COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. GUY FISCHER
vice-président
M. le président. La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à onze heures.)
PROCÈS-VERBAL
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
TRANSMISSION DU PROJET DE LOI
DE FINANCES POUR 2004
M. le président. M. le président a reçu aujourd'hui, transmis par M. le Premier ministre, le projet de loi de finances pour 2004, adopté par l'Assemblée nationale.
Le projet de loi sera imprimé sous le numéro 72, distribué et renvoyé au fond de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation et, pour avis, sur leur demande, aux autres commissions permanentes.
LOI DE FINANCES POUR 2004
Discussion d'un projet de loi
M. le président. Monsieur le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, monsieur le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général du budget, mes chers collègues, l'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi de finances pour 2004, adopté par l'Assemblée nationale. [n°s 72 et 73 (2003-2004)].
L'organisation de la discussion budgétaire, acte essentiel de la vie parlementaire, s'inscrit cette année dans la continuité de celle que nous avons connue les années précédentes, dans l'attente de la mise en oeuvre de la « nouvelle Constitution financière » résultant de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances.
Sur la proposition de M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, la conférence des présidents a confirmé les innovations introduites ces dernières années et visant à rendre la discussion budgétaire plus dynamique et plus interactive.
En particulier, la procédure des questions et réponses sera à nouveau appliquée et concernera l'examen de dix fascicules budgétaires.
Par ailleurs, le débat sur les recettes des collectivités locales est prévu le mardi 25 novembre dans l'après-midi.
Pour l'examen de ce projet de loi de finances, notre souci est de respecter, comme l'an dernier, notre calendrier. C'est pourquoi j'invite chacun à la concision et au respect de la règle générale limitant à dix minutes au maximum la durée de toute intervention au cours de l'ensemble de la discussion budgétaire.
M. Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Très bien !
M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Francis Mer, ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, vous entamez aujourd'hui la discussion du projet de loi de finances pour 2004. Ce projet a été présenté en conseil des ministres et devant votre commission des finances le 25 septembre dernier. Il a été longuement discuté, débattu et amélioré sur plusieurs points, ces dernières semaines, à l'Assemblée nationale. M. Alain Lambert, qui a participé très activement à ces débats, pourra en porter témoignage.
De ce projet vous connaissez donc la logique générale et la cohérence. Pour ma part, j'en retiens trois idées forces : c'est un budget qui accompagne et favorise le retour à la croissance ; c'est un budget qui vise à restaurer progressivement des finances publiques saines ; enfin, c'est un budget qui s'inscrit dans une démarche plus générale tendant à arrêter les réformes qui sont nécessaires pour le pays et que le Gouvernement est résolu à mettre en oeuvre.
Mon propos est de faire avec vous le point sur ces trois orientations qui marquaient le projet de budget élaboré au sortir de l'été et qui restent pleinement pertinentes aujourd'hui.
Je dirai d'abord quelques mots de la situation conjoncturelle.
Depuis que le projet de budget a été arrêté par le Gouvernement, notre environnement économique a continué d'évoluer. Plus précisément, nous avons eu, au cours des dernières semaines, deux séries d'informations.
Nous avons d'abord dû enregistrer des révisions à la baisse sur les statistiques du premier semestre 2003. Ce qui veut dire que la situation de notre économie était plus mauvaise en début d'année que nous ne l'avions pensé. Cela fait peser un risque sur notre prévision de croissance moyenne annuelle pour 2003, qui était de 0,5 %, mais ne remet pas en cause nos prévisions de demande intérieure, et plus particulièrement de consommation, ce qui est essentiel pour la prévision budgétaire à court terme.
Nous avons, par ailleurs, disposé d'informations sur le troisième trimestre et sur les perspectives du quatrième trimestre. Elles sont concordantes et positives : elles signalent une reprise de notre économie.
La reprise qui est partie des Etats-Unis, où la croissance a atteint des chiffres records au troisième trimestre - elle a été égale à celle de l'Europe en un an ! - est en train de gagner la zone euro, où la conjoncture industrielle s'améliore de manière parallèle dans chacun des grands pays.
Dans les services, l'amélioration s'avère encore plus nette, et il semble que notre pays soit même, à cet égard, quelque peu en avance sur ses partenaires.
Par ailleurs, la conjoncture française dans le bâtiment poursuit également son amélioration.
Enfin, la consommation a continué de bien se tenir. Les derniers chiffres disponibles, qui concernent le mois de septembre, en témoignent.
Au total, les informations dont nous disposons aujourd'hui, même s'il s'agit encore d'indices partiels, tirés d'enquêtes sur l'activité, vont toutes dans la même direction, ce qui est encourageant.
Cela conforte la prévision macroéconomique associée au projet de loi de finances - une croissance de 1,7 % en moyenne en 2004, puis de 2,5 % à partir de 2005 -, mais surtout cela veut dire que notre pays a devant lui l'opportunité d'une reprise économique. C'est une chance qu'il nous faut saisir résolument dans les prochains mois.
Des mesures comme la baisse de l'impôt sur le revenu, le relèvement du SMIC, l'accroissement de la prime pour l'emploi, tout en répondant à des logiques de plus long terme, signifient aussi plus de revenu dans l'immédiat : elles apporteront, je n'en doute pas, un soutien appréciable à une reprise qui se dessine et qui doit être confortée.
La deuxième idée force de notre politique budgétaire est de restaurer des finances publiques plus saines, dans le respect, bien sûr, des priorités qui ont été annoncées et qui sont maintenues.
La clef de voûte de cette démarche réside dans une maîtrise de la dépense qui va de pair avec notre volonté de réforme de l'Etat. Seule une maîtrise de la dépense peut en effet dégager les moyens de financer nos priorités d'action et de poursuivre la baisse des prélèvements au service de l'initiative et de l'emploi.
Où en sommes-nous dans cette démarche ?
Le collectif budgétaire présenté hier démontre que c'est un objectif que l'on peut atteindre pour peu qu'on en ait la volonté politique. Ainsi, en 2003, grâce à un effort de tous les ministères, nous allons respecter l'objectif de dépense que vous aviez voté en loi de finances initiale.
C'est une base solide, qui crédibilise l'objectif que nous vous proposons pour 2004, celui de la stabilisation en volume de la dépense de l'Etat. C'est un objectif clair et lisible, ce qui doit en faciliter le respect. Cet objectif suppose aussi, comme en 2003 - et peut-être encore davantage -, une volonté de performance et d'efficacité dans le service public, ministère par ministère.
Cette démarche de réforme et d'efficacité ne doit pas concerner que l'Etat et elle ne doit pas se limiter à 2004.
Elle ne doit pas concerner que l'Etat, car le cap doit aussi être tenu en ce qui concerne les dépenses sociales. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2004 constitue une première étape avant une réforme de plus grande ampleur, qui doit être préparée avec soin et dans la concertation d'ici à l'été prochain.
Cette démarche responsable ne doit pas non plus se faire à courte vue, car la restauration de nos finances publiques est une action de longue haleine. Notre programmation des finances publiques à horizon 2007, annexée au présent projet de loi de finances, témoigne de la continuité nécessaire de notre stratégie : d'ici à 2005, la priorité est de ramener le déficit en-dessous de 3 % du PIB ; au-delà de 2005, nous réduirons le déficit structurel d'au moins 0,5 point par an ; en cas de « bonnes surprises » conjoncturelles - après tout, l'hypothèse n'est pas exclue ! -, nous les affecterons à la réduction du déficit. Parallèlement, nous poursuivrons les baisses d'impôts, en recherchant des économies pérennes face à des pertes permanentes de recettes et en ajustant le rythme de ces baisses d'impôts selon notre capacité à maîtriser la dépense.
C'est dans ces conditions que nous reviendrons à des finances publiques plus saines tout en réalisant nos ambitions pour la croissance, pour l'initiative et pour l'emploi, comme pour la restauration de l'Etat dans ses fonctions essentielles.
Notre politique budgétaire s'inscrit donc dans la cohérence et dans la durée, et nos résultats de 2003 en matière de dépense de l'Etat sont une première illustration de notre engagement en ce sens. C'est d'ailleurs ce que j'expliquerai à mes collègues de l'Union européenne, les 24 et 25 novembre.
Vous connaissez le processus en cours à Bruxelles, le Gouvernement s'en est clairement expliqué à chaque étape de la procédure.
En juin, le Conseil Ecofin, informé - par nous - du dépassement du seuil de 3 % du PIB pour le déficit public, a demandé à la France de prendre des mesures en vue de revenir aussi tôt que possible, c'est-à-dire en 2004, en dessous de 3 %. Cela supposait un effort d'ajustement d'au moins 0,5 point de PIB en 2004.
Cet effort, nous l'avons accompli. Nous sommes même allés au-delà dans le projet de loi de finances qui vous est soumis, pour lequel nous tablons sur une amélioration de 0,7 point du solde structurel en 2004.
Malheureusement, dans le même temps, la croissance pour 2003, notamment au cours du premier semestre, s'est révélée inférieure à ce que l'on pouvait encore envisager au mois de juin, et cette moindre croissance s'est traduite par un déficit au titre de 2003 supérieur à ce que nous pensions, et aussi à ce que pensait la Commission.
La Commission a reconnu cet état de fait. Elle a reconnu à la fois la dégradation mécanique du déficit et les efforts engagés pour réduire celui-ci en 2004.
En conséquence, la Commission propose au Conseil de repousser d'un an, c'est-à-dire à 2005, le délai dans lequel nous devons ramener le déficit en dessous de 3 %. C'est un signe de flexibilité dans l'application du pacte de stabilité et de croissance, et c'est justice au regard de notre effort d'ajustement, qui s'inscrit bien dans la logique d'une discipline budgétaire commune, nécessaire aux pays partageant la même monnaie, l'euro.
Néanmoins, il reste des questions d'appréciation sur lesquelles un accord n'a pas encore été trouvé avec la Commission et entre partenaires européens. La Commission recommande de « sécuriser » l'objectif du retour sous les 3 % au moyen d'efforts supplémentaires par rapport à ce qui figurait dans le projet de loi de finances. Elle demande la même chose à l'Allemagne, qui est quasiment dans la même situation que nous.
Nous considérons, avec le gouvernement allemand, que les efforts déjà demandés ont été accomplis dans le respect de l'esprit du pacte de stabilité et de croissance et qu'il n'est pas souhaitable d'aller au-delà si cela doit pénaliser une croissance encore fragile.
De cela nous devons donc discuter avec nos partenaires la semaine prochaine. Le discours que je tiendrai devant eux pour présenter notre politique sera le même que celui que je tiens devant vous : nous menons une politique budgétaire responsable et nous sommes engagés dans une démarche de réforme.
Cette démarche de réforme est le troisième point que je voudrais aborder devant vous.
Le projet de budget vise à ce que le travail paie davantage. Cela passe par la baisse de l'impôt sur le revenu, ainsi que par l'accroissement et l'amélioration de la prime pour l'emploi, qui complète la forte revalorisation du SMIC intervenue en juillet dernier.
Dans la même logique, également au service de l'emploi, les allégements de charges généraux ont été recentrés sur les plus bas salaires et amplifiés.
Au-delà, des dispositifs ciblés sur les publics les plus vulnérables ont été créés ou renforcés afin de favoriser leur insertion dans l'emploi. Ce sont les contrats jeunes, le contrat initiative-emploi et le revenu minimum d'activité. Là aussi, c'est bien de revalorisation du travail qu'il s'agit.
En outre, parce que c'est dans l'entreprise que se créent les emplois durables de notre économie, le Gouvernement encourage et facilite la création d'entreprises. Il aide les entreprises à accentuer leur effort de recherche et de développement en rendant plus incitatif le dispositif de crédit d'impôt recherche.
Mais la démarche de réforme ne se limite pas à la seule loi de finances.
La réforme des retraites a été la réforme la plus ambitieuse de l'année écoulée. C'est une réforme sociale, qui sauve notre système de retraites par répartition, auquel nous sommes tous attachés, mais c'est également une réforme qui va améliorer significativement, dans la durée, nos finances publiques.
Plus récemment, le plan en faveur des personnes âgées et dépendantes a témoigné de ce que la démarche de réforme et de responsabilité se poursuivait. Nous agissons au service de nos priorités politiques et sociales, et nous refusons de le faire à crédit. Nous finançons ces mesures nouvelles, ainsi que des mesures plus anciennes qui n'avaient pas été financées correctement, en prélevant une part du surcroît de richesse créé par un effort de solidarité des Français.
Hier encore, le ministre des affaires sociales a présenté en conseil des ministres son projet de loi sur la formation professionnelle tout au long de la vie et le dialogue social. Il s'agit de moderniser notre appareil de formation professionnelle en instituant le droit individuel à la formation et en rénovant la formation en alternance. Il s'agit aussi de réformer le droit de la négociation collective, en particulier en établissant le principe de l'accord majoritaire.
Notre volonté de réforme ne doit donc pas faire de doute. Elle se prolongera en 2004 avec la réforme de l'assurance maladie et la mise en oeuvre de la décentralisation.
C'est ainsi que la France se place dans les meilleures conditions pour tirer profit de la reprise économique qui s'annonce.
C'est ainsi que nous remettons nos finances publiques sur une trajectoire plus saine.
C'est ainsi que nous préparons l'avenir de notre pays, en toute responsabilité et dans la durée. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Alain Lambert, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, j'entame à la Haute Assemblée ma douzième discussion budgétaire successive, dans des fonctions différentes, mais toujours avec le même plaisir, tant je connais la qualité des travaux qui y sont accomplis.
C'est d'ailleurs le moment pour moi de saluer le remarquable travail réalisé cette année, à nouveau, par votre commission des finances sous l'impulsion talentueuse, inlassable et pugnace du rapporteur général, M. Philippe Marini,...
Plusieurs sénateurs de l'UMP. Très bien !
M. Michel Moreigne. Coriace !
M. Paul Loridant. Encore une couche ! (Sourires sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. Alain Lambert, ministre délégué. ... et sous l'autorité savante du président de la commission des finances, M. Jean Arthuis.
M. Paul Loridant. Point trop n'en faut !
M. Alain Lambert, ministre délégué. Je les prie par avance de bien vouloir m'excuser de ne pas pouvoir être présent en séance au moment où ils interviendront, car je dois me rendre au congrès des maires de France.
Mesdames, messieurs les sénateurs, ce budget vous est parfaitement connu puisqu'il a déjà fait l'objet d'une lecture à l'Assemblée nationale. Il part à l'offensive pour relever le défi que nous lance le ralentissement économique que nous subissons, le plus prononcé qu'ait connu la France en cinquante ans, après ceux de 1974 et de 1993.
Face à ce défi, le Gouvernement a choisi de partir à la rencontre de la reprise. Ce budget ne baisse pas les bras. Il ne se contente pas d'attendre un redémarrage économique providentiel. Il met la France en ordre de bataille pour tirer le meilleur parti de la reprise qui s'est enfin clairement annoncée, comme Francis Mer le disait il y a un instant.
C'est un budget qui porte des valeurs : ...
M. Jean-Pierre Masseret. Non !
M. Alain Lambert, ministre délégué. ... encourager le travail, favoriser l'emploi, préparer l'avenir. C'est un budget qui porte un message toujours entendu par les Français dans les moments difficiles : faire confiance aux Français et mériter leur confiance.
Faire confiance aux Français, c'est croire en leur capacité et leur ardeur à prendre part au redressement de notre pays.
Faire confiance aux Français, c'est rappeler l'évidence, trop souvent oubliée, que, pour créer les richesses et les emplois, la France a besoin du talent, de l'imagination et de l'effort de chaque citoyen.
Faire confiance aux Français, c'est reconnaître la valeur de leur travail ! C'est proclamer la dignité souveraine du travail comme source de richesse matérielle et morale de chaque citoyen.
Ce budget, chers anciens collègues, marque donc notre confiance dans les Français et notre engagement pour mériter leur confiance ! Mériter leur confiance, c'est respecter, c'est encourager, c'est récompenser leur travail. Cette exigence inspire chaque ligne du budget qui vous est soumis.
Respect et encouragement envers 2 millions de salariés dont les SMIC sont relevés. Avec le relèvement de la prime pour l'emploi et la hausse du SMIC, nombre d'entre eux vont ainsi bénéficier d'un véritable treizième mois.
Respect et encouragement pour 8 millions de foyers dont la prime pour l'emploi sera à nouveau améliorée en 2004. Pour inciter à la reprise d'une activité, un acompte de 250 euros sera versé aux nouveaux salariés concernés.
Respect et encouragement envers 16 millions de foyers dont les taux de l'impôt sur le revenu baisseront de 3 %. Tous allégements confondus, la nouvelle majorité les aura réduits en 2004 de plus de 10 %.
Ces baisses d'impôts traduisent le choix résolu d'un programme fiscal offensif pour mobiliser notre potentiel de croissance.
Fait remarquable, et sans doute unique : sur les vingt-trois dispositions fiscales que compte le projet déposé par le Gouvernement, vingt-deux sont favorables ou neutres pour les contribuables. (M. Jean Chérioux applaudit.)
M. Jacques Oudin. Très bien !
M. Alain Lambert, ministre délégué. Mesdames, messieurs les sénateurs, ce message de respect et d'encouragement s'adresse aux ménages, mais aussi aux entreprises.
Respect et encouragement pour l'acte d'entreprendre qui reste, en France, encore insuffisamment considéré.
Respect et encouragement pour ceux qui prennent le risque d'entreprendre dans notre monde concurrentiel, pour lequel nous voulons créer un environnement sûr et favorable.
Respect et encouragement pour ce beau risque d'entreprendre. Pour ce faire, nous voulons favoriser la création d'emplois dans le secteur marchand plutôt que dans le secteur public.
M. Henri de Raincourt. Très bien !
M. Alain Lambert, ministre délégué. Nous voulons donner un nouvel élan au crédit d'impôt recherche. Nous voulons doter d'un statut spécifique la « jeune entreprise innovante ». Nous voulons aménager le statut fiscal aux investisseurs qui apportent capitaux et expérience de gestion.
M. Xavier de Villepin. Très bien.
M. Alain Lambert, ministre délégué. Nous voulons adopter le report en avant des pertes, désormais illimité dans le temps.
Mesdames, messieurs les sénateurs, encourager les Français, mériter leur confiance, mobiliser notre potentiel de croissance, c'est également moderniser et simplifier l'impôt, réformer en profondeur le régime fiscal des distributions en veillant à ne pas pénaliser l'épargne en actions, simplifier le régime des plus-values immobilières, les règles d'imposition des exploitants agricoles et les formalités des successions de faible montant.
Nous voulons aussi prendre en compte la nouvelle donne démographique et renforcer la solidarité entre les générations.
Plusieurs mesures ont ainsi été prévues : une fiscalité attractive pour les cotisations versées sur le plan d'épargne retraite populaire ; une meilleure prise en charge des personnes âgées dépendantes ; un relèvement du crédit d'impôt pour les dépenses d'équipement de l'habitation principale au profit des personnes âgées ou handicapées ; des transmissions anticipées de patrimoine en faveur des jeunes générations, plus aptes à en assurer la valorisation ; enfin, un crédit d'impôt aux entreprises qui aident à mieux concilier vie professionnelle et familiale de leurs salariés.
M. Jean-Claude Gaudin. Tout cela est très bien !
M. Alain Lambert, ministre délégué. S'agissant de la TIPP gazole, et au-delà des malentendus, le Gouvernement souhaite, dans le sillage de ce qui s'est fait jusqu'à maintenant, réduire l'écart de taxation avec l'essence, à un moment où les effets pour le consommateur seront limités. Les prix à la pompe resteront en effet très inférieurs à ceux du printemps dernier.
A propos de la TVA, nous sommes très confiants, j'insiste sur ce point, dans nos chances d'aboutir à un accord communautaire, avant la fin de l'année, pour proroger le taux réduit applicable aux travaux dans les logements comme aux services d'aide à la personne.
MM. Gérard Braun et Gérard Larcher. Très bien !
M. Alain Lambert, ministre délégué. Quant à la TVA restauration, l'engagement d'en baisser le taux est explicitement réitéré afin que cette mesure puisse entrer en vigueur après que l'Union européenne l'aura autorisée.
Mesdames, messieurs les sénateurs, le montant net des allégements fiscaux et de charges s'établit à 2,5 milliards d'euros. Ajoutés aux allégements votés ces derniers mois, 3,3 milliards d'euros d'allégements fiscaux et sociaux sont ainsi proposés aux Français, hors fiscalité sur le tabac.
L'Assemblée nationale n'a pas accru le montant de ces allégements et a considéré que le Gouvernement avait, en ce domaine, trouvé le bon point d'équilibre. Elle a, en revanche, souhaité réduire certaines dépenses fiscales et a amélioré l'équilibre de 260 millions d'euros. Le Gouvernement salue cet effort, même s'il sera conduit, sur l'une des modifications apportées par l'Assemblée nationale, à vous proposer un dispositif différent.
Après les recettes, j'en viens aux dépenses, en disant d'emblée, mais je sais que vous en êtes convaincus, que la France ne souffre pas d'une insuffisance d'impôts, mais souffre cruellement d'un excès de dépenses. (Très bien ! sur les travées de l'UMP.)
Mériter la confiance des Français, c'est maîtriser sans retard la dépense de l'Etat. Je rappelle qu'elle est engagée au nom des Français, qu'elle est financée par eux et qu'elle est prélevée sur leur pouvoir d'achat. J'entends parfois dire : « L'Etat paiera. » Mais non, ce sont les contribuables qui paient !
Qu'il me soit permis de réaffirmer qu'un bon budget n'est pas un budget qui augmente.
M. Michel Mercier. C'est bien !
M. Alain Lambert, ministre délégué. L'efficacité de l'action publique au bénéfice des Français n'est pas proportionnelle à l'évolution des crédits.
Ainsi, sans moyens supplémentaires particuliers, la sécurité routière enregistre aujourd'hui des succès jamais atteints et exemplaires. Or, dans bien d'autre domaines, trop de groupes de pression entretiennent ce réflexe des moyens, sans s'intéresser aux résultats. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Avec ce budget, nous stabilisons la dépense en volume pour la deuxième année consécutive. Mesdames, messieurs les sénateurs, ce sera la première fois en vingt ans. A structure constante, le montant de 277,9 milliards d'euros suit strictement l'inflation prévisonnelle de 1,5 %.
Aux effort de redéploiement de 5,4 milliards d'euros s'ajoute le non-remplacement de près de 10 000 départs à la retraite, d'où la diminution de 4 600 emplois budgétaires, soit six fois l'effort réalisé en 2003. La masse salariale de l'Etat est stabilisée en 2004 : il s'agit d'un contraste patent avec les 23 000 nouveaux emplois budgétaires des années 2001 et 2002.
Mesdames, messieurs les sénateurs, un Etat moderne n'est pas un Etat figé. Nous voulons doter la France d'un Etat efficace, d'un Etat performant, d'un Etat garant du bien commun, dont les ressources humaines sont redéployées progressivement là où c'est nécessaire.
Monsieur le rapporteur général, j'ai remarqué que vous aviez souligné dans votre rapport l'approche nouvelle du Gouvernement en matière de dépenses,...
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Tout à fait !
M. Alain Lambert, ministre délégué. ... en observant que l'investissement était privilégié plutôt que le fonctionnement. C'est en effet un souhait de la Haute Assemblée depuis longtemps. De même, vous avez souligné la nécessité de respecter les récentes lois d'orientation et de programmation et de moderniser la gestion des crédits plublics.
Parallèlement, nous finançons nos priorités - justice, sécurité, défense et aide au développement - et les 3 milliards d'euros d'augmentation de la dette, des pensions, des minima sociaux et des dotations aux collectivités locales.
La maîtrise des dépenses : là est la clé de la réduction des déficits.
MM. Gérard Braun et Serge Franchis. Tout à fait !
M. Alain Lambert, ministre délégué. Le déficit budgétaire s'établit, dans le texte issu des travaux de l'Assemblée nationale, à 55,2 milliards d'euros, sous le coup de l'évolution divergente des dépenses, qui sont maîtrisées - et c'est la première fois depuis bien longtemps, - et des recettes qui pâtissent du ralentissement de la croissance. A structure constante, le déficit s'établit à 53,8 milliards d'euros, inférieur de 2 milliards d'euros aux prévisions pour 2003.
Par ailleurs, nous nous engageons à plus de transparence dans les comptes par de nombreuses réformes que je ne développerai pas pour ne pas allonger mon propos. Nous en reparlerons à l'occasion de l'examen des articles. Je me contenterai de les mentionner.
Première réforme, nous supprimons, conformément à vos souhaits, le FOREC, le Fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale, source importante d'opacité.
M. Henri de Raincourt. Très bien !
M. Alain Lambert, ministre délégué. Aujourd'hui, l'effort de la nation en faveur de la politique de l'emploi se révèle dans toute son ampleur : le budget de l'emploi est le troisième de l'Etat après ceux de l'éducation nationale et de la défense.
Deuxième réforme, nous sécurisons le financement des charges de gros entretien et de désendettement du système ferroviaire.
Troisième réforme, nous clarifions, et nous sécurisons les concours de l'Etat aux collectivités locales devenus incompréhensibles.
Quatrième réforme, celle de la parafiscalité, qui sera achevée avec le collectif de fin d'année, que nous venons de déposer.
Cinquième réforme, celle du BAPSA, le budget annexe des prestations sociales agricoles, avec le rétablissement de l'universalité de la TVA, au bénéfice du budget général.
Dernière réforme, l'inscription budgétaire des 48 000 contractuels de l'éducation nationale, dont l'emploi n'était retracé nulle part.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. En effet.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Les clandestins du budget ! (Murmures sur les travées du groupe socialiste.)
M. Alain Lambert, ministre délégué. Pour conclure, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de budget que nous soumettons à votre approbation porte l'empreinte d'une volonté et d'une détermination sans faille.
M. Henri de Raincourt. Très bien !
M. Alain Lambert, ministre délégué. En encourageant le travail, en favorisant l'emploi et en préparant l'avenir, il appelle chaque Français à offrir à son pays le meilleur de lui-même : audace, élan et volonté, pour dessiner, tous ensemble, le visage de l'avenir de la France. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Jean-Claude Gaudin. Beau discours !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous sommes entrés dans ce cycle budgétaire d'automne avec le débat sur les prélèvements obligatoires puis, tout au long des derniers jours, avec l'examen de projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2004.
Au mois de juin, mes chers collègues, lors du débat d'orientation budgétaire, je m'étais demandé si l'élaboration du projet de loi de finances pour 2004 ne s'apparentait pas à une quadrature du cercle. En vous présentant aujourd'hui, à la suite des ministres, ce budget des temps difficiles, il me semble avec un tel budget que nous nous apprêtons à sortir de cette quadrature du cercle par le haut ! (Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste.)
La démarche qui nous est proposée vise à préparer l'avenir et à nous mettre en position de profiter au mieux, demain, de la reprise qui finira par se produire.
A mes yeux, cette démarche comporte au départ trois points essentiels.
Premièrement, il s'agit de faire le pari de la sincérité et de la transparence, de faire reposer les chiffres du budget sur un scénario macroéconomique de croissance prudent.
Deuxièmement, il faut poursuivre les réformes de structure de notre fiscalité, ce qui est particulièrement le cas en matière d'impôt sur le revenu.
Troisièmement, il est nécessaire de plafonner l'évolution des dépenses de l'Etat, les maintenir en volume, sans aller au-delà, tout en ayant grand soin de préserver l'investissement civil et militaire et de se conformer aux lois d'orientation et de programmation dans les domaines prioritaires.
M. Serge Franchis. Très bien !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Certes, mes chers collègues, le déficit est très important, beaucoup trop important, mais, dans le contexte économique actuel, fallait-il vraiment ajouter la crise à la crise et nuire encore davantage au dynamisme, déjà si insuffisant, de notre économie ? Je ne le crois pas et j'estime que le dosage qui a été fait dans ce budget est raisonnable.
Pour en revenir à la conjoncture, vous envisagez, monsieur le ministre, une timide reprise en 2004. L'hypothèse de 1,7 % de croissance du produit intérieur brut reflète bien un certain consensus, celui des économistes qui s'intéressent à la France.
Bien entendu, toute prévision comporte des aléas, et, au-delà du taux de croissance lui-même, nous évoluerons dans un environnement économique qui sera caractérisé par d'autres variables, notamment le prix du baril de pétrole, le taux de change de l'euro et le niveau des taux d'intérêt à long terme, que nous ne saurions déterminer à l'avance.
Toutefois, même si nous ne sommes pas en mesure de connaître le rythme de diffusion de la reprise américaine, nous constatons qu'elle est bien une réalité. Nous savons donc que ce facteur ne pourra pas ne pas avoir une influence substantielle sur les données réelles de l'économie un peu partout dans le monde, et, espérons-le, plus particulièrement en Europe continentale.
A présent, permettez-moi de porter quelques appréciations sur les recettes.
J'estime que les recettes fiscales et non fiscales prévues pour 2004 l'ont été de manière prudente, bien plus que les années précédentes.
Vous anticipez sur le collectif budgétaire en annonçant dès maintenant 10 milliards d'euros de moins-values de recettes sur l'année 2003, dont 7,5 milliards d'euros en ce qui concerne les recettes fiscales. Vous vous fondez sur un coefficient d'élasticité de 0,6, lequel est, mes chers collègues, le lien qui existe entre, d'une part, la croissance et, d'autre part, le rendement des impôts et des cotisations sociales. C'est l'une des principales variables du budget, vous le savez, même si on ne la vote pas formellement. Elle est nettement plus importante que beaucoup de crédits votés au sein de nos assemblées.
Ce coefficient de 0,6 est supérieur à celui de la prévision d'exécution pour 2003, qui est de 0,3, mais il traduit bien l'espérance raisonnable et raisonnée d'une reprise au cours de l'exercice 2004.
Nous pouvons donc considérer que le niveau global des recettes du budget général estimé à près de 228 milliards d'euros est bien apprécié, monsieur le ministre.
En matière de recettes fiscales, si nous tenons compte des variations de périmètre et surtout de la principale d'entre elles, la rebudgétisation du FOREC, qui est une mesure que le Sénat approuve sans réserve et qu'il a appelée de ses voeux pendant de longues années, nous constatons, et les sénateurs qui soutiennent l'action du Gouvernement y sont favorables, des baisses d'impôts et des allégements de charges sociales financés par le budget de l'Etat.
Les réductions d'impôts s'inscrivent dans la dynamique de la baisse de l'impôt sur le revenu, élément central d'une stratégie de confiance visant à revaloriser l'énergie et le travail dans notre société. Elles sont en quelque sorte le symbole tangible de cette politique qui doit absolument se poursuivre, et représentent 1,7 milliard d'euros.
Les allégements supplémentaires de charges sociales seront financés par le budget de l'Etat à hauteur de 1,2 milliard d'euros. Cette mesure témoigne bien de l'impératif d'attractivité du territoire qui commande d'abaisser le coût du travail pour renforcer et préserver l'emploi sur notre territoire.
Ces chiffres me conduisent à appeler votre attention, mes chers collègues, sur un ordre de grandeur : le seul maintien du taux réduit de TVA sur les professions du bâtiment et certaines prestations de services coûtera cette année à l'Etat 3,6 milliards d'euros, pour 1,7 milliard d'euros de coût de la réduction de l'impôt sur le revenu.
C'est pour moi l'occasion de dire, monsieur le ministre, que les baisses ciblées de TVA coûtent très cher et qu'elles doivent assurément être replacées dans le contexte général d'une stratégie fiscale et pluriannuelle que nous appelons de nos voeux, en estimant - - c'est là une orientation et une conviction forte que je partage avec le président de la commission, Jean Arthuis - qu'il serait tout à fait opportun que l'on réfléchisse à une nouvelle architecture des taux de TVA et que l'on n'évite pas le débat sur ce sujet, car l'impôt de consommation demeure l'impôt premier en termes de rendement fiscal et c'est, en outre, celui, mes chers collègues, dont l'assiette ne se délocalisera point.
S'agissant des recettes non fiscales, j'observe avec satisfaction que le Gouvernement a inscrit 500 millions d'euros au titre des ressources qui seront issues du programme de cession du patrimoine immobilier de l'Etat. Je le félicite pour avoir fixé cet objectif que nous pourrons, je l'espère, atteindre rapidement ! Cela suppose que certaines conditions soient réunies, notamment une volonté partagée des différentes administrations et un animateur déterminé, et je pense qu'il est dans les intentions de M. le Premier ministre et de M. le ministre de l'économie et des finances d'aller résolument dans cette direction.
Enfin, je rappellerai que le taux des prélèvements obligatoires s'établira à 43,6 % du produit intérieur brut pour 2004 ; il est donc en baisse, mais essentiellement pour des raisons conjoncturelles, comme vous le savez, mes chers collègues.
J'en arrive au volet dépenses de ce projet de loi de finances.
C'est là, à la vérité, que tout change profondément par rapport à la précédente législature. Celle-ci, qui a eu la chance de bénéficier de la croissance, a mis en place des dépenses pérennes, qu'il faut continuer à assumer : 13 milliards d'euros cette année de coût budgétaire direct lié aux 35 heures ; 10 milliards d'euros de dotations venant compenser la suppression d'impôts locaux pendant la précédente législature, soit 23 milliards d'euros au total, sans parler de tout le reste.
En ce qui concerne ces dépenses pérennes, rigides, votre exercice, monsieur le ministre, est périlleux : vous devez en effet conduire une barque lourdement chargée sur une mer difficile, tumultueuse et incertaine.
La part des dépenses publiques devrait s'établir en 2004 à un taux que je considère comme beaucoup trop élevé par rapport au PIB, soit près de 54 %. Le véritable objectif, monsieur le ministre, c'est de faire décroître le taux des dépenses publiques par rapport à la richesse nationale. Espérons que la croissance nous y aidera.
En matière de maîtrise des dépenses, j'ai pu constater des résultats tout à fait positifs : bonne maîtrise en cours d'année avec des régulations budgétaires, respect des priorités pluriannuelles que j'ai évoquées et économies réalisées dans certains ministères. A la vérité, deux ministères représentent les vrais contributeurs nets de ces économies. Il est donc justifié qu'au nom de la commission des finances je rende hommage à M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer, qui a accepté de jouer le jeu difficile de la réforme et qui contribue ainsi à l'équilibre du budget, et à M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, qui contribue également à dégager des marges de manoeuvre permettant d'honorer les priorités que s'est fixées l'action gouvernementale.
Quant aux effectifs de l'Etat, leur baisse nette est de 4 400 emplois budgétaires civils, mais il faut aussi tenir compte de la remise en ordre à laquelle il a été procédé plus largement dans différentes administrations.
Monsieur le ministre, vous le savez aussi bien, sinon mieux, que la commission des finances du Sénat, la baisse des prélèvements obligatoires, qui est le sens de la politique conduite, ne sera jugée crédible que si des efforts suffisants sont réalisés pour redimensionner l'Etat, moderniser nos modes de gestion publique, généraliser les « bonnes pratiques » telles que les contrats de performance, utiliser le potentiel d'énergie qui existe dans les différents secteurs de l'administration afin de mener à bien les stratégies ministérielles de réforme et de trouver, dans certains cas, des substituts à la dépense publique.
A ce titre, je voudrais citer les partenariats public-privé en rappelant que ce concept novateur et utile doit, bien entendu, être manié avec précaution, ce qui suppose une bonne qualité de l'expertise financière préalable.
Enfin, et ce seront mes dernières remarques factuelles sur le budget, monsieur le ministre, j'en viens au déficit et à son financement.
Nous sommes nombreux, ici, à estimer qu'en valeur absolue et en valeur relative ce déficit est tout à fait excessif. Mais, après avoir analysé les efforts réels qui sont consentis en matière de maîtrise des dépenses, ceux qui sont poursuivis en matière de baisse des prélèvements obligatoires et après avoir observé la conjoncture, il faut bien nous résigner à ce déficit trop élevé. Car, mes chers collègues, et je le dis par avance à ceux qui s'apprêtent à critiquer ce budget, il eût été très facile - d'autres pays l'ont fait - de trouver un meilleur niveau de solde au prix de prélèvements supplémentaires.
Lorsque l'on compare d'ailleurs les soldes budgétaires des différents Etats européens, on se rend compte que certains affichent des soldes plus flatteurs, mais au prix de taux de prélèvements obligatoires en hausse et qui sont beaucoup plus élevés que chez nous.
Le Gouvernement n'a donc pas souhaité ajouter la crise à la crise, et il a raison. Il veut créer dans ce budget les conditions permettant de bénéficier au mieux, demain et après-demain, d'une croissance retrouvée.
En ce qui concerne l'emprunt, monsieur le ministre, notre souci, qui confine à obsession pour certains d'entre nous, c'est qu'une part si considérable des emprunts nouveaux - 20 % - concoure à financer des dépenses de fonctionnement. C'est véritablement le péché économique que nous sommes aujourd'hui contraints de commettre, mais l'on ne saurait se résigner à une telle situation.
Monsieur le ministre, ce projet de budget reflète une vraie cohérence, je le dis très sincèrement. Cette cohérence n'est pas nécessairement apparue comme telle, ou pas suffisamment, au cours de ces derniers mois.
Pour tirer les leçons de cette réalité, la commission des finances préconise que, chaque année, on se donne au mois de mai ou au mois de juin, c'est-à-dire au stade des orientations budgétaires, un vrai rendez-vous qui permette de poser la problématique du budget. Ainsi, seraient évoqués non seulement le contexte général du projet de loi de finances, mais aussi les engagements à prendre, les données essentielles à caractériser en termes de dépenses, de politique fiscale, de solde et de financement du solde. Il faut aller plus loin au stade des orientations budgétaires afin de mieux faire percevoir, avant toute la technique administrative des arbitrages, ce qu'il y a d'essentiel par rapport à ce qui est accessoire.
Je souhaiterais enfin évoquer les finances publiques consolidées, car ce sont celles que scrutent aujourd'hui avec attention nos partenaires européens.
En 2004, nous le savons, le déficit des administrations publiques sera à nouveau supérieur à 3 % du produit intérieur brut. La programmation que nous soumettons à nos partenaires prévoit le retour en deçà de ce seuil dès 2005, et vous avez rappelé, monsieur le ministre, les efforts déjà consentis et qui seront poursuivis pour réduire le déficit structurel, ce déficit qui a si dramatiquement et démesurément enflé pendant la précédente législature.
Monsieur le ministre, permettez-moi de conclure en évoquant le cadre communautaire au sein duquel s'inscrit notre politique budgétaire : le pacte de stabilité et de croissance.
L'Allemagne et la France sont aujourd'hui sous le coup de la procédure dite de « déficit excessif ». Nous ne saurions critiquer la Commission européenne qui assure avec diligence le secrétariat des traités. C'est son rôle, tout son rôle, mais il s'arrête là. Il est manifeste pour nous que les règles que la Commission est chargée d'appliquer méritent réflexion tant elles peuvent apparaître décalées ou inadaptées par rapport à la situation que nous vivons.
Certes, sur le fond, les objectifs du pacte de stabilité ne sauraient en aucun cas être mis en question : il s'agit de coordonner les politiques budgétaires d'Etats qui partagent une même monnaie, de limiter les déficits pour éviter d'accroître l'endettement et, surtout, de dégager les marges de manoeuvre budgétaires qui permettront à des Etats vieillissants de faire face, demain et après-demain, à leurs charges inéluctables.
Mais l'application de ces règles, si l'on devait s'en tenir au texte froid des traités, n'est assurément pas assez flexible et leur respect strict aboutirait précisément à ce que nous ne voulons pas, c'est-à-dire à ajouter la crise à la crise.
Quoi de plus absurde que d'exiger que soient menées des politiques restrictives en période de basse conjoncture ? Quoi de plus absurde que d'imaginer un seul instant des sanctions financières pour des Etats qui sont déjà en déficit excessif ?
Pour mieux comprendre ces sujets et ces problématiques, monsieur le ministre, je me suis rendu, au mois d'octobre, au Royaume-Uni, afin de comparer les règles de gouvernance économiques que ce pays s'est données à lui-même et qu'il suit par la seule volonté politique de son gouvernement sans y être nullement contraint par rapport à celles du pacte de stabilité.
Vous lirez, mes chers collègues, dans mon rapport écrit, les réflexions que cette comparaison peut inspirer. Je tiens à focaliser ma conclusion sur les quelques principes - je m'empresse de préciser qu'à ce stade il s'agit de réflexions personnelles - qui me sembleraient devoir permettre une meilleure lecture de nos règles européennes, voire une réforme de ces règles.
En premier lieu, il ne faut prendre en compte que le solde structurel afin de permettre aux Etats membres de laisser jouer les stabilisateurs automatiques en cas de mauvaise conjoncture.
En deuxième lieu, il importe de préserver l'investissement public en interdisant de recourir à l'emprunt pour financer autre chose que des investissements. C'est ce que l'on appelle, en simplifiant, « la règle d'or », celle qu'appliquent l'ensemble des communes, des départements et des régions de notre pays. Cette règle doit être appliquée non pas isolément sur une année budgétaire mais sur la durée du cycle économique.
Il faut dégager des excédents de fonctionnement en phase haute du cycle qui permettent d'accepter, jusqu'à un certain point, des déficits en phase basse du cycle.
En troisième lieu, il en résulte que la règle du déficit maximal doit être symétrique : il est au moins aussi important de contraindre les Etats à dégager des excédents en phase haute que de sanctionner ceux qui ont des déficits trop élevés en phase basse.
En quatrième lieu, l'analyse de la situation économique des Etats me semble devoir être multicritères, car il faut tenir compte non seulement du déficit mais aussi de l'inflation et de la proportion de la dette par rapport à la richesse nationale.
En cinquième et dernier lieu, j'évoquerai un principe méthodologique qui me semble pouvoir contribuer à la crédibilité du tout : il convient de fonder l'appréciation de ces indicateurs sur une expertise économique indépendante et pluraliste. Pour avoir confiance dans l'application d'indicateurs complexes, on ne peut s'en remettre à des services dépendants d'entités publiques, qu'elles soient européennes ou nationales, et, sur ce point, bien des progrès restent à faire.
Monsieur le ministre, il est indispensable que notre pays s'astreigne à des règles rigoureuses, de bon sens, pour concevoir et programmer son développement économique dans l'harmonie, dans la recherche du progrès et dans le cadre de la convergence européenne qui doit assurer durablement la crédibilité de notre monnaie commune. Bien entendu, tout cela se passe dans des cénacles qui ne sont plus seulement les Parlements. Il s'agit de l'évolution des institutions européennes, mais aussi de la diplomatie économique, qui est un élément vital de la stratégie d'un pays.
Je voudrais en conclusion, mes chers collègues, émettre un voeu à l'occasion de la présentation de ce budget et à la lumière de ces réflexions. Notre pays a retrouvé, grâce au Président de la République (Exclamations sur les travées du groupe socialiste. - Applaudissements sur les travées de l'UMP) que vous citez vous aussi souvent, mes chers collègues, une voix respectée partout dans le monde.
M. Jean Chérioux. Tout de même !
M. Jean-Claude Gaudin. C'est vrai !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Notre pays a retrouvé la juste exigence de son indépendance stratégique, en cohérence avec son engagement européen. (Mme Nicole Borvo s'exclame.)
M. Jacques Oudin. C'est très bien dit !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il est utile, nécessaire et vital que, sur les plans économique, financier et budgétaire, notre pays puisse porter, avec le partenaire allemand et peut-être aussi avec le partenaire britannique, la proposition qui permettra à l'Europe de se doter enfin des règles de gouvernance économique et des règles de crédibilité de la monnaie unique. Tous ces sujets sont en effet essentiels si l'on veut que notre continent, qui s'organise progressivement, pèse dans les affaires du monde de tout le poids qui lui revient. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comment revenir à des finances publiques plus soutenables ? Voilà bien une question qui nous obsède et que nous partageons avec vous, monsieur le ministre. Panne de croissance, pacte de stabilité, engagement de baisse d'impôt : de lourdes contraintes difficilement conciliables ont marqué la préparation du projet de loi de finances pour 2004.
Il y a quelques semaines, dans une formule facétieuse dont il a le secret, Alain Lambert déclarait, dans une interview accordée à un grand quotidien du soir, que « le budget est à la politique ce que le solfège est à la musique » !
Je tenais donc à saluer tout particulièrement la qualité pédagogique de la présentation faite par le rapporteur général, qui, avec sa maestria habituelle, vient de nous aider à déchiffrer la partition budgétaire pour 2004. Il vous a même suggéré, monsieur le ministre, quelques principes fondamentaux pour l'avenir.
Ce « budget des temps difficiles », comme il vient de le qualifier, est en effet marqué par plus de transparence. Je m'en félicite, car cela prouve que l'esprit de la loi organique relative aux lois de finances est bien présent.
Deux exemples permettent de constater que cette transparence et la sincérité budgétaire qui en est la conséquence sont désormais à l'oeuvre.
Le précédent gouvernement prétendait maîtriser la croissance quand elle était forte - 4,2 % en 2000...
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. ... mais en avait étrangement « perdu les clefs » quand elle a commencé à diminuer - 2,1 % en 2001, 1,3 % en 2002.
M. Jean-Claude Gaudin. Eh oui !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. A l'inverse, le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin a fait le choix de la transparence : la croissance de 1,7 % en volume prévue pour 2003 correspond en effet très exactement à la moyenne des prévisions du consensus des économistes, qu'elle soit issue du secteur public ou du secteur privé.
M. Henri de Raincourt. Voilà !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Oserais-je dire que c'est sans doute un progrès par rapport à la loi de finances pour 2003 ?
De même, second exemple, le Gouvernement a mis fin à l'existence du FOREC, ce « budget de nulle part » qui est désormais intégré au sein du budget de l'Etat. Nous avons ainsi fait opportunément l'économie d'une curieuse « usine à gaz » devenue inutile.
Mais ne nous reposons pas trop vite sur nos lauriers : la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale en début de semaine a bien montré que des tuyauteries complexes subsistaient. A l'évidence, des gains de productivité restent possibles pour rendre nos finances sociales, notamment, moins « inextricables » !
Cette transparence et cet esprit de responsabilité budgétaires n'ont en réalité qu'un objectif : faire entrer de la lumière dans la maison des finances publiques. En effet, si l'on peut s'interroger sur le point de savoir si telle charge doit relever de l'Etat, des branches de la sécurité sociale ou des collectivités territoriales, il est indispensable mes chers collègues, de garder à l'esprit qu'en définitive, derrière toute dépense nouvelle, il n'y a qu'une seule catégorie de payeurs : les Français, au nom desquels nous nous exprimons.
C'est dire s'il convient, plus que jamais, de scruter attentivement chaque dépense, afin d'en contenir l'évolution, ce qui a été fait pour 2004 avec une progression nulle des dépenses de l'Etat en volume.
Cette limitation opportune de la dépense met fin à la politique du précédent gouvernement consistant, si j'ose dire, à réhabiliter la dépense publique, à « laisser filer » les effectifs dans la fonction publique, et cela sans que la qualité du service public s'améliore, bien au contraire ! Aux 13 937 créations nettes d'emplois effectuées en année électorale, en 2002, le Gouvernement oppose 4 414 suppressions nettes d'emplois pour 2004. C'est un premier pas dans la bonne direction, même s'il reste, convenons-en, très en deçà des impératifs dictés par notre situation financière.
Cette nécessité de contenir la dépense, et en premier lieu les rémunérations, qui en constituent le premier poste, n'a rien d'idéologique en soi. Elle est simplement dictée par la réalité des temps budgétaires difficiles que nous vivons. Je n'en donnerai que quelques exemples.
En 2004, les prélèvements obligatoires supportés par les Français représenteront 702,8 milliards d'euros dont 39 %, soit environ 275 milliards d'euros, pour l'Etat. A ces prélèvements d'aujourd'hui, n'oublions pas d'ajouter ceux qui, inévitablement, vont résulter des déficits existants et du stock de dette de l'Etat qui en résulte : les prélèvements de demain.
Le déficit budgétaire, tel qu'il ressort du budget adopté par l'Assemblée nationale, s'élève à un peu plus de 55 milliards d'euros, soit 1 milliard de francs par jour et plus d'un milliard d'euros par semaine. Nous devrons donc, par nos initiatives fiscales, mais aussi par une vigilance accrue sur la dépense, faire reculer le déficit, à l'image de nos collègues députés qui l'ont réduit de 262 millions d'euros, soit 0,5 % du montant initial.
De même, avec une dette publique de 1 000 milliards d'euros prévue à la fin de l'année 2004, dont près de 85 % sera la responsabilité de l'Etat, c'est un montant de 15 000 euros de dette que nous « léguons » à leur naissance à nos enfants et à nos petits-enfants et qu'il leur faudra rembourser. Ce montant de 15 000 euros, cruelle ironie des chiffres, c'est justement celui du plafond de dépôt du livret A, livret A dont nous avions coutume de doter les nouveau-nés.
Ayons toujours présent à l'esprit ces chiffres pour nous éloigner de la tentation consistant à penser qu'un bon budget serait un budget qui augmente. En effet, vous le savez bien, c'est faux. De nombreux ministères nous en ont donné l'exemple concret, j'y reviendrai. Mais cela a surtout pour effet de « charger la barque » de ceux qui vont nous suivre, notamment lorsque ces dépenses servent à solder le fonctionnement courant et non à investir pour l'avenir. Je tiens donc à saluer l'effort réalisé dans ce budget, grâce à la baisse des effectifs, qui permet de rétablir les dépenses qui préparent l'avenir. Mais ne nous y trompons pas, il reste encore beaucoup à faire pour cesser de financer le fonctionnement par recours à l'emprunt.
En 2004, l'effort d'investissement sera ainsi soutenu avec des crédits de paiement en progression à périmètre constant de 4,1 % tandis que les secteurs régaliens - justice, sécurité et défense - seront préservés.
Ce travail d'échenillage « au premier euro de la dépense », cette meilleure gestion de la dépense de l'Etat constituent bien la condition nécessaire à un assainissement durable de nos finances publiques. Pour cela, nous disposons d'outils, d'appuis solides. J'en citerai deux plus particulièrement : le pacte de stabilité et de croissance et la loi organique relative aux lois de finances.
Le pacte de stabilité et de croissance est ce que j'appelle le « règlement de copropriété de l'euro ». L'euro nous offre deux bien inestimables : la stabilité monétaire et des taux d'intérêt bas, grâce auxquels, notamment, l'économie européenne pourra repartir en 2004. Mais nous devons mériter l'euro, et la principale vertu du pacte est d'obliger les Etats membres de l'Union européenne à pratiquer une politique de finances publiques saine dans la durée et à rompre avec cette illusion qu'un déficit de 3 % du produit intérieur brut constituerait en quelque sorte la norme.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Exactement.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Non, la norme, mes chers collègues, est bien d'avoir des budgets proches de l'équilibre, voire en excédent lorsque la croissance est au rendez-vous, ce dont nous sommes malheureusement encore bien loin, même si le Gouvernement s'est résolument engagé dans la voie du redressement. Et M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie vient de jalonner dans le temps ce parcours exigeant.
Ce pacte est aussi un instrument transitoire, dans l'attente d'un gouvernement de l'Union européenne et d'une politique budgétaire européenne que nous appelons de nos voeux. Il nous faudra ainsi oeuvrer pour que l'euro ne reste pas « orphelin » de son tuteur, orphelin d'un gouvernement économique de l'Europe.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Pour stimuler la croissance et créer des emplois, le réglage de la politique économique appelle la mise en synergie, à l'échelon européen, des politiques budgétaire et monétaire.
Le second outil sur lequel nous pouvons plus que jamais nous appuyer est la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances. Elle porte en elle de nombreux changements dont le principal est, à mon avis, qu'elle nous contraint à une « révolution gestionnaire ».
Cette révolution consiste en réalité à mettre en place une gestion orientée vers les résultats. Les ministères vont se focaliser sur leurs objectifs et faire en sorte d'y parvenir, en économisant leurs moyens autant qu'ils le peuvent, comme toute entreprise, tout ménage ou toute famille qui gère ses biens. Cette révolution bénéficie, pour cela, de la mise en place d'une comptabilité d'exercice et d'une comptabilité analytique qui nous permettront de connaître le véritable patrimoine de l'Etat, mais aussi de chiffrer de façon précise le coût des services fournis à nos concitoyens.
Toutes les réformes seront possibles quand nous connaîtrons les comptes, quand nous saurons, enfin, combien cela coûte ! Aujourd'hui, en effet, ces réformes nous apparaissent encore difficiles, car elles semblent toujours arbitraires aux services et aux fonctionnaires qui les animent, faute d'un état des lieux clair.
La perspective est donc enthousiasmante, quoique parsemée de difficultés, mais elle se rapproche à grandes enjambées. Dès l'année prochaine, à titre expérimental et dans deux ans seulement de façon définitive, nos discussions s'articuleront autour de missions et de programmes qui résulteront d'une nouvelle approche de la prise de décisions publiques.
Notre commission y a longuement réfléchi et je sais qu'elle peut compter sur les cinq autres commissions pour enrichir substantiellement sa réflexion. Ainsi, nos traditionnelles auditions prébudgétaires, largement ouvertes à nos collègues rapporteurs pour avis concernés, ont cherché à échapper à la trop traditionnelle « trilogie budgétaire ». Les ministres y ont contribué, car ils ont tenu à nous épargner la litanie des chiffres, la liturgie consistant à énoncer des promesses invérifiables et la léthargie issue de monologues n'appelant que des réponses polies ou de circonstance. Après avoir été « bombardés » de questions courtes et précises, ces ministres ont su nous faire partager leur enthousiasme à réformer la sphère publique, à penser à d'autres pistes de réflexion pour que l'action publique mobilise mieux ceux qui ont l'honneur de servir l'Etat, je veux citer les fonctionnaires.
La moisson est prometteuse et tous les ministres que nous avons entendus, et je tiens à les en remercier, ont souhaité prendre devant la commission des finances, et donc devant le Sénat de la République, des engagements concrets de réforme, aisément compréhensibles par nos concitoyens. Je cite pour mémoire la diminution de 100 000 offres d'emploi à offre constante, d'ici à la fin de l'année 2004. Voilà un engagement qui devrait mettre un terme au scandale que constituent les trois cent mille offres d'emplois non satisfaites.
M. Serge Franchis. Tout à fait !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Je veux également citer l'engagement de Mme la ministre de la défense de budgétiser, en loi de finances initiale, le coût des opérations extérieures, les OPEX. Je veux encore citer l'engagement pris par le ministre de l'éducation nationale de réduire le nombre d'enseignants en sureffectif dans leur discipline. C'est bien le signe, mes chers collègues, que la réforme de l'Etat peut se réaliser et qu'il n'existe pas, bien au contraire, de fatalisme dans ce domaine.
Le Sénat a donc tenu l'engagement qu'il s'était fixé l'année dernière : « Que faisons-nous de l'argent des Français ? » Il est ainsi en phase avec sa mission réformatrice.
Il contribue à faire vivre la réforme de l'Etat, dont le Président de la République avait rappelé l'urgence, en octobre dernier, lors de la présentation du projet de loi relatif aux responsabilités locales. Il indiquait en effet, solennellement, à cette occasion, que nous aurons « l'obligation impérieuse de définir et de chiffrer les mesures de réorganisation de l'Etat qui doivent être prises ». Cette volonté, que nous partageons totalement, nous en avons déjà une traduction avec la mise en oeuvre des stratégies ministérielles de réforme.
Mes chers collègues, au moment de conclure, j'émettrai un voeu et je ferai un constat.
Ce voeu, que je sais partagé par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, est que nous puissions contribuer à plus de lisibilité dans la politique fiscale mise en oeuvre. Nous conviendrons que l'exercice 2004 nous laisse des marges de manoeuvre significatives. Il nous faut pour cela, à l'instar de ce que le rapporteur général a préconisé, réfléchir à l'élaboration d'une loi d'orientation fiscale qui nous permette, pour une période pluriannuelle, de formaliser les orientations fiscales du Gouvernement.
Nous devons aussi nous garder de la tentation de favoriser la prolifération de dépenses fiscales « nichées » dans des textes sectoriels, hors du cadre d'ensemble de la discussion budgétaire. A cet égard, monsieur le ministre, si vous pouviez veiller à ce que les lois qui viennent en discussion pendant l'année ne soient pas ponctuées de dispositions fiscales, et que ces dernières figurent uniquement dans les lois de finances, vous nous permettriez de mieux accomplir notre mission.
Cette prolifération de 418 mesures dérogatoires nous coûte en effet, d'ores et déjà, 50 milliards d'euros par an. Faute de lisibilité d'ensemble, bon nombre de ces mesures en viennent alors à perdre une grande partie de leur portée incitative. C'est aussi ce qui explique l'extraordinaire complexité de notre fiscalité. Résistons donc, mes chers collègues, à la tentation de multiplier les mesures exceptionnelles, les mesures dérogatoires, toutes ces niches fiscales.
Je ferai également un constat : si le projet de budget pour 2004 est celui des temps difficiles, il doit être celui du courage. Car c'est avec courage que nous devons nous tourner vers nos concitoyens pour leur expliquer toujours davantage la réforme, sa portée, son utilité.
Nous devons parier sur l'intelligence des Français. C'est dire l'urgence qui s'attache à décrire sans fard l'état des lieux et les enjeux et à dessiner notre nouvel horizon. La globalisation de l'économie met en péril nos institutions si nous restons inertes et ajournons des réformes vitales.
C'est à ce prix que la France retrouvera sa compétitivité et son attractivité, qu'elle inspirera la confiance en son sein, en Europe et dans le monde. C'est dans ces conditions qu'elle retrouvera sa place au premier rang des grands pays, qu'elle sera entendue et reconnue.
Mes chers collègues, il convient plus que jamais de donner à notre pays les moyens budgétaires de son ambition politique et géostratégique. Ainsi, moyennant quelques judicieux amendements qui, en définitive, réduiront le solde déficitaire, dissiperont sans doute certaines ambiguïtés et apaiseront d'inutiles crispations, la commission des finances vous invite à soutenir résolument le Gouvernement en approuvant le projet de loi de finances qu'il a conçu. Dès lors, nous pourrons faire de 2004 l'année fondatrice de la reconquête de notre autonomie budgétaire, au service de nos concitoyens et de l'avenir de notre pays. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe Union pour un mouvement populaire, 108 minutes ;
Groupe socialiste, 59 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 26 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 24 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 20 minutes ;
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe, 8 minutes.
Je vous rappelle que, en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Michel Mercier.
M. Michel Mercier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la discussion du projet de loi de finances pour 2004 devant le Sénat intervient au moment où apparaissent des signes de plus en plus nombreux annonçant le retour de la croissance. Nous savons tous que la croissance ne se décrète pas. C'est pourquoi l'objet principal, sinon unique, du projet de budget dont nous allons entamer la discussion doit être, nous semble-t-il, d'accueillir cette croissance et de la faire fructifier.
Pour accueillir la croissance et la faire fructifier, la politique qui doit être menée, donc le budget qui la sous-tend, doit susciter la confiance de nos concitoyens en étant fondée sur la vérité et la justice. Telle est la caractéristique que le groupe de l'Union centriste souhaite voir attachée à la loi de finances pour 2004 et le projet qui nous est soumis contient, de ce point de vue, de bonnes mesures destinées à soutenir l'emploi et la croissance.
Je ne me livrerai pas à une longue énumération. Je dirai simplement, monsieur le ministre, que nous apprécions la maîtrise des dépenses et le fait que la priorité soit donnée aux dépenses civiles en capital, qui connaissent une forte croissance, plutôt qu'aux dépenses ordinaires. Il s'agit là du retour de l'investissement et nous ne pouvons que souligner l'innovation que constituent ces mesures.
L'effort consistant à maîtriser les dépenses de fonctionnement, en engageant une politique de diminution des effectifs de la fonction publique, doit aussi être souligné.
Le projet de loi de finances qui nous est soumis contient également des dispositions qui peuvent paraître simples, mais qui sont importantes pour nourrir la confiance. Le Gouvernement a pris des engagements dans un certain nombre de domaines et le Parlement l'a soutenu. Ces engagements sont tenus, que ce soit en faveur du ministère de l'intérieur, avec les crédits alloués à la sécurité, ou en direction de la défense nationale, de la justice ou de la santé, avec le « plan cancer ». Au nom du groupe de l'Union centriste, je souhaite souligner et saluer cet effort de sincérité budgétaire.
Cependant, le texte qui nous est soumis pose trois problèmes, monsieur le ministre : la baisse de l'impôt financée par la dette, l'augmentation de la taxe sur le gazole et la suppression de l'allocation spécifique de solidarité.
La dette, nous le croyons profondément, mes chers collègues, est l'ennemi de la croissance. Ici même, le 22 novembre 2001, Alain Lambert déclarait : « (...) si la mauvaise conjoncture est toujours à l'origine des déficits, le creusement des déficits n'est en revanche jamais à l'origine de la bonne conjoncture ! »
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C'est vrai !
M. Michel Mercier. C'est une règle d'évidence et qui doit toujours nous guider. Les prélèvements doivent baisser.
Notre famille politique préfère agir sur les charges plutôt que sur les impôts, parce qu'elle croit que la baisse des charges est plus créatrice d'emplois. Mais nous comprenons aussi que l'attractivité de notre pays, autre moteur du développement économique, puisse passer par une baisse de l'impôt sur le revenu. Cependant, pour nous, l'impôt doit être diminué non pas de façon artificielle, par une augmentation de la dette, mais par une diminution de la dépense. Toujours Alain Lambert, le même jour, nous disait ceci : « (...) pour réduire sérieusement les impôts, il faut avoir le courage de s'attaquer aux dépenses. »
Dire la vérité aux Français, c'est choisir entre les attentes présentes et pressantes de nos concitoyens et nos devoirs à l'endroit des générations futures. Seule cette attitude peut susciter une confiance durable, ce dont le Gouvernement a besoin.
Nous ne pouvons pas, en l'état, approuver la baisse des impôts financée par la dette, car la baisse d'aujourd'hui est la hausse de demain.
S'agissant de l'annonce de l'augmentation de la taxe sur le gazole domestique, elle a constitué un signe politique désastreux et elle a ruiné la confiance. C'est d'ailleurs ce qu'affirmait Pierre Méhaignerie, le 18 novembre dernier, dans le journal La Tribune : « Ne pas brouiller le message en annonçant en même temps une baisse de l'impôt sur le revenu et une hausse de la fiscalité sur le gazole. Les Français ont eu l'impression qu'on leur donnait d'une main pour reprendre de l'autre. »
Nous ne sommes pas favorables à cette augmentation de la taxe sur le gazole, essentiellement pour deux raisons.
Tout d'abord, ceux qui seront touchés par cette augmentation, ce sont les commerçants, les artisans, les agriculteurs, les ouvriers et employés qui habitent loin de leur lieu de travail en banlieue ou en milieu rural. Parce qu'ils ont des revenus modestes, ils ont choisi d'acheter un petit véhicule mû par un moteur à gazole. C'est à eux que l'on reprendra ce que l'on a donné à d'autres. Je sais bien que quelques gros véhicules sont également équipés d'un moteur à gazole, mais les petits sont plus nombreux que les gros, et c'est à eux qu'il faut penser.
A cet égard, monsieur le ministre, je voudrais formuler une autre critique. Le Gouvernement nous a demandé, pendant plusieurs semaines, de délibérer à marche forcée sur la décentralisation. Nous l'avons fait ! Vous nous avez annoncé que, pour l'essentiel, le financement de la décentralisation serait opéré par un transfert de la taxe intérieure sur les produits pétroliers au profit des régions.
M. Henri de Raincourt. Et des départements !
M. Michel Mercier. Oui, mais en fin de compte les départements s'en tireront bien, car on leur a refusé le droit d'augmenter le taux.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Apparent paradoxe !
M. Michel Mercier. Il ne faut jamais hésiter à changer de position quand la réalité vous donne raison, monsieur le rapporteur général !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Absolument !
M. Michel Mercier. Et je crois qu'en ce moment c'est le cas.
Choisir la TIPP comme financement de la décentralisation, distinguer les compétences de l'Etat de celles des collectivités locales, rendre responsables ces dernières, confier aux régions le droit d'augmenter la TIPP, c'est bien. Mais si, dans le même temps, l'Etat décide lui-même d'augmenter la TIPP, nos concitoyens ne sauront jamais qui, de l'Etat ou des collectivités locales, a procédé à cette hausse. Il s'agit là, au tout début de l'acte II de la décentralisation, d'une erreur de casting, me semble-t-il.
On ne peut pas augmenter un impôt qui sera transféré aux régions dans quelques mois. Ce serait un mauvais signe pour la décentralisation.
En outre, l'utilisation du gazole protège davantage l'environnement que l'emploi de l'essence, car on en consomme moins.
Toujours selon Pierre Méhaignerie, la condition de l'efficacité des réformes, c'est l'accompagnement populaire. Les citoyens ne peuvent avoir confiance que s'ils ont le sentiment que ce qui leur est demandé est juste : la clé de toute réforme, c'est la justice.
La réforme de l'allocation de solidarité spécifique, l'ASS, n'est pas perçue comme juste, parce que les efforts ne sont pas équitablement répartis entre tous.
Nous sommes d'accord pour dire que l'on ne peut pas indéfiniment bénéficier de l'ASS ; elle n'est d'ailleurs accordée que pour des périodes renouvelables de six mois. Mais nous ne pouvons pas accepter que la perspective ouverte aux titulaires de l'ASS soit l'accès au revenu minimum d'insertion, le RMI, et ce pour une raison simple : seuls ceux qui ont travaillé ont droit à l'ASS ; le RMI est avant tout une allocation de type social.
Le souci de la remotivation est légitime. Le RMI, comme perspective, ne peut pas être une remotivation. Il faut accrocher le revenu minimum d'activité, le RMA, à l'ASS, comme il l'est au RMI, de sorte que la perspective offerte à tous ceux qui n'ont pas d'emploi aujourd'hui, ce soit un travail. La suppression pure et simple de l'ASS n'est pas une bonne mesure, monsieur le ministre.
Notre groupe soutiendra trois amendements principaux : suppression de la taxe sur le gazole, réduction à 1,7 % de l'impôt sur le revenu, afin de ne pas aggraver le déficit - je suis sûr que vous êtes d'accord avec moi, monsieur le rapporteur général - et une mesure concernant l'ASS, pour ne pas exclure de notre société plusieurs dizaines de milliers de citoyens.
Je souhaite, monsieur le ministre, que vous acceptiez une partie des amendements présentés par le groupe de l'Union centriste, amendements qui, se fondant sur la vérité et la justice, ont pour seul objet de créer les conditions de la confiance dont notre pays a grand besoin pour accueillir une croissance retrouvée. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Henri de Raincourt.
M. Henri de Raincourt. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les années de croissance de la période 1997-2001 se sont abîmées dans la facilité, les dépenses de fonctionnement et la dégradation des finances publiques. Nous n'avons pas oublié les dégâts causés par la réduction du temps de travail. Cette mesure nous a coûté 13 milliards d'euros, comme nous le rappelait M. le rapporteur général, et si l'on rapporte cette somme au montant du déficit - 55 milliards d'euros - on voit bien l'étendue de la catastrophe.
Déjà, en 1993, nous étions arrivés au pouvoir en période de croissance négative. Neuf ans après, nous revenons en retrouvant une France confrontée à la dégradation de la conjoncture.
L'année 2003 a commencé dans la crise diplomatique, s'est poursuivie dans la morosité économique et s'achève dans l'incertitude, même si les prémices de la reprise se manifestent.
Est-ce une raison pour faire preuve de prudence ? Oui !
Est-ce une raison pour moduler le rythme de certaines réformes stucturelles ? Oui !
Mais est-ce une raison pour renoncer à ces réformes ? Certainement pas !
Nous n'oublions pas le 21 avril 2002 : nous avons vu où conduisaient l'inaction politique et la démobilisation populaire ; nous avons mesuré les conséquences des divisions, à gauche comme à droite.
Les Français ont exprimé, en mai et en juin, une volonté d'union et de changement : à nous de la mettre en oeuvre.
Personne n'a dit que ce serait facile.
Réformer, agir, c'est bousculer des habitudes, c'est prendre le risque de déplaire et de provoquer des réactions.
Dans un contexte économique et budgétaire difficile, c'est aussi devoir procéder à des arbitrages parfois douloureux, pour compenser la faiblesse des recettes fiscales, financer les priorités nationales et respecter nos engagements européens.
Il est facile de multiplier les annonces sans les financer. Il est aussi facile de soutenir uniquement les mesures populaires et de rejeter celles qui le sont moins, en faisant fi de l'intérêt général.
Soyons clairs : le Sénat a toujours fait preuve d'indépendance. Il n'hésite pas à aborder les sujets les plus sensibles. C'est sa force et sa grandeur. C'est aussi celles de sa commission des finances qui, une fois encore, a accompli cette année un travail d'intérêt général admirable, dont je veux remercier son président, son rapporteur général et tous ses membres.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Merci, mon cher collègue !
M. Henri de Raincourt. Alors débattons, argumentons, proposons, mais, mes chers collègues, ne nous trompons pas d'adversaire.
Notre adversaire, c'est le conservatisme.
Nos adversaires, ce sont ceux qui crient d'autant plus fort qu'ils n'ont rien à proposer. Ce sont ceux, aussi, qui, sous couvert de changer la société, veulent en réalité la détruire.
Notre adversaire, c'est cette idée absurde que nous pourrions travailler moins en gagnant autant. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.) C'est cette démission des pouvoirs publics que nous avons subie dans certains domaines, comme celui de la sécurité. C'est cette « culture de la dépense » qui handicape tant notre pays.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Eh oui !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !
M. Henri de Raincourt. La politique que nous voulons, que nous soutenons, est une politique de rupture pour le seul progrès de notre pays.
Trois points essentiels illustrent cette rupture dans le projet de loi de finances pour 2004.
Le premier est la revalorisation de la valeur travail, grâce à la poursuite de la diminution de l'impôt sur le revenu et à la revalorisation de la prime pour l'emploi.
Avec le contrat initiative-emploi, le revenu minimum d'activité et l'augmentation sans précédent du SMIC, ces mesures visent à rendre aux Français la part du fruit de leur travail qui leur a été injustement prélevée au cours des dernières années. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Comme l'a si bien dit M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre, « il faut réhabiliter le travail (...) plutôt que l'impôt ».
M. Xavier de Villepin. Très bien !
M. Henri de Raincourt. Pour lutter contre le chômage, il faut encourager le travail et tous ceux qui prennent le risque d'entreprendre et qui créent des emplois.
La baisse des impôts et des charges a commencé à porter ses fruits. Si le chômage continue - hélas ! - de progresser, les statistiques montrent que le secteur concurrentiel ne détruit plus d'emplois depuis le début de l'automne. Il recommence au contraire à en créer : raison de plus pour accentuer notre effort et soutenir ce mouvement.
Le deuxième point essentiel est la stabilisation, en volume, des dépenses de l'Etat. Là encore, il s'agit d'une véritable rupture. Nos mettons un coup d'arrêt à une politique budgétaire dispendieuse ; les priorités gouvernementales en matière de sécurité, de défense, de justice et d'aide au développement seront financées grâce à des redéploiements de crédits ; le nombre d'emplois budgétaires diminuera en 2004 pour la deuxième année consécutive ; les dépenses d'investissement seront enfin privilégiées par rapport aux dépenses de fonctionnement.
La troisième point, et non le moindre pour le Sénat, est le respect des engagements de l'Etat vis-à-vis des collectivités locales.
Les départements se verront attribuer une partie du produit de la taxe intérieure sur les produits pétroliers pour financer la décentralisation du revenu minimum d'insertion.
Le projet de loi de finances prépare également la réforme de l'architecture des concours financiers de l'Etat en regroupant dans la dotation globale de fonctionnement plusieurs dotations auparavant autonomes et quasiment illisibles.
Bien entendu, certaines modalités restent à discuter, et nous ne cherchons pas à les éluder.
Le projet de loi de finances pour 2004 n'est qu'une étape dans le long processus des réformes, mais c'est une étape indispensable.
Monsieur le ministre, le cap est tenu malgré une conjoncture difficile. Nous voulons le souligner et vous en féliciter.
Soyons fiers des réformes qu'ensemble nous avons engagées.
Celle des retraites restera comme un acte majeur de courage et de responsabilité politiques pour assurer la pérennité de notre système de répartition.
De même, la réforme de la décentralisation modifiera en profondeur le fonctionnement de nos institutions et permettra une autre réforme, celle de l'Etat. Ce sera également le cas de l'assurance maladie et de la revalorisation du travail et de l'initiative.
En soutenant ce projet de loi de finances, nous ne soutenons pas uniquement une politique budgétaire ou une politique fiscale. Nous soutenons un authentique projet de société. Nous voulons en effet une société qui soit à la fois plus libre, plus sûre, plus responsable et plus juste, une société dans laquelle les Français puissent vivre en sécurité, prendre des initiatives et voir leur travail récompensé.
M. Thierry Foucaud. Ce n'est pas le cas !
M. Henri de Raincourt. Raison de plus pour nous soutenir !
Tel est le projet de société que nous ont proposé le Président de la République et le Gouvernement. C'est celui dans lequel, de toute évidence, le groupe UMP se reconnaît. Et c'est celui qu'il défendra en soutenant, tout au long de cette discussion, le projet de loi de finances pour 2004, un budget raisonnable mais également porteur de valeurs essentielles pour nous-mêmes et pour les générations futures. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures cinquante, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Christian Poncelet.)