PRÉSIDENCE DE M. Guy Fischer
vice-président
M. le président. La parole est à M. Jean Bizet.
M. Jean Bizet. Monsieur le ministre, mes chers collègues, je me réjouis de l'organisation de ce débat, compte tenu de l'enjeu majeur que représente l'énergie, facteur déterminant en matière de développement, de progrès et de compétitivité économique. Je tiens donc à féliciter le Gouvernement pour cette initiative.
Ce débat va nous conduire à clarifier et préciser nos choix afin, d'une part, de se fixer des perspectives de long terme en ce qui concerne la politique énergétique nationale, et, d'autre part, de conforter la compétitivité des deux grandes entreprises que sont EDF et GDF. Dans un domaine aussi stratégique que celui-ci, nous nous devons à la fois de définir une politique lisible pour nos concitoyens et adaptée au contexte européen et mondial en perpétuelle évolution.
En effet, depuis plus d'un siècle et demi, la croissance résulte de progrès scientifiques fondés sur la maîtrise de nouvelles sources énergétiques qui sont toutes représentatives d'une époque. Que ce soient le charbon, l'électricité, le pétrole ou le nucléaire, chacune de ces énergies a permis de démultiplier la force humaine pour mieux créer, construire, se chauffer, se déplacer, voire communiquer.
Je me permets d'ailleurs, à l'occasion de la récente fermeture de la dernière mine de charbon française, de rendre hommage à l'engagement et au dévouement des différentes générations de mineurs qui ont contribué pendant plusieurs décennies à subvenir à nos besoins énergétiques.
Aujourd'hui, à travers ce débat, nous nous inscrivons dans le prolongement des choix fondamentaux qui ont été pris à la fois en 1946 par le général de Gaulle, lorsqu'il avait créé les deux opérateurs historiques, et en 1973, lors du premier choc pétrolier, à l'époque où notre pays s'était engagé dans le lancement d'un programme nucléaire permettant, à terme, de produire une électricité à un prix compétitif et de limiter les émissions de CO2.
Cette politique, initiée par un Etat fort et s'appuyant au fil des ans sur un véritable consensus de la part des dirigeants successifs, a permis à la France d'assurer son indépendance et sa sécurité énergétiques, de créer un modèle de service public de l'énergie, de bâtir une filière du nucléaire qui s'impose partout dans le monde, et de donner naissance à des entreprises de renom telles que EDF, GDF et Areva.
La politique énergétique de notre pays doit désormais répondre à plusieurs objectifs.
Nous devons d'abord continuer à garantir notre indépendance énergétique alors que la demande va doubler d'ici à 2050 et que la ressource en énergie fossile va se raréfier, d'autant que les besoins en énergie des pays en développement sont immenses. La croissance économique de la Chine et de l'Inde entraînera inéluctablement une augmentation importante de la consommation d'énergie, avec une incidence sur les prix et un accroissement des émissions de gaz à effet de serre.
L'augmentation des cours du pétrole, les tempêtes de 1999 et la canicule de l'été dernier, les pannes d'électricité aux Etats-Unis et en Italie ont mis en évidence la nécessité de garantir la sécurité des approvisionnements en France et en Europe.
Sur le plan intérieur, la demande d'énergie croît en moyenne de 0,7 % par an, sous l'effet des besoins de chauffage des habitations et des bureaux, et de 2,3 %, sous l'effet des besoins en transports. Il nous faut donc faire les choix technologiques permettant de préserver le pouvoir d'achat des ménages et la compétitivité de nos entreprises grâce à une énergie bon marché.
A ces objectifs traditionnels s'en ajoute désormais un autre : assurer un développement durable. Pour cela, il ne faut pas opposer énergie nucléaire et énergies renouvelables. Du point de vue de la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre qui ont des conséquences désastreuses, l'énergie nucléaire et les énergies renouvelables ont précisément la même vertu. Il faut s'attacher à réduire l'utilisation des énergies fossiles, productrices de gaz à effet de serre, et en tout premier lieu de dioxyde de carbone.
C'est pourquoi il nous faut développer notre bouquet énergétique et avoir une politique ambitieuse en matière d'énergies renouvelables, dans le domaine de la production d'électricité certes, mais plus encore dans ceux de la production de chaleur et des transports. Ce sont en effet les secteurs résidentiel, tertiaire et des transports qui émettent le plus de dioxyde de carbone.
L'objectif de satisfaire aux exigences du protocole de Kyoto et de l'Union européenne en produisant, en 2010, 21 % de notre électricité à partir de sources renouvelables est précisément un objectif ambitieux.
Rappelons que, en 1997, à Kyoto, les pays industrialisés se sont engagés à diviser par deux les émissions de gaz à effet de serre avant 2050. Or le protocole de Kyoto, ratifié par la France, nous impose de ramener en 2010 le niveau des émissions de gaz à effet de serre à celui de 1990. Il faut aujourd'hui prendre des décisions, si possible dans un consensus analogue à celui qui fut réalisé par nos prédécesseurs il y a trente ans et plus.
La France peut et doit faire mieux tant l'apport des énergies renouvelables reste insuffisant. Je souscris à la volonté de développer les biocarburants, le biogaz, le bois énergie, l'énergie éolienne ou l'énergie solaire, tout en continuant à utiliser au mieux l'énergie hydraulique. Il reste que celles-ci ne peuvent se substituer totalement, loin s'en faut, aux autres sources d'énergie. En outre, soyons lucide : si, à l'horizon 2010, 21 % de la production d'électricité doit être d'origine renouvelable, n'oublions pas les 79 % restants !
Enfin, nous ne devons pas négliger les économies d'énergie possibles, et une politique de maîtrise de la demande doit par conséquent être relancée et complétée par des incitations fiscales.
II faut donc se rendre à l'évidence : sur le plan tant économique qu'environnemental, la France ne peut faire l'impasse sur l'énergie nucléaire pour s'en remettre aux seules énergies renouvelables, certes indispensables, mais non suffisantes.
La production d'énergie nucléaire est en effet la plus transparente. Chacun l'a dit et répété, elle ne produit aucun gaz à effet de serre, contrairement au charbon et aux hydrocarbures. En effet, lorsque la sécheresse de l'été dernier a fait chuter la production hydroélectrique et qu'il a fallu mobiliser à outrance les centrales thermiques à charbon et à fuel, les émissions de CO2 ont aussitôt augmenté. De même, nos voisins qui, pour beaucoup, ont choisi de sortir du nucléaire, sont confrontés aujourd'hui à une production très déficitaire.
Le nucléaire est donc bien la filière d'avenir. Il ne faut pas craindre de le dire et de l'affirmer tant à cette tribune que dans le pays.
Cependant, selon les estimations, la modernisation du parc est indispensable à l'horizon 2020. Chacun sait effectivement que nos centrales vieillissent et qu'elles devront être remplacées avant qu'une nouvelle génération de réacteurs ne soit au point, puisque les réacteurs de quatrième génération sont encore bien loin du stade industriel et ne pourront vraisemblablement pas apporter de nouvelles solutions avant 2040.
Nous ne pouvons pas prendre le risque de voir notre production d'électricité nucléaire subitement décroître, faute d'un réacteur de remplacement précisément déjà testé. Il nous faut donc conserver notre avance et consolider l'outil industriel. Cela implique de construire le premier EPR dès maintenant, pour qu'il entre en service en 2012 et soit parfaitement efficace dès 2015 afin d'éviter toute rupture d'approvisionnement.
De conception franco-allemande, l'EPR présente des avantages significatifs : il est plus sûr, il consomme moins de matières premières et produit moins de déchets pour une rentabilité bien supérieure aux centrales d'aujourd'hui. La Finlande vient de le choisir pour son cinquième réacteur nucléaire. Les électriciens allemands ont compris que, sans le nucléaire, l'Allemagne ne pourrait respecter ses engagements de réduction d'émission de gaz à effet de serre. Les Etats-Unis portent un intérêt nouveau à la filière, alors qu'ils n'ont pas construit de réacteur depuis 1973, et la Chine commence à le considérer comme une solution de remplacement au charbon. Tout cela plaide en faveur de la construction d'un EPR par la France.
A cet égard, vous ne serez pas surpris, monsieur le ministre, que je reprenne à mon compte le discours de mon collègue Jean-Pierre Godefroy en estimant que le site de Flamanville, dans la Manche - j'en suis désolé, cher collègue de la Haute-Normandie ! -, possède de nombreux atouts pour accueillir l'EPR, et ce pour plusieurs raisons : géographiquement, compte tenu de son implantation en zone côtière ; psychologiquement, en raison de la bonne acceptation par la population des différentes structures existantes ; techniquement, grâce à l'existence de couloirs de lignes ; enfin, politiquement, puisque tous les élus, quelle que soit leur sensibilité politique, se mobilisent ou sont prêts à se mobiliser en faveur de ce projet. Sur ce point, je salue la pertinence de vue et le sens de la prospective de Jean-Pierre Godefroy. Dans ce domaine, et je l'espère, demain, dans beaucoup d'autres, il fait de réels progrès ! (Sourires.)
Préparer l'avenir de la filière nucléaire, c'est aussi se préoccuper de la question des déchets nucléaires et maintenir un haut niveau de sûreté, de transparence et d'information du public. Je suis heureux que le Sénat soit saisi prochainement du projet de loi sur l'information et la transparence nucléaires, car ce texte constitue un maillon essentiel en ce qu'il renforcera notre crédit auprès de nos compatriotes.
Il nous faut par ailleurs augmenter nos moyens en matière de recherche. Là encore, n'opposons pas le nucléaire et les énergies renouvelables. Nous devons poursuivre nos efforts dans le domaine nucléaire en travaillant non seulement sur les réacteurs de nouvelle génération, sur les produits de fission, sur les conditions de stockage, mais aussi sur la découverte de carburants propres, de nouvelles sources d'énergie et sur le lancement d'une véritable filière des énergies renouvelables. Les transferts de technologie vont devenir un enjeu important, car cette industrie commence à émerger dans de nombreux pays, et la France doit être présente dans ce secteur. Cela implique des moyens publics, en recherche fondamentale comme en recherche appliquée.
Cela suppose également de coordonner plus efficacement l'action de l'Etat en la matière, en veillant notamment à favoriser une meilleure synergie entre tous les organismes, que ce soit le CEA, le CNRS, l'ANDRA, mais cela suppose aussi d'inciter les acteurs privés à s'impliquer fortement. Nous devons impérativement nous inspirer, comme je l'ai déjà rappelé dans mes propos, de la ligne directrice forte initiée par le général de Gaulle et le président Pompidou il y a quelques décennies, et demeurer vigilants pour ne pas privilégier l'accessoire au détriment du principal, à savoir ne pas encourager le développement des énergies renouvelables par rapport au nucléaire dans le simple but de favoriser une acceptation sociétale. Je le répète une fois encore, loin de s'opposer , ces deux formes d'énergies sont complémentaires.
Enfin, j'en viens à la réforme des statuts d'EDF et GDF. Celle-ci ne peut raisonnablement être envisagée qu'une fois définie notre politique énergétique. Il s'agira, à l'heure où le marché européen s'ouvre à la concurrence, de rendre ces entreprises plus fortes, de permettre au modèle social créé en 1946 de survivre, de se renforcer et d'être exporté ailleurs en Europe, enfin, de réorganiser et de refonder le service public à la française. Pour tout cela, il faut du dialogue social, certes, mais il faut aussi et surtout une volonté politique forte de moderniser nos opérateurs.
Par conséquent, je me réjouis qu'il soit prévu d'examiner dès le mois de juillet le projet de loi sur le statut des industries électriques et gazières, destiné à lever tous les obstacles sur la route de leur modernisation.
Conscient de l'enjeu que représente pour notre pays la réussite de ces réformes, je vous assure, monsieur le ministre, de mon soutien pour vous accompagner dans ces chantiers difficiles, mais si importants pour la vie quotidienne de chaque Français comme pour l'avenir industriel de notre pays. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
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Souhaits de bienvenue à une délégation du qatar
M. le président. Mes chers collègues, je tiens à saluer la présence dans notre tribune d'une délégation du Qatar composée de personnalités et d'élus membres du Qatari French Business Club, venus participer au colloque sur les Pays du Golfe organisé au Sénat jeudi prochain. (M. le ministre délégué, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et applaudissent.)
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ENERGIE
Suite d'un débat sur une déclaration du Gouvernement
M. le président. Nous reprenons le débat sur l'énergie, consécutif à une déclaration du Gouvernement.
Dans la suite du débat, la parole est à M. Jacques Blanc.
M. Jacques Blanc. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les représentants de la délégation du Qatar peuvent constater que les hommes politiques français préparent l'avenir ! (Sourires.)
A une époque où il est de bon ton d'expliquer qu'il faut faire face aux problèmes du quotidien, je tiens à féliciter le Gouvernement, vous-même et M. le ministre d'Etat, de nous permettre d'engager une réflexion qui débouchera sur des décisions.
Aux dires de certains de nos collègues, ce ne serait pas pas le moment de décider, on peut attendre. Eh bien non, et vous le démontrez, monsieur le ministre. La France ne peut pas s'enfermer dans l'illusion. Elle doit au contraire s'engager résolument, comme l'ont fait le général de Gaulle, puis Georges Pompidou en 1973. J'étais alors jeune député et j'avais été impressionné par cette capacité de décider.
M. Jacques Blanc. Je vous remercie, monsieur le ministre. Je suis en tout cas maintenant un jeune sénateur. (Sourires.)
Vous démontrez, et il faudrait que l'opinion publique y soit plus sensible, que le Gouvernement s'attaque aux vrais dossiers.
Il s'agit en effet d'un vrai dossier, que vous abordez avec courage et intelligence. Pendant trop longtemps, en effet, l'intoxication de certains pseudo-intellectuels a entretenu un mythe autour du nucléaire.
Certes, l'énergie nucléaire pose, chacun le sait, un réel problème : celui de la gestion des déchets et de leur durée de vie. Dans ce domaine, et cela n'a peut-être pas été assez rappelé, la France est à la pointe. N'oublions pas l'usine de La Hague ou le laboratoire de recherche nucléaire de Marcoule. La France est sans doute le pays dans lequel le problème des déchets a été le plus étudié. Il en résulte des interrogations. Je pense au laboratoire souterrain, qui a été évoqué tout à l'heure.
Toutefois, le mérite de l'évolution est de diminuer la quantité des déchets et peut-être, demain, de réduire leur durée de vie. Dans cette optique, le choix de l'EPR doit rassurer. Ces nouveaux réacteurs produiront des déchets en moins grande quantité et d'une durée de vie moins longue.
La recherche peut aboutir demain ou dans plusieurs années. Il fallait donc choisir l'EPR aujourd'hui, sans pour autant fermer la porte à des techniques nouvelles qui devraient déboucher sur des procédés de fusion et sur des réacteurs sans déchets.
Je félicite le Gouvernement pour la bataille qu'il a engagée et que, je l'espère, il va gagner, s'agissant de l'installation d'ITER à Cadarache, avec le rayonnement qui en résulterait. L'ancien président de la région Languedoc-Roussillon que je suis ne saurait oublier que le fonctionnement du site de Marcoule nous conduit à faire un double constat.
D'abord, on a su y développer une compétence reconnue en matière de démantèlement ; je pense notamment à l'EP1. Nous souhaitons donc que l'école nationale de démantèlement soit installée à Marcoule.
Ensuite, l'utilisation de combustibles nouveaux, du type melox, limite la production de déchets puisqu'elle permet le recyclage du plutonium.
Le développement d'une haute technologie et la poursuite de la recherche dans le domaine de la chimie nucléaire constituent un pôle essentiel que je souhaite voir prospérer à Marcoule.
Si nous affirmons l'exigence de choix effectués dans la transparence pour sortir des mythes, parallèlement, le Gouvernement se mobilise pour promouvoir les énergies renouvelables.
J'ai la chance d'être originaire d'une région qui a vu la construction du premier four solaire - à Odeillo, des recherches sont conduites dans le domaine de l'énergie solaire - , une région dans laquelle a été mise en place une politique d'aide à l'installation de systèmes de chauffage utilisant l'énergie du soleil, politique qui je l'espère sera poursuivie. J'ai récemment inauguré le mille cinq centième chauffe-eau solaire installé dans une maison particulière.
Dans le même temps, nous assistons au développement de la technique photovoltaïque et de nouvelles éoliennes à pales horizontales, beaucoup moins traumatisantes sur le plan environnemental. Ce procédé pourrait, depuis Perpignan, répondre à certaines attentes.
Autant je n'approuve pas les propos de notre collègue de l'Aude sur bien des dossiers autant, en matière d'éolien off shore, je suis en parfait accord avec lui.
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Jacques Blanc. C'est d'ailleurs dans notre région que l'on a expérimenté, avec un fort soutien du conseil régional, l'installation de fermes éoliennes. Aujourd'hui, il faut faire preuve de maîtrise. Nous devons élaborer des schémas régionaux rassurants. L'off shore peut être un secteur très intéressant.
On oublie souvent la géothermie et la biomasse. Je m'arrêterai un instant sur les biocarburants. Dans son intervention, M. Détraigne, qui a parfaitement posé le problème, s'est limité à l'éthanol. Je souhaite pour ma part évoquer les bioesters.
Il existe des possibilités importantes d'introduction, à pourcentage divers, de diester dans les carburants, notamment pour le fonctionnement des moteurs diesel. Ce procédé permettrait d'abaisser le taux de soufre fluidifié présent dans les carburants et ainsi de réduire les émissions de CO2 Personne ne conteste l'intérêt du diester.
Monsieur le ministre, la France doit respecter son engagement d'introduire l'utilisation de 2 % de biocarburant d'ici à 2006 et de 5,75 % en 2010.
Par ailleurs, les contingents défiscalisés sont passés de 38 % à 33 %, soit moins qu'en l'Allemagne. En outre, la France n'a pas encore engagé tous les contingents qu'elle pourrait ou qu'elle aurait dû engager. Le plan climat aurait dû être rendu public au mois de décembre.
Je souhaite, monsieur le ministre, que, conformément aux voeux de M. le Premier ministre, un contingent de 80 000 tonnes supplémentaires soit accordé à Sofiproteol. Cette société, au travers de sa filière, Proléa, et de ses pôles, souhaite installer à Sète, sur une unité de trituration, un pôle de production de diester ayant vocation à devenir le premier pôle méditerranéen. Le canal de Sète au Rhône assurerait la liaison vers les raffineries. Ainsi, des productions de protéines végétales pour l'alimentation du bétail pourraient, via le canal, remonter jusqu'à Lyon et la Bourgogne.
Monsieur le ministre, je souhaite que le Gouvernement confirme son intérêt pour les biocarburants, qu'il accorde le plus rapidement possible ce contingent de 80 000 tonnes à Sofiproteol.
Des études très sérieuses, notamment celle qui a été réalisée par la société Pricewaterhouse Coopers, démontrent que la défiscalisation, en fait, ne coûte rien. Ces études se fondent sur une analyse où la valeur économie est affectée à la tonne de CO2, avec la prise en compte des emplois agricoles. Ma région, qui a été la victime d'une politique d'arrachage, compte 120 000 hectares de friches. On pourrait y développer des cultures de colza, en alternance avec le blé dur et avec le soja, d'autant que la Compagnie du Bas-Rhône nous fournirait l'eau dont nous aurions besoin. Nous aurions la possibilité de conduire une politique cohérente, de retrouver un potentiel de production, de promouvoir la création d'emplois agricoles.
Les économies ainsi réalisées, entre autres grâce à la limitation de l'effet de serre, vous permettraient, monsieur le ministre, de récupérer entre 80 % et 105 % du coût de la défiscalisation. Une telle opération serait positive, sur le plan tant économique que budgétaire. Elle aiderait la France à respecter les engagements qu'elle a pris à Kyoto et à montrer qu'elle est en pointe dans ce domaine.
M. Jacques Blanc. Le pourcentage oscille entre 80 % et 105 %. Cela dépend des saisons. (M. le ministre délégué sourit.) Eh oui, cela dépend des emplois. Ne vous moquez pas, monsieur le ministre. Ce serait cohérent avec le développement de notre agriculture, qui a une vocation naturelle, désormais reconnue, en matière d'énergies nouvelles.
Donc, oui au nucléaire sans complexe, mais pas au tout nucléaire. N'oublions pas les énergies renouvelables, notamment l'hydraulique. C'est la raison pour laquelle nous avons déposé, s'agissant des dispositions relatives à la montagne dans le projet de loi relatif aux territoires ruraux, des amendements de nature à favoriser un développement maîtrisé de l'hydraulique.
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Dans ces conditions, il faut laisser passer les lignes à haute tension.
M. Jacques Blanc. Il faut alors que RTE intègre l'exigence du respect du paysage.
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Cela ne sert à rien de faire de l'hydraulique s'il n'y a pas de lignes à haute tension.
M. Jacques Blanc. Monsieur le ministre, on peut utiliser des lignes existantes, notamment dans les Pyrénées, plutôt que de proposer la création d'une ligne à haute tension qui défigurerait un paysage merveilleux du pays catalan. Je souhaite donc que RTE étudie toutes les possibilités. Il n'y a pas de réponse unique. Il faut éviter les a priori, ouvrir les yeux sur la complémentarité des énergies et sur les exigences nouvelles du transport de l'énergie de manière à respecter le développement durable.
Le Gouvernement a montré sa capacité à ouvrir le débat et à engager le dialogue. Nous allons nous prononcer sur des textes forts et montrer que ce qui nous préoccupe, c'est bien l'avenir des Françaises et des Français. Comme l'ont fait le général de Gaulle, puis Georges Pompidou en 1973, aujourd'hui, ce gouvernement engage la France dans la voie de l'avenir. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens tout d'abord à remercier le Sénat de la qualité de ce débat. Les quatorze orateurs qui sont intervenus ont fait preuve d'une grande compétence, de beaucoup d'intérêt pour le sujet, d'un peu de passion aussi, ce qui est naturel s'agissant d'une matière aussi grave. En dépit de quelques divergences, de l'affirmation d'une certaine prudence, d'ailleurs légitimes, j'ai observé que l'énergie nucléaire donnait lieu à un relatif consensus.
A l'exception de M. Courteau, qui s'est montré plus réservé, tous les orateurs semblent considérer que, s'agissant de l'EPR, il était temps de prendre des décisions et que celles que nous avions prises allaient dans le bon sens.
Je vais m'efforcer de répondre à tous les intervenants, car tous ont présenté des arguments intéressants.
Je tiens tout d'abord à remercier M. le vice-président de la commission de son soutien. Vous avez parfaitement su, monsieur Emorine, dresser le tableau de la situation.
Vous avez rappelé à juste titre qu'après avoir annoncé pendant longtemps qu'il y avait un risque à développer une économie avec une énergie rare, nous voyons tout de même aujourd'hui des perspectives de solution.
Vous avez raison de dire que les contrats à long terme sont une garantie. C'est ce qui a été fait pour le gaz. Vous avez soutenu également la nécessité de construire l'EPR ; je vous en remercie.
Vous avez posé la question de la compétitivité de l'énergie pour nos industries électro-intensives. Cela fait partie des questions que je poserai au conseil énergie du 10 juin prochain et pour lesquelles je ferai des propositions. Vous avez aussi souligné la nécessité de développer des interconnexions.
En réponse à vos questions sur EDF et GDF, je vous confirme que la volonté du Gouvernement est bien de leur donner les moyens juridiques et financiers de se développer. Autrement dit, dans le cas d'EDF, il s'agit d'augmenter ses fonds propres au delà des 19 milliards d'euros actuels et de diminuer sa dette, qui est de 26 milliards d'euros, sans compter ce qui est hors bilan.
Quant aux retraites, le système de financement du régime spécial sera modifié pour être pérennisé. Les droits passés des agents seront garantis par des conventions signées avec les régimes de droit commun et par l'Etat.
Enfin, je partage ce que vous avez dit sur l'importance des collectivités locales dans le paysage français : en tant que concédantes du service public de l'électricité et du gaz, en tant que responsables de l'organisation des transports et en tant que promoteurs des énergies renouvelables, elles ont toute leur place et il faudra veiller à le souligner dans la loi d'orientation.
M. Jean-Paul Emorine, au nom de la commission des affaires économiques. Merci !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. M. Deneux a très brillamment rappelé l'histoire énergétique de nos civilisations modernes puisque nous sommes passés d'une période où l'énergie était facile et abondante par rapport aux besoins de l'humanité, à une autre où il nous faut à la fois gérer efficacement les ressources de notre planète, maîtriser nos consommations sans pour autant limiter la croissance économique, le progrès de l'humanité et l'effet sur l'environnement de nos activités. Vous l'avez fort bien démontré, le nucléaire est nécessaire pour la France, mais aussi à l'échelon mondial. D'autres pays, comme la Chine, l'ont bien compris.
Vous avez évoqué la priorité à donner pour les réacteurs de quatrième génération. C'est là l'objet des recherches actuelles du CEA. Mais, vous le savez, il faut aussi limiter les besoins dans les transports. Nicolas Sarkozy a illustré, avec la circulation routière, comment une politique volontaire permettait de réduire les émissions en limitant la vitesse. Il n'y a pas de solution miracle, tout le monde en est conscient et sur tous les bancs, mais il faut de la volonté et une discipline collective.
Il faudra aussi miser sur la recherche et vous savez que les pistes existent, notamment avec l'hydrogène, la pile à combustible et, bien entendu, les biocarburants. Nous ne devons exclure aucune piste. L'horizon est cette fois bien au-delà de l'EPR, nous parlons de 2045 pour la quatrième génération et, à cette échéance, c'est dans un cadre international qu'il faudra faire le choix définitif des technologies, en intégrant aussi bien les aspects énergétiques que les aspects environnementaux.
Je souhaite remercier M. Revol d'avoir dressé un tableau réaliste de la situation. Il a su montrer les dangers d'une politique attentiste qui repousserait éternellement la question de la quatrième génération alors que celle-ci nécessite de très longues études. Il a rappelé à juste titre, non sans un certain humour, la leçon de pragmatisme que la Finlande nous a donné puisqu'elle a su mesurer l'importance et l'urgence des choix à faire.
Quant à la transparence nucléaire, il est urgent de faire adopter cette loi sur la transparence et la sûreté nucléaire. C'est une condition sine qua non, je pense à M. Sido en particulier, pour assurer la pérennité de cette filière. Je ne peux que souhaiter que cette loi soit examinée avant l'été.
En matière de retraite, je me dois de saluer ce qui a été dit sur la nécessité de faire évoluer le financement pour le pérenniser.
Je tiens à remercier Mme Beaufils, qui, au nom du groupe communiste républicain et citoyen, a cité et rendu hommage au général de Gaulle pour les choix qui ont été faits en 1946. Vous avez également raison, madame, de souligner que le problème de l'énergie est mondial ; la question concerne aussi bien l'Europe que les pays émergents qui ont droit à la croissance et au développement.
Alors, bien sûr, la question des transports est essentielle, la maîtrise de l'énergie est une priorité et toutes les énergies renouvelables sont nécessaires. Mais, vous le reconnaissez, cela ne suffit pas.
Je me réjouis que vous partagiez également le choix du Gouvernement sur le nucléaire.
Madame Beaufils, le Gouvernement et moi-même sommes aussi attachés que vous à ce service public, mais nous sommes en désaccord sur le statut d'EDF et de GDF.
Je crois que l'organisation qui prévalait en 1946 et encore en 1973 n'est plus de mise aujourd'hui. On ne peut pas vouloir l'indépendance énergétique, la qualité du service public, une participation active au développement de l'économie mondiale et des pays émergents et prôner le repli sur soi !
Mmes Marie-France Beaufils et Odette Terrade. Nous ne le faisons pas !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Mais si mesdames !
Le choix du Gouvernement n'est pas idéologique, il est la conséquence d'une évolution que nous devons anticiper dans l'intérêt des salariés d'EDF et de GDF.
Le problème est très simple : comme Nicolas Sarkozy l'a dit, le marché domestique naturel d'EDF, c'est l'Europe.
Pour qu'EDF ait toute sa chance en Europe, il faut qu'elle puisse être acceptée par les autres pays européens et par les autorités de l'Union européenne. Pour cela, elle doit être banalisée et devenir une société comme les autres. (Exclamations sur les travées du groupe CRC.)
Ainsi, elle pourra prendre des participations dans un certain nombre de sociétés d'autres pays européens qui distribuent ou produisent de l'électricité. Ces pays demanderont que leurs capitaux puissent être investis dans EDF en vertu de la réciprocité.
Ce qui nous est arrivé en Italie est assez éloquent puisque, nonobstant un investissement stratégique intéressant, le gouvernement italien, par un subterfuge juridique, a empêché EDF d'exercer ses droits de vote sur le conseil d'administration d'ENI, parce qu'EDF était un établissement public et non pas une société commerciale. (Mais non ! sur les travées du groupe CRC.)
Mme Marie-France Beaufils. Nous n'avons pas la même conception de la politique énergétique européenne !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Le principe de spécialité est également un obstacle. Vous considérez qu'on pourrait abandonner le principe de spécialité sans changer la forme juridique de l'entreprise. Cela n'est pas réaliste.
J'ai remarqué d'ailleurs avec un peu d'amusement que Mme Beaufils parlait de fusion, alors que M. Courteau, pour le groupe socialiste, parlait d'alliance, tandis que M. Godefroy a eu l'honnêteté intellectuelle de dire qu'il présentait une position personnelle.
Le Gouvernement s'interroge sur ce point. Il a souhaité dans ce domaine que la porte reste ouverte. C'est un vrai sujet qui mérite d'être discuté.
Mme Marie-France Beaufils. Nous ne sommes donc pas monolithiques !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Sur cette question, madame, vous êtes partisan de la déspécialisation, ce qui est une position arrêtée. C'est le Gouvernement qui n'est pas monolithique, il est ouvert au débat sur cette question !
Monsieur Courteau, vous avez cherché la polémique. En tout cas, vous avez défendu avec vivacité votre point de vue.
M. Roland Courteau. Non, la vérité !
M. Jean-Pierre Plancade. Il n'est pas le seul !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. C'est votre droit.
Permettez-moi de vous répondre. Il est vrai que, depuis 2000, rien n'avait été décidé sur l'avenir de notre filière nucléaire. Vous dites qu'il n'y a pas d'urgence. Mais, à force de prendre son temps, on en perd !
M. Roland Courteau. Il ne faut pas se précipiter !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Notre Gouvernement, depuis qu'il est en charge de ses responsabilités, a lancé, depuis plusieurs mois, des consultations sérieuses. Les décisions qui sont proposées aujourd'hui sont par ailleurs l'aboutissement d'un long processus.
Vous proposez une politique volontariste, monsieur Courteau, et, pour l'illustrer, paradoxalement, vous demandez de différer le renouvellement du parc nucléaire et d'attendre une quatrième génération, qu'on nous annonce pour 2045, comme l'a dit M. Bataille, député socialiste, que vous connaissez bien et qui est un bon connaisseur du dossier.
M. Roland Courteau. Lui, c'est lui !
M. Roland Courteau. Vous devez aussi avoir des divergences chez vous !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. ... qui permet de n'avoir qu'une seule forme d'unité, l'opposition !
Dans les paradoxes, monsieur Courteau, j'ajouterai que les réacteurs de nouvelle génération sont des réacteurs à neutrons rapides. Or, c'est M. Jospin qui a arrêté Super-Phénix,.
M. Jacques Valade. Quelle erreur !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Donc, d'un coté vous nous dites qu'il faut aller dans cette voie et, de l'autre, vous avez interrompu le processus. C'est quand même une contradiction !
À juste titre, vous évoquez le développement considérable des besoins énergétiques de la planète et notamment des pays en voie de développement. Mais finalement, que proposez-vous si ce n'est l'organisation de la pénurie ! Vous demandez aux pays en voie de développement « de mieux concilier leurs exigences de développement et leurs besoins de développement ». Vous leur conseillez cela, c'est malheureux ! Avons-nous fait cela, nous, pays développé ?
M. Roland Courteau. Vous interprétez mal ma pensée.
M. Roland Courteau. J'ai parlé aussi de protection de l'environnement par transfert de technologies propres ! C'est différent ! Vous citez partiellement et vous interprétez !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Pas plus que vous, monsieur Courteau.
Sur la libéralisation des marchés, je me dois de rappeler la situation que nous avons trouvée en arrivant !
La France était isolée, seule contre quatorze pays, parce que, depuis deux ans, le gouvernement précédent n'avait pas fait voter par le Parlement ce qu'il avait accepté à Bruxelles, tout en demandant à Gaz de France de respecter la directive.
La France était bafouée parce qu'elle avait accepté qu'EDF se développe en Europe sans admettre que les entreprises étrangères puissent venir se développer en France. C'est ce qui a valu à EDF bien des déboires.
Oui, nous sommes sortis de l'hypocrisie. Je cite La Rochefoucauld : « L'hypocrisie, c'est un hommage que le vice rend à la vertu. » (Sourires sur les travées de l'UMP.)
Nous avons décidé de regarder la vérité en face en négociant une ouverture du marché progressive - 2004, puis 2007- et maîtrisée.
Monsieur Courteau, j'ai repris les conclusions du sommet de Barcelone, qui engage le Conseil et le Parlement européen à adopter, dès que possible en 2002, les propositions en instance concernant la phase finale de l'ouverture des marchés de l'électricité et du gaz, c'est-à-dire l'ouverture totale. Les 15 et 16 mars 2002, vous étiez encore au Gouvernement.
M. Roland Courteau. Monsieur le ministre, me permettez-vous de vous interrompre ?
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, avec l'autorisation de M. le ministre.
M. Roland Courteau. Monsieur le ministre, je voulais vous citer l'extrait du relevé de conclusions. C'est le point n° 37 : « Dans le domaine de l'énergie, le Conseil européen engage le Conseil et le Parlement européen à adopter, dès que possible en 2002, les propositions en instance concernant la phase finale de l'ouverture des marchés de l'électricité et du gaz. »
M. Roland Courteau. Cela comporte notamment, à partir de 2004, le libre choix du fournisseur concernant l'électricité et le gaz pour tous les consommateurs européens autres que les ménages.
M. Roland Courteau. Cela représentera au moins 60% de la totalité du marché. Les clients domestiques ont donc été exclus de l'ouverture des marchés de l'énergie, monsieur le ministre.
M. Roland Courteau. Je peux le faire à votre place : « A la lumière de l'expérience acquise et avant le Conseil européen de printemps 2003, une décision sur d'autres mesures tenant compte de la définition des obligations de service public, de la sécurité d'approvisionnement et, en particulier, de la protection des régions reculées et des groupes les plus vulnérables de la population... »
M. Roland Courteau. Mais il n'est pas dit qu'il y a ouverture totale en 2007 pour les particuliers.
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Monsieur Courteau, vous êtes un homme averti et vous comprenez bien ce que cela veut dire.
M. Roland Courteau. Oui !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Cela veut dire que l'encadrement du service public a pour contrepartie l'ouverture aux ménages. Sinon il n'est pas utile d'encadrer le service public.
M. Roland Courteau. C'est vous qui le dites !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Je ne dis pas que toutes les responsabilités ont été prises par les socialistes et que nous n'en avons pris aucune. Je dis que la droite comme la gauche ont assumé leurs responsabilités.
On peut essayer d'être honnête dans le débat contradictoire et partisan qui nous oblige parfois à prendre certaines postures. Mais il y a tout de même un minimum : c'est celui des faits au-delà de nos engagements qui sont le triste lot de la démocratie. Il y a le calendrier et les responsabilités de chacun. Si l'on se réfère au calendrier, on se rend compte que la droite et la gauche ont suivi la même politique. D'ailleurs, c'était inévitable pour ne pas être isolé en Europe. Bien entendu, nous aurions été seuls de notre espèce.
Le 19 décembre 1996, à Bruxelles, a été adoptée la directive « électricité » ; c'était alors le gouvernement Juppé.
M. Roland Courteau. C'est exact !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Le 22 juin 1998, à Bruxelles, la directive « gaz » a été adoptée.
M. Roland Courteau. Mais entre-temps, en 1992, le Conseil des ministres européens refuse une proposition de directive sur l'initiative du gouvernement de M. Bérégovoy.
Cela, vous ne le dites pas !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Je ne suis pas remonté aussi loin.
Le 10 février 2000, la loi sur l'électricité a été adoptée - MM. Pierret et Strauss-Kahn étaient alors au gouvernement.
Les 15 et 16 mars 2002 a été prise à Barcelone la position commune sur l'électricité et le gaz. Cela implique l'ouverture à 70% pour 2004 et à 100% pour une date qui reste à déterminer. Les socialistes étaient encore au gouvernement.
Le 4 décembre 2002 a été prise à Bruxelles la position commune du conseil sur le gaz et l'électricité ; nous étions au gouvernement.
M. Roland Courteau. Exact !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Et le 3 janvier 2003 a été adoptée - nous sommes toujours là ! - la loi transposant la directive sur le gaz de 1998.
Monsieur Courteau, les responsabilités entre la droite et la gauche, y compris les communistes qui participaient au gouvernement socialiste, sont continues. Il ne sert à rien de nous reprocher de tirer les conséquences d'actes dont vous avez pris vous-même la responsabilité.
En réponse à M. Détraigne, je veux rappeler que la France a été un précurseur de la production des biocarburants en Europe. Elle est ainsi devenue un acteur européen majeur sur le marché des biocarburants, le second en Europe avec une production de 520 000 tonnes, soit 1% de la consommation en volume, l'objectif indicatif étant de 2%.
Ce résultat a été obtenu grâce à une défiscalisation importante dont le coût s'élève tout de même, monsieur Blanc, à 200 millions d'euros en 2004. Comme vous m'avez dit qu'on allait atteindre les 105%, je vais expliquer à Nicolas Sarkozy qu'il y a peut-être là une voie pour rééquilibrer le budget.
Enfin, il faut rappeler que la production des biocarburants coûte encore très cher : les biocarburants sont deux fois plus chers que l'essence normale. La tonne de CO2 économisé coûte 150 euros contre une moyenne de 10 à 20 euros pour d'autres mesures, notamment dans le logement.
Le Gouvernement est donc favorable au développement des biocarburants. Mais celui-ci doit passer par une amélioration de la productivité de la filière.
Je voudrais remercier M. Valade d'avoir souligné la cohérence de la démarche du Gouvernement qui n'a laissé au hasard aucun aspect de la concertation. Je me réjouis que nous puissions, après plusieurs mois de travaux préparatoires, conclure cette phase de réflexion au Sénat par une discussion approfondie qui permet aux représentants élus de nos concitoyens de s'exprimer pleinement dans un débat essentiel pour l'avenir.
Monsieur Valade, vous avez parfaitement posé les termes du débat : la question de l'énergie, c'est celle de la croissance mondiale, pas seulement de la croissance de l'Europe ou de la France.
Vous l'avez souligné, cette évolution mondiale nous crée une double obligation : participer à la gestion économe des ressources mondiales et à la préservation de l'environnement, mais aussi défendre les intérêts de nos concitoyens, de nos entreprises, de notre économie et de nos emplois.
Je veux vous remercier du soutien que vous apportez aux propositions du Gouvernement. Qu'il s'agisse du nucléaire, de l'indépendance énergétique et de la maîtrise de l'énergie ou encore de l'évolution des statuts de nos entreprises, il est vrai que des choix s'imposent, et vous les soutenez.
Je félicite M. Godefroy pour son courage qui ne m'étonne pas, son honnêteté intellectuelle et sa constance dans le choix de développer la filière nucléaire avec l'EPR. En échange, je lui confirme qu'il n'est pas dans l'intention du Gouvernement ni d'EDF d'abandonner la filière de retraitement. Cette filière est en effet utile pour limiter le volume des déchets ultimes à stocker ou à entreposer de manière durable. Les combustibles usés, issus de la filière, Mox compris, seront pris en charge par les installations actuelles de retraitement, dont la pérennité se trouvera confortée par le maintien de l'option nucléaire.
Je note à cet égard que l'EPR produira moins de déchets - 30% - que la génération actuelle tout en consommant moins de combustible. Mais cette réduction, positive du point de vue environnemental, ne remet nullement en cause la stratégie de retraitement-recyclage dans laquelle s'inscrit l'EPR.
Il est vrai qu'il faudra en revanche traiter de la manière la plus intelligente possible la phase de transition actuelle en gardant tous les savoir-faire et les compétences.
Quant au choix du site, je peux simplement vous dire que les Hauts-de-Seine ne sont pas candidats. Mais je suis heureux de tant d'enthousiasme.
J'ai répondu tout à l'heure à la question du statut. C'était notre différence. Comme vous l'avez dit, monsieur Godefroy, on ne peut pas tout avoir. Votre soutien sur le reste était déjà bienvenu.
Monsieur Poniatowski, j'ai beaucoup apprécié votre manière d'aborder les questions énergétiques. On oublie un peu trop souvent que les choix ne peuvent s'évaluer qu'au regard des alternatives qui nous sont offertes. Les choix se posent non pas dans l'absolu mais par rapport à d'autres, qui sont extrêmement limités.
La dernière mine de charbon de la France, comme l'a justement évoqué M. Bizet, vient de fermer. C'était d'ailleurs assez émouvant parce que l'Etat s'est intéressé aux mines de charbon depuis 1601. C'est Henri IV qui, le premier, a constitué une société d'Etat pour exploiter le charbon. Quatre siècles après, c'est une page d'histoire qui se referme.
On ne peut pas compter sur le charbon. De ce point de vue-là, l'Allemagne a peut-être pris du retard sur nous parce que le coût de la production du charbonnage allemand est très élevé, comme l'était d'ailleurs le nôtre. On ne peut aujourd'hui que parier sur la diversification des sources d'approvisionnement et sur les énergies renouvelables.
Je remercie M. Poniatowski d'avoir soulevé la question des retombées industrielles que nous apporte le développement de l'énergie nucléaire. Il faut le rappeler et se garder de l'oublier, les choix de 1946 et 1973 ont donné à la France, notamment avec AREVA, des champions mondiaux dans les technologies nucléaires. C'est une grande chance pour notre pays. Il ne faut pas avoir le nucléaire honteux ! Vous avez eu raison de le dire. Il nous faut faire mieux. Nous nous y employons. Mais il faut aussi renforcer les atouts que nos choix passés nous ont donnés. Pourquoi serions-nous timides alors que notre désavantage en termes d'approvisionnement en énergies fossiles est aujourd'hui un formidable atout ? On nous a assez dit que la France n'avait pas de pétrole mais qu'elle avait des idées. Le nucléaire est le produit de ses ingénieurs et de ses idées.
Je ne peux donc que partager les remarques que vous avez faites sur le solaire, sur la fiscalité de l'énergie et sur le bâtiment.
Enfin, sur les retraites des agents des industries électriques et gazières, je suis bien d'accord avec vous : il est grand temps de garantir la pérennité du système de financement des retraites. C'est la raison pour laquelle nous ferons rapidement voter la loi sur ce sujet.
Je partage tout à fait la nécessité que M. Sido a rappelée de trouver au plus tôt une solution pour le traitement des déchets nucléaires. Je comprends bien, psychologiquement, le caractère inquiétant de l'absence de solution dans ce domaine. Je note d'ailleurs que cette solution devra être trouvée pour les déchets actuels ; ce choix est donc indépendant de celui qui est fait pour pérenniser la filière nucléaire. Ce choix devra être fait en 2006 conformément aux dispositions de la loi Bataille. C'est ce à quoi l'ANDRA s'emploie afin d'être prêt pour 2006.Nous y veillerons même s'il faut reconnaître que quelques retards ont été pris dans ce domaine.
Une note d'optimisme nous vient de l'étranger puisqu'une solution a d'ores et déjà été trouvée en Suède et en Finlande. Nous ne restons pas confinés sur le territoire national et nous élargissons notre horizon. La France ne doit pas être isolée.
Quant aux questions très pertinentes que vous avez posées sur la nécessité de lancer un second laboratoire, sur l'industrialisation du territoire de Bure, sur la nécessité de poursuivre rapidement les recherches, il faudra y répondre. Je compte le faire très rapidement.
Monsieur Sido, je vous confirme donc ma participation active aux entretiens européens auxquels vous m'avez convié.
Monsieur Vial, s'agissant des gros consommateurs d'énergie, je partage votre souci de préserver leur compétitivité. C'est la raison pour laquelle j'ai lancé une mission d'étude sur le sujet et je poserai ouvertement cette question au Conseil européen de l'énergie du 10 juin prochain.
Quant à vos remarques sur les énergies renouvelables, je partage votre volonté d'en assurer le développement, je pense en particulier au solaire thermique, qui permet de réduire les émissions de CO2.
En ce qui concerne le voltaïque, je ne puis m'empêcher de rappeler que cette énergie coûte huit fois plus cher que le nucléaire et qu'elle pose in fine quelques problèmes de pollution.
C'est pourquoi il nous faut rechercher la diversité des énergies renouvelables. Je propose, pour ma part, que cette politique en matière d'énergies renouvelables s'appuie sur deux axes forts : développer industriellement les énergies proches de la compétitivité - et il y en a, comme l'énergie hydraulique, éolienne et solaire thermique -, et renforcer la recherche pour celles qui ne l'ont pas encore atteint, telles que le photovoltaïque et la biomasse. Mais il est certain qu'il existe des différences de ce point de vue.
Je tiens d'ailleurs, à cet égard, à saluer les recherches menées par le CEA dans le domaine des énergies renouvelables et surtout dans celui du photovoltaïque.
M. Bizet a mis l'accent sur le secteur tertiaire des transports, qui est l'un des facteurs essentiels des émissions de gaz à effet de serre. C'est un domaine dans lequel l'électricité produite par le nucléaire et une politique d'offre ne peuvent pas être la réponse exclusive.
Il nous faut aussi agir sur les comportements microéconomiques de chacun de nos concitoyens dans leurs habitudes de consommation quotidienne. C'est là que la fiscalité sur les carburants, les incitations, mais aussi les solutions technologiques les plus originales sont nécessaires si l'on veut concilier les économies d'énergie, la réduction des émissions polluantes et l'aspiration légitime de nos concitoyens à plus de confort et de croissance.
Le projet de loi d'orientation sur l'énergie qui sera prochainement soumis au Parlement s'efforcera de mettre en oeuvre des solutions innovantes dans ce domaine en donnant aux collectivités locales de nouveaux moyens d'action. Ces efforts seraient vains, comme vous l'avez souligné, monsieur Bizet, si, dans le même temps où nous demandons à nos concitoyens d'importants efforts de changement dans leurs habitudes de consommation, ces efforts étaient ruinés par la chute de notre production d'électricité en base et un recours accru aux énergies fossiles, ce qui, évidemment, ressemblerait à une politique de gribouille.
C'est sans doute pourquoi je n'ai entendu que peu de voix, ce dont je me félicite, s'opposer au lancement d'un EPR. Pour tout dire, il n'y en a pas eu, même si certains propos étaient prudents en la matière.
Je partage pleinement votre souci, monsieur Bizet, que ce choix du nucléaire soit accompagné de la transparence de l'effort de recherche nécessaire pour le traitement des déchets - c'est indispensable - et de la prise en compte des obligations de démantèlement.
Ces efforts de recherche, nous les faisons, et le Parlement sera saisi, en 2006, de propositions précises.
L'anniversaire de Tchernobyl, que nous avons tristement célébré hier, est là pour nous rappeler cette exigence de sécurité. La meilleure protection contre les risques de cette nature est, nous le savons tous, la prospérité de notre économie, la paix et la croissance.
Enfin, monsieur Bizet, j'ai bien noté votre plaidoyer pour Flamanville.
Monsieur Jacques Blanc, vous avez apporté votre soutien déterminé au Gouvernement, soutien qui, de votre part, est tout à fait actif. Cela n'empêche pas une analyse clairvoyante sur les différentes générations de centrales qui vont se succéder : EPR, génération IV et finalement ITER.
Je vous remercie de votre plaidoyer pour la recherche du CEA, que je tiens à saluer
Quant à vos remarques sur les énergies renouvelables, je vous confirme notre soutien aux éoliennes off shore. De la même façon, le Gouvernement est favorable aux biocarburants, même si je ne suis pas absolument certain des 105 % que vous avez évoqués. Je reconnais que vous n'avez pas garanti ce pourcentage ; en fait, vous avez dit : « entre 80 % et 105 % » et j'ai été plus fasciné par les 105 % que par les 80 % !
Dans ce domaine, la France a déjà fait des efforts importants et elle continuera dans cette voie. Cependant, ces efforts devront s'accompagner, je l'ai dit tout à l'heure, d'une amélioration de la productivité, ce qui, à l'évidence, relève de la recherche. Or, de ce point de vue, les progrès sont encourageants.
En terminant, je voudrais remercier l'ensemble du Sénat de son intérêt éclairé pour ce débat, de la passion qui l'a animé ainsi que de ce goût pour l'avenir, c'est-à-dire pour des questions touchant aux générations futures. On dit souvent que les hommes politiques ne voient que les prochaines élections : ce débat a montré que vous voyiez beaucoup plus loin ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. Le débat est clos.
Acte est donné de la déclaration du Gouvernement, qui sera imprimée et distribuée.