sommaire
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Claude Gaudin
2. Désignation d'un sénateur en mission
3. Dépôt d'un rapport du Gouvernement
4. Assistants maternels et assistants familiaux. - Suite de la discussion et adoption d'un projet de loi
Amendement no 55 de Mme Odette Terrade. - Mme Odette Terrade, M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur de la commission des affaires sociales ; Mme Marie-Josée Roig, ministre de la famille et de l'enfance. - Rejet.
Amendement no 56 de Mme Odette Terrade. - MM. Guy Fischer, le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet.
Amendement no 40 rectifié bis de Mme Françoise Férat. - Mme Gisèle Gautier, M. le rapporteur, Mme la ministre. - Retrait.
Amendement no 57 de Mme Odette Terrade. - Mme Odette Terrade, M. le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet.
Amendement no 24 de Mme Gisèle Printz. - Mme Gisèle Printz, M. le rapporteur, Mme la ministre, MM. Guy Fischer, Jean Chérioux. - Rejet.
Adoption de l'article.
Articles additionnels après l'article 7
Amendement no 58 de Mme Odette Terrade. - MM. Guy Fischer, le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet.
Amendement no 59 de Mme Odette Terrade. - MM. Guy Fischer, le rapporteur, Mme la ministre, M. André Vezinhet. - Rejet.
Amendement no 25 de Mme Gisèle Printz. - Mme Gisèle Printz, M. le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet.
Adoption de l'article.
Division et article additionnels après l'article 10
Amendement no 9 de la commission. - M. le rapporteur, Mme la ministre. - Adoption de l'amendement insérant une division additionnelle et son intitulé.
Amendement no 10 de la commission. - M. le rapporteur, Mme la ministre, M. André Vezinhet, Mme Odette Terrade. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement no 74 rectifié de la commission. - M. le rapporteur, Mme la ministre. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Amendement no 43 rectifié bis de Mme Valérie Létard. - Mme Gisèle Gautier, M. le rapporteur, Mme la ministre. - Adoption.
Amendement no 44 rectifié bis de Mme Valérie Létard. - Mme Gisèle Gautier, M. le rapporteur, Mme la ministre. - Retrait.
Adoption de l'article modifié.
Amendement no 26 de Mme Gisèle Printz. - Mme Gisèle Printz, M. le rapporteur, Mme la ministre, MM. André Vezinhet, Jean Chérioux, Gérard Dériot, Guy Fischer. - Rejet.
Adoption de l'article.
Amendement no 11 de la commission. - M. le rapporteur, Mme la ministre. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Amendement no 12 de la commission. - M. le rapporteur, Mme la ministre. - Adoption
Amendement no 13 de la commission. - M. le rapporteur, Mme la ministre. - Adoption
Amendements nos 60 de Mme Odette Terrade et 14 de la commission - Mme Odette Terrade, M. le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet de l'amendement no 60 ; adoption de l'amendement no 14.
Adoption de l'article modifié.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Daniel Hoeffel
Amendement no 45 rectifié bis de Mme Valérie Létard. - Mme Valérie Létard, M. le rapporteur. - Retrait.
Amendements nos 15 de la commission, 35 rectifié bis de Mme Gisèle Gautier et 61 de Mme Odette Terrade. - M. le rapporteur, Mmes Françoise Férat, Odette Terrade, la ministre. - Adoption de l'amendement no 15, les autres amendements devenant sans objet.
Adoption de l'article modifié.
Amendement no 36 rectifié de Mme Gisèle Gautier. - Mme Françoise Férat, M. le rapporteur. - Retrait.
Adoption de l'article.
Amendement no 27 rectifié de Mme Gisèle Printz. - Mme Gisèle Printz, M. le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet.
Adoption de l'article.
Mme Odette Terrade.
Amendement no 70 du Gouvernement. - Mme la ministre, M. le rapporteur. - Adoption.
Amendement no 46 rectifié bis de Mme Valérie Létard. - Mme Valérie Létard, M. le rapporteur, Mme la ministre. - Retrait.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales.
Amendement no 16 de la commission. - M. le rapporteur, Mme la ministre. - Retrait.
Adoption de l'article modifié.
Amendement no 64 de Mme Alain Gournac. - MM. Alain Vasselle, le rapporteur, Mme la ministre. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Article additionnel avant l'article 27
Amendement no 38 rectifié ter de M. Jean-Pierre Vial. - MM. Joël Billard, le rapporteur, Mme la ministre. - Retrait.
Amendement no 62 de Mme Odette Terrade. - MM. Guy Fischer, le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet.
Amendement no 39 rectifié quater de M. Jean-Pierre Vial. - MM. Eric Doligé, le rapporteur, Mme la ministre. - Adoption.
Amendement no 28 de Mme Gisèle Printz. - Mme Gisèle Printz, M. le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet.
Adoption de l'article modifié.
Amendement no 63 de Mme Odette Terrade. - Mme Odette Terrade, M. le rapporteur, Mme la ministre. - Adoption.
Amendement no 30 rectifié bis de Mme Gisèle Printz. - Mme Gisèle Printz, M. le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet.
Amendement no 17 rectifié de la commission. - M. le rapporteur, Mme la ministre. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Article additionnel avant l'article 30
Amendement no 18 de la commission. - M. le rapporteur, Mme la ministre, MM. Michel Mercier, Guy Fischer. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement no 71 du Gouvernement. - Mme la ministre, M. le rapporteur. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Article additionnel après l'article 30
Amendement no 41 de M. Jean-Pierre Godefroy. - MM. Jean-Pierre Godefroy, le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet.
Amendement no 75 de la commission. - M. le rapporteur, Mme la ministre. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Amendement no 72 du Gouvernement. - Mme la ministre, M. le rapporteur. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Mme Janine Rozier, M. Gilbert Barbier, Mmes Odette Terrade, Gisèle Printz, MM. Adrien Gouteyron, le président de la commission.
Adoption du projet de loi.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Claude Gaudin
MM. Guy Fischer, le président, Gilbert Chabroux.
6. Solidarité pour l'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées. - Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence
Discussion générale : M. Hubert Falco, ministre délégué aux personnes âgées ; Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées ; MM. André Lardeux, rapporteur de la commission des affaires sociales ; Adrien Gouteyron, rapporteur pour avis de la commission des finances.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Adrien Gouteyron
MM. Georges Mouly, Guy Fischer, Rodolphe Désiré, Claude Domeizel, Mme Valérie Létard, MM. Alain Vasselle, Jean-Pierre Godefroy, Bernard Cazeau, Jean Arthuis.
M. le ministre délégué, Mme la secrétaire d'Etat.
Clôture de la discussion générale.
Motion no 33 de M. Gilbert Chabroux. - MM. Gilbert Chabroux, le rapporteur, le ministre délégué, Claude Domeizel, Jean Pépin. - Rejet.
Demande de renvoi à la commission
Motion no 40 de M. Guy Fischer. - MM. Roland Muzeau, le rapporteur, le ministre délégué. - Rejet.
Renvoi de la suite de la discussion.
7. Dépôt d'une proposition de loi organique
8. Textes soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution
10. Dépôt d'un rapport d'information
11. Ordre du jour
compte rendu intégral
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Claude Gaudin
vice-président
1
PROCÈS-VERBAL
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
DÉSIGNATION D'UN SÉNATEUR EN MISSION
M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre une lettre en date du 24 mai 2004 par laquelle il a fait part au Sénat de sa décision de placer en mission temporaire auprès de M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer et de M. le ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative, M. Claude Bélot, sénateur de la Charente-Maritime.
Acte est donné de cette communication.
3
DÉPÔT D'UN RAPPORT DU GOUVERNEMENT
M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le rapport pour 2003 établi par le comité du contentieux fiscal, douanier et des changes, conformément aux dispositions de l'article 20 de la loi n° 77-1453 du 29 décembre 1977 accordant des garanties de procédure aux contribuables en matière fiscale et douanière.
Acte est donné du dépôt de ce rapport.
ASSISTANTS MATERNELS ET ASSISTANTS FAMILIAUX
Suite de la discussion et adoption d'un projet de loi
M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi (n° 201, 2003-2004) relatif aux assistants maternels et aux assistants familiaux. [Rapport n° 298 (2003-2004).]
Lors de la précédente séance, nous avons entamé l'examen de l'article 7. J'en rappelle les termes :
Article 7 (suite)
Après l'article L. 421-9 du code de l'action sociale et des familles, qui devient l'article L. 421-13, sont ajoutés les articles L. 421-14 et L. 421-15 ainsi rédigés :
« Art. L. 421-14. - Tout assistant maternel agréé doit suivre une formation dont les modalités de mise en oeuvre par le département, la durée, le contenu, et les conditions de validation sont définies par décret.
« Ce décret précise la durée de formation qui doit être obligatoirement suivie avant d'accueillir des enfants ainsi que les dispenses de formation qui peuvent être accordées si l'assistant maternel justifie d'une formation antérieure équivalente.
« Le département organise et finance, durant les temps de formation obligatoire après leur embauche, l'accueil des enfants confiés aux assistants maternels.
« Art. L. 421-15. - Dans les deux mois qui précédent l'accueil du premier enfant confié à un assistant familial au titre du premier contrat de travail suivant son agrément, l'assistant familial bénéficie d'un stage préparatoire à l'accueil d'enfants, organisé par son employeur, d'une durée définie par décret. Dans l'attente qu'un enfant lui soit confié, il perçoit une rémunération dont le montant minimal est déterminé par décret en référence au salaire minimum de croissance.
« Dans le délai de trois ans après le premier contrat de travail suivant son agrément, tout assistant familial doit suivre une formation adaptée aux besoins spécifiques des enfants accueillis. Cette formation est à la charge de l'employeur qui organise et finance l'accueil de l'enfant pendant les heures de formation. Un décret détermine la durée, le contenu, les conditions d'organisation et de validation de cette formation ainsi que les dispenses de formation qui peuvent être accordées si l'assistant familial justifie d'une formation antérieure équivalente. »
M. le président. L'amendement n° 55, présenté par Mme Terrade, M. Fischer, Mme Demessine, M. Muzeau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Après les mots :
stage préparatoire à l'accueil d'enfants,
rédiger ainsi la fin de la première phrase du premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L 421-15 du code de l'action sociale et des familles :
organisé sous la responsabilité du département dans lequel il réside, d'une durée d'au moins 10 jours, sanctionné par la délivrance d'un certificat d'aptitude.
La parole est à Mme Odette Terrade.
Mme Odette Terrade. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, pour professionnaliser le métier d'assistant familial qui requiert des compétences particulières et des aptitudes psychologiques indéniables, les conditions de l'accès au métier, et notamment le poids de la formation, doivent retenir toute notre attention.
Le présent texte s'attache à développer quantitativement cette formation initiale des assistants familiaux en prévoyant une formation de 300 heures, réparties en deux volets, dont un stage de préparation à l'accueil et une formation délivrée au cours des trois premières années d'exercice, point évidemment positif
Pour autant, concrètement, le texte est, une fois de plus, trop imprécis.
Nous proposons donc que le stage préparatoire soit organisé sous la responsabilité du département, cela n'empêchant pas l'intervention du service public de l'emploi ou de la région, mais excluant qu'il puisse être à la charge financière de l'employeur de l'accueillant.
Par ailleurs, nous arrêtons législativement la durée de ce stage à dix jours.
Enfin, et c'est un point important puisque, durant ce stage, des apports théoriques et pédagogiques auront été délivrés en vue de la qualification future de l'assistant familial, nous pensons sanctionner cette formation par la délivrance d'un certificat d'aptitude.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l'amendement de Mme Terrade part d'un très bon sentiment puisqu'il tend à faire clairement figurer dans le texte que le stage préparatoire est organisé sous la responsabilité du département. Mais, d'une part, nous savons qu'il s'inscrit dans l'ensemble des opérations dont le département a la responsabilité, et, d'autre part, le certificat d'aptitude est prévu dans un autre volet relatif à la formation.
Par conséquent, la commission a pensé que l'amendement de Mme Terrade ressortissait au domaine réglementaire, et c'est pourquoi elle lui a donné un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marie-Josée Roig, ministre de la famille et de l'enfance. Madame la sénatrice, comme je l'ai précisé dans mon discours liminaire, il est possible de s'orienter vers une formation de 300 heures dont 60 heures de stage préparatoire, ce qui correspondrait donc bien à une durée de dix jours.
Toutefois, vous comprendrez que, si le Gouvernement a renvoyé les modalités de cette formation à un décret, c'est bien parce qu'il faut, au préalable, organiser une large concertation avec les employeurs, notamment, et définir précisément le contenu et la durée non seulement du stage préparatoire proprement dit, mais également de la formation obligatoire durant les trois premières années de l'exercice professionnel.
Pour l'ensemble de ce cursus de formation, c'est-à-dire le stage préparatoire plus la formation obligatoire, un référentiel professionnel de formation et de certification est en cours d'élaboration dans le cadre d'un groupe de travail de la commission professionnelle consultative du travail social et des interventions sociales, qui débouchera effectivement sur la délivrance d'un diplôme.
Je souhaitais ainsi vous dire toute l'attention que le Gouvernement portera à la qualité de cette formation.
Votre souci, madame, de voir le stage préparatoire correspondre à une formation effective devrait donc être satisfait par les précisions que je viens de vous apporter et, dans ces conditions, je vous demande de bien vouloir retirer cet amendement.
M. Guy Fischer. Non !
M. le président. Madame Terrade, l'amendement est-il maintenu ?
Mme Odette Terrade. Oui, monsieur le président.
M. Jean Chérioux. Ce n'était pas la peine d'être si gentille !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C'est à décourager le ministre...
M. le président. L'amendement n° 56, présenté par Mme Terrade, M. Fischer, Mme Demessine, M. Muzeau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Après les mots :
rémunération dont le montant minimal
rédiger ainsi la fin de la seconde phrase du premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 42115 du code de l'action sociale et des familles :
ne saurait être inférieur aux deux tiers du salaire versé dès l'accueil d'un premier enfant
La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous tenons, par le biais du présent amendement, à apporter une réponse à la situation précaire des assistants familiaux.
Nous savons que, par nature, leur emploi est particulier dans le sens où il fluctue en fonction des besoins des services d'aide sociale à l'enfant, des besoins de protection des mineurs placés. Leur activité peut être interrompue à tout moment, et c'est d'ailleurs pourquoi, sans aller jusqu'à leur appliquer un statut de fonctionnaire, prévoyant le maintien en fonction, certains aménagements ont été introduits lorsque aucun enfant n'est confié : vous savez fort bien que, dans chaque département, des adaptations permettent d'améliorer la situation pour rendre la profession attractive.
En défendant cet amendement, je fais référence aux dispositions réglementaires actuelles prévoyant le paiement, dans ce cas uniquement, d'une indemnité d'attente. Ces dispositions sont traduites législativement par l'intermédiaire de ce projet de loi, qui n'a pas cherché à aller plus loin, en prévoyant, comme le demandent les organisations syndicales, le maintien du salaire antérieur, solution que nous préconisons.
Nous pensons que cette spécificité de l'activité des assistants familiaux ne saurait nous dispenser d'agir contre la précarité de leur statut. C'est pourquoi nous proposons de modifier le mode de rémunération de la situation d'attente.
Dès lors que l'assistant familial a obtenu son agrément, validé son stage préparatoire à l'accueil, nous considérons que l'accueillant qui est là pour répondre aux nécessités permanentes du service de l'aide sociale à l'enfant doit percevoir un véritable salaire, équivalent aux deux tiers de celui qu'il toucherait dès l'accueil d'un enfant.
Nous évacuons aussi la référence au décret pour définir le montant de ces indemnités.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur. M. Fischer a bien démontré qu'il souhaitait que soit fixé dans la loi le montant d'une rémunération minimale : c'est le point de divergence avec la position de la majorité des membres de la commission.
M. Guy Fischer. Eh oui !
M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur. Il s'agit là de la seconde catégorie d'assistants, les assistants familiaux, c'est-à-dire ceux qui sont sous la responsabilité du département et qui, par conséquent, vont prendre des enfants à titre permanent, jour et nuit, congés compris. La formation dont il est question est une formation initiale, et tout l'intérêt du texte est justement de créer un tel système de formation initiale.
Faut-il prévoir dans la loi un financement minimal du département pour cette formation initiale ? La commission ne le pense pas. Elle juge préférable de garder un peu de souplesse à la fois dans le recrutement et dans la formation initiale des assistants familiaux, ou des familles d'accueil pour que les choses soient claires, et c'est pourquoi elle a émis, malgré tout le talent déployé pour présenter cet amendement, un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marie-Josée Roig, ministre. Comme il est tout à fait normal, c'est au décret et non pas à la loi qu'il appartient de fixer le montant minimal de la rémunération perçue, pendant la période de stage préparatoire à l'accueil d'enfant, par tout assistant familial nouvellement embauché, étant précisé que cette période, en tout état de cause, sera brève.
J'ajoute qu'indépendamment de cette rémunération, l'existence même de ce stage préparatoire - et cela relève bien de la loi - constitue en elle-même, vous le reconnaîtrez, une amélioration considérable qui permet aux assistants familiaux débutants d'aborder avec plus de d'assurance leur fonction.
Le décret qui sera pris le sera aussi après concertation avec les représentants des assistants familiaux et des employeurs. C'est pourquoi le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 40 rectifié bis, présenté par Mme Férat, M. J. Boyer, Mme G. Gautier, MM. Biwer, Soulage, Moinard et les membres du groupe de l'Union Centriste, est ainsi libellé :
Après le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 42115 du code de l'action sociale et des familles, insérer un alinéa rédigé comme suit :
« Dans les deux semaines suivant l'accueil du premier enfant, l'assistant familial peut bénéficier d'un soutien spécifique des autres professionnels chargés de suivre cet enfant. Les modalités de cet accompagnement sont fixées par décret. »
La parole est à Mme Gisèle Gautier.
Mme Gisèle Gautier. Cet amendement ne porte pas sur le financement de la formation dispensée aux assistants familiaux, mais vise à apporter une précision relative à leur formation sur la durée.
En effet, en complément de la formation théorique dispensée avant l'accueil du premier enfant, il convient de prévoir un accompagnement plus pratique.
Il vous est donc proposé de mettre en oeuvre ce soutien, dans les deux premières semaines d'activité de l'assistant familial, par un recours aux professionnels en charge du suivi de l'enfant.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur. La commission comprend très bien le souhait des auteurs de cet amendement.
Dans la conjoncture actuelle, le nombre des assistants familiaux est plutôt insuffisant, et l'idée de prévoir un soutien convivial et collégial des autres professionnels chargés de suivre l'enfant est intéressante.
La commission en a tenu compte, ma chère collègue, en proposant l'amendement n° 3 qui a été adopté par le Sénat la semaine dernière, amendement qui prévoit que les assistants familiaux, même débutants, sont membres à part entière de l'équipe médicosociale pluridisciplinaire de l'aide sociale à l'enfance.
Pour la commission, l'intégration des assistants familiaux dans l'équipe pluridisciplinaire permettait de régler ce problème de la convivialité et de l'insertion face aux difficultés psychologiques et techniques de la vie familiale.
Cet amendement me paraît donc satisfait, mais je souhaite que Mme la ministre exprime le sentiment du Gouvernement sur cette idée qui, je le répète, est certainement très bonne.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marie-Josée Roig, ministre. Madame la sénatrice, l'accompagnement que vous proposez est déjà prévu dans les faits : d'abord, par le stage préparatoire qui va permettre concrètement, par l'expérience d'assistants familiaux expérimentés, de mieux anticiper d'éventuelles situations de crise.
Ensuite, l'accompagnement sera effectué en cours de prise en charge par la formation d'adaptation à l'emploi qui sera délivrée au cours des trois premières années d'activité professionnelle. Ce ne sera pas une formation théorique : elle s'appuiera directement sur la pratique professionnelle de ces assistants.
Enfin, à la faveur d'un amendement présenté par la commission et adopté par le Sénat, avec l'avis favorable du Gouvernement, les assistants familiaux seront partie prenante des équipes d'intervenants psychosociaux et éducatifs qui sont chargées du suivi des placements d'enfants.
Cette disposition doit leur permettre de participer systématiquement à l'évaluation de la situation des enfants dont ils ont la charge et à toute décision les concernant, mais également de partager au sein de l'équipe toutes les difficultés rencontrées.
Il ne me paraît donc pas indispensable de prévoir un dispositif de soutien supplémentaire qui alourdirait le texte.
C'est pourquoi le Gouvernement émet un avis défavorable.
M. le président. Madame Gautier, l'amendement est-il maintenu ?
Mme Gisèle Gautier. Au regard des précisions et des arguments qui viennent de m'être apportés, je retire cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 40 rectifié bis est retiré.
L'amendement n° 57, présenté par Mme Terrade, M. Fischer, Mme Demessine, M. Muzeau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Dans la première phrase du second alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 42115 du code de l'action sociale et des familles, après le mot :
formation
insérer les mots :
spécifique qualifiante
La parole est à Mme Odette Terrade.
Mme Odette Terrade. Cet amendement concerne la formation des assistants familiaux. Nous pensons qu'il faut insister sur l'effort de formation qui devrait être fait durant les premières années d'activité professionnelle pour donner aux assistants familiaux une formation qualifiante et donc spécifique.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur. La précision proposée ne nous paraît pas inutile, mais on pourrait ajouter à l'expression « formation spécifique qualifiante » les mots : « psychologique », « sociologique », « environnementale » (Sourires),...
M. Roland Muzeau. C'est une bonne idée !
M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur. ...bref toute une litanie !
Par conséquent, après avoir étudié cet amendement avec sérieux et application, sous la haute autorité de son président, la commission a estimé que cet amendement n'était pas utile.
Elle émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Madame Terrade, l'amendement est-il maintenu ?
Mme Odette Terrade. Il l'est, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 24, présenté par Mme Printz, MM. Chabroux, Godefroy et les membres du groupe Socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :
Dans la dernière phrase du second alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 42115 du code de l'action sociale et des familles, après le mot :
validation
insérer le mot :
nationale
La parole est à Mme Gisèle Printz.
Mme Gisèle Printz. Il faut qu'un assistant maternel puisse bénéficier de la même formation sur tout le territoire. Cette disposition renforce la reconnaissance de la profession et permet à l'assistant maternel, en cas de changement de département, de postuler plus facilement au même emploi.
C'est pourquoi nous proposons que la validation soit établie selon des critères nationaux.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur. C'est un amendement très important, ...
M. Gilbert Chabroux. Oui !
M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur. ... car il participe d'une philosophie qui est un peu différente de la nôtre. Mme Printz a fait valoir qu'il y a des distorsions entre les départements...
M. Gilbert Chabroux. C'est vrai !
M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur. ...et que, en fonction du nombre d'enfants à placer, de la population du département, de l'existence ou non de grandes agglomérations, les critères risquent de varier. Par conséquent, elle souhaite introduire la notion de validation nationale.
Mais, pour la majorité de la commission, la notion de validation nationale paraît être une sorte de préalable à l'entrée des assistants familiaux dans le cadre de la fonction publique territoriale, ce qui est une de leur revendication importante.
M. Adrien Gouteyron. Oui !
M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur. Or, lors de l'examen du projet de loi et des nombreux entretiens qu'elle a organisé, la commission a constaté que la France est le seul pays d'Europe - je dis bien « le seul » - qui a donné un statut de salarié aux assistants maternels et aux assistants familiaux.
Partout ailleurs, y compris dans les pays de vieille tradition sociale-démocrate, comme la Suède, la Norvège, la Finlande, le Danemark - la commission s'est d'ailleurs rendue dans ce pays voilà quelques années pour examiner cette question sur le terrain -, les assistants maternels et assistants familiaux ont le statut de travailleurs indépendants exerçant une profession indépendante. (M. Jean Chérioux acquiesce.)
Seule exception, la France, qui n'a pas une longue tradition sociale-démocrate,...
M. Raymond Courrière. Cela viendra !
M. Jean-Pierre Fourcade. rapporteur. ... ou, plutôt, qui a une tradition hachée de social-démocratie !
Comme nous sommes majoritairement opposés à l'entrée des assistants familiaux dans le cadre de la fonction publique territoriale, nous sommes logiquement opposés à la validation nationale.
C'est la raison pour laquelle la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.
M. Guy Fischer. Cet amendement, que nous allons voter, fait l'objet de différences que je qualifierai d'idéologiques - M. le rapporteur l'a d'ailleurs précisé.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Il n'a pas prononcé ce mot !
M. Guy Fischer. Il est vrai qu'aujourd'hui, en cette période d'élargissement communautaire, on souhaite toujours établir des comparaisons et avoir une connaissance plus approfondie du statut de telle ou telle catégorie professionnelle dans les vingt-cinq pays de l'Union européenne.
En même temps, nous pensons qu'il faut prendre ce qu'il y a de bon dans chaque pays. Ce qui a été fait dans le nôtre est positif, certes, mais nous considérons, pour notre part, que l'on pourrait aller plus loin et qu'il y a encore des améliorations à apporter, notamment au statut des assistants maternels et des assistants familiaux.
S'agissant des distorsions territoriales, il vous faudra nous convaincre. On nous dit qu'il y aura une validation des acquis. Mais, pour être conseiller général, comme tant d'autres qui ont bien plus d'expérience que moi - n'est ce pas, monsieur le président ? -, je suis sûr qu'il y a des différences entre nos départements et que chacun a su s'adapter avec intelligence, selon que son département est rural, périurbain ou urbain, pour apporter des réponses, notamment dans des situations de proximité. Certes, la tendance est de définir des règles communes, par exemple en matière de tarifs horaires moyens, de paiement des congés, ou encore de vacances, mais on voit bien qu'il y a des différences, et nous aurons l'occasion de revenir sur ce point.
C'est pour cette raison que nous voterons l'amendement judicieux de Mme Printz.
Mme Odette Terrade. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Jean Chérioux, pour explication de vote.
M. Jean Chérioux. M. Fischer a raison : il faut prendre chez les autres ce qu'ils ont de bon. Mais, si je suis tout à fait d'accord sur ce principe, je considère néanmoins comme mauvais ce qu'il trouve bon !
Tout à l'heure, M. le rapporteur indiquait à juste titre que certains pays, pourtant très avancés sur le plan de la social-démocratie, n'allaient pas sur cette voie.
Mme Odette Terrade. C'est réglementé !
M. Jean Chérioux. Je regrette que nous ne tirions pas des leçons de la social-démocratie telle qu'elle est conçue ailleurs et que nous ne nous inspirions pas du pragmatisme de nos voisins...
M. Guy Fischer. Et la fibre gaulliste ?
M. Jean Chérioux. ... alors que nous allons rentrer un peu plus encore dans l'Europe, avec, sur nos épaules, un fardeau de plus en plus lourd compte tenu de toutes les constructions que veulent nous faire adopter nos collègues ! (Exclamations sur les travées du groupe CRC.)
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Voilà !
M. Adrien Gouteyron. Très bien !
M. le président. Je mets aux voix l'article 7.
(L'article 7 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 7
M. le président. L'amendement n° 58, présenté par Mme Terrade, M. Fischer, Mme Demessine, M. Muzeau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 7, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Toute personne ayant exercé, au moins durant cinq ans, la profession d'assistant maternel comme salarié de personnes morales de droit public, peut demander la validation des acquis de son expérience en vue de l'obtention du Certificat d'aptitude professionnel « petite enfance » ou du diplôme d'aide puéricultrice notamment.
La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. M. Chérioux m'a débusqué, mais je ne me rends pas ! (Rires.)
Le moins que l'on puisse observer, à notre sens, c'est que le présent texte est assez peu ambitieux concernant les assistants maternels ou assistants familiaux employés par des personnes morales de droit public.
Aucune proposition concrète, d'amélioration immédiate de leur statut n'est proposée, ni même évoquée. J'ai entendu seulement un propos lapidaire de Mme la ministre, se déclarant défavorable à l'intégration des assistants maternels dans la fonction publique territoriale, en réponse à notre collègue Odette Terrade.
Nous avons été très sensibles au souhait exprimé devant la commission des affaires sociales par Nicole Prud'homme, présidente du conseil d'administration de la caisse nationale d'allocations familiales, de traiter cette question « dans le cadre d'un débat plus large sur l'avenir de la fonction publique ». Ce fut d'ailleurs l'une des seules auditions publiques de la commission, et nous l'avons écoutée avec intérêt.
Pourtant, vous n'êtes pas sans savoir, mes chers collègues, que les revendications des organisations syndicales représentatives de ces professions militent, certes, en faveur d'une amélioration du statut existant, hybride et précaire, mais qu'elles visent aussi, à terme, l'intégration au sein de la fonction publique territoriale des accueillants, à titre permanent ou non, avec une pleine application du statut de fonctionnaire.
Certaines organisations, dont la CGT, souhaitent même aller plus loin et ouvrir à ces professionnels, comme à l'ensemble des salariés d'ailleurs, d'autres perspectives de carrière, refondant les cadres d'emplois du secteur de la petite enfance, afin de permettre des passerelles entre les cadres d'emplois des agents spécialisés des écoles maternelles et des auxiliaires de puéricultrices. Ce sont des propositions qui nous semblent intelligentes.
Vous l'aurez compris, mes chers collègues, nous sommes réceptifs à ces revendications. Ce que le projet de loi prévoit, en termes d'évolution de la situation des assistants maternels et assistants familiaux, en renforçant leur formation, tant initiale que continue, doit encore être précisé. Ces obligations nouvelles, légitimes, doivent être sanctionnées positivement et déboucher véritablement sur la professionnalisation de ce métier.
C'est le sens qu'il convenait de donner aux amendements que nous avons déjà défendus, plaidant notamment pour les assistants familiaux, en faveur d'une certification du stage antérieur à l'accueil et d'une formation spécifique qualifiant les premières années d'exercice.
Il importe également de ne pas « enfermer » ces accueillants dans une qualification, mais de chercher à leur ouvrir d'autres perspectives, y compris dans des secteurs d'activités différents.
Madame la ministre, l'amendement n° 58 traduit cette volonté : il prévoit qu'un assistant maternel ou un assistant familial, employé par une personne morale de droit public, s'il justifie de cinq années d'ancienneté, puisse obtenir, par la voie de la validation de son expérience, le CAP « petite enfance » ou le diplôme d'auxiliaire puéricultrice.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur. Comme à l'accoutumée, M. Fischer et Mme Terrade ont soulevé un vrai problème.
Face à cet amendement, la commission a une position qui n'est pas très favorable, et ce pour deux raisons.
La validation des acquis de l'expérience, prévue par la loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002 que nous avons adoptée récemment, s'applique aux assistants maternels comme aux assistants familiaux, et il nous paraît inutile de le répéter dans chaque texte particulier.
Le point de désaccord que j'ai avec M. Fischer porte sur la restriction de l'application de la valorisation des acquis de l'expérience aux seuls assistants maternels salariés de personnes morales de droit public, c'est-à-dire les assistants maternels travaillant dans des crèches familiales.
Le découpage des assistants maternels entre, d'un coté, l'immense majorité d'entre-eux qui travaillent pour des familles, dans le cadre de contrats de travail que nous allons voir tout à l'heure, et, de l'autre coté, les assistants maternels travaillant dans des crèches familiales, me paraît une mauvaise chose.
Je rappelle que, aujourd'hui, les assistants maternels représentent 20 % de la garde d'enfants dans ce pays, contre 10 % pour les crèches.
Je souhaite donc que le Gouvernement nous dise s'il compte engager des discussions avec le ministère de l'éducation nationale pour que tous ces assistants maternels, notamment tous ceux qui vont intégrer cette profession - le commissariat au plan, dans un rapport, prévoit en effet une grande offre d'emplois dans ce secteur au cours des prochaines années - puissent valoriser effectivement les acquis de leur expérience en ayant la possibilité d'obtenir un certificat d'aptitude après un certain nombre d'années, de s'orienter vers d'autres fonctions, notamment d'aides puéricultrices, d'aides pour les personnes âgées ou d'auxiliaires de vie, car nous avons un besoin considérable de toutes ces professions dans le cadre de l'évolution de notre société.
Dans l'hypothèse, madame la ministre, où vous nous apporteriez l'assurance que l'on s'oriente vers ce genre de filières de formations et de valorisation des acquis de l'expérience, la commission émettrait alors un avis défavorable sur l'excellent amendement de M. Fischer.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marie-Josée Roig, ministre. Monsieur le rapporteur, je ne vais pas vous dire que nous allons engager des discussions avec l'éducation nationale, puisque ces discussions sont en cours.
M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur. Très bien !
Mme Marie-Josée Roig, ministre. Monsieur le sénateur, l'amendement n° 58 est important et bien pesé, mais les assistants maternels, vous le savez, bénéficient déjà du droit à la validation des acquis de l'expérience, comme toute personne engagée dans la vie active, et ce depuis la loi du 17 janvier 2002 dite loi de modernisation sociale, comme l'a rappelé M. le rapporteur.
De plus, un décret du 26 avril 2002 est venu préciser les conditions d'exercice de ce droit.
C'est ensuite dans les textes particuliers à chaque diplôme que sont précisées les modalités de l'obtention de cette validation. Ce sera très prochainement le cas pour le CAP « petite enfance » et pour le diplôme d'auxiliaire puéricultrice.
Voilà pourquoi, ces précisions étant apportées, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 59, présenté par Mme Terrade, M. Fischer, Mme Demessine, M. Muzeau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 7, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai de six mois au plus tard, à compter de l'entrée en vigueur de la présente loi, le gouvernement transmettra au Parlement un rapport sur les droits des assistants maternels et assistants familiaux en matière de sécurité sociale, proposant notamment des mesures de nature à permettre aux dits salariés d'obtenir une retraite à taux plein à leur soixantième anniversaire.
La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Vous n'êtes pas sans savoir, mes chers collègues, que, dans le cadre des groupes de travail mis en place par la direction générale des affaires sociales, la DGAS, pour préparer la présente réforme, la question des droits des assistants maternels en matière de protection sociale s'est posée avec force.
Madame la ministre, si, concernant leur intégration dans la fonction publique territoriale, vous avez coupé court à toute discussion devant la commission des affaires sociales lorsque cette dernière vous a auditionnée - et vous êtes revenue sur le sujet dans la discussion générale, lors de votre intervention liminaire -, vous avez dit, concernant spécifiquement la question de la retraite des assistants maternels, qu'il convenait d'améliorer la situation ; et c'est sur ce dernier point que je veux maintenant m'appesantir.
Il s'agit de s'entendre sur la voie à suivre. Permettez-moi de ne pas faire entièrement confiance au Gouvernement - je le regrette d'ailleurs -, s'agissant du droit de chacun à une retraite décente. Je ne voudrais pas que prétexte soit pris de la revalorisation de la rémunération de ces professionnels - revalorisation hypothétique et somme toute relative - pour suggérer la mise en place d'un complément de retraite par répartition.
C'est pourquoi nous proposons, via l'amendement n° 59, que le Gouvernement envisage, dans un rapport, les solutions possibles pour que les salariés ayant exercé la profession d'assistant maternel bénéficient, à leur soixantième anniversaire, d'une retraite à taux plein. J'entends une retraite principale, celle du régime général de la sécurité sociale.
Ma collègue Marie-Claude Beaudeau a, le 15 avril dernier, attiré l'attention du ministre de la santé et de la protection sociale sur les difficultés particulières rencontrées par les assistants maternels et sur la nécessité de mettre un terme à l'injustice dont ces professionnels sont victimes, puisque, selon le nombre d'enfants gardés, une année de travail génère un, deux, ou trois trimestres mais jamais quatre.
Deux solutions ont été notamment avancées afin de permettre à ces personnes de liquider leur retraite à soixante ans sans devenir des retraités pauvres : l'attribution gratuite de trimestres non validés au régime géré pour la période de 1975 à 1992, ou le rachat de ces périodes dans des conditions non prohibitives.
J'ai en effet quelques exemples de retraites d'un montant de 500 francs par mois, pour des assistants maternels ayant travaillé en crèches familiales.
Madame la ministre, êtes-vous, pour des assistants maternels ayant travaillé en crèches familiales, disposée à nous livrer dès maintenant une réponse ou tout du moins un début de réponse que les très nombreux assistants maternels attendent avec impatience ?
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur. J'admire le talent de M. Fischer qui, à l'occasion d'un amendement sur un rapport, repose tout le problème général des retraites, comme si le débat sur les retraites était infini ; ce point a été tranché l'année dernière, vous vous en souvenez. Je sais bien que certains n'ont pas voté les textes que la majorité de l'Assemblée nationale et du Sénat ont adoptés, mais on ne va pas y revenir !
Cela dit, il y a, c'est vrai, un problème concernant les retraites des assistants maternels, problème qui doit être traité. Mais déposer un amendement pour dire qu'il y aura un nouveau rapport, alors que nous sommes encombrés de rapports et que la commission a prévu un rapport unique à la fin du texte pour essayer d'examiner l'avancée de toutes les questions, aussi bien celles de la rémunération, de la formation, des retraites ou de la sécurité sociale, ne me paraît pas judicieux. Cet amendement me paraît inutile, et la commission émet par conséquent un avis défavorable.
J'ajoute que M. Fischer feint de penser que la revalorisation de la rémunération des assistants maternels et donc de leur retraite est hypothétique. Pas du tout ! Comme chacun le sait, l'ensemble des rémunérations sont basées sur le SMIC qui, grâce au gouvernement que nous soutenons, monsieur Fischer - et non grâce aux gouvernements que vous souteniez - , a été relevé entre le 1er juillet 2003 et le 1er juillet 2005 de 11,4%.
M. Guy Fischer. C'est la conséquence de l'application de la loi sur les 35 heures !
M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur. Il y a mathématiquement une forte augmentation de la base de la rémunération des assistants maternels. Il s'ensuivra donc une forte revalorisation de l'ensemble des retraites.
Par conséquent, que vous ayez pris cet amendement comme prétexte pour nous parler des retraites est de bonne guerre - c'est vraiment un bon sujet ! -, mais ce rapport me paraît inutile. En outre, le rapport que propose la commission à la fin du texte comprendra bien évidemment une partie sur les retraites, puisque le Gouvernement s'est engagé à donner l'ensemble des éléments, et il me semble dans ces conditions, monsieur Fischer, que vous pourriez retirer votre amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marie-Josée Roig, ministre. Monsieur le sénateur, les assistants maternels et familiaux, comme tous les assurés, doivent avoir validé le nombre de trimestres requis pour obtenir une pension de retraite à taux plein : 160 trimestres.
Lorsque les assurés n'ont pas suffisamment cotisé à l'âge de soixante ans, ils peuvent continuer leur activité jusqu'à soixante-cinq ans, âge à partir duquel la pension est automatiquement calculée avec le taux plein. Mais entre ces deux périodes, le calcul de la pension est effectué, lorsque le nombre de trimestres acquis n'est pas suffisant, avec un taux réduit.
Vous le savez, les régimes de retraite fonctionnent, en France, suivant le principe de la contributivité. Cela signifie que les retraites sont proportionnelles aux cotisations versées. Il n'est donc pas envisageable, monsieur le sénateur, d'accorder gratuitement des trimestres aux assistants maternels et familiaux. Il n'est pas non plus envisageable de leur accorder, quelle que soit leur durée de cotisation, la liquidation de leur pension à taux plein. Cette possibilité n'existe que dans des cas très particuliers, notamment pour les assurés qui sont reconnus inaptes au travail. En revanche, pour tous les salariés, la règle générale, comme je l'ai rappelé, est que le taux plein est accordé uniquement quand le nombre de trimestres validés est suffisant.
S'agissant des assistants maternels, je vous rappelle que leur situation a été très sensiblement améliorée par la loi du 12 juillet 1992 et que les rémunérations légales minimales ont été fixées à un niveau déjà plus élevé, ce qui a d'ailleurs renforcé l'effort contributif de ces assistants maternels et l'effort contributif de leurs employeurs. Cela a donc permis de leur garantir un niveau de pension supérieur.
Ainsi, un assistant maternel non permanent gardant au moins deux enfants sur l'année de même qu'un assistant maternel permanent gardant un enfant de façon continue sur une période annuelle peuvent valider quatre trimestres au titre de leur activité. Comme l'a souligné M. le rapporteur, la convergence des SMIC va renforcer encore cet effet.
En tout état de cause, j'appelle votre attention, mesdames, messieurs les sénateurs, sur le fait que la pension vieillesse est majorée par l'allocation supplémentaire qui garantit aux assistants maternels, comme à l'ensemble des salariés, un revenu au moins égal au minimum vieillesse, soit 601,95 euros par mois pour une personne seule, et ce au 1er janvier 2004. Pour un certain nombre d'entre-eux, ce revenu est supérieur au salaire qu'ils perçoivent lorsqu'ils gardent moins de trois enfants.
M. André Vezinhet. C'est Byzance !
Mme Marie-Josée Roig, ministre. En outre, les assistants maternels ont accès depuis 1977, je vous le rappelle, à la retraite complémentaire : des points gratuits leur ont été attribués pour les périodes d'activité antérieures.
Enfin, les assistants maternels sont concernés, comme l'ensemble des salariés, par deux dispositions essentielles de la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites : le rachat de trimestres au titre des années au cours desquelles ont été validés moins de quatre trimestres et la neutralisation, dans la détermination du salaire annuel moyen, des années au cours desquelles le montant de l'assiette des cotisations n'a pas permis de valider un trimestre.
Ces deux dispositions, vous le reconnaîtrez, monsieur le sénateur, ont un effet positif sur le niveau de leur pension.
Pour toutes ces raisons, il ne me semble pas utile de prévoir que le Gouvernement doive rédiger un rapport sur les mesures envisageables en matière de retraite pour les assistants maternels et assistants familiaux. Il ne me semble pas non plus possible d'instaurer des règles spécifiques en faveur des assistants maternels.
Par conséquent, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
M. le président. La parole est à M. André Vezinhet, pour explication de vote.
M. André Vezinhet. Monsieur le rapporteur, je suis d'accord avec vous, nous constatons l'émergence d'un véritable corps social des assistants maternels et assistants familiaux au travers de la fonction de service permise, par exemple, par l'allocation personnalisée d'autonomie, l'APA, l'aide à la petite enfance.
Accordons donc à ce corps social qui va s'étoffer chaque jour davantage au sein de la société urbaine qui est la nôtre les lettres de noblesse qu'il est en droit d'espérer.
S'agissant de la retraite, consentons un effort pour valoriser cette fonction qui est essentielle pour nous aujourd'hui. Les mesures prévues dans l'amendement de M. Fischer me semblent présenter beaucoup d'intérêt pour ce corps social, et je ne vois pas quelle réprobation elles seraient susceptibles de soulever.
Si nous adoptions cette mesure spécifique en faveur des assistants maternels et assistants familiaux, je puis vous dire, moi qui les recevais hier dans ma bonne ville de Montpellier, qu'ils y verraient là une reconnaissance de l'éminente fonction qu'ils remplissent. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur. Je veux remercier M. Vezinhet d'avoir indiqué, au début de son intervention, que nous étions d'accord sur un point.
Pour ma part, je pense que Mme la ministre a parfaitement répondu au souci exprimé par M. Vezinhet. Il faut donner à ces hommes et à ces femmes - certes, le Conseil d'Etat nous oblige à parler au masculin, mais une forte proportion de femmes, nous le savons bien, exercent cette profession - le sentiment que le Parlement a conscience de l'importance du travail qu'ils assument, du rôle qu'ils jouent auprès des familles ou des collectivités départementales ou locales, et de la nécessité d'améliorer leur retraite.
Les dispositions particulières dont a parlé Mme la ministre de la famille et de l'enfance en matière de retraite répondent parfaitement aux attentes de M. Vezinhet.
J'ajoute que l'objet de l'amendement n° 59 n'est pas de valoriser les retraites ; il vise à demander au Gouvernement de rédiger un rapport sur les droits des assistants maternels et assistants familiaux. Ce rapport, je l'ai dit, est inutile.
Je le répète, la commission est défavorable à l'amendement n° 59.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 59.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 8
L'article L. 421-10 du code de l'action sociale et des familles, qui devient l'article L. 421-16, est modifié comme suit :
I. - Le premier alinéa est ainsi rédigé :
« Il est conclu entre l'assistant familial et son employeur, pour chaque mineur accueilli, un contrat d'accueil annexé au contrat de travail. »
II. - Le deuxième alinéa est abrogé.
III. - Le troisième alinéa est complété par les dispositions suivantes :
« Il précise les modalités d'information de l'assistant familial sur la situation de l'enfant, notamment sur le plan de sa santé et de son état psychologique ; il indique les modalités selon lesquelles l'assistant familial participe à la mise en oeuvre et au suivi du projet individualisé pour l'enfant. Il fixe en outre les modalités de remplacement temporaire à domicile de l'assistant familial, le cas échéant par un membre de la famille d'accueil. »
IV. - Au quatrième alinéa, après les mots : « en établissement d'éducation spéciale » sont insérés les mots : « ou à caractère médical, psychologique ou de formation professionnelle » et les mots : « l'accueil est intermittent s'il est prévu pour une durée inférieure ou égale à quinze jours consécutifs » sont remplacés par les mots : « l'accueil qui n'est pas continu ou à la charge principale de l'assistant familial est intermittent ».
V. - Au sixième alinéa, les mots : « l'assistant maternel » sont remplacés par les mots : « l'assistant familial ».
M. le président. L'amendement n° 25, présenté par Mme Printz, MM. Chabroux, Godefroy et les membres du groupe Socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :
Dans la seconde phrase du texte proposé par le III de cet article pour compléter le troisième alinéa de l'article L. 42116 du code de l'action sociale et des familles, remplacer les mots :
de remplacement temporaire à domicile de l'assistant familial
par les mots :
de surveillance du mineur accueilli
La parole est à Mme Gisèle Printz.
Mme Gisèle Printz. C'est l'assistant maternel qui est agréé et rémunéré pour l'accueil de l'enfant. L'agrément est nominatif.
En cas d'absence momentanée de l'assistant maternel, le membre de la famille d'accueil qui intervient assure une surveillance et non pas un remplacement.
Par ailleurs, cet amendement vise à renforcer la reconnaissance de la profession.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur. La commission est défavorable à cet amendement, essentiellement pour une raison d'assurance.
En effet, le projet de loi parle bien du « remplacement » de l'assistant familial par une personne ayant les mêmes formations, les mêmes possibilités que lui.
La notion de surveillance ne recouvre pas l'ensemble des actes que le membre de la famille d'accueil peut être conduit à effectuer auprès de l'enfant, en cas d'absence de l'assistant familial.
En outre, en cas d'accident quelconque, cette disposition pourrait poser un problème de responsabilité civile.
C'est la raison pour laquelle la commission, préférant s'en tenir au texte du Gouvernement, émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 8.
(L'article 8 est adopté.)
Article 9
I. - Au premier alinéa de l'article L. 421-11 du code de l'action sociale et des familles, qui devient l'article L. 421-17, et aux articles L. 422-3, L. 422-6 et L. 422-7 du même code, après les mots : « les assistants maternels » sont insérés les mots : « et les assistants familiaux ».
II. - La dernière phrase de l'article L. 421-11 du même code, qui devient l'article L. 421-17, est complétée par les mots : « ainsi qu'aux assistants familiaux accueillant des majeurs de moins de vingt et un ans dans le cadre des dispositions de l'article L. 222-5 du présent code ».
III. - À l'article L. 421-12 du même code, qui devient l'article L. 421-18, les mots : « l'article L. 421-2 » sont remplacés par les mots : « l'article L. 421-6 ».
IV. - Dans l'intitulé du chapitre II du titre II du livre IV du code de l'action sociale et des familles, après les mots : « assistants maternels » sont insérés les mots : « et assistants familiaux ».
V. - L'article L. 422-1 du même code est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, les mots : « Les articles L. 773-3, L. 773-3-1, L. 773-4, L. 773-4-1, L. 773-5, L. 773-6, L. 773-7, L. 773-10, L. 773-11, L. 773-12, L. 773-13, L. 773-14, L. 773-15, L. 773-17 » sont remplacés par les mots : « Les articles L. 773-3 à L. 773-11, L. 773-17 à L. 773-23 et L. 773-25 à L. 773-28 » et les mots : « et aux assistants familiaux » sont insérés après les mots : « aux assistants maternels » ;
2° Au deuxième alinéa, les mots : « assistants maternels » sont remplacés par les mots : « assistants familiaux » et les mots : « l'article L. 773-3-1 » sont remplacés par les mots : « l'article L. 773-26 ».
VI. - À l'article L. 422-2 du même code et aux 2° et 3° de l'article L. 422-8 du même code, après les mots : « aux assistants maternels » sont insérés les mots : « et aux assistants familiaux ». A l'article L. 422-2, après les mots : « de ces assistants maternels » sont insérés les mots : « et de ces assistants familiaux ».
VII. - À l'article L. 422-3 du même code, les mots : « par voie réglementaire » sont remplacés par les mots : « par le code du travail ».
VIII. - Aux articles L. 422-4 et L. 422-5 du même code, les mots : « assistants maternels » sont remplacés par les mots : « assistants familiaux ». À l'article L. 422-4 du même code, les mots : « l'article L. 773-5 » sont remplacés par les mots : « l'article L. 773-9 ».
IX. - Le 1° de l'article L. 422-8 du même code est abrogé. - (Adopté.)
Titre II
DISPOSITIONS MODIFIANT LE CODE DE LA SANTÉ PUBLIQUE
Article 10
Les articles L. 2111-1, L. 2111-2, L. 2112-2 et L. 2112-3 du code de la santé publique sont modifiés comme suit :
I. - Au 4° de l'article L. 2111-1, les mots : « des assistantes maternelles mentionnées à l'article 123-1 du code de la famille et de l'aide sociale » sont remplacés par les mots : « le contrôle, la surveillance et l'accompagnement des assistants maternels mentionnés à l'article L. 421-1 du code de l'action sociale et des familles ».
II. - A l'article L. 2111-2, les mots : « des assistantes maternelles et la formation de celles qui accueillent des mineurs à titre non permanent » sont remplacés par les mots : « des assistants familiaux ainsi que l'agrément, le contrôle, la formation mentionnée à l'article L. 421-14 du code de l'action sociale et des familles et la surveillance des assistants maternels ».
III. - Le 7° de l'article L. 2112-2 est rédigé comme suit :
« 7° Des actions d'information sur la profession d'assistant maternel et des actions de formation initiale destinées à aider les assistants maternels dans leurs tâches éducatives, sans préjudice des dispositions du code du travail relatives à la formation professionnelle continue. »
IV. - L'article L. 2112-3 est remplacé par les dispositions suivantes :
« Art. L. 2112-3. - Tout assistant maternel agréé doit suivre une formation dans les conditions prévues à l'article L. 421-14 du code de l'action sociale et des familles. »
M. le président. L'amendement n° 65, présenté par MM. Gournac et Vasselle, est ainsi libellé :
Compléter le II de cet article par une phrase ainsi rédigée :
. Le département informe le maire des demandes d'agréments des personnes qui habitent sur le territoire de sa commune.
Cet amendement n'est pas soutenu.
Je mets aux voix l'article 10.
(L'article 10 est adopté.)
Division et article additionnels après l'article 10
M. le président. L'amendement n° 9, présenté par M. Fourcade, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Après l'article 10, insérer une division additionnelle ainsi rédigée :
Titre II bis
Dispositions modifiant le code de la construction et de l'habitation
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur. Il s'agit d'un amendement rédactionnel, qui vise à rendre le texte plus lisible en insérant un titre supplémentaire.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. En conséquence, une division additionnelle ainsi intitulée est insérée dans le projet de loi, après l'article 10.
L'amendement n° 10, présenté par M. Fourcade, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Après l'article 10, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après la deuxième phrase du premier alinéa de l'article L. 441-1 du code de la construction et de l'habitation, il est inséré une phrase ainsi rédigée :
« Il est également tenu compte, pour l'attribution d'un logement, de l'activité professionnelle des membres du ménage lorsqu'il s'agit d'assistants maternels ou d'assistants familiaux agréés. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur. C'est un amendement important sur lequel nous avons beaucoup débattu en commission.
Tous ceux qui exercent des responsabilités au sein d'un exécutif départemental ou local ont constaté que le problème du logement bloque très souvent l'activité des assistants maternels et des assistants familiaux. C'est plus ou moins vrai selon la taille des départements ou de l'agglomération concernés.
Après avoir contacté M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer et l'Union sociale pour l'habitat, j'ai proposé à la commission un amendement qui prévoit, dans le cadre du nouveau titre que nous venons d'adopter, qu'« il est également tenu compte, pour l'attribution d'un logement, de l'activité professionnelle des membres du ménage lorsqu'il s'agit d'assistants maternels ou d'assistants familiaux agréés ».
Cette priorité ne vaut pas pour les personnes qui voudraient devenir des assistants maternels parce que nous ouvririons ainsi une brèche dans les critères d'attribution des logements.
Toutefois, à partir du moment où il s'agit d'un assistant maternel ou d'un assistant familial agréé, la commission, qui s'est ralliée à ma proposition, souhaite que l'attribution des logements sociaux lui soit facilitée, qu'il s'agisse du premier logement ou de l'agrandissement de la famille qui exige un appartement plus grand.
Cette disposition est, me semble-t-il, de nature à développer l'offre de garde et de placement dans les zones où elle est insuffisante. Insérée dans le projet de loi, elle s'imposera à l'ensemble des commissions d'attribution des logements sociaux, aux règlements intérieurs des offices ou des sociétés de logements sociaux.
Nous tenons beaucoup à cet amendement, madame la ministre.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marie-Josée Roig, ministre. Je l'avais annoncé lors de la discussion générale, le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 10.
M. le président. La parole est à M. André Vezinhet, pour explication de vote.
M. André Vezinhet. On tient deux discours totalement opposés.
Lorsqu'il s'est agi tout à l'heure d'adopter des mesures favorables aux assistants maternels et assistants familiaux en matière de retraite, on a répondu que ce n'était pas possible. Or, on nous propose de traiter, par le biais d'un amendement, le problème du logement auquel nous sommes tous confrontés avec une grande acuité.
La demande de logements en France est la plus forte que j'aie jamais connue depuis trente ans que j'exerce des mandats publics. Je n'ai jamais vu une situation aussi dramatique.
M. Jean Chérioux. Cela a commencé en 1981 !
M. André Vezinhet. Aujourd'hui, dans une année de misère en matière de logement, on nous propose d'instaurer des quotas.
Si vous voulez traiter ce problème sur un plan général, proposez-nous une offre de logements bien supérieure, et nous pourrons alors régler le cas particulier des personnes qui ont en garde des enfants.
M. Raymond Courrière. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Odette Terrade, pour explication de vote.
Mme Odette Terrade. J'abonderai dans le même sens que mon collègue André Vezinhet.
Répondant à une question de M. Chérioux concernant le nombre de candidatures à l'agrément d'assistant maternel qui échouaient en raison des conditions de logement, Nicole Prud'homme a confirmé, devant la commission des affaires sociales, que « l'exiguïté des logements était une des difficultés les plus importantes pour l'agrément des assistants maternels, notamment en région parisienne ».
Ce constat n'est pas surprenant, nous le faisons tous dans nos circonscriptions. Il reflète, d'une manière générale, la crise du logement à laquelle est aujourd'hui confrontée une majorité de nos concitoyens, notamment dans nos cités.
M. le rapporteur propose que les assistants maternels et assistants familiaux soient prioritaires dans le cadre de l'attribution des logements sociaux. Très bien, mais encore faudrait-il que les logements sociaux de grande taille existent en nombre suffisant, ce qui n'est malheureusement pas le cas,...
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Il faut les relancer !
Mme Odette Terrade. ... et qu'ils se situent dans un environnement favorable à l'épanouissement de l'enfant !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Où est votre politique du logement ?
Mme Odette Terrade. Or, nous savons qu'il n'en est rien.
Par ailleurs, ce gouvernement ne mène pas une politique bienveillante et volontariste pour la construction de logements sociaux ou la réhabilitation du cadre existant.
Si le logement est effectivement un frein à l'activité des assistants maternels ou assistants familiaux, encore faudrait-il que vous n'ayez pas supprimé, mes chers collègues, dans la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, un article qui prévoyait la construction de logements sociaux, et il eut également fallu que le budget du logement ne fut pas amputé, comme il l'a été cette année, de plus de 8% !
C'est pourquoi nous n'apporterons pas notre soutien à l'amendement n° 10 que je qualifierai d'amendement « bonne conscience » du rapporteur, car il ne règle pas le problème au fond. Nous le voterons d'autant moins, qu'à demi-mot, à la page 27 du rapport, il est fait état de « critères de logement trop draconiens » nuisibles à l'accès à ces professions. Pour faire face à la pénurie de l'offre, il ne saurait aucunement être envisagé d'être moins exigeant sur la qualité de l'accueil, et donc sur la qualité du logement.
M. Roland Muzeau. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur. J'étais certain que l'amendement que la commission a bien voulu retenir allait ouvrir un grand débat sur la politique du logement.
Mme Odette Terrade. C'est normal, c'est la pire depuis la crise des années cinquante !
M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur. Si les offices ou les sociétés de logements sociaux ne comptent pas, dans leur patrimoine, beaucoup de grands logements, c'est parce que le ralentissement sensible de la construction de logements sociaux pendant les cinq années du gouvernement Jospin, donne des résultats (Protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste) ...
Mme Odette Terrade. C'est trop facile !
M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur. Chère madame, nous le constatons tous les jours !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Cela vous gêne, madame Terrade !
Mme Odette Terrade. Et la loi SRU ? Et les budgets diminués ?
M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur. Quel que soit le département, les gestionnaires de communautés ou de communes constatent un blocage de l'offre d'assistants maternels et d'assistants familiaux. Dans le patrimoine dont ils ont la charge, seuls quelques logements de quatre ou cinq pièces sont disponibles, qui doivent être réservés à des familles au sein desquelles travaille un assistant maternel ou un assistant familial...
Mme Odette Terrade. Et les autres ?
M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur. ... plutôt qu'à des familles comprenant plusieurs enfants et plusieurs femmes.
Je souhaite, par conséquent, que ce critère figure dans la loi : si nous voulons mener une politique visant à développer l'assistance aux familles, il faut nous en donner les moyens.
Cette mesure me semble intéressante. Le président du bureau de l'Union sociale pour l'habitat, M. Michel Delebarre, estime qu'il s'agit là d'une solution convenable : à partir du moment où elle sera inscrite dans un texte législatif, elle s'imposera à l'ensemble des commissions d'attribution des logements sociaux, aux règlements intérieurs des offices ou des sociétés de logements sociaux, ce qui est notre but.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 10.
TITRE III
DISPOSITIONS MODIFIANT LE CODE DU TRAVAIL
CHAPITRE Ier
Dispositions modifiant le titre VII du livre VII du code du travail
Article 11
I. - Le titre VII du livre VII du code du travail est ainsi intitulé : « Concierges et employés d'immeuble à usage d'habitation, employés de maison, assistants maternels, assistants familiaux ».
II. - Le chapitre III du même titre est ainsi intitulé : « Assistants maternels et assistants familiaux employés par des personnes de droit privé ». Il est composé de six sections :
1° Une section 1, intitulée : « Dispositions communes », qui comprend les articles L. 773-1 et L. 773-2 ainsi que les articles L. 773-6, L. 773-4 et L. 773-4-1, qui deviennent respectivement les articles L. 773-4, L. 773-5 et L. 773-6 ;
2° Une section 2, intitulée : « Dispositions applicables aux assistants maternels », qui comprend les articles L. 773-3 et L. 773-5, qui deviennent respectivement les articles L. 773-8 et L. 773-9 ;
3° Une section 3, intitulée : « Dispositions applicables aux assistants maternels employés par des particuliers », qui comprend les articles L. 773-7, L. 773-8 et L. 773-9, qui deviennent respectivement les articles L. 773-12, L. 773-13 et L. 773-14 ;
4° Une section 4, intitulée : « Dispositions applicables aux assistants maternels et aux assistants familiaux employés par des personnes morales de droit privé », qui comprend les articles L. 773-10, L. 773-13, L. 773-14, L. 773-15 et L. 773-16, qui deviennent respectivement les articles L. 773-17, L. 773-21, L. 773-22, L. 773-23 et L. 773-24 ;
5° Une section 5, intitulée : « Dispositions applicables aux assistants maternels employés par des personnes morales de droit privé », qui comprend l'article L. 773-25 ;
6° Une section 6, intitulée : « Dispositions applicables aux assistants familiaux employés par des personnes morales de droit privé », qui comprend les articles L. 773-3-1, L. 773-12, L. 773-11, qui deviennent respectivement les articles L. 773-26, L. 773-27 et L. 773-28.
M. le président. L'amendement n° 74 rectifié, présenté par M. Fourcade, au nom de la commission, est ainsi libellé :
A. - Rédiger comme suit les 1° à 6° du II de cet article :
1° Une section 1, intitulée « Dispositions communes ». Celle-ci comprend les articles L. 773-1 et L. 773-2, ainsi que l'article L. 773-3 tel qu'il résulte de l'article 13 et les articles L. 773-6, L. 773-4 et L. 773-4-1, qui deviennent respectivement les articles L. 773-4, L. 773-5 et L. 773-6 ;
2° Une section 2, intitulée « Dispositions applicables aux assistants maternels ». Celle-ci comprend l'article L. 773-7 tel qu'il résulte de l'article 15, les articles L. 773-3 et L. 773-5, qui deviennent respectivement les articles L. 773-8 et L. 773-9, ainsi que les articles L. 773-10 et L. 773-11 tels qu'ils résultent de l'article 18 ;
3° Une section 3, intitulée « Dispositions applicables aux assistants maternels employés par des particuliers ». Celle-ci comprend les articles L. 773-7, L. 773-8 et L. 773-9, qui deviennent respectivement les articles L. 773-12, L. 773-13 et L. 77314, ainsi que les articles L. 773-15 et L. 773-16 qui résultent respectivement des articles 19 et 20 ;
4° Une section 4, intitulée « Dispositions applicables aux assistants maternels et aux assistants familiaux employés par des personnes morales de droit privé ». Celle-ci comprend les articles L. 773-10, L. 773-13, L. 773-14, L. 773-15 et L. 773-16, qui deviennent respectivement les articles L. 773-17, L. 773-22, L. 773-23 et L. 773-24, ainsi que les articles L. 773-18, L. 773-19 et L. 77320 ;
5° Une section 5, intitulée « Dispositions applicables aux assistants maternels employés par des personnes morales de droit privé ». Celle-ci comprend l'article L. 773-25 ;
6° Une section 6, intitulée « Dispositions applicables aux assistants familiaux employés par des personnes morales de droit privé ». Celle-ci comprend les articles L. 773-3-1, L. 773-12 et L. 77311, qui deviennent respectivement les articles L. 77326, L. 77327 et L. 77328, ainsi que l'article L. 77329.
B. - Compléter in fine cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
III. - L'article L. 773-17 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la présente loi, est abrogé.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur. Cet amendement, peu compréhensible au premier abord, vise simplement à résumer un certain nombre de modifications techniques apportées dans l'organisation des paragraphes, des alinéas et des articles des différents textes en question : il est de portée purement rédactionnelle.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 11, modifié.
(L'article 11 est adopté)
SECTION 1
Dispositions communes
Article 12
I. - A l'article L. 773-1 du code du travail, les mots : « l'article 123-1 du code de la famille et de l'aide sociale » sont remplacés par les mots : « l'article L. 421-3 du code de l'action sociale et des familles » et après les mots : « des mineurs » sont insérés les mots : « et, en application des dispositions de l'article L. 421-17 du code de l'action sociale et des familles, des majeurs de moins de vingt et un ans ».
II. - A l'article L. 773-2 du même code, les mots : « Livre Ier, titre II, chapitre II : articles L. 122-28-1 à L. 122-31, L. 122-46 et L. 122-49 » sont remplacés par les mots : « Livre Ier, titre II, chapitre II, section 1, sous-section 1 (contrat à durée déterminée - règles générales) ; section 5 (protection de la maternité et éducation des enfants) ; section 7 (discriminations) ; section 8 (harcèlement) ». - (Adopté.)
Article 13
Il est ajouté à la section 1 du chapitre III du titre VII du livre VII du code du travail un article L. 773-3 ainsi rédigé :
« Art. L. 773-3. - Le contrat de travail des assistants maternels et des assistants familiaux est un contrat écrit. »
M. le président. L'amendement n° 43 rectifié bis, présenté par Mme Létard, M. J. Boyer, Mmes Bocandé, Férat et G. Gautier, MM. Biwer, Détraigne, Soulage, Moinard et les membres du groupe de l'Union Centriste, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par cet article pour l'article L. 7733 du code du travail par une phrase ainsi rédigée :
Il fait référence notamment à la décision d'agrément délivrée par le président du conseil général ainsi qu'à la garantie d'assurance souscrite par les intéressés. »
La parole est à Mme Gisèle Gautier.
Mme Gisèle Gautier. L'établissement d'un contrat de travail écrit constitue une avancée importante dans la clarification des liens entre l'assistant maternel et son employeur.
Ce contrat va permettre de définir précisément tous les points sur lesquels portent, en général, de possibles litiges : le temps de travail, les horaires d'accueil, la rémunération, la fixation des congés, le montant des indemnités, les fournitures d'entretien.
Puisqu'il importe que ce document soit le plus précis possible, afin, justement, que soient évités des contentieux ultérieurs, il nous paraît pertinent qu'il fasse référence à la décision d'agrément délivrée par le président du conseil général, ainsi qu'à la garantie d'assurance souscrite par les intéressés.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur. La commission a estimé que, à partir du moment où était imposée dans le texte la rédaction d'un contrat de travail pour les assistants maternels et les assistants familiaux, la proposition qui vient de nous être soumise était tout à fait normale : elle est, par conséquent, favorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 44 rectifié bis, présenté par Mme Létard, M. J. Boyer, Mmes Bocandé et G. Gautier, MM. Détraigne, Soulage, Moinard et les membres du groupe de l'Union Centriste, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par cet article pour l'article L. 7733 du code du travail par un alinéa ainsi rédigé :
« Les litiges relatifs à l'exécution et à la résiliation du contrat sont du ressort du conseil de prud'hommes. »
La parole est à Mme Gisèle Gautier.
Mme Gisèle Gautier. Toute la philosophie sous-tendant ce projet de loi tend à rapprocher le statut des assistants maternels de celui des salariés de droit privé, par la professionnalisation de ce métier.
Pour suivre cette logique jusqu'à son terme, il serait donc cohérent d'admettre que le contentieux et la prévention des conflits entre les assistants maternels et leurs employeurs relèvent de la compétence des juridictions prud'homales : c'est d'autant plus souhaitable que, devant le conseil des prud'hommes, la conciliation constitue une phase préalable obligatoire qui, à l'heure actuelle, met en général fin à la majorité des litiges dont ces commissions de conciliation sont saisies en ce qui concerne les assistants maternels.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur. La commission s'est beaucoup interrogée. Il est certain, en effet, qu'il existe des litiges entre les familles et les assistants maternels et qu'il peut y en avoir avec les assistants familiaux, des voies de discussion et de règlement étant néanmoins prévues avec les conseils généraux dans ce dernier cas.
S'agissant des assistants maternels, la voie normale de règlement d'un litige est soit la saisine du juge de proximité, si le litige porte sur une somme inférieure à 1 500 euros, soit celle du tribunal d'instance, si la somme est supérieure.
Le juge de proximité, dont nous avons adopté la mise en place progressive l'année dernière, pourrait régler un certain nombre de litiges intéressant les rapports parfois conflictuels entre les assistants maternels et les familles.
L'amendement n° 44 rectifié bis a pour objet de renvoyer la totalité des litiges au conseil de prud'hommes, afin de rapprocher la situation des salariés de droit commun de celle des assistants maternels.
Une telle opération ne me semble pas nécessaire, la plupart des litiges concernant les assistant familiaux devant pouvoir être réglés rapidement, au cas par cas, par les juges de proximité, les sommes sur lesquelles portent ces litiges étant souvent relativement faibles. J'ai peur qu'elle ne conduise à encombrer les conseils de prud'hommes : même si ces derniers comportent une commission de conciliation, il faudrait créer une section supplémentaire en leur sein.
La commission a finalement émis un avis plutôt défavorable, mais souhaite entendre le Gouvernement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marie-Josée Roig, ministre. L'article L. 511 du code du travail, qui est applicable aux assistants maternels et aux assistants familiaux comme l'ensemble du titre V dudit code relatif aux conflits du travail, en application de l'article L 773-2, prévoit que les conseils de prud'hommes sont compétents, sauf, bien entendu, dispositions législatives contraires.
Il n'y a donc pas lieu, comme vous l'avez dit, monsieur le rapporteur, sauf à surcharger inutilement le code du travail, de prévoir l'attribution de cette compétence dans un article de loi spécifique. Le règlement des conflits opposant les assistants maternels et leurs employeurs particuliers est du ressort du tribunal d'instance, selon l'article R.321-6 du code de l'organisation judiciaire.
Madame la sénatrice, le Gouvernement a l'intention de modifier cette disposition réglementaire, afin d'attribuer plus clairement la compétence du règlement de ces conflits aux conseils de prud'hommes, lesquels ont déjà, comme vous le savez, compétence pour régler les conflits opposant les assistants maternels et les assistants familiaux employés par des personnes morales de droit privé. Ceux de ces derniers qui sont employés par les collectivités locales ou les établissements publics de santé relèvent, eux, des tribunaux administratifs.
L'amendement n° 44 rectifié bis me paraît en conséquence satisfait, et je vous demande donc de bien vouloir le retirer.
M. le président. Madame Gautier, l'amendement est-il maintenu ?
Mme Gisèle Gautier. Je prends note des informations que vient de donner Mme la ministre.
Il est vrai qu'il ne nous appartient pas d'alourdir la charge de travail des conseils de prud'hommes, qui est déjà suffisamment importante.
Je retiens également que notre préoccupation sera prise en compte.
Il est sage d'attendre l'évolution du nouveau statut qui clarifie le partenariat entre les parents et les assistants. Si le nombre des litiges venait à s'accroître - ce qui n'est pas souhaitable : au contraire, les situations devraient être un peu plus claires et un peu moins litigieuses -, nous pourrions revenir sur cette question.
En tout cas, je serai extrêmement attentive à l'évolution de ce problème.
Je retire mon amendement.
M. le président. L'amendement n° 44 rectifié bis est retiré.
Je mets aux voix l'article 13, modifié.
(L'article 13 est adopté.)
Article 14
I. - A l'article L. 773-6 du code du travail, qui devient l'article L. 773-4, les mots : « Les assistantes maternelles » sont remplacés par les mots : « Les assistants maternels et les assistants familiaux » et les mots : « L. 773-3, L. 773-3-1, L. 773-5 et L. 773-10 » sont remplacés par les mots : « L. 773-8, L. 773-9, L. 773-17 et L. 773-26 ».
II. - L'article L. 773-4 du même code, qui devient l'article L. 773-5, est remplacé par les dispositions suivantes :
« Art. L. 773-5. - Les indemnités et fournitures destinées à l'entretien de l'enfant, dont les éléments et le montant minimal sont définis par décret, ne sont remises que pour les journées où cet enfant est présent chez l'assistant maternel ou l'assistant familial ou reste à la charge effective de celui-ci. Les indemnités et fournitures sont dues pour toute journée d'accueil commencée. »
III. - L'article L. 773-4-1 du même code, qui devient l'article L. 773-6, est remplacé par les dispositions suivantes :
« Art. L. 773-6. - Pendant les périodes de formation des assistants maternels mentionnées à l'article L. 421-14 du code de l'action sociale et des familles et intervenant après l'embauche, ainsi que pendant les périodes de formation des assistants familiaux mentionnées à l'article L. 421-15 du même code, la rémunération de l'assistant maternel ou de l'assistant familial reste due par l'employeur. »
M. le président. L'amendement n° 26, présenté par Mme Printz, MM. Chabroux, Godefroy et les membres du groupe Socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :
Dans la première phrase du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 7735 du code du travail, après les mots :
par décret
insérer les mots :
pour l'ensemble du territoire national
La parole est à Mme Gisèle Printz.
Mme Gisèle Printz. Cet amendement vise à gommer les disparités parfois énormes existant sur le territoire national en ce qui concerne les fournitures et indemnités destinées à l'entretien de l'enfant. Les assistants familiaux qui accueillent des enfants de départements différents le savent bien.
C'est pourquoi il est important de préciser que le contenu des fournitures et le montant des indemnités journalières soient fixés par décret et soient identiques pour tous les départements.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur. Nul ne s'étonnera que, par référence à ce qui a été décidé voilà un instant, la commission soit opposée à la nationalisation de cette indemnité d'entretien et de fournitures (Exclamations sur les travées du groupe socialiste) : nous ne pouvons confier aux conseils généraux ou aux conseils municipaux, dans le cas des crèches familiales, le calcul de cette indemnité. Il relève du décret, aux termes duquel seront prévues des zones ou un système de ce genre.
Tout à l'heure nous était proposée une validation nationale ; maintenant, c'est un décret fixant sur le plan national l'ensemble des indemnités. Nous ne sommes pas favorables à la nationalisation de l'ensemble de ces professions. Nous sommes partisans d'une professionnalisation et d'une départementalisation conforme à la décentralisation. Par conséquent, nous sommes défavorables à cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marie-Josée Roig, ministre. Le Gouvernement émet également un avis défavorable, monsieur le président.
M. le président. La parole est à M. André Vezinhet, pour explication de vote.
M. André Vezinhet. Nous voilà de nouveau dans l'ambiguïté. Etre défavorable à cet amendement, c'est ne pas vouloir rechercher, sur le plan national, un régime égalitaire.
A l'heure actuelle, il existe des différences considérables de rémunération mensuelle selon les départements.
Je disais tout à l'heure à mon collègue de l'Aude, M. Courrière, combien j'admirais les efforts faits dans ce département pour la rémunération des assistantes maternelles, qui atteint un niveau bien supérieur à celui qui est indiqué par la loi, parce que le choix de reconnaître ce corps social y a été fait.
Aujourd'hui, les disparités, sur le point que vient de soulever ma collègue Mme Printz, sont énormes. Si nous voulons vraiment instaurer quelque chose qui ressemble à l'unité républicaine - après tout, le fronton des départements comporte aussi la mention « liberté égalité fraternité », de la même manière que ceux des hôtels de l'Etat -, il nous faut prendre des mesures égalitaires en matière de traitement pour tous ces personnels, où qu'ils se trouvent sur le territoire.
M. Raymond Courrière. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Jean Chérioux, pour explication de vote.
M. Jean Chérioux. Une fois de plus, au nom de l'égalité, on va arriver à des situations qui ne seront pas forcément ce qu'elles doivent être. (M. Raymond Courrière s'exclame.) Vous confondez, chers collègues, égalité et uniformité. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme Odette Terrade. Mais non !
M. Jean Chérioux. L'uniformité, ce n'est pas l'égalité, c'est mettre tout le monde dans un même moule, alors que les circonstances diffèrent en fonction des lieux. C'est contraire à l'idée de décentralisation !
Tout cela, au nom d'un principe républicain qu'on applique mal !
M. Raymond Courrière. La générosité, vous ne savez pas ce que c'est !
Mme Gisèle Printz. L'amendement prévoit « pour l'ensemble du territoire national » !
M. le président. La parole est à M. Gérard Dériot, pour explication de vote.
M. Gérard Dériot. Je suis toujours très étonné d'entendre nos collègues socialistes s'étonner des disparités qui peuvent exister dans les rémunérations que fixent nos collègues présidents de conseils généraux.
Qu'est-ce qui empêche M. Vezinhet, qui est président du conseil général de l'Hérault, d'élever les rémunérations au niveau de celles qui sont pratiquées dans le département de l'Aude qu'il citait en exemple ou dans d'autres départements ?
M. Raymond Courrière. Il l'a fait !
M. Gérard Dériot. Sans doute nos collègues socialistes ont-ils également le souvenir que, du temps de la prestation spécifique dépendance, la PSD, c'est le département des Landes qui avait fixé la rémunération la moins élevée.
M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur. Absolument !
M. Jean Chérioux. Eh oui !
M. Gérard Dériot. Nous n'avons pas de leçon à recevoir dans ce domaine, ni dans d'autres d'ailleurs.
Il ne vous reste qu'à alerter un peu plus encore tous les présidents de conseils généraux qui partagent votre sensibilité !
De notre côté, nous n'avons pas à rougir, et nous continuerons de laisser à chacun la liberté de décider.
M. Jean Chérioux. Oui !
M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.
M. Guy Fischer. Nous sommes là au coeur du débat.
Le texte qui vise à améliorer la situation des assistants maternels et des assistants familiaux ne va pas assez loin. On l'a vu pour la PSD, comme lors du débat sur l'allocation personnalisée d'autonomie, et c'est l'enjeu de tout le débat sur les professions de soins à domicile. Il est tout à fait possible de faire varier les rémunérations en fonction des subventions qu'attribuent les conseils généraux aux associations, soit pour obtenir un peu plus de qualifications, soit pour faire face aux frais de structure.
Là, nous ne comprenons pas. Votre intention est de favoriser tous ces métiers. Comme vous l'avez précisé, monsieur le rapporteur, il s'agit de faire face à une situation particulière à notre pays puisque, partout ailleurs, ces professions sont en fait des professions indépendantes.
M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur. Absolument !
M. Jean Chérioux. Libérales !
M. Guy Fischer. Examinons par exemple le revenu moyen qui est établi sur la base d'une rémunération à l'heure. Aujourd'hui, dans une crèche familiale qui est en plein coeur d'une ville très populaire, la mienne, le coût horaire moyen de la rémunération est de quatre euros nets, c'est-à-dire environ 75 % du SMIC horaire.
On pourrait trouver autant de différences selon les départements. Ce sont d'ailleurs des éléments qu'il serait intéressant pour nous de connaître. Il pourrait en être de même pour la réflexion sur la durée du temps de travail ou sur le paiement des congés, sujets sur lesquels nous reviendrons.
Là, les distorsions sont telles que nous ne pouvons qu'être favorables à l'amendement de Mme Printz.
M. le président. Je mets aux voix l'article 14.
(L'article 14 est adopté.)
Section 2
Dispositions applicables aux assistants maternels
Article 15
Il est ajouté, à la section 2 du chapitre III du titre VII du livre VII du code du travail, un article L. 773-7 rédigé comme suit :
« Art. L. 773-7. - Les mentions du contrat de travail des assistants maternels sont définies par décret.»
M. le président. L'amendement n° 11, présenté par M. Fourcade, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par cet article pour l'article L. 773-7 du code du travail par un alinéa ainsi rédigé :
« Une convention ou un accord collectif étendu applicable aux assistant maternels peut notamment compléter ou adapter les dispositions des articles L. 773-7, L. 77310, L. 773-11 et L. 773-16. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur. L'article 15 qui rassemble les dispositions applicables aux assistants maternels - nous examinerons ensuite une section spécifique aux assistants familiaux - prévoit que les mentions du contrat de travail sont définies par décret.
Or, et nous le savons par les nombreuses auditions auxquelles nous avons procédé en commission, notamment celle de Mme la ministre, une convention collective entre les représentants des employeurs, d'une part, et les assistants maternels - ils sont seuls concernés pour l'instant -, d'autre part, est en cours d'établissement et sur le point d'être signée.
L'amendement n° 11 prévoit qu'« une convention ou un accord collectif étendu applicables aux assistants maternels peut notamment compléter ou adapter les dispositions » d'un certain nombre d'articles du code du travail. Nous apportons ainsi notre contribution, certes modeste, à ce récurrent débat sur le rôle respectif de la loi et de la convention collective.
Au moment où nous examinons un texte sur les assistants maternels et les assistants familiaux, il paraît normal de prévoir le renvoi non seulement à un décret - le Gouvernement ne prévoit jamais que cela - mais aussi aux conventions ou aux accords collectifs, de manière que le Parlement en dernier ressort statue sur le cadre général et que des conventions et des accords puissent modifier tel ou tel article.
Tel est l'objet de cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marie-Josée Roig, ministre. Le Gouvernement comprend le souhait de la commission de mentionner dans la loi l'existence d'une convention collective. C'est pourquoi il est favorable à cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l'article 15, modifié.
(L'article 15 est adopté.)
Article 16
A l'article L. 773-3 du code du travail, qui devient l'article L. 773-8, le mot : « jour » est remplacé par les mots : « unité de temps ». - (Adopté.)
Article 17
L'article L. 773-5 du code du travail, qui devient l'article L. 773-9, est rédigé comme suit :
« Art. L. 773-9. - En cas d'absence d'un enfant pendant une période où il aurait normalement dû lui être confié, l'assistant maternel bénéficie du maintien de sa rémunération, sauf si l'enfant ne peut être accueilli du seul fait de l'assistant maternel ou lorsque l'absence est due à une maladie de l'enfant attestée par un certificat médical.
« Dans ce dernier cas, l'assistant maternel a droit à une indemnité compensatrice dont le montant minimal est fixé par décret. » - (Adopté.)
Article 18
La section 2 du chapitre III du titre VII du livre VII du code du travail est complétée par les articles L. 773-10 et L. 773-11 rédigés comme suit :
« Art. L. 773-10. - L'assistant maternel bénéficie d'un repos quotidien d'une durée minimale de onze heures consécutives.
« Un décret, une convention ou un accord collectif étendu peuvent dans des conditions prévues par décret, et sous réserve de respecter le droit à un repos compensateur ou à une indemnité, déroger aux dispositions de l'alinéa précédent.
« Art. L. 773-11. - Les assistants maternels ne peuvent être employés plus de six jours consécutifs. Le repos hebdomadaire de l'assistant maternel a une durée minimale de vingt-quatre heures auxquelles s'ajoutent les heures consécutives de repos quotidien prévues à l'article L. 773-10.
« L'employeur ne peut demander à un assistant maternel de travailler plus de quarante-huit heures par semaine, cette durée étant calculée comme une moyenne sur une période de quatre mois, sans avoir obtenu l'accord de celui-ci et sans respecter des conditions définies par décret. »
M. le président. L'amendement n° 12, présenté par M. Fourcade, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 773-10 du code du travail :
Les assistants maternels ne peuvent être employés, quel que soit le nombre de leurs employeurs, plus de treize heures par jour.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur. Nous touchons là, depuis l'amendement précédent, le domaine de l'application du code du travail aux assistants maternels et aux assistants familiaux.
Il est évidemment très difficile de faire appliquer des dispositions rigides du code du travail à une profession dans laquelle les amplitudes de travail et les relations personnelles entre les assistants maternels et les parents doivent rester la voie générale.
L'amendement n° 12 consiste à inverser la rédaction du premier alinéa de l'article L. 773-10 du code du travail. Tel qu'il est actuellement rédigé, cet alinéa prévoit que « l'assistant maternel bénéficie d'un repos quotidien d'une durée minimale de onze heures consécutives ». La commission propose la rédaction suivante : « Les assistants maternels ne peuvent être employés, quel que soit le nombre de leurs employeurs » - ce nombre peut être modifié, nous l'avons vu - « plus de treize heures par jour. »
En d'autres termes, sont précisées, d'un côté, les onze heures de congé, de l'autre, les treize heures de travail. Il nous a semblé que, pour l'application du code du travail à cette profession un peu particulière, il valait mieux parler de treize heures de travail par jour, ce qui, bien évidemment, laisse onze heures de repos.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marie-Josée Roig, ministre. Monsieur le rapporteur, vous souhaitez - et votre intention est louable - introduire de la souplesse dans l'application du droit au repos quotidien et tenir également compte des spécificités de l'accueil des enfants.
Nous voulons pour notre part encadrer une profession dont nous savons qu'elle doit s'adapter aux contraintes des parents.
Aujourd'hui, les assistants maternels ne sont soumis à aucune disposition limitant leur durée de travail ou leur garantissant un repos hebdomadaire et quotidien.
Le Gouvernement a donc estimé que, si les besoins auxquels répond leur activité rendent impossible un alignement complet sur le droit commun du travail, ils ne justifient par pour autant toute absence de règles. C'est la raison pour laquelle le projet de loi propose le bénéfice d'un repos quotidien minimal de onze heures consécutives.
Vous souhaitez, monsieur le rapporteur, que la loi précise simplement la durée maximale quotidienne de travail à treize heures par jour, afin de tenir compte des contraintes des parents dont on sait qu'elles sont fortes et qu'elles le seront certainement de plus en plus.
Bien entendu, les horaires figureront dans le contrat de travail et les assistants maternels pourront donc n'accepter les enfants que lorsque les horaires correspondront à ceux qu'ils ont négociés avec les parents. Tout sera mentionné par écrit.
Le Gouvernement, émet donc un avis favorable sur l'amendement n° 12, pour laisser aux parties le soin de définir les horaires de travail de la manière la plus souple qui soit, dans la mesure où il ne remet pas en cause sa volonté d'encadrer la durée quotidienne de travail et où la convention collective pourra de toute manière déroger, si nécessaire, à cette disposition.
M. le président. L'amendement n° 13, présenté par M. Fourcade, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Dans le second alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 773-10 du code du travail, remplacer les mots :
dans des conditions prévues par décret, et sous réserve
par les mots :
, sous réserve
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur. Moins important que le précédent, cet amendement est un amendement de conséquence tendant à supprimer un décret qui ne nous paraît pas nécessaire.
Comme le principe du renvoi à la convention collective vient d'être approuvé, la référence, dans le second alinéa de l'article L. 773-10, à « des conditions d'application prévues par décret » nous semble en effet inutile. En outre, des décrets sont déjà prévus partout. La commission a donc estimé possible la suppression de ce décret du fait de la procédure d'extension. Lorsque le ministère de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale décide d'étendre une convention ou un accord collectif, il est évident que c'est lui-même qui fixe les conditions. Il n'est donc pas nécessaire de prévoir un décret.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marie-Josée Roig, ministre. Sur le fond, le Gouvernement ne peut qu'être favorable au fait que les partenaires sociaux puissent prévoir les conditions dans lesquelles il peut être dérogé à la durée du repos quotidien introduite par le projet de loi.
Toutefois, la directive européenne du 23 novembre 1993 concernant l'aménagement du temps de travail exige que les dérogations au droit au repos soient encadrées par décret. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement a proposé de rédiger ainsi le second alinéa de l'article L. 773-10.
Parallèlement, le Gouvernement est bien conscient du fait que certaines dispositions de cette directive européenne sont inadaptées aux spécificités des fonctions assurées par les assistants maternels et qu'il conviendrait donc d'y apporter des aménagements.
C'est pourquoi le Gouvernement ne s'oppose pas à votre amendement, monsieur le rapporteur, et s'en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.
M. le président. L'amendement n° 60, présenté par Mme Terrade, M. Fischer, Mme Demessine, M. Muzeau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Dans le second alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L 773-11 du code du travail, remplacer les mots :
quarante-huit heures
par les mots :
quarante heures
La parole est à Mme Odette Terrade.
Mme Odette Terrade. Si la position de la majorité des membres de la commission des affaires sociales peut être jugée relativement équilibrée en ce qui concerne les dispositions du projet de loi tendant à modifier le code de l'action sociale et des familles et le code de la santé publique, visiblement, la volonté de nos collègues de garantir la qualité de l'accueil s'estompe lorsque l'application d'un statut de salarié aux assistants maternels et aux assistants familiaux risque d'être trop protecteur, et donc trop contraignant, pour les employeurs.
Quels objectifs poursuivez-vous, mes chers collègues ? Est-ce l'amélioration des conditions matérielles de travail des accueillants grâce à un rapprochement avec le droit commun du travail et, par ricochet, celle de la qualité de l'accueil ? Ou souhaitez-vous plutôt, parce que les demandes des parents tournent autour de la souplesse dans la mesure où même eux sont victimes de la précarisation de l'emploi, un assouplissement généralisé des quelques dispositions introduites, lesquelles, je tiens à le préciser, dérogent déjà au droit commun du travail ?
Les trois amendements déposés par la commission sur l'article 18 répondent à ma question.
Les limites introduites relatives à la durée du temps de travail des assistants maternels vous gênent. Elles ne seraient pas assez simples, pas assez souples, pour pouvoir être réellement appliquées !
Certes, 38% des assistants maternels déclarent travailler plus de quarante-cinq heures par semaine ; ils sont de plus en plus nombreux à avoir des horaires quotidiens irréguliers.
Cependant, devons-nous agiter cette réalité, à savoir les spécificités de cette profession, comme autant d'alibis nous dispensant de prévoir un minimum de garanties, nous permettant même de déroger plus largement au droit commun du travail ? Nous le ne pensons pas, et ce d'autant moins que les nouvelles conditions posées par l'agrément, elles aussi plus souples, concernant le nombre d'enfants pouvant être accueillis exigent justement que l'assistant maternel puisse se prévaloir de barrières légales telles qu'une durée maximale de travail journalière et hebdomadaire, un repos quotidien.
A l'inverse de vos propositions d'assouplissement, nous prévoyons d'être plus exigeants en abaissant la durée moyenne hebdomadaire du temps de travail des assistants maternels. Tel est l'objet de l'amendement n° 60 que je vous invite à adopter.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur. La commission pense que fixer la durée de travail hebdomadaire maximale à quarante heures est malvenu au moment où la convention collective, qui est en train d'être examinée, devrait fixer une durée de travail hebdomadaire entre quarante-cinq et quarante-huit heures.
Elle a déposé un amendement n° 14 qui devrait répondre à la préoccupation exposée par Mme Terrade en prévoyant de retenir un plafond annuel d'heures de travail pour les assistants maternels établi à 2250 heures. Cette limite s'ajoute au plafond quotidien fixé à treize heures de travail maximal, et donc onze heures de repos, et répond à l'objectif d'encadrement du Gouvernement. Ce dispositif comble un vide actuel.
Ce plafond annuel, dont l'idée m'est venue à la suite de ce que j'ai pu constater, comme vous tous, mes chers collègues, au sein de différentes organisations, permet de répondre à un souci de souplesse et de pragmatisme qui doit animer notre réflexion.
Ne l'oublions jamais - en écoutant certains discours, il me semble que cette idée est un peu perdue de vue - , notre mission est de rendre service aux familles dans lesquelles les deux parents travaillent et de définir des modes de garde suffisamment souples pour tenir compte de leur rythme de travail.
Nous sommes confrontés à un triangle : l'intérêt des parents, l'intérêt de l'enfant et l'intérêt des assistants maternels ou familiaux. Par conséquent, il faut que nous prenions en considération les trois côtés du triangle de manière à retenir un système équilibré.
C'est la raison pour laquelle la commission est défavorable à l'amendement n° 60 et vous demande d'adopter l'amendement n° 14.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marie-Josée Roig, ministre. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur l'amendement n° 60 et s'en remet à la sagesse du Sénat sur l'amendement n° 14.
M. le président. L'amendement n° 14, présenté par M. Fourcade, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Compléter le second alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 773-11 du code du travail par une phrase ainsi rédigée :
Avec l'accord du salarié, cette durée peut être calculée comme une moyenne sur une période de douze mois, dans le respect d'un plafond annuel de 2.250 heures.
Cet amendement a été déjà défendu et le Gouvernement s'en est remis à la sagesse du Sénat.
Je le mets aux voix.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures trente-cinq, est reprise à seize heures, sous la présidence de M. Daniel Hoeffel.)
PRÉSIDENCE DE M. Daniel Hoeffel
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi relatif aux assistants maternels et assistants familiaux.
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l'article 19.
Section 3
Dispositions applicables aux assistants maternels employés par des particuliers
Article 19
I. - Les articles L. 773-7, L. 773-8 et L. 773-9 du code du travail, qui deviennent respectivement les articles L. 773-12, L. 773-13 et L. 773-14, sont remplacés par les dispositions suivantes :
« Art. L. 773-12. - Le particulier employeur qui décide de ne plus confier d'enfant à un assistant maternel qu'il employait depuis trois mois au moins, ou qui ne peut plus lui confier d'enfant en raison de la suspension de l'agrément, doit notifier à l'intéressé sa décision de rompre le contrat par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. La date de présentation de la lettre recommandée fixe le point de départ du délai-congé éventuellement dû en vertu de l'article L. 773-13 ci-après. L'inobservation de ce délai donne lieu au versement d'une indemnité compensatrice du congé dû.
« Art. L. 773-13. - L'assistant maternel qui justifie auprès du même employeur d'une ancienneté d'au moins trois mois a droit en cas de rupture du contrat de travail par son employeur, sauf en cas de faute grave et sous réserve des dispositions de l'article L. 773-15, à un préavis de quinze jours avant le retrait de l'enfant qui lui était confié. La durée du préavis est portée à un mois lorsque l'enfant est accueilli depuis un an ou plus.
« Art. L. 773-14. - La décision de l'assistant maternel de ne plus garder un enfant qui lui était confié depuis au moins trois mois est subordonnée, sous réserve des dispositions de l'article L. 773-15, à un préavis de quinze jours, à moins que l'employeur n'accepte d'abréger cette durée. La durée du préavis est portée à un mois lorsque l'enfant est accueilli depuis un an ou plus. »
II. - La section 3 du chapitre III du titre VII du livre VII du code du travail est complétée par l'article L. 773-15 rédigé comme suit :
« Art. L. 773-15. - Le préavis n'est pas requis dans le cas où la rupture est liée à l'impossibilité de confier ou d'accueillir un enfant compte tenu de la suspension ou du retrait de l'agrément de l'assistant maternel relevant de la présente section, tels qu'ils sont prévus par les dispositions de l'article L. 421-6 du code de l'action sociale et des familles. »
M. le président. L'amendement n° 45 rectifié bis, présenté par Mme Létard, M. J. Boyer, Mmes Bocandé et G. Gautier, MM. Détraigne, Moinard et les membres du groupe de l'Union centriste, est ainsi libellé :
Dans la première phrase du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 77312 du code du travail, après les mots :
à l'intéressé
insérer les mots :
, de façon motivée,
La parole est à Mme Valérie Létard.
Mme Valérie Létard. S'agissant d'une rupture sur l'initiative de l'employeur, conformément au droit commun, il paraît à tout le moins normal que le salarié soit informé des motifs de celle-ci.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur de la commission des affaires sociales. L'amendement de Mme Létard est parfaitement justifié puisque toute rupture d'un contrat de travail doit être motivée.
Cependant, cette obligation existe déjà, car la jurisprudence du Conseil d'Etat intègre ce cas de figure dans le champ d'application de la loi du 11 juillet 1979.
Par conséquent, votre amendement étant satisfait, madame Létard, la commission vous propose de le retirer.
M. le président. Madame Létard, l'amendement est-il maintenu ?
Mme Valérie Létard. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 45 rectifié bis est retiré.
Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 15, présenté par M. Fourcade, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 773-14 du code du travail par une phrase ainsi rédigée :
L'inobservation de ce préavis constitue une rupture abusive qui ouvre droit, au profit de l'employeur, au versement de dommages-intérêts.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur. Cet amendement a pour objet de rétablir une disposition qui figure dans l'actuel article L. 773-9 du code du travail et qui a été abrogée, sans doute par erreur, dans le présent projet de loi.
Il s'agit d'assurer le parallélisme des formes : en cas de rupture du contrat de travail, l'inobservation des préavis de départ entraîne les mêmes conséquences, tant pour l'employeur que pour l'employé.
M. le président. L'amendement n° 35 rectifié bis, présenté par Mmes G. Gautier et Payet, M. J. Boyer, Mmes Férat, Bocandé et les membres du groupe de l'Union centriste, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 773-14 du code du travail par un alinéa ainsi rédigé :
« Le non-respect de ces conditions constitue une rupture abusive qui ouvre droit, au profit de l'employeur, à des dommages et intérêts. »
La parole est à Mme Françoise Férat.
Mme Françoise Férat. Actuellement, la rupture du contrat de travail qui lie les parents employeurs à l'assistant maternel est subordonnée au respect de conditions de formes qui sont reprises et renforcées par le présent projet de loi.
Cependant, s'agissant de l'obligation de respecter un délai de préavis prévue pour chacune des parties, avec pour sanction du non-respect le versement d'indemnités, l'article 19 du projet de loi maintient cette sanction pour l'employeur, mais semble en délivrer l'assistant maternel. En effet, la phrase qui prévoit la sanction dans l'article L. 773-9 du code du travail a totalement disparu dans l'article L. 773-14 qui vient s'y substituer dans l'article 19 du projet de loi.
De ce fait, cet article rompt l'équilibre contractuel nécessaire à une relation saine entre les parties. Il confère une prérogative exorbitante et non justifiée à l'assistant maternel, lui permettant de quitter son employeur du jour au lendemain.
Ce vide législatif rend ce mode de garde totalement précaire pour la famille. En outre, il est contraire à l'intérêt et à l'équilibre de l'enfant.
M. le président. L'amendement n° 61, présenté par Mme Terrade, M. Fischer, Mme Demessine, M. Muzeau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Compléter in fine le texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 773-14 du code du travail, par une phrase ainsi rédigée :
L'inobservation de ce délai-congé donne lieu au versement d'une indemnité compensatrice au profit de l'employeur privé.
La parole est à Mme Odette Terrade.
Mme Odette Terrade. Comme l'ont évoqué certains de mes collègues, l'article 19 est, d'une façon générale, positif dans la mesure où il renforce sensiblement le formalisme de la procédure qui entoure la rupture du contrat de travail des assistants maternels employés par des particuliers.
Toutefois, ainsi que l'ont fait observer certaines associations, l'équilibre nécessaire dans une relation contractuelle est quelque peu mis à mal.
Dans les faits, la pénurie aidant, certaines assistantes maternelles peuvent déjà se trouver en situation de force. De même, certains parents peuvent être tentés, faute d'un socle commun de règles en matière de droit du travail ou de salaire, de jouer la flexibilité ou la concurrence.
La fonction employeur des parents salariés est pérennisée par le projet de loi, avec toutes les conséquences qui en découlent en termes d'obligations. Cette fonction est loin d'être facile. Les parents usagers d'une structure ou d'un service d'accueil sont, eux, à l'abri de ces relations particulières où l'enfant est non plus vraiment au centre, mais objet d'un marché.
Si le texte est adopté en l'état, selon la personne - en l'occurrence le parent ou l'assistante maternelle - qui est à l'origine de la rupture du contrat du travail, la sanction du non-respect du préavis sera différente.
Demain, les parents employeurs fautifs de n'avoir pas respecté le préavis pourront être condamnés à verser des dommages et intérêts à l'assistante maternelle, laquelle pourra quasiment partir du jour au lendemain, car elle n'aura pas à respecter cette obligation.
Cette situation serait évidemment préjudiciable aux parents et à l'enfant, qui a besoin, on le sait, de sécurité et de permanence affective.
Le présent amendement vise donc à éviter ces situations litigieuses en posant des obligations identiques pour les deux parties, parents et assistantes maternelles, en termes de dommages et intérêts encourus en cas de non-respect du délai- congé.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 35 rectifié bis et 61 ?
M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur. Les trois amendements ont le même objet : rétablir l'équilibre entre l'employeur et l'employé. Toutefois, leur rédaction n'est pas identique.
Dans l'amendement n° 35 rectifié bis, il est fait allusion au « non-respect » du préavis, alors que, dans l'amendement n° 15 de la commission, on parle d' « inobservation ».
Par ailleurs, l'amendement n° 61 a une portée plus limitée, puisqu'il ne prévoit le rééquilibrage qu'au profit de l'employeur privé.
Si l'amendement de la commission était adopté, les deux autres seraient satisfaits.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marie-Josée Roig, ministre de la famille et de l'enfance. Le Gouvernement émet un avis favorable sur les trois amendements.
M. le président. En conséquence, les amendements nos 35 rectifié bis et 61 n'ont plus d'objet.
M. le président. Je mets aux voix l'article 19, modifié.
(L'article 19 est adopté.)
Article 20
La section 3 du chapitre III du titre VII du livre VII du code du travail est complétée par l'article L. 773-16 rédigé comme suit :
« Art. L. 773-16. - L'assistant maternel relevant de la présente section et son ou ses employeurs fixent d'un commun accord la période de congés de manière à permettre à l'assistant maternel de bénéficier de congés effectifs sans aucun accueil d'enfant. À défaut d'accord, l'assistant maternel peut fixer lui-même les dates de la période de congés pour une durée et dans des conditions définies par décret. »
M. le président. L'amendement n° 36 rectifié, présenté par Mmes G. Gautier et Payet, M. J. Boyer, Mmes Bocandé et Férat, MM. Biwer, Détraigne, Moinard et les membres du groupe de l'Union centriste, est ainsi libellé :
Remplacer la seconde phrase du texte proposé par cet article pour l'article L. 77316 du code du travail par trois phrases ainsi rédigées :
A défaut d'accord, l'assistant maternel lié à plus d'un employeur fixera, in fine les dates et périodes de congés, conformément à la décision de la majorité des parties. L'assistant maternel lié à un seul employeur, pourra in fine, fixer une partie des dates de périodes de congés, le restant étant laissé à l'initiative de l'employeur. La durée et les conditions de ces congés seront définies par décret.
La parole est à Mme Françoise Férat.
Mme Françoise Férat. Dans un souci d'équilibre des rapports contractuels entre les parties et d'une meilleure entente et compréhension entre les parents employeurs et l'assistant maternel, la fixation des congés doit rester du domaine de la concertation.
A cet effet, l'article 20 du projet de loi doit être modéré autant que possible par l'instauration d'une règle de majorité.
L'assistant maternel et les parents des enfants décideraient d'un commun accord des dates de congés et, à défaut d'entente, la majorité l'emporterait.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur. L'amendement n° 36 tend à revenir sur le texte du Gouvernement. En effet, lorsqu'une assistante maternelle a plusieurs employeurs - elle peut s'occuper simultanément de trois enfants, voire, en cas de mi-temps, de six, ainsi que nous l'avons voté la semaine dernière - la date de ses congés est très difficile à fixer. Statistiquement, sur six familles, il est probable que l'une ou l'autre n'acceptera pas la date du congé.
A la demande des organisations syndicales, le texte a prévu que, à défaut d'un accord entre les familles, l'assistante maternelle fixera elle-même la date de ses congés. La commission a estimé que cette disposition constituait un progrès dans la reconnaissance de la professionnalisation des assistantes maternelles. Aussi, elle ne peut donner son accord à l'amendement que vous présentez, ma chère collègue, puisque celui-ci prévoit que la décision sera prise à la majorité des parties. Cela me paraît assez compliqué.
Par conséquent, je souhaite que vous retiriez votre amendement, madame Férat.
M. le président. Madame Férat, l'amendement est-il maintenu ?
Mme Françoise Férat. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 36 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l'article 20.
(L'article 20 est adopté.)
Section 4
Dispositions applicables aux assistants maternels et aux assistants familiaux employés par des personnes morales de droit privé
Article 21
À l'article L. 773-10 du code du travail, qui devient l'article L. 773-17, les mots : « aux articles L. 773-3 et L. 773-3-1 » sont remplacés par les mots : « aux articles L. 773-8 et L. 773-26 ». - (Adopté.)
Article 22
Il est inséré à la section 4 du chapitre III du titre VII du livre VII du code du travail après l'article L. 773-10, qui devient l'article L. 773-17, un article L. 773-18 rédigé comme suit :
« Art. L. 773-18. - Lorsque l'assistant maternel ou l'assistant familial relevant de la présente section exerce un mandat de délégué syndical, de représentant syndical ou de représentant du personnel, l'employeur organise et finance, le cas échéant, l'accueil des enfants qui lui sont habituellement confiés pendant les temps correspondant à l'exercice de cette fonction. » - (Adopté.)
Article 23
Il est inséré, à la section 4 du chapitre III du titre VII du livre VII du code du travail après l'article L. 773-18, un article L. 773-19 rédigé comme suit :
« Art. L. 773-19. - L'employeur qui envisage, pour un motif réel et sérieux, de licencier un assistant maternel ou un assistant familial qu'il emploie depuis trois mois au moins, convoque celui-ci et le reçoit en entretien dans les conditions prévues aux premier et deuxième alinéas de l'article L. 122-14 du présent code. Au cours de l'entretien, l'employeur est tenu d'indiquer le ou les motifs de la décision envisagée et de recueillir les explications du salarié.
« L'employeur qui décide de licencier un assistant maternel ou un assistant familial visé à la présente section doit notifier sa décision dans les conditions prévues aux premier et deuxième alinéas de l'article L. 122-14-1 et la motiver conformément au premier alinéa de l'article L. 122-14-2. La date de présentation de la lettre recommandée fixe le point de départ du délai-congé éventuellement dû en vertu de l'article L. 773-21 ci-après. L'inobservation du délai-congé donne lieu au versement d'une indemnité compensatrice. »
M. le président. L'amendement n° 27 rectifié, présenté par Mme Printz, MM. Chabroux, Godefroy et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :
Au début du second alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 77319 du code du travail, ajouter une phrase ainsi rédigée :
Un employeur qui est en mesure de confier un ou plusieurs enfants ne peut, sauf motif réel et sérieux, licencier un assistant familial.
La parole est à Mme Gisèle Printz.
Mme Gisèle Printz Chaque année, dans tous les départements, des milliers d'assistants familiaux sont licenciés sans motif réel et sérieux. Les motifs les plus fallacieux, notamment le profil, sont avancés pour justifier ces licenciements. Subordonner le réemploi de ces assistants familiaux à des critères extraprofessionnels ne tenant compte ni de l'agrément, ni de la formation, ni de l'expérience revient à nier le caractère professionnel de cette activité.
Si l'on veut protéger la profession, il est impératif que la loi interdise à l'employeur de licencier un assistant familial tant qu'il est en mesure de lui confier l'accueil d'un ou de plusieurs autres enfants.
L'emploi des assistants familiaux doit, comme celui des autres salariés, être protégé.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Fourcade., rapporteur. Ma chère collègue, j'ai le regret de vous dire que la commission n'est pas favorable à votre amendement. Je comprends l'idée qui le sous-tend : vous souhaitez que le licenciement d'un assistant maternel ou d'un assistant familial soit justifié par des motifs réels et sérieux.
Cependant, une telle mesure risque de susciter des contentieux, car c'est l'autorité judiciaire qui devra se prononcer sur le caractère réel et sérieux du motif ayant justifié le licenciement.
Par ailleurs, la commission craint que cet amendement ne favorise le travail au noir, qui est très répandu actuellement dans la profession en raison, notamment, d'une demande très supérieure à l'offre.
Aussi, la commission n'a pas souhaité retenir cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marie-Josée Roig, ministre. Madame la sénatrice, le Gouvernement est défavorable à cet amendement pour plusieurs raisons.
D'une part, il est déjà précisé, dans l'article L. 773-19 du code du travail relatif au licenciement de droit commun en cas d'insuffisance professionnelle, que celui-ci doit intervenir pour un motif réel et sérieux. Il n'est donc pas utile, me semble-t-il, d'apporter de nouveau cette précision.
D'autre part, sur le fond, que signifie le fait, pour un employeur, d'être en mesure de confier un enfant à un assistant familial ? En effet, n'importe quel enfant ne peut être confié à n'importe quel assistant maternel. Au contraire, il est très important de veiller à l'adéquation entre le profil de l'enfant pris en charge et celui de l'assistant familial qui l'accueillera, et ce parfois pour une longue durée. Les assistants familiaux ne sont pas nécessairement interchangeables.
En conséquence, au terme de la période d'attente prévue par l'article L. 773-27, il peut arriver qu'un employeur n'ait pas d'enfant à confier à un assistant familial déterminé compte tenu du profil des enfants admis. Le licenciement interviendra alors en raison de l'absence d'enfant à confier à cet assistant familial, la période d'attente étant prévue pour une durée limitée.
Telles sont les raisons pour lesquelles le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Gisèle Printz, pour explication de vote.
Mme Gisèle Printz. Je ne suis pas d'accord, car en parlant de travail au noir, on jette la suspicion sur la profession d'assistant maternel.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Ce n'est pas bien et, surtout, cela ne correspond pas à la réalité ! (Sourires.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 23.
(L'article 23 est adopté.)
Article 24
Il est inséré à la section 4 du chapitre III du titre VII du livre VII du code du travail, après l'article L. 773-19, un article L. 773-20 rédigé comme suit :
« Art. L. 773-20. - En cas de suspension de l'agrément, l'assistant maternel ou l'assistant familial relevant de la présente section est suspendu de ses fonctions par l'employeur pendant une période qui ne peut excéder quatre mois. Durant cette période, l'assistant maternel ou l'assistant familial bénéficie d'une garantie de rémunération qui ne peut être inférieure à un montant minimal fixé par décret.
« En cas de retrait d'agrément, l'employeur est tenu de procéder au licenciement par lettre recommandée avec demande d'avis de réception.
« L'assistant maternel ou l'assistant familial suspendu de ses fonctions bénéficie, à sa demande, d'un accompagnement psychologique mis à sa disposition par son employeur pendant le temps de la suspension de ses fonctions. »
M. le président. La parole est à Mme Odette Terrade, sur l'article.
Mme Odette Terrade. Cet article 24 traite du devenir du contrat de travail en cas de suspension de l'agrément, laquelle intervient souvent dans des situations délicates, notamment en cas de faits présumés de maltraitance à l'égard des enfants accueillis.
Une fois de plus, sur le volet du texte censé protéger les assistants maternels ou familiaux en sécurisant davantage leurs relations de travail au regard du droit commun, je constate que la commission et le Gouvernement tentent d'affaiblir un dispositif, dont la base est déjà étroite.
Par amendement, Mme la ministre, nous proposera de revenir sur la garantie de rémunération versée par l'employeur, personne morale de droit privé, lorsque l'agrément est suspendu, et ce durant au maximum quatre mois.
Que l'enfant soit retiré dès les faits suspectés est évidemment une bonne mesure. Pour autant, tant que ces faits ne sont pas avérés, la relation de travail ne peut être mise entre parenthèses.
L'assistant maternel doit pouvoir prétendre au maintien de sa rémunération et non à une simple indemnité compensatrice, dont le montant minimal sera fixé par décret.
En outre, s'agissant de la proposition de M. le rapporteur visant à supprimer le dispositif d'accompagnement psychologique mis en place à la demande de l'accueillant dont l'agrément a été retiré, je suis surprise de constater que l'on cherche à grignoter la protection d'une personne vivant une situation difficile.
Si le financement d'un tel dispositif pose problème, celui-ci étant à la charge de l'employeur privé, résolvons cette difficulté en prévoyant, par exemple, l'intervention des pouvoirs publics.
Telles sont les observations que je souhaitais faire sur l'article 24.
M. le président. L'amendement n° 70, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Dans la seconde phrase du premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 77320 du code du travail, remplacer les mots :
garantie de rémunération
par les mots :
indemnité compensatrice.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Marie-Josée Roig, ministre. Il s'agit d'un amendement rédactionnel.
Aujourd'hui, rien n'est prévu et notre proposition n'est pas une reculade : il s'agit, au contraire, d'une véritable suggestion. En effet, durant la période de suspension de fonction, l'agrément étant suspendu, l'assistant maternel ou familial ne peut percevoir une rémunération, mais il bénéficie d'une indemnité compensatrice.
Ainsi, en cas de période de chômage intervenant à l'issue de la suspension de fonction, les indemnités seraient calculées sur la base de la période de versement du salaire et en n'intégrant pas la période de suspension de fonction durant laquelle le montant de l'indemnité versée serait forcément moindre.
Je pense que cette proposition constitue non pas une reculade, mais une avancée.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur. La commission reconnaît que le Gouvernement a apporté, dans le texte initial, une solution au problème douloureux de la suspension d'agrément. Dans les faits, on constate beaucoup plus de suspensions que de retraits. Les suspensions interviennent très rapidement, en général sur dénonciation ou sur plainte d'une famille. Les retraits supposent un examen approfondi, une enquête. Par conséquent, ils sont plus rares.
Actuellement, en cas de suspension, l'assistant maternel ou familial ne perçoit aucune rémunération. Dans le texte initial du projet de loi, il était question d'une « garantie de rémunération ». L'amendement n° 70 que vient de défendre Mme la ministre vise à instaurer une « indemnité compensatrice ».
Nous pensons qu'il s'agit là, effectivement, d'une avancée. Il est en effet plus cohérent de parler d'indemnité compensatrice : il ne peut plus y avoir de rémunération, puisqu'il n'y a plus d'enfants à garder.
Par conséquent, la commission émet un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 46 rectifié bis, présenté par Mme Létard, M. J. Boyer, Mmes Bocandé, Férat et G. Gautier, MM. Biwer, Détraigne, Soulage, Moinard et les membres du groupe de l'Union centriste, est ainsi libellé :
Compléter l'avant-dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 773-20 du code du travail par les dispositions suivantes :
suivant les dispositions prévues à l'article L. 773-19. Il est toutefois dispensé de respecter un préavis.
La parole est à Mme Valérie Létard.
Mme Valérie Létard. L'article 24 institue une garantie de rémunération versée par l'employeur pendant la période où l'assistant maternel peut faire l'objet d'une suspension d'agrément, celle-ci ne pouvant excéder quatre mois. Si, au terme de cette procédure, l'agrément est définitivement retiré, l'employeur a alors l'obligation de licencier l'assistant maternel et, à ce titre, il doit rémunérer le salarié durant son préavis.
Dans la mesure où ce licenciement n'est pas du fait de l'employeur et où ce dernier est pénalisé puisqu'il doit lui-même recruter une autre personne pour faire garder son enfant durant toute cette période, il y a lieu de le dispenser de cette obligation.
Tel est l'objet du présent amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur. Dans son amendement, Mme Létard envisage le cas où, à la suite de la suspension de l'agrément d'un assistant familial ou maternel, employé par une personne morale de droit privé, par exemple une association, l'employeur est tenu de procéder à un licenciement : elle propose de renvoyer à la procédure de licenciement exposée précédemment.
Cette procédure nous semble un peu compliquée et la dispense de préavis ne nous paraît pas être une bonne mesure, car une suspension d'agrément est brutale, le retrait faisant, lui, l'objet d'une enquête plus approfondie.
Toutefois, je souhaiterais connaître l'avis du Gouvernement sur cet amendement avant de donner la position de la commission.
M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Madame Létard, l'amendement n° 46 rectifié bis est-il maintenu ?
Mme Valérie Létard. Avec cette procédure, l'employeur est tenu de rémunérer l'assistant maternel durant le préavis, alors qu'il subit la situation et qu'il doit par ailleurs recruter et rémunérer une autre personne.
Cet amendement posant problème et le Gouvernement y étant défavorable, je le retire donc, monsieur le président, mais à contrecoeur !
M. Guy Fischer. Alors, il ne faut pas le retirer !
M. le président. L'amendement n° 46 rectifié bis est retiré.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Je regrette presque que cet amendement ait été retiré. En effet, dès lors que l'agrément a été retiré, pourquoi l'employeur serait-il tenu de rémunérer le préavis de l'assistant maternel, alors qu'il ne peut le faire exécuter ?
M. le président. L'amendement n° 16, présenté par M. Fourcade, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Supprimer le dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 773-20 du code du travail.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur. L'article 24 prévoit, en cas de suspension de l'agrément, un accompagnement psychologique. La mode est à l'accompagnement psychologique ! Plus rien ne peut se faire dans ce pays sans accompagnement psychologique !
Je reconnais que, actuellement - cela dépend des associations, des départements, des parents - la suspension peut être décidée de manière inopinée et brutale, mais prévoir un accompagnement psychologique de façon systématique me semble aller un peu loin.
Cela dit, je sais que les syndicats et les associations d'assistants maternels tiennent beaucoup à cet accompagnement psychologique. Par conséquent, madame la ministre, je souhaiterais que vous nous disiez si vous y tenez et qui paiera. (M. le président de la commission des affaires sociales s'esclaffe.). Je pourrai alors, avec l'accord du président de la commission, modifier la position de la commission.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marie-Josée Roig, ministre. La suspension du contrat de travail avec versement d'une indemnité en cas de suspension d'agrément, dispositif juridique entièrement nouveau crée par l'article 24, est justement prévu pour protéger les assistants maternels et familiaux dans des situations où sont suspectés, mais non avérés, des faits graves à l'encontre des enfants accueillis.
Compte tenu de la gravité des motifs pouvant entraîner une décision de suspension d'agrément, motifs qui peuvent mettre en cause la moralité des professionnels ou de membres de leur entourage familial, la protection de ces derniers doit être complète, comme l'ont demandé les représentants de la profession lors de la préparation de la réforme.
La mise à disposition par l'employeur d'un accompagnement psychologique, si l'assistant maternel ou familial le demande, est une protection minimale qui devrait leur être accordée.
Pour les assistants maternels, cette prise en charge reviendra à l'employeur.
M. le président. Monsieur le rapporteur, l'amendement n° 16 est-il maintenu ?
M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur. Compte tenu de l'intérêt que le Gouvernement porte à l'accompagnement psychologique, la commission retire son amendement.
M. le président. L'amendement n° 16 est retiré.
Je mets aux voix l'article 24, modifié.
(L'article 24 est adopté.)
Article 25
I. - À l'article L. 773-14 du code du travail, qui devient l'article L. 773-22, après les mots : « Après l'expiration de la période d'essai de trois mois » sont insérés les mots : « d'accueil de l'enfant ».
II. - À l'article L. 773-15 du même code, qui devient l'article L. 773-23, les mots : « à l'article L. 773-7 » sont remplacés par les mots : « à l'article L. 773-19 ». - (Adopté.)
Section 5
Dispositions applicables aux assistants maternels employés par des personnes morales de droit privé
Article 26
Après l'article L. 773-16 du code du travail, qui devient l'article L. 773-24, est inséré un article L. 773-25 rédigé comme suit :
« Art. L. 773-25. - Après le départ d'un enfant, l'assistant maternel relevant de la présente section a droit, jusqu'à ce que son employeur lui confie un ou plusieurs enfants conformément à son contrat de travail, à une indemnité dont le montant et les conditions de versement sont définis par décret.
« L'assistant maternel a de même droit à une indemnité, dans les conditions prévues ci-dessus, lorsque son contrat de travail est maintenu à l'issue de la période de suspension de fonction prévue à l'article L. 773-20 du présent code. »
M. le président. L'amendement n° 64, présenté par MM. Gournac, Vasselle, Lorrain, Mouly et Murat, est ainsi libellé :
I- Dans le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L.773-25 du code du travail, après le mot :
indemnité
insérer les mots :
, pendant une durée maximum de quatre mois,
II-En conséquence procéder à la même insertion de mots dans le second alinéa du texte proposé par cet article, pour l'article L. 773-25 du code du travail.
La parole est à M. Alain Vasselle.
M. Alain Vasselle. Cet amendement vise à fixer un délai maximum d'indemnisation des assistants maternels. En effet, il nous a paru raisonnable, à la fois pour assurer une juste et légitime indemnisation des assistants maternels et pour tenir compte du poids que représentera cette dépense pour les collectivités territoriales, de proposer un délai maximum de quatre mois après le départ d'un enfant.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur. Alors qu'aujourd'hui aucun financement n'est prévu après le départ d'un enfant, le Gouvernement propose une forme de « régime d'attente » assorti d'une indemnité. L'amendement que vient de présenter M. Vasselle tend à concrétiser cette avancée en fixant à quatre mois la durée maximum d'indemnisation, disposition qui s'appliquera aux crèches familiales ou parentales et à l'ensemble des organismes de ce type.
La commission a donc émis un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Vasselle. Très bien !
M. le président. Je mets aux voix l'article 26, modifié.
(L'article 26 est adopté.)
Section 6
Dispositions applicables aux assistants familiaux employés par des personnes morales de droit privé
Article additionnel avant l'article 27
M. le président. L'amendement n° 38 rectifié ter, présenté par MM. Vial, Bailly, Billard, Mouly, Le Grand, Doligé, du Luart, Leroy, Richert et Hérisson, est ainsi libellé :
Avant l'article 27, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'ensemble des dispositions des articles 27, 28 et 29 de la présente loi s'appliquent dans les mêmes conditions aux personnes morales de droit public.
La parole est à M. Joël Billard.
M. Joël Billard. Les assistants familiaux sont majoritairement employés par les collectivités locales, et plus particulièrement par les départements, dans le cadre de l'aide sociale à l'enfance.
A titre d'exemple, le département de la Savoie emploie 234 assistants familiaux, qui accueillent 406 enfants en difficulté confiés soit par leurs parents, soit par les autorités judiciaires.
Le contrat de travail conclu par les collectivités avec les assistants familiaux relève du droit privé et est soumis aux dispositions du code du travail.
Cela justifie l'intérêt d'appliquer les dispositions des articles 27, 28 et 29 du présent projet de loi aux personnes morales de droit public.
Une autre solution pour que ces dispositions leur soient applicables consisterait à compléter le titre de la section 6 du chapitre Ier du titre III du projet de loi relatif aux assistants maternels et aux assistants familiaux en ajoutant les mots : « et par des personnes morales de droit public ».
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur. La commission est quelque peu étonnée que cet amendement, dont elle comprend l'objet - ne pas écarter les assistants familiaux employés par des personnes morales de droit public du bénéfice du système que nous mettons en place -, soit présenté par ses auteurs accompagné d'une solution de remplacement, à savoir une modification de l'intitulé de la section 6.
Cet amendement ne lui paraît pas nécessaire, mais elle souhaiterait connaître le sentiment du Gouvernement, qui acceptera peut-être de vous suivre dans l'une des deux voies que vous proposez, monsieur Billard.
M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
Mme Marie-Josée Roig, ministre. Monsieur Billard, je partage votre point de vue : les règles du droit du travail applicables aux assistants familiaux employés par des personnes morales de droit privé, en particulier celles qui sont relatives à la période d'attente, aux congés et au cumul d'emplois, doivent l'être aussi à ceux- ils forment d'ailleurs la majorité - qui sont employés par des départements.
Toutefois, en ce qui concerne les articles 27 et 28, leur application aux assistants familiaux du secteur public est déjà prévue par l'article L. 422-1 du code de l'action sociale et des familles, qui est modifié en ce sens par le 1° du V de l'article 9 du présent projet de loi.
Cet article est celui qui prévoit l'application des dispositions du code du travail par les employeurs publics.
En ce qui concerne l'article 29, qui réglemente les conditions dans lesquelles les assistants familiaux peuvent solliciter l'autorisation d'exercer une deuxième activité professionnelle, des dispositions propres aux assistants familiaux en tant qu'agents non titulaires des collectivités territoriales sont déjà prévues par l'article 20 du décret du 14 octobre 1994.
Par conséquent, l'amendement n° 38 rectifié ter est déjà satisfait par d'autres dispositions et je vous propose, monsieur le sénateur, de le retirer.
M. le président. Monsieur Billard, l'amendement est-il maintenu ?
M. Joël Billard. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 38 rectifié ter est retiré.
Article 27
I. - L'article L. 773-3-1 du code du travail, qui devient l'article L. 773-26, est rédigé comme suit :
« Art. L. 773-26. - Sans préjudice des indemnités et fournitures qui leur sont remises pour l'entretien des enfants, les assistants familiaux relevant de la présente section bénéficient d'une rémunération garantie correspondant à la durée mentionnée dans le contrat d'accueil. Les éléments de cette rémunération et son montant minimal sont déterminés par décret en référence au salaire minimum de croissance.
« Ce montant varie selon que l'accueil est continu ou intermittent au sens de l'article L. 421-16 du code de l'action sociale et des familles et en fonction du nombre d'enfants accueillis.
« La rémunération cesse d'être versée lorsque l'enfant accueilli quitte définitivement le domicile de l'assistant familial. »
II. - L'article L. 773-12 du même code, qui devient l'article L. 773-27, est rédigé comme suit :
« Art. L. 773-27. - Lorsque l'employeur n'a plus d'enfant à confier à un assistant familial ayant accueilli des mineurs, celui-ci a droit à une indemnité dont le montant minimal est déterminé par décret en référence au salaire minimum de croissance, sous réserve de l'engagement d'accueillir dans les meilleurs délais les mineurs préalablement présentés par l'employeur, dans la limite d'un nombre maximal convenu avec lui. Cette disposition n'est applicable qu'aux personnes qui justifient d'une ancienneté de trois mois au moins au service de l'employeur.
« L'employeur qui n'a pas d'enfant à confier à un assistant familial pendant une durée de quatre mois consécutifs est tenu de recommencer à verser la totalité du salaire à l'issue de cette période s'il ne procède pas au licenciement de l'assistant familial fondé sur cette absence d'enfants à lui confier. Si l'employeur décide de procéder au licenciement, il convoque l'assistant familial par lettre recommandée avec demande d'avis de réception et le reçoit en entretien dans les conditions prévues aux premier et deuxième alinéas de l'article L. 122-14. Cette lettre ne peut être expédiée moins d'un jour franc après la date pour laquelle le salarié a été convoqué à l'entretien. L'employeur doit indiquer à l'assistant familial, au cours de l'entretien et dans la lettre recommandée, le motif mentionné ci-dessus pour lequel il ne lui confie plus d'enfants. »
M. le président. L'amendement n° 62, présenté par Mme Terrade, M. Fischer, Mme Demessine, M. Muzeau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Remplacer la seconde phrase du premier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 77326 du code du travail par deux phrases ainsi rédigées :
Les éléments de cette rémunération sont déterminés par décret et tiennent notamment compte de l'ancienneté. La base minimale mensuelle retenue ne saurait être inférieure à 169 fois le SMIC horaire par mois pour le premier enfant accueilli.
La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. En ce qui concerne le salaire des assistants familiaux employés par des personnes morales de droit privé et, plus globalement, la rémunération de l'ensemble des accueillants, à titre permanent ou non, le projet de loi ne permettra pas, à notre sens, d'améliorer sensiblement et immédiatement la situation.
Pourtant, comme je l'ai rappelé ce matin, l'augmentation des salaires et la légitime évolution du mode de rémunération des assistants familiaux et maternels auraient eu, à n'en pas douter, un impact positif sur l'attractivité du métier et la stabilité de la profession.
Le rapport d'avril 2002, qui reprenait les conclusions des groupes de travail animés par la Direction générale de l'action sociale, a mis en évidence les flagrantes disparités de niveau de rémunération entre les départements, « la dispersion des salaires pouvant aller du simple au double, avec une moyenne nationale qui s'établit autour de 105/110 SMIC horaire par mois ».
Autant dire que le principe « à travail égal, salaire égal » est largement illusoire.
Or le projet de loi - en l'occurrence son article 27 -« n'inclut aucune mesure détaillée de revalorisation salariale », comme l'a constaté, pour le déplorer, M. le rapporteur, s'agissant des assistants familiaux employés par des personnes morales de droit privé, la redéfinition de la structure même de leur rémunération étant renvoyée à une mesure réglementaire.
Certes, l'exposé des motifs s'est révélé un peu plus explicite. On y apprend que le salaire de l'assistant familial ne devrait plus totalement être corrélé au nombre d'enfants accueillis.
Pour autant, si la structure même de la rémunération semble devoir évoluer positivement, des questions essentielles, relatives, d'une part, au montant minimal mensuel de la première partie de la rémunération, d'autre part, aux éléments constituant la seconde partie de cette rémunération sous forme d'indemnités ou de primes spécifiques, restent, elles, non résolues.
Monsieur le rapporteur, vous avez émis le voeu que la rémunération des assistants familiaux soit portée progressivement au niveau du SMIC mensuel.
Par le biais de notre amendement n° 62, nous avons traduit concrètement cette exigence d'une rémunération décente et égale des professionnels en posant que la base mensuelle retenue, constituant la rémunération de la fonction globale d'assistant familial dès qu'un enfant est confié en accueil continu, ne saurait être inférieure à 169 fois le SMIC horaire, base qui est actuellement retenue, je le rappelle, par trois départements seulement. C'est la raison pour laquelle nous voulons vous aider, monsieur le rapporteur.
Mme Odette Terrade. Absolument !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur. Il s'agit ici du difficile problème de la rémunération des assistants familiaux qui travaillent dans le cadre des départements et accueillent des enfants qui, pour 90 % d'entre eux, sont placés par les tribunaux.
Le fait de porter dans tous les départements, donc pour l'ensemble de la France, à 169 SMIC horaire la rémunération minimale pour un seul enfant se traduirait, dans la plupart des départements, par une augmentation des charges considérables.
Bien que j'aie prévu, et nous en parlerons tout à l'heure, madame la ministre, un amendement sur la compensation, j'estime que cette augmentation des charges serait démesurée par rapport à l'objet du texte qui nous est soumis.
En outre, monsieur Fischer, dans le cadre des précédentes lois sur les assistants maternels et les assistants familiaux, nous avons accordé, de manière législative donc, à ces professions une exonération de l'impôt sur le revenu qui est inscrite dans le code général des impôts. Si vous « poussez » jusqu'à 169 SMIC horaire leur rémunération, quelle sera la justification de l'avantage fiscal ? Autrement dit, je crains que vous ne soyez responsable, si votre amendement est adopté, de sa suppression !
Je n'ai pas pu trouver dans le Jaune que publie le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie chaque année et où sont relevées toutes les dépenses fiscales, c'est-à-dire dans les voies et moyens, le quantum de l'exonération fiscale dont bénéficient les assistants familiaux et les assistants maternels...
M. Guy Fischer. C'est marginal !
M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur. Non, ce n'est pas marginal !
M. Guy Fischer. Si, puisque vous ne l'avez pas trouvé !
M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur. C'est même important. Je rappelle que beaucoup de travailleurs rémunérés au SMIC paient l'impôt sur le revenu.
Pour ces deux raisons, la commission a émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marie-Josée Roig, ministre. Le Gouvernement a souhaité maintenir la fixation par décret de la rémunération plancher des assistants familiaux. En tout état de cause, une évolution des planchers ne peut intervenir que de façon très progressive.
C'est pourquoi le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 39 rectifié ter, présenté par MM. Vial, Bailly, Billard, Lardeux, Mouly, Le Grand, Doligé, du Luart, Leroy, Richert et Hérisson, est ainsi libellé :
Après les mots :
d'un nombre maximal
remplacer la fin de la première phrase du premier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 77327 du code du travail par les dispositions suivantes :
convenu avec lui et conformément à son agrément. Dans le cas où l'assistant familial n'accepte aucun des mineurs présentés par son employeur, conformément aux termes ci-dessus énoncés, le contrat de travail sera automatiquement rompu, la rupture incombant alors à l'assistant familial.
La parole est à M. Eric Doligé.
M. Eric Doligé. Cet amendement a pour objet de compléter le texte qui nous est proposé, lequel, s'il améliore très sensiblement l'exercice de la profession d'assistant familial et fixe les obligations des employeurs, ne contient pas grand-chose sur les obligations des assistants familiaux.
Il nous semble nécessaire d'apporter un certain nombre de précisions en la matière.
En l'occurrence, nous souhaitons indiquer que, « dans le cas où l'assistant familial n'accepte aucun des mineurs présentés par son employeur, conformément aux termes ci-dessus énoncée, le contrat de travail sera automatiquement rompu, la rupture incombant alors à l'assistant familial ».
Il faut qu'il y ait une certaine réciprocité des obligations, pour l'employeur, bien sûr, mais également pour les assistants familiaux, qui ne peuvent pas refuser systématiquement tous les enfants qui leur sont présentés.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur. La commission reconnaît la valeur de l'argumentation de M. Doligé. Il est évident que, si un assistant familial travaillant pour le département et auquel plus aucun enfant n'est confié refuse, pour telle ou telle raison, une autre demande de placement, cela pose question.
Le problème est de savoir si la rupture automatique du contrat de travail n'est pas une mesure trop brutale. Je voudrais interroger le Gouvernement pour savoir s'il accepte cette idée, mais je crois que M. Doligé a raison : il faut trouver une solution, car le système est déséquilibré.
La rupture nous paraissant trop brutale, nous souhaiterions que le Gouvernement nous fasse une proposition ou s'engage à étudier la question que soulève M. Doligé.
M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
Mme Marie-Josée Roig, ministre. Nous trouvons en effet la mesure trop brutale, sachant que, en cas de refus systématique, on tombera dans l'hypothèse d'un licenciement de droit commun.
Un assistant familial peut refuser un placement parce que l'accueil de l'enfant présente des difficultés qui dépassent ses capacités ou qui ne correspondent pas à son profil.
Dans ces conditions, puisque, dans le cas du refus systématique, un licenciement de droit commun est possible, nous ne prenons pas de risque.
C'est pourquoi le Gouvernement a émis un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Doligé, l'amendement est-il maintenu ?
M. Eric Doligé. Je vais sans doute répondre aux attentes de la commission et du Gouvernement, mais il me semble que nous sommes là dans la fiction.
Lorsque l'on se trouve sur le terrain et que l'on est confronté à certaines difficultés, si l'on ne veut pas se montrer « brutal », pour reprendre l'expression employée, on n'arrive à rien !
Dans le cadre de la gestion quotidienne d'un département, il est extrêmement difficile de régler certains problèmes, parce qu'il faut toujours être souple, généreux, gentil, et tout accepter ; ce n'est pas grave, puisque c'est le contribuable qui paie !
C'est là une réflexion personnelle, mais je suis sensible à ce problème, car nous constatons quotidiennement des difficultés de cet ordre dans nos collectivités territoriales.
Cela étant dit, je précise qu'il s'agit ici non pas du cas où l'assistant familial refuse un enfant, mais de celui où il n'accepte aucun des mineurs présentés.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Oui !
M. Eric Doligé. Vous nous avez dit, madame la ministre, que, dès lors, il y a rupture naturelle du contrat de travail. Or, quand une collectivité veut faire constater par les formations spécialisées une telle rupture du contrat de travail, on lui donne presque toujours tort.
Telle est l'observation que je souhaitais formuler.
Je retirerai l'amendement si vraiment vous insistez en ce sens, madame la ministre, mais cela me gênerait de le faire, dans la mesure où il me semble que nous avons prévu un garde-fou : l'assistant familial devra avoir refusé de façon répétée d'accueillir des enfants présentés par l'employeur.
Dans l'immédiat, je vais maintenir mon amendement (M. Philippe Nogrix applaudit), et nous verrons bien ce qui se passera. En général, quand je maintiens un amendement, il est adopté. (Rires.) Je vais donc tenter une nouvelle fois ma chance !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur. Madame la ministre, vous nous avez indiqué que lorsqu'un assistant familial aura refusé plusieurs enfants - tel est bien le cas qui nous occupe, monsieur Doligé - le droit du travail s'appliquera automatiquement.
Cependant, pour des raisons d'équilibre, j'estime que l'amendement de M. Doligé pourrait tout de même être accepté, en prévoyant que les refus devront intervenir dans un délai d'un an. A cette condition, je serais prêt à émettre un avis favorable sur l'amendement. En effet, si l'assistant familial n'accepte, dans un délai d'un an, aucun des mineurs présentés par son employeur, la preuve sera alors apportée que la situation est bloquée. Telle est la rectification que je propose.
M. le président. Monsieur Doligé, acceptez-vous la suggestion de M. le rapporteur ?
M. Eric Doligé. Quand M. Fourcade intervient, c'est toujours pour bonifier le texte. Je ne puis qu'accepter sa proposition !
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 39 rectifié quater, présenté par MM. Vial, Bailly, Billard, Lardeux, Mouly, Le Grand, Doligé, du Luart, Leroy, Richert et Hérisson, et qui est ainsi libellé :
Après les mots :
d'un nombre maximal
remplacer la fin de la première phrase du premier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 77327 du code du travail par les dispositions suivantes :
convenu avec lui et conformément à son agrément. Dans le cas où l'assistant familial n'accepte, dans un délai d'un an, aucun des mineurs présentés par son employeur, conformément aux termes ci-dessus énoncés, le contrat de travail sera automatiquement rompu, la rupture incombant alors à l'assistant familial.
Je le mets aux voix.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. L'amendement n° 28, présenté par Mme Printz, MM. Chabroux, Godefroy et les membres du groupe Socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :
Compléter le premier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 77327 du code du travail, par les mots :
et elle ne peut excéder une période de quatre mois consécutifs
La parole est à Mme Gisèle Printz.
Mme Gisèle Printz. Il s'agit d'un amendement de précision.
La rédaction proposée pour le second alinéa de l'article L. 773-27 du code du travail prévoit que l'assistant maternel qui ne se sera pas vu confier d'enfant pendant une durée de quatre mois consécutifs retrouvera la totalité de son salaire à l'issue de cette période s'il n'est pas procédé à son licenciement.
Quelle sera sa rémunération ? Bénéficiera-t-il des dispositions du premier alinéa du même article ? A priori, oui. Par voie de conséquence, la durée de versement de l'indemnité prévue au premier alinéa ne peut excéder quatre mois. Il nous semblerait toutefois préférable de l'indiquer expressément.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur. Nous venons d'accepter un amendement rectifié présenté par M. Doligé et tendant à prévoir un délai d'un an. Il ne serait donc pas bon, à mon sens, de prévoir un autre délai de quatre mois. De plus, l'on ne voit pas très bien sur quelle disposition porte précisément l'amendement.
Par conséquent, la commission a émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 27, modifié.
(L'article 27 est adopté.)
Article 28
L'article L. 773-11 du code du travail, qui devient l'article L. 773-28, est modifié comme suit :
I. - Au premier alinéa, les mots : « Lorsqu'elles accueillent des mineurs qui résident chez elles à titre permanent, les personnes relevant de la présente section ne peuvent s'en séparer à l'occasion de » sont remplacés par les mots : « Les assistants familiaux ne peuvent se séparer des mineurs qui leur sont confiés pendant les ».
II. - Après le deuxième alinéa, est inséré un troisième alinéa ainsi rédigé :
« Toutefois, l'employeur doit autoriser l'assistant familial qui en a effectué la demande écrite à se séparer simultanément de tous les enfants accueillis pendant une durée minimale de jours de congés annuels et une durée minimale de jours à répartir sur l'année, définies par décret. ».
III. - Au quatrième alinéa, les mots : « l'assistante maternelle qui l'accueille à titre permanent » sont remplacés par les mots : « l'assistant familial » ; les mots : « cette dernière » sont remplacés par les mots : « ce dernier », les mots : « celle-ci » par les mots : « celui-ci » et les mots : « l'article L. 773-6 » par les mots : « l'article L. 773-4 ».
M. le président. L'amendement n° 63, présenté par Mme Terrade, M. Fischer, Mme Demessine, M. Muzeau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Dans le texte proposé par le II de cet article pour insérer un alinéa après le deuxième alinéa de l'article L. 77328 du code de travail, après le mot :
Toutefois,
insérer les mots :
sous réserve de l'intérêt de l'enfant,
La parole est à Mme Odette Terrade.
Mme Odette Terrade. Le droit aux congés des assistants familiaux devait être revu pour en assurer le caractère effectif. On ne saurait, en conséquence, discuter le bien-fondé des dispositions de l'article 28 ayant pour objet de garantir aux assistants familiaux employés par des personnes morales de droit privé la possibilité de bénéficier de vacances hors la présence des enfants confiés.
Comme tout un chacun, ces personnes, bien que pleinement impliquées dans le projet du service de l'aide sociale à l'enfance visant à aider les enfants dont elles ont la charge à se reconstruire, expriment le besoin de « souffler ».
Cela étant, s'il importe de garantir l'exercice de ce droit au repos, nécessaire au bon équilibre de l'assistant familial et de sa famille, il faut également rappeler la particularité de la situation des enfants accueillis, qui ont besoin d'une prise en charge continue.
L'équilibre affectif des mineurs relevant de l'aide sociale à l'enfance ne saurait être négligé. C'est pourquoi nous proposons de faire explicitement référence à la prise en compte de l'intérêt de l'enfant lors de la fixation par l'employeur des modalités d'exercice du droit aux congés des assistants familiaux.
Nous espérons en outre que les pouvoirs publics assumeront toutes les responsabilités qui sont les leurs dans ce domaine, notamment en organisant l'accueil temporaire, de remplacement, pour éviter les parcours chaotiques en matière de prise en charge des mineurs.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur. La commission est reconnaissante à Mme Terrade d'avoir proposé de faire référence, à l'article 28, à la notion de préservation de l'intérêt de l'enfant, l'ensemble du projet de loi reposant sur un triangle constitué de la famille, de l'enfant et de l'assistant maternel ou familial.
La commission a donc émis un avis favorable sur cet amendement. (Marques de satisfaction sur les travées du groupe CRC. - M. le président de la commission des affaires sociales applaudit.)
M. Guy Fischer. Enfin !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marie-Josée Roig, ministre. Subordonner la possibilité, pour l'assistant familial, de bénéficier de congés effectifs hors la présence des enfants confiés à l'intérêt de ces derniers priverait de l'essentiel de sa portée la disposition nouvelle introduite par le projet de loi.
Or cette disposition nouvelle correspond à une très forte revendication de la profession, ainsi qu'à une obligation posée par la directive européenne de 1993.
Certes, le Gouvernement partage le souci exprimé par Mme Terrade que ce nouveau droit ne s'exerce pas au détriment de l'intérêt des enfants. Toutefois, sa préférence va à l'amendement n° 17, déposé par la commission, qui est précisément sous-tendu par la volonté de concilier le droit à congés de l'assistant familial avec la prise en compte de l'intérêt des enfants.
C'est pourquoi le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 63.
M. le président. L'amendement n° 30 rectifié bis, présenté par Mme Printz, MM. Chabroux, Godefroy et les membres du groupe Socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par le II de cet article pour modifier l'article L. 77311 du code du travail, par une phrase ainsi rédigée :
Des congés rémunérés sont accordés aux assistants familiaux employés par les collectivités publiques dans les mêmes conditions que pour les agents titulaires.
La parole est à Mme Gisèle Printz.
Mme Gisèle Printz. Comme l'a constaté la commission des affaires sociales, la situation actuelle des assistants familiaux au regard des congés n'est pas satisfaisante, d'autant que ces derniers exercent une profession difficile, au contact d'enfants déstructurés.
Les assistants familiaux sont chargés de délivrer aux enfants tous les soins et toute l'éducation dont ils ont besoin. Cette mission, de type parental pour reprendre les propos de M. le rapporteur, est par nature permanente. Si la commission propose de mettre en place un système de « compte épargne temps » au profit des assistants familiaux employés par des personnes morales de droit privé, les assistants familiaux employés par des collectivités publiques ne jouissent pas des mêmes avantages. Notre amendement a donc pour objet de leur reconnaître un droit à congés rémunérés identique à celui dont bénéficient les personnels titulaires de la fonction publique.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur. Je reconnais bien là la tentation permanente de Mme Printz, qui voudrait aligner le régime des assistants familiaux sur celui de la fonction publique territoriale ! (Sourires.) Cette tentation s'est exprimée à diverses reprises et sous d'autres formes ce matin.
En l'occurrence, il nous est proposé d'aligner le statut des assistants familiaux sur celui de la fonction publique au regard du droit à congés rémunérés. Or j'estime, mes chers collègues, que nous ne devons pas nous engager dans cette voie. En effet, notre fonction publique territoriale compte déjà 2 millions d'agents ; si l'on y ajoute les effectifs de la fonction publique de l'Etat et de la fonction publique hospitalière, on arrive à un total de 5,5 millions ou de 6 millions d'agents. Nous sommes le pays d'Europe où les trois fonctions publiques regroupent les effectifs les plus nombreux ! (M. Jean Chérioux fait un signe d'approbation.) J'estime qu'il ne faut pas en rajouter.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. Jean Chérioux. Très bien !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Gisèle Printz, pour explication de vote.
Mme Gisèle Printz. Je ne comprends pas ces réticences à traiter la profession d'assistant maternel et celle d'assistant familial comme les autres professions ! Qu'y a-t-il de honteux dans notre démarche ?
M. Jean Chérioux. Il y a d'autres solutions !
Mme Gisèle Printz. Je reste fidèle à l'idée que les assistants maternels doivent bénéficier des mêmes niveaux de rémunération que d'autres professionnels. Il n'est pas bon de maintenir des différences.
M. Eric Doligé. Il faut les intégrer aux régions !
M. le président. L'amendement n° 17, présenté par M. Fourcade, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
IV. - Il est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Il est institué un compte d'épargne temps au bénéfice des assistants familiaux qui ont pris leurs congés annuels en compagnie des enfants qui leur sont confiés. Ce compte permet à son titulaire d'accumuler des droits à congés rémunérés, par report des congés annuels, dans la limite de trente jours par an.
« L'assistant familial voit alors sa rémunération maintenue pendant la période de congés annuels, sans que s'ajoutent à celle-ci les indemnités prévues à l'article L. 773-4. Les droits à congés acquis au titre du compte épargne temps doivent être exercés au plus tard à la date à laquelle l'assistant familial cesse définitivement ses fonctions ou liquide sa pension de retraite. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur. Quoi qu'en pensent M. Fischer ou Mme Printz, la commission s'est préoccupée du problème des congés des assistants familiaux.
A cet égard, la grande différence entre assistants maternels et assistants familiaux tient à ce que les premiers travaillent à temps partiel et ont droit, nous l'avons vu, à des congés, quotidiens, annuels, etc., alors que les seconds accueillent un ou plusieurs enfants, ce qui les empêche très souvent de prendre leurs congés.
Par conséquent, nous avons étudié ce qu'il était possible de faire pour « humaniser » davantage la fonction d'assistant familial, sans aller toutefois jusqu'à l'intégration dans la fonction publique territoriale, suggestion qui nous a été présentée selon plusieurs versions.
L'idée nous est venue de créer, à l'imitation de ce qu'avait proposé voilà quelque temps M. Gouteyron en matière de retraites, un compte épargne temps pour les assistants familiaux, qui se substituerait en quelque sorte à la prise de congés ou qui accompagnerait ces congés lorsque l'assistant familial les prend avec les enfants.
Un tel dispositif permettrait aux assistants familiaux d'accumuler des droits à congés rémunérés dans la limite de trente jours par an et, par voie de conséquence, d'améliorer leur retraite le moment venu.
Il nous est apparu qu'introduire dans la gamme des dispositifs d'aménagement du temps de travail un compte épargne temps pour cette catégorie particulière, qui ne relève pas, je tiens à le redire, de la fonction publique territoriale, permettrait, d'une part, de répondre au problème des congés des assistants familiaux et ; d'autre part, de donner à ceux-ci les moyens de partir à la retraite dans de meilleures conditions.
Il me semble que cette proposition peut recueillir l'aval de tous ceux qui souhaitent améliorer la situation des assistants familiaux.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marie-Josée Roig, ministre. Le Gouvernement partage les préoccupations exprimées par la commission et les différents intervenants.
A l'avenir, la loi permettra aux assistants familiaux de prendre des congés sans les enfants qu'ils accueillent. Cela représente, je l'ai dit tout à l'heure, une innovation importante, qui était attendue par la profession.
Cela étant précisé, votre amendement, monsieur le rapporteur, tend à donner une portée concrète à cette avancée. Il s'agit d'ouvrir aux assistants familiaux la possibilité de choisir de prendre leurs vacances avec les enfants qui leur sont confiés ou de différer la prise de leurs temps de congés à des moments où les enfants ne sont pas présents à leur domicile. Ce sera un choix.
Une telle mesure permettrait donc de concilier le droit à congés des assistants familiaux et une continuité de l'accueil des enfants, particulièrement importante dans certaines situations au regard de la protection de l'enfance, par exemple dans le cas des enfants les plus jeunes, pour qui une séparation trop rapide avec l'assistant familial créerait un risque de carence affective.
C'est aussi le cas des enfants qui viennent d'arriver chez un assistant familial et qui ont besoin de s'habituer à leur famille d'accueil avant de pouvoir supporter une nouvelle séparation.
Pour autant, monsieur le rapporteur, la rédaction proposée doit être compatible avec la directive européenne de 1993. La possibilité d'afficher une limite de trente jours pour reporter les congés annuels n'est pas possible, alors que cette directive oblige tous les salariés à prendre un minimum de quatre semaines de congés annuels.
Par ailleurs, le Gouvernement préfère la dénomination : « report de congés » à celle de : « compte épargne temps ».
Enfin, le Gouvernement souhaite qu'un tel dispositif soit non pas imposé au salarié, mais mis en oeuvre avec son accord.
Cet amendement permet donc à la fois de faciliter les remplacements d'assistants familiaux pour les départements et de mieux préserver les intérêts de l'enfant.
Le Gouvernement émettra un avis favorable sur votre amendement, monsieur le rapporteur, sous réserve de deux rectifications. Tout d'abord, il conviendrait que les mots : « Il est institué un compte d'épargne temps » soient remplacés par les mots : « Avec leur accord, il est institué un report de congés ». Ensuite, à la fin de la deuxième phrase, il faudrait supprimer les mots : « dans la limite de trente jours par an ». Par coordination, dans le dernier alinéa, il faudrait remplacer les mots : « compte épargne temps » par les mots : « report de congés ».
M. le président. Acceptez-vous la suggestion de Mme la ministre, monsieur le rapporteur ?
M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur. Je constate avec intérêt que le Gouvernement approuve l'idée d'ouvrir un choix aux assistants familiaux : ou bien prendre leurs congés en se faisant remplacer, ou bien bénéficier du dispositif « compensatoire » lorsqu'ils gardent avec eux les enfants qui leur sont confiés.
Madame la ministre, j'accepte les modifications que vous proposez.
Cependant, il faut maintenir la notion de compte dans le premier alinéa du paragraphe IV. En effet, le report de congés se traduira dans un compte qui permettra d'alimenter le fonds de retraite, comme le soulignait M. Gouteyron.
La portée exacte de la directive européenne de 1993 pourrait donner lieu à un débat juridique, car celle-ci me paraît caduque du fait de la législation sur la réduction du temps de travail. Mais je ne vous entraînerai pas aujourd'hui dans un tel débat, madame la ministre, car nous aurons l'occasion d'en reparler ! Il faudra, j'en suis persuadé, revoir la limite européenne.
M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur. Nous nous en remettrons à la modification de la directive européenne dans quelques années pour compléter, le cas échéant, cet article.
Je remercie le Gouvernement d'avoir compris que la commission souhaitait offrir un choix aux assistants familiaux et je souhaite que cet amendement n° 17 rectifié soit adopté par la Haute Assemblée.
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 17 rectifié, présenté par M. Fourcade, au nom de la commission des affaires sociales, et qui est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
IV. - Il est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Avec leur accord, il est institué un report de congés au bénéfice des assistants familiaux qui ont pris leurs congés annuels en compagnie des enfants qui leur sont confiés. Ce compte permet à son titulaire d'accumuler des droits à congés rémunérés, par report des congés annuels.
« L'assistant familial voit alors sa rémunération maintenue pendant la période de congés annuels, sans que s'ajoutent à celle-ci les indemnités prévues à l'article L. 773-4. Les droits à congés acquis au titre du report de congés doivent être exercés au plus tard à la date à laquelle l'assistant familial cesse définitivement ses fonctions ou liquide sa pension de retraite. »
Je le mets aux voix.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 28, modifié.
(L'article 28 est adopté.)
Article 29
Après l'article L. 773-11 du code du travail, qui devient l'article L. 773-28, il est inséré un article L. 773-29 ainsi rédigé :
« Art. L. 773-29. - Le contrat passé entre la personne morale de droit privé et l'assistant familial peut prévoir que l'exercice d'une autre activité professionnelle ne sera possible qu'avec l'accord de l'employeur. L'employeur ne peut refuser son autorisation que lorsque l'activité envisagée est incompatible avec l'accueil du ou des enfants déjà confiés. Les modalités d'application de cette disposition sont fixées par décret. » - (Adopté.)
CHAPITRE II
Dispositions diverses
Article additionnel avant l'article 30
M. le président. L'amendement n° 18, présenté par M. Fourcade, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Avant l'article 30, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Les charges résultant, pour les collectivités territoriales, de l'extension des compétences déjà transférées qui est réalisée par la présente loi, sont compensées par l'attribution de ressources, constituées d'une partie du produit d'un impôt perçu par l'État, dans les conditions fixées par la loi de finances.
II. - La perte de recettes résultant pour l'État des dispositions du I du présent article est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575A du code général des impôts.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur. Cet amendement est important à plus d'un titre. D'une part, il est conforme à la Constitution que nous avons modifiée l'année dernière, à la demande du Gouvernement et à la suite des efforts continus du président du Sénat. D'autre part, il est nécessaire pour que toutes les administrations centrales qui travaillent en France - et elles sont nombreuses ! - comprennent que le temps des créations de charges nouvelles supportées par les collectivités territoriales est révolu !
L'article 72-2 de la Constitution dispose « Toute création ou extension de compétences ayant pour conséquence d'augmenter les dépenses des collectivités territoriales est accompagnée de ressources déterminées par la loi. » Or, en l'occurrence, l'extension de compétences est manifeste puisque le temps de formation préalable ou concomitant des assistants maternels ou familiaux a doublé, triplé, voire quadruplé.
L'opération sera lourde pour les départements, madame la ministre, car leurs charges en matière de formation des assistants maternels augmenteront.
Par conséquent, l'affaire est « bordée » pour les familles avec la loi de financement de la sécurité sociale que nous avons voté l'année dernière. En revanche, il n'en est rien pour les collectivités territoriales.
C'est la raison pour laquelle je vous propose le présent article additionnel. Et comme la disposition proposée risque de se traduire par une majoration des dépenses de l'Etat, nous en avons prévu la compensation à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits sur les tabacs.
Je tiens à rappeler le mécanisme de calcul de cette compensation. Nous avons longuement discuté, lors de l'examen du projet de loi relatif aux responsabilités locales, du principe de l'évaluation des charges transférées ou des extensions de compétences. Nous avons adopté le principe, comme pour le revenu minimum d'insertion et le revenu minimum d'activité - le Gouvernement, en la personne de notre ancien collègue Alain Lambert, l'avait accepté - de l'examen des comptes administratifs des collectivités territoriales à l'issue de la première ou de la deuxième année d'application des extensions ou des transferts de compétences. Si les dépenses ont augmenté, elles seront alors compensées à due concurrence par l'affectation du produit de l'impôt.
Ce mécanisme souple est prévu à l'article 30 du texte, qui n'est pas encore définitif puisque nous en sommes toujours à la première lecture. Il permet de déterminer, selon les départements, les charges nouvelles qui résulteront essentiellement de l'augmentation des dépenses de formation et de la prise en charge du soutien psychologique. Par conséquent, mes chers collègues, il me paraît légitime que nous adoptions ce dispositif de compensation.
Je le répète, je souhaite qu'à l'avenir les administrations centrales et leurs représentants locaux comprennent qu'après la révision constitutionnelle il n'est plus possible de créer des charges nouvelles pesant sur les collectivités territoriales sans prévoir un mécanisme de compensation financière. Si cette idée entre véritablement dans les moeurs, mes chers collègues, on nous proposera beaucoup moins de dépenses nouvelles et on réfléchira avant de créer des normes, de modifier ou d'imposer des compétences aux collectivités territoriales. C'est, je crois, le voeu du Sénat. Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées de l'Union centriste.)
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur cet amendement, qui pose quelques questions de principe ?
Mme Marie-Josée Roig, ministre. Cet amendement pose effectivement de véritables questions, monsieur le président.
Tous les projets de loi qui ont pour objet de légiférer sur des politiques publiques assurées par des collectivités locales portent en eux-mêmes la suspicion d'un transfert de charges qui serait subrepticement organisé par l'Etat aux dépens de ces collectivités.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. On nous aurait menti !
Mme Marie-Josée Roig, ministre. Je n'engagerai pas avec vous un savant débat sur la dépense publique, monsieur le rapporteur, et je n'ignore d'ailleurs pas qu'au nombre de vos éminentes fonctions figure celle de président du comité des finances locales.
Vous souhaitez débattre de la compensation financière par l'Etat à l'occasion de ce projet de loi. Je vais donc vous donner la position du Gouvernement sur votre amendement.
Si je comprends bien votre raisonnement, monsieur le rapporteur, vous estimez que ce projet de loi relatif aux assistants maternels et aux assistants familiaux organise un transfert de charges de l'Etat vers les départements. Il appartiendrait donc à l'Etat de prévoir la création d'une taxe pour le compenser.
Le principe de compensation financière trouve sa source dans les dispositions combinées de l'article 72 de la Constitution, qui dispose : « Dans les conditions prévues par la loi, ces collectivités s'administrent librement par des conseils élus (...) », et du quatrième alinéa de l'article 72-2 de la Constitution : « Tout transfert de compétences entre l'Etat et les collectivités territoriales s'accompagne de l'attribution de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice. Toute création ou extension de compétences ayant pour conséquence d'augmenter les dépenses des collectivités territoriales est accompagnée de ressources déterminées par la loi ».
Ce premier point pose un réel problème d'interprétation.
M. Michel Mercier. C'est vrai !
Mme Marie-Josée Roig, ministre. Sommes-nous dans un cas de transfert de compétences entre l'Etat et les départements ?
M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur. Non !
Mme Marie-Josée Roig, ministre. Sommes-nous dans un cas de création ou d'extension des compétences des départements ?
MM. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales, et Jean-Pierre Fourcade, rapporteur. Oui !
Mme Marie-Josée Roig, ministre. La question est essentielle, puisque c'est en cas de transfert de compétences que la Constitution pose le principe d'obligation de compensation financière.
Or le projet de loi qui vous est actuellement soumis, mesdames, messieurs les sénateurs, ne procède pas à un transfert de compétences. En effet, les départements sont déjà compétents en matière d'aide sociale à l'enfance, en particulier pour la prise en charge financière de la formation obligatoire des assistantes maternelles et, via le financement des associations, de l'accueil des enfants qui sont confiés au titre de la protection de l'enfance. A ce stade, aucune clé d'imputation de financements n'est modifiée.
Dans sa décision du 18 décembre 2003 relative à la loi portant décentralisation en matière de revenu minimum d'insertion et créant un revenu minimum d'activité, le Conseil constitutionnel a été amené à préciser sa jurisprudence sur cette obligation constitutionnelle de compensation financière des transferts de compétences aux collectivités territoriales dans le cadre de la décentralisation. II a contrôlé que les dispositions de cette loi n'étaient pas, par elles-mêmes, contraires au principe d'obligation de compensation financière.
Il est vrai que cette loi est un élément d'un ensemble plus vaste, élaboré notamment lors de la conférence de la famille de 2003 et qui sera mis en oeuvre par d'autres textes que cette loi, notamment des décrets.
Mais le projet de loi ne procède pas non plus, par lui-même, à une extension des compétences des départements, qui ne se voient pas confier des tâches nouvelles, sauf si vous fondez votre argumentation sur la possibilité donnée par l'article 24 d'instituer un accompagnement psychologique pendant la période de suspension qu'aurait à connaître un assistant familial.
M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur. C'est un épiphénomène !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Et la formation ?
M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur. Je l'espère !
Mme Marie-Josée Roig, ministre. Seront concernées tout au plus quelques dizaines d'assistants familiaux.
Dans ces conditions, compte tenu de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, les dispositions du projet de loi ne peuvent être regardées comme méconnaissant le principe de compensation financière.
Si, dans quelques mois, il apparaissait que les décrets pris pour l'application de la loi modifiaient les règles relatives à l'exercice des compétences des départements, il serait fait application des dispositions de l'article L. 1614-2 du code général des collectivités territoriales aux termes duquel toute charge nouvelle incombant aux collectivités territoriales du fait de la modification par l'Etat, par voie réglementaire, des règles relatives à l'exercice des compétences transférées, est compensée.
Le Gouvernement s'engage donc, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, à procéder, le moment venu, à une étude d'impact pour mesurer les éventuels accroissements de charges que les décrets pourraient entraîner pour les départements.
Dans cette attente, monsieur le rapporteur, je vous suggère de retirer cet amendement. (Rires.)
M. le président. La parole est à M. Michel Mercier, pour explication de vote.
M. Michel Mercier. Madame la ministre, ce projet de loi conduit à un accroissement très important des dépenses des départements. Je regrette que votre ministère - vous n'étiez pas encore en fonction à l'époque - ait refusé toute étude d'impact sur le calcul de ces charges nouvelles.
Les dépenses de formation ne sont pas seules en cause, puisque le projet de loi prévoit également des augmentations de salaires. Sans vouloir trancher ici la question de savoir si ces augmentations sont justifiées ou non - nous ne les remettons pas en cause - j'attire votre attention, madame la ministre, sur le fait que vingt-cinq départements seulement sont aujourd'hui en dessous du seuil des 120 SMIC horaire. Ces vingt-cinq départements regroupent à eux seuls la moitié des effectifs d'assistants familiaux. Le coût de ces augmentations de salaires s'élèvera à 120 millions d'euros. A cela, viendra s'ajouter le coût de la formation, des droits à congé nouvellement mis en place, des remplacements nécessaires. Bien qu'il ne puisse être chiffré avec exactitude, ce coût n'est pas inférieur à celui des augmentations de salaires.
Par ailleurs, madame la ministre, le présent projet de loi limite fortement l'autonomie des collectivités territoriales. L'article 14 prévoit, notamment, que le Gouvernement pourra, par décret, fixer les indemnités d'entretien que les départements accordent depuis longtemps aux familles d'accueil. Ces indemnités concernent la nourriture, les cadeaux de noël, le matériel pour la rentrée scolaire. L'Etat ne pourrait-il pas faire davantage confiance aux collectivités locales ?
Voilà encore une dépense nouvelle qui est mise à la charge des départements ! Celle-ci s'élèvera probablement à plus de 2 milliards de francs, ce qui est lourd. Cette mesure est peut-être justifiée - là n'est pas la question - mais il faut que les départements aient les moyens de faire face à cette réforme.
Voter des dépenses sans prévoir les moyens correspondants, ce n'est pas faire une réforme : c'est vendre du rêve aux assistants familiaux. . Avec quoi les départements payeront-ils les 2 milliards de francs qui sont mis à leur charge ?
L'amendement n° 18 présenté par M. Fourcade est donc particulièrement bienvenu et il doit être adopté à l'unanimité, afin de bien montrer que le Sénat a la volonté de faire en sorte que la décentralisation soit une bonne décentralisation. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.
M. Guy Fischer. M. Mercier vient d'appeler le Sénat à voter l'amendement de la commission à l'unanimité. J'aurais donc mauvaise grâce à ne pas m'expliquer devant vous, compte tenu des amendements qui ont été déposés par le groupe communiste républicain et citoyen et que nous avons défendus tout au long des débats.
En effet, les mesures que nous proposions concernaient à la fois la rémunération - à l'heure actuelle, la rémunération équivaut en moyenne aux trois-quarts du SMIC horaire - la durée du temps de travail, les congés et la formation.
M. Mercier nous a cités des chiffres intéressants ; je suppose qu'il a un peu forcé la dose en parlant de 2 milliards d'euros.
M. Michel Mercier. C'étaient des francs ! (Sourires.)
M. Roland Muzeau. On est passé à l'euro, monsieur Mercier !
M. Guy Fischer. Vous avez également cité le chiffre de 120 millions, monsieur Mercier ; s'agissait-il d'euros ou de francs ?
M. Michel Mercier. C'étaient des euros !
M. Guy Fischer. De toute façon, cela représente plusieurs centaines de millions d'euros transférés.
Par ailleurs, lorsqu'on fait le bilan sur plusieurs années des dépenses des collectivités territoriales, on constate pratiquement un désengagement de la CNAF. On assiste souvent à une amélioration de la participation des parents, ce dont je me réjouis, mais les collectivités territoriales sont fréquemment conduites à devoir combler le vide.
Il s'agit là d'un point important, madame la ministre. Vous avez refusé - c'est quelque peu contradictoire- de créer une véritable filière, dont la nécessité s'affirmera de jour en jour, dans l'espace de proximité que vous souhaitez conforter. Seuls les départements riches seront en mesure d'apporter des améliorations significatives. Tout à l'heure, nous avons vu que seuls trois départements étaient à un certain niveau ; M. Mercier a parlé de vingt-cinq départements ; je suis sûr qu'il dispose de bonnes statistiques.
Ce n'est pas souvent que le groupe CRC s'aligne sur les positions de M. le rapporteur ou de M. Mercier, mais, là, le problème est réel ; je l'ai rencontré pendant un quart de siècle au sein des structures municipales. Puisque nous sommes à un tournant et que nous débattrons, dès la semaine prochaine, du financement des lois de décentralisation, anticipant sur le débat, nous voterons cet amendement. (Très bien ! sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Marie-Josée Roig, ministre. Je souhaite apporter quelques précisions.
Monsieur Mercier, vous vous êtes interrogé sur les coûts de formation. S'agissant des assistants maternels, le stage préparatoire est de soixante heures. A raison d'un coût horaire de 8 euros, pour trois mille assistants maternels, ce qui correspond au flux moyen annuel des nouveaux assistants maternels, leur formation devrait coûter 2,4 millions d'euros pour l'ensemble du territoire.
En ce qui concerne les assistants familiaux, le surcoût global lié à l'amélioration de leur formation initiale sera de l'ordre de 5,5 millions d'euros au terme de la période de trois ans, puisque l'adaptation à l'emploi se fera dans les trois ans qui suivront l'agrément.
Quant à l'augmentation des rémunérations, le coût supplémentaire est évalué à 32 millions d'euros.
Par conséquent, globalement, pour les départements, le surcoût sera inférieur à 40 millions d'euros. Nous sommes loin des 120 millions d'euros que vous nous annoncez, monsieur Mercier !
Ce surcoût s'élèvera à 60 millions d'euros environ pour la branche famille, car c'est elle, monsieur Mercier, qui supportera l'essentiel de ces surcoûts.
La cotisation des employeurs - 0,15 % pour la formation continue des assistants maternels - comme la cotisation au fonds du paritarisme sera prise en charge par la prestation d'accueil du jeune enfant, la PAJE. La cotisation de prévoyance santé - 1,15 % - sera financée par les employeurs particuliers et par les assistants maternels eux-mêmes.
Je préciserai également que l'article 14 relatif aux indemnités et fournitures destinées à l'entretien de l'enfant n'entraîne pas de surcoût. Il s'agit simplement de mettre un peu d'harmonie dans l'hétérogénéité des formules actuelles. (M. Guy Fischer s'exclame.)
Enfin, monsieur Fischer, vous nous avez proposé il y a peu une rémunération plancher de 169 fois le SMIC horaire pour les assistants familiaux. Si vous estimez que les surcoûts sont trop importants, qu'auriez-vous dit si nous avions accepté cet amendement ! (M. le président de la commission des affaires sociales rit.)
M. Guy Fischer. Vous l'avez refusé !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur. Ce débat très intéressant montre que, sur un certain nombre de sujets, nous pouvons obtenir l'unanimité.
Madame la ministre, permettez-moi cependant d'attirer votre attention sur quatre points.
Premièrement, il n'y a pas eu d'étude d'impact. Or je souhaite qu'à l'avenir, chaque fois qu'un texte législatif transfère, crée ou étend des compétences en direction des collectivités territoriales, il soit accompagné d'une étude d'impact. Cela me semble être un gage de bonne administration. Il vous faudra donc demander à vos collaborateurs de réaliser des études d'impact avant de nous proposer de nouveaux dispositifs.
Deuxièmement, j'ai pris acte avec satisfaction de ce que vous avez dit, madame la ministre : si, après un certain temps, il y avait des surcoûts, le Gouvernement en tiendrait compte. Cette déclaration est importante, elle figurera au Journal officiel et nous saurons nous en souvenir.
Troisièmement, j'ai constaté que, quels que soient nos différends sur les chiffres, nous devons reconnaître qu'il y a un surcoût lié à la formation, à l'augmentation des rémunérations - notamment pour les assistants familiaux - et au soutien psychologique.
Quatrièmement, enfin, je voudrais vous rassurer, madame la ministre : tous les décrets d'application seront examinés par le comité des finances locales et je puis vous garantir que, s'ils vont plus loin que la loi, ils ne seront pas acceptés !
Dans ces conditions, bien entendu, la commission maintient son amendement.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 18.
M. le président. En conséquence, un article additionnel est inséré dans le projet de loi, avant l'article 30.
Article 30
Les articles L. 131-2, L. 952-1 et L. 952-6 du code du travail sont modifiés comme suit :
I. - À l'article L. 131-2, les mots : « aux assistantes maternelles » sont remplacés par les mots : « aux assistants maternels, aux assistants familiaux ».
II. - À l'article L. 952-1, les mots : «, à l'exception de ceux occupant les personnes mentionnées au chapitre III du titre VII du livre VII du présent code, » sont supprimés.
III. - Le premier alinéa de l'article L. 952-6 est ainsi rédigé :
« Les particuliers employeurs occupant un ou plusieurs employés de maison ou assistants maternels visés respectivement au chapitre II et au chapitre III du titre VII du livre VII du présent code sont redevables de la contribution prévue à l'article L. 952-1. »
M. le président. L'amendement n° 71, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. Supprimer les II et III de cet article.
II. En conséquence :
- supprimer le premier alinéa de cet article ;
- rédiger comme suit le début du deuxième alinéa de cet article :
A l'article L. 13112 du code du travail, les mots...
La parole est à Mme la ministre.
Mme Marie-Josée Roig, ministre. Les modifications prévues aux II et III de cet article 30 ont déjà été introduites par voie d'amendement dans la loi du 4 mai 2004 relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social, dans les articles 21 et 22, paragraphe V, 1° a.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur. Favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'article 30, modifié.
(L'article 30 est adopté.)
Article additionnel après l'article 30
M. le président. L'amendement n° 41, présenté par M. Godefroy, est ainsi libellé :
Après l'article 30, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai de six mois après la publication de la présente loi, le Gouvernement présente au parlement un rapport exposant les conditions dans lesquelles les assistants maternels et familiaux, employés par des personnes morales de droit public, pourraient être intégrés à l'échelle II de la fonction publique territoriale.
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. Certaines organisations syndicales représentant les assistants maternels et familiaux employés par des personnes morales de droit public proposent l'intégration des professionnels qui le souhaiteraient dans la fonction publique territoriale.
M. Jean Chérioux. Voilà !
M. Jean-Pierre Godefroy. Cette revendication, je le reconnais bien volontiers, ne va pas sans poser de problèmes, mais elle me semble intéressante à étudier.
L'objet de ce projet de loi n'est-il pas de reconnaître que l'accueil des enfants à domicile est devenu une véritable profession qui nécessite à la fois des qualités humaines et des compétences techniques, notamment grâce à l'amélioration du statut de ces professionnels ?
Permettez-moi tout d'abord d'insister sur les assistants familiaux.
Mme la ministre et M. le rapporteur l'ont dit, désormais, les assistants familiaux se voient confier les enfants les plus difficiles, ceux que les établissements spécialisés refusent de garder. L'exercice de ce métier comporte donc des contraintes et des risques croissants qui découragent de nombreux candidats, alors même que les besoins de l'aide sociale à l'enfance ne cessent de s'amplifier.
Aujourd'hui, les assistants familiaux ont une réelle fonction d'éducateur, au même titre que les personnels travaillant dans les foyers spécialisés.
On peut d'ailleurs s'interroger : nous aurions pu être saisis d'un texte particulier les concernant, comme l'avait imaginé, sous le précédent gouvernement, Mme Ségolène Royal.
Comme vous l'avez également dit, l'amélioration de la prise en charge de ces enfants souvent désocialisés et placés par l'aide sociale à l'enfance passe par l'intégration des assistants familiaux dans des équipes pluridisciplinaires, qui relèvent essentiellement aujourd'hui de la protection judiciaire de la jeunesse et des départements.
Pour les assistants maternels, la situation est également particulière. Celles et ceux qui sont employés par des particuliers vont relever de la convention collective dès lors que celle-ci sera définitivement promulguée, soit cet été, selon vos indications, madame la ministre. En revanche, celles et ceux qui sont employés par les collectivités locales ne bénéficieront ni de cette convention collective ni du statut de la fonction publique territoriale. C'est d'autant plus injuste que la crèche est aujourd'hui un véritable service public.
Par ailleurs, cette revendication s'inscrit dans l'esprit de la loi du 3 janvier 2001, dite « loi Sapin », qui a mis en place un dispositif de résorption de l'emploi précaire destiné aux agents non titulaires des fonctions publiques. C'est une assimilation, mais cela mérite réflexion.
Je n'ignore pas les difficultés techniques et financières qui peuvent exister : masse salariale, financement par la CNAF, compensation, financement par la caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales, mais je crois néanmoins qu'il est fondé de faire étudier cette revendication par tous les acteurs concernés.
Madame la ministre, ce serait là un bon moyen pour nouer un véritable dialogue social dans la transparence, en faisant appel à la responsabilité de chacun afin de trouver un juste équilibre entre tous les partenaires concernés.
Le rapport que nous préconisons aurait le mérite d'éclairer la situation et, peut-être, comme je l'ai dit au début de mon intervention, d'ouvrir, notamment pour les assistants familiaux, la possibilité d'adhérer à la fonction publique territoriale. Cela permettrait aussi de voir si le coût de cette disposition ne serait pas plus intéressant pour les collectivités territoriales que toutes les mesures dont nous avons parlé depuis le début de l'examen de ce texte.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur. La commission reconnaît que M. Godefroy a déployé beaucoup de talent pour défendre une thèse qui est cependant tout à fait contraire à celle de la commission. En effet, nous ne pensons pas que la solution des problèmes de notre pays réside dans l'augmentation continue des effectifs de la fonction publique, qu'elle soit nationale, locale ou hospitalière.
Par rapport à tous nos concurrents européens, notamment par rapport à ceux qui appartiennent à la zone euro, le nombre d'employés de nos trois fonctions publiques est largement supérieur : nous avons plus de 25 % de salariés publics, alors que la moyenne européenne est de 18 %.
Par conséquent, la commission considère que nos assistants familiaux et maternels doivent pouvoir garder leur statut professionnel actuel, d'autant que l'exonération fiscale demeure un élément important : en effet, monsieur Godefroy, vous n'avez sans doute pas réfléchi au fait que, si l'on intégrait tous les intéressés dans la fonction publique territoriale, il faudrait qu'ils paient des impôts ! Il faut donc leur dire qu'ils ne peuvent pas à la fois avoir un statut particulier - avec des rémunérations modestes, certes, mais sans payer d'impôt sur le revenu - et choisir l'intégration dans la fonction publique territoriale, au sein de laquelle ils paieraient l'impôt sur le revenu. Il faut être clair !
Bien entendu, M. Godefroy a eu l'astuce de proposer un rapport et non une mesure législative, mais la commission a néanmoins émis un avis totalement défavorable sur l'amendement n° 41.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marie-Josée Roig, ministre. J'ai déjà donné l'avis du Gouvernement sur cette question et je me rallie, sur cet amendement, à la position de la commission.
J'ajouterai toutefois que la formation renforcée des assistants maternels et familiaux, ainsi que l'accès à la validation des acquis de l'expérience, vont leur permettre de se présenter à des concours relevant de la fonction publique territoriale, ce qui répond en partie, monsieur le sénateur, à votre demande.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 41.
(L'amendement n'est pas adopté.)
TITRE IV
DISPOSITIONS DIVERSES ET TRANSITOIRES
Article 31
I. - À l'article L. 133-6-1 du code de l'action sociale et des familles, après les mots : « aux assistants maternels » sont insérés les mots : « et aux assistants familiaux ».
II. - À l'article 80 sexies du code général des impôts, les mots : « les assistantes maternelles régies par la loi n° 77-505 du 17 mai 1977 » sont remplacés par les mots : « les assistants maternels et les assistants familiaux régis par les articles L. 421-1 et suivants du code de l'action sociale et des familles et par les articles L. 773-1 et suivants du code du travail ».
M. le président. L'amendement n° 75, présenté par M. Fourcade, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le II de cet article :
II. - L'article 80 sexies du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, les mots : « les assistantes maternelles régies par la loi n° 77505 du 17 mai 1977 » sont remplacés par les mots : « les assistants maternels et les assistants familiaux régis par les articles L. 421-1 et suivants du code de l'action sociale et des familles et par les articles L. 773-1 et suivants du code du travail » ;
2° Au dernier alinéa, les mots : « des assistantes maternelles » sont remplacés par les mots : « des assistants maternels et des assistants familiaux ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur. Cet amendement rédactionnel vise à faire figurer dorénavant dans tous les textes que sont visés à la fois les assistants maternels et les assistants familiaux.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 31, modifié.
(L'article 31 est adopté.)
Article 32
Jusqu'à la publication du décret prévu à l'article L. 773-5 du code du travail, dans sa rédaction issue du II de l'article 14 de la présente loi, les contrats de travail entre l'employeur et l'assistant maternel ou familial pourront définir les éléments et montants des indemnités et fournitures remises pour l'entretien d'un enfant. - (Adopté.)
Article 33
Les assistants maternels agréés avant l'entrée en vigueur du décret prévu à l'article L. 421-14 du code de l'action sociale et des familles résultant de la présente loi doivent suivre les actions de formation mentionnées au 7° de l'article L. 2112-2 du code de la santé publique à raison d'une durée minimale de 60 heures dans un délai de cinq ans suivant leur agrément, dont vingt au cours des deux premières années. Pendant les périodes de formation, la rémunération de l'assistant maternel reste due par l'employeur.
M. le président. L'amendement n° 72, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. - Dans la première phrase de cet article, après les mots :
Les assistants maternels agréés
insérer les mots :
moins de cinq ans
II. - Dans le même texte, remplacer les mots :
doivent suivre
par les mots :
doivent avoir suivi
La parole est à Mme la ministre.
Mme Marie-Josée Roig, ministre. Il s'agit de clarifier la rédaction de l'article 33 : les assistants maternels agréés avant la publication de la loi restent soumis aux dispositions de l'article L. 2112-3 du code de la santé publique tel qu'il était rédigé avant sa modification par le projet de loi.
La formation de soixante heures n'est à suivre qu'une seule fois dans la vie professionnelle de l'assistant maternel.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur. S'agissant du dernier amendement examiné sur ce projet de loi, monsieur le président, tout le monde comprendra que la commission émette un avis favorable. (Sourires.)
M. Guy Fischer. Vous êtes trop bon, monsieur le rapporteur !
M. le président. Je mets aux voix l'article 33, modifié.
(L'article 33 est adopté.)
Article 34
Les assistants familiaux en cours de formation à la date de publication de la présente loi sont tenus d'accomplir une formation à la charge de l'employeur d'une durée minimale de 120 heures. Pendant les périodes de formation, la rémunération de l'assistant familial reste due par l'employeur. - (Adopté.)
Article 35
Les enfants accueillis avant la publication de la présente loi peuvent continuer de l'être en dérogation aux dispositions de l'article L. 421-4 du code de l'action sociale et des familles relatives à la prise en compte du ou des enfants de moins de trois ans de l'assistant maternel présents à son domicile dans le nombre des enfants qu'il est autorisé à accueillir. - (Adopté.)
Vote sur l'ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à Mme Janine Rozier, pour explication de vote.
Mme Janine Rozier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le texte dont nous achevons l'examen aujourd'hui est particulièrement attendu par les professionnels et les familles ayant recours à leurs services.
Le présent projet de loi a pour ambition d'améliorer et de promouvoir la qualité de l'accueil des enfants, ainsi que l'intégration professionnelle des accueillants.
L'objectif est atteint en ce qu'il donne à ces professions la reconnaissance et la crédibilité qu'elles méritent.
En effet, il introduit la séparation nette entre les professions d'assistant maternel et d'assistant familial, il consacre la formation professionnelle et, enfin, il opère un rapprochement entre le statut juridique des assistants maternels et familiaux et celui des personnes relevant du droit commun du code du travail, chaque fois que cela est pertinent.
Ce texte apportera des réponses concrètes et justes aux professionnels ainsi qu'aux familles en offrant une opportunité de professionnalisation et en apportant des améliorations tangibles en matière d'accueil du jeune enfant et, surtout, de prise en charge des mineurs en difficulté.
Le groupe UMP se félicite que ces métiers, dont l'utilité sociale est unanimement reconnue, soient enfin considérés comme des professions à part entière.
A l'occasion de la discussion, le Sénat a enrichi le projet de loi grâce au remarquable travail de notre rapporteur, M. Jean-Pierre Fourcade, et à un dialogue constructif avec le Gouvernement. En témoignent les amendements adoptés sur l'initiative de M. le rapporteur, qui précisent et améliorent le texte.
Ainsi, le Sénat a voulu donner la priorité aux assistants maternels et familiaux dans l'attribution des logements sociaux.
Nous avons également souhaité que les relais assistants maternels se voient reconnaître une existence légale.
De même, le Sénat a tenu à ce que les extensions de compétences pour les collectivités territoriales, dans le domaine de la formation professionnelle notamment, fassent l'objet d'une compensation financière de la part de l'Etat.
Enfin, je voudrais vous remercier, madame la ministre, de la qualité d'écoute que vous avez manifestée tout au long de nos débats.
Pour toutes ces raisons, le groupe UMP votera avec conviction ce texte, qui s'inscrit pleinement dans le cadre de la politique volontariste destinée à améliorer la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle que mène le Gouvernement depuis maintenant deux ans. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Gilbert Barbier.
M. Gilbert Barbier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le texte dont nous achevons l'examen vise à apporter des améliorations dans un domaine qui touche un véritable phénomène de société : la garde rémunérée des enfants.
En effet, 740 000 enfants de moins de six ans sont accueillis par 300 000 assistants à titre non permanent. Cette forme d'accueil, qui s'est fortement développée, correspond aujourd'hui au principal mode de garde des enfants.
Parallèlement, 42 000 assistants maternels à titre permanent accueillent près de 65 000 enfants dans le cadre de la protection de l'enfance. C'est le mode d'accueil privilégié des enfants séparés de leur famille, puisqu'il représente 55 % de l'ensemble des mesures d'hébergement.
La situation actuelle se caractérise par une capacité d'accueil trop faible et une trop grande précarité du statut professionnel.
Pour faire face à la demande croissante des parents et améliorer le statut des professionnels concernés, qui n'ont pas connu de revalorisation ni de réorganisation depuis 1992, il était urgent d'engager une réforme. Il nous était en effet impossible de rester plus longtemps indifférents aux revendications légitimes de personnes qui exercent le plus souvent leur métier avec dévouement mais aussi avec coeur.
Madame la ministre, ce texte très attendu marque une avancée en termes de reconnaissance de ces deux professions distinctes, de protection sociale, de lutte contre la précarité et d'amélioration du statut de ceux qui les exercent. A ce titre, je me félicite du rapprochement qui a été réalisé avec le droit commun du travail.
Les propositions de notre excellent rapporteur, dont je salue ici le travail, ont sensiblement enrichi le projet de loi. Je pense notamment à la priorité dans l'attribution des logements sociaux, à l'adaptation des horaires de travail des assistants maternels, et surtout au dispositif de l'amendement n° 18, dont on peut espérer qu'il sera définitivement adopté à l'issue du processus législatif.
Pour toutes ces raisons, la majorité du groupe du Rassemblement démocratique et social européen approuve la démarche du Gouvernement et votera ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Odette Terrade.
Mme Odette Terrade. Lors de la discussion générale, j'avais indiqué que, entre les dispositions sur lesquelles nous portions une appréciation positive et celles qui nous semblaient difficilement acceptables - sans parler de celles dont nous ne pouvions que déplorer l'absence -, le bilan que les sénatrices et sénateurs du groupe CRC dressaient sur l'ensemble du projet de loi était plutôt négatif.
Le débat a été constructif et nous avons noté l'adoption de notre amendement n° 63, qui tend à prendre en compte l'intérêt de l'enfant. Cependant, malgré quelques avancées et la volonté affichée de donner aux assistants maternels et familiaux le statut que nombre d'entre eux attendent, le compte n'y est pas. En particulier, manquent les éléments qui auraient dû sécuriser davantage leurs conditions de travail en les rapprochant du droit commun.
Nous n'avons pas obtenu satisfaction non plus quant à leur intégration dans la fonction publique territoriale. De même, l'harmonisation nationale que nous réclamions a été, en vertu d'une vision ultralibérale, constamment refusée par la commission et par le Gouvernement. Et il en a été également ainsi concernant la retraite, les rémunérations, le nombre d'enfants accueillis.
L'examen de ce texte par notre assemblée aurait dû permettre d'apporter les réponses adéquates aux enjeux de la professionnalisation de ce métier. Cela n'a pas été le cas et nous le regrettons.
C'est pourquoi, dans l'attente de la deuxième lecture, nous nous abstiendrons sur le texte issu des travaux du Sénat. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme Gisèle Printz.
Mme Gisèle Printz. Au terme de la discussion sur ce projet de loi, je constate que les amendements que nous avons présentés ont tous été refusés, à l'exception de l'amendement n° 22.
Ils étaient pourtant la traduction de demandes formulées par les nombreux assistants maternels et familiaux que nous avons rencontrés et ils concernaient principalement l'uniformisation des salaires sur tout le territoire, une formation professionnelle reconnue sur tout le territoire, l'obtention de l'agrément à partir d'une grille nationale, ou encore des indemnités et fournitures identiques sur tout le territoire.
Ces demandes allaient dans le sens d'une meilleure reconnaissance de la profession considérée ; il s'agissait, en quelque sorte, de lui donner ses lettres de noblesse.
On nous a objecté que certains de ces amendements étaient de nature à favoriser le « travail au noir », ce dont je ne suis pas du tout convaincue.
Cela étant, je reconnais que ce projet de loi apporte certaines améliorations à la profession. Malheureusement, beaucoup d'entre elles restent suspendues à des décrets, dont nous n'avons évidemment pas la maîtrise. Des avancées plus substantielles auraient pu être intégrées dans le texte de loi. Cela n'a pas été le cas et nous le regrettons vivement.
La profession d'assistant maternel ou d'assistant familial doit être reconnue comme une profession à part entière, avec les mêmes droits et devoirs que toute autre profession.
Compte tenu des réserves qui précèdent, nous nous abstiendrons sur l'ensemble du texte. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Adrien Gouteyron.
M. Adrien Gouteyron. Bien entendu, comme mes collègues du groupe UMP, je voterai le texte qui est issu de nos travaux.
Mais je voudrais surtout rappeler que ce texte correspond à une vraie demande, fortement exprimée par les professionnels. Nous nous réjouissons, madame la ministre, que le Gouvernement ait entendu cette demande, apportant des réponses en ce qui concerne tant la formation que la rémunération ou les garanties sociales et juridiques. Cette profession en avait besoin et l'hommage que lui rend ce texte implicitement revêt une grande importance.
Ce texte répond aussi à une demande sociale parce que certains enfants ont besoin de ce type d'accueil : ils ont besoin d'un accueil familial, généreux et chaleureux.
J'insiste sur le fait que nous devons disposer, en France, de plusieurs modes de garde. Il est utile, voire indispensable que, à côté des modes de garde collectifs, il existe des assistants maternels et des assistants familiaux. Je me réjouis que le texte prenne en compte cette nécessité sociale.
Par ailleurs, nos concitoyens ont parfois un peu tendance à oublier que les collectivités locales font, elles aussi, des efforts considérables pour l'accueil de la petite enfance. Je rappelle, en particulier, ceux qui sont consentis dans tous les départements de France pour créer et financer des relais assistantes maternelles. J'en gère un dans ma communauté de communes et je sais ce que cela coûte ! Je sais aussi que, au départ, le besoin n'était pas bien défini mais que, après quelques années de fonctionnement, ce relais apporte de réels bienfaits.
Je tenais, à l'occasion de cette explication de vote, à rendre cet hommage à l'action des collectivités locales en la matière.
Je veux maintenant remercier notre rapporteur, M. Jean-Pierre Fourcade, des excellents amendements qu'il a fait adopter. Je mentionnerai en particulier celui qui garantit la compensation, conformément à la disposition qui a été récemment ajoutée à notre Constitution. Je n'insiste pas, madame la ministre, mais il est clair que cet amendement apporte une espèce de garantie politique à votre texte, car il en assure la consistance et la pérennité.
Par ailleurs, monsieur Fourcade, je vous ai entendu avec intérêt évoquer le compte épargne temps. Mme la ministre n'a pas voulu accepter l'expression, mais l'idée est restée. En tout cas, il fallait bien garder le mot « compte », comme vous l'avez souhaité, de manière que la capitalisation soit utilisable pour la retraite. Je crois que cela est conforme à ce que le Sénat avait voté lors de l'examen de la loi portant réforme des retraites.
Madame la ministre, nous nous félicitons que le Gouvernement nous ait soumis ce texte et nous le voterons avec enthousiasme. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Je tiens tout d'abord à remercier M. Jean-Pierre Fourcade de son excellent rapport et de ses non moins excellents amendements.
Le travail de la commission a effectivement été fructueux et, grâce à son rapporteur, en particulier, elle a pleinement rempli sa mission.
Je veux également remercier tous nos collègues qui ont animé ce débat et lui ont permis de progresser.
Madame la ministre, je me réjouis que le calendrier de nos travaux, qui est fixé par le Gouvernement, vous ait permis de présenter d'abord ici, au Sénat, le premier texte que vous défendez devant le Parlement.
Le vote qui va intervenir, madame la ministre, sera quasi unanime puisqu'une abstention de l'opposition vaut pratiquement soutien. (Exclamations amusées sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. Guy Fischer. Là, vous interprétez ! (Sourires.)
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Eh bien, que ce vote soit pour vous, et pour l'ensemble du Gouvernement, un encouragement ! (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, avant que le Sénat aborde le point suivant de l'ordre du jour, je souhaiterais que la commission puisse se réunir pendant environ un quart d'heure.
M. le président. Nous allons, bien entendu, accéder à cette demande et interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures cinquante-cinq, est reprise à dix-huit heures quinze, sous la présidence de M. Jean-Claude Gaudin.)
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Claude Gaudin
vice-président
5
RAPPELs AU RÈGLEMENT
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour un rappel au règlement.
M. Guy Fischer. Monsieur le président, la commission des affaires sociales vient de se réunir pour examiner les motions qui ont été déposées sur ce texte.
A cette occasion, M. le président de la commission des affaires sociales a eu la délicatesse de nous avertir...
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Je plaide coupable !
M. Guy Fischer. ... que notre calendrier de travail allait être, une fois de plus, modifié.
Nous savons que plusieurs textes sont en cours d'examen : la politique de santé publique, la bioéthique, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, notamment.
Le bruit courait que le texte sur la bioéthique viendrait en discussion le 23 juin devant le Sénat, ce qui nous semblait un délai acceptable, surtout au regard des sujets traités. Or nous venons d'apprendre qu'il y a de grandes chances - mais c'est la conférence des présidents qui en décidera - que ce texte soit examiné le 8 juin prochain, l'après-midi et le soir,...
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C'est en effet une chance !
M. Guy Fischer. ... parce que le projet de loi relatif à l'octroi de mer, dont la discussion était initialement prévue à cette date, ne serait pas inscrit à l'ordre du jour. Il est affligeant de mettre ainsi deux textes en balance et de s'engouffrer dans un vide de l'ordre du jour !
Alors que le texte sur la bioéthique renvoie à la foi ou à l'éthique de chacun et que l'importance de ces sujets, qui mobilisent les scientifiques et les philosophes, mérite une discussion, il nous faudra donc aborder ce projet de loi dans la précipitation.
J'élève une protestation véhémente, monsieur le président : il n'est pas possible de travailler dans ces conditions, car c'est véritablement mépriser la représentation parlementaire, et plus particulièrement le Sénat.
M. Roland Muzeau. Absolument !
M. le président. Je vous donne acte de votre déclaration, monsieur Fischer, et je rapporterai fidèlement vos propos à M. le président du Sénat.
La parole est à M. Gilbert Chabroux, pour un rappel au règlement.
M. Gilbert Chabroux. Je tiens simplement à dire que le groupe socialiste s'associe à la protestation émise par M. Guy Fischer au nom du groupe CRC.
Nous considérons que cette façon de travailler est tout à fait inacceptable. Nous ne comprenons pas que l'on veuille nous imposer de traiter de la bioéthique, un sujet si important, en un laps de temps aussi restreint.
Ce texte devrait venir en discussion le 8 juin, à la place du projet de loi relatif à l'octroi de mer. Nous ne comprenons pas cette substitution qui, je le répète, nous semble tout à fait inacceptable et indigne.
M. le président. Je vous donne acte de votre déclaration, dont je ferai également part à M. le président du Sénat.
6
solidarité pour l'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées
Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence
M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 299, 2003-2004), adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif à la solidarité pour l'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées. [Rapport n° 313 (2003-2004) et avis n° 315 (2003-2004).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre délégué.
M. Hubert Falco, ministre délégué aux personnes âgées. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, après le drame de l'été dernier, le Sénat s'est mobilisé rapidement. Sa mission d'information a contribué à expliquer les causes de la catastrophe et ses propositions ont nourri la réflexion du Gouvernement et le plan d'action qui a suivi.
Aujourd'hui, nous commençons la discussion du projet de loi relatif à la solidarité pour l'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées. Je sais que, une nouvelle fois, je peux faire confiance au Sénat pour améliorer ce texte.
Mesdames, messieurs les sénateurs, l'unité vivante d'un peuple repose sur la solidarité entre ses générations. De l'enfance à l'âge avancé, chacune d'elles doit avoir sa place dans notre société. La considération que l'on marque aux personnes âgées est toujours à la mesure de l'attachement que l'on éprouve pour son pays et son histoire.
Un pays fort de son passé et confiant en son avenir est un pays qui se soucie de ses aînés.
La France doit accompagner cette grande révolution sociale qu'est le vieillissement. Elle doit le faire par une politique réaliste, responsable, fraternelle et pérenne.
Certains auraient souhaité le « tout en un », la réforme absolue, celle qui résout tout immédiatement. Ils s'émeuvent, notamment, de l'urgence dans laquelle nous légiférons, alors que le contour de la réforme de l'assurance maladie est en cours de discussion avec les partenaires sociaux.
Mais attendre cette réforme, ce serait se priver de tout financement supplémentaire pour cette année. Or nous avons déjà pris du retard.
Ainsi, sur 650 000 places en hébergement, seul un tiers des lits sont médicalisés à ce jour. A domicile, nous n'avons qu'une place de soins infirmiers pour sept personnes de plus de soixante-quinze ans. Enfin, nous manquons cruellement de places en accueil de jour et en hébergement temporaire pour les 800 000 personnes atteintes de ce véritable fléau qu'est la maladie d'Alzheimer ou d'affections apparentées.
Face à une telle situation, comment pourrions-nous expliquer à nos concitoyens qu'il faut attendre encore un an pour obtenir des moyens indispensables au maintien de la dignité de nos aînés ?
« On ne fait pas de politique en dehors des réalités », disait le général de Gaulle. Or, la réalité, quelle est-elle ?
C'est une canicule, en 2003, qui a révélé le retard accumulé dans la prise en charge des personnes âgées, à domicile comme en établissement ; c'est également une France qui vieillit et des politiques publiques qui n'ont pas suivi le rythme de la révolution démographique en cours.
C'est en tenant compte de cette réalité pressante que nous avons agi.
II nous fallait tout à la fois prendre acte de la révolution de la longévité et tirer les leçons de l'imprévision du drame de l'été 2003. C'est dans ce but que le Gouvernement a lancé, dès le mois de septembre dernier, l'élaboration concertée d'une réforme de solidarité pour les personnes dépendantes, qui a été annoncée le 6 novembre par M. le Premier ministre.
Cette réforme comporte deux volets : un plan « vieillissement et solidarités », dont je vais rappeler les principales avancées, et un volet « personnes handicapées », dont vous parlera Marie-Anne Montchamp.
Le plan « vieillissement et solidarités » amplifie fortement la politique que nous avons mise en oeuvre depuis 2002. Il vise à satisfaire les besoins de prise en charge nés du vieillissement démographique, à répondre aux souhaits de vie des Français âgés et à instaurer une véritable organisation gérontologique.
Son premier objectif est d'instaurer un système de veille, d'alerte et d'urgence - qui n'existait pas - pour prévenir les événements climatiques et y faire face.
Les effets physiologiques très rapides d'un pic de chaleur rendent nécessaires une anticipation météorologique efficace. Dans ce domaine, il est très vite trop tard. Prévoir et agir en amont est indispensable.
C'est pourquoi, sous notre impulsion, l'Institut de veille sanitaire et Météo France ont signé un accord pour mettre en place un dispositif d'anticipation, qui sera opérationnel dès le 1er juin 2004. Il permettra de repérer à l'avance les situations météorologiques à risque sanitaire et de prévenir la population en fonction de plusieurs seuils d'alerte.
Ainsi, un réseau de surveillance et d'intervention, qui est en cours d'installation, remédiera au caractère parcellaire et disséminé des informations qui, l'été dernier, a tant retardé la prise de conscience du drame.
En outre, pour garantir la rapidité d'action, une chaîne a été établie. Celle-ci va de la veille par les services météorologiques à l'alerte par l'Institut de veille sanitaire, puis au déclenchement des opérations par le préfet et, enfin, à l'intervention des services sanitaires et sociaux auprès des personnes âgées et des personnes handicapées isolées recensées, à leur demande, dans chaque commune.
La prévention des effets de la canicule appelle également l'installation d'une pièce rafraîchie dans chaque établissement pour permettre aux personnes âgées - c'est très important - de récupérer en restant au moins trois heures par jour dans un lieu à température maîtrisée. Cette installation devra être achevée avant l'été. C'est pour nous une absolue priorité.
J'ai eu l'occasion de m'exprimer devant la mission d'information du Sénat sur le drame que nous avons connu en août 2003.
Certes, nous sommes peut-être plus habitués aux grandes chaleurs dans le Sud. Mais ce qui a été le plus dramatique, pour les personnes âgées dépendantes et les personnes handicapées, ce sont les trois nuits du 11 au 14 août, durant lesquelles elles n'ont pas pu récupérer. Nous avons ainsi recensé - hélas ! - près de 3 000 décès dans la nuit du 11 au 12 août, dont bon nombre auraient pu être évités si nous avions été en mesure d'organiser des plages de récupération. En effet, tous les éminents spécialistes nous l'ont expliqué, l'organisme, dans son cycle normal, a besoin de récupérer.
Nous nous proposons de remédier à cette carence en mettant à la disposition des personnes âgées des pièces rafraîchies, où elles pourront récupérer au moins trois heures par jour.
Pour aider les établissements à s'équiper, le Gouvernement apporte un concours financier important puisqu'il est garanti à tout établissement une prise en charge publique à hauteur de 40 % du coût de son équipement, dans la limite d'un plafond de 15 000 euros par tranche de 80 lits.
L'Etat a dégagé 40 millions d'euros pour financer cette aide. Par ailleurs, certaines collectivités et bon nombre de départements se sont déjà engagés à accompagner cet effort sur le plan financier.
Au sein de la Haute Assemblée, je sais que siègent de nombreux présidents de conseils généraux, de droite comme de gauche. Je tiens à les remercier. Je compte en effet sur les élus de la nation pour veiller, au-delà de toute polémique partisane, qui ne serait pas de mise face à un pareil drame, à ce que les établissements de leur circonscription s'équipent au plus vite. Le Gouvernement a besoin de la mobilisation de tous.
Ce système de veille, d'alerte et d'urgence est accompagné d'un accroissement sans précédent des moyens de prise en charge et d'encadrement des personnes âgées. Ils s'élèveront ainsi à 4 milliards d'euros d'ici à 2007, auxquels il faut ajouter 4 milliards d'euros pour les personnes handicapées. Ma collègue Marie-Anne Monchamp vous en parlera tout à l'heure.
Le plan alloue 400 millions d'euros supplémentaires par an à l'APA, l'allocation personnalisée d'autonomie.
Il accélère la médicalisation des services à domicile et des établissements : 470 millions d'euros supplémentaires y sont consacrés dès 2004, dont 300 millions d'euros ont été inscrits dès le 1er janvier de cette année. En outre, 2 000 conventions tripartites, permettant de médicaliser 160 000 lits, pourront être signées cette année.
D'ici à 2007, le plan prévoit également 10 000 places nouvelles en établissement, soit l'équivalent de près de 150 nouvelles maisons de retraites.
Enfin, 15 000 personnels soignants seront recrutés sur quatre ans en établissement, et 10 000 à domicile.
Vous l'avez bien compris, cet effort financier est destiné à mieux répondre au choix de vie des Français âgés.
Il entend, tout d'abord, permettre aux personnes âgées de conserver leur mode de vie le plus longtemps possible. Vous le savez tous, la plupart d'entre elles souhaitent en effet demeurer à leur domicile, où elles ont leurs habitudes et leurs racines. Nous devons les y aider.
C'est la raison pour laquelle nous créons 17 000 places dans les services de soins infirmiers à domicile, ainsi que 4 500 places d'hébergement temporaire et 8 500 places d'accueil de jour dédiées à la prise en charge des personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer ou d'affections apparentées.
Ce souci de satisfaire les choix de vie de chacun nous amène également à étoffer la palette des modes d'hébergement proposés afin d'offrir à nos concitoyens un choix varié qui réponde au mieux à leurs besoins et à leurs souhaits. Ainsi, pour éviter que la personne n'ait à choisir entre le « tout établissement » et le « tout domicile », nous encourageons une formule intermédiaire, les petites unités de vie et les résidences intégrées, qui préserve l'intégration des personnes au coeur des villes, des villages et des quartiers.
Le plan prévoit aussi la création d'une véritable organisation gérontologique fondée sur la proximité et sur une meilleure articulation entre les secteurs sanitaire et social.
C'est dans le cadre général de ce plan et pour contribuer à sa mise en oeuvre effective que s'inscrit le projet de loi dont nous allons débattre.
Après la prestation spécifique dépendance et l'allocation personnalisée d'autonomie, étapes significatives dans la prise en charge sociale de la perte d'autonomie, le projet de loi que le Gouvernement vous soumet pose les bases institutionnelles d'une prise en charge globale du vieillissement dans notre pays.
C'est un texte fondateur, car il envisage la question de la dépendance dans sa globalité. Il lui attribue - c'est un élément très important - une ressource propre et pérenne. Il vise aussi à créer un organisme spécifiquement dédié au financement de ce nouveau risque social.
Ce projet de loi a un double objet : d'abord, instituer le plan d'alerte et d'urgence ; ensuite, accompagner cette véritable révolution sociale qu'est le vieillissement en renforçant et en organisant le financement de l'aide aux personnes en perte d'autonomie.
Le plan d'alerte et d'urgence vise à parer aux situations de risques exceptionnelles.
Chaque département devra se doter d'un plan qui sera préparé par le préfet et par le président du conseil général. Décidée par le représentant de l'Etat, sa mise en oeuvre déclenchera le plan bleu dans les établissements - l'équivalent du plan blanc pour les hôpitaux - et l'intervention des services sanitaires et sociaux auprès des personnes âgées ou handicapées isolées à domicile.
Le projet de loi vise en outre à rattraper le retard accumulé dans la prise en charge de nos personnes âgées ou handicapées. Il renforce considérablement les moyens des politiques consacrées à la perte d'autonomie.
La mise en place de la PSD, de l'APA et du plan de médicalisation avait amorcé une réponse collective à cette difficulté. Cependant, l'action engagée n'était pas suffisamment financée. D'une part, il manquait 1,2 milliard d'euros en 2003 pour financer l'APA ; d'autre part, au rythme du conventionnement réalisé entre 2000 et 2002, il aurait fallu de très nombreuses années pour renforcer correctement le taux d'encadrement en personnel soignant des maisons de retraite médicalisées.
Je rappelle que seules 330 conventions ont été signées en 2001, alors que 8 500 établissements étaient concernés. C'est pourquoi nous avions déjà accéléré leur signature : 1 100 conventions ont été conclues en 2002, dont 700 au second semestre ; au cours de l'année dernière, 1 000 conventions ont été signées. Ce chiffre est toujours très insuffisant !
Mesdames, messieurs les sénateurs, une bonne intention sans financement pérenne n'engage à rien. Une attitude responsable impose des décisions réalistes fondées sur un budget garanti. C'est la raison pour laquelle ce projet de loi apporte les moyens nécessaires pour pérenniser les dispositifs antérieurs, les développer et, surtout, accélérer leur mise en oeuvre.
J'en viens à la journée de solidarité.
Ce financement est doublement innovant. D'abord, au lieu de ponctionner un peu plus la richesse présente, ce qui, à nos yeux, nuirait à la croissance et au pouvoir d'achat, il est permet la création de richesses nouvelles grâce à une journée de travail supplémentaire dans l'année.
M. Roland Muzeau. La corvée !
M. Hubert Falco, ministre délégué. La corvée, monsieur Muzeau, était due aux seigneurs par les vassaux, et cela ne concerne pas les personnes âgées !
M. Gilbert Chabroux. Le régime des seigneurs est de retour !
M. Roland Muzeau. Seuls les travailleurs sont mis à contribution, pas le MEDEF !
M. Hubert Falco, ministre délégué. Nous en reparlerons... dans le calme.
En outre, l'affectation du produit de cette journée est garantie par son versement à une caisse spécifique.
Loin d'être nouvelle, l'idée de financer un plan d'action en faveur des personnes âgées et des personnes handicapées par l'instauration d'une journée de solidarité a déjà été avancée par plusieurs associations. Au demeurant, l'Allemagne la met en oeuvre avec succès depuis quelques années (Murmures sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC)...
Attendez la suite : l'Allemagne est même en train d'étudier la création de deux jours de solidarité supplémentaires !
M. Gilbert Chabroux. Eh oui ! Tous les jours de congé !
M. Hubert Falco, ministre délégué. Et, mieux encore, cette idée a été soutenue, mesdames, messieurs les sénateurs, par cent députés dans un appel que je tiens à votre disposition et qui a été publié par le journal La Vie le 26 juin 2003. La liste comprenait des parlementaires de toutes tendances politiques - ce que je trouve naturel - et la gauche n'était pas en reste puisqu'on peut y lire les noms de MM. Fabius, Ayrault, Terrasse, Bianco, Migaud, Le Drian, celui de Mme Lebranchu... et de bien d'autres encore !
M. Gilbert Chabroux. Il ne faut pas tout confondre !
M. Hubert Falco, ministre délégué. Vous le voyez, le 26 juin 2003, bon nombre de vos collègues de gauche partageaient notre idée d'instaurer ce jour de solidarité !
M. Gilbert Chabroux. Il n'était pas obligatoire!
M. Hubert Falco, ministre délégué. Il est vrai qu'à l'époque on annonçait que 80 % des Français étaient favorables à cette idée. Vos collègues vivant au rythme des sondages, dès lors qu'un sondage a montré une plus faible adhésion à cette journée, eh bien, ils s'y sont dits moins favorables. Mais ils avaient signé !
Cette journée concrétise une des valeurs fondatrices de notre République, celle de la fraternité. Elle met en oeuvre une solidarité concrète, plus expressive que la solidarité comptable, fondée sur des transferts sociaux anonymes. Une telle solidarité, avouez-le, s'imposait après le drame de l'été dernier.
M. Bernard Cazeau. Une solidarité par le travail !
M. Hubert Falco, ministre délégué. Il ne s'agit pas, comme on a pu l'entendre ici ou là, d'un « jour sanction ». (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Roland Muzeau. Mais si !
M. Roland Muzeau. Mais 76 % des Français sont contre !
M. Hubert Falco, ministre délégué. Ils sont des adultes soucieux de solidarité, et ils sont prêts à en assumer la responsabilité.
Les Français veulent que nous agissions de façon responsable, c'est-à-dire en finançant les mesures que nous prenons, ce qui n'a pas toujours été fait.
Ils veulent aussi qu'on ne porte pas atteinte au pouvoir d'achat et que l'on tienne compte de la situation dégradée de nos comptes sociaux.
Mesdames, messieurs les sénateurs, les Français - de toutes tendances, au-delà des clivages politiques, sociaux, économiques et religieux - sont généreux. Ils se mobilisent chaque année par millions pour apporter leurs dons à la recherche médicale. Je suis convaincu qu'au fond d'eux-mêmes nos concitoyens, dans leur très grande majorité, sont prêts à travailler une journée supplémentaire pour exprimer leur solidarité avec leurs aînés et avec les personnes handicapées.
Certains ont voulu voir dans cette mesure une tentative de mettre à bas la réduction du temps de travail.
M. Jean-Pierre Godefroy. Bien sûr !
M. Guy Fischer. Oui, c'est la réalité !
M. Hubert Falco, ministre délégué. Mais de quel effort s'agit-il en réalité ? De sept heures par an ! Sept heures, mesdames, messieurs les sénateurs, soit 4 % des 175 heures de réduction du temps de travail, et 0,4 % du temps de travail total...
M. Guy Fischer. Cela commence comme cela !
M. Hubert Falco, ministre délégué. Je vous le demande : avec de tels pourcentages, où est la remise en cause des 35 heures ?
M. Gilbert Chabroux. C'est le premier pas qui coûte !
M. Hubert Falco, ministre délégué. Cette journée de solidarité sera fixée librement et après concertation, dans le secteur privé comme dans le secteur public. Ce n'est qu'à défaut de trouver une autre solution que le lundi de la Pentecôte sera travaillé.
Les salariés et les fonctionnaires donneront un peu de leur temps, mais ils ne perdront aucun pouvoir d'achat, contrairement à ce qu'auraient entraîné les augmentations de cotisation salariale ou les suppléments d'impôts qu'appellent un peu trop facilement quelques-uns.
M. Roland Muzeau. C'est vrai que vous, vous baissez les impôts. Mais pour les plus riches !
M. Guy Fischer. Vous voulez supprimer l'ISF !
M. Hubert Falco, ministre délégué. Oui, nous avons baissé les impôts ! Et, pour ce qui est d'augmenter le SMIC, nous avons fait mieux que vous !
En contrepartie de cet effort des salariés, les employeurs publics et privés restitueront au profit de la solidarité nationale la valeur ajoutée produite par la journée supplémentaire de travail.
Cette restitution prendra la forme d'une contribution patronale dont le niveau a été estimé à 0,3 % des salaires et des traitements.
La solidarité des Français sera, en outre, équitablement répartie : les salariés et les fonctionnaires y participeront ; les travailleurs indépendants et les agriculteurs aussi, qui s'acquitteront de la contribution dès lors qu'ils emploient au moins un salarié. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Enfin, cet effort ne reposera pas uniquement sur ceux qui travaillent, puisque les revenus du capital seront redevables d'une participation d'un même montant, à l'exception des produits de l'épargne populaire.
M. Guy Fischer. Heureusement !
M. Hubert Falco, ministre délégué. Les personnes âgées modestes ne seront donc pas touchées. Ainsi, on ne peut aucunement prétendre que la contribution n'est pas équitablement répartie.
J'aborderai maintenant la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie.
L'affectation du montant collecté, soit près de 2 milliards d'euros chaque année, sera garantie grâce à son versement à une caisse nationale de solidarité pour l'autonomie et grâce à la transparence complète du dispositif.
Les Français doivent être certains du bien-fondé de leur effort. Afin que la journée de solidarité corresponde bien à des actions en faveur des personnes dépendantes, son produit ne sera pas fondu dans le budget de l'Etat ou dans les comptes de la sécurité sociale, mais il sera affecté à un organisme bien identifié.
M. Guy Fischer. Une agence ?
M. Hubert Falco, ministre délégué. Et, pour en assurer la transparence, celui-ci sera institué sous forme d'établissement public national à caractère administratif. Ses organes de surveillance associeront des élus, des parlementaires de toutes tendances, les partenaires sociaux et des représentants des milieux associatifs.
Des interrogations se sont néanmoins exprimées à l'égard de cet organisme, et la dénomination de « caisse » a pu induire en erreur sur les intentions du Gouvernement. Ce terme marque notre volonté de mettre en place une politique forte et globale en faveur des personnes âgées. II ne signifie nullement une quelconque dérive vers une sécurité sociale à deux vitesses.
M. Roland Muzeau. Eh si !
M. Guy Fischer. Oui : ce sera l'assurance privée !
M. Hubert Falco, ministre délégué. Les personnes âgées comme les personnes handicapées continueront, bien évidemment, de relever de la Caisse nationale d'assurance maladie pour tout ce qui concerne leurs soins. Simplement, à cette prise en charge sanitaire, la nouvelle caisse apportera une prestation nouvelle : la prise en charge de la dépendance.
Etant donné l'urgence dans laquelle nous devons légiférer, il va de soi que le présent projet de loi n'a pas pour objet de définir tous les contours de cette structure. Ses missions définitives seront arrêtées après concertation, sur la base des orientations de la réforme de l'assurance maladie.
A quelles actions le budget de cette caisse sera-t-il consacré ?
Le premier objectif, je l'ai indiqué, est de pérenniser le financement complémentaire que nous avons instauré en 2003 pour sauvegarder l'allocation personnalisée d'autonomie, l'APA : 400 millions d'euros s'ajouteront désormais chaque année au dixième de point de CSG déjà affecté au fonds de financement de l'APA, le FFAPA.
L'emprunt de même montant contracté au titre de 2003 sera remboursé dès cette année par anticipation. La caisse sera ainsi en mesure de mettre un terme de manière durable à la grave impasse financière héritée du précédent gouvernement.
M. Claude Domeizel. Arrêtez !
M. Hubert Falco, ministre délégué. Le deuxième objectif de la caisse, c'est de financer le plan « vieillissement et solidarités », qui vise à favoriser la médicalisation des établissements, la modernisation des services d'aide à domicile, la création de places et le renforcement du personnel.
A compter de 2005, le champ d'action de la caisse sera étendu à la perte d'autonomie résultant du handicap.
Mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi dont nous allons discuter a un objet simple : remettre nos politiques publiques en phase avec notre démographie.
II s'agit de consolider une répartition nouvelle des responsabilités entre les collectivités publiques. La réforme privilégie, en effet, un mode de gestion décentralisé, fondé sur la proximité et adossé à une organisation nationale garante de l'utilisation exclusive de la nouvelle ressource au bénéfice des personnes dépendantes. La nouvelle caisse ne démembre nullement l'organisation actuelle de la sécurité sociale, mais maintient son unité et préserve l'universalité de l'assurance maladie, en refusant toute prise en charge différenciée des soins aux personnes âgées.
Enfin, la réforme établit, pour la première fois dans l'histoire de la protection sociale de notre pays, une logique de prise en charge globale de la perte d'autonomie, qu'elle soit due à l'âge ou au handicap.
Certes, on peut toujours faire mieux et plus. Reconnaissons néanmoins que ce projet de loi constitue une véritable avancée face au défi du vieillissement.
Les circonstances tragiques qui en ont accéléré l'élaboration doivent nous rappeler la nécessité impérieuse d'anticiper les évolutions sociales et économiques de notre pays, fussent-elles taboues comme l'est encore le vieillissement.
Plutôt que de bercer les Français d'illusions, nous avons choisi un langage de vérité et de responsabilité.
Oui, nous demandons un effort, mais c'est un effort responsable, car il n'ampute pas le pouvoir d'achat de nos concitoyens.
M. Roland Muzeau. Si !
M. Roland Muzeau. Non !
M. Hubert Falco, ministre délégué. C'est enfin un effort qui fait honneur aux Français, car il est généreux. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'Etat.
Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées. Mesdames, messieurs les sénateurs, il y a quelques semaines, vous avez voté en première lecture le projet de loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.
Aujourd'hui, j'ai l'honneur de présenter devant vous, avec mon collègue Hubert Falco, le projet de loi relatif au dispositif de solidarité pour l'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées.
Ces deux projets forment un ensemble législatif qui marque un nouveau progrès de notre démocratie.
Pour la première fois, la question du handicap est posée dans les termes généraux de la capacité de notre société à reconnaître sans discrimination l'ensemble de ses membres, à fixer des règles communes dans le respect des différences, à fonder la cohésion sociale sur la diversité.
Pour la première fois, le risque dépendance-autonomie est reconnu comme un risque détaché de la condition de salarié, assuré d'un financement et d'un mode de gestion propres.
Ce projet de loi était très attendu par les personnes âgées. Il crée les moyens de financement nécessaires pour prévenir les conséquences vitales de l'isolement, pour prendre en charge la perte d'autonomie, pour organiser les services individuels et collectifs auxquels elles ont droit.
Il était aussi très attendu par les personnes handicapées. II crée en effet les moyens nécessaires au financement de la prestation personnalisée de compensation, qui permettra aux personnes handicapées d'accéder à l'ensemble des aides qui leur sont nécessaires : aides humaines, aides techniques, aménagement du logement, aides diverses.
Ce projet de loi est aussi l'aboutissement de l'annonce faite le 6 novembre dernier par le Premier ministre et qui porte l'espoir d'une refondation de la protection sociale, j'oserai dire d'un nouveau paradigme de la protection sociale, car elle reconnaît l'existence d'un risque nouveau, fait appel à un financement nouveau et met en place une gouvernance nouvelle.
Le risque dépendance-autonomie est un risque nouveau, qui n'existait pas ou n'existait que peu en 1945 alors que l'espérance de vie à la naissance et la durée moyenne de vie étaient bien plus faibles qu'aujourd'hui : l'état des connaissances scientifiques et médicales ne permettait pas les nombreuses naissances prématurées, qui sont parfois génératrices de handicap, et les accidents de la route étaient moins fréquents et moins meurtriers qu'ils ne le sont aujourd'hui.
C'est un risque universel, un risque pour tous : la naissance, la maladie, l'accident, le vieillissement peuvent engendrer une situation ou un état de dépendance plus ou moins durable.
C'est aussi un risque irréductible à d'autres risques. L'état ou la situation de dépendance ne sont en rien comparables à l'accident ou à la maladie, qui privent provisoirement le salarié de son travail et de son revenu, ni à l'événement heureux que constitue une naissance dans la famille - événement heureux qui crée cependant des charges financières supplémentaires -, ni à un retrait d'activité, qui réduit certes les revenus mais qui a fait l'objet d'une assurance préalable tout au long de la vie active.
La situation ou l'état de dépendance, la perte d'autonomie des personnes âgées dépendantes, le maintien ou la recherche d'autonomie des personnes handicapées exigent, certes, une compensation financière, mais leur spécificité consiste plutôt à organiser dans la proximité une offre de biens et de services adaptée à la personne.
Pour une personne handicapée, le droit à compensation, c'est, bien sûr, la garantie d'être en mesure de faire face aux charges spécifiques liées à son handicap. Mais c'est surtout la liberté de choisir son mode de vie, de ne pas être enfermée dans une institution, mais de trouver la réponse adaptée là où elle le souhaite, soit à domicile, soit en établissement. C'est, finalement, l'expression de l'égalité des droits et des chances.
C'est pourquoi le Gouvernement a choisi de sortir des sentiers traditionnels de la sécurité sociale pour jeter les bases d'une solidarité mieux ancrée dans la citoyenneté.
Ce qui est en cause, ce n'est ni la garantie d'un revenu de remplacement, apportée aujourd'hui par les assurances sociales, ni la garantie d'un minimum d'existence, apportée aujourd'hui par l'aide sociale des communes et des départements. Ce qui est en cause, c'est la mise en oeuvre de la solidarité nationale non pas pour exister mais parce qu'on existe.
En invitant les Françaises et les Français à travailler un jour de plus chaque année au profit des personnes âgées en perte d'autonomie ou des personnes handicapées en recherche d'autonomie, le Gouvernement établit le lien entre l'obligation individuelle et l'obligation commune et générale de venir en aide aux plus fragiles d'entre nous, conformément à notre nature même qui est de vivre ensemble.
Dans son discours du 6 novembre dernier, le Premier ministre a employé le terme « fraternité » pour donner son sens à la journée de travail supplémentaire. II a appelé à l'engagement personnel et à la solidarité de tous les Français. Il a demandé à chaque Français de « donner un peu de soi-même ».
Je crois pouvoir dire que le Premier ministre a eu là une formule juste et certainement fondatrice. En effet, l'enjeu de notre société, devenue tellement technique, bureaucratique et froide, est bien d'aller au-delà de la solidarité purement comptable, faite de transferts sociaux anonymes, pour enclencher une solidarité citoyenne, cette solidarité du corps social vivant une communauté de destin, une communauté de valeurs, une fraternité.
L'enjeu est de sortir de la société de transfert, de l'étatisation du social, de la logique du dossier et de l'ayant droit pour prendre en compte les individus singuliers, dans leur situation particulière, avec leurs aspirations et leurs projets de vie propres.
La face cachée du droit à compensation, c'est la personnalisation de l'aide, l'évaluation des besoins de la personne dans son environnement ordinaire, tenant compte de son projet de vie.
Au-delà de la solvabilisation nécessaire apportée par le versement d'une prestation, le droit à compensation conduit à organiser des métiers, des formations, à susciter des réponses adaptées et, finalement, à structurer une offre de services de proximité. Ce n'est pas dans la logique de la sécurité sociale, qui se limite à verser sur dossier des prestations, dans une logique qui fait prévaloir l'ayant droit sur la personne.
L'institution d'une journée nationale de solidarité dégage aussi un financement substantiel pour le nouveau droit à compensation : 5 milliards de francs, soit 850 millions d'euros en année pleine. Au total, des moyens considérables sont alloués à la prise en charge de la dépendance-autonomie, puisque ce sont 9 milliards d'euros supplémentaires qui lui seront consacrés d'ici à 2008, soit 20 % de crédits en plus pour la dépendance.
Nous savons tous que ni l'allocation compensatrice pour tierce personne, à la charge des départements, ni les services d'auxiliaires de vie, financés par l'Etat, ni le remboursement par l'assurance maladie des aides techniques inscrites à la liste des produits et prestations remboursables par l'assurance maladie, ne sont aujourd'hui à la hauteur du droit que revendiquent légitimement les personnes handicapées.
C'est aussi un financement qui, pour la première fois, autorise un progrès social sans réduire le niveau de vie, sans alourdir la charge des assurés sociaux, sans compromettre la compétitivité des entreprises parce qu'il mobilise la ressource la plus répandue : le temps libre.
Ainsi que l'a dit à l'instant mon collègue Hubert Falco, d'autres pays ont fait face à de nouveaux besoins avec de nouveaux moyens. Ainsi, l'Allemagne, qui a inventé les assurances sociales, a donné l'exemple en 1993 en créant une assurance dépendance financée par la suppression d'un jour férié. Osons, à notre tour, dire que la protection sociale à visée universelle ne peut plus reposer sur la seule redistribution des revenus monétaires, quel que soit le mode de prélèvement.
Enfin, la création de la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, la CNSA, répond à une demande forte des personnes handicapées, qui souhaitent désormais être pleinement associées à la gestion du risque qui les concerne.
Sans anticiper sur le deuxième texte à venir relatif à la CNSA et sur la concertation prochaine qui suivra la remise du rapport de MM. Briet et Jamet, nous souhaitons que la création de cette caisse inaugure un mode nouveau de gouvernance qui ferait une place égale aux personnes handicapées et aux personnes âgées à côté des représentants des pouvoirs publics et des partenaires sociaux. C'est ainsi que sera garantie l'indispensable égalité de traitement sur l'ensemble du territoire.
Par ailleurs, la CNSA distinguera clairement la gestion des fonds destinés au financement du droit à compensation de celle des fonds destinés à la dépendance des personnes âgées. Ces fonds ne seront pas fongibles.
L'aide aux personnes âgées dépendantes relève d'une logique de la solvabilité, d'une aide à la personne pour l'accès à un besoin collectif reconnu, de la réduction des inégalités dans l'accès aux biens publics.
Le droit à compensation évoque, d'emblée, l'égalité des conditions et conduit à neutraliser le coût financier des aménagements nécessaires afin de maintenir les mêmes conditions de vie avant et après l'occurrence du handicap.
La perte d'autonomie est quasi irréversible au regard de l'âge des personnes dépendantes. II n'en va pas nécessairement de même pour les personnes handicapées qui, le plus souvent, sont davantage en recherche d'autonomie qu'en perte d'autonomie.
En outre, une autonomie insuffisante peut être liée à une déficience autant qu'à l'environnement. Je pense, bien sûr, aux personnes dont le handicap a une composante physique, sensorielle ou auditive. Mais l'autonomie peut aussi parfois emporter des risques pour la personne elle-même ou pour un tiers. Je pense aux personnes handicapées mentales, dont il faut encadrer l'autonomie, par une protection juridique, par exemple, et aux personnes souffrant d'un handicap psychique, dont il faut organiser les formes souples de suivi et d'accompagnement.
Dans tous les cas, la compensation du handicap vise à maintenir ou à restaurer la plus grande autonomie possible et ne saurait être confondue avec l'aide qui est due aux personnes âgées dépendantes.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, l'aide à la dépendance des personnes âgées et le droit à la compensation pour les personnes handicapées sont fondamentalement liés par l'exigence de citoyenneté, le droit à vivre une vie digne, quelles que soient les raisons de cette dépendance ou de ce handicap, qu'elles soient liées à l'âge, bien sûr, mais aussi à la maladie, à l'accident, auxquels chacun d'entre nous peut se trouver provisoirement ou durablement confronté.
Aux uns et aux autres, la société tout entière se doit de garantir le maximum d'autonomie possible, la plus grande participation possible à la vie en société, le plus grand exercice de sa citoyenneté. La solidarité envers le grand âge autant qu'envers le handicap est avant tout un acte de citoyenneté partagée.
Le texte sur lequel vous êtes invités à vous prononcer ce soir est porteur d'une réforme sociale sans précédent. Il n'est pas l'achèvement d'un édifice ancien. Il marque l'avènement d'un ordre social nouveau. La création de la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie matérialise le changement de niveau et de nature de l'effort social de la nation.
Je souhaite que nous soyons guidés, tout au long de la présente discussion, par cette perspective nouvelle de protection sociale ouverte, avec la conviction que la vie vaut la peine d'être vécue, quel que soit l'âge ou le handicap. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. André Lardeux, rapporteur de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le drame humain des 15 000 décès provoqués par la canicule de l'été 2003 a rappelé cruellement à notre société le prix de son indifférence et ce qu'il en coûte de laisser se diluer les liens de solidarité les plus essentiels.
C'est davantage de notre désintérêt que des conditions climatiques qu'ont été victimes les plus fragiles de nos concitoyens.
En effet, de nos trois valeurs républicaines de liberté, d'égalité et de fraternité, ce n'est pas la troisième qui suscite le plus d'engouement ; d'ailleurs, qui parmi nous savait, avant de lire la presse de ce jour, que la présente journée était dédiée à la fraternité !
M. le ministre a rappelé tout à l'heure, comme il l'avait fait devant notre commission, que, face à cette situation, le Gouvernement avait le devoir d'agir résolument. Il a traduit cette détermination dans le plan de solidarité pour l'autonomie présenté par le Premier ministre dès l'automne dernier.
Bien évidemment, l'impasse hors de laquelle le Gouvernement doit tirer notre système de protection sociale n'a pas contribué à rendre l'action facile.
Nous savons bien à quelles difficultés il s'est trouvé confronté en arrivant aux affaires : des droits nouveaux imparfaitement financés, l'absence de réforme des régimes de retraite et d'assurance maladie, la situation des personnes handicapées laissée à l'état de friche ; autant de sujets qui expliquent que le projet de loi que nous examinons aujourd'hui ne constitue qu'un élément, parmi d'autres, d'un processus législatif global plus complexe.
Ce texte garantit néanmoins un cadre financier réaliste au plan de solidarité et il n'hypothèque pas l'issue de la concertation qui doit déboucher sur la définition d'un socle durable pour l'organisation de la prise en charge de la dépendance.
Les nombreux débats qui ont entouré ce texte ont révélé beaucoup de craintes, souvent injustifiées d'ailleurs car fondées sur une confusion entre le projet de loi lui-même et le contenu du rapport d'étape rendu public voilà peu par MM. Briet et Jamet sur l'étude connexe qui leur a été confiée par le Gouvernement. Ces craintes traduisent néanmoins l'urgence d'organiser, désormais de manière pérenne, la prise en charge de la dépendance.
Sans mettre en cause l'universalité de l'assurance maladie, ni créer « une cinquième branche » pour répondre « à un cinquième risque », le projet de loi pose aujourd'hui, de manière pragmatique, les premiers jalons d'une réforme ambitieuse.
Il se compose de trois titres : le premier est consacré à la mise en place d'un dispositif de veille et d'alerte, dont l'urgence est manifeste à cette époque de l'année ; le deuxième institue la fameuse « journée de solidarité » ; quant au troisième, il prévoit les dispositions créant une caisse nationale de solidarité et les modalités de son financement.
Permettez-moi d'évoquer brièvement le plan de veille et d'alerte, dont M. le ministre vient de nous rappeler l'importance et la manière dont il s'insère dans un dispositif plus global destiné à prévenir la répétition du drame que nous avons connu l'an dernier.
Le dispositif proposé vise à instituer un plan départemental, dont le contenu est déterminé conjointement par le préfet et le président du conseil général.
Il prévoit également de confier aux communes la charge d'établir un fichier des personnes âgées et handicapées, sur leur demande ou avec leur consentement, qui permettra aux autorités de disposer rapidement de la liste des personnes auxquelles une attention particulière doit être portée.
Bien évidemment, la commission des affaires sociales est favorable à l'adoption de ce dispositif, auquel elle apportera quelques améliorations.
J'en viens maintenant au dispositif central du texte, qui a pour objet de répondre aux défis posés par la dépendance, en conciliant pédagogie et pragmatisme.
Je pense bien sûr, au premier chef, à la transformation d'un jour férié en journée de solidarité. Ce dispositif n'est pas une innovation française puisque, vous le savez, l'Allemagne finance l'autonomie des personnes âgées, depuis de nombreuses années, selon cette modalité.
Toutefois, cette innovation dans le système français de protection sociale revêt quatre dimensions.
En premier lieu, ce choix symbolique - renoncer à l'un des onze jours fériés reconnus par solidarité envers les personnes âgées et handicapées - ouvre la porte à une réflexion plus vaste sur le rapport des Français au travail.
Le projet de loi aboutit, pour la première fois depuis plus de vingt ans, à ce qu'en France la durée du temps de travail soit majorée du fait d'une décision législative.
M. Gilbert Chabroux. Ce n'est pas glorieux !
M. André Lardeux, rapporteur. Bien que la tendance à la diminution du temps de travail soit un phénomène constaté dans l'ensemble des pays de l'OCDE, la France occupe dans ce classement une position particulière : le nombre annuel d'heures travaillées par actif occupé y est aujourd'hui inférieur d'environ 15 % à la moyenne.
Certes, l'augmentation du temps de travail résultant de la journée de solidarité reste très modeste : elle n'exige des salariés qu'une présence supplémentaire de 0,4 %. Mais elle permet de rappeler que l'extension, et même la préservation d'un système de protection sociale généreux ne pourra être financée à long terme que par l'accroissement de la production de richesse que permet le travail.
M. Adrien Gouteyron, rapporteur pour avis de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Très bien !
M. André Lardeux, rapporteur. En deuxième lieu, au-delà de sa dimension « fraternelle », selon l'expression du Premier ministre, le choix d'instituer une journée de solidarité en lieu et place d'un jour précédemment chômé conforte le constat qu'il n'est désormais plus possible d'augmenter tout simplement la pression fiscale chaque fois que des ressources doivent être trouvées.
En troisième lieu, l'instauration de cette journée préserve le revenu des ménages : certes, elle ne donne pas lieu à rémunération supplémentaire, mais les salariés mensualisés, auxquels les jours fériés sont déjà payés, ne subiront aucune perte de salaire.
Préserver la croissance, éviter de recourir à de nouveaux déficits qu'il faudrait un jour rembourser, financer demain l'assurance maladie sont autant d'arguments qui plaident pour cette solution.
Cela dit, je n'en disconviens pas, la neutralité économique de la mesure n'est pas acquise.
En quatrième lieu, enfin, si l'institution d'une journée de solidarité permet également de tenir le pari de préserver la compétitivité des entreprises en n'accroissant pas les charges qui pèsent sur le travail, ce pari est fondé sur l'hypothèse qu'un jour travaillé de plus permettra, à terme, un surcroît de valeur ajoutée dans le secteur marchand.
A ce point du débat, il nous faut nous interroger sur la situation de la fonction publique. En effet, l'ajustement dynamique que l'on espère pour le secteur privé ne peut être envisagé de la même manière pour le secteur public puisque, si celui-ci a beaucoup à offrir, il n'a rien à vendre.
Je crois profondément inexact d'y limiter l'impact de la journée de solidarité à une augmentation d'impôt. Dès lors que le dispositif est appliqué avec suffisamment de souplesse, ce que permet d'ailleurs le texte voté par l'Assemblée nationale, il peut se traduire par une amélioration du service rendu au public. À titre d'exemple, une journée de travail supplémentaire à l'hôpital permettra d'améliorer l'accueil et les soins dispensés aux usagers du système de santé.
Le pari le plus ambitieux, finalement, auquel est confrontée cette mesure est de réussir son insertion dans le droit social. Or, si l'idée de supprimer le lundi de Pentecôte est séduisante dans son principe, elle se heurte à la grande diversité du chômage des jours fériés en France.
De nombreuses entreprises font travailler leur personnel durant ces jours, moyennant quelques contreparties. Dès lors, la suppression du caractère férié du lundi de Pentecôte n'entraînera pas systématiquement pour elles de production supplémentaire. On rencontrera ce même problème lorsqu'il s'agira d'adapter la mesure au cas des entreprises travaillant en continu.
Une autre série de difficultés résulte de la situation des salariés non mensualisés. Ceux-ci bénéficient généralement du chômage des jours fériés, mais sans être rémunérés. Il serait dans ce cas singulier de leur demander d'exécuter une journée supplémentaire de travail sans aucune contrepartie financière.
Sur ces deux aspects, le Gouvernement, comme l'Assemblée nationale, a prévu les assouplissements nécessaires.
Le projet de loi initial fixait la date de la journée de solidarité au lundi de Pentecôte, mais ouvrait à la négociation collective la faculté de prévoir un autre jour.
La logique est désormais inversée. Les partenaires sociaux négocieront, et c'est seulement en cas d'échec des pourparlers que la journée de solidarité sera fixée, par défaut, au lundi de Pentecôte.
Le Gouvernement a également prévu que les salariés non mensualisés seraient rémunérés s'ils étaient amenés à travailler une journée de plus, et des dispositions spécifiques ont été envisagées pour certains cas particuliers : les salariés à temps partiel ou ceux qui, changeant d'employeur en cours d'année, pourraient être conduits à offrir deux journées de solidarité. La difficulté que j'évoquais est donc levée.
En tout état de cause, c'est la création de cette journée particulière qui rend possible la seconde innovation du projet de loi : le financement de l'autonomie des personnes âgées ou handicapées et la création d'une caisse nationale dédiée à cet objet.
En effet, l'estimation de la richesse supplémentaire produite par une journée travaillée a conduit le Gouvernement à considérer qu'une contribution équivalant à 0,3 % de la masse salariale pouvait être, en contrepartie, demandée aux entreprises.
Cette contribution sera instituée, calculée et recouvrée selon les mêmes modalités que les cotisations patronales d'assurance maladie. Elle devrait rapporter 1,6 milliard d'euros, soit 1,2 milliard versé par les employeurs privés et 400 millions par les employeurs publics.
À cette contribution s'ajoutera l'effort demandé aux revenus du patrimoine. Le projet de loi prévoit en effet une contribution additionnelle à la taxe de 2 % sur les revenus du capital, qui produira environ 300 millions d'euros de recettes supplémentaires.
Au total, c'est donc 1,9 milliard d'euros de moyens nouveaux qui sera affecté à la CNSA pour la prise en charge de l'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées, car il s'agit bien ici de créer une caisse nationale pour assurer la prise en charge du cinquième risque.
Si le financement en lui-même était urgent, puisqu'il fallait bien régler la facture de l'allocation personnalisée d'autonomie en 2003 et 2004 et prévoir les dispositions relatives au plan de veille, l'institution de la CNSA aurait pu, quant à elle, être décidée ultérieurement. En effet, dans l'attente des conclusions du rapport Briet-Jamet, le projet de loi ne peut, pour l'instant, prévoir de manière définitive les organes et les missions de cette caisse.
Le Gouvernement n'a toutefois pas voulu différer davantage ce qui constitue une mesure d'affichage forte pour les personnes âgées et handicapées, et nous comprenons cette préoccupation.
Ce faisant, nous serons conduits à nous interroger pendant quelques mois encore sur les modalités définitives qui seront retenues pour prendre en charge la dépendance en France.
Pour des raisons que je qualifierai d'historiques, je ne pense pas que la création d'une nouvelle branche de la sécurité sociale soit désormais probable.
La situation financière de la sécurité sociale, d'une part, et la riche expérience des départements dans la prise en charge de la dépendance, d'autre part, ne m'incitent pas à souhaiter que la gestion de ce risque soit confiée à la sécurité sociale.
En disant cela, on laisse entière la question de l'articulation future entre une caisse nationale, qui n'est pas une caisse de sécurité sociale et qui est chargée de garantir à tous des droits égaux et de qualité, et la gestion concrète des actions, qui comprend la distribution de prestations assurée au niveau local.
Beaucoup de points restent donc en suspens. Ils seront tranchés soit dans le cadre du projet de loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, soit ultérieurement.
En l'état, le présent projet de loi ne définit le rôle dévolu à la Caisse que dans ses grandes lignes.
En revanche, il affecte dans le détail les ressources nouvelles entre personnes âgées et personnes handicapées, en prévoyant une stricte étanchéité entre ces deux secteurs.
Ainsi, les personnes handicapées pourraient bénéficier, à partir de 2005, d'environ 850 millions d'euros, essentiellement consacrés au financement de la prestation de compensation. Les personnes âgées verraient, quant à elles, les crédits du fonds de financement de l'APA, soit 1 milliard d'euros, concentrés dans la future caisse et disposeraient en sus de 60 % des 1,9 ou 2 milliards de recettes nouvelles créées : 20 % serviront de complément pour le financement de l'APA, les 40 % restant permettant de solvabiliser les actions en faveur des personnes âgées affichées dans le plan de solidarité pour l'autonomie, c'est-à-dire la médicalisation des établissements et l'accentuation de l'effort en faveur de la vie à domicile.
Les crédits nouveaux vont donc susciter un « effet masse » avec les crédits médico-sociaux dont dispose l'assurance maladie au sein de l'ONDAM, l'objectif national de dépenses d'assurance maladie, sans pour autant s'y substituer.
Mes chers collègues, la commission des affaires sociales ne vous proposera pas de modifier en profondeur ce projet de loi, mais de lui apporter un certain nombre d'amendements de précision.
Elle insiste cependant sur la nécessité de prévoir le principe d'une compensation financière en faveur des collectivités territoriales, visant à compenser les charges qu'entraînera l'application de ce texte, conformément à l'article 72-2 de la Constitution.
En effet, le projet de loi prévoit la création d'un fichier par les communes. Or - et les auditions auxquelles j'ai procédé confirment cette prévision - cette opération constituera une charge significative pour celles-ci. Il paraît donc légitime que la prochaine loi de finances évalue cette charge et en précise les modalités de compensation.
Cette dernière remarque me conduit à remercier notre collègue M. Adrien Gouteyron pour l'excellent rapport pour avis qu'il a rédigé au nom de la commission des finances. La lecture attentive que j'en ai faite m'amène à constater, pour m'en réjouir, les larges convergences d'appréciation qui existent entre nos deux commissions.
M. Guy Fischer. Il y a aussi des critiques !
M. André Lardeux, rapporteur. J'ai bien noté, toutefois, l'inquiétude que lui inspire un éventuel aléa d'environ 100 millions d'euros concernant les rentrées possibles de la cotisation de solidarité. Cette inquiétude honore la volonté de précision, jamais démentie, de la commission des finances.
Pour sa part, la commission des affaires sociales n'a pas formulé une telle réserve. Dans un passé pas si lointain, l'expérience a montré que les prévisions de recettes assises sur l'évolution de la masse salariale peuvent être sujettes à de sérieuses corrections, à la hausse comme à la baisse.
La commission des affaires sociales veut croire que les politiques tendant à améliorer la croissance et l'emploi mises en oeuvre par le Gouvernement seront couronnées de succès et permettront d'atteindre le niveau de ressources initialement envisagé, et même de le dépasser.
M. Roland Muzeau. C'est la méthode Coué !
M. André Lardeux, rapporteur. J'ai également noté notre souhait commun que soit organisé un contrôle parlementaire de la future Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie. Certes, les modalités que nous avons respectivement envisagées divergent, mais elles nous renvoient toutes au débat désormais bien connu sur la nature du contrôle parlementaire qu'il convient de mettre en place en matière de protection sociale ou, pour parler plus simplement, sur l'articulation du champ des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale. Mais nous aurons sans doute l'occasion d'aborder ce débat plus large autrement que « par ricochet ».
En conclusion, permettez-moi, au nom de la commission des affaires sociales, de faire une observation de portée générale, qui aurait parfaitement pu être formulée par la commission des finances tant elle répond à notre souci commun. Je parle ici sous le contrôle de M. Gouteyron.
Le projet que nous examinons aujourd'hui ne résout évidemment pas de manière définitive les problèmes que pose la détérioration du rapport démographique à laquelle notre société est confrontée.
Aucun texte, d'ailleurs, ne pourrait à lui seul assurer la prise en charge pérenne des 4 millions d'octogénaires que comptera la France dans quinze ans. Une étude universitaire évalue à 12 milliards d'euros le montant des ressources nécessaires pour prendre en charge aujourd'hui, dans sa totalité, la perte d'autonomie des personnes âgées.
Une telle somme n'est-elle pas hors de notre portée ? Poser la question, c'est aussi y répondre.
En conséquence, d'autres mesures doivent ou devront être prises pour préparer cet avenir. Dans cet esprit, la proposition de loi déposée par Alain Vasselle et plusieurs de nos collègues met en avant le rôle fondamental que pourrait jouer la prévoyance individuelle ou collective si les pouvoirs publics savaient intelligemment la stimuler.
La commission des affaires sociales a étudié cette proposition de loi en même temps que le présent projet de loi. Elle vous propose d'en retenir plusieurs éléments et d'adopter des dispositifs d'incitation fiscale et sociale permettant aux personnes de s'assurer ou d'assurer leurs parents, face au risque de la dépendance. (Murmures réprobateurs sur les travées du groupe CRC.)
M. Roland Muzeau. Selon que tu es riche ou pauvre... !
M. André Lardeux, rapporteur. Telles sont, monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, les observations que je souhaitais formuler sur ce projet de loi, auquel la commission des affaires sociales a donné un avis favorable sous réserve des amendements que je vous présenterai. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Adrien Gouteyron, rapporteur pour avis de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, André Lardeux ayant tout à la fois présenté les dispositions du présent projet de loi de manière extrêmement précise et détaillée et relevé les concordances qui existent entre nos deux rapports écrits sans pour autant méconnaître nos quelques divergences, je me bornerai à formuler quelques remarques et quelques questions.
Le présent projet de loi met en oeuvre le financement du programme ambitieux annoncé par M. le Premier ministre le 6 novembre 2003, en instituant une Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie chargée de garantir l'utilisation de certaines ressources en faveur des personnes âgées et des personnes handicapées. Il vise notamment à garantir le financement de l'allocation personnalisée d'autonomie, ce que nous ne pouvons qu'approuver.
Monsieur le ministre, vous avez à juste titre rappelé que l'on ne pouvait pas attendre la réforme de l'assurance maladie, puisqu'il fallait assurer le financement de l'APA dès cette année, ce qui est précisément l'objet de cette caisse.
Nous saluons cette volonté et nous comprenons l'urgence de la situation, monsieur le ministre, ce qui relativise certaines remarques qui vont suivre. Mais je tenais à faire ce constat pour remettre ces dernières dans leur contexte.
Vous ne l'avez pas caché, monsieur le ministre, il s'agit d'un projet de transition
La mission de réflexion conduite par MM. Raoul Briet et Pierre Jamet est en cours. Un rapport d'étape a été déposé, certes intéressant, mais nous ne disposons pas encore des conclusions définitives. Nous ne connaissons pas non plus, madame la secrétaire d'Etat, les termes définitifs du projet de loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. (Murmures sur les travées du groupe CRC.)
Il subsiste donc quelques incertitudes, liées au calendrier, et il faut bien que nous les acceptions.
La commission des finances s'est tout d'abord interrogée sur la nécessité de prévoir une Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie à ce stade de la réflexion. Nombre de commissaires des finances ont fait part de leurs réserves mais, dans son ensemble, la commission a accepté le principe de la création de cette caisse.
Toutefois, monsieur le ministre, traduisant les préoccupations exprimées par la commission des finances, je souhaiterais que vous nous indiquiez précisément les raisons qui vous ont conduit à envisager dès à présent cette création, alors même que les missions définitives de la caisse, comme l'a rappelé André Lardeux, ne peuvent pas être connues à l'heure actuelle.
Vous avez mentionné dans votre discours, monsieur le ministre, la nécessité de sécuriser les ressources, ce qui ne peut que nous satisfaire, car nous le souhaitons nous aussi. Mais on peut se demander si la création de cet organisme apportera à cet égard une garantie suffisante.
Je relève ensuite que l'intitulé même de « Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie » est ambigu, dans la mesure où il fait référence au vocabulaire employé dans le domaine de la sécurité sociale. Je vous renvoie à cet égard aux propos d'André Lardeux.
Moi non plus, je ne pense pas que le « cinquième risque » assumé par la sécurité sociale corresponde véritablement aux besoins et aux questions qu'entraîne la perte d'autonomie.
Ne conviendrait-il pas de lever cette ambiguïté en changeant le nom de cet organisme ? Mais j'ai cru comprendre que le Gouvernement y était attaché pour des raisons d'affirmation forte de sa politique. MM. Briet et Jamet ont proposé le terme d'« agence ». Pour ma part, je pense que ce terme conviendrait mieux.
Le financement des actions en faveur des personnes âgées et des personnes handicapées se traduit par de nouveaux prélèvements, les uns à la charge des employeurs, en contrepartie de la journée de travail supplémentaire non rémunérée demandée aux salariés et aux agents publics, les autres pesant sur les revenus du capital.
S'agissant de la journée de travail supplémentaire non rémunérée, je veux moi aussi relever sa valeur d'affirmation de la volonté de solidarité de notre société vis-à-vis des personnes souffrant d'un handicap ou de la dépendance découlant de leur âge. Il convient d'afficher et d'exprimer fermement cette volonté. C'est le cas dans ce projet de loi, ce dont je me réjouis.
André Lardeux l'a dit, il y a dans cette relation entre la journée travaillée supplémentaire et les ressources qui en découlent une forte valeur pédagogique : l'idée que l'on ne peut distribuer que ce que l'on gagne, c'est-à-dire la richesse supplémentaire produite par le travail. Il faut que nos compatriotes en soient conscients et que, nous-mêmes, nous le leur disions et répétions.
J'en reviens à la question des prélèvements.
La contribution patronale, dont le taux a été fixé à 0,3 % de la masse salariale en fonction de l'évolution attendue de la valeur ajoutée dans le secteur marchand, se traduira par une charge nouvelle pour les entreprises et les collectivités publiques. Mais les entreprises devraient parvenir à compenser cette charge en produisant davantage de richesses, si toutefois le lien effectué entre le taux de la contribution et l'augmentation de la valeur ajoutée est conforme à la réalité économique. Or il y a là une relative incertitude.
La contribution additionnelle au prélèvement social sur les revenus du patrimoine et des produits de placements, dont le taux est aussi de 0,3 %, relève - c'est évident - d'une volonté de parallélisme qui a une valeur politique, mais qui n'a que cette valeur.
Cette hausse de la fiscalité de l'épargne appelle de la part de la commission des finances quelques remarques.
L'assiette retenue exclut les intérêts des sommes inscrites sur les livrets A, les livrets d'épargne populaire, les CODEVI, les livrets jeunes ou encore les livrets d'épargne-entreprise, qui sont exonérés de ce prélèvement.
La commission des finances a l'habitude de rappeler qu'il convient d'encourager l'épargne à long terme et le risque, alors qu'il est politiquement très facile d'exonérer les liquidités qui découlent de l'épargne populaire et des placements réglementés. C'est là une position que la commission a constamment défendue et que je crois nécessaire de rappeler à ce moment de mon propos.
Puis-je regretter, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'Etat, que l'on procède à des aménagements fiscaux par « petites touches », sans suffisamment les inscrire dans une perspective d'ensemble ? C'est le cas de cette augmentation de la fiscalité de l'épargne, alors que de nouvelles mesures sont évoquées dans le cadre de la réforme de l'assurance maladie. On verra bien ce qu'il en sera, mais il n'empêche que l'on ne peut pas ne pas se dire que ces petites « retouches » ne sont pas forcément satisfaisantes.
La commission des finances estime que la politique fiscale devrait, à l'avenir, être le fruit d'une vision cohérente, fondée sur des principes cohérents et clairement affirmés.
Au total, le niveau de ces deux recettes devrait représenter 890 à 900 millions d'euros en 2004, soit moins que ce qui avait été initialement envisagé, et entre 1,84 et 1,87 milliard d'euros en 2005. Les recettes devraient tendre vers 2,1 milliards d'euros en 2008. La Caisse recevra, en outre, une fraction du produit de la contribution sociale généralisée et une participation des régimes obligatoires de base de l'assurance vieillesse, qui étaient auparavant affectée au Fonds de financement de l'allocation personnalisée d'autonomie.
La montée en charge des dépenses doit être prise en compte lorsque l'on analyse la Caisse. Les dépenses en faveur des personnes âgées, monsieur le ministre, devraient en effet augmenter, lentement peut-être, mais sûrement, ce qui signifie que les reports de crédits devraient être relativement importants au cours des premières années.
La montée en charge des dépenses en faveur des personnes handicapées est, en revanche, à ce stade, madame la secrétaire d'Etat, très difficile à apprécier dans la mesure où, d'une part, on ne connaît pas les contours définitifs de la prestation de compensation du handicap prévue par le projet de loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées et où, d'autre part, les dépenses prises en charge par la caisse paraissent incertaines. A cet égard, je souhaiterais, madame la secrétaire d'Etat, que vous nous apportiez, si possible, quelques précisions.
Je souhaiterais également obtenir, monsieur le ministre, des informations sur les crédits en faveur de l'aide à domicile, qui ont suscité des questions en commission des finances.
Ces crédits sont actuellement peu utilisés dans le cadre du Fonds de modernisation de l'aide à domicile, puisque seuls 16 millions d'euros de subventions ont été versés en 2003, alors que les ressources disponibles du Fonds s'élevaient à 64 millions d'euros. Comment ces crédits, qui sont prévus dans le texte à hauteur de 61 millions d'euros, si ma mémoire est bonne, seront-ils concrètement utilisés dans le cadre de la nouvelle structure mise en place ?
Compte tenu des incertitudes que je viens de mentionner, il apparaît essentiel à la commission des finances de prévoir que la Caisse agit dans le cadre d'une « enveloppe fermée », c'est-à-dire qu'elle ne contribue aux actions en faveur des personnes âgées et des personnes handicapées que dans la limite des ressources qui lui sont affectées. Cette précision instaurerait une sorte de garde-fou en cas de dérive des dépenses, les prévisions étant, pour l'heure, relativement incertaines.
Enfin, se pose la question du contrôle exercé par le Parlement sur cette caisse.
La commission des finances et la commission des affaires sociales s'accordent à considérer qu'il faut prévoir un tel contrôle. Il est vrai qu'elles divergent sur la point de savoir qui doit en avoir la responsabilité, mais je ne fais qu'évoquer ce problème puisque l'examen des articles nous permettra d'y revenir au cours du débat.
Je conclurai mon propos, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'Etat, en vous disant que, malgré ses interrogations, malgré quelques doutes,...
M. Guy Fischer. De très nombreux doutes !
M. Adrien Gouteyron, rapporteur pour avis. ... malgré quelques incertitudes...
M. Roland Muzeau. Et de très nombreuses critiques !
M. Adrien Gouteyron, rapporteur pour avis. ... la commission des finances vous propose d'adopter ce texte. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) Nous ne sommes pas là, mes chers collègues, pour dire oui aveuglément,...
M. Hubert Falco, ministre délégué. C'est le débat parlementaire ! Nous ne sommes pas au parti communiste !
M. Adrien Gouteyron. ... nous sommes là pour soutenir le Gouvernement et lui demander, lorsque c'est nécessaire des explications et des précisions. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quarante-cinq.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures trente-cinq, est reprise à vingt et une heures quarante-cinq, sous la présidence de M. Adrien Gouteyron.)
PRÉSIDENCE DE M. Adrien Gouteyron
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi relatif à la solidarité pour l'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe Union pour un mouvement populaire, 80 minutes ;
Groupe socialiste, 44 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 19 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 16 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 13 minutes.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Georges Mouly.
M. Georges Mouly. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues : été 2003, le drame ! Fruit pour une part, hélas ! d'une indifférence trop oublieuse de la fraternité affichée par la devise républicaine dont nous sommes pourtant si fiers. Point n'est besoin d'épiloguer longuement sur les chiffres : près de 15.000 personnes âgées sont décédées cet été, et, d'ici à 2020, la population de personnes âgées de plus de quatre-vingt-cinq ans doublera ; elles sont aujourd'hui 3.500 000.
« L'obligation nationale d'assurer l'égalité des droits et des chances pour les personnes handicapées, comme l'accroissement et la diversité des situations de dépendance appellent des réponses adaptées », ainsi s'exprimait le Premier ministre. Nous y voilà, monsieur le ministre, du moins pour une part, car - cela a été dit - ce projet de loi n'a pas la prétention de résoudre de manière définitive les problèmes que pose l'évolution démographique à notre société. Mais cela n'ôte rien à l'ambition des programmes et des projets pluriannuels que vous développez en faveur des personnes âgées.
J'avoue cependant que j'aurais souhaité, pour ma part, un environnement législatif plus clair et plus affirmé. Je m'explique : il y a ainsi l'important dossier de la réforme de l'assurance maladie, dont nous ne connaîtrons que plus tard le contenu, même si les choses avancent ; il y a le rapport Briet-Jamet, fréquemment évoqué, sans qu'en aient été tirées toutes les conclusions à ce jour ; il y a la loi relative aux responsabilités locales, que l'on aurait souhaité voir avancer ; il y a encore la loi à venir sur le handicap, modifiant la loi de 1975, dont nous ne connaissons pas le contenu et à l'occasion de laquelle nous aurons à décider précisément, fondamentalement, concrètement du sort et de la place faite parmi nous aux personnes handicapées.
Lors d'une assemblée générale des directeurs de centres d'aide par le travail de l'Union nationale des entreprises de travail, j'ai eu l'occasion d'exprimer mon étonnement de voir englobées dans le présent texte les personnes âgées et les personnes handicapées.
M. Paul Blanc. Oui !
M. Georges Mouly. Il prévoit, certes, des mesures de solidarité pour l'autonomie des uns et des autres, des mesures de lutte en faveur de nos concitoyens en perte d'autonomie. Concrètement, pour l'essentiel, une somme est affectée au financement de la prestation de compensation, qui a été défendue éloquemment par Mme la secrétaire d'Etat.
Fort bien ! Mais il faut tellement plus : nous avons à répondre à des situations très diverses pour garantir la dignité de toute personne handicapée. J'ai retenu, madame la secrétaire d'Etat, dans votre intervention de qualité quelques expressions telles que « recherche d'autonomie des personnes handicapées », « offre de biens et de services à leur portée », « liberté de choix du mode de vie », « réponses adaptées ». Il convient d'affirmer, au-delà de la solidarité comptable, la nécessité d'un nouveau mode de gouvernance.
C'est dire l'importance du sujet, et le Président de la République ne s'y est pas trompé, qui a fait de la politique en faveur des personnes handicapées une des priorités nationales. (Exclamations sur les travées du groupe CRC.)
M. Guy Fischer. C'est de la propagande !
M. Georges Mouly. C'est un véritable chantier, que nous aurons à aborder plus précisément en d'autres temps.
Vous comprendrez, dans ces conditions, que mes réflexions portent sur la politique en faveur des personnes âgées.
Je me livre ici à un constat chiffré et je ne cherche pas une querelle qui serait, en cet instant, stérile et déplacée. Notre attention a déjà été appelée sur la nécessité de parfaire le financement de l'allocation personnalisée d'autonomie. Plus globalement, il s'agit du financement du plan de solidarité.
Le besoin en la matière va inexorablement s'accroître, d'où l'importance de l'engagement que nous avons à prendre en ce jour. Nous devons avoir conscience qu'il constituera le premier jalon d'une réforme qui est appelée, j'allais dire « condamnée », à être plus ambitieuse, même si les éléments visés dans le présent projet de loi sont importants.
Les contraintes internationales, l'exigence de compétitivité, le poids déjà considérable des prélèvements obligatoires, le nécessaire maintien du pouvoir d'achat, tels sont les éléments qui ont fait naître l'idée de la fameuse journée de solidarité, à propos de laquelle il se dit et s'écrit tant de choses.
Je veux bien croire, pour ma part, à la sincérité de telle ou telle critique, mais il me semble qu'il faut savoir raison garder, et cela ne me paraît pas toujours le cas.
J'ai entendu parler de journée « acte de charité ». Pourquoi pas ?
M. Guy Fischer. Hold up !
M. Paul Blanc. Oh !
M. Georges Mouly. Mais j'ai aussi entendu tout à l'heure, le terme de « corvée ». J'avoue que cela me peine - je vous le dis comme je le ressens - d'entendre qualifier de « corvée » une journée supplémentaire de travail.
M. Gilbert Chabroux. C'est ce qu'a dit Alain Madelin !
M. Georges Mouly. Que penseraient les jeunes générations si elles l'entendaient ? Comme leçon de civisme, il y a mieux !
M. Roland Muzeau. Eh bien oui !
M. Georges Mouly. Le principe même de la suppression d'un jour férié, dont le choix n'est pas, en définitive, imposé - et je défendrai un amendement à cet égard, monsieur le ministre - est réalité chez l'un de nos voisins - cela a été rappelé également - dont le gouvernement, que l'on ne saurait qualifier de libéral,...
M. Roland Muzeau. Oh !
M. Georges Mouly. ...prend de surcroît, mes chers collègues, les mesures que l'on sait concernant le temps de travail et l'âge de la retraite !
M. Paul Blanc. Bien sûr !
M. Georges Mouly. Il s'agit donc d'une journée de solidarité, et la décision doit être prise en toute lucidité et connaissance de cause, en ayant conscience des limites de la mesure. Le rapporteur de la commission des affaires sociales convient que « la neutralité économique n'est pas acquise » ou encore que le pari le plus ambitieux que doit gagner la mesure est de réussir son insertion dans le droit social, ce qui n'est pas évident.
Pour l'heure, je veux délibérément y voir un appel à la générosité, aux antipodes d'un individualisme trop répandu, d'un corporatisme qui fait trop souvent fi, avouez-le, de l'intérêt général, celui de la nation et, par conséquent - c'est un peu paradoxal - celui de chacun des citoyens qui la composent.
Cet appel à une attitude solidaire n'est à mes yeux ni rétrograde ni moralisateur. Elle n'est pas demandée aux seuls salariés, d'ailleurs.
M. Guy Fischer. Ah si !
M. Georges Mouly. Je n'insiste pas davantage sur ce point, faisant mienne l'analyse de notre rapporteur André Lardeux en la matière.
Il convient cependant de souligner que l'instauration de cette journée permet en tout cas le financement pérenne - ce qui n'est pas rien ! - d'une politique en faveur de l'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées, en garantissant l'étanchéité entre les deux secteurs.
La mesure crée une base institutionnelle pour la prise en charge du vieillissement ; elle apporte une réponse à la question du lien social. L'isolement des recettes ainsi dégagées dans les comptes de la nouvelle caisse nationale de solidarité pour l'autonomie assure leur affectation aux dépenses qui justifient la création de cette caisse.
On est loin, avouez-le, des traditionnelles ponctions effectuées, année après année, sur la branche famille, par exemple.
M. Paul Blanc. Le FOREC !
M. Georges Mouly. Il s'agit en l'occurrence de recettes isolées et d'une caisse spécifique. C'est bien !
Il nous est proposé d'adopter le principe d'une compensation aux collectivités territoriales. C'est une mesure de sagesse et de précaution, sur laquelle M. le rapporteur a insisté.
Les collectivités territoriales n'ont en effet nullement besoin de courir quelque risque supplémentaire que ce soit en la matière. Elles font déjà beaucoup, les départements en particulier, en faveur des personnes âgées, grâce à un maillage serré du terrain, par des structures administratives, associatives, des professionnels, des bénévoles.
Je m'arrête un instant sur ce point car ce maillage constitue déjà pour une grande part un possible réseau d'alerte : les besoins et les situations sont connus grâce à une telle politique de proximité.
Le cadre est défini par la loi : c'est le schéma départemental de gérontologie, le schéma des établissements et des services. La loi du 2 janvier 2002 a précisé et renforcé le cadre d'intervention. Ce schéma apprécie la nature, le niveau, l'évolution des besoins sociaux et médicosociaux. Il représente déjà quelque peu l'esquisse du fichier dont il est question.
Il dresse également un bilan quantitatif et qualitatif de l'offre sociale et médicosociale existante. Il détermine les perspectives dans les objectifs de développement de l'offre. Il précise le cadre de la coopération et de la coordination des établissements et des services. Il définit les critères d'évaluation des actions conduites.
J'arrête là, l'heure n'étant pas à décliner dans le détail la mise en oeuvre de tels objectifs, mais convenez que les conditions de nature à permettre de connaître les personnes âgées isolées, leurs conditions de vie et leurs besoins sont plus qu'initiées - je pense que ce sentiment est partagé.
Outre le maillage par les instances de gérontologie cantonales avec points d'information, il y a aussi la téléassistance vingt-quatre heures sur vingt-quatre ; il y a encore, autour de la personne âgée et dans l'optique essentielle de son maintien à domicile, les comités locaux d'information et de coordination, les CLIC, remarquables instruments qui permettent de bien identifier les besoins de la personne et d'y répondre, en partenariat avec toutes les parties concernées.
Les CLIC sont aidés par l'Etat. Or cette aide est allée en diminuant cette année. Veillons bien, monsieur le ministre, à ce que la décentralisation n'hypothèque en rien la qualité du service ainsi rendu !
Dans le cadre de l'approfondissement c'est une réponse apportée en direction de la décentralisation il est prévu de confier au seul département le pilotage opérationnel du dispositif CLIC, reconnu comme facteur de renforcement de la cohérence des politiques publiques de proximité en faveur des personnes âgées. C'est tout un programme, c'est tout une politique. Le cofinancement est un gage de succès.
Je formulerai un appel pressant, monsieur le ministre : que l'Etat ne se désengage pas ! Et que ne diminuent pas les moyens donnés aux associations qui oeuvrent en faveur des personnes handicapées. D'aucunes connaissent, vous le savez, des difficultés.
Me suis-je éloigné du sujet qui nous mobilise ici ? J'ai dit mon approbation du rapport et j'espère que l'on verra dans mon propos le souci de montrer que ce qui est déjà en place pour la mise en oeuvre, dès ce jour, d'une bonne part de ce qui constitue le but de l'effort demandé aux Français mérite aide et encouragement. C'est en quelque sorte un appel, monsieur le ministre.
Un effort est demandé à nos concitoyens. Je l'approuve, persuadé que certains, beaucoup peut-être, parmi nos générations apprécieront un jour ce que l'on fait aujourd'hui. Ils s'estimeront alors heureux d'être bénéficiaires d'une générosité que nous aurons su mettre en place avec l'espoir - qui n'est peut-être pas illusoire - que, devant les problèmes humains et les moyens mis en oeuvre, les bonnes volontés de divers horizons sauront se mobiliser. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, en février 2003, l'urgence financière à laquelle devaient faire face les départements servait à justifier que, au détour d'une proposition de loi initiée par les présidents des conseils généraux que compte le Sénat et d'un décret, les droits des personnes âgées dépendantes soient restreints.
Occultant les enjeux sociaux, économiques et démographiques du vieillissement de la population, contraint par sa vision comptable de la question, le Gouvernement tournait alors le dos à des solutions solides et pérennes de nature à asseoir le droit à une prise en charge de la perte d'autonomie.
A la place du débat, nécessairement plus global, sur la place des personnes vieillissantes dans notre société que nous aurions dû avoir à l'occasion du bilan d'évaluation de la loi fondatrice de l'APA dans la perspective de faire définitivement basculer cette allocation dans le champ de la sécurité sociale, nous avons eu droit, à l'époque, à des échanges sur des mesurettes financières de courte vue.
Aujourd'hui, une fois encore, l'urgence sert d'alibi au Gouvernement. Si ce dernier se devait d'agir, à la suite du drame sanitaire de l'été dernier, pouvait-il pour autant s'affranchir d'une véritable réflexion, nécessairement transversale, sur les politiques menées en direction des personnes âgées et personnes handicapées, sur le financement à long terme de ces politiques ?
Assurément la réponse est non, sauf à vouloir brouiller les pistes, éluder la question essentielle, en l'occurrence celle de la création d'un cinquième risque, celui de la dépendance ou de la perte d'autonomie, sans discrimination quant à l'âge de la personne et quelle qu'en soit l'origine.
Pressé de faire oublier sa gestion calamiteuse de la canicule et de diluer la responsabilité de son Gouvernement, qui, je le rappelle tout de même, avait décidé quelques mois plus tôt le gel de crédits destinés à la médicalisation des établissements accueillant des personnes âgées, M. Raffarin a lancé l'idée de faire appel à une journée de solidarité afin de financer un programme d'action en faveur des personnes âgées et personnes handicapées en perte d'autonomie.
Cette réforme qualifiée « d'historique », affichée comme permettant pour la première fois une prise en charge globale de la dépendance, répondant aux nouveaux besoins par de nouveaux droits et par la création d'une nouvelle branche de la protection sociale a fait un « flop ».
« Raté !» titrait Le Parisien, le 7 novembre, après la présentation par Jean-Pierre Raffarin du plan de solidarité pour l'autonomie, notant, comme l'ensemble des observateurs, « la déception des professionnels, qui jugent les mesures insuffisantes, la colère des syndicats, les demandes de dérogations du patronat, l'hostilité, y compris dans la majorité ».
M. le rapporteur feint de ne pas comprendre pourquoi le présent texte, participant à la mise en musique de ce plan de solidarité pour l'autonomie, à peine publié, « ait subi un tir de barrage de critiques acerbes contestant l'adéquation des réponses qu'il présente ».
Je crois que nous sommes tous conscients des raisons qui motivent un tel rejet de votre conception, somme toute assez particulière, de la solidarité nationale.
Le compte rendu des auditions, menées au pas de charge, sur le projet de loi rappelle, s'il en était encore besoin, que l'avis négatif unanime rendu par l'ensemble des conseils d'administration des organismes de sécurité sociale sur la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie était motivé, sur la forme, par le manque manifeste de concertation initiale et l'absence de lisibilité de la politique du Gouvernement.
Et vous semblez oublier, mes chers collègues, que, même sur vos bancs, l'UDF ayant voté contre le projet de loi, nombre de parlementaires ont effectivement considéré qu'il n'était pas satisfaisant d'aborder de manière aussi éclatée la question de la prise en charge de la perte d'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées - n'est-ce pas, monsieur Blanc , question en discussion dans différents textes.
D'aucuns, dont nous sommes, ont demandé au Gouvernement le report de l'examen du présent projet de loi, qui intervient manifestement trop tôt. M. Raffarin est resté sourd à cette requête, allant même jusqu'à déclarer l'urgence sur un texte dont on sait qu'une des principales dispositions, la création de la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, la CNSA, est quasiment déjà obsolète !
Dans ces conditions, le rôle du Parlement semble bien mince et celui de la commission semble réduit, comme le regrette notre rapporteur, à « formuler un avis de portée générale sur le principe même de l'institution d'une journée de solidarité et sur la création d'une caisse dédiée au financement de la dépendance ».
Refusant ce faux-semblant de débat, mon ami Roland Muzeau défendra tout à l'heure, pour le groupe communiste républicain et citoyen, une motion tendant au renvoi du projet de loi en commission.
Comment, en effet, se prononcer sur un texte aux contours incertains, dont l'exposé des motifs renvoie à deux autres projets de lois le soin de préciser, d'une part, les contours définitifs de la CNSA, une fois rendues les conclusions de MM. Briet et Jamet, et, d'autre part, les dépenses couvertes par cette caisse et la nature de ses missions.
Comment, également, ne pas s'inquiéter du morcellement des mesures, de la construction en parallèle de nos politiques sociales séparant les personnes âgées et les personnes handicapées alors que, comme l'a justement rappelé le Conseil économique et social dans un rapport récent, les défis que nous devons relever, appellent des réponses plus cohérentes, sans barrière d'âge, plus universelles et plus solidaires ?
Le projet de loi relatif à l'égalité des droits et des chances, à la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, qui a institué une prestation de compensation, texte encore en navette, madame la secrétaire d'Etat, laisse entier le sujet du financement de cette prestation, qui relève des futures missions de la CNSA.
Quant au projet de loi sur les responsabilités locales, au parcours parlementaire heurté, le moins que l'on puisse dire, c'est que lui non plus n'est pas sans lien avec le présent texte, notamment par le renforcement qu'il opère du rôle des départements, désormais seuls compétents pour élaborer les schémas départementaux d'organisation sociale et médicosociale.
Rien de surprenant, mes chers collègues, que s'expriment au grand jour un certain nombre d'inquiétudes concernant les velléités de certains présidents de conseils généraux désireux de se voir transférer la totalité de l'objectif national de dépenses de l'assurance maladie, médicosocial, d'autant que le document d'étape de MM. Briet et Jamet envisage avec bienveillance cette orientation.
Comment enfin, mes chers collègues, envisager de déconnecter les choix de société que nous devons faire, les problématiques auxquelles nous sommes confrontés de ceux qui président à la réforme de l'assurance maladie ?
J'en viens au fond. Vous n'êtes pas sans savoir, mes chers collègues, comme l'a indiqué le président du conseil d'administration de l'agence centrale des organismes de sécurité sociale, l'ACOSS, devant la commission des affaires sociales, que « le risque de destruction de la sécurité sociale et de rupture du pacte de solidarité » n'est pas sans inquiéter.
La prise de position des organismes de sécurité sociale contre le nouvel organisme imaginé par le Gouvernement s'explique principalement par leur déception de voir votre texte, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'Etat, s'écarter de l'objectif d'intégrer dans le champ de la sécurité sociale la perte d'autonomie comme un aléa nouveau. Et là, nous divergeons fondamentalement.
Les associations qui, elles, ont exprimé de nombreuses interrogations à l'égard de cet organisme, dénommé, à dessein je le crains et non sans ambiguïté « caisse », en référence aux caisses de sécurité sociale, mais qui s'apparente plutôt à un fonds de financement, ne se sont pas laissé berner par cet affichage, pas plus qu'elles ne se sont laissé duper par l'habillage de ce projet de loi.
Qu'il s'agisse du dispositif de veille et d'alerte destiné à la protection des personnes, qui aurait pu faire l'objet de mesures réglementaires, ou qu'il s'agisse de la pérennisation du financement de l'APA, qui ne nécessitait pas de façon urgente la mise en place d'une caisse, provisoirement, le fonds de financement de l'APA aurait pu être maintenu, comme vous en convenez d'ailleurs, monsieur le rapporteur.
Quel qu'ait pu être l'effort de communication entourant les mesures que la journée de solidarité permet de financer, mesures évidemment utiles pour palier notamment l'insuffisance chronique de moyens en personnels d'accompagnement et de soins dans le secteur de l'hébergement ou de l'aide à domicile des personnes âgées, quelles que soient les précautions de langage prises, les intentions du Gouvernement transpirent ; elles sont pour le moins explicites.
Le Premier Ministre n'a-t-il pas déclaré lui-même, dès novembre 2003, que « cette nouvelle caisse n'a pas vocation à gérer le risque dépendance » mais à rassembler les moyens mobilisés par l'Etat et l'assurance maladie pour contribuer à prendre en charge les personnes handicapées et âgées en déléguant les moyens financiers aux départements, qui seront responsables, y compris financièrement, de la mise en oeuvre globale de la politique de dépendance ».
Bref, quelles que soient vos déclarations, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'Etat, avec ce projet de loi vous n'atteignez pas votre objectif. En effet, il ne remet pas nos politiques publiques en phase avec notre démographie.
L'examen de deux de ses dispositions phares, l'instauration de la journée de solidarité et la création, en dehors du champ de la sécurité sociale, d'une caisse captant les financements, révèle le manque d'ambition du Gouvernement pour répondre durablement aux questions posées par les réalités démographiques et sanitaires, par la persistance de situations d'exclusion et de discrimination dont sont victimes les personnes en situation de dépendance et qui portent atteinte à la cohésion sociale.
Le rapporteur de la commission des affaires sociales, notre collègue André Lardeux, a d'ailleurs beaucoup de mal à nous convaincre.
M. André Lardeux, rapporteur. Je ne désespère pas !
M. Guy Fischer. Le rapporteur pour avis de la commission des finances, M. Adrien Gouteyron, a posé plus de trente de questions !
M. Robert Bret. Très critiques !
M. Roland Muzeau. C'était cruel !
M. le président. Cela prouve simplement qu'il est curieux ! (Sourires.)
M. Guy Fischer. Ces rapporteurs ont d'ailleurs beaucoup de mal à nous convaincre, peut-être parce que eux-mêmes ne sont pas vraiment convaincus, du fait que ce texte peut relever le défi du vieillissement de la population.
Sinon, comment expliquer leur insistance à encourager la prévoyance individuelle ?
Il est assez symptomatique de constater que les seuls ajouts substantiels que la majorité de la commission des affaires sociales se soit autorisée à faire concernent la transposition, dans ce projet de loi, de plusieurs articles de la proposition de loi déposée par le très libéral M. Vasselle et largement cosignée par des sénateurs siégeant sur les travées de droite. Cette proposition visait à privilégier, non pas la généralisation de la prise en charge de la dépendance par des mécanismes collectifs, solidaires, via un financement mutualisé, mais le développement de l'assurance individuelle dépendance, qu'avait soutenue notre collègue Paul Blanc.
M. Paul Blanc. Tout à fait !
M. Roland Muzeau. Eh oui !
M. Guy Fischer. C'est une solution que nous rejetons avec force, mais j'y reviendrai.
Par ailleurs - c'est la raison essentielle de notre opposition déterminée à ce projet de loi - nous refusons et le mode de financement et les options retenues en matière de politique de prise en charge et de compensation de la dépendance.
S'agissant tout d'abord du mode de financement, vous convenez avec nous, monsieur le rapporteur, que « le projet de loi n'assure pas le financement à long terme de la dépendance ». C'est le moins que l'on puisse dire. Comment d'ailleurs en serait-il autrement ?
Les recettes annuelles escomptées de la suppression d'un jour férié sont estimées à 1,8 milliard d'euros, alors que le seul budget du handicap est, pour sa part, évalué à 24 milliards d'euros, n'est-ce pas, madame la secrétaire d'Etat ?
A l'inverse de vous, mes chers collègues, nous considérons l'option retenue en matière de financement, mettant à contribution une fois encore principalement les seuls revenus d'activité même s'il est prévu à la marge de percevoir un prélèvement sur les revenus du capital, comme contestable dans son principe.
Cette journée de travail supplémentaire non rémunérée est une véritable aubaine pour les entreprises. Le MEDEF obtient au passage satisfaction sur les 35 heures, qu'il désire « dynamiter » depuis fort longtemps. M. le Premier ministre nous annonce d'ailleurs que le dynamitage aura lieu à l'automne. Et l'on ne manque pas, monsieur le ministre, de mettre en exergue ce choix symbolique, « aboutissant pour la première fois depuis plus de vingt ans à ce que la durée du temps de travail en France soit majorée en application d'une décision législative ».
Insuffisant, contesté dans son principe, le mode de financement retenu est également profondément injuste.
Certaines catégories de nos concitoyens - les travailleurs indépendants, les professions libérales, les artisans, les commerçants ou les exploitants agricoles - sont, pour leur part, exonérées de ce « devoir de solidarité ».
M. Roland Muzeau. Eh oui !
M. Paul Blanc. Ils ne font pas que trente-cinq heures !
M. Guy Fischer. Dans le même temps, on libérera les tarifs des spécialistes !
S'agissant de la mise en place de la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, la CNSA, nos positions sont, là encore, diamétralement opposées.
Les amendements introduits à l'Assemblée nationale, sur l'initiative du rapporteur, visant à apporter un début de réponse aux interrogations fortes quant à la définition des missions de la CNSA et à ses contours institutionnels, avec l'ébauche de sa composition, n'ont rien changé au fond.
Il ne pouvait d'ailleurs en être autrement, dans la mesure où la mission Briet-Jamet n'est pas terminée.
Subsistent donc des ambiguïtés certaines sur le statut de cette caisse. Est-elle vraiment une caisse, un simple fonds ou une agence ? Telle sont les interrogations que m'a confiées M. Jamet.
Restent également des incertitudes profondes quant à la nature, à l'ampleur et aux modalités des transferts de charges envisagés.
En revanche, une chose est sûre : bien que vous vous en défendiez, monsieur le rapporteur, la création précoce, voire prématurée, de cette caisse hypothèque largement l'issue de la concertation qui doit déboucher sur la mise en place d'un socle durable pour l'organisation de la prise en charge de la dépendance.
Non sans contradiction, vous admettez que le passage menant sur la voie de la gestion de la dépendance par la sécurité sociale « est désormais étroit ».
Au regard des premières conclusions du rapport de MM. Briet et Jamet optant pour que le département pilote et assume financièrement la charge des politiques menées en faveur des personnes âgées et des personnes dépendantes, cette voie est désormais sans issue.
Je souhaite que, lors de nos échanges, vous soyez en mesure, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'Etat, de nous dire si, oui ou non, vous partagez les observations de ces experts, qui considèrent que, « compte tenu de sa nature, la CNSA ne peut être assimilée à un organisme de sécurité sociale faisant l'objet d'une gestion à caractère paritaire, pas plus qu'elle ne peut être assimilée à un simple fonds de financement, compte tenu de sa nature ». Quel rôle aura-t-elle vraiment ?
Vous l'aurez compris, mes chers collègues, les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen sont fondamentalement opposés à ce projet de loi « alibi ».
Pour l'essentiel, nous défendrons des amendements de suppression tout en proposant la prise en charge de la dépendance, dans le cadre d'un cinquième risque de la sécurité sociale, géré par la caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés, la CNAMTS. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Rodolphe Désiré.
M. Rodolphe Désiré. Monsieur le ministre, le texte que vous présentez a partagé le groupe du RDSE, où la pluralité est la règle.
Au-delà des divergences, nous retiendrons l'essence du débat, qui est de répondre en urgence au problème soulevé par la vulnérabilité des moins autonomes de nos concitoyens, laquelle est à l'origine des nombreux décès constatés lors de la canicule de l'été dernier.
Il s'agit bien d'une question de solidarité nationale face au délitement du lien social et familial, principale source dans notre société urbaine et moderne de l'esseulement des personnes âgées et handicapées.
Cette mutation dans les rapports humains, stigmate des sociétés contemporaines dites développées, atteint de plus en plus, hélas ! nos départements d'outre-mer, où l'exiguïté du territoire et les traditions n'excluent plus des comportements moins solidaires.
Par le biais du présent projet de loi, le Gouvernement aborde donc un véritable problème de société parmi tant d'autres.
On comprend le sens, de surcroît à l'approche de l'été, de la définition d'un plan de veille et d'alerte, de nature à rassurer et à protéger les populations à risques.
On ne peut qu'approuver l'idée de création d'une caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, dont l'objectif devrait être de garantir à long terme le financement de l'autonomie des personnes âgées et handicapées. Il semble cependant qu'une simple ligne budgétaire eût amplement suffi à répondre à ce louable objectif.
Néanmoins, ce projet de loi en précède plusieurs autres, parmi lesquels la réforme de l'assurance maladie, le projet de loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, diminuant ainsi la lisibilité des intentions du Gouvernement en matière de prise en charge de la dépendance.
La rapidité se justifie certes sur le plan sanitaire, mais ne risque-t-elle pas d'atténuer l'efficacité du texte ?
Le souci de concilier contribution nationale et préservation du pouvoir d'achat est sans conteste une position pragmatique et de compromis dans le contexte actuel.
Toutefois, dans la mesure où la contribution de 0,3% demandée à tous les employeurs en contrepartie de la suppression d'un jour chômé apparaît comme une cotisation supplémentaire, le risque de complication qui s'ensuivra pour les entreprises, notamment en termes de préservation de l'emploi, a-t-il été intégralement examiné ?
Le groupe du RDSE a, sur ce point, pris l'initiative de déposer quelques amendements visant à soulager ces entreprises.
En ce qui concerne le mode de financement retenu, à savoir l'affectation de la taxation de sept heures d'activité par salarié, le Gouvernement souhaite privilégier la négociation collective dans le choix de la journée de solidarité. Toutefois, aucun syndicat ne semble prêt à signer un accord qui oblige les salariés à travailler un jour de plus sans une augmentation de rémunération.
Les sénateurs du groupe du RDSE se rappellent la création en 1956 de la vignette automobile, qui était destinée à alimenter le fonds national de solidarité devant garantir un revenu minimum à toute personne âgée de plus de soixante-cinq ans et dont le produit fut, dès 1973, reversé au budget de l'Etat avant d'être, en 1984, transféré au budget des départements, libres d'en fixer le montant.
Enfin, le principe même de la solidarité nationale, qui nécessite l'implication de tous, est nié puisque la mesure porte exclusivement sur la contribution des salariés et des entreprises.
Parce que nos concitoyens en situation de dépendance sont en droit de compter sur la solidarité nationale, des dispositions doivent être prises pour leur assurer une protection de manière pérenne. Or ce texte est loin de répondre à cette préoccupation.
En conclusion, j'annonce dès maintenant que M. Jacques Pelletier, qui a présidé la mission commune d'information sur la canicule, proposera des amendements visant à améliorer ce projet de loi.
Monsieur le ministre, je l'ai déjà dit, les sénateurs du groupe du RDSE sont partagés sur ce texte : certains, pensant probablement, à l'instar d'un philosophe chinois, que « mieux vaut allumer une chandelle que de maudire l'obscurité », vont voter pour ce texte ; d'autres, dont moi-même, demeurant dans un profond doute quant à son efficacité, s'abstiendront.
M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel.
M. Claude Domeizel. Monsieur le ministre, madame la secrétaire d'Etat, voilà un projet de loi sur lequel vous avez obtenu l'unanimité. Mais l'unanimité... contre vous : ce texte a en effet rassemblé contre lui l'ensemble des organisations syndicales de salariés, les partis de l'opposition, le conseil d'administration de la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés, les caisses nationales du régime général, l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale, l'ACOSS, et la Caisse nationale d'assurance vieillesse, la CNAV, l'UDF, les évêques de France, l'opinion publique, même l'UMP,... et même vous, monsieur le président, en tant que rapporteur pour avis de la commission des finances. (M. le président fait un signe de dénégation.)
A cet égard, j'invite tous mes collègues à lire le rapport de la commission des finances et les interventions de notre collègue Philippe Marini, rapporteur général, de M. Arthuis, son président, et de M. Mercier, pour comprendre combien, au sein de votre propre majorité, monsieur le ministre, on se pose de nombreuses questions.
M. Claude Domeizel. C'est un vent général de contestation qui souffle ça et là, à l'évocation de ce projet de loi.
Certes, à l'Assemblée nationale, les députés de l'UMP ont su, avec discipline, taire leurs divergences et ont voté en faveur de ce texte - j'imagine à contrecoeur - pour ne pas en rajouter dans ce désordre assourdissant de déclarations et de contre-déclarations : non, la journée de solidarité ne sera pas forcément appliquée ; oui, elle sera maintenue ; oui, le texte sera reporté ; non, il sera voté dans les temps...
Vous n'avez pas non plus jugé utile, monsieur le ministre, de saisir le Conseil économique et social, lieu de débat privilégié entre les divers milieux socioprofessionnels, dont l'objectif est de parvenir à un consensus dans l'intérêt général.
Pire, vous n'avez même pas tenu compte des avis du Conseil économique et social émis dans un rapport intitulé : « Pour une prise en charge collective, quel que soit leur âge, des personnes en situation de handicap » ! Quel gâchis ! Le projet de loi a devancé la parution dudit rapport.
Inopportunité, inadaptation et incohérence sont les maîtres mots de votre projet de loi.
Il est inopportun, car il précède de façon incompréhensible la réforme annoncée de l'assurance maladie alors qu'il doit en faire partie ou, du moins, en découler.
Par ailleurs, il vient se télescoper avec le projet de loi relatif à l'égalité des droits et des chances des personnes handicapées et des personnes âgées, le projet de loi relatif à la santé publique, le projet de loi relatif aux responsabilités locales.
Vous avez atteint les sommets de l'incohérence, conséquence de la hâte inappropriée au contexte et de la gêne causée par les promesses appuyées du Président de la République.
Par ce texte, vous entendez instituer une journée que vous osez appeler « de solidarité », alors que, tout au contraire, vous mettez à mal le pacte de solidarité nationale.
Revenons à l'analyse de ce projet de loi.
« Illisible », « mal ficelé », « problème pris à l'envers », « inexplicable sur le terrain » : ce ne sont pas des membres de l'opposition qui s'expriment ainsi, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'Etat, mais vos propres troupes, car tous les avis convergent au sujet de ce texte dérisoire n'apportant aucune solution à long terme.
Comme pour faire pardonner les carences et l'absence de réactivité du Gouvernement, mais aussi le silence du Président de la République, ce texte a été bâti dans l'empressement après la canicule de l'été 2003.
J'ai fait partie de la mission d'information sénatoriale qui a enquêté sur cette catastrophe.
Dans mon intervention publique du 10 février 2004, j'évoquais, au nom de mes collègues socialistes, la mise en évidence de l'insuffisante fiabilité de notre système de veille, d'alerte et de gestion du risque sanitaire, mais, surtout, je notais que le Gouvernement faisait mine de découvrir, à l'aune de cette catastrophe, un problème majeur de société auquel il fallait réagir vite.
Et c'est ce même gouvernement qui venait de rogner les crédits de l'allocation personnalisée d'autonomie mise en place par le gouvernement précédent : le gouvernement de Lionel Jospin avait, en effet, pris conscience de la forte demande sociale en matière de lutte contre l'isolement des personnes âgées.
M. André Lardeux, rapporteur. Il n'avait pas trouvé le moyen de la financer !
M. Claude Domeizel. Mais oui ! A votre arrivée, souvenez-vous : votre bon vieux réflexe libéral n'en a retenu que les conséquences financières...
C'est encore vous qui, sans vergogne, avez restreint les budgets des établissements pour personnes âgées, réduit de moitié le financement 2003 du plan pluriannuel visant à augmenter les personnels dans les maisons de retraite, abandonné le plan gériatrique mis en place par Bernard Kouchner et Paulette Guinchard-Kunstler et, aujourd'hui, vous voudriez nous faire croire que vous avez pris conscience du problème ! Vous voudriez faire croire aux Français que ce projet de loi constitue un « plan Marshall » en faveur des personnes âgées dépendantes !
Que s'est-il passé pour que vous vous agitiez ainsi ? Ce furent 15 000 décès au cours de l'été !
Imaginez ce qui se serait passé si l'APA n'avait pas existé !
Certes, vous avez tout d'abord tenté de culpabiliser les familles, qui auraient oublié de faire jouer la solidarité familiale. Sociologues et professionnels de l'aide sociale à domicile ont, heureusement, rétabli la vérité en notant que le défaut de solidarité familiale concernait une marge infime de la population.
Il est vrai que la culpabilisation est un levier que vous savez bien utiliser quand vous voulez faire passer une mesure qui va pénaliser nos concitoyens, les travailleurs en particulier. Le fameux jour férié travaillé en est un exemple.
Pour la sécurité sociale, M. Douste-Blazy ne vient-il pas de réutiliser la culpabilisation en lançant à la figure des assurés ce ridicule argument du nombre de cartes Vitale ?
M. Guy Fischer. Oh oui ! ça, c'est la meilleure ! Il y aurait des millions de cartes Vitale !
M. Claude Domeizel. Toutes ces manoeuvres sont grotesques.
Le projet de loi débute bizarrement par un article dont le lien avec le titre Ier reste à démontrer : il concerne le dispositif de veille.
Vous proposez un plan d'alerte et de veille à l'échelon départemental, arrêté conjointement par le préfet et le conseil général, aux termes duquel sont prévues, d'une part, la coordination des secours, et, d'autre part, l'instauration, à l'échelon des communes, d'un dispositif de repérage des personnes susceptibles d'être secourues en priorité. Ce plan sans inventivité, articulé en plans « bleu, blanc, rouge » et niveaux de 1 à 4, a - je vous l'accorde - le mérite d'exister, mais le pouvoir réglementaire aurait suffi pour cela.
D'ailleurs, sans attendre l'adoption définitive du présent projet de loi, le 5 mai dernier, à grands renforts médiatiques, vous avez mis en place ce plan.
A partir de là, à quoi sert l'article 1er ? Nous assistons en tout cas à une belle cacophonie !
Le plan « canicule », déclenché à l'alerte 3 ou 4, n'exige pas, hormis le financement destiné aux urgences et celui qui vise à améliorer le parc des climatiseurs dans les maisons de retraite et les hôpitaux, de budget particulier, mais repose sur la coordination des moyens existant déjà.
Ce plan est tardif et les maisons de retraite ne disposent souvent pas des moyens financiers nécessaires.
Selon les spécialistes, il est impossible, avant l'été, d'atteindre l'objectif d'une pièce climatisée par établissement.
Vous-même, monsieur le ministre - je l'ai lu dans un quotidien local - avez reconnu que 68 % des maisons de retraite privées et 54 % des maisons de retraite publiques seulement avaient décidé de s'équiper,...
M. Claude Domeizel. ...ce qui ne veut pas dire, d'ailleurs, que les réalisations seront effectuées avant l'été.
Dans un rapprochement d'analyse peu banal, l'association des directeurs d'établissement d'hébergement pour personnes âgées, l'ADEHPA, et le groupement économique sanitaire électricité climatique, le GESEC, qui fédère 260 entreprises de génie climatique, ont décidé d'alerter ensemble les pouvoirs publics sur l'impossibilité de rafraîchir une pièce par maison de retraite avant juin.
Pour le GESEC, depuis la canicule d'août 2003, la demande très forte a allongé les délais d'interventions ; les entreprises ne disposent pas de la main-d'oeuvre qualifiée et les stocks ne sont réassortis qu'au bout de longues semaines.
Pour l'association des directeurs d'établissements, la mesure n'étant pas financée, l'immense majorité des établissements n'a pu engager de commandes. Cette association rappelle, par ailleurs, que l'installation de la climatisation exige à la fois une réflexion sur l'ensemble du bâti, soit une expertise thermique, et une organisation au quotidien pour accompagner les résidents dans la pièce « rafraîchie ».
Or nous constatons qu'aucun réel effort financier n'a été décidé en qui concerne le renfort en personnel. Après l'alerte et la vigilance, il faut que les moyens humains suivent. Pourtant, nous n'avons que vaguement entendu parler d'une embauche possible d'intérimaires.
Nous constatons que cette annonce très floue va dans le sens de la recrudescence constatée des emplois non qualifiés, encouragés par des mesures d'allégements de charges ou de libéralisation des contraintes du droit du travail.
Le Gouvernement est là en phase avec sa politique de dévalorisation du travail.
J'en viens maintenant au titre II, plus précisément à l'article 2, qui vise à instituer une journée de solidarité sous la forme d'une journée de travail supplémentaire.
Monsieur le ministre, madame la secrétaire d'Etat, votre gouvernement n'a de cesse de culpabiliser les Français : voilà des paresseux qui délaissent leurs ascendants, qui ne travaillent que 35 heures, qui veulent partir à la retraite trop tôt, qui épargnent au lieu de consommer, qui se forment sur leur temps de travail, et qui, notamment dans le secteur hospitalier, prennent des vacances l'été !
Ils ont cependant oublié d'être bêtes.
Selon un récent sondage, 60 % des Français refusent d'être les dindons de la farce et, dans les 40 % restant, nous trouvons, bien sûr, ceux qui ne sont pas concernés, les agriculteurs, les commerçants, les artisans, les professions libérales, qui n'emploient aucun salarié, et les retraités.
Au début de mon propos, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'Etat, j'évoquais la quasi-unanimité qui s'est faite contre votre projet de loi. Je n'ai pas parlé du MEDEF, qui semble satisfait, même s'il proteste, mollement et pour la forme, contre la surtaxe de 0,3 % imposée aux entreprises.
En réalité, le patronat se frotte les mains : voilà, de façon déguisée, une nouvelle attaque contre les 35 heures ! Grâce à cet article et prenant prétexte des 15 000 morts de la canicule, vous allongez subrepticement la durée légale de travail, de 1600 heures à 1607 heures, et le nombre légal annuel maximum de jours travaillés de 217 à 218 jours, reportant d'autant le seuil de déclenchement des heures supplémentaires.
« Le travail accompli, dans la limite de sept heures, durant la journée de solidarité », au départ instituée le lundi de Pentecôte, le jour de la corrida de Nîmes (sourires.), pour le moment renvoyé aux accords de branches ou d'entreprises, « ne donne pas lieu à rémunération » : cela peut se traduire par 14 demi-heures, 28 quarts d'heures, ou encore un peu moins de deux minutes par journée travaillée.
La « défausse » sur les accords de branches ou d'entreprises rendront la mise en oeuvre de ce dispositif complètement aléatoire.
Les heures de la journée de solidarité ne s'imputeront ni sur le contingent d'heures supplémentaires ni sur celui d'heures complémentaires pour les salariés à temps partiel et ne donneront pas lieu à repos compensateur. La perte est donc plus importante pour le salarié que celle d'une simple journée et, par conséquent, le profit un peu plus important pour l'employeur, surtout si l'on admet que le rapport d'une journée de travail supplémentaire sur la production annuelle est estimé à 0,45 % et non pas à 0,3 %.
Le député UDF Hervé Morin, qui ne peut être qualifié de « proche des socialistes », a parlé de « corvée ». (M. le ministre manifeste son scepticisme.)
Monsieur le ministre, je répète qu'il ne peut être qualifié de « proche des socialistes » !
Nous ne sommes effectivement pas loin de la « corvée », car, selon le Petit Larousse, la « corvée » était un « travail gratuit qui était dû par le paysan au seigneur ou au roi ».
M. André Lardeux, rapporteur. Ce n'est pas pour le seigneur, c'est pour les seniors !
M. Claude Domeizel. Comment ne pas comprendre aisément que les associations de personnes handicapées aient vu, dans la suppression d'un jour férié, une mesure « stigmatisante », en quelque sorte une charité imposée qui risque de provoquer impopularité et ressentiment ?
Enfin, si j'étais un peu taquin, ce qui n'est pas mon cas (sourires), je vous demanderais si la mesure s'appliquera aussi les années bissextiles...Réfléchissez un peu !
M. Hubert Falco, ministre délégué. Nous ne réfléchissons pas, c'est trop intellectuel pour nous ! (Nouveaux Sourires.)
M. Claude Domeizel. Quant aux fonctions publiques, qui n'ont pas vocation à engranger des bénéfices, comment financeront-elles cette nouvelle contribution ?
Elle aggravera un peu plus les difficultés financières des hôpitaux : ils devront verser 0,3 % des salaires de leurs personnel quand, déjà, ils ont beaucoup de difficultés.
M. Claude Domeizel. Ce ne sont pas les 35 heures qui ont aggravé les difficultés des hôpitaux !
Pour les collectivités locales, elle se traduira par un traditionnel transfert de charges ou, dit autrement, une augmentation visible ou masquée de la fiscalité.
Vous me direz, monsieur le ministre, que les collectivités locales sont habituées à ces largesses imposées. Aux ponctions effectuées par le biais de la CNRACL, permettez-moi d'en ajouter une dont on ne parle jamais : le taux de cotisation d'assurance maladie appliqué aux collectivités locales est de 11,5 % de la masse salariale, alors qu'il n'est que de 9,70 % pour l'Etat. Oui, mes chers collègues, les collectivités locales paient 1,80 % de plus que l'Etat ! A cela va s'ajouter 0,3 %...
Ce faisant, les salariés seront doublement taxé : une fois par la journée de travail non rémunérée, une seconde par l'impôt local.
Je dirai à présent un mot sur la contribution de l'Etat en tant qu'employeur.
Il faudra s'assurer que, par le biais de tuyauteries complexes, l'Etat ne s'en trouve finalement pas exonéré.
Je ne fais pas là du mauvais esprit ! C'est l'expérience qui nous conduits à ce genre de précautions.
Je n'entrerai pas dans les détails techniques d'application de ce dispositif, mais je constate que, sur le plan juridique, ce système porte atteinte, non seulement à l'égalité du citoyen, mais aussi aux fondements du droit du travail. Il cause également un grave préjudice au principe d'égalité du citoyen, puisque le prélèvement n'est pas universel, mais repose uniquement sur les salariés.
J'ajoute à cela que, selon une étude de l'OFCE, l'Office français des conjonctures économiques, parue le 22 octobre 2003, la suppression d'un jour férié peut être nuisible à l'emploi si elle ne se situe pas en période de plein emploi.
Vous mettez en avant, pour justifier ce dispositif, par définition inégalitaire, l'expérience déjà réalisée en Allemagne depuis 1995. Mais ce que vous ne dites pas, c'est que, en Allemagne, la « journée de solidarité » a soulevé de très vives oppositions de toutes parts.
M. André Lardeux, rapporteur. Elle a néanmoins été instituée !
M. Claude Domeizel. Examinons maintenant le plan de financement de prise en charge de la dépendance. Une nouvelle caisse serait créée : la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie. D'après le Premier ministre, 9 milliards d'euros seraient entièrement affectés à cette caisse d'ici à 2008.
Notons au passage que, en année pleine, le nouveau dispositif de journée ou d'heures de solidarité représente près de 2 milliards d'euros, somme qui correspond - comme par hasard ! - aux diminutions d'impôt sur le revenu que le Gouvernement a consenties depuis 2002.
On peut aussi opposer, d'un côté, l'effort exigé des seuls salariés ou le forfait d'un euro par feuille de soins dont il est de plus en plus question, de l'autre, les baisses d'impôt et l'amnistie fiscale proposée par le Premier ministre pour les contribuables fortunés qui voudraient rapatrier leurs capitaux en France.
Le titre III du présent projet de loi crée donc, sous la forme d'un établissement public national à caractère administratif, la CNSA - voilà un nouveau sigle - qui aura pour seul rôle de contribuer au financement de la prise en charge de la perte d'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées. Mais à quoi va servir cette caisse ? Nous ne sommes pas les seuls à nous poser cette question, sans obtenir, d'ailleurs, de réponses claires.
Cette nouvelle caisse se substituera-t-elle au fonds de financement de l'allocation personnalisée d'autonomie, le FFAPA, dont les droits et obligations lui sont transférés ? Rassemblera-t-elle les moyens mobilisés par l'Etat et l'assurance maladie pour prendre en charge la dépendance des personnes âgées et handicapées ?
M. le Premier ministre nous dit, s'agissant de la CNSA, que, différente des caisses de sécurité sociale, elle « déléguera les moyens financiers aux départements qui seront responsables de la mise en oeuvre globale de la politique de dépendance ».
Nous voilà face à un nouveau sujet d'inquiétudes. On peut en effet se demander, d'une part, où se trouve la frontière entre la dépendance et la maladie, d'autre part, si nous n'assistons pas à la remise en cause d'une gestion paritaire qui aurait pu être maintenue au sein de la sécurité sociale.
Cette loi est dangereuse, car elle enfonce un premier coin pour faire éclater la sécurité sociale.
Nous comprenons surtout que des intérêts économiques puissants ne souhaitent pas que la dépendance soit gérée par des partenaires sociaux ; ils préfèrent s'appuyer sur des ressources spécifiques et sur une responsabilité des collectivités territoriales, tout en se réservant, en cas de besoin, la possibilité de développer l'assurance privée.
Ce système risque d'introduire de nouvelles inégalités dans le traitement de la dépendance : les assurances privées pour ceux qui ont les moyens, la CNSA pour les indigents.
Se profile donc à l'horizon une dualité du système, qui épouse celui de l'assurance maladie. La crainte unanimement exprimée est celle d'un démembrement de la solidarité nationale, auquel s'ajoute la création de nouvelles inégalités du citoyen dépendant. En effet, ce dernier sera traité différemment selon qu'il habitera ou non dans un département bénéficiant de ressources suffisantes pour mettre en oeuvre une politique offensive en matière de dépendance.
Je ne vois pas, mes chers collègues, comment, en toute lucidité, nous pourrions accepter ce projet de loi élaboré sans concertation et dans la précipitation, au lendemain de la canicule. Ce n'est pas une loi qui peut effacer les défaillances du Gouvernement !
Il n'y a pas de cohérence non plus dans le calendrier adopté. La discussion du projet de loi intervient avant le grand débat sur l'assurance maladie ; rien n'est précisé sur les relations entre la CNSA et l'assurance maladie, sur son financement partiel et incertain.
Un prochain rapport de MM. Briet et Jamet doit être publié en juin pour nous éclairer : pourquoi ne pas l'avoir attendu ? Comment voter, alors que nous ignorons tout de l'avenir de ce dispositif ?
Ce projet de loi méritait un report, ce que certains députés de l'UMP n'ont pas manqué de réclamer.
La manifestation de colère des Français lors des récentes élections régionales et cantonales n'y a donc rien fait ! Le Gouvernement reste sourd à tous les signes évidents de mise en garde. Après des retours en arrière peu glorieux - la restauration, les buralistes, la recherche, les « recalculés », pas encore les intermittents, mais cela ne saurait tarder -, assisterons-nous encore à une volte-face navrée ?
Je pense qu'il serait plus judicieux que le Gouvernement prenne le temps de revoir sa copie plutôt que d'engager obstinément le pays dans une voie sans issue.
M. Alain Vasselle. Balayez devant votre porte avec les 35 heures !
M. Claude Domeizel. M. le Premier ministre nous déclarait qu'il était le pilote de l'airbus gouvernemental : je me demande, pour ma part, s'il n'a pas mis le pilotage automatique de la politique ultra-libérale qui caractérise son gouvernement !
Ces propos vous contrarient sans doute, monsieur le ministre ? Alors, je vous répondrai par cette phrase de M. Sarkozy : « Si la vérité blesse, c'est la faute de la vérité ! » (Sourires.)
Mme Gisèle Printz. Bravo !
M. Claude Domeizel. L'attitude que nous adopterons est exceptionnelle, et peu pratiquée, mais ce projet de loi est tellement contestable sur le fond que nous ne présenterons aucun amendement, ...
M. Alain Vasselle. Nous allons gagner du temps !
M. Claude Domeizel. ...sinon des amendements de suppression, car toute modification, même mineure, semblerait, de notre part, accréditer ces mauvais dispositifs.
Mes collègues Jean-Pierre Godefroy et Bernard Cazeau apporteront un autre éclairage sur notre opposition à ce texte, et notre collègue Gilbert Chabroux présentera, au nom du groupe socialiste, une motion tendant à opposer la question préalable, car il n'y a, à notre avis, aucune utilité à débattre de ce projet de loi qui nous est soumis, en tout état de cause et contre toute logique, avant le texte relatif à l'assurance maladie.
La canicule a été pour vous un alibi pour créer le gadget du lundi de Pentecôte, qui remet en cause les 35 heures.
La canicule a été encore un alibi pour inventer une machine infernale qui enfonce, je le disais, un premier coin dans le but de faire éclater la sécurité sociale.
Depuis que vous êtes au pouvoir, vous nous avez habitués à des coups de force, vous nous avez habitués au mépris ! (M. Alain Vasselle s'exclame.) Avec ce texte, votre incohérence atteint des sommets : de mémoire de parlementaire, ce texte est un recueil de stupidités ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC. - Protestations sur les travées de l'UMP.)
M. le président. Monsieur Domeizel, vous avez quelque peu empiété sur le temps de parole de vos collègues du groupe socialiste...
M. Claude Domeizel. D'une minute, monsieur le président !
M. le président. Non, monsieur Domeizel, pas d'une minute, mais de quatre !
M. Charles Revet. Et pour dire des stupidités !
M. Alain Vasselle. Il aurait mieux fait de se taire !
M. Charles Revet. Ils devront se partager le reste du temps de parole !
M. le président. La parole est à Mme Valérie Létard.
Mme Valérie Létard. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, monsieur le ministre, mes chers collègues, à l'occasion des auditions auxquelles nous avons assisté et des déplacements que nous avons effectués dans le cadre de la mission d'information sur la France et les Français face à la canicule, nous avons pu évaluer à quel point l'isolement couplé au grand âge avait contribué à rendre encore plus dramatique l'épisode de grande chaleur de l'été dernier.
Mais peut-être cette catastrophe a-t-elle été, d'une certaine manière, une chance, dans la mesure où elle a permis une prise de conscience collective des enjeux du vieillissement et de la dépendance. Or ces enjeux sont considérables, puisqu'il s'agit, ni plus ni moins, d'inventer un nouveau mode de fonctionnement combinant une nécessaire action de proximité au plus près des besoins et le maintien d'un cadre national suffisamment fort pour assurer l'égalité de traitement sur la totalité du territoire. Tel est l'enjeu auquel nous oblige à faire face la perte d'autonomie.
Au regard de cet objectif, le projet de loi que nous examinons aujourd'hui se propose d'être une étape supplémentaire, certes parcellaire, mais volontariste, pour tenter d'apporter une réponse satisfaisante à la question des moyens financiers.
Avant d'entrer plus avant dans l'examen du dispositif, je souhaiterais tout d'abord rendre hommage au rapporteur de la commission des affaires sociales, M. André Lardeux, pour les efforts qu'il a déployés afin de rendre le texte que nous a transmis l'Assemblée nationale plus lisible et plus précis. Je pense en particulier à l'article additionnel après l'article 11 qui prévoit une compensation des charges nouvelles pouvant résulter, pour les collectivités territoriales, de l'application de la présente loi.
Ainsi, le dispositif de recensement des personnes à risque prévu au titre Ier est mis à la charge des communes. C'est parfaitement pertinent, puisque ce sont elles qui sont le plus proches des habitants. Mais, et la mission d'information l'avait bien mis en exergue, l'identification des personnes fragiles demande en soi une mise en oeuvre délicate, à la fois respectueuse de la liberté de chacun et suffisamment protectrice en cas de risque exceptionnel.
Permettez-moi de citer un extrait des propos tenus par le professeur San Marco quand il a été entendu par la mission d'information, car il a merveilleusement résumé la difficulté à laquelle nous sommes confrontés : « Marseille est une grande ville pauvre. Chez les pauvres, il y a les très pauvres. Ceux-ci sont les plus isolés. Pour l'instant, je n'ai pas la solution pour ces personnes. [...] Nous essayons de faire jouer la solidarité de proximité. Mais si solidarité de proximité potentielle il y a, ce n'est paradoxalement pas vis-à-vis de ces personnes. Nous sommes actuellement sans moyens vis-à-vis de la vieille personne qui vit chez elle, qui n'a plus de famille et qui est fâchée avec son voisin... »
C'est pour ces raisons que notre mission d'information avait proposé de confier la charge du repérage aux centres communaux d'action sociale. Je me félicite de ce que le projet de loi ait retenu l'échelon communal et que la commission, par son amendement, donne les moyens aux communes de mettre en oeuvre le fichier prévu.
Je profite que nous en soyons aux préconisations reprises dans le rapport d'information sur la canicule pour reprendre à mon compte les propos tenus par mon collègue Georges Mouly sur le soutien et le développement des centres locaux d'information et de coordination, les CLIC. En effet, dans ce rapport, nous insistions déjà sur l'intérêt de cet outil de coordination de l'action de proximité en faveur des personnes âgées et de connaissance des populations âgées fragilisées et isolées.
Le Gouvernement serait bien inspiré de maintenir, voire d'amplifier les cofinancements des CLIC qui permettraient effectivement d'inciter les départements à bien mailler les territoires d'outils qui ont fait leurs preuves là où ils fonctionnent déjà.
S'agissant des titres II et III du projet de loi, je souhaiterais formuler trois observations qui expliquent les réserves que m'inspire ce texte en l'état.
Je passerai rapidement sur la première de ces observations, car nombreux sont les parlementaires de nos deux assemblées qui l'ont déjà formulée. Il s'agit du calendrier et de la méthode retenus pour l'examen de ce projet de loi : le texte nous est soumis alors même que le projet de loi relatif aux responsabilités locales n'a pas donné un contour définitif aux compétences des départements en ce qui concerne la prise en charge des personnes âgées et du handicap ; que le périmètre du droit à compensation en discussion dans le projet de loi sur le handicap n'est pas cadré ; que la réforme de l'assurance maladie n'en est qu'à ses prémices et qu'enfin le rapport final de MM. Briet et Jamet sur la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie reste encore à paraître.
Le rapporteur de l'Assemblée nationale a été le premier à admettre qu'un ordre différent eût donné davantage de cohérence à l'ensemble. Le choix d'un tel calendrier est regrettable, car il nous oblige à légiférer une fois de plus dans l'urgence, d'autant plus regrettable que nous demandons un effort supplémentaire à nos concitoyens et que, pour les convaincre du bien-fondé de cet effort, il eût été préférable de leur présenter un projet fort et cohérent.
Sur le titre II, qui institue une journée de solidarité, je souhaite insister, tout comme mon collègue et ami Jean Arthuis, sur le caractère injuste de la contribution que ce projet de loi prévoit, principalement à l'égard des salariés.
Les choix qui ont présidé à l'élaboration de cette contribution me semblent parfaitement contestables en termes d'équité.
M. Gilbert Chabroux. Très bien !
Mme Valérie Létard. Faire reposer l'essentiel de l'effort une nouvelle fois sur le travail est contestable, dans le contexte actuel de concurrence économique internationale exacerbée que nous connaissons. Exonérer les professions libérales, les commerçants, les artisans, les agriculteurs, les retraités de tout effort, est-ce juste ? Je ne le crois pas. (Marques d'approbation sur les travées du groupe socialiste)
C'est d'autant plus regrettable que notre nouveau gouvernement avait annoncé son intention de mettre la justice sociale au coeur de ses politiques. Comment les Français pourront-ils adhérer à l'effort nouveau que vous leur demandez, monsieur le ministre, s'ils ont le sentiment que cet effort n'est pas partagé équitablement ?
Enfin, ma dernière observation portera sur le titre III du projet de loi, qui crée la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie. Grâce à ce texte, nous avons découvert un organisme d'un type nouveau. Répondant au nom de « caisse », cet organisme n'a toutefois aucune des caractéristiques que nous mettons d'habitude sous ce vocable. Vous avez, monsieur le ministre, introduit un nouveau vocable, la caisse relevant d'une branche de protection sociale, non de l'assurance sociale.
Là encore, je crains que nos concitoyens ne comprennent pas toutes les subtilités de cette construction. Si il n'y a pas, comme vous nous l'avez très clairement expliqué, monsieur le ministre, la mise en place d'une nouvelle caisse de sécurité sociale, assurant un cinquième risque - la dépendance -, alors, quel intérêt y a-t-il à conforter cette ambiguïté ?
L'article 7, tel qu'il a été adopté après un amendement du Gouvernement, précise utilement l'objectif. Contrairement à ce que proposait M. Denis Jacquat, qui envisageait une caisse dotée de larges missions, notamment celle de participer à la définition des orientations nationales et de la réglementation en matière de dépendance, la mission de la caisse consiste uniquement à assurer des transferts financiers.
Dans sa version actuelle, la CNSA s'apparente donc plutôt à la « mécanique des tuyaux », bien connue des membres de la commission des affaires sociales du Sénat. (Sourires.)
Vue sous cet angle, la question est alors de savoir si l'on a vraiment besoin de créer une nouvelle structure uniquement pour assurer la répartition des fonds collectés par le biais de la journée de solidarité, au moment même où l'on se propose de supprimer le service de la redevance télévisuelle. Ne peut-on faire l'économie d'une caisse en utilisant ce qui existe déjà ? C'est la solution que nous vous suggérerons au cours de la discussion des articles.
En attendant que soient dissipées toutes les incertitudes relatives au périmètre de cette caisse, nous vous proposerons que l'actuel Fonds de financement de l'allocation personnalisée d'autonomie serve de réceptacle à cette nouvelle contribution. Ce fonds a de nombreux atouts : il existe déjà ; il fonctionne à la satisfaction de tous ; il peut permettre la mise en oeuvre de toutes les règles de péréquation prévues pour la répartition des sommes aux départements. C'est une solution simple et économe en coûts de structure et de gestion.
Telles seront nos propositions concernant le titre III. Je souhaite bien évidemment qu'elles retiennent l'attention de notre assemblée. Si tel n'était pas le cas, et compte tenu des observations que j'ai formulées précédemment, je m'abstiendrai, estimant que ce texte, malgré les intentions louables de ses auteurs, n'apporte pas une solution suffisamment juste et équitable au problème posé. (Applaudissements sur certaines travées de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle.
M. Alain Vasselle. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes réunis ce soir afin d'achever la discussion générale d'un texte très attendu, même s'il a fait l'objet de nombreuses interrogations et de quelques critiques acerbes de la part de certains collègues, situés notamment sur la gauche de notre hémicycle.
A cet égard, je conseillais tout à l'heure à M. Domeizel de balayer un peu devant sa porte. En effet, de votre côté, chers collègues de l'opposition, vous n'avez pas été brillants lorsque vous avez étiez au pouvoir. Dieu sait si nous en payons les pots cassés aujourd'hui ! Vous n'avez donc pas beaucoup de leçons à donner à la majorité. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. André Lardeux, rapporteur. Très bien !
M. Claude Domeizel. Nous n'avons jamais été aussi stupides!
M. Alain Vasselle. Je souhaite tout particulièrement adresser des remerciements à la commission des affaires sociales. M. Lardeux, rapporteur, et M. Nicolas About, président, ont en effet tous les deux accepté d'examiner la proposition de loi tendant à la création d'une assurance dépendance que j'ai déposée avec nombre de nos collègues - ils étaient plus de soixante-dix - en début d'année.
J'ai bien entendu les propos tenus par M. Fischer. Ses interrogations méritent sans aucun doute une réponse. Mais ses critiques ne sont pas fondées. Je l'invite à lire attentivement le texte de la proposition de loi précitée. Si notre collègue lui avait apporté une attention soutenue, comme l'ont fait M. le ministre et plusieurs de nos collègues, il n'aurait certainement pas formulé les mêmes remarques.
Je reviendrai sur ce point, sinon ce soir, du moins lors de l'examen des articles et des amendements que M. le rapporteur a bien voulu présenter et que la commission des affaires sociales a adoptés. Je ne doute pas que le Gouvernement les prendra en considération et leur réservera la suite que nous espérons.
Mes chers collègues, une proposition de loi de cette nature méritait d'être déposée. Il me semble d'ailleurs que M. Mouly y a fait référence dans son propos. En effet, en 2020, plus de 2 millions de personnes seront âgées de plus de 85 ans. En raison de ce nombre, les moyens financiers nécessaires pour faire face aux besoins de la dépendance, même si celle-ci, d'année en année, recule grâce aux progrès de la médecine, seront considérables.
Je ne sais pas si la solidarité nationale pourra, à elle seule, faire face à l'ensemble des besoins que les départements devront assurer. De même, le concours de la CNSA ne sera peut-être pas suffisant. D'où l'idée d'une cotisation d'assurance dépendance, assortie d'une défiscalisation pour les personnes redevables de l'impôt sur le revenu, et d'une éventuelle prise en charge, au titre de l'aide sociale, par les départements, comme ce fut le cas, avant l'instauration de la CMU, pour ce qui concerne le financement du ticket modérateur par l'assurance personnelle. Ce système fonctionnait bien ; nombre de conseils généraux préféraient prendre en charge l'assurance personnelle plutôt que d'avoir à supporter le coût de plusieurs journées d'hospitalisation de personnes dont les ressources étaient modestes.
L'idée d'inciter à contracter une assurance nous a semblé mériter d'être approfondie.
Monsieur le ministre, permettez-moi d'émettre quatre regrets.
M. Gilbert Chabroux. Ah ?
M. Alain Vasselle. Ne les considérez pas comme des critiques à l'égard de votre texte. Mon seul souci est d'essayer de faire avancer les initiatives prises par le Gouvernement et de conforter celui- ci dans son action.
Mon premier regret est que la logique n'ait pas été poussée jusqu'au bout. En l'occurrence, c'est non pas tant le Gouvernement que la commission qui est concerné. En effet, toutes les suggestions que j'avais formulées dans la proposition de loi précitée n'ont pas été prises en considération, notamment celles qui concernent la partie de la population particulièrement défavorisée en raison de ses faibles ressources.
Le deuxième regret est lié à l'articulation de ce projet de loi qui vient, selon moi, à la fois trop tôt et trop tard.
Tout d'abord, je crains que le plan d'urgence et d'alerte ne soit mis en oeuvre un peu tardivement pour être efficace.
M. Claude Domeizel. Vous aussi !
M. Alain Vasselle. Nous sommes tout de même à la fin du mois de mai ! L'été approche. J'ose espérer que nous aurons les cieux avec nous et que nous ne connaîtrons pas les mêmes difficultés que l'année dernière.
Je relève à ce propos qu'il était particulièrement infondé de faire peser sur le Gouvernement la responsabilité de la canicule.
M. Claude Domeizel. Encore la faute à Jospin et aux 35 heures !
M. Alain Vasselle. En quoi le Gouvernement était-il responsable ? En rien ! L'opposition a honteusement exploité cette situation...
M. Claude Domeizel. Jamais !
M. Alain Vasselle. ...pour faire supporter au seul Gouvernement les effets négatifs de la canicule.
M. Claude Domeizel. C'est faux ! Nous n'avons jamais exploité la situation !
M. Alain Vasselle. Monsieur Domeizel, les propos que vous avez tenus tout à l'heure étaient particulièrement mal choisis. Vous devriez vous regarder dans une glace avant d'utiliser des termes tels que le mot « stupidité » à l'égard du Gouvernement et de la majorité !
Mais ce projet de loi intervient aussi trop tôt parce que l'architecture précise de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie n'est pas encore définie, qu'il s'agisse de ses organes dirigeants ou de ses missions, ce qui a été souligné lors d'interventions précédentes et en commission par M. le rapporteur. M. le rapporteur pour avis a aussi posé un certain nombre de questions au Gouvernement auxquelles il souhaite obtenir des réponses précises.
Je comprends le souci du Gouvernement d'avoir voulu adresser un signal fort aux personnes âgées et aux personnes handicapées. Mais n'aurait-il pas été souhaitable d'attendre de disposer au moins de l'essentiel des conclusions du rapport Briet-Jamet pour définir les contours de ce dispositif ?
M. Claude Domeizel. Il pense comme nous !
M. Alain Vasselle. La gestion de la CNSA sera assurée par le Fonds de solidarité vieillesse jusqu'au 30 juin 2005. L'urgence était donc relative. N'aurait-il pas été préférable, après la publication des conclusions du rapport, de pousser plus avant la concertation avec l'ensemble des partenaires concernés ?
J'aurais également souhaité une meilleure articulation de ce projet de loi avec l'ensemble des textes qui lui sont connexes.
M. Claude Domeizel. Nous aussi !
M. Alain Vasselle. La solidarité nationale est une. Il est nécessaire que nos concitoyens en aient pleinement conscience et puissent avoir une vision globale. Ma remarque vaut non seulement pour la loi relative au handicap, pour le projet de loi qui visera à réformer l'assurance maladie, que nous attendons, pour le présent projet de loi relatif à l'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées, mais également pour la loi relative à la politique de santé publique et pour le texte tendant à réformer les tutelles. Ce dernier, attendu depuis des années, a été présenté par M. Perben et son examen est prévu pour la rentrée. Or, par souci de cohérence, il aurait dû être intégré dans l'ensemble constitué par les présentes réformes.
En effet, on ne peut parler d'autonomie des personnes sans revoir intégralement le système des tutelles, sans entendre les personnes concernées et sans les mettre au coeur d'un dispositif qui les concerne au premier chef, ainsi que le recommandait, dès 1999, le Conseil de l'Europe.
Un autre exemple résume bien ce défaut de vision globale et complète de la solidarité nationale: la maladie d'Alzheimer, sujet sur lequel j'ai également déposé une proposition de loi.
Insuffisamment évoquées dans le texte traitant de la santé publique, les conséquences de cette maladie sur ceux qui en sont atteints, soit plus de 700 000 personnes, et sur leur entourage posent pourtant un véritable problème de société. Quand j'avais défendu le texte précité en 1999, 300 000 personnes étaient concernées en France par cette maladie. Ce nombre a plus que doublé depuis.
Or, puisque le présent texte évoque les missions de la CNSA et un conseil scientifique, n'était-ce pas le moment, au moins dans l'exposé des motifs, d'évoquer la recherche dans ce domaine et les moyens à donner aux aidants en matière d'aide à domicile pour leur permettre de « souffler », car l'on sait bien que la plupart des personnes atteintes restent chez elles ?
Tous les espoirs placés dans la mise en oeuvre du plan Alzheimer et dans la circulaire de 2002 n'ont malheureusement pas pu être traduits dans les faits. Dès 1998, j'avais donc déposé une proposition de loi adoptée par la Haute Assemblée mais à laquelle, malheureusement, l'Assemblée nationale n'a pas donné suite.
Comme nombre de mes collègues, si j'en juge par les questions écrites déposées sur ce sujet, je suis saisi par des proches de malades qui n'en peuvent plus et qui souhaitent que des structures d'hébergement temporaires soient mises en place le plus rapidement possible.
Monsieur le ministre, pourriez-vous nous apporter quelques éclaircissements sur ce point et nous dire quelles sont les intentions du Gouvernement sur le plan à la fois réglementaire et législatif ?
Le troisième regret que je veux exprimer concerne l'applicabilité réelle du plan d'urgence prévu par le projet de loi.
Je suis toujours soucieux d'être un élu de proximité, comme la plupart d'entre vous, et donc à l'écoute de mes concitoyens. Je suis également très soucieux, vous le savez, mes chers collègues, de l'éventuelle mise en jeu de la responsabilité des élus. Lorsque la loi Fauchon a été examinée par le Parlement, j'avais eu l'occasion d'intervenir sur ce point.
A cet égard, le texte même de l'article 1er m'inquiète. En tant que maire d'une petite commune, et venant de prendre part aux débats sur le texte relatif au développement des territoires ruraux, je me trouve face au problème de ma propre responsabilité. Comment respecter l'impératif de solidarité nationale qui est de recenser les personnes les plus fragiles, et, en même temps, être un élu responsable mais ne disposant pas de véritables moyens d'assumer cette responsabilité, surtout dans un délai aussi bref ? Je sais aussi que, de retour dans mon département, je serai interrogé sur ce point.
Monsieur le ministre, je ne doute pas que vous ayez travaillé de longue date sur ce sujet délicat. Il serait souhaitable qu'au cours de la discussion du texte vous nous communiquiez les décrets qui permettront l'applicabilité immédiate de ces mesures.
Toutefois, comment dans un délai aussi court allez-vous combiner une véritable synergie entre les services de l'Etat, ceux des départements et les maires pour bâtir un plan efficace en faveur des personnes âgées ?
Permettez-moi d'en profiter pour aborder la question de la présence des maires dans les différents conseils. Elle ne semble pas prévue. Pourtant, les maires sont appelés à jouer un rôle important dans le cadre du plan d'urgence. Il me semblerait pertinent qu'ils puissent faire entendre leur voix, alors même qu'ils seront en première ligne pour la mise en oeuvre du dispositif de veille et d'alerte.
Enfin, mon quatrième et dernier regret concerne la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie.
Nous disposons déjà de toutes sortes de caisses et d'organismes de sécurité sociale, pour la maladie, la vieillesse, les accidents, les allocations familiales, sans parler du Fonds de solidarité vieillesse, et cette nouvelle caisse ne fera que s'y ajouter. L'une de mes préoccupations, exprimée d'ailleurs par M. le rapporteur en commission et par M. Mouly tout à l'heure, concerne la sécurité des moyens qui seront mis à sa disposition.
M. Claude Domeizel. Nous aussi, nous nous inquiétons à ce sujet !
M. Alain Vasselle. Il conviendra de veiller à ce qu'elle soit particulièrement étanche. Si, pendant un temps certainement très limité, des excédents apparaissent, il faudra protéger le Gouvernement de toute tentation d'y puiser, comme cela a été fait, d'une manière éhontée, en ce qui concerne le Fonds de solidarité vieillesse. Ce dernier, créé en 1993, avait pour seul objectif de financer des dépenses de solidarité, notamment celles qui étaient liées à la part non contributive de l'assurance vieillesse.
Nous savons quel sort a réservé au FSV la majorité socialiste d'antan avec le FOREC et les 35 heures : on a « tapé dans la caisse » sans vergogne ; on a créé le fonds pour gérer l'APA sans prévoir les financements nécessaires. Nous ne pouvons ignorer que son équilibre financier est particulièrement difficile, compte tenu des déficits d'exploitation qu'il connaît. Les départements ont été placés dans une situation impossible, ce qui a amené le Gouvernement, dans l'urgence, à prendre des dispositions dès sa prise de fonction et à proposer la création de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie.
Donc, si nous en sommes là, chers collègues de l'opposition, vous y êtes pour quelque chose, et vous pouvez faire votre mea culpa. (Protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. Claude Domeizel. Changez d'arguments !
M. Alain Vasselle. Pour terminer, je tiens à souligner l'ambiguïté du texte quant aux champs respectifs de la dépendance et du handicap.
Cette ambiguïté se retrouve particulièrement sur la question de la modernisation de l'aide à domicile. Qui concernera-t-elle vraiment ? Uniquement les personnes âgées, ainsi que l'article 9 du texte le donne à penser ?
Si tel est le cas, c'est en contradiction avec le début de l'article 7, qui dispose que la CNSA aura pour mission première « de contribuer au financement d'actions en faveur des personnes âgées et des personnes handicapées ». Comment donc seront considérées les personnes handicapées vieillissantes, de plus en plus nombreuses ?
Je suis persuadé que le Gouvernement saura dissiper toutes ces ambiguïtés et répondre à l'ensemble de ces questions qui me tiennent à coeur depuis longtemps.
Je vous remercie par avance, madame la secrétaire d'Etat, monsieur le ministre, des réponses que vous aurez l'amabilité de m'apporter.
Vous êtes ici chez vous, et je ne doute pas un seul instant de vos bonnes intentions à l'égard du Sénat. Vous saurez les manifester en approuvant les amendements présentés par notre rapporteur, au nom de la commission des affaires sociales, dont la qualité du travail mérite assurément le soutien indéfectible du Gouvernement.
N'est-ce pas, en effet, pour le mieux-être des personnes âgées et des personnes handicapées que nous oeuvrons ensemble ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, monsieur le ministre, mes chers collègues, après l'intervention de mon collègue Claude Domeizel, je consacrerai l'essentiel de mon propos aux personnes handicapées. En effet, si ce texte nous donne l'occasion de beaucoup parler des personnes âgées et de l'APA, le dispositif dont il prévoit la mise en place servira aussi à financer la politique du handicap, ainsi que vous l'avez rappelé, madame la secrétaire d'Etat.
La politique du handicap, ce grand chantier du président de la République, tel qu'elle est présentée, semble avoir du mal à trouver sa véritable orientation et à convaincre les intéressés, leurs familles et leurs associations.
Qu'en est-il de la promesse d'une grande réforme de notre politique du handicap ? La première lecture au Sénat du projet de loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées a, vous le savez, madame la secrétaire d'Etat, profondément déçu les associations représentant les personnes en situation de handicap et leurs familles. Nous sommes loin de la loi de modernisation sociale et de la loi relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, textes qui affirmaient avec force le droit à compensation, « tout au long de la vie », avions-nous précisé.
Nous sommes déçus par la définition qui est donnée du handicap : au-delà des débats sémantiques, c'est une conception dynamique et interactive du handicap que le Gouvernement a refusée lors de la première lecture au Sénat.
Nous sommes déçus aussi de constater que, pour l'attribution de la prestation de compensation, les critères de l'âge et ceux qui sont liés aux taux d'incapacité sont maintenus. Sur ce dernier point, à la suite d'un amendement - partant d'un bon sentiment - du président de la commission et du rapporteur, un effet de seuil inique a été créé entre les cinquième et sixième catégories de complément d'AES.
J'attire votre attention sur cet amendement, madame la secrétaire d'Etat, parce qu'il risque d'avoir des conséquences désastreuses.
Nous sommes donc déçus par le montant de cette prestation de compensation et regrettons que subsistent des critères de ressources, de taux d'incapacité et de nature des besoins, aux antipodes des objectifs de protection sociale et de solidarité nationale à l'origine de cette nouvelle prestation.
Enfin, nous sommes déçus que, en l'absence de toute revalorisation de l'AAH, l'allocation aux adultes handicapés, le droit à un revenu d'existence décent n'ait pas été concrétisé.
On nous avait pourtant expliqué, à l'époque, que l'AAH correspondait à 86 % du SMIC, en intégrant cependant dans son calcul des prestations tout à fait discutables. Il ne faut pas parler en pourcentage : 86 % du SMIC, cela représente 1 000 à 1 200 francs de différence. C'est considérable, à ce niveau de besoin.
On ne peut, dès lors, rejeter l'idée d'une revalorisation de l'AAH. La liste est encore longue, madame la secrétaire d'Etat, et nous aurons l'occasion d'avoir ce débat avec vous en seconde lecture de ce projet de loi-là. Pour l'heure, nous en sommes restés au texte de Mme Boisseau. Cependant, si l'on en croit les rumeurs, il devrait être remanié par l'Assemblée nationale la semaine prochaine. J'ignore s'il le sera profondément. Peut-être le saurons-nous tout à l'heure.
M. Guy Fischer. Il le sera profondément ! Il en a besoin !
M. Jean-Pierre Godefroy. Dans quel sens sera-t-il remanié, madame la secrétaire d'Etat ? Par qui le sera-t-il ? Le sera-t-il par des amendements gouvernementaux ou par des amendements parlementaires ? Dans le premier cas, il eût été intéressant de connaître ces nouveaux éléments avant d'étudier le présent projet de loi.
A l'époque, Mme Boisseau nous avait certifié que, en raison de leur nombre, les décrets d'application du texte nous seraient transmis pour avis ou information avant la deuxième lecture au Sénat. J'aimerais que vous puissiez prendre le même engagement.
La question dont nous débattons aujourd'hui n'est pas sans importance, mes chers collègues, puisque le présent projet de loi relatif à la solidarité pour l'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées est censé financer la politique mise en place par le projet de loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.
J'en viens maintenant au calendrier.
Comment pouvez-vous nous demander, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'Etat, de nous prononcer sur le mode de financement d'une nouvelle caisse sans que le contenu du droit à compensation ait été définitivement fixé ? Comment pouvez-vous nous demander de faire abstraction du débat à venir sur l'assurance maladie ? Comment pouvez-vous nous demander de ne pas tenir compte du rapport non encore publié de MM. Briet et Jamet ? Enfin, comment pouvez-vous nous demander d'anticiper sur la réforme de la décentralisation et sur la nouvelle répartition des compétences et des ressources, pas encore définies à ce jour, qui semblent faire grand bruit au sein de la majorité actuellement ?
Les textes se renvoyant constamment les uns aux autres, on a parfois du mal à s'y retrouver. J'ose espérer que le Gouvernement s'y retrouve, lui. Nous l'avions déjà dit en son temps, cela explique certainement la confusion qui, jusqu'au dernier moment, a entouré ce projet de loi.
Le texte que vous nous présentez aujourd'hui, madame la secrétaire d'Etat, monsieur le ministre, prévoit donc de supprimer un jour férié et de prélever une surtaxe de 0,3 % sur les salaires pour alimenter une caisse qui sera chargée de financer d'abord la politique en faveur des personnes âgées puis, presque accessoirement, oserai-je dire, des personnes handicapées.
Monsieur le ministre, dans votre propos, vous avez utilisé l'expression « volet handicapé ». Je trouve que c'est impropre : il faut une politique pleine et entière en faveur du handicap, et non pas un simple « volet ».
Les heures supplémentaires de travail effectuées au cours de la journée de solidarité ne s'imputeront ni sur le contingent des heures supplémentaires, ni sur celui des heures complémentaires, dans le cas des salariés à temps partiel. Elles ne donneront pas lieu à repos compensateur.
Quoi que vous en disiez, la perte est plus importante pour le salarié qu'une « simple » journée de salaire, et le profit encore plus important pour l'employeur. En attendant le contrat de travail à 120 % demandé par le nouveau président du groupe UMP à l'Assemblée nationale - contrat que ne renierait pas le MEDEF -, vous nous proposez d'ores et déjà le contrat de travail à 104 % avec une rémunération à 100 % !
Cela a déjà été dit, les agriculteurs, commerçants, artisans et professions libérales ne s'acquitteront pas de la surtaxe de 0,3 %, ce qui introduit une nouvelle inégalité entre les travailleurs salariés et les autres.
On peut même se demander si cette mesure n'est pas contraire au développement de l'emploi. En effet, la création d'une cotisation supplémentaire de 0,3 % sur les salaires pourrait finalement se révéler contre-productive à cet égard. Certains ont annoncé la suppression de 30 000 emplois. Je ne dispose pas d'informations exactes, mais, à tout le moins, je peux vous parler, madame la secrétaire d'Etat, d'un établissement psychiatrique privé à but non lucratif, participant au service public hospitalier et situé dans mon département.
Du fait de la décision gouvernementale d'augmenter la taxe « préretraite » pour la porter de 5 % à 24 % de la masse salariale des partants, et en raison, d'une part, de l'exclusion, par la loi portant réforme des retraites, de ce type d'établissement du bénéfice de l'exonération des charges patronales sur les primes de départ, et, d'autre part, des nouvelles cotisations ASSEDIC s'appliquant aux praticiens détachés du public, la journée de solidarité aura pour cette maison de santé un coût élevé. L'établissement devra soit supprimer des emplois - on envisage la suppression de deux postes en gérontopsychiatrie -, soit augmenter le prix de journée - ce qui ne lui sera pas accordé -, soit encore être déficitaire - ce qui lui sera reproché.
Il est paradoxal que ces établissements, en se mettant en difficulté, contribuent à un financement qui doit leur être normalement destiné. Il serait vraiment utile de considérer le statut de ces établissements privés participant à une mission de service public.
Cette idée d'un jour férié travaillé destiné au financement de la politique en faveur des personnes handicapées revient à Mme Boisseau. Nous n'y avions pas alors souscrit. Par la suite, en raison de la canicule et après le gel, en 2003, de 300 millions d'euros destinés aux maisons de retraite, on a donc inclus les personnes âgées dans le bénéfice de cette journée, parlant plus généralement de dépendance et d'autonomie. Cependant, l'exercice qui consiste à faire un parallèle entre la problématique des personnes âgées et celle des personnes handicapées, même si parfois elles se rejoignent, a des limites.
Outre le fait que la stigmatisation qu'induit ce jour de solidarité est quelque peu contradictoire avec l'objectif d'une intégration pleine et entière des personnes handicapées dans notre société, les moyens que Mme Boisseau espérait pour financer la réforme de la politique du handicap devront donc être partagés. C'est certainement ce qui explique l'embarras de Mme le secrétaire d'Etat lors de la première lecture au Sénat du projet de loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, pour répondre à des amendements fort justifiés, mais trop coûteux au regard des moyens affectés. Vous serez confrontée aux mêmes problèmes, madame la secrétaire d'Etat.
Parlons précisément des moyens.
Le Premier ministre prévoit de consacrer au plan de prise en charge de la dépendance 9 milliards d'euros d'ici à 2008. En année pleine, le nouveau dispositif de journée ou d'heures de solidarité est censé susciter 1,9 milliard d'euros, 1,2 milliard venant du secteur privé, 400 millions venant des fonctions publiques et 300 millions venant de la contribution additionnelle à la CSG sur les revenus du capital.
Ce sont donc 850 millions d'euros qui sont affectés au handicap. M. Raffarin a d'ailleurs avancé récemment le chiffre de 1 milliard d'euros.
M. Guy Fischer. A Lyon, au congrès de l'UNAPEI !
M. Jean-Pierre Godefroy. Aujourd'hui, nous n'en sommes qu'à 850 millions d'euros. Il faudrait au moins que nous soyons d'accord sur les chiffres !
Cette somme de 850 millions d'euros n'est, certes, pas négligeable ; cependant, il faut la rapprocher des 26,2 milliards d'euros nécessaires chaque année à la politique du handicap.
Comment peut-on réellement évaluer le surplus financier que devrait dégager cette journée de solidarité, à la suite des tractations, au sein de la majorité, entre les députés de l'UMP et le Gouvernement ?
Si le chiffre avancé et espéré est correct, j'aimerais que l'on nous dise pourquoi l'Etat, sur la durée, garde par devers lui environ deux milliards d'euros. En effet, le gain attendu de la journée de solidarité n'est pas intégralement affecté au CNSA. L'Etat en garde une partie (M. le ministre fait un signe de dénégation.).Vous pourrez vérifier. Il s'agit alors non plus d'une journée de solidarité pour les personnes âgées et les personnes handicapées, mais d'une journée de solidarité pour les personnes âgées, les personnes handicapés et le budget de l'Etat !
Par ailleurs, si les entreprises produisent et vendent, les collectivités territoriales, pour leur part, ne retireront aucun bénéfice de cette journée de travail supplémentaire. Cette dernière représente donc pour elles uniquement une taxation supplémentaire qu'elles devront, d'une façon ou d'une autre, reporter sur leurs administrés. Aussi, certains contribueront deux fois, en tant que salariés et en tant que contribuables.
La prise en charge des personnes handicapées et, plus généralement, des personnes dépendantes ainsi que leur santé et leur droit à compensation quel que soit leur âge relèvent de la protection sociale. Ces questions doivent être posées dans le cadre de la réforme de l'assurance maladie.
La création d'une caisse spéciale pour les personnes âgées et handicapées est en contradiction avec le principe de solidarité nationale. Tout autant l'est la proposition de loi de M. Vasselle et de ses collègues de créer une assurance dépendance.
Quelle est donc la position du Gouvernement sur ce dernier sujet et sur les amendements déposés ? Vous sembliez, monsieur le ministre, très réservé en commission. J'aimerais connaître votre position aujourd'hui, pour éclairer nos débats sur les articles qui viendront en discussion.
La CNSA ne gérera pas un risque : elle centralisera seulement des recettes et des moyens financiers qui seront gérés par les départements. Les modalités de cette architecture seront d'ailleurs précisées dans un second projet de loi dont nous n'avons pas connaissance. Comment sera garanti l'égal accès à ces financements et à ces prestations sur l'ensemble du territoire national ? Cette question intéresse les conseils généraux.
La protection sociale implique un effort collectif. La solidarité nationale doit être évaluée globalement et son financement assis sur l'ensemble des revenus.
Ce texte n'est donc pas satisfaisant. On nous dit qu'il a fait l'objet d'une large concertation. Cependant, il ne faudrait pas confondre concertation interne à l'UMP et concertation avec la société civile, monsieur le ministre. Les organisations syndicales, la CNAM, la CNAV, la MSA, l'ACOSS ainsi que les associations représentant les personnes handicapées ont toutes émis un avis défavorable et se sont montrées extrêmement critiques sur ce projet comme sur le projet de loi sur l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.
Quant aux auditions auxquelles a procédé la commission des affaires sociales, elles ont été tout à fait courtoises et nombreuses, mais aussi purement formelles, puisqu'il n'a été tenu compte d'aucune remarque et d'aucune suggestion. Rien n'a donc été retenu de ce que nous avons pourtant tous entendu.
Par conséquent, madame la secrétaire d'Etat, monsieur le ministre, nous refusons tout autant la philosophie de ce projet de loi que la solution qu'il prévoit pour le financement du droit à compensation des personnes en situation de handicap (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Cazeau.
M. Bernard Cazeau. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, monsieur le ministre, mes chers collègues, la question dont nous avons à traiter aujourd'hui est à l'évidence cruciale pour une société française qui a fait la triste démonstration de son déficit en matière de solidarité et des lacunes de ses politiques publiques.
Sitôt la catastrophe sanitaire terminée, le Gouvernement a annoncé un ensemble de mesures visant à améliorer la situation des personnes âgées et des personnes handicapées, mais ce n'est qu'aujourd'hui, soit dix mois après l'annonce du plan vieillissement et solidarité, que la question du financement des mesures nouvelles est posée. Inutile de vous dire, monsieur le ministre, que ce laps de temps aura paru très long aux acteurs de la solidarité et aux personnes dépendantes.
Le projet de loi que vous nous présentez est donc une réponse à l'urgence qu'il vous faut gérer. On ne s'étonnera donc pas d'être face à un texte résultant d'une certaine précipitation, peinant à trouver sa place parmi d'autres textes en cours de discussion, et contribuant, de ce fait, à rendre la politique sociale du Gouvernement encore plus illisible.
Nous sommes en effet en plein empilement législatif. M. le rapporteur en convient, d'ailleurs, et nos collègues l'ont déjà dit. Pas moins de quatre projets de loi sont en effet en cours de discussion ou d'élaboration sur le sujet qui nous préoccupe aujourd'hui, ce qui entame considérablement la crédibilité de votre action.
Prenons l'exemple du plan d'alerte et d'urgence - c'est l'objet de l'article 1er -, dont vous proposez la mise en oeuvre conjointe par le préfet et le président du conseil général. Il s'agit là de sécurité publique, donc d'une compétence de l'Etat. Une telle mesure ne devait pas nécessairement figurer dans un projet de loi, à moins que, en y associant les collectivités territoriales ou locales, on espère, le moment venu, pouvoir trouver des financements auprès d'elles.
Il en est de même de la contribution financière demandée aux collectivités employeurs. A l'heure où l'on annonce de nouveaux transferts de personnels, la cotisation de 0,3 % sur la masse salariale ne peut que les inquiéter. Dans mon département, cette augmentation correspondra à 129 000 euros dès cette année. Si les effectifs doublent, comme l'on peut s'y attendre avec le transfert des personnels techniciens, ouvriers et de service, des personnels de l'équipement et autres personnels de l'Etat, cela équivaudra, ni vu ni connu, à un quart de point d'impôt en plus au titre des 0,3 %.
A ce sujet, qu'entendez-vous, monsieur le rapporteur, par la nécessité de prévoir une compensation aux collectivités territoriales pour les charges résultant de ce texte ? Vous n'évoquez que les fichiers des communes ; en sera-t-il de même pour les départements en ce qui concerne les transports scolaires et le transport des handicapés durant la journée fériée travaillée ?
Le constat d'une décentralisation tacite est évident. Il est encore plus patent sur la question du handicap, madame la secrétaire d'Etat, puisque, certes, nous ne disposons que du rapport d'étape de M. Raoul Briet et Pierre Jamet, mais que préconise-t-il déjà, si ce n'est une départementalisation complète des procédures d'aide aux personnes dépendantes ? Ne sommes-nous pas en train d'inverser les priorités en dégageant des moyens dont les modalités d'utilisation ne sont pas encore bien définies ?
Mes interrogations sont celles de nombreux responsables d'exécutifs locaux, y compris, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'Etat, parmi vos amis. Il aurait été plus judicieux de savoir au préalable qui fera quoi demain et d'où viendront les financements nécessaires, d'une décentralisation bien comprise ou de la fiscalité locale.
Parlons de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie. La seule décision concrète du projet de loi réside dans sa création. Nous devinons bien entendu que cette caisse tient pour l'instant davantage du soin palliatif que du véritable remède. Elle est, aux yeux des experts, un modus vivendi permettant d'éviter les arbitrages difficiles entre le cinquième risque, la départementalisation, voire la privatisation du risque dépendance, que réclament certains de nos collègues.
D'où l'intuition que la CNSA sera un objet de comptabilité publique en contrat à durée déterminée. Certains la voient déjà se transformer en agence de financement des prestations nouvelles conférées aux départements, d'autres l'imaginent volontiers réintégrée dans le giron de la sécurité sociale, d'autres encore, comme M. le rapporteur, concluent à son insuffisance à court terme et pensent déjà, sans le dire, à son remplacement pur et simple.
Mais le problème de la CNSA est ailleurs. II réside dans son mode de financement : les contributions entre salariés et détenteurs de capital, mais aussi entre les professions elles-mêmes sont mal réparties.
Mes critiques portent tant sur la forme que sur le fond du prélèvement nouvellement institué
J'ai lu avec attention que M. le rapporteur se félicitait de la neutralité économique de la mesure sur le revenu des salariés. Cela est certes vrai en termes nominaux - la feuille de paye restera identique à court terme -, mais faux en termes réels : la rémunération horaire du travail baissera d'environ 0,45 %, sauf à considérer que le calendrier ne compte plus que 364 jours par an, que le 365e est intemporel et que l'on travaille ce jour-là dans la plus grande allégresse.
De plus, l'allongement de la durée annuelle travaillée risque de réduire le volume des heures supplémentaires demandées aux salariés. Dans cette hypothèse, la perte du pouvoir d'achat d'une année sur l'autre serait avérée.
On remarque, par ailleurs, que le Gouvernement aura enfin tenu l'une de ses promesses, celle de revenir sur la réduction du temps de travail à salaire constant. Je dirai même qu'il innove en augmentant la durée légale du travail pour la première fois depuis un siècle !
Plus fondamentalement, je doute de l'efficacité économique de cette mesure, et ce pour deux raisons. La première tient à son effet sur l'emploi.
En période de faible croissance et de destruction d'emplois industriels, la hausse des cotisations que vous suggérez ne manquera pas d'amoindrir la compétitivité des entreprises, plus particulièrement de celles employant de la main-d'oeuvre, engagées dans des secteurs fortement concurrentiels. L'Union professionnelle artisanale faisait à ce titre fort justement remarquer à la fin de l'année 2003 que la cotisation fait «peser quasi-intégralement le poids de l'aide aux personnes dépendantes sur les entreprises de main-d'oeuvre».
Ainsi, indépendamment des profits réalisés, une entreprise paiera d'autant plus qu'elle emploie ! Tout cela ne manquera pas d'avoir des conséquences sur la création d'emplois.
La seconde raison tient à une production de recettes moindre que prévue, M. le rapporteur pour avis a évoqué ce problème. On est en droit de douter de la pertinence de l'assiette choisie à l'heure où le nombre d'heures travaillées dans le pays ne cesse de décroître en raison de la hausse du chômage : une cotisation sur les salaires, alors que la masse salariale nationale n'évolue pas, puisque l'économie offre moins d'emplois, est pour le moins risquée.
Compte tenu de la déprime économique, les recettes attendues en faveur de la CNSA sont très probablement surévaluées.
Enfin, il est tout à fait anormal, comme l'a fait remarquer M. le rapporteur pour avis, que ne contribuent à la CNSA que les seuls salariés, qui paieront tout de même 1,6 milliard sur les 1,9 milliard d'euros nouvellement prélevés.
Il apparaît finalement que la principale modalité de financement de la CNSA ne va pas sans soulever d'importantes difficultés. Elle n'est ni socialement juste, ni économiquement neutre, ni même garantie dans son efficacité en termes de prélèvement.
Ce projet de loi est bel et bien une occasion manquée Ses aspects positifs, par exemple le rapprochement tout à fait justifié entre vieillesse et handicap, qui sont deux situations comparables de perte d'autonomie, sont totalement occultés par ses flagrantes insuffisances.
Pour conclure, je veux attirer l'attention de la Haute Assemblée sur les compléments dangereux qu'a souhaité apporter la commission des affaires sociales du Sénat au projet de loi. Je veux parler de la batterie d'articles additionnels avant l'article 12 ayant trait aux diverses exonérations fiscales et sociales, individuelles ou collectives, en faveur des souscripteurs de contrats privés d'assurance dépendance.
La commission propose que les contrats d'assurance dépendance souscrits par les entreprises soient déduits de l'assiette des cotisations patronales : à cette lecture, on est pris d'une certaine inquiétude. Cela signifierait que, là où existe un système d'assurance d'entreprise, la journée travaillée n'occasionnerait pas de prélèvement supplémentaire. Chaque salarié paierait donc son assurance par son jour de travail supplémentaire en dehors de toute solidarité nationale ! Mieux vaut, dans de telles conditions, clairement dire aux salariés qu'ils se paient des complémentaires !
Cette incitation à la couverture complémentaire est d'ailleurs de nature à gêner la réflexion sur une véritable garantie collective face à la perte d'autonomie. L'incitation à la couverture individuelle, en matière de santé, de retraite ou de perte d'autonomie, a toujours le même objet et la même conséquence : faire reculer le champ de la solidarité et développer les inégalités.
On sait que la prise en charge collective de la dépendance coûtera cher. Mais cessons les gémissements gestionnaires obtus qui empoisonnent nos débats : l'APA coûte aujourd'hui moins de 0,1 % du PIB estimé pour 2004. Si, demain, la totalité de la dépense d'autonomie devait être prise en charge par la collectivité, à savoir les 13 milliards d'euros mis en avant par M. le rapporteur, elle équivaudrait à moins de 0,8 % du même PIB pour 2004. N'est-ce pas là un choix de société parfaitement défendable et acceptable ?
Il importe que les choses soient claires pour nos concitoyens : soit la dépendance est considérée, dans un esprit libéral, comme une vicissitude de l'existence individuelle et doit relever de l'assurance privée - il faut alors que le Gouvernement le dise aux personnes âgées et handicapées -soit, comme nous le pensons, elle est un risque social à part entière et, dans ce cas, il nous faut en prendre la mesure dans le cadre de la solidarité nationale.
Le principe de fonctionnement de notre modèle social, c'est la solidarité entre actifs et retraités, entre bien portants et malades, entre travailleurs et chômeurs, entre riches et pauvres. J'ai la conviction que cette règle doit de nouveau s'appliquer dans le cas de la dépendance. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Jean Arthuis.
M. Jean Arthuis. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je voudrais d'abord saluer M. André Lardeux, rapporteur de la commission des affaires sociales, et M. Adrien Gouteyron, rapporteur pour avis de la commission des finances, pour la pertinence des analyses qu'ils ont développées à cette tribune sur ce texte tout à fait important, qui vient à son heure combler un vide que les concepteurs du dispositif avaient laissé lors de sa création : il fallait lui assurer des ressources, rendons hommage au Gouvernement, qui a pris cette responsabilité courageusement.
Je voudrais ensuite exprimer deux préoccupations sous forme d'interrogation, d'abord à propos de la création de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie.
J'en comprends bien le principe, mais je me demande s'il est judicieux de créer cette caisse (MM. Claude Domeizel et Guy Fischer s'exclament.), qui se substitue au Fonds de financement de l'allocation personnalisée d'autonomie et qui devrait avoir pour mission de contribuer au financement de la perte d'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées.
Toutefois, je note que les missions définitives de cette caisse ne sont pas connues. Le contenu du titre III du projet de loi me paraît quelque peu prématuré. Nous devons attendre que MM. Raoul Briet et Pierre Jamet, à qui M. le Premier ministre a confié une mission de réflexion sur le périmètre et sur les activités de cette institution de solidarité pour l'autonomie, ainsi que sur ses modes de fonctionnement et de financement, nous fassent part de leurs réflexions. Leurs conclusions ne sont pas encore connues.
Je pense qu'il serait prudent, avant de consacrer cette caisse, de s'interroger, d'abord parce que ses charges dépendront en partie de l'adoption du projet de loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, actuellement en discussion en première lecture à l'Assemblée nationale, et en particulier de la prestation de compensation du handicap.
M. Jean-Pierre Godefroy. Très bien !
M. Jean Arthuis. Je me souviens, comme chacun ici, des critiques que nous avons formulées contre des financements compliqués dont la figure emblématique est le FOREC. Nous voudrions être sûrs que cette caisse ne sera pas une source de complications supplémentaires de nos modes de financement.
Je pense que cette création législative est quelque peu prématurée, car cette caisse ne sera du ressort ni de la loi de finances ni de la loi de financement de la sécurité sociale, ce qui, me semble-t-il, est contraire à l'esprit de transparence voulu par la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances. Cela a motivé le souhait qu'a exprimé excellemment M. Gouteyron au nom de la commission des finances.
Deux recettes nouvelles sont affectées à cette caisse : d'une part, une contribution de 0,3% de la masse salariale à la charge des entreprises et des collectivités publiques et, d'autre part, une contribution de 0,3% sur les revenus du patrimoine et des produits de placements.
L'affectation de ces recettes à une telle caisse nuit à la lisibilité des comptes publics. Une dotation budgétaire aurait, semble-t-il, été plus satisfaisante à cet égard et plus conforme à l'esprit de la loi organique relative aux lois de finances.
M. Claude Domeizel. Bien sûr !
M. Jean Arthuis. Il est imaginable, madame la secrétaire d'Etat, monsieur le ministre, d'inscrire au budget de l'Etat des crédits qui seraient versés par dotation aux départements chargés de mettre ensuite les fonds à la disposition des personnes concernées.
C'est la première réserve...
M. Claude Domeizel. Elle est de taille !
M. Jean Arthuis. ... que je formule sur le mode interrogatif.
En second lieu, je me demande si l'institution d'une contribution sur les salaires est bien conforme à l'idée que nous nous faisons des mesures à prendre pour tirer toutes les conséquences de la globalisation de l'économie.
Nous vivons sous l'empire d'impôts de production mis à la charge des entreprises, qu'il s'agisse de taxe professionnelle ou de charges sociales sur les salaires. Or, à l'heure de la mondialisation, tous ces impôts de production « organisent » en quelque sorte le nomadisme économique.
Nous mesurons bien la pression qui s'exerce sur toutes les entreprises qui produisent des biens et des services ; sous l'effet de la concurrence, elles sont tentées, pour rester compétitives, d'aller produire ailleurs.
Autrement dit, n'y a-t-il pas une contradiction entre le souhait, qui nous anime tous, de prévenir les risques de délocalisation et l'institution d'une charge qui vient alourdir le coût du travail ?
Bien sûr, je comprends que la cotisation est la contrepartie d'un supplément de travail et qu'il convient dès lors de demander aux entreprises d'en restituer une fraction pour assurer le financement de cette oeuvre de solidarité.
Je voudrais cependant mettre en garde le Gouvernement contre toutes les tentations qu'il pourrait avoir à l'avenir d'alourdir encore le poids des charges sociales.
Nous sommes suspects de concentrer les charges sur les entreprises sédentarisées. Tout accroissement des cotisations est un facteur de délocalisation de nature à altérer la cohésion sociale, à réduire nos capacités de relance économique et nos chances d'avoir un supplément de croissance.
Nous devons donc avoir une vision plus globale de l'économie et des contraintes que nous faisons peser sur les entreprises. Nous devons prévenir cette contradiction.
Je ne suis pas certain que toutes les entreprises seront capables de produire plus parce qu'elles auront travaillé un jour de plus, mais je salue cette contribution à la reconnaissance du travail.
Il n'y aura ni croissance ni progrès social si l'on s'obstine à travailler moins, et ce texte, même s'il peut faire ici ou là l'objet de contestations, délivre un signe qui nous oriente dans la bonne direction.
Madame la secrétaire d'Etat, monsieur le ministre, je me permets d'insister encore sur le fait que tout alourdissement de charge sociale est un facteur de délocalisation et donc une contribution à la création d'emplois sur le territoire des nouveaux membres de l'Union européenne, mais aussi en Asie et ailleurs.
Telles sont les deux réserves que je souhaitais exprimer à cette tribune ce soir, mais, encore une fois, je veux saluer le Gouvernement : il prend une initiative pour assurer le financement d'un dispositif que ses auteurs n'avaient pas doté des ressources dont il avait besoin pour vivre et répondre à son objet. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.)
M. Charles Revet. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Hubert Falco, ministre délégué. Je m'adresserai d'abord à M. le rapporteur, dont le travail remarquable a été salué sur toutes les travées, du moins de droite, de cette assemblée.
Vous avez, monsieur le rapporteur, rappelé nos difficultés : des projets annoncés mais non financés et des réformes indispensables, et d'importance, qui, malgré une croissance ô combien favorable, n'ont pas été engagées.
Pour la réforme des retraites, par exemple, on a distillé pendant des années des rapports - j'en ai été témoin à l'Assemblée nationale puis au Sénat - sans s'armer du courage nécessaire pour la mettre en place.
Vous avez soulignez l'urgence de la mise en place d'un plan de veille et d'alerte, hélas ! sans précédent : s'il y avait eu un plan de veille et d'alerte durant la terrible canicule de 2003, peut-être n'aurait-on pas enregistré le même nombre de décès.
Vous avez évoqué la journée de solidarité et parlé de geste de fraternité. Je l'ai dit, entre toucher au pouvoir d'achat des Français et leur demander un geste de fraternité, la démarche la plus simple était la première, puisque c'était celle du prélèvement par l'impôt, mais nous avons choisi la démarche de fraternité.
Vous avez souhaité, monsieur le rapporteur, déposer des amendements de précision. Je suis certain qu'ils vont enrichir tout à la fois le débat et le texte que le Gouvernement vous propose, et nous en discuterons bien volontiers.
Vous avez fait un exposé précis et une analyse pertinente.
S'agissant des recettes, vous craignez qu'elles ne soient inférieures aux prévisions initiales. Je souhaite relativiser cette inquiétude : ces prévisions reposent sur des données qui laissaient présager une évolution moindre de la masse salariale. Or les récentes prévisions de croissance qui nous sont données par l'INSEE font apparaître que le produit intérieur brut augmentera en 2004 de manière plus favorable que ce qui était attendu en début d'année.
M. le rapporteur pour avis de la commission des finances, qui préside maintenant la séance, a, quant à lui, qualifié le programme d'ambitieux.
La mise en place de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie était en effet indispensable, notamment pour pérenniser les financements de l'APA.
Nous avons financé et sauvé l'APA grâce à la loi votée par l'Assemblée nationale et le Sénat, grâce aux mesures que nous avons prises et grâce aux mesures que nous prendrons, en particulier grâce à la mise en place de cette caisse.
Certes, nous attendons le rapport de MM. Briet et Jamet - demande formulée par bon nombre d'intervenants -- pour tirer des conclusions définitives sur la CNSA, qui sera certainement consolidée par ce rapport.
Cette caisse sera d'une transparence complète. Son produit, comme je m'en suis expliqué, ne sera pas fondu dans le budget de l'Etat ou dans les comptes de la sécurité sociale, mais effectivement affecté à un organisme bien identifié qui aura la forme d'un établissement public et sera doté d'un organe de surveillance associant les élus, les parlementaires, les partenaires sociaux et le milieu associatif.
Nous souhaitons mettre en place une politique globale et forte en faveur des personnes dépendantes.
L'épargne populaire ne sera pas soumise au prélèvement social, mais les produits du capital seront touchés ; ils participeront à l'effort de solidarité, à concurrence de 0,3 %.
M. le rapporteur pour avis nous interroge sur les raisons de prévoir dès maintenant la création de cet organisme nouveau. C'est qu'il y a urgence, tant pour mettre en place le plan de veille et d'alerte que pour financer l'APA et pour dégager les crédits nécessaires à la médicalisation des établissements.
Une amélioration des taux d'encadrement a été réclamée. Il est indispensable qu'aux 300 millions d'euros de l'ONDAM déjà prévus au 1er janvier de cette année on ajoute 170 millions d'euros : ces 470 millions d'euros nous permettront de signer 2 000 conventions tripartites en 2004, chiffre jamais atteint auparavant, et de créer quelque 160 000 places médicalisées de plus cette même année.
Il y avait urgence, puisque c'est la mise en place de la caisse qui nous permet d'opérer les prélèvements dès le 1er juillet, sans attendre la fin de l'année.
Monsieur Mouly, vous êtes revenu sur le drame de l'été 2003. Vous avez aussi mis l'accent sur le geste de fraternité.
Vous avez à juste titre parlé de l'évolution démographique et de l'urgence qui s'attache à l'adaptation de notre politique à la démographie de notre pays. Il nous était difficile d'attendre que le dossier de l'assurance maladie soit « bouclé » justement du fait de cette urgence.
Nous avons voulu traiter la dépendance en général, celle des personnes âgées et celle des personnes handicapées. C'est la raison pour laquelle ma collègue responsable des personnes handicapées et moi-même présentons ensemble ce projet de loi.
Au sujet du plan de financement, vous avez souligné que ce dernier posait les bases d'une politique appelée à devenir de plus en plus ambitieuse.
Comme vous l'avez dit, il est indigne d'employer le mot « corvée », comme on l'a fait ici ou là au cours de la soirée, ...
M. Claude Domeizel. Pourquoi ? Consultez le dictionnaire !
M. Hubert Falco, ministre délégué. ...s'agissant des égards dus à nos aînés.
C'est en effet un appel à la générosité des Français qui est lancé à travers ce projet de loi.
Vous avez raison d'insister sur la nécessité de la coordination gérontologique. Je puis vous assurer que le financement des CLIC sera assuré en 2004, puisque les 22 millions d'euros dégagés à cet effet ont déjà été affectés.
Monsieur Fischer, j'ai constaté la divergence de nos points de vue, mais apprécié la décence de vos propos.
On peut exprimer sur les différentes travées d'une assemblée des points de vue différents, mais il faut le faire avec dignité ; vous l'avez fait, sans humour lourd et déplacé, contrairement à d'autres (Murmures sur les travées socialistes)...
M. Claude Domeizel. La vérité vous gêne !
M. Hubert Falco, ministre délégué. ... qui, d'ailleurs, ne m'ont pas déçu : je les connais depuis longtemps et je sais que c'est leur pratique habituelle !
Vous ne partagez donc pas notre point de vue, monsieur Fischer. Vous affirmez ainsi que l'urgence nous sert de prétexte. Non, ce n'est pas un prétexte. Il y avait vraiment urgence ! Le constat que j'établis, et qui en choque plus d'un, c'est que l'urgence tient au fait que, dans ce pays, l'on n'avait jusqu'alors jamais pris conscience de cette véritable révolution sociale que représente le vieillissement. Les gouvernements, de droite ou de gauche, qui se sont succédé n'avaient pas mis en place une véritable politique qui l'anticipe et la prenne en compte.
J'en veux pour preuve le fait que le gouvernement précédent, que vous souteniez, a signé 330 conventions entre 2000 et 2002 : 330 conventions en deux ans ! Le chiffre est exact, vous pouvez le vérifier. Il n'a d'ailleurs pas été contesté à l'Assemblée nationale lorsque je l'ai cité à diverses reprises.
Pour notre part, nous avons conclu 700 conventions au cours du second semestre de l'année 2003, et 1 000 pour l'ensemble de l'année dernière. Et cela demeure largement insuffisant.
Les moyens dont nous allons disposer grâce à la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie nous permettront de signer 2 000 conventions en 2004. Cela servira à l'amélioration du taux d'encadrement dans les maisons de retraite et au renforcement de la médicalisation avec, je l'ai dit, 160 000 lits médicalisés.
Ce sont là des efforts importants que nous allons consentir pour la prise en charge des personnes âgées ou handicapées, à domicile ou en établissement. Ainsi, 17 000 places de soins infirmiers à domicile pourront être créées.
Vous avez en outre évoqué une absence de lisibilité. Je le répète, monsieur Fischer, ce texte est ce qu'il est, il peut paraître insuffisant à certains, mais il a le mérite d'apporter des réponses et des solutions aux problèmes que nous rencontrons aujourd'hui.
Par exemple, nous créons un dispositif de veille et d'alerte ; rien de tel n'existait jusqu'à présent. On a ironisé sur les plans bleus, rouges, verts, et autres. Pour ma part, je n'ironise pas quand il s'agit de la vie de nos anciens. Il existe un plan blanc pour les hôpitaux, mais rien n'était prévu pour les maisons de retraite, qu'elles soient publiques ou privées, associatives ou locales : nous mettons en place les plans bleus pour remédier à cette lacune.
Quand on exerce des responsabilités comme les miennes, il est bien difficile de savoir ce qui se passe réellement dans l'ensemble des départements de France. Or le dispositif de veille et d'alerte nous permettra de déclencher, le cas échéant, le plan bleu, c'est-à-dire une mobilisation générale, en cas de situation de crise, qu'il s'agisse d'une canicule, d'un coup de froid ou de toute autre forme de difficulté. Cela n'était pas possible auparavant.
En ce qui concerne la journée de solidarité et le dispositif des 35 heures, j'ai déjà expliqué qu'une contribution à hauteur de 4 % de 175 heures ne constituait pas une remise en cause des 35 heures. Vous choisissez le prélèvement et l'impôt, nous choisissons l'effort de solidarité.
M. Rodolphe Désiré a évoqué l'urgence d'une manière réaliste. La cotisation de 0,3 % assise sur la masse salariale que devront acquitter les employeurs en contrepartie de la journée de travail supplémentaire ne mettra pas en péril la compétitivité des entreprises ou l'emploi. Dès lors, si la France, comme cela semble heureusement se confirmer, connaît une période de croissance, les entreprises, ainsi préservées, pourront créer des emplois nouveaux.
Monsieur Domeizel, à l'humour déplacé dont vous avez usé au cours de votre intervention, je ne répondrai que par le mépris. On ne fait pas de l'humour à propos d'une crise ayant provoqué 15 000 décès dans le pays !
M. Claude Domeizel. Vous n'avez pas de réponse !
M. Hubert Falco, ministre délégué. Ce n'est pas digne de personnes responsables ! Vous avez employé des termes dérisoires ou grotesques, que je ne commenterai pas. Nous avons des choses plus intéressantes à faire dans cet hémicycle !
En réponse à l'intervention de Mme Létard, j'indiquerai que l'urgence était de financer l'APA, de développer la médicalisation, de dégager davantage de moyens pour l'aide à domicile.
Le choix que nous faisons d'opérer un prélèvement nous semble équitable. Effectivement, les professions libérales, les travailleurs indépendants, les agriculteurs participeront à l'effort de solidarité au travers des salariés qu'ils emploient.
Mme Létard a estimé que la création d'une nouvelle caisse pouvait semer la confusion. Il est clair, cependant, que les caisses de sécurité sociale continueront de financer des soins, la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie devant financer une prestation nouvelle au titre de la prise en charge de la dépendance.
Mme Létard a enfin rappelé à juste titre les propos et les travaux remarquables du professeur San Marco, ainsi d'ailleurs que la contribution de la mission parlementaire du Sénat, que j'ai saluée. C'est pour tenir compte de toutes ces propositions que le texte prévoit un recensement des personnes isolées sous la responsabilité des maires, qui sont des acteurs de proximité. En effet, qui mieux que le maire, aidé par son centre communal d'action sociale, connaît les cas de personnes isolées, peut recenser toutes celles et tous ceux qui ont vraiment besoin de la solidarité ? Le maire, dont nous avons dégagé la responsabilité par le biais d'un amendement accepté par l'Assemblée nationale, doit être un acteur essentiel de cette solidarité.
M. Vasselle a notamment mis l'accent sur la maladie d'Alzheimer. Il s'agit là d'un véritable drame, dont l'ampleur sera comparable, dans les années à venir, à celle du cancer. C'est un authentique problème de société, qui touche les malades, bien sûr, mais aussi leurs familles.
La Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie nous permettra de créer 4 500 places d'hébergement temporaire et 8 500 places d'accueil de jour.
Cette caisse est d'une complète transparence. Elle est constituée sous la forme d'un établissement public national à caractère administratif, et ses organes de surveillance associeront les élus - parmi lesquels, naturellement, les maires, eu égard au rôle qu'ils auront à jouer dans l'effort de solidarité -, les parlementaires, les partenaires sociaux et les représentants des milieux associatifs.
En ce qui concerne la création d'une assurance dépendance, ce point mérite une discussion approfondie, qui aura lieu lors de l'examen des amendements.
Par ailleurs, le plan d'alerte et d'urgence est opérationnel. Son volet « canicule », présenté le 5 mai dernier, permettra le déclenchement du niveau 1 dès le 1er juin sur l'ensemble du territoire national. Ce niveau 1 garantit la bonne coordination des services. Je rappelle que ma circulaire sur les pièces rafraîchies date du 10 février 2004 et que l'Etat assure 40 % du financement correspondant.
Quant à M. Godefroy, c'est ma collègue secrétaire d'Etat aux personnes handicapées qui lui répondra pour l'essentiel, puisqu'il a axé son intervention sur le handicap.
Pour ma part, j'observerai simplement qu'il a indiqué que nous avions gelé 300 millions d'euros affectés aux maisons de retraite. Or, pour geler des crédits, encore faut-il qu'ils aient été auparavant inscrits ! Vos amis, monsieur Godefroy, avaient prévu de budgéter 180 millions d'euros à ce titre pour 2002. Ils ne l'ont jamais fait ! A mon arrivée au ministère, j'ai cherché en vain la trace de ces 180 millions d'euros ! Nous n'avons pas pu geler 300 millions d'euros, car vous n'aviez pas inscrit de crédits.
Certes, les moyens que nous avons consacrés en 2003 à la médicalisation sont très insuffisants. Ils nous ont cependant permis de conclure de 1 000 à 1 500 conventions tripartites.
Vous avez le droit de juger notre effort trop limité, mais je n'ai pas pu geler 300 millions d'euros, car je ne sais pas où j'aurais pu les trouver !
M. Cazeau s'est interrogé sur le fait que l'on puisse inscrire le plan d'alerte et d'urgence dans la loi. Je ne pense pas que cela soit anormal : par la loi, on responsabilise l'ensemble des acteurs. C'est un choix que nous avons fait, mais que vous avez bien sûr le droit de contester, monsieur le sénateur.
Par ailleurs, vous trouvez bizarre que l'on puisse rapprocher vieillissement et handicap. D'autres pensent pourtant avec nous qu'il est bon d'essayer de traiter la dépendance de manière globale. La dépendance est vraiment un risque social.
Nous créons rapidement la CNSA afin de pouvoir lui confier dès le 1er juillet prochain la gestion des crédits qui seront dégagés grâce à la journée de solidarité. J'ai déjà expliqué que, s'agissant de la médicalisation, nous pourrions mobiliser 170 millions d'euros, qui viendront abonder les 300 millions d'euros actuels, financer l'APA à hauteur de 400 millions d'euros, qui s'ajouteront aux 900 millions d'euros du fonds de financement de l'allocation personnalisée d'autonomie, enfin rembourser les 400 millions d'euros dus au titre de l'emprunt contracté en 2003.
Cette caisse, monsieur le sénateur, sera consolidée après une vaste concertation sur le contenu du rapport Briet-Jamet, qui n'est qu'un rapport, c'est-à-dire un document similaire à ceux que produit le Parlement et qui devra être discuté par ce dernier. Ce rapport enrichira certainement notre réflexion en vue de la consolidation de la CNSA.
Nous pensons donc que notre démarche est méthodique et permet de concilier les exigences de l'urgence et celles de la démocratie participative.
Monsieur Arthuis, vous auriez préféré que nous attendions les conclusions du rapport de MM. Briet et Jamet pour créer cette nouvelle caisse: elles ne feront que la consolider.
Vous évoquez une création législative prématurée, je m'en suis expliqué ; la médicalisation, l'APA, l'aide à domicile, les moyens qu'il nous faut dégager dès le 1er juillet de cette année, telle est l'urgence.
Vous jugez que la contribution sur les salaires est un impôt de production ; je vous rappelle qu'elle s'élève à 0,3 % ; en contrepartie, les entreprises bénéficieront d'une journée de production supplémentaire et je ne pense pas que cela entraînera des complications, comme ce fut le cas pour le FOREC. En effet, le dispositif ne prévoit pas de financements croisés ; il repose pour l'essentiel sur la contribution de 0,3 %, qui s'ajoutera à la fraction de 0,1 % de CSG qui était déjà affectée au FFAPA. Il s'agit bien d'une affectation directe de l'effort que représente la journée de solidarité.
Telles sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les quelques réflexions que je souhaitais formuler en réponse à vos propos. Le débat qui s'est instauré a été, à de rares exceptions près, de qualité et nous permettra certainement d'améliorer et d'enrichir le texte que nous vous proposons.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'Etat.
Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'Etat. Monsieur Fischer, vous avez critiqué le manque de coordination dans la construction législative. L'ambition d'un dispositif législatif unique visant des sujets aussi complexes que la dépendance et l'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapée est noble, mais quasi impossible à concrétiser. La progressivité de la démarche, la construction pas à pas d'une législation est une possibilité dont il ne faut pas se priver.
Vous évoquez la sortie du champ de la sécurité sociale du risque dont nous débattons. Je tiens tout de même à vous rappeler que la dépendance liée à l'âge ou la dépendance liée au handicap sont deux risques par nature détachés de la situation de salarié. Il n'y a donc pas de contradiction à traiter dans des espaces différents et avec des références différentes le traitement de ces deux risques.
Il est en outre intéressant d'observer que les organismes de protection sociale auxquels vous faites allusion sont membres du CNCPH et qu'à ce titre ils ont approuvé, dans leur collégialité, la création de la CNSA. Par conséquent, je ne vois pas là non plus poindre de contradiction.
Monsieur Domeizel, vous avez parlé de « machine infernale » et d'éclatement de la sécurité sociale. Je comprends le caractère « pyrotechnique » de votre présentation, (Sourires), mais je ne parviens pas à entrer dans votre logique : songez que nous proposons enfin aux personnes handicapées un droit à compensation complet de leur handicap. Je ne vois pas en quoi vos remarques pourraient constituer une réponse fiable aux attentes de ces personnes.
MM. Bernard Cazeau et Jean-Pierre Godefroy ont traité plusieurs points que j'associerai concernant la CNSA.
S'agissant tout d'abord du chiffre cité par le Premier ministre lors du congrès de l'UNAPEI à Lyon, une clarification est nécessaire. Le financement spécifique de la CNSA représente 850 millions d'euros, auxquels il faut ajouter les financements issus de la loi de finances et de la loi de financement de la sécurité sociale. Ces éléments additionnés permettent d'atteindre l'enveloppe citée par M. le Premier ministre, soit 1 milliard d'euros.
Le coût global consolidé du handicap dans notre pays, comprenant l'intégralité des financements associés et des coûts liés à cette question, est certes estimé à plus de 22 milliards d'euros. Toutefois, ce sont 850 millions d'euros nets supplémentaires que nous évoquons, je tenais à vous le rappeler.
Concernant le handicap, monsieur Godefroy, vous avez longuement évoqué le projet de loi sur l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. Vous comprendrez, monsieur le sénateur, que je ne puisse entrer ce soir dans ce débat, puisque la première lecture est achevée au Sénat et qu'elle n'a pas encore eu lieu à l'Assemblée nationale. Je tiens toutefois à vous préciser que les semaines passées ont été mises à profit, et j'ose espérer que les remarques des parlementaires seront prises en compte ; vous pourrez ainsi nous juger à l'issue de la procédure parlementaire.
Monsieur Mouly, vous avez rappelé l'enjeu qui sous-tend la mise en place de la CNSA, et je vous en remercie. Pour comprendre l'esprit d'un tel dispositif, il convient évidemment de le situer par rapport à l'objectif que nous lui assignons, Hubert Falco et moi-même. Le besoin de financement est celui de notre pays pour la prise en charge de la dépendance et de l'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées aujourd'hui.
Nous savons d'expérience que nos concitoyens sont capables de faire des dons substantiels et de mobiliser leur énergie pour répondre à des questions précises dès lors qu'ils ont le sentiment que leur effort est efficace et ne se perd pas dans la « tuyauterie » indistincte des prélèvements divers. A ce titre, le don d'une journée de temps libre est emblématique de la collectivité nationale.
Vous avez également abordé, monsieur le sénateur, le choix pertinent des opérateurs au plus près des besoins, la question du maillage, de la collectivité locale la plus petite jusqu' au département et, pourquoi pas, jusqu'à la région, qui peut avoir à jouer son rôle dans ce dispositif le moment venu.
Quant à la distinction que l'on peut établir entre la perte d'autonomie caractéristique du grand âge et la quête d'autonomie des personnes handicapées, elle est de taille, car elle s'articule à la notion fondamentale de projet de vie - projet de fin de vie pour les uns, projet de vie pour les autre. Or c'est dans l'esprit du projet de vie que le droit à compensation prend sa place. Ce projet de loi vise à le financer.
Monsieur le rapporteur, je m'associe aux félicitations que mon collègue Hubert Falco vous a adressées pour le travail que vous avez effectué. Je répondrai conjointement à vos questions, à celles de M. le rapporteur pour avis et à celles de M. Alain Vasselle.
Vos questions étaient précises, je vous répondrai donc au moyen de données chiffrées.
Sur le plan macroéconomique, il convient d'évaluer les sommes qui sont en jeu dans la création de la CNSA. Nous nous sommes fixé une enveloppe de 850 millions d'euros correspondant à cinq programmes.
Un programme en aides humaines, c'est-à-dire en services d'auxiliaires de vie, d'un montant de 400 millions d'euros environ, vise à proposer aux personnes handicapées des solutions d'accompagnement aussi précises que possibles. Pour ce qui concerne les personnes très lourdement handicapées, l'évaluation est comprise entre 180 et 200 millions d'euros. Il convient parallèlement d'améliorer l'actuelle ACTP, l'AES pour les dépenses ponctuelles et la situation des parents isolés et des aidants familiaux dans ce cadre.
Un autre programme concerne les aides techniques, qui s'établissent entre 150 et 200 millions d'euros. Ces sommes permettent de couvrir les trois quarts du reste à charge actuel des personnes handicapées et constituent donc un apport substantiel.
Les programmes d'aide au logement, dont le montant varie de 50 à 80 millions d'euros dans nos estimations, reposent sur les dépenses de l'Etat dans les sites de la vie autonome tels que nous avons pu les évaluer.
J'en viens au programme relatif au handicap psychique. Pour la première fois, le handicap psychique est reconnu par la loi. Le programme qui lui est consacré, à hauteur de 50 millions d'euros, permettra de créer des solutions particulières, à la demande de l'association UNAFAM.
Il s'agit enfin d'aides exceptionnelles diverses dont nous avons toujours besoin en matière de handicap, soit 50 à 100 millions d'euros.
L'addition de ces programmes correspond à peu près à l'enveloppe indiquée, avec un effet de levier considérable par rapport à la situation actuelle. Evidemment, ces programmes ne peuvent s'inscrire dans l'esprit du droit à compensation que si nous sommes en mesure d'établir de nouvelles grilles d'évaluation du besoin associé. D'ores et déjà, une mission de l'Inspection générale des affaires sociales y travaille et un premier rapport a été rendu. Ces travaux sont en cours, mais nous serons en mesure de disposer d'outils d'évaluation spécifiques pour le handicap afin de gérer la question précise du droit à compensation.
M. le président de la commission des finances, M. Jean Arthuis, s'est interrogé sur la pertinence de la création de la caisse. C'est en effet une question de fond.
J'ai évoqué à l'instant l'importance que revêtaient, à nos yeux, ces idées de fléchage et de dépenses abouties jusqu'à une utilisation. En ce sens, monsieur Arthuis, cette possibilité d'assortir une mesure et une évaluation à un dispositif tel que celui-ci est assez « LOLFienne » !
Par ailleurs, vous avez soulevé, monsieur Arthuis, la question extrêmement précise du financement du droit à compensation. Vous l'avez abordée sous l'angle de l'attractivité du territoire et de la performance de notre pays en vous interrogeant sur le risque que faisait courir le don d'une journée de temps libre.
Selon moi, au contraire, le droit à compensation, corollaire de la CNSA, ouvre tout un champ de créativité économique inédit : possibilité d'innover en matière d'aide technique, création de nouveaux emplois, émergence de nouvelles richesses et de nouvelles formes d'attractivité de notre territoire.
Par ailleurs, monsieur Arthuis, je puis vous dire que ces emplois ne seront pas délocalisables !
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Question préalable
M. le président. Je suis saisi, par MM. Chabroux, Cazeau, Domeizel, Godefroy et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, d'une motion n° 33, tendant à opposer la question préalable.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l'article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif à la solidarité pour l'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées (n° 299, 2003-2004).
Je rappelle que, en application de l'article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n'excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à M. Gilbert Chabroux, auteur de la motion.
M. Gilbert Chabroux. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, après la canicule de l'été dernier et son terrible bilan, le premier réflexe du Gouvernement, sa première réaction, a été de désigner des coupables : tour à tour, ont été montrés du doigt les familles, qui ne s'occuperaient pas de leurs parents, les services médicaux et les généralistes, qui n'auraient pas été suffisamment présents et disponibles, la société, qui, d'une façon générale, laisserait se distendre les liens et régresser les valeurs collectives, les salariés, qui ne travailleraient pas assez et priveraient ainsi la France des ressources nécessaires à la prise en charge et à l'accompagnement des personnes âgées et des personnes handicapées.
On a même entendu des membres éminents de la majorité s'exclamer que c'était la faute des 35 heures ! Une fois de plus, c'était une question d'héritage ! Les personnes dépendantes méritent mieux, de la part de la nation, que d'être assimilées à un fardeau !
Vous avez désigné beaucoup de coupables. En fait, il s'agissait d'autant de rideaux de fumée pour faire oublier qu'il n'y avait personne, ni pilote ni passagers, dans l'Airbus gouvernemental, et que l'avion n'avait même pas de cap !
Je ne parle pas spécialement pour vous, monsieur le ministre, car vous étiez, je crois, sur le terrain. Mais nous ne pouvons pas oublier les atteintes graves, préjudiciables, qui avaient été portées à l'allocation personnalisée d'autonomie, l'APA, pas plus que les contraintes qui avaient été imposées aux personnes âgées dépendantes pour réaliser 400 millions d'euros d'économies, alors que, dans le même temps, le Gouvernement allégeait de 500 millions d'euros l'impôt de solidarité sur la fortune.
Nous n'oublions pas non plus les 300 millions d'euros qui étaient destinés aux maisons de retraite et que vous avez gelés et supprimés.
Cependant, je ne voudrais pas trop m'appesantir sur la canicule de l'été 2003. Il existe des rapports parlementaires sur lesquels il n'est pas nécessaire de revenir. La canicule a permis, et c'est important, une prise de conscience plus aiguë des problèmes que posent le vieillissement et la dépendance, qui constituent, pour reprendre votre expression, monsieur le ministre, une véritable « révolution sociale ».
La dépendance doit être considérée comme un risque social à part entière et, à ce titre, doit être prise en charge solidairement par la collectivité nationale. Le préambule de la Constitution de 1946 proclame la solidarité et l'égalité de tous les Français face à de tels risques.
Alors qu'un très large débat aurait dû s'ouvrir dans le pays sur les formes à donner à cette solidarité, sur l'expression qu'elle devrait revêtir, sur l'organisation qu'il conviendrait de mettre en place, le Gouvernement a présenté un plan vieillissement-solidarité, au début du mois de novembre dernier, sans qu'il y ait eu la moindre concertation préalable.
Le Premier ministre a décidé que cette charge pèserait essentiellement sur les salariés. Ainsi serait instaurée une journée supplémentaire de travail - initialement, le lundi de Pentecôte - pour financer l'aide aux personnes dépendantes et une nouvelle caisse serait créée, la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie.
Les partenaires sociaux ont été, eux-mêmes, placés devant le fait accompli, alors que les dispositions envisagées portent une atteinte grave au droit du travail.
Il y a de quoi être surpris et choqué : nous gardons en mémoire les déclarations du Président de la République et celles du Premier ministre affirmant leur attachement au dialogue social. Le Président de la République avait déclaré, le 14 juillet dernier, qu'il fallait « en finir avec la vieille culture de l'affrontement ». Le Premier ministre, dans son discours de politique générale, le 3 juillet 2002, s'était déjà engagé à « s'ouvrir à la démocratie sociale », au « dialogue social, qui est le préalable nécessaire au règlement de nos dossiers majeurs ».
Une loi a même été votée, il y a quelques mois, relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social. Ce texte prévoit que le Gouvernement prend l'engagement solennel de renvoyer à la négociation nationale interprofessionnelle toute réforme législative relative au droit du travail.
Or ce projet de loi est bien de nature à modifier en profondeur le droit du travail. Pourquoi n'y a-t-il eu aucune négociation avec les partenaires sociaux ? Force est de constater, une fois de plus, qu'il y a loin des discours du Gouvernement à ses actes, et que ses promesses n'engagent que ceux qui les écoutent !
Pas plus que les organisations syndicales - salariales ou patronales - ou que les grandes associations qui interviennent dans le domaine de la dépendance, les organismes de sécurité sociale n'ont été consultés, alors que l'objectif devrait être de compléter les interventions des branches maladie et vieillesse de la sécurité sociale sur le terrain de l'accompagnement social des personnes âgées ou handicapées, à domicile ou en établissement.
Ces organismes, la CNAM, la CNAV, la MSA, l'ACOSS, ont exprimé très vivement leur désapprobation à l'égard de la méthode employée et mis en garde contre les dangers que recèle ce projet de loi. Selon leurs propres termes, ce texte porte en germe « une rupture du pacte de solidarité » en ce qu'il s'engage vers une partition insupportable dans la prise en charge des soins.
La rupture du pacte de solidarité est bien ce qui caractérise ce dispositif, tant il est générateur d'inégalités ; c'est d'ailleurs un abus de langage que de parler à son sujet de solidarité !
La Fédération nationale des accidentés du travail et handicapés, la FNATH, a ainsi déclaré : « La suppression d'un jour férié pour financer la politique en faveur des personnes âgées et des personnes handicapées constitue une mesure stigmatisante pour les personnes concernées ». La FNATH a, par ailleurs, dénoncé le mode de financement, qui n'est pas universel, dans la mesure où il ne met pas à contribution l'ensemble des Français et des revenus.
Le Comité pour le droit au travail des handicapés et l'égalité des droits, le CDTHED, fait valoir que les handicapés et leurs familles ne veulent pas être tributaires de la charité publique obligatoire organisée par la suppression d'un jour férié.
En faisant porter la charge sur les salariés, qui devront travailler une journée supplémentaire sans être rémunérés, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'Etat, vous exonérez de cet effort les agriculteurs, les commerçants, les artisans et les membres des professions libérales qui n'emploient aucun salarié. Comment expliquer cette inégalité entre les travailleurs salariés et les autres ?
J'observe simplement que des catégories sociales proches de la majorité gouvernementale sont dispensées du devoir de solidarité ! Sans vouloir polémiquer, certaines catégories de la population, y compris parmi les retraités, ont un revenu plus élevé en moyenne que celui des salariés, et que tout le monde est concerné par le risque de dépendance.
Il serait intéressant d'étudier de plus près les différentes contributions qui seront apportées à la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, à partir de l'instauration d'un jour de travail supplémentaire. Les salariés apporteront leur travail, qui représente 0,45 % de la production annuelle ; la contribution des employeurs, quant à elle, est fixée à 0,3 %, bien le MEDEF eût préféré une absence totale de taxation. Mais on ne voit pas quel préjudice les entreprises subiraient, compte tenu de l'écart qui subsistera entre l'augmentation de la production - même si elle n'atteint pas 0,45 % - et la taxe de 0,3 %, qui leur est appliquée.
Cela suppose, bien sûr, que la production puisse être écoulée, vendue. Il est vrai qu'il pourrait y avoir des effets pervers, comme l'ont fait observer les auteurs d'une étude de l'Office français des conjonctures économiques, l'OFCE. Ils estiment qu'il pourrait y avoir des risques pour l'emploi, et ils évoquent le chiffre de 20 000 à 30 000 chômeurs supplémentaires.
Cependant, tout à sa haine des 35 heures, le patronat persiste à penser qu'instaurer une journée supplémentaire de travail est une idée formidable. Le président du MEDEF est ravi qu'on envisage enfin de régler les problèmes en travaillant plus !
Le Gouvernement est donc rassuré : les employeurs ont certainement encore à gagner et le budget de l'Etat devrait bénéficier de recettes fiscales supplémentaires, essentiellement sous forme de TVA. L'OFCE estime que ces recettes pourraient s'élever, à terme, à 0,15 % du PIB, soit un peu plus de 2 milliards d'euros.
La situation, en revanche, sera tout à fait défavorable pour les finances des collectivités territoriales, et le contribuable local risque de payer deux fois !
Deux milliards d'euros de fiscalité supplémentaire pour l'Etat, c'est un montant très comparable à la recette escomptée pour financer la CNSA, soit 1,9 milliard à 2 milliards d'euros en année pleine. On peut s'interroger sur l'effort et le rôle de l'Etat : peut-être continuera-t-il, par une sorte de transfert, à faire baisser l'impôt sur le revenu ?
En 2004, la baisse de l'impôt sur le revenu et de l'ISF fait perdre 1,8 milliard d'euros- soit près, là encore, de 2 milliards d'euros -, alors qu'il s'agit d'un impôt redistributif dont la vocation est précisément de contribuer à la solidarité nationale. Mais il est vrai que, proportionnellement, cet impôt concerne surtout les milieux aisés et que le Gouvernement ne leur marchande pas sa « solidarité » !
Comment peut-on, dans ces conditions, demander aux salariés de faire un effort supplémentaire ? Comment ne pas s'élever contre un dispositif aussi injuste ? Comme si cela ne suffisait pas, d'autres mesures sont envisagées qui aggraveront encore cette injustice. C'est ainsi que le Premier ministre vient d'annoncer, pour 2005, la quasi-amnistie pour les capitaux qui sont illégalement placés à l'étranger et qui seraient rapatriés ! N'est-ce pas profondément immoral ?
Monsieur le ministre, madame la secrétaire d'Etat, j'ai dit que ce qui caractérise votre plan, c'est la rupture du pacte de solidarité. C'est vrai pour la journée de travail supplémentaire imposée aux salariés ; c'est également vrai pour la création de la CNSA.
Les organismes de sécurité sociale redoutent que vous ne vous engagiez sur la voie d'une partition de la prise en charge des soins. Le rapport d'étape de la mission Briet-Jamet ne fait que confirmer ces craintes. Selon leur schéma, les structures qui assurent la prise en charge conjointe des soins et de l'accompagnement social, aussi bien pour les personnes âgées que pour les personnes handicapées, à domicile ou en établissement, relèveraient de la nouvelle caisse, et leur gestion serait confiée aux départements.
Il y a bien là une rupture du pacte de l'assurance maladie. Ce pacte doit être universel. Or vous créez une rupture entre les plus jeunes et les plus âgés, entre les bien portants et les handicapés ; sans compter les risques d'inégalités territoriales. C'est une forme de démantèlement de la sécurité sociale qui se profile à l'horizon, alors que des discussions sont en cours sur la réforme de l'assurance maladie. N'aurait-il pas fallu commencer le travail législatif par cette réforme-là ?
De plus, comment ne pas s'étonner que votre texte prévoie la création d'une caisse, alors qu'une deuxième loi sera nécessaire pour déterminer ce que l'on en fera et quels en seront les contours, lorsque les conclusions de la mission Briet-Jamet seront connues ?
Une partie importante du dispositif gouvernemental dépendra de textes ultérieurs dont personne ne connaît la teneur. Il en est ainsi du projet de loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, dont on nous dit qu'il sera profondément remanié. Les barrières d'âge et les conditions de ressources seront-elles supprimées, comme nous le souhaitons ? Et qui peut dire ce qu'il adviendra du projet de loi relatif aux responsabilités locales, dont la deuxième lecture ne semble plus être d'actualité !
C'est un fatras législatif : il n'y a aucune lisibilité des projets du Gouvernement sur ces questions ni aucune cohérence entre eux. Vous ne facilitez pas le travail du Parlement, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'Etat, c'est le moins que l'on puisse dire !
Pourquoi vous obstinez-vous à vouloir présenter ce projet de loi, alors que vous ne connaissez pas les autres ?
Je n'y vois qu'une motivation : le temps de travail. Vous faites partie de ceux qui considèrent que les Français ne travaillent pas assez et qui tiennent un discours idéologique et moralisateur : il faut revaloriser le travail à tout prix et, d'abord, revenir sur la réduction du temps de travail et les 35 heures. La droite est obnubilée par la réhabilitation du travail comme solution à tous les maux de la société.
C'est cette obsession anti-RTT qui anime le MEDEF. M. Ernest-Antoine Seillière ne veut-il pas « siffler la fin de la récréation » ? Et le Gouvernement ne veut-il pas se venger des 35 heures ?
Le Français serait devenu paresseux. « Nous sommes dans une société de pétanqueurs », disait Jacques Barrot. Cela fait partie du catalogue des idées reçues sur les Français et le travail.
Tout cela mériterait un long débat pour montrer à quel point vous vous fourvoyez. Nous y sommes prêts, mais malheureusement ce n'est pas le débat dans lequel vous voulez nous conduire.
Nous considérons que vous vous trompez et que, dans ces conditions, il n'y a pas lieu de délibérer. C'est la raison pour laquelle nous présentons cette motion tendant à opposer la question préalable, et nous espérons, mes chers collègues, que vous la voterez. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. André Lardeux, rapporteur. Je répondrai rapidement aux deux aspects de l'argumentation étayant la motion présentée par notre collègue Gilbert Chabroux.
Je l'ai écouté très attentivement, mais il ne sera pas surpris que nous ne partagions pas son indignation.
Selon son argumentation, deux raisons justifient que nous cessions l'examen du projet de loi.
Premièrement, il n'y a pas lieu de créer une caisse, d'une manière générale, car celle-ci remet en cause l'unicité de l'assurance maladie.
La commission récuse cette thèse, d'abord parce que la création de la caisse n'empiète en aucun cas sur les compétences de l'assurance maladie et ne favorise pas le démantèlement de la sécurité sociale.
En outre, la dépendance n'est pas une maladie. Les personnes âgées et les personnes handicapées ne sont pas des malades : ce sont des personnes qui réclament une aide légitime pour vivre dans des conditions de confort élémentaire.
La réforme de l'assurance maladie devra traiter, le moment venu, des modalités permettant d'organiser et de financer notre système de soins pour l'ensemble de la population. Il est heureux que le débat que nous avons ce soir et que nous aurons à nouveau lors de l'examen en deuxième lecture du projet de loi relatif à l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, ne soit pas escamoté dans le cadre de la réforme nécessairement globale de l'assurance maladie.
Deuxièmement, selon vous monsieur Chabroux, les modalités proposées pour financer l'autonomie ne seraient pas pertinentes.
Faut-il le rappeler, c'est un gouvernement que vous avez soutenu qui a engagé le triptyque législatif dans lequel nous nous trouvons. La loi instituant l'APA prévoyait des avancées mais pas de financement. Vous n'avez pas, à cette occasion, décidé d'augmenter les prélèvements obligatoires, vous vous êtes contentés d'hypothéquer l'avenir du fonds de réserve pour les retraites en ponctionnant les futurs et théoriques excédents qui devaient l'alimenter et, surtout, vous avez laissé l'essentiel de la facture aux départements.
Pour notre part, nous devons donc financer les droits des personnes âgées désormais créés et ceux que méritent nos concitoyens souffrant d'un handicap. Pour ce faire, nous préférons la voie de l'effort et de la solidarité active à celle de l'augmentation sans limite et sans contrepartie, en apparence indolore, des prélèvements obligatoires.
Enfin, j'ai rappelé dans la discussion générale que les dispositions du présent projet de loi ne suffiraient sans doute pas à financer les besoins, tant ils sont vastes.
Soixante-douze sénateurs, dont, au premier chef, M. Alain Vasselle, ont déposé une proposition de loi visant à inciter nos concitoyens à s'organiser, individuellement ou collectivement, dans un système de prévoyance.
J'ai cru comprendre que vous n'y étiez pas favorable, mais, à vous entendre désormais, j'en mesure - s'il en était besoin - l'opportunité, et je ne désespère pas que vous votiez ce texte le moment venu.
Telles sont les raisons qui conduisent la commission à demander au Sénat de repousser la question préalable que vous présentez au nom du groupe socialiste.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Hubert Falco, ministre délégué. Le Gouvernement est, comme la commission, défavorable à l'adoption de cette motion.
Monsieur Chabroux, vous avez défendu des points de vue qui ne sont pas les nôtres. Nous y reviendrons lors de l'examen des articles et des amendements.
M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel, pour explication de vote sur la motion tendant à opposer la question préalable.
M. Claude Domeizel. Avant d'expliquer mon vote, je voudrais dire à M. le ministre que, contrairement à ce qu'il a affirmé, le ministère chargé des personnes âgées n'a pas été créé la semaine dernière. Le premier département ministériel a été créé sous le premier septennat de François Mitterrand et le premier rapport qui concernait les personnes âgées, je vous le rappelle, monsieur le ministre, avait été présenté par votre prédécesseur à la présidence du conseil général du Var, Maurice Arreckx, à la demande du Président de la République.
Vous m'avez répondu par le mépris. J'en suis choqué, et étonné de votre part. Je tiens à votre disposition toute mon intervention et je vous mets au défi de trouver quelque propos qui ressemblerait à de l'humour déplacé. Monsieur le ministre, je considère comme vous que le sujet est sérieux et délicat.
Le groupe socialiste pense qu'il n'y a pas lieu de délibérer sur ce projet de loi, d'abord parce que la création de la CNSA devrait au moins attendre que nous disposions du rapport demandé à MM. Briet et Jamet.
Je reprendrai les propos tenus par M. Vasselle selon lequel « c'est trop tard ou trop tôt ».
Je partage un peu son sentiment : c'est trop tard pour le titre Ier et c'est trop tôt pour les titres II et III, car ils devraient s'inscrire dans le débat sur l'assurance maladie ou en être la conséquence.
Ce projet de loi, qui vient se surajouter à la loi relative à la politique de santé publique, au projet de loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, au projet de loi relatif aux responsabilités locales, vient trop tôt et n'a pas sa place ici.
Enfin, c'est un moyen détourné, je le répète, madame la secrétaire d'Etat, de planter un premier coin dans notre sécurité sociale en vue de la faire éclater.
Au cas où je me serais mal exprimé, je vous renvoie à l'article 7, un article important, qui énumère les missions de la CNSA, dont celle de « financer la prestation de compensation personnalisée ainsi qu'une partie du coût de l'allocation personnalisée d'autonomie et du coût de la médicalisation des services. »
Quand on lit l'ensemble de l'article 7, on s'aperçoit que l'on s'attaque à une partie de la sécurité sociale. Nous pensons, comme il est de notre droit, que c'est bel et bien un moyen de démanteler notre système de santé, raison pour laquelle le groupe socialiste votera la motion présentée par M. Chabroux.
M. le président. La parole est à M. Jean Pépin, pour explication de vote sur la motion tendant à opposer la question préalable.
M. Jean Pépin. Je veux avant tout répondre à M. Chabroux que la sécurité sociale, nous y tenons, et d'abord parce que c'est le général de Gaulle qui l'a créée.
Il n'en demeure pas moins que des évolutions sont nécessaires et qu'un problème particulièrement aigu est apparu l'été dernier. Cependant, ce problème, personne ne l'avait prévu, ni la gauche ni la droite. Si Mme Aubry l'avait prévu, elle n'aurait sans doute pas proposé les 35 heures, qui sont à l'origine d'un déficit de 40 000 infirmières dans les hôpitaux français. Il ne faut jamais oublier ce chiffre particulièrement cruel.
Puisque nos collègues du groupe socialiste veulent nous donner des leçons, ils me permettront de rappeler quelques vérités amères.
Lorsque le dossier, ô combien difficile, des retraites est arrivé sur le bureau de M. Jospin, on s'est bien gardé d'y toucher : « Trop délicat ! Laissons cela à d'autres ! Rien ne presse ! » Et c'est ainsi que, pendant les cinq années où M. Jospin fut Premier ministre, la question ne fut pas abordée. Comment, dès lors, monsieur Chabroux, ne pas trouver qu'il y a quelque impudence à tenir les propos que vous venez de nous jeter à la figure ?
De même, s'agissant des comptes de la sécurité sociale, aucune mesure structurelle n'a été prise, alors même que la croissance fut de 3% durant trois années consécutives. C'est ce qui avait fait dire à M. Fabius, personnalité à la compétence amplement reconnue en matière de finances, qu'il y avait une « cagnotte » extraordinaire et que l'on ne savait qu'en faire. Mais, six mois plus tard, plus personne ne savait où était passée la fameuse cagnotte...
Le handicap est aussi un sujet difficile qu'un Parlement s'honore d'aborder. Mais non, il faudrait refuser la discussion ! Et que deviendront, alors, ces pauvres gens et leurs familles ? Il y a là un problème moral, qui exige beaucoup de dignité.
Pour les personnes âgées, là encore, il faudrait repousser à plus tard. Mais qu'adviendra-t-il si se produit une nouvelle canicule ?
Sur tous ces sujets, pendant les trois années de croissance que j'évoquais, on s'est contenté de palliatifs : on n'a jamais entrepris de régler les problèmes au fond.
On a créé des emplois jeunes, mais sans rien prévoir à la sortie. Voilà des jeunes qui ont travaillé pendant cinq ans et qui se sont finalement retrouvés sans aucune perspective, qui s'étaient parfois mariés entre-temps et avaient eu un ou deux enfants : un cas social au départ, quatre à l'arrivée !
Heureusement que les collectivités locales, notamment les conseils généraux - j'avais, à l'époque, l'honneur de présider l'un d'eux -, ont pris des initiatives et ont, en complément, financé des actions de formation, ce que n'avait pas prévu le gouvernement de M. Jospin, de manière qu'ils puissent trouver un emploi à l'issue des cinq ans.
Sous le gouvernement de M. Jospin, il n'y a pas eu de grèves majeures. Certains avaient donc sans doute des fourmis dans les jambes et ont voulu se rattraper. C'est ainsi que, l'année dernière, pendant un mois et demi, à la veille des examens, les enseignants ont fait grève, sans se soucier de la jeunesse, alors que les enseignants ont quatre missions essentielles : l'instruction, l'éducation, la sécurité des jeunes et des moins jeunes, l'orientation après l'obtention des diplômes. Mais non ! Tant pis pour les jeunes qui passaient des examens !
M. Claude Domeizel. Il faut supprimer les fonctionnaires !
M. Jean Pépin. Ce n'est pas ce que j'ai dit, cher collègue !
Lorsque l'on cherche à retarder le règlement de dossiers aussi importants et douloureux que celui des personnes âgées et celui des handicapés, comme vous nous y invitez aujourd'hui, il vaut mieux se livrer à une forme d'introspection avant de critiquer avec véhémence ce qui est proposé.
Voilà pourquoi nous voterons contre la motion qui est présentée par le groupe socialiste. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Je mets aux voix la motion n° 33, tendant à opposer la question préalable.
Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.
(La motion n'est pas adoptée.)
Demande de renvoi à la commission
M. le président. Je suis saisi, par M. Fischer, Mme Demessine, M. Muzeau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, d'une motion n° 40, tendant au renvoi à la commission.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l'article 44, alinéa 5, du règlement, le Sénat décide qu'il y a lieu de renvoyer à la commission des affaires sociales le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, relatif à la solidarité pour l'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées (n°299, 2003-2004).
Je rappelle que, en application de l'article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
Aucune explication de vote n'est admise.
La parole est à M. Roland Muzeau, auteur de la motion.
M. Roland Muzeau. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, dans sa forme comme dans son contenu, le texte qui nous est présenté aujourd'hui s'inscrit dans la droite ligne des précédents, également porteurs d'une rupture dans la solidarité nationale : absence de concertation et de cohérence, effets d'annonce, saucissonnage des mesures rendant illisible la visée politique du Gouvernement et de sa majorité, culpabilisation honteuse de la population, le tout pour masquer une régression sociale sans précédent et une décentralisation à haut risque des dossiers relatifs à la dépendance et au handicap, de telle sorte que l'égalité des droits ne sera pas assurée sur l'ensemble du territoire, pas plus que selon le degré de dépendance.
Ce n'est donc pas un hasard si ce texte fait l'unanimité contre lui.
Les caisses de sécurité sociale, qui n'ont pas été consultées, sont unanimes pour rejeter la création de la CNSA, et elles l'ont fait savoir publiquement. Elles avancent, en revanche, l'ambition de créer un système d'assurance du risque dépendance qui soit financé par la solidarité nationale, à côté des branches maladie et vieillesse. Elles s'opposent à une caisse gérée par les départements, auxquels seront transférés des crédits et des compétences qu'ils ne possèdent pas aujourd'hui.
Se fondant sur l'expérience de l'APA, les caisses voient là un risque d'augmentation sensible des coûts de gestion ainsi qu'une nouvelle source de complexité administrative. Par exemple, quel acte relèvera du soin, quel acte de la CNSA ?
Pour la Mutualité sociale agricole, il y a risque de saucissonnage des moments de la vie quotidienne. Comment établir et codifier ce qui relève d'une caisse ou d'une autre ?
Le Gouvernement a bien été ébranlé par une telle opposition, puisqu'il a proposé tardivement aux caisses une concertation en vue d'un prochain projet de loi devant définir les contours exacts de cette caisse, sur la base du rapport de MM. Raoul Briet et Pierre Jamet
J'ai été, pour ma part, très intéressé par la réaction de M. Jean-Marie Spaeth, président de la CNAMTS, qui appelle à la création d'une « branche des aides à la vie », sans frontière entre autonomie et maladie, et susceptible de coordonner l'ensemble des acteurs de terrain.
Quant aux deux principales fédérations du secteur médico-social, la Fédération hospitalière de France et la Fédération des établissements hospitaliers et d'assistance privée à but non lucratif, elles ont, dans une lettre commune au Premier ministre, exprimé de vives inquiétudes. Elles relèvent notamment que ce texte ne comporte aucune disposition explicite quant à la répartition précise des financements et des emplois, qui doivent continuer, selon elles, de relever de l'assurance maladie et d'être répartis par l'ONDAM, non plus qu'en ce qui concerne l'emploi des crédits qui seraient apportés en complément au titre de l'aide à la vie quotidienne, par la CNSA.
Je ne saurais conclure sur ce chapitre sans faire allusion à la lettre collective adressée à MM. Briet et Jamet par des organismes aussi importants que l'UNIOPSS, I'UNCASS, l'UNAPEI, l'UNAFAM, la FHF, l'APF et la FNATH.
Ces organismes critiquent vivement le transfert des crédits de l'ONDAM vers la future CNSA. Ils soutiennent que les crédits affectés à la prise en charge des soins des personnes âgées et handicapées doivent être votés par le Parlement dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale, afin de garantir à ces personnes les mêmes droits qu'aux autres assurés sociaux. Ils insistent sur le fait que la politique nationale de solidarité doit être dotée de moyens réels pour garantir l'égalité de traitement des personnes en situation de handicap quel que soit leur âge et sur l'ensemble du territoire. Ils préconisent également le vote d'une loi de programmation offrant une visibilité pluriannuelle aux différentes parties prenantes et une meilleure lisibilité des engagements financiers dans le temps.
Lorsque l'on sait que, y compris au sein de votre majorité, monsieur le ministre, des voix se sont élevées pour blâmer la précipitation et l'incohérence de votre démarche, on comprend pourquoi vous voulez aller vite, « passer en force » pour faire adopter ce texte.
Mais je reviens sur le contenu de celui-ci. Que nous proposez-vous pour tenter d'éviter le drame de l'été dernier ?
Certes, la première partie du texte, qui porte sur la mise en place d'un plan vieillissement et solidarité, instaure un ensemble de dispositifs allant de la prévention à l'alerte et à l'intervention des services sanitaires et sociaux, ce qui témoigne d'une prise en compte des risques auxquels on aurait dû parer l'été dernier.
Cependant, la mesure phare de ce plan, la création de pièces rafraîchies au sein des établissements, si nécessaire soit-elle, apparaît à tous les professionnels chargés des établissements comme mineure au regard de la très grave pénurie de personnels et de crédits de fonctionnement.
Mais le reproche fondamental que l'on peut faire à votre projet de loi, c'est qu'il ne règle en rien le problème du besoin d'accompagnement des personnes âgées dépendantes dans l'éventualité d'une nouvelle canicule.
N'oubliez pas, mes chers collègues, que les 18 mars et 18 juin de l'année dernière, les directeurs d'établissements accueillant des personnes âgées dépendantes et les familles de celles-ci s'étaient mobilisés contre le manque de personnel affecté à l'accompagnement des personnes vivant en établissement, alors même que le Gouvernement supprimait des crédits.
Depuis - qui pourrait dire le contraire ? -, tous les rapports officiels établis après le drame de la canicule ont malheureusement confirmé leur analyse sur le retard de notre pays en matière d'accompagnement des personnes âgées dépendantes.
C'est donc bien d'une crise structurelle qu'il s'agit. Les chiffres parlent d'eux-mêmes : quand, en France, il y a quatre professionnels en établissement pour dix personnes âgées, il y en a huit à dix en Allemagne, en Autriche, aux Pays-Bas, soit deux à trois fois plus que dans notre pays.
Et l'argument selon lequel il faut tenir compte de l'importance du maintien à domicile ne tient pas, puisqu'il conviendrait aussi de doubler le nombre de places des services d'aide et de soins à domicile ; c'est bien la preuve que le retard dans le financement des établissements n'est pas dû à une préférence pour le soutien à domicile, mais à une sous-estimation globale des besoins des personnes âgées.
Les directeurs d'établissements - et je leur donne entièrement raison - estiment que c'est 365 jours par an que les personnes âgées ont besoin d'un accompagnement pour leur vie quotidienne et que c'est d'un manque à cet égard qu'elles sont décédées massivement l'été dernier.
Face à un tel retard, vous proposez des créations de postes et de lits d'ici à 2008 ; or, à supposer que ces promesses soient tenues, le résultat serait bien en deçà des besoins. Par exemple, vous vous engagez à doter les établissements de 15 000 personnels soignants supplémentaires, mais il faut savoir que les besoins devraient conduire à doubler les effectifs existants, qui sont de 250 000.
De la même façon, vous proposez de créer 10 000 places médicalisées sur la durée du plan, alors que les besoins se montent à 40 000 !
Le deuxième volet de ce projet de loi pose le principe de la création d'une caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, au statut incertain et au périmètre défini grossièrement. Cela m'apparaît comme l'amorce d'une protection séparée pour les personnes âgées et les personnes handicapées, contraire aux principes de l'assurance maladie, qui a vocation à couvrir tous les besoins de soins de toutes les catégories de population.
Cette volonté de « mettre à part » les personnes âgées et handicapées constitue une remise en cause de la solidarité entre les bien-portants et les malades, entre les cotisants et les autres. La création de cette caisse signifie clairement que le vieillissement et la dépendance ne seront plus pris en charge par la solidarité nationale.
Venons-en aux prétendus moyens affectés à ces risques.
La suppression d'un jour férié porte en elle plusieurs dérives qu'il convient de dénoncer : elle procède d'une détestable culpabilisation de la population ; elle met à contribution les seuls revenus d'activité et va dans le sens d'une remise en cause des 35 heures ; elle fait la part belle au patronat, puisque les employeurs choisiront le jour qui ne sera pas chômé et recevront les deux tiers des richesses créées, ce qui leur permettra d'enrichir encore des actionnaires déjà exemptés de toute contribution au titre de la solidarité nationale.
De surcroît, il n'est nulle part précisé ce que va financer cette journée de travail obligatoire non rémunérée, ce retour de la corvée. Du personnel ? Des soins ?
Pour notre part, nous affirmons qu'il existe d'autres pistes de financement, davantage fondées sur la justice sociale et la solidarité. Mais les emprunter suppose un courage politique dont le Gouvernement est dépourvu.
Ainsi, nous proposons de quadrupler l'impôt sur la fortune, qui rapporte annuellement 2,5 milliards d'euros. Vous pourriez ainsi financer la totalité de votre plan en un an.
Nous vous invitons également à renoncer aux 2 milliards d'euros de réduction d'impôt sur le revenu au profit des deux tranches les plus hautes.
Ni l'une ni l'autre mesures ne pénaliseraient trop douloureusement les catégories de contribuables concernées. En revanche, elles manifesteraient la volonté de les faire véritablement participer à la solidarité.
Je pourrais citer bien d'autres chiffres pour démontrer que, une fois encore, le Gouvernement se rend coupable d'une injustice majeure en puisant dans la poche des seuls travailleurs.
Le présent texte précède de façon incompréhensible le rapport Briet-Jamet, qui devait précisément jeter les bases de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, et surtout, comme l'a déjà fait le projet de loi relatif au handicap, il anticipe fâcheusement sur le débat relatif à la réforme de l'assurance maladie dont nous serons saisis en juillet prochain.
Cette hâte, fort suspecte, à nous présenter ce projet de loi tout comme le fait de scinder les éléments d'une même politique en une multitude de textes montrent une fois encore que vous méprisez la représentation nationale et tentez de leurrer nos concitoyens quant à vos véritables intentions. Cette incohérence n'est en fait qu'apparente : selon nous, elle sert à masquer votre volonté de mettre un terme à la logique de solidarité nationale.
Je n'aurai garde d'oublier, dans cette « panoplie », le projet de loi sur les responsabilités locales, qui doit transférer aux départements la responsabilité entière de la politique en faveur des personnes âgées.
Dans cette même optique, le rapport d'étape de MM. Briet et Jamet préconise de conférer aux départements une fonction de chef de file dans la gestion de la prise en charge de la dépendance et du handicap. A cet égard, il n'est pas inutile de rappeler que M. Jean-Marie Spaeth a exprimé la crainte « de voir apparaître, à la place d'accords nationaux, une succession d'accords locaux les plus divers entre les présidents de conseils généraux et les différentes catégories de personnels ».
Par ailleurs, je considère qu'il existe un risque de privatisation de la prise en charge de la dépendance. En effet, vous ne craignez pas, dans vos déclarations réitérées, de privilégier la prévoyance individuelle en matière d'autonomie. La proposition de loi de M. Vasselle va également tout à fait dans ce sens.
Le débat de fond que vous éludez, c'est bien celui qui porte sur la définition d'un droit à compensation universel et de son financement, fondé sur l'expression d'une réelle solidarité, comme celle qui présida en 1945 à la création de la sécurité sociale, sous l'égide du Conseil national de la Résistance.
Non, nous ne considérons pas ce projet de loi comme une avancée et nous ne vous laisserons pas embrouiller un débat aussi fondamental.
Les conséquences de la canicule ne sont pas dues aux 35 heures ni à la prétendue irresponsabilité des Français, coupables, nous a-t-on dit et redit, de ne pas se préoccuper du sort de leurs anciens. La situation dramatique qui prévaut actuellement est la conséquence de votre politique de réduction des moyens pour la santé, de disparition des hôpitaux de proximité et de milliers de postes de médecins, d'infirmiers et d'autres personnels soignants, du gel des crédits destinés aux personnes âgées ou handicapées.
De plus, vous nous demandez de légiférer sans nous fournir tous les éléments susceptibles de nous permettre de nous prononcer en toute connaissance de cause.
Pour toutes ces raisons, il est parfaitement inopportun d'examiner ce texte tel qu'il nous est présenté. C'est pourquoi nous vous demandons, chers collègues, d'adopter la motion de renvoi à la commission que nous vous soumettons. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. André Lardeux, rapporteur. Ma réponse à M. Muzeau sera plus brève que celle que j'ai faite tout à l'heure à M. Chabroux, dans la mesure où ils ont tous deux développé des argumentations très voisines.
Je redirai néanmoins qu'il y a anticipation sur les conséquences qui seront tirées du rapport Briet-Jamet.
On a l'air de considérer ce rapport comme la Bible et ses recommandations comme des mesures à transposer telles quelles dans un texte de loi.
Vous nous dites qu'il faut une concertation. Elle aura certainement lieu, mais je ne sais pas encore sous quelle forme, ni quelles propositions seront retenues.
Pour m'en tenir au plan strictement procédural, je ne crois pas que le Sénat soit insuffisamment informé pour débattre du présent projet de loi.
J'ai procédé à une longue série d'auditions. Vous avez été invité à un certain nombre d'entre elles. En dehors de celles qui ont eu lieu devant la commission elle-même, j'ai effectué trente et une auditions. Je pense avoir consulté un panel assez large de personnes intéressées par les différentes dispositions du texte.
Le Sénat est informé par deux rapports, celui de la commission des affaires sociales et l'excellent rapport pour avis d'Adrien Gouteyron, au nom de la commission des finances.
La motion de renvoi à la commission ne peut avoir pour objet de suspendre la procédure législative. Dans le cas présent, la motion que présentent et soutiennent nos collègues du groupe CRC n'est justifiée ni sur le fond ni par des questions d'ordre procédural. En conséquence, la commission l'a rejetée et vous propose, mes chers collègues, d'en faire de même.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Hubert Falco, ministre délégué. Je souhaite d'abord répondre à M. Muzeau.
Monsieur le sénateur, vous trouvez anormal que des crédits de l'ONDAM soient versés à la CNSA. Mais, jusqu'à présent, à part quelques crédits d'Etat versés directement aux CLIC et aux plans programmes, les crédits qui financent la politique en faveur des personnes âgées sont issus de l'ONDAM. C'est le cas de 90 % du budget que j'ai à défendre. Il n'est donc pas anormal que des crédits de l'ONDAM soient versés à la CNSA, qui traitera dans leur globalité des problèmes des personnes âgées et des personnes handicapées.
Vous avez fort justement souligné le retard accumulé par notre pays dans l'accompagnement de la dépendance et l'anticipation de cette formidable révolution sociale qu'est le vieillissement. Je dis bien « formidable », car vieillir n'est pas un handicap. Vieillir est une chance, lorsque, bien entendu, on n'est pas touché par la maladie ou la dépendance.
Certes, 1,2 million de personnes sont dépendantes, mais 12 à 13 millions de seniors sont en pleine forme physique, morale et intellectuelle. Ils ne constituent pas un handicap, mais une chance pour notre société.
Ayant fort justement souligné le retard accumulé par notre pays, vous avez fait le lien avec le terrible drame qu'a engendré la canicule. Le Gouvernement a pris toutes ses responsabilités. J'ai également pris les miennes.
Cela étant, monsieur le sénateur, croyez-vous vraiment que tout ce retard a été accumulé en douze mois ?
M. Charles Revet. Bien sûr que non !
M. Hubert Falco, ministre délégué. J'ai pris mes fonctions en juin 2002. Ce n'est tout de même pas la gestion de juin 2002 à août 2003 qui a occasionné les conséquences de la canicule !
Le véritable problème, c'est le retard pris depuis des décennies. On n'a pas anticipé, on n'a pas accompagné le vieillissement et le handicap par une politique volontariste.
Elle est là la vraie raison, et nous ne cherchons à culpabiliser personne en particulier. Nous devons tous culpabiliser : les élus, les gouvernements, les responsables, la société.
Reconnaissez-le, parler du vieillissement est tabou. S'il n'y avait pas eu ce terrible électrochoc pendant la canicule d'août 2003, nous ne parlerions pas ce soir du vieillissement.
J'ai mis en place, en novembre 2002, dans l'indifférence générale, un comité de vigilance contre la maltraitance des personnes âgées : il n'y a pas eu une ligne dans un quotidien ou un hebdomadaire, pas une image à la télévision.
Lorsque, prenant mes fonctions, j'ai signé une circulaire, en juin 2002, rappelant tout simplement qu'il fallait rafraîchir les personnes âgées en été et les faire boire, on s'est moqué de moi, on a tourné ce texte en dérision.
Vous voyez que le vieillissement est un sujet tabou. On aime bien vieillir, mais il ne faut surtout pas en parler. Ce n'est pas médiatiquement porteur, comme je l'ai entendu ici et là avant le terrible électrochoc de 2003.
Voilà ce qui nous pousse aujourd'hui à mettre en place une véritable politique. Vous pouvez la juger insuffisante, c'est votre droit. Toutefois, reconnaissez que cette politique est sans commune mesure avec tout ce qui a été fait jusqu'à présent par les gouvernements précédents, de droite comme de gauche.
Le débat qui a eu lieu ce soir a été constructif et chacun a pu présenter ses arguments, ô combien divergents parfois, sur ce phénomène de société que constitue la démographie de notre pays.
Je m'en tiendrai donc à la position de la commission sur cette motion en émettant à mon tour un avis défavorable.
M. le président. Je mets aux voix la motion n° 40, tendant au renvoi à la commission.
(La motion n'est pas adoptée.)
7
DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE LOI organique
M. le président. J'ai reçu de M. Robert Del Picchia une proposition de loi organique tendant à instituer le vote électronique à distance pour l'élection du Président de la République et les référendums pour les Français inscrits dans les centres de vote à l'étranger.
La proposition de loi sera imprimée sous le n° 318, distribuée et renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
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TEXTES SOUMIS AU SÉNAT EN APPLICATION DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION
M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant la réassurance et modifiant les directives 73/239/CEE et 92/49/CEE du Conseil ainsi que les directives 98/78/CE et 2002/83/CE.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-2590 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de règlement du Conseil arrêtant des mesures autonomes et transitoires concernant l'importation de certains produits agricoles transformés originaires de Bulgarie et l'exportation de certains produits agricoles transformés vers la Bulgarie.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-2591 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de décision du Conseil modifiant la décision 2003/893/CE du Conseil du 15 décembre 2003 sur le commerce de certains produits sidérurgiques entre la Communauté européenne et l'Ukraine.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-2592 et distribué.
9
DÉPÔT DE RAPPORTS
M. le président. J'ai reçu de M. Bernard Plasait un rapport fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord de coopération entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement des Etats-Unis du Mexique en vue de lutter contre l'usage et le trafic illicites de stupéfiants et de substances psychotropes (n° 238, 2003-2004).
Le rapport sera imprimé sous le n° 320 et distribué.
J'ai reçu de M. André Rouvière un rapport fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi autorisant l'approbation de l'instrument amendant la convention du 23 juin 1993 relative à la création du Bureau européen des radiocommunications (ensemble deux annexes) (n° 56, 2003-2004).
Le rapport sera imprimé sous le n° 321 et distribué.
J'ai reçu de M. Philippe François un rapport fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord sous forme d'échange de lettres, signées le 26 novembre et le 30 décembre 2002, complétant le traité du 7 juillet 1998 entre la République française et le Royaume d'Espagne relatif à la coopération transfrontalière en matière policière et douanière (n° 258, 2003-2004).
Le rapport sera imprimé sous le n° 322 et distribué.
10
DÉPÔT D'UN RAPPORT D'INFORMATION
M. le président. J'ai reçu de M. Jacques Valade un rapport d'information fait au nom de la commission des affaires culturelles à la suite de la journée thématique « Sports, argent, médias ».
Le rapport d'information sera imprimé sous le n° 319 et distribué.
11
ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd'hui, mercredi 26 mai 2004, à quinze heures et le soir :
Suite de la discussion du projet de loi (n° 299, 2003-2004), adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif à la solidarité pour l'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées.
Rapport (n° 313, 2003-2004) fait par M. André Lardeux, au nom de la commission des affaires sociales.
Rapport pour avis (n° 315, 2003-2004) fait par M. Adrien Gouteyron, au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation.
Le délai limite pour le dépôt des amendements est expiré.
Délai limite pour les inscriptions de parole et pour le dépôt des amendements
Projet de loi organique, adopté par l'Assemblée nationale, pris en application de l'article 72-2 de la Constitution, relatif à l'autonomie financière des collectivités territoriales (n° 311, 2003-2004) ;
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : vendredi 28 mai 2004, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 1er juin 2004, à douze heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée, le mercredi 26 mai 2004, à une heure vingt-cinq.)
La Directrice
du service du compte rendu intégral,
MONIQUE MUYARD