PRÉSIDENCE DE M. Jean-Claude Gaudin
vice-président
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau.
M. Roland Courteau. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'énergie est au coeur des responsabilités et des prérogatives de la puissance publique, puisqu'elle concerne l'indépendance nationale.
Elle influe sur l'état de notre économie en contribuant à la compétitivité de nos entreprises. Elle conditionne la qualité de l'environnement. Elle touche à la vie quotidienne de nos concitoyens. Enfin, elle engage les générations futures.
Le moins que l'on puisse dire est qu'il est juste que la représentation nationale débatte d'une question aussi essentielle, d'autant que l'on nous annonce la discussion prochaine, d'une part, d'un projet de loi d'orientation sur les énergies incluant des dispositions relatives à la sécurité et à la transparence en matière nucléaire et, d'autre part, d'un projet de loi relatif au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières. En ce qui concerne ce dernier texte, convenons qu'il est un peu fort de faire figurer dans son intitulé les mots «service public», alors que, de fait, il vise à engager un processus de privatisation d'EDF et de GDF !
M. Raymond Courrière. Paradoxe !
M. Roland Courteau. Face à un calendrier chargé et peu précis, je veux espérer, monsieur le ministre, que la politique énergétique de la France pour les décennies à venir ne sera pas examinée au pas de charge au Parlement. L'annonce précipitée du présent débat sur l'énergie nous donne quelques craintes.
Cela étant dit, un véritable débat de société doit avoir lieu. Les défis sont innombrables. C'est donc avec un esprit de responsabilité et de prévoyance que nous devons y faire face, d'autant que notre politique énergétique est sous la contrainte européenne et mondiale.
Quel est le contexte mondial ? De nombreux défis restent à relever afin d'utiliser de façon raisonnée les ressources énergétiques et les technologies disponibles, sachant que la demande mondiale en énergie aura progressé de deux tiers d'ici à 2030, du fait de l'accroissement démographique des pays en développement, tandis que la demande en électricité aura, elle, doublé.
Notre mode de développement actuel peut-il être durable, sachant que les réserves mondiales de pétrole et de gaz sont limitées à trente ans et compte tenu du changement climatique inquiétant, essentiellement dû, cela semble être démontré, aux activités humaines ? Ne faut-il pas changer de mode de consommation et procéder à des ruptures ? Ne faut-il pas aider les pays en développement, qui sont actuellement engagés dans une dynamique de développement intensif en énergie, génératrice notamment de gaz à effet de serre, à concilier leur développement économique et social avec la protection de l'environnement par l'utilisation de technologies dites «propres» ?
La prise en compte de leurs besoins ne doit pas être un voeu pieu. En matière énergétique, elle passe par des solutions de coopération, notamment européennes, avec les pays du Sud. Mes chers collègues, l'ampleur des défis et des enjeux à relever exige donc des politiques volontaristes, non seulement en France, mais aussi en Europe et à l'échelon international.
Or, visiblement, les efforts ne sont pas à la hauteur des enjeux. Le protocole de Kyoto n'est toujours pas entré en vigueur en raison de l'opposition des Etats-Unis et de sa non-ratification par la Russie, - ces pays émettent à eux deux 39 % des gaz à effet de serre -, alors que certains experts estiment qu'il est déjà presque dépassé.
A ce jour, une vraie politique européenne de l'énergie reste à construire. Si rien n'est fait pour infléchir la tendance actuelle, l'Union européenne verra sa dépendance atteindre 70 % au cours des vingt ou trente prochaines années.
Quant aux mécanismes de transfert des technologies dites «propres» des pays riches vers les pays en développement, ils sont particulièrement insuffisants.
Pour la France, les conséquences d'une augmentation des prix des énergies liée aux effets conjugués de leur raréfaction future, des phénomènes spéculatifs, de la libéralisation des marchés et de l'entrée en vigueur des contraintes imposées par le protocole de Kyoto ne seront pas neutres, loin de là.
Si l'on prend en compte les problèmes géopolitiques et de sécurité de notre approvisionnement du fait de notre dépendance énergétique, principalement en matière de pétrole, on mesure mieux alors l'urgente nécessité de mettre en oeuvre une politique plus ambitieuse en matière d'énergie, que ce soit en termes d'innovations technologiques, de diversification des sources d'énergie ou de tempérance énergétique.
Sur ce dernier point, force est de constater que les politiques actives d'économie d'énergie consécutives au renchérissement des prix de l'énergie dans les années soixante-dix et quatre-vingt ont été considérablement relâchées. Or, en consommant mieux, nous pourrions réaliser 18 % d'économies.
Quant à notre système électrique, s'il a toujours démontré son efficacité, il n'en est pas moins fragile. Qu'il s'agisse de la tempête de 1999 ou de la canicule de l'été 2003, nous avons en France évité le pire, contrairement à ce qui s'est passé aux Etats-Unis, en Italie ou en Espagne. Et si le pire a pu être évité, c'est à porter au crédit de la qualité de l'organisation de notre service public de l'électricité et du sens de l'intérêt général dont ont fait preuve les agents d'EDF, actifs ou retraités.
Cela mérite réflexion, à l'heure où le Gouvernement souhaite poursuivre la libéralisation totale des marchés du gaz et de l'électricité. C'est également à méditer pour qui considère le statut des agents, lequel, loin de constituer un privilège, est de nature à assurer un niveau de qualification et de formation, ainsi que des conditions de travail garantissant la qualité et la fiabilité du service public.
Cette réflexion me conduit à évoquer notre désaccord avec la politique de dérégulation conduite par le Gouvernement qui, le 25 novembre 2002, a accepté que le conseil des ministres européens décide de l'ouverture totale des marchés électriques gaziers, y compris pour les clients domestiques. Ce faisant, le gouvernement de M. Raffarin a fait «sauter le verrou» et a remis en cause les limites que le gouvernement de Lionel Jospin avait, quant à lui, obtenues lors du sommet de Barcelone, les 15 et 16 mars 2002. Il est donc faux de dire que le gouvernement de l'époque avait donné son accord à l'ouverture totale du marché lors de ce sommet. C'est même le contraire ! J'ai d'ailleurs sous les yeux le relevé des conclusions du sommet. (M. Jean-Pierre Godefroy applaudit.)
M. Raymond Courrière. Très bien !
M. Roland Courteau. Nous sommes donc opposés à cette libéralisation qui, à terme, conduira mécaniquement à l'accroissement des inégalités entre les territoires et entre les citoyens, et à l'abandon du principe de péréquation.
Trois constantes se dégagent des exemples de libéralisation des marchés à l'étranger. D'abord, le marché tend à organiser la pénurie de l'offre, ce qui se traduit par une augmentation du prix de l'électricité ; ensuite, les moyens de production et les réseaux connaissent un vieillissement accéléré, faute d'investissements et de maintenance suffisants ; enfin, le consommateur particulier est systématiquement lésé. La commission de Bruxelles commence d'ailleurs à parler «d'une libéralisation qui serait à réguler». C'est tout dire !
Quand donc comprendra-t-on que, dans ce monde perturbé du début du XXIe siècle, la sécurité des approvisionnements a largement pris le pas sur les impératifs de libéralisation ?
Nul ne sera donc surpris que le groupe socialiste réaffirme, une fois de plus, son attachement aux valeurs du service public. Le dogme du libéralisme sans contrainte est absolument incompatible avec le maintien du service public. Les caractéristiques physiques du transport et de la distribution d'électricité ne peuvent s'inscrire dans un champ concurrentiel.
M. Raymond Courrière. Bien sûr !
M. Roland Courteau. Pour nous donc, le développement durable s'inscrit dans la continuité du service public, seul capable de le garantir à long terme. La logique d'une entreprise privée est en effet, d'abord, d'assurer la rentabilité des capitaux investis par les actionnaires, une rentabilité qui doit être maximale et rapide, quand les investissements énergétiques doivent se faire, eux, à long terme.
Pour nous, EDF et GDF ont donc plus que jamais vocation à exercer, dans le respect de l'intérêt général, les missions essentielles de service public : indépendance énergétique, égalité des citoyens et des territoires en matière d'accès à l'énergie et garanties du droit d'accès pour tous ; lutte contre l'effet de serre et protection de l'environnement ; maîtrise de la demande et des technologies d'avenir.
Ainsi, toute ouverture du capital d'EDF ou de GDF est pour nous exclue. Mieux : nous considérons que l'avenir de la production énergétique repose sur la constitution d'un grand groupe public de l'électricité et du gaz fondée sur l'alliance entre EDF et GDF. Nous tenons, en effet, à réaffirmer la nécessité d'une maîtrise publique de la politique énergétique avec le maintien d'un niveau élevé de sûreté.
Nous entendons, par ailleurs, que soit promu un service public de qualité pour les usagers et un contrôle démocratique de ce secteur associant usagers, élus, collectivités locales et personnels. Nous proposons que, à l'échelon européen, une directive-cadre sur les services publics soit adoptée avec, pour principes de base, la péréquation tarifaire et l'égalité entre les citoyens et les territoires.
Le gouvernement de Lionel Jospin en avait fait acter la création lors du conseil européen de Barcelone. Le moins que l'on puisse dire, c'est que le gouvernement de M. Raffarin n'a pas fait avancer ce dossier.
M. Raymond Courrière. Pas plus que les autres, d'ailleurs !
M. Roland Courteau. Voilà pourquoi nous sommes fermement opposés au changement de statut des deux opérateurs historiques. M. Sarkozy nous a dit tout à l'heure vouloir maintenir la valeur du service public. Mais que vaudra-t-elle face aux exigences de rentabilité des actionnaires ?
En modifiant le statut juridique d'EDF et de GDF tout en enclenchant un processus d'ouverture du capital, vous vous engagez dans une forme de privatisation, même si vous inscrivez dans la loi que l'Etat détiendra plus de 50 % du capital, avec toutes les répercussions que l'on devine sur le service public, la péréquation tarifaire, l'égalité de traitement des usagers et le statut du personnel.
Or la décision de modifier ou non le statut des deux opérateurs que sont EDF et GDF relève de la seule responsabilité du Gouvernement et de sa majorité. Il est donc inutile d'invoquer Bruxelles, d'autant que la Commission européenne ne privilégie aucune forme de détention de capital. La suppression de la garantie d'Etat que demande la Commission européenne n'implique pas la transformation de ces entreprises en société anonyme. C'est votre choix, monsieur le ministre, assumez-le !
Vous nous annoncez que le statut des agents ne sera pas modifié. Que vaut cet engagement, puisque la garantie du statut pour les agents concernés ne peut se comprendre que si leur régime de retraite n'est pas remis en cause ? Or cela ne sera pas le cas.
Que vaut par ailleurs cet engagement, puisque le changement de statut juridique de l'entreprise porte en germe, de toute manière, le changement prochain de statut des agents ?
M. Raymond Courrière. Voilà la réalité !
M. Roland Courteau. En conclusion de ce chapitre, je citerai un des slogans que l'on pouvait lire sur les affiches placardées lors de la manifestation du 8 avril, qui résumaient assez bien les enjeux d'un projet de loi allant largement au-delà du sort d'une catégorie professionnelle : «Votre énergie, vous la voulez plus chère, comme l'eau ? Moins sûre, comme le rail en Grande-Bretagne ? Ou bien préférez-vous la bougie, comme en Californie ? » C'était à peine caricaturé, et tellement explicite !
Monsieur le ministre, mes chers collègues, j'évoquais voilà quelques instants l'urgente nécessité de mettre en oeuvre une politique plus ambitieuse en matière d'énergie et de modifier impérativement nos modes de consommation et de production pour affronter les contraintes présentes et futures. Il faut commencer par favoriser davantage la tempérance et l'efficacité énergétiques.
Ainsi, trois ans après l'adoption du programme national de lutte contre le changement climatique, une réduction globale des émissions de gaz à effet de serre a été constatée en 2001. Cette diminution dissimule cependant une réalité contrastée, notamment des hausses préoccupantes dans les secteurs des transports - 22 % en dix ans - et du résidentiel-tertiaire, qui enregistre une augmentation de 14 %.
Faut-il rendre plus efficace ce dispositif par un plan Climat plus ambitieux ? Assurément ! Mais le fait de supprimer, dans le budget de 2004 du ministère des transports, les crédits prévus pour financer les transports collectifs en site propre ou encore de donner aux investissements routiers la priorité par rapport aux transports en commun et au ferroutage est en contradiction totale avec les objectifs, affichés dans le Livre blanc, d'une division par quatre de nos émissions de gaz à effet de serre à l'horizon 2050.
M. Jean-Pierre Plancade. Très bien !
M. Roland Courteau. En dehors de quelques moyens d'action, je n'ai noté que peu de propositions sur cette question. Monsieur le ministre, cela aurait mérité plus de corps !
Notre groupe porte la même appréciation sur les crédits budgétaires de l'ADEME, crédits amputés avec régularité depuis deux ans, alors que cet organisme constitue un outil précieux en matière d'énergie et d'environnement.
Et la même appréciation vaut bien évidemment encore concernant la recherche.
En freinant les financements dans la recherche des énergies alternatives, on occulte la perspective de la création d'un nouveau tissu industriel - et par là même la création d'emplois -, et on laisse de surcroît les industriels étrangers prendre d'importantes parts de marché, comme sur le marché éolien, occupé par les Danois.
Pourtant, nous disposons d'un réel potentiel industriel dans les secteurs du solaire thermique, de l'éolien ou de l'architecture bioclimatique. Il est malheureusement en jachère !
La même remarque s'applique aux carburants alternatifs - les biocarburants - pour les transports.
Enfin, n'est-il pas temps de définir une vraie politique industrielle des énergies renouvelables, comme cela a été fait, il y a trente ans, pour le nucléaire ? Une telle politique pourrait être porteuse d'emplois, que les spécialistes estiment au nombre de 20 000.
Monsieur le ministre, en effet, nous ne vaincrons pas les changements climatiques et nous n'atteindrons pas l'objectif d'une division par quatre des émissions de gaz à effet de serre sans économies d'énergie, sans un bouquet énergétique diversifié et sans ruptures technologiques importantes, ruptures technologiques qu'il faut encourager par de gros efforts de recherche et de développement.
De même, comme l'un de nos collègues le rappelait, nos efforts pour consolider notre système énergétique seront de nul effet sur le changement climatique si notre pays ne se trouve pas à la tête d'un grand mouvement de transferts de technologies sans carbone en faveur des pays en développement.
D'importants moyens financiers devront être consacrés aux technologies du futur : carburants alternatifs comme l'hydrogène ; véhicules électriques et hybrides, capables de générer 50 % d'économie ; séquestration du carbone dans l'atmosphère ; filières de stockage de l'électricité.
Dans le domaine des énergies renouvelables, il n'est pas souhaitable que la France reste sous-développée. Notre ratio par habitant est 43 fois moins élevé qu'en Allemagne et 150 fois moins élevé qu'au Danemark.
Pour atteindre l'objectif de 21 % d'électricité consommée d'origine renouvelable à l'horizon 2010, un immense effort, de l'ordre de plusieurs milliers de mégawatts, devra être réalisé. Or, au rythme actuel de réalisation, il y faudrait plus de cent ans !
Il faut « booster » le développement de l'éolien terrestre, que des contraintes administratives freinent, et faire de même pour l'offshore.
Je prendrai l'exemple du département de l'Aude que Raymond Courrière et moi-même représentons ici. Ce département assure à lui seul 40 % de la production française d'électricité d'origine éolienne.
M. Raymond Courrière. Très bien !
M. Roland Courteau. Un projet concernant l'offshore a été déposé qui permettrait la réalisation d'une ferme de 40 mégawatts au large de nos côtes.
Il faut, monsieur le ministre, faire avancer ce dossier, le seul, pour l'instant, sur la façade méditerranéenne.
M. Jean-Pierre Plancade. Il a raison !
M. Jacques Blanc. C'est à la région de le porter !
M.Roland Courteau. Préservons et confortons également l'hydroélectricité dans le bouquet énergétique. Cette énergie sera indispensable pour accroître la part d'électricité d'origine renouvelable - la faire passer de 15 % à 21 % - et pour atteindre nos objectifs. Sur les trente-trois térawattheures recherchés, l'hydroélectricité peut en apporter six supplémentaires. Ce n'est pas à négliger !
Non seulement l'hydroélectricité participe au développement économique local des pays ruraux, mais elle constitue de surcroît le seul moyen de stockage et de production capable de s'ajuster instantanément aux variations de la demande. Or l'absence d'investissement et les suppressions d'effectifs dans ce secteur semblent traduire l'absence de volonté d'en faire une priorité.
Quant à la filière nucléaire, notre groupe considère qu'elle a sa place dans le bouquet énergétique qu'il défend, mais, compte tenu des capacités de production existantes et des échéances prévues pour le renouvellement des centrales, il estime qu'il n'y a aucune urgence à décider de façon précipitée de la construction de l'EPR.
M. Jacques Blanc. Ah bon ?
M. Roland Courteau. Nous proposons d'utiliser le peu de crédits disponibles pour faire porter l'effort sans attendre sur l'étude de faisabilité du nucléaire du futur, c'est-à-dire de la quatrième génération.
Le rendez-vous parlementaire pour 2006, destiné à retenir les solutions relatives à la gestion des déchets radioactifs à longue vie, devra en revanche impérativement être tenu, monsieur le ministre, quitte à amplifier l'effort de recherche.
Sujet plus local, je nourris quelques inquiétudes concernant la pérennité du site Comurhex à Narbonne. En effet, en dépit de perspectives pourtant favorables d'évolution du marché, il n'y a pas d'engagement de la direction en faveur d'une politique d'investissement et d'emploi sur ce site.
Enfin, nous sommes tout à fait favorables à une loi fondatrice garantissant la transparence de la filière nucléaire, qui en manque tout particulièrement. Un texte existait, déposé par le gouvernement Jospin. La culture du secret autour des installations nucléaires n'est en effet pas pour rassurer.
Nous considérons enfin qu'il n'est pas bon que la filière nucléaire représente une part aussi importante dans la production de l'électricité.
Une telle situation, laissant aussi peu place à la diversification, est unique au monde. Elle peut, certes, entraîner une exportation massive d'électricité à l'étranger, mais au prix d'un accroissement des déchets que nous aurons à gérer chez nous ensuite.
Bien évidemment, nous soutenons le projet ITER sur la fusion.
Il est indispensable, à nos yeux, de diversifier nos modes de production pour parvenir à un bouquet énergétique alliant production centralisée et décentralisée d'électricité, regroupant les énergies renouvelables et capable d'intégrer les évolutions technologiques à venir.
Enfin, puisqu'il me faut conclure, je le ferai en reprenant une remarque du Comité des sages, qui indiquait que la politique d'économie d'énergie qu'il appelait de ses voeux était synonyme non pas de restriction mais plutôt de tempérance pour combattre surconsommation et gaspillage.
Notre politique énergétique devra reposer, précisait-il, sur « l'éducation de civilisation », laquelle recouvre l'éducation à la consommation, l'éducation à l'automobile, l'éducation à l'éducation, et appeler à un « éveil citoyen par la prise de conscience des problèmes vitaux qui sont impliqués dans le mot énergie ».
Bref, autant dire qu'il s'agira de réorienter une culture « quantitativiste » vers une culture « de qualité », notamment de qualité de vie.
Rude tâche, mais c'est une raison de plus pour commencer dès maintenant ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. - M. Yves Coquelle applaudit également.)
M. Jean-Pierre Plancade. Très bien !
M. Yves Détraigne. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'interviens, après Marcel Deneux, au nom du groupe de l'Union centriste ; je consacrerai mon intervention aux énergies renouvelables, plus particulièrement aux biocarburants.
Tout le monde est aujourd'hui d'accord pour dire qu'il faut lutter contre les émissions de gaz à effet de serre et réduire notre dépendance à l'égard des énergies fossiles et tout le monde plaide, en conséquence, pour le développement des énergies propres et renouvelables.
Cependant, lorsque l'on examine les mesures concrètes qui sont prises en France pour aller dans ce sens, on s'aperçoit que, si beaucoup est fait pour renouveler notre parc de production d'électricité nucléaire et pour développer l'énergie éolienne, en ce qui concerne le développement des biocarburants, on en est encore largement au niveau des intentions et des discours.
Pourtant, ce n'est pas en développant l'énergie nucléaire ou l'énergie éolienne que l'on réduira les émissions de gaz à effet de serre provenant des transports routiers, qui, je le rappelle, représentent près d'un tiers des émissions totales de gaz carbonique dans notre pays.
Ce n'est pas non plus en misant tout sur l'éolien ou sur le nucléaire que la France, qui a été à l'origine de la relance des biocarburants en Europe, atteindra l'objectif, fixé aux Etats membres par la directive européenne du 8 mai 2003, d'incorporer 5,75 % de biocarburants dans les essences d'ici à 2010.
M. Jacques Blanc. Très bien !
M. Yves Détraigne. Pis, si nous ne prenons pas rapidement des mesures concrètes pour permettre le développement de la filière des biocarburants, nous avons toutes les chances d'accroître notre dépendance en matière d'énergie en étant contraints d'importer des biocarburants venant du Brésil, de l'Espagne ou de l'Allemagne, pays qui ont bien compris tout l'intérêt de cette filière.
Ainsi, le Brésil a produit 141 millions d'hectolitres d'éthanol en 2003, quand nous n'en produisions que 1,1 million en France et 4 millions dans l'ensemble de l'Union européenne. Je signale que l'Espagne est devenue l'an dernier le premier producteur européen d'éthanol et que l'Allemagne détaxe, depuis le 1er janvier dernier, ses biocarburants à 100 %.
Si l'on considère que, pour atteindre l'objectif fixé par Bruxelles, la production d'éthanol doit atteindre 14 millions d'hectolitres en France d'ici à 2010 et celle de l'Union européenne 113 millions, il est parfaitement clair que les décisions nécessaires au niveau de l'Etat doivent être prises sans attendre. L'an prochain, il sera trop tard !
Je sais que la situation actuelle des finances publiques ne facilite ni la mise en oeuvre d'une fiscalité adaptée aux biocarburants, ni la substitution ? qui ne serait pourtant que très partielle ? de cette énergie propre aux carburants d'origine fossile qui supportent la taxe intérieure sur les produits pétroliers. Mais, plutôt que de défiscalisation des biocarburants au regard de cette TIPP, ne devrait-on pas plutôt parler de mise en place d'une fiscalité incitative à la consommation d'énergies moins polluantes que les énergies fossiles ?
La fiscalité pesant sur l'énergie électrique n'a rien à voir avec celle qui pèse sur l'essence ou sur le gasoil. Pourquoi donc voudrait-on à tout prix maintenir la TIPP sur les biocarburants ? Pas plus que l'électricité ils ne constituent une énergie d'origine fossile et ils sont nettement moins polluants que l'essence ou le gasoil ; au surplus, ils sont renouvelables et accroissent notre indépendance énergétique.
Favoriser les biocarburants, ce n'est pas seulement donner de nouvelles chances de développement aux territoires ruraux, qui en ont bien besoin. C'est aussi développer une filière industrielle créatrice d'emplois et de richesses à un moment où notre pays est confronté à un véritable mouvement de désindustrialisation. C'est, en outre, ne l'oublions pas, réduire les émissions de gaz à effet de serre : on les diminue de 75 % chaque fois que l'on substitue un litre d'éthanol à un litre d'essence.
Les biocarburants méritent donc bien de se voir reconnaître dans le futur projet de loi d'orientation sur l'énergie autant d'importance que l'énergie nucléaire ou l'éolien.
A la suite de mesures, « arrachées » avec difficulté au cours des dernières années, telles que l'extension de la défiscalisation actuelle à l'incorporation directe de l'éthanol dans les essences ou l'agrément de 80 000 tonnes de diester supplémentaires, le groupe de l'Union centriste attend désormais des actes forts et concrets qui soient le reflet d'une véritable volonté de développer les biocarburants dans notre pays.
Monsieur le ministre, nous comptons sur vous ! (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Valade.
M. Jacques Valade. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais, à mon tour, apporter ma contribution à ce débat sur l'énergie, pour lequel nous vous sommes reconnaissants, monsieur le ministre, d'avoir sollicité l'Assemblée nationale et le Sénat dès votre entrée en fonction, afin de préparer nos prochains travaux législatifs.
Vous avez le mérite de vouloir mettre en place rapidement, avec courage et détermination, la nouvelle architecture de l'ensemble énergétique français et européen dont nous dépendons. Ainsi, le retard accumulé sur ce dossier par vos prédécesseurs de la « gauche plurielle » sera comblé et le risque de fragiliser l'un de nos secteurs industriels les plus performants sera écarté.
M. le ministre d'Etat a eu tout à fait raison d'affirmer, à l'Assemblée nationale, que, pour un pays moderne, « sans énergie, il n'y a pas de production de richesses, pas de confort et pas de progrès économique ». Il s'agit bien d'un véritable débat de société, auquel il est souhaitable d'associer nos concitoyens, ainsi que cela a été le cas à l'occasion du débat national organisé par le Gouvernement en 2003, alors que 70 % des Français s'estimaient mal informés sur le sujet.
La méthode que vous avez adoptée est cohérente : état des lieux, mise en perspective des enjeux, concertation, négociation avec les partenaires industriels et sociaux et traduction législative des dispositions souhaitables.
Vous le savez, monsieur le ministre, le Sénat a toujours été extrêmement attentif à ce que la représentation nationale joue totalement son rôle, et l'expérience a montré que le Sénat avait apporté une contribution majeure sur un sujet aussi important pour l'avenir de notre pays. Les travaux de nos commissions, du groupe d'études de l'énergie et de l'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques l'attestent, de même que l'initiative que j'avais prise, en mars 2001, face aux atermoiements et aux hésitations du gouvernement de l'époque, de faire inscrire à l'ordre du jour réservé de la Haute Assemblée une question orale avec débat sur la politique énergétique de la France.
A cette occasion, nous avions pu mesurer le décalage existant, malgré les déclarations officielles, entre les différentes sensibilités de la « gauche plurielle », dont les composantes avaient des positions pour le moins divergentes.
Aujourd'hui, il nous incombe de rattraper le temps perdu, de prendre les décisions nécessaires, d'agir de manière responsable dans un contexte européen et mondial qui a changé. Nous sommes prêts, monsieur le ministre, à vous y aider.
Notre premier défi est de définir, pour la France et, par conséquent, pour l'Europe, les termes d'une politique énergétique durable, acceptée nationalement et devant déboucher sur une coordination européenne. La deuxième étape de l'ouverture des marchés européens d'électricité et de gaz nous met face à l'obligation de maîtriser les éléments relatifs à la production d'énergie, quelle que soit son origine, et par conséquent la sécurité de l'approvisionnement, le transport de l'énergie et sa nécessaire cohérence au niveau européen.
Pour ce qui est de l'approvisionnement, rien ne peut se faire désormais sans avoir le souci permanent du respect de l'environnement de la planète. Dans ce but, nous avons souscrit aux engagements internationaux, en particulier aux contraintes du protocole de Kyoto, qui a fixé les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre.
Par ailleurs, la directive européenne du 27 septembre 2001 nous impose de porter, d'ici à 2010, la part des énergies renouvelables dans notre production d'électricité à 21%.
Force est de constater que la position des différents pays européens est diverse et que, au plan international, la position des Etats-Unis est singulière. Quant à la Chine - un certain nombre d'entre nous viennent de le vérifier, sur place, la semaine dernière -, elle est parfaitement consciente des efforts à effectuer, y compris pour utiliser les immenses gisements de charbon qui lui apportent une relative indépendance énergétique, à condition qu'ils soient utilisés d'une façon écologiquement supportable : charbon fluidisé ou charbon à l'état critique. Il n'en demeure pas moins que la Chine est dépendante du gaz et du pétrole, qu'elle doit importer, et qu'elle développe un programme nucléaire particulièrement ambitieux.
Quoi qu'il en soit, l'économie mondiale est confrontée à un immense défi, celui de la recherche du meilleur équilibre entre l'offre et la demande, dans un contexte géopolitique incertain, avec une interrogation rémanente : jusqu'à quand la planète pourra-t-elle faire face à une croissance mondiale toujours plus consommatrice d'énergie ?
En fait, d'où peut provenir l'énergie ? Chaque nation, chaque partie du monde possède, ou non, des ressources énergétiques : ici, le pétrole ou le gaz, ailleurs, le charbon ou le lignite, ailleurs encore, l'hydraulique, en plus ou moins grandes quantités. Enfin, le génie de l'homme a permis l'exploitation de matériaux particuliers tels que ceux qui fournissent l'énergie nucléaire.
Pour notre part, notre dépendance à l'égard du pétrole est devenue insupportable à partir de 1973, et le programme nucléaire français, sans précédent dans le monde, a réduit notre taux de dépendance énergétique. M. le ministre d'Etat évoquait des décideurs « géniaux », et je crois que l'adjectif n'est pas trop fort. Il nous faut, par conséquent, poursuivre dans cette voie !
Dans cette perspective, il me semble que les conclusions de la commission d'enquête sur la politique énergétique de la France, que j'ai eu l'honneur de présider et dont le rapport, établi par notre collègue M. Henri Revol, a été rendu public en 1998, sont toujours d'actualité : l'indépendance énergétique doit rester une priorité et elle exige à la fois la sécurité d'approvisionnement, le respect et la protection de l'environnement et la compétitivité des entreprises.
A cela s'ajoutent deux éléments complémentaires de plus en plus d'actualité : la nécessité des économies d'énergie - rappelons que l'énergie la moins chère est celle que l'on ne consomme pas - et la nécessité des énergies renouvelables auxquelles il est indispensable de faire appel.
A cet égard, il ne faut pas tromper nos concitoyens : il faut, certes, exploiter les énergies renouvelables, mais elles ne pourront, à elles seules, répondre à tous nos besoins.
Pour atteindre ces objectifs, la loi de programmation, annoncée par M. le ministre d'Etat, s'impose. Elle devra intégrer la sécurité de l'approvisionnement énergétique, la maîtrise de l'utilisation, dans les secteurs des transports et du logement notamment, le respect de l'environnement et l'indispensable solidarité au profit de l'ensemble du territoire, tout particulièrement en direction des plus démunis.
Dans ce cadre, nos choix s'orienteront certainement vers un bouquet énergétique plus diversifié dont le pivot restera nécessairement le nucléaire. A ce titre, nous devrons répondre à plusieurs questions. Qu'en est-il du démantèlement des centrales ? Que faut-il penser du renouvellement des équipements et de l'élimination des déchets sur laquelle le Parlement doit se préparer à se prononcer en 2006 ?
L'option de l'EPR, comme cela a été indiqué à plusieurs reprises, nous paraît s'imposer : elle permettra d'assurer une production d'énergie électrique plus sûre et moins chère grâce à la maîtrise technologique de nos entreprises, les plus performantes du monde, préservant ainsi nos choix futurs pour le renouvellement de nos centrales et permettant le développement de nos technologies sur les marchés extérieurs.
Enfin, si nous plaidons pour une approche globale de notre politique énergétique, il est indispensable de faire évoluer le statut d'EDF et de GDF.
Trois points sont essentiels, que nous aurons tout le loisir de développer dans les mois qui viennent : l'élargissement du principe de spécialité, la transformation des EPIC -établissements publics industriels et commerciaux - en sociétés anonymes à capitaux publics et, enfin, la gestion autonome du réseau de transport d'électricité, tant en France qu'en Europe.
Sur ce sujet, plusieurs scénarios semblent envisageables, qu'il convient d'examiner. D'aucuns, par exemple, prônent d'une part, la séparation des activités hors et dans la concurrence et, d'autre part, la constitution d'une entreprise publique de réseaux de transport de gaz et d'électricité. Ce schéma permettrait de séparer des secteurs aux évolutions différentes, d'adosser le fonds de retraite des personnels à cette nouvelle « entreprise des réseaux », d'homogénéiser tout ce qui relève du transport et d'en faire assumer la responsabilité à ceux qui en ont aujourd'hui la charge.
Dans tous les cas, le schéma retenu devra permettre à EDF et à GDF de demeurer compétitives face à leurs concurrents, tout en préservant la situation de leurs personnels.
En conclusion, monsieur le ministre, face aux évolutions du marché de l'énergie, l'immobilisme serait la pire des réponses. Que ceux qui prônent le statu quo en assument clairement les conséquences et qu'ils reconnaissent que ce serait vouer au dépérissement des entreprises et des secteurs de notre économie qui sont aujourd'hui parmi les premiers au niveau mondial. Je n'ose imaginer ce que cela représenterait en termes d'emploi, d'insécurité et d'aménagement du territoire.
C'est pourquoi nous ne pouvons que nous réjouir des déclarations du Gouvernement et le soutenir dans son action : oui à un mémorandum sur l'Europe de l'énergie, afin que tous les pays agissent de concert ; oui à de nouvelles mesures en matière fiscale ; oui à une loi de programmation énergétique ; oui à une loi sur la sûreté nucléaire ; oui à l'évolution du statut de nos entreprises, dans les termes qui viennent d'être précisés.
Dans ce domaine, la France a de l'avance, grâce à la pertinence des choix de ceux qui nous ont précédés. Reprenons la marche en avant, maîtrisons notre avenir au travers de la certitude de la fourniture d'énergie nécessaire à notre développement.
Au-delà de ce débat, il faut préparer les textes législatifs garants de cet avenir. M. le ministre d'Etat nous a fait part de ses intentions. Sachez dès maintenant, monsieur le ministre, que nous les soutiendrons. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
MM. Jean Bizet et Jacques Blanc. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en engageant la France, au lendemain du premier choc pétrolier, dans une politique d'économie d'énergie et de développement du nucléaire, le gouvernement de l'époque a permis à notre pays de conquérir son indépendance énergétique et de se doter d'une électricité compétitive, propice au développement de l'industrie et de l'emploi. Cette politique est, depuis lors, une constante des gouvernements successifs.
Aujourd'hui, la problématique énergétique est double : à la question de l'indépendance, qu'il s'agit toujours de garantir, s'ajoute la préoccupation environnementale ; les changements climatiques et la rupture de nombreux équilibres écologiques, principalement du fait de l'activité humaine, causent des dommages irréversibles à notre planète, donc à son futur.
Tous les choix que nous sommes aujourd'hui conduits à faire doivent intégrer une solidarité générationnelle. La recherche d'un développement durable, qui associe performance économique et respect environnemental, est aujourd'hui une absolue nécessité, une nécessité qui plaide en faveur du développement du mix, ou bouquet énergétique : préserver la filière électronucléaire et développer les énergies renouvelables.
Il est aujourd'hui indispensable de diversifier nos sources de production d'énergie et de développer rapidement et massivement les énergies renouvelables, avec notamment le bois, le solaire et les éoliennes, en particulier offshore. Monsieur le ministre, mes chers collègues, sachant qu'en qualité d'élu d'un département maritime, la Manche, cela fait près de dix ans que je plaide en faveur de ce dossier, vous comprendrez que je ne puisse que regretter le retard manifeste pris dans ce domaine et déplorer notamment le manque de mobilisation de nos entreprises.
Développer les énergies renouvelables implique de promouvoir de véritables filières industrielles en la matière, créatrices d'activités et d'emplois.
Par ailleurs, je suis persuadé que les collectivités territoriales doivent s'approprier ces nouvelles formes d'énergie, notamment en ce qui concerne les éoliennes, qui sont autant de sources d'énergie de proximité.
M. Jean-Pierre Godefroy. Si le nucléaire est incontestablement la base de notre réseau national de production d'énergie, les énergies renouvelables doivent constituer un vrai réseau régionalisé de soutien et d'accompagnement.
Développer les énergies renouvelables, c'est donc produire propre. Mais il faut aussi s'efforcer de « consommer propre ». Dès lors, il est incompréhensible qu'on ne lie pas notre politique de production énergétique à une grande politique des transports collectifs, assortie notamment d'un effort très important pour développer le ferroutage.
Nous produisons notre énergie, notamment d'origine nucléaire, utilisons-la pour mener une grande politique des transports ferroviaires. Cette solution, qui sera certainement moins coûteuse que le fioul nécessaire au transport par camions, nous permettra peut-être de réguler aussi le trafic des poids lourds qui empruntent nos autoroutes pour traverser la France sans payer la moindre taxe et, vraisemblablement, sans profiter à l'économie de la nation.
Cette production d'énergie nucléaire a donc son corollaire, le ferroutage, dont je pense de très longue date - certains ici peuvent en témoigner - qu'il constitue un grand chantier à ouvrir et une grande cause nationale pour le XXIe siècle.
Préserver la filière électronucléaire, c'est d'abord tenir compte du vieillissement de notre parc nucléaire : la première centrale, celle de Fessenheim, aura 30 ans en 2007. Même si nous avons de bonnes raisons de penser que la durée de vie de la majorité de nos centrales peut être prolongée d'une dizaine d'années, nous avons l'obligation d'assurer la pérennité de la production d'énergie à base nucléaire jusqu'à l'avènement des réacteurs de quatrième génération, qui, en tout état de cause, ne pourront pas être mis en service avant 2040, au mieux, l'étape intermédiaire étant essentielle pour garantir notre niveau d'indépendance énergétique présent.
Il serait peu raisonnable, mes chers collègues, d'imaginer une durée de vie de quarante-cinq, cinquante-cinq ou soixante ans pour l'ensemble de nos centrales. Ce serait jouer à l'apprenti sorcier, tant pour notre indépendance énergétique que pour la sécurité des sites concernés.
Il est donc nécessaire de prévoir cette transition. Il s'agit non pas d'accroître de façon démesurée notre potentiel de production d'énergie nucléaire, mais d'en préserver la capacité future.
Aussi, à titre personnel, j'estime qu'il est raisonnable de décider de construire le premier EPR pour qu'il entre en service au moment où la majorité des centrales atteindront leur limite d'âge.
J'adopte donc aujourd'hui la même position que celle qui fut la mienne en 1974, et que j'ai maintenue de façon constante pendant toute la période où j'ai été maire de Cherbourg.
M. René Garrec. Très bien !
M. Jean-Pierre Godefroy. Il est pour moi indispensable de rappeler que le changement de statut d'EDF-GDF n'est pas, à mon sens, une nécessité.
M. Jean-Pierre Godefroy. Cela allait trop bien entre nous, monsieur le ministre ! (Sourires.)
M. Jean Bizet. Encore un effort ! (Nouveaux sourires.)
M. Jean-Pierre Godefroy. Je ne peux partager l'opinion de ceux qui estiment que leur statut d'établissement public est aujourd'hui le premier frein à leur développement à l'extérieur de nos frontières. Pour comprendre ma position, il suffit de se référer à d'autres expériences, notamment à celles de GIAT industries ou de la direction des chantiers navals, la DCN, que je connais fort bien aussi et qui sont loin d'être concluantes.
Préserver la filière électronucléaire, c'est aussi prendre en considération la question des déchets.
A cet égard, monsieur le ministre, pouvez-vous nous confirmer que, pour l'instant, en tout état de cause, le Gouvernement n'envisage pas de revenir sur la politique de retraitement des combustibles irradiés ? Il apparaît en effet depuis quelque temps que l'ouverture du capital d'EDF-GDF pourrait être une tentation d'abandonner cette technologie afin d'alléger les coûts de production et, par conséquent, le prix de vente du kilowattheure.
Je le dis clairement, ce serait là une erreur : une telle voie serait très risquée car le stockage direct est une solution à retardement qui n'est pas maîtrisée écologiquement ni économiquement.
M. René Garrec. Eh oui !
M. Jean-Pierre Godefroy. De plus, une telle option poserait le problème de la sécurité des contrats commerciaux conclus. (M. le ministre fait un signe d'assentiment.)
Par ailleurs, il serait dommageable à notre industrie, très performante, de se livrer à de simples transferts de technologies vers des pays tels que la Russie, les Etats-Unis ou la Chine.
D'autres formules sont à trouver, certes pour réduire les transports, mais en même temps pour préserver notre activité et notre avance technologique.
Cette question est d'actualité puisque commence actuellement le démantèlement d'UP2-400 aux usines de La Hague et de Marcoule. Ce démantèlement paraît une excellente chose en soi dans la mesure où des réserves financières ont été constituées à cet effet, mais il serait important de savoir si leur montant est suffisant et disponible.
Il convient également de vérifier que nos capacités de retraitement ne se trouveront pas pénalisées par le plan de réorganisation présenté par la direction, qui prévoit de faire fonctionner en alternance les deux usines du site de La Hague, UP2-800 et UP3.
Historiquement, l'usine UP2-800 était réservée au retraitement des combustibles français et l'usine UP3 à celui des combustibles étrangers. Or la COGEMA prévoit, à partir du deuxième semestre de cette année, de faire fonctionner les deux usines en alternance pour retraiter indifféremment des combustibles français ou étrangers sur l'une ou l'autre des usines. La direction justifie ce choix par « une baisse du plan de charge » et par « la volonté de réduire les coûts » dans une proportion de l'ordre de 10 % en frais de personnels et charges externes. Près de 250 emplois sont concernés, monsieur le ministre.
Dans son projet de fonctionnement, la direction envisage de retraiter une centaine de tonnes de combustibles chaque mois dans une seule usine. Or force est de constater qu'il a été difficile de réaliser, ces dernières années, les plans de charge annuels prévus avec deux usines en fonctionnement. La production en alternance ne manquera pas de réduire encore la marge de manoeuvre.
De plus, il est à craindre que les réductions d'effectifs envisagées en matière de radioprotection, de maintenance et de production ne permettront plus d'assurer correctement la sécurité des installations, des salariés et de l'environnement, la maintenance préventive et corrective nécessaire, ni le bon fonctionnement des installations dans les domaines autorisés.
Pourtant, il est parfaitement possible de prévoir le maintien pendant plusieurs décennies d'un plan de charge minimum au niveau actuel de 1200 tonnes par an. En effet, EDF décharge chaque année 1200 tonnes de combustibles de ses réacteurs et n'en fait retraiter que 850. Il faut mentionner également les 9000 tonnes de combustibles entreposées dans les piscines de l'établissement de La Hague couvertes par un contrat de retraitement, les 3000 tonnes de combustibles stockées dans les piscines d'EDF, ainsi que les contrats d'ores et déjà passés avec les clients étrangers.
Ne pas engager le retraitement de l'ensemble des tonnes de combustibles entreposées en piscine conduirait inéluctablement à un stockage direct qui ne dirait pas son nom.
Comprenez mon inquiétude, monsieur le ministre : la COGEMA a d'ores et déjà envisagé des scénarii incluant la mise sous cocon de l'une des deux usines, UP3. Il est important que vous nous donniez rapidement des précisions à cet égard dans le cadre du débat qui s'engage.
S'agissant de la construction de l'EPR, vous comprendrez également, monsieur le ministre, que je revienne un instant à l'échelon local, pour dire que, lorsque la décision de la construction sera prise, le Nord-Cotentin, en raison de sa situation géographique...
M. Jean-Pierre Godefroy. N'est-ce pas, monsieur le ministre ?
...en raison de ses conditions climatiques très agréables, mais aussi très sécurisantes (M. le ministre sourit), du savoir-faire de ses entreprises locales, de la pratique de la transparence, tout à fait indispensable dans ce domaine, qui est menée au travers de la CSPI, la commission spéciale et permanente d'information, de La Hague, le Nord-Cotentin, dis-je, se porte candidat pour la réalisation à Flamanville du premier prototype.
M. Jean-Pierre Godefroy. Il convient de noter que cette technologie recueille l'assentiment d'une très large majorité de la population. En outre, la proximité de l'usine de La Hague me semble un élément déterminant pour le choix de Flamanville.
M. Jean Bizet. Très bien !
M. Jean-Pierre Godefroy. C'est la raison pour laquelle la communauté urbaine et la ville de Cherbourg-Octeville ont adopté, en novembre 2003, une motion pour l'implantation de cet EPR à Flamanville.
Nous sommes aussi soucieux de notre environnement que les Finlandais et, si ce site devait être retenu, il est tout à fait évident que l'opération devrait se réaliser dans la plus totale transparence et dans un large débat avec toutes les instances décisionnelles, collectivités territoriales, organismes professionnels, agricoles et salariés, Etat, EDF-GDF.
J'espère obtenir des réponses satisfaisantes de votre part, monsieur le ministre. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Ladislas Poniatowski.
M. Ladislas Poniatowski. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la France a pris conscience, au cours de ces dernières années, de la singularité de sa situation sur le plan énergétique. Le consensus qui régnait chez les Français, marqués par le choc pétrolier de 1973 et par la crise qui s'ensuivit, a fait place à de multiples questions. Faut-il rester fidèle à l'option nucléaire ? Le parc de nos réacteurs doit-il être intégralement renouvelé ? Devons-nous stocker nos déchets radioactifs ultimes ? Les énergies renouvelables peuvent-elles sérieusement assurer une partie de nos besoins ? Comment concilier croissance de la demande d'énergie et protection de l'environnement ?
A toutes ces questions nous devons apporter des réponses.
Je suis convaincu que nous devons tenter de nous départir de toute affinité idéologique. Quels sont en effet les problèmes concrets que nous devons résoudre ? Il s'agit de permettre la fourniture de courant à tout usager des Hauts-de-Seine (M. le ministre sourit.) ou de tout autre département de France qui dispose d'un compteur de dix ampères, aussi bien qu'à une usine de production de verre ; il s'agit d'assurer également le chauffage des logements et le transport de nos concitoyens et de nos entreprises, que ce soit par le rail, par la route ou par les airs.
Si les besoins sont clairement identifiables, les solutions pour y répondre font l'objet de contestations. C'est là tout l'intérêt du débat entamé depuis plusieurs années et aujourd'hui relancé par le Gouvernement, qui n'a pas craint de poser le problème des nouvelles orientations de la politique énergétique sur la place publique. Soyez-en remercié, monsieur le ministre.
J'ai pour ma part quatre convictions.
M. Ladislas Poniatowski. Je suis convaincu que le « socle du nucléaire » demeure incontournable.
Je suis également convaincu que seule la diversification des sources d'approvisionnement est garante de la sécurité énergétique de notre pays.
J'ai aussi la conviction qu'il faut renforcer l'efficacité énergétique de notre consommation.
Je suis enfin convaincu que nos opérateurs historiques, EDF et GDF, doivent et peuvent être les fers de lance de notre stratégie énergétique.
En ce qui concerne ma première conviction, dans le « bouquet » énergétique français, quelle alternative pouvons-nous trouver au nucléaire ? C'est la question primordiale que nous devons nous poser.
Pour avoir suivi ce dossier depuis de nombreuses années, je suis convaincu de la nécessité de préserver la filière nucléaire française et de construire, dès que possible, un premier démonstrateur de réacteur à eau pressurisée. Les paroles qu'a prononcées devant nous M. Nicolas Sarkozy tout à l'heure vont dans ce sens et me rassurent. Il s'agit, je vous le rappelle, mes chers collègues, d'un réacteur plus performant, plus sûr, plus économique et plus écologique.
M. Roland Courteau. Tout est relatif !
M. Ladislas Poniatowski. D'ailleurs, tout comme mes collègues de Basse-Normandie, je n'ai pas le « nucléaire honteux ». Je suis même candidat pour que ma région de Haute-Normandie accueille, par exemple à Penly, le prototype de l'EPR.
M. Roland Courteau. Et de deux ! (Sourires.)
M. Ladislas Poniatowski. Mais nous ne sommes pas les seules régions dans ce cas, et je m'en félicite ! Je ne comprends pas ceux qui prétendent s'inscrire dans une logique de sortie du nucléaire qui conduirait, comme l'a rappelé tout à l'heure notre collègue Henri Revol, à une véritable impasse économique.
La récente décision de la Finlande, qui a choisi de recourir à notre procédé, ouvre la voie, j'en suis certain, à une inversion de la tendance dans les médias, car nous avons besoin du nucléaire ; nous ne pouvons nous en passer.
M. Jean Bizet. C'est évident !
M. Ladislas Poniatowski. Il est de notre devoir de rendre les Français conscients de cet état de fait.
J'observe, au demeurant, que les collectivités locales sont, sur ce sujet, moins timorées que l'Etat puisque plusieurs d'entre elles - et pas seulement la Haute-Normandie et la Basse-Normandie - revendiquent, d'ores et déjà, l'installation du premier réacteur EPR sur leur territoire. N'oublions pas cependant que, pour que ce réacteur puisse entrer en production dans dix ans selon l'objectif visé, comme M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie nous l'a rappelé tout à l'heure, il convient de lancer sa fabrication dès à présent. La décision est à prendre aujourd'hui.
Je tiens à signaler que les perspectives ouvertes par le développement de l'industrie nucléaire dans des pays tels que la Chine suscitent une demande à laquelle nos industriels peuvent répondre, tant pour de grandes centrales de 1.200 et 1.600 megawatts que pour de petites centrales de 200 à 300 megawatts. Encore faut-il que l'Etat s'applique à favoriser le développement de cette filière qui, je vous le rappelle, compte actuellement près de 150.000 emplois directs, auxquels s'ajoutent les sous-traitants.
Or, mes chers collègues, il est paradoxal de constater que nos concurrents allemands, qui ont stoppé leur marché national, se tournent vers l'exportation et sont en train de nous prendre des parts de marché sur le créneau des petites centrales nucléaires.
M. François Trucy. C'est vrai !
M. Ladislas Poniatowski. Mais il serait illusoire de borner le débat sur la politique énergétique à l'aspect de la pérennité du nucléaire.
Ma deuxième conviction est que la diversification des sources d'approvisionnement est garante de la sécurité énergétique française.
C'est la seule garantie dont notre pays peut se doter. En la matière, sans vouloir dresser un inventaire exhaustif, il m'apparaît que nous devons envisager les conditions de la préservation du développement de tous les types d'énergie : le gaz, le pétrole, le charbon et, bien évidemment, l'hydroélectricité et les énergies renouvelables, que vous avez été plusieurs à évoquer avant moi.
Le gaz est trop souvent méconnu, alors même que nos compatriotes ont « un faible » pour cette source d'énergie. Elle est bien acceptée par la population, se prête à des usages divers, au stockage et est source d'émissions relativement modérées par rapport aux autres énergies fossiles.
En tant que rapporteur de la loi relative à l'ouverture du marché gazier, je suis très attaché, comme notre collègue Jean-Paul Emorine, qui est intervenu au nom de la commission des affaires économiques, au devenir de notre opérateur historique national Gaz de France. Je l'ai dit à plusieurs reprises, GDF mérite d'être enfin doté de moyens financiers suffisants pour acquérir les gisements qui garantiront sa compétitivité future et lui permettront de devenir un producteur multiénergie dans le cadre de la diversification de ses activités.
Le pétrole demeure incontournable, lui aussi, eu égard à sa faible « substituabilité » dans le domaine des transports. Je vous rappelle que la demande mondiale de pétrole pourrait progresser de 2 % par an jusqu'en 2025, entraînant une augmentation de 160 % du total consommé. Même si, pour la première fois depuis 1973, la consommation française de pétrole a diminué en 2003, comme le rappelait M. Nicolas Sarkozy, probablement grâce aux mesures prises en termes de sécurité routière, notre pays ne pourra se passer de pétrole et c'est pourquoi nous devons rester attentifs au devenir de cette filière.
J'en viens au charbon, ce qui pourrait surprendre d'aucuns quelques jours après la fermeture de la dernière mine de Moselle.
Je considère que le charbon n'est pas une industrie du passé. Qui en France sait que le charbon est aujourd'hui à l'origine de la production de plus de la moitié du courant électrique en Allemagne ? Nous devons conserver absolument des compétences en la matière.
M. Ladislas Poniatowski. Je parle non pas de production, mais de consommation. Nous devons diversifier nos approvisionnements afin de ne pas être soumis au seul jeu du prix des produits pétroliers. Nos centrales à lit fluidisé circulant, situées notamment en Provence, à Gardanne, et en Lorraine, la centrale Emile-Huchet, constituent un exemple exportable pour le monde entier car elles fonctionnent même avec des charbons de qualité médiocre et émettent une quantité minime de gaz carbonique.
J'en viens enfin au développement des énergies renouvelables.
Comme j'ai eu l'occasion de le dire à plusieurs reprises à cette tribune, la situation de la France en la matière n'est pas satisfaisante. Nous ne pouvons à la fois souscrire à Bruxelles des engagements sur le développement de la production de courant par les énergies renouvelables - atteindre 21% en 2010 de notre électricité par ce moyen - et refuser la construction d'éoliennes. Certes, il convient de les implanter avec discernement notamment en off-shore, mais nous ferions une lourde erreur en donnant à l'opinion publique le sentiment que nous refusons ce qui constitue, aux yeux de certains, une « solution miracle » alors que, nous le savons tous et sauf à ce que des sauts technologiques majeurs soient franchis, les énergies renouvelables ne pourront pas bouleverser la structure de la production d'énergie nationale. Je crois d'ailleurs que rien ne vaut la diffusion des différents types de production d'énergie pour que les Français puissent comparer à la fois leurs mérites et leurs coûts respectifs et constater que les uns et les autres ont leurs avantages et leurs inconvénients.
Je serais tenté de dire : pas d'exclusive !
Ce devrait être le mot d'ordre d'une politique active de soutien à toutes les énergies renouvelables qui fasse aussi sa place à l'énergie photovoltaïque, dont le potentiel demeure important puisque d'autres pays européens, y compris au nord de l'Europe, là où l'ensoleillement est moindre qu'en France, ont une grande longueur d'avance sur nous.
Enfin, dans un esprit d'aménagement du territoire, veillons à développer les biocarburants. Notre collègue Yves Détraigne y a insisté tout à l'heure avec beaucoup de justesse et de pertinence.
Ma troisième conviction est qu'il faut renforcer l'efficacité énergétique de nos consommations.
Dans son programme, le Gouvernement a le mérite de se situer dans la continuité de l'action de son prédécesseur en matière de relance de la politique de maîtrise de la demande d'énergie.
Voilà un sujet bien austère, qui ne porte de fruits que sur le long terme et n'occasionne, à brève échéance, que les doléances des constructeurs de maisons, de logements, lesquels considèrent que les mesures d'économie occasionnent avant tout un surcoût, observé également dans le domaine des transports ou même dans l'industrie. C'est pourquoi je suis convaincu que seule une politique fiscale active - et mon oreille a été assez satisfaite par ce que j'ai entendu tout à l'heure dans la bouche du ministre - permettra d'assurer le succès des actions réalisées en matière de demande de la maîtrise d'énergie.
Ma dernière conviction concerne l'avenir de nos opérateurs historiques.
Rapporteur pressenti du projet de loi qui aura à traiter de la modification du régime juridique des entreprises EDF et GDF, je ne saurais conclure mon propos sans avoir évoqué cette question.
Ma conviction est que nous devons clairement dire aux personnels dont nous entendons les préoccupations notre volonté de définir des solutions qui permettent d'assurer la pérennité de leurs entreprises dans un cadre concurrentiel en transformation.
Voilà quelque temps, le président de l'une de ces deux entreprises indiquait que rien ne serait pire que l'immobilisme : le maintien du statut d'établissement public et du principe de spécialité aboutirait à corseter, voire étouffer, des entreprises qui ne demandent qu'à se développer. On cite souvent, en la matière, le référendum organisé l'an passé par les organisations syndicales, à l'issue duquel, vous vous en souvenez mes chers collègues, 53 % des salariés auraient rejeté les solutions qui leur étaient proposées. C'est, à mon avis, aller un peu vite en besogne dans la lecture de ces résultats qui montrent avant tout, d'une part, l'inquiétude des personnels face à l'avenir et malgré tout, d'autre part, la maturation des esprits puisque47 % d'entre eux, ce qui est loin d'être négligeable, se sont déclarés favorables aux réformes.
Dans ce contexte, j'appelle de mes voeux la solution rapide des questions qui demeurent en suspens, à commencer par celle des retraites car rien n'est pire, pour les personnels, que la prolongation d'une incertitude qui dure depuis le vote de loi Pierret, en 1999.
Il nous faut aussi rassurer les personnels de ces entreprises, fleurons, je vous le rappelle, de l'industrie française, en affirmant qu'ouvrir le capital de leurs entreprises ne signifie en aucun cas baisser la garde en matière de sûreté et ne constitue en aucun cas une remise en cause des missions de service public desdites entreprises.
Monsieur le ministre, rassurer, éclairer, expliquer, tels doivent être les maîtres mots de notre action dans les prochains mois.
Si l'on ne s'en tenait qu'à l'énoncé des problèmes qui se posent à la France en matière de politique énergétique, on ne pourrait être que perplexe, voire inquiet.
En observant, en revanche, les progrès accomplis, les résultats obtenus et les réformes réalisées, on demeure frappé par l'inventivité et le sens de l'innovation qui ont caractérisé l'évolution du secteur de l'énergie. C'est pourquoi je suis convaincu que c'est par la confiance que nous réussirons à mener à bien la nouvelle politique dont nous définissons aujourd'hui même les bases. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Plancade.
M. Jean-Pierre Plancade. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il est difficile d'intervenir à cette heure tardive compte tenu de la compétence de tous les orateurs qui se sont exprimés sur le sujet. Aussi limiterai-je mon propos en me bornant à évoquer quelques points qui n'ont été que peu ou pas abordés.
Tout d'abord, je rappellerai que l'énergie n'est pas un bien comme les autres. C'est un bien stratégique, une partie intégrante de nos « intérêts vitaux ».
A défaut d'énergie mise à disposition en quantité suffisante, c'est non seulement notre économie qui ralentit et risque la récession, mais c'est tout notre mode de vie qui est rendu impossible ou en tout cas difficile.
Ainsi, la sécurisation des accès aux approvisionnements, des transports de matières premières ou encore des sites de production et de leurs informations a été et demeure une des missions prioritaires de nos forces armées. Cela vaut pour la France comme pour tous les États. Ce caractère « sensible » est accru par l'emploi, spécialement dans le nucléaire mais pas uniquement, de technologies dites « duales ».
Enjeu international, enjeu géopolitique, l'énergie est de ces rares domaines qui peuvent, encore aujourd'hui et malheureusement, décider de la guerre ou de la paix entre les nations. À l'heure où nous nous apprêtons à décider de l'avenir énergétique de notre pays, il ne faut pas l'oublier.
Cependant, cet aspect, si important soit-il, ne suffit pas bien sûr à résumer les problématiques internationales liées à l'énergie.
Le marché de l'énergie à l'échelle de la planète, par les rapports de force et parfois d'exploitation qu'il entretient, est un sujet de grande préoccupation et peut-être même une bombe à retardement. Comment pourrait-il en être autrement alors que 20 % de la population mondiale, dont nous faisons partie, consomme 80 % de la production ! Plus de 2 milliards d'individus n'ont pas accès à l'électricité ; 4 milliards en sont pourvus mais à un niveau encore inférieur à celui de la majorité des pays de l'Europe de l'Est. Et il ne faut pas croire que cette inégalité ne touche que les pays du Sud : même dans les États occidentaux, les exclus se comptent par millions !
Dans ces conditions, nous devons nous demander quels moyens, tant techniques que financiers, les pays du Nord sont prêts à mobiliser pour aider les États du Sud à développer leur production d'énergie. Il y a près de quatre ans, au moment de la ratification des accords de Kyoto, j'évoquais déjà ici la nécessité de mettre en place des politiques de coopération plus adaptées. Or, l'accroissement des inégalités intervenu ces dernières années associé aux prévisions de croissance des émissions de gaz carbonique en provenance du Sud - 58 % des émissions en 2050 contre 29 % actuellement -- rendent la question de l'aide et de la coopération encore plus sensible aujourd'hui. L'un d'entre nous évoquait tout à l'heure la consommation de la Chine, qui est un exemple particulièrement significatif et inquiétant.
Par ailleurs, le débat sur l'énergie ne peut pas s'envisager autrement qu'à la lumière du respect de l'environnement et de la planète. Et pour cela, il nous paraît indispensable de travailler simultanément au rééquilibrage de la répartition des gaz à effets de serre et à la maîtrise de notre consommation, parce que nous savons bien que consommation et pollution sont intrinsèquement liées.
Une fois n'est pas coutume, il y a unanimité parmi les experts. La maîtrise de l'énergie, objectif prioritaire de toute politique énergétique sensée, passe bien sûr par la maîtrise de la production et des risques qui y sont attenants, mais aussi et surtout par la maîtrise de la consommation.
Là est la priorité, spécialement en France, où la consommation énergétique a été multipliée par deux depuis 1970 et où la seule consommation d'électricité a été multipliée par dix ! Actuellement, notre demande en électricité augmente de 2 % par an. Nous sommes, à l'instar des autres pays développés, en pleine escalade.
La maîtrise de la consommation est souvent le parent pauvre des politiques énergétiques. Agir sur la consommation, c'est donc agir directement sur l'ensemble des problèmes que nous rencontrons aujourd'hui.
Dès lors, l'on doit se demander comment agir pour une meilleure maîtrise de la consommation. Trois axes peuvent être combinés : la recherche technologique, les changements de comportements, le travail sur les secteurs sensibles.
Premier axe : la recherche dans les technologies dites de basse consommation. Meilleure optimisation de l'énergie, limitation des pertes, développement de composants plus réceptifs sont autant de directions où la recherche avance mais trop lentement. Nous devons donc stimuler cette recherche.
Deuxième axe - sans doute le plus important - il faut changer les comportements, les habitudes, les pratiques de consommation. C'est un travail difficile, de longue haleine qui prendra du temps mais auquel il faut s'atteler. L'ADEME travaille précisément à cela par ses campagnes de sensibilisation et ses études scientifiques fiables. Or je rappelle, monsieur le ministre, que le budget de l'ADEME vient d'être diminué de 15 %.
Troisième axe : le travail sur les secteurs qui posent aujourd'hui le plus de problèmes, c'est-à-dire les transports et l'habitat. Paradoxalement, alors que ce sont les secteurs dont la production de pollution augmente le plus vite, ce sont les grands oubliés de Kyoto et du dernier Livre blanc sur l'énergie.
Jusqu'à maintenant, les politiques nationales et transnationales de lutte contre la pollution se sont focalisées sur le secteur de l'industrie. Pourtant, depuis une dizaine d'années, les transports, le logement et le tertiaire voient leur part de pollution croître considérablement. En 2003, cumulés, ils représentent 54 % de la production de gaz carbonique. Alors qu'entre 1980 et 2000 nos émissions totales ont diminué de 18 %, les émissions des transports, elles, ont augmenté de 53 % ! À l'échelle européenne, c'est 80% de la croissance des émissions de gaz carbonique qui sont le fait des transports, et presque exclusivement le fait des transports routiers.
La primauté, disproportionnée, accordée aux investissements routiers au détriment du ferroutage et des transports en commun, est clairement responsable de cette dérive.
Il y a quarante ans le ferroutage représentait 40% du fret, contre seulement 22% aujourd'hui. On peut s'étonner de cette évolution puisque la route pollue plus et est plus dangereuse. De plus, grâce à des investissements réguliers dans la recherche ferroviaire, la France est à la pointe de ces technologies du rail. Pourtant, puisque la part de fret utilisant le rail ne cesse de diminuer, il faut croire que nous nous refusons à en tirer tous les bénéfices.
L'impératif environnemental doit présider à notre politique des transports et, à ce titre, l'État et les collectivités locales doivent montrer l'exemple.
Je dois dire mon regret de ne pas voir les collectivités locales plus impliquées dans les politiques énergétiques. Il n'y a rien sur ce chapitre dans la nouvelle loi relative aux responsabilités locales. Pourtant, qui mieux que les collectivités locales, par leur connaissance pratique des situations, sont à même d'estimer les besoins et donc de travailler à diminuer la consommation d'énergie par des politiques de proximité, d'incitation et d'encadrement.
Or, je constate que le Gouvernement vient de supprimer toute une série d'aides aux collectivités locales dans le cadre des politiques de transport en commun ; je pense notamment aux aides accordées aux agglomérations concernant les plans de développement urbains ; il y a là aussi une incohérence.
De même, la nécessaire implication des collectivités locales dans la politique énergétique pourrait passer par l'attribution du statut de service public aux réseaux de distribution de la chaleur comme les systèmes de géothermie ou de récupération de la chaleur émise lors du traitement des déchets. Cela s'inscrirait dans une tendance européenne puisqu'une directive européenne autorise aujourd'hui l'application d'une TVA plus restreinte aux réseaux de chaleur, mesure qui n'est toujours pas appliquée dans notre pays.
Poursuivant ma réflexion, je dirai quelques mots sur la pierre angulaire de la politique énergétique française, à savoir la recherche de l'indépendance nationale face aux évolutions du contexte international.
À la fin de la Grande Guerre, notre niveau de production énergétique avait atteint un niveau si bas qu'il avait fallu réagir de façon structurelle. C'est alors que le concept d' « indépendance nationale » s'est imposé comme ligne directrice de notre politique énergétique. Diversification des approvisionnements, recherches techniques et surtout développement, dans un premier temps, de la « houille blanche », tout fut entrepris pour accroître notre autosuffisance, et c'est bien.
La décision du nucléaire s'est clairement inscrite dans cette dynamique. Le succès a été réel car, bien que certaines voix s'élèvent pour discuter les chiffres, il est généralement admis que nous sommes ainsi passés d'une autosuffisance de 25 % à 50 % aujourd'hui. C'est un seuil très élevé pour un Etat aux ressources naturelles énergétiques plus que limitées. Sachant que le pétrole et le gaz représentent à eux deux 50 % de notre consommation d'énergie et sachant que nous importons la quasi-totalité de ces matières premières, notre niveau d'indépendance énergétique sera difficile à dépasser.
Il y a bien une solution, toujours la même. En effet, en l'état actuel, une politique active de maîtrise de notre consommation d'énergie est la seule option qui peut nous permettre de réaliser et d'ancrer de façon durable et croissante notre indépendance énergétique.
Cependant, il faut considérer notre volonté d'indépendance au regard des évolutions et, bien sûr, des relations entre Etats.
Personne aujourd'hui ne peut affirmer que notre époque n'est pas celle de l'interdépendance. Dans le domaine de l'énergie, c'est vrai à un double titre : d'abord pour l'environnement, lequel ne peut être sérieusement envisagé qu'à l' échelle planétaire ; ensuite à propos des flux marchands des ressources énergétiques naturelles et des imports-exports des énergies fabriquées comme l'électricité, domaine dans lequel l'interdépendance est porteuse de risques. Les crises pétrolières des années soixante-dix et les vastes coupures d'électricité de ces dernières années, en Amérique du Nord notamment, sont là pour en témoigner.
Dans les deux cas, cette interdépendance est plus prégnante encore en Europe.
En ce qui concerne l'environnement, faut-il rappeler que l'Union est à l'avant-garde mondiale de la lutte contre l'effet de serre. La mise en application du protocole de Kyoto et l'harmonisation des politiques environnementales et énergétiques, par les discussions qu'elles suscitent et par les décisions qui sont arrêtées, sont une occasion unique de développer et de continuer à renforcer la construction européenne ?
Sur le second point, il y a urgence. Les crises électriques en Europe se sont multipliées : Danemark, Suède et Italie. Il est urgent d'harmoniser les règles de fonctionnement, de fixer des minima d'autosuffisance pour chaque Etat membre.
Le cas italien nous offre d'ailleurs plusieurs leçons sur les facteurs de risques. L'Italie fait partie des pays développés qui importent le plus d'énergie, ses capacités propres étant très en dessous de ses besoins. La panne a pour origine le circuit électrique Suisse. Or ce circuit n'est pas doté, à la différence de nombreux pays dont la France, d'un Gestionnaire de Réseaux de Transports d'électricité indépendant. Toutes les études montrent que l'indépendance de ces gestionnaires est un facteur de sécurité car cela garantit un meilleur contrôle de l'état du réseau, notamment par une programmation d'investissements plus précise et plus adaptée.
Ces considérations étant posées et avant de conclure, il me faut envisager brièvement la question du choix énergétique en lui-même.
Voilà plusieurs décennies, la France a fait le choix du nucléaire. Comme tout choix, celui-ci présente des avantages et des inconvénients.
Aurions-nous pu atteindre notre niveau d'autosuffisance énergétique actuelle sans le nucléaire ? Je ne le pense pas. Aurions-nous pu produire, par un autre processus, autant d'électricité sans polluer notre environnement ? Là encore, la réponse est non. Toutefois, ce constat dicte-t-il de ne rien changer ? Non, bien sûr.
Le problème des risques, si bien traité soit-il, et il l'est indiscutablement, demeure et demeurera car le risque nucléaire ne peut jamais être ramené à zéro, particulièrement avec un parc de centrales aussi important que le nôtre.
La question des déchets est, elle aussi, persistante et doit être mieux traitée dans l'avenir.
En outre, le nucléaire souffre exagérément du secret et du mystère. II est temps d'y remédier, et ce point a été évoqué tout à l'heure par M. Sarkozy. Ainsi, la loi sur la transparence et l'information du nucléaire doit être débattue au plus vite.
Quelle que soit la réussite du secteur nucléaire, les préoccupations de nos concitoyens sur ce sujet nous imposent de réagir.
S'agissant des énergies renouvelables, la France est en retard et l'objectif européen de 21 % de notre production d'énergie en provenance des énergies renouvelables doit être un impératif prioritaire. Nous savons que l'énergie hydraulique est déjà presque à son niveau optimal. Nous devrons donc nous tourner vers d'autres sources d'énergie pour la production électrique. Je pense aux éoliennes, domaine où l'Allemagne produit cinquante fois plus que notre pays et l'Espagne vingt-cinq fois plus. Si nous atteignons l'objectif des 21 % à l'horizon 2010, ce sont entre 4 millions et 6 millions de tonnes de gaz carbonique qui, chaque année, ne seront plus rejetés dans l'atmosphère.
Il est donc urgent de mieux maîtriser l'énergie et, surtout, sa consommation. Mais il est également urgent de diversifier nos sources d'énergie pour mettre en place un authentique « bouquet énergétique » dans lequel la part des énergies renouvelables progressera régulièrement.
Afin d'atteindre ces objectifs, le soutien à la recherche sera déterminant et la définition d'une feuille de route chiffrée est indispensable.
Mais, au-delà de ces objectifs, c'est toute la structure de la filière énergétique qu'il nous faut transformer. Le système centralisé qui est le nôtre doit être complété par un système plus décentralisé, dans lequel le lien entre niveau national et niveau local sera plus efficace car il aura été renforcé.
Monsieur le ministre, nous savons tous que l'énergie est un bien précieux : la politique énergétique touche directement à la vie de la planète. Nous savons qu'il existe un lien entre développement économique, consommation et pollution, qu'il nous faudra rééquilibrer les dépenses énergétiques entre le Nord et le Sud, qu'il faudra repenser la politique de production d'électricité, laquelle, il convient de le rappeler, engendre 100 millions de dettes en France pour les plus pauvres, qu'il nous faudra offrir un bouquet de réponses et qu'il faudra bien sûr élaborer une loi sur une politique à moyen terme.
Cependant, monsieur le ministre, vous pouvez prendre immédiatement une mesuree, et là je m'adresse à l'Etat, mais je pourrais aussi m'adresser aux collectivités locales. Il s'agit de l'engagement de remplacer dès 2005, au fur et à mesure du renouvellement du parc automobile de l'Etat et des collectivités locales, les véhicules par des bus « propres », par des camions fonctionnant au gazole désulfuré, par des véhicules dotés de filtres à particules ou par des véhicules électriques. Ce serait une mesure concrète et immédiate en faveur de la protection de l'environnement et de nos agglomérations. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Bruno Sido. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce débat sur la déclaration du Gouvernement relative à l'énergie est d'une importance capitale pour notre économie et pour notre environnement.
La consommation mondiale d'énergie va connaître, dans les années à venir, une croissance très forte. Les efforts d'économie d'énergie que nous devons entreprendre ne doivent pas nous leurrer, le niveau des besoins mondiaux croîtra d'une manière très importante.
En amont, les modes de production de l'énergie évolueront sous les effets combinés de l'épuisement de certaines ressources fossiles, des évolutions technologiques des énergies thermiques ou nucléaires, ou bien encore sous l'effet du développement des énergies renouvelables.
La définition d'une politique énergétique, du «mix énergies» regroupant différents types d'énergies et différents modes de distribution et de consommation est un point de débat important. Nous en convenons tous.
Les éléments constitutifs du débat ont été posés et M. le ministre d'Etat nous a présenté, sur ces points, la politique claire que le Gouvernement entend mener.
Je me suis intéressé, monsieur le ministre, au débat dès sa présentation devant l'Assemblée Nationale le 15 avril dernier et je me réjouis de la qualité des interventions de la plupart de mes honorables collègues députés.
Cependant, j'ai fait une analyse textuelle de tout ce qui a été dit à l'Assemblée nationale. C'est facile avec un ordinateur : il suffit de rentrer un mot-clé pour savoir combien de fois celui-ci a été prononcé. Ainsi, j'ai constaté que le mot « Bure » a été prononcé zéro fois. Il en est de même des mots « laboratoire souterrain », « ANDRA », « couches géologiques ». Le mot « enfouissement » a été prononcé une fois, mais il s'agissait de l'enfouissement des lignes à haute tension. Les mots « déchets radioactifs » ont été prononcés à trois reprises, par M. Dosé, qui attirait l'attention sur le problème des déchets dans les pays de l'Est. Or M. Dosé est député de la Meuse, là où se situe Bure.
M. Eric Doligé. La Meuse, c'est à l'Est ! (Sourires.)
M. Bruno Sido. Monsieur le ministre, je dois vous faire part de mon étonnement face à cette grande lacune. En effet, le sentiment nous est donné que le problème - complexe - des déchets radioactifs est résolu ou est en passe de l'être dans les mois à venir, et vous savez bien qu'il n'en est rien, monsieur le ministre. Si je ne connaissais pas personnellement cette question de l'aval du cycle, je me féliciterais de cet optimisme.
Le Parlement sera appelé à en débattre dans le cadre de l'application de la loi du 30 décembre 1991 relative aux recherches sur la gestion des déchets radioactifs à haute activité et à vie longue, dite « loi Bataille ».
L'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques s'est saisi de cette question déterminante car les choix relatifs à la production d'énergie sont conditionnés par les choix concernant les déchets, et inversement.
Or, à cette heure, le problème de ces fameux déchets à haute activité et à vie longue n'a pas de solution. Je peux en témoigner en ma qualité de président du conseil général de la Haute-Marne, département qui accueille, avec la Meuse, le chantier de construction du futur laboratoire souterrain de Bure.
Dans le cadre du débat sur l'énergie, l'application de la loi du 30 décembre 1991, et notamment l'axe 2 des recherches sur le stockage en couches géologiques profondes, n'est pas discutée avec la gravité nécessaire.
Il faut poser les termes du problème sans attendre 2006.
Certes, il faut se féliciter du travail effectué par l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques. Mais, en dépit de la confiance et de l'intérêt que nous accordons à l'Office et à ses travaux, nous ne pouvons pas, ici, faire l'économie d'un débat sur l'application de la loi du 30 décembre 1991. Chacun, je crois, admettra qu'il est difficile d'envisager sérieusement des orientations de la politique énergétique sans traiter de la question des déchets et des questions environnementales qui en découlent.
Nos concitoyens ne comprendront pas un nouveau développement de l'industrie électronucléaire sans solutions pour l'aval du cycle.
La technologie la plus poussée, les processus de séparation des radioéléments ou de transmutation les plus ambitieux ne dispensent pas la France, en l'état actuel des connaissances, d'un dispositif de stockage ultime, réversible ou irréversible, selon les possibilités techniques.
La technologie de l'EPR permettra de réduire la quantité de déchets radioactifs,...
M. Bruno Sido. ... et nous nous en félicitons ; c'est une avancée très précieuse. Reste que nous devons disposer de solutions pour ces déchets à vie longue et à haute activité -pour les 70 % qui demeureront - et pour ceux qui ont été produits depuis les années soixante.
A plus long terme, c'est-à-dire 2045 puisque M. le ministre d'Etat nous a indiqué cette date, les réacteurs de quatrième génération permettront d'envisager des solutions très prometteuses, mais aucune communauté scientifique ne prétend régler l'ensemble du problème des déchets à vie longue en stocks.
Notons que la situation est encore plus caricaturale pour les pays d'Europe qui souhaitent abandonner rapidement leur industrie nucléaire : une seule solution s'offre à eux, le stockage en couches géologiques profondes.
En novembre 2003, j'ai initié, avec l'appui du ministère de l'industrie, les entretiens européens sur les déchets radioactifs. Le cadre strictement hexagonal est, en effet, particulièrement inadapté pour traiter des questions d'énergie et d'environnement.
J'espère, monsieur le ministre, avoir le plaisir et l'honneur de vous associer aux Entretiens européens 2004, que nous organiserons avec Confrontation Europe en novembre.
Cette manifestation internationale a permis de dégager, une nouvelle fois, deux conclusions fortes. La première : le stockage en couche géologique profonde est préconisé, selon des modalités variables, par tous les pays nucléarisés, quelle que soit leur intention sur l'avenir du nucléaire. Seconde conclusion : l'acceptation d'équipements de stockage, notamment par les populations locales, est un point de passage obligé, incontournable.
Or la situation de la France en matière de stockage souterrain est simple : nous n'avons aucun site pour organiser un stockage en couche géologique profonde. Au mieux, nous disposons d'une piste d'étude, une piste unique, à Bure, dans le département de la Meuse, aux confins de la Haute-Marne. Cette piste est très fragile et il est de notre devoir d'en prendre pleinement conscience.
Pour être sérieusement envisagé, un projet de centre de stockage doit répondre à trois séries de critères : des critères technologiques, des critères naturels et des critères humains.
S'agissant des critères technologiques, il s'agit de concevoir un concept de stockage avec des ouvrages miniers qui permettent de déposer des colis de déchets, d'assurer le plus longtemps possible leur confinement, d'assurer les conditions de réversibilité en toute innocuité. L'ANDRA et ses partenaires travaillent activement ces questions sous l'oeil avisé de la commission nationale d'évaluation.
Concernant les critères naturels, il s'agit de vérifier si les couches géologiques cibles, en l'occurrence le callovo-oxfordien pour l'est de la France, ont des caractéristiques physico-chimiques compatibles avec un stockage.
Ce point est plus délicat car il s'agit d'étudier in situ la roche afin de vérifier sa capacité à accueillir l'ouvrage, sa capacité à limiter suffisamment la migration des éléments radioactifs après que l'ouvrage a perdu sa capacité de confinement.
En 1991, à l'heure de la trêve des confiseurs, le législateur, dans sa grande sagesse, a souhaité que des laboratoires souterrains - la loi a retenu le pluriel - soient créés pour étudier des roches en profondeur.
Quelle est la situation de la France en matière de laboratoire de recherche souterrain ?
Là encore, elle est simple : l'ANDRA ne dispose d'aucun laboratoire souterrain qui soit actuellement en activité. Au mieux, nous disposons d'un chantier prometteur - un seul, monsieur le ministre - à Bure.
Certes, l'ANDRA a pris des dispositions pour accumuler au mieux des données sans pouvoir effectuer le programme d'expérimentation in situ.
Le travail réalisé dans les laboratoires étrangers et les forages dirigés menés depuis la surface ont permis d'améliorer notre connaissance de la géologie. Mais ces palliatifs ne correspondent pas à la volonté du législateur, qui a été clairement exprimée dans la loi Bataille : il faut plusieurs laboratoires pour mener des expérimentations in situ.
A ce sujet, je ferai deux remarques qui ne me semblent pas inutiles.
Tout d'abord, l'échec annoncé de la mission Granite, engagée par un gouvernement ancien, fragilise particulièrement l'unique piste dont dispose l'ANDRA sur la commune de Bure.
Ensuite, le cumul d'un mandat législatif et d'un mandat local ne contribue pas à la cohérence des points de vue. On a vu en effet des élus locaux combattre sans vergogne, chez eux, ce qu'ils avaient souhaité en tant que législateur. (M. Roland Courteau s'exclame.)
M. Eric Doligé. Qui ?
M. Bruno Sido. Je peux citer des noms !
J'en viens aux critères humains.
En effet, un site dédié au stockage doit remplir des critères humains : l'approbation des populations locales, le soutien des élus locaux.
Là encore, la situation est extrêmement fragile : la France ne dispose que d'un seul site, à Bure, entre la Meuse et la Haute-Marne, et la population y est particulièrement vigilante.
Régulièrement, elle s'interroge et interpelle les élus locaux sur la nature de leur adhésion au projet du laboratoire. Je vous précise, monsieur le ministre, que l'on parle même actuellement d'un référendum d'initiative populaire.
Notre confiance dans la communauté scientifique n'est pas entamée, mais toutes ces questions doivent toujours être débattues dans la plus grande transparence.
La décision de construire un réacteur EPR a suscité de nombreuses candidatures exprimées par des élus locaux souhaitant accueillir, sur leur territoire, cet investissement majeur de la filière nucléaire, naturellement grand pourvoyeur de taxe professionnelle.
A l'inverse, vous constaterez avec moi que les candidatures pour accueillir le second laboratoire souterrain de recherche sur la gestion des déchets radioactifs dans le granite sont inexistantes. Le contraste est donc saisissant.
Au moment d'ouvrir un nouveau dossier du nucléaire civil, que M. le ministre d'Etat a annoncé tout à l'heure, la France doit, à mon sens, être capable de clore le dossier précédent.
L'Etat semble avoir renoncé à implanter un second laboratoire, et la suite donnée à l'échec programmé de la mission Granite est un moratoire de fait.
Concernant le site de l'est de la France aux confins de la Meuse et de la Haute-Marne, la situation est claire : les collectivités locales et la population ont accepté un programme de recherche qui prendra fin en 2006. Les populations locales n'ont accepté rien d'autre.
Ce programme de recherche n'a pas été sérieusement mis en oeuvre puisque l'outil principal, le laboratoire souterrain, est en cours de construction et ne sera achevé qu'en 2005, année de dépôt des résultats de recherches.
Admettez que la situation est - l'adjectif n'est peut-être pas bien choisi - cocasse, même si nous devons féliciter l'ANDRA et ses partenaires pour les efforts qu'ils ont consentis afin de mener des recherches sans cette installation, notamment à l'étranger.
Pourtant, les éléments qui permettent de s'assurer d'une acceptation raisonnable des populations locales sont simples : transparence et développement économique des territoires.
En application de la loi du 30 décembre 1991, la loi Bataille, des mesures ont, en partie, été mises en oeuvre avec succès par le biais du comité local d'information et de suivi, le CLIS, et par celui des groupements d'intérêt public financés par les producteurs de déchets radioactifs à haute activité et à vie longue, tels qu' EDF, le CEA et la COGEMA par exemple.
Certaines de ces mesures posent des difficultés, comme l'intervention de la SODIE, société de conversion, dont la mission s'achève, dès cette année, sur un bilan notoirement insuffisant.
Dans l'hypothèse où le Gouvernement et le Parlement souhaiteraient autoriser l'ANDRA, en temps utile, à commencer ses recherches dans un laboratoire tout neuf à Bure, ces mesures devront être non seulement maintenues, mais renforcées.
Monsieur le ministre, je vous le dis très solennellement : la population locale n'acceptera pas demain ce laboratoire sans un développement important de l'activité économique de ce territoire.
M. Ladislas Poniatowski. Bravo !
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Bruno Sido. Le Gouvernement et les grands acteurs de la filière électronucléaire doivent en être bien persuadés. J'en ai personnellement parlé à M. le président d'EDF. Il m'a semblé convaincu, mais il n'a rien fait jusqu'à présent.
Il est urgent d'investir sur ce territoire sur lequel des hommes et des femmes ont le courage politique et le sens du devoir pour accueillir un laboratoire, qui est rejeté ailleurs.
M. Ladislas Poniatowski. Bravo !
M. Bruno Sido. Si un territoire mérite d'accueillir un grand investissement structurant, comme la construction d'un réacteur EPR, c'est bien ce territoire que beaucoup destinent déjà - trop rapidement - à accueillir les produits de l'aval de la filière.
Concernant l'EPR, je tiens à rassurer nos amis de Normandie et d'ailleurs : les conditions hydrogéologiques ne sont pas très adaptées dans notre pays pour accueillir ce type d'équipement grand consommateur d'eau.
Monsieur le ministre, la politique énergétique doit intégrer l'aval du cycle nucléaire ; la loi de 1991 ne réglera pas tout à l'horizon de 2006.
Les échanges qui sont intervenus lors des entretiens européens de 2003, et que j'évoquais précédemment, ont confirmé l'importance de ces enjeux à l'échelon international.
Il se dégage d'ailleurs un consensus sur ce point au sein de la communauté scientifique internationale, de la Commission européenne et parmi les acteurs européens du nucléaire.
Il faut investir, rapidement et surtout concrètement, en Meuse et en Haute-Marne. C'est une condition incontournable du succès de votre politique et de la politique de la France en la matière.
Monsieur le ministre, le Gouvernement souhaite que soit élaboré un programme d'actions, doté des moyens financiers nécessaires, pour développer les recherches dans le domaine de l'énergie. Je m'en félicite et je suis à votre disposition pour accompagner ces efforts, complément logique et très attendu des recherches sur la gestion des déchets à haute activité et à vie longue. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Vial.
M. Jean-Pierre Vial. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Gouvernement a opportunément souhaité que le Parlement débatte de la politique énergétique de la France. Je l'en remercie vivement, car cette politique doit être la source de mesures enthousiastes, prometteuses, mais déterminées. Le moment est venu de faire des choix fondamentaux pour que notre pays dispose d'une vraie stratégie d'énergies diversifiées et complémentaires pour les décennies à venir.
La politique énergétique est avant tout au service des citoyens ; c'est un enjeu stratégique de notre économie et de notre développement.
Durant le premier semestre de 2003, le Gouvernement a organisé un débat national sur les énergies, appelé de ses voeux par le Président de la République dès le printemps de 2002. Pour la première fois, un gouvernement organise un débat sur ce sujet aussi sensible, qui a trop longtemps été réservé à un cercle d'initiés.
Nous entrons désormais dans la seconde phase de cette démarche pragmatique.
Le 7 novembre dernier, le Gouvernement a proposé un Livre blanc sur l'ensemble de la politique énergétique et ses évolutions futures. Aujourd'hui, les concertations et les discussions se poursuivent devant le Parlement, avant le dépôt du prochain projet de loi d'orientation sur les énergies.
L'énergie est une affaire de longue haleine ; cela ne signifie pas pour autant qu'il faille perdre du temps : il faut agir maintenant et pour l'avenir.
Face à la préoccupation de nos concitoyens et aux exigences de développement de notre pays, c'est une réponse responsable qu'il nous faut trouver.
La maîtrise de la croissance de la demande en énergie, la solidarité sociale et territoriale, les obligations environnementales et de sécurité d'approvisionnement, le recours nécessaire aux énergies renouvelables doivent trouver des réponses claires et non équivoques.
Considérons tout d'abord l'indépendance énergétique de la France.
Nul ne peut contester le fait que, si la France parvient à assurer, depuis 1993, 50 % de son indépendance énergétique, contre 26 % en 1973 - elle reposait alors pour une part importante sur ses capacités hydrauliques -, c'est grâce au nucléaire conforté par une politique active d'économie d'énergie. Ce choix stratégique a permis à la France de diminuer régulièrement la facture énergétique, tout en lui permettant de réduire le niveau des émissions contribuant à l'effet de serre.
La France a ainsi l'un des plus bas taux de rejet de CO2 des pays de l'OCDE, avec 1,7 tonne par habitant en 2001 contre 2,3 tonnes pour l'Union européenne et 5,4 tonnes pour les Etats Unis.
Si le débat sur le nucléaire doit être mené dans la sérénité, c'est qu'il est au coeur des enjeux du défi climatique, comme l'ont souligné nos collègues Henri Revol et Jacques Valade dans leur contribution au débat européen sur la stratégie énergétique.
Ce débat doit donc être abordé avec lucidité, sans idéologie, mais aussi sans exclusive par rapport aux autres technologies qui ont vocation à jouer un rôle de plus en plus important.
Si la France dispose d'une situation satisfaisante au regard des autres pays en matière d'émissions de CO2 contribuant à l'effet de serre, il n'en demeure pas moins qu'elle doit encore diminuer par quatre ses émissions au regard des engagements de Kyoto et porter ainsi de 16% à 21% en 2010 la part d'énergie renouvelable.
Pour conclure sur ce sujet, vous me permettrez d'évoquer un sujet d'importance : les effets de la libéralisation de l'énergie au regard de notre industrie.
Notre indépendance énergétique, de surcroît associée à l'un des plus faibles coûts de l'énergie, est le résultat d'une politique volontariste de notre pays et des efforts consentis par la collectivité nationale.
Aujourd'hui, la libéralisation conduit à une augmentation du coût de l'énergie de 30% à 50 %, augmentation que ne peuvent pas supporter certaines industries qui, paradoxe de l'histoire, étaient venues s'installer dans nos vallées alpines pour bénéficier d'une énergie hydraulique de qualité et économique.
Si la libéralisation du marché est une démarche inexorable et nécessaire, il est important, monsieur le ministre, que des dispositions permettent aux industries grosses consommatrices de bénéficier sur la durée d'un engagement de tarification progressif pour éviter de compromettre leur survie. Ce problème a été rencontré par certaines entreprises en Savoie, et il s'agit là de plusieurs centaines d'emplois.
Il faut développer le bouquet énergétique par une politique ambitieuse en matière d'énergies renouvelables.
Si les besoins et l'indépendance énergétique exigent d'avoir recours aux énergies dites classiques, l'enjeu des énergies renouvelables est un vrai défi politique dans lequel notre pays doit s'engager aujourd'hui résolument.
Le constat est assez paradoxal, car la France dispose de nombreux atouts en matière d'énergies renouvelables : des ressources hydro-électriques importantes, une des premières forêts d'Europe, un très bon gisement éolien et un ensoleillement de qualité.
Et pourtant, le potentiel est insuffisamment exploité. Aussi la France est-elle très largement en retard ou menacée dans des domaines essentiels, comme l'énergie solaire et l'hydraulique.
Concernant l'hydraulique, la concomitance des débats sur le projet de loi d'orientation sur les énergies et sur le projet de loi sur l'eau doit être l'occasion d'affirmer les principes fondamentaux de l'hydroélectricité : une meilleure adéquation des débits réservés ; une fiscalité adaptée aux investissements ; l'adaptation des coûts de transport pour les stations de pompage par transfert d'énergie, les STEP.
A ce propos, savez-vous, monsieur le ministre, que le coût du transport a conduit EDF à ne pas souscrire un abonnement au réseau pour l'ensemble des turbines-pompes en France, alors que les STEP sont considérées comme le SAMU du réseau ?
Concernant le solaire dans notre pays, le constat est inquiétant. La France a huit fois moins de capteurs photovoltaïques installés que l'Allemagne. Elle en a même moins que la Suisse.
S'agissant du solaire thermique, la situation est pire. Les chiffres sont également éloquents. En 2001, la France avait 660 000 mètres carrés de capteurs installés quand l'Allemagne en avait 4 millions, l'Autriche 2 millions et le Japon 11 millions.
Il y a en France deux industriels historiques qui fabriquent des capteurs et des installations alors qu'en Allemagne il y en a vingt. L'industrie du photovoltaïque qui occupait, il y a quelques années encore, la quatrième place mondiale est aujourd'hui rétrogradée à la dixième.
Au fil des ans, l'écart se creuse : lorsque la France installe 41 000 mètres carrés de capteurs solaires thermiques, l'Allemagne en installe 677 000 mètres carrés et l'Autriche 168 000 mètres carrés.
Il ne tient qu'à notre pays d'affirmer sa volonté. Certes, les énergies renouvelables, hors hydraulique, constituent aujourd'hui, j'en conviens, un apport marginal. Mais les attentes sont importantes et dépendent essentiellement des programmes de recherche. Je n'évoquerai que les recherches conduites par le CEA sur la pile à combustible, programme fondamental pour l'avenir, notamment en matière de transport.
Le département de la Savoie s'est engagé résolument dans l'énergie solaire depuis plusieurs années aux côtés de la région Rhône-Alpes.
Aujourd'hui, monsieur le ministre, notre région dispose, à elle seule, de plus du quart du parc solaire national.
Cette volonté, nombre de collectivités et d'acteurs l'ont. Dans une convention signée au Sénat, voilà deux ans, sous la présidence de M. Jacques Valade, le conseil général de la Savoie, la région Rhône-Alpes, l'ADEME, le CEA et le CNRS se sont engagés à créer un institut national du solaire et un pôle pour renforcer la recherche effectuée en France dans plus de vingt laboratoires.
Vouloir une politique énergétique ambitieuse, c'est adopter des mesures volontaristes.
Cela passe par une vraie politique de recherche et développement, à l'image de celle qui est pratiquée au Japon, lequel dépense douze fois plus que la France en recherche et développement. Au demeurant, investir dans la recherche et le développement, c'est investir également dans l'emploi. Ainsi le secteur de l'énergie solaire a-t-il créé un potentiel de 10 000 emplois en Europe, autant au Japon, et seulement 500 dans notre pays. La France est en effet un des rares pays d'Europe à ne pas avoir un centre de recherche d'ampleur en matière d'énergie solaire.
Il nous faut donc dès aujourd'hui travailler selon trois axes : développer la formation et l'information pour renforcer les connaissances techniques de la filière ; investir en recherche et développement pour diminuer les coûts et augmenter l'efficacité ; suivre les projets pilotes et les démonstrations pour valoriser les meilleures pratiques.
Toutefois, le soutien aux énergies renouvelables ne répond pas seulement à un besoin financier. C'est également accomplir une démarche culturelle, un acte de société avec de nouvelles pratiques, à l'instar de ce qui est fait dans de nombreux pays européens.
Une telle politique exige pédagogie, valorisation, démonstration, et je souhaiterais, sur ce point, souligner le rôle majeur que joue et doit jouer encore l'ADEME.
En conclusion, monsieur le ministre, il faut rompre avec les discours incantatoires pour engager une vraie stratégie des énergies, notamment renouvelables, enjeu de nouvelles approches environnementales.
Au lieu de discours généreux, notre pays a besoin d'une politique énergétique volontariste. Je remercie le Gouvernement de bien vouloir relever ce défi à l'occasion de la discussion de la prochaine loi d'orientation sur les énergies. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
(M. Guy Fischer remplace M. Jean-Claude Gaudin au fauteuil de la présidence.)