sur les travées de l'UMP.) C'est mon droit, chers collègues.
Je remarque, en effet, que, si ce rapport doit être remis dans cinq ans, ce ne sera vraisemblablement pas par le même gouvernement. (Murmures sur les mêmes travées.)
Même si la coloration politique est la même, ce ne sera pas de la responsabilité de ce gouvernement !
De plus, permettez-moi de m'étonner que, bien qu'attachant une importance considérable à cette loi, vous ne puissiez pas rendre un rapport d'étape plus tôt au Parlement : un an, peut-être est-ce trop court, mais un délai de deux ans me paraît raisonnable.
Sur ce problème important - car, vraiment, la maîtrise de l'immigration, en règle générale, cela ne nous semble pas négligeable, il serait bon de ramener la périodicité de l'information au Parlement à moins de cinq ans.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 101.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 42 bis, modifié.
(L'article 42 bis est adopté.)
Les dispositions du quatrième alinéa du I de l'article 21 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 précitée, dans leur rédaction issue du 5° de l'article 16 de la présente loi, seront applicables sur le territoire français à compter de la date de publication au Journal officiel de la République française du protocole contre le trafic illicite de migrants par terre, air et mer, additionnel à la convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée, signée à Palerme le 12 décembre 2000, visée à cet article. (Adopté.)
Article 44
M. le président. L'article 44 a été supprimé par l'Assemblée nationale.
L'article 45 de la loi n° 98-349 du 11 mai 1998 relative à l'entrée et au séjour des étrangers en France et au droit d'asile est abrogé. - (Adopté.)
Les dispositions prévues à l'article 8 de la présente loi entreront en vigueur le 1er janvier 2004. Toutefois, les dispositions de l'article 12 ter de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 précitée telle que modifiée par la loi n° 98-349 du 11 mai 1998 précitée resteront en vigueur pour ce qui concerne les demandes d'asile territorial déposées avant cette date.
M. le président. L'amendement n° 232, présenté par M. Cointat, est ainsi libellé :
« Dans la première phrase de cet article, remplacer les mots : "1er janvier 2004" par les mots : "1er mai 2004". »
Cet amendement n'est pas soutenu.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Je le reprends, au nom de la commission, monsieur le président.
M. le président. Il s'agit donc de l'amendement n° 232 rectifié.
Vous avez la parole pour le défendre, monsieur le rapporteur.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. M. Cointat m'a demandé de reprendre son amendement, ce que je fais bien volontiers, puisque la commission y était favorable. Il s'agit de reporter l'entrée en vigueur de l'article 8 de la présente loi au 1er mai 2004, par coordination avec le projet de loi relatif au droit d'asile.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat. Favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 232 rectifié.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 44 ter, modifié.
(L'article 44 ter est adopté.)
Article additionnel après l'article 44 ter
M. le président. L'amendement n° 121, présenté par M. Gélard et les membres du groupe de l'Union pour un mouvement populaire, est ainsi libellé :
« Après l'article 44 ter, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à procéder, par ordonnance, à l'adoption de la partie législative du code de l'entrée et du séjour des étrangers en France.
« Le code de l'entrée et du séjour des étrangers en France regroupe et organise les dispositions législatives relatives à l'entrée, au séjour et au droit d'asile des étrangers en France.
« Les dispositions codifiées sont celles en vigueur au moment de la publication de l'ordonnance sous la seule réserve des modifications qui seraient rendues nécessaires pour assurer le respect de la hiérarchie des normes et la cohérence rédactionnelle des textes ainsi rassemblés et harmoniser l'état du droit.
« II. - L'ordonnance prévue au I est prise dans les douze mois suivant la publication de la présente loi.
« Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de deux mois à compter de sa publication. »
La parole est à M. Laurent Béteille.
M. Laurent Béteille. Cet amendement vise à demander au Gouvernement de procéder à la codification de l'ensemble des textes concernant l'entrée, le séjour et le droit d'asile des étrangers en France, au nom d'une plus grande clarté et d'une meilleure accessibilité.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Nous ne pouvons qu'être favorables à un amendement qui tend à autoriser le Gouvernement à créer par ordonnance un code de l'entrée et du séjour des étrangers.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat. C'est avec beaucoup de plaisir que, au nom du Gouvernement, j'émets un avis favorable. Etant chargé de la simplification, j'encourage activement tout ce qui peut contribuer à la codification.
Dans une récente décision sur la loi habilitant le Gouvernement à simplifier le droit ; le Conseil constitutionnel a fait de la clarté et de l'intelligibilité du droit un objectif à valeur constitutionnelle. Nul doute que la codification dans une matière aussi complexe que l'entrée et le séjour des étrangers en France y contribuera.
M. le président. La parole est à M. Jacques Mahéas, pour explication de vote.
M. Jacques Mahéas. Je ne comprends pas, monsieur le secrétaire d'Etat.
Nous sommes bien évidemment, les uns et les autres, favorables à la codification et nous souhaitons qu'elle aille le plus vite possible, conscients cependant du fait que les textes à codifier s'empilent et que la tâche du Conseil d'Etat s'alourdit d'autant.
Notre opposition tient au choix de la procédure, c'est-à-dire à l'habilitation donnée au Gouvernement pour qu'il légifère par ordonnance.
On peut comprendre que, dans certaines matières, l'information du Parlement et son intervention soient moins nécessaires. Cependant, sur un sujet aussi important, le Parlement doit être informé et être saisi d'un projet de loi de ratification.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat. Monsieur le sénateur, vous le savez mieux que quiconque, le droit des étrangers actuel comprend des dispositions sur l'asile, d'autres sur l'entrée et le séjour, et est constitué, par ailleurs, de nombreux textes réglementaires.
M. Jacques Mahéas. Nous sommes d'accord !
M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat. Croyez-vous sérieusement que la vocation du Parlement soit d'arrêter les choix aussi techniques que ceux que commande la codification ?
Si nous voulons réussir ensemble à simplifier réellement le droit, à le rendre moins opaque et à faire en sorte que nos concitoyens comprennent mieux la loi, il faut en rester aux principes fixés par la Constitution : le Parlement habilite le Gouvernement, c'est-à-dire qu'il fixe en termes suffisamment précis la feuille de route ; le Gouvernement prend l'ordonnance, en l'occurrence, le code sur l'entrée et le séjour des étrangers en France, et ensuite vient le moment de la ratification.
En ce qui concerne la ratification, la Constitution ouvre plusieurs possibilités. Je suis, pour ma part, tout à fait favorable à la ratification par le Parlement - ce sera le cas pour les ordonnances prises en application de la loi pour la simplification du droit -, ce qui permettra l'expression du Parlement, mais sans entrer, bien entendu, dans les détails techniques, car, sinon, il est impossible de réussir la simplification.
C'est pour cela, permettez-moi de vous le répéter, que le Conseil constitutionnel, qui avait été saisi par vous, a validé l'ensemble de la loi sur la simplification du droit en affirmant expressément, dans des considérants que je vous invite à relire, que la codification et la procédure par ordonnances étaient justifiées quand il n'y avait pas d'autre moyen pour atteindre l'objectif ; en l'occurrence un objectif qui doit nous rassembler, à savoir l'intelligibilité du droit.
M. le président. La parole est à M. Laurent Béteille, pour explication de vote.
M. Laurent Béteille. Les explications de M. le secrétaire d'Etat auraient pu m'éviter de m'exprimer de nouveau, mais je voudrais simplement rappeler que la codification est une mesure technique qui ne modifie pas au fond le droit, mais qui l'organise à partir des textes en vigueur. C'est d'ailleurs prévu au troisième alinéa de l'amendement que j'ai présenté tout à l'heure.
Il s'agit de reprendre les dispositions en vigueur et d'assurer simplement une cohérence rédactionnelle et une organisation des textes pour qu'ils soient plus aisés à comprendre et à utiliser.
Il n'y a pas du tout dépossession du Parlement dans cette affaire, mais, au contraire, un travail, effectivement utile et nécessaire dont le Conseil constitutionnel a reconnu qu'il était une exigence de la démocratie.
M. Jacques Mahéas. Si le Parlement ratifie !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 121.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 44 ter.
Il est créé une commission composée de parlementaires, de représentants de l'Etat et des collectivités locales ainsi que des acteurs socio-économiques, chargée d'apprécier les conditions d'immigration en Guyane et de proposer les mesures d'adaptation nécessaires.
Un décret fixera les modalités d'organisation et de fonctionnement de cette commission.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 212, présenté par Mme Payet, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit cet article :
« Il est créé deux commissions, respectivement en Guyane et à la Réunion, composées de parlementaires, de représentants de l'Etat et des collectivités locales ainsi que des acteurs socio-économiques, chargées d'apprécier les conditions d'immigration et de proposer les mesures d'adaptation nécessaires.
« Un décret fixera les modalités d'organisation et de fonctionnement de ces commissions. »
L'amendement n° 102 rectifié, présenté par M. Courtois, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Dans le premier alinéa de cet article, remplacer le mot : "locales" par le mot : "territoriales". »
« II. - Après le premier alinéa, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« La première réunion de cette commission est convoquée au plus tard six mois après la publication de la présente loi. »
L'amendement n° 306, présenté par M. Othily, est ainsi libellé :
« A. - Compléter cet article par un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« ... - Dans l'attente de connaître les propositions de cette commission, tout étranger arrivant illégalement en Guyane ne peut pas bénéficier de prestations légales et réglementaires. Pour bénéficier de ces prestations, il doit pouvoir justifier d'une présence minimum de dix années sur le territoire français et d'au moins cinq années de paiement de taxes. »
« B. - En conséquence, faire précéder cet article de la mention : "I". »
La parole est à Mme Anne-Marie Payet, pour présenter l'amendement n° 212.
Mme Anne-Marie Payet. A l'image de ce qui a été proposé à l'Assemblée nationale pour la Guyane, cet amendement prévoit la création d'une commission chargée d'examiner la situation de l'immigration à la Réunion.
En effet, la Réunion connaît une augmentation de l'immigration clandestine des îles périphériques qui pose à la collectivité d'importantes difficultés sociales et économiques.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 102 rectifié.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Cet amendement a pour objet d'apporter une précision rédactionnelle en prévoyant que la commission prévue à l'article 44 quater pour apprécier les conditions d'immigration en Guyane et proposer les mesures d'adaptation nécessaires se réunira pour la première fois au plus tard six mois après la publication de la présente loi, afin de répondre rapidement aux difficultés soulevées par M. Othily, ce que nous lui avions promis dans le débat, hier.
M. le président. La parole est à M. Georges Othily, pour présenter l'amendement n° 306.
M. Georges Othily. L'amendement que je présente a son importance, encore que les dispositions de l'article 44 quater, qui tend à créer une commission en Guyane composée de parlementaires, de représentants du monde socio-économique et d'élus et chargée de proposer les adaptations nécessaires, doit certainement permettre d'atteindre l'objectif que j'avais assigné à cet amendement.
En tout cas, il importe que la représentation nationale sache que, en matière d'immigration illégale, la Guyane connaît aujourd'hui une situation d'urgence et ne saurait attendre davantage des solutions à ce problème qui constitue un réel frein à son développement économique.
Dans la situation qui est la sienne aujourd'hui, la Guyane ne saurait se contenter de la seule création d'une « commission chargée d'apprécier les conditions d'immigration en Guyane et de proposer les mesures d'adaptation nécessaires ».
C'est pourquoi, avant même de connaître les conclusions des travaux de cette commission, il est nécessaire de prendre dès maintenant des mesures d'urgence pour ralentir - en espérant y mettre un terme - l'afflux massif d'immigrés sur le territoire français de la Guyane.
Cet amendement se fonde sur la connaissance des motivations et des déterminants d'ailleurs de l'immigration spécifique. En effet, si l'on vient en Guyane, c'est pour toucher des prestations sociales. La Guyane n'est alors qu'un guichet !
J'espère que cette nouvelle commission ne sera pas un « comité Théodule » et qu'elle prendra à bras le corps ce problème de l'immigration. Songez que plus de 100 milliards de centimes s'évaporent dans les pays limitrophes de la Guyane : il faut qu'ils puissent rester sur notre territoire, pour profiter à son développement.
En tout cas, je pense que notre rapporteur saura, le moment venu, faire ce qu'il faut pour que cette commission travaille vite ; quant au décret, il nous permettra de trouver les voies et moyens de la solution à ce problème d'immigration qui, aujourd'hui, concerne tous les Etats européens.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. L'amendement n° 212 de Mme Payet prévoit la création d'une commission spécifique chargée d'apprécier les conditions d'immigration à la Réunion et de proposer les mesures d'adaptation nécessaires.
La commission des lois, qui a émis un avis favorable sur l'amendement n° 211, après l'article 44 quater, pense que l'amendement n° 212 est satisfait et en souhaite le retrait.
Par l'amendement n° 306, M. Othily soulève effectivement un grave problème. La commission en est tout à fait consciente ; et c'est la raison pour laquelle elle a déposé un amendement tendant à fixer un délai de six mois à compter de la date de la publication de la présente loi pour que la commission se réunisse une première fois et propose un certain nombre de solutions à ce problème dont les conséquences financières sont extrêmement graves.
Je vous demande donc, monsieur Othily, de bien vouloir retirer votre amendement.
M. le président. Madame Payet, l'amendement n° 212 est-il maintenu ?
Mme Anne-Marie Payet. Non, monsieur le président, je le retire.
M. le président. L'amendement n° 212 est retiré.
Monsieur Othily, l'amendement n° 306 est-il maintenu ?
M. Georges Othily. Non, monsieur le président, je le retire également.
M. le président. L'amendement n° 306 est retiré.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 102 rectifié ?
M. Henri Plagnol secrétaire d'Etat. Le Gouvernement y est très favorable et je voudrais dire, au nom du ministre de l'intérieur ainsi que de mes collègues chargés de l'outre-mer, Mme Girardin et M. Bertrand, lequel suit plus particulièrement la situation de la Guyane, à quel point le Gouvernement est conscient des problèmes posés dans les deux départements de la Guyane et de la Réunion par l'augmentation considérable de l'immigration clandestine.
La Guyane a des frontières terrestres avec le Surinam et le Brésil ; lesquelles sont très difficiles à surveiller, et il est exact que des effets d'aubaine sont liés à notre système social. La Réunion est touchée par ce phénomène en raison de son niveau de vie très supérieur à celui des autres îles de l'océan Indien, notamment de l'archipel des Comores. Il faudrait aussi évoquer l'immigration clandestine vers Mayotte.
La création de commissions réunissant l'ensemble des acteurs constituera certainement un progrès important et nous en attendons un travail très utile.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 102 rectifié.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 44 quater, modifié.
(L'article 44 quater est adopté.)
Article additionnel après l'article 44 quater
M. le président. L'amendement n° 211, présenté par Mme Payet, est ainsi libellé :
« Après l'article 44 quater, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Il est créé une commission composée de parlementaires, de représentants de l'Etat et des collectivités territoriales ainsi que des acteurs socio-économiques, chargée d'apprécier les conditions d'immigration à la Réunion et de proposer les mesures d'adaptation nécessaires.
« Un décret fixera les modalités d'organisation et de fonctionnement de cette commission. »
La parole est à Mme Anne-Marie Payet.
Mme Anne-Marie Payet. Il a déjà été défendu.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat. Favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 211.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 44 quater.
Article additionnel avant l'article 45
M. le président. L'amendement n° 307, présenté par M. Othily, est ainsi libellé :
« Avant l'article 45, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Dans le département de la Guyane, le maire peut obtenir la liste des habitants de sa commune d'une part assujettis à la taxe d'habitation et d'autre part redevables à France Télécom et à Electricité de France.
« En cas de doute sur la régularité de la situation administrative d'un ressortissant étranger dans les limites de sa commune, il peut saisir le préfet afin de procéder à une enquête qui déterminera si ce ressortissant devra ou non quitter le territoire français.
« Un décret pris en Conseil d'Etat détermine les modalités selon lesquelles France Télécom et Electricité de France fournissent la liste des habitants visés au premier alinéa. »
La parole est à M. Georges Othily.
M. Georges Othily. Il est bon, à ce stade du débat, de préciser que l'adoption de cet amendement donnerait la possibilité aux maires d'avoir accès à la liste des habitants de leur commune assujettis à la taxe d'habitation et redevables à France Télécom et à EDF. On demande souvent aux maires de construire des écoles, de fournir un certain nombre de prestations pour des habitants qui, la plupart du temps, n'apportent pas leur contribution à la commune.
En attendant que de nouvelles dispositions soient prises, il faudrait donner aux maires des communes de Guyane, comme le prévoit l'article 73 de la Constitution permettant aux départements et régions d'outre-mer de procéder à des adaptations, la possibilité de s'entendre avec France Télécom ou avec EDF pour connaître la situation des résidents de leur commune. Cela leur permettrait d'élaborer une taxation normale et d'augmenter l'assiette fiscale, avant d'engager la construction d'établissements scolaires.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Cet amendement, dont je comprends les objectifs, risque de soulever de sérieuses difficultés au regard de la législation sur le croisement des fichiers.
Je tiens par ailleurs à vous confirmer, puisque nous en avons discuté en aparté, monsieur Othily, que le délai de six mois a bien été retenu puisque le Sénat a adopté l'amendement n° 102 rectifié. Je vous demande donc de bien vouloir retirer votre amendement.
M. le président. L'amendement n° 307 est-il maintenu, monsieur Othily ?
M. Georges Othily. Je le retire.
M. le président. L'amendement n° 307 est retiré.
I. - 1. Le Gouvernement est autorisé, dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution, à prendre par ordonnance les mesures nécessaires pour adapter les dispositions de la présente loi en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie, dans les îles Wallis et Futuna et à Mayotte, et en tirer les conséquences sur l'ensemble du territoire de la République.
Les projets d'ordonnance seront, selon les cas, soumis pour avis :
- pour la Polynésie française ou la Nouvelle-Calédonie, aux institutions compétentes prévues respectivement par la loi organique n° 96-312 du 12 avril 1996 portant statut d'autonomie de la Polynésie française et par la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie ;
- pour les îles Wallis et Futuna, à l'assemblée territoriale des îles Wallis et Futuna ;
- pour Mayotte, au conseil général de Mayotte, dans les conditions prévues à l'article L. 3551-12 du code général des collectivités territoriales.
2. Les ordonnances devront être prises au plus tard dans l'année de la promulgation de la présente loi.
3. Des projets de loi de ratification devront être déposés devant le Parlement dans les dix-huit mois de la promulgation de la présente loi.
II. - Dans les mêmes conditions, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnance les mesures nécessaires à l'actualisation des dispositions relatives à l'entrée et au séjour des étrangers dans les Terres australes et antarctiques françaises. - (Adopté.)
M. le président. L'amendement n° 2, présenté par M. Courtois au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit l'intitulé du projet de loi :
« Projet de loi relatif à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Cet amendement vise à modifier l'intitulé du projet de loi pour tenir compte des débats qui ont eu lieu et des dispositions qui ont été adoptées. Une nouvelle rédaction de l'intitulé du projet de loi serait en effet plus fidèle à son contenu, les articles 35 A et 35 bis modifiant le droit de la nationalité.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement est favorable à cet amendement très pertinent.
M. le président. La parole est à M. Jacques Mahéas, pour explication de vote.
M. Jacques Mahéas. Nous n'avons cessé de dire tout au long de ce débat que de nombreux articles avaient trait à la nationalité. Peut-être aurait-il été intéressant de s'en apercevoir avant et d'insérer une référence à la nationalité dans le titre du projet de loi.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 2.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'intitulé du projet de loi est ainsi rédigé.
M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Robert Bret pour explication de vote.
M. Robert Bret. A l'issue du débat, quels enseignements pouvons-nous tirer ?
Premier enseignement, avons-nous eu le grand débat sur l'immigration que nous avait promis M. le ministre de l'intérieur ?
Mes chers collègues, pour qu'il y ait débat, il faut qu'il y ait écoute et échange d'opinions. Or à aucun moment M. le ministre de l'intérieur n'a répondu à nos arguments au fond ; le Journal officiel est là pour en témoigner. Il a préféré donner la prime aux joutes oratoires et à la caricature : nous le regrettons sincèrement. Ce n'est pas notre conception du débat parlementaire.
M. Emmanuel Hamel. Vous ne pouvez pas dire cela. M. Sarkozy ne caricature jamais !
M. Robert Bret. Deuxième enseignement, concernant la directive européenne, M. le ministre de l'intérieur a fait semblant d'ignorer que ce type de texte a besoin d'une transposition approuvée par le Parlement pour devenir applicable dans l'ordre interne. En effet, ni la directive sur les résidents de longue durée ni celle qui est relative aux réfugiés n'ont été transposées à ce jour.
Par ailleurs, il semble ignorer le contenu même des projets de directive puisque la dernière version du Conseil de l'Union européenne en date du 23 juillet dispose dans son article 13 - page 23 - si vous souhaitez vérifier vous-même : « Les Etats membres peuvent délivrer des titres de séjour permanents ou d'une durée de validité illimitée à des conditions plus favorables que celles établies dans la présente directive. » Je confirme ainsi que le nivellement par le bas est un choix politique du Gouvernement, pas une contrainte européenne.
Troisième enseignement, en fait de texte fondateur d'une politique novatrice en matière d'immigration, fondée sur le respect et l'intégration des étrangers régulièrement installés en France par une lutte sans merci à l'égard des passeurs et des clandestins, qu'a-t-on à l'arrivée ? Il n'y a rien contre les mafias, rien contre les trafics : on préfère sanctionner les victimes elles-mêmes.
Le Gouvernement aurait été bien inspiré de reprendre certaines dispositions de la proposition de loi sur l'esclavage moderne adoptée à l'Assemblée nationale sous la législature précédente ! En réalité, on utilise le même raisonnement - et le rapprochement n'est malheureusement pas si hasardeux - que celui qui a prévalu pour la prostitution : en s'attaquant aux prostituées, on croit s'attaquer aux proxénètes, alors que l'on contribue au contraire à renforcer et à durcir les systèmes mafieux.
Quatrième enseignement ; un arbre ne cache jamais la forêt. Les avancées sur la double peine et les deux ou trois amendements de l'opposition que vous avez acceptés ne rendront jamais ce texte humain et protecteur à nos yeux. Ils ne suffisent pas à cacher la suspicion systématique vis-à-vis de l'étranger ni la vision profondément utilitariste qui la sous-tend. On passe de la conception de l'étranger titulaire de droits et partie prenante de la communauté française à celle de l'immigré, l'étranger « kleenex », aux droits concédés, et dont le statut reste précaire et révocable.
Cinquième et dernier enseignement : on ne combat pas l'intolérance en se plaçant sur le même terrain que les extrémistes. Nous en verrons malheureusement les effets dans quelque temps. En attisant les sentiments de rejet, on ne fait que banaliser les comportements xénophobes.
Parallèlement, en fermant un peu plus les frontières, on pousse les gens à la désespérance et aux actes de folie, sans jamais les dissuader de venir en France parce que les raisons qui les y conduisent seront toujours les mêmes : misère, persécution, guerre. Les drames humains qui se sont déroulés ces derniers mois le démontrent.
Illusoire, inefficace et coûteux : voilà le résumé que l'on peut faire de ce projet de loi. Il s'agit d'une politique d'affichage qui, loin de consacrer l'intégration des étrangers, va dans le sens d'une précarisation de leur situation. Vous comprendrez, dans ces conditions, que le groupe communiste républicain et citoyen vote contre ce texte.
M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Payet.
Mme Anne-Marie Payet. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, en cette fin de discussion, je voulais vous faire part de ma satisfaction et de celle de l'ensemble de mon groupe.
Vous nous avez proposé, monsieur le secrétaire d'Etat, un texte qui permet d'améliorer la lutte contre l'immigration clandestine en renforçant certains dispositifs, en particulier ceux qui concernent la carte de résident ou les détournements du mariage.
Sans tomber dans des clichés réducteurs de l'immigration zéro, il était en effet urgent de légiférer sur cette question.
Plusieurs points vont dans le bon sens, au premier desquels se trouve l'implication des maires dans la politique locale de l'immigration. Si le texte replace le maire au centre de la politique de l'immigration, il s'agit d'une avancée significative, car qui d'autre que le maire constitue l'autorité de proximité directement concernée par les difficultés de l'immigration ?
Je voulais également saluer l'effort du Gouvernement sur la question de la double peine. Il était en effet important d'avancer sur cette question, tant certaines situations étaient humainement inacceptables.
Enfin, à titre personnel, je voudrais vous remercier de m'avoir écoutée sur la délicate question de l'immigration clandestine à la Réunion et dans d'autres départements d'outre-mer. Le sujet mérite une attention toute particulière en raison de l'importance des flux migratoires et de la particularité de cette immigration.
L'outre-mer n'est pas seulement un titre à la fin d'une loi. Nous avons besoin de solutions face à ce problème. C'est pourquoi je vous avais soumis un amendement créant, à l'image de ce qui a été fait pour la Guyane, une commission chargée d'examiner la situation de l'immigration à la Réunion. Je me réjouis vivement que cet amendement ait été adopté.
Pour conclure, je souhaite saluer le travail de M. le rapporteur, qui a proposé des modifications permettant l'amélioration du dispositif, et vous préciser, s'il en était nécessaire, que le groupe de l'Union centriste votera ce texte. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Mahéas.
M. Jacques Mahéas. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, au moment de procéder au vote sur ce projet de loi, nous n'enregistrons que bien peu de satisfactions pour beaucoup de regrets et de vives inquiétudes.
Malgré nos efforts réitérés, nous n'avons réussi que de manière très limitée à faire modifier certaines dispositions du projet de loi. Nous avons pourtant fait des pas en direction du Gouvernement, notamment en acceptant la création du fichier collectant empreintes digitales et photographies des étrangers ayant obtenu un visa. Si, comme nous, vous croyez à l'efficacité de cette mesure, pourquoi l'assortir de tant d'autres dispositions extrêmement coercitives ?
Pourquoi passer insensiblement de la rétention à la détention en allongeant considérablement les délais ?
La loi actuelle permet de remplir l'objectif d'un doublement des reconduites à la frontière, objectif que vous avez fixé aux préfets. Votre ministère tire d'ailleurs fierté de multiplier les « vols groupés ». Il y en a déjà eu quatre-vingt-six cette année.
Cet exemple n'est qu'une des manifestations de ce contraste permanent entre une attitude d'une douceur affectée et une action d'une grande brutalité. M. le ministre de l'intérieur se réclame sans cesse d'un pragmatisme de bon aloi visant à l'intégration des étrangers en situation régulière. Bien évidemment, cet objectif nous semble également tout à fait légitime. Malheureusement, pour l'essentiel, les mesures proposées ne feront que précariser davantage les étrangers régulièrement installés en France. Comment oser prétendre faciliter l'intégration en durcissant les conditions d'accès au regroupement familial, en rendant plus complexe la délivrance des titres de séjour ou en portant sur tout mariage mixte un regard de suspicion ?
J'en viens au dernier point que je souhaite évoquer, l'aménagement de la « double peine ». Il représente certes une avancée qu'il convient de saluer, même si elle fut contrainte et forcée pour la majorité. Mais j'ai compris la leçon de M. le ministre de l'intérieur. Il ne fallait pas rappeler leurs errances à quelques députés de droite, car ce serait un souvenir « humiliant » - c'est le terme même qu'a employé le ministre - pour eux. Je ne le ferai donc pas.
Vous me permettrez cependant de souligner qu'il y a encore beaucoup de chemin à faire pour convaincre certains hommes de droite, tant dans cet hémicycle qu'à l'Assemblée nationale.
Je ferai une proposition à votre gouvernement, monsieur le secrétaire d'Etat, et éventuellement au groupe UMP de l'Assemblée nationale : soumettez l'ensemble de ce texte au Conseil constitutionnel ! (Exclamations sur les travées de l'UMP. - M. le rapporteur manifeste son désaccord.)
Vous protestez, monsieur Courtois. C'est pourtant dans la logique des choses, puisque vous êtes sûr de ce texte. Donc, je vous fais cette proposition, qui n'est pas absurde a priori.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur, et M. René Garrec, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Faites-le vous-même !
M. Jacques Mahéas. M. le rapporteur proteste, mais je confirme qu'il n'est pas absurde de soumettre l'ensemble de ce texte au Conseil constitutionnel. Cela l'est encore moins en ce qui concerne les délais de rétention, qui passent de douze jours à trente-deux jours ! Ce ne serait d'ailleurs pas la première fois qu'un gouvernement le ferait, puisque, en février 1992, sur un sujet semblable, le gouvernement d'Edith Cresson...
M. Laurent Béteille. Quelle référence !
M. Jacques Mahéas. ... avait lui-même saisi le Conseil constitutionnel. Ainsi, vous seriez absolument certains que ce texte difficile est bien en conformité avec la Constitution.
Un sénateur de l'UMP. Il ne faut pas charger le Conseil constitutionnel !
M. Jacques Mahéas. Il ne faut pas charger le Conseil constitutionnel ? C'est votre opinion, mais cela me semble pourtant relever de sa compétence.
M. le président. Monsieur Mahéas, veuillez conclure !
M. Jacques Mahéas. Je termine !
Vous aurez compris que, malgré quelques rares points de consensus, le groupe socialiste ne peut pas voter un texte inspiré par un soupçon permanent de fraude à la loi envers des étrangers auxquels n'est proposé qu'un statut précaire et révocable. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Georges Othily.
M. Georges Othily. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous sommes arrivés au terme d'un long et très riche débat sur un sujet qui est resté trop longtemps sensible et polémique dans notre pays. A cet égard, l'excellent travail réalisé par notre rapporteur mérite nos félicitations.
De ce point de vue, l'intitulé de ce projet de loi résume bien l'enjeu de la question de l'immigration telle qu'elle se pose à notre pays aujourd'hui. En effet, plus que de l'immigration, c'est de sa maîtrise que nous avons débattu... Il ne s'agit plus d'être pour ou contre l'immigration : ce débat appartient à une autre époque !
Il s'agit, au contraire, de maîtriser l'immigration et d'avoir en ce domaine une politique réaliste, claire et pragmatique, une politique qui n'aille pas au-delà des limites du possible et qui, dans le même temps, épuise le champ des possibles !
Oui, il est normal qu'un pays décide du nombre d'immigrés qu'il peut, ou qu'il veut, accueillir. D'ailleurs, les Etats européens sont aujourd'hui tous confrontés à ce problème. Les ministres de l'intérieur de ces Etats ont ainsi pris date, lors de la réunion de Rome, pour définir cette politique. Pour pouvoir un jour s'ouvrir sur une main-d'oeuvre nouvelle, l'Europe doit aujourd'hui s'organiser. C'est ce que nous sommes en train de faire avec le Gouvernement.
Enrichi par l'adoption de très nombreux amendements de la Haute Assemblée, le projet de loi instaure un juste et raisonnable équilibre entre solidarité et principe de réalité. La nouvelle modification de l'ordonnance du 2 novembre 1945 qu'il prévoit constituera donc une excellente loi et une réelle avancée.
Ce texte renforce notre arsenal législatif afin de mettre un terme aux abus en tout genre et aux nombreux détournements de diverses procédures : je pense, par exemple, au « mariage blanc ».
Dans le même temps, ce texte réaffirme clairement la tradition multiséculaire d'accueil de la France et contient des mesures que l'on peut aisément qualifier d'humanistes. De toutes, l'abrogation de la « double peine », dans certains cas, est probablement la plus emblématique. Elle a d'ailleurs été saluée sur toutes les travées de la Haute Assemblée comme un réel progrès qui fait honneur à notre République et à M. le ministre de l'intérieur.
S'agissant plus spécifiquement de la Guyane, j'ai eu l'occasion, au cours de la discussion générale mais aussi durant l'examen des amendements que j'ai déposés, d'exprimer de sérieuses réserves, voire de très sérieux doutes, sur l'efficacité de ce texte concernant la lutte contre l'immigration clandestine en Guyane.
M. le ministre de l'intérieur m'en a donné acte et je l'en remercie, car il faut maintenant agir rapidement. Comme nombre de nos collègues de la Haute Assemblée, il s'est rendu en Guyane, où il a récemment pu voir le fleuve Maroni. Il a également pu apprécier combien la Guyane est véritablement un territoire à part en matière d'immigration, question dont la prise en compte est essentielle pour lui permettre de rattraper une partie du retard qu'elle accuse depuis très longtemps par rapport à la France hexagonale.
Et M. le ministre de l'intérieur a lui-même reconnu que le texte que nous venons d'examiner ne prenait pas en compte les réalités très spécifiques du cas guyanais et que les mesures qu'il contenait ne lui étaient pas adaptées. Autrement dit, il a admis qu'une législation spécifique à la Guyane était nécessaire et urgente.
Pour ce faire, l'article 44 quater du présent texte prévoit, et c'est là l'unique disposition qui soit spécifique à la Guyane, la création d'une commission composée notamment de parlementaires.
J'ai fait part à M. le ministre de l'intérieur de ma crainte de voir cette commission devenir une énième commission Théodule. C'est pourquoi je demande au Gouvernement de veiller au plus vite à sa mise en place et de lui donner tous les moyens nécessaires. Il en va du développement et des conditions de vie d'une partie de la population française qui ne saurait supporter encore très longtemps une situation parfois proche du chaos.
En tout cas, sachez, monsieur le secrétaire d'Etat, que pour ma part je suis prêt à participer très activement aux travaux de cette commission et à faire des propositions adaptées au problème de l'immigration tel qu'il se pose en Guyane.
C'est pourquoi, ayant pris acte des engagements de M. le ministre de l'intérieur et de ses promesses vis-à-vis de la Guyane durant ce débat, je voterai en faveur de ce projet de loi, comme d'ailleurs la plupart de mes collègues du groupe du Rassemblement démocratique et social européen. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.
Mme Marie-Christine Blandin. De la défense hargneuse du terrier à la collaboration symbiotique, le règne animal n'a heureusement rien à voir avec la société humaine, qui, elle, a su tisser des liens sociaux, économiques, culturels, d'abord dans son village, puis dans sa province, dans son pays, dans son union de pays, enfin sur la planète.
Nous y avons un destin commun, une histoire collective, et aucun des malheurs ou des bonheurs des uns n'est indépendant des échecs ou des succès des autres.
Si la France veut maîtriser ce que la commission appelle dans son rapport les « flux d'étrangers », qu'elle commence par requalifier ses rapports Nord-Sud. Hélas, le budget de la coopération est annoncé en baisse de 10 %.
Si la France veut intégrer ses résidents étrangers, qu'elle commence par leur apporter une juste considération, des outils d'intégration. Lucie Aubrac rappelait comment, après-guerre, l'école publique s'était mobilisée pour mettre à niveau les enfants de migrants italiens.
Au lieu de cela votre loi barricade le pays, complexifie le parcours, menace la solidarité, exige le français spontané, l'amour démontré, le parcours jamais entaché, l'accès aux droits limité et ne franchit pas le pas de l'abolition totale de l'interdiction de territoire.
Quelques horreurs minoritaires, inlassablement répétées comme de bons mots, de logements surpeuplés, de mineurs exploités ou de dealers organisés,...
M. Laurent Béteille. Cela existe !
Mme Marie-Christine Blandin. ... et tout crime ou acte de délinquance que nous combattons vous servent de portraits-robots pour l'ensemble du dispositif contre les étrangers. Comme si les violences conjugales qualifiaient le portrait de l'ensemble de la gent masculine de notre pays. Non, tout le monde n'est pas suspect !
Parlons de la méthode.
Quand, à l'article 33, nous vous décrivions la situation inacceptable dans les lieux de rétention, le ministre de l'intérieur persiflait sur la non-action passée de « nos amis », ce qui réjouit toujours les travées de l'UMP.
Moi, je ne me sers pas du bilan Pasqua en guise de débat. Il vaut mieux débattre des faits et des idées que des personnes, du futur que l'on construit plutôt que de ce qui n'a pas été fait hier. Et puis je préfère mes amis qui n'ont pas tout fait à ce gouvernement qui aura tout défait, en nous laissant passer d'une terre d'accueil reconnue pour sa solidarité à une France fermée, à la démocratie écaillée par l'arbitraire de la validation des preuves demandées aux étrangers pour accéder à leurs droits.
La seule consolation sera que le travail inlassable, militant, humanitaire et culturel des associations ait ici obtenu des résultats quant à ce que l'on appelle certaines « doubles peines ». La levée de cette injustice pour quelques-uns ne masquera pas cependant cette mauvaise loi que nous ne soutiendrons pas, car elle ne nous apprend pas à vivre ensemble. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Laurent Béteille.
M. Laurent Béteille. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le Gouvernement a trouvé en matière d'immigration une situation intolérable et absurde.
Elle est absurde, parce que plusieurs centaines de milliers d'immigrés clandestins, en nombre toujours plus important, séjournent dans notre pays, parce que des décisions rendues par les tribunaux ne sont jamais exécutées et parce que nous avions une législation inefficace et sans cesse détournée par des mafias - je pense aux passeurs ou aux employeurs clandestins - au détriment des plus faibles, y compris des enfants.
Cette immigration clandestine constitue par sa nature et par sa faiblesse un réservoir d'illégalité, voire de délinquance ne serait-ce que pour survivre sur notre territoire.
Face à cette situation, il était effectivement urgent d'agir, et je rejoins tout à fait ce qu'a dit Mme Payet tout à l'heure. C'est dans ces conditions que M. le ministre de l'intérieur nous a présenté un texte très complet, juste et équilibré, qui s'attaque à toutes les failles actuelles et met en place les outils nécessaires à une véritable politique de maîtrise de l'immigration.
Parallèlement, ce texte favorise l'intégration de l'étranger en situation régulière en France, non seulement par une mesure emblématique comme celle de la suppression de la « double peine », mais aussi parce que, en maîtrisant le phénomène de l'immigration et en luttant contre les abus les plus manifestes, on réhabilite l'immigration, qui est un phénomène normal et ancien.
Au vu du caractère habibuellement sensible du thème de l'immigration, nos débats au sein de la Haute Assemblée se sont remarquablement bien passés.
Cela n'était pas aisé tant le débat est généralement monopolisé par les tenants d'un laxisme irresponsable et par les partisans d'une fermeté à tous crins, reposant sur le fantasme protectionniste de l'immigration zéro.
Certes, la discussion a été soutenue, mais c'est la preuve de la vigueur démocratique de notre assemblée.
A ce titre, je tiens à remercier M. le ministre, qui a su à l'occasion dépassionner un débat habituellement source de violentes oppositions sans pour autant l'affadir.
Le Gouvernement a laissé toute sa place au débat. En plus des amendements de la commission des lois, pas moins d'une quarantaine d'amendements de l'UMP ont été adoptés et des amendements émanant de l'opposition l'ont également été. Par ailleurs, le Gouvernement a toujours recherché le consensus, n'hésitant pas à proposer des amendements de synthèse des positions de la majorité et de l'opposition, par exemple sur l'accès à la nationalité ou sur la délivrance des visas. Une nouvelle preuve de cet esprit d'ouverture nous a été donnée tout à l'heure au sujet du retour des étrangers qui ont fait l'objet d'une levée de leur interdiction du territoire.
Le maître mot de cette politique est l'équilibre : équilibre entre une immigration zéro et une ouverture totale des frontières ; équilibre entre, d'une part, un renforcement des contrôles et des procédures à tous les maillons de la chaîne de l'immigration clandestine, d'autre part une meilleure intégration des étrangers régulièrement installés sur notre territoire et réellement désireux de devenir français.
Vous adressez un message très clair aux étrangers : pour devenir français, il faut en avoir la volonté. Le contrat d'accueil et d'intégration va permettre de contrôler la réalité de cette volonté.
En contrepartie vous réformez la « double peine » afin d'éviter, d'une part, le « bannissement » de personnes demeurant en France depuis leur enfance, d'autre part, l'éloignement d'étrangers qui provoquerait l'éclatement de familles stables.
Des dispositions essentielles ont été adoptées dans ce projet de loi. Sans les reprendre toutes dans le détail, je citerai la création du fichier d'empreintes digitales pour les demandeurs de visa, dont presque personne sur ces bancs n'a remis en cause la pertinence, et la création de l'infraction d'organisation ou de participation à un mariage de complaisance demandée par un grand nombre d'élus locaux.
Je tiens d'ailleurs ici à saluer, au nom du groupe de l'UMP, l'excellent travail de la commission des lois et de son rapporteur, Jean-Patrick Courtois, dont les amendements ont permis d'améliorer ce texte de manière très substantielle, tout en maintenant le cap d'équilibre et de mesure du Gouvernement.
Je tiens également à saluer l'initiative de notre collègue Jean-Jacques Hyest, qui a permis de supprimer la disposition introduite par l'Assemblée nationale, disposition inutile et injuste visant à faire payer une amende au travailleur clandestin.
Surtout, je tiens à souligner avec force que ce sont les immigrés eux-mêmes qui seront les grands bénéficiaires de cette politique, les immigrés entrés légalement sur notre territoire pour lesquels va enfin être mise en place une vraie politique d'intégration.
Enfin, je tiens à dire à nos collègues de l'opposition qu'ils se sont parfois trompés de combat durant la discussion de ce texte. Lorsqu'ils stigmatisent notre politique, qu'ils jugent trop stricte, ils ne se rendent pas compte qu'ils proposent d'ouvrir ainsi la voie aux filières qui n'attendent que cela pour s'engouffrer dans les failles de notre système.
En croyant être généreux, vous portez la responsabilité de créer un appel d'air qui décuple et décuplera cette immigration contrainte, et les premières victimes en seront les immigrés eux-mêmes.
En conséquence, le groupe de l'UMP votera avec conviction en faveur de ce texte tel qu'il ressort des travaux de notre Haute Assemblée. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo. Je citerai d'abord quelques exemples de la modération du Sénat dans ce débat : recul quant à la criminalisation des travailleurs sans papiers, amélioration pour les étrangers gravement malades, et je ne néglige en rien l'avancée que constitue l'atténuation de l'effet couperet de la « double peine ».
Ces quelques exemples montrent qu'il est à l'évidence nécessaire sur des sujets qui touchent aux libertés et aux personnes - bref, à l'humain - de réfléchir sereinement, en dehors des effets médiatiques et des effets de manche.
Hélas ! Ce ne sont que quelques gouttes d'eau qui ne changent en rien l'économie générale du projet de loi.
C'est en effet un texte d'affichage idéologique inquiétant qui fait de l'étranger un suspect et un fraudeur potentiel à la maladie, au mariage, au travail, etc.
Ce texte affiche votre conception de l'immigration, certes partagée par tous les libéraux : le patronat a besoin des immigrés, mais ceux-ci doivent être corvéables à merci, à un coût minimal, et éloignables.
Que d'autres pays européens aient les mêmes conceptions est une lapalissade, mais quel dommage de ne pas vouloir réfléchir à la richesse singulière de notre histoire nationale et de notre longue tradition d'immigration !
Monsieur le secrétaire d'Etat, votre gouvernement est aux affaires depuis dix-huit mois. Je crains que le rouleau compresseur sécuritaire n'ait pas les effets escomptés.
Je laisse les résultats à l'appréciation de chacun, mais la méthode Coué ne suffit pas, pour la baisse de la délinquance par exemple, d'autant que les raisons qui avaient conduit, en d'autres temps, à la constitution de la commission Pandraud-Caresche sur les statistiques restent pertinentes.
Je laisse également à votre appréciation le traitement des dossiers les plus médiatisés sur les immigrés clandestins. Que sont les Roms devenus ? M. le ministre de l'intérieur avait pourtant vanté les accords passés avec la Roumanie ! Que sont les réfugiés de Sangatte devenus ?
Quant aux effets politiques, hélas ! sur fond de crise et d'insécurité sociale, la droite extrême a insufflé la peur, la désignation de boucs émissaires, la xénophobie, le racisme.
La suivre sur ce terrain est éminemment dangereux et, passez-moi l'expression, peu « payant ». Le Pen caracole toujours dans les sondages. Il est passé de l'insécurité publique au terrain social, qui préoccupe au premier chef nos concitoyens, en utilisant les mêmes recettes : encore plus de boucs émissaires et plus d'atteintes aux droits élémentaires des salariés. La course est sans fin !
Mes amis du groupe communiste et moi-même nous honorons de n'avoir jamais cédé à cet air du temps nauséabond. Nous défendons d'autres conceptions des rapports sociaux, des rapports mondiaux et des rapports humains.
Ce n'est pas parce que nous sommes très minoritaires que nous avons tort. L'inverse nous est d'ailleurs arrivé, et nous l'avons payé très cher.
Monsieur le secrétaire d'Etat, une politique digne de ce nom en matière d'immigration se préoccupe d'abord des rapports avec les pays d'où partent les immigrés, en général, sachez-le, malgré eux ; ensuite, de l'intégration des étrangers quand ils sont sur le territoire de notre pays ; enfin, de la poursuite inlassable de ceux qui exploitent la misère des autres, patronat compris.
Ne me répondez pas que le Gouvernement le fera ! M. le ministre de l'intérieur et M. le garde des sceaux l'avaient déjà promis en juillet 2002 lors de l'examen des lois-cadres sur la sécurité et sur la justice.
Depuis, les sanctions ont été renforcées dans tous les domaines ; nous attendons toujours la prévention et la protection !
Pour toutes ces raisons, nous sommes totalement opposés à cette loi sur l'immigration. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Je veux tout d'abord remercier le Gouvernement, ainsi que tous ses collaborateurs, de la qualité de nos relations, de la confiance qu'ils m'ont témoignée et du travail que nous avons effectué ensemble.
Je remercie aussi tous mes collègues de la qualité des débats et des nombreux amendements qui ont enrichi et amélioré ce texte.
Je remercie encore les services de la police de l'air et des frontières qui, au cours de mes nombreux déplacements, m'ont fait partager leur expérience du terrain.
Comme il était prévisible, de nombreux points de désaccord sont apparus, notamment sur la réforme des procédures de rétention et de maintien en zone d'attente, sur le rôle des maires, ou encore sur l'adjonction d'une condition d'intégration pour l'obtention d'une carte de résident.
Mais, en dépit de ces désaccords, je tiens à souligner les nombreux consensus qui ont pu se dégager au cours des débats. Dans une matière habituellement polémique, ce fait est suffisamment exceptionnel pour être souligné.
Ainsi, à propos du relevé des empreintes digitales des demandeurs de visa, nous sommes parvenus ensemble à une rédaction satisfaisante pour tous, rendant obligatoire le relevé des empreintes lors de la délivrance du visa.
C'est encore ensemble que nous avons supprimé la sanction pénale à l'encontre des travailleurs étrangers sans titre de séjour.
D'autres mesures ont été votées à l'unanimité ou dans un quasi-consensus, notamment la protection du conjoint étranger victime de violences conjugales, le rétablissement du SMIC comme condition de ressources exigées pour bénéficier du regroupement familial, le rétablissement de l'information immédiate du procureur de la République des décisions de placement en zone d'attente ou la définition du délit de mariage de complaisance.
Quant à la « double peine », même si l'opposition souhaitait aller plus loin, je crois pouvoir dire que tout le monde salue la réforme.
En guise de conclusion, je dirai que cette nouvelle loi relative à l'immigration ne sera pas un texte supplémentaire dans une matière habituellement soumise aux aléas des alternances politiques. Le climat politique a changé sur ces questions, comme l'illustrent les points de consensus apparus au cours des débats.
Ce projet de loi est la fondation d'une nouvelle politique migratoire. Je vous propose donc, mes chers collègues, de l'approuver. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin
n° 14
:
Nombre de votants | 319 |
Nombre de suffrages exprimés | 319 |
Majorité absolue des suffrages | 160 |
Pour | 205 |
Contre | 114 |
MM. Claude Estier et Jacques Mahéas. Nous progressons !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat. Au nom du ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, M. Nicolas Sarkozy, et de l'ensemble du Gouvernement, je tiens à adresser mes remerciements aux présidents de séance qui ont conduit les débats au fil des jours, à M. le président de la commission des lois et au rapporteur, M. Jean-Patrick Courtois, dont chacun a salué l'excellence des travaux, ainsi qu'à l'ensemble des intervenants, qui ont permis la tenue d'une discussion de grande qualité et très digne, avec de nombreux points d'unanimité sur lesquels je voudrais insister : la réforme de la double peine, la reconnaissance d'un droit au titre de séjour pour les femmes battues, le fichier des empreintes digitales pour les demandeurs de visa, la sanction des employeurs de travailleurs clandestins, le délit de mariage blanc, le rôle des avocats pendant la rétention. Ce sont là autant de thèmes sur lesquels le texte a été considérablement enrichi par la Haute Assemblée, grâce à un consensus qui montre que l'on peut aller au-delà des clivages partisans traditionnels sur des sujets aussi essentiels.
Par ailleurs, je voudrais me tourner vers la majorité pour la remercier de sa confiance et de l'adoption d'un projet de loi aussi important au regard de la maîtrise de l'immigration clandestine, du séjour des étrangers et de la nationalité. Il convenait d'élaborer un texte équilibré, car c'est en luttant avec davantage d'efficacité contre l'immigration clandestine que l'on repoussera les démons de la xénophobie et de l'extrémisme. Ce sont le laxisme et la complaisance, le non-respect des lois de la République qui ont fragilisé à ce point l'intégration des étrangers sur notre sol. Des dispostions majeures telles que l'allongement du délai de rétention, la restauration des pouvoirs des maires en matière de contrôle des attestations d'accueil ou la lutte contre les mariages forcés seront de nature à faire de nouveau prévaloir la loi républicaine.
Enfin, je voudrais souligner, à la suite du ministre de l'intérieur, qui y a insisté continûment, que la vision du Gouvernement n'est absolument pas celle d'une France refermée sur elle-même ; c'est au contraire celle d'une France ouverte à tous ceux dont l'immigration peut être utile, notamment aux étudiants, pour lesquels nous souhaitons augmenter le nombre des visas, et aux professionnels dont les secteurs déficitaires en personnels de notre économie ont besoin.
Il s'agit, avec ce texte équilibré, de réduire les flux d'immigration clandestine pour favoriser l'immigration du travail, dans le respect de la tradition de la France, celle des droits de l'homme et d'une loi identique pour tous ceux qui sont désireux de vivre en paix sur notre sol et d'enrichir la nation par leur travail. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'Etat, de l'hommage que vous avez rendu au Sénat, en particulier à sa commission des lois et à M. le rapporteur.
NOMINATION DE MEMBRES
D'UNE COMMISSION MIXTE PARITAIRE
M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la demande de constitution d'une commission mixte paritaire sur le texte que nous venons d'adopter.
Il va être procédé immédiatement à la nomination de sept membres titulaires et de sept membres suppléants de cette commission mixte paritaire.
La liste des candidats établie par la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale a été affichée, conformément à l'article 12 du règlement.
Je n'ai reçu aucune opposition.
En conséquence, cette liste est ratifiée et je proclame représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire :
Titulaires : MM. René Garrec, Jean-Patrick Courtois, Patrice Gélard, Jean-René Lecerf, Pierre Fauchon, Michel Dreyfus-Schmidt et Robert Bret.
Suppléants : Mme Michèle André, MM. Laurent Béteille, Christian Cointat, Jean-Jacques Hyest, Jacques Mahéas, Georges Othily et François Zocchetto.
ACCUEIL ET PROTECTION DE L'ENFANCE
Adoption d'un projet de loi
M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 434, 2002-2003) relatif à l'accueil et à la protection de l'enfance. [Rapport n° 10 (2002-2003).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre délégué.
M. Christian Jacob, ministre délégué à la famille. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi que j'ai l'honneur de vous présenter aujourd'hui, en plein accord avec M. Jean-François Mattei, s'inscrit, sur la forme comme sur le fond, dans le droit fil de la conférence sur la famille qui s'est tenue le 29 avril dernier, sous la présidence de M. le Premier ministre.
Je tiens à insister sur le fait que chacun des cinq thèmes que je vous propose d'examiner est le fruit d'un travail de discussion et de concertation avec tous les acteurs concernés.
Vous avez souligné, monsieur le rapporteur, que ce texte répondait à une démarche volontairement pragmatique. Je vous en remercie.
S'agissant tout d'abord de l'accueil du jeune enfant, un double objectif est visé au travers de la disposition présentée au titre Ier : d'une part, renforcer l'offre de garde, pour répondre à la forte demande des familles, et, d'autre part, améliorer la situation des assistantes maternelles.
S'agissant ensuite de la lutte contre l'absentéisme scolaire, j'ai installé, voilà un an, avec MM. Nicolas Sarkozy, Luc Ferry et Xavier Darcos, un groupe de travail chargé d'examiner les moyens de soutenir et de responsabiliser les familles, afin de remédier aux manquements à l'obligation scolaire.
M. Jean-François Mattei et moi-même avons voulu une consultation large, associant là aussi l'ensemble des acteurs concernés. Ainsi, le groupe de travail, que j'ai mis en place, s'est réuni à vingt reprises et a entendu plus de soixante-dix personnalités.
S'agissant enfin de la protection de l'enfance, le groupe permanent interministériel de l'enfance maltraitée, le GPIEM, s'est réuni dans une composition élargie à des représentants d'autres institutions telles que l'ADF, l'Assemblée des départements de France, l'ODAS, l'Observatoire national de l'action sociale, le SNATEM, le service national d'accueil téléphonique pour l'enfance maltraitée, l'ANDASS, l'Association nationale des directeurs de l'action sanitaire et sociale des conseils généraux. Nous avons également associé aux travaux des universitaires et des chercheurs de l'université et de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale, l'INSERM, afin que des propositions soient faites pour améliorer le recueil des informations en matière de maltraitance.
Dès ma prise de fonctions, j'ai engagé la concertation avec le milieu associatif impliqué dans la protection de l'enfance pour renforcer les conditions de la constitution de partie civile des associations dans le cadre de procédures pénales impliquant des mineurs victimes.
Par ailleurs, la disposition concernant l'expérimentation relative au financement des mesures de protection juridique des majeurs préfigure une réforme globale de ce dispositif, que le garde des sceaux et moi-même vous présenterons prochainement.
J'aurai l'occasion, au cours de la discussion des articles et des amendements, de revenir dans le détail sur les mesures qui vous sont soumises, mesdames, messieurs les Sénateurs, mais je tiens à vous apporter dès maintenant certaines précisions.
S'agissant du titre Ier, relatif à l'agrément des assistants maternels accueillant des mineurs à titre non permanent, la loi du 12 juillet 1992 portant réforme du statut des assistants maternels a prévu que l'agrément nécessaire à l'exercice de cette profession devait préciser le nombre et l'âge des enfants pouvant être accueillis : ce nombre ne peut, sauf dérogation, être supérieur à trois.
Depuis dix ans, les rythmes de travail ont sensiblement évolué.
Les familles n'ont plus systématiquement besoin de bénéficier d'un accueil de leurs enfants pendant huit à dix heures par jour cinq jours par semaine, ce qui était encore la norme voilà dix ans. L'application des 35 heures conduit à des temps de garde plus fractionnés, à des périodes de congés plus fréquentes, ce qui se traduit par une baisse du nombre d'enfants gardés et par une diminution de revenus pour les assistantes maternelles.
Par ailleurs, dès le 1er janvier 2004, la prestation d'accueil du jeune enfant, la PAJE, va redonner du pouvoir d'achat aux familles, particulièrement aux familles à revenus modestes et moyens, en vue de leur permettre d'employer une assistante maternelle et d'avoir ainsi un véritable choix pour le mode de garde de leurs enfants. Cela représentera quelque 150 euros de plus par mois pour une famille gagnant entre un et deux SMIC, et 120 euros pour une famille aux revenus compris entre trois et quatre fois le montant du SMIC.
Ce renforcement de la solvabilité va accroître une demande qui n'est déjà pas satisfaite aujourd'hui. C'est pourquoi il doit s'accompagner d'une augmentation concomitante de l'offre d'accueil. Tel est l'objet de la réforme de l'agrément que je vous soumets, qui tend à porter à trois le nombre maximal d'enfants pouvant être accueillis simultanément, cela sans attendre le projet de réforme global du statut des assistants maternels, qui sera présenté au Parlement au début de l'année 2004.
Cette modification du code de l'action sociale et des familles permettra, en outre, d'accroître l'activité des assistantes maternelles qui le souhaitent et donc, par là même, leur rémunération.
S'agissant du titre II, relatif à la lutte contre l'absentéisme scolaire, je tiens à rappeler que l'obligation scolaire a été introduite dans la législation républicaine française par la loi du 28 mars 1882, et qu'il s'agit là d'un véritable droit dont dispose chaque enfant.
Le non-respect de cette obligation relève d'un phénomène complexe.
Il est souvent le signe d'un mal-être de l'élève, de souffrances qui peuvent être d'origine scolaire, mais aussi personnelle ou familiale.
Le droit en vigueur se caractérise par un dispositif administratif de suppression ou de suspension des prestations familiales, dont l'application s'est révélée à la fois inefficace et inéquitable.
Elle est inéquitable, d'abord parce qu'elle est contraire à la vocation des prestations familiales, qui est de compenser pour partie le coût de l'entretien de l'enfant, lequel reste le même quelle que soit l'assiduité scolaire.
En outre, elle ne touche que les « allocataires », ce qui exclut les 1,3 millions de familles n'ayant qu'un enfant.
Enfin, elle peut pénaliser toute une fratrie quand un seul des enfants est concerné par l'absentéisme.
Par ailleurs, l'application du dispositif est inefficace, du fait que les prestations sont rétablies dès lors que les enfants sont en vacances et que les familles bénéficiant de minima sociaux, calculés par différentiel, voient la hausse automatique de ceux-ci compenser la suppression des prestations.
Aussi le Gouvernement propose-t-il d'abroger le dispositif administratif de suppression ou de suspension des prestations familiales et de lui substituer une procédure plus réactive et graduée, pour responsabiliser et soutenir davantage les familles et, si nécessaire, en dernier recours, les sanctionner.
Cette procédure reposera sur trois leviers d'action.
Le premier tient à la mobilisation de l'établissement scolaire. Dès que l'absentéisme aura été constaté, le chef d'établissement préviendra la famille et identifiera les raisons de l'absentéisme, qui peuvent être très diverses. Si le dialogue avec la famille se révèle impossible ou si les absences persistent, le chef d'établissement transmettra le dossier à l'inspecteur d'académie, dans un délai d'un mois au maximum à partir de la première absence injustifiée.
L'inspecteur d'académie représente le deuxième levier d'action. Après avoir averti la famille, il proposera aux parents de suivre un module de soutien à la responsabilité parentale. Ce module, mis en place par le préfet, associera tous les acteurs impliqués dans le soutien familial, que ce soit la caisse d'allocations familiales, l'union départementale des associations familiales, les associations de parents d'élèves, les collectivités locales, etc. Il sera destiné à soutenir les familles en difficulté éducative et à rappeler l'intérêt de l'obligation scolaire.
Le recours judiciaire sera le troisième levier d'action. En cas d'échec, si l'absentéisme persiste, la sanction tombera : l'inspecteur d'académie saisira le procureur, qui pourra requérir une amende d'un montant maximal de 750 euros.
Toujours dans le domaine de l'absentéisme scolaire, le constat a été fait que le travail illégal des enfants constitue l'une des causes, parmi bien d'autres, des absences des élèves.
Il convient donc de renforcer et d'harmoniser les sanctions pénales encourues par ceux qui feraient travailler illégalement des enfants soumis à l'obligation scolaire.
S'agissant du titre III du projet de loi, la création d'un observatoire de l'enfance maltraitée répond à une attente fort ancienne, puisqu'elle s'exprime depuis plus de trente ans. On ne compte plus les rapports d'inspection ni les groupes de travail préconisant une observation partagée et la conception d'un lieu fédérateur.
Comment imaginer qu'un phénomène qui touche émotionnellement chaque Français, qui affecte les plus faibles d'entre nous dans leur intégrité et qui constitue le poste essentiel des dépenses sociales des départements ne fasse pas l'objet de statistiques précises ainsi que d'études et de recherches adaptées ?
La création d'un observatoire a déjà été plusieurs fois annoncée, mais n'a jusqu'à ce jour jamais été réalisée. Je ne doute pas que, grâce à vous, grâce au travail du Parlement, ce sera aujourd'hui chose faite.
Je tiens ici à rendre hommage aux précurseurs qu'ont été Marceline Gabel et Jean-Louis Sanchez. Dès 1992, ils ont créé, au sein de l'ODAS, une commission chargée d'élaborer une méthodologie d'observation de l'enfance en danger.
C'est grâce à cette méthodologie et aux données recueillies par les conseils généraux que nous pouvons désormais mesurer l'évolution annuelle du nombre de signalements en provenance des services de l'aide sociale à l'enfance.
Je tiens aussi à souligner la qualité des bilans d'activité du service national d'accueil téléphonique pour l'enfance maltraitée, le SNATEM, qui constitue lui aussi une source statistique majeure.
Parallèlement, de riches partenariats ont été créés localement entre les services de l'Etat et ceux des départements.
Toutefois, comme vous l'avez bien souligné, monsieur le rapporteur, les éléments d'analyse de la protection de l'enfance restent globalement insuffisants.
Ainsi, chaque administration ou service utilise des indicateurs et des critères particuliers et met en oeuvre des modes de recueil et de traitement des données qui lui sont spécifiques.
A l'échelon local, faute d'un système statistique partagé, le nombre exact de signalements d'enfants en danger n'est pas connu. Les échanges de statistiques entre les services de l'Etat et ceux des conseils généraux restent peu développés sur le territoire national, exception faite de quelques départements pilotes.
Or, pour prévenir les récidives en matière de maltraitance, il faut se donner les moyens d'assurer une surveillance épidémiologique rigoureuse de la maltraitance et d'évaluer l'efficacité des mesures mises en oeuvre.
L'observatoire national aura donc vocation à recueillir et à analyser les données chiffrées concernant la maltraitance envers les mineurs, que ces données proviennent des autorités publiques - Etat et collectivités territoriales -, des établissements publics ou des associations oeuvrant en ce domaine.
Cet observatoire contribuera à une mise en cohérence des différentes données et informations. Il aura pour finalité d'améliorer la connaissance des phénomènes de maltraitance dans le but de développer les pratiques de prévention, de dépistage et de prise en charge de la maltraitance.
Ainsi que j'ai déjà eu l'occasion de le dire, il s'agit de mieux repérer pour mieux traiter, de disposer de statistiques fiables pour promouvoir des mesures de prévention prioritaires et de mieux prendre en charge les victimes.
Certes, la loi ne résout pas tout. Je suis bien conscient que la lutte contre la maltraitance passe aussi par l'information et l'éducation à la « bientraitance », qu'elles soient institutionnelles ou familiales, et par une mobilisation au quotidien de tous les acteurs. Je m'y emploie.
Le titre IV du projet de loi est relatif à la constitution de partie civile par les associations de protection de l'enfance maltraitée.
Ces associations ont la possibilité de se constituer partie civile lors des poursuites engagées contre les auteurs présumés de certaines infractions commises sur les mineurs.
Toutefois, elles ne peuvent intervenir que pour un nombre limité d'infractions pénales, après avoir reçu l'accord de la victime, ou de son représentant légal si la victime est mineure, et une fois l'action publique mise en mouvement par le ministère public ou la partie lésée.
Or, il existe des infractions pour lesquelles la victime n'est pas identifiée. C'est particulièrement le cas pour la diffusion d'images pornographiques mettant en scène un mineur sur internet.
De la même manière, les associations de protection et de défense de l'enfance maltraitée ne peuvent pas se constituer partie civile pour des faits d'infanticide, d'homicide d'enfant, d'enlèvement et de séquestration, de proxénétisme ou encore d'exhibition sexuelle.
C'est pourquoi nous vous proposons une nouvelle rédaction de l'article 2-3 du code de procédure pénale visant à permettre aux associations d'intervenir par voie d'action afin d'enclencher l'action publique, et ce pour toutes les infractions concernant des victimes mineures dès lors que celles-ci sont atteintes dans leur intégrité physique, psychique ou morale, quelle que soit la forme de cette atteinte.
L'article 2-2 du code de procédure pénale, quant à lui, est réservé aux constitutions de partie civile des associations luttant en faveur des majeurs victimes.
Enfin, le titre V du projet de loi est relatif à l'expérimentation des dotations globales de financement dans les services tutélaires.
Je tiens à rappeler que près de 600 000 personnes, soit plus de 1 % de la population majeure, se trouvent aujourd'hui sous un régime de protection juridique.
La réforme d'ensemble du dispositif de protection juridique des majeurs est nécessaire, comme l'ont démontré plusieurs rapports d'inspections en 1998 et le rapport Favart en 2000. Avec M. le garde des sceaux, nous avons décidé de l'engager.
Un projet de loi est actuellement en préparation avec M. le garde des sceaux, en étroite concertation avec l'ensemble des associations tutélaires.
L'un des axes de cette réforme concerne son financement qui, actuellement, ne prend pas en compte l'activité réelle des services de tutelle.
Je rappelle quelques chiffres concernant le financement : entre 1991 et 2001, les crédits ont augmenté de 300 % et le nombre de mesures prononcées de 240 %.
Il est donc proposé, en préalable à la réforme globale qui interviendra au 1er janvier 2005, d'expérimenter en 2004 la mise en place de dotations globales de financement pour l'ensemble des mesures de protection des majeurs, tutelles et curatelles d'Etat et tutelles aux prestations sociales adultes.
Cette expérimentation permettra de disposer d'une base de référence sur laquelle la dotation sera ajustée les années suivantes, en fonction de l'activité des associations.
Telles sont les dispositions que j'ai l'honneur de vous soumettre.
Je tiens à remercier la commission des affaires sociales et son rapporteur, M. Jean-Louis Lorrain, de la qualité de son rapport. Nous examinerons ensemble les amendements qui viendront améliorer ce texte.
Ce projet de loi concrétise les engagements du Gouvernement dans le domaine de l'accueil et de la protection de l'enfance et enclenche des réformes importantes. Je pense aux tutelles, au statut des assistantes maternelles ou à la création de l'Observatoire, réformes qui n'avaient pas été réalisées jusqu'à présent. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi relatif à l'accueil et à la protection de l'enfance, que nous examinons aujourd'hui, aborde diverses questions qui sont au centre des préoccupations des familles. Il prévoit des réponses pratiques et utiles, même si nous sommes conscients qu'elles n'ont pas pour ambition d'apporter des solutions complètes aux problèmes posés. Il s'agit donc d'un texte d'appel, dont il convient de saluer les avancées, tout en sachant qu'elles ne sont que les prémices de réformes de plus grande valeur, que nous aurons largement le temps d'expliquer.
Trois thèmes principaux y sont abordés : la protection de l'enfant, l'assouplissement des conditions d'accueil des jeunes enfants par les assistantes maternelles et la mise en place de l'expérimentation d'un nouveau mode de financement des tutelles pour les majeurs protégés.
L'objectif central du présent projet de loi se rapporte à la protection de l'enfant dans les différents cas de figure où il peut se trouver en situation de danger : la maltraitance, l'exploitation au travail et les carences éducatives ayant pour conséquence un absentéisme scolaire régulier.
Le problème de l'enfance en danger reste difficile à appréhender en raison de l'absence de données complètes et officielles. Toutefois, afin d'avoir un ordre de grandeur, les derniers chiffres publiés par l'Observatoire national de l'action sociale décentralisée, l'ODAS, pour 2001, dénombrent 85 500 signalements, dont 20 % concernent des enfants maltraités.
Les abus sexuels et les maltraitances physiques sont les premières formes de maltraitance que subissent les enfants, suivies de près par les négligences lourdes, puis les violences psychologiques, plus difficiles à identifier voire moins visibles. Les filles sont plus souvent victimes de maltraitance que les garçons : elles représentent 58 % des cas et subissent un plus grand nombre d'abus sexuels. A contrario, les garçons ont davantage de risques d'être maltraités physiquement que les filles.
Dans la majorité des cas, ce sont les parents ou la famille qui s'avèrent être les auteurs des mauvais traitements. Les déséquilibres familiaux et l'inactivité - je ne parle pas des gens sans emploi ou restant à domicile -, notamment des mères, nous dit-on, semblent être des facteurs d'augmentation du risque de maltraitance des enfants.
Les conséquences de la maltraitance sont particulièrement dramatiques, l'actualité récente vient encore de nous en donner des exemples tragiques, et nous en souffrons particulièrement dans ma région, mais, bien sûr, dans la France entière. On admet que 3 % à 5 % des enfants maltraités en mourront. Les sévices corporels tuent entre quatre cents et cinq cents enfants par an, soit pratiquement deux par jour, mais, j'en suis convaincu, nous sommes bien en deçà de la réalité.
Les décès de nourrissons consécutifs à des sévices représentent désormais, en France, la deuxième cause de mortalité infantile, passée la première semaine de vie. L'infanticide et la mort subite du nourrisson sont de grands sujets à redécouvrir, des dossiers à rouvrir.
De nombreux enfants qui ont été maltraités en conserveront des séquelles définitives, indélébiles, graves d'un point de vue neurologique, orthopédique, psychoaffectif ou psychomoteur. Il ne s'agit pas seulement d'une litanie, il s'agit aussi de plaies profondes qui, trente ans ou quarante ans plus tard, sont toujours présentes. L'épanouissement psychologique et affectif peut être compromis à long terme, avec toutes les conséquences que cela peut entraîner sur le développement de la personne et sur le chemin qu'elle empruntera au cours de sa vie, avec des échecs beaucoup plus fréquents liés à ces souffrances « séquellaires ». La maltraitance entraîne probablement, par la suite, des difficultés de socialisation chez certains.
Ces données, pour inquiétantes qu'elles soient, ne sont toutefois qu'indicatives. En effet, il n'existe pas de données complètes sur cette question. Or cette méconnaissance du phénomène peut nuire à la mise en oeuvre d'une politique ciblée de lutte contre la maltraitance des mineurs.
Pourtant, le dispositif français de protection de l'enfance est particulièrement riche, et il faut reconnaître l'action et la grande compétence de ses acteurs. Ce dispositif constitue le premier poste de dépenses d'aide sociale des départements, auquel il convient d'ajouter des crédits d'Etat consacrés à la protection judiciaire de la jeunesse et au fonctionnement des tribunaux pour enfants.
Pourquoi l'information est-elle si partielle ? Parce que chaque administration ou service utilise des indicateurs et des critères particuliers et met en oeuvre des modes de recueil et de traitement des données qui lui sont spécifiques. A l'échelon local, faute d'un système statistique partagé, le nombre exact de signalements d'enfants en danger n'est pas connu. C'est pourquoi on peut s'interroger sur l'augmentation ou la diminution des maltraitances que l'on peut constater ces derniers temps.
Les échanges de statistiques entre les services de l'Etat et les services des conseils généraux restent peu développés sur le territoire national, exception faite de quelques départements pilotes qui ont mis en place des structures d'observation de l'enfance. M. Sanchez - et vous lui avez rendu hommage, monsieur le ministre -, avec qui nous avions travaillé dès ces années-là, était un véritable promoteur, en liaison avec certains départements.
En outre, on le sait, de nombreux enfants subissent des violences, sans être signalés ni protégés. A ce jour, il n'existe pas d'enquête sur les violences subies par les enfants, effectuée sur l'ensemble de la population, comparable à celle qui existe en matière de violences subies par les femmes, ni d'étude de suivi du devenir des enfants qui ont fait l'objet d'un signalement.
Or, pour prévenir les récidives de maltraitance, il faut se doter d'outils, se donner les moyens d'assurer une surveillance épidémiologique rigoureuse de la maltraitance et d'évaluer l'efficacité des mesures mises en oeuvre. Il ne s'agit pas, pour nous, de créer un énième observatoire qui, en fait, pourrait passer pour quelque chose de banal. Non, cet observatoire, nous en avons besoin, compte tenu de l'importance du phénomène et de la maîtrise que nous devons en avoir.
L'amélioration du système d'information et d'évaluation en ce domaine constitue donc un chantier prioritaire, et c'est aussi le premier objectif du présent projet de loi qui prévoit de confier cette mission à un observatoire de l'enfance maltraitée, afin que les différents acteurs, mieux informés de la situation à l'échelon national, puissent agir plus efficacement sur le terrain.
Cet observatoire sera compétent en matière de recueil et d'analyse des données chiffrées et des études concernant la maltraitance envers les mineurs en provenance des autorités publiques, des établissements publics, ainsi que des fondations et associations oeuvrant en ce domaine. Il devra harmoniser les données et informations afin d'améliorer la connaissance des phénomènes de maltraitance et de développer la prévention, le dépistage et, globalement, la prise en charge de la maltraitance.
L'observatoire sera le partenaire privilégié des structures locales et internationales, notamment en participant aux activités du réseau européen des observatoires de l'enfance. A cet égard, je souhaite vivement que chaque département mette en place un observatoire local afin que l'observatoire national dispose de relais implantés sur l'ensemble du territoire.
Concernant l'observatoire, la commission des affaires sociales proposera, tout à l'heure, deux amendements dont l'un a pour objet de préciser son nom, non pas par goût du changement, ni pour laisser entendre que les choses sont mal faites - sûrement pas !
En outre, dans le souci d'améliorer le dispositif de protection de l'enfant maltraité, le présent projet de loi prévoit d'accorder aux associations le droit de se constituer partie civile aux procès engagés contre les auteurs présumés d'actes de maltraitance sur mineur, nous aurons l'occasion d'en débattre.
Il est donc proposé d'inscrire, dans le code de procédure pénale, cette faculté au profit de certaines associations dont l'objet statutaire comporte la défense ou l'assistance de l'enfant en danger ou maltraité, et de compléter la liste des infractions commises à l'encontre des mineurs susceptibles d'ouvrir le droit à agir. Cet élargissement nous a paru justifié, mais il nous a semblé nécessaire de faire preuve de prudence sur ces questions difficiles et de vérifier que les associations susceptibles d'agir en justice présentent les garanties nécessaires, nous en reparlerons.
Par ailleurs, la maltraitance n'est pas que la violence physique. Elle peut prendre un visage moins reconnaissable, c'est notamment le cas pour certaines formes de travail des mineurs.
En principe, le travail des enfants est interdit en France avant l'âge de seize ans. Des dérogations viennent toutefois atténuer ce principe, lorsqu'il s'agit d'insertion professionnnnelle - apprentissage ou formation en alternance - ou de découverte du monde du travail, comme ces jobs d'été qui sont appréciés par les adolescents. On admet aussi l'entraide familiale, notamment dans le commerce, l'artisanat ou l'agriculture. Enfin, sous certaines conditions, le travail des enfants dans les métiers du spectacle et de la publicité est autorisé.
Malgré tout, des failles existent dans ce dispositif, a priori protecteur. C'est le cas, bien sûr, de l'emploi illégal de mineurs, du travail au noir.
Si le phénomène est, par définition, difficile à appréhender, les constats effectués par les services concernés mettent en évidence d'incontestables situations d'exploitation, notamment dans certains ateliers, dans des établissements d'hôtellerie et de restauration ou dans le domaine agricole.
Il peut donc bien s'agir, dans les cas extrêmes, d'enfants en danger, de la même manière que ceux qui sont en situation de manquement grave à l'obligation scolaire. Les deux phénomènes sont d'ailleurs liés dans certains cas.
Pour pallier ces lacunes, le présent projet de loi prévoit de renforcer les sanctions à l'encontre des employeurs illégaux d'enfants. Nous avons largement souscrits à cet objectif et nous vous proposons deux articles additionnels pour renforcer la protection des enfants au travail.
Le troisième volet du projet de loi relatif à la protection de l'enfance concerne l'assiduité scolaire, qui s'impose aux enfants scolarisés comme à leurs parents ou tuteurs, depuis l'entrée en vigueur de la loi Ferry du 28 mars 1882 relative à l'obligation de l'instruction.
L'absentéisme scolaire est une réalité qui atteint aujourd'hui des proportions inquiétantes : au cours de l'année scolaire 2001/2002, 81 700 signalements ont été dénombrés, sur une population totale de 7 millions d'élèves, chaque établissement scolaire gérant sa propre situation de manière différente. Environ 9 000 suspensions d'allocations familiales par les caisses d'allocations familiales ou la mutuelle sociale agricole ont été dénombrées cette année-là.
Les jeunes les plus fragilisés socialement, psychologiquement et culturellement sont aussi les plus touchés par l'absentéisme scolaire, et donc par l'échec scolaire : qu'il en soit la cause ou la conséquence, 85 % des élèves en situation d'absentéisme lourd sont également en situation d'échec scolaire. On sait ainsi que l'absentéisme scolaire n'est pas dépourvu de lien avec la délinquance et le travail illégal des mineurs de moins de seize ans.
L'absentéisme scolaire constitue donc un danger pour les jeunes concernés, notamment lorsqu'il est la conséquence de violences en milieu scolaire, d'une action délibérée des adultes responsables de l'enfant ou encore d'un emploi illégal. Ainsi, le manquement à l'obligation scolaire peut-il être sanctionné comme une carence éducative de la part des parents au sens du code pénal.
Le présent projet de loi a pour ambition de rénover la lutte contre l'absentéisme scolaire en proposant des sanctions adaptées.
Pour y parvenir, vous avez mis en place, en octobre dernier, monsieur le ministre, un groupe de travail rassemblant les ministères concernés - éducation nationale, famille, intérieur, santé - les partenaires sociaux, les associations familiales et de parents d'élèves, ainsi que les représentants des collectivités locales. Ce groupe était chargé d'expertiser les mesures existantes et d'examiner les moyens de mieux responsabiliser les familles.
Il a constaté que le dispositif de suspension des prestations familiales s'était révélé particulièrement inefficace et injuste, car les prestations familiales n'ont pas pour seul objet de financer la scolarité de l'enfant. En outre, cette sanction affecte nettement moins les familles à enfant unique, qui ne perçoivent pas d'allocations familiales, et celles qui bénéficient du RMI, puisque ce dernier augmente en proportion de la baisse des prestations familiales.
C'est pourquoi ce dispositif, mal compris par les parents, est rarement appliqué, en raison notamment des réticences du corps enseignant à signaler certains cas d'absentéisme pour ne pas pénaliser les familles, alors que l'absentéisme, on le sait, est un véritable instrument de mesure des difficultés familiales ou scolaires de violences scolaires sur lequel on peut se fonder.
Face à un tel constat, le Gouvernement a décidé de donner une impulsion nouvelle à la lutte contre l'absentéisme scolaire avec la mise en oeuvre d'un plan d'action gouvernemental en faveur de l'assiduité scolaire et de la responsabilisation des familles, présenté en conseil des ministres le 26 mars dernier. L'article 3 du présent projet de loi en constitue un élément majeur puisqu'il abroge le dispositif de sanction fondé sur la suppression des prestations familiales.
En contrepartie, il est prévu de porter l'amende applicable en cas de non-respect de l'obligation scolaire à 750 euros.
Ces mesures sont opérationnelles depuis la rentrée de septembre 2003 et il faut souhaiter que ce dispositif porte rapidement ses fruits, en raison de l'inefficacité des mesures précédemment mises en oeuvre.
La deuxième priorité du projet de loi porte sur les conditions d'accueil des jeunes enfants par les assistantes maternelles.
Actuellement, l'accueil des 2,27 millions d'enfants de moins de trois ans se partage très exactement par moitié entre la garde au foyer par l'un des parents et l'accueil assuré par des personnes extérieures.
La garde par une assistante maternelle s'avère être le mode de prise en charge privilégié par 20 % des parents, car il constitue une solution intermédiaire, en termes de coût, de souplesse des horaires et de facilité d'accès, entre la crèche et la garde à domicile par une employée.
Cette tendance s'est confirmée au cours des dernières années, notamment grâce à la revalorisation régulière de l'aide à la famille pour l'emploi d'une assistante maternelle agréée, l'AFEAMA. Le choix des pouvoirs publics s'est clairement porté sur cette prestation, au détriment de l'allocation de garde d'enfant à domicile, l'AGED.
Désormais, le système de garde par une assistante maternelle est non seulement financièrement intéressant pour de nombreuses familles, mais aussi le moins coûteux pour la collectivité.
On déplore toutefois l'insuffisance de l'offre du fait l'embellie démographique que connaît la France depuis 1995. La demande risque encore de croître avec la mise en place de la prestation d'accueil du jeune enfant, la PAJE, prévue dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2004.
Dans le même temps, les nouveaux rythmes de travail conduisent certains parents à ne plus faire garder leur enfant qu'à temps partiel.
Or, de nombreuses assistantes maternelles ne peuvent répondre à la demande des parents en raison de la rigidité de leur agrément qui ne les autorise actuellement à garder qu'un maximum de trois enfants, quelle que soit la durée de l'accueil. C'est la raison pour laquelle le présent projet de loi prévoit l'augmentation des capacités d'accueil des assistantes maternelles à trois enfants gardés simultanément, ce qui autorisera l'accueil à temps partiel d'un nombre plus important d'enfants.
En outre, les assistantes maternelles pourront bénéficier d'un rythme de travail plus régulier, puisque la limite de trois enfants pris en charge ne s'appliquera plus que lorsqu'ils seront gardés simultanément. Ainsi, certains parents pourront ne laisser leur enfant en garde que quelques heures par semaine sans que le revenu de l'assistante maternelle en pâtisse.
Toutefois, il nous a semblé nécessaire de fixer un plafond maximal pour le nombre d'enfants pouvant être accueillis et c'est ce que nous vous proposerons.
Le troisième axe de ce projet de loi concerne la réforme du financement du dispositif de protection juridique des majeurs.
Le mode de financement actuel est fondé, pour l'essentiel, sur la règle du « mois mesure », c'est-à-dire que la prise en charge des frais de gestion dépend de la nature de la mesure de placement : tutelle, curatelle... et même de la personne désignée pour en assurer la gestion. Cette conception est peu pertinente, car l'importance du travail demandé dépend moins de la nature de la mesure que des besoins de chaque peronne concernée, notamment en termes d'accompagnement. Pourtant, on constate des écarts de rémunération des tuteurs de l'ordre de 8 000 euros par an, selon qu'il s'agit d'une tutelle d'Etat ou d'une tutelle en gérance privée.
Pour les majeurs protégés, le système de prélèvement sur ressources est particulièrement inéquitable : les taux de prélèvement varient en effet de zéro à plus de 8 % du revenu de la personne. Ils sont progressifs pour les tutelles et curatelles d'Etat, dégressifs pour les tutelles en gérance, ou simplement inexistants pour les mesures de tutelle aux prestations sociales.
Pour les financeurs publics enfin, le système du « mois mesure » a des effets inflationnistes : le seul moyen, pour les associations, d'équilibrer leur budget est de rechercher un nombre toujours croissant de mesures, parfois peu adaptées aux besoins de la personne concernée.
Il fallait donc envisager un autre mode de financement. C'est la raison pour laquelle le projet de loi autorise le Gouvernement à expérimenter, pendant deux ans, un mode de financement des associations tutélaires par dotation globale.
Cette expérimentation ne concernera, à ce stade, que les mesures confiées à une personne morale. Elle a pour objectif de permettre un ajustement de la première dotation globale, en rythme de croisière, aux besoins réels des associations. Il s'agit notamment de donner le temps aux associations d'adapter leur système d'information afin de développer les indicateurs quantitatifs et qualitatifs nécessaires à l'appréciation de leur activité et de son évolution dans le temps.
La dotation globale sera financée, pour les mesures de protection civile, par l'Etat et, pour les mesures de tutelle aux prestations sociales, par l'organisme qui, à ce jour, prend en charge le volume de mesures le plus important dans le département concerné.
Cette expérimentation appelle, à mon sens, quatre remarques.
Tout d'abord, elle n'est que partielle car elle n'entreprend pas une réforme complète du financement des tutelles. C'est pourquoi les informations financières recueillies au cours de l'expérimentation ne pourront pas servir en l'état à la fixation définitive des dotations globales.
Ensuite, les transferts de charges entre les différents financeurs publics devront, à terme, être neutralisés : le financement des frais de tutelle incombe aujourd'hui, à près de 80 %, à la branche famille, du fait notamment des frais liés à l'allocation aux adultes handicapés, l'AAH, qui est pourtant une prestation versée pour le compte de l'état. Or les règles prévues pour le financement de la dotation globale reviennent, de fait, à en transférer la charge à la seule Caisse nationale d'allocations familiales.
J'estime qu'à l'occasion de cette expérimentation et, en tout état de cause, avant toute généralisation du dispositif, une remise à plat de la participation des différents financeurs devra être menée à bien.
Par ailleurs, le dynamisme des dotations globales devra, en régime de croisière, être assuré par la prise en compte d'indicateurs qualitatifs pertinents : les deux ans d'expérimentation doivent être mis à profit pour développer ces indicateurs qui devront par ailleurs figurer dans le décret fixant les modalités de calcul des dotations globales.
Enfin, la généralisation de ce nouveau mode de financement des associations tutélaires devra impérativement être précédée d'un bilan : il s'agit d'une exigence constitutionnelle, mais aussi, à mon sens, d'une exigence pratique et de bon sens. Notre commission vous proposera donc d'amender le dispositif dans ce sens.
Comme je vous l'indiquais en commençant, ce texte aborde donc divers sujets et ses propositions constituent un premier pas vers des réformes à venir de plus grande ampleur, notamment celle du statut des assistantes matermelles et celle des tutelles.
Mais nous considérons que ce texte est important, et pas seulement du fait de l'actualité récente. Il nous montre bien la concordance qui existe entre les initiatives du Gouvernement et les préoccupations de la société.
La commission des affaires sociales a largement souscrit à l'économie globale du dispositif. Nous avons travaillé dans un esprit de coopération et d'amélioration du texte.
Nous ne voulons poser nulle entrave. Nous voulons seulement faire comprendre que nous sommes une force de proposition. Aussi avons-nous adopté plusieurs amendements qui, sans modifier l'architecture du texte, visent à renforcer son efficacité.
Sous réserve de l'approbation des amendements, la commission s'est déclarée favorable à l'adoption de ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Nelly Olin.
Mme Nelly Olin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, évoquer l'enfance, ce devrait être évoquer la tendresse, le bonheur et l'amour. Mais aujourd'hui, l'actualité nous ramène à une triste réalité, celle de l'enfance maltraitée.
Nous nous demandons comment il est possible que des enfants puissent vivre dans la peur et subir des violences telles qu'elles les conduisent inexorablement vers la mort.
Nous ne pouvons rester insensibles devant de tels actes, devant de tels drames. Notre rôle, au-delà de l'indignation que nous ressentons et de la peine que nous éprouvons est d'agir pour assurer la protection des enfants.
La famille, c'est sacré ! Cette expression qui paraît si banale est une valeur transmise de génération en génération, une valeur à laquelle on voudrait toujours croire, que l'on voudrait garder immaculée, en tout cas une valeur sûre.
C'est une valeur que nous avons toujours défendue, parce qu'elle permet de s'épanouir, de se construire, avec des répères, des limites, parce qu'elle permet d'apprendre à grandir en toute sécurité, avec des parents aimants, prévenants, toujours là pour protéger leurs enfants, avec des parents qui donneraient leur vie pour leurs enfants.
La famille, c'est aussi un espace de vie où l'on apprend le respect des autres.
Seulement, voilà ! Parfois notre société n'évolue pas vraiment comme on le souhaiterait ou, tout du moins, il est des faits divers tragiques qui nous font penser que notre société semble ne plus avoir de repères. Cela se concrétise par un manque total de respect pour l'être humain.
M. Didier Blanguernon, vice-procureur chargé des mineurs au tribunal de Lille, a eu une phrase terrible, lors d'un entretien avec un journaliste du journal La Croix : « Le lieu de tous les dangers pour l'enfant, c'est la famille. » Cet homme traite en moyenne quatre à six affaires de mineurs victimes par semaine, dont près de 70 % ont subi des agressions sexuelles.
En France, selon M. Patrice Blanc, secrétaire général du Défenseur des enfants, Mme Claire Brisset, huit enfants par semaine décéderaient des suites de maltraitances officiellement reconnues ou non.
Comment qualifier une société où des enfants sont victimes de violences ? Comment qualifier une société où des parents maltraitent, tuent leurs enfants, des êtres de leur sang, sans défense, et dont la confiance en leurs parents est sans limite ?
Le 26 septembre dernier, monsieur le ministre, vous déclariez dans Le Figaro : « Quand on veut que les choses changent, il faut regarder la vérité en face. Alors disons-le : la maltraitance des enfants est méconnue en France et les réponses qu'on y apporte ne sont pas encore suffisantes ».
Je profite de l'occasion qui m'est donnée aujourd'hui pour vous remercier d'avoir porté l'initiative de ce texte qui ouvre la voie à d'autres projets de loi très attendus, comme la réforme du statut des assistantes maternelles ou la réforme des tutelles. Vous avez tout notre soutien et nous savons que vous mettrez tout en oeuvre pour que notre pays se donne les moyens d'éviter des drames qui gâchent des vies d'enfants et de parents ou encore qui les écourtent à jamais.
Je veux vous encourager, monsieur le ministre, car nous savons tous que votre mission est difficile. Vous proposez des mesures concrètes tendant à pallier l'irresponsabilité de certains parents ou encore des mesures s'adaptant aux évolutions de comportement du genre humain, tout en ayant la volonté de protéger les plus faibles, c'est-à-dire les enfants.
Permettez-moi de fournir un exemple révélateur de notre société.
Aujourd'hui, certains spécialistes évoquent un concept, la « bien-traitance », qui se définit ainsi : « promouvoir une éducation qui permette à l'enfant de donner le meilleur de lui-même ».
Cette notion a émergé dans les années quatre-vingt, quand Mme Simone Veil a déclenché l'opération « Pouponnière ».
Il était apparu, souvenons-nous en, que bien traiter un enfant n'apparaissait pas alors comme une évidence et, malheureusement, cela ne l'est toujours pas aujourd'hui.
Le film Enfants en pouponnière demandent assistance avait révélé un scandale : les enfants retirés à leurs parents étaient « mal traités » dans les lieux censés les accueillir. Marie-Jeanne Reichen, attachée au bureau Enfance et Famille du ministère des affaires sociales et qui dirigeait le comité de pilotage de l'opération « Pouponnière », a écrit pour la première fois ce mot dans un livre-bilan : « La bientraitance des plus vulnérables d'entre les siens est l'enjeu d'une société tout entière. Un enjeu d'humanité ».
Il est des évidences qu'une partie de notre société occulte totalement. Comment ne pas savoir que prendre soin d'un enfant est la chose la plus naturelle et la plus normale qui soit ?
Il faut que notre société comprenne que l'enfant a des droits. Comment peut-on supporter les données que l'on connaît aujourd'hui. Selon les chiffres de l'Observatoire décentralisé de l'action sociale, qui ont été rendus publics hier, 85 500 enfants sont en danger, c'est-à-dire maltraités ou risquant de l'être à cause de l'environnement dans lequel ils vivent. Ces enfants se répartissent ainsi : 18 000 sont victimes de violences et 67 500 risquent de l'être.
En outre, nous ne devons jamais oublier tous les enfants qui souffrent en silence pendant des années, et qui ne sont jamais signalés. Pour eux, nous nous devons de faire tout ce qui est en notre pouvoir pour que cesse cette souffrance.
Certes, la maltraitance a malheureusement toujours existé. Cependant, nous devons garder à l'esprit que ces chiffres sont globalement en augmentation depuis sept ans, ce qui est particulièrement inquiétant.
Vous me permettrez, monsieur le ministre, de profiter de ce débat pour m'adresser à nos concitoyens.
J'en appelle à la conscience et au civisme des Français. Il suffirait que chacun de nous retrouve cet intérêt pour l'autre pour que l'indifférence fasse place à l'écoute, à la générosité et au courage. Peut-être alors certains enfants seraient-ils sauvés. Pour cela, il faut moins d'égoïsme, il faut réapprendre à vivre ensemble, il ne faut plus vivre les uns à côté des autres.
L'actualité de ces dernières semaines nous a tous anéantis. En effet, plusieurs enfants sont morts, tués par leurs parents ou des suites de sévices qui leur avaient été infligés. Je veux parler de Dylan et de Priscillia, ainsi que de cette petite fille de cinq mois qui s'est éteinte samedi au CHU de Strasbourg, victime d'un syndrome du bébé secoué.
Depuis plusieurs années, pédiatres et spécialistes de médecine légale alertent l'opinion ou les pouvoirs poublics sur la gravité de ce syndrome du bébé secoué.
Devant la violence, sous quelque forme que ce soit, devant ce que je qualifierai d'actes barbares face auxquels aucune excuse ne peut être invoquée et pour lesquelles nous ne devrons avoir aucune compassion, notre société n'a qu'un seul devoir : agir.
C'est ainsi, monsieur le ministre, et parce que vous avez dressé le constat que les pouvoirs publics manquaient d'éléments sur les enfants qui subissent des violences sans être signalés ni protégés, que vous avez décidé de créer l'Observatoire national de l'enfance maltraitée.
Cette instance apparaît essentielle pour prévenir les récidives de maltraitance, car elle permettra d'assurer un suivi épidémiologique rigoureux et évaluera l'efficacité des mesures mises en oeuvre.
Son rôle sera sans précédent en matière de politique de lutte contre la maltraitance. C'est une innovation capitale qui va permettre un véritable travail de centralisation d'informations et qui contribuera à une mise en cohérence des différentes données.
Ainsi, comme vous nous l'avez expliqué, elle permettra d'améliorer la connaissance des phénomènes de maltraitance, d'éclairer les débats et d'aider à la prise de décision afin de développer les pratiques de prévention, de dépistage et de prise en charge de la maltraitance.
Avec cet instrument, nous pourrons faire face à la maltraitance pour la combattre.
Je tiens également à souligner une avancée remarquable qu'introduit votre projet de loi, monsieur le ministre. Il s'agit de la possibilité pour les associations de protection et la défense de l'enfance maltraitée de se constituer parties civiles lors des poursuites engagées contre les auteurs présumés d'actes de maltraitance sur un mineur.
Comme M. le rapporteur l'a expliqué, vous prévoyez « de modifier le code de procédure pénale au profit de certaines associations dont l'objet statutaire comporte la défense ou l'assistance de l'enfant en danger ou victime de toute forme de maltraitance, et de compléter la liste des infractions commises à l'encontre des mineurs susceptibles d'ouvrir le droit à agir ».
Je crois pouvoir dire que cette mesure était très attendue. Elle prend réellement en compte les droits de l'enfant. Vous avez répondu aux demandes de tous ceux qui viennent en aide aux enfants, y compris aux souhaits des associations de protection de l'enfance.
En outre, cette disposition législative met notre droit national en conformité avec les exigences établies par la Convention internationale des droits de l'enfant en ce qui concerne le respect de la parole de l'enfant.
Concernant l'absentéisme scolaire, chacun de nous sait que c'est un problème qui s'aggrave davantage tous les ans.
Le non-respect de l'obligation scolaire est un phénomène complexe, souvent signe d'un mal-être de l'enfant ou, vous l'avez dit, monsieur le ministre, de souffrances qui peuvent être d'origines scolaire, personnelle ou familiale.
Jusqu'à aujourd'hui, les moyens mis en place pour lutter contre l'absentéisme n'ont pas été assez efficaces. Aussi, le texte que vous nous présentez a pour objet de remodeler la lutte contre l'absentéisme en proposant des sanctions qui semblent mieux adaptées, M. le rapporteur l'a également souligné.
Votre projet de loi est un texte nécessaire et attendu. Il représente une réelle avancée en matière de lutte contre la maltraitance et il est source d'espoir. Après ce texte, nous attendons bien évidemment d'autres propositions pour que les choses évoluent plus positivement encore pour protéger les enfants.
Enfin, je terminerai mon propos en posant une question : quoi de plus fragile qu'un enfant, quoi de plus porteur d'espérances qu'un enfant ?
Nous nous devons d'être vigilants, intransigeants, sans complaisance à l'égard des êtres qui n'ont rien d'humain, puisque ce sont les bourreaux des enfants. Nous avons le devoir d'agir afin que nous puissions dire dès demain « Plus jamais cela ». (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Michelle Demessine.
Mme Michelle Demessine. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'examen par le Sénat du projet de loi relatif à l'accueil et à la protection de l'enfance pourrait au premier abord paraître positif.
Qu'il s'agisse des violences faites aux enfants, comme nous en montre l'actualité, ou de l'insuffisance d'offre et de choix du mode de garde des petits enfants, ces problèmes interpellent la société dans son ensemble et exigent de la part des pouvoirs publics des réponses globales de qualité. On ne saurait donc a priori reprocher au Gouvernement de vouloir agir en ces domaines.
Il convient toutefois de dépasser cet habillage habile, l'affichage politique - en l'occurrence celui de la protection de l'enfance - pour s'interroger, non seulement sur la cohérence de la démarche du Gouvernement, qui, dans un même texte, mêle des questions distinctes - situation des majeurs protégés et protection de l'enfance, notamment - pour s'interroger sur l'opportunité et l'utilité des mesures envisagées, d'autant que, pour deux ou trois principaux thèmes abordés, à savoir l'accueil des jeunes enfants par les assistantes maternelles ou les services tutélaires, des réformes d'ampleur ont été annoncées. On peut se poser des questions sur la hauteur et l'efficacité de ces mesures, qui, trop partielles, apparaissent déconnectées de la réflexion globale, nécessairement transversale, mais aussi sur les moyens à mettre en oeuvre pour que, notamment, « l'intérêt supérieur de l'enfant » soit effectivement respecté ou pour lutter contre l'absentéisme scolaire.
Les longs échanges que nous avons pu avoir la semaine dernière au sein de la commission des affaires sociales, la tonalité générale du rapport de notre collègue Jean-Louis Lorrain - on ne peut plus nuancé - nous confirment dans l'idée que ce texte composite est à plus d'un titre déroutant, décevant même, et qu'il n'est en fait qu'un miroir aux alouettes. L'idée d'en modifier l'intitulé afin qu'il soit plus en phase avec la réalité a même été évoquée en commission.
Toutefois, l'important n'est pas tant de s'attacher à la forme que de constater, pour le déplorer par-delà ce texte qui a tout d'un projet de loi fourre-tout sauf le nom, que, une fois encore, ce Gouvernement affiche des ambitions non traduites dans les faits.
Prenons l'exemple du volet touchant à la protection de l'enfant.
En aucun cas, la mesure phare portant sur la création d'un observatoire national de l'enfance maltraitée ne saurait tenir lieu de véritable politique nationale de protection de l'enfance.
Beaucoup a été fait depuis un siècle pour changer le regard de la société, des pouvoirs publics sur les différentes formes de violences exercées contre les enfants. Ainsi, la puissance paternelle n'est plus un pouvoir absolu. A l'échelon européen, international, tout le monde s'est accordé pour reconnaître que l'enfant a besoin d'une protection spéciale.
La France a su construire, autour de la loi relative à la protection des mineurs et à la prévention des mauvais traitements, un dispositif de protection de l'enfance censé privilégier l'intervention administrative relevant de la compétence des conseils généraux sur le judiciaire via le juge pour enfants.
Pourtant, chacun s'accorde à le dire, trop d'enfants, trop d'adolescents continuent d'être victimes de maltraitance psychologique, de mauvais traitements physiques et d'abus sexuels. L'Observatoire national de l'action sociale décentralisée vient de révéler une légère augmentation du nombre d'enfants maltraités - 18 500 - sur plus de 86 000 enfants en danger.
Hélas ! ces constats sont malheureusement bien en deçà des réalités. Nous connaissons tous les chiffres en question. Ils parlent d'eux-mêmes sans pour autant permettre de rendre compte du quotidien de ces enfants atteints dans leur chair, dans leur esprit par des adultes qui sont le plus souvent les référents de la cellule familiale, ni des souffrances que ces enfants porteront tout au long de leur vie d'adulte.
Par conséquent, personne ne contestera qu'il faille, encore et toujours, chercher à améliorer le dispositif de recueil des données relatives à la maltraitance, qu'il faille, pour prévenir et traiter ces phénomènes, savoir mieux repérer, permettre la production et la diffusion de références professionnelles.
Le dernier rapport en date, celui de M. Naves, préconise, pour parfaire les pratiques de la protection de l'enfance, de « se donner les moyens de bien évaluer » en créant, d'ici à 2005, un véritable observatoire de la protection de l'enfance. C'est une des suggestions intéressantes de ce rapport.
D'autres solutions sont avancées pour rendre plus efficace l'action des multiples intervenants en faveur des familles et des enfants ou pour renforcer les pratiques existantes.
Parmi celles-ci figurent notamment le développement des structures d'accueil d'urgence pour les femmes isolées et pour les parents accompagnés d'enfants, ainsi que le développement des capacités d'intervention des services de psychiatrie.
Par ailleurs, et c'est selon moi un point essentiel, dans ses conclusions, M. Naves rappelle que, si « les maltraitances dont souffrent les enfants sont issues d'actes répréhensibles (...), la survenue de ces maltraitances est, en fait, trop souvent le résultat de la conjonction de ces actes invididuels et des dysfonctionnements d'un système : un système qui néglige la bonne circulation de l'information, qui ne réagit pas face à l'urgence, un système où il est indispensable de ne pas oublier qu'une famille a besoin d'un logement, que l'activité professionnelle des parents est structurante de leurs comportements, enfin, que la santé psychique est sortie du domaine tabou », autant de dimensions que le Gouvernement ne met pas aujourd'hui en perspective.
C'est une évidence, l'appréhension de la problématique de la protection de l'enfance dans son ensemble suppose l'allocation aux professionnels de moyens adéquats. Cela obligerait le Gouvernement à repenser ses politiques publiques, alors qu'aujourd'hui nous assistons à un recul de notre législation sociale dans les domaines de l'emploi, du logement ou de la santé.
L'ODAS, qui travaille sur les facteurs de danger, a mis l'accent sur le rôle essentiel des carences éducatives parmi ces facteurs et sur le développement de la précarité comme risque expliquant en partie la légère augmentation du nombre d'enfants en risque.
Il en conclut que « c'est bien au-delà de l'action sociale que se trouve la réponse préventive, dans la mobilisation de l'ensemble des politiques publiques (...) dans la nécessité de ne pas négliger le soutien matériel aux familles ».
L'exposé des motifs de ce projet de loi est peut-être plein de bonnes intentions. Pourtant, tout démontre, dans les choix du Gouvernement, que la protection de l'enfance n'est pas une question prioritaire.
La baisse des crédits inscrits dans la loi de finances pour 2004 en faveur de la famille pour accompagner les parents dans leur rôle et en faveur de l'enfance le confirme.
Autre dimension occultée par le texte : beaucoup attendent que le dispositif d'aide sociale à l'enfance gagne en cohérence, qu'il soit effectivement piloté et coordonné.
Même si le champ de la protection de l'enfance est déjà pratiquement de la pleine compétence des départements, ne pensez-vous pas, monsieur le ministre, que l'étape que le Gouvernement nous invite à franchir avec la décentralisation ou, plus exactement, le désengagement de l'Etat, exigerait que, dans ce domaine particulier, l'Etat rappelle qu'il reste un « incitateur et un garant », pour citer le rapport Naves ? Et pourquoi ne pas prévoir une loi-cadre sur la protection de l'enfance comme le réclament les associations ?
Vous l'aurez compris, mes chers collègues, nous ne saurions nous satisfaire de la seule création de cet observatoire, dont le champ d'investigation et les missions ne semblent pas de surcroît suffisamment larges.
Nous craignons fort qu'en mettant les services de l'Etat dans l'incapacité d'assumer leur rôle faute de moyens suffisants - je pense en particulier aux juges des enfants, aux pédopsychiatres, à la médecine scolaire, à la protection judiciaire de la jeunesse le Gouvernement ne casse les dynamiques actuelles, certes perfectibles, et qu'il ne décourage les professionnels.
Pour lutter efficacement contre les violences faites aux enfants, il convient aussi que les personnes qui ont des responsabilités en ce domaine et qui, comme les médecins, peuvent être à l'origine des signalements, ne soient pas dissuadées par le manque de protection contre d'éventuelles sanctions disciplinaires. Ma collègue Marie-Claude Beaudeau interviendra sur ce sujet si difficile.
Enfin - et c'est aussi un point important sur lequel je reviendrai au cours de la discussion des articles - je doute fort qu'en l'état la rédaction nouvelle de l'article 2-3 du code de procédure pénale aboutisse effectivement à élargir les possibilités de constitution de partie civile par les associations lorsque la victime est mineure.
La réponse que ce texte a pour ambition d'apporter au phénomène complexe de l'absentéisme scolaire n'est ni plus complète ni plus satisfaisante.
Si, comme la grande majorité du milieu associatif, nous saluons l'abrogation du support législatif permettant de priver la famille de ses allocations pour absentéisme de l'enfant, nous n'en restons pas moins vigilants, le Gouvernement et sa majorité ayant la fâcheuse tendance à aborder de manière récurrente l'absentéisme scolaire par le prisme de la délinquance des mineurs et à proposer en conséquence une sanction pénale à un problème qui révèle surtout un profond malaise de l'adolescence. Et je ne crois pas que l'action des caisses d'allocations familiales à travers les modules de formation à la responsabilité parentale soit de nature à apporter des réponses suffisantes.
A la lumière des auditions que nous avons menées pour préparer ce texte, j'ai aujourd'hui la conviction que ceux qui, hier, soutenaient les conclusions du groupe de travail, principalement parce qu'elles appelaient à clarifier les responsabilités de tous les acteurs - établissements scolaires, familles... - à graduer et à mieux articuler les réponses, se sentent un peu floués.
Pour l'instant, seul le volet sanction est traité par le texte. Le devoir d'école, qui s'impose aussi au système éducatif, mérite pourtant que l'on réfléchisse afin de savoir si, dans les conditions actuelles, l'école est en mesure de remplir ses missions.
C'est un autre débat, me direz-vous. Je pense, au contraire, que toutes ces questions sont interdépendantes. Il serait vain en effet de vouloir lutter contre l'absentéisme scolaire si l'on ne prend pas la mesure des carences du système éducatif, qui laisse sortir de nombreux jeunes sans diplôme et sans perspectives d'avenir, et si l'on refuse d'admettre que le taux d'encadrement est trop faible, que les personnels administratifs, les assistantes sociales, les infirmières sont partie intégrante du projet éducatif.
Concernant les deux autres volets du projet de loi, les assistantes maternelles et les services tutélaires, vous tentez, mes chers collègues, de vous rassurer en considérant qu'il s'agit « d'un texte d'appel » et en souhaitant que les mesurettes « ne soient que les prémices de réformes plus ambitieuses ».
Nous craignons, quant à nous, que ce projet de loi, sans épuiser le sujet des réformes annoncées, tant sur le statut des assistantes maternelles que sur la tutelle ne vienne en recul et n'ampute, en quelque sorte, les futures réformes d'ensemble.
Aux attentes exprimées par une profession en quête de reconnaissance, aux besoins des parents qui, faute de pouvoir librement choisir le mode de garde de leur enfant, jonglent au quotidien pour articuler au mieux leur vie familiale et professionnelle, vous répondez, non par la revalorisation du métier ou la diversification de l'offre de garde, mais par la dégradation des conditions d'accueil des enfants en termes de qualité et de sécurité. Je vis personnellement cet assouplissement des conditions d'agrément comme une fuite en avant risquée pour les enfants et, à terme, contreproductive pour promouvoir la profession d'assistante maternelle.
Après lecture de ce texte et du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2004, un constat s'impose : le Gouvernement ne cherche pas réellement à améliorer la situation des familles.
Des mesures centrées sur la petite enfance sont prévues. Pour autant, la solvabilisation des parents restera très inégale selon le mode de garde utilisé et le niveau des revenus. Le Gouvernement ne s'emploie pas à diversifier l'offre de garde. Il privilégie seulement les réponses individuelles, les modes d'accueil les moins coûteux - assistantes maternelles, employées de maison - au détriment du développement, faute de moyens, d'équipements, de structures et de services de qualité dans le cadre du service public.
S'agissant enfin de l'expérimentation d'un mode nouveau de financement voulu par les associations tutélaires, je ne comprends pas votre précipitation, monsieur le ministre, d'autant qu'une grande réforme du métier de tuteur est en attente, de même qu'une adaptation des mesures afin de les rendre plus souples, moins privatives de liberté pour les majeurs protégés.
Nous sommes très conscients des enjeux de cette réforme, en raison notamment du vieillissement de la population.
C'est pourquoi il me paraît plus que regrettable que la première réponse envisagée soit la couverture financière de la tutelle, via l'expérimentation.
Pour conclure, permettez-moi, mes chers collègues, d'espérer de ce débat qu'il nous éclaire sur les intentions du Gouvernement et qu'il soit l'occasion d'aborder, dans la globalité, les questions posées. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. André Vallet.
M. André Vallet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour le groupe du Rassemblement démocratique et social européen, toutes tendances confondues, ce texte constitue une avancée. Nous le voterons donc parce que nous sommes sensibles à toutes les améliorations qu'il apporte et parce que nous sommes terrifiés par la situation de l'enfance dans notre pays.
Des faits divers tragiques ont été cités à plusieurs reprises. J'avoue avoir eu froid dans le dos en écoutant Mme Olin citer tous ces chiffres. Je n'imaginais pas que la situation était aussi grave.
Notre groupe est d'accord avec vous, monsieur le rapporteur, pour considérer que ce n'est certainement pas avec un seul texte que nous parviendrons à régler tous ces problèmes. Il en faudra d'autres. Le traiement de situations aussi douloureuses exigera encore de longs débats et de nombreux projets de loi.
Même si ce texte nous semble raisonnable, je me permettrai de présenter un certain nombre d'observations techniques.
La première concerne les assistantes maternelles.
Vous voulez - et l'on comprend vos raisons - augmenter le nombre d'enfants qui pourront être mis en garde. Mais il ne faut pas aller trop loin !
Si j'ai bien compris le sens de votre projet, dans une journée, neuf enfants pourront se succéder chez une aide maternelle. (M. le ministre délégué proteste.) J'ai peut-être mal compris, vous me répondrez tout à l'heure, monsieur le ministre. J'ajouterai que, dans bon nombre de cas, les enfants de l'assistante maternelle sont également présents à la maison !
M. Christian Jacob, ministre délégué. C'est vrai !
M. André Vallet. Il ne faudrait pas que l'assistante maternelle devienne une monitrice de colonie de vacances ! La dimension affective nécessaire à l'exercice de cette profession risquerait de ne plus être assurée.
Ma deuxième observation porte sur le problème de l'absentéisme.
J'ai lu la note que vous nous avez remise, monsieur le ministre, et je suis sidéré par les chiffres que vous présentez, notamment par le nombre important d'enfants qui, pour des raisons diverses et avec l'assentiment de leurs parents, manquent l'école, laïque, gratuite et obligatoire. J'ai cru comprendre que la situation, loin de s'être améliorée, s'est au contraire aggravée.
Si j'approuve le projet de sanctionner les familles par des peines d'amendes plutôt que par la suppression des allocations familiales, je ne peux manquer de m'interroger sur les modalités de la mise en oeuvre de cette mesure.
En effet, si certaines caisses effectuent 500 signalements, d'autres n'en effectuent pratiquement pas, voire aucun !
En fait, monsieur le ministre, qui peut signaler l'absence de ces enfants, sinon les enseignants ? Or vous dites que les enseignants ne jouent pas le jeu et ne signalent pas les absences comme ils le devraient.
Comment résoudre le problème ? Si, au lieu de supprimer les allocations familiales, on instaure une amende et que les enseignants ne procèdent pas au signalement, le problème restera entier. Il faut penser à cela !
L'absentéisme scolaire est un problème grave, qui pénalise les enfants et qui ne devrait plus être aussi important de nos jours.
Ma dernière observation concerne l'utilisation des enfants par certains organismes ou institutions, par certaines chaînes de télévision ou par certaines agences de publicité. Celles-ci utilisent en effet des enfants pour des spots publicitaires de manière bien trop fréquente.
C'est ainsi, monsieur le ministre, que j'ai pu lire, dans le journal local de mon département, une annonce incitant des enfants de dix à douze ans à se présenter tel jour à telle heure pour réaliser un spot publicitaire. Le procédé était déjà condamnable en soi, mais ce qui m'a le plus choqué c'est de voir, le lendemain, dans le même journal, la photo d'au moins deux cents familles qui s'étaient regroupées autour du lieu d'accueil, les parents espérant sans doute pour leurs enfants une carrière artistique...
Je crois, monsieur le ministre, qu'en la matière il faut demander aux préfets d'être beaucoup plus vigilants qu'ils ne le sont actuellement, et je suis de ceux qui se demandent parfois s'il ne faudrait pas tout simplement interdire l'utilisation des enfants pour vanter dans des spots publicitaires les mérites de tel ou tel produit.
Nous considérons, monsieur le ministre, que votre projet de loi permet, dans ce dossier si complexe, une avancée, et nous le voterons très volontiers. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Michèle San Vicente.
Mme Michèle San Vicente. Monsieur le ministre, en avant-propos, permettez-nous de nous étonner que votre projet de loi comporte plusieurs dispositions concernant les seules assistantes maternelles non permanentes et que les autres titres abordent des problèmes beaucoup plus douloureux, voire récurrents, comme l'absentéisme scolaire ou la maltraitance des enfants.
Vous proposez monsieur le ministre, pour répondre à la pénurie notoire de l'offre de garde, une première série de mesures que Jean-Louis Lorrain qualifie lui-même dans son rapport de texte d'appel. Les assistantes maternelles, qu'elles le soient à titre permanent ou non, attendent un vrai statut et une revalorisation de leurs salaires.
Le texte prévoit une modification de l'article L. 421 du code de l'action sociale et des familles afin d'étendre à plus de trois le nombre de mineurs accueillis. Actuellement, sauf dérogation, ce seuil est de trois enfants maximum, que ce soit à temps plein ou à temps partiel. Il est indéniable que les rythmes de vie ont évolué d'une façon telle que l'offre d'accueil suit très difficilement. Cette nouvelle souplesse que vous accordez semble être intéressante mais, hormis l'aspect financier, le côté humain laisse songeur !
A travers l'article 1er, vous proposez une solution quantitative qui, selon l'exposé des motifs, permettra une augmentation de 135 000 places. Quantité et qualité peuvent-elles se conjuguer ?
La loi du 12 juillet 1992 précisait le cadre de l'agrément avec, pour objectif avoué de vérifier, notamment par le biais de l'article L. 421-1 du code de l'action sociale et des familles, si les conditions d'accueil garantissaient « la santé, la sécurité et l'épanouissement des mineurs ».
Une étude de la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques, la DREES, fait apparaître que 38 % des assistantes maternelles déclarent travailler plus de 45 heures par semaine, tout en étant de plus en plus nombreuses à dénoncer des horaires irréguliers.
« Travailler plus pour gagner plus ? » Qu'on en juge : 542 euros net par mois, soit 45 % du salaire net moyen de l'ensemble des salariés du privé...
Toutes les assistantes maternelles, loin s'en faut, ne sont pas rémunérées au forfait. Dès lors, la tentation sera grande pour elles de pratiquer l'accueil périscolaire en sus de leurs trois gardes, pour simplement augmenter leurs revenus. En effet, aucune mesure dans votre texte ne limite cet accueil transitoire.
Vous ne cachez d'ailleurs pas, monsieur le ministre, que les dispositions contenues dans les deux premiers articles de votre projet de loi visent à rendre le métier d'assistante maternelle plus attractif par une augmentation du revenu !
Si le côté pécuniaire prévaut, dès lors, outre la fatigue physique et psychique, comment l'accueil et la coordination éducative pourront-ils se faire avec la qualité et la sérénité nécessaires à cette profession ?
C'est pourquoi nous aurions aimé que vous incluiez une durée légale et une durée maximale pour poser des limites aux employeurs et aux assistantes maternelles elles-mêmes.
Votre prédécesseur, Ségolène Royal, avait créé 46 000 places supplémentaires en crèche. Vous annoncez 20 000 places d'ici à 2007. Monsieur le ministre, quelles garanties pouvez-vous nous donner afin que le fonds d'investissement destiné aux collectivités territoriales pour le financement d'équipements collectifs ne disparaisse pas avec le redressement prévisible des comptes de la sécurité sociale ?
L'étude des coûts pour les collectivités et les familles montre qu'entre les trois modes de garde - assistante maternelle, crèche ou école maternelle -, cette dernière reste le moins onéreux, soit 1 510 millions d'euros contre 1 724 millions d'euros pour les crèches et 2 186 millions d'euros pour les assistantes maternelles. Aussi les familles ne sont-elles pas placées sur un pied d'égalité en matière de garde. Les ménages modestes optent plutôt pour les crèches, quand il en existe. Lorsqu'il n'y en a pas, l'école maternelle - exception française - demeure une alternative.
Dans le département du Pas-de-Calais, par exemple, où tous les indicateurs sont dans le rouge, l'école dès le plus jeune âge est un rempart contre les handicaps sociaux et culturels. Et ce n'est pas un hasard si la scolarisation des enfants de deux ans y est de 61,8 %, contre 34,7 % au niveau national. Pouvez-vous nous dire, monsieur le ministre, s'il y a une remise en cause de la scolarisation des enfants de deux ans, comme la rumeur s'en fait l'écho ?
Dans ma commune, il y a une cité en restructuration avec, d'un côté, des logements insalubres et, de l'autre, de nouvelles habitations. L'école maternelle puis l'école primaire y sont les vecteurs d'intégration et de sociabilité les plus importants que je connaisse.
Avec l'entrée en vigueur de la prestation d'accueil du jeune enfant, la PAJE, prévue pour le 1er janvier prochain, vous vous attendez, monsieur le ministre, à une augmentation significative de la demande de garde. Mais la PAJE, censée permettre aux parents de choisir en toute liberté le mode de garde jusqu'aux trois ans de l'enfant, n'a-t-elle pas comme autre but non avoué d'encourager les femmes à rester à la maison ?
S'agissant de l'absentéisme scolaire, vous dites vous-même, monsieur le ministre, que c'est un phénomène complexe et qu'il est très souvent signe du mal-être de l'élève et de souffrances qui peuvent être, Mme Olin l'a dit, d'origine scolaire, personnelle ou familiale.
Tous les intervenants que nous avons rencontrés s'accordent à dire que c'est sur la prévention dès le plus jeune âge et l'accompagnement des familles que l'accent doit être mis. D'ailleurs, comme le souligne un juge pour enfants, « un certain nombre de parents isolés, non insérés, voire handicapés, et pourtant pleins de bonne volonté sont incapables de transmettre une éducation qu'ils n'ont sans doute jamais reçue eux-mêmes ».
A travers les modules, la philosophie de votre texte est-elle de sanctionner, ou plutôt d'aider ? M. Jean-Louis Lorrain n'écrit-il pas dans son rapport que « le présent projet de loi a pour ambition de rénover la lutte contre l'absentéisme scolaire en proposant des sanctions adaptées » ?
Le fait d'abroger le dispositif de suppression ou de suspension des allocations familiales est sans contexte une bonne chose, mais, hormis des mesures répressives en direction des employeurs qui font travailler des enfants en âge d'être scolarisés et une contravention de quatrième classe envers les parents fautifs, rien n'apparaît concrètement pour responsabiliser et aider les familles. L'absentéisme scolaire est, le plus souvent, le signe d'un malaise familial avant tout.
A ce sujet, l'Observatoire national de l'action sociale décentralisée, l'ODAS, souligne la faiblesse des politiques préventives et le fait que ce n'est pas le nombre d'enfants maltraités qui a augmenté, contrairement à ce que pourrait laisser penser un article paru dans Le Monde, mais celui des enfants en situation de risque. L'observatoire tire ses conclusions à partir de l'analyse de l'ensemble des informations recueillies auprès des départements et du service national d'accueil par téléphone pour l'enfance maltraitée, le SNATEM.
Sans mettre en cause un Observatoire de l'enfance maltraitée à l'échelon national, au moment où il est question de décentralisation, nous nous étonnons que l'échelon du département n'ait pas été retenu. C'est pourtant l'un des maillons de proximité le plus efficace pour agir sur le terrain. Le référentiel peut être commun, mais les problèmes ne sont pas forcément les mêmes dans les bassins miniers et sur la Côte d'Azur !
Le département du Pas-de-Calais voulait créer son Observatoire l'année prochaine. « Est-ce que les missions sont pertinentes ? Est-ce que les moyens sont pertinents ? », s'interrogeait cependant cette semaine Jean-Paul Delevoye, ministre de la fonction publique, sur LCI.
Nous vous posons les mêmes questions, monsieur le ministre !
Jean-Louis Lorrain, notre rapporteur, a déclaré : « Dans la majorité des cas, ce sont les parents qui s'avèrent être les auteurs des mauvais traitements. Les déséquilibres familiaux et l'inactivité, notamment des mères » - ... cela m'a choquée ! - ...
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur. Je m'en suis expliqué.
Mme Michèle San Vicente. Pas suffisamment !
... « semblent être des facteurs d'augmentation du risque de maltraitance des enfants ».
Pourtant, l'UNICEF constate que, de tous les problèmes identifiés par les chercheurs concernant les circonstances de maltraitance à enfants, l'un des plus courants et des plus graves est l'abus de drogue et d'alcool, et qu'il existe aussi de nombreuses preuves faisant état d'un lien entre la maltraitance physique à enfants et la violence entre adultes au sein du foyer ou ailleurs.
L'UNICEF reconnaît que l'on manque cruellement de données et que les rares statistiques révèlent la nature occulte du problème, la résistance sociale à en prendre conscience et le peu d'attention politique accordée au problème de la violence contre les enfants.
Quant à l'expérimentation de la dotation globale de fonctionnement dans les services tutélaires permettant de connaître les besoins réels liés à l'activité des associations, seules sont retenues les considérations financières. Pour les associations tutélaires elles-mêmes, il aurait fallu adapter les mesures pour répondre aux besoins et ensuite calculer le coût réel du service rendu pour aboutir à un financement équitable. Le rapport Favard avait d'ailleurs émis des propositions sur ce point.
Pour toutes ces raisons, même si ce projet de loi comporte des mesures intéressantes, nous pensons qu'il ne règle pas les problèmes de fond. Nous attendrons donc 2004 et 2005 et nous nous abstiendrons (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Payet.
Mme Anne-Marie Payet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les membres du groupe de l'Union centriste, qui comptent parmi leurs membres le président du SNATEM, le service national d'accueil téléphonique pour l'enfance maltraitée, plus connu sous le nom de « Allô Enfance maltraitée », se félicitent des propositions faites par le Gouvernement en vue de créer un Observatoire national de l'enfance maltraitée.
L'actualité récente a malheureusement remis ce sujet douloureux au centre du débat médiatique. Il est indispensable de mieux coordonner les différents services d'information sur l'enfance maltraitée, afin que de pareils drames puissent être mieux prévenus à l'avenir.
En effet, le dispositif actuel est caractérisé par une multiplicité d'intervenants et par la grande hétérogénéité des sources statistiques. Vous l'avez souligné tout à l'heure, monsieur le ministre.
Le dispositif français de protection de l'enfance est particulièrement riche puisqu'il constitue le premier poste de dépenses d'aide sociale des départements, auquel il convient d'ajouter les crédits d'Etat consacrés à la protection judiciaire et au fonctionnement des tribunaux pour enfants, comme l'a souligné tout à l'heure M. le rapporteur.
Or, pour mettre en place des mesures efficaces contre ce phénomène, il est indispensable, au préalable, de pouvoir le quantifier avec exactitude. Mais, actuellement, il n'existe pas de données exhaustives sur cette question. Les rapports conjoints de l'inspection générale des affaires sociales et des services judiciaires de mars 1995 et juin 2000, ainsi que le rapport de l'IGAS de mai 2000 concernant le contrôle de quatre services départementaux de l'aide sociale à l'enfance, font apparaître des manquements et des insuffisances dans le dispositif statistique concernant l'enfance maltraitée.
Ainsi, si l'ODAS recense, pour l'année 2001, 85 500 enfants qui ont bénéficié d'un signalement aux conseils généraux, le SNATEM a reçu près de 2 millions d'appels en 2001. Il a par ailleurs transmis aux conseils généraux 5 415 comptes rendus d'appels concernant des situations de mauvais traitements, présumés ou avérés.
Enfin, la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques du ministère chargé des affaires sociales évalue, pour 2001, à 141 000 le nombre de jeunes pris en charge par l'aide sociale départementale à l'enfance dans le cadre d'une mesure de placement et à 129 000 le nombre de ceux qui bénéficient d'une action éducative : ces chiffres prouvent à eux seuls l'ampleur du phénomène, mais également la difficulté actuelle qu'il y a à l'appréhender.
Les propositions faites par le Gouvernement correspondent pleinement aux attentes exprimées par le SNATEM depuis plusieurs années. La création de cet observatoire, qui n'a vocation qu'à quantifier le phénomène et non à le prévenir, ne peut donc qu'être saluée par l'ensemble des acteurs du secteur.
Par ailleurs, ce texte tend à renforcer la protection de l'enfance face à d'autres risques que la maltraitance. Ainsi, en matière de travail des enfants, le Gouvernement propose un alourdissement des sanctions actuellement prévues en cas d'emploi dissimulé d'un mineur soumis à l'obligation scolaire, les portant à cinq ans d'emprisonnement et 75 000 euros d'amende. La commission des affaires sociales a justement complété ce texte en précisant les cas dans lesquels le travail des enfants peut être autorisé.
Protéger les enfants, c'est également mieux défendre les victimes d'agression. En cela, ce texte renforce l'arsenal juridique mis à la disposition des associations de défense de l'enfance et qui leur permet de se constituer partie civile.
Actuellement, ces associations ne peuvent intervenir que pour un nombre limité d'infractions pénales, après avoir reçu l'accord de la victime ou de son représentant, et une fois l'action publique mise en mouvement par le ministère public ou la partie lésée.
Le texte que nous examinons aujourd'hui propose une nouvelle rédaction de l'article 2-3 du code de procédure pénale, permettant aux associations d'intervenir par voie d'action afin d'enclencher l'action publique, pour toutes les infractions concernant les victimes mineures dès lors que celles-ci sont atteintes dans leur intégrité physique, psychique ou morale.
Par ailleurs, le groupe de l'Union centriste souhaite compléter ce projet de loi en y introduisant un titre spécifique modifiant l'article L. 132-6 du code de l'action sociale et des familles, dont l'application est parfois problématique pour les départements, notamment lorsque les obligés alimentaires d'une personne âgée prétendent bénéficier d'une exonération sur le fondement de l'article 207, alinéa 2 du code civil, selon lequel le juge peut décharger le débiteur de tout ou partie de la dette alimentaire dans le cas où le créancier manquerait gravement à ses obligations envers lui.
Dans la plupart des cas, ces allégations se révèlent fondées. L'objet de notre amendement est de simplifier la procédure prévue à l'article 132-7 du code de l'action sociale et des familles en proposant que les débiteurs d'aliments soient automatiquement déchargés de leur dette alimentaire, sous réserve d'une décision contraire du juge, quand il s'agit d'enfants dont les parents se sont vu retirer totalement l'autorité parentale, de pupilles de l'Etat qui ont été élevés par les services d'aide sociale à l'enfance jusqu'à la fin de leur scolarité, ou enfin d'enfants qui ont fait l'objet d'un retrait judiciaire de leur milieu familial durant une période cumulée de trente-six mois jusqu'à l'âge de douze ans.
Le groupe de l'Union centriste, au nom duquel je m'exprime, sous réserve de cet ajout, est pleinement favorable à ce texte. Je ne me suis pas exprimée sur la réforme du statut des assistantes maternelles ni sur l'absentéisme scolaire, qui sont également deux sujets importants traités par ce texte, car les mesures proposées nous semblent aller dans la bonne direction.
Nous sommes d'accord avec Jean-Louis Lorrain quand il considère qu'il s'agit d'un texte d'appel. Si nous estimons que la méthode retenue par le Gouvernement est louable, à savoir de proposer des premières mesures directement opérationnelles, nous resterons toutefois très vigilants quant à la mise en oeuvre de réformes de plus grande ampleur, notamment celle du statut des assistantes maternelles programmée pour 2004 et celle des tutelles prévue en 2005. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Gisèle Printz.
Mme Gisèle Printz. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon intervention portera essentiellement sur le thème de la maltraitance de l'enfant, ma collègue ayant déjà abordé les autres points figurant dans le projet de loi.
La maltraitance de l'enfant est un thème souvent difficile à évoquer, car nous nous trouvons placés face à des situations et à des faits parfois indescriptibles de violences faites à des mineurs, survenues non pas dans la rue ni à l'école, mais, la plupart du temps, au sein du cocon familial, là où l'enfant est censé trouver écoute, compréhension et amour, là où il est aussi censé se structurer pour l'avenir.
C'est donc d'un thème pénible qu'il est question, mais il est de notre devoir d'ouvrir les yeux et d'évoquer la situation qui est la nôtre aujourd'hui. Sans avoir de données complètes, on peut estimer d'après les chiffres de l'ODAS pour 2001 qu'une fille sur huit et un garçon sur dix sont victimes d'abus sexuels avant d'avoir atteint leur majorité ; 22 % d'entre eux ont moins de six ans ; dans quatre cas sur dix, l'enfant est victime d'agressions répétées. Les filles sont plus souvent victimes de maltraitance que les garçons - elles représentent près de 60 % des cas - et subissent un plusgrand nombre d'abus sexuels.
Il faut également noter qu'il existe une forme de maltraitance plus sournoise, la maltraitance psychologique, qui, même si elle ne cause pas de souffrance physique, n'en est pas moins destructrice. Je pense, entre autres, aux enfants victimes de sectes.
Humiliations, persuasion, menaces, corruption et violences sont donc le quotidien de dizaines d'enfants, qui, parfois, dérape en faits divers sordides : ainsi comme cet enfant de quatre ans à Strasbourg, décédé à la suite d'actes répétés de barbarie et de tortures, ou cette fillette âgée de seulement dix-huit mois, trouvée morte, éviscérée, dans un immeuble voisin du premier.
Ces actes épouvantables nous montrent, si besoin était, la nécessité de légiférer rapidement. Des avancées significatives avaient été obtenues sous l'ancien gouvernement, notamment avec la loi du 17 juin 1998 relative à la prévention et à la répression des infractions sexuelles ainsi qu'à la protection des mineurs, dite « loi Guigou ». Elle avait notamment instauré un suivi socio-judiciaire du délinquant destiné à prévenir la récidive, ainsi que des mesures de prévention et de répression des infractions sexuelles.
La loi du 6 mars 2000 instituant un défenseur des enfants et visant à renforcer le rôle de l'école dans la prévention et la détection des faits de mauvais traitements à enfants stipule que les visites médicales scolaires ont notamment pour objet de prévenir et de détecter les cas d'enfants maltraités. En outre, au moins une séance annuelle d'information et de sensibilisation sur l'enfance maltraitée est désormais inscrite dans l'emploi du temps des élèves des écoles, des collèges et des lycées.
Il est indispensable de poursuivre dans ce sens. C'est pourquoi nous accueillons plutôt favorablement un projet de loi relatif à la protection de l'enfance. Mais si ce texte aborde diverses questions pour lesquelles il prévoit des mesures, nous ne pouvons que regretter leur insuffisance à résoudre les problèmes posés. M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur de la commission, s'est d'ailleurs exprimé en ce sens : « Il s'agit donc d'un texte d'appel, dont il convient de saluer les avancées, tout en souhaitant qu'elles ne soient que les prémices de réformes plus ambitieuses ». Je partage ses propos. Nous pensons, monsieur le ministre, que vous auriez dû aller plus loin, notamment en ce qui concerne la maltraitance des enfants et les abus sexuels, que vous avez récemment qualifiés de fléau national.
La maltraitance aurait dû faire l'objet d'un projet de loi traitant le problème dans son entier et non, comme c'est le cas ici, être intégrée dans un texte général sur l'enfance, qui nécessitera des ajustements et des mesures complémentaires. Trop de questions restent, en effet, en suspens, et les attentes sont nombreuses.
Tout d'abord, vous savez que l'imprescriptibilité de l'inceste et des crimes sexuels sur enfants est une revendication de longue date des associations que nous aurions aimé voir figurer dans le texte. Elle pourrait permettre aux victimes de porter plainte lorsqu'elles sont prêtes à le faire.
Actuellement, la situation est telle qu'un enfant devenu majeur désirant porter plainte se retrouve face à un mur, sans écoute ni soutien. S'il parvient à franchir ces obstacles, il se heurte à la prescription. La législation actuelle est bel et bien inadaptée, car souvent la mémoire des faits revient à l'occasion d'un événement de vie important - divorce, deuil, entre autres - qui n'est pas lié à l'âge de la victime.
L'imprescriptibilité peut aussi être un outil de prévention et de protection des enfants contre les abuseurs et la récidive. Précisons que le Canada a rendu les crimes et les agressions sexuelles sur les enfants imprescriptibles voilà quinze ans, et qu'il s'en accommode très bien aujourd'hui. Nous espérons, monsieur le ministre, que vous saurez tenir compte de ces observations.
La création d'un observatoire national de l'enfance maltraitée peut être intéressante, car nous ne disposons actuellement d'aucun chiffre fiable en la matière, mais nous attendons de voir l'utilisation qui sera faite de cet outil. Il ne suffit pas en effet de collecter des chiffres ; encore faut-il en assurer un suivi efficace sur tous les plans, administratif et judiciaire bien sûr, mais aussi psychologique. Surtout, il importe que ce suivi soit orienté vers l'enfant.
Il est grand temps, en effet, de placer l'enfant au coeur du système. Un enfant maltraité doit tout reconstruire autour de lui. C'est pourquoi il doit bénéficier d'un suivi adapté et surtout être écouté. Trop souvent, la parole et les désirs de l'enfant sont ignorés. Ce n'est pas une bonne chose.
L'enfant doit en outre pouvoir bénéficier d'une réelle protection et ne plus être confronté à son bourreau. Des mesures devront être prises en ce sens, notamment pour que le parent protecteur puisse avoir la garde exclusive de l'enfant.
Il ne suffit pas d'observer, il faut aussi remédier au mal. C'est pourquoi nous souhaiterions connaître vos intentions concernant le suivi des chiffres qui seront collectés par cet observatoire.
Monsieur le ministre, nous avons noté que votre projet de loi élargit les possibilités offertes aux associations de se constituer partie civile lorsque des poursuites sont engagées contre les auteurs présumés de certaines infractions commises sur les mineurs. Toutefois, cette possibilité conduira à un accroissement des dossiers et donc à un surcroît de travail pour des tribunaux qui sont déjà très sollicités. Avez-vous prévu de prendre les mesures nécessaires, en concertation avec le ministre de la justice, pour que les tribunaux puissent faire face à ce surcroît d'activité ?
L'un des objectifs de ce texte est de parvenir à une meilleure coordination entre tous les acteurs de la protection de l'enfance. Là encore, l'intention est bonne, car force est de constater qu'il existe des dysfonctionnements liés au manque de communication et, surtout, à l'absence d'échanges de données entre les acteurs. Mais trop de questions restent encore en suspens.
Par exemple, nous souhaiterions connaître la place que vous entendez donner au monde associatif, qu'il s'agisse des grands réseaux ou des petites structures. En effet, beaucoup de petites associations agissant quotidiennement sur le terrain sont exactement au fait des réalités et directement confrontées à des situations de détresse enfantine. Ces associations doivent agir dans l'urgence la plupart du temps et, pour cela, elles ne disposent que de peu de moyens et de très peu de relais dans l'administration.
Il est vrai que certaines associations peuvent déranger par leur franc-parler, leur impatience et leurs critiques envers le système, mais nous pensons qu'elles ne doivent pas être ignorées des pouvoirs publics, car elles ont l'expérience du terrain et il est nécessaire de s'appuyer sur cette expérience si l'on veut parvenir à une politique efficace d'aide à l'enfance.
Est-il dans vos intentions de réunir prochainement l'ensemble des acteurs intervenant dans la protection de l'enfance, en incluant notamment les petites associations, afin de les recenser, de les écouter, de définir un rôle en adéquation avec leur expérience auprès des familles, et surtout de leur donner les moyens de remplir au mieux ce rôle.
Il est difficile de concevoir que des associations d'aide à l'enfance maltraitée n'aient aucune relation avec leur conseil général, pourtant c'est parfois le cas. Des passerelles existent cependant entre les services départementaux et les associations, ce sont les unités médico-judiciaires. Malheureusement, il n'y en a à l'heure actuelle qu'une quinzaine en France alors qu'il en faudrait dans chaque département.
Concernant toujours les conseils généraux, il me semble également important d'évoquer le problème des mineurs étrangers isolés sur le territoire français. Comme vous le savez, ceux-ci sont dirigés vers les centres départementaux d'aide à l'enfance, les CDE, là où sont aussi hégergés les mineurs reconnus en danger par l'autorité judiciaire, notamment les enfants victimes de maltraitance.
Or, il s'agit de deux publics différents, qui ont chacun besoin d'une prise en charge propre. En outre, les CDE sont aujourd'hui surchargés par l'afflux de jeunes étrangers - c'est le cas dans mon département - et nous pensons que cette situation n'est bénéfique ni pour les uns ni pour les autres. L'Etat doit prendre ses responsabilités et créer des structures d'hébergement spécifiques pour les mineurs étrangers, afin de désengorger les CDE.
Monsieur le ministre, nous espérons que vous saurez tenir compte de ces observations et que vous prendrez des mesures en conséquence.
Une politique efficace de protection de l'enfance doit être accompagnée de moyens significatifs, notamment humains ; beaucoup d'acteurs de terrain déplorent en effet le manque de personnel. Nous pensons aussi qu'une telle politique doit être interministérielle, un peu à l'image de la politique de la ville, car plusieurs ministères sont concernés : les affaires sociales, l'éducation nationale, la justice, la santé, la famille, mais aussi l'intérieur, notamment pour la lutte contre les réseaux pédophiles.
A ce propos, nous regrettons l'absence de mesures importantes pour lutter contre cette forme de criminalité organisée. Des milliers d'images pornographiques circulent sur Internet, mettant en scène des enfants, et chaque jour de nouveaux sites sont découverts. Il est indispensable de se donner les moyens de remonter et de démanteler ces réseaux dès leur découverte, car on connaît les conséquenses dramatiques de la pédocriminalité sur les enfants. Certains peuvent en mourir, d'autres garder des séquelles à vie, leur épanouissement psychologique et affectif pouvant être compromis de manière durable et irréversible.
En ce qui concerne les dispositifs existants, une réflexion devra être menée afin d'en améliorer l'efficacité pour une meilleure prévention et une meilleure organisation de la lutte contre la maltraitance. Je pense, par exemple, au numéro vert. Des dysfonctionnements m'ont été signalés par plusieurs associations, notamment lorsqu'il s'agit de traiter des situations d'urgence.
Monsieur le ministre, c'est une bonne chose que vous vous penchiez sur la question de l'enfance maltraitée, mais nous pensons que vous le faites de manière très insuffisante. Le gouvernement précédent avait pris des dispositions significatives et il aurait été intéressant de poursuivre dans le même sens. Ce n'est malheureusement pas le cas, car les mesures proposées paraissent bien symboliques face à l'étendue du problème et au vaste chantier que représente la protection de l'enfance.
Vous avez qualifié la maltraitance d'enfants de fléau national, faites-en aujourd'hui une cause nationale et donnez-vous les moyens d'agir ! Nous attendons avec impatience une réunion interministérielle à ce sujet et l'annonce de mesures significatives répondant aux attentes du terrain. Pour le moment, nous n'en sommes qu'au stade des bonnes intentions. C'est pourquoi le groupe socialiste s'abstiendra sur ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Christian Jacob, ministre délégué. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous propose de répondre brièvement aux orateurs, puisque j'aurai l'occasion lors de la discussion des amendements d'y consacrer plus de temps.
Monsieur le rapporteur, je voudrais vous remercier de nouveau, après votre intervention. Au-delà de votre soutien, j'ai bien noté les nombreuses avancées qu'apporteront vos amendements au projet de loi, nous aurons l'occasion d'y revenir.
Je tiens à saluer l'intervention de Mme Olin, notamment la force de son témoignage et l'intérêt qu'elle porte à la cellule familiale, qui est effectivement le meilleur socle de protection pour nos enfants sur les différents sujets traités par ce texte, qu'il s'agisse de l'absentéisme scolaire ou de la maltraitance.
Pour ce qui est des assistantes maternelles, un texte est en préparation, il vous sera soumis dans les prochains mois.
Madame Demessine, je vous remercie du soutien que vous apportez au rapport Naves que j'avais commandé et dont le projet de loi est très largement inspiré.
Par ailleurs, nous aurons l'occasion de débattre ultérieurement du projet de loi de financement de la sécurité sociale, le PLFSS. Le « plan crèche » du Gouvernement est rigoureusement identique à celui du gouvernement précédent. Il convient en outre de souligner que le plan crèche de mon prédécesseur a été financé par l'actuel gouvernement.
Au risque de vous chagriner, sachez enfin que nous avons travaillé avec l'ensemble des partenaires qui nous ont réservé, d'une manière générale, leur soutien, notamment sur le difficile dossier de l'absentéisme.
Monsieur Vallet, actuellement, le nombre d'enfants accueillis par une assistante maternelle ne peut être supérieur à trois. Le texte que nous proposons permet de concilier la souplesse et la simplicité. Il était attendu par les professionnels. L'offre de garde pourra ainsi être développée dans un cadre restreint puisque la limite de trois enfants porte sur le nombre d'enfants accueillis simultanément par l'assistante maternelle et n'est plus conçue comme un nombre absolu.
Madame San Vicente, vous avez évoqué le statut des assistantes maternelles. Je veux vous rassurer et vous dire que j'ai apprécié votre préoccupation, comme celle de Mme Printz d'ailleurs, à leur sujet. Il est dommage que le problème n'ait pas été résolu plus tôt.
Il y a simplement dix-huit mois que le Gouvernement est en place. Nous avons pris le dossier à bras-le-corps et je peux vous annoncer que, vraisemblablement, le texte sera transmis au Conseil d'Etat prochainement. Il a fait l'objet d'une large concertation avec les partenaires sociaux qui le réclamaient depuis longtemps.
En ce qui concerne le plan crèche et les garanties que vous demandez, il vous suffira de voter, ce dont je ne doute pas, pour le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Quant à la prestation d'accueil du jeune enfant, la PAJE, elle est reconnue par les mouvements familiaux et les partenaires sociaux comme un effort sans précédent. Le soutien apporté à l'accueil des jeunes enfants se monte ainsi à plus d'un milliard d'euros en année pleine, ce qui va permettre à la fois de renforcer et de développer les modes de garde, mais aussi le pouvoir d'achat des familles, notamment celles dont les revenus sont les plus bas.
En ce qui concerne la lutte contre l'absentéisme scolaire, nous mettons en place un système progressif, qui a fait l'objet d'une très large concertation. Cela n'a jamais été le cas auparavant. Finalement, ce dispositif de suppression des prestations familiales aurait pu être abrogé par les gouvernements précédents. Nous l'avons donc fait et avons instauré un système très progressif qui répond exactement à l'attente des parents et des mouvements familiaux. Nous avons procédé à soixante-dix auditions. Plus de vingt réunions ont eu lieu. L'ensemble des partenaires et des acteurs concernés ont donc été consultés.
Je souhaite, par ailleurs, remercier Mme Payet du soutien qu'elle a apporté à l'amendement de M. Mercier. Il s'agit effectivement d'un très bon amendement. J'aurai l'occasion d'émettre un avis favorable sur les mesures qu'il prévoit.
En ce qui concerne l'observatoire de l'enfance maltraitée, madame Printz, vous avez émis des réserves. Cet observatoire a pour objet non pas de comptabiliser pour comptabiliser, mais de faciliter le traitement des dossiers, de façon que le système de prévention soit le plus efficace possible.
Il convient de préciser que la protection de l'enfance est un domaine qui est dévolu aux départements.
Certains de vos collègues ont été moins critiques. J'ai reçu une lettre de soutien d'une ancienne ministre qui appartenait à votre majorité pour la mise en place de ce projet, notamment la création de cet observatoire.
Telles sont les quelques remarques que je voulais formuler avant l'examen des articles. Je vous remercie tous, par avance, de vos différentes contributions. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Article additionnel avant le titre Ier
M. le président. L'amendement n° 13, présenté par M. Mercier et les membres du groupe de l'Union centriste, est ainsi libellé :
« Avant le titre Ier, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article L. 132-6 du code de l'action sociale et des familles est ainsi rédigé :
« Art. L. 132-6. - Les personnes tenues à l'obligation alimentaire instituée par les articles 205 et suivants du code civil sont, à l'occasion de toute demande d'aide sociale, invitées à indiquer l'aide qu'elles peuvent allouer aux postulants et à apporter, le cas échéant, la preuve de leur impossibilité de couvrir la totalité des frais.
« Sous réserve d'une décision contraire du juge aux affaires familiales, sont de droit dispensés de fournir cette aide :
« - les enfants déchargés de l'obligation alimentaire sur le fondement des articles L. 228-1 du code de l'action sociale et des familles et 379 du code civil ;
« - les enfants qui, après signalement de l'aide sociale à l'enfance, ont fait l'objet d'un retrait judiciaire de leur milieu familial durant une période de 36 mois cumulés au cours des douze premières années de leur vie.
« Cette dispense s'étend aux descendants des enfants susvisés.
« La commission d'admission fixe, en tenant compte du montant de la participation éventuelle des personnes restant tenues à l'obligation alimentaire, la proportion de l'aide consentie par les collectivités publiques. La décision de la commission peut être révisée sur production par le bénéficiaire de l'aide sociale d'une décision judiciaire rejetant sa demande d'aliments ou limitant l'obligation alimentaire à une somme inférieure à celle qui avait été envisagée par l'organisme d'admission. La décision de la commission fait également l'objet d'une révision lorsque les débiteurs d'aliments ont été condamnés à verser des arrérages supérieurs à ceux qu'elle avait prévus ».
La parole est à Mme Anne-Marie Payet.
Mme Anne-Marie Payet. La procédure d'admission à l'aide sociale d'une personne âgée peut conduire à des situations absurdes. C'est le cas lorsque le président du conseil général, alors qu'il connaît parfaitement les manquements d'un parent à l'égard de son enfant, se trouve contraint de saisir le juge aux affaires familiales aux seuls fins que ce dernier décharge l'enfant de son obligation alimentaire.
Ces affaires, pour peu nombreuses qu'elles soient, pointent une inadaptation de la procédure actuellement applicable. L'enfant se trouve alors replongé dans un passé douloureux qu'il a tenté de surmonter durant de nombreuses années, contraint de revenir devant le juge sur les mauvais traitements ou l'indifférence dont il a été victime pour obtenir un jugement dont le sens est prévisible dès le début de la procédure.
Enfin, l'opinion publique s'émeut, à juste titre, d'une telle incohérence lorsque l'appareil administratif est incapable de tirer les conséquences de sa propre intervention passée en faveur d'un enfant maltraité par un parent indigne.
Cet amendement a pour objet de confirmer la décharge automatique de la dette alimentaire des enfants, pupilles de l'Etat, qui ont été pris en charge par l'aide sociale à l'enfance, ou des enfants dont les parents se sont vu retirer totalement l'autorité parentale.
En outre, il tend à décharger automatiquement ceux qui, après signalement de l'aide sociale à l'enfance, ont fait l'objet d'un retrait judiciaire de leur milieu familial durant une période de trente-six mois cumulés au cours des douze premières années de leur vie.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur. Les mesures proposées par Mme Payet sont tout à fait intéressantes. Dans la mesure où ce dispositif serait limité aux cas où les carences éducatives à l'encontre des mineurs sont avérées et qu'une décision contraire du juge aux affaires familiales peut intervenir dans tous les cas, la commission émet un avis favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Jacob, ministre délégué. Le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement.
En effet, il serait particulièrement paradoxal de demander à des enfants de contribuer à la prise en charge de leurs parents si les parents ont eux-mêmes été dans l'incapacité de prendre en charge leurs enfants en raison de carences éducatives.
Cela pouvait déjà être le cas auparavant : il suffisait de porter un recours devant le juge aux affaires familiales. Là, il s'agit simplement de prendre en compte la réalité familiale et d'éviter des procédures qui sont toujours mal vécues par les familles.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 13.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, avant le titre Ier.
TITRE Ier
DISPOSITIONS RELATIVES À L'AGRÉMENT
DES ASSISTANTS MATERNELS
Article 1er
La dernière phrase du deuxième alinéa de l'article L. 421-1 du code de l'action sociale et des familles est remplacée par deux phrases ainsi rédigées :
« Lorsque l'accueil a un caractère permanent, le nombre de mineurs accueillis ne peut être supérieur à trois, sauf dérogation accordée par le président du conseil général. Lorsqu'il n'a pas un caractère permanent, le nombre de mineurs accueillis simultanément ne peut être supérieur à trois, sauf dérogation accordée par le président du conseil général. »
M. le président. Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 15, présenté par Mme Demessine, MM. Fischer, Muzeau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
« Supprimer cet article. »
L'amendement n° 1, présenté par M. Lorrain, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Rédiger ainsi la seconde phrase du texte proposé par cet article pour modifier le deuxième alinéa de l'article L. 421-1 du code de l'action sociale et des familles :
« Lorsqu'il n'a pas un caractère permanent, le nombre de mineurs accueillis ne peut être supérieur à six, dans la limite de trois mineurs accueillis simultanément, sauf dérogation accordée par le président du conseil général. »
L'amendement n° 24 rectifié bis, présenté par Mme Bocandé et les membres du groupe de l'Union centriste, est ainsi libellé :
« Compléter le texte proposé par cet article pour l'article L. 421-1 du code de l'action sociale et des familles par la phrase suivante :
« Toutefois, ce seuil est automatiquement porté à quatre lorsque au moins l'un des mineurs accueillis est un enfant scolarisé gardé en dehors des horaires scolaires par l'assistant maternel déjà chargé de l'accueil d'un autre membre de sa fratrie. »
La parole est à Mme Michelle Demessine, pour présenter l'amendement n° 15.
Mme Michelle Demessine. Actuellement, le choix des familles est plus que contraint par la pénurie tant quantitative que qualitative de l'offre de garde. Les parents prennent ce qu'ils trouvent ! S'ils sont aujourd'hui 20 % à s'être tournés vers l'accueil individuel par une assistante maternelle, en tout cas pour ceux qui en ont les moyens, c'est peut-être plus par défaut. L'accueil collectif, pourtant plus sécurisant, ne répond plus ni à la demande ni aux nouvelles contraintes de vie et de travail des parents.
Par conséquent, l'analyse de la situation faite par M. le rapporteur de la commission des affaires sociales me semble trop rapide. Je ne pense pas que l'on puisse se contenter de dire que le système de garde par une assistante maternelle est « adopté » principalement par de nombreux ménages pour des raisons de coût, de confort de l'enfant, qui bénéficierait d'une meilleure qualité d'accueil que dans les structures collectives.
Le choix du Gouvernement privilégiant le développement de modes de garde individuels - assistante maternelle ou employée de maison - ne me semble pas répondre au réel besoin de diversité des solutions d'accueil du jeune enfant. Il est plus dicté par des considérations financières. En effet, ce type d'accueil est le moins coûteux pour la collectivité. Doit-il pour autant être le seul à être développé ? Nous ne le pensons pas.
La lecture du PLFSS pour 2004 et les options par ailleurs retenues par le Gouvernement concernant les crèches privées, qui bénéficient désormais de financements des caisses d'allocations familiales, refusés aux structures publiques, confirment la priorité donnée à ce seul mode de garde, ce qui est pour nous un premier motif d'insatisfaction.
En second lieu, si nous pouvons concevoir que le Gouvernement cherche à adapter l'offre à la demande, à mieux prendre en compte la réalité et les sujétions particulières des parents liées à leur emploi, au temps partiel notamment, ainsi que les attentes des assistantes maternelles aspirant à vivre de leur travail, nous ne pouvons en revanche accepter que les assouplissements envisagés des conditions d'agrément se fassent aux dépens de la qualité de l'accueil.
Vous êtes conscient, monsieur le rapporteur, des dangers potentiels de l'accueil d'un nombre illimité d'enfants, même dans la limite de trois simultanément, pour la relation privilégiée entre l'enfant et l'assistante maternelle. Sinon, vous n'auriez pas proposé de fixer le nombre maximum d'enfants à six. Toutefois, vous n'en tirez pas toutes les conséquences.
Par ailleurs, à aucun moment vous ne faites référence aux difficultés que pourrait entraîner la présente modification législative pour les conseils généraux en termes de contrôle des conditions de suivi de l'agrément.
Les services de la PMI n'ont déjà pas les moyens d'assumer leurs missions et de lutter contre les abus. Qu'en sera-t-il demain ?
Enfin, la dernière raison qui motive notre demande de suppression de l'article 1er concerne les incidences de cet assouplissement sur les assistantes maternelles elles-mêmes et leur famille, ces dernières travaillant à domicile et ayant bien souvent un enfant en bas âge.
Certes, les assistantes maternelles verront leur salaire augmenter, se stabiliser. Pour autant, leurs conditions de travail vont se dégrader encore. Beaucoup auront une amplitude horaire importante, néfaste à la qualité de l'accueil des enfants.
Il y a bien une explication au fait qu'aujourd'hui, alors que la loi autorise l'agrément pour trois enfants, les conseils généraux ont plutôt tendance à s'autolimiter.
Si le Gouvernement cherche effectivement à résoudre le problème entre l'offre et la demande s'agissant de l'accueil des jeunes enfants, pourquoi n'agit-il pas tout simplement sur le nombre des assistantes maternelles plutôt que sur leur capacité d'accueil ?
Une réforme du statut des assistantes maternelles est annoncée. Elle devrait - je dis bien « devrait » - permettre d'atteindre l'objectif visé de promotion de cette profession, qui passe par le renforcement de la formation et des droits sociaux. C'est pourquoi il nous semble que cette question des conditions d'agrément ne peut être traitée séparément.
Afin de ne pas anticiper sur cette réforme, mais aussi pour prévenir l'explosion du nombre de haltes-garderies sauvages, nous proposons de supprimer l'article 1er.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 1.
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur. Cet amendement a pour objet de fixer un nombre maximum d'enfants pouvant être gardés par une assistante maternelle.
Il convient, en effet, de préserver la relation privilégiée existant entre les enfants et l'assistante maternelle, qui constitue d'ailleurs, aux yeux des familles, un avantage non négligeable de ce mode de garde, moins collectif qu'un accueil en crèche ou en halte-garderie.
Le plafond proposé est de six enfants, afin de conserver toute l'attractivité de cette mesure, qui a pour objet d'assouplir les conditions d'accueil par une assistante maternelle pour mieux répondre à la demande.
Je répondrai tout à l'heure aux observations de Mme Demessine, qui nous fait l'honneur d'intégrer notre préoccupation dans sa réflexion, mais notre démarche est différente.
M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Payet, pour présenter l'amendement n° 24 rectifié bis.
Mme Anne-Marie Payet. Cet amendement a pour objet d'assouplir les possibilités d'accueil des enfants scolarisés, que l'assistante maternelle a d'ailleurs, le plus souvent, eus en garde lorsqu'ils étaient bébés, et qui assure ensuite la surveillance de leurs cadets, en permettant à l'assistante maternelle, dans ce cas bien précis, d'accueillir quatre enfants sans modification de son agrément.
Le déplacement du seuil de l'agrément dans ce cadre est limité aux horaires extrascolaires et il est réservé aux aînés des enfants gardés par l'assistante maternelle. Concrètement, il s'agit d'autoriser l'assistante maternelle à aller chercher à l'école le ou les aînés d'une même fratrie. Cette souplesse simplifierait grandement l'organisation des familles, qui pourraient ainsi venir chercher leurs enfants le soir auprès de la même personne.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur. L'amendement n° 24 rectifié bis tend à autoriser un léger dépassement du nombre d'enfants gardés simultanément et dans des conditions bien précises. Toutefois, les présidents de conseils généraux peuvent déjà donner des dérogations lorsqu'ils l'estiment nécessaire.
La commission souhaite donc entendre l'avis du Gouvernement sur ce point.
Par ailleurs, la commission émet un avis défavorable sur l'amendement n° 15.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 24 rectifié bis.
M. Christian Jacob, ministre délégué. Comme vient de l'indiquer M. le rapporteur, cette possibilité est déjà offerte dans le cadre de dérogations et elle est d'ailleurs souvent utilisée. La dérogation doit être motivée et, bien souvent, elle est accordée lorsqu'il s'agit de fratries ou d'enfants qui restent déjeuner. Il s'agit d'une délégation de compétence donnée au département.
L'adoption de telles dispositions signifierait que l'on conteste aux départements leur possibilité d'accorder des dérogations. Or, dans l'ensemble, cela se passe bien.
Compte tenu de ces explications, je préférerais que l'amendement soit retiré. A défaut, je m'en remettrais à la sagesse du Sénat.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Mme Bocandé et les membres de l'Union centriste ont déposé cet amendement parce que certains départements sont opposés au dépassement de seuil, ce qui entraîne un traitement différent des familles selon les départements. Il est vrai que les départements ont toute latitude pour accorder ou non des dérogations.
Il m'apparaîtrait intéressant de répondre au souci de Mme Bocandé en complétant in fine l'amendement de la commission par les mots : « notamment pour la garde périscolaire des fratries ». Cela permettrait d'appeler l'attention des conseils généraux sur ce véritable problème, mais leur laisserait la possibilité d'accorder une dérogation, puisqu'il ne s'agit que d'une indication.
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 1 rectifié, présenté par M. Lorrain, au nom de la commission, et qui est ainsi libellé :
« Rédiger ainsi la seconde phrase du texte proposé par cet article pour modifier le deuxième alinéa de l'article L. 421-1 du code de l'action sociale et des familles :
« Lorsqu'il n'a pas un caractère permanent, le nombre de mineurs accueillis ne peut être supérieur à six, dans la limite de trois mineurs accueillis simultanément, sauf dérogation accordée par le président du conseil général, notamment pour la garde périscolaire des fratries. »
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 15 et 1 rectifié ?
M. Christian Jacob, ministre délégué. Sur l'amendement n° 15, le Gouvernement émet bien évidemment un avis défavorable, puisqu'il s'agit purement et simplement de supprimer l'article 1er.
En ce qui concerne l'amendement n° 1 rectifié, le Gouvernement est prêt à y souscrire. Simplement, c'est une mesure qui relève entièrement de la compétence des départements et cette possibilité d'accorder des dérogations subsistera.
Par conséquent, le Gouvernement demande le retrait de cet amendement. A défaut, il s'en remettra à la sagesse du Sénat.
M. le président. L'amendement n° 24 rectifié bis est-il maintenu, madame Payet ?
M. Anne-Marie Payet. Je le maintiens, monsieur le président.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 15.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1 rectifié.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'amendement n° 24 rectifié bis n'a plus d'objet.
Je mets aux voix l'article 1er, modifié.
(L'article 1er est adopté.)
Article 2
A la demande de l'assistant maternel agréé pour l'accueil de mineurs à titre non permanent antérieurement à la publication de la présente loi, le président du conseil général peut, afin de préciser le nombre d'enfants pouvant être accueillis simultanément, modifier l'agrément en cours de validité, pour la durée de validité restant à courir. La demande précise le nombre et l'âge des mineurs que l'assistant maternel souhaite pouvoir accueillir simultanément. Dans le cas où l'assistant maternel demandeur a suivi la formation prévue à l'article L. 2112-3 du code de la santé publique ou justifie d'une dispense au titre de ce même article, le président du conseil général peut décider que la modification vaut renouvellement de l'agrément.
Pendant une période d'un an à compter de la publication de la présente loi, et par dérogation au délai fixé au premier alinéa de l'article L. 421-2 du code de l'action sociale et des familles, la demande est réputée acceptée à défaut de notification d'une décision dans un délai de six mois à compter de la réception de cette demande. - (Adopté.)
Article additionnel après l'article 2
M. le président. L'amendement n° 21, présenté par M. Vasselle, est ainsi libellé :
« Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Après la première phrase du cinquième alinéa de l'article L. 212-8 du code de l'éducation, il est inséré une phrase ainsi rédigée :
« Il prend en compte l'existence d'un réseau d'assistantes maternelles agréées sur le territoire de la commune. »
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° 23, présenté par Mme Bocandé et les membres du groupe de l'Union centriste, est ainsi libellé :
« Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Les assistantes maternelles permanentes seront désormais dénommées "assistantes familiales", les termes « d'assistante maternelle » étant réservés aux assistantes maternelles non permanentes.
« Dans tous les textes de nature législative prévoyant leur action, la mention "d'assistantes maternelles permanentes" est remplacée par celle "d'assistante familiale". »
La parole est à Mme Anne-Marie Payet.
Mme Anne-Marie Payet. A l'heure actuelle, les termes « assistante maternelle » désignent des réalités très différentes. En effet, les assistantes maternelles permanentes sont employées par des personnes morales de droit public de l'aide sociale à l'enfance, de la sauvegarde de l'enfance ou de l'adolescence ou pour tout placement familial, qu'il s'agisse d'un placement familial thérapeutique ou d'un placement hospitalier.
Les assistantes maternelles non permanentes sont employées, elles, par des personnes morales de droit public - crèches familiales municipales - ou par des personnes morales de droit privé - associations, CAF - et par des particuliers.
L'objet de cet amendement, en instaurant l'appellation d'assistante familiale pour les assistantes maternelles permanentes, est donc de permettre de mieux distinguer ces dernières, qui accueillent les enfants placées par l'aide sociale à l'enfance, et les assistances maternelles non permanentes, qui accueillent les enfants dans la journée.
En effet, il s'agit de deux métiers distincts du fait des caractéristiques des enfants gardés, ainsi que des modalités concrètes de l'exercice de la profession.
Instaurer deux appellations nettement différenciées permet de mieux distinguer les compétences de chaque catégorie et concourt à la revalorisation de ces professions.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
En effet, s'il est nécessaire d'établir une distinction entre les deux professions, dans un premier temps, nous demandons le retrait dudit amendement, car nous aurons l'occasion de revenir sur le libellé des professions lors de la réforme du statut des assistantes maternelles.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Jacob, ministre délégué. Le Gouvernement partage l'avis de la commission. Nous évoquerons cette question à l'occasion de l'examen du prochain texte sur les assistantes maternelles.
M. le président. Madame Payet, l'amendement n° 23 est-il maintenu ?
Mme Anne-Marie Payet. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 23 est retiré.
TITRE II
DISPOSITIONS RELATIVES À LA LUTTE
CONTRE L'ABSENTÉISME SCOLAIRE
L'article L. 552-3 du code de la sécurité sociale est abrogé. - (Adopté.)
Articles additionnels avant l'article 4
M. le président. L'amendement n° 2, présenté par M. Lorrain, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Avant l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article L. 211-6 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« L'emploi d'un mineur de plus de treize ans, en vue d'exercer les activités définies aux deux premiers alinéas, est subordonné à son avis favorable écrit. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur. Il s'agit de permettre aux mineurs de plus de treize ans d'exprimer leur volonté sur la proposition d'emploi qui leur est faite. Leur consentement écrit sera ainsi l'un des éléments du dossier de demande d'autorisation individuelle adressé au préfet par les entreprises de spectacle et agences de mannequins souhaitant employer des mineurs.
Donc, nous nous situons uniquement dans ce cadre.
Il faut noter que l'âge de treize ans est celui qui a été choisi dans plusieurs dispositions du code civil, notamment celles qui sont relatives à l'adoption et au changement de nom, considérant qu'il permet l'expression d'une opinion suffisamment éclairée.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Jacob, ministre délégué. Avis favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 2.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, avant l'article 4.
L'amendement n° 3, présenté par M. Lorrain, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Avant l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Au cinquième alinéa (4°) de l'article L. 211-11 du code du travail, après les mots : "comme mannequin", sont insérés les mots : "ou dans une entreprise de spectacles, sédentaire ou itinérante, de cinéma, de radiophonie, de télévision ou d'enregistrements sonores". »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur. Le code du travail interdit l'emploi d'enfants, dans le mannequinat, pendant plus de la moitié des congés scolaires. Cet amendement a pour objet d'appliquer aux enfants employés dans les entreprises de spectacles, quelles qu'elles soient, ces mêmes protections.
Ainsi, les enfants employés par les entreprises de spectacles pourront bénéficier, de la même manière, des périodes de loisirs et de repos nécessaires à leur épanouissement physique et psychologique.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Jacob, ministre délégué. Je souhaite le retrait de cet amendement. En effet, si l'on entre dans cette logique, sans prévoir un descriptif complet de tous les métiers, on peut être entraîné très loin et, par exemple, interdire, certes, à un enfant de travailler pour la télévision ou pour une émission radiophonique, mais autoriser, a contrario, qu'il pousse des brouettes toute la journée !
Je pense qu'il faut là s'en tenir à la règle telle qu'elle est définie en sachant par ailleurs que l'exploitation des enfants est bien souvent le corollaire d'activités illégales, et non d'activités clairement identifiées.
Et, même si l'on dressait la liste complète de toutes les activités professionnelles existantes, cela créerait quelques difficultés. Il n'est peut-être pas si choquant que cela, en effet, qu'un jeune de dix-sept ans puisse, s'il le désire, travailler cinq semaines pendant ses deux mois de vacances d'été.
Autant, sur le mannequinat, je comprends la nécessité de prévenir les dérives potentielles, autant aller au-delà me semble dangereux.
M. le président. Monsieur le rapporteur, l'amendement est-il maintenu ?
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur. Avec un tel raisonnement, monsieur le ministre, ne sommes-nous pas condamnés à ne rien faire ?
Tout à l'heure, l'un de nos collègues, de façon spontanée et pour ainsi dire en « bon père de famille », nous faisait part de son effarement devant ces familles qui utilisent leurs enfants. Voyez l'attrait de la télévision et de l'image en général ; voyez ces petites filles que l'on envoie participer à des concours de miss dès l'âge de sept ou huit ans ! Cela a tout de même quelque chose de choquant, parce que l'on devine ce que cela peut cacher.
Sans porter atteinte à la liberté des parents, il faudra tout de même enrayer ce type de comportement !
Cela étant, j'accepte de retirer l'amendement n° 3.
M. le président. L'amendement n° 3 est retiré.
Au premier alinéa de l'article L. 261-2 du code du travail, les mots : « d'un emprisonnement de deux ans et d'une amende de 3 750 EUR » sont remplacés par les mots : « de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 EUR d'amende ». - (Adopté.)
L'article L. 261-4 du code du travail est ainsi rédigé :
« Art. L. 261-4. - Toute infraction aux dispositions de l'article L. 211-6 est punie de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 EUR d'amende.
« Est punie d'une amende de 3 750 EUR et, en cas de récidive, d'une peine d'emprisonnement de quatre mois et d'une amende de 7 500 EUR, toute personne qui a remis directement ou indirectement aux enfants visés à l'article L. 211-6 ou à leurs représentants légaux des fonds au-delà de la part fixée, comme il est dit à l'article L. 211-8. » - (Adopté.)
I. - L'article L. 362-3 du code du travail est complété par un second alinéa ainsi rédigé :
« Toutefois, en cas d'emploi dissimulé d'un mineur soumis à l'obligation scolaire, les peines encourues sont de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 EUR d'amende. »
II. - L'article L. 341-1 du code du travail applicable dans la collectivité départementale de Mayotte est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Toutefois, en cas de travail clandestin d'un mineur soumis à l'obligation scolaire, les peines encourues sont de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 EUR d'amende. » - (Adopté.)
TITRE III
DISPOSITIONS RELATIVES À L'OBSERVATOIRE
NATIONAL DE L'ENFANCE MALTRAITÉE
L'article L. 226-6 du code de l'action sociale et des familles est ainsi modifié :
I. - Le premier alinéa est ainsi rédigé :
« L'Etat, les départements et des personnes morales de droit public ou privé constituent un groupement d'intérêt public pour gérer un service d'accueil téléphonique gratuit ainsi qu'un observatoire de l'enfance maltraitée afin d'exercer, à l'échelon national, les missions d'observation, d'analyse et de prévention des mauvais traitements et de protection des mineurs maltraités prévues au présent chapitre. »
II. - Dans la première phrase du deuxième alinéa, les mots : « Ce service » sont remplacés par les mots : « Le service d'accueil téléphonique ».
III. - Il est ajouté un troisième alinéa ainsi rédigé :
« L'observatoire de l'enfance maltraitée contribue au recueil et à l'analyse des données et des études concernant la maltraitance envers les mineurs, en provenance de l'État, des collectivités territoriales, des établissements publics, des fondations et des associations oeuvrant en ce domaine. Il contribue à la mise en cohérence des différentes données et informations, à l'amélioration de la connaissance des phénomènes de maltraitance et au développement des pratiques de prévention, de dépistage et de prise en charge de la maltraitance. »
M. le président. L'amendement n° 4, présenté par M. Lorrain, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« I. - Dans le texte proposé par le I de cet article pour le premier alinéa de l'article L. 226-6 du code de l'action sociale et des familles, remplacer les mots : "un observatoire de l'enfance maltraitée" par les mots : "un observatoire de l'enfance en danger". »
« II. - En conséquence, dans l'ensemble des autres dispositions du projet de loi, remplacer les mots : "l'observatoire de l'enfance maltraitée" par les mots : "l'observatoire de l'enfance en danger". »
« III. - En conséquence, modifier comme suit l'intitulé du titre III :
« Dispositions relatives à l'observatoire de l'enfance en danger. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur. Nous attachons une importance toute particulière à l'intitulé de l'observatoire. Le restreindre à la seule maltraitance, c'est utiliser un mot bien sonnant, à la mode, on parle de « maltraitance », de « bientraitance », de « résilience », au risque de ne désigner souvent que du factuel : un événement, des bleus, des coups... On maltraite, mais ce n'est pas nous, ce sont « ces méchantes gens » qui maltraitent leurs enfants.
Ce qui est important, c'est de prendre en compte toute l'enfance en danger, c'est-à-dire aussi bien le fils de l'avocat ou du médecin que de n'importe qui.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Jacob, ministre délégué. Favorable. Cette nouvelle appellation permettrait, en effet, à l'observatoire une vision beaucoup plus large de l'ensemble du phénomène.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 4.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. L'amendement n° 16, présenté par Mme Michelle Demessine, MM. Fischer, Muzeau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Dans le texte proposé par le I de cet article pour le premier alinéa de l'article L. 226-6 du code de l'action sociale et des familles, après les mots : "d'analyse", insérer les mots : "d'évaluation des dispositifs de protection de l'enfance". »
La parole est à Mme Michelle Demessine.
Mme Michelle Demessine. J'ai déjà eu l'occasion de le souligner au cours de la discussion générale, on ne saurait s'opposer à toute proposition destinée à optimiser le dispositif de protection de l'enfance.
Pour prévenir et lutter efficacement contre les violences à enfant, il convient de disposer de données statistiques mais aussi cliniques et épidémiologiques, comme le préconise le rapport Naves et comme nous l'ont confirmé les associations que nous avons reçues pour préparer ce texte. C'est le moyen d'approcher le phénomène de la maltraitance autrement que par des coups médiatiques ou en en restant aux idées reçues.
Savons-nous aujourd'hui comment évolue dans le temps la conduite des auteurs d'actes de maltraitance ? Savons-nous ce que deviennent les personnes ayant été victimes, enfants, d'atteintes physiques ou de souffrances psychologiques ? Non !
Malgré le travail de l'ODAS, un réel besoin de connaissance de la maltraitance s'exprime légitimement.
Nous soutenons, en conséquence, l'idée de créer un observatoire, certes pour mieux observer et recenser les actions et expérimentations en cours sur le terrain, mais aussi pour promouvoir de bonnes pratiques sur l'ensemble du territoire. Bref, un observatoire qui soit non une coquille vide, comme le craignent les personnes concernées, mais, au contraire, une structure disposant des moyens nécessaires et de personnels compétents pour réellement aider à mieux connaître les publics concernés ou potentiellement concernés. Cela justifie, me semble-t-il, l'élargissement du champ d'investigation de l'observatoire. En effet, l'enfance maltraitée n'est qu'un « sous-ensemble » de l'enfance en danger.
Pour que, demain, l'observatoire permette d'aborder en profondeur la question de l'évolution du dispositif français de protection de l'enfance, nous pensons qu'il devrait avoir pour mission d'approcher qualitativement, et pas seulement quantitativement, les phénomènes de l'enfance en danger.
Tel est le sens de cet amendement n° 16, qui vise à préciser les missions de l'observatoire et à les étendre à l'évaluation des phénomènes et du dispositif de protection de l'enfance.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur. Le Gouvernement a été assez clair sur les dispositions qi'il comptait faire figurer dans son projet de loi. L'amendement qui nous est proposé nous semble sans objet, les missions de l'observatoire national de l'enfance maltraitée ayant été clairement définies.
Les travaux préalables à la création de cet observatoire ont été, semble-t-il, très fructueux, notamment le colloque de septembre dernier. L'engagement a été pris de ne pas en faire une usine à gaz, et ce en y associant un organisme existant et en définissant clairement ses missions.
Nous étions également attachés au fait que l'observatoire ne soit pas chargé du suivi de cas particuliers, ses objectifs devant être de créer des outils, notamment conceptuels, pour les professionnels, les travailleurs sociaux et les gens de terrain.
Je le répète, cet amendement est sans objet.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Jacob, ministre délégué. Sur le fond, l'explication que vient de donner Mme Demessine correspond effectivement à l'objet même de l'observatoire. La précision qu'elle souhaite apporter ne me pose pas de problème et les explications fournies par M. le rapporteur vont dans le même sens. Tout cela correspond aux objectifs que nous assignons à l'observatoire.
Si Mme Demessine estime important de faire figurer cette précision dans le projet de loi, je n'y vois pas d'objection et je m'en remets donc à la sagesse de la Haute Assemblée.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur. Je serai peut-être un peu moins indulgent que M. le ministre.
Après avoir démoli l'article 1er, après avoir caricaturé notre proposition et tenté, de manière assez tendancieuse, d'affaiblir ma position de soutien au Gouvernement, Mme Demessine nous propose un amendement qui n'apporte rien au débat.
Il est un peu facile de jouer sur les deux tableaux ! Je maintiens donc que cet amendement est inutile.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Nicolas About, président de la commission. L'amendement déposé par Mme Demessine pose un problème. A mon avis, il ne s'insère pas au bon endroit dans le projet de loi, et ses auteurs risquent de ne pas aboutir au résultat escompté.
Mme Demessine place l'évaluation des dispositifs de protection de l'enfance après l'analyse. Or nous parlons non pas de l'analyse des dispositifs, mais de l'analyse des mauvais traitements. Il faudrait donc au minimum renvoyer cette notion en fin de phrase, car, sinon, brutalement, l'observatoire ne sert plus à analyser, à observer et à prévenir les mauvais traitements mais uniquement à observer et à analyser les dispositifs de protection, ce qui n'est pas du tout la même chose !
Il ne faut donc pas perdre l'idée première de l'observation, de l'analyse et de la prévention des mauvais traitements. Ensuite, on peut éventuellement parler de l'évaluation des dispositifs de protection de l'enfance. Mais cette précision est, de toute façon, mal placée et l'avis défavorable du rapporteur, à mon avis, s'impose.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 16.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° 5, présenté par M. Lorrain, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Après les mots : "des phénomènes de maltraitance", rédiger comme suit la fin du texte proposé par le III de cet article pour le troisième alinéa de l'article L. 226-6 du code de l'action sociale et des familles : "et recense les pratiques de prévention, de dépistage et de prise en charge de la maltraitance, dont les résultats ont été jugés concluants, afin d'en assurer la promotion auprès de l'Etat, des collectivités territoriales, des établissements publics, des fondations et des associations oeuvrant dans ce domaine". »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur. L'observatoire créé par le présent texte n'a pas vocation à mettre en oeuvre par lui-même des pratiques de prévention, de dépistage et de prise en charge de la maltraitance. Il convient donc de préciser que sa mission consiste à recenser les bonnes pratiques existantes et à les faire connaître à l'ensemble des acteurs concernés sur le terrain.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Jacob, ministre délégué. J'allais, avec un brin de malice, demander à M. le président de la commission si cet amendement se trouvait à la bonne place. (Sourires.) On pourrait, en effet, retourner l'argument !
Je souhaitais, comme précédemment, m'en remettre à la sagesse de votre assemblée sur cet amendement. Cela étant, l'ayant relu à l'instant, j'ai décidé d'émettre un avis favorable, quitte à ce que l'on en refasse une lecture plus attentive, dans le cadre de la navette, afin éventuellement de modifier le texte sur certains points.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 5.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. L'amendement n° 17, présenté par Mme Demessine, MM. Fischer, Muzeau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Compléter in fine le texte proposé par le III de cet article pour le troisième alinéa de l'article L. 226-6 du code de l'action sociale et des familles par une phrase ainsi rédigée : "Il présente au Gouvernement et au Parlement un rapport annuel rendu public". »
La parole est à Mme Michelle Demessine.
Mme Michelle Demessine. Toujours dans le but de donner à l'observatoire de l'enfance en danger une réelle efficacité, notamment pour impulser des actions publiques susceptibles d'améliorer le dispositif actuel de protection de l'enfance, qui souffre notamment de ne pas être mieux piloté, nous proposons l'élaboration annuelle d'un rapport d'activité qui sera présenté au Parlement et rendu public.
Comment largement contribuer au développement de la connaissance des phénomènes de maltraitance et vulgariser les travaux d'études et de recherches sans diffuser régulièrement un rapport détaillé ? Ce matin, en commission, il m'a été répondu qu'internet y contribuerait utilement.
Cela ne correspond pas exactement à notre démarche.
Je sais qu'il existe beaucoup de rapports, je n'en ai d'ailleurs pas la religion, mais nous sommes là face à un problème de société mal appréhendé par nos concitoyens. Un rapport public aurait l'avantage de jouer un rôle éducatif non négligeable pour les avancées que nous souhaitons en ce domaine. Ce serait, me semble-t-il, plus efficace que tous les articles à sensation fondés sur l'émotionnel qui fleurissent régulièrement sur ce difficile sujet.
La publication de ces travaux contribuerait à une meilleure compréhension de ces phénomènes par l'ensemble de notre société.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur. Je suis très attaché au fait que des initiatives, voire des réflexions ne soient ni banalisées ni galvaudées. Dans certains cas, la notion d'observatoire est tout à fait utile, mais, dans d'autres cas, c'est un faux-fuyant.
En l'espèce, la création de cet observatoire est attendue. Je l'ai lu, je l'ai entendu, on l'a écrit. Il faut donc insister sur son utilité.
Nous sommes tous des gens de rapports, mais que n'entendons-nous pas sur leur multiplication ! A chaque fois, nous sommes obligés d'expliquer que les rapports ont leur utilité et qu'ils peuvent être pris en considération.
Ce qui tue les rapports, ce sont les mauvais rapports, pas les bons, qui, eux, font référence.
Dans le cas présent, nous sommes tout à fait favorables à la communication des travaux de cet observatoire. La commission avait pensé que la voie électronique pouvait être intéressante au regard de la question non négligeable du coût. En effet, il faut le savoir, il ne sera pas injecté énormément d'argent dans la structure qui nous est proposée. Nous ne sommes donc pas opposés par principe à la diffusion d'un rapport sous la forme d'un document papier, mais nous pensons qu'il y a sans doute d'autres façons de faire. Cela étant, nous serons heureux d'entendre le Gouvernement sur le sujet.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Jacob, ministre délégué. L'avis du Gouvernement est favorable.
Comme j'ai eu l'occasion de le dire dans une tribune récente, pour progresser sur le dossier de la maltraitance, il faut agir dans la plus grande transparence et éviter ainsi les suspicions susceptibles de peser sur les analyses et les recherches qui seront faites en la matière. C'est ainsi que nous arriverons à une meilleure prise de conscience.
Je rejoins ici M. le rapporteur sur le caractère contestable de certains rapports et de certains observatoires. Mais, sur un sujet comme celui-ci, il ne faut se priver d'aucune possibilité de transparence. C'est aussi un service que nous rendons aux enfants victimes.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 17.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 7, modifié.
(L'article 7 est adopté.)
Article 8
I. - Dans la première phrase de l'article L. 226-9 du code de l'action sociale et des familles, après les mots : « du service d'accueil téléphonique », sont insérés les mots : « et de l'observatoire de l'enfance maltraitée ».
II. - Dans la première phrase de l'article L. 226-10 du code de l'action sociale et des familles, les mots : « du service » sont remplacés par les mots : « du service d'accueil téléphonique et de l'observatoire de l'enfance maltraitée ». - (Adopté.)
Articles additionnels après l'article 8
M. le président. Je suis saisi de trois amendements dont les deux premiers peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 18, présenté par Mmes Beaudeau et Demessine, MM. Fischer, Muzeau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Après l'article 8, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le troisième alinéa (2°) de l'article L. 226-14 du code pénal est rédigé comme suit :
« 2° Au médecin qui, avec l'accord de la victime, porte à la connaissance du procureur de la République les sévices ou privations qu'il a constatés, sur le plan physique ou psychique, dans l'exercice de sa profession et qui lui permettent de présumer que des violences physiques ou sexuelles de toute nature ont été commises. Le signalement aux autorités compétentes effectué dans ces conditions ne peut faire l'objet d'aucune sanction disciplinaire ».
« II. - En conséquence, le dernier alinéa de l'article L. 226-14 du code pénal est supprimé. »
L'amendement n° 26, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« I. - Après l'article 8, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article 226-14 du code pénal est rédigé comme suit :
« Art. 226-14. - L'article 226-13 n'est pas applicable dans les cas où la loi impose ou autorise la révélation du secret. En outre, il n'est pas applicable :
« 1° A celui qui informe les autorités judiciaires, médicales ou administratives de privations ou de sévices, y compris lorsqu'il s'agit d'atteintes sexuelles dont il a eu connaissance et qui ont été infligés à un mineur ou à une personne qui n'est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son incapacité physique ou psychique ;
« 2° Au médecin qui, avec l'accord de la victime, porte à la connaissance du procureur de la République les sévices ou privations qu'il a constatés, sur le plan physique ou psychique, dans l'exercice de sa profession et qui lui permettent de présumer que des violences physiques ou sexuelles de toute nature ont été commises. Lorsque la victime est mineur, son accord n'est pas nécessaire.
« Le signalement aux autorités compétentes effectué dans les conditions prévues au présent article ne peut faire l'objet d'aucune sanction disciplinaire. »
« II. - En conséquence, après l'article 8, insérer une division ainsi rédigée :
« Titre ...
« Dispositions relatives au signalement des actes de maltraitance. »
L'amendement n° 19, présenté par Mmes Beaudeau et Demessine, MM. Fischer, Muzeau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Après l'article 8, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Le neuvième alinéa de l'article L. 4124-6 du code de la santé publique est supprimé. »
La parole est à Mme Marie-Claude Beaudeau, pour défendre les amendements n°s 18 et 19.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Monsieur le ministre, dans l'exposé des motifs de ce projet de loi, vous précisez que le dispositif de protection de l'enfance en France « souffre cependant de lacunes concernant la connaissance des mauvais traitements subis par les mineurs ».
Vous poursuivez en indiquant que l'observatoire aura pour finalité « d'aider à la prise de décision dans le but de développer les pratiques de prévention, de dépistage et de prise en charge de la maltraitance ».
Pour louables que soient ces desseins, cet observatoire n'est cependant qu'un pas dans la lutte contre la maltraitance des mineurs, comme l'a dit Mme Demessine.
Monsieur le rapporteur, vous avez noté que « la mise en place de cet observatoire ne saurait suffire à une politique publique ambitieuse de lutte contre l'enfance en danger ». Vous ajoutez qu'il est nécessaire d' « améliorer l'action menée par les acteurs concernés et les structures déjà existantes ».
Je partage tout à fait ce point de vue. Dans cette optique, je présente deux amendements qui visent à améliorer la protection du médecin contre d'éventuelles sanctions disciplinaires dont il pourrait être passible pour avoir signalé des sévices constatés sur un enfant.
A l'occasion de l'examen, au printemps 2001, du projet de loi de modernisation sociale, j'avais déjà déposé ces deux amendements. Mais je n'avais été entendue ni de M. Kouchner, alors ministre de la santé, ni de la majorité du Sénat.
Je voudrais rappeler que la législation actuellement en vigueur concernant la protection des médecins effectuant des signalements se décline en trois articles, dans trois codes différents.
Tout d'abord, l'article 226-14 du code pénal dispose que le principe du secret professionnel n'est pas applicable « au médecin qui, avec l'accord de la victime, porte à la connaissance du procureur de la République les sévices qu'il a constatés dans l'exercice de sa profession et qui lui permettent de présumer que des violences sexuelles de toute nature ont été commises ». Mais il est prévu qu' « aucune sanction disciplinaire ne peut être prononcée du fait du signalement de sévices par le médecin aux autorités compétentes ».
Ensuite, l'article L. 4124-6 du code de la santé publique dispose, quant à lui, que, « lorsque l'instance disciplinaire est informée de l'engagement, à la suite d'un tel signalement, de poursuites pénales pour violation du secret professionnel ou toute autre infraction commise à l'occasion de ce signalement, elle sursoit à statuer jusqu'à la décision définitive de la juridiction pénale ».
Enfin, l'article 45 du code de déontologie médicale du Conseil national de l'ordre des médecins prévoit que, « lorsqu'un médecin discerne qu'une personne auprès de laquelle il est appelé est victime de sévices ou de privations, il doit mettre en oeuvre les moyens les plus adéquats pour la protéger en faisant preuve de prudence et de circonspection ».
Or la vie nous apprend que ces articles ne suffisent pas à assurer la protection des médecins effectuant un signalement de sévices sur mineur.
Tout au contraire, la contradiction qui existe entre le texte du code pénal et celui du code de la santé publique ouvre la voie à une confusion législative se traduisant par une flagrante absence de protection des praticiens et par une condamnation fréquente de ceux-ci pour des motifs relatifs aux modalités de rédaction de leurs certificats de signalement.
En effet, le code pénal pose le principe d'une interdiction de sanctions disciplinaires alors que, dans le code de la santé publique, cette interdiction ne vaut que momentanément, c'est-à-dire jusqu'à la décision définitive de la juridiction pénale.
Cette dernière mesure, vous l'avez compris, lie donc implicitement décision pénale et décision ordinale. Un code pose donc un principe qui est remis en cause dans un autre code.
Actuellement, en France, une cinquantaine de médecins font l'objet de poursuites pénales ou disciplinaires, voire les deux. Monsieur le ministre, plus de cent cinquante praticiens hospitaliers libéraux - dont de nombreux pédiatres et pédopsychiatres - ont récemment signé une pétition que M. Mattei et vous-même avez reçue, vous enjoignant de modifier de toute urgence la loi et d'adopter des mesures claires de protection juridique des médecins.
C'est précisément l'objet des amendements n°s 18 et 19 que je présente au nom du groupe communiste républicain et citoyen.
Aujourd'hui, la situation est telle que les médecins se voient contraints de rédiger des signalements de plus en plus vagues, ne citant pas l'intégralité des propos ou des gestes de l'enfant, notamment ceux qui désignent le ou les agresseurs, par peur de se voir condamnés pour diffamation, comme c'est régulièrement le cas depuis plusieurs années.
Les certificats de signalement sont donc rédigés de plus en plus souvent pour protéger avant tout le médecin, de sanctions à la fois ordinales et pénales. Or le but de ces certificats de signalement est avant tout de protéger l'enfant.
Vous conviendrez, monsieur le ministre, que tel n'est pas l'objet d'un signalement, qui se veut un acte de protection de l'enfant et d'alerte des services susceptibles de condamner ses agresseurs et de soustraire le mineur à ces derniers.
Les modifications du code pénal et du code de la santé publique que nous proposons ne visent donc qu'à rétablir une pratique du signalement par les médecins conforme à la nécessité d'encourager, et non de restreindre, leur droit d'alerte aux autorités judiciaires en cas de maltraitance sur mineur.
Mes chers collègues, je reste convaincue que, lorsque j'avais déposé en 2001 ces deux amendements, votre refus de les voter tenait à une incompréhension du problème juridique, née de la contradiction entre les termes du code pénal et ceux du code de la santé publique sur ce point.
Monsieur le ministre, lorsque j'ai pris connaissance de l'amendement que vous allez défendre tout à l'heure, j'ai cru comprendre que l'on avait enfin pris conscience de l'ambiguïté législative et de la nécessité de la faire disparaître. Je reviendrai tout à l'heure sur cet amendement. Mais je constate avec soulagement que l'on se préoccupe aujourd'hui de cette question.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué, pour présenter l'amendement n° 26.
M. Christian Jacob, ministre délégué. Pour défendre l'amendement n° 26, je voudrais brièvement revenir sur les amendements n°s 18 et 19.
S'agissant de l'amendement n° 18, je partage le souci exprimé par Mme Beaudeau et je pense que l'on peut même aller plus loin. Au-delà des arguments qu'elle a pu évoquer et de la rédaction de son amendement, je propose que l'on prenne en compte les mineurs à la fois de moins de quinze ans et de plus de quinze ans ; à partir du moment où un constat est clairement établi par le médecin, l'accord des mineurs n'est pas nécessaire. Cela permettra non seulement d'assurer une protection au médecin, mais aussi de renforcer la protection des mineurs.
Nous travaillons actuellement avec le ministère de la santé à la rédaction d'un certificat type qui pourrait être mis à la disposition des médecins. Bien souvent, les attaques ou les condamnations prononcées contre les médecins résultent en effet d'une mauvaise rédaction ou d'une prise de parti du médecin, ce qui n'est pas son rôle. Le médecin peut faire état d'un constat, mais il doit s'arrêter aux limites de ce dernier.
Quant à l'amendement n° 19, je pense qu'il y a une confusion dans la mesure où il vise la suspension de sanctions disciplinaires lorsque des poursuites pénales sont en cours et non exclusivement en cas de violation du secret médical.
On ne peut donc pas s'engager dans cette voie. L'article L. 4124-6 du code de la santé publique va en effet bien au-delà du secret médical : il porte sur l'ensemble des sanctions disciplinaires lorsque des actions pénales sont déjà en cours.
Je vous demande donc, madame Beaudeau, de bien vouloir retirer ces deux amendements et de soutenir l'amendement n° 26 dans la mesure où, avec Jean-François Mattei, nous sommes en train de réfléchir à la préparation d'un certificat médical type qui pourrait être mis à la disposition des médecins, ces derniers seraient ainsi à l'abri d'éventuels recours contre telle ou telle position qu'ils auraient prise.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 18 et 26 ?
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur. S'agissant de l'amendement n° 26, nous sommes favorables à l'élargissement des possibilités, c'est-à-dire à l'extension hors champ professionnel du secret médical au cas de maltraitance envers les mineurs.
Pour ce qui est de l'amendement n° 18, je condamne le procès que l'on essaie de faire en permanence à l'ordre des médecins. Il est vrai qu'il y a une trentaine d'années, les seules relations que nous entretenions avec nos ordres étaient des relations de peur : peur de la menace, peur d'être sanctionné. Mais les choses ont évolué ; l'Ordre s'est transformé.
Je peux vous assurer que les bonnes pratiques existent. Si le médecin n'écrit pas n'importe quoi dans le certificat, s'il se limite à l'observation, à la description sans prendre position, il est à l'abri des poursuites. Il faut d'ailleurs savoir que les poursuites qui ont été engagées ont été motivées non par des signalements, mais par des erreurs dans les libellés, des mauvaises pratiques, en quelque sorte. Un domaine est particulièrement sensible à cet égard : celui de la psychiatrie, où il faut être très vigilant.
Chaque profession a ses risques, et, c'est aussi ce qui fait sa grandeur. Les médecins ne sont pas les seuls à être exposés à des risques ; les travailleurs sociaux, les assistantes sociales doivent aussi respecter les limites entre l'observation purement sociale et l'enquête, qui relève du juge et qui n'a rien à voir avec l'enquête sociale. Là aussi, lorsqu'on transgresse les limites, on se met en marge.
Il existe des certificats types pour les décès, mais on n'arrive pas à les remplir parce qu'ils ne correspondent jamais à la réalité : on reste évasif et les renseignements sont souvent inexploitables.
Je pense que, si on établit un certificat type, il faudra, tenir compte de la multiplicité des situations.
M. le président. L'amendement n° 18 est-il maintenu, madame Beaudeau ?
Mme Marie-Claude Beaudeau. Je vais répondre à M. le rapporteur en partant de mes constatations. J'écoute les personnes concernées par ce sujet et je pense qu'elles sont de bonne foi. S'il n'y en avait qu'une, je me poserai des questions mais, aujourd'hui, elles sont plus de cinquante.
Je suis tout à fait d'accord sur le fait que l'amendement n° 26 de M. le ministre va plus loin que mon premier amendement. Je le voterai, et je retire donc l'amendement n° 18.
Mon second amendement pose, il est vrai, monsieur le rapporteur, un problème extrêmement complexe.
Sur 5 000 enquêtes ouvertes chaque année dans l'Hexagone pour maltraitance envers des enfants, la moitié seulement est évoquée devant les tribunaux. Cela ne veut pas dire que les faits dénoncés n'ont pas eu lieu ou que le médecin s'est trompé. Cela signifie plutôt que la souffrance de ces petites victimes n'est pas reconnue.
A la différence des sévices physiques, les agressions sexuelles laissent peu de marques visibles. Les traces sont surtout des traumatismes psychiques que seuls les pédopsychiatres peuvent diagnostiquer à travers le dessin ou le comportement de l'enfant.
Lorsqu'un médecin signale un cas de maltraitance sur un enfant, ce n'est jamais à la légère. Il engage sa responsabilité. Ceux d'entre vous qui exercent cette profession ont peut-être été placés face à cette responsabilité. Je pense qu'il faut tout faire pour que les praticiens ne soient pas obligés de se taire. On ne peut pas reprocher à certains de ne pas dénoncer les abus sexuels alors que ceux qui les dénoncent se retrouvent parfois dans une situation extrêmement difficile.
Je continue à affirmer qu'il y a une contradiction dans notre législation : d'un côté, la loi incite tout le monde, y compris les médecins, à dénoncer les abus sexuels sur les mineurs sous peine d'être condamné pour non-assistance à personne en danger et, de l'autre, elle les protège uniquement avant les résultats de la procédure pénale. Monsieur le rapporteur, cela signifie que si l'instruction du dossier par la justice aboutit à un non-lieu, le médecin peut être poursuivi par l'auteur présumé des sévices - il s'agit souvent d'un parent accusé d'inceste - pour dénonciation calomnieuse. Il y a donc un vrai problème. On semble vouloir trouver à ce dernier un début de solution, mais il faut aller jusqu'au bout. Je ne sais pas si la solution résidera dans un certificat de signalement, mais, en tout cas, de nombreux conseils départementaux de l'ordre des médecins étudient la question et essaient de trouver une solution.
Ecoutons les médecins, demandons à l'Ordre de se prononcer. Mais, monsieur le ministre, je regrette de dire que l'amendement n° 26, que je vais voter, ne règle pas complètement le problème.
M. le président. L'amendement n° 18 est retiré.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Nicolas About, président de la commission. Madame Beaudeau, pardonnez-moi de vous dire que, malheureusement, votre amendement n° 18 ne concernait pas du tout l'objet que vous souhaitez défendre. En effet, vous voulez défendre les enfants qui sont victimes et vous rédigiez votre amendement de la façon suivante : « Au médecin qui, avec l'accord de la victime ». Cette formule vise un adulte, car un enfant ne peut consentir.
Votre amendement a été desservi par sa rédaction. Si nous sommes d'accord avec vos intentions, nous ne pouvions en aucun cas approuver votre amendement, dont la rédaction était contraire au droit.
Le Gouvernement, quant à lui, a bien perçu la difficulté et a prévu que, lorsque la victime est mineure, son accord n'est pas nécessaire. Il répond ainsi clairement à toutes les situations, sauf à celle où le médecin procède non pas à un signalement, mais à une dénonciation calomnieuse. S'il est important de dénoncer toutes les violences sur les enfants, il est inadmissible qu'un médecin, par une mauvaise rédaction, sous-entende l'identité du coupable.
Les médecins exercent un métier difficile. Ils doivent le remplir avec responsabilité, car la souffrance causée à quelqu'un qui se voit accusé à tort d'inceste est extrêmement grave et de nature à le perturber toute sa vie.
N'ajoutons donc pas une souffrance à une autre par maladresse ou incompétence. De tels comportements seront poursuivis quel que soit l'amendement adopté, qu'il s'agisse de celui du Gouvernement ou du vôtre.
Lorsque le médecin rédige un signalement, il peut indiquer que, d'après la victime, les faits ont eu lieu dans le cadre familial. Nous discuterons certainement de cette question au cours de la navette ou en commission mixte paritaire. C'est une façon de ne pas mettre en cause le père, la mère ou le frère de l'enfant. Le signalement ne désigne pas le coupable, mais il peut éventuellement permettre à l'autorité de placer très rapidement l'enfant sous protection et de l'éloigner d'un univers où s'est produite la violence.
L'amendement du Gouvernement répond donc pleinement à l'exigence de protection des médecins. Pour assurer une meilleure protection immédiate des enfants, peut-être faut-il autoriser certaines précisions dans un signalement.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 26.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 8, et l'amendement n° 19 n'a plus d'objet.
TITRE IV
DISPOSITIONS RELATIVES À LA CONSTITUTION DE PARTIE CIVILE DES ASSOCIATIONS OEUVRANT DANS LE DOMAINE DE L'ENFANCE MALTRAITÉE
Article 9
L'article 2-2 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :
« Art. 2-2. - Toute association régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans à la date des faits, dont l'objet statutaire comporte la lutte contre les violences sexuelles ou contre les violences exercées sur un membre de la famille, peut exercer les droits reconnus à la partie civile, en ce qui concerne les atteintes volontaires à la vie et à l'intégrité de la personne, les agressions et autres atteintes sexuelles, l'enlèvement et la séquestration et la violation de domicile réprimés par les articles 221-1 à 221-4, 222-1 à 222-18, 222-23 à 222-33, 224-1 à 224-5, 226-4 et 432-8 du code pénal lorsque la victime de ces infractions était majeure à la date des faits. Toutefois, l'association ne sera recevable dans son action que si elle justifie avoir reçu l'accord de la victime ou, si celle-ci est un majeur protégé, celui de son représentant légal. »
M. le président. L'amendement n° 6, présenté par M. Lorrain, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Remplacer la dernière phrase du texte proposé par cet article pour l'article 2-2 du code de procédure pénale par deux phrases ainsi rédigées : "Toutefois, l'association ne sera recevable dans son action que si elle justifie avoir reçu l'accord de la victime. Si celle-ci est un majeur protégé, l'accord doit être donné par son représentant légal ou, à défaut, par le juge des tutelles". »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur. Cet amendement vise à prendre en compte le cas où le représentant légal du majeur protégé est lui-même l'auteur présumé des violences commises envers ce dernier. Dans cette hypothèse, l'association souhaitant se constituer partie civile peut demander l'accord du juge des tutelles.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Jacob, ministre délégué. Favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 6.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 9, modifié.
(L'article 9 est adopté.)
Article 10
L'article 2-3 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :
« Art. 2-3. - Toute association régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans à la date des faits, dont l'objet statutaire comporte la défense ou l'assistance de l'enfant en danger et victime de toutes formes de maltraitance, peut exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les atteintes volontaires à la vie et à l'intégrité, les agressions et autres atteintes sexuelles commises sur la personne d'un mineur et les infractions de mise en péril des mineurs réprimées par les articles 221-1 à 221-5, 222-1 à 222-18-1, 222-23 à 222-33-1, 224-1 à 224-5, 227-22 à 227-27-1 du code pénal.
« Toutefois, l'association ne sera recevable dans son action que si elle justifie avoir reçu l'accord du titulaire de l'autorité parentale ou du représentant légal. Cette condition n'est pas exigée lorsque les faits ont été commis à l'étranger et qu'il est fait application des dispositions du second alinéa de l'article 222-22 et de l'article 227-27-1 du code pénal. »
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Nicolas About, président de la commission. L'article 10 constitue une disposition très importante de ce projet de loi. Il a fait l'objet de discussions approfondies, dont je veux rendre compte avant que nous abordions son examen.
Il s'agit ici de la définition des conditions de constitution de partie civile pour les associations de défense de l'enfance.
A l'heure actuelle, ces associations peuvent agir lorsqu'elles se joignent à l'action publique déjà engagée par la victime ou par le parquet. Le texte vise à leur permettre d'engager elles-mêmes l'action publique, et ce pour une liste d'infractions considérablement étendue. C'est là une situation tout à fait exceptionnelle, unique au regard de notre droit comme de celui des principaux pays européens : on prévoit d'accorder à une personne non directement concernée le droit d'intenter une action pénale.
Toutefois, pour limiter quelque peu le champ du possible, le projet de loi subordonne toutes les constitutions de partie civile, que celle-ci déclenche l'action ou qu'elle s'y associe, à l'accord de la famille ou de la victime. Le texte présente donc ici une sorte de compromis : d'un côté, la faculté d'intenter l'action publique est ouverte aux associations, et ce pour une gamme plus large d'infractions ; de l'autre, l'obligation d'obtenir, dans tous les cas de figure, un accord préalable de la famille.
Cette situation nous est apparue excessivement dangereuse. En effet, comment se prémunir contre le risque d'interventions douteuses de la part d'associations plus ou moins opportunistes, soucieuses de publicité ou à la recherche de dommages et intérêts ? Plus grave encore, comment écarter celles d'entre elles qui pourraient être rattachées, de manière plus ou moins occulte, à des mouvements sectaires ou portant atteinte aux enfants, mais auxquelles les objets de leurs statuts permettraient de déclencher l'action publique ?
Il nous a donc semblé essentiel de veiller à sélectionner le plus rigoureusement possible les associations susceptibles d'agir. Nous connaissons parfaitement celles qui ont déjà fait la preuve de leur sérieux et de leur compétence et qui sauront recourir aux procédures dans l'intérêt général ; ce sont les autres qui nous préoccupent. Par conséquent, nous proposons de prévoir que les associations recevables devront avoir été préalablement inscrites auprès du ministère de la justice, afin qu'un premier filtre soit posé, protégeant les familles des agissements d'associations plus ou moins sérieuses, qui pourraient les harceler, dans des circonstances particulièrement difficiles, afin d'arracher leur accord pour une constitution de partie civile.
Je souligne qu'un critère d'inscription analogue a été ajouté voilà quelques jours par le Sénat dans un dispositif du projet de loi relatif à l'adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité. Une exigence du même ordre existe déjà dans le code pénal pour les associations de défense des anciens combattants, s'agissant uniquement, je tiens à le préciser, de poursuites déjà engagées par le parquet ou les victimes.
Je ne peux croire que le Sénat fera preuve de moins de vigilance à l'égard des enfants victimes d'actes de pédophilie ou de maltraitance qu'à l'égard des victimes d'accidents collectifs ou de nos valeureux anciens combattants.
Cela étant, je dois avouer que la proposition de la commission, même si elle me paraît préférable au dispositif présenté par la rédaction actuelle du texte, ne me donne pas entière satisfaction. Ne créons pas de précédent juridique, au détour de l'examen d'un texte, presque à la sauvette ! Il me semble en effet abusif d'accorder à des associations le pouvoir de déclencher l'action publique alors que ni la victime ni le parquet n'ont choisi de le faire ; c'est d'ailleurs un pouvoir qu'aucune d'entre elles ne réclame aujourd'hui.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Christian Jacob, ministre délégué. Ouvrir à des associations la possibilité de se constituer partie civile sans l'accord de la victime ou des ayants droit me paraît très important dans un certain nombre de cas : je pense notamment à l'utilisation de photographies sur Internet, par exemple ; dans une telle hypothèse, bien évidemment, ni la victime ni les ayants droit ne pourront donner leur accord !
M. Nicolas About, président de la commission. Nous sommes d'accord !
M. Christian Jacob, ministre délégué. Il en va de même pour les affaires d'infanticide.
M. Nicolas About, président de la commission. Ou pour les crimes commis à l'étranger !
M. Christian Jacob, ministre délégué. En effet !
Par conséquent, il me semble essentiel d'accorder aux associations la faculté que j'évoquais.
La commission propose de prévoir que ces associations devront avoir obtenu un agrément du ministère de la justice. Une telle procédure serait lourde, puisqu'elle suppose la prise d'un décret en Conseil d'Etat : cela risque de durer environ dix-huit mois et de remettre en cause des actions qui sont déjà engagées, dont les promoteurs attendent de pouvoir agir.
Par ailleurs, je partage votre inquiétude, monsieur About, s'agissant du phénomène sectaire. A cet égard, la MIVILUDE, la mission interministérielle de lutte contre les dérives sectaires, a la faculté, en cas de soupçon, de mobiliser les services tant du ministère de la justice que du ministère de l'intérieur. Son rôle est précisément d'exercer une surveillance et d'apporter une sécurité, ce qui me paraît répondre tout à fait aux préoccupations légitimes que vous venez d'exprimer, monsieur le président de la commission.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Nicolas About, président de la commission. Une suspension de séance de cinq minutes nous permettrait peut-être de nous mettre d'accord.
Cela étant, une branche de l'une des plus dangereuses sectes implantées dans notre pays s'est constituée en association à buts multiples. Ses responsables n'ont oublié que la lutte contre la maltraitance des animaux ! (Sourires.) Une telle association pourrait donc, à l'avenir, se constituer partie civile, et même, si le projet de loi était adopté en l'état, déclencher l'action publique dans de nombreux domaines, ce qui serait tout de même invraisemblable !
J'attire donc l'attention de M. le ministre sur ce point, et je souhaite que la suspension de séance nous permette d'élaborer une rédaction ouvrant aux associations la possibilité de déclencher l'action publique dans les cas précis qu'il a évoqués, tout en étant beaucoup plus restrictive dans les autres hypothèses.
M. le président. Mes chers collègues, par respect pour nos collaborateurs dont la journée de travail a commencé à neuf heures trente ce matin, nous allons suspendre nos travaux jusqu'à vingt-deux heures quarante-cinq. (Marques de désapprobation sur certaines travées.)
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures quarante-cinq, est reprise à vingt-deux heures quarante-cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi relatif à l'accueil et à la protection de l'enfance.
Sur l'article 10, dont nous avons entamé l'examen avant la suspension de la séance, je suis saisi de six amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 20 rectifié, présenté par Mme Demessine, MM. Fischer, Muzeau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit le texte proposé par cet article pour l'article 2-3 du code de procédure pénale :
« Art. 2-3. - Toute association régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans à la date des faits, dont l'objet statutaire comporte la défense ou l'assistance de l'enfant en danger et victime de toutes formes de maltraitance peut exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les atteintes à la vie et à l'intégrité physique ou morale, les agressions et autres atteintes sexuelles commises sur la personne d'un mineur, et les infractions de mise en péril des mineurs réprimées par les articles 221-1 à 221-5, 222-1 à 222-18-1, 222-23 à 222-33-1, 223-1 à 223-10, 223-13, 224-1 à 224-5, 225-7 à 225-9, 225-12-1 à 225-12-4, 227-1, 227-2, 227-15 à 227-27-1 du code pénal.
« Toutefois, lorsque l'association mettra en oeuvre l'action publique, elle devra justifier avoir reçu l'accord préalable de la victime ou du représentant légal ou, à défaut, du juge des tutelles. Cette condition n'est pas exigée lorsque les faits ont été commis à l'étranger et qu'il est fait application des dispositions du second alinéa de l'article 222-22 et de l'article 227-27-1 du code pénal. »
L'amendement n° 7 rectifié, présenté par M. Lorrain, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit cet article :
« L'article 2-3 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :
« Art. 2-3. - Toute association régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans à la date des faits et dont l'objet statutaire comporte la défense ou l'assistance de l'enfant en danger et victime de toutes formes de maltraitance peut exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les atteintes volontaires à la vie et à l'intégrité, les agressions et autres atteintes sexuelles commises sur la personne d'un mineur et les infractions de mise en péril des mineurs réprimées par les articles 221-1 à 221-5, 222-1 à 222-18-1, 222-23 à 222-33-1, 223-1 à 223-10, 223-13, 224-1 à 224-5, 225-7 à 225-9, 225-12-1 à 225-12-4, 227-1, 227-2, 227-15 à 227-27-1 du code pénal, lorsque l'action publique a été mise en mouvement par le ministère public ou la partie lésée.
« Toute association, inscrite auprès du ministère de la justice dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, est recevable dans son action même si l'action publique n'a pas été mise en mouvement par le ministère public ou la partie lésée en ce qui concerne l'infraction mentionnée à l'article 227-23 du code pénal. Il en est de même lorsqu'il est fait application des dispositions du second alinéa de l'article 222-22 et de l'article 227-27-1. »
L'amendement n° 8, présenté par M. Lorrain, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Dans le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 2-3 du code de procédure pénale, après le mot : "intégrité" insérer le mot : "physique". »
L'amendement n° 9, présenté par M. Lorrain, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Après les mots : "réprimées par les articles" rédiger comme suit la fin du premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 2-3 du code de procédure pénale : "221-1 à 221-5, 222-1 à 222-18-1, 222-23 à 222-33-1, 223-1 à 223-10, 223-13, 224-1 à 224-5, 225-7 à 225-9, 225-12-1 à 225-12-4, 227-1, 227-2, 227-15 à 227-27-1 du code pénal". »
L'amendement n° 14 rectifié bis, présenté par Mme Olin, MM. Legendre, Vasselle et Fouché est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit le second alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 2-3 du code de procédure pénale :
« Toutefois, lorsque l'action publique n'a pas été mise en mouvement par le ministère public ou la parité lésée, l'association ne sera recevable dans son action que si elle justifie avoir reçu l'accord du titulaire de l'autorité parentale, du représentant légal ou, à défaut, de l'administrateur ad hoc. Cette condition n'est pas exigée lorsque les faits sont réprimés par l'article 227-23 du code pénal ou lorsqu'ils ont été commis à l'étranger et qu'il est fait application des dispositions du second alinéa de l'article 222-22 et de l'article 227-27-1 du code pénal. »
Le sous-amendement n° 25, présenté par M. Lorrain, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« I. - Dans la première phrase du texte proposé par l'amendement n° 14 rectifié bis, remplacer les mots : "que si elle justifie avoir reçu l'accord" par les mots : "qu'après accord express de la victime, si elle est devenue majeure depuis les faits, ou".
« II. - Dans la seconde phrase du même texte, remplacer les mots : "l'article 227-23" par les mots : "les articles 227-23 et 227-24". »
L'amendement n° 10, présenté par M. Lorrain, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« A la fin de la première phrase du second alinéa du texte proposé pour l'article 2-3 du code de procédure pénale, remplacer les mots : "ou du représentant légal" par les mots : ", du représentant légal ou, à défaut, de l'administrateur ad hoc nommé conformément à l'article 389-3 du code civil". »
La parole est à Mme Michelle Demessine, pour présenter l'amendement n° 20 rectifié.
Mme Michelle Demessine. Le débat autour de la question de savoir s'il faut accueillir sans limites l'action civile des associations ou, au contraire, réserver au ministère public et à la victime l'exercice des poursuites pénales est loin d'être nouveau, même si cette question a empêché un certain nombre de nos collègues de dîner ce soir.
L'office parlementaire d'évaluation de la législation s'est penché, voilà quelques années déjà, en 1999, sur cette question. Dans son rapport, le député M. Pierre Albertini développe l'idée, que je partage, selon laquelle « aucune des deux propositions extrêmes... » visées ci-dessus « ne nous paraît adéquate ».
En réalité, c'est dans une relation de complémentarité, et non de concurrence, qu'il convient d'inscrire la protection de la société par le parquet et la défense des intérêts collectifs par les associations.
L'amendement que je propose s'inscrit, je crois, dans cette logique.
En raison de leur objet, les associations de défense de l'enfance maltraitée se voient déjà reconnaître le droit de se constituer partie civile dans des cas limitativement énumérés et à condition que l'action publique ait été mise en mouvement et qu'elles justifient d'une existence de cinq ans.
Force est de constater que le dispositif actuel n'est pas satisfaisant, dans la mesure où l'application de l'article 2-3 du code de procédure pénale aboutit à rendre irrecevable l'action des associations, alors que des crimes ou des délits ont été commis contre des enfants.
Pour les victimes qui se voient utilement épaulées par ces associations, pour la défense plus large et plus efficace de la cause de l'enfance, l'action propre des associations est apparue comme devant être élargie.
Le Gouvernement s'est arrêté en chemin. S'il a consenti à étendre la liste des infractions pour lesquelles une association peut se constituer partie civile, il ne l'a fait que très partiellement, la mise en péril du mineur ou la non-dénonciation de crime ayant été oubliées.
Par ailleurs, peut-être par peur des multiples visages des associations, peur infondée dans la mesure où la condition d'existence de cinq ans est déjà une garantie contre l'opportunisme, il a été ajouté au texte, même lorsque l'association n'est pas à l'initiative de l'action publique, une condition tenant à l'accord du titulaire de l'autorité parentale.
Permettez-moi déjà de souligner que l'accord de la victime n'est pas requis, alors que cette dernière peut entre-temps avoir atteint l'âge de la majorité !
Mais surtout, permettez-moi de le dire, cette condition ne sera pas remplie dans de nombreux cas : lorsque la victime n'est pas identifiée - je pense en particulier à la pornographie - lorsque les violences ont eu lieu à l'intérieur de la famille, ce qui est le cas la plupart du temps. Cela est fort dommageable.
De plus, concrètement, cet accord préalable du représentant de la victime posera des problèmes sur le plan pratique. Comment savoir avant d'être dans le dossier, ce qui suppose d'être partie civile, qui est le représentant légal ? Comment fera-t-on lorsque plusieurs enfants seront victimes ?
Pour contourner ces obstacles, éviter que ne soient encore plus limitées les possibilités d'action des associations, pour la défense de l'enfant et de ses droits, nous proposons une réécriture équilibrée de l'article 2-3 du code de procédure pénale. Le champ d'application de la loi est étendu à l'ensemble des infractions pénales dont sont victimes les mineurs et la condition supplémentaire de l'accord préalable du représentant légal n'est exigée que dans le cas où l'association est à l'initiative de l'action sur le terrain judiciaire.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 7 rectifié.
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur. Par souci de simplification de notre débat, nous proposons une nouvelle rédaction globale de l'article 10, qui répond aux préoccupations qui ont été précédemment exprimées, en particulier lors de l'examen de l'amendement n° 20 rectifié. Il s'agit de permettre aux associations de se joindre à des actions ouvertes pour un plus grand nombre d'infractions. Il s'agit également de contrôler les conditions dans lesquelles une association pourra ouvrir l'action publique. A cet égard, nous proposons, d'abord, que l'inscription de l'association soit préalablement faite auprès du ministère de la justice et, ensuite, que cette possibilité soit limitée à deux cas : le tourisme sexuel et les images sur Internet.
Cette nouvelle rédaction donne satisfaction aux associations tout en respectant le souci du Gouvernement d'ouvrir l'accès des associations à des interventions plus complexes en matière de péril sociaux des mineurs lorsque le parquet est associé...
Par ailleurs, nous considérons que les associations peuvent jouer un rôle lorqu'il n'y a pas de demande du parquet et dans des cas particuliers uniquement, à condition qu'elles soient inscrites auprès du ministère de la justice, donc qu'elles soient reconnues, labellisées. Cela concerne l'infraction mentionnée à l'article 227-23 du code pénal, qui concerne la pollution des images que l'on peut rencontrer sur Internet. Cela concerne également l'application des dispositions des articles 222-22 et 227-27-1 du code pénal, qui traitent du tourisme sexuel.
En conséquence, monsieur le président, je retire les amendements n°s 8 et 9.
M. le président. Les amendements n°s 8 et 9 sont retirés.
La parole est à Mme Nelly Olin, pour défendre l'amendement n° 14 rectifié bis.
Mme Nelly Olin. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 14 rectifié bis est retiré ; ainsi que le sous-amendement n° 25.
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 10.
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 10 est retiré.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 20 rectifié ?
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur. Cet amendement nous semble satisfait par la nouvelle rédaction que nous proposons.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 20 rectifié et 7 rectifié ?
M. Christian Jacob, ministre délégué. Le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 7 rectifié, car il répond à tous les objectifs visés. Par conséquent, il demande aux auteurs de l'amendement n° 20 rectifié de bien vouloir le retirer. A défaut, il émettra un avis défavorable.
M. le président. Madame Demessine, l'amendement n° 20 rectifié est-il maintenu ?
Mme Michelle Demessine. Oui, monsieur le président, je le maintiens.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 20 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 7 rectifié.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin
n° 15
:
Nombre de votants | 319 |
Nombre de suffrages exprimés | 228 |
Majorité absolue des suffrages | 115 |
Pour | 228 |
En conséquence, l'article 10 est ainsi rédigé.
Article 11
Les dispositions des articles 9 et 10 sont applicables en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna. - (Adopté.)
TITRE V
DISPOSITIONS RELATIVES À
L'EXPÉRIMENTATIONDE DOTATIONS
GLOBALES DE FINANCEMENT DANS
LES SERVICES TUTÉLAIRES
Article 12
Le Gouvernement est autorisé, à compter de la publication de la présente loi et pour une période n'excédant pas deux ans, à expérimenter un mode de financement prévoyant, suivant des modalités fixées par décret, le versement de dotations globales de financement aux personnes morales publiques ou privées à qui le juge des tutelles confie l'exercice des mesures de protection juridique mentionnées aux articles 491, 492 et 508 du code civil et de tutelle aux prestations sociales des personnes majeures définies au chapitre VII du titre VI du livre Ier du code de la sécurité sociale ainsi qu'aux établissements de santé et aux établissements sociaux ou médico-sociaux dont un préposé a été nommé par le juge des tutelles, en application de l'article 499 du code civil, gérant de la tutelle.
Les dotations sont versées respectivement par l'état, pour le financement des mesures de protection juridique mentionnées aux articles 491, 492, 499 et 508 du code civil et par l'organisme mentionné à l'article L. 167-3 du code de la sécurité sociale, auquel incombe dans le département le règlement des frais du plus grand nombre des mesures de protection juridique définies au chapitre VII du titre VI du livre Ier du code de la sécurité sociale, pour le financement desdites mesures.
La liste des personnes morales publiques ou privées admises à participer à l'expérimentation est fixée par arrêté des ministres en charge de la famille et de la sécurité sociale.
M. le président. L'amendement n° 11, présenté, par M. Lorrain, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« I. - Au deuxième alinéa de cet article, remplacer les mots : "l'organisme mentionné" par les mots : "la personne morale mentionnée".
« II. - Par conséquent, dans le même alinéa, remplacer le mot : "auquel" par les mots : "à laquelle". »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur. La prise en charge des frais de tutelle incombe actuellement, selon les cas, aux caisses d'allocations familiales, aux organismes d'assurance vieillesse, aux départements ou à l'Etat. Par conséquent, le terme « organisme » employé par le présent article est inexact : il convient de le remplacer par l'expression, plus large, de « personne morale ».
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Jacob, ministre délégué. Je pense qu'il y a confusion : la notion de personne morale publique ou privée est réservée aux services tutélaires qui font l'objet de l'expérimentation, alors que, la notion d'organisme vise des structures débitrices telles que la CNAF ou la MSA. C'est pourquoi je souhaite le retrait de l'amendement.
M. le président. Monsieur le rapporteur, maintenez-vous l'amendement ?
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 11 est retiré.
L'amendement n° 12, présenté par M. Lorrain, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Compléter, in fine, cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« Avant l'expiration du délai de deux ans mentionné au premier alinéa, le Gouvernement présente au Parlement un rapport dressant le bilan de l'expérimentation. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Louis Lorrain rapporteur L'objet de cet amendement est de prévoir la transmission, dans un délai de deux ans après la publication de la présente loi, d'un rapport dressant le bilan de l'expérimentation.
Un tel bilan paraît nécessaire afin de définir les conditions dans lesquelles le mode de financement par dotation globale pourrait être généralé.
Il s'agit par ailleurs d'une exigence constitutionnelle : dans une décision du 28 juillet 1993, le Conseil constitutionnel a en effet inclus l'évaluation parmi les conditions de constitutionnalité de l'expérimentation.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Jacob, ministre délégué. Avis tout à fait favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 12.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. L'amendement n° 22, présenté par M. Vasselle, est ainsi libellé :
« A. - Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
« II. - Le Gouvernement est autorisé, à compter de la publication de la présente loi et pour une période n'excédant pas deux ans, à expérimenter un mode de financement prévoyant, suivant des modalités fixées par décret, le versement par l'Etat d'une rémunération égale à la différence entre le montant du prélèvement opéré sur les ressources du majeur protégé en application de l'article 454 du code civil et un plafond fixé par le décret précité aux personnes physiques à qui le juge des tutelles confie l'exercice des mesures de protection juridique mentionnées à l'article 492 du code civil.
« Avant l'expiration du délai de deux ans mentionné au premier alinéa, le Gouvernement présente au Parlement un rapport dressant le bilan de l'expérimentation. »
« B. - En conséquence, faire précéder cet article de la mention : "I. -". »
Cet amendement n'est pas soutenu.
Je mets aux voix l'article 12, modifié.
(L'article 12 est adopté.)
Vote sur l'ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à Mme Campion, pour explication de vote.
Mme Claire-Lise Campion. Mes chers collègues, le groupe socialiste a décidé de s'abstenir sur ce projet de loi.
En effet, si le texte qui nous est proposé comporte des mesures intéressantes, il ne règle pas les problèmes au fond. Il s'agit, comme le dit le M. rapporteur, « de mesures, certes utiles, mais parfois insuffisantes à la résolution des problèmes posés ».
La création d'un observatoire national de l'enfance maltraitée est une bonne chose. Malheureusement, les événements de ces derniers jours relancent la question de l'enfance maltraitée, véritable fléau national. Ils nous montrent à quel point il est urgent d'améliorer le dispositif de coopération entre tous les acteurs.
C'est ce que propose le texte, et nous rejoignons M. le rapporteur dans sa demande de faire que chaque département puisse mettre en place un observatoire local afin que l'observatoire national puisse disposer de relais implantés sur l'ensemble du territoire.
Au-delà de la création de cet observatoire, nous voudrions alerter le Gouvernement sur le fait que la lutte contre la maltraitance manque de moyens. De nombreuses mesures d'assistance éducative en milieu ouvert ne sont pas exécutées par manque de personnels.
Vous réglez, monsieur le ministre, l'insuffisance de l'offre de places d'accueil pour la petite enfance en augmentant la capacité d'accueil des assistantes maternelles.
Certes, cette disposition comporte des aspects très positifs, tant vis-à-vis des professionnels, qui pourront bénéficier d'un rythme de travail plus soutenu, plus régulier et ainsi d'une amélioration de leur revenu, que vis-à-vis des parents, qui y trouveront un mode de garde mieux adapté au rythme nouveau de leur vie professionnelle. Mais cela justifie-t-il que l'on modifie une partie du statut des assistants maternels aujourd'hui alors que le Gouvernement a l'intention de revoir en 2004 l'ensemble du statut de ces professionnels ? Il aurait été plus cohérent de traiter l'ensemble plutôt que d'agir au cas par cas.
En outre, cette mesure est source de nombreuses inquiétudes légitimes de la part aussi bien des collectivités départementales que des parents.
Aucune formation supplémentaire n'est prévue pour accompagner cette évolution de l'activité professionnelle des assistants maternels. Or l'accueil de six enfants ne se gère pas de la même façon que celui de trois. Le rythme de la journée risque, de fait, d'être davantage perturbé. Pratiquement et concrètement, il y aura ainsi chaque jour plus d'allées et venues d'enfants et de parents au domicile de l'assistant maternel.
La question du bien-être de l'enfant n'est pas posée. Bien sûr, nombre d'assistants maternels s'autolimiteront, nous le savons tous, mais des abus existent déjà. Qu'en sera-t-il avec l'évolution proposée dans ce projet de loi ?
L'accueil des jeunes enfants est une difficulté bien réelle, mais limiter ce problème à une question d'agrément est plutôt réducteur. Les enfants et les assistants maternels méritent mieux que ces deux articles trop rapidement rédigés.
Enfin, réduire l'accueil des jeunes enfants à ce seul mode de garde est à nos yeux une erreur. La diversité de l'offre doit être conservée.
Vous cherchez à pallier l'insuffisance de places d'accueil pour la petite enfance et, parallèlement, vous supprimez les crédits du fonds d'investissement pour la petite enfance mis en place par Ségolène Royal. Où est la cohérence ?
Enfin, vous avez compris que supprimer les allocations familiales aux familles dont les enfants désertaient l'école n'était pas la meilleure des solutions.
Aux mesures coercitives, nous avons toujours préféré la pédagogie et le dialogue, même si cela prend du temps.
Vous nous annoncez que vous substituez à l'actuel dispositif des mesures réactives et graduées, mais quelles sont ces mesures ? Rien ne figure dans le texte, si ce n'est des mesures répressives en direction des employeurs qui font travailler des enfants en âge d'être scolarisés.
Les dispositions relatives à l'expérimentation de dotations globales de financement dans les organismes tutélaires posent également problème.
Pour les associations, la réforme aurait dû prendre en compte la diversité des publics bénéficiant d'une mesure de protection et, à partir de l'étude, il aurait fallu adapter le contenu des mesures pour répondre aux besoins. Ensuite le coût réel du service rendu par les associations tutélaires aurait dû être établi pour aboutir à un financement équitable.
C'est à partir de cette démarche qu'une expérimentation aurait dû être mise en place. Mais tel n'a pas été votre choix !
Voilà, mes chers collègues, toutes les raisons qui justifient notre abstention.
M. le président. La parole est à Mme Michelle Demessine.
Mme Michelle Demessine. Monsieur le ministre, mes chers collègues, je l'ai déjà dit, ce texte contient à la fois des mesures positives, comme la création de l'observatoire de l'enfance maltraitée et la protection du travail clandestin des enfants, et des mesures insuffisantes. A cet égard, je pense aux assistantes maternelles, dont la possibilité d'accueil est élargie à six enfants, dont trois simultanément, ce que je juge, pour ma part, incompatible avec la qualité de l'accueil,...
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. La réduction du temps de travail, ce n'est pas nous !
Mme Michelle Demessine. ... qualité à laquelle les familles sont particulièrement attachées, mais aussi avec la garantie de bonnes conditions de travail.
Je pense aussi à l'absentéisme scolaire, pour lequel vous proposez des mesures limitées à la sanction pénale, sans réelle prise en compte globale des raisons qui ont engendré cette situation.
Au demeurant, et c'est pour nous une satisfaction, les associations, qui font un travail remarquable et sont une pièce maîtressse dans la lutte contre ce fléau, pourront se porter partie civile de manière beaucoup plus large, comme elles le souhaitent.
Compte tenu de ces considérations, somme toute contradictoires, le groupe CRC s'abstiendra sur ce texte.
M. le président. La parole est à Mme Nelly Olin.
Mme Nelly Olin. Monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet loi contient des mesures esssentielles et d'autres plus techniques qui ont pour point commun l'enfant. Ce texte était indispensable car il concerne notre avenir et le regard que la société porte sur ses enfants. La protection de l'enfant doit être une priorité absolue de toute société humanisée.
Je me félicite que vous nous proposiez, monsieur le ministre, la création d'un observatoire national de l'enfance maltraitée qui soit chargé de l'amélioration de l'information afin que chacun des acteurs sur le terrain puisse agir plus efficacement.
Réclamé depuis de nombreuses années par les différents intervenants, cet observatoire deviendra sans aucun doute un atout majeur dans la lutte contre la maltraitance.
D'autres mesures vont également faire progresser la situation de l'enfant : l'extension du champ pénal dans lequel les associations vont pouvoir se porter partie civile, la lutte contre l'absentéisme scolaire, la répression du travail des enfants.
Le texte vient également améliorer les conditions d'agrément des assistantes maternelle en les adaptant aux nouveaux rythmes professionnels des parents.
A la fin de ce débat, je tiens à saluer le travail de M. le rapporteur, dont le rapport a permis d'éclairer fort opportunément nos travaux.
Ce texte, fruit d'un dialogue avec les différents partenaires, était attendu par les professionnels, et nous vous remercions, monsieur le ministre, de votre initiative ainsi que de la qualité de votre écoute tout au long de nos débats.
Pour toutes ces raisons, le groupe UMP votera ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Christian Jacob, ministre délégué. Je voudrais tout d'abord remercier M. le rapporteur pour la qualité de son rapport, mais aussi pour sa volonté permanente de conciliation dans le but d'aboutir à un véritable enrichissement du texte.
Je remercie également tous ceux d'entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs, qui, par leurs amendements, leurs interventions ou leurs votes, ont eu le souci d'améliorer ce projet de loi.
Mes remerciements iront aussi à M. le président de la commission des affaires sociales pour le travail important réalisé par sa commission et pour son engagement personnel dans l'élaboration d'amendements faisant la synthèse de l'ensemble des opinions, ce qui n'est jamais facile. Mais chacun ici connaît le don de M. About pour aller à l'essentiel et la qualité de sa plume au moment où il le faut.
Bien évidemment, je n'aurai garde de vous oublier, monsieur le président, pour vous remercier de la façon dont vous avez conduit nos débats.
Mme Demessine, j'ai compris que votre abstention était une abstention positive, du moins c'est ainsi que je l'interprète. (Sourires.)
Mme Gisèle Printz. Peut mieux faire ! (Nouveaux sourires.)
M. Christian Jacob, ministre délégué. Madame Campion, il y a un point de votre intervention que je ne peux laisser passer.
Vous avez dit que nous avions supprimé le fonds d'investissement de la petite enfance. Or, non seulement nous n'avons pas supprimé ce fonds mis en place par le gouvernement précédent, mais nous l'avons financé puisque nous en avons hérité sans financement. En outre, nous créons un nouveau fonds, qui permettra, avec une dotation de 200 millions d'euros, de créer vingt mille places de crèche. Dans ces conditions, mesdames les sénatrices de l'opposition, je ne doute pas que vous voterez le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour être complètement associées à cette réalisation. (Sourires.)
Par ailleurs, vous nous avez dit que nous avions enfin compris qu'il ne fallait pas supprimer les allocations familiales. Mais pourquoi n'avez-vous pas vous-mêmes supprimé cette possibilité ? Nous avons hérité d'une situation que nous essayons de corriger.
En conclusion, je remercierai encore la Haute Assemblée du travail de qualité qu'elle a accompli, et j'aimerais associer à ces remerciements les deux ministres qui ont largement participé à la rédaction de ce projet de loi : d'une part, M. Dominique Perben qui, sur bien des articles, et notamment sur la création de l'observatoire de l'enfance maltraitée et sur les nouvelles possibilités offertes aux associations, a apporté une contribution précieuse, d'autre part, bien entendu, M. Jean-François Mattei. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. Merci, monsieur le ministre, le Sénat est sensible à vos appréciations positives.
DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE LOI
M. le président. J'ai reçu de MM. Roland du Luart, Ladislas Poniatowski et André Trillard une proposition de loi visant à dépénaliser la chasse à tir du gibier d'eau à l'agrainée.
La proposition de loi sera imprimée sous le n° 28, distribuée et renvoyée à la commission des affaires économiques et du Plan, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le réglement.
DÉPÔT D'UN AVIS
M. le président. J'ai reçu de M. Paul Dubrule un avis, présenté au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, modifiant la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 relative au droit d'asile (n° 340, 2002-2003).
L'avis sera imprimé sous le n° 29 et distribué.
ORDRE DU JOUR
M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 21 octobre 2003 :
A dix heures :
1. Treize questions orales.
Le texte des questions figure en annexe.
A seize heures et le soir :
2. Discussion du projet de loi (n° 421, 2002-2003) relatif aux obligations de service public des télécommunications et à France Télécom.
Rapport (n° 21, 2003-2004) de M. Gérard Larcher, fait au nom de la commission des affaires économiques et du Plan.
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 20 octobre 2003, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 20 octobre 2003, à dix-sept heures.
Délai limite pour les inscriptions de parole
et pour le dêpôt des amendements
Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, modifiant la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952, relative au droit d'asile (n° 340, 2002-2003) ;
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 21 octobre 2003, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 21 octobre 2003, à dix-sept heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt-trois heures quinze.)
Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
MONIQUE MUYARD
QUESTIONS ORALES
REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT
(Application des articles 76 à 78 du réglement)
Ratification de l'accord de Londres sur le Brevet
européen et création d'un Brevet communautaire
337. - 16 octobre 2003. - M. Jean Bizet attire l'attention de Mme la ministre déléguée à la recherche et aux nouvelles technologies sur la nécessité d'une ratification rapide par la France de l'accord de Londres sur le Brevet européen et d'une accélération des discussions européennes sur la création d'un Brevet communautaire pour répondre aux attentes des chercheurs et des entreprises. Cette ratification, déjà effectuée par onze pays sur quinze, est essentielle à un usage accru du Brevet européen par les entreprises françaises et notamment par les petites et moyennes entreprises (PME) innovantes. Elle permet, en effet, par la suppression des traductions dans toutes les langues du Brevet européen après sa délivrance, de simplifier les procédures et de réduire les coûts de 30 à 50 %. Ceci représente une économie d'environ trois cent millions d'euros pour les entreprises européennes, permettant ainsi d'améliorer le financement de la recherche, d'autres inventions ou la défense des brevets déjà déposés. Ensuite, la ratification de l'accord de Londres, qui établit le français comme langue de propriété industrielle, aux côtés de l'anglais et de l'allemand, renforcerait la position de la France dans les négociations européennes sur la propriété industrielle. Elle démontrerait sa volonté de régler sur des bases équilibrées, d'une part, la question linguistique qui bloque un accord sur l'institution d'un règlement centralisé des contentieux de propriété industrielle et, d'autre part, le futur Brevet communautaire qui permet, par le biais d'un dépôt unique dans l'ensemble des Etats, de faire jeu égal avec les Etats-Unis en se dotant d'un système moins complexe et moins coûteux, gage de compétitivité pour les entreprises et les organismes de recherche européens. En outre, cette notion de création de brevet doit s'intégrer dans le cadre de la politique de la recherche au niveau européen. Or, lors d'un récent colloque au Sénat, il a été envisagé le lancement d'un emprunt près de la Banque européenne d'investissement