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NOMINATION DE MEMBRES D'Un organisme extraparlementaire
M. le président. Je rappelle que la commission des affaires culturelles a proposé deux candidatures pour un organisme extraparlementaire.
La présidence n'a reçu aucune opposition dans le délai d'une heure prévu par l'article 9 du règlement.
En conséquence, ces candidatures sont ratifiées et je proclame M. Jacques Legendre membre titulaire et M. Philippe Richert membre suppléant de la commission du fonds national pour l'archéologie préventive.
8
NOMINATION DE MEMBRES De COMMISSIONs
M. le président. Je rappelle au Sénat que le groupe communiste républicain et citoyen a présenté une candidature pour la commission des affaires sociales et une candidature pour la commission des affaires culturelles.
Le délai prévu par l'article 8 du règlement est expiré.
La présidence n'a reçu aucune opposition.
En conséquence, je déclare ces candidatures ratifiées et je proclame :
- M. François Autain, membre de la commission des Affaires sociales, en remplacement de M. Paul Vergès, démissionnaire ;
- M. Paul Vergès, membre de la commission des affaires culturelles, en remplacement de M. François Autain, démissionnaire.
Mes chers collègues, nous allons donc interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures dix, est reprise à vingt et une heures trente-cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
9
Libertés et responsabilités locales
Suite de la discussion d'un projet de loi en deuxième lecture
M. le président. Nous reprenons la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi (n° 269, 2003-2004), modifié par l'Assemblée nationale, relatif aux libertés et responsabilités locales.
Je rappelle que la discussion générale a été close.
Rappel au règlement
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, je pense qu'il est sage de vous informer, ainsi que le Sénat et le Gouvernement, des conditions dans lesquelles nous venons de travailler au sein de la commission des lois.
En effet, celle-ci a été réunie à dix-huit heures trente par son président, M. René Garrec. Or elle n'a pas pu délibérer, faute de réunir un nombre suffisant de commissaires du groupe UMP. La réunion a donc été reportée d'une heure.
Nous nous sommes réunis à nouveau à dix-neuf heures trente, heure à laquelle la commission n'a toujours pas pu délibérer faute, de nouveau, de la présence d'un nombre suffisant de commissaires du groupe UMP.
M. Roland Muzeau. C'est incroyable !
Mme Hélène Luc. On n'a jamais vu ça !
M. Jean-Pierre Sueur. La commission a ensuite été convoquée à dix-neuf heures quarante, son président estimant sans doute qu'en l'espace de dix minutes, et après une heure d'attente, le groupe en question serait davantage fourni. Mais, à dix-neuf heures quarante, le groupe UMP était complètement absent.
A vingt heures dix, la commission a été de nouveau convoquée mais, la réunion ne pouvant reprendre, ses travaux ont de nouveau été suspendus, ce qui nous a conduits jusqu'à vingt heures vingt. Et ce n'est qu'à vingt heures trente-quatre, après l'arrivée de quelques-uns de nos collègues, que la commission a pu commencer à délibérer.
Monsieur le président, au-delà de ces aléas, cette situation nous oblige à nous interroger.
En effet, nous avons entendu tout à l'heure le discours de M. Copé. Monsieur le ministre, si cette réforme suscite dans vos rangs l'enthousiasme dont vous avez parlé, comment se fait-il qu'il ait fallu cinq interruptions pour réunir au sein de la commission un effectif un peu nourri de commissaires du groupe UMP ?
Nous sommes obligés de nous rendre à l'évidence, mes chers collègues : un certain nombre, je dirais même un nombre certain des membres du groupe UMP ne semblent pas très motivés par ce sujet.
Monsieur le président, il serait peut-être opportun que vous vous en entreteniez avec M. le président du Sénat, qui pourrait en parler à M. le Premier ministre, qui pourrait peut-être en tirer des conséquences !
M. Roland Muzeau. Il faudrait peut-être en parler au président Chirac !
M. le président. Je vous donne acte de votre rappel au règlement, mon cher collègue.
La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. René Garrec, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration général. Monsieur le président, je cumule ce soir deux fonctions, car je remplace M. le rapporteur.
Intuitu personae, je suis donc actuellement rapporteur, mais comme je présidais la commission lors des faits évoqués par M. Sueur, je répondrai donc en tant que président.
M. Sueur a rapporté avec la précision d'un chef de gare énumérant les heures de départ des trains le déroulement de notre réunion, de minute en minute ...
M. Jean-Pierre Sueur. C'est un métier très respectable ! Il faut rendre hommage aux cheminots ! (Sourires.)
M. René Garrec, président de la commission des lois. Certes, c'est un métier parfaitement respectable ! Je regrette d'ailleurs qu'on ait vidé les campagnes de leurs passages à niveau. Ils rendaient des tas de services sur le plan sociologique !
Nous devions effectivement nous réunir en commission. Nous avons simplement décidé d'avancer l'heure de la réunion et de dîner sur place. Aussi faudrait-il soustraire de vos comptes, monsieur Sueur, le temps légitime du pré-prandial et du post-prandial ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)
Tout ce que vous avez dit est vrai, mais je ne suis pas persuadé que ces péripéties de fonctionnement passionnent les Français.
Certes, il était bon de les rappeler, ce que vous avez fait avec votre talent et votre brio habituels, mais cela n'est pas essentiel. : ce qui nous intéresse, c'est le débat de fond.
M. Jean-Pierre Sueur. S'ils étaient intéressés par ce débat, vos collègues auraient accouru !
Exception d'irrecevabilité
M. le président. Je suis saisi, par M. Peyronnet et les membres du groupe Socialiste, apparenté et rattachée, d'une motion n° 243, tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l'article 44, alinéa 2, du Règlement, le Sénat déclare irrecevable le projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale, relatif aux libertés et responsabilités locales (n° 269, 20032004).
Je rappelle que, en application de l'article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n'excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet, auteur de la motion.
M. Jean-Claude Peyronnet. Monsieur le ministre, quel grave danger menace la France, qui justifie que le Parlement siège sans désemparer de jour et de nuit dès le tout début de la semaine, sans respecter ses propres règles, puis en session extraordinaire ?
Y aurait-il un ennemi héréditaire à nos frontières ? Non, nous sommes heureusement en paix et, d'ailleurs, nos frontières stratégiques sont désormais celles de l'Europe.
Quel ennemi intérieur peut-il bien nous menacer ? A part le chômage qui croît, les délocalisations qui s'accélèrent et la désindustrialisation qui les accompagne, à part l'augmentation du nombre de Rmistes et la baisse du pouvoir d'achat des plus défavorisés, à part l'insécurité qui ne diminue guère malgré les effets d'annonce et les mouvements de menton, à part les inégalités qui s'accentuent entre les hommes et les territoires, tout est dans l'ordre et, d'ailleurs, dans la logique d'une politique libérale.
Nos institutions sont-elles menacées ? Notre Président de la République est-il empêché ? Non, si j'en crois les gazettes, il vaque normalement. Et, au demeurant, si les maux que je viens d'évoquer existaient, ce qu'à Dieu ne plaise, est-ce la loi qui pourrait en venir à bout ?
On a beau chercher, cette frénésie législative qui nous est imposée sur ce texte relatif aux responsabilités locales, cette fureur laborieuse qui prétend faire travailler les commissaires aux lois de quinze heures à trois heures du matin, ne sont que le fruit d'un caprice du Premier ministre.
Celui-ci persiste obstinément à pousser sa grande réforme qu'il voyait populaire et qui suscite, au mieux, la plus grande indifférence des Français, quand ceux-ci ne l'englobent pas dans le rejet brutal de la politique gouvernementale, exprimé avec la force que l'on sait, à deux reprises, depuis le mois de mars.
Il persiste même contre l'avis de ses propres amis politiques, et non plus seulement du seul président de l'Assemblée nationale, contre sa majorité parlementaire qui l'exprime quelquefois par le vote hostile, plus souvent par le refus de vote boudeur, ou le plus fréquemment, à l'Assemblée nationale, par le vote du bout des doigts, par solidarité ou lassitude.
On a l'impression, et cela est vrai aussi dans cette enceinte, que la majorité se dit : « Qu'on en finisse au plus tôt, travaillons pendant l'été et même la nuit, c'est-à-dire le plus discrètement possible - certains membres de la commission des lois poussent d'ailleurs la discrétion jusqu'à ne pas prendre part à la séance publique ! -, mais finissons-en vite avec cette manie du Premier ministre, et l'on verra bien, après son départ, ce qu'il adviendra de tout cela ! »
En effet, les élus de terrain que vous êtes, mesdames, messieurs les sénateurs de la majorité, ne peuvent décidément plus croire, s'ils y ont jamais cru, aux vertus de la décentralisation façon Raffarin III, qui est la même que celle de Raffarin II et que celle de Raffarin I. Ils ne peuvent pas croire que la décentralisation va engendrer, comme le disait le Premier ministre à Versailles, un point de croissance supplémentaire, ils peuvent encore moins croire qu'elle va entraîner la baisse des impôts, comme l'avait également annoncé le Premier ministre, et ils ne peuvent surtout pas croire que l'on peut avoir raison contre tout le monde.
Par conséquent, mesdames, messieurs de la majorité, vous allez voter ce texte par résignation, ou comme vous avaliez de l'huile de foie de morue dans votre enfance, et nous, nous allons planter avec délice des banderilles aux endroits les plus sensibles, pour qu'elles fassent bien mal !
M. Jean-François Copé, ministre délégué à l'intérieur, porte-parole du Gouvernement. Eh bien dites donc !...
M. Jean-Claude Peyronnet. Ce projet de loi est rejeté par tout le monde. Paradoxalement, il présente pourtant des dangers, surtout si, comme il est de bonne logique, on l'examine à la lumière des textes dont il est la suite, notamment la révision constitutionnelle, le projet de loi organique relatif à l'expérimentation des collectivités territoriales et, aurais-je aimé ajouter, la « loi relative à l'autonomie financière des collectivités territoriales » - mais, contrairement aux annonces obtenues du Premier ministre sous la pression, la promesse selon laquelle la loi de financement serait votée avant la loi de transfert ne sera décidément pas tenue.
Depuis le début de nos discussions, nous nous opposons à la conception gouvernementale de la décentralisation, et nous persisterons probablement jusqu'au bout dans cette attitude. Je ne reviendrai pas sur ce que j'ai déjà dit à plusieurs reprises, à savoir que tout cela est en fait sous-tendu, dans l'esprit du Premier ministre, par une conception fédéraliste de l'Etat - je ne prétends pas que l'ensemble de la majorité la partage - qui met gravement en cause l'unité même de la République. C'est cette notion de la décentralisation qui fonde, à elle seule, l'irrecevabilité de ce projet de loi, en ce qu'elle fait litière des grands principes fondateurs de notre République, en particulier du principe d'égalité.
Cette deuxième lecture devant le Sénat ne nous amène nullement à modifier notre position à l'égard d'un texte dont la philosophie reste la même, inspirée par l'esprit de compétition entre les territoires. Le projet de loi qui nous est soumis néglige complètement ou presque tout ce qui pourrait permettre de donner une chance à chacun d'entre eux. La mise en oeuvre du dispositif de l'expérimentation à la carte ne fera qu'accentuer cette ligne directrice. En effet, si les collectivités territoriales les plus aisées pourront sans difficulté faire face aux besoins en matière de santé, d'éducation, d'insertion, et même « en rajouter » par rapport aux financements antérieurs de l'Etat, en revanche, les collectivités les moins aisées - et beaucoup d'autres ! - ne le pourront pas. Ainsi, le déséquilibre territorial s'aggravera et la fracture entre territoires s'approfondira.
Aussi l'article 1er et l'article 72, alinéa 2, de la Constitution sont-ils gravement remis en cause, parce que vous n'avez pas voulu reconnaître, autrement que par une proclamation dépourvue d'effet, la nécessité de mettre en oeuvre dès maintenant les modalités pratiques de la péréquation. Vous ne l'avez pas voulu, et vous n'avez pas non plus voulu prévoir une péréquation pérenne assurée par l'Etat au profit des ressources propres des collectivités territoriales.
Certes, monsieur le ministre, vous nous dites que cela va venir et que, à l'automne, c'est promis, nous examinerons un texte relatif à la péréquation. Cependant, on nous a fait les mêmes réponses s'agissant du financement. Quand nous avons soulevé la question, on nous a dit que tout serait réglé au travers de la loi de finances. On nous a également affirmé, à d'autres moments, que tout était déjà réglé par le biais de l'article 72, alinéa 2, de la Constitution et que, de toute façon, la loi organique préciserait les choses. Or celle-ci n'a pas encore été définitivement votée, et la première lecture a fait apparaître qu'elle ne précisait rien.
Ainsi exprimez-vous votre notion de l'Etat. Dès l'an passé, lors du débat sur la révision constitutionnelle, voilà quelque dix-huit mois, votre refus obstiné de décliner les missions régaliennes de l'Etat a bien montré que vous aviez une conception volontairement étriquée de ces dernières. En fait, pour vous, l'Etat est défini en creux, comme devant assumer des missions résiduelles. Ce n'est pas pour mieux agir au plus près du terrain que vous décentralisez, c'est pour décharger l'Etat d'un très grand nombre de ses missions, parce que l'Etat, à vos yeux, c'est le mal, et qu'il est bon de lui retirer le plus de compétences possible.
Cet Etat de plus en plus amaigri n'en sera pas plus efficace pour autant, comme on aurait pu l'espérer s'il s'était vraiment agi de le soulager de missions ne lui incombant pas. En fait, il pourrait au contraire ne plus intervenir du tout dans des domaines majeurs, avec le risque d'incohérence générale que cela suppose : y aura-t-il encore, demain, une véritable politique nationale en matière de logement, d'aménagement du territoire, de formation professionnelle, de transports, voire de santé ou d'éducation ? Qui assurera la cohérence de ces politiques dont vous cherchez à vous défausser par une sorte de « délestage », comme le dirait le président de notre assemblée ?
A vrai dire, l'inégalité entre les territoires ne peut que s'accentuer, parce qu'elle ne sera pas corrigée par une véritable péréquation. Elle va s'accentuer non seulement eu égard à la diversité des réponses qu'apporteront les collectivités territoriales pour assumer les compétences que vous leur transférez, mais aussi à raison de leur capacité à relever les grands défis auxquels la France est confrontée en matière de services publics - il ne s'agit même plus, en l'occurrence, de transferts, mais de déréglementation -, et plus précisément de transports, de transmission numérique ou de simple téléphonie... Or ce sont les collectivités les plus pauvres - je pense en particulier aux départements ruraux - qui sont les plus démunies et les plus délaissées par les opérateurs dans ces domaines. Aussi verra-t-on s'accroître l'écart entre l'Ile-de-France et la province, entre les villes et les campagnes.
Ce projet de loi et les textes qui l'ont précédé mettent gravement à mal la liberté des collectivités locales, par le biais du financement. Il est vrai que le texte relatif à l'autonomie financière des collectivités territoriales n'a pas encore été définitivement voté, malgré les promesses formelles qui avaient été faites à cet égard, mais l'on voit bien dans quelle fâcheuse direction l'on se dirige. En particulier, la définition des ressources propres peut être analysée comme un renouveau de la tutelle de l'Etat sur le pouvoir local, car enfin, si les ressources modulables doivent être de moins en moins nombreuses dans le panier de recettes des collectivités territoriales, cela signifie qu'elles seront remplacées par des dotations ; l'Etat pourra alors tout à loisir agir sur les flux financiers qui alimentent les budgets locaux et brider à son gré les initiatives.
C'est là un procès d'intention, me direz-vous ? Hélas ! un exemple illustre déjà cette démarche : celui du dispositif du RMI, financé par un transfert de TIPP non modulable et dont on sent bien qu'il pèse de plus en plus sur la trésorerie des départements. Tous s'en plaignent ! Comment pourraient-ils s'en sortir autrement qu'en augmentant les impôts locaux habituels, en particulier l'impôt sur les ménages ?
La vérité, nous l'avons dit dès le début, est que la réforme de la fiscalité locale, incluant la péréquation, aurait dû être un préalable à ce que vous appelez une nouvelle étape de la décentralisation. Au lieu de cela, on nous annonce petit bout par petit bout la suppression de la taxe professionnelle, ressource d'une importance majeure pour toutes les collectivités et dont on ne sait pas du tout par quoi elle sera remplacée.
Quoi qu'il en soit, on le voit bien, les inégalités entre collectivités territoriales étant de plus en plus criantes, une part de la charge fiscale étant transférée des impôts nationaux, qui sont les moins injustes, aux impôts locaux et l'Etat ne jouant plus son rôle en matière de péréquation, la compétition s'accentuera entre les territoires. Vous ne le niez d'ailleurs pas, considérant même que l'inégalité, la compétition sont des moteurs. Or cette inégalité est à notre avis néfaste, car elle induit le sacrifice de pans entiers du territoire national, ainsi que celui des personnes qui veulent y vivre.
L'Etat ne remplit donc plus son rôle de garant de la solidarité nationale. Cela me semble suffisant pour fonder un vote en faveur de cette motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. René Garrec, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, en remplacement de M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Dans son intervention, M. Peyronnet a évoqué de nombreux points sur lesquels je ne répondrai pas, parce qu'ils n'entrent pas dans le champ de la motion qu'il a présentée.
Le thème central de son argumentation peut être exprimé par un membre de phrase tiré du premier paragraphe de l'objet de la motion : « ce projet de loi ne respecte pas le principe d'égalité inscrit dans les articles 1er et 72-2 de la Constitution ».
Je ne fais pas du tout la même lecture des articles précités que M. Peyronnet, et j'indique que la commission des lois a émis un avis défavorable sur la motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Monsieur Peyronnet, je ne vous surprendrai pas en vous disant que je suis moi aussi en désaccord avec votre analyse sur une hypothétique non-conformité de ce projet de loi à la Constitution.
J'estime au contraire que ce texte est profondément fidèle à l'esprit de la Constitution, et même de la Constitution révisée, puisqu'il tend à garantir le respect de la libre administration des collectivités locales, principe ô combien essentiel auquel nous sommes très attachés. En outre, tout ce qui est mis en place autour des nouveaux transferts de compétences vise également à cette fin, puisque ceux-ci sont adossés sur les transferts de ressources correspondants.
Par ailleurs, le projet de loi répond à un souci de clarté, l'idée étant, globalement, de conférer aux régions une vocation plus économique, aux départements une vocation sociale, et de veiller à ce que les communes et les structures intercommunales soient en prise directe avec le quotidien, sachant bien sûr que, au-delà des grandes lignes de ce découpage, nous entendons donner à l'ensemble des collectivités territoriales les moyens de travailler selon une logique de proximité et d'efficacité.
Tout cela correspond à l'esprit de la Constitution et de nos institutions. J'invite donc le Sénat à rejeter la motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.
M. le président. Je mets aux voix la motion n° 243, tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.
Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 184 :
Nombre de votants | 313 |
Nombre de suffrages exprimés | 310 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 156 |
Pour l'adoption | 111 |
Contre | 199 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Question préalable
M. le président. Je suis saisi, par Mmes Borvo et Mathon, MM. Bret, Fischer, Foucaud et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, d'une motion n° 149, tendant à opposer la question préalable.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l'article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi modifié par l'Assemblée nationale relatif aux libertés et responsabilités locales (n° 269, 2003-2004).
Je rappelle que, en application de l'article 44, alinéa 8 du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n'excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à Mme Nicole Borvo, auteur de la motion.
Mme Nicole Borvo. Le groupe des sénateurs communistes républicains et citoyens s'est opposé, dès le 28 octobre 2002, à la loi constitutionnelle annonciatrice du morcellement de la République.
Notre détermination s'est trouvée confortée, au fil des mois, par les prises de conscience douloureuses des élus locaux, des salariés, des citoyens, et par la détermination du Gouvernement à poursuivre coûte que coûte votre pseudo-décentralisation.
Le Premier ministre du précédent gouvernement en avait fait « sa » réforme clé, clé, en effet, d'une politique libérale totalement revendiquée, dont l'objectif est d'opérer de vastes transferts d'activités publiques rentables vers le secteur privé et de diminuer considérablement les dépenses publiques.
Baisse des impôts pour les plus riches, privatisations et déstructuration des grands services publics nationaux vont de pair. Le Premier ministre de l'actuel gouvernement persiste. Pourtant, de l'eau a coulé sous les ponts depuis 2002. Alors que le Gouvernement prétend présenter un texte voulu et attendu par les collectivités locales, le résultat des élections régionales démontre, au contraire, le désaveu de la politique gouvernementale à l'échelon local.
Rarement un gouvernement aura montré un tel mépris des urnes : non seulement, il refuse de voir dans la sanction électorale du printemps dernier un rejet massif des électeurs sur le plan national, mais il n'en tire pas non plus les conséquences au niveau local.
Dans chacun des secteurs concernés par ce projet de loi, maintenant baptisé « projet de loi relatif aux libertés et responsabilités locales » - école, transports, santé, action sociale, équipement - les élus locaux, les salariés, bref les citoyens constatent peu à peu l'abandon de toute politique nationale. Des milliards d'euros devront être trouvés pour compenser la différence entre l'évaluation de l'Etat et les coûts réels. Il faudra recourir au péage pour les routes, peut-être au volontariat pour remplacer les personnels TOS, techniques et ouvriers de service, manquants, et, de façon générale, seront transférées au secteur privé des activités qui relèvent actuellement du service public !
Il faut dire et répéter sans cesse quelle est la logique profonde qui préside au projet de loi relatif aux libertés et responsabilités locales. Elle peut se résumer en trois éléments : d'abord, un objectif, le désengagement financier et politique de l'Etat, sans véritable contrepartie ni garantie d'égalité ; ensuite, une méthode, la mise en compétition, « à la libérale », des territoires ; enfin, une caution démocratique, la proximité, en forme de slogan publicitaire, depuis le discours de politique générale du 3 juillet 2002.
Franchement, de proximité, parlons-en ! La proximité, c'est - cela devrait être ! - rapprocher les citoyens des centres de décisions. Cependant, pour que ce rapprochement s'opère, encore faut-il que les centres de décisions soient identifiés et identifiables. Or tout, dans le présent projet de loi, concourt à une extraordinaire complexification des différents échelons institutionnels, qui s'enchevêtrent dans une architecture complexe et protéiforme, au gré de la mise en oeuvre des systèmes d'expérimentation.
C'est ainsi qu'en fait de responsabilités on assiste à une confusion ultime qui confine à la dilution totale de ces mêmes responsabilités.
Comment le citoyen pourrait-il s'y retrouver alors que les parlementaires et les chercheurs eux-mêmes s'y perdent ? Comment espérer aboutir à ce rapprochement alors que ce meccano rebute le plus aguerri ?
Plutôt qu'un rapprochement, il est à craindre que l'on n'assiste à une nouvelle désaffection de nos concitoyens à l'égard de l'action politique du fait non pas tant de l'éloignement géographique, mais de la méconnaissance du lieu réel de décision.
Comme le disait l'un de mes collègues en première lecture, « Avant, le centre était trop éloigné. Demain, il aura disparu. Il sera partout et nulle part ! »
L'Etat se délocalise ! Tel est le second enseignement qu'il faut tirer du présent texte, qui choisit comme méthode la mise en compétition des territoires, avec une idée directrice : ce que l'Etat fait mal, ou ne peut - ou ne veut- plus faire, les collectivités concurrentielles le feront mieux.
La transposition dans la sphère publique de cette croyance fondamentale de l'idéologie libérale a de quoi inquiéter : les citoyens ont une expérience instructive de la concurrence dans les entreprises délocalisées telles que Lu, Michelin, Lustucru, Neslé, etc.
Eh bien ! la compétition entre les territoires induira une hiérarchie inévitable et laissera encore davantage les plus démunis au bord de la route. Elle aura pour conséquence prévisible de creuser le fossé entre les régions, les départements, les communautés de communes ou les communes à fort potentiel économique, et les autres.
Aujourd'hui, il n'y a pas d'égalité entre les territoires ; vous le répétez à loisir. C'est vrai, mais l'égalité est un objectif ; demain, ce ne sera plus le cas. La mise en compétition des territoires est en effet liée directement au démantèlement des services publics, garants du principe d'égalité.
A la veille de la privatisation d'EDF, comment passer sous silence la remise en cause de la loi de 1946, qui, faisant de l'électricité et du gaz des produits de première nécessité, assurait tant l'égalité d'accès des usagers que le principe de la continuité, notamment territoriale ? Avec cette « pré-privatisation », que deviendront ces principes ? Le désenclavement des zones rurales, qui ne sont pas toujours électrifiées, constituera-t-il toujours une exigence ? Que deviendra la notion de service public alors que la péréquation financière volera en éclats ?
Comment ne pas penser également au domaine de la santé, alors que le financement de la politique de santé par les régions ne pourra que créer les conditions d'une inégalité renforcée ?
Comment ne pas évoquer la politique de lutte contre les exclusions, alors que le désengagement de l'Etat sur le terrain de l'AME ou du logement aboutit à déléguer aux collectivités locales la gestion du problème ?
Comment ne pas comprendre l'inquiétude des intermittents du spectacle quand la survie de leur statut risque de ne tenir qu'à l'investissement culturel des collectivités locales ?
Certes, l'égalité n'est pas l'uniformité et la sauvegarde de l'identité des territoires est absolument nécessaire. Comment pourrions-nous dire le contraire, alors que notre groupe déposait, dès 1977, une proposition de loi qui encourageait l'essor des régions ? Comment pourrions-nous plaider pour une uniformisation, alors que nous défendons sans cesse la diversité culturelle des régions, qui fonde le principe même d'exception culturelle ?
Ce qui nous sépare profondément, c'est notre attachement aux valeurs de 1789, qui trouve sa traduction directe dans l'article VI de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen : la loi « doit être la même pour tous ».
En relisant le compte rendu des débats en première lecture, j'ai été consternée par les propos de nos collègues de la majorité sénatoriale !
M. Fourcade a estimé qu'il avait été « beaucoup question de 1789 et 1946 » et s'est déclaré « gêné par cette espèce de rétroviseur sur le passé » ; quant à notre éminent collègue de la commission des lois, M. Gélard, il s'est déclaré, un peu rapidement peut-être, peu concerné par les décisions du Conseil d'Etat, oubliant sans doute que les principes généraux du droit, qu'il a eu à coeur de dégager, rejoignent bien souvent les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République, qui sont précisément la boussole du Conseil Constitutionnel !
En tout cas, on a une bonne mesure de l'attachement de nos collègues aux valeurs de la République !
S'il est ringard de se réclamer des principes de 1789, alors, oui, mes chers collègues, je me revendique comme telle ! Mais le fait que vous le jugiez ainsi montre votre rupture profonde avec des principes qui ont fait l'originalité et l'efficacité de la République solidaire !
Alors que le désengagement de l'Etat devient ainsi un objectif en soi, on aurait tort de penser qu'il peut être provisoire.
Comment ne pas être particulièrement inquiets - et nous ne sommes pas les seuls à l'être - quand la « viabilité » financière des transferts de charges n'est pas assurée ?
Voilà peu de temps, le Sénat a adopté un projet de loi de modernisation de la sécurité civile. Sur l'ensemble des travées s'est manifestée l'inquiétude des élus quant au poids financier que représente, pour les départements, le financement des services départementaux d'incendie et de secours, les SDIS, dans un contexte de désengagement de l'Etat s'agissant pourtant de l'un de ses pouvoirs régaliens.
Et, une fois de plus, le Gouvernement nous a sorti la recette miracle et passe-partout du transfert de la taxe sur les compagnies d'assurance, qui, décidément, permettra de financer beaucoup de choses !
Lorsque les élus vous demandent, légitimement, des garanties de moyens, vous leur répondez : « autonomie ». La loi constitutionnelle du 28 mars 2003, qui prévoit que les ressources propres constituent une part déterminante, et le projet de loi organique relatif à l'autonomie financière des collectivités territoriales, dont nous avons eu à débattre au début de ce mois, n'apportent aucun élément de réponse sur ce point, bien que vous vous évertuiez à affirmer le contraire. Ils ne lèvent aucune des hypothèques qui pèsent sur le sort de la taxe professionnelle ou sur les conditions du transfert de la TIPP.
Quand les collectivités locales vous interrogent sur le risque d'accroissement des inégalités, vous leur répondez : « autonomie et péréquation », alors que le très récent rapport de Jean François-Poncet sur les mécanismes de péréquation nous démontre, au contraire, que les mécanismes actuels de péréquation ont contribué à renforcer les inégalités entre collectivités locales pauvres et collectivités locales riches « au point de créer une véritable fracture territoriale ».
Rien dans le projet de loi organique relatif à l'autonomie financière des collectivités territoriales ne répond à cet enjeu de lutte contre les inégalités, alors que - toujours pour citer Jean François-Poncet - cet écart, évalué de un à six entre les départements et les régions pauvres et ceux les mieux pourvus, va « s'accroître encore si la nouvelle étape de la décentralisation ne s'accompagne pas d'une péréquation véritable ».
Nous sommes loin du « cadre durable et de confiance » que vous prétendez offrir aux collectivités locales, monsieur le ministre ! C'est pourquoi les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen ne peuvent que constater une zone floue, quand ce n'est pas le trou noir, qui aboutit à méconnaître profondément le principe de l'obligation de compensation des charges supplémentaires du fait des transferts de compétences.
Ainsi, le spectre d'une explosion de la fiscalité locale se précise et personne n'a pu dire le contraire.
Il ne peut y avoir de débat véritable sur l'avenir de la décentralisation dans de telles conditions. C'est pourquoi, comme en première lecture, nous ne pouvons que demander le rejet de ce texte par notre assemblée. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. René Garrec, rapporteur. Selon Mme Borvo, nous serions, comme en première lecture, dans l'état d'esprit d'un système libéral, qui s'en prend généralement au service public, qui attaque l'idée de la République solidaire en cassant l'unicité du service public. C'est peut-être beaucoup !
Pour la plupart des membres du Sénat, notamment les membres de la commission, la poursuite de la décentralisation a tout d'abord pour objet de donner davantage de moyens à des responsables élus plutôt qu'à des fonctionnaires des services déconcentrés de l'Etat. Il me semble que cela contribue à renforcer la démocratie - c'est le souhait que vous avez exprimé tout à l'heure - ainsi que l'efficacité des politiques publiques.
C'est la raison pour laquelle la majorité de la commission a émis un avis défavorable sur cette motion.
Mme Hélène Luc. Vous n'avez pas beaucoup d'arguments !
M. René Garrec, rapporteur. Certes, mais ils sont dirimants !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-François Copé, ministre délégué. J'appelle également votre assemblée à ne pas approuver cette motion tendant à opposer la question préalable.
Les sujets que vous avez abordés, madame Borvo, sont de haute importance. Néanmoins, je n'ai pas le sentiment que le texte que nous soumettons à votre examen porte atteinte aux grands principes que vous évoquez, bien au contraire !
Je prendrai l'exemple de la solidarité entre les territoires : le mouvement de décentralisation que nous proposons donnera une impulsion beaucoup plus forte à l'échelon territorial et il permettra à l'Etat de se concentrer sur sa mission de solidarité et de péréquation.
De même, les nouvelles compétences attribuées aux départements par exemple en matière sociale ou médico-sociale donneront un nouveau souffle dans ce domaine au niveau territorial.
Quant au grand délestage financier que vous craignez, la formule est excessive alors que nous veillons scrupuleusement à proposer aux collectivités locales un adossement financier ; c'est le moins que l'on puisse faire !
Par ailleurs, personne n'a jamais pensé qu'il était « ringard » de se réclamer des principes de 1789. Comment pouvez-vous tenir de tels propos, madame Borvo ? Dans ce domaine, bien au contraire, nous partageons le même respect pour nos anciens, même si les principes qu'ils ont dégagés doivent faire l'objet d'une lecture adaptée aux temps modernes!
Il est vrai que, depuis, beaucoup de choses se sont passées ! Nous avons eu l'occasion de mesurer que nos grands aînés, dans ces années difficiles, 1790 et les suivantes, ont peut-être péché par excès de centralisation, de jacobinisme disait-on à l'époque. Les Girondins, deux cents ans après, ont aussi montré la voie de quelques évolutions nécessaires. Il fallait en tout cas les écouter.
M. le président. Je mets aux voix la motion n° 149, tendant à opposer la question préalable.
Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 185 :
Nombre de votants | 313 |
Nombre de suffrages exprimés | 313 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 157 |
Pour l | ' | adoption | 106 |
Contre | 207 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Demande de renvoi à la commission
M. le président. Je suis saisi, par Mmes Borvo et Mathon, M. Bret et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, d'une motion n° 150, tendant au renvoi à la commission.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l'article 44, alinéa 5, du règlement, le Sénat décide qu'il y a lieu de renvoyer à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, le projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale, relatif aux libertés et responsabilités locales (n° 269, 2003-2004).
Je rappelle que, en application de l'article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
Aucune explication de vote n'est admise.
La parole est à M. Roland Muzeau, auteur de la motion
M. Roland Muzeau. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, plusieurs orateurs ont déjà fait part de leur regret, si ce n'est de leur profonde désapprobation, quant au passage en force que constitue l'inscription à l'ordre du jour, ce 28 juin, du projet de loi relatif aux libertés et responsabilités locales.
Je souhaite, préalablement à mon propos, vous rappeler les mots - et les mots ont un sens - prononcés par M. Jean-Pierre Raffarin, le 14 avril dernier, lors du vote solennel de ce texte en première lecture par l'Assemblée nationale.
M. Jean-Pierre Sueur. Absolument !
M. Roland Muzeau. M. le Premier ministre, qui s'est exprimé en premier, était clair. Évoquant la préparation de la deuxième lecture, il fixait les objectifs suivants : « discussion avec l'ensemble des parlementaires, d'une part, mais aussi avec les associations, pour enrichir et éventuellement améliorer ce texte, afin de revenir en deuxième lecture avec un projet refondé à la suite de débats eux-mêmes enrichis par la loi organique. »
Vous avez bien entendu, M. Raffarin évoquait une refondation du texte. Peut-on sérieusement, honnêtement, prétendre aujourd'hui que cette promesse a été tenue ?
M. de Villepin, le même jour, à l'Assemblée nationale, confirmait et précisait les propos du Premier ministre. Je cite la page 2939 du Journal officiel : « après le vote en première lecture, nous pourrons reprendre la discussion devant les deux assemblées. Ensemble, nous pourrons alors définir les améliorations nécessaires à ce texte.
« Cette étape doit se dérouler dans le même esprit de confiance et d'ouverture. Je connais les inquiétudes des uns et des autres : avec Jean-François Copé, nous les avons entendues. En particulier, le Gouvernement s'engage à ce que la loi organique sur l'autonomie financière des collectivités territoriales soit votée avant la deuxième lecture du projet de loi sur les responsabilités locales. »
M. de Villepin enfonçait le clou : « Je sais également que le nouveau contexte politique rend encore plus nécessaires des échanges approfondis avec les associations d'élus, les groupes et les commissions, en recherchant un maximum d'adhésion. »
Nous pouvons demander à M. le ministre de l'intérieur quel nouveau contexte politique, en ce mois de juin 2004, autorise le Gouvernement à ne respecter aucune des promesses avancées au lendemain de la sanction du 28 mars dernier !
Quel nouveau contexte autorise le Gouvernement, qui annonçait une concertation large, notamment avec l'ensemble des groupes de la majorité et de l'opposition, à prendre par surprise les opposants à cette décentralisation libérale en optant pour le passage en force durant l'été ? Où est la concertation promise ? Où est l'ouverture ? De quelle adhésion parlez-vous ?
M. le ministre de l'intérieur a incarné sur la scène internationale une certaine idée de la rigueur, de la rectitude même, une certaine conception du débat d'idée.
M. Roland Muzeau. Comment peut-il tolérer de participer à une opération de reniement qui confine à la manipulation institutionnelle ?
Ces termes ne sont pas trop forts. Le Journal officiel confirme que les promesses sont foulées au pied avec un cynisme inacceptable. Comment faire vivre une démocratie si des dirigeants, pris en flagrant délit de contrevérité, n'acceptent pas aujourd'hui de surseoir à un débat ainsi tronqué ?
Je m'adresse à certains membres de la majorité du Sénat, pour le moins dubitatifs face à ce projet de loi. Ils ont accepté de jouer le jeu en débattant de la loi organique pour, selon eux - ce n'est pas notre point de vue - obtenir des garanties financières. N'ont-ils pas le sentiment aujourd'hui d'être trahis ?
Il n'est pas possible d'accepter de débattre dans de telles conditions. Il faut pour le moins attendre que la deuxième lecture du projet de loi organique se soit déroulée à l'Assemblée nationale puisque des modifications importantes ont été votées au Sénat en première lecture. Pour l'instant, nul ne peut dire ce qu'il adviendra exactement de ce texte. Il n'est donc pas possible de poursuivre le débat sur les transferts de compétences.
Les termes du rapport de M. Schosteck sont à ce titre surprenants : « Il est souhaitable que son adoption définitive puisse intervenir rapidement afin de ne pas laisser trop longtemps les élus locaux et les agents de l'Etat dans l'expectative au risque de les décourager et de réaliser des transferts dans les meilleures conditions. » Outre le fait que le rapporteur de la commission des lois oublie bien vite les engagements ministériels, la négation des inquiétudes et, surtout, de l'opposition des personnels à leur transfert paraît surprenante, pour ne pas dire choquante.
M. le rapporteur a certainement entendu parler du mouvement de grève le plus long depuis des décennies au sein de l'éducation nationale ! C'était l'an dernier. L'un des sujets principaux, pour ne pas dire le sujet essentiel, était la décentralisation libérale qui mettait en cause l'unité de l'équipe pédagogique, et en particulier le transfert de 96 000 agents.
Vous qui avez reçu, à titre personnel, les organisations syndicales,...
M. Roland Muzeau. ... pouvez-vous clairement nous exposer leur attitude et sans doute leur impatience à l'égard de la mise en application de ce projet de loi ?
Le groupe CRC propose que M. le rapporteur de la commission des lois auditionne immédiatement l'ensemble des organisations syndicales. Le transfert des personnels techniciens, ouvriers et de service, les agents TOS, ne serait pas le seul sujet abordé. Nous pourrions également examiner la situation des personnels de l'équipement et l'attitude de leurs organisations syndicales. Partout en France, aujourd'hui mais aussi demain, des délégations, des manifestations devant les préfectures et même devant le Sénat sont organisées. Est-ce pour manifester, monsieur le rapporteur, leur attachement à l'accélération de l'examen de ce projet de loi ? Est-ce pour vous donner quitus ?
Cette affirmation n'est pas sérieuse et contraste avec la rigueur habituelle de la commission des lois du Sénat. Il faut recevoir les organisations syndicales. J'attends votre réponse précise sur ce point, comme celle de M. le ministre.
La certitude affichée du soutien des personnels à une réforme qui met partout lourdement en danger l'idée même de service public est contredite par les débats qui se sont déroulés au sein même de l'UMP sur le maintien ou non du transfert des TOS dans le projet de loi.
Mardi 13 avril, M. Barrot, alors président du groupe UMP à l'Assemblée nationale, affirmait que certains transferts de compétences pourraient être expérimentés avant d'être généralisés. M. Barrot répondait à des interrogations émanant de son groupe sur la poursuite du transfert des TOS.
Comment pouvez-vous évoquer l'adhésion des élus locaux alors que ce texte est vivement critiqué au sein même des groupes parlementaires de la majorité, qu'il s'agisse de l'UDF, bien sûr, qui n'a pas voté ce texte au Palais Bourbon, mais aussi de l'UMP, dont quarante-trois élus n'ont pas soutenu le texte le 14 avril dernier ?
Les élus locaux, de droite comme de gauche, sont majoritairement inquiets, et ce n'est pas notre collègue M. Hoeffel, président de l'Association des maires de France, qui me contredirait. Ils sont inquiets parce que, outre le fait que, comme beaucoup, ils sont attachés au service public et à l'égalité des territoires, ils devront répondre aux attentes, aux déceptions et, bien sûr, aux besoins des populations dont ils ont la responsabilité.
Monsieur le rapporteur, mettez en pratique les promesses de MM. Raffarin, de Villepin et Copé : provoquez l'audition collective par la commission des associations d'élus, sans exclusive. Nous pourrons ensemble analyser l'attitude des élus locaux et la faire connaître au Sénat.
Il ne suffit pas, à l'occasion de ce type de débat portant sur des sujets structurants pour les décennies à venir, d'être « droit dans ses bottes ». Il faut légiférer dans l'intérêt général. Or, le résultat de la grande concertation générale initiée par le Gouvernement sur ce projet de loi, c'est une levée de bouclier sans précédent des élus locaux et, ne l'oublions pas, la perte de l'ensemble des régions par la majorité, à l'exception notable de l'Alsace, et de bon nombre de départements !
Peut-on accepter dans ces conditions, pour reprendre les propos de M. Clément, président de la commission des lois de l'Assemblée nationale, de voter « à l'aveugle » un projet de loi ? M. Clément, qui avait qualifié le projet de loi en des termes que la décence m'interdit de reprendre ici - mais vous les retrouverez aisément - reconnaissait ainsi, le 14 avril dernier, le dogmatisme des initiateurs et des partisans de la décentralisation libérale.
M. Clément était pourtant dans le vrai. Tant qu'une évaluation financière précise n'aura pas eu lieu, nous voterons à l'aveugle. Les promesses du ministère de l'intérieur - même les plus solennelles - n'y feront rien. Nul ne sait exactement aujourd'hui, par exemple, combien coûtera le transfert des routes aux collectivités concernées.
Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, nous ne pouvons faire confiance, alors que tant de reniements, tant de revirements se sont déjà produits sur ce texte.
Comment se fait-il que la commission des finances ne se soit pas de nouveau saisie de ce projet de loi alors que, pourtant, la question financière est au coeur du débat ? Ne fallait-il pas faire le point sur les incidences du projet de loi organique relatif à l'autonomie financière des collectivités territoriales et sur le présent texte ? Ce silence de la commission des finances apparaît surprenant : faut-il y voir une désapprobation discrète ?
Au nom de mon groupe, j'appelle le Gouvernement, la majorité, à ne pas confondre volonté et autoritarisme. J'appelle le Gouvernement, la majorité, à respecter leurs engagements. J'appelle enfin le Gouvernement, la majorité, à écouter le pays, à entendre les électeurs qui, par deux fois, ont montré leur rejet du dogmatisme libéral.
La commission des lois du Sénat doit engager un travail de réflexion approfondi, sans tabou, pour adopter une attitude qui corresponde réellement à la volonté des élus locaux, quels qu'ils soient, des salariés et des usagers. Il est encore temps de se départir de cet entêtement dangereux pour la démocratie, pour l'avenir de nos institutions.
En proposant au Sénat d'adopter cette motion de renvoi à la commission, c'est un vote de sagesse que nous vous demandons. Nous vous proposons de le faire par scrutin public. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. René Garrec, rapporteur. Les trois exposés faits ce soir devant le Sénat sont tous de très bonne qualité. Ma réponse sera malheureusement un peu brève, ce qui ne lui ôtera rien.
Monsieur Muzeau, vous demandez au Sénat d'adopter une motion tendant au renvoi en commission et d'attendre, avant de reprendre l'examen de ce texte en deuxième lecture, l'adoption définitive du projet de loi organique relatif à l'autonomie financière des collectivités territoriales.
La discussion générale et le rapport écrit de M. Schosteck ont mis en lumière que les deux assemblée ont effectué un travail considérable : le Sénat a déposé près de 440 amendements et l'Assemblée nationale environ 300.
Par ailleurs, le Sénat a eu le temps de prendre connaissance des travaux de l'Assemblée nationale sur le projet de loi relatif aux libertés et responsabilités locales, puisque les députés l'ont adopté avec modifications en première lecture le 14 avril dernier.
Quant aux représentants des TOS, monsieur Muzeau, je puis vous dire qu'ils ont bien été reçus par MM. Schosteck et Guené, le 26 mai dernier.
Enfin, le projet de loi organique relatif à l'autonomie financière des collectivités territoriales a fait l'objet d'une première lecture dans chaque assemblée, et nous parviendrons à trouver un accord, à plus ou moins longue échéance, avant la fin de l'examen de ce texte.
La commission émet donc, à la majorité, un avis défavorable sur cette motion.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-François Copé, ministre délégué. A mon tour, je vous félicite, monsieur Muzeau, de la qualité de votre intervention. Même si je ne vous approuve pas sur le fond, tous les débats sont importants et utiles, y compris au début de l'examen de ce texte.
Pas plus que la commission des lois, le Gouvernement n'est favorable à l'adoption d'une motion tendant au renvoi en commission. Un travail considérable a été accompli en amont et il ne me paraît pas nécessaire d'attendre davantage pour examiner ce texte en séance plénière. Un tel report serait, à mon sens, incongru, d'autant que le motif que vous invoquez - l'insuffisance de concertation - n'est pas fondé.
Vous êtes dans l'opposition, monsieur Muzeau, et je peux bien comprendre votre tentation de polémiquer sur ce point.
Mme Hélène Luc. Non !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Pour autant, vous savez parfaitement que j'ai beaucoup travaillé, avec Dominique de Villepin que vous avez fort aimablement cité, dans le sens de la concertation. Nous avons reçu les syndicats, les associations d'élus, les parlementaires qui le souhaitaient. Nous leur avons consacré tout le temps utile et nécessaire
Quant au projet de loi organique relatif à l'autonomie financière des collectivités territoriales - sujet passionnant - je crois me souvenir, monsieur Muzeau, que vous avez participé, au moins en partie, au débat que nous avons eu dans cet hémicycle. Beaucoup de choses essentielles ont été dites à cette occasion sur le caractère indispensable de l'autonomie financière des collectivités locales, concept nouveau pour notre démocratie.
Toutes ces raisons justifient amplement que le Sénat rejette cette motion sur laquelle le Gouvernement exprime son total désaccord, même s'il n'en sous-estime pas la densité.
Mme Hélène Luc. C'est pour cela qu'il faut travailler !
M. le président. Je mets aux voix la motion n° 150, tendant au renvoi à la commission.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 186 :
Nombre de votants | 313 |
Nombre de suffrages exprimés | 313 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 157 |
Pour l | ' | adoption | 106 |
Contre | 207 |
Le Sénat n'a pas adopté.
En conséquence, nous passons à la discussion des articles.
Division additionnelle avant le titre Ier
M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 255.
M. René Garrec, rapporteur. Monsieur le président, je demande la réserve de cet amendement jusqu'après l'examen de l'amendement n° 256.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur cette demande de réserve ?
M. le président. La réserve est ordonnée.
Article additionnel avant le titre Ier ou avant l'article 1er ou avant l'article 5 A
M. le président. Je suis saisi de treize amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 251, présenté par MM. Sueur, Peyronnet, Frimat, Lagauche, Dauge, Marc, Godefroy, Mauroy, Mano, Domeizel, Chabroux, Cazeau, Bel, Courteau, Krattinger, Reiner, Todeschini, Courrière et les membres du groupe Socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel rédigé comme suit :
L'application des dispositions de la présente loi est conditionnée par la mise en oeuvre préalable :
- d'une autonomie fiscale des collectivités territoriales reposant sur des ressources fiscales propres dont elles déterminent l'assiette ainsi que le taux ou le tarif ;
- d'une péréquation ayant pour effet de réduire effectivement les inégalités de ressources des collectivités territoriales eu égard à leurs charges ;
- d'une réforme corrélative des dotations de l'Etat aux collectivités territoriales.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Cette série d'amendements, en discussion commune, déposés avant l'article 1er posent, comme ce fut déjà le cas en première lecture, des questions de principe ou d'ordre pratique.
Certes, monsieur le rapporteur, ils n'ont pas tous une valeur normative. Mais je l'assume comme vous avez vous-même largement assumé la semaine dernière lorsque le Sénat a dû se prononcer sur l'origine de l'humanité, sujet dont la valeur normative est loin d'être évidente !
Surtout, ces amendements seront l'occasion d'interroger le Gouvernement.
M. le ministre a annoncé, sur les questions financières qui sont si importantes, ...
M. Jean-Pierre Sueur. ... de futurs textes législatifs. Mais nous ne pouvons imaginer un seul instant que le gouvernement de la République, représenté ici par M. Copé, n'ait pas quelque idée, quelque projet, sur les questions financières ! Car enfin, monsieur Copé, si l'exercice consistait à nous demander d' « avaler » cette masse impressionnante de dépenses et de compétences nouvelles, sans nous donner d'indication ou d'orientation sur le plan financier, avouez que cela ne serait guère sérieux et que nous ne pourrions ni l'accepter ni le comprendre !
Cet amendement n° 251 pose trois préalables à la mise en oeuvre des dispositions de la présente loi.
Le premier préalable est une autonomie fiscale des collectivités territoriales reposant sur des ressources fiscales propres, dont elles déterminent l'assiette ainsi que le taux ou le tarif. Les auteurs de cet amendement, monsieur le ministre, sont, en cela, les bons défenseurs de la proposition de loi relative à l'administration des collectivités territoriales et à ses implications fiscales et financières que MM. Raffarin, Poncelet, Fourcade - et bien d'autre encore ! - ont déposée dans l'effervescence de la fin des travaux de la commission Mauroy, afin d'élaborer des critères tout à fait clairs pour définir l'autonomie financière.
Les deux autres préalables ont trait à la péréquation et aux dotations de l'Etat. Nous en reparlerons lors de l'examen de prochains amendements.
M. le président. L'amendement n° 260, présenté par MM. Sueur, Peyronnet, Frimat, Marc, Lagauche, Dauge, Godefroy, Cazeau, Chabroux, Reiner, Mano, Bel, Domeizel, Mauroy, Krattinger, Courteau et Todeschini, Mme Blandin et les membres du groupe Socialiste et apparenté, est ainsi libellé :
Avant le Titre Ier, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Pour assurer la sincérité et l'équité des compensations financières, la mise en oeuvre des dispositions de la présente loi est conditionnée au vote et à la mise en oeuvre de la loi organique prévue par l'article 722 de la Constitution.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Cet amendement a été déposé par égard envers M. le Premier ministre, qui est le Premier ministre de la République.
M. Jean Chérioux. Quelle sollicitude !
M. Jean-Pierre Sueur. Nous avons encore pu constater hier, à l'occasion d'un certain congrès qui s'est tenu dans une commune d'Ile-de-France, que M. Raffarin devait faire face à un certain nombre d ' « agissements ».
Il fallait donc, pour le moins, que la mise en oeuvre de la loi organique prévue par l'article 72-2 de la Constitution fût effective au moment de la mise en oeuvre des dispositions du présent projet de loi.
M. le Premier ministre nous a tellement certifié, afin de nous rassurer pleinement, que la loi organique serait appliquée avant ce projet de loi, qu'il me paraît aujourd'hui que ce serait la moindre des choses que cela soit clairement indiqué. Vous ne pourrez qu'en convenir, monsieur le ministre !
Il s'agit en quelque sorte d'un amendement de repli, car nous savons trop bien le peu qu'apportera cette loi organique.
M. le président. L'amendement n° 253, présenté par MM. Sueur, Peyronnet, Frimat, Lagauche, Dauge, Marc, Godefroy, Mauroy, Mano, Domeizel, Chabroux, Cazeau, Bel, Courteau, Krattinger, Reiner, Todeschini, Courrière et les membres du groupe Socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel rédigé comme suit :
L'application des dispositions de la présente loi est subordonnée à une réforme de la fiscalité locale permettant d'accroître l'autonomie des collectivités territoriales et de réduire les inégalités de ressources entre elles eu égard à leurs charges.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Par cet amendement, nous nous efforçons de lier les concepts d'autonomie et d'égalité, dont on nous affirme trop souvent - ce fut encore le cas lors de l'examen de la loi organique - qu'ils doivent être séparés.
Monsieur le ministre, si quelqu'un vous dit « je suis pauvre » et que vous lui répondez « cher monsieur, nous vous donnons l'autonomie », il vous répliquera : « sortez-moi de cette situation difficile, et puis je veux bien, de surcroît, bénéficier de l'autonomie » ! (Sourires.)
Je présente cela de façon un peu plaisante, mais il existe des communes, notamment des communes urbaines, de banlieue, comportant des quartiers difficiles, qui connaissent de graves difficultés financières et qui ne peuvent pas faire face à leurs charges. Ce n'est pas le budget de 2004, notamment dans le domaine du logement, qui leur permet de faire face à ces difficultés !
M. Roland Muzeau. C'est le moins que l'on puisse dire !
M. Jean-Pierre Sueur. Poser en préalable à ce projet de loi sur les responsabilités locales, ainsi qu'à son application, la question de l'autonomie, est donc un faux problème.
Le préalable doit être la justice, car si le Gouvernement « charge la barque » des collectivités en difficulté, les inégalités s'en trouveront accrûes d'autant. Une conception étroitement libérale augmente, souvent de manière inéluctable, les inégalités.
Vous nous avez invité, monsieur le ministre, à discuter d'un texte sur l'autonomie, or nous ne disposons de rien de précis, à ce jour, au sujet de la réduction des inégalités.
Votre gouvernement ne peut pas continuer à agir comme il le fait depuis deux ans, c'est-à-dire en reportant toujours à plus tard la question des inégalités. Si vous ne traitez pas cette question, il faudrait arrêter de charger la barque.
Monsieur le ministre, nous aimerions que vous preniez des engagements à cet égard.
M. le président. L'amendement n° 261, présenté par MM. Sueur, Frimat, Peyronnet, Marc, Lagauche, Dauge, Godefroy, Cazeau, Chabroux, Reiner, Mano, Bel, Domeizel, Mauroy, Krattinger, Courteau et Todeschini, Mme Blandin et les membres du groupe Socialiste et apparenté, est ainsi libellé :
Avant le Titre Ier, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Les transferts de compétences aux collectivités territoriales et à leurs groupements prévus par la présente loi ne seront mis en oeuvre qu'à l'issue d'une réforme de la fiscalité locale fondée sur la révision des valeurs locatives, le renforcement de la modulation des bases de taxe d'habitation en fonction du revenu des contribuables et la suppression des éléments de la taxe professionnelle conduisant à une taxation de l'investissement.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Nous avons essayé d'être assez complets, mais - j'en conviens - plusieurs dispositions de cet amendement peuvent donner lieu à discussion. En tout cas, c'est pour moi l'occasion de vous poser trois questions, monsieur le ministre, qui sont, pour nous, très importantes.
La première concerne la révision des valeurs locatives. Nous le savons - il ne faut pas faire ici de démagogie -, tous les gouvernements, qu'ils soient de droite ou de gauche, ont reculé sur ce sujet.
Au moment où l'on prévoit une nouvelle étape forte de la décentralisation, avec de nouveaux transferts, on voit bien que le statu quo fiscal, qui a souvent été une solution de facilité pour tout le monde, et nous en prenons toute notre part, ne peut perdurer. J'aimerais donc savoir si vous êtes favorable à une révision des valeurs locatives. Avez-vous l'intention de prendre des initiatives en ce sens - si oui, lesquelles ? - ou avez-vous définitivement renoncé à traiter de ce sujet ?
Je ne vous pose pas cette question dans l'idée de critiquer la réponse. Je vous le demande, car je préférerais presque que vous nous répondiez que vous n'avez pas l'intention de procéder à une telle révision, plutôt que vous ne nous l'annonciez et que vous ne la fassiez pas.
Ma deuxième question a trait à la taxe d'habitation. Je vous épargnerai, mes chers collègues, l'énumération des nombreux rapports qui ont été réalisés à ce sujet. Je n'en citerai qu'un seul, celui de M. Edmond Hervé, le maire de Rennes, qui, il y a quelques années, a réalisé un excellent travail qui est trop méconnu.
Monsieur le ministre, le Gouvernement compte-t-il faire évoluer la taxe d'habitation, notamment en prenant en compte, pour partie, les revenus des contribuables ? Cette mesure serait très bénéfique dans un esprit d'égalité et d'une plus grande justice fiscale.
J'imagine votre réponse : « mesdames, messieurs les sénateurs, nous en discuterons largement dans le cadre d'une vaste concertation »...
Comme M. le Premier ministre nous a promis, le 14 avril, une concertation sur ce sujet, non seulement avec les associations d'élus locaux, mais aussi avec l'ensemble des parlementaires, vous comprendrez notre doute et vous mesurerez notre crainte d'entendre encore une fois, pour nous endormir :« concertation ! concertation ! concertation ! ».
Vous représentez le Gouvernement de la République et je n'imagine pas que le ministre de la République que vous êtes n'ait pas d'idée sur la question.
J'en viens à ma troisième question.
Nous n'ignorons pas le rapport qui est en cours d'élaboration au sujet de la taxe professionnelle. Par conséquent, quelles sont vos orientations en la matière ?
Il est évident que, après la part salaire, on pense à supprimer la part investissement, mais il est non moins évident que nous avons besoin d'un impôt sur l'activité économique.
Je dois dire que les annonces faites par M. le Président de la République en début d'année, quelques jours à peine après que le Parlement a adopté le projet de budget, sont préoccupantes et ont suscité de vives inquiétudes chez les élus locaux. Elles ont d'ailleurs surpris certains ministres. Or nous ne savons absolument pas quelles seront les compensations ni en quoi consistera cette réforme.
Nous savons bien que le produit de la taxe professionnelle ne sera pas remplacé par des dotations, mais nous aimerions tout de même en savoir un peu plus. Nous attendons avec beaucoup d'impatience, monsieur le ministre, les éclaircissements que vous ne manquerez pas de nous apporter à ce sujet.
M. le président. L'amendement n° 252, présenté par MM. Sueur, Peyronnet, Frimat, Lagauche, Dauge, Marc, Godefroy, Mauroy, Mano, Domeizel, Chabroux, Cazeau, Bel, Courteau, Krattinger, Reiner, Todeschini, Courrière et les membres du groupe Socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel rédigé comme suit :
L'application des dispositions de la présente loi est conditionnée à l'adoption par le Parlement d'un projet de loi relatif à la péréquation permettant une meilleure adéquation entre les ressources des collectivités territoriales et leurs charges.
La parole est à M. Bernard Frimat.
M. Jacques Valade. Ah, on change d'orateur ! (Sourires.)
M. Bernard Frimat. Je me réjouis de voir que cela vous fait plaisir !
M. Jacques Valade. Je vous écoute toujours attentivement !
M. Bernard Frimat. Même si je ne prétends pas avoir le talent de Jean-Pierre Sueur sur ces sujets qui l'intéressent fortement, je présenterai cet amendement dont il est le premier signataire.
Nous avons déjà eu l'occasion d'évoquer assez longuement, lors du débat sur la loi relative à l'autonomie financière des collectivités locales, au début de ce mois, le problème de la péréquation.
En faisant un effort d'interprétation des alinéas 2 et 3 de l'article 72-2 de la Constitution, vous nous avez rappelé, monsieur le ministre, que le cinquième alinéa de ce même article représentait une avancée dans la mesure où il introduisait le principe de la péréquation dans la Constitution. Ce point ne fait pas divergence entre nous.
Notre préoccupation, nous l'avions exprimée à ce moment-là, est que la péréquation soit bien effective. Jean-Pierre Sueur vient d'ailleurs de le rappeler, il n'y a pas de véritable autonomie financière si une collectivité ne dispose pas d'un minimum de ressources. L'autonomie en l'absence de ressources n'a pas de sens. La péréquation est donc un élément fondamental.
Vous présentez un projet de loi dont la finalité est de développer les transferts ; nous sommes en désaccord sur de nombreux points, mais nous pouvons nous retrouver sur des sujets plus techniques. Or, comme je vous l'ai dit cet après-midi, lors de la discussion générale, les transferts à l'euro près ne règlent pas tout, surtout lorsque la collectivité a des capacités financières limitées.
Dire que certaines de nos collectivités ont des capacités financières limitées n'est pas un jugement de valeur, c'est un constat. Le récent rapport, que l'on peut maintenant lire, présenté en commission des affaires économiques par notre collègue Claude Belot, montre bien les inégalités actuelles entre les régions.
Par conséquent, lorsque vous aurez procédé au transfert des TOS, comme vous ne l'accompagnez pas d'une remise à niveau, vous aggraverez indiscutablement la situation des régions les moins riches, celles qui n'ont pas les moyens de faire cet effort. C'est très facile à démontrer.
La seule garantie que nous demandons, c'est, avant que cette loi n'entre en application, de tenir compte des charges spécifiques de certaines régions et de leurs moyens et, par voie de conséquence, de subordonner la mise en oeuvre de la loi à l'adoption d'un projet de loi relatif à la péréquation.
Je le répète, nous sommes d'accord sur la nécessité de la péréquation. Mais il ne sera pas possible d'appliquer avec efficacité votre projet de loi, si toutefois il est voté, si nous n'attendons pas qu'elle soit réalisée au préalable.
M. le président. L'amendement n° 266, présenté par MM. Sueur, Frimat, Peyronnet, Marc, Lagauche, Dauge, Godefroy, Cazeau, Chabroux, Reiner, Mano, Bel, Domeizel, Mauroy, Krattinger, Courteau et Todeschini, Mme Blandin et les membres du groupe Socialiste et apparenté, est ainsi libellé :
Avant le Titre Ier, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Afin d'assurer la sincérité et l'équité des compensations financières, tout transfert de compétences ne peut intervenir qu'après la détermination par décret en Conseil d'Etat, de critères précis et favorables à l'objectif constitutionnel de péréquation, permettant une juste répartition des ressources transférées entre les collectivités territoriales.
La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet.
M. Jean-Claude Peyronnet. Cet amendement vise à assurer la sincérité et l'équité des compensations financières lorsque la péréquation sera établie.
Nous avons des exemples et nous avons un passé. Lors du transfert des collèges aux départements et des lycées aux régions, les compensations ont été calculées sur la base de critères : la surface des établissements, le nombre d'élèves, etc. Toutefois, ces critères étaient insuffisants. On savait qu'ils existaient, mais ils étaient figés et ils n'ont jamais vraiment fait l'objet d'une publication.
Ainsi, au moment du transfert, en 1986, lorsque l'on se tournait vers le rectorat ou l'inspection d'académie pour leur dire qu'il existait des différences selon les collèges ou les lycées en matière de dotations, il nous était rétorqué que ces dernières étaient calculées en fonction de critères. Mais on ne connaissait pas les critères objectifs.
Nous vous demandons donc, d'une part, d'éviter que ne soient transférées de façon arbitraire les compensations sans se soucier des inégalités existantes. En l'espèce, on ne fait que donner davantage aux plus riches et moins aux moins riches, et l'on accentue les inégalités. D'autre part, nous vous demandons de définir et de publier des critères objectifs allant dans le sens de la péréquation et de l'atténuation des différences et des inégalités entre les collectivités.
J'appelle votre attention sur le fait que c'est notre dernière chance d'y parvenir. Lorsque les compétences seront transférées, l'Etat n'aura plus les moyens d'assurer cette péréquation. Il faut donc que nous adoptions cet amendement, et sans doute bien d'autres, dès aujourd'hui.
M. le président. L'amendement n° 267, présenté par MM. Sueur, Peyronnet, Frimat, Lagauche, Dauge, Marc, Reiner, Godefroy, Mauroy, Mano, Domeizel, Chabroux, Cazeau, Bel, Courteau, Krattinger et Todeschini, Mme Blandin et les membres du groupe Socialiste et apparenté, est ainsi libellé :
Avant le titre Ier, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Les dispositions transférant des compétences aux collectivités territoriales et à leurs groupements prévues par la présente loi ne seront mises en oeuvre que lorsque des dispositifs garantissant un accroissement régulier de la péréquation, notamment par le moyen d'une réforme des dotations de l'Etat aux collectivités territoriales, auront été décidés.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le ministre, cet amendement est pour moi l'occasion de vous poser quatre questions complémentaires concernant la péréquation.
Premièrement, nous avons cru comprendre, d'après ce que nous a dit votre prédécesseur, M. Devedjian, en présentant ses projets pour la loi de finances pour 2005, que la DGF comprendrait désormais deux parties : l'une appelée « péréquation », regroupant un certain nombre de dotations, dont on pourra reparler ultérieurement, et l'autre appelée « forfaitaire ».
Quelle signification ce dispositif revêt-il pour vous ? Quelle doit être la proportion entre ces deux enveloppes ? Il est évident que cette question conditionne largement la réalité de la péréquation. Si ce qui est forfaitaire prédomine, la part de la péréquation est forcément faible. Elle peut même être restreinte.
Deuxièmement, on parle toujours de péréquation, mais il en existe deux conceptions que l'on appelle classiquement : la péréquation horizontale et la péréquation verticale.
La péréquation horizontale consiste à répartir autrement les ressources entre les collectivités, mais elle est neutre du point de vue de l'Etat. La péréquation verticale consiste à accroître l'égalité, donc à diminuer l'inégalité, grâce à un apport complémentaire de l'Etat.
Est-il dans vos intentions de pratiquer la péréquation verticale ? Voilà une question claire et précise.
J'en viens à ma troisième question. Comment concevez-vous l'évolution des trois dotations, qui sont aujourd'hui dites -improprement - « de péréquation » ?
La première dotation, sans doute la plus péréquatrice, la DSU, ne représente toutefois que 1,5 % environ de l'ensemble du montant des dotations de l'Etat, soit une proportion extrêmement faible.
Je ne doute pas que ma question - précise - intéressera nombre d'élus : quels sont vos objectifs par rapport à l'évolution de la DSU dans les cinq ou dix années qui viennent ?
Il existe ensuite une deuxième dotation, dite d'intercommunalité qu'on range improprement dans la rubrique péréquation. En effet, ce n'est pas parce que des collectivités sont liées au sein d'un établissement public de coopération intercommunale qu'elles sont riches ou pauvres.
Nous le savons tous très bien, lorsque nous avons conçu les différentes dotations d'intercommunalité - et la principale d'entre elles, au sein de la DGF - notre objectif était d'inciter à l'intercommunalité. Maintenant que cette dernière est très largement partagée, quelles sont vos intentions à cet égard ? Autrement dit, concrètement, comptez-vous accroître le caractère péréquateur des dotations d'intercommunalité ? Et si oui, comment ?
Enfin, la troisième dotation, c'est la dotation de solidarité rurale. Chacun sait bien ici que, contrairement à son nom, elle n'est que peu péréquatrice. En effet, elle comporte deux parts. Or comme nul ne l'ignore, l'une des parts, la principale, est répartie entre 33 000 communes. Dès lors, ce que touche chacune d'elles est tellement faible qu'on ne peut pas véritablement parler de péréquation.
Donc, avez-vous l'intention de rendre plus péréquatrice la seconde part de la DSR ? Cela supposerait- je le dis clairement - d'avoir le courage politique de renoncer au saupoudrage pour développer des projets qui aideront réellement au développement rural.
Ayant dépassé le temps de parole qui m'était imparti, je ne peux aborder ma quatrième question. Je me permettrai d'y revenir à la faveur d'un prochain amendement.
M. le président. L'amendement n° 398, présenté par M. Sueur et les membres du groupe Socialiste, est ainsi libellé :
Avant l'article 5 A, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'application des dispositions relatives à la formation professionnelle inscrite dans ce chapitre est subordonnée à l'adoption d'une loi accroissant significativement les mécanismes de péréquation en direction des régions.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Nous n'avons pas très bien compris pourquoi l'amendement n° 398, qui vise à insérer un article additionnel avant l'article 5 A, arrive maintenant en discussion. Puisque vous m'invitez à le défendre, je le fais très volontiers, mais je me réserve de revenir sur le sujet ultérieurement.
Monsieur le ministre, c'est pour moi l'occasion de vous redire que si nous sommes, bien sûr, favorables à la décentralisation en matière de formation professionnelle, c'est à la condition que soient partout préservés - voire, si possible, renforcés- les moyens du service public de la formation professionnelle.
En dépit du vote conforme qui est intervenu, nous n'acceptons pas, sachez-le, l'idée que l'AFPA, l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes, puisse être remise en cause à travers ses missions de service public. En effet, nous savons trop, dans nos départements, nos régions et nos villes, ce que l'AFPA a apporté - et continue d'apporter - à nombre de nos concitoyens en leur permettant d'acquérir une formation professionnelle reconnue par les entreprises. Nous aurons l'occasion de revenir sur ce sujet.
Puisqu'il y a accroissement des compétences des régions en matière de formation professionnelle, le problème est récurrent. Il est du même ordre que celui qui est posé par les expérimentations en matière de financement des équipements hospitaliers dont j'ai parlé cet après-midi. Dans l'état actuel des choses, certaines régions ont les moyens de faire beaucoup ou de faire davantage.
M. Eric Doligé. Tant mieux pour elles !
M. Jean-Pierre Sueur. D'autres n'ont pas ces moyens. C'est clair, c'est net. On peut le demander aux présidents de régions d'aujourd'hui et à ceux d'hier : tout le monde sait que c'est vrai. Par conséquent, monsieur le ministre, je vous assure qu'il eût été plus simple et plus logique de commencer par parler des moyens.
Donc, je vous pose une question précise : il existe aujourd'hui une forme de péréquation entre les régions. C'est une dotation qui a été mise en oeuvre en 1992 et que nous connaissons bien.
Quelles sont vos intentions à cet égard ? Allez-vous accroître le dispositif péréquateur intrarégional ? Le ferez-vous par une autre répartition des ressources des régions ? Ou bien l'Etat abondera-t-il un dispositif de péréquation entre les régions ?
Vous le savez, votre réponse à cette question - et j'espère qu'elle sera précise ! - intéressera au plus haut point les présidents de conseils régionaux et l'ensemble des élus régionaux.
M. Eric Doligé. Il n'y a pas que les régions !
M. le président. L'amendement n° 262, présenté par MM. Sueur, Peyronnet, Frimat, Marc, Lagauche, Dauge, Godefroy, Cazeau, Chabroux, Reiner, Mano, Bel, Domeizel, Mauroy, Krattinger, Courteau et Todeschini, Mme Blandin et les membres du groupe Socialiste et apparenté, est ainsi libellé :
Avant le Titre Ier, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Les transferts de compétences aux collectivités territoriales et à leurs groupements prévus par la présente loi ne seront mis en oeuvre qu'à l'issue d'une réforme des dotations de l'Etat aux collectivités territoriales et à leurs groupements et des fonds nationaux dont ils bénéficient afin d'en améliorer la lisibilité et la capacité de péréquation.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Répondant à l'observation, très juste, de M. Doligé, cet amendement concerne les régions, mais aussi les communes et, bien sûr, les départements.
En effet, il pose la question de la lisibilité et de la capacité de péréquation par le biais, notamment, des fonds nationaux.
Je voudrais, à cet égard, parler, pour les régions, pour les départements, pour les communes - de manière aujourd'hui marginale - et pour les intercommunalités - de manière essentielle - de la taxe professionnelle.
Nous savons qu'elle fait l'objet d'une commission, d'un rapport, d'une concertation, d'un dialogue... Autant de discours que nous pouvons très largement alimenter, sans guère répondre aux attentes actuelles des élus locaux.
Monsieur le ministre, si j'ai bien compris les intentions et les projets du Gouvernement, le nouvel impôt économique qui, pour les départements, les régions et les intercommunalités, va se substituer à la taxe professionnelle, ne serait plus compensé par une dotation.
Par conséquent, il n'y aura plus lieu à versement de la DCTP, dotation de compensation de la taxe professionnelle, ni à intervention du FNPTP, fonds national de péréquation de la taxe professionnelle - vous le voyez, je m'en tiens au niveau national.
Or ces deux dispositifs étaient censés avoir une valeur péréquatrice, valeur péréquatrice, à vrai dire limitée - très limitée - pour le FNPTP. Cela posait d'ailleurs, et cela pose toujours, un problème.
S'agissant de la DCTP, j'ose à peine en parler. Car, finalement, la DCTP, c'est le cimetière des intentions généreuses de tous les gouvernements qui, annonçant aux élus la suppression d' une part de cet impôt local, la taxe professionnelle, les ont rassurés par la promesse d'une dotation. Laquelle dotation a tant été réduite à l'usage qu'on a fini par carrément nous inciter à n'y voir qu'une simple variable d'ajustement ! S'il reste quelque chose, on nous le donne au titre de la dotation de compensation de la taxe professionnelle.
Mais enfin, la seule existence de ces dispositifs, même s'ils ont rétréci à l'usage - si je puis m'exprimer ainsi ! - témoignait d'une intention péréquatrice à l'égard de la taxe professionnelle.
Ma question est la suivante : par rapport à la future réforme de la taxe professionnelle et à l'instauration de ce que je suppose être un impôt économique destiné à remplacer ladite taxe professionnelle, y aura-t-il une volonté de péréquation ?
J'insiste sur le fait que cette péréquation ne pourra plus se faire par une répartition adaptée - ou appropriée - d'une dotation de l'Etat. Il s'agira donc de travailler par rapport à une ressource fiscale propre.
Monsieur le ministre, j'aimerais connaître vos intentions sur ce sujet, car je n'ose imaginer que vous n'ayez pas d'idée à ce propos.
M. le président. L'amendement n° 269, présenté par MM. Sueur, Peyronnet, Frimat, Lagauche, Dauge, Marc, Reiner, Godefroy, Mauroy, Mano, Domeizel, Chabroux, Cazeau, Bel, Courteau, Krattinger et Todeschini, Mme Blandin et les membres du groupe Socialiste et apparenté, est ainsi libellé :
Avant le titre Ier, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Les dispositions transférant des compétences aux collectivités territoriales et à leurs groupements prévues par la présente loi ne seront mises en oeuvre que lorsque l'ensemble des dotations de l'Etat aux collectivités territoriales aura été réformé de manière à prendre en compte d'une manière accrue, et qui s'accroîtra régulièrement selon un calendrier défini, les critères de population, de potentiel fiscal et d'évaluation des charges liées tout particulièrement à la présence de populations en difficultés et de quartiers défavorisés.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Avant d'aborder la question tout à fait fondamentale posée par cet amendement, je voudrais, monsieur le président, revenir sur celle que je souhaitais poser tout à l'heure à M. le ministre et que j'ai gardée en réserve.
On voit bien que les évolutions possibles et que, pour notre part, nous souhaitons ardemment, en matière de péréquation ne peuvent pas s'effectuer rapidement, en une seule année, ni même en deux ou trois ans.
C'est la raison pour laquelle la position qui nous apparaît la plus réaliste en la matière consiste à passer, finalement, contrat entre l'Etat et les collectivités locales.
Ce contrat pourrait reposer sur les principes suivants : premièrement, nous voulons plus d'autonomie fiscale, ce qui signifie moins de dotations de l'Etat. Deuxièmement, nous voulons, à l'intérieur des dotations de l'Etat, plus de péréquation. En effet, à quoi servent les dotations de l'Etat, sinon à permettre à ce dernier d'assumer sa fonction péréquatrice ? C'est clair.
Pourrait-on se mettre d'accord, monsieur le ministre ? Ce serait quand même beau, intéressant de voir l'Etat et les collectivités locales se mettre d'accord sur un calendrier, sur une programmation qui durerait dix ans. Ce serait insupportable pour Bercy ? Mais enfin, à Bercy, il y a quelqu'un qui ne manque pas d'imagination et qui pourrait être intéressé !
Et on prévoirait, année après année, la diminution des dotations provoquée par l'accroissement corrélatif de l'autonomie fiscale des collectivités et, parallèlement, l'augmentation de la part de péréquation à l'intérieur des dotations. (M. le ministre fait un signe dubitatif.) Mais c'est très réaliste, monsieur le ministre!
M. René Garrec, rapporteur. C'est surréaliste !
M. Jean-Pierre Sueur. Aujourd'hui, les dotations de l'Etat sont ainsi faites que la part qui donne lieu à péréquation est de l'ordre de 6 % ou 7 % du montant.
Je sais bien qu'un rapport largement diffusé fait état de 30 %. Mais pour arriver à 30 %, il faut inclure l'effet pseudo péréquateur des dotations dites forfaitaires. Permettez-moi de ne pas être d'accord avec ce raisonnement. Si on s'en tient à ce qui est clairement péréquateur, on est à 6 % ou 7 %.
Ne serait-il pas réaliste de se fixer pour objectif de passer peu à peu à 10 %, 15 %, 20 %, au fur et à mesure que ces dotations, par ailleurs, diminueraient ? En effet, si elles ne diminuent pas, autant renoncer à la loi organique sur l'autonomie fiscale des collectivités locales, qui n'aurait naturellement plus de raison d'être !
Si vous m'y autorisez, monsieur le président, je saisirai cette occasion pour poser une autre question à M. le ministre. Elle concerne la réforme de la DGF sur laquelle, je le suppose, le Gouvernement travaille et peut informer le Sénat de l'état de ses réflexions.
Un point me paraît tout à fait important. Je crois que si on refait un dispositif compliqué, on finira par arriver au système d'aujourd'hui qui, on le voit très bien, n'est plus lisible.
Vous savez combien la DGF, dès l'origine, a été le fruit de bonnes intentions. En effet, partant d'une dizaine de critères, on est progressivement passé à vingt, puis à trente, pour en arriver à soixante ou soixante-dix. Cela fait évidemment les beaux jours de la DGCL, direction générale des collectivités locales, que de calculer tous ces critères pour l'ensemble des communes.
Mais depuis que le système a été forfaitisé et en quelque sorte cristallisé par la réforme que nous devons à M. Hoeffel, nous avons quelque chose qui n'est ni lisible, ni compréhensible. En effet, trop de critères tuent les critères. Et on peut démontrer sur pièces qu'à force d'avoir ajouté des données et des calculs on ne parvient plus, finalement, à évaluer le sens du dispositif.
C'est la raison pour laquelle il nous paraît qu'il serait judicieux - mais je voudrais connaître votre avis sur la question - ...
M. Jean-Pierre Sueur. ... de partir d'un nombre limité de critères.
Avec le système auquel on est arrivé, on prend en compte le potentiel fiscal, l'effort fiscal, le produit fiscal, le nombre d'écoles, de classes, de logements sociaux, sans oublier le nombre de kilomètres, avec un coefficient particulier pour le kilomètre de montagne, qui a la particularité de monter !
M. Jean-Pierre Sueur. Un autre calcul tenait compte du nombre de kilomètres par hectare afin de ne pas pénaliser les communes dont la surface était importante ; quant à la dotation touristique, elle pénalisait les communes qui réalisaient des sentiers de randonnée, etc. C'était absurde.
Par conséquent, si l'on ne veut pas commettre les mêmes erreurs, il faut partir de certains critères. Pour notre part, nous vous en proposons trois : d'abord, la population ; ensuite, le potentiel fiscal, et, enfin, la présence de personnes en difficulté et de quartiers défavorisés. Cela a le mérite de la simplicité et j'aimerais savoir ce qu'en pense M. le ministre.
M. Pierre Fauchon. Il faut refuser de répondre, il ne faut pas entrer dans leur jeu !
M. le président. L'amendement n° 270, présenté par MM. Sueur, Peyronnet, Frimat, Lagauche, Dauge, Marc, Reiner, Godefroy, Mauroy, Mano, Domeizel, Chabroux, Cazeau, Bel, Courteau, Krattinger et Todeschini, Mme Blandin et les membres du groupe Socialiste et apparenté, est ainsi libellé :
Avant le titre Ier, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Les dispositions transférant des compétences aux collectivités territoriales et à leurs groupements prévues par la présente loi ne seront mises en oeuvre que lorsque l'ensemble des dotations de l'Etat aux collectivités sera réformé de manière à prendre en compte d'une manière qui, à terme, et selon un calendrier défini, sera prédominante, les critères de population, de potentiel fiscal, de charges liées à la précarité d'une part significative des habitants de ces collectivités et à la mise en oeuvre de programme relevant de la politique de la ville.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le ministre, je souhaiterais savoir quelle est, dans le nouveau dispositif de financement des collectivités locales, et donc dans la réforme des dotations que vous nous avez annoncée - vous n'êtes d'ailleurs pas le premier à l'avoir annoncée; votre prédécesseur l'a également fait et nous ne cessons d'être nourris d'effets d'annonce qui nous laissent sur notre faim - , la part que vous entendez accorder à la politique de la ville et à la politique de rénovation urbaine de ces quartiers, car cela coûte cher. (Marques d'approbation sur les travées du groupe CRC.)
Nous ne sommes pas dupes du discours de votre collègue Jean-Louis Borloo, discours très intéressant au demeurant, mais qui ne tient pas compte de la réalité de la loi relative au renouvellement urbain. Or chacun sait, parce que cela a été voté - non par les parlementaires de gauche, je tiens à le souligner -que le budget du logement pour 2004 est en diminution de 8 % par rapport à celui de 2003 et que le budget de la ville, pour la même année 2004, régresse également de 8 % par rapport à celui de 2003.
Dès lors, si nous aimons les beaux discours, nous ne saurions accepter une telle diminution, et ce malgré toutes les proclamations d'intention. Je vous renvoie ici, mes chers collègues, au rapport de M. Michel Mercier annexé à la loi de finances et dont la conclusion était la suivante : « les dotations de péréquation diminuent dans la loi de finances de 2004 par rapport à 2003 ».
Nous sommes donc en présence, d'un côté, de discours théoriques sur la ville et, de l'autre, d'une diminution budgétaire des péréquations. Or l'on nous dit : ne vous inquiétez pas, car une loi sera prochainement votée ; et, du coup, nous ne pouvons plus évoquer ce sujet.
C'est pourquoi, monsieur le ministre, j'espère que vous allez nous parler des finances, sinon le projet de loi dont nous discutons perdra forcément de sa crédibilité. En effet, les élus veulent savoir comment ils vont financer toutes ces mesures.
M. le président. L'amendement n° 254, présenté par MM. Sueur, Peyronnet, Frimat, Lagauche, Dauge, Marc, Godefroy, Mauroy, Mano, Domeizel, Chabroux, . Cazeau, Bel, Courteau, Krattinger, Reiner, Todeschini, Courrière et les membres du groupe Socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel rédigé comme suit :
L'application de la présente loi est subordonnée à la mise en oeuvre lors de la loi de finances pour 2005 de la réforme de la dotation globale de fonctionnement dont le principe a été annoncé par la loi de finances pour 2004 dans des conditions telles que la part de la péréquation connaîtra un accroissement au sein de cette dotation.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Il s'agit d'un amendement de repli qui représente le minimum minimorum.
La mise en oeuvre des dispositions de ce projet de loi relatif aux libertés et responsabilités locales ne devrait intervenir qu'après qu'auront été mis en place les dispositifs de péréquation dont on nous a annoncé qu'ils figureraient dans la loi de finances pour 2005. Il s'agit là d'un effort tout à fait minimal et je ne m'appesantirai pas sur cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 268, présenté par MM. Sueur, Peyronnet, Frimat, Lagauche, Dauge, Marc, Reiner, Godefroy, Mauroy, Mano, Domeizel, Chabroux, Cazeau, Bel, Courteau, Krattinger et Todeschini, Mme Blandin et les membres du groupe Socialiste et apparenté, est ainsi libellé :
Avant le titre Ier, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Les dispositions transférant des compétences aux collectivités territoriales et à leurs groupements prévues par la présente loi ne seront mises en oeuvre que lorsque la dotation globale de fonctionnement aura été réformée de manière à accorder une place accrue, et qui s'accroîtra régulièrement selon un calendrier défini, aux critères ayant un effet péréquateur.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Cet amendement illustre de manière plus précise encore ce que je sollicitais tout à l'heure, à savoir un effort de programmation. En effet, si l'on ne programme pas l'augmentation des péréquations et la diminution corrélative de la part des dotations eu égard à la part de fiscalité propre - même si, aux dires de Bercy, l'annualité budgétaire est un dogme tel qu'il s'oppose à toute programmation -, il est tout à fait clair que cette loi, finalement, deviendra caduque.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ces treize amendements ?
M. René Garrec, rapporteur. La commission des lois a émis un avis défavorable sur l'ensemble de ces amendements, et ce pour une seule raison qui englobera l'ensemble des questions évoquées. Mon explication vaut également pour l'amendement n° 256.
S'agissant, en premier lieu et presque uniquement, de la péréquation, je tiens à souligner que cette réforme est en cours. Le principe en a été inscrit dans la Constitution.
M. Jean-Pierre Sueur. Cela, on le sait !
M. René Garrec, rapporteur. Je sais bien que vous le savez, monsieur Sueur, mais étant donné que vous m'avez vous-même dit ce que je savais déjà, c'est un échange de bons procédés !
M. Jean-Pierre Sueur. Vous exagérez un peu !
M. René Garrec, rapporteur. Vous m'avez beaucoup aidé, c'est vrai, car, pour ce qui me concerne, j'ai plutôt l'habitude d'aller droit au but !
Pour en revenir à la loi de finances pour 2004, elle a rénové l'architecture des dotations de l'Etat aux collectivités territoriales. C'est ainsi que, comme vous le disiez tout à l'heure, la dotation globale de fonctionnement se compose désormais, pour chaque niveau de collectivité territoriale, y compris les régions, d'une dotation forfaitaire...
M. Jean-Pierre Sueur. Bien !
M. René Garrec, rapporteur. ...et d'une dotation de péréquation.
L'agrégation de ces diverses dotations a permis, d'une part, de multiplier par deux le montant de la DGF, qui atteint près de 37 milliards d'euros pour 2004, chiffre indiscutable qui figure d'ailleurs dans le rapport de M. Schosteck - vous n'allez tout de même pas, monsieur Sueur, critiquer un collègue absent, ce n'est pas convenable ! - ...
M. Jean-Pierre Sueur. Mais si !
M. René Garrec, rapporteur. ...et, d'autre part, de dégager des marges de manoeuvres supplémentaires en faveur de la péréquation.
M. Roland Muzeau. Vous avez fait la démonstration contraire tout à l'heure !
M. René Garrec, rapporteur. Je suis d'accord avec ce qu'écrit M. Schosteck, car ce qu'il écrit est, en général, vrai. Ce n'est pas la Bible, j'en conviens, mon cher collègue, et je reconnais volontiers la valeur de votre exposé, mais j'essaie de répondre avec le minimum de circonvolutions à des commentaires qui, eux, étaient tellement « circonvolutifs » que je m'y perdais parfois !
Quoi qu'il en soit, il importe désormais, au moins au Sénat, de réformer les critères de répartition de ces dotations. A cet effet - voilà la bonne nouvelle - le comité des finances locales, présidé par notre excellent collègue M. Jean-Pierre Fourcade, a examiné le 28 avril 2004 les conclusions du groupe de travail qu'il avait constitué le 8 juillet 2003 afin de préparer cette réforme qui pourrait intervenir, comme l'a indiqué M. le ministre, à l'automne prochain. Je ne vois donc pas, monsieur Sueur, de quoi vous vous plaignez.
M. Jean-Pierre Sueur. Des sous ! Voilà ce qui nous manque !
M. René Garrec, rapporteur. Nous en sommes tous là, c'est ce que je dis à mon percepteur régulièrement, mais il ne m'écoute pas !
En conclusion, je dirai que, malgré le caractère excellent de votre exposé, que je n'ai pas totalement compris, monsieur Sueur, la commission des lois a émis, à mon grand regret, un avis défavorable sur l'ensemble de ces amendements.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Je ne dirai qu'un mot, monsieur Sueur : quel talent ! Quel talent d'avoir réussi à nous entretenir pendant une bonne heure de ces amendements qui, il faut bien le dire, ont concerné beaucoup de sujets différents. Vous avez avancé de nombreuses propositions et fait preuve d'une imagination et d'une audace créatrice extraordinaires, de telle sorte que je me demandais souvent : que ne l'a-t-il pas fait de son temps ! (M. Jean-Pierre Sueur s'exclame.)
Car, enfin, monsieur le ministre - permettez-moi de vous appeler ainsi car ceux qui sont ou furent en charge des collectivités territoriales appartiennent à une espèce de club - le moins que l'on puisse dire est qu'il s'agit d'un sujet fort complexe. Pour ma part, chaque fois que j'évoque ces questions ici, au banc du Gouvernement, j'ai une pensée pour vous !
M. Jean-Pierre Sueur. C'est gentil !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Et je me dis : Jean-Pierre Sueur, quand il était à ma place, il n'a pas dû rigoler tous les jours !
M. Jean-Pierre Sueur. C'est vrai !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Je ne me rappelle plus qui, à l'époque, jouait le rôle de Jean-Pierre Sueur, mais ce que je sais c'est que, sur tous ces sujets, nous aurions déjà pu en dire beaucoup, comme vous l'auriez sans doute fait à ma place, monsieur Sueur.
Telles sont les raisons pour lesquelles je vous invite, mesdames, messieurs les sénateurs, à rejeter ces amendements. Je le dis avec une certaine tristesse,...
M. René Garrec, rapporteur. Une certaine nostalgie !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. ...car ils soulèvent plusieurs points intéressants.
A ce propos, je tiens à vous apporter certains éléments de réponse, même si vous comprendrez qu'il me soit difficile d'être exhaustif.
Ce que je puis vous dire concernant l'autonomie fiscale, monsieur Sueur, sujet dont nous avons débattu pendant des heures et des heures à la suite du dépôt déjà massif d'amendements en première lecture, c'est que ce sujet est si important que je ne puis l'évoquer en quelques instants.
Je ferai la même remarque au sujet du volet péréquation et de la réforme des dotations, notamment de la DGF, pour une raison simple : il s'agit d'un sujet majeur, tellement majeur même que, comme l'a dit M. René Garrec, et comme je l'ai moi-même rappelé, nous allons y consacrer une part importante de nos travaux à l'automne.
En effet, monsieur Sueur, la réforme des dotations est un sujet majeur tant pour la péréquation horizontale que pour la péréquation verticale. Je veux d'ailleurs - en guise d'apéritif pour nos travaux de l'automne - attirer votre attention sur le fait que la péréquation horizontale est de la responsabilité aussi, pour ne pas dire surtout, de l'excellent comité des finances locales, qui accomplit dans ce domaine un travail remarquable, ce dont je tiens, comme vous, à lui rendre hommage. Un rapport a été remis en vue de la réforme des dotations, que j'ai lu avec beaucoup d'attention, et qui sera un élément important du débat que nous aurons cet automne.
Quant à la péréquation verticale, pardon, là encore, de ne pas vouloir me substituer à ceux de mes collègues qui ont en charge ce dossier. Je vous invite à nous retrouver tous ensemble lors du vote de la loi de finances initiale pour 2005, rendez-vous important, s'il en est, pour évoquer plus en détail la situation.
Néanmoins, ce que je puis vous dire, c'est que, sur tous ces sujets, nous appelons de nos voeux une plus grande simplification. Il est vrai que ces dotations, comme vous l'avez rappelé, monsieur Sueur, sont extrêmement complexes, difficiles à lire, et nous sommes nombreux à nous succéder à la tête de ce ministère en nous disant : que ne les ont-ils réformées avant !
Pour ma part, j'espère pouvoir vous proposer à l'automne des éléments de réforme majeurs et en tout cas de nature à les rendre plus lisibles, non seulement pour les élus locaux mais aussi pour les citoyens, sans oublier ce grand impératif, cher à tous dans cette assemblée, je veux parler de l'impératif de péréquation et de solidarité territoriale désormais inscrit dans la Constitution.
Mme Nicole Borvo. C'est l'Arlésienne !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Vous m'avez par ailleurs interrogé, monsieur Sueur, sur la révision des valeurs locatives, autre serpent de mer, autre sujet qui n'a pas été traité avec suffisamment de précision jusqu'à présent ; là aussi, nous aurons sans doute l'occasion d'en reparler.
Toutes les pistes sont possibles. Il en est une, en particulier, qui me paraît intéressante, c'est celle qui consiste à imaginer des adossements progressifs afin d'éviter que la brutalité d'une décision effectuée en une année ne produise des transferts de charges douloureux, voire insupportables pour les collectivités.
Enfin, je dirai un mot sur la taxe professionnelle, sujet qui fera l'objet d'un autre grand rendez-vous, que je vous propose d'honorer avec nous à la fin de cette année puisque la commission présidée par M. Fouquet rendra ses conclusions provisoires en juillet et ses conclusions définitives en novembre.
Nous aurons alors tout le loisir de travailler sur cette question et de proposer à la représentation nationale un dispositif moderne, adossé sur l'activité économique, mais moins pénalisant, notamment pour l'investissement et l'emploi.
Tous ces sujets sont passionnants, monsieur Sueur, mais nous ne pouvons les traiter dans le cadre restreint de ce projet de loi de décentralisation qui, j'insiste de nouveau sur ce point, apporte déjà de nombreux éléments de réponse.
Je pense ainsi aux engagements que j'ai pris devant votre assemblée concernant la fiscalité transférée, qu'il s'agisse de la TIPP pour les régions ou de la TCA, la taxe sur les conventions d'assurance, avec modulation de taux, pour les départements. Nous sommes d'ailleurs en train de plaider ardemment notre cause à Bruxelles, avec l'espoir d'obtenir satisfaction.
M. Jean-Pierre Sueur. Nous l'espérons aussi !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Mais oui ! Je vous demande de croire un peu en nous.
Vous voyez toujours le verre à moitié vide, comme vos collègues communistes que j'ai entendus tout à l'heure à la tribune et pour lesquels j'ai souffert. (Protestations sur les travées du groupe CRC.) En effet, dans ces périodes si importantes où nous sommes en train de contribuer au redressement de notre pays avec des réformes courageuses, ...
Mme Marie-Claude Beaudeau. Il faudrait que les Français vous approuvent ! Pensez aux élections !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. ...il faudrait que, de temps en temps, vous puissiez, vous aussi, voir le verre à moitié plein ! Vous pourriez ainsi ressentir l'espoir qui est le nôtre en apercevant notre pays redresser la tête après des années de récession. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Telles sont quelques-unes des raisons pour lesquelles je vous invite à repousser ces amendements, tout en vous fixant les rendez-vous que je vous ai indiqués tout à l'heure. Car, sur tous ces sujets, nous aurons encore bien des choses à nous dire !
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. René Garrec, président de la commission des lois. Monsieur le président, je souhaite que nous interrompions là nos travaux. Il convient en effet que la commission des lois, qui n'a pu statuer que sur les huit amendements suivants, se réunisse, afin que nous ayons matière à travailler demain matin. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme Marie-Claude Beaudeau. Il fallait voter la motion tendant au renvoi en commission présentée par M. Muzeau !
M. Roland Muzeau. C'est abracadabrantesque !
M. le président. Nous allons accéder à votre demande, monsieur le président.
La suite de la discussion est donc renvoyée à la prochaine séance.