sommaire

PRÉSIDENCE DE M. Daniel Hoeffel

1. Procès-verbal

2. Saisines du Conseil constitutionnel

3. Protection des personnes physiques à l'égard des traitements de données. - Discussion d'un projet de loi en deuxième lecture

Discussion générale : Mme Nicole Guedj, secrétaire d'Etat aux droits des victimes ; MM. Alex Türk, rapporteur de la commission des lois ; Charles Gautier, Jean Boyer, Roger Karoutchi, Robert Bret.

Clôture de la discussion générale.

Article 1er

Amendement no 10 de M. Charles Gautier. - MM. Charles Gautier, le rapporteur, Mme la secrétaire d'Etat. - Rejet.

Amendement no 11 de M. Charles Gautier. - MM. Charles Gautier, le rapporteur, Mme la secrétaire d'Etat. - Rejet.

Amendement no 12 de M. Charles Gautier. - MM. Charles Gautier, le rapporteur, Mme la secrétaire d'Etat. - Rejet.

Amendement no 13 de M. Charles Gautier. - MM. Charles Gautier, le rapporteur, Mme la secrétaire d'Etat. - Rejet.

Adoption de l'article.

Article 2

Amendement no 14 de M. Charles Gautier. - MM. Charles Gautier, le rapporteur, Mme la secrétaire d'Etat. - Rejet.

Amendement no 15 de M. Charles Gautier. - MM. Charles Gautier, le rapporteur, Mme la secrétaire d'Etat. - Rejet.

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Adrien Gouteyron

4. Dépôt d'un rapport en application d'une loi

5. Protection des personnes physiques à l'égard des traitements de données. - Suite de la discussion et adoption définitive d'un projet de loi en deuxième lecture

Article 2 (suite)

Amendement no 16 de M. Charles Gautier. - MM. Charles Gautier, Alex Türk, rapporteur de la commission des lois ; Mme Nicole Guedj, secrétaire d'Etat aux droits des victimes. - Rejet.

Amendement no 1 de M. Robert Bret. - MM. Robert Bret, le rapporteur, Mme la secrétaire d'Etat. - Rejet.

Amendement no 17 de M. Charles Gautier. - MM. Charles Gautier, le rapporteur, Mme la secrétaire d'Etat. - Rejet.

Amendement no 18 de M. Charles Gautier. - MM. Charles Gautier, le rapporteur, Mme la secrétaire d'Etat. - Rejet.

Amendement no 19 de M. Charles Gautier. - MM. Charles Gautier, le rapporteur, Mme la secrétaire d'Etat. - Rejet.

Amendements identiques nos 2 de M. Robert Bret et 20 de M. Charles Gautier. - MM. Robert Bret, Charles Gautier, le rapporteur, Mme la secrétaire d'Etat. - Rejet des deux amendements.

Amendement no 21 de M. Charles Gautier. - MM. Charles Gautier, le rapporteur, Mme la secrétaire d'Etat. - Rejet.

Amendement no 22 de M. Charles Gautier. - MM. Charles Gautier, le rapporteur, Mme la secrétaire d'Etat. - Rejet.

Amendements nos 23 de M. Charles Gautier, 3 et 4 de M. Robert Bret. - MM. Charles Gautier, Robert Bret, le rapporteur, Mme la secrétaire d'Etat. - Rejet des trois amendements.

Amendement no 24 de M. Charles Gautier. - MM. Charles Gautier, le rapporteur, Mme la secrétaire d'Etat. - Rejet.

Adoption de l'article.

Article 3

Amendement no 25 de M. Charles Gautier. - MM. Charles Gautier, le rapporteur, Mme la secrétaire d'Etat. - Rejet.

Amendement no 26 de M. Charles Gautier. - MM. Charles Gautier, le rapporteur, Mme la secrétaire d'Etat. - Rejet.

Amendement no 27 de M. Charles Gautier. - MM. Charles Gautier, le rapporteur, Mme la secrétaire d'Etat. - Rejet.

Adoption de l'article.

Article 4

Amendement no 28 de M. Charles Gautier. - MM. Charles Gautier, le rapporteur, Mme la secrétaire d'Etat. - Rejet.

Amendements nos 5 à 7 de M. Robert Bret et 29 à 31 de M. Charles Gautier. - MM. Robert Bret, Charles Gautier, le rapporteur, Mme la secrétaire d'Etat. - Rejet des six amendements.

Amendement no 32 de M. Charles Gautier. - MM. Charles Gautier, le rapporteur, Mme la secrétaire d'Etat. - Rejet.

Amendement no 33 de M. Charles Gautier. - MM. Charles Gautier, le rapporteur, Mme la secrétaire d'Etat. - Rejet.

Amendement no 8 de M. Robert Bret. - MM. Robert Bret, le rapporteur, Mme la secrétaire d'Etat. - Rejet.

Amendement no 34 de M. Charles Gautier. - MM. Charles Gautier, le rapporteur, Mme la secrétaire d'Etat. - Rejet.

Amendements nos 35 à 37 de M. Charles Gautier. - MM. Charles Gautier, le rapporteur, Mme la secrétaire d'Etat. - Rejet des amendements nos 35 et 36, l'amendement no 37 devenant sans objet.

Amendement no 38 de M. Charles Gautier. - MM. Charles Gautier, le rapporteur, Mme la secrétaire d'Etat. - Rejet.

Adoption de l'article.

Article 5

Amendement no 39 de M. Charles Gautier. - MM. Charles Gautier, le rapporteur, Mme la secrétaire d'Etat. - Rejet.

Amendement no 40 de M. Charles Gautier. - MM. Charles Gautier, le rapporteur, Mme la secrétaire d'Etat. - Rejet.

Amendement no 41 de M. Charles Gautier. - MM. Charles Gautier, le rapporteur, Mme la secrétaire d'Etat. - Rejet.

Adoption de l'article.

Article 6

Amendement no 42 de M. Charles Gautier. - MM. Charles Gautier, le rapporteur, Mme la secrétaire d'Etat. - Rejet.

Adoption de l'article.

Article 7

Amendement no 43 de M. Charles Gautier. - MM. Charles Gautier, le rapporteur, Mme la secrétaire d'Etat. - Rejet.

Amendement no 44 de M. Charles Gautier. - MM. Charles Gautier, le rapporteur, Mme la secrétaire d'Etat. - Rejet.

Adoption de l'article.

Article 8. - Adoption

Article additionnel après l'article 10

Amendement no 9 de M. Robert Bret. - MM. Robert Bret, le rapporteur, Mme la secrétaire d'Etat. - Rejet.

Articles 11, 15 quater et 15 quinquies. - Adoption

Article 15 sexies

Amendement no 45 de M. Charles Gautier. - MM. Charles Gautier, le rapporteur, Mme la secrétaire d'Etat, M. Robert Bret. - Rejet.

Adoption de l'article.

Article 16 bis. - Adoption

Vote sur l'ensemble

MM. Robert Bret, Charles Gautier, Yves Fréville, le rapporteur.

Adoption définitive du projet de loi.

6. Expulsion des étrangers. - Adoption d'une proposition de loi

Discussion générale : MM. Dominique de Villepin, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales ; Jean-René Lecerf, rapporteur de la commission des lois ; Mme Jacqueline Gourault, MM. Roger Karoutchi, Robert Bret, Georges Othily, Charles Gautier.

M. le ministre.

Clôture de la discussion générale.

Question préalable

Motion no 1 de M. Robert Bret. - Mme Nicole Borvo, MM. le rapporteur, le ministre. - Rejet.

Article unique

Amendement no 2 de M. Charles Gautier. - MM. Michel Dreyfus-Schmidt, le rapporteur, le ministre. - Rejet par scrutin public.

Adoption de l'article unique de la proposition de loi.

7. Soutien à la consommation et à l'investissement. - Adoption d'un projet de loi déclaré d'urgence

Discussion générale : MM. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ; Philippe Marini, rapporteur de la commission des finances.

Suspension et reprise de la séance

M. le président.

MM. Roland du Luart, Thierry Foucaud, Marc Massion, Denis Badré, Jacques Legendre, Mme Odette Terrade, MM. Jean-Claude Carle, Gérard Cornu.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat au budget et à la réforme de l'Etat.

Clôture de la discussion générale.

Articles additionnels avant l'article 1er

Amendement no 30 de M. Marc Massion. - MM. Marc Massion, le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Rejet.

Amendement no 31 de M. Marc Massion. - MM. Marc Massion, le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Rejet.

Amendement no 32 de M. Marc Massion. - MM. Marc Massion, le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Rejet.

Article 1er

Amendements nos 15 de M. Thierry Foucaud, 4 rectifié, 5 de la commission, 33 et 34 de M. Marc Massion. - MM. Thierry Foucaud, le rapporteur, Marc Massion, le secrétaire d'Etat. - Retrait de l'amendement no 33 ; rejet, par scrutin public, de l'amendement no 15 ; adoption des amendements nos 4 rectifié et 5 ; rejet de l'amendement no 34.

Adoption de l'article modifié.

Articles additionnels après l'article 1er

Amendement no 35 de M. Marc Massion. - MM. Marc Massion, le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Rejet.

Amendement no 36 de M. Marc Massion. - MM. Marc Massion, le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Rejet.

Article additionnel avant l'article 2

Amendement no 54 de M. Charles Revet. - MM. Charles Revet, le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Retrait

Article 2

Amendements nos 38, 37 de M. Marc Massion et 16 de M. Thierry Foucaud. - MM. Marc Massion, Thierry Foucaud, le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Retrait de l'amendement no 37 ; rejet des amendements nos 38 et 16.

Adoption de l'article.

Articles additionnels après l'article 2

Amendement no 6 de la commission. - MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat, Mme Odette Terrade. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Amendement no 53 de M. Charles Revet. - MM. Charles Revet, le rapporteur, le secrétaire d'Etat, Jean Arthuis, président de la commission des finances. - Retrait

Article 2 bis. - Adoption

Article 3

Amendements nos 17 de M. Thierry Foucaud et 69 rectifié bis de la commission. - Mme Evelyne Didier, MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Rejet de l'amendement no 17 ; adoption de l'amendement no 69 rectifié bis.

Adoption de l'article modifié.

Articles additionnels après l'article 3

Amendement no 24 de M. Jean Chérioux. - MM. Jean Chérioux, le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Amendement no 25 rectifié de M. Jean Chérioux. - MM. Jean Chérioux, le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Amendement no 11 de M. Jean Chérioux. - MM. Jean Chérioux, le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Amendement no 56 rectifié de M. Roger Karoutchi. - MM. Roger Karoutchi, le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Article 3 bis. - Adoption

Article additionnel avant l'article 4

Amendement no 39 de M. Marc Massion. - MM. Marc Massion, le rapporteur, le secrétaire d'Etat, Denis Badré. - Rejet.

Article 4

Mme Odette Terrade.

Amendement no 51 rectifié de M. Bernard Joly. - MM. Jacques Pelletier, le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Adoption.

Amendement no 40 de M. Marc Massion. - MM. Marc Massion, le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Rejet.

Amendement no 41 de M. Marc Massion. - MM. Marc Massion. - Retrait.

Amendements nos 70 du Gouvernement, 42 à 44 de M. Marc Massion. - MM. le secrétaire d'Etat, Marc Massion, le rapporteur. - Adoption de l'amendement no 70, les amendements nos 42 à 44 devenant sans objet.

Amendement no 63 rectifié de Mme Gisèle Gautier. - Mme Jacqueline Gourault, MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Retrait

Adoption de l'article modifié.

Article 5

Amendements nos 18 de M. Thierry Foucaud et 13 de M. Denis Badré. - Mme Evelyne Didier, MM. Denis Badré, le rapporteur, le secrétaire d'Etat, Mme Odette Terrade - Retrait de l'amendement no 13 ; rejet de l'amendement no 18.

Adoption de l'article.

Articles additionnels après l'article 5

Amendement no 52 rectifié ter de M. Denis Badré. - MM. Denis Badré, le rapporteur, le secrétaire d'Etat, le président de la commission. - Retrait

Amendement n° 46 de M. Marc Massion. - MM. Marc Massion, le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Rejet.

Articles additionnels avant l'article 6

Amendement no 7 rectifié bis de la commission. - MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat, Mme Evelyne Didier. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Amendement no 47 de M. Marc Massion. - MM. Marc Massion, le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Rejet.

Article 6

Amendements nos 19 de M. Thierry Foucaud, 61 rectifié de M. Gérard César et 68 de la commission. - Mme Odette Terrade, MM. Roland du Luart, le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Rejet de l'amendement no 19; retrait de l'amendement no 61 rectifié ; adoption de l'amendement no 68.

Adoption de l'article modifié.

Article 7

Amendement no 20 de M. Thierry Foucaud. - Mme Odette Terrade, MM. Le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Rejet

Adoption de l'article.

Articles additionnels après l'article 7

Amendement n° 12 rectifié bis de M. Michel Mercier. -MM. Denis Badré, le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Amendement no 58 rectifié de M. Roger Karoutchi. - MM. Roger Karoutchi, le rapporteur, le secrétaire d'Etat, le président de la commission. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Article 8

MM. Yann Gaillard, Yves Dauge, Jacques Legendre, Mme Evelyne Didier.

Amendements nos 8 rectifié bis de la commission, 14 de Mme Jacqueline Gourault, 27 et 28 de M. Yves Dauge. - M. le rapporteur, Mme Jacqueline Gourault, MM. Yves Dauge, le secrétaire d'Etat. - Retrait de l'amendement no 14 ; adoption de l'amendement no 8 rectifié ter rédigeant l'article, les amendements nos 27 et 28 devenant sans objet.

Article additionnel après l'article 8

Amendement no 29 de M. Yves Dauge. - MM. Yves Dauge, le rapporteur, le secrétaire d'Etat, Jacques Legendre. - Rejet.

Article 9

Amendements nos 21 de M. Thierry Foucaud et 64 du Gouvernement - Mme Odette Terrade, MM. le secrétaire d'Etat, le rapporteur. - Rejet de l'amendement no 21 ; adoption de l'amendement no 64.

Adoption de l'article modifié.

Article 10

Amendements nos 22 de M. Thierry Foucaud et 65 du Gouvernement. - Mme Odette Terrade, MM. le secrétaire d'Etat, le rapporteur. - Rejet de l'amendement no 22 ; adoption de l'amendement no 65.

Adoption de l'article modifié.

Articles additionnels après l'article 10

Amendement no 50 de M. Paul Loridant. - Mme Odette Terrade, MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Retrait.

Amendement no 1 rectifié ter de M. Paul Girod. - MM. Paul Girod, le rapporteur, le secrétaire d'Etat. -. Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Amendement no 2 rectifié de M. Paul Girod et sous-amendement no 55 rectifié bis de M. Jean Pépin, repris par la commission. - MM. Paul Girod, le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Retrait de l'amendement et du sous-amendement.

Amendement no 3 rectifié bis de M. Paul Girod. - MM. Paul Girod, le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Amendement no 9 rectifié de la commission. - MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat, le président de la commission. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Amendement no 59 rectifié bis de la commission. - MM. Le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Amendement n° 66 du Gouvernement. - MM. le secrétaire d'Etat, le rapporteur. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Amendement n° 67 du Gouvernement. - MM. le secrétaire d'Etat, le rapporteur. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Article 11

Amendements nos 23 de M. Thierry Foucaud et 10 de la commission. - Mme Odette Terrade, MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Rejet de l'amendement no 23 ; adoption de l'amendement no 10.

Adoption de l'article modifié.

Vote sur l'ensemble

Mme Odette Terrade, MM. Jacques Pelletier, Jacques Massion, Denis Badré, Yann Gaillard, le président de la commission.

Adoption du projet de loi.

8. Nomination de membres d'une commission mixte paritaire

9. Dépôt d'une proposition de loi

10. Dépôt d'un rapport d'information

11. Ordre du jour

compte rendu intégral

PRÉSIDENCE DE M. Daniel Hoeffel

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à onze heures trente cinq.)

1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n'y a pas d'observation ?...

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

saisines du Conseil constitutionnel

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le président du Conseil constitutionnel deux lettres par lesquelles il informe le Sénat que le Conseil constitutionnel a été saisi, les 9 et 12 juillet 2004, en application de l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, par plus de soixante députés et par plus de soixante sénateurs, de deux demandes d'examen de la conformité à la Constitution de la loi relative à la bioéthique.

Acte est donné de ces communications.

Le texte des saisines du Conseil constitutionnel est disponible au bureau de la distribution.

3

 
Dossier législatif : projet de loi relatif à la protection des personnes physiques à l'égard des traitements de données à caractère personnel et modifiant la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés
Discussion générale (suite)

Protection des personnes physiques à l'égard des traitements de données

Discussion d'un projet de loi en deuxième lecture

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi relatif à la protection des personnes physiques à l'égard des traitements de données à caractère personnel et modifiant la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés
Art. 1er

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion en deuxième lecture du projet de loi (n° 285, 2003-2004), adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, relatif à la protection des personnes physiques à l'égard des traitements de données à caractère personnel et modifiant la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés. [Rapport n° 367 (2003-2004).]

Dans la discussion générale, la parole est à Mme la secrétaire d'Etat.

Mme Nicole Guedj, secrétaire d'Etat aux droits des victimes. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, c'est peu de dire que la loi relative à la protection des personnes physiques à l'égard des traitements de données à caractère personnel, dont il vous appartient aujourd'hui d'achever l'examen, est très attendue.

Elle l'est tout d'abord par la Commission européenne. Notre pays a pris des initiatives déterminantes en faveur de l'établissement de la directive du 24 octobre 1995. Il sera le dernier des quinze Etats qui l'ont négociée à en assurer la transposition.

Du même coup, la France s'acquittera également de son obligation de transposer les dispositions de la directive du 12 juillet 2002 concernant le traitement des données et la protection de la vie privée dans le domaine des communications électroniques au titre des témoins de connexion sur Internet, familièrement appelés cookies.

La modification de la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés est aussi très attendue par la Commission nationale de l'informatique et des libertés, la CNIL, qui a beaucoup contribué aux travaux préparatoires du texte, et par nombre de responsables de fichiers et d'utilisateurs d'Internet.

La réforme que vous examinez participe en effet à la définition du cadre juridique de la société de l'information, qui doit respecter les libertés fondamentales reconnues au public. Elle apporte un complément nécessaire à la loi pour la confiance dans l'économie numérique en protégeant les libertés individuelles vis-à-vis du traitement de données sensibles.

Avant votre ultime débat, je souhaite d'abord retracer brièvement les orientations d'un texte qui respecte les prescriptions européennes tout en répondant aux nouveaux défis auxquels la CNIL est confrontée.

Je me propose, ensuite, de mettre en lumière l'importance de l'apport des travaux parlementaires au cadre juridique de la société de l'information.

La loi actuelle propose d'utiles adaptations aux défis de la société de l'information, que plusieurs facteurs justifiaient.

Premièrement, l'essor du réseau Internet, le développement de nouveaux services de téléphonie mobile et le rôle accru des cartes à puce ont mis en évidence l'inadaptation des formalités préalables instituées par le législateur de 1978. Ces évolutions majeures ont rendu nécessaire la mise en place d'un contrôle approfondi du fonctionnement des traitements estimés dangereux ou objets de plaintes.

Deuxièmement, le changement d'échelle intervenu dans la taille des fichiers et dans le volume des échanges de données impose des garanties nouvelles et spécifiques pour prévenir le risque accru de détournement de finalités.

Vous savez bien que des bases très étendues de données, capables de retracer nos comportements de consommateurs, peuvent être constituées à des fins de prospection commerciale. C'est pourquoi il est indispensable de renforcer le droit à l'information et le droit d'opposition des personnes à l'exploitation de leurs coordonnées.

Dans le domaine de la santé, l'utilisation de traitements de données personnelles exige des garanties spécifiques. Elle a en effet connu une expansion sans précédent, avec des finalités licites diverses : le suivi thérapeutique, la recherche médicale, la sécurité sanitaire, la maîtrise des dépenses de soins, etc. A cette fin, la liste des données sensibles est adaptée.

Enfin, troisièmement, le projet de loi a trouvé dans la directive de 1995 le fondement d'une prise en compte du caractère nécessairement international de la protection des données.

Ce domaine n'est pas régi par les traités fondateurs de l'Union européenne, mais celle-ci est parvenue à se doter d'un cadre harmonisé. La France se devait, en conséquence, d'édicter les garanties nécessaires à la sécurité et à la continuité des flux transfrontières de données.

En conséquence, la loi introduit des adaptations très importantes au régime de protection des données personnelles défini en 1978.

Tout d'abord, la loi unifie le champ des contrôles opérés par la CNIL. Elle substitue, en effet, un principe de fond, à savoir la proportionnalité entre l'étendue des contrôles et les risques effectifs d'atteintes aux libertés, à la distinction de pure procédure entre traitements publics et privés propre à la loi de 1978.

Les formalités de contrôle a priori et de déclaration des traitements automatisés bénéficient donc, au total, d'allégements substantiels, et les catégories de traitements faisant l'objet d'une autorisation préalable sont limitativement énumérées par la loi.

En contrepartie de ce recentrage du périmètre du contrôle préalable, les pouvoirs de la CNIL sont considérablement accrus, afin de permettre à celle-ci d'assurer un contrôle a posteriori efficace de la mise en oeuvre des fichiers et des traitements automatisés. Ses pouvoirs d'investigation sont désormais contraignants ; ses pouvoirs d'intervention et de sanction sont étendus : ils associent la capacité à prendre des mesures provisoires, à saisir le juge judiciaire et à décider de mesures à caractère définitif.

Parallèlement, la loi renforce le respect de certains droits fondamentaux. Les personnes seront informées des cas de collecte indirecte de données les concernant et elles auront le droit discrétionnaire de s'opposer à toute utilisation des informations recueillies à des fins de prospection. Les données de santé appartiendront à la catégorie des données sensibles et leur traitement fera l'objet de garanties.

Je veux souligner, ensuite, que les travaux parlementaires ont contribué de façon majeure à la définition d'un cadre juridique rigoureux et équilibré pour la protection des données personnelles.

La qualité du débat parlementaire a résulté de la qualité des travaux de votre commission et de celle de l'Assemblée nationale. Je souhaite notamment rendre hommage à votre rapporteur, dont je salue l'élection récente à la présidence de la CNIL.

La finalisation du projet de loi doit beaucoup à votre engagement, monsieur le rapporteur. En votre qualité de président de la CNIL, c'est à vous que reviendra la charge lourde, mais passionnante, de mettre en oeuvre ses nouvelles dispositions.

Je relèverai quatre des améliorations apportées au projet de loi initial par les travaux parlementaires.

En premier lieu, le Sénat et l'Assemblée nationale ont su opérer une délicate conciliation entre le respect des droits fondamentaux des personnes et la sauvegarde de l'intérêt général.

Plusieurs amendements émanant des deux assemblées ont permis un allègement des contraintes qui pèsent sur les traitements nécessaires à certaines activités de recherche soit pour la conservation des données à titre d'archives, soit pour leur réutilisation à des fins statistiques.

Par ailleurs, la légitime protection des oeuvres musicales ou cinématographiques à laquelle ont droit les auteurs et les créateurs est aujourd'hui mise à mal par un nombre grandissant d'actes de piraterie, dont la réalisation via Internet rend la prévention et la poursuite très difficiles. Il est désormais prévu que les personnes morales agissant pour la défense des droits d'auteurs ou des droits voisins peuvent, sous réserve d'un contrôle au cas par cas par la CNIL, procéder à des traitements de données conservant la trace des atteintes à ces droits.

Enfin, ce souci d'équilibre s'est traduit par la définition de nouveaux pouvoirs de contrôle a posteriori de la CNIL.

Votre assemblée a ainsi estimé excessif le pouvoir conféré à la CNIL d'enjoindre au responsable d'un traitement de procéder à la destruction de celui-ci. La CNIL dispose, en effet, de mesures provisoires permettant de faire cesser une atteinte grave et elle peut désormais demander au juge judiciaire de prononcer la mesure définitive que constitue la destruction des supports informatiques.

L'Assemblée nationale a, quant à elle, considéré que des traitements qui mettent en jeu des missions essentielles de l'Etat, en particulier en matière de recensement de la population, de recouvrement d'impôt ou de délivrance des titres d'identité, ne devaient pas subir une mesure d'interruption pure et simple de leur mise en oeuvre. Des mesures ponctuelles de verrouillage de l'accès à certaines données sont, en droit, plus adaptées qu'une interruption du traitement dès lors que celui-ci a été soumis à un contrôle préalable de la CNIL.

En outre, les deux assemblées ont précisé les critères et les modalités des mesures de publicité que la CNIL peut donner aux sanctions qu'elle prononce.

S'inscrit également dans cette volonté d'équilibre un amendement voté par l'Assemblée nationale, sur l'initiative du Gouvernement, en vue de restreindre les pouvoirs d'investigation de la CNIL à l'égard de certaines informations classifiées propres aux fichiers de sûreté de l'Etat.

Comme cela a déjà été dit à l'Assemblée nationale, cette mesure, purement pragmatique, est circonscrite au petit nombre de fichiers de la Direction de la surveillance du territoire, la DST, ou de la Direction générale de la sécurité extérieure, la DGSE. Elle a pour seul objet de favoriser le recueil de renseignements auprès de services étrangers dans le cadre de la coopération internationale contre le terrorisme. Elle ne procède aucunement d'une défiance envers la CNIL ou ses agents. Elle est fondée sur le constat que certains services de renseignement étrangers estiment que la possibilité donnée à une autorité de protection d'exercer un contrôle sur le contenu des fichiers français fait obstacle à un partage des informations les plus sensibles.

En deuxième lieu, le Parlement a voulu se conformer à l'objectif du législateur communautaire de circonscrire au maximum les traitements rendant nécessaires un contrôle et une autorisation préalables.

S'agissant notamment du critère de contrôle préalable lié à des risques de discrimination, une rédaction plus précise a été retenue, afin d'éviter l'inclusion dans ce champ de l'ensemble des fichiers de prospection de clientèle. La loi fait ainsi référence à des risques d'exclusion, tels ceux qui peuvent découler, en matière contractuelle, de fichiers d'incidents de paiement ou encore de fichiers destinés à évaluer le degré de solvabilité des personnes.

Pour ce qui est du critère d'extension d'un fichier à la totalité ou à la quasi-totalité de la population, le Sénat a estimé, à juste raison, qu'un tel critère ne présentait pas une sécurité juridique suffisante et il l'a supprimé. En contrepartie, il a maintenu un contrôle préalable pour les traitements relatifs au recensement de la population.

L'Assemblée nationale a, lors de la deuxième lecture, complété cette démarche en prenant en compte deux nouvelles catégories de traitements dont l'extension prévisible rend souhaitable qu'ils soient expressément soumis à un examen préalable.

Il s'agit d'abord des traitements indispensables à la sécurité des nouveaux titres d'identité électroniques. Ceux-ci devront en effet inclure des données biométriques numérisées, telles celles qui sont relatives à la photographie d'identité et aux empreintes digitales.

Il s'agit ensuite des traitements rendus nécessaires par les téléservices, qui font l'objet d'un plan du Gouvernement pour faciliter la réalisation, par voie électronique, de certaines formalités administratives.

En raison des responsabilités essentielles de l'Etat dans ces importants dossiers, il a été prévu de soumettre les traitements concernés à la procédure de décision réglementaire après avis motivé et publié de la CNIL et non à une procédure de décision directe de celle-ci.

En troisième lieu, le Parlement s'est attaché à simplifier les formalités administratives dont font l'objet les traitements. Deux mesures d'inspiration sénatoriale témoignent plus particulièrement de cet effort.

D'une part, a été prévue la possibilité de faire une déclaration unique pour l'ensemble des traitements d'un même organisme, privé ou public, dont les finalités sont liées.

D'autre part - et il s'agit là d'un dispositif dont l'Assemblée nationale a amélioré la rédaction lors de la deuxième lecture -, une dispense de toute formalité déclarative a été introduite en faveur des responsables qui font le choix de désigner, pour les traitements placés sous leur contrôle, un « correspondant à la protection des données ».

Ce dernier est appelé à devenir le garant de la conformité à la loi des traitements mis en oeuvre, dont il devra établir et actualiser la liste. Cette disposition permettra à la CNIL de s'appuyer sur une nouvelle catégorie d'interlocuteurs techniques pour exercer ses missions de suivi et de contrôle.

En quatrième lieu, les amendements parlementaires ont visé à mieux garantir l'indépendance de la CNIL tout en assurant une meilleure visibilité du rôle de cette institution. Je pense notamment à l'obligation de coopération incombant à toute autorité à l'égard de l'action de la Commission.

Par ailleurs, les missions de la CNIL consistant à informer tant les responsables de traitements que les personnes concernées, ainsi qu'à assurer une fonction de veille face aux nouveaux risques d'atteintes aux droits liés à l'évolution technologique ont été expressément posées.

Les débats d'aujourd'hui forment le point d'orgue d'un long processus législatif. Rendu nécessaire par une directive communautaire, il a été éclairé par d'éminents rapports, notamment celui du président Guy Braibant.

Le Sénat, comme l'Assemblée nationale, a apporté beaucoup d'énergie et de conviction à l'élaboration de ce projet de loi afin que la CNIL soit juridiquement mieux armée et plus efficace

C'est pourquoi je vous demande, au nom du Gouvernement, d'approuver le texte qui vous est soumis. (

M. le président. La parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Alex Türk, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, ce texte, qui en est à sa quatrième lecture, va enfin - en tout cas, je l'espère - être voté aujourd'hui ; nous l'attendions en effet depuis 1998.

Ce qui me surprend le plus dans cette affaire, c'est l'apparition soudaine - depuis quelques jours - de la contestation. Elle me paraît totalement décalée et même, oserai-je dire, réactionnaire. (Rires sur les travées de l'UMP.)

Les journaux et les radios se déchaînent, alors qu'en réalité, tout le monde le sait, il s'agit d'un texte de compromis. Il a été élaboré par M. Jospin et développé, dans un premier temps, par le rapporteur socialiste à l'Assemblée nationale. La CNIL, dans sa composition d'alors, l'avait globalement approuvé et les choses avaient suivi leur cours.

Or, tout à coup, à la quatrième lecture, je reçois des appels de journalistes dénonçant la mise en place d'une nouvelle loi liberticide. Je trouve cela extrêmement curieux.

Deuxième exemple de cette contestation : les correspondants à la protection des données à caractère personnel sont très vivement critiqués. Pourtant, ce système fonctionne très bien depuis 1972 en Allemagne, ainsi que me l'a confié il y a huit jours, à Paris, le président de l'équivalent allemand de la CNIL, comme il fonctionne très bien aux Pays-Bas et en Suède.

Par conséquent, attendons que ce système soit mis en place avant de porter un jugement ! La critique est définitive, alors que la question n'a pas encore été réellement posée.

Troisième exemple : la plupart des critiques formulées depuis quelques jours dans la presse portent sur les dispositions relatives à la sécurité alors que l'essentiel de ces dispositions figuraient déjà dans le texte initial. Je suis donc très surpris de voir les représentants de certains groupes de notre assemblée, notamment, découvrir que le texte qu'ils ont eux-mêmes élaboré et voté à l'époque était aussi liberticide.

En réalité, le texte rédigé par la gauche n'était pas si mauvais et il n'était pas liberticide. Il reposait sur un compromis acceptable entre la nécessité de protéger les libertés et celle de donner aux services de police et de sécurité un minimum de souplesse dans leur travail.

Mais, surtout, je voudrais que chacun comprenne - et c'est pourquoi je me suis autorisé à dire que cette contestation me paraissait réactionnaire - qu'en réalité la vraie révolution a lieu aujourd'hui au sein de la CNIL.

Car les vrais enjeux, qui sont également source d'inquiétudes, ne sont pas seulement ceux qui sont évoqués dans la presse aujourd'hui : ils sont liés aux nouvelles technologies. Il s'agit, par exemple, de la géolocalisation, de ce qu'on appelle les spam, de la sécurité dans les transferts, des différences de niveaux de protection entre les Etats-Unis et l'Europe, de la biométrie, etc.

Or, face à ces enjeux, il nous fallait de nouveaux instruments, que ce projet de loi va désormais nous donner.

Ainsi, il sera possible de mettre en place la politique de communication nécessaire. Je souligne que moins de 30 % des Français connaissent la CNIL, ne serait-ce que de nom. Cette politique de communication sera relayée à l'intérieur des collectivités locales, des entreprises, des associations, des syndicats, pour tous ceux qui le voudront, selon les termes qu'a rappelés Mme le secrétaire d'Etat, sous la forme des correspondants, dont le statut est encadré ; nous aurons sans doute l'occasion d'en reparler tout à l'heure.

Ensuite, si la pédagogie n'a pas été suffisante, la CNIL disposera de véritables pouvoirs de contrôle sur place, et si le pouvoir de contrôle révèle qu'il y a - veuillez me pardonner l'expression - de « mauvais coucheurs », la CNIL utilisera alors ses pouvoirs de coercition. Elle bénéficiera donc des outils nécessaires pour opérer cette révolution.

Je demande aujourd'hui à tous ceux qui manient cette contestation, que je crois très politicienne, de bien comprendre que la CNIL est en train de se tourner vers les nouveaux enjeux. Il ne faut donc pas la « titiller » sur des questions qui sont dépassées.

On évoque sans cesse le problème de la DST et de la DGSE. J'ai procédé à une vérification : en vingt-six ans, jamais la CNIL n'a effectué le moindre contrôle. Par conséquent, durant toute cette période, la CNIL, que je ne présidais pas, a elle-même considéré qu'elle n'était pas dans l'obligation de contrôler ces fichiers. Or, aujourd'hui, on nous explique que, puisque le contrôle n'est plus possible, il faut le mettre en place. Un minimum de cohérence s'impose !

J'en viens à ma conclusion, car je souhaite réserver du temps à l'échange qui interviendra sur les amendements déposés. Si j'ai commencé mon propos en me réjouissant que ce texte puisse enfin être voté, je le termine en disant que nous ne sommes qu'au commencement de l'action. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :

Groupe Union pour un mouvement populaire, 20 minutes ;

Groupe socialiste, 13 minutes ;

Groupe de l'Union centriste, 8 minutes ;

Groupe communiste républicain et citoyen, 7 minutes.

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Charles Gautier.

M. Charles Gautier. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous voici enfin parvenus au terme de l'examen de ce projet de loi visant à réformer la loi relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés.

A la lecture des conclusions de la commission, il semble que la majorité sénatoriale se satisfasse de ce texte, mais laissez moi vous faire part de ma perplexité.

L'importance du présent projet de loi est incontestable : il tend à concilier le renforcement de la protection de la vie privée avec l'impératif de libre circulation des données à caractère personnel.

Les bouleversements techniques survenus dans le domaine des nouvelles technologies de l'information nous obligeaient à intervenir afin de modifier la loi du 6 janvier 1978.

Je ne citerai que quelques exemples : l'usage de l'internet et son corollaire, le courrier électronique, se sont banalisés ; la téléphonie mobile a envahi notre quotidien ; des innovations telles que la biométrie passent du stade de l'expérimentation à celui de l'application dans le domaine de la sécurité.

Cette situation engendre toujours plus de questions sur la préservation de la vie privée et le traitement des données collectées au regard de leur utilisation, de leur sécurité, du respect de la liberté d'aller et venir anonymement, de l'absence de risque d'identification des personnes et des comportements.

L'exigence de protection de la vie privée doit s'accorder avec la promotion de la libre circulation et la commercialisation des informations nominatives.

Tel est l'un des objets principaux de la directive du 24 octobre 1995 dont le présent projet de loi assure la transposition.

Il est par ailleurs tout à fait essentiel que, sous l'effet conjugué de l'intégration européenne et de la mondialisation des échanges, la question du respect des droits et libertés des personnes physiques à l'égard des traitements personnels trouve une application homogène dans l'Union européenne.

Je rappelle que des critiques ont été formulées dans cet hémicycle et à l'Assemblée nationale dénonçant le retard pris, sous la précédente législature, dans la transposition de cette directive. Aujourd'hui, nous constatons que la France est le seul pays à ne pas avoir encore procédé à cette transposition.

Il a été rappelé par M. le garde des sceaux combien cette situation est dommageable, car elle nous expose au risque d'une action en manquement ; elle entretient une insécurité juridique en raison de l'effet direct d'une directive non transposée. Elle a suscité la confusion avec d'autres textes en cours d'examen : je pense à la transposition de la directive relative au droit d'auteur ou au projet de loi pour la confiance dans l'économie numérique.

Dans ces conditions, pour quelles raisons impérieuses le Gouvernement a-t-il délibérément fait le choix de laisser encore s'écouler plus d'une année entre la première et la deuxième lecture ? Il est paradoxal que vous dénonciez des maux dont vous êtes en partie responsables.

Au-delà de la forme, ma perplexité porte également sur le fond du projet de loi.

Le nouveau dispositif comporte indéniablement des points positifs. Mais il opère également des ajustements qui, sous couvert d'apparentes avancées, ont été en réalité revus à la baisse. Enfin, nous tenons à le dire, ce texte contient des dispositions hautement critiquables. Sans aucune intention d'exhaustivité, je souhaite vous en exposer certains points.

Nous approuvons toutes les dispositions qui vont dans le sens d'une protection accrue des libertés et d'un renforcement des pouvoirs de la CNIL.

En revanche, nous demeurons dubitatifs sur un certain nombre de mesures qui, dans l'ensemble, sont présentées comme réalisant des avancées par rapport au droit existant, mais qui se traduisent finalement par un recul, alors que la directive prévoit la nécessité de maintenir un niveau de protection équivalent.

Ainsi, le projet de loi pose un principe selon lequel le consentement des personnes concernées par un traitement de données à caractère personnel est nécessaire, mais les exceptions prévues en fragilisent substantiellement la portée. Sur ce point, ce sont les règles mêmes de la directive qui soulèvent un jugement défavorable de notre part.

Il nous semble par ailleurs indispensable de compléter la liste des données dites « sensibles ». Cette liste a déjà été étoffée par la directive. Cependant, il est nécessaire d'y ajouter les données génétiques, biométriques, sociales et psychologiques. Cela est d'autant plus important que l'Union européenne travaille sur un projet de règlement visant à l'intégration d'éléments biométriques dans les passeports des ressortissants des pays membres. S'il n'est pas question de s'y opposer, il est essentiel d'entourer ce projet de toutes les garanties nécessaires au regard de la protection de la vie privée.

Le droit de rectification est étendu à la notion de verrouillage, ce qui est une avancée. Mais, parallèlement, l'obligation qui pesait sur le responsable du traitement de notifier les opérations de rectification ou d'annulation, dans le cas où les informations sont transmises à un tiers, devient désormais une obligation de moyens, alors que l'article 38 de la loi du 6 janvier 1978 en vigueur prévoit une obligation de résultat.

Une innovation a été introduite concernant les sanctions pécuniaires pouvant être prononcées par la CNIL.

De même, le projet de loi prévoit qu'en cas d'atteinte grave et immédiate aux droits et libertés protégés par la loi du 6 janvier 1978 le président de la CNIL peut demander, par la voie du référé, à la juridiction compétente d'ordonner, le cas échéant sous astreinte, toute mesure de sécurité nécessaire à la sauvegarde de ces droits et libertés.

Mais, dans le même temps, le Sénat a supprimé l'exigence de publicité des décisions du Premier ministre lorsque ce dernier est informé par la CNIL, ce qui nous semble tout à fait contestable, alors qu'il y a justement urgence et menaces graves pour les libertés. Nous avons donc déposé un amendement tendant à rétablir cette obligation de publicité.

Enfin, nous sommes farouchement opposés à plusieurs dispositions de ce texte. Trois d'entre elles suscitent même notre inquiétude.

La première mesure concerne les données sensibles, l'interdiction de leur collecte et leur enregistrement. Ce principe, pilier de la loi de 1978, sera désormais assorti de neuf dérogations. L'une d'elles concerne la constitution de fichiers par l'Etat, sous couvert de sécurité publique, de défense et de sûreté de l'Etat. Alors que celle-ci était auparavant précédée d'un avis conforme de la CNIL, on pourra dorénavant s'en passer. Cette disposition concerne l'ensemble de la population française et la collecte de données extrêmement sensibles. Nous prétendons que ces données doivent être des plus protégées et nous proposons donc de revenir sur cette disposition.

Par ailleurs, pour la première fois, une personne morale est autorisée à constituer des fichiers à caractère pénal. Cette disposition a été adoptée à la va-vite, dans un contexte de pression dû au débat sur le piratage et les droits d'auteur. Nous présenterons un amendement de suppression de ces deux dispositions, qui n'ont pas leur place dans ce texte.

De plus, la possibilité d'exonération de toute formalité des responsables de fichiers qui désigneraient en leur sein des « correspondants à la protection des données » nous semble dangereuse. Sous couvert d'une simplification de procédure, la CNIL se trouvera désormais dans l'ignorance d'une majeure partie des fichiers privés. Les plus grands groupes pourront alors échapper au contrôle de la CNIL, alors que les petites entreprises, pourtant moins dangereuses, n'auront pas toujours cette possibilité matérielle.

En outre, aucune garantie d'indépendance n'est prévue pour ces correspondants. Nous tenterons donc de remédier à cette situation.

Pour finir, nous tenons à noter que le fonctionnement de la CNIL, qui reposait sur le principe de la collégialité, est de plus en plus modifié. De trop nombreuses dérogations permettent des délégations, qui aboutissent à un renforcement du rôle du président. *

De plus, la CNIL participe désormais à la définition de la position française dans les négociations internationales, ce qui nous paraît constituer un pouvoir exorbitant. Mais nous ne nous permettrons pas de voir là l'oeuvre personnelle de notre rapporteur, qui est justement le président de la CNIL !

II faut préserver l'efficacité et le bon fonctionnement de la CNIL, notamment lors de l'examen des dossiers. Mais ce dernier objectif ne doit pas aboutir à une vision purement comptable ou gestionnaire. L'enjeu ne doit pas se borner à la simple réduction du volume de papier brassé par la CNIL.

Il faut tendre à toujours protéger la CNIL, ainsi que les droits pour la défense desquels elle a été créée. Ces dernières années ont vu naître de nombreux fichiers, toujours à des fins sécuritaires. Nous sommes pourtant ici au coeur de l'une des libertés fondamentales, celles qui s'attachent à la sauvegarde de la personne dans ce qu'elle a de plus intime : son essence, ses croyances, sa santé.

En guise de conclusion, je reprendrai la dernière phrase d'un article récent paru dans un grand quotidien du soir ...

M. Josselin de Rohan. Le Journal officiel ! (Sourires.)

M. Charles Gautier. ...et consacré à ce projet de loi et à l'analyse qu'en ont faite plusieurs anciens membres de la CNIL. Cette phrase est simple : le projet de loi reste à refaire.

M. Alex Türk, rapporteur. Ils n'avaient qu'à le refaire !

M. le président. La parole est à M. Jean Boyer.

M. Jean Boyer. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, même si ce projet de loi ne fera l'objet d'aucune modification lors de sa deuxième lecture au Sénat, je tiens néanmoins à insister sur l'importance qu'il revêt.

Malheureusement, nous accusons six années de retard par rapport à la date initialement prévue pour transposer la directive de 1995, ce que nous regrettons compte tenu de la constante évolution en la matière.

En effet, la multiplication des moyens informatiques permettant plus facilement la recherche, la collecte et le stockage des données à caractère personnel nécessite une prise de conscience rapide et une réactivité immédiate des autorités publiques, afin de protéger de la meilleure manière possible les droits fondamentaux des personnes.

Ce texte est essentiel parce qu'il concerne, nous l'avons déjà dit, une matière en perpétuelle évolution et qu'il constitue une préoccupation évidente de nos sociétés modernes.

Malgré la complexité de ce texte, je ne peux que me féliciter de la volonté du Gouvernement de préserver la très symbolique loi du 6 janvier 1978, tout en l'adaptant aux évolutions technologiques d'aujourd'hui.

Le présent projet de loi devrait permettre une meilleure anticipation des évolutions technologiques, établissant ainsi un cadre pérenne pour la protection des droits des personnes physiques.

En effet, loin de se limiter à une adaptation d'une législation antérieure à un cadre technologique modernisé, ce texte améliorera notablement le niveau global de protection des personnes par une réorganisation du cadre d'intervention de la CNIL, qui va de pair avec un renforcement de la protection du droit des personnes physiques.

Je souhaite souligner le travail remarquable accompli par la CNIL depuis 1978. En effet, celle-ci a su faire la preuve de son efficacité et de l'importance de son rôle.

Son dernier rapport annuel d'activité montre à quel point ses missions sont nécessaires et diverses.

Ainsi, la CNIL a conseillé à la RATP de brouiller certaines informations qu'elle pouvait collecter grâce à la nouvelle carte de transport Navigo. En effet, à chaque passage, la régie pouvait connaître la date, l'heure, le lieu et l'identification de chaque utilisateur.

Par ailleurs, l'émergence de la biométrie, c'est-à-dire l'identification des personnes par empreintes digitales, a conduit la CNIL à surveiller avec plus de vigilance cette pratique, qui tend à se banaliser. Par exemple, elle a refusé son utilisation à deux établissements scolaires et à un hôpital.

Le développement rapide de ces nouvelles technologies - la biométrie, la géolocalisation, la radio-identification, l'internet - contraint la CNIL à être en permanence attentive, à faire évoluer régulièrement ses méthodes d'investigation et à se tenir informée quotidiennement des nouvelles pratiques.

Le présent projet de loi va permettre à la CNIL de réorganiser ses interventions en rationalisant les déclarations, en privilégiant son pouvoir de contrôle a posteriori, en réorientant son action vers un rôle pédagogique et de veille technologique accru et en renforçant sa collaboration avec d'autres autorités indépendantes.

Avec une augmentation sensible du nombre de dossiers à traiter, il est capital de développer, parallèlement à la réorganisation de la CNIL, une culture de la protection des libertés. Même avec une augmentation significative des moyens matériels et humains, la CNIL ne parviendra pas seule à défendre les droits et libertés des citoyens. Il convient en effet d'agir sur les comportements.

C'est pourquoi des expériences telles que celle de la commission locale de l'informatique et des libertés du lycée Charles-de-Gaulle de Muret sont à développer en incitant d'autres établissements scolaires et des collectivités locales à expérimenter de telles pratiques.

La création des correspondants à la protection des données est également à saluer. Les bilans positifs de l'Allemagne, de la Suède et des Pays-Bas confortent l'idée qu'une telle institution est utile pour répondre aux besoins de modernité et d'adaptation de la CNIL aux évolutions de nos sociétés.

A cet égard, je me félicite du travail accompli par notre Haute Assemblée et particulièrement sa commission des lois, qui ont été à l'origine de cette innovation.

Enfin, toujours pour souligner l'importance de développer d'autres moyens permettant de garantir plus largement la protection des libertés individuelles, je tiens à saluer les dispositions qui encouragent la collaboration de la CNIL avec d'autres autorités administratives indépendantes.

Toutefois, il faut s'inquiéter de l'augmentation de ses pouvoirs, car elle ne s'accompagne ni d'une restructuration des services ni d'une hausse notable de son budget et de ses moyens humains.

Par ailleurs, à l'instar de mon collègue Philippe Nogrix lors de la première lecture du texte, je m'inquiète des nouveaux pouvoirs dont la CNIL sera investie en application de ce texte : outre des pouvoirs d'investigation accrus, des pouvoirs de sanction administrative lui seront désormais reconnus, notamment la possibilité de prendre des sanctions pécuniaires. Elle pourra donc prononcer à l'égard du responsable contrevenant aux dispositions de la loi des avertissements, des mises en demeure ou des injonctions de cesser le traitement.

L'exercice de tels pouvoirs me semble difficilement compatible avec le rôle de conseil aux entreprises que joue la CNIL et dont le présent projet de loi étend le champ.

De façon générale, l'expérience montre que les fonctions de conseil et de contrôle font rarement bon ménage avec les fonctions de sanction, ce qui me fait craindre que le développement de sanctions a posteriori ne se fasse au détriment des rôles de conseil, d'information et de contrôle, qui, pour l'instant, sont au coeur de l'activité de la CNIL.

Cette inquiétude est d'autant plus vive que le texte qui nous est proposé aujourd'hui renforce les pouvoirs effectifs de la CNIL. En effet, l'Assemblée nationale est revenue sur deux restrictions au pouvoir de sanction de la CNIL apportées par le Sénat, notamment s'agissant du pouvoir de sanction pécuniaire.

Enfin, je saluerai le rôle croissant de la CNIL lors des débats préparatoires à la détermination de la position française dans les négociations internationales ou européennes portant sur le traitement des données personnelles.

En effet, l'avis de la Commission peut s'avérer utile, notamment au regard de certaines affaires comme celle opposant, d'un côté, le Parlement européen et, de l'autre, la Commission européenne et le Conseil, s'agissant de la collecte par les autorités américaines des données personnelles des passagers aériens débarquant sur leur sol.

Malgré ces quelques réserves, le groupe de l'Union centriste votera ce texte essentiel, d'une part, pour être en conformité avec la législation européenne et, d'autre part, pour répondre aux besoins d'adapter notre législation aux évolutions de la société de l'information et des technologies.

Je conclurai en saluant le travail de notre collègue rapporteur, qui - nous avons pu le constater tout à l'heure -nous a fait une démonstration de ses compétences en la matière, et qui, grâce à ses connaissances sur ce sujet, a su donner au travail du Sénat toute la qualité qu'il mérite. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Roger Karoutchi. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je me réjouis de voir que nous sommes enfin arrivés au terme de cette navette parlementaire, qui aura duré presque trois ans.

Nous sommes parvenus à un compromis équilibré permettant de transposer dans notre droit la directive européenne du 24 octobre 1995, tout en maintenant les principes fondamentaux contenus dans la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés.

II y avait urgence ! Compte tenu des évolutions majeures de nos sociétés au cours de ces dernières années, il s'agissait, en effet, d'une priorité : il était indispensable de procéder à des aménagements tenant compte des nouvelles réalités numériques et informatiques et de l'extension de leur utilisation dans le domaine privé.

En outre, la Commission européenne avait fixé le délai de transposition de la directive au 24 octobre 1998, délai qui n'a pas été respecté. Si ces six années de retard ne nous sont pas toujours imputables - pardon au groupe socialiste ! -, elles ont été préjudiciables à l'image de la France, fragilisée dans son rôle d'influence et de négociation au sein de l'Union européenne.

Les efforts accomplis par l'actuel gouvernement en matière de transposition des directives - et le présent projet de loi en est une illustration supplémentaire - va permettre à notre pays de retrouver toute sa place dans l'engagement européen.

Tout d'abord, et c'est un point essentiel, ce texte complète, mais ne remplace pas, la loi du 6 janvier 1978, dont la portée a largement dépassé les frontières nationales en inspirant, entre autres, la réflexion communautaire. D'ailleurs, plusieurs des dispositions adoptées par l'Union européenne figuraient déjà dans la loi de 1978.

Ce nouveau projet de loi constitue un progrès pour les libertés. Il a pour objet d'alléger les formalités préalables à la création d'un traitement de données, tout en instaurant un contrôle a posteriori plus efficace.

La directive consacre la libre circulation des données, une avancée nécessaire sous peine de condamner l'essor des entreprises dont le développement repose sur le support des nouvelles technologies de l'information et de la communication.

Ce principe sera toutefois assorti de règles qui encadreront sa mise en oeuvre et garantiront la protection des informations privées.

Ainsi, le transfert de fichiers vers un pays n'appartenant pas à la Communauté européenne ne pourra avoir lieu qu'à la condition que ce pays assure un niveau de protection adéquat de la vie privée et des libertés et droits fondamentaux des personnes.

En outre - et je parle sous le contrôle de notre rapporteur - les nouvelles orientations visant au renforcement du contrôle de la CNIL a posteriori apparaissent pertinentes. Un nombre considérable de traitements - plusieurs millions ! - ne sont pas déclarés actuellement, tandis que la répression reste à un faible niveau. Seuls 61 avertissements et 35 dénonciations au parquet ont ainsi été enregistrés depuis 1978, en raison notamment des moyens réduits de la CNIL. Si celle-ci dispose actuellement d'un pouvoir d'enquête, elle est en effet dépourvue de tout moyen contraignant pour le mettre en oeuvre.

Désormais, la CNIL disposera de pouvoirs d'investigation et elle pourra prononcer des sanctions administratives graduées.

Elle pourra accéder à tout local professionnel servant à l'exploitation d'un traitement de données sur autorisation judiciaire en cas d'opposition du propriétaire des lieux.

Elle aura en outre le pouvoir de mettre en demeure le responsable du traitement de se conformer aux dispositions de la loi et de prononcer des sanctions pécuniaires d'un montant maximal de 150 000 euros, ou 300 000 euros en cas de manquement réitéré.

Ces dispositions constituent pour nous de véritables avancées.

Je tiens à cet égard à saluer le travail remarquable accompli par nos collègues de l'Assemblée nationale ainsi que par notre Haute Assemblée, et à féliciter notre rapporteur, éminent spécialiste, s'il en est, de la protection des données et du droit des nouvelles technologies.

Tout au long de nos travaux, qui ont permis d'enrichir substantiellement ce texte, nous avons été guidés par le souci de conciliation entre la nécessaire protection des personnes, les intérêts des entreprises et la sauvegarde de l'intérêt général.

Le présent projet de loi reflète cette volonté. Il est équilibré, nécessaire, et apporte des réponses concrètes à la nouvelle configuration issue de l'explosion de la micro-informatique et du réseau Internet, notamment dans la sphère privée.

Au-delà des polémiques bien récentes par rapport à l'antériorité des débats qui ont eu lieu, mes chers collègues, et compte tenu de tous les éléments que je viens d'exposer, notre groupe suivra les recommandations de la commission et votera en faveur du projet de loi, dans les termes qui lui sont soumis. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. le président. La parole est à M. Robert Bret.

M. Robert Bret. Monsieur le rapporteur, permettez au néophyte que je suis d'intervenir une nouvelle fois dans un débat dont le caractère technique avancé - que vous maîtrisez parfaitement en tant que président de la CNIL - ne saurait faire oublier l'importance des enjeux qu'il recèle du point de vue des droits et libertés fondamentaux.

Avec le développement des nouvelles technologies, les occasions de fichage se sont multipliées, que les fichiers soient publics, liés à la sécurité et au développement de l'administration électronique, ou à vocation commerciale ; le spam en est la traduction concrète et directe.

I1 est ainsi aisé de mesurer le peu d'aspects de notre vie privée qui échappent, au quotidien, aux occasions de fichage : communications, via les SMS envoyés d'un téléphone portable, achats par Internet, santé avec la carte Vitale, transports - on pense à l'emploi du passe Navigo dans le métro, qui a été évoqué tout à l'heure - et conservation des données de passage.

C'est ainsi que les principes directeurs de la loi de 1978, née de la volonté d'accompagner le développement technologique d'un haut niveau de vigilance vis-à-vis de la protection du droit à la vie privée, apparaissent en réalité d'une singulière actualité face au développement de nombreuses pratiques intrusives.

L'heure est venue, nous dit-on, d'adapter la loi du 6 janvier 1978, dite « loi Informatique et libertés », aux données techniques nouvelles, adaptation rendue nécessaire par la directive européenne du 24 octobre 1995 sur les données personnelles, laquelle devait être transposée dans les trois ans. Cette exigence était d'ailleurs si impérative qu'entre le dépôt du projet de loi et cette ultime discussion il aura fallu deux ans !

On doit néanmoins regretter que cette adaptation soit ici synonyme d'abaissement du niveau d'exigence et de vigilance à l'égard des fichiers, au point de légitimer la rupture d'équilibre au profit des « ficheurs », née de la marchandisation croissante des données personnelles avec la société de l'information et l'internationalisation des échanges.

Qu'on en juge ! Face à la multiplication des fichiers et des interconnexions de fichiers qui permettent de mettre en circulation quantité de données personnelles touchant à la vie intime des personnes, le choix fait avec ce texte est l'allégement des contraintes en matière de déclaration, voire l'exemption pure et simple, sans que les moyens matériels permettant un réel contrôle a posteriori soient mis en place : c'est la banalisation du fichage avec la bénédiction du législateur.

M. Roger Karoutchi. Cela n'a rien à voir ! Vous mélangez tout !

M. Robert Bret. Parallèlement, on constate une certaine tendance à la « relégitimation » des fichiers publics, particulièrement lorsqu'ils touchent à la sécurité : alors que l'Assemblée nationale a choisi d'exclure officiellement les fichiers de la DGSE et de la DST du champ de contrôle de la CNIL, comment ne pas faire le lien entre cette loi et les multiplications de fichiers opérées depuis maintenant deux ans ?

Entre le système de traitement des infractions constatées, le fichier des délinquants sexuels ou le fichier national automatisé des empreintes génétiques, les fichiers d' « hébergeants » ou les fichiers d'empreintes digitales des demandeurs de visa, c'est tout un arsenal, vous le reconnaîtrez, de fichage policier de la population qui se met en place, dont les finalités apparaissent, en réalité, bien plus opaques qu'il n'y paraît.

L'inscription, en mai dernier, du militant syndical Charles Hoarau au fichier national automatisé des empreintes génétiques pour s'être opposé à l'expulsion d'un Tunisien sans papiers - ce qui lui a valu une condamnation à cinq mois de prison avec sursis - confirme, si besoin est, les dérives de ce type de fichage en vue de la criminalisation de l'action sociale et syndicale.

C'est ainsi que la sécurité devient un élément de justification commode des fichages en tous genres.

Ces exigences de sécurité justifient-elles le fichage des passagers, par exemple, par les compagnies aériennes, comme l'imposent désormais les Etats-Unis pour les vols à destination du continent nord-américain ?

Doivent-elles conduire à autoriser la constitution de casiers judiciaires privés au profit de personnes morales victimes d'infractions ? Les loueurs de voiture voient ainsi leurs fichiers recensant les clients « à risques » légitimés, alors que plusieurs plaintes avaient été déposées.

Imposent-elles de ficher ces « voleurs de musiques et d'images » que sont les internautes pratiquant le peer-to-peer, autrement dit le téléchargement de fichiers musicaux sur Internet de personne à personne, comme le suggère le présent projet de loi ?

Doivent-elles aller jusqu'à permettre le fichage des « délinquants de la sécurité sociale » qui auront eu l'outrecuidance de faire pratiquer le même examen médical à quelques semaines d'intervalle ?

Doivent-elles permettre la transmission de ces données à des assureurs très demandeurs de dossiers comportant des données exhaustives sur la santé de leurs assurés ?

Non, madame la secrétaire d'Etat, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, les réserves que mes collègues communistes et moi-même, rejoints par bien d'autres voix, comme le montre la mobilisation des défenseurs des droits de l'homme, émettons à l'encontre du présent projet de loi ne sont pas le résultat des délires paranoïaques de quelques « ringards » qui auraient trop lu 1984, de George Orwell, cette oeuvre de fiction qui dépeint une société où chacun est surveillé, épié par Big Brother.

M. Jean Chérioux. Cela a existé !

M. Roger Karoutchi. Oui, en URSS !

Mme Nicole Borvo. Nous sommes en France, monsieur Karoutchi !

M. Robert Bret. Avec vos propositions, la réalité est aujourd'hui en train de dépasser la fiction !

Reconnaissez que nous n'avons pas attendu cette deuxième lecture pour exprimer nos inquiétudes et nos désaccords, qui sont tout sauf politiciens. Du reste, nous avions déjà déposé, lors de la première lecture, un certain nombre d'amendements, que nous reprenons en partie aujourd'hui.

En fait, mes propos traduisent tout simplement l'observation de la réalité, que cela vous plaise ou non ! Nous sommes nombreux à dresser le même constat, celui de la mise en oeuvre, depuis deux ans, d'une politique sécuritaire et liberticide.

Après l'adoption de la loi pour la confiance dans l'économie numérique, qui a supprimé la qualification de « correspondance privée » pour le courrier électronique, vous me permettrez de ne pas partager votre enthousiasme devant cette nouvelle baisse du niveau d'exigence en matière de protection des droits et libertés individuels, alors même que vous revendiquez votre attachement à l'article 1er de la loi du 6 janvier 1978, qui dispose que l'informatique « ne doit porter atteinte ni à l'identité humaine, ni aux droits de l'homme, ni à la vie privée, ni aux libertés individuelles ou publiques ».

A l'occasion de la première lecture, nous avions choisi de nous abstenir, espérant que la navette parlementaire permettrait de progresser sur ces points. Cela n'a pas été le cas ; il y a même eu régression, notamment à la suite de la deuxième lecture à l'Assemblée nationale.

Nous avons décidé, à ce stade de la discussion, de faire porter nos amendements sur les points les plus fondamentaux du débat, sur le socle incompressible. Si ce dernier devait ne pas être respecté, nous ne pourrions qu'émettre un vote négatif sur ce texte. Cela étant, les préconisations de la majorité de la commission des lois en faveur d'un vote conforme laissent d'ores et déjà entrevoir le sort qui sera réservé à nos amendements. Nous ne pouvons que déplorer cette situation.

Monsieur le rapporteur, comme l'a rappelé mon collègue Charles Gautier, des ex-membres de la CNIL interpellent aujourd'hui le Parlement, indiquant clairement non seulement que le projet de loi est à refaire, mais aussi qu'il convient de sauver la CNIL. Qu'avez-vous à répondre à ces inquiétudes, vous qui êtes maintenant président de cette dernière ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ? ..

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion des articles.

Je rappelle que, aux termes de l'article 42, alinéa 10, du règlement, à partir de la deuxième lecture au Sénat des projets ou propositions de loi, la discussion des articles est limitée à ceux pour lesquels les deux chambres du Parlement n'ont pas encore adopté un texte identique.

TITRE Ier

DISPOSITIONS MODIFIANT LA LOI DU 6 JANVIER 1978 RELATIVE À L'INFORMATIQUE, AUX FICHIERS ET AUX LIBERTÉS

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi relatif à la protection des personnes physiques à l'égard des traitements de données à caractère personnel et modifiant la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés
Art. 2 (début)

Article 1er

Les articles 2 à 5 de la loi no 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés sont ainsi rédigés :

« Art. 2. - La présente loi s'applique aux traitements automatisés de données à caractère personnel, ainsi qu'aux traitements non automatisés de données à caractère personnel contenues ou appelées à figurer dans des fichiers, à l'exception des traitements mis en oeuvre pour l'exercice d'activités exclusivement personnelles, lorsque leur responsable remplit les conditions prévues à l'article 5.

« Constitue une donnée à caractère personnel toute information relative à une personne physique identifiée ou qui peut être identifiée, directement ou indirectement, par référence à un numéro d'identification ou à un ou plusieurs éléments qui lui sont propres. Pour déterminer si une personne est identifiable, il convient de considérer l'ensemble des moyens en vue de permettre son identification dont dispose ou auxquels peut avoir accès le responsable du traitement ou toute autre personne.

« Constitue un traitement de données à caractère personnel toute opération ou tout ensemble d'opérations portant sur de telles données, quel que soit le procédé utilisé, et notamment la collecte, l'enregistrement, l'organisation, la conservation, l'adaptation ou la modification, l'extraction, la consultation, l'utilisation, la communication par transmission, diffusion ou toute autre forme de mise à disposition, le rapprochement ou l'interconnexion, ainsi que le verrouillage, l'effacement ou la destruction.

« Constitue un fichier de données à caractère personnel tout ensemble structuré et stable de données à caractère personnel accessibles selon des critères déterminés.

« La personne concernée par un traitement de données à caractère personnel est celle à laquelle se rapportent les données qui font l'objet du traitement.

« Art. 3. - Non modifié.

« Art. 4. - Les dispositions de la présente loi ne sont pas applicables aux copies temporaires qui sont faites dans le cadre des activités techniques de transmission et de fourniture d'accès à un réseau numérique, en vue du stockage automatique, intermédiaire et transitoire des données et à seule fin de permettre à d'autres destinataires du service le meilleur accès possible aux informations transmises.

« Art. 5. - Non modifié. »

M. le président. L'amendement n° 10, présenté par M. C. Gautier et les membres du groupe Socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

Après le mot :

fichiers,

rédiger comme suit la fin du premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 2 de la loi n° 7817 du 6 janvier 1978 :

lorsque leur responsable remplit les conditions prévues à l'article 5. Les dispositions de la présente loi ne sont pas applicables aux traitements mis en oeuvre par des personnes physiques et dont l'usage relève du strict exercice de la vie privée.

La parole est à M. Charles Gautier.

M. Charles Gautier. Il s'agit d'un amendement de précision, en référence à l'actuel article 45 de la loi du 6 janvier 1978, relatif aux fichiers manuels dont l'usage relève du strict exercice du droit à la vie privée.

Cet amendement n'appelle pas de longs développements, mais il est important, au moment où l'on aborde la détermination du champ d'application du texte, de définir avec précision les traitements auxquels s'appliquent les dispositions modifiées de la loi du 6 janvier 1978.

Rappelons que la directive énonce pas moins de huit définitions : c'est dire combien l'exercice est délicat et justifie finalement le choix opéré par les auteurs du projet de loi de ne reprendre que les définitions les plus importantes.

Le premier alinéa de l'article 2 modifié de la loi du 6 janvier 1978 dispose:que la loi s'applique aux traitements automatisés ou non de données à caractère personnel contenues ou appelées à figurer dans des fichiers dès lors que le responsable du traitement est établi en France ou utilise des moyens situés en France.

Une exception est toutefois prévue s'agissant des traitements mis en oeuvre pour l'exercice d'activités exclusivement personnelles. Cette rédaction est cependant ambiguë, dans la mesure où aucune précision n'est donnée sur le responsable du traitement susceptible de bénéficier d'une telle dérogation.

Pourtant, les dispositions qui servent de référence ou de fondement à cet article sont au moins au nombre de deux : il s'agit tout d'abord de l'actuel article 45 de la loi du 6 janvier 1978, qui exclut de certaines prescriptions de la loi les fichiers manuels dont l'usage relève du strict exercice du droit à la vie privée, et surtout de l'article 3 de la directive, qui vise les traitements effectués par une personne physique pour l'exercice d'activités exclusivement personnelles ou domestiques.

Bien que l'article 2 modifié vise spécifiquement les traitements mis en oeuvre pour l'exercice d'activités exclusivement personnelles, nous estimons que les deux dernières formulations sont plus rigoureuses quant à la définition de cette exception. La directive évoque, en plus des activités personnelles, les activités domestiques, et la loi de 1978 en vigueur fait référence au « strict exercice du droit à la vie privée ».

Au travers de cet amendement, nous prenons soin de nous référer explicitement aux personnes physiques, car seules ces dernières devraient être visées. Nous vous proposons, mes chers collègues, de reprendre une formulation identique à celle qui figure dans la rédaction actuelle de l'article 45 de la loi du 6 janvier 1978 et qui évoque les fichiers dont l'usage relève du « strict exercice du droit à la vie privée ».

Je rappelle enfin qu'il s'agit là d'une proposition que la CNIL avait elle-même formulée en son temps.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Alex Türk, rapporteur. La commission est défavorable à cet amendement, car, dans la pratique, il n'y a aucune difficulté. En outre, la doctrine de la CNIL a toujours été très claire sur le point soulevé.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Guedj, secrétaire d'Etat. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 10.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 11, présenté par M. C. Gautier et les membres du groupe Socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

A la fin de la première phrase du deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 2 de la loi n° 7817 du 6 janvier 1978, remplacer les mots :

qui lui sont propres

par les mots :

spécifiques, propres à son identité physique, physiologique, psychique, économique, culturelle ou sociale

La parole est à M. Charles Gautier.

M. Charles Gautier. Il s'agit là aussi d'un amendement de précision.

La définition de ce que doit être une donnée à caractère personnel a été substantiellement améliorée au cours des lectures précédentes.

Comme je viens de le dire, conformément aux dispositions de la directive, on parlera non plus d'informations nominatives, mais bien de données à caractère personnel. Ainsi que l'avait fait observer M. le rapporteur lors de la première lecture, c'est là une notion qui s'articule mieux avec le développement des mesures d'identification indirecte.

Il s'agit là de la seconde amélioration apportée à cette définition par l'Assemblée nationale en première lecture, car il a été en outre précisé, en référence à la définition actuelle, que la personne peut être identifiée « directement ou indirectement ».

Nous souhaitons poursuivre dans cette voie, toujours conformément aux dispositions de la directive, mais aussi par souci de cohérence avec les amendements que nous avons déposés, en particulier avec nos propositions relatives à la définition des données sensibles, qui, comme l'indique le qualificatif employé, méritent une attention particulière et bénéficient à ce titre d'un régime spécifique.

La définition de la directive concernant les données à caractère personnel nous semble plus précise, puisqu'elle détaille les différentes composantes susceptibles de déterminer le caractère personnel d'une donnée.

Si l'on considère que les éléments permettant d'identifier une personne et énoncés par la directive ne sont détaillés qu'à titre d'exemples, nous aimerions alors savoir les raisons pour lesquelles le projet de loi ne retient que la référence au numéro d'identification.

Cette question n'est pas anodine, car la délimitation du champ des données concernant une personne identifiable permet de distinguer, par contrecoup, les données qui sont rendues anonymes et qui se trouvent exclues du champ de la protection. Notre assemblée a d'ailleurs bien fait de renforcer la portée de ce texte pour tout ce qui se rapporte aux traitements d'anonymisation.

Dans ces conditions, nous proposons de reprendre la liste des éléments permettant d'identifier une personne visée par la directive et de rédiger ainsi la définition d'une donnée à caractère personnel : « toute information relative à une personne physique identifiée ou qui peut être identifiée, directement ou indirectement, par référence à un numéro d'identification ou à un ou plusieurs éléments spécifiques, propres à son identité physique, physiologique, psychique, économique, culturelle ou sociale ».

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Alex Türk, rapporteur. Cet amendement pose deux problèmes.

Le premier problème, c'est qu'il n'a pas de contenu juridique précis au regard de la conception française du droit.

Le second problème, c'est que, de manière paradoxale, cet amendement ne correspond pas, me semble-t-il, aux préoccupations de ses auteurs.

En effet, en procédant par énumération, on ne précise pas les choses, dans la mesure où, par définition, on crée ainsi des lacunes. Je préfère donc une formulation plus large, celle qui figure dans la rédaction actuelle du projet de loi et qui me paraît plus adaptée à la réalité que nous connaissons, à l'énumération d'une série de qualificatifs, laquelle sera toujours incomplète.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Guedj, secrétaire d'Etat. La formulation actuelle ayant une portée équivalente à l'énumération présentée, le Gouvernement émet, lui aussi, un avis défavorable sur l'amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 11.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 12, présenté par M. C. Gautier et les membres du groupe Socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

Dans le troisième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 2 de la loi n° 7817 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, après les mots :

l'enregistrement,

insérer les mots :

l'élaboration,

La parole est à M. Charles Gautier.

M. Charles Gautier. II est paradoxal de rejeter tous les ajouts permettant de mieux définir ce qu'est une donnée à caractère personnel et d'accepter, dans le même temps, une définition très détaillée de ce qui constitue un traitement de données.

A cet instant, il ne me semble pas inutile de rappeler cette définition, qui est assez significative :

« Constitue un traitement de données à caractère personnel toute opération ou tout ensemble d'opérations portant sur de telles données, quel que soit le procédé utilisé, et notamment la collecte, l'enregistrement, l'organisation, la conservation,... » Et dire que M. le rapporteur m'a fait reproche de procéder par énumération !

Si la loi doit définir des principes généraux, il s'agit ici de son champ d'application, et il nous semble important, à ce stade, de délimiter les matières auxquelles elle est destinée à être appliquée. C'est là un principe de bonne législation, qu'il convient donc de suivre. Il ne nous semble pas excessif d'entrer dans le détail, cette méthode présentant des garanties et assurant une meilleure protection.

La présente définition reprend celle qui figure à l'actuel article 5 de la loi du 6 janvier 1978 ; elle a été complétée, puisqu'elle vise non seulement les traitements de fichiers manuels, mais aussi toutes les formes de traitements automatisés.

Cependant, nous constatons que la reprise de l'article 5 actuellement en vigueur est imparfaite, car elle omet la référence à l'élaboration du traitement. Or cette dernière phase, qui se situe au stade de la préparation du traitement, est différente de celle de l'organisation, qui se rapporte à la détermination du mode de fonctionnement du traitement.

Vous l'aurez compris, mes chers collègues, il ne s'agit pas d'ergoter sur des vétilles, encore moins de se perdre dans des subtilités. Cet amendement a simplement pour objet de conserver l'existant : c'est une démarche que nous avons choisi d'adopter chaque fois qu'elle est compatible avec les règles posées par la directive.

Notre objectif est non pas de sanctuariser une loi « monument », mais de maintenir dans cette loi de référence ce qui doit être conservé et, le cas échéant, de l'améliorer.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Alex Türk, rapporteur. Mon cher collègue, il existe une différence entre l'énumération qui était présentée au travers de votre amendement n° 11 et celle qui figure dans la rédaction proposée pour l'article 2 de la loi du 6 janvier 1978.

Dans le premier cas, il s'agissait de l'énumération de qualificatifs présentant un certain caractère de subjectivité.

Dans le second cas, en revanche, c'est une énumération en chaîne, tendant à dégager et à expliciter un processus. Or il s'avère que, dans cette optique, le mot : « élaboration » n'a guère de contenu, tandis que les mots : « collecte, enregistrement, organisation, conservation, adaptation, modification, extraction, consultation, communication, etc. » correspondent, sur les plans juridique et technique, à des opérations parfaitement déterminées et dont on pourrait difficilement modifier l'ordre.

Le terme « élaboration » est donc creux au regard de cette énumération. Son ajout n'apporterait rien, le champ de l'élaboration étant couvert par les vocables que j'ai énumérés.

Par conséquent, j'émets un avis défavorable sur l'amendement n° 12.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Guedj, secrétaire d'Etat. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 12.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 13, présenté par M. C. Gautier et les membres du groupe Socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

Supprimer le texte proposé par cet article pour l'article 4 de la loi n° 7817 du 6 janvier 1978.

La parole est à M. Charles Gautier.

M. Charles Gautier. La dérogation visée, qui concerne le recours par les fournisseurs d'accès aux serveurs « proxys », n'est pas prévue par la directive. Il serait donc sage de ne pas prendre une position aussi définitive dans un domaine où l'évolution technologique est rapide.

Il s'agit ici de la question des copies temporaires et de l'intérêt d'exclure celles-ci du champ d'application de la loi, comme le prévoit la rédaction actuelle du projet de loi. Nous proposons, pour notre part, de supprimer cette disposition.

Nous avons déjà eu, lors de la première lecture, un débat sur ce sujet, et un amendement similaire avait alors été présenté par nos collègues du groupe CRC. Nous avions nous-mêmes, à l'époque, proposé d'entourer la disposition en question de certaines garanties, car la notion de copie temporaire n'est pas suffisamment précise dans sa définition et son application.

Les explications données alors par M. le rapporteur ne nous avaient pas convaincus, et je n'évoquerai pas ce qui a été dit à l'Assemblée nationale en deuxième lecture, puisque le texte proposé pour l'article 4 de la loi du 6 janvier 1978 a été adopté sans modification.

Soit de telles copies ne sont pas matériellement contrôlables parce qu'il s'agit de véritables copies temporaires et que la CNIL ne dispose pas des moyens d'exercer un tel contrôle ; soit ces copies ne sont pas réellement temporaires et, dès lors, la loi n'est pas respectée.

Nous ne pouvons pas faire de paris sur les progrès techniques à venir, mais nous considérons, comme la CNIL l'avait jugé en son temps, qu'une telle disposition n'a pas sa place dans une loi de portée générale qui s'abstient de faire référence à quelque technologie particulière que ce soit. En ce sens, le projet de loi a intégré certaines notions, afin d'éviter, justement, l'obsolescence rapide de ses dispositions.

Il convient donc de respecter le principe de neutralité technologique et de ne pas prendre une position aussi définitive dans un domaine à évolution technologique rapide.

Enfin, existe-t-il vraiment des difficultés sur ce point entre la CNIL et les fournisseurs d'accès pour exclure par précaution ce type de copies du champ d'application de la loi ?

C'est la raison pour laquelle nous vous proposons de supprimer cette disposition, comme l'avait préconisé la CNIL en son temps.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Alex Türk, rapporteur. Tout d'abord, il faut noter que les mesures proposées dans cet amendement ont déjà fait l'objet d'un examen attentif lors des lectures précédentes.

Par ailleurs, s'agissant de la position de la CNIL, entre temps, ce mécanisme a été rendu nécessaire par l'application de la directive du 12 juillet 2002 dite « vie privée et communications électroniques ».

Dans ces conditions, nous émettons un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Guedj, secrétaire d'Etat. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 13.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 1er.

(L'article 1er est adopté.)

Art. 1er
Dossier législatif : projet de loi relatif à la protection des personnes physiques à l'égard des traitements de données à caractère personnel et modifiant la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés
Art. 2 (interruption de la discussion)

Article 2

Le chapitre II de la loi no 78-17 du 6 janvier 1978 précitée est ainsi rédigé :

« CHAPITRE II

« Conditions de licéité des traitements de données à caractère personnel

« Section 1

« Dispositions générales

« Art. 6. - Un traitement ne peut porter que sur des données à caractère personnel qui satisfont aux conditions suivantes :

« 1° Les données sont collectées et traitées de manière loyale et licite ;

« 2° Elles sont collectées pour des finalités déterminées, explicites et légitimes et ne sont pas traitées ultérieurement de manière incompatible avec ces finalités. Toutefois, un traitement ultérieur de données à des fins statistiques ou à des fins de recherche scientifique ou historique est considéré comme compatible avec les finalités initiales de la collecte des données, s'il est réalisé dans le respect des principes et des procédures prévus au présent chapitre, au chapitre IV et à la section 1 du chapitre V ainsi qu'aux chapitres IX et X et s'il n'est pas utilisé pour prendre des décisions à l'égard des personnes concernées ;

« 3° Elles sont adéquates, pertinentes et non excessives au regard des finalités pour lesquelles elles sont collectées et de leurs traitements ultérieurs ;

« 4° Elles sont exactes, complètes et, si nécessaire, mises à jour ; les mesures appropriées doivent être prises pour que les données inexactes ou incomplètes au regard des finalités pour lesquelles elles sont collectées ou traitées soient effacées ou rectifiées ;

« 5° Elles sont conservées sous une forme permettant l'identification des personnes concernées pendant une durée qui n'excède pas la durée nécessaire aux finalités pour lesquelles elles sont collectées et traitées.

« Art. 7. - Un traitement de données à caractère personnel doit avoir reçu le consentement de la personne concernée ou satisfaire à l'une des conditions suivantes :

« 1° Le respect d'une obligation légale incombant au responsable du traitement ;

« 2° La sauvegarde de la vie de la personne concernée ;

« 3° L'exécution d'une mission de service public dont est investi le responsable ou le destinataire du traitement ;

« 4° L'exécution, soit d'un contrat auquel la personne concernée est partie, soit de mesures précontractuelles prises à la demande de celle-ci ;

« 5° La réalisation de l'intérêt légitime poursuivi par le responsable du traitement ou par le destinataire, sous réserve de ne pas méconnaître l'intérêt ou les droits et libertés fondamentaux de la personne concernée.

« Section 2

« Dispositions propres à certaines catégories de données

« Art. 8. - I. - Il est interdit de collecter ou de traiter des données à caractère personnel qui font apparaître, directement ou indirectement, les origines raciales ou ethniques, les opinions politiques, philosophiques ou religieuses ou l'appartenance syndicale des personnes, ou qui sont relatives à la santé ou à la vie sexuelle de celles-ci.

« II. - Dans la mesure où la finalité du traitement l'exige pour certaines catégories de données, ne sont pas soumis à l'interdiction prévue au I :

« 1° A Les traitements pour lesquels la personne concernée a donné son consentement exprès, sauf dans le cas où la loi prévoit que l'interdiction visée au I ne peut être levée par le consentement de la personne concernée ;

« 1° Les traitements nécessaires à la sauvegarde de la vie humaine, mais auxquels la personne concernée ne peut donner son consentement par suite d'une incapacité juridique ou d'une impossibilité matérielle ;

« 2° Les traitements mis en oeuvre par une association ou tout autre organisme à but non lucratif et à caractère religieux, philosophique, politique ou syndical :

« - pour les seules données mentionnées au I correspondant à l'objet de ladite association ou dudit organisme ;

« - sous réserve qu'ils ne concernent que les membres de cette association ou de cet organisme et, le cas échéant, les personnes qui entretiennent avec celui-ci des contacts réguliers dans le cadre de son activité ;

« - et qu'ils ne portent que sur des données non communiquées à des tiers, à moins que les personnes concernées n'y consentent expressément ;

« 3° Les traitements portant sur des données à caractère personnel rendues publiques par la personne concernée ;

« 4° Les traitements nécessaires à la constatation, à l'exercice ou à la défense d'un droit en justice ;

« 5° Les traitements nécessaires aux fins de la médecine préventive, des diagnostics médicaux, de l'administration de soins ou de traitements, ou de la gestion de services de santé et mis en oeuvre par un membre d'une profession de santé, ou par une autre personne à laquelle s'impose en raison de ses fonctions l'obligation de secret professionnel prévue par l'article 226-13 du code pénal ;

« 5° bis Les traitements statistiques réalisés par l'Institut national de la statistique et des études économiques ou l'un des services statistiques ministériels dans le respect de la loi no 51-711 du 7 juin 1951 sur l'obligation, la coordination et le secret en matière de statistiques, après avis du Conseil national de l'information statistique et dans les conditions prévues à l'article 25 de la présente loi ;

« 6° Les traitements nécessaires à la recherche dans le domaine de la santé selon les modalités prévues au chapitre IX.

« II bis. - Si les données à caractère personnel visées au I sont appelées à faire l'objet à bref délai d'un procédé d'anonymisation préalablement reconnu conforme aux dispositions de la présente loi par la Commission nationale de l'informatique et des libertés, celle-ci peut autoriser, compte tenu de leur finalité, certaines catégories de traitements selon les modalités prévues à l'article 25. Les dispositions des chapitres IX et X ne sont pas applicables.

« III. - De même, ne sont pas soumis à l'interdiction prévue au I les traitements, automatisés ou non, justifiés par l'intérêt public et autorisés dans les conditions prévues au I de l'article 25 ou au II de l'article 26.

« Art. 9. - Les traitements de données à caractère personnel relatives aux infractions, condamnations et mesures de sûreté ne peuvent être mis en oeuvre que par :

« 1° Les juridictions, les autorités publiques et les personnes morales gérant un service public, agissant dans le cadre de leurs attributions légales ;

« 2° Les auxiliaires de justice, pour les stricts besoins de l'exercice des missions qui leur sont confiées par la loi ;

« 3° Les personnes morales victimes d'infractions ou agissant pour le compte desdites victimes pour les stricts besoins de la prévention et de la lutte contre la fraude ainsi que de la réparation du préjudice subi, dans les conditions prévues par la loi ;

« 4° Les personnes morales mentionnées aux articles L. 321-1 et L. 331-1 du code de la propriété intellectuelle, agissant au titre des droits dont elles assurent la gestion ou pour le compte des victimes d'atteintes aux droits prévus aux livres Ier, II et III du même code aux fins d'assurer la défense de ces droits.

« Art. 10. - Aucune décision de justice impliquant une appréciation sur le comportement d'une personne ne peut avoir pour fondement un traitement automatisé de données à caractère personnel destiné à évaluer certains aspects de sa personnalité.

« Aucune autre décision produisant des effets juridiques à l'égard d'une personne ne peut être prise sur le seul fondement d'un traitement automatisé de données destiné à définir le profil de l'intéressé ou à évaluer certains aspects de sa personnalité

« Ne sont pas regardées comme prises sur le seul fondement d'un traitement automatisé les décisions prises dans le cadre de la conclusion ou de l'exécution d'un contrat et pour lesquelles la personne concernée a été mise à même de présenter ses observations, ni celles satisfaisant les demandes de la personne concernée. »

M. le président. L'amendement n° 14, présenté par M. C. Gautier et les membres du groupe Socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

Remplacer la seconde phrase du troisième alinéa (2°) du texte proposé par cet article pour l'article 6 de la loi n° 7817 du 6 janvier 1978 par deux phrases ainsi rédigées :

Toutefois, seul un traitement ultérieur de données à des fins statistiques ou à des fins de recherche scientifique ou historique est considéré comme compatible avec les finalités initiales de la collecte des données, s'il est réalisé dans le respect des principes et des procédures prévus au présent chapitre, au chapitre IV et à la section 1 du chapitre V ,ainsi qu'aux chapitres IX et X, s'il recourt à des techniques garantissant l'impossibilité d'identifier directement ou indirectement les personnes auprès desquelles les données ont été initialement collectées et s'il n'est pas utilisé pour prendre des décisions à l'égard des personnes concernées. Dans le cas où un tel traitement nécessite de disposer d'éléments d'identification directe ou indirecte des personnes concernées, ces éléments d'identification doivent être détruits après la réalisation dudit traitement.

La parole est à M. Charles Gautier.

M. Charles Gautier. Cet amendement a pour objet de mieux encadrer l'application du principe de finalité des traitements de données à caractère personnel avec l'exigence de compatibilité dans le cas de l'utilisation future des données collectées.

Le 2° du texte proposé pour l'article 6 de la loi du 6 janvier 1978 consacre un nouveau principe de finalité en précisant que les données doivent être collectées « pour des finalités déterminées, explicites et légitimes » et ne peuvent être « traitées ultérieurement de manière incompatible avec ces finalités ».

Il s'agit d'une disposition importante par rapport au droit en vigueur puisque la loi du 6 janvier 1978 ne se réfère à la finalité des traitements que de manière incidente dans les dispositions relatives aux obligations de déclaration.

Le projet de loi prévoit cependant une exception au profit de certains traitements réalisés à des fins statistiques, scientifiques ou historiques.

Cette question a déjà été traitée en première lecture, mais elle mérite que l'on y revienne et que l'on s'y attarde.

Cet amendement n'a pas pour objet de tuer ou de stériliser la recherche. Nous admettons tous dans cet hémicycle l'intérêt que recèlent ces traitements de recherche. Il n'est pas besoin d'insister sur ce point.

Il convient seulement de mieux encadrer la réutilisation des données, car, dans le cas présent, elles seront réutilisées pour une finalité autre que celle qui avait été initialement retenue.

Je rappelle que le principe de finalité est le principe fondamental autour duquel s'organisent les autres principes : la pertinence, l'adéquation, le caractère non excessif, l'exactitude des données, la loyauté de la collecte, les destinataires et la durée de conservation.

Toute réutilisation des données ne doit pas ruiner ce principe fondamental. C'est la raison pour laquelle nous précisons que seul un traitement ultérieur à des fins historiques, scientifiques ou statistiques peut être admis comme non incompatible avec les finalités initiales s'il offre des garanties suffisantes.

En plus de ces garanties, un traitement ultérieur à des fins historiques, scientifiques ou statistiques doit être mis en oeuvre avec des méthodes garantissant l'impossibilité d'identifier, directement ou indirectement, les personnes auprès desquelles les données ont été initialement collectées. Nous partageons comme vous, monsieur le rapporteur, le souhait de développer les traitements d'anonymisation.

Enfin, si le traitement nécessite de disposer de données directement ou indirectement identifiantes, le principe doit être retenu de détruire les éléments d'identification des personnes dès que l'étude a été réalisée. Cela n'empêche en aucun cas de procéder à certaines recherches, contrairement à ce qui a été dit en première lecture.

Des études sur l'effet de l'éducation sur l'emploi pourront, bien entendu, être menées avec des données identifiantes. Nous précisons simplement que ces dernières devront être détruites une fois l'étude réalisée.

Nous envisageons donc l'ensemble des situations possibles en respectant un certain équilibre et sans que ces précisions soient excessives au regard de l'enjeu.

Le principe de finalité est un complément majeur apporté au projet de loi. Nous devons en garantir l'effectivité car il y va de la protection des personnes.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Alex Türk, rapporteur. Cet amendement prévoit des dispositions qui ont une portée trop générale.

L'anonymisation systématique poserait un problème, car la CNIL est toujours en mesure de demander l'anonymisation de traitements ; il lui appartient d'étudier les dossiers au cas par cas.

Il faut donc s'en remettre à la jurisprudence de la CNIL et non pas procéder par une mesure d'ordre général.

C'est pourquoi la commission émet un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Guedj, secrétaire d'Etat. Un tel amendement, par trop contraignant, peut être un facteur de blocage.

Je citerai un exemple : les fichiers destinés à réparer les spoliations des biens réalisées sous l'occupation n'auraient pas pu être mis en oeuvre si une telle disposition avait existé.

C'est la raison pour laquelle le Gouvernement émet un avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 14.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 15, présenté par M. C. Gautier et les membres du groupe Socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

Dans le quatrième alinéa (3°) du texte proposé par cet article pour l'article 6 de la loi n° 7817 du 6 janvier 1978, remplacer les mots :

de leurs traitements ultérieurs

par le mot :

traitées

La parole est à M. Charles Gautier.

M. Charles Gautier. Avec cet amendement, nous revenons sur la question de l'utilisation future des données collectées.

Le 3° de l'article 6 modifié de la loi du 6 janvier 1978 prévoit que le traitement ne doit porter que sur des données adéquates, pertinentes et non excessives au regard des finalités pour lesquelles elles sont collectées et de leurs traitements ultérieurs.

La référence aux traitements ultérieurs présente une certaine ambiguïté et risque de créer des difficultés au regard du respect du principe de proportionnalité.

Ainsi pourra-t-on autoriser la collecte de données qui seraient dépourvues de pertinence ou excessives au regard de la finalité du traitement au motif que de telles données deviendraient pertinentes ou non excessives au regard d'un traitement ultérieur.

Sans s'éloigner de la directive et en s'inspirant à la fois de la convention 108 du Conseil de l'Europe et de la rédaction du présent article dans ses 1°, 4° et 5°, le 3° devrait se limiter à préciser que les données doivent être adéquates, pertinentes et non excessives au regard des finalités pour lesquelles elles sont collectées et traitées.

En fait, nous reprenons une proposition qu'avait émise en son temps la CNIL et qu'il nous semble sage de suivre.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Alex Türk, rapporteur. Il s'agit, là encore, d'un amendement concernant une disposition qui avait fait l'objet d'un accord des deux assemblées sur le fond.

En réalité, cet amendement aboutirait à réduire les garanties, car la CNIL examine bien les traitements ultérieurs.

C'est la raison pour laquelle nous émettons un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Guedj, secrétaire d'Etat. Avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 15.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures cinquante-cinq, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Adrien Gouteyron.)

PRÉSIDENCE DE M. Adrien Gouteyron

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

Art. 2 (début)
Dossier législatif : projet de loi relatif à la protection des personnes physiques à l'égard des traitements de données à caractère personnel et modifiant la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés
Discussion générale

4

DÉPÔT D'UN RAPPORT en application D'une Loi

M. le président. M. le président a reçu de Mme la présidente de la commission de la sécurité des consommateurs le rapport d'activité 2003 de cette commission, établi en application de l'article L. 2245 du code de la consommation.

Acte est donné du dépôt de ce rapport.

5

Art. 2 (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi relatif à la protection des personnes physiques à l'égard des traitements de données à caractère personnel et modifiant la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés
Art. 2

Protection des personnes physiques à l'égard des traitements de données

Suite de la discussion et adoption définitive d'un projet de loi en deuxième lecture

M. le président. Nous reprenons la discussion en deuxième lecture du projet de loi, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, relatif à la protection des personnes physiques à l'égard des traitements de données à caractère personnel et modifiant la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés.

Dans la discussion des articles, nous avons commencé ce matin l'examen de l'article 2 dont je rappelle les termes.

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi relatif à la protection des personnes physiques à l'égard des traitements de données à caractère personnel et modifiant la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés
Art. 3

Article 2 (suite)

Le chapitre II de la loi no 78-17 du 6 janvier 1978 précitée est ainsi rédigé :

« CHAPITRE II

« Conditions de licéité des traitements de données à caractère personnel

« Section 1

« Dispositions générales

« Art. 6. - Un traitement ne peut porter que sur des données à caractère personnel qui satisfont aux conditions suivantes :

« 1° Les données sont collectées et traitées de manière loyale et licite ;

« 2° Elles sont collectées pour des finalités déterminées, explicites et légitimes et ne sont pas traitées ultérieurement de manière incompatible avec ces finalités. Toutefois, un traitement ultérieur de données à des fins statistiques ou à des fins de recherche scientifique ou historique est considéré comme compatible avec les finalités initiales de la collecte des données, s'il est réalisé dans le respect des principes et des procédures prévus au présent chapitre, au chapitre IV et à la section 1 du chapitre V ainsi qu'aux chapitres IX et X et s'il n'est pas utilisé pour prendre des décisions à l'égard des personnes concernées ;

« 3° Elles sont adéquates, pertinentes et non excessives au regard des finalités pour lesquelles elles sont collectées et de leurs traitements ultérieurs ;

« 4° Elles sont exactes, complètes et, si nécessaire, mises à jour ; les mesures appropriées doivent être prises pour que les données inexactes ou incomplètes au regard des finalités pour lesquelles elles sont collectées ou traitées soient effacées ou rectifiées ;

« 5° Elles sont conservées sous une forme permettant l'identification des personnes concernées pendant une durée qui n'excède pas la durée nécessaire aux finalités pour lesquelles elles sont collectées et traitées.

« Art. 7. - Un traitement de données à caractère personnel doit avoir reçu le consentement de la personne concernée ou satisfaire à l'une des conditions suivantes :

« 1° Le respect d'une obligation légale incombant au responsable du traitement ;

« 2° La sauvegarde de la vie de la personne concernée ;

« 3° L'exécution d'une mission de service public dont est investi le responsable ou le destinataire du traitement ;

« 4° L'exécution, soit d'un contrat auquel la personne concernée est partie, soit de mesures précontractuelles prises à la demande de celle-ci ;

« 5° La réalisation de l'intérêt légitime poursuivi par le responsable du traitement ou par le destinataire, sous réserve de ne pas méconnaître l'intérêt ou les droits et libertés fondamentaux de la personne concernée.

« Section 2

« Dispositions propres à certaines catégories de données

« Art. 8. - I. - Il est interdit de collecter ou de traiter des données à caractère personnel qui font apparaître, directement ou indirectement, les origines raciales ou ethniques, les opinions politiques, philosophiques ou religieuses ou l'appartenance syndicale des personnes, ou qui sont relatives à la santé ou à la vie sexuelle de celles-ci.

« II. - Dans la mesure où la finalité du traitement l'exige pour certaines catégories de données, ne sont pas soumis à l'interdiction prévue au I :

« 1° A Les traitements pour lesquels la personne concernée a donné son consentement exprès, sauf dans le cas où la loi prévoit que l'interdiction visée au I ne peut être levée par le consentement de la personne concernée ;

« 1° Les traitements nécessaires à la sauvegarde de la vie humaine, mais auxquels la personne concernée ne peut donner son consentement par suite d'une incapacité juridique ou d'une impossibilité matérielle ;

« 2° Les traitements mis en oeuvre par une association ou tout autre organisme à but non lucratif et à caractère religieux, philosophique, politique ou syndical :

« - pour les seules données mentionnées au I correspondant à l'objet de ladite association ou dudit organisme ;

« - sous réserve qu'ils ne concernent que les membres de cette association ou de cet organisme et, le cas échéant, les personnes qui entretiennent avec celui-ci des contacts réguliers dans le cadre de son activité ;

« - et qu'ils ne portent que sur des données non communiquées à des tiers, à moins que les personnes concernées n'y consentent expressément ;

« 3° Les traitements portant sur des données à caractère personnel rendues publiques par la personne concernée ;

« 4° Les traitements nécessaires à la constatation, à l'exercice ou à la défense d'un droit en justice ;

« 5° Les traitements nécessaires aux fins de la médecine préventive, des diagnostics médicaux, de l'administration de soins ou de traitements, ou de la gestion de services de santé et mis en oeuvre par un membre d'une profession de santé, ou par une autre personne à laquelle s'impose en raison de ses fonctions l'obligation de secret professionnel prévue par l'article 226-13 du code pénal ;

« 5° bis Les traitements statistiques réalisés par l'Institut national de la statistique et des études économiques ou l'un des services statistiques ministériels dans le respect de la loi no 51-711 du 7 juin 1951 sur l'obligation, la coordination et le secret en matière de statistiques, après avis du Conseil national de l'information statistique et dans les conditions prévues à l'article 25 de la présente loi ;

« 6° Les traitements nécessaires à la recherche dans le domaine de la santé selon les modalités prévues au chapitre IX.

« II bis. - Si les données à caractère personnel visées au I sont appelées à faire l'objet à bref délai d'un procédé d'anonymisation préalablement reconnu conforme aux dispositions de la présente loi par la Commission nationale de l'informatique et des libertés, celle-ci peut autoriser, compte tenu de leur finalité, certaines catégories de traitements selon les modalités prévues à l'article 25. Les dispositions des chapitres IX et X ne sont pas applicables.

« III. - De même, ne sont pas soumis à l'interdiction prévue au I les traitements, automatisés ou non, justifiés par l'intérêt public et autorisés dans les conditions prévues au I de l'article 25 ou au II de l'article 26.

« Art. 9. - Les traitements de données à caractère personnel relatives aux infractions, condamnations et mesures de sûreté ne peuvent être mis en oeuvre que par :

« 1° Les juridictions, les autorités publiques et les personnes morales gérant un service public, agissant dans le cadre de leurs attributions légales ;

« 2° Les auxiliaires de justice, pour les stricts besoins de l'exercice des missions qui leur sont confiées par la loi ;

« 3° Les personnes morales victimes d'infractions ou agissant pour le compte desdites victimes pour les stricts besoins de la prévention et de la lutte contre la fraude ainsi que de la réparation du préjudice subi, dans les conditions prévues par la loi ;

« 4° Les personnes morales mentionnées aux articles L. 321-1 et L. 331-1 du code de la propriété intellectuelle, agissant au titre des droits dont elles assurent la gestion ou pour le compte des victimes d'atteintes aux droits prévus aux livres Ier, II et III du même code aux fins d'assurer la défense de ces droits.

« Art. 10. - Aucune décision de justice impliquant une appréciation sur le comportement d'une personne ne peut avoir pour fondement un traitement automatisé de données à caractère personnel destiné à évaluer certains aspects de sa personnalité.

« Aucune autre décision produisant des effets juridiques à l'égard d'une personne ne peut être prise sur le seul fondement d'un traitement automatisé de données destiné à définir le profil de l'intéressé ou à évaluer certains aspects de sa personnalité.

« Ne sont pas regardées comme prises sur le seul fondement d'un traitement automatisé les décisions prises dans le cadre de la conclusion ou de l'exécution d'un contrat et pour lesquelles la personne concernée a été mise à même de présenter ses observations, ni celles satisfaisant les demandes de la personne concernée. »

M. le président. L'amendement n° 16, présenté par M. C. Gautier et les membres du groupe Socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

Compléter in fine le dernier alinéa (5°) du texte proposé par cet article pour l'article 6 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, par les mots :

, sans préjudice des cas dans lesquels la loi prévoit une durée de conservation spécifique.

La parole est à M. Charles Gautier.

M. Charles Gautier. Il existe un principe général de compatibilité entre la conservation des données et la finalité en vertu de laquelle elles ont été collectées. Toutefois, la CNIL a observé que, de plus en plus, des responsables de traitements invoquent telle ou telle disposition légale pour prétendre conserver, à l'insu des intéressés, des données personnelles sous leur forme nominative au-delà de ce que justifie la finalité du traitement. Par exemple, indique la CNIL, ont pu être invoquées tour à tour la prescription trentenaire ou la prescription décennale prévues par le code civil, les dispositions du code de commerce, les règles applicables en matière de comptabilité.

Dans ces conditions, on peut s'interroger sur la manière dont peuvent être respectées certaines garanties inscrites dans le projet de loi, tel le droit à l'oubli.

Il conviendrait, par conséquent, de mieux encadrer la rédaction actuelle. C'est pourquoi nous proposons de prévoir que, si des dérogations existent, celles-ci doivent être explicitement visées par la loi, comme cela est précisé au 2° du texte proposé pour l'article 6 de la loi de 1978 s'agissant du traitement ultérieur à des fins exclusives de recherches scientifiques, statistiques ou historiques.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Alex Türk, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Cet avis est défavorable, monsieur le président.

Il s'agit d'un principe général. Bien entendu, la loi peut toujours fixer une durée de conservation spécifique. Il nous paraît donc inutile de le rappeler dans ce texte.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Guedj, secrétaire d'Etat aux droits des victimes. Défavorable, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 16.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 1, présenté par M. Bret et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Compléter le texte proposé par cet article pour l'article 6 de la loi n° 7817 du 6 janvier 1978 par un alinéa ainsi rédigé :

« ... ° Pour les données visées au I de l'article 8, lorsqu'elles sont traitées pour faire l'objet d'une interconnexion, celle-ci doit être réalisée par des tierces parties de confiance, n'ayant aucun intérêt à ladite connexion. Les conditions d'application du présent alinéa sont fixées par décret en Conseil d'Etat après avis de la commission. »

La parole est à M. Robert Bret.

M. Robert Bret. Je ne sais si cet amendement sera considéré par M. le rapporteur comme trop général ou trop précis. (Sourires sur les travées du groupe CRC.) En tout cas, il reprend un amendement que notre groupe avait défendu en première lecture, mais qui n'avait pas été retenu, bien que M. le rapporteur eût jugé qu'il soulevait des questions qui méritaient d'être soulevées.

Il s'agit de tenir compte de la très forte valeur informationnelle susceptible d'être produite par une interconnexion de fichiers : si un fichier peut, à soi seul, être relativement anodin et ne pas porter atteinte aux droits de la personne, lorsqu'il est croisé avec un autre fichier, les informations qu'il renferme risquent de revêtir un sens nouveau et de fournir des renseignements d'une toute autre dimension sur une personne.

Les principes posés au 2° de l'article 6 de la loi de 1978, qui interdit une utilisation des données recueillies pour des finalités différentes - commerciales, par exemple - de celles qui ont été initialement spécifiées ne peuvent effectivement être respectés que si de telles interconnexions sont réalisées dans certaines conditions.

C'est pourquoi nous proposons qu'une interconnexion ne soit réalisée que par des tiers n'ayant aucun intérêt à ladite connexion.

Cette condition sera particulièrement décisive dans le domaine de données dites « sensibles », celles qui font référence aux origines raciales ou ethniques, aux opinions politiques, philosophiques ou religieuses, ou à l'appartenance syndicale, ou encore celles qui sont relatives à la santé ou à la vie sexuelle de la personne.

On sait, par exemple, que des discussions sont en cours chez les assureurs sur la transmission des données de santé.

Vous m'avez dit ce matin en commission, monsieur le rapporteur, que la CNIL avait tout pouvoir pour préconiser cet encadrement. Mais, dès lors qu'il n'y a pas d'opposition de fond, n'est-il pas préférable d'inscrire ce principe dans la loi de 1978 ? Si cette loi avait prévu un encadrement strict de ces interconnexions, ce n'est plus le cas du présent texte, notamment en ce qui concerne les connexions privées.

Le système du tiers désintéressé que nous proposons pour éviter tout écueil né de ces croisements de données peut sembler lourd, mais il est seul susceptible d'offrir des garanties suffisantes, et c'est à ce prix que l'on pourra éviter les abus. Au demeurant, un tel système fonctionne depuis plusieurs années en Australie.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Alex Türk, rapporteur. La commission est défavorable à cet amendement.

Vous l'avez dit vous-même, monsieur Bret, c'est un système extrêmement lourd que vous proposez. Certes, comme je l'avais reconnu en première lecture, l'idée peut paraître judicieuse, mais nous estimons qu'il est préférable de raisonner au cas par cas.

La CNIL nous paraît bien armée pour effectuer ce travail : c'est bien à elle qu'il revient d'analyser chaque cas et de déterminer s'il faut recourir ou non à ce mécanisme du tiers de confiance. Nous ne croyons pas utile de le prévoir systématiquement de façon rigide. Faisons donc confiance à la CNIL.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Guedj, secrétaire d'Etat. Nous pensons que le contrôle préalable de la CNIL apporte une garantie suffisante : avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Robert Bret, pour explication de vote.

M. Robert Bret. Il s'agit de savoir quel est notre degré d'exigence quant au respect des libertés.

Les exemples évoqués par la CNIL dans son rapport de cette année montrent combien il convient d'être vigilant face à des intérêts de nature commerciale, notamment. J'ai parlé ce matin des spams.

Il me semble qu'on ouvre là un espace qui peut se révéler dangereux au regard du respect des libertés. C'est pourquoi nous considérons que l'adoption de notre amendement est indispensable si l'on souhaite réellement apporter des garanties.

Mais il est vrai, monsieur le rapporteur, que vous voulez un vote conforme. D'où la difficulté devant laquelle vous vous trouvez !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 17, présenté par M. C. Gautier et les membres du groupe Socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

Au premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 7 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978, après le mot :

concernée

insérer les mots :

de manière indubitable

La parole est à M. Charles Gautier.

M. Charles Gautier. Cet amendement porte sur la nature du consentement de la personne concernée par un traitement.

La CNIL a observé, surtout au cours des dernières années, que de nombreux responsables de traitements recouraient à une pratique consistant à recueillir le consentement des personnes par le biais de formules générales, peu explicites et sous le couvert d'alléchantes offres de rabais.

Pour contrer de telles pratiques, nous proposons de renforcer la rédaction qui figure actuellement dans le texte en nous inspirant des termes mêmes de la directive, laquelle précise dans son article 7 que le traitement de données à caractère personnel ne peut être effectué que si la personne concernée a « de manière indubitable » donné son consentement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Alex Türk, rapporteur. C'est strictement un problème de vocabulaire qui est ici posé.

Il est vrai que la directive retient le terme « indubitable ». Toutefois, autant nous ne devons jamais nous écarter de la directive s'agissant des principes et du cadre juridique, autant il nous appartient de l'adapter à notre propre langage juridique : c'est en cela que réside le travail d'harmonisation. Or, en droit français, le mot « indubitable » n'a strictement aucun sens, aucun contenu.

J'ajoute que la CNIL a, sur la nature du consentement et le vocabulaire y afférent, une doctrine parfaitement claire et une jurisprudence constante. Nous parlons de « consentement exprès » : chacun sait ce que cela veut dire. Nous savons même ce qu'est un « consentement éclairé » ! En revanche, la notion de « consentement indubitable » nous est totalement étrangère. Au demeurant, elle n'ajouterait rien, car nos sommes dotés de tous les éléments de vocabulaire nécessaires.

Par conséquent, la commission émet un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Guedj, secrétaire d'Etat. Avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 17.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 18, présenté par M. C. Gautier et les membres du groupe Socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

Au quatrième alinéa (3°) du texte proposé par cet article pour l'article 7 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978, remplacer les mots :

est investi le responsable ou le destinataire du traitement

par les mots :

est seule investie soit une administration publique, soit une personne morale de droit public

La parole est à M. Charles Gautier.

M. Charles Gautier. Le texte proposé pour l'article 7 de la loi de 1978 pose le principe selon lequel un traitement de données à caractère personnel doit avoir reçu le consentement de la personne concernée.

Toutefois, sont énumérées dans le même article différentes exceptions à l'exigence du consentement des personnes, et notamment celle qui vise les traitements nécessaires à l'exécution d'une mission de service public dont est investi soit le responsable, soit le destinataire du traitement.

Seraient ainsi visés les cas dans lesquels les fichiers de police ou de justice sont traités directement par des personnes investies d'une mission de ce type. Mais seraient également concernés des fichiers sous-traités à des personnes privées, voire à des officines de sécurité privée qui ne présentent pas, faute de statut, des garanties minimales.

Sur ce point, le considérant 32 de la directive précise qu'« il appartient aux législations nationales de déterminer si le responsable du traitement investi d'une telle mission doit être une administration publique ou une autre personne soumise au droit public ou au droit privé telle qu'une association professionnelle ».

Comme on le voit, la directive nous laisse une marge de manoeuvre. Son harmonisation avec notre propre législation ne doit pas conduire à affaiblir la protection.

Nous considérons donc qu'il convient de limiter aux seules administrations et personnes morales de droit public le champ d'application de cette dérogation, en vertu de la liberté de choix accordée à chaque Etat membre.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Alex Türk, rapporteur. Cet amendement porte sur une question qui a déjà été débattue par les deux chambres, lesquelles ont abouti au même résultat, et ne mérite pas d'être reprise.

Vous avez évoqué, bizarrement, des « officines de sécurité privée ». Je ne sais pas à quoi vous faites allusion. Je sais simplement que - vieille tradition française - des missions de service public sont effectivement confiées à des personnes morales de droit privé. Je ne vois donc pas l'intérêt de restreindre le champ d'application de ce texte.

Mais il convient surtout d'en revenir à l'esprit de la loi, qui vise à substituer un critère matériel à un critère organique, à opérer une distinction qui ne repose plus sur la notion public-privé et au contraire, en s'adaptant à une réalité nouvelle, à retenir comme critère la dangerosité du mécanisme en cause.

De ce fait, je ne vois pas la raison qui pourrait justifier de revenir à cette « vieille » distinction, qui a encore tout son intérêt en droit français, entre personne morale de droit public et personne morale de droit privé. D'autant que, comme je viens de le rappeler, une personne morale de droit privé peut très bien assurer une mission de service public.

Telles sont les raisons pour lesquelles j'émets un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Guedj, secrétaire d'Etat. Partageant les propos qui viennent d'être tenus, j'émets bien sûr un avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 18.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 19, présenté par M. C. Gautier et les membres du groupe Socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

Dans le dernier alinéa (5°) du texte proposé par cet article pour l'article 7 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, après les mots :

la réalisation de l'intérêt

insérer les mots :

déterminé, adéquate et

La parole est à M. Charles Gautier.

M. Charles Gautier. Dès la première lecture, nous avions été alertés par les observations du rapporteur de la commission des lois qui avait considéré que la dérogation à l'exigence de consentement visée au 5° de cet article laissait une grande marge de manoeuvre au responsable du traitement de données automatisées appartenant au secteur privé, ce dernier n'étant tenu qu'au respect de l'équilibre entre ses intérêts légitimes et les libertés fondamentales des personnes concernées. Bien plus encore, le rapporteur en était arrivé à la conclusion qu'une telle dérogation aboutissait à fragiliser substantiellement la portée du principe du consentement de la personne.

A son tour, le rapporteur de la commission des lois de l'Assemblée nationale a déclaré, en deuxième lecture, souscrire pleinement à l'analyse du rapporteur du Sénat et a fait part, tout particulièrement, de sa préoccupation au regard des risques de contentieux pour les entreprises qu'induit le caractère général et imprécis de cette dérogation.

Face à de tels avertissements unanimes, si l'on ne peut proposer la suppression de cette disposition qui reprend fidèlement les termes du paragraphe f de la directive, il serait en revanche souhaitable de l'encadrer sérieusement. C'est la raison pour laquelle il est proposé de compléter les caractéristiques de l'intérêt légitime poursuivi par le responsable du traitement en s'assurant que cet intérêt est également déterminé et adéquat.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Alex Türk, rapporteur. Je ferai une remarque analogue à celle que j'ai faite précédemment : nous sommes sur le terrain du vocabulaire. Si nous pouvons comprendre les préoccupations qui vous animent, ce n'est pas par cet ajout que nous allons régler la question. Je vous le dis très honnêtement, il ne changerait rien à la protection.

Ce qui me préoccupe surtout, s'agissant des trois amendements que vous venez de présenter, c'est la réticence voire la méfiance qu'ils traduisent à l'égard de la CNIL - il y a très peu de temps que je la préside, elle conserve donc encore une certaine valeur ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) Laissez-lui le temps de correspondre à ce que vous imaginez !

En réalité, il faut faire confiance à la CNIL et il lui revient de faire ce travail d'appréciation de l'intérêt légitime. Ce n'est pas parce que nous ajouterons deux qualificatifs que la CNIL sera mieux armée pour le faire. Elle a une très bonne connaissance, et ce depuis longtemps, du contenu de ce concept. Pourquoi le changer dès lors que la jurisprudence fonctionne bien ?

Donc, faites encore un peu confiance à la CNIL !

M. Charles Gautier. Et à son président ! (Sourires.)

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Guedj, secrétaire d'Etat. Nous gardons une entière confiance en la CNIL et, en conséquence, nous émettons un avis défavorable.

Mme Nicole Borvo. Cela vole au ras des pâquerettes !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 19.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 2 est présenté par M. Bret et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.

L'amendement n° 20 est présenté par M. C. Gautier et les membres du groupe Socialiste, apparenté et rattachée.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après les mots

ou qui sont relatives

rédiger comme suit la fin du I du texte proposé par cet article pour l'article 8 de la loi n° 7817 du 6 janvier 1978 :

aux caractéristiques génétiques des personnes, à leurs éléments biométriques, à leur santé, à leur vie sexuelle ou à l'intimité de leur vie privée, dans les composantes psychiques et sociales

La parole est à M. Robert Bret, pour défendre l'amendement n° 2.

M. Robert Bret. Cet amendement a pour objet d'élargir le champ d'application des traitements de données dites « sensibles », qui doivent faire l'objet d'un consentement exprès de la personne. En l'état actuel du texte, cette protection renforcée s'applique aux traitements mettant en jeu les opinions politiques, syndicales, religieuses ou philosophiques de la personne, son origine, sa santé ou sa vie sexuelle.

Pour notre part, nous réitérons le souhait de voir compris dans cette liste les données génétiques et biométriques, d'une part, et les éléments relatifs à la vie de la personne, d'autre part, quand ils sont d'ordre psychique ou social.

S'agissant des données génétiques, je me permets de rappeler que, dans le cadre de l'examen du projet de loi relatif à la bioéthique, la commission des affaires sociales de notre assemblée avait réaffirmé son attachement au principe de non-discrimination en raison des caractéristiques génétiques, soulignant les dangers du recueil de ce type de données. Ainsi, le rapport de la commission rappelle la problématique des « kits génétiques » et des dérives pouvant potentiellement apparaître dans le domaine de l'emploi ou de l'assurance.

C'est dire combien ces données, qui permettent l'identification de la personne, doivent faire l'objet d'une attention soutenue du législateur.

J'appuierai cet amendement en rappelant qu'il va dans le sens à la fois des préconisations du rapport Braibant et, plus généralement encore, de la Déclaration universelle sur le génome humain.

On tente de plus en plus fréquemment, on le sait, de recourir à des éléments d'identification biométrique dans les domaines les plus variés de la vie courante : l'exemple des cantines scolaires est de ce point de vue particulièrement éloquent. Dans les cas où la CNIL a été amenée à intervenir, il lui a fallu rappeler la nécessité de préserver des détournements de finalité et de proportionnalité - n'est-ce pas, monsieur Türk ?

S'agissant des données psychiques et sociales, enfin, dont le caractère subjectif ne fait nul doute, nous ne pouvons que constater la forte tendance au recueil de données de cet ordre dans le cadre de l'action sociale et médicosociale. Alors que les différents projets tendant à la prévention de la délinquance semblent s'orienter vers une diminution du secret professionnel dans ce domaine, il paraît particulièrement opportun de rappeler, dans le présent texte, qu'il s'agit bien de données sensibles, soumises ipso facto à un régime de déclaration renforcé, avec l'accord exprès de la personne pour la collecte de telles données.

Tel est le sens de cet amendement, qui me semble frappé au coin du bon sens, que nous vous proposons d'adopter.

M. le président. La parole est à M. Charles Gautier, pour présenter l'amendement n° 20.

M. Charles Gautier. Si nous avons déposé des amendements identiques, c'est aussi pour souligner que nous en sommes parvenus à un point crucial du texte au regard de l'analyse différente que nous lui portons, analyse que j'ai tenté de vous exposer ce matin.

En effet, la définition des données sensibles mérite une attention toute particulière. Si nous avons déjà eu ce débat en première lecture, il est impérieux d'y revenir. Le Sénat doit reconsidérer sa position.

Nous vous proposons de compléter la liste des données sensibles devant bénéficier d'une protection maximale en y ajoutant les données génétiques, les caractéristiques biométriques et les éléments qui se rapportent à l'intimité de la vie des personnes dans ses composantes psychiques et sociales.

Les données génétiques sont des données spécifiques. Elles fournissent, ou sont susceptibles de fournir dans l'avenir, une information scientifique, médicale et personnelle pertinente tout au long de la vie d'un individu. Tant du fait de leur nature que du contexte de leur collecte, ces données doivent figurer au titre des données sensibles.

Or, dans le projet de loi que nous examinons, les données génétiques ne sont pas explicitement citées au titre des données sensibles. Le présent article ne cite que les données de santé. Pour trouver cette référence, il faut attendre l'article 25, qui énumère la liste des traitements soumis à un régime d'autorisation préalable.

Je vous le dis clairement, nous ne comprenons pas pourquoi la législation sur la protection des données ne désignerait pas en tant que telles les données génétiques alors que, dans d'autres législations sectorielles, la spécificité des données génétiques justifie une protection juridique particulière, par exemple dans les secteurs de la protection sociale, des assurances ou du travail.

Il faut donc faire preuve de cohérence, y compris, d'abord, dans le texte que nous examinons, puisque celui-ci prévoit, à l'article 25 de la loi de 1978, un régime d'autorisation spécifique pour cette catégorie de données.

Ensuite, le président de la CNIL ne peut refuser ce que la CNIL elle-même propose au niveau international lorsqu'elle est consultée par l'UNESCO dans le cadre de la rédaction d'une déclaration sur les données génétiques qui se situe dans le prolongement de la Déclaration universelle sur le génome humain et les droits de l'homme du 11 novembre 1997.

Les éléments biométriques permettent la mesure et la reconnaissance d'une personne, donc son identification, et soulèvent des problèmes comparables aux caractéristiques génétiques, sachant qu'elles touchent à l'identité même de la personne.

Bien sûr, nous acceptons l'idée selon laquelle l'utilisation de la biométrie apparaît comme un élément utile aux autorités publiques de l'Etat, s'agissant de la nécessité de savoir si tel individu est bien celui qu'il prétend être ou s'il est habilité à entreprendre un certain nombre d'actions de notre vie sociale en général.

Mais cela doit se faire conformément à un cadre législatif qui présente des garanties et évite, autant que possible, les risques de dérives. Nous pensons que l'utilisation des données biométriques aux fins de contrôle doit bénéficier des mêmes garanties de protection maximale que les données sensibles.

Enfin, les données relatives à l'intimité de la vie privée dans ses composantes psychiques et sociales doivent être considérées comme des données sensibles.

La CNIL a eu l'occasion de se prononcer sur ce type de données et les a caractérisées ainsi car elles font de plus en plus couramment l'objet de traitement dans le cadre de l'informatisation de l'action sociale ; des appréciations sont portées sur les comportements des personnes et l'on constate, à cette occasion, qu'elles touchent à l'identité et à l'intimité des personnes concernées, et qu'elles ne sont pas exemptes de subjectivité.

Pour toutes ces raisons, nous vous demandons d'adopter au moins cet amendement-là !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Alex Türk, rapporteur. Je tiens tout d'abord à rappeler aux auteurs de ces amendements que nous partageons leur préoccupation en matière de biométrie. Au cours de la discussion générale, j'ai insisté sur le fait que la biométrie était probablement l'un des quatre ou cinq enjeux principaux de la CNIL pour les années à venir. Je partage donc totalement votre préoccupation.

Néanmoins, le problème qui nous est posé est d'ordre purement juridique : il s'agit de savoir comment nous allons organiser cette protection. Or je constate qu'il n'est pas nécessaire de recourir à la proposition que vous nous faites pour y parvenir.

S'agissant de l'intimité de la vie privée, la question est traitée à l'article 8 et bénéficie de la protection puisque la vie sexuelle et la santé y sont évoquées. Nous pouvons superposer ces deux notions. Nous avons d'ailleurs déjà longuement débattu de ce point en première lecture.

Par ailleurs, les composantes psychiques et sociales sont des notions beaucoup trop vagues pour avoir un quelconque contenu juridique signifiant dans notre droit.

Enfin et surtout, s'agissant des données génétiques et biométriques, je rappelle que nous sommes dans le champ de l'article 25 ; elles sont donc soumises à autorisation et figurent dans l'un des domaines juridiques les plus protégés de l'ensemble du système de protection des données personnelles.

Par conséquent, j'ai le sentiment que nous parvenons au même objectif, mais en utilisant l'ensemble de la construction qui a été retenue dans ce texte et validée par les deux chambres du Parlement. Il ne me semble pas nécessaire d'en rajouter, si je puis dire. C'est pourquoi j'émets un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Guedj, secrétaire d'Etat. La teneur de cet amendement ne figurait pas dans le projet de l'ancienne majorité, et pour cause ! Cet amendement a pour objet d'ajouter de nouvelles catégories de données sensibles à une liste limitative de la directive.

Je suis décidément défavorable à cet amendement qui, s'il était adopté, pourrait, d'une part, conduire à une erreur de transposition et, d'autre part, exposer la France à une procédure communautaire.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 2 et 20.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. L'amendement n° 21, présenté par M. C. Gautier et les membres du groupe Socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

Compléter le 4° du II du texte proposé par cet article pour l'article 8 de la loi n° 7817 du 6 janvier 1978 par les mots :

sous réserve de recueillir le consentement exprès de la personne concernée

La parole est à M. Charles Gautier.

M. Charles Gautier. Nous abordons, à travers cet amendement, la question des exceptions au principe d'interdiction de la collecte et du traitement des données sensibles.

Des exceptions à ce principe protecteur de données fondamentales existent dans le droit en vigueur et ont été reprises. Certaines ne soulèvent pas de problème, comme l'exception fondée sur la publicité antérieure des faits, les données ayant été rendues publiques par l'intéressé lui-même.

En revanche, le 4° du II de cet article prévoit une exception fondée sur la finalité du traitement nécessaire à la constatation, à la défense ou à l'exercice d'un droit en justice.

Or aucune distinction n'est faite entre les fichiers selon qu'ils sont défensifs ou préventifs.

Dans sa rédaction actuelle, cette disposition autorise une entreprise à détenir des fichiers d'opinion en vue d'une action en licenciement pour faute grave, voire pour motif économique si le choix existe, des fichiers de santé pour le cas où un salarié viendrait à se prévaloir d'une maladie professionnelle, demanderait abusivement un congé maladie ou ferait valoir tout autre droit en justice.

Cette disposition, dont le champ d'application est extrêmement vaste, ouvre la voie à la tenue de fichiers privés et secrets de suspects, véritables listes noires, ce qui est intolérable en raison des valeurs fondamentales qui doivent faire l'objet d'une protection particulièrement renforcée.

C'est la raison pour laquelle nous proposons que la personne intéressée soit impérativement et nécessairement informée de l'opération de traitement dont elle fait l'objet et puisse, le cas échéant, s'y opposer.

Nous avons noté que, aux termes de la rédaction proposée pour le 1° A de l'article, sont prévus les traitements pour lesquels la personne concernée a donné son consentement exprès. Mais il s'agit là d'un cas particulier qui nécessite une référence spécifique au consentement exprès, et qui est plus protecteur dans la mesure où il suppose une action positive du responsable du traitement invité à recueillir le consentement de la personne concernée.

Dans ces conditions, il convient bien de préciser que les traitements nécessaires à la constatation, à l'exercice ou à la défense d'un droit en justice sont autorisés dans le cadre de l'article 8 de la loi du 6 janvier 1978, sous réserve toutefois du consentement exprès de la personne concernée.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Alex Türk, rapporteur. L'adoption de cet amendement pourrait avoir des conséquences extrêmement graves par leur lourdeur.

Les personnes exerçant une profession juridique, et notamment les avocats, peuvent être amenées à traiter de questions touchant à la responsabilité médicale, au statut d'un salarié protégé. Ils manient donc nécessairement, dans le cadre de leur travail de défense, des données personnelles.

Si l'on suit votre idée, monsieur Gautier, nous créerons une paralysie de l'activité, ce qui n'est vraiment pas raisonnable. C'est pourquoi la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Guedj, secrétaire d'Etat. Cette dérogation pour les stricts besoins de la constatation, de l'exercice ou de la défense d'un droit n'échappe pas à un contrôle a posteriori de la CNIL, à laquelle nous faisons évidemment confiance.

Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 21.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 22, présenté par M. C. Gautier et les membres du groupe Socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

Dans le III du texte proposé par cet article pour l'article 8 de la loi n° 7817 du 6 janvier 1978, remplacer les mots :

par l'intérêt public

par les mots :

par un motif d'intérêt public important

La parole est à M. Charles Gautier.

M. Charles Gautier. Cet amendement concerne une autre exception à l'interdiction générale de collecte et de traitement des données sensibles : les traitements de données intéressant la sécurité publique, la défense et la sûreté de l'Etat.

Or le projet de loi supprime non seulement la procédure de l'avis conforme émis par la CNIL, mais également l'avis conforme du Conseil d'Etat dans le cas où le Gouvernement souhaiterait passer outre l'avis défavorable de la Commission.

On nous invite donc à lever tout contrôle à l'égard de cette catégorie de traitements. La CNIL perdra son levier principal pour le contrôle de tels fichiers, mais je laisse à son président le soin d'en juger.

Donnons acte aux associations et aux syndicats lorsqu'ils dénoncent une telle confusion dans les fonctions. Ils ont raison de s'alarmer : cette situation ambiguë, où le législateur est dans le même temps le président de l'institution, assèche considérablement nos débats !

Nous sommes, bien entendu, opposés à cet ajustement par le bas. C'est pourquoi il nous semble utile de reprendre la rédaction du paragraphe 6 de l'article 8 de la directive aux termes duquel les dérogations ne sont possibles que pour un motif d'intérêt public important.

En cette matière, la précision que nous souhaitons apporter serait de nature à assurer un haut niveau de garantie en resserrant la notion d'intérêt public, sans que soit remis en cause le régime spécifique qui s'applique aux traitements de données mis en oeuvre au profit de l'Etat.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Alex Türk, rapporteur. La commission émet un avis défavorable.

Un simple ajout de vocabulaire ne résoudra pas une question de fond, nous l'avons vu à plusieurs reprises. En effet, point n'est besoin d'être un grand juriste pour constater qu'une telle précision n'a pas beaucoup de contenu et sera sans effet.

Il est vrai, monsieur Gautier, qu'il s'agit de la formulation retenue dans la directive ; mais nous venons de voir des cas dans lesquels le vocabulaire de la directive n'avait pas à être « transplanté » directement en droit interne.

En tout état de cause, je veux rappeler que cette rédaction reprend le texte élaboré par le gouvernement de Lionel Jospin. J'avais moi-même été surpris, à l'époque, de ne pas y retrouver les termes exacts de la directive, puis, finalement, la rédaction ne m'avait pas semblé si mauvaise et j'avais considéré que l'on pouvait en rester là.

Or vous voulez aller contre cette formulation, maintenant nous l'avons acceptée !

Il nous a semblé, tout simplement, que la CNIL, une fois de plus, est parfaitement juge de l'intérêt public. C'est un travail qu'elle fait quotidiennement et à longueur de journée. Admettez, monsieur Gautier, qu'ajouter « intérêt public important » ne changera pas grand-chose à la capacité de la CNIL à traiter la question !

Enfin, vous avez évoqué, au détour d'un phrase, la question - je me demandais quand elle allait être abordée - relative à la confusion des genres entre la présidence de la CNIL et le fait d'appartenir au Sénat. Je veux vous répondre, tout d'abord, que cela est conforme à la loi et que l'un de mes augustes prédécesseurs était également sénateur.

Mme Nicole Borvo. Oui, mais pas rapporteur !

M. Alex Türk, rapporteur. Ces derniers jours, un journaliste, qui ne partageait probablement pas mes opinions politiques, m'a dit que, en tant que président de la CNIL, je devais surmonter deux handicaps majeurs : être sénateur et... ne pas être de gauche !

M. Jean Chérioux. Et oui ! C'est un grave péché !

M. Alex Türk, rapporteur. Les grands électeurs pourront décider de me faire quitter le Sénat, mais ils ne me feront pas changer d'opinion politique. Donc, il faudra vous y faire.

A l'avenir, je m'efforcerai, conformément à une discussion que j'ai eue avec le président de la commission des lois, de ne plus être rapporteur pour des textes qui concernent la CNIL.

M. Alex Türk, rapporteur. Cela va de soi !

En ce qui concerne l'examen de ce projet de loi, comme nous pensions qu'il s'agissait d'une dernière lecture, que nous n'aurions à examiner que quelques points restant en discussion...

M. Robert Bret. ... et qu'il n'y avait pas de problème ! (Sourires sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. Alex Türk, rapporteur. ... et que nous n'avions pas envisagé que le débat serait repris d'un bout à l'autre, nous n'avions pas vu de difficulté à ce que je conserve, dans la foulée, mes fonctions de rapporteur.

M. René Garrec, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. A ma demande instante !

M. Robert Bret. C'est là l'erreur !

M. Alex Türk, rapporteur. A la demande instante du président de la commission, j'ai accepté de rester rapporteur. Pour l'avenir, puisque vous semblez avoir besoin d'une telle précision, monsieur Gautier, soyez assurés que je ne serai plus rapporteur sur des textes qui concernent la CNIL.

M. Robert Bret. Dont acte !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Guedj, secrétaire d'Etat. La notion d'intérêt public me paraît suffisante pour permettre à la CNIL d'assurer l'encadrement de cette dérogation.

De plus, si la précision introduite par cet amendement, ne peut rien ajouter au pouvoir d'appréciation de la CNIL, elle peut, en revanche, conduire à des interprétations divergentes. C'est un danger qu'il faut éviter. Pour cette raison le Gouvernement émet un avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Charles Gautier, pour explication de vote.

M. Charles Gautier. Monsieur Türk, depuis le début de notre discussion, on sent bien peser une ambiguïté et il est donc normal que nous en parlions à un moment ou à un autre. J'avais d'ailleurs évoqué subrepticement ce point lors de la discussion générale.

Monsieur le rapporteur, l'ambiguïté ne tient pas au fait que le président de la CNIL soit également sénateur, bien au contraire ! Elle tient au fait que le président de la CNIL soit rapporteur sur ce projet de loi, ce n'est pas du tout la même chose !

M. René Garrec, président de la commission des lois. Il était rapporteur avant !

M. Charles Gautier. C'est si vrai que vous avez pris l'engagement ne plus assumer ce type de fonction si d'aventure le Sénat devait être amené à examiner un texte concernant la CNIL. A l'évidence, nous sommes du même avis.

M. Jean Chérioux. Eh bien, tant mieux !

M. Charles Gautier. Et le trouble est encore plus grand quand on sait que le rapporteur de ce texte à l'Assemblée nationale est également premier vice-président de la CNIL. En conséquence, on ne sait plus si c'est le législateur ou l'institution qui s'exprime.

Cela fait beaucoup pour que l'on évoque le hasard !

M. Jean Chérioux. Toujours la suspicion !

M. Serge Lagauche. Avec vous, c'est normal ! Vous avez des références, monsieur Chérioux !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Alex Türk, rapporteur. Le rapporteur à l'Assemblée nationale n'est absolument pas le premier vice-président de la CNIL, monsieur Gautier. Le premier vice-président de cette institution représente le Conseil économique et social et est un syndicaliste Force ouvrière ! (M. Roger Karoutchi applaudit.) M. Francis Delattre, rapporteur à l'Assemblée nationale, n'a aucune responsabilité exécutive : il est membre de la CNIL, chargé des collectivités locales.

Quoi qu'il en soit, monsieur Gautier, je me permets de vous renvoyer à tous les articles qui fleurissent actuellement dans la presse et dont les auteurs, membres de la CNIL à une époque où ils avaient donné leur accord de principe au texte, considèrent aujourd'hui que le projet de loi doit être revu ! Cette ambiguïté me paraît infiniment plus profonde, d'autant qu'une de ces personnes s'est trouvée être le président de l'Assemblée nationale qui a fait voter la mouture du texte !

Il s'agit là d'une ambiguïté de fond et sur les idées ; or vous me reprochez une ambiguïté statuaire due au fait que, entre temps, je suis devenu président de la CNIL, et dont j'ai discuté avec le président de la commission des lois !

M. Jean Chérioux. C'est l'objectivité socialiste !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 22.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 23, présenté par M. C. Gautier et les membres du groupe Socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

Supprimer les deux derniers alinéas (3° et 4°) du texte proposé par cet article pour l'article 9 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978.

La parole est à M. Charles Gautier.

M. Charles Gautier. L'article 9 de la loi du 6 janvier 1978 énumère les autorités et les personnes qui sont autorisées à traiter des données à caractère personnel relatives aux infractions, les condamnations et les mesures de sûreté.

Il vise les juridictions, les autorités publiques et les personnes morales gérant un service public, à condition qu'elles agissent dans le cadre de leurs attributions légales, et les auxiliaires de justice, pour les stricts besoins de l'exercice des missions qui leur sont confiées par la loi.

Mais au Sénat, puis à l'Assemblée nationale, la majorité a décidé de modifier l'article 9, afin de poser un principe nouveau : la possibilité pour des personnes morales de constituer des fichiers justifiés par les besoins de la prévention, de la lutte contre la fraude et de la réparation du préjudice subi.

Le principe étant posé, elle en a prévu une application directe pour les créateurs au titre de la protection des droits d'auteur. Il s'agit ici d'autoriser clairement les entreprises ou les sociétés privées, voire des associations, à développer des fichiers de suspects.

Certes, le motif - la prévention, la lutte contre la fraude ainsi que la réparation du préjudice subi - paraît, à première vue, légitime.

Pour autant, ce nouveau dispositif risque d'encourager l'émergence de politiques privées de prévention de la délinquance, sans garde-fous. Nous ne pouvons accepter le principe de la constitution de fichiers de police et de relevés de condamnations entre les mains d'organismes dépourvus de mission de service public, tels que ceux de la justice et de la police.

Des anciens membres de la CNIL, dont deux anciens vice-présidents, ont posé les questions suivantes : « Chaque entreprise pourra-t-elle tenir désormais un casier judiciaire de sa clientèle ? Pourra-t-elle le partager avec d'autres entreprises - ou le leur vendre ? Qui le saura ? A quelles fins ? S'agira-t-il de voleurs à l'étalage fichés sans autre forme de procès ? Ou s'agira-t-il d'adolescents qui téléchargent de la musique sur Internet ? »

Il n'est jamais bon de légiférer dans la précipitation.

Ces dispositions ont été adoptées dans un contexte particulier, après une très forte pression médiatique sur la crise dans l'industrie du disque.

Les difficultés que rencontrent les professionnels de l'industrie culturelle sont réelles et méritent que l'on trouve des solutions adaptées. Mais il est très maladroit de vouloir résoudre le problème du piratage dans le cadre législatif de la protection des données.

C'est la voie de la répression contre les internautes et du verrouillage technologique encourageant les dispositifs anticopie sur les fichiers numériques et les CD qui, à ce jour, a été choisie. II s'agit d'une vision à court terme et, s'agissant de la répression contre les internautes, la solution retenue est techniquement inapplicable, sauf à criminaliser tous les utilisateurs qui échangent des fichiers musicaux ou des films en France et à l'étranger.

Pourtant des solutions existent. On pourrait considérer le téléchargement via Internet comme de la copie privée et rémunérer les auteurs en taxant les disques durs ou les fournisseurs d'accès.

Le Conseil économique et social s'est prononcé tout récemment sur un projet d'avis qui propose des alternatives au tout-répressif en matière de droits d'auteur sur Internet.

Aujourd'hui même, le ministre de la culture a convié tous les protagonistes à une grande réunion de concertation, y compris, paraît-il, de jeunes pirates parce que le Gouvernement craint que ses prises de position n'instaurent une fracture avec la jeunesse.

Il faudra bien, quoi qu'il en soit, intégrer ces nouvelles formes de consommation tout en protégeant les auteurs et les titulaires de droits voisins.

Pour toutes ces raisons nous vous proposons de supprimer les deux derniers alinéas du texte proposé pour l'article 9 de la loi du 6 janvier 1978.

M. le président. L'amendement n° 3, présenté par M. Bret et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Supprimer le 3° du II du texte proposé par cet article pour l'article 9 de la loi n° 7817 du 6 janvier 1978.

La parole est à M. Robert Bret.

M. Robert Bret. Cet article, introduit en première lecture par un amendement de la commission des lois du Sénat, crée, en contradiction avec les principes traditionnels de notre droit, une nouveauté, qui consiste à donner la possibilité à une personne morale victime d'infractions de constituer un fichier d'infractions.

Le droit réserve actuellement la possibilité de créer des fichiers d'infractions, de condamnations et de mesures de sûreté aux seules juridictions ainsi qu'à quelques autorités publiques gérant un service public déterminé et à certains auxiliaires de justice dans des conditions très précises. C'est le cas, par exemple, de l'administration fiscale ou de la Banque de France.

Les autres personnes morales disposent d'un droit d'accès limité à ces fichiers afin de préserver le droit à la vie privée et le droit à l'oubli des personnes faisant l'objet de tels traitements.

Or, avec le présent article, nous entrons dans une toute autre logique, puisque le caractère très général de sa rédaction permet désormais à tout organisme et à toute entreprise de constituer son propre « casier judiciaire » privé, ce qui apparaît, en fin de compte, comme une légitimation des « listes noires » de clients, déjà pratiquées, on le sait, par les loueurs de voitures, notamment.

Selon vos propres termes, monsieur le rapporteur, il s'agit « d'éviter la mise en place d'un certain nombre de fichiers clandestins ». Tel est donc le rôle du législateur aujourd'hui : légaliser des pratiques plutôt que définir des principes !

Cet article est d'autant plus inquiétant que sa portée générale ne permet d'avoir aucune garantie sur son champ d'application ni sur l'utilisation de tels fichiers. En l'état actuel du texte, n'en déplaise à M. le rapporteur, rien n'interdit la « mutualisation des données entre sociétés », qui consiste en des systèmes de partage ou de revente de fichiers. On en mesure aisément les conséquences du point de vue des libertés individuelles. Et nous sommes tous témoins !

En le rapprochant d'autres articles du projet de loi, les risques sont d'autant plus grands de voir se constituer des fichiers attentatoires à la vie privée, alors que ces données ne sont pas répertoriées dans la catégorie des données sensibles - vous avez, je le rappelle, refusé notre amendement qui élargissait ce champ à l'intimité sociale de la personne.

Ces données pourront être collectées sans le consentement de la personne et sans que le droit d'accès à ces informations puisse être garanti. D'autant que, dès lors qu'on sera dans le cadre d'une entreprise disposant d'un correspondant de la CNIL, ces fichiers seront exemptés de toute déclaration.

Je vous en prie, mes chers collègues, reprenons raison et n'acceptons pas ainsi un transfert de l'un des attributs de la justice à des personnes dépourvues de missions de police ou de justice.

M. le président. L'amendement n° 4, présenté par M. Bret et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Supprimer le 4° du II du texte proposé par cet article pour l'article 9 de la loi n° 7817 du 6 janvier 1978.

La parole est à M. Robert Bret.

M. Robert Bret. Selon un adage romain bien connu, « Plus l'Etat se décompose, plus les lois pullulent ». La présente session extraordinaire m'y fait fortement penser.

Vous voulez légiférer dans tous les domaines. Soit ! Mais l'ordre que vous prônez, à y regarder de près, voudrait venir en aide à une régulation économique impossible, puisque la liberté individuelle et le droit à la concurrence - qui sont vos credos - génèrent un merveilleux désordre.

Le 4° de l'article 9 de la loi de 1978, tel qu'il nous revient de l'Assemblée nationale, s'affiche comme une volonté de défense du droit d'auteur. Nous partageons la cause, mais certainement pas les modalités.

Avec la loi sur l'économie numérique, vous aviez déjà justifié l'abaissement du niveau de protection de la correspondance privée des messageries électroniques personnelles par la volonté de défendre le droit d'auteur ; il s'agissait de pouvoir lutter directement contre le peer to peer en permettant de traquer ce type de fichiers directement dans les e-mails.

Nous avions dit à l'époque que la fin ne pouvait certainement pas justifier les moyens employés. Vous récidivez aujourd'hui en autorisant directement les sociétés de défense des droits d'auteur à constituer des fichiers de ces internautes « délinquants du droit d'auteur ». Je ne suis d'ailleurs pas sûr, à la réflexion, que le précédent alinéa, que vous avez choisi de maintenir en rejetant notre amendement de suppression, n'autorise pas les majors, en tant qu'éditeurs, à constituer également de tels fichiers.

Si nous comprenons la nécessité de lutter contre la fraude, nous ne voulons pas créer « un délit d'habitude » quand un jeune réalise une copie pour lui-même. Il convient en effet de distinguer l'usage personnel du trafic en vue de la revente, distinction qui n'apparaît pas dans le texte.

En outre, nous avons toujours plaidé en faveur d'une réflexion beaucoup plus large sur les droits d'auteur. Plutôt que de chercher les solutions dans la répression des jeunes, il faut, par exemple, réfléchir au prix du disque et inventer de nouvelles formes de rémunération pour les auteurs.

En tout état de cause, vouloir régler la question dans un texte qui ne concerne absolument pas les droits d'auteur ne me semble pas une bonne solution, d'autant que votre disposition ne s'articule pas avec le droit à la copie privée reconnu par la loi du 3 juillet 1985.

Pour toutes ces raisons nous vous demandons, mes chers collègues, d'adopter notre amendement de suppression.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Alex Türk, rapporteur. Ces trois amendements portent sur le problème de la constitution de fichiers d'infractions, qui concernent deux domaines vraiment différents.

Dans le premier cas, il s'agit de l'hypothèse dans laquelle une personne morale de droit privé pourrait créer un traitement de données à caractère personnel relatives aux infractions.

Plusieurs points doivent être précisés.

Premièrement, cette possibilité est ouverte par la directive de 1995 elle-même. Certes, ce n'est pas parce que cette directive ouvre une brèche que nous sommes obligés de nous y engouffrer. Je le signale tout de même afin de montrer que cette possibilité n'est pas aberrante, puisque cette pratique existe dans d'autres pays européens.

Deuxièmement, vous avez fait référence, monsieur Bret, au problème que posent les fichiers clandestins. Mais vous avez eu tort de vous montrer ironique.

Quelle est la réalité ? Nous soupçonnons que ces fichiers existent d'une manière clandestine. Je préfère mille fois, si tel est le cas, mettre en place un cadre juridique afin d'améliorer le contrôle plutôt que de m'enfouir la tête dans le sable et de les laisser exister.

Il n'est absolument pas question, pour le législateur, de favoriser des activités clandestines. Il s'agit de les repérer si elles existent, de les encadrer juridiquement, et de les interdire le cas échéant.

Troisièmement, si ce projet de loi, comme je l'espère, est adopté aujourd'hui même, rien ne changera ce soir sur ce point, puisque vous avez oublié de rappeler un aspect fondamental : il faudra adopter un autre projet de loi pour mettre en oeuvre cette disposition.

Le projet de loi que nous sommes en train d'examiner fixe le principe que le législateur, s'il le souhaite, pourra autoriser une personne morale de droit privé à créer des fichiers d'infractions. Cette mesure pourrait être considérée comme un curieux montage juridique, mais elle devrait plutôt vous rassurer. Nous nous retrouverons alors ici pour en discuter le moment venu. Nous n'ouvrons donc aucune vanne dangereuse, puisque tout est verrouillé par le législateur.

J'ajoute que, ce qui fera le lien entre les trois points que je viens d'évoquer, l'objectif consiste à sortir ces pratiques de la clandestinité et à les soumettre aux règles de droit commun. Je pense, par exemple, au droit d'accès, au droit de rectification, au droit d'opposition ; bref, je pense à tous les droits qui sont conférés à nos concitoyens afin qu'ils puissent défendre leur liberté et, surtout, assurer la protection de leurs données personnelles.

On constate que le mécanisme est en fait assez logique : le législateur pourra, s'il le souhaite, autoriser la création dans tel cas de tel type de fichiers d'infractions. Instantanément, l'ensemble du droit commun protecteur, qui est contrôlé par la Commission nationale de l'informatique et des libertés, s'appliquera aux fichiers en question, qui pouvaient être clandestins ou qui n'existaient pas auparavant.

Le second cas est de même nature juridique, mais il diffère dans son application, puisqu'il s'agit essentiellement de la question des droits d'auteur.

Je ne reprendrai pas toute la discussion sur ce sujet. Je crois qu'il faut désormais assumer nos responsabilités. La situation est grave et nécessite des réactions urgentes.

J'ai pu le vérifier auprès d'un certain nombre d'interlocuteurs au cours des dernières semaines, les choses ne sont pas si simples. Une partie du patrimoine culturel est tout de même en jeu et de nombreuses grandes sociétés américaines n'ont, d'une certaine façon, qu'à attendre, car les sociétés françaises sont moins fortes dans ce domaine d'activité. A la fin ne resteront que les puissants.

L'objectif est donc d'essayer de donner les moyens à ces sociétés de résister à cette attaque qui est organisée d'une manière larvée et qui est fondée sur l'inertie. C'est la raison pour laquelle nous avons pensé qu'il était judicieux de l'inscrire dans le dispositif dès maintenant pour ne pas perdre une journée dans la lutte contre ces éventuels détournements.

Il est vrai que, sur le plan éthique, on ne peut peut-être pas mettre au même niveau le cas du jeune qui réalise une copie avec le piratage organisé. Mais il faut tout de même fixer un cadre juridique afin de distinguer clairement ce qui est légal de ce qui ne l'est pas. C'est l'objectif que nous visons avec la rédaction que nous avons retenue.

C'est pourquoi j'invite le Sénat à rejeter ces amendements.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Guedj, secrétaire d'Etat. Concernant l'amendement n° 3, je partage entièrement les propos de M. le rapporteur et je confirme que des dispositions législatives seront nécessaires.

L'amendement n° 4 supprime la possibilité ouverte à des personnes morales qui gèrent ou défendent le droit d'auteur, par exemple la SACEM, d'opérer des traitements leur permettant de prévenir et, si nécessaire, de lutter contre les nouvelles pratiques de contrefaçon qui se développent sur Internet. Sans cette mesure introduite par l'Assemblée nationale, la plupart des victimes d'infraction de cette nature se heurteraient à l'impossibilité de rapporter la preuve des atteintes à leurs droits.

Je précise en outre que les traitements qu'il s'agit de rendre possible seront soumis au cas par cas à la procédure d'autorisation préalable sur décision directe rendue par la CNIL. Par ailleurs, celle-ci exercera naturellement, vis-à-vis de ces traitements, ses entiers pouvoirs de contrôle a posteriori.

Ces considérations valent également pour l'amendement n° 23.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur ces trois amendements.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 23.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 3.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 4.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 24, présenté par M. C. Gautier et les membres du groupe Socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

Dans le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 10 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 après le mot :

destiné

insérer les mots :

à définir le profil de l'intéressé ou

La parole est à M. Charles Gautier.

M. Charles Gautier. En première lecture, l'Assemblée nationale avait rétabli la référence à la notion de profil de l'intéressé mentionnée à l'actuel article 2 de la loi du 6 janvier 1978. La CNIL avait jugé en son temps cette notion plus neutre et plus familière en France.

Il s'agit d'une modification qu'il convient d'approuver, car elle permet de maintenir un niveau équivalent de protection par rapport à l'existant, alors que l'article 15 de la directive, qui inspire la rédaction du présent article 10, n'évoque que la personnalité de l'intéressé.

Mais, curieusement, la référence à la notion de profil n'a été introduite que dans le second alinéa de cet article pour les décisions produisant des effets juridiques à l'égard des personnes sans que soient concernées les décisions de justice visées au premier alinéa et impliquant une appréciation sur le comportement de la personne.

Or, dans ces deux cas, la problématique est identique : il s'agit d'éviter que ces informations ne deviennent des casiers judiciaires parallèles non contrôlés et d'empêcher qu'elles produisent des effets stigmatisants.

C'est la raison pour laquelle cet amendement vise à rétablir, à l'instar du deuxième alinéa, la référence à la notion de profil de l'intéressé dans le cas de décisions de justice impliquant une appréciation sur le comportement d'une personne.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Alex Türk, rapporteur. Il est vrai que sur le plan esthétique - si j'ose dire ! - on peut, dans un premier temps, être sensible à la nécessité d'un parallélisme entre les deux hypothèses. Après réflexion, je ne partage pas votre point de vue, car ce sont deux problématiques différentes.

La première englobe une hypothèse susceptible de se produire dans le secteur privé. Cette préoccupation, je la comprends, nous la partageons, et l'Assemblée nationale a résolu le problème.

La deuxième vise des décisions de l'autorité judiciaire. Or j'ai beau y réfléchir, franchement, je ne vois pas dans quelle circonstance un magistrat pourrait rendre une décision de justice exclusivement fondée sur le comportement.

Donc, je ne vois pas comment on peut appliquer cette notion, certes, parfaitement fondée dans le cas du secteur privé mais inutile s'il s'agit d'une décision judiciaire.

La restauration du parallélisme ne me semble pas obligatoire. C'est la raison pour laquelle la commission émet un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Guedj, secrétaire d'Etat. J'ajouterai même que ce parallélisme me paraîtrait complètement inadapté. C'est pourquoi le Gouvernement émet un avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 24.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 2.

(L'article 2 est adopté.)

Art. 2
Dossier législatif : projet de loi relatif à la protection des personnes physiques à l'égard des traitements de données à caractère personnel et modifiant la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés
Art. 4

Article 3

Le chapitre III de la loi no 78-17 du 6 janvier 1978 précitée est ainsi rédigé :

« CHAPITRE III

« La Commission nationale de l'informatique et des libertés

« Art. 11. - La Commission nationale de l'informatique et des libertés est une autorité administrative indépendante. Elle exerce les missions suivantes :

« 1° A Elle informe toutes les personnes concernées et tous les responsables de traitements de leurs droits et obligations ;

« 1° Elle veille à ce que les traitements de données à caractère personnel soient mis en oeuvre conformément aux dispositions de la présente loi.

« A ce titre :

« a) Elle autorise les traitements mentionnés à l'article 25, donne un avis sur les traitements mentionnés aux articles 26 et 27 et reçoit les déclarations relatives aux autres traitements ;

« b) Elle établit et publie les normes mentionnées au I de l'article 24 et édicte, le cas échéant, des règlements types en vue d'assurer la sécurité des systèmes ;

« c) Elle reçoit les réclamations, pétitions et plaintes relatives à la mise en oeuvre des traitements de données à caractère personnel et informe leurs auteurs des suites données à celles-ci ;

« d) Elle répond aux demandes d'avis des pouvoirs publics et, le cas échéant, des juridictions, et conseille les personnes et organismes qui mettent en oeuvre ou envisagent de mettre en oeuvre des traitements automatisés de données à caractère personnel ;

« e) Elle informe sans délai le procureur de la République, conformément à l'article 40 du code de procédure pénale, des infractions dont elle a connaissance, et peut présenter des observations dans les procédures pénales, dans les conditions prévues à l'article 52 ;

« f) Elle peut, par décision particulière, charger un ou plusieurs de ses membres ou des agents de ses services, dans les conditions prévues à l'article 44, de procéder à des vérifications portant sur tous traitements et, le cas échéant, d'obtenir des copies de tous documents ou supports d'information utiles à ses missions ;

« g) Elle peut, dans les conditions définies au chapitre VII, prononcer à l'égard d'un responsable de traitement l'une des mesures prévues à l'article 45 ;

« h) Elle répond aux demandes d'accès concernant les traitements mentionnés aux articles 41 et 42 ;

« 2° A la demande d'organisations professionnelles ou d'institutions regroupant principalement des responsables de traitements :

« a) Elle donne un avis sur la conformité aux dispositions de la présente loi des projets de règles professionnelles et des produits et procédures tendant à la protection des personnes à l'égard du traitement de données à caractère personnel, ou à l'anonymisation de ces données, qui lui sont soumis ;

« b) Elle porte une appréciation sur les garanties offertes par des règles professionnelles qu'elle a précédemment reconnues conformes aux dispositions de la présente loi, au regard du respect des droits fondamentaux des personnes ;

« c) Elle délivre un label à des produits ou à des procédures tendant à la protection des personnes à l'égard du traitement des données à caractère personnel, après qu'elles les a reconnus conformes aux dispositions de la présente loi ;

« 3° Elle se tient informée de l'évolution des technologies de l'information et rend publique le cas échéant son appréciation des conséquences qui en résultent pour l'exercice des droits et libertés mentionnés à l'article 1er ;

« A ce titre :

« a) Elle est consultée sur tout projet de loi ou de décret relatif à la protection des personnes à l'égard des traitements automatisés ;

« b) Elle propose au Gouvernement les mesures législatives ou réglementaires d'adaptation de la protection des libertés à l'évolution des procédés et techniques informatiques ;

« b bis) A la demande d'autres autorités administratives indépendantes, elle peut apporter son concours en matière de protection des données ;

« c) Elle peut être associée, à la demande du Premier ministre, à la préparation et à la définition de la position française dans les négociations internationales dans le domaine de la protection des données à caractère personnel. Elle peut participer, à la demande du Premier ministre, à la représentation française dans les organisations internationales et communautaires compétentes en ce domaine.

« Pour l'accomplissement de ses missions, la commission peut procéder par voie de recommandation et prendre des décisions individuelles ou réglementaires dans les cas prévus par la présente loi.

« La commission présente chaque année au Président de la République, au Premier ministre et au Parlement un rapport public rendant compte de l'exécution de sa mission.

« Art. 12 - Non modifié.

« Art. 13. - I. - La Commission nationale de l'informatique et des libertés est composée de dix-sept membres :

« 1° Deux députés et deux sénateurs, désignés respectivement par l'Assemblée nationale et par le Sénat ;

« 2° Deux membres du Conseil économique et social, élus par cette assemblée ;

« 3° Deux membres ou anciens membres du Conseil d'Etat, d'un grade au moins égal à celui de conseiller, élus par l'assemblée générale du Conseil d'Etat ;

« 4° Deux membres ou anciens membres de la Cour de cassation, d'un grade au moins égal à celui de conseiller, élus par l'assemblée générale de la Cour de cassation ;

« 5° Deux membres ou anciens membres de la Cour des comptes, d'un grade au moins égal à celui de conseiller maître, élus par l'assemblée générale de la Cour des comptes ;

« 6° Trois personnalités qualifiées pour leur connaissance de l'informatique ou des questions touchant aux libertés individuelles, nommées par décret ;

« 7° Deux personnalités qualifiées pour leur connaissance de l'informatique, désignées respectivement par le Président de l'Assemblée nationale et par le Président du Sénat.

« La commission élit en son sein un président et deux vice-présidents, dont un vice-président délégué. Ils composent le bureau.

« La formation restreinte de la commission est composée du président, des vice-présidents et de trois membres élus par la commission en son sein pour la durée de leur mandat.

« En cas de partage égal des voix, celle du président est prépondérante.

II. - Le mandat des membres de la commission mentionnés aux 3°, 4°, 5°, 6° et 7° du I est de cinq ans ; il est renouvelable une fois. Les membres mentionnés aux 1° et 2° siègent pour la durée du mandat à l'origine de leur désignation ; leurs mandats de membre de la Commission nationale de l'informatique et des libertés ne peuvent excéder une durée de dix ans.

« Le membre de la commission qui cesse d'exercer ses fonctions en cours de mandat est remplacé, dans les mêmes conditions, pour la durée de son mandat restant à courir.

« Sauf démission, il ne peut être mis fin aux fonctions d'un membre qu'en cas d'empêchement constaté par la commission dans les conditions qu'elle définit.

« La commission établit un règlement intérieur. Ce règlement fixe les règles relatives à l'organisation et au fonctionnement de la commission. Il précise notamment les règles relatives aux délibérations, à l'instruction des dossiers et à leur présentation devant la commission.

« III. - Supprimé.

« Art. 14. - non modifié.

« Art. 15. - Sous réserve des compétences du bureau et de la formation restreinte, la commission se réunit en formation plénière.

« En cas de partage égal des voix, la voix du président est prépondérante.

« La commission peut charger le président ou le vice-président délégué d'exercer celles de ses attributions mentionnées :

« - au troisième alinéa du I de l'article 23 ;

« - aux e et f du 1° de l'article 11 ;

« - au c du 1° de l'article 11 ;

« - au c du 3° de l'article 11 ;

« - aux articles 41 et 42 ;

« - à l'article 54 ;

« - aux articles 63, 64 et 65 ;

« - au dernier alinéa de l'article 69 ;

« - au premier alinéa de l'article 70.

« Art. 16. - Le bureau peut être chargé par la commission d'exercer les attributions de celle-ci mentionnées :

« - au dernier alinéa de l'article 19 ;

« - à l'article 25, en cas d'urgence ;

« - au second alinéa de l'article 70.

« Le bureau peut aussi être chargé de prendre, en cas d'urgence, les décisions mentionnées au premier alinéa du I de l'article 45.

« Art. 17. - Non modifié.

« Art. 18. - Un commissaire du Gouvernement, désigné par le Premier ministre, siège auprès de la commission. Des commissaires adjoints peuvent être désignés dans les mêmes conditions.

« Le commissaire du Gouvernement assiste à toutes les délibérations de la commission réunie en formation plénière ou en formation restreinte, ainsi qu'à celles des réunions de son bureau qui ont pour objet l'exercice des attributions déléguées en vertu de l'article 16 ; il est rendu destinataire de tous ses avis et décisions.

« Il peut, sauf en matière de sanctions, provoquer une seconde délibération, qui doit intervenir dans les dix jours de la délibération initiale.

« Art. 19 et 20. - Non modifiés.

«Art. 21. - Dans l'exercice de leurs attributions, les membres de la commission ne reçoivent d'instruction d'aucune autorité.

« Les ministres, autorités publiques, dirigeants d'entreprises publiques ou privées, responsables de groupements divers et plus généralement les détenteurs ou utilisateurs de traitements ou de fichiers de données à caractère personnel ne peuvent s'opposer à l'action de la commission ou de ses membres et doivent au contraire prendre toutes mesures utiles afin de faciliter sa tâche.

« Sauf dans les cas où elles sont astreintes au secret professionnel, les personnes interrogées dans le cadre des vérifications faites par la commission en application du f du 1° de l'article 11 sont tenues de fournir les renseignements demandés par celle-ci pour l'exercice de ses missions. »

M. le président. L'amendement n° 25, présenté par M. C. Gautier et les membres du groupe Socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le début du vingt deuxième alinéa (c du 3°) du texte proposé par cet article pour l'article 11 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés :

Elle est associée, à la demande du Premier ministre, à la préparation de la position française...

La parole est à M. Charles Gautier.

M. Charles Gautier. En première lecture, le Sénat a adopté, sur proposition du rapporteur, un amendement assurant l'association de la CNIL à la définition de la position française et sa participation, à la demande du Premier ministre, à la représentation française dans les organisations internationales et communautaires compétentes.

L'extension des missions de la CNIL est bienvenue dans ce dernier domaine, car elle lui assurera de meilleures conditions pour recevoir toutes les informations utiles sur le déroulement des négociations internationales relatives à la protection des données à caractère personnel, même si cet objectif est déjà en partie largement atteint.

Il n'en va pas de même s'agissant de la participation de la CNIL à la définition de la position française. Une telle disposition empiète manifestement sur les prérogatives du pouvoir exécutif en matière de négociations internationales.

Dès lors que des assurances ont été prises par les rapporteurs de chacune des deux assemblées sur l'entière liberté d'action du Gouvernement dans ce domaine, on ne voit guère l'intérêt de maintenir cette précision.

Que devient la spécificité d'une institution dont le fonctionnement repose sur le principe de la collégialité ?

Nous pensons enfin qu'il existe une incompatibilité entre l'association de la CNIL à la définition même de la position française dans les négociations internationales et sa nature d'autorité indépendante solennellement affirmée par le premier alinéa de l'article 11 modifié.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Alex Türk, rapporteur. J'avoue avoir eu du mal à comprendre cet amendement.

Si je vois bien où vous voulez en venir, je n'en trouve pas moins la formulation quelque peu insolite. Vous commencez par proposer que l'association de la CNIL aux travaux soit systématique plutôt que facultative.

Sur ce point, je vous réponds que la pratique montre que la question ne se pose pas véritablement. J'ai fait vérifier qu'aujourd'hui, c'est incontestable, la CNIL est systématiquement associée aux discussions interministérielles, notamment aux travaux du SGCI, le secrétariat général du comité interministériel.

Si je reprends votre argument de l'indépendance, il me paraît assez légitime de considérer que l'exécutif a la maîtrise de la question. C'est à lui qu'il appartient de définir la position internationale et donc de dire s'il souhaite ou non associer la CNIL. Il se trouve que les choses se passent bien dans la pratique, ce dont je me félicite.

Vous poursuivez en nous disant qu'être associé à la préparation serait une chose, alors qu'être associé à la définition mettrait en cause l'indépendance. Je ne le crois pas, je l'avais d'ailleurs signalé au cours des débats en première lecture.

Dans la réalité, quand je présidais il y a quelques années l'Autorité de contrôle de Schengen, il m'arrivait bien souvent de demander aux Allemands quelle était la position française. En effet, n'ayant pas la possibilité d'aller jusqu'au bout de la définition d'une politique, je n'étais pas informé. Cette lacune est désormais comblée, et je m'en félicite.

Quant à la suite de votre argumentation, sachez qu'il est parfaitement possible à la CNIL de dire qu'elle participe jusqu'à tel moment et de reprendre ensuite son champ d'action pour que chacun préserve son indépendance. Sur le terrain, la question ne s'est jamais posée.

Au bout du compte, il eût été plus logique de poser le problème uniquement dans un sens ou dans l'autre : ou bien on considère que c'est une faculté et, à ce moment-là, on ne participe pas à la définition ; ou bien on considère que c'est une obligation, et on participe nécessairement à la définition.

L'amendement que vous proposez est un peu bancal, si je puis dire. Aussi, la commission émet un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Guedj, secrétaire d'Etat. Il faut maintenir la rédaction actuelle, qui me paraît préserver le pouvoir d'appréciation et la décision de l'exécutif tout en sauvegardant l'indépendance de la CNIL.

Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 25.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 26, présenté par M. C. Gautier et les membres du groupe Socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

Dans le huitième alinéa (7°) du I du texte proposé par cet article pour l'article 13 de la loi n° 7817 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, après les mots :

leur connaissance de l'informatique

insérer les mots :

ou des questions touchant aux libertés individuelles.

La parole est à M. Charles Gautier.

M. Charles Gautier. S'agissant de la composition de la CNIL, le Sénat a, en première lecture, élargi les critères qui doivent être pris en compte pour la désignation des personnalités qualifiées. Ils concernent les connaissances non seulement en matière informatique mais également sur des questions touchant aux libertés individuelles.

Cet ajout est appréciable, car il permet de ne pas nommer seulement des techniciens de l'informatique. L'Assemblée nationale, qui en est tout à fait convenue, a maintenu cette extension des qualifications.

Poursuivant la même logique, cet amendement tend à aligner, dans un souci de cohérence, mais aussi pour réparer un oubli manifeste, le 7° sur le 6° ainsi modifié visant les deux personnalités qualifiées désignées respectivement par le président du Sénat et par le président de l'Assemblée nationale.

Il convient en effet d'envisager la désignation de ces personnalités au regard de leurs connaissances sur les questions se rapportant aussi aux libertés individuelles.

En première lecture, le rapporteur de la commission des lois déclarait que, dès lors que le Sénat avait admis l'idée que les membres de la CNIL devaient être compétents en matière soit d'informatique, soit de libertés individuelles, il était légitime d'avoir la même exigence à l'égard des membres désignés par le président de l'Assemblée nationale et par le président du Sénat.

Nous pensons également qu'il n'existe aucune raison d'instaurer une différence. Tel est l'objet du présent amendement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Alex Türk, rapporteur. Il est vrai qu'une certaine ambiguïté avait régné lors de la première lecture : vous aviez déposé l'amendement, puis vous l'aviez retiré.

A l'époque, je le reconnais, je n'avais pas considéré que l'alignement des deux notions posait un problème.

La réflexion que je vous livrerai maintenant est tirée de la pratique qui est désormais la mienne. D'abord, on peut quand même soutenir l'idée qu'il est peut-être plus logique de mieux corseter le choix des personnalités qualifiées venant de l'exécutif plutôt que celui des personnalités venant du législatif. Après tout, le pouvoir législatif, moins sensible aux vertus de la technocratie, a sa totale liberté de choix.

Ensuite, la pratique a montré que le problème ne se posait pas. Voilà quelques semaines, en effet, le président du Sénat a désigné un conseiller de la Cour des comptes, qui n'était pas un spécialiste de l'informatique. Quant au président de l'Assemblée nationale, il a désigné un professeur de droit, spécialiste des problèmes de liberté.

C'est bien la preuve qu'alors même que rien n'était prévu dans le texte, on a tout naturellement recherché des gens certes dotés - quand c'était possible - d'une certaine connaissance de l'informatique, mais également riches d'une solide expérience en matière de protection des libertés.

C'est la raison pour laquelle cet amendement n'est plus fondamental. La commission y est défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Guedj, secrétaire d'Etat. Sur les dix-sept personnes qui seront amenées à siéger au sein de cette commission, beaucoup seront nécessairement des juristes. Il est très important de pouvoir aussi s'assurer la présence de compétences réelles dans le domaine informatique. Il est souhaitable de préserver cet équilibre.

C'est la raison pour laquelle le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 26.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 27, présenté par M. C. Gautier et les membres du groupe Socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

Au début du dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 21 de la loi n° 7817 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, supprimer les mots :

Sauf dans le cas où elles sont astreintes au secret professionnel,

La parole est à M. Charles Gautier.

M. Charles Gautier. Nous abordons, avec cet amendement, une question très intéressante qui se rapporte aux conditions d'exercice de leurs missions par les membres de la CNIL.

L'article 21 modifié prend acte, en quelque sorte, de la qualité d'autorité indépendante de la CNIL. Toutefois, celle-ci n'est plus dotée des prérogatives habituellement reconnues aux autorités indépendantes.

Des pouvoirs d'autorité lui sont bien réservés dans la mesure où « les ministres, autorités publiques, dirigeants d'entreprises publiques ou privées, responsables de groupements divers et plus généralement les détenteurs ou utilisateurs de traitements ou de fichiers de données à caractère personnel ne peuvent s'opposer à l'action de la commission ou de ses membres et doivent au contraire prendre toutes mesures utiles afin de faciliter sa tâche ».

Cette dernière précision a été adoptée fort opportunément par le Sénat en première lecture. Mais ce faisant, le Sénat n'a fait que reprendre l'existant, qui figure au dernier alinéa de l'actuel article 21 de la loi du 6 janvier 1978.

Ces pouvoirs sont assortis d'une sanction : soit une sanction administrative prononcée par la CNIL, soit des sanctions pénales pour entrave.

En apparence, la CNIL n'est pas désarmée. Pourtant, le champ même de ses pouvoirs propres d'investigation est réduit.

En effet, les personnes interrogées pourront lui opposer n'importe quel secret professionnel puisque la loi ne fait pas de distinction. La loi en vigueur est plus précise sur ce point, car elle vise bien les informaticiens qui, appelés à témoigner devant la CNIL, sont déliés en tant que de besoin de leur obligation de discrétion.

Jusqu'à présent, la CNIL peut donc procéder à des vérifications sur place sans obstacle. La loi nouvelle ne le lui permettrait plus.

Nous sommes opposés à cet amoindrissement considérable d'un des moyens de défense des libertés dans un domaine hautement sensible.

S'il est toujours utile de conférer aux dispositions législatives une valeur pédagogique, encore faut-il que cette aspiration ne vienne pas contrarier la tâche de la CNIL dans l'exercice de son pouvoir de contrôle sur place et sur pièces.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Alex Türk, rapporteur. Nous revenons ici sur une question dont nous avons déjà débattu à plusieurs reprises.

Il faut bien comprendre qu'en réalité la CNIL ne sera pas moins armée après le vote de cette loi qu'elle ne l'est aujourd'hui même.

Si la CNIL était confrontée à ce genre de difficultés, elle pourrait recourir à des moyens coercitifs tel que le délit d'entrave.

En outre, à bien regarder les deux mécanismes juridiques, on constate que le système tel qu'il sera en vigueur après le vote de cette loi ne fera que pérenniser l'existant. D'ailleurs, le garde des sceaux l'avait fait expressément remarquer à la tribune de l'Assemblée nationale, soulignant que ce dispositif ne remettait pas en cause les pouvoirs de la CNIL en la matière. Dans les pouvoirs de la CNIL, la question des moyens du contrôle l'emporte sur cet aspect.

Or, nous avons décidé de faire en sorte que la CNIL puisse disposer de moyens de contrôle beaucoup plus puissants. C'est tout l'objet d'un grand nombre de dispositions de ce texte sur lesquelles il n'y a plus de débat.

Dans la pratique, il a été décidé de passer d'une trentaine de contrôles l'année dernière à une centaine cette année. Et ils sont amenés à se développer de plus en plus. Cela veut dire que l'affirmation selon laquelle la CNIL ne sera plus en mesure d'exercer son contrôle sur place est dénuée de fondement : tout le texte est conçu pour développer de manière prioritaire la fonction de contrôle.

Et croyez-le, tout commissaire de la CNIL, quelle que soit sa sensibilité, non seulement continuera, mais développera sa politique de contrôle. Pour ce faire, la CNIL utilisera tous les moyens nécessaires. Et l'exercice de son pouvoir de contrôle ne sera pas compromis par l'invocation du secret professionnel.

Cela ne change pas le fond du droit existant. Ce qui importe, c'est que la CNIL démontre sur le terrain sa volonté de mener réellement une politique de contrôle.

Pour toutes ces raisons la commission est défavorable à cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Guedj, secrétaire d'Etat. Avis tout aussi défavorable, monsieur le président. La CNIL est, en effet, en mesure d'effectuer ses investigations et d'exercer son pouvoir de contrôle, nonobstant le secret professionnel auquel nous demeurons très attachés.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 27.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Je mets aux voix l'article 3.

(L'article 3 est adopté.)

Art. 3
Dossier législatif : projet de loi relatif à la protection des personnes physiques à l'égard des traitements de données à caractère personnel et modifiant la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés
Art. 5

Article 4

Le chapitre IV de la loi no 78-17 du 6 janvier 1978 précitée est ainsi rédigé :

« CHAPITRE IV

« Formalités préalables à la mise en oeuvre des traitements

« Art. 22. - I. - A l'exception de ceux qui relèvent des dispositions prévues aux articles 25, 26 et 27 ou qui sont visés au second alinéa de l'article 36, les traitements automatisés de données à caractère personnel font l'objet d'une déclaration auprès de la Commission nationale de l'informatique et des libertés.

« II. - Toutefois, ne sont soumis à aucune des formalités préalables prévues au présent chapitre :

« 1° Les traitements ayant pour seul objet la tenue d'un registre qui, en vertu de dispositions législatives ou réglementaires, est destiné exclusivement à l'information du public et est ouvert à la consultation de celui-ci ou de toute personne justifiant d'un intérêt légitime ;

« 2° Les traitements mentionnés au 2° du II de l'article 8.

« II bis. - Les traitements pour lesquels le responsable a désigné un correspondant à la protection des données à caractère personnel chargé d'assurer, d'une manière indépendante, le respect des obligations prévues dans la présente loi sont dispensés des formalités prévues aux articles 23 et 24, sauf lorsqu'un transfert de données à caractère personnel à destination d'un Etat non membre de la Communauté européenne est envisagé.

« La désignation du correspondant est notifiée à la Commission nationale de l'informatique et des libertés. Elle est portée à la connaissance des instances représentatives du personnel.

« Le correspondant est une personne bénéficiant des qualifications requises pour exercer ses missions. Il tient une liste des traitements effectués immédiatement accessible à toute personne en faisant la demande et ne peut faire l'objet d'aucune sanction de la part de l'employeur du fait de l'accomplissement de ses missions. Il peut saisir la Commission nationale de l'informatique et des libertés des difficultés qu'il rencontre dans l'exercice de ses missions.

« En cas de non-respect des dispositions de la loi, le responsable du traitement est enjoint par la Commission nationale de l'informatique et des libertés de procéder aux formalités prévues aux articles 23 et 24. En cas de manquement constaté à ses devoirs, le correspondant est déchargé de ses fonctions sur demande, ou après consultation, de la Commission nationale de l'informatique et des libertés.

« III. - Le responsable d'un traitement de données à caractère personnel qui n'est soumis à aucune des formalités prévues au présent chapitre communique à toute personne qui en fait la demande les informations relatives à ce traitement mentionnées aux 2° à 6° du I de l'article 31.

« Section 1

« Déclaration

« Art. 23 et 24. - Non modifiés.

« Section 2

« Autorisation

« Art. 25. - I. - Sont mis en oeuvre après autorisation de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, à l'exclusion de ceux qui sont mentionnés aux articles 26 et 27 :

« 1° Les traitements, automatisés ou non, mentionnés au 5° bis du II, au II bis et au III de l'article 8 ;

« 2° Les traitements automatisés portant sur des données génétiques, à l'exception de ceux d'entre eux qui sont mis en oeuvre par des médecins ou des biologistes et qui sont nécessaires aux fins de la médecine préventive, des diagnostics médicaux ou de l'administration de soins ou de traitements ;

« 3° Les traitements, automatisés ou non, portant sur des données relatives aux infractions, condamnations ou mesures de sûreté, sauf ceux qui sont mis en oeuvre par des auxiliaires de justice pour les besoins de leurs missions de défense des personnes concernées ;

« 4° Les traitements automatisés susceptibles, du fait de leur nature, de leur portée ou de leurs finalités, d'exclure des personnes du bénéfice d'un droit, d'une prestation ou d'un contrat en l'absence de toute disposition législative ou réglementaire ;

« 5° Les traitements automatisés ayant pour objet :

« - l'interconnexion de fichiers relevant d'une ou de plusieurs personnes morales gérant un service public et dont les finalités correspondent à des intérêts publics différents ;

« - l'interconnexion de fichiers relevant d'autres personnes et dont les finalités principales sont différentes ;

« 6° Les traitements portant sur des données parmi lesquelles figure le numéro d'inscription des personnes au répertoire national d'identification des personnes physiques et ceux qui requièrent une consultation de ce répertoire sans inclure le numéro d'inscription à celui-ci des personnes ;

« 7° Les traitements automatisés de données comportant des appréciations sur les difficultés sociales des personnes ;

« 8° Les traitements automatisés comportant des données biométriques nécessaires au contrôle de l'identité des personnes ;

« 9° Supprimé.

« II. - Pour l'application du présent article, les traitements qui répondent à une même finalité, portent sur des catégories de données identiques et ont les mêmes destinataires ou catégories de destinataires peuvent être autorisés par une décision unique de la commission. Dans ce cas, le responsable de chaque traitement adresse à la commission un engagement de conformité de celui-ci à la description figurant dans l'autorisation.

« III. - La Commission nationale de l'informatique et des libertés se prononce dans un délai de deux mois à compter de la réception de la demande. Toutefois, ce délai peut être renouvelé une fois sur décision motivée de son président. Lorsque la commission ne s'est pas prononcée dans ces délais, la demande d'autorisation est réputée rejetée.

« Art. 26. - I. - Sont autorisés par arrêté du ou des ministres compétents, pris après avis motivé et publié de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, les traitements de données à caractère personnel mis en oeuvre pour le compte de l'Etat et :

« 1° Qui intéressent la sûreté de l'Etat, la défense ou la sécurité publique ;

« 2° Ou qui ont pour objet la prévention, la recherche, la constatation ou la poursuite des infractions pénales, ou l'exécution des condamnations pénales ou des mesures de sûreté.

« L'avis de la commission est publié avec l'arrêté autorisant le traitement.

« II. - Ceux de ces traitements qui portent sur des données mentionnées au I de l'article 8 sont autorisés par décret en Conseil d'Etat pris après avis motivé et publié de la commission ; cet avis est publié avec le décret autorisant le traitement.

« III. - Certains traitements mentionnés au I et au II peuvent être dispensés, par décret en Conseil d'Etat, de la publication de l'acte réglementaire qui les autorise ; pour ces traitements, est publié, en même temps que le décret autorisant la dispense de publication de l'acte, le sens de l'avis émis par la commission.

« IV. - Pour l'application du présent article, les traitements qui répondent à une même finalité, portent sur des catégories de données identiques et ont les mêmes destinataires ou catégories de destinataires peuvent être autorisés par un acte réglementaire unique. Dans ce cas, le responsable de chaque traitement adresse à la commission un engagement de conformité de celui-ci à la description figurant dans l'autorisation.

« Art. 27. - I. - Sont autorisés par décret en Conseil d'Etat, pris après avis motivé et publié de la Commission nationale de l'informatique et des libertés :

« 1° Les traitements de données à caractère personnel mis en oeuvre pour le compte de l'Etat, d'une personne morale de droit public ou d'une personne morale de droit privé gérant un service public, qui portent sur des données parmi lesquelles figure le numéro d'inscription des personnes au répertoire national d'identification des personnes physiques ;

« 2° Les traitements de données à caractère personnel mis en oeuvre pour le compte de l'Etat qui portent sur des données biométriques nécessaires à l'authentification ou au contrôle de l'identité des personnes.

« II. - Sont autorisés par arrêté ou, en cas de traitement opéré pour le compte d'un établissement public ou d'une personne morale de droit privé gérant un service public, par décision de l'organe délibérant chargé de leur organisation, pris après avis motivé et publié de la Commission nationale de l'informatique et des libertés :

« 1° Les traitements mis en oeuvre par l'Etat ou les personnes morales mentionnées au I qui requièrent une consultation du répertoire national d'identification des personnes physiques sans inclure le numéro d'inscription à ce répertoire ;

« 2° Ceux des traitements mentionnés au I :

« - qui ne comportent aucune des données mentionnées au I de l'article 8 ou à l'article 9 ;

« - qui ne donnent pas lieu à une interconnexion entre des traitements ou fichiers correspondant à des intérêts publics différents ;

« - et qui sont mis en oeuvre par des services ayant pour mission, soit de déterminer les conditions d'ouverture ou l'étendue d'un droit des administrés, soit d'établir l'assiette, de contrôler ou de recouvrer des impositions ou taxes de toute nature, soit d'établir des statistiques ;

« 3° Les traitements relatifs au recensement de la population en métropole et dans les collectivités situées outre-mer ;

« 4° Les traitements mis en oeuvre par l'Etat ou les personnes morales mentionnées au I aux fins de mettre à la disposition des usagers de l'administration un ou plusieurs téléservices de l'administration électronique, si ces traitements portent sur des données parmi lesquelles figurent le numéro d'inscription des personnes au répertoire national d'identification ou tout autre identifiant des personnes physiques.

« III. - Les dispositions du IV de l'article 26 sont applicables aux traitements relevant du présent article.

« Art. 28 et 29. - Non modifiés.

« Section 3

« Dispositions communes

« Art. 30. - I. - Les déclarations, demandes d'autorisation et demandes d'avis adressées à la Commission nationale de l'informatique et des libertés en vertu des dispositions des sections 1 et 2 précisent :

« 1° L'identité et l'adresse du responsable du traitement ou, si celui-ci n'est établi ni sur le territoire national ni sur celui d'un autre Etat membre de la Communauté européenne, celle de son représentant et, le cas échéant, celle de la personne qui présente la demande ;

« 2° La ou les finalités du traitement, ainsi que, pour les traitements relevant des articles 25, 26 et 27, la description générale de ses fonctions ;

« 3° Le cas échéant, les interconnexions, les rapprochements ou toutes autres formes de mise en relation avec d'autres traitements ;

« 4° Les données à caractère personnel traitées, leur origine et les catégories de personnes concernées par le traitement ;

« 5° La durée de conservation des informations traitées ;

« 6° Le ou les services chargés de mettre en oeuvre le traitement ainsi que, pour les traitements relevant des articles 25, 26 et 27, les catégories de personnes qui, en raison de leurs fonctions ou pour les besoins du service, ont directement accès aux données enregistrées ;

« 7° Les destinataires ou catégories de destinataires habilités à recevoir communication des données ;

« 8° La fonction de la personne ou le service auprès duquel s'exerce le droit d'accès prévu à l'article 39, ainsi que les mesures relatives à l'exercice de ce droit ;

« 9° Les dispositions prises pour assurer la sécurité des traitements et des données et la garantie des secrets protégés par la loi et, le cas échéant, l'indication du recours à un sous-traitant ;

« 10° Le cas échéant, les transferts de données à caractère personnel envisagés à destination d'un Etat non membre de la Communauté européenne, sous quelque forme que ce soit, à l'exclusion des traitements qui ne sont utilisés qu'à des fins de transit sur le territoire français ou sur celui d'un autre Etat membre de la Communauté européenne au sens des dispositions du 2° du I de l'article 5.

« II. - Le responsable d'un traitement déjà déclaré ou autorisé informe sans délai la commission :

« - de tout changement affectant les informations mentionnées au I ;

« - de toute suppression du traitement.

« Art. 31. - I. - La commission met à la disposition du public la liste des traitements automatisés ayant fait l'objet d'une des formalités prévues par les articles 23 à 27, à l'exception de ceux mentionnés au III de l'article 26.

« Cette liste précise pour chacun de ces traitements :

« 1° L'acte décidant la création du traitement ou la date de la déclaration de ce traitement ;

« 2° La dénomination et la finalité du traitement ;

« 3° L'identité et l'adresse du responsable du traitement ou, si celui-ci n'est établi ni sur le territoire national ni sur celui d'un autre Etat membre de la Communauté européenne, celles de son représentant ;

« 4° La fonction de la personne ou le service auprès duquel s'exerce le droit d'accès prévu à l'article 39 ;

« 5° Les catégories de données à caractère personnel faisant l'objet du traitement, ainsi que les destinataires et catégories de destinataires habilités à en recevoir communication ;

« 6° Le cas échéant, les transferts de données à caractère personnel envisagés à destination d'un Etat non membre de la Communauté européenne.

« II. - La commission tient à la disposition du public ses avis, décisions ou recommandations.

« III. - La Commission nationale de l'informatique et des libertés publie la liste des Etats dont la Commission des Communautés européennes a établi qu'ils assurent un niveau de protection suffisant à l'égard d'un transfert ou d'une catégorie de transferts de données à caractère personnel. »

M. le président. L'amendement n° 28, présenté par M. C. Gautier et les membres du groupe Socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

Dans le I du texte proposé par cet article pour l'article 22 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, après le mot :

automatisés

insérer les mots

ainsi que les traitements non automatisés

La parole est à M. Charles Gautier.

M. Charles Gautier. Cet amendement a pour objet de mieux resserrer les conditions d'application du régime de la déclaration auprès de la CNIL, procédure de droit commun.

Je voudrais néanmoins formuler à nouveau une observation d'ordre général.

Ces régimes de déclaration et d'autorisation sont loin de respecter un principe qui devrait nous guider à chaque fois que nous légiférons, à savoir l'intelligibilité de la loi.

Nous avons affaire, dans tout ce dispositif, à des dispositions générales, souvent assorties de dispenses faisant, elles-mêmes l'objet de dérogations qui connaissent des exceptions. On ne peut pas dire que la lisibilité nécessaire soit ici assurée et notre amendement vise donc à corriger un petit peu ce travers.

Dans le cadre du régime de droit commun de la déclaration, l'article 22 ne vise que les traitements automatisés.

Afin d'assurer un haut niveau de protection, nous pensons qu'il est souhaitable, sur ce sujet, de rester fidèle à la directive. Celle-ci indique que les Etats membres peuvent prévoir que les traitements non automatisés font également l'objet d'une notification.

Le projet de loi fait le choix de ne pas utiliser cette faculté alors que l'article 2 modifié, que nous avons adopté, inclut désormais les fichiers manuels dans le champ d'application de la loi, ce qui d'ailleurs représente une avancée par rapport au droit en vigueur, ces derniers n'étant soumis actuellement qu'à des obligations restreintes.

On va certainement opposer à cet amendement un argument d'ordre matériel. Mais, dès lors que la directive nous laisse des marges de manoeuvres, il serait opportun d'apporter le maximum de garanties et de procéder, en droit interne, à une transposition qui se fasse par le haut.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Alex Türk, rapporteur. Vous avez vous-même apporté la réponse en faisant état d'une objection « d'ordre matériel ».

Cet amendement relève effectivement d'un formalisme excessif : il aboutirait à une augmentation considérable du nombre de déclarations alors que le texte, et c'est toute sa philosophie, vise à assouplir le système en transformant le contrôle a priori en contrôle a posteriori.

C'est la raison pour laquelle j'émets un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Guedj, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement émet, lui aussi, un avis défavorable, car tout l'intérêt de la démarche est de permettre à la CNIL de cibler les contrôles préalables.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 28.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de six amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 5, présenté par M. Bret et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Supprimer le II bis du texte proposé par cet article pour l'article 22 de la loi n° 7817 du 6 janvier 1978.

La parole est à M. Robert Bret.

M. Robert Bret. Monsieur le président, je défendrai en même temps les amendements nos 6 et 7, dans la mesure où ces trois amendements concernent les correspondants à la protection des données personnelles, que tout organisme ou toute entreprise, pour un peu qu'il en ait les moyens, est autorisé à créer en son sein.

Ce qui, à première vue, peut paraître intéressant s'avère, après une lecture plus approfondie, problématique et dénote, encore une fois, très largement une option politique en faveur d'une minoration des contrôles sur les fichiers, à l'heure de leur explosion.

En effet, la référence aux correspondants « presse » ne doit pas faire illusion s'agissant de lieux d'application de nature très différente et alors que les entreprises de presse ont une activité très encadrée par la loi de 1881.

Tout d'abord, nous ne pouvons admettre que la seule présence de correspondants exonère l'organisme de toute formalité préalable à la création d'un fichier. En effet, elle ne peut constituer à elle seule une garantie suffisante s'agissant d'un fichier traitant de données personnelles, donc potentiellement attentatoire aux droits et libertés de la personne.

Ensuite, il existe, et cela peut être développé, des formulaires types qui permettent, par le biais de formalités simplifiées, d'obtenir un allégement significatif des contraintes administratives. Il nous semble qu'un tel système offrirait plus de garanties tout en répondant au même souci de simplifier les procédures.

En tout état de cause, il n'est pas possible de prévoir de façon aussi généralisée la dispense de toute déclaration. Il convient, à tout le moins, de limiter cette dispense aux traitements les plus courants, qui font déjà l'objet de formalités simplifiées.

Enfin, l'absence de statut protecteur pour ces correspondants au sein de l'entreprise est de nature à faire fortement douter de leur capacité d'incarner véritablement la CNIL dans l'entreprise. Si le système « n'oblige personne », pour reprendre les termes de votre argumentaire en première lecture, il est cependant clair que, pour une entreprise, la dispense d'un fichier est attractive car elle aboutit à dispenser de toute déclaration.

Pour que le système soit de nature à garantir un contrôle sérieux du correspondant, il ne suffit pas, comme vous le prétendez, monsieur le rapporteur, « de charger un employé de la tâche de correspondant de la CNIL, sensibilisé aux problèmes des données informatiques ». Il faut que ce dernier soit effectivement investi d'une mission de sauvegarde des libertés des personnes, y compris contre la collectivité locale ou l'entreprise concernée.

Or, pour ce faire, il faut que le directeur de l'informatique - dans la pratique, il y a en effet de bonnes chances que cette tâche lui soit confiée - bénéficie des garanties attachées au statut de salarié protégé. Si tel n'est pas le cas, au mieux, il exercera un travail de vérification routinière largement superficielle, au pire, il laissera passer des fichiers un peu problématiques par crainte de voir surgir des difficultés dans l'entreprise.

Selon nous, il faut veiller à ce que le correspondant ne serve pas de « caution démocratique » à l'entreprise et le système de sanction a posteriori de l'entreprise qui n'aurait pas respecté les exigences de la loi nous semble insuffisant.

D'autres que moi, qui se sont récemment exprimés par voie de presse, certainement faute d'être entendus dans les débats parlementaires, ont qualifié d' «inquiétant » le flou artistique entourant le système des correspondants.

Toutes ces raisons justifient le dépôt de nos amendements. L'amendement n° 5 vise à supprimer en l'état actuel le système des correspondants CNIL. Quant aux amendements nos 6 et 7, ils tendent à mieux encadrer le système, s'agissant des fichiers en cause et du statut de ces correspondants.

M. le président. L'amendement n° 29, présenté par M. C. Gautier et les membres du groupe Socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le premier alinéa du II bis du texte proposé par cet article pour l'article 22 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés :

« Les traitements pour lesquels le responsable a désigné un correspondant à la protection des données à caractère personnel chargé d'assurer, d'une manière indépendante, le respect des obligations prévues dans la présente loi sont dispensés des formalités prévues aux articles 23 et 24, sauf lorsqu'un transfert de données à caractère personnel à destination d'un Etat non membre de la Communauté européenne est envisagé. La désignation d'un correspondant à la protection des données à caractère personnel ne dispense pas le responsable du traitement des formalités prévues aux articles 25, 26 et 27 de la présente loi.

La parole est à M. Charles Gautier.

M. Charles Gautier. La création et la présence de correspondants soulèvent de nombreuses interrogations.

Cette présence n'est pas, en tant que telle, imposée par la directive. Elle s'inscrit seulement dans les conditions de simplification du dispositif général de déclaration.

Il faut certes préserver l'efficacité de la CNIL dans son bon fonctionnement, notamment lors de l'examen des dossiers, mais ce dernier objectif ne doit pas aboutir à n'avoir qu'une vision comptable ou une vision de gestionnaire. L'enjeu ne doit pas se borner à une simple question de réduction du volume de papier brassé par la CNIL.

Par ailleurs, l'institution d'un correspondant sera plus simple dans une grande société. Mais qu'en sera-t-il d'une multinationale dont le siège se situe hors de notre territoire ?

Enfin, les petites entreprises seront défavorisées car elles ne pourront que difficilement satisfaire aux conditions d'indépendance d'un correspondant à choisir au sein d'un effectif réduit.

Nous ne sommes pas les seuls à nous interroger. Je me permets de vous lire ce qu'écrit le rapporteur de l'Assemblée nationale dans son rapport de seconde lecture : « le système des correspondants est susceptible de soulever certaines difficultés qu'il convient de conserver à l'esprit : pour les autorités indépendantes tout d'abord, puisque ce régime juridique raréfie la source d'information constituée par les formulaires de déclaration et leur impose, en conséquence, de développer leurs actions de contrôle et de communication, en particulier en direction de leur réseau de correspondants, ce qui représente une charge humaine et financière certaine ; pour les correspondants ensuite, puisque ceux-ci peuvent être confrontés à des situations de conflits d'intérêts, au sein de l'entreprise, ou bien entre l'entreprise et le respect de la loi, ce qui requiert que leur indépendance soit pleinement garantie ; pour les entreprises enfin, puisque la désignation d'un correspondant « qualifié » possède un coût en termes d'embauche puis de formation continue au cours de la carrière de la personne concernée. »

Notre questionnement ne s'arrête pas là.

En effet, la rédaction adoptée par l'Assemblée nationale ne lève pas toutes les incertitudes sur l'application de cette disposition.

Elle laisse penser que le correspondant sera désigné seulement pour certains traitements de l'organisme. Il ne faudrait pas que cette institution devienne une sorte de niche à exonération. Il serait, en effet, paradoxal de prôner plus de contrôle et d'organiser dans le même temps les conditions pour s'y soustraire.

Afin de supprimer toute ambiguïté, il convient de préciser que la présence du correspondant ne dispensera pas le responsable du traitement des formalités prévues aux articles 25 et 27.

C'est le minimum que l'on est en droit d'attendre pour que le système des correspondants offre les garanties nécessaires à la protection des données à caractère personnel.

M. le président. L'amendement n° 6, présenté par M. Bret et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Dans le premier alinéa du II bis du texte proposé par cet article pour l'article 22 de la loi n° 7817 du 6 janvier 1978, après les mots :

les traitements

insérer les mots :

visés au I de l'article 24

Cet amendement a déjà été défendu.

L'amendement n° 30, présenté par M. C. Gautier et les membres du groupe Socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

I. - Rédiger comme suit le deuxième alinéa du II bis du texte proposé par cet article pour l'article 22 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés :

« Le correspondant est une personne bénéficiant des qualités requises pour exercer ses missions. Sa désignation ainsi que ses qualifications sont notifiées à la Commission nationale de l'informatique et des libertés. Elles sont portées à la connaissance des instances représentatives du personnel.

II.- En conséquence, rédiger comme suit le début du troisième alinéa du II bis du texte proposé par cet article pour l'article 22 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés :

« Le correspondant tient une liste des traitements effectués...

La parole est à M. Charles Gautier.

M. Charles Gautier. L'Assemblée nationale a introduit avec justesse la référence à la notion de qualification requise par le correspondant.

Mais elle n'a pas pris soin de s'assurer que ces qualifications seront portées à la connaissance de la CNIL. Or, comme le correspondant sera agréé par la CNIL, il faudra bien que cet agrément repose sur un document faisant état des qualifications de l'intéressé.

Il s'agit d'une exigence de bon sens, qui est peut-être implicite, mais qu'il vaut mieux préciser dans le dispositif.

M. le président. L'amendement n° 7, présenté par M. Bret et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Compléter in fine le deuxième alinéa du II bis du texte proposé par cet article pour l'article 22 de la loi n° 7817 du 6 janvier 1978 par une phrase ainsi rédigée :

Le correspondant bénéficie de la protection attachée à la qualité de salarié protégé.

Cet amendement a déjà été défendu.

L'amendement n° 31, présenté par M. C. Gautier et les membres du groupe Socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

Après la deuxième phrase du troisième alinéa du II bis du texte proposé par cet article pour l'article 22 de la loi n° 7817 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés insérer la phrase suivante :

« A ce titre, il bénéficie de la protection attachée à la qualité de salarié protégé prévue par les articles L. 4251, L. 4361 du code du travail.

La parole est à M. Charles Gautier.

M. Charles Gautier. Cet amendement a pour objet d'accroître la protection des correspondants afin de les prémunir contre les éventuelles pressions qu'ils pourraient rencontrer dans l'exercice de leur mission.

Nous proposons qu'ils bénéficient du statut de salarié protégé et que cela soit explicitement inscrit dans la loi. Il s'agit d'une garantie qui leur permettra d'exercer au mieux leur mission.

On a bien pris soin de préciser que le correspondant est une personne qualifiée, et donc indépendante.

Il manque un dernier étage au dispositif pour qu'il fonctionne dans conditions acceptables.

Aussi, nous vous proposons de prévoir que le correspondant bénéficie de la protection attachée à la qualité de salarié protégé telle qu'elle est garantie dans le code du travail.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Alex Türk, rapporteur. Il s'agit effectivement d'une question très importante, qui constitue l'un des points clés de ce texte. J'y suis d'autant plus attaché que je suis l'auteur de l'amendement qui a permis cette évolution.

D'abord, j'admets volontiers que l'on puisse éprouver une certaine inquiétude devant cette nouveauté, comme on peut en éprouver devant toute innovation. C'est si vrai que le garde des sceaux lui-même, quand j'avais évoqué cette question lors de la première lecture du texte, avait demandé un délai de réflexion pour envisager tous les tenants et aboutissants du processus avant de donner son aval à cette expérimentation, à cette « aventure » oserai-je dire.

Il s'agit effectivement d'une nouveauté à laquelle la CNIL va s'attacher avec passion parce qu'elle va rendre un service considérable.

Ce service peut se mesurer très simplement. Il y a environ un million de dossiers déposés à la CNIL, ce qui est à la fois beaucoup et très peu.

Le chiffre est énorme en termes de travail quotidien, harassant, routinier, largement dépourvu d'intérêt, et toutes les opérations de simplification qui seront mises en place à la CNIL grâce à ce nouveau texte permettront de réorganiser les services et de faire en sorte que le personnel se consacre à des questions plus passionnantes que l'enregistrement des déclarations.

Le chiffre est très faible si l'on considère qu'il y a, comme nous le pensons, quatre millions de dossiers en France, dont trois millions sont ni connus ni déclarés. On pourrait certes tenir le même raisonnement que tout à l'heure et décider de continuer à ne surveiller qu'un million de fichiers, tout en sachant que les trois autres nous échappent.

Les correspondants vont nous permettre de découvrir et, progressivement, de prendre en charge un certain nombre de dossiers non traités jusqu'à présent. En effet, les correspondants nous feront part de ce qu'ils découvriront à l'intérieur de leur structure : c'est ainsi que les choses se sont passées dans les pays étrangers. Progressivement, des solutions pourront donc être trouvées.

Ce dispositif me paraît très important car il s'intègre dans la chaîne que j'ai évoquée rapidement ce matin. Il n'est pas possible de donner à la CNIL de tels pouvoirs de contrôle supplémentaires sans mettre en place, en amont, une méthode pour assurer la formation et la pédagogie, sinon ce serait un piège.

Désormais, une logique existe. Dans un premier temps, il s'agit de communiquer pour expliquer à chacun quels sont ses droits et pour exposer aux responsables des traitements quels sont leurs devoirs. Dans un second temps, les correspondants, issus notamment des collectivités locales, des entreprises, des associations et des syndicats, seront en relation régulière avec la CNIL. Un travail pédagogique sera effectué pour instiller, comme l'on dit aujourd'hui, « une culture » de l'informatique et des libertés à l'intérieur du circuit de décision.

Dès lors que ce travail aura été fait, la CNIL aura toute légitimité pour procéder aux contrôles et, si elle constate que certains se montrent encore récalcitrants à la suite du contrôle, pour recourir à la coercition et aux sanctions que nous avons mises en place lors des précédentes lectures du texte.

Les correspondants représentent un segment essentiel pour la réussite de la réforme que nous entreprenons.

Des expériences existent à l'étranger, je l'ai dit ce matin. Début septembre, je passerai quelques jours en Allemagne pour prendre connaissance et tirer des enseignements de la façon de faire de nos amis allemands. La Commission doit se rendre également en Suède et aux Pays-Bas, ces pays ayant une grande avance sur le nôtre. En conjuguant leurs expériences respectives, nous devrions parvenir à mettre en place un système qui fonctionnera correctement.

Je souhaite maintenant répondre brièvement aux remarques qui ont été faites sur le plan juridique.

En premier lieu, s'agissant du champ d'application, je confirme - cela figure clairement dans le texte - que l'allégement des formalités ne s'applique pas aux traitements soumis à autorisation, qui sont par définition dangereux. A cet égard, le droit commun s'applique et cela ne pose aucune difficulté. Il n'y a donc pas d'allégement de formalités en ce qui concerne les traitements dangereux.

En second lieu, le dispositif d'allégement ne s'applique pas non plus lorsqu'il y a transfert de données personnelles à des Etats tiers, qui ne sont pas soumis au niveau de protection requis des pays membres de l'Union européenne.

En ce qui concerne le statut des correspondants, l'Assemblée nationale a apporté effectivement un certain nombre d'éléments intéressants et positifs, qu'il s'agisse de la qualification requise, de la protection des correspondants au regard des sanctions de l'employeur ou de la possibilité pour les correspondants de saisir la CNIL des difficultés qu'ils rencontrent dans l'exercice de leurs missions.

En cas de problème, la CNIL peut enjoindre le correspondant de procéder aux formalités nécessaires. Autrement dit, s'il est constaté qu'un correspondant ne joue pas le jeu, la CNIL revient au système antérieur, c'est-à-dire à l'application de la loi en vigueur jusqu'à aujourd'hui.

De même, nous savons que, en cas de manquement constaté à ses devoirs, le correspondant est déchargé de ses fonctions sur demande ou après consultation de la CNIL.

Enfin, il est bien évident que le statut ne prévoit en aucune façon l'exclusion du recours au contrôle.

Après un, deux ou trois ans de mise en oeuvre, le dispositif permettra d'établir des comparaisons par secteur. Très concrètement, s'il est constaté, par exemple, que les correspondants dans telle entreprise ou tel secteur d'activités n'exercent pas leurs attributions de la même manière que dans les autres secteurs, une vague de contrôle sera immédiatement lancée afin de déceler les problèmes.

Les correspondants en question se verront rappeler la nécessité du respect des règles, sans quoi ils ne pourront plus bénéficier de l'allégement de formalités.

Or ce mécanisme des correspondants doit avoir un double effet. Le premier est d'assouplir et de faciliter la vie des entreprises ou des collectivités locales. Quand on sait combien de maires vivent dans l'illégalité totale à cet égard, et ce depuis des années, on voit bien que des dispositions doivent être prises. Le second effet est d'alléger le travail du personnel de la CNIL, que nous pourrons ainsi réorienter sur des questions qui nous paraissent infiniment plus graves, comme celles que j'ai évoquées ce matin. C'est pourquoi j'ai parlé d'une véritable révolution interne à la CNIL

Enfin, vous prônez à travers deux de vos amendements, monsieur Bret, le statut de salarié protégé. La commission a retenu un système facultatif, qui est conforme à la tradition française. Il s'agit non pas d'agir en force, mais de faire de la pédagogie. En bénéficiant d'un allégement de formalités, chacun reconnaîtra qu'il a intérêt à recourir au système des correspondants. Nous procédons par incitation.

Vous le savez pertinemment, si la mise en place facultative du correspondant s'accompagnait d'un statut de salarié protégé, un certain nombre d'entreprises se détourneraient du dispositif. Or tel n'est pas notre souhait.

Peut-être voulez-vous rendre obligatoire un système que vous contestez par ailleurs... Il faut être réaliste et en rester à une solution sage.

Les dispositions prévues concernant le statut des correspondants devraient être suffisantes pour garantir une évolution favorable dans 95 % à 97 % des cas. Pour le reste, nous recourons au contrôle, comme je l'ai dit.

Telle est la raison pour laquelle la commission émet un avis défavorable sur l'ensemble de ces amendements.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Guedj, secrétaire d'Etat. Cette nouvelle catégorie d'interlocuteurs que constituent les correspondants sera très utile à la CNIL, qui pourra s'appuyer sur eux non seulement pour exercer ses missions, mais également pour diffuser une culture et une pédagogie de la protection des données et pour promouvoir dans cette matière des règles d'autorégulation, ce qui me semble fondamental.

S'agissant de l'amendement n° 29, je partage bien sûr les propos de M. le rapporteur : la dispense de formalités concerne uniquement les données de droit commun, et donc pas les données sensibles.

Enfin, je vous assure que la CNIL sera pleinement associée à la préparation du décret d'application de l'article 22 de la loi du 6 janvier 1978.

Aussi, le Gouvernement émet un avis défavorable sur tous ces amendements.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 5.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 29.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 6.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 30.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 7.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 31.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 32, présenté par M. C. Gautier et les membres du groupe Socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le cinquième alinéa (4°) du I du texte proposé par cet article pour l'article 25 de la loi n° 7817 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés :

« 4° Les traitements automatisés ayant pour finalité de sélectionner les personnes susceptibles de bénéficier d'un droit, d'une prestation ou d'un contrat, alors que les personnes en cause ne sont exclues de ce bénéfice par aucune disposition légale ou réglementaire ;

La parole est à M. Charles Gautier.

M. Charles Gautier. Par cet amendement, nous visons l'une des catégories de traitements soumis à l'autorisation préalable de la CNIL : il s'agit des traitements automatisés de données qui sont susceptibles, du fait de leur nature, de leur portée ou de leurs finalités, d'exclure des personnes du bénéfice d'un droit, d'une prestation ou d'un contrat, en l'absence de toute disposition législative ou réglementaire.

Notre amendement a pour objet de rétablir la rédaction initiale du projet de loi, moins restrictive que celle qui avait été adoptée par le Sénat en première lecture et que l'Assemblée nationale a confirmée en deuxième lecture.

En effet, le Sénat a procédé à une inversion complète du dispositif initial qui tendait à inclure dans le champ de l'autorisation préalable l'ensemble des traitements tendant à déterminer un profil ou une cible, par exemple les fichiers de marketing.

Le texte adopté par le Sénat limite le champ aux seuls traitements tendant à exclure une personne. II s'agit des fameuses « liste noires ».

Pour ce faire, le Sénat s'est appuyé sur les termes de la directive. Mais cette dernière ne fait qu'ouvrir une possibilité. Nous ne sommes donc pas liés par elle sur ce point.

Nous estimons que la rédaction sénatoriale offre en définitive moins de garanties que la rédaction initiale.

Par ailleurs, elle introduit des notions imprécises en droit français. En effet, si le terme de « finalités » est familier en droit des données à caractère personnel, tel n'est malheureusement pas le cas des termes se référant à la nature ou à la portée des traitements, cette dernière observation étant une reprise des déclarations du rapporteur de l'Assemblée nationale lui-même.

Telles sont les raisons qui nous incitent à souhaiter le rétablissement du texte initial du projet de loi.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Alex Türk, rapporteur. La commission émet un avis défavorable.

Tout d'abord, la directive elle-même retient le concept de « liste noire ».

Ensuite, et surtout, si cet amendement était adopté, la CNIL serait submergée par un afflux de dossiers supplémentaires. Il n'est pas nécessaire d'essayer d'alléger les formalités d'un côté si, de l'autre, on crée une lourdeur administrative qui n'est pas justifiée par un danger plus important au regard des droits.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Guedj, secrétaire d'Etat. Avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 32.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 33, présenté par M. C. Gautier et les membres du groupe Socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le neuvième alinéa (6°) du I du texte proposé par cet article pour l'article 25 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés :

« 6° Les traitements portant sur des données parmi lesquelles figure le numéro d'inscription des personnes au répertoire national d'identification des personnes physiques, ceux qui requièrent une consultation de ce répertoire sans inclure le numéro d'inscription à celui-ci des personnes, et ceux qui portent sur la totalité ou la quasi-totalité de la population de la France ;

La parole est à M. Charles Gautier.

M. Charles Gautier. Je défendrai en même temps l'amendement n° 37, qui est un amendement de coordination.

L'amendement n° 33 est relatif à la catégorie de traitements soumis à l'autorisation préalable de la CNIL.

Le texte initial du projet de loi comportait également la référence aux traitements portant sur la totalité ou la quasi-totalité de la population française. Le Sénat, en première lecture, a supprimé la référence à ces traitements en raison de l'imprécision des termes et des incertitudes juridiques qu'ils étaient susceptibles d'entraîner.

S'il est vrai qu'on ne saurait apprécier la dangerosité d'un traitement à l'aune de sa portée démographique à l'échelle nationale, on ne peut l'exclure pour autant parce que le risque de dangerosité est plus marqué.

Nous pensons simplement qu'il convient d'adopter une démarche de prévention en matière de risque, d'autant que notre amendement n° 37, qui vise le même objectif, s'inscrit dans le cadre des traitements autorisés par décret en Conseil d'Etat pris après avis de la CNIL et mis en oeuvre pour le compte de l'Etat, d'une personne morale de droit public ou d'une personne morale de droit privé gérant un service public.

Le présent amendement tend donc à rétablir la rédaction initiale du projet de loi.

A nos yeux, l'existence d'un risque de dangerosité d'un traitement de données à caractère personnel mérite d'autant plus d'être appréciée que le traitement vise la totalité ou la quasi-totalité de la population française.

La critique de l'imprécision des termes ne nous paraît pas rédhibitoire, car nous avons démontré, en défendant l'amendement précédent, que la majorité acceptait la présence de notions imprécises dans le texte du projet de loi.

Enfin, je tiens à souligner que, en supprimant cette référence, des traitements importants de données seraient, de fait, exclus de la procédure d'autorisation préalable, comme le FICOBA de la direction générale des impôts, le fichier national des étrangers du ministère de l'intérieur, le fichier national des cartes d'identité, ou encore le fichier des abonnés d'EDF et de GDF, entreprises qui ne sont pas encore privatisées à ce jour, mais cela ne saurait tarder, semble-t-il.

Face à l'importance de tels fichiers, vous comprenez qu'il nous semble important de revenir au texte initial du projet de loi.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Alex Türk, rapporteur. Cette question, qui a déjà donné lieu à un débat de fond, a été tranchée par les deux assemblées.

La commission émet donc un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Guedj, secrétaire d'Etat. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 33.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 8, présenté par M. Bret et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Après le 8° du I du texte proposé par cet article pour l'article 25 de la loi n° 7817 du 6 janvier 1978, insérer un alinéa ainsi rédigé :

« ... ° tout traitement relatif à la vidéosurveillance

La parole est à M. Robert Bret.

M. Robert Bret. On le voit, tout concourt, dans cette nouvelle mouture de la loi du 6 janvier 1978, à minorer le contrôle en direction des fichiers publics ou privés mettant en jeu des questions de sécurité.

Ainsi, la décision de l'Assemblée nationale d'affranchir de tout contrôle les fichiers relevant de la sécurité nationale est symptomatique.

Il en est de même de la volonté d'exclure du champ d'intervention de la CNIL les fichiers de vidéosurveillance, alors même que les bandes permettent à la fois une identification des personnes et la conservation des données enregistrées.

Nous avons bien compris en première lecture, monsieur le rapporteur, qu'il y avait une volonté délibérée d'exclure de tels fichiers et que vous estimiez que ces fichiers étaient devenus si courants qu'ils étaient en fin de compte anodins.

Cette option n'est pas acceptable, selon nous, alors que, je le rappelle, dans une délibération de 1994, la CNIL a considéré que « l'enregistrement et le stockage des images collectées par la caméra de vidéosurveillance permettent de constituer un ficher de personnes ainsi filmées », et ce à l'heure où l'on peut trouver sur Internet des kits de vidéosurveillance et où ces kits sont utilisés sur certains lieux de travail, à l'insu des employés.

Notre amendement vise, dès lors, à soumettre ce type de fichiers à autorisation.

C'est une question de bon sens, me semble-t-il. Là encore, le vote conforme ne permet pas de tenir compte du bon sens.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Alex Türk, rapporteur. En réalité, il n'y a pas de vide à combler. La question est traitée. Cet amendement me paraît superflu. En effet, quand un traitement de données personnelles est greffé sur la vidéosurveillance, la CNIL est de droit compétente.

Aussi, la commission émet un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Guedj, secrétaire d'Etat. J'ajouterai aux arguments de M. le rapporteur que les dispositions qui découlent de la loi du 21 janvier 1995 me paraissent présenter un niveau suffisamment élevé de garantie. Ce texte en soi est suffisant. Aussi, le Gouvernement émet un avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 8.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 34, présenté par M. C. Gautier et les membres du groupe Socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

Après le I du texte proposé par cet article pour l'article 25 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, insérer un paragraphe I bis rédigé comme suit :

« I bis. - Des modalités particulières d'autorisation par la Commission nationale de l'informatique et des libertés, pour la mise en oeuvre des traitements visés au 5° du II de l'article 8 de la présente loi, sont définies par décret en Conseil d'Etat pris après avis motivé de la commission et publié au Journal officiel de la République française ;

La parole est à M. Charles Gautier.

M. Charles Gautier. Les données de santé figurent parmi les données sensibles bénéficiant d'une protection particulière au titre du texte proposé pour l'article 8 de la loi du 6 janvier 1978.

Or la possibilité de traitements de ces données prévue au 5° du paragraphe II de l'article 8 nécessite d'être strictement encadré.

A ce titre, nous estimons qu'une simple déclaration de ces traitements ne constitue pas une garantie suffisante. Une procédure particulière d'autorisation doit être prévue, qui nécessite a minima l'accord de la CNIL.

Compte tenu du nombre élevé de dossiers concernés - plusieurs centaines de milliers de praticiens et d'établissements de santé mettront en oeuvre de tels traitements -, cette procédure d'autorisation pourrait être simplifiée en conformité avec une ou plusieurs normes établies par la CNIL.

A la différence de la procédure de déclaration simplifiée, l'autorisation en question suppose un examen préalable, fût-il un processus très simplifié, débouchant sur un accord signifié au responsable du traitement, dès lors que la conformité du traitement à une norme établie par la CNIL a été vérifiée.

Nous proposons que la définition précise de ce processus particulier d'autorisation par la CNIL soit renvoyée à un décret en Conseil d'Etat.

Cet amendement s'inscrit également dans le contexte de l'examen du projet de loi relatif à l'assurance maladie, qui prévoit de créer un dossier médical partagé ou personnel.

Sans méconnaître l'intérêt que peut présenter la mise en place d'un tel traitement pour l'ensemble des bénéficiaires de l'assurance maladie, nous pensons que ce dispositif recèle des risques au regard des libertés fondamentales, et notamment du respect de la vie privée.

L'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques a examiné, au mois de juin dernier, le rapport de MM. Jean Dionis du Séjour et Jean-Claude Etienne sur « Les télécommunications à haut débit et Internet au service du système de santé ». M. Dionis du Séjour avait alors observé que l'insertion d'un dispositif propre au dossier médical partagé ou personnel dans la loi relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés permettrait de résoudre les problèmes de coordination entre les règles protectrices du patient et les règles de déontologie.

Avec cet amendement, nous vous en donnons les moyens, mes chers collègues. C'est la raison pour laquelle il serait très utile de l'adopter.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Alex Türk, rapporteur. Cet amendement ne va pas dans le bon sens. Une grande partie des traitements que vous évoquez, monsieur Gautier, ne relève pas du régime d'autorisation.

Actuellement, la CNIL est en train d'élaborer une norme simplifiée dans ce domaine, qui entrera probablement en vigueur au mois de septembre. C'est bien la preuve que l'on n'est pas dans un domaine où règne la règle de l'autorisation.

Je rappelle également la lourdeur du système, monsieur Gautier, puisque la France compte tout de même 100 000 professionnels de la santé. Dès lors, on peut imaginer la paralysie à laquelle pourrait conduire l'adoption de votre amendement.

Dans ces conditions, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Guedj, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement est également défavorable à cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 34.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 35, présenté par M. C. Gautier et les membres du groupe Socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

Dans le II du texte proposé par cet article pour l'article 26 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, remplacer les mots :

motivé et publié

par le mot :

conforme

L'amendement n° 36, présenté par M. C. Gautier et les membres du groupe Socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le début du III du texte proposé par cet article pour l'article 26 de la loi n° 7817 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés :

Certains traitements qui portent sur des données mentionnées au 1° du I du présent article peuvent être dispensés...

La parole est à M. Charles Gautier, pour présenter ces deux amendements.

M. Charles Gautier. Avec l'amendement n° 35, nous abordons la question des traitements de souveraineté portant sur des données sensibles. C'est une question importante au regard des enjeux.

Le projet de loi prévoit que les traitements portant sur des données sensibles, c'est-à-dire les données religieuses, raciales, politiques, philosophiques, celles qui portent sur les appartenances syndicales, la santé et la vie sexuelle par exemple, doivent être autorisés par décret en Conseil d'Etat pris après avis motivé de la CNIL, qui doit être publié avec le décret.

Or, actuellement, ces traitements sont régis par les dispositions de l'article 31 de la loi du 6 janvier 1978, qui prévoient un avis conforme de la CNIL.

Nous ne partageons pas du tout l'approche qui a été présentée sur cette disposition.

En effet, comment peut-on soutenir que la publication de l'avis sera de nature à assurer le maintien d'un haut niveau de garanties et, en tout état de cause, préservera la portée qui doit s'attacher aux interventions d'une autorité administrative indépendante à l'égard de traitements particulièrement sensibles ?

Alors qu'il s'agit des traitements de données à haut risque, en quoi une garantie qui consiste à publier un texte valant autorisation, qui reste indifférent à l'opinion voisine pouvant lui être opposée, peut-elle être cohérente ?

Comment ne pas y voir la volonté affichée de se libérer de l'influence ou du pouvoir de persuasion d'une autorité indépendante ?

N'est-ce pas préférer au débat les polémiques stériles en prenant à témoin une opinion incrédule lorsqu'elle constatera que le traitement aura été créé et les textes qui l'organisent publiés ?

De manière explicite, on offre une transparence qui, en pratique, met fin au dialogue, en évitant le débat.

On ne peut également admettre la suppression de la procédure qui permet au Gouvernement de passer outre l'avis défavorable de la CNIL par un décret pris sur avis conforme du Conseil d'Etat.

Nous attendons justement de la CNIL qu'elle joue pleinement son rôle lorsqu'elle juge cela nécessaire. C'est l'honneur de cette institution. C'est ainsi qu'elle renforce son autorité morale. Les conflits répétés entre la CNIL et certaines administrations sont des situations qui vont de pair avec la nature même de ce que doit représenter une autorité publique indépendante.

Les traitements de souveraineté sont exclus du champ de la directive. Il nous importe donc que les dispositions existantes en matière de protection des données soient au moins conservées. Nous avons la liberté de faire ce choix. Saisissons-la !

Avec cet amendement, nous vous proposons, mes chers collègues, de rétablir le dispositif en vigueur, qui prévoit un avis conforme de la CNIL pour les traitements portant sur les données sensibles.

L'amendement n° 36 concerne également les traitements de souveraineté.

Le paragraphe III de l'article 26 prévoit qu'un décret en Conseil d'Etat peut dispenser de publication de l'acte réglementaire les autorisant les traitements relevant de la souveraineté de l'Etat. Cette dispense ne concerne actuellement que certains traitements intéressant la sûreté de l'Etat, la défense et la sécurité publique.

Or le projet de loi étend cette possibilité aux traitements ayant pour objet la prévention, la recherche ou la poursuite des infractions pénales, ou l'exécution des condamnations pénales ou des mesures de sûreté et portant sur des données dites sensibles.

Cette généralisation est excessive, s'agissant de la dispense de publication pour des traitements potentiellement dangereux.

Elle ne peut être compensée en termes de garantie par le fait que le projet de loi prévoit désormais la publication du « sens de l'avis émis » par la CNIL, concomitamment au décret autorisant la dispense de publication de l'acte réglementaire.

Dans la logique de l'amendement précédent, nous vous proposons, mes chers collègues, d'adopter cet amendement, qui a pour objet de s'en tenir au droit en vigueur, en reprenant les termes de l'actuel article 20 de la loi du 6 janvier 1978 prévoyant qu'un décret en Conseil d'Etat peut dispenser de publication l'acte réglementaire autorisant les seuls traitements relatifs à la sûreté de l'Etat, à la défense ou à la sécurité publique.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Alex Türk, rapporteur. Sincèrement, vous y allez un peu fort, monsieur Gautier. Cette question a déjà été vue et revue.

Je ferai un bref rappel historique.

A l'origine, cette disposition se trouve dans le texte du gouvernement de Lionel Jospin, approuvée par le rapporteur socialiste, M. Gouzes. Comme vous l'avez rappelé, monsieur Gautier, la CNIL - dont le vice-président était M. Forni - a officiellement rendu un avis qui n'était pas fondamentalement défavorable. Puis, cette disposition a été votée en janvier 2002 par l'Assemblée nationale, sous la présidence de M. Forni. Or, au cours des lectures successives par l'Assemblée nationale et le Sénat, vous n'avez jamais rien proposé de tel ! C'est au cours de la deuxième lecture par le Sénat que vous déposez cet amendement. Voilà qui est tout de même quelque peu surprenant.

Sur le fond, la CNIL a considéré que, en tant qu'autorité administrative indépendante, son poids n'était pas inférieur si l'on publiait son avis plutôt que si l'on recourrait à l'ancienne procédure. Nous considérons, pour notre part, que le niveau de protection n'est pas abaissé pour autant. Sincèrement, je pense que cet amendement fleure le politique, monsieur Gautier.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Guedj, secrétaire d'Etat. Ce rappel historique est conforme à la vérité. Le Gouvernement est également défavorable à cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 35.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 36.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 37, présenté par M. C. Gautier et les membres du groupe Socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

Compléter comme suit le 1° du I du texte proposé par cet article pour l'article 27 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés :

ou qui porte sur la totalité ou la quasi-totalité de la population de la France

Cet amendement n'a plus d'objet.

M. Charles Gautier. Effectivement, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 38, présenté par M. C. Gautier et les membres du groupe Socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

Compléter comme suit le III du texte proposé par cet article pour l'article 31 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés par une phrase ainsi rédigée :

Elle publie également les résolutions du Parlement européen qui s'y rapportent.

La parole est à M. Charles Gautier.

M. Charles Gautier. Cet amendement me donne surtout l'occasion de revenir sur l'accord relatif au fichage des passagers des vols transatlantiques, qui a été signé entre les Etats-Unis et l'Union européenne, et qui concerne le transfert des données dites PNR par les transporteurs aériens au bureau des douanes et de la protection des frontières du ministère américain de la sécurité intérieure.

La position de la CNIL sur cet accord a de quoi nous alarmer.

Elle juge que la transmission de ces données constitue, un détournement de la finalité du traitement informatique dans la mesure où ces données ont été collectées à des fins commerciales, et non pour des raisons de sécurité.

Certaines informations sont de nature à porter atteinte à la vie privée des personnes concernées. Elles font partie des données sensibles.

Enfin, la CNIL juge que la transmission de données vers un pays tiers ne peut s'effectuer qu'à condition que celui-ci offre un niveau adéquat de protection de ces informations, ce qui n'est pas le cas des Etats-Unis.

La Commission en conclut que cette transmission est illégale au regard tant de la loi en vigueur du 6 janvier 1978 que de la législation européenne en matière de protection des données personnelles.

Enfin, la Commission préconise que les personnes concernées soient informées, dès la collecte, de l'objet spécifique du traitement aux Etats-Unis ainsi que des destinataires des données.

Madame la secrétaire d'Etat, avons-nous la capacité d'appliquer ces dernières dispositions ?

Par ailleurs, pour quelles raisons le Gouvernement n'a-t-il pas suffisamment dénoncé cet accord ? Dans le contexte difficile de lutte contre le terrorisme, avez-vous craint, madame la secrétaire d'Etat, de nous faire passer pour un pays vraiment anti-américain ?

Le Président de la République avait déclaré, en mai dernier, à propos de cet accord : « Dans le défi lancé à nos démocraties, c'est seulement dans le respect de nos valeurs que nous gagnerons le combat. »

Les délégations pour l'Union européenne du Sénat et de l'Assemblée nationale ont discrètement alerté le Gouvernement sur les dangers d'un tel accord.

Au sein du groupe socialiste, notre collègue Bernard Frimat a fait part de ses préoccupations lors de la transmission de cet accord, par voie écrite, au début du mois d'avril. Il a même adressé une question écrite, demeurée sans réponse à ce jour.

Comme vous le savez, mes chers collègues, le Parlement européen s'est également indigné de cet accord à travers plusieurs résolutions, dont la Commission et le Conseil n'ont absolument pas tenu compte.

Le Parlement a également saisi la Cour de justice des Communautés européennes le 16 juin dernier. Nous sommes dans l'attente et nous suivrons avec intérêt ce recours.

Cet amendement a donc bien là tout son sens. En effet, les citoyens européens doivent être informés des décisions que prend le Parlement sur un sujet aussi important que la protection de leurs données personnelles.

Je me permets de poser à M. le rapporteur et à Mme la secrétaire d'Etat quelques questions.

Monsieur le rapporteur et président de la CNIL, quel est le pouvoir d'action réel de la CNIL face à une telle situation ?

Madame la secrétaire d'Etat, quelles sont les conditions d'application de cet accord pour nos concitoyens qui sont concernés, s'agissant notamment de leur information, et comment seront contrôlés le respect des engagements américains, en particulier sur la suppression des données sensibles, sur le filtrage des données, et la durée de leur conservation ?

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Alex Türk, rapporteur. En réalité, vous avez fait un amalgame, monsieur Gautier, entre une question parlementaire et un amendement.

Par l'amendement n° 38, vous souhaitez que la CNIL publie désormais les résolutions du Parlement européen. Prévoir une telle disposition ne relève pas du domaine de la loi.

Toutefois, la CNIL le fait déjà, notamment lorsqu'elle estime qu'il s'agit d'un sujet grave. Il se trouve que le dernier sujet grave sur lequel elle a publié une résolution du Parlement européen, c'est celui que vous évoquez. C'est vous dire à quel point nous sommes dans l'actualité, monsieur Gautier.

La CNIL a effectivement publié cette résolution du Parlement européen parce qu'elle n'est pas satisfaite. Elle considère que la position de la Commission européenne pose de grandes difficultés. Le combat est engagé.

Je vous ferai simplement observer, monsieur Gautier, que le dossier n'est pas bouclé. Comme vous l'avez dit, la Cour de justice des Communautés européennes est saisie de cette question et nous attendons sa réponse.

Par ailleurs, des questions particulièrement importantes doivent être traitées, notamment pour ce qui concerne la manière dont les informations seront récupérées par les Etats-Unis en amont ou en aval, peu importe, parce que ce sont là des problèmes purement techniques.

Enfin, dans une négociation plus large qui inclura d'autres pays extérieurs à l'Union européenne et au territoire des Etats-Unis, nous pouvons imaginer procéder à un certain nombre d'améliorations.

Je rappelle, enfin, que, sous la pression du gouvernement français et d'autres gouvernements de l'Union européenne, ainsi que sous celle des autorités de contrôle national des pays respectifs, nous avons tout de même réussi à limiter et à réduire le champ des données sensibles concernées, puisque nous sommes passés d'une quarantaine à quelque trente-quatre, en enlevant les plus délicates d'entre elles.

Je le reconnais volontiers, il y a encore du travail à faire. Voilà un exemple des questions qui sont actuellement pendantes. Le combat est engagé, rien n'est clos.

S'agissant de l'amendement n° 38, la commission y est défavorable puisque, dans la pratique, la CNIL fait ce que vous souhaitez, monsieur Gautier.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Guedj, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement émet un avis défavorable.

Bien que la question que vous me posez, monsieur le sénateur, soit sans rapport avec le texte de votre amendement, je vais tâcher d'y répondre : la Commission européenne a négocié cet accord avec les Etats-Unis et obtenu plusieurs garanties, relatives, notamment, à la durée de conservation des données et à l'information de la personne concernée. Je vous garantis que nous veillerons à la bonne application de cet accord et à sa bonne exécution.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 38.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 4.

(L'article 4 est adopté.)

Art. 4
Dossier législatif : projet de loi relatif à la protection des personnes physiques à l'égard des traitements de données à caractère personnel et modifiant la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés
Art. 6

Article 5

Le chapitre V de la loi no 78-17 du 6 janvier 1978 précitée est intitulé : « Obligations incombant aux responsables de traitements et droits des personnes ». Ce chapitre comprend les articles 32 à 42 ainsi que l'article 40, qui devient l'article 43. Il comprend deux sections ainsi rédigées :

« Section 1

« Obligations incombant aux responsables de traitements

« Art. 32. - I. - La personne auprès de laquelle sont recueillies des données à caractère personnel la concernant est informée, sauf si elle l'a été au préalable, par le responsable du traitement ou son représentant :

« 1° De l'identité du responsable du traitement et, le cas échéant, de celle de son représentant ;

« 2° De la finalité poursuivie par le traitement auquel les données sont destinées ;

« 3° Du caractère obligatoire ou facultatif des réponses ;

« 4° Des conséquences éventuelles, à son égard, d'un défaut de réponse ;

« 5° Des destinataires ou catégories de destinataires des données ;

« 6° Des droits qu'elle tient des dispositions de la section 2 du présent chapitre ;

« 7° Le cas échéant, des transferts de données à caractère personnel envisagés à destination d'un Etat non membre de la Communauté européenne.

« Lorsque de telles données sont recueillies par voie de questionnaires, ceux-ci doivent porter mention des prescriptions figurant aux 1°, 2°, 3° et 6°.

« I bis. - Toute personne utilisatrice des réseaux de communications électroniques doit être informée de manière claire et complète par le responsable du traitement ou son représentant :

« - de la finalité de toute action tendant à accéder, par voie de transmission électronique, à des informations stockées dans son équipement terminal de connexion, ou à inscrire, par la même voie, des informations dans son équipement terminal de connexion ;

« - des moyens dont elle dispose pour s'y opposer.

Ces dispositions ne sont pas applicables si l'accès aux informations stockées dans l'équipement terminal de l'utilisateur ou l'inscription d'informations dans l'équipement terminal de l'utilisateur :

« - soit a pour finalité exclusive de permettre ou faciliter la communication par voie électronique ;

« - soit est strictement nécessaire à la fourniture d'un service de communication en ligne à la demande expresse de l'utilisateur.

« II. - Lorsque les données à caractère personnel n'ont pas été recueillies auprès de la personne concernée, le responsable du traitement ou son représentant doit fournir à cette dernière les informations énumérées au I dès l'enregistrement des données ou, si une communication des données à des tiers est envisagée, au plus tard lors de la première communication des données.

« Lorsque les données à caractère personnel ont été initialement recueillies pour un autre objet, les dispositions de l'alinéa précédent ne s'appliquent pas aux traitements nécessaires à la conservation de ces données à des fins historiques, statistiques ou scientifiques, dans les conditions prévues au livre II du code du patrimoine ou à la réutilisation de ces données à des fins statistiques dans les conditions de l'article 7 bis de la loi no 51-711 du 7 juin 1951 sur l'obligation, la coordination et le secret en matière de statistiques. Ces dispositions ne s'appliquent pas non plus lorsque la personne concernée est déjà informée ou quand son information se révèle impossible ou exige des efforts disproportionnés par rapport à l'intérêt de la démarche.

« II bis. - Si les données à caractère personnel recueillies sont appelées à faire l'objet à bref délai d'un procédé d'anonymisation préalablement reconnu conforme aux dispositions de la présente loi par la Commission nationale de l'informatique et des libertés, les informations délivrées par le responsable du traitement à la personne concernée peuvent se limiter à celles mentionnées au 1° et au 2° du I.

« III. - Les dispositions du I ne s'appliquent pas aux données recueillies dans les conditions prévues au II et utilisées lors d'un traitement mis en oeuvre pour le compte de l'Etat et intéressant la sûreté de l'Etat, la défense, la sécurité publique ou ayant pour objet l'exécution de condamnations pénales ou de mesures de sûreté, dans la mesure où une telle limitation est nécessaire au respect des fins poursuivies par le traitement.

« IV. - Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas aux traitements de données ayant pour objet la prévention, la recherche, la constatation ou la poursuite d'infractions pénales.

« Art. 33 à 35. - Non modifiés.

« Art. 36. - Les données à caractère personnel ne peuvent être conservées au-delà de la durée prévue au 5° de l'article 6 qu'en vue d'être traitées à des fins historiques, statistiques ou scientifiques ; le choix des données ainsi conservées est opéré dans les conditions prévues à 1'article L. 212-4 du code du patrimoine.

« Les traitements dont la finalité se limite à assurer la conservation à long terme de documents d'archives dans le cadre du livre II du même code sont dispensés des formalités préalables à la mise en oeuvre des traitements prévues au chapitre IV de la présente loi.

« Il peut être procédé à un traitement ayant des finalités autres que celles mentionnées au premier alinéa :

« - soit avec l'accord exprès de la personne concernée ;

« - soit avec l'autorisation de la Commission nationale de l'informatique et des libertés ;

« - soit dans les conditions prévues au 6° du II et au III de l'article 8 s'agissant de données mentionnées au I de ce même article.

« Art. 37. - Les dispositions de la présente loi ne font pas obstacle à l'application, au bénéfice de tiers, des dispositions du titre Ier de la loi no 78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d'amélioration des relations entre l'administration et le public et diverses dispositions d'ordre administratif, social et fiscal et des dispositions du livre II du code du patrimoine.

« En conséquence, ne peut être regardé comme un tiers non autorisé au sens de l'article 34 le titulaire d'un droit d'accès aux documents administratifs ou aux archives publiques exercé conformément à la loi no 78-753 du 17 juillet 1978 précitée et au livre II du même code.

« Section 2

« Droits des personnes à l'égard des traitements de données à caractère personnel

« Art. 38. - Non modifié.

« Art. 39. - I. - Toute personne physique justifiant de son identité a le droit d'interroger le responsable d'un traitement de données à caractère personnel en vue d'obtenir :

« 1° La confirmation que des données à caractère personnel la concernant font ou ne font pas l'objet de ce traitement ;

« 2° Des informations relatives aux finalités du traitement, aux catégories de données à caractère personnel traitées et aux destinataires ou aux catégories de destinataires auxquels les données sont communiquées ;

« 2° bis Le cas échéant, des informations relatives aux transferts de données à caractère personnel envisagés à destination d'un Etat non membre de la Communauté européenne ;

« 3° La communication, sous une forme accessible, des données à caractère personnel qui la concernent ainsi que de toute information disponible quant à l'origine de celles-ci ;

« 4° Les informations permettant de connaître et de contester la logique qui sous-tend le traitement automatisé en cas de décision prise sur le fondement de celui-ci et produisant des effets juridiques à l'égard de l'intéressé. Toutefois, les informations communiquées à la personne concernée ne doivent pas porter atteinte au droit d'auteur au sens des dispositions du livre Ier et du titre IV du livre III du code de la propriété intellectuelle.

« Une copie des données à caractère personnel est délivrée à l'intéressé à sa demande. Le responsable du traitement peut subordonner la délivrance de cette copie au paiement d'une somme qui ne peut excéder le coût de la reproduction.

« En cas de risque de dissimulation ou de disparition des données à caractère personnel, le juge compétent peut ordonner, y compris en référé, toutes mesures de nature à éviter cette dissimulation ou cette disparition.

« II. - Le responsable du traitement peut s'opposer aux demandes manifestement abusives, notamment par leur nombre, leur caractère répétitif ou systématique. En cas de contestation, la charge de la preuve du caractère manifestement abusif des demandes incombe au responsable auprès duquel elles sont adressées.

« Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas lorsque les données à caractère personnel sont conservées sous une forme excluant manifestement tout risque d'atteinte à la vie privée des personnes concernées et pendant une durée n'excédant pas celle nécessaire aux seules finalités d'établissement de statistiques ou de recherche scientifique ou historique. Hormis les cas mentionnés au second alinéa de l'article 36, les dérogations envisagées par le responsable du traitement sont mentionnées dans la demande d'autorisation ou dans la déclaration adressée à la Commission nationale de l'informatique et des libertés.

« Art. 40. - Toute personne physique justifiant de son identité peut exiger du responsable d'un traitement que soient, selon les cas, rectifiées, complétées, mises à jour, verrouillées ou effacées les données à caractère personnel la concernant, qui sont inexactes, incomplètes, équivoques, périmées, ou dont la collecte, l'utilisation, la communication ou la conservation est interdite.

« Lorsque l'intéressé en fait la demande, le responsable du traitement doit justifier, sans frais pour le demandeur, qu'il a procédé aux opérations exigées en vertu de l'alinéa précédent.

« En cas de contestation, la charge de la preuve incombe au responsable auprès duquel est exercé le droit d'accès sauf lorsqu'il est établi que les données contestées ont été communiquées par l'intéressé ou avec son accord.

« Lorsqu'il obtient une modification de l'enregistrement, l'intéressé est en droit d'obtenir le remboursement des frais correspondant au coût de la copie mentionnée au I de l'article 39.

« Si une donnée a été transmise à un tiers, le responsable du traitement doit accomplir les diligences utiles afin de lui notifier les opérations qu'il a effectuées conformément au premier alinéa.

« Les héritiers d'une personne décédée justifiant de leur identité peuvent, si des éléments portés à leur connaissance leur laissent présumer que les données à caractère personnel la concernant faisant l'objet d'un traitement n'ont pas été actualisées, exiger du responsable de ce traitement qu'il prenne en considération le décès et procède aux mises à jour qui doivent en être la conséquence.

« Lorsque les héritiers en font la demande, le responsable du traitement doit justifier, sans frais pour le demandeur, qu'il a procédé aux opérations exigées en vertu de l'alinéa précédent.

« Art. 41 et 42. - Non modifiés. ».

M. le président. L'amendement n° 39, présenté par M. C. Gautier et les membres du groupe Socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

Dans le premier alinéa du I bis du texte proposé par cet article pour l'article 32 de la loi n° 7817 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, après les mots :

doit être

insérer les mots :

, au préalable ,

La parole est à M. Charles Gautier.

M. Charles Gautier. Nous proposons, avec cet amendement, d'améliorer le régime concernant les témoins de connexion.

Le dispositif du projet de loi prévoyait que le recours aux cookies était autorisé si l'abonné ou l'utilisateur avait reçu, « au préalable, une information claire et complète sur les finalités du traitement et sur les moyens dont il disposait pour s'y opposer » .

En première lecture, le Sénat en a substantiellement modifié la rédaction. Il a, en particulier, supprimé le caractère préalable des informations devant être fournies à l'internaute.

Considérant que ce caractère préalable offre à celui-ci une meilleure garantie d'information sur l'existence et l'usage de cette catégorie de données, nous proposons de le rétablir.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Alex Türk, rapporteur. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Guedj, secrétaire d'Etat. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 39.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 40, présenté par M. C. Gautier et les membres du groupe Socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

Dans la dernière phrase du second alinéa du II du texte proposé par cet article pour l'article 32 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, après le mot :

ou

insérer les mots :

, pour les traitements visés au présent alinéa,

La parole est à M. Charles Gautier.

M. Charles Gautier. Il s'agit d'un amendement de précision.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Alex Türk, rapporteur. Je profite de l'occasion pour préciser - parce que j'ai cru comprendre qu'il y avait une ambiguïté sur ce point - que les informations qui sont communiquées par le responsable du traitement aux personnes dont on recueille les données n'ont pas à être fournies lorsqu'elles sont obtenues par le biais d'un questionnaire, ce qui est un cas courant.

Diverses modalités sont bien entendu possibles, notamment les notices d'information.

Enfin, il ne peut en aucun cas s'agir d'une dispense.

La commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Guedj, secrétaire d'Etat. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 40.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 41, présenté par M. C. Gautier et les membres du groupe Socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le cinquième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 40 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés :

« Si une donnée a été transmise a un tiers, le responsable du traitement notifie les opérations qu'il a effectuées conformément au premier alinéa sauf lorsque cette obligation s'avère impossible ou suppose un effort disproportionné.

La parole est à M. Charles Gautier.

M. Charles Gautier. L'article 38 en vigueur de la loi du 6 janvier 1978 prévoit, dans le cas de transmission de données à un tiers, une obligation de résultat, la rectification ou l'annulation des données devant être notifiées, sauf dispense de la CNIL.

La directive transforme cette obligation de résultat en obligation de moyens. Ce choix répond à une préoccupation pratique évidente, même si, en définitive, il s'agit d'un recul par rapport au droit actuel.

Par cet amendement, il est néanmoins proposé de mieux encadrer cette obligation, en restant, bien entendu, fidèle au texte de l'article 12 de la directive.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Alex Türk, rapporteur. Il est question, dans le projet de loi, de « diligences utiles », ce qui nous semble suffisant : l'avis de la commission est donc défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Guedj, secrétaire d'Etat. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 41.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 5.

(L'article 5 est adopté.)

Art. 5
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Art. 7

Article 6

Le chapitre VI de la loi no 78-17 du 6 janvier 1978 précitée est ainsi rédigé :

« CHAPITRE VI

« Le contrôle de la mise en oeuvre des traitements

« Art. 44. - I. - Les membres de la Commission nationale de l'informatique et des libertés ainsi que les agents de ses services habilités dans les conditions définies au troisième alinéa de l'article 19 ont accès, de 6 heures à 21 heures, pour l'exercice de leurs missions, aux lieux, locaux, enceintes, installations ou établissements servant à la mise en oeuvre d'un traitement de données à caractère personnel et qui sont à usage professionnel, à l'exclusion des parties de ceux-ci affectées au domicile privé.

« Le procureur de la République territorialement compétent en est préalablement informé.

« II. - En cas d'opposition du responsable des lieux, la visite ne peut se dérouler qu'avec l'autorisation du président du tribunal de grande instance dans le ressort duquel sont situés les locaux à visiter ou du juge délégué par lui.

« Ce magistrat est saisi à la requête du président de la commission. Il statue par une ordonnance motivée, conformément aux dispositions prévues aux articles 493 à 498 du nouveau code de procédure civile. La procédure est sans représentation obligatoire.

« La visite s'effectue sous l'autorité et le contrôle du juge qui l'a autorisée. Celui-ci peut se rendre dans les locaux durant l'intervention. A tout moment, il peut décider l'arrêt ou la suspension de la visite.

« III. - Les membres de la commission et les agents mentionnés au premier alinéa du I peuvent demander communication de tous documents nécessaires à l'accomplissement de leur mission, quel qu'en soit le support, et en prendre copie ; ils peuvent recueillir, sur place ou sur convocation, tout renseignement et toute justification utiles ; ils peuvent accéder aux programmes informatiques et aux données, ainsi qu'en demander la transcription par tout traitement approprié dans des documents directement utilisables pour les besoins du contrôle.

« Ils peuvent, à la demande du président de la commission, être assistés par des experts désignés par l'autorité dont ceux-ci dépendent.

« Seul un médecin peut requérir la communication de données médicales individuelles incluses dans un traitement nécessaire aux fins de la médecine préventive, de la recherche médicale, des diagnostics médicaux, de l'administration de soins ou de traitements, ou à la gestion de service de santé, et qui est mis en oeuvre par un membre d'une profession de santé.

« Il est dressé contradictoirement procès-verbal des vérifications et visites menées en application du présent article.

« IV. - Pour les traitements intéressant la sûreté de l'Etat et qui sont dispensés de la publication de l'acte réglementaire qui les autorise en application du III de l'article 26, le décret en Conseil d'Etat qui prévoit cette dispense peut également prévoir que le traitement n'est pas soumis aux dispositions du présent article ».

M. le président. L'amendement n° 42, présenté par M. C. Gautier et les membres du groupe Socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

Supprimer le IV du texte proposé par cet article pour l'article 44 de la loi n° 7817 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés.

La parole est à M. Charles Gautier.

M. Charles Gautier. Le fait que des fichiers à haut risque pour les libertés puissent échapper au contrôle jusqu'à présent considéré comme normal caractérise un niveau moindre de garantie et de protection. Cette dérogation exceptionnelle aboutit à exempter certains traitements sensibles des pouvoirs de vérifications sur place et sur pièces réservés aux membres et agents de la CNIL.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Alex Türk, rapporteur. Cette question étant très délicate, il faut prendre la peine de bien dissiper l'ambiguïté.

Le contrôle de ces fichiers ne pouvant être traité comme celui de fichiers relevant du cas général, il est donc prévu, dans le texte, que le contrôle ne pourra pas s'appliquer dans les mêmes conditions. Mais, comme je l'ai dit ce matin, de toute façon, ce contrôle n'avait pas lieu : depuis vingt-six ans, jamais la CNIL n'a procédé à un seul contrôle de ces deux fichiers, quelles qu'aient été les sensibilités politiques de ses présidents successifs. On ne peut donc pas dire qu'il va y avoir un abaissement du niveau de garde en la matière.

Il s'agit d'un dossier extrêmement délicat, touchant à des coopérations internationales, dans des domaines très sensibles. Chacun peut admettre en conscience qu'il ne peut être traité de la même manière que des fichiers plus courants.

Enfin, et je tiens à dissiper une ambiguïté. Vous laissiez entendre à l'instant, sans doute de manière involontaire, que les contrôles opérés par certains membres de la CNIL ne pourraient plus se faire. Or c'est inexact : le droit d'accès indirect est maintenu. Donc, si un contrôle ne peut pas être opéré au sens où vous l'entendiez, rien n'empêche un concitoyen de s'adresser à la CNIL pour qu'un accès indirect soit opéré par l'un des membres de la CNIL doté du statut de magistrat, qui ira tout naturellement vérifier les données en question.

De ce point de vue, il n'y a donc aucun abaissement du niveau de protection des libertés. Je tenais à le rappeler, parce que ce bruit qui court est dépourvu de tout fondement.

L'avis de la commission est donc défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Guedj, secrétaire d'Etat. Cette restriction des pouvoirs d'investigation et d'accès de la CNIL étant très limitée, nous émettons également un avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 42.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 6.

(L'article 6 est adopté.)

Art. 6
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Art. 8

Article 7

Le chapitre VII de la loi no 78-17 du 6 janvier 1978 précitée est ainsi rédigé :

« CHAPITRE VII

« Sanctions prononcées par la Commission nationale de l'informatique et des libertés

« Art. 45. - I. - La Commission nationale de l'informatique et des libertés peut prononcer un avertissement à l'égard du responsable d'un traitement qui ne respecte pas les obligations découlant de la présente loi. Elle peut également mettre en demeure ce responsable de faire cesser le manquement constaté dans un délai qu'elle fixe.

« Si le responsable d'un traitement ne se conforme pas à la mise en demeure qui lui est adressée, la commission peut prononcer à son encontre, après une procédure contradictoire, les sanctions suivantes :

« 1° Une sanction pécuniaire, dans les conditions prévues par l'article 47, à l'exception des cas où le traitement est mis en oeuvre par l'Etat ;

« 2° Une injonction de cesser le traitement, lorsque celui-ci relève des dispositions de l'article 22, ou un retrait de l'autorisation accordée en application de l'article 25.

« II. - En cas d'urgence, lorsque la mise en oeuvre d'un traitement ou l'exploitation des données traitées entraîne une violation des droits et libertés mentionnés à l'article 1er, la commission peut, après une procédure contradictoire :

« 1° Décider l'interruption de la mise en oeuvre du traitement, pour une durée maximale de trois mois, si le traitement n'est pas au nombre de ceux qui sont mentionnés au I et au II de l'article 26, ou de ceux mentionnés à l'article 27 mis en oeuvre par l'Etat ;

« 1°bis Décider le verrouillage de certaines des données à caractère personnel traitées, pour une durée maximale de trois mois, si le traitement n'est pas au nombre de ceux qui sont mentionnés au I et au II de l'article 26 ;

« 2° Informer le Premier ministre pour qu'il prenne, le cas échéant, les mesures permettant de faire cesser la violation constatée, si le traitement en cause est au nombre de ceux qui sont mentionnés au I et au II de l'article 26 ; le Premier ministre fait alors connaître à la commission les suites qu'il a données à cette information au plus tard quinze jours après l'avoir reçue.

« III. - En cas d'atteinte grave et immédiate aux droits et libertés mentionnés à l'article 1er, le président de la commission peut demander, par la voie du référé, à la juridiction compétente d'ordonner, le cas échéant sous astreinte, toute mesure de sécurité nécessaire à la sauvegarde de ces droits et libertés.

« Art. 46. - Les sanctions prévues au I et au 1° du II de l'article 45 sont prononcées sur la base d'un rapport établi par l'un des membres de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, désigné par le président de celle-ci parmi les membres n'appartenant pas à la formation restreinte. Ce rapport est notifié au responsable du traitement, qui peut déposer des observations et se faire représenter ou assister. Le rapporteur peut présenter des observations orales à la commission mais ne prend pas part à ses délibérations. La commission peut entendre toute personne dont l'audition lui paraît susceptible de contribuer utilement à son information.

« La commission peut rendre publics les avertissements qu'elle prononce. Elle peut également, en cas de mauvaise foi du responsable du traitement, ordonner l'insertion des autres sanctions qu'elle prononce dans des publications, journaux et supports qu'elle désigne. Les frais sont supportés par les personnes sanctionnées.

« Les décisions prises par la commission au titre de l'article 45 sont motivées et notifiées au responsable du traitement. Les décisions prononçant une sanction peuvent faire l'objet d'un recours de pleine juridiction devant le Conseil d'Etat.

« Art. 47 à 49. - Non modifiés. »

M. le président. L'amendement n° 43, présenté par M. C. Gautier et les membres du groupe Socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

Dans le dernier alinéa (2°) du I du texte proposé par cet article pour l'article 45 de la loi n° 7817 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés après le mot :

traitement,

insérer les mots :

ou de procéder à sa destruction,

La parole est à M. Charles Gautier.

M. Charles Gautier. Le Sénat a supprimé la possibilité offerte à la CNIL de détruire le traitement de données. Il convient de rétablir cette possibilité en raison de sa force de dissuasion et de la rapidité de sa mise en oeuvre.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Alex Türk, rapporteur. Une telle mesure est extrêmement grave. Sur le fond, il est permis de considérer que ce mécanisme est tout à fait excessif. Puisqu'il existe une procédure de verrouillage déjà très pénalisante, je ne vois pas l'intérêt d'aller jusqu'à la destruction des données, par définition irréversible, d'autant qu'il est préférable de laisser au juge le soin de l'ordonner s'il l'estime nécessaire.

Le mécanisme est assez équilibré. Dans ces conditions, la commission émet un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Guedj, secrétaire d'Etat. Ces mesures de destruction devant, à notre sens, rester soumises à l'appréciation du juge judiciaire, l'avis du Gouvernement est défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 43.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 44, présenté par M. C. Gautier et les membres du groupe Socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

Dans le dernier alinéa (2°) du II du texte proposé par cet article pour l'article 45 de la loi n° 7817 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, après le mot :

commission

insérer les mots :

et rend publiques

La parole est à M. Charles Gautier.

M. Charles Gautier. L'exigence de publicité de l'action du Premier ministre est d'autant plus justifiée qu'il s'agit d' un cas d'urgence portant sur un traitement de souveraineté dont l'application entraîne une violation des droits et libertés mentionnés à l'article 1er de la loi. La publication envisagée dans le rapport d'activité annuel est totalement inadaptée en la circonstance. C'est pourquoi nous proposons cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Alex Türk, rapporteur. Cette question a déjà été tranchée lors des débats précédents : nous considérons que le Premier ministre doit être libre d'agir, d'autant que ces questions peuvent être délicates, puisqu'elles touchent au terrorisme ou à la sûreté de l'Etat.

Mieux vaut être mesuré et prudent en la matière. L'avis de la commission est donc défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Guedj, secrétaire d'Etat. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 44.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 7.

(L'article 7 est adopté.)

Art. 7
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Art. additionnel après l'art. 10

Article 8

La loi no 78-17 du 6 janvier 1978 précitée est complétée par un chapitre VIII ainsi rédigé :

« CHAPITRE VIII

« Dispositions pénales

« Art. 50. Non modifié.

« Art. 51. - Est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 ? d'amende le fait d'entraver l'action de la Commission nationale de l'informatique et des libertés :

« 1° Soit en s'opposant à l'exercice des missions confiées à ses membres ou aux agents habilités en application du dernier alinéa de l'article 19 ;

« 2° Soit en refusant de communiquer à ses membres ou aux agents habilités en application du dernier alinéa de l'article 19 les renseignements et documents utiles à leur mission, ou en dissimulant lesdits documents ou renseignements, ou en les faisant disparaître ;

« 3° Soit en communiquant des informations qui ne sont pas conformes au contenu des enregistrements tel qu'il était au moment où la demande a été formulée ou qui ne présentent pas ce contenu sous une forme directement accessible.

« Art. 52. - Non modifié. » - (Adopté.)

Art. 8
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Art. 11

Article additionnel après l'article 10

M. le président. L'amendement n° 9, présenté par M. Bret et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Après l'article 10, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le numéro d'inscription des personnes au répertoire national d'identification des personnes physiques destiné à permettre l'identification des personnes est remplacé par un numéro non signifiant.

Ce numéro ne peut faire l'objet d'un traitement ou de toute autre utilisation, autres que ceux déjà existants et autorisés, qu'aux seules fin d'éviter les erreurs d'identité.

Les conditions d'application du présent article sont fixées par décret en Conseil d'Etat après avis de la commission.

La parole est à M. Robert Bret.

M. Robert Bret. Le présent amendement ayant déjà été présenté en première lecture, je n'en développerai donc que brièvement l'objet.

Il vise à transformer le NIR, le numéro d'inscription des personnes au répertoire national d'identification des personnes physiques, en un identifiant non signifiant.

En effet, j'aurais tendance à dire que « chat échaudé craint l'eau froide » : en 1974, le projet SAFARI devait permettre à l'administration de disposer des informations enregistrées sur une même personne à partir d'un identifiant unique ; ce projet tentaculaire est, on le sait, à l'origine directe de la loi de 1978, dont l'objet était de garantir la protection des libertés.

Or, les dispositions du présent texte, comme celles de textes de même nature - je pense au dossier médical personnel - sont le reflet d'une certaine tentation de l'administration de regrouper sous un identifiant unique quantité d'informations sur les personnes physiques.

S'agissant du NIR, particulièrement bien placé, aux dires mêmes de la CNIL, pour « une utilisation non contrôlée susceptible d'entraîner l'engagement d'actions selon des critères discriminants et non légitimes », il est grand temps que, à l'instar d'autres pays comme les Pays-Bas ou la Grande-Bretagne, le NIR deviennent un identifiant aléatoire et non signifiant, de façon à garantir l'identité des personnes et à éviter les homonymies.

Une telle évolution irait d'ailleurs dans le sens de la directive 95/46, dont nous sommes chargés d'assurer la transposition aujourd'hui et aux termes de laquelle il est prévu de répertorier dans des catégories particulières les données sensibles et celles qui concernent les infractions.

Là encore, il s'agit non de tomber dans la paranoïa, mais de créer toutes les conditions de nature à éviter les dérives, comme nous y appelle justement la CNIL dans ses recommandations sur le NIR.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Alex Türk, rapporteur. Cette disposition a déjà été débattue puis rejetée au cours de la lecture précédente de ce projet de loi.

Il faut bien être conscient que cette proposition entraînerait un véritable bouleversement, qui ne peut pas être traité lors d'une deuxième lecture, à l'occasion de l'examen d'un amendement.

L'avis de la commission est donc défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Guedj, secrétaire d'Etat. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 9.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Art. additionnel après l'art. 10
Dossier législatif : projet de loi relatif à la protection des personnes physiques à l'égard des traitements de données à caractère personnel et modifiant la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés
Art. 15 quater

Article 11

La loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 précitée est complétée par un chapitre XI ainsi rédigé :

« CHAPITRE XI

« Traitements de données à caractère personnel aux fins de journalisme et d'expression littéraire et artistique

« Art. 67. - Le 5° de l'article 6, les articles 8, 9, 22, les 1° et 3° du I de l'article 25, les articles 32, 39, 40 et 68 à 70 ne s'appliquent pas aux traitements de données à caractère personnel mis en oeuvre aux seules fins :

« 1° D'expression littéraire et artistique ;

« 2° D'exercice, à titre professionnel, de l'activité de journaliste, dans le respect des règles déontologiques de cette profession.

« Toutefois, pour les traitements mentionnés au 2°, la dispense de l'obligation de déclaration prévue par l'article 22 est subordonnée à la désignation par le responsable du traitement d'un correspondant à la protection des données appartenant à un organisme de la presse écrite ou audiovisuelle, chargé de tenir un registre des traitements mis en oeuvre par ce responsable et d'assurer, d'une manière indépendante, l'application des dispositions de la présente loi. Cette désignation est portée à la connaissance de la Commission nationale de l'informatique et des libertés.

« En cas de non-respect des dispositions de la loi applicables aux traitements prévus par le présent article, le responsable du traitement est enjoint par la Commission nationale de l'informatique et des libertés de se mettre en conformité avec la loi. En cas de manquement constaté à ses devoirs, le correspondant est déchargé de ses fonctions sur demande, ou après consultation, de la Commission nationale de l'informatique et des libertés.

« Les dispositions des alinéas précédents ne font pas obstacle à l'application des dispositions du code civil, des lois relatives à la presse écrite ou audiovisuelle et du code pénal, qui prévoient les conditions d'exercice du droit de réponse et qui préviennent, limitent, réparent et, le cas échéant, répriment les atteintes à la vie privée et à la réputation des personnes. » - (Adopté.)

TITRE II

DISPOSITIONS MODIFIANT D'AUTRES TEXTES LÉGISLATIFS

Art. 11
Dossier législatif : projet de loi relatif à la protection des personnes physiques à l'égard des traitements de données à caractère personnel et modifiant la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés
Art. 15 quinquies

Article 15 quater

[Pour coordination]

I et II. - Non modifiés.

III. - Dans la première phrase du dernier alinéa de l'article L. 262-33 du code de l'action sociale et des familles, la référence : « à l'article 15 » est remplacée par la référence : « au chapitre IV ».

IV à VII. - Non modifiés.

VIII. - Dans le dernier alinéa de l'article L. 115-2 du code de la sécurité sociale, la référence : « l'article 15 » est remplacée par la référence : « l'article 27 ».

IX à XI. - Non modifiés. - (Adopté.)

Art. 15 quater
Dossier législatif : projet de loi relatif à la protection des personnes physiques à l'égard des traitements de données à caractère personnel et modifiant la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés
Art. 15 sexies

Article 15 quinquies

I. - Dans l'article L. 262-51 du code de l'action sociale et des familles, les mots : « de l'article 15 » sont remplacés par les mots : « du chapitre IV ».

II. - Dans le premier alinéa de l'article 60-2 du code de procédure pénale, les mots : « de l'article 31 et à l'article 33 » sont remplacés par les mots : « du 2° du II de l'article 8 et au 2° de l'article 67 ».

III. - Dans le premier alinéa de l'article 706-53-11 du code de procédure pénale, la référence : « 19 » est remplacée par la référence : « 30 ».

IV. - Dans la deuxième phrase du troisième alinéa de l'article L. 1111-8 du code de la santé publique, la référence : « 29 » est remplacée par la référence : « 34 ».

V. - Dans le dernier alinéa de l'article L. 115-7 du code de la sécurité sociale, les mots : « autorisée dans les conditions prévues à l'article 15 » sont remplacés par les mots : « selon les modalités prévues au chapitre IV ».

VI. - L'avant-dernier alinéa de l'article L. 161-28-1 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé :

« Cet arrêté est pris après avis motivé de la Commission nationale de l'informatique et des libertés. »

VII. - Le début du septième alinéa de l'article 7 bis de la loi no 51-711 du 7 juin 1951 sur l'obligation, la coordination et le secret en matière de statistiques est ainsi rédigé : « Les cessions portant sur des données à caractère personnel, telles qu'elles sont définies à l'article 2 de la loi... (le reste sans changement). »

VIII. - L'article L. 212-4 du code du patrimoine est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est ainsi rédigé :

« Lorsque les documents visés à l'article L. 211-4 comportent des données à caractère personnel collectées dans le cadre de traitements automatisés régis par la loi no 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, ces données font l'objet, à l'expiration de la durée prévue au 5° de l'article 6 de ladite loi, d'un tri pour déterminer les données destinées à être conservées et celles, dépourvues d'intérêt scientifique, statistique ou historique, destinées à être détruites. » ;

2° Dans le dernier alinéa, les mots : « d'informations » sont remplacés par les mots : « de données ».

IX. - Dans le dernier alinéa de l'article L. 333-4 du code de la consommation, la référence : « 35 » est remplacée par la référence : « 39 ». - (Adopté.)

Art. 15 quinquies
Dossier législatif : projet de loi relatif à la protection des personnes physiques à l'égard des traitements de données à caractère personnel et modifiant la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés
Art. 16 bis

Article 15 sexies

La première phrase de l'article 24 de la loi no 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure est remplacée par deux phrases ainsi rédigées :

« Les données contenues dans les traitements automatisés de données à caractère personnel gérés par les services de police et de gendarmerie nationales peuvent être transmises, dans le cadre des engagements internationaux régulièrement introduits dans l'ordre juridique interne, à des organismes de coopération internationale en matière de police judiciaire ou à des services de police étrangers, qui représentent un niveau de protection suffisant de la vie privée, des libertés et des droits fondamentaux des personnes à l'égard du traitement dont ces données font l'objet ou peuvent faire l'objet. Le caractère suffisant du niveau de protection assuré par un Etat s'apprécie en fonction notamment des dispositions en vigueur dans cet Etat, des mesures de sécurité qui y sont appliquées, des caractéristiques propres du traitement, telles que ses fins et sa durée, ainsi que de la nature, de l'origine et de la destination des données traitées. »

M. le président. L'amendement n° 45, présenté par M. C. Gautier et les membres du groupe Socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Charles Gautier.

M. Charles Gautier. Il est prévu, dans l'actuel article 24 de la loi pour la sécurité intérieure, que l'échange de données doit comporter des garanties équivalantes à celles du droit interne.

Or la nouvelle rédaction vise seulement « un niveau de protection suffisant ». Cette disposition est donc en retrait par rapport à ce qui existe.

En première lecture, nous nous étions fermement opposés à cet abaissement de la garantie dans l'échange des données, à l'occasion de l'examen de l'article 68 modifié de la loi de 1978. Nous confirmons notre opposition en proposant cet amendement de suppression.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Alex Türk, rapporteur. Dans un souci d'harmonisation, nous pensons qu'il vaut mieux garder l'adjectif « suffisant », qui est retenu dans d'autres dispositions de ce texte. D'autant que, selon nous, passer de « garanties équivalentes » à « un niveau de protection suffisant » n'entraîne pas une baisse du niveau de protection.

L'avis de la commission est donc défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Guedj, secrétaire d'Etat. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Robert Bret, pour explication de vote.

M. Robert Bret. La modification de l'article 24 de la loi n°2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure, prévue aux termes de l'article 15 sexies, adopté à l'Assemblée nationale, apparaît en retrait par rapport à l'état actuel du droit.

En effet, comme vient de l'expliquer mon collègue Charles Gautier, alors que, pour un échange de données interétatiques, il est exigé, dans l'actuel article 24 de ladite loi, l'existence de garanties équivalentes à celles du droit interne, il s'agit ici d'exiger uniquement « un niveau de protection suffisant ».

Nous ne pouvons accepter cette modification en retrait, spécialement en ce qui concerne les données collectées par les services de police et de gendarmerie.

Nous soulignons que cette notion de protection équivalente est déjà présente en matière de données sensibles, en particulier dans la loi de 1994 sur la recherche en matière de santé, et nous comprenons mal l'option prise ici, alors même que, selon le texte de la directive, le rapprochement des législations ne doit pas conduire à un affaiblissement de la protection.

Nous sommes d'autant moins favorables à cet abaissement que, en 2003, la CNIL devait dénoncer le nombre d'imprécisions et d'erreurs du STIC, le système de traitement des infractions constatées, qui ont pu conduire à l'augmentation très notable des plaintes sur ce type de fichiers de police.

Chacun peut mesurer l'ampleur des dérives pouvant résulter d'une éventuelle transmission de données erronées relatives à une personne à des services de police étrangers ne bénéficiant pas du même niveau de protection que ceux de la France.

C'est pourquoi les sénateurs et les sénatrices du groupe communiste républicain et citoyen voteront en faveur de cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 45.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 15 sexies.

(L'article 15 sexies est adopté.)

TITRE III

DISPOSITIONS TRANSITOIRES

Art. 15 sexies
Dossier législatif : projet de loi relatif à la protection des personnes physiques à l'égard des traitements de données à caractère personnel et modifiant la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés
Explications de vote sur l'ensemble (début)

Article 16 bis

Les responsables de traitements non automatisés de données à caractère personnel intéressant la sûreté de l'Etat, la défense et la sécurité publique, dont la mise en oeuvre est régulièrement intervenue avant la date de publication de la présente loi disposent, pour mettre leurs traitements en conformité avec les articles 6 à 9 de la loi no 78-17 du 6 janvier 1978 précitée, dans leur rédaction issue de la présente loi, d'un délai allant jusqu'au 24 octobre 2010. - (Adopté.)

M. le président. Les autres dispositions du projet de loi ne font pas l'objet de la deuxième lecture.

Vote sur l'ensemble

Art. 16 bis
Dossier législatif : projet de loi relatif à la protection des personnes physiques à l'égard des traitements de données à caractère personnel et modifiant la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés
Explications de vote sur l'ensemble (fin)

M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Robert Bret, pour explication de vote.

M. Robert Bret. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, sans remettre en cause la sincérité de la démarche de M. le rapporteur, je ne peux que regretter qu'il ait, avec la majorité sénatoriale, rejeté en bloc les amendements déposés par les sénateurs et les sénatrices des groupes CRC et socialiste, parce qu'il a fait le choix d'un vote conforme.

Nous aurions souhaité un dialogue plus constructif. Le projet de loi est en instance devant le Parlement depuis maintenant deux ans : un retard supplémentaire de quelques semaines pour constituer une commission mixte paritaire n'aurait pas changé fondamentalement les choses !

Nos amendements soulevaient de vraies questions, qu'il s'agisse des interconnexions ou du champ des données sensibles : ils contribuaient à rééquilibrer le texte en supprimant les dispositions minorant le contrôle de la CNIL sur les fichiers, répondant en cela aux craintes exprimées par de nombreux spécialistes et défenseurs des droits de l'homme.

Nous n'avons pas été entendus sur ce terrain et nous le regrettons. Pourtant, j'avais l'impression que nous n'étions ni « ringards » - pour reprendre votre expression, monsieur le rapporteur - ni jusqu'au-boutistes !

Alors que s'achève aujourd'hui, ainsi que vous le souhaitiez, la discussion parlementaire sur ce texte, je souhaiterais que le Conseil constitutionnel soit saisi. Car nous ne sommes pas du tout sûrs que, dans sa rédaction actuelle, ce texte respecte entièrement les droits et libertés individuels, particulièrement la protection de la vie privée.

Pour l'heure, les sénatrices et les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen voteront contre ce projet de loi qui semble très imparfait, alors qu'il aurait pu, si bonne volonté il y avait eu, être nettement amélioré.

L'avenir nous dira, monsieur le rapporteur, si les craintes, que nous avons en partie relayées aujourd'hui, que l'esprit de la loi « informatique et libertés » soit dénaturé étaient fondées ou non. Très sincèrement, j'espère que la réponse sera négative.

Je souhaite, monsieur le rapporteur, qu'en tant que nouveau président de la CNIL vous teniez compte de ces inquiétudes dans votre action au quotidien et que vous nous présentiez une image offensive d'une institution soucieuse du respect scrupuleux des droits individuels face aux fichages sans cesse plus nombreux et plus intrusifs.

Nous comptons sur vous, monsieur le rapporteur : l'avenir et la crédibilité de la CNIL sont en jeu.

M. le président. La parole est à M. Charles Gautier.

M. Charles Gautier. Il est difficile, en cet instant, de ne pas exprimer un sentiment de gâchis. La lente élaboration de ce projet de loi a été enrichie d'avis extérieurs. Le débat qui s'est instauré n'était ni de droite ni de gauche : il s'agissait d'un véritable cheminement vers la mise en place d'un outil qui permette d'assurer une meilleure protection des libertés individuelles face à un monde dont les capacités technologiques sont sans limites.

Je me souviens que, lors de la première lecture du texte au Sénat, le groupe socialiste était prêt à voter ce texte. Nous avions déposé un certain nombre d'amendements, qui ont connu le même sort que celui qui a été réservé aux amendements que nous venons de défendre : aucun n'avait été retenu. Dès lors, notre groupe avait préféré s'abstenir.

Aujourd'hui, la situation est beaucoup plus grave ! En deuxième lecture, l'Assemblée nationale a apporté des modifications substantielles au projet de loi. Il était donc nécessaire de mener une réflexion et de formuler des propositions. Bien sûr, il fallait en débattre, mais il est tout de même surprenant que, sur l'ensemble des propositions formulées, aucune - comme par hasard ! - ne soit considérée comme apportant une amélioration au texte proposé : soit elles étaient trop précises, soit elles étaient trop générales...

On a d'ailleurs bien senti, tout au long du débat - l'échange que nous avons eu tout à l'heure sur le sujet est tout à fait éclairant -, une sorte de conflit : le législateur, pressé, doit absolument voter tous les textes conformes, être à l'heure au rendez-vous, mais, dans le même temps, il doit profiter de cette circonstance pour adopter un texte qui non seulement ait de l'allure, mais également constitue une boîte à outils pour la population de notre époque.

Cette chance n'a pas été saisie et nous sommes déçus de devoir voter contre le projet de loi qui nous est soumis aujourd'hui.

M. le président. La parole est à M. Yves Fréville.

M. Yves Fréville. A titre personnel, je voterai ce projet de loi.

Me souvenant de mes origines de chercheur, j'exprimerai un souhait. La CNIL a, je le reconnais, une mission éminente : la protection des libertés individuelles. Mais l'article 6 lui confère une autre fonction, tout aussi éminente : la préservation des intérêts de la recherche, ce qui suppose que les chercheurs, les universitaires, puissent utiliser des données individuelles.

La CNIL devra donc trouver un nouvel équilibre entre ces deux fonctions. Un certain nombre de décisions prises depuis un certain temps ne permettent peut-être pas de donner à notre effort de recherche l'aura qu'il mériterait.

Tout en souhaitant que la CNIL révise parfois sa jurisprudence, je voterai, je le répète, ce projet de loi.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Alex Türk, rapporteur. D'une certaine manière, je regrette également que les choses se déroulent ainsi aujourd'hui : il eût été préférable que vous fussiez aussi prolixes lors de l'examen en première lecture !

M. Robert Bret. Nous l'avons été tout autant !

M. Alex Türk, rapporteur. Je n'en ai pas le souvenir, loin de là ! Nous avons vraiment l'impression d'un jeu inversé, car vous avez produit l'essentiel de votre effort lors de cette deuxième lecture. J'ai trouvé insolite - je l'ai dit dès ce matin - ce réveil soudain.

Je voudrais revenir sur la question du vote conforme. Vous devez comprendre que nous avons besoin de ce texte.

M. Robert Bret. Personne ne dit le contraire !

M. Alex Türk, rapporteur. C'est une question de jours et d'heures.

Je vous ferai même un aveu : je suis heureux que ce texte soit voté aujourd'hui, car je vais enfin pouvoir sortir de l'illégalité. J'ai en effet pris la résolution, voilà un mois, de devancer l'adoption de ce projet de loi, afin de répondre à un certain nombre de préoccupations : des décisions de réorganisation ont été prises, comme si le texte était déjà en vigueur.

Ainsi que je l'ai signalé tout à l'heure, les dossiers importants se profilent à l'horizon et la CNIL doit s'y préparer ; elle a besoin d'un nouveau texte, de nouveaux instruments.

Il y a urgence, et c'est une question de semaines : nous n'avons pas, comme vous le pensez, uniquement la volonté d'en finir pour en finir.

Je me réjouis que ce texte soit enfin adopté. Il est vrai - de ce point de vue, je donne raison à Robert Bret - que, désormais, tout reste à démontrer. J'espère que vous nous ferez crédit avant que nous n'entamions le travail.

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté.)

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : projet de loi relatif à la protection des personnes physiques à l'égard des traitements de données à caractère personnel et modifiant la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés
 

6

 
Dossier législatif : proposition de loi relative aux conditions permettant l'expulsion des personnes visées à l'article 26 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945
Discussion générale (suite)

Expulsion DES Étrangers

Adoption d'une proposition de loi

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi relative aux conditions permettant l'expulsion des personnes visées à l'article 26 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945
Question préalable

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi (n° 360, 2003-2004), adoptée par l'Assemblée nationale, relative aux conditions permettant l'expulsion des personnes visées à l'article 26 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945. [Rapport n° 403 (2003-2004).]

Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.

M. Dominique de Villepin, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais vous dire ma satisfaction d'être parmi vous cet après-midi pour débattre d'une question essentielle, même si le texte qui vous est soumis est bref.

Je souhaite remercier le président de la commission des lois, M. René Garrec, et son rapporteur, M. Jean-René Lecerf, de leur contribution éminente à ce débat.

La proposition de loi adoptée par l'Assemblée nationale le 17 juin dernier et dont vous êtes saisis aujourd'hui permettra de protéger avec plus d'efficacité tous ceux qui vivent sur notre territoire, Français et étrangers, contre les agissements d'un petit nombre de ressortissants étrangers qui ne respectent pas la règle commune et qui doivent, pour cette raison, être expulsés.

Je sais que nous avons tous ici conscience de l'importance de ce débat. Ce qui est en jeu, c'est la sécurité de nos concitoyens, c'est le respect de nos valeurs et de la règle démocratique.

Soyons clairs sur l'objet de cette proposition de loi : l'expulsion est une mesure préventive, peu fréquente et réservée à des cas particulièrement graves de comportements qui troublent profondément l'ordre public. Certains de ces comportements ont particulièrement choqué l'opinion publique ces dernières années. Nous voyons en effet se développer en France des discours contraires aux valeurs les plus essentielles de notre République. Dans les médias, dans certaines salles de prières, dans des lieux de réunion, des ressortissants étrangers s'en prennent au statut des femmes, à leurs droits les plus fondamentaux, à leur intégrité physique.

Soyons lucides sur le risque que font courir les auteurs de ces faits. Ce sont des étrangers parfaitement en règle avec la législation sur le séjour en France et qui, pourtant, refusent explicitement les valeurs républicaines et les principes fondateurs de notre société. Ces individus, qui vivent parfois depuis longtemps sur notre territoire, n'hésitent pas à lancer des appels et des incitations à commettre des actes inadmissibles sur notre sol.

Ces actes n'ont rien de théorique ni d'anodin : le crime d'honneur dont les femmes ou les jeunes filles sont les victimes, l'application, sous prétexte de religion ou de tradition, des sévices les plus atroces, notamment dans le cadre familial, sont une réalité dans notre pays. Il dépend du ministre de l'intérieur et de la justice que ces pratiques ne s'étendent pas davantage.

Or nous constatons aujourd'hui que nous ne disposons pas des moyens de réponse appropriés.

D'abord, la voie judiciaire, qui est actionnée systématiquement en cas de faits avérés, n'est pas toujours suffisante pour faire cesser de tels agissements. D'une part, elle ne peut déboucher sur une sanction qu'une fois que les violences ont été établies, donc ont été commises. D'autre part, elle ne permet pas d'empêcher la répétition des faits.

Ensuite, la loi du 26 novembre 2003 a révélé, dès les premiers mois de son application, des limites sur un point précis qu'il vous est aujourd'hui proposé de corriger par la proposition de loi de MM. Pascal Clément et Bernard Accoyer.

La loi comporte un principe fondamental qui distingue l'expulsion, à caractère préventif, de la sanction pénale, dont l'objet est clairement répressif. Elle a également institué un dispositif de prévention de la double peine, dont la nouvelle rédaction de l'article 26 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 est l'un des éléments importants. Cette réforme a mis fin à une pratique qui recourait fréquemment aux arrêtés d'expulsion en complément des peines d'emprisonnement et à l'issue de ces dernières.

Par cet article 26, vous avez décidé de limiter l'expulsion des étrangers dont les liens avec la France sont forts et anciens aux seuls cas dans lesquels leur attitude est en elle-même incompatible avec le maintien de tels liens. Il ne s'agit nullement de revenir sur le dispositif dit « anti-double peine », qui est l'un des points d'équilibre importants de la loi du 26 novembre 2003.

En effet, ladite loi prévoit que la protection contre l'expulsion n'est jamais absolue. Le dispositif ne s'applique pas dès lors qu'un étranger manifeste sans équivoque sa volonté de rupture avec les règles fondamentales de notre société. En prévoyant ces exceptions, le législateur a fait preuve de sagesse, en complète cohérence avec les règles protectrices qu'il a posées.

L'article 26 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 exclut du bénéfice de toute protection contre une expulsion les auteurs de provocations à la haine, à la violence ou à la discrimination en raison de l'origine ou de la religion. Ainsi, pour l'instant, l'article 26 fait dépendre le degré de protection du mobile de l'auteur et non des effets concrets que cette provocation est susceptible d'avoir sur l'auditoire.

C'est sur ce point que la loi doit être améliorée. L'objectif est non pas de punir l'auteur d'un acte précis, que les principes de notre droit constitutionnel nous obligeraient légitimement à définir au préalable avec toute la précision nécessaire, mais d'atténuer le risque que présenterait pour la société, dans l'avenir, un comportement dont les conséquences seraient menaçantes pour l'ordre et pour la sécurité publics.

En tant que ministre de l'intérieur, il m'appartient, face au comportement d'un individu qui appelle à la haine, à la violence ou à la discrimination, non pas de le sanctionner, ce qui relève de la justice, mais de mettre en oeuvre les moyens nécessaires pour l'éloigner de ses auditeurs habituels afin de les protéger de son influence et d'empêcher que des doctrines intolérables et contraires à nos valeurs ne se diffusent et ne se banalisent. Il relève de ma responsabilité de rendre impossibles la multiplication des passages à l'acte et la propagation d'un climat de haine et de violence.

Or, aujourd'hui, la loi ne permet pas de se fonder sur la seule gravité des provocations commises. Elle impose d'opérer une distinction, difficile à établir, entre les provocations à la haine, à la violence ou à la discrimination fondées sur un motif raciste ou pseudo religieux et celles qui sont fondées sur un autre prétexte.

Pourtant, jamais rien ne saurait justifier de telles provocations, quels qu'en soient les motivations ou l'objectif. Les appels à la violence contre les femmes, parce qu'elle sont femmes, sont tout aussi inadmissibles que ceux qui sont dirigés contre les personnes pratiquant une religion ou étant d'une origine déterminées.

Je voudrais répondre par avance à ceux qui croiraient déceler dans cette proposition de loi une atteinte à la liberté d'expression. Il ne s'agit naturellement pas d'instaurer des discriminations entre les personnes en raison de leurs opinions, si inadmissibles et scandaleuses qu'elles puissent être. Par ce texte, il s'agit de nous opposer à la diffusion et à la mise en pratique de ces discours lorsqu'ils menacent l'ordre public et les principes fondamentaux de la République.

La rédaction choisie par les auteurs de la proposition de loi répond à cet objectif et s'intègre harmonieusement dans le cadre législatif général, que je souhaite rappeler brièvement.

La première condition de fond de toute expulsion est inscrite à l'article 23 de l'ordonnance de 1945 : elle précise que seules les personnes dont le comportement constitue une menace grave pour l'ordre public peuvent être expulsées.

Les personnes protégées contre l'expulsion par l'article 26 susvisé, sous réserve des exceptions dont vous délibérez aujourd'hui, mesdames, messieurs les sénateurs, sont également protégées par les articles 25 et 25 bis, qui définissent clairement les circonstances dans lesquelles l'expulsion n'est possible qu'en cas de nécessité impérieuse pour la sûreté de l'Etat ou la sécurité publique.

Le respect de l'ensemble de ces conditions est assuré par le juge administratif, qui exerce un contrôle vigilant sur l'exactitude de la qualification juridique des faits opérée par l'administration.

Le Gouvernement tient à ce que ce contrôle reste efficace et adapté à la réalité des enjeux. C'est pourquoi il envisage de confier l'ensemble des contentieux des arrêtés ministériels d'expulsion à une seule juridiction : le tribunal administratif de Paris. Ce regroupement permettra de limiter le risque de divergences d'appréciation de fond sur des dossiers présentant à juger les mêmes questions.

Les précautions qui ont été prises dans la rédaction de cette proposition de loi, notamment en prévoyant l'insertion des mots « explicite et délibérée », aideront d'ailleurs le juge administratif à préciser les conditions de la mise en oeuvre de la loi. Elles assureront son application équilibrée, conforme aux principes fondamentaux de notre droit, et éviteront que ne soient expulsées des personnes qui ne le mériteraient pas.

Tous ces éléments garantissent donc de façon très complète les personnes visées contre tout risque d'abus. Ils confortent la raison d'être des expulsions prononcées par arrêté ministériel, qui doivent non pas devenir un mode normal de gestion du séjour des étrangers en France, mais rester une mesure exceptionnelle, proportionnée à la réalité des menaces existantes.

Ces menaces, nous les connaissons ; nous savons qu'elles sont à prendre au sérieux. En effet, depuis les attentats commis à New York et à Madrid, nous sommes dans un contexte nouveau. Nous savons que, dans les années à venir, il nous faudra apprendre à vivre avec le risque terroriste. Cela ne veut pas dire que nous allons céder à la peur ; cela signifie que nous devons nous mobiliser et rester vigilants.

Or nous constatons aujourd'hui une véritable continuité du terrorisme, depuis les inspirateurs jusqu'aux poseurs de bombes.

Les premiers abusent de leur autorité et instrumentalisent les messages religieux pour inciter les futurs exécutants par leurs enseignements et leurs conseils. Les enquêtes policières menées après les attentats de Madrid sont venues confirmer cette nouvelle réalité du terrorisme.

Face à cela, nous ne pouvons pas attendre que les exécutants soient passés aux actes. Les inspirateurs seront déjà loin lorsque nous aurons assez de preuves pour les traduire en justice.

C'est pourquoi, je le répète, l'expulsion n'a pas pour objectif de punir de tels discours et de tels comportements. Elle doit donc être d'abord le moyen d'empêcher, de façon concrète, le passage à l'acte de la part des disciples de prédicateurs ou de maîtres à penser. En éloignant les inspirateurs, il s'agit bien de soustraire les auditeurs à leur influence.

Sur l'ensemble de ces questions, ma détermination est entière. Les décisions que j'ai prises depuis mon arrivée au ministère de l'intérieur en témoignent.

Je continuerai ainsi à expulser les étrangers qui soutiennent directement ou non le terrorisme et ceux, parfois les mêmes, qui appellent à la haine, à la violence ou à la discrimination.

Je proposerai la dissolution en conseil des ministres des mouvements qui appellent au terrorisme ou à la lutte armée en France ou à l'étranger.

MM. Josselin de Rohan et Roger Karoutchi. Très bien !

M. Dominique de Villepin, ministre. Je veillerai à ce que soient dénoncés à la justice les auteurs d'infractions pénales contre l'ordre et la sécurité publics, quelle que soit leur nationalité.

Mesdames, messieurs les sénateurs, la proposition de loi qui vous est soumise aujourd'hui tend à clarifier et à renforcer la nouvelle législation relative aux étrangers. II ne s'agit ni d'une remise en question, ni d'une mesure de circonstance, mais bien d'une amélioration substantielle, parfaitement cohérente avec la volonté que vous avez exprimée en adoptant la loi du 26 novembre 2003.

Une fois votée, la proposition de loi aidera le Gouvernement à mieux protéger ceux qui souhaitent vivre en paix dans notre pays, Français et étrangers. Elle nous permettra de mieux défendre et faire respecter les valeurs communes de notre République. Elle confortera l'équilibre de notre législation sur le séjour des étrangers. Le Gouvernement soutient donc cette proposition de loi et vous engage à l'adopter. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Il me paraît important de bien cerner l'objet de la proposition de loi présentée par nos collègues députés Pascal Clément et Bernard Accoyer et adoptée sans modification par l'Assemblée nationale le 17 juin dernier.

Il ne s'agit en aucune manière de revenir sur l'esprit de la fort importante loi du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité. Notamment, nul ne songe à remettre en cause les avancées généreuses concernant la double peine.

Les étrangers qui ont passé l'essentiel de leur vie en France et y ont tissé des liens familiaux, sociaux et culturels particulièrement forts bénéficieront, demain comme aujourd'hui, d'une protection quasi absolue contre les mesures d'éloignement.

La protection des « étrangers de France », telle que nous l'avons établie voici quelques mois, sortira de ce texte davantage confortée que compromise. Je me permets, à cette occasion, d'évoquer l'émotion de la commission des lois lors de la projection du film de Bertrand Tavernier Histoires de vies brisées : les double-peine de Lyon et la volonté unanime de porter remède aux situations particulièrement douloureuses vécues par certains étrangers et leurs familles.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Il n'est donc pas question de rouvrir les débats qui ont permis, et je reprends les termes du groupe de travail sur la double peine, d'éviter d'une part, l'éloignement des étrangers qui sont en France depuis l'enfance, pour lesquels la double peine constitue un bannissement, d'autre part, l'éloignement d'étrangers qui provoquerait l'éclatement de familles stables.

Nous sommes simplement confrontés à un ajustement, à une adaptation permettant de remédier à une faille des dispositifs prévus par la loi du 26 novembre 2003 et de mettre ainsi en conformité l'intention du législateur, qui n'a pas varié, et la lettre de la loi.

Notre collègue Jean-Patrick Courtois écrivait dans son rapport sur le projet de loi relatif à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité : « Certaines exceptions sont prévues à cette protection qui est pourtant qualifiée d'absolue. Elles recouvrent des comportements non seulement particulièrement graves au regard de la sûreté de l'Etat et au respect de l'ordre public, mais qui remettent également en cause la sincérité de leur attachement à la France et aux valeurs essentielles de la République ».

C'est ainsi que la protection absolue dont bénéficient certains étrangers peut être écartée lorsque leur comportement non seulement est de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de l'Etat ou est lié à des activités terroristes - ce que la proposition de loi ne tend pas à modifier -, mais aussi constitue des actes de provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence, à raison de l'origine ou de la religion des personnes.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. C'est sur ce dernier point qu'est très vite apparu le caractère trop restrictif de l'exception et, partant, son incapacité à prendre en compte tous les actes discriminatoires portant des atteintes inadmissibles aux valeurs de notre République.

L'affaire Bouziane a simplement joué un rôle de révélateur. Lorsque cet imam salafiste de Vénissieux a tenu des propos aussi abjects qu'obscurantistes, justifiant la lapidation des femmes infidèles et préconisant, en usurpant l'autorité du Coran, de ne pas frapper les femmes n'importe où, pas au visage, mais de viser le bas, les jambes ou le ventre, est-il besoin de dire combien il a scandalisé, horrifié l'immense majorité de nos compatriotes comme celle des étrangers vivant sur notre sol ?

Tous les intervenants à l'Assemblée nationale, quel que soit le courant de pensée auquel ils se rattachent, se sont accordés pour affirmer que de tels personnages n'avaient pas leur place en France.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Au nom du groupe des députés communistes et républicains, le député-maire de Vénissieux déclarait, par exemple : « Je suis d'accord avec l'idée, sans complaisance, de l'expulsion de ces individus qui empoisonnent la société, pourrissent le crâne de nos gamins, portent atteinte à la liberté des adolescentes et des femmes. Ils n'ont rien à faire dans notre pays ».

M. Josselin de Rohan. Quel morceau de bravoure !

M. Charles Revet. S'ils sont chez nous, il faut qu'ils respectent nos lois !

M. Robert Bret. Il y a des exceptions qui confirment la règle !

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Et pourtant, en analysant les exceptions prévues par l'article 26 de l'ordonnance de 1945, il est apparu que M. Bouziane n'aurait pu être expulsé du fait de pareils propos, puisque cette provocation à la discrimination et à la violence ne reposait ni sur l'origine, ni sur la religion des personnes.

S'il est une leçon générale à en tirer pour le législateur, c'est bien celle de la difficulté, pour une énumération, de s'avérer exhaustive. Ce qui importe, c'est bien de ne pas laisser l'Etat impuissant face à tous les actes de provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence, indépendamment de leur motif, qu'ils soient perpétrés à raison de l'origine, de la religion, du sexe, des convictions politiques, des orientations sexuelles des personnes ou pour toute autre cause qui trahirait de la même manière les valeurs de la République.

On ne fait ici encore que se rapprocher des préconisations du groupe de travail sur la double peine, qui avait estimé souhaitable que « la liste des comportements en cause soit rédigée de manière suffisamment large pour ne pas viser des infractions précisément déterminées. En effet - poursuivait le groupe de travail - si la plupart des mesures d'expulsion sont fondées sur des infractions et des condamnations pénales effectives, certaines procèdent d'une accumulation précise de faits qui donnent à penser que la personne est dangereuse alors même qu'elle n'a pas commis d'infraction précise ou que les preuves pénales n'ont pas été réunies ».

C'est bien cette accumulation d'indices, ce faisceau de soupçons qui donnera à l'Etat les moyens de lutter efficacement contre ces prédicateurs de la haine, contre ceux qui incitent au meurtre et s'emploient à faciliter le passage à l'acte par des jeunes qu'ils manipulent. Cette rectification législative s'avère d'autant plus importante que la voie judiciaire ne permet pas toujours de réprimer aisément de tels agissements.

Une seule question reste, à mon sens, en débat : la rédaction proposée n'ouvre-t-elle pas trop largement la possibilité d'interpréter la loi,...

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. ...compromettant ainsi l'équilibre auquel nous étions parvenus l'an dernier entre l'intérêt de la collectivité et les droits des étrangers ?

M. Roger Karoutchi. Très bien !

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. De multiples raisons m'amènent à ne pas partager cette crainte...

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Très mal ! (Sourires.)

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. ...et à exprimer, au contraire, ma totale conviction que le recours à la procédure d'expulsion d'étrangers protégés, qui doit demeurer véritablement exceptionnelle, sera limité.

Ces garanties sont le fruit tant de la loi que de la jurisprudence.

D'une part, en vertu de la rédaction proposée qui renforce sur ce point la protection de l'étranger protégé, la provocation devra être « explicite et délibérée ». Les propos ne pourront donc ni prêter à l'interprétation du juge ni relever d'un malheureux dérapage verbal involontaire.

D'autre part, les garanties établies aux articles 24, 25 et 25 bis de l'ordonnance s'appliquent bien évidemment aux expulsions prononcées en vertu de l'article 26. Quoique les réformes successives de l'ordonnance de 1945 puissent parfois en rendre malaisée la compréhension, il est clair que l'expulsion d'un étranger bénéficiant d'une protection absolue mais entrant dans les cas d'exceptions législatives ne peut être prononcée que si elle constitue une nécessité impérieuse pour la sûreté de l'Etat ou la sécurité publique.

Par ailleurs, l'intéressé doit préalablement avoir été informé et doit avoir été entendu par la commission de l'expulsion, qui doit rendre un avis motivé à l'autorité administrative compétente.

Enfin, toute expulsion, en tant que mesure de police administrative, est soumise au contrôle de légalité du juge administratif, qui aura la possibilité de statuer au préalable en référé et de suspendre, en procédure d'urgence, l'exécution de l'arrêté d'expulsion.

Pour toutes ces raisons, votre commission, mes chers collègues, a considéré que cette proposition de loi n'avait que des avantages pour une protection efficace de notre société et ne comportait aucun inconvénient au regard du respect des libertés individuelles comme des libertés publiques. Aussi vous est-il proposé d'adopter cette proposition sans modification. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. Jean Chérioux. Très bien !

M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :

Groupe Union pour un mouvement populaire, 20 minutes ;

Groupe socialiste, 13 minutes ;

Groupe de l'Union centriste, 8 minutes ;

Groupe communiste républicain et citoyen, 7 minutes ;

Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 7 minutes ;

Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe, 5 minutes.

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Jacqueline Gourault.

Mme Jacqueline Gourault. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes cet après-midi réunis pour discuter d'une proposition de loi modifiant l'ordonnance de 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France.

Ce sujet important avait déjà fait l'objet, l'an passé, d'un débat lors de l'examen de la loi du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité.

Le texte présenté aujourd'hui revient sur l'article 26 de l'ordonnance de 1945, par ailleurs modifié par la loi précitée afin de restreindre le champ d'application de la double peine et d'éviter l'expulsion des étrangers vivant en France depuis leur enfance et ayant une famille et des attaches sur notre territoire.

La proposition de loi revient sur cet article afin de permettre l'expulsion des personnes ayant tenu des propos provocateurs à l'encontre de personnes pour des raisons liées à leurs origines, à leur religion, à leur sexe ou à leurs convictions politiques.

Cette proposition a été déposée à l'Assemblée nationale peu de temps après le retour en France de M. Abdelkader Bouziane, imam de Vénissieux.

Il est inutile de rappeler que M. Bouziane a tenu dans la presse des propos discriminatoires et intolérables à l'égard des femmes. D'après lui, « battre sa femme est autorisé par le Coran ». L'arrêté d'expulsion dont était l'objet M. Bouziane avait été suspendu par le tribunal administratif de Lyon au motif qu'il existait un doute sérieux sur la légalité de l'acte, rien n'en justifiant la nécessité impérieuse pour la sûreté de l'Etat.

Ces propos, qui nous ont tous choqués, n'auraient donc pas pu entraîner l'expulsion de cet étranger au regard de notre droit.

C'est pour remédier à ce vide juridique que nous nous devons de voter en faveur de cette proposition de loi qui, par sa formulation, inclut les provocations à l'encontre des personnes en raison de leurs origines, de leur religion, de leur sexe ou de leurs convictions politiques.

Nous souscrivons à toute initiative ayant pour but de sanctionner les incitations à la haine.

Il est aujourd'hui impossible de fermer les yeux devant la multiplication des agressions antisémites, islamophobes ou encore homophobes. Comment ne pas penser à ces croix gammées peintes sur le mémorial juif de Douaumont ou à ce jeune homme immolé à Lens sous prétexte qu'il était homosexuel ?

Il faut être inflexible et adresser un message fort pour fustiger ce type d'attitude. Ceci est d'autant plus important que nos voisins européens ont, eux aussi, à se préoccuper de ces agressions. En Allemagne, le projet de loi adopté le 1er juillet réformant le droit des étrangers prévoit également des mesures facilitant l'expulsion d'étrangers considérés, du fait de leurs propos, comme particulièrement dangereux pour l'ordre public.

Il nous appartient de montrer l'exemple en évitant que le communautarisme, qui ne cesse de se développer en France, ne vienne gangrener les relations entre les personnes de cultures et de religions différentes qui résident dans notre pays. Il n'est pas moins vrai que les événements récents nous invitent à agir avec prudence pour éviter des réactions renforçant le communautarisme et exacerbant les tensions.

La rédaction de la proposition de loi avait suscité l'inquiétude d'un certain nombre de personnes qui craignaient que puissent être expulsés des étrangers qui auraient prononcé des paroles pouvant prêter à confusion. Vous avez, monsieur le ministre, donné à cet égard des précisions et nous avez rassurés en nous confirmant que la nouvelle rédaction de l'article 26, qui précise que la provocation doit être « explicite et délibérée », permettra d'éviter que l'expulsion ne soit prononcée sur la seule base d'un dérapage verbal involontaire.

Par ailleurs, il faut préciser que, en vertu de l'article 25 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945, l'expulsion ne peut intervenir que lorsqu'elle constitue une « nécessité pour la sûreté de l'Etat ou la sécurité publique ». C'est le ministre de l'intérieur qui est compétent pour prendre les arrêtés d'expulsion.

Cette proposition de loi apparaît, aux yeux de certains, circonstancielle. Effectivement, elle est en rapport avec l'événement, mais avec le double mérite de mettre en lumière un vide juridique et peut-être de rappeler, comme l'aurait dit le général de Gaulle, que « les circonstances font souvent l'histoire ». (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.).)

M. Josselin de Rohan. Très bien !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il savait de quoi il parlait !

M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi.

M. Roger Karoutchi. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le texte qu'il nous est proposé d'adopter aujourd'hui s'inscrit dans la continuité de la réforme du droit au séjour des étrangers en France entreprise en novembre 2003 lors du vote de la loi relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité, l'un des textes majeurs de cette législature.

Celui-ci nous a notamment permis de remédier à la situation parfois très difficile dans laquelle étaient placés des étrangers faisant l'objet de mesures d'éloignement du territoire alors qu'ils possédaient des liens étroits avec notre pays. La double peine constituait en effet une véritable injustice à laquelle il était indispensable de mettre un terme. En introduisant le principe de la protection quasi absolue au bénéfice des étrangers ayant de fortes attaches, depuis longtemps, sur le sol français, nous avons apporté la garantie que les mesures d'expulsion conserveraient un caractère exceptionnel.

A l'expérience, ce dispositif a cependant révélé des insuffisances et des faiblesses juridiques qu'il convient aujourd'hui de corriger.

Depuis quelques mois, Mme Gourault l'a rappelé, nous assistons en effet à la multiplication d'attaques frontales menées contre les valeurs de la République par une petite minorité de ressortissants étrangers.

Les préoccupations et l'émotion qui en sont nées sont légitimes.

Les propos tenus par l'imam de Vénissieux en avril dernier - il s'en est pris aux droits les plus fondamentaux des femmes et à leur intégrité physique -, en sont la plus récente et regrettable illustration. La dignité des femmes a été bafouée sans que rien à ce jour ne puisse empêcher ce type de comportement de se renouveler sur notre territoire.

Si nous disposons aujourd'hui d'instruments en matière pénale pour sanctionner ce type de comportement - le parquet de Lyon a d'ailleurs ouvert, le 28 avril, à 1a demande du ministre de la justice, une information judiciaire contre l'imam de Vénissieux -,...

M. Roger Karoutchi. ...il n'en est pas de même dans le domaine administratif. En effet, comme l'a brillamment rappelé notre rapporteur, l'article 26 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 tel qu'il est actuellement rédigé ne permet l'expulsion qu'en cas de « provocations à la discrimination, la haine ou la violence à raison de l'origine ou de la religion des personnes ». Cette formulation apparaît aujourd'hui désuète eu égard aux événements que je viens de mentionner. En outre, je rappelle qu'en vertu du principe de non-rétroactivité de la loi, les dispositions qui sont aujourd'hui soumises à notre examen ne s'appliqueront pas à l'imam de Vénissieux et qu'il ne s'agit donc pas d'apporter une réponse à cette affaire. Non, il s'agit de donner à l'administration les moyens adéquats de lutter à l'avenir contre ce type de comportement et d'empêcher qu'ils ne se reproduisent. C'est tout le sens de cette proposition de loi, tout à la fois adaptée et nécessaire.

Elle est adaptée, car tout y est fait pour protéger non seulement les Français mais encore les étrangers durablement installés sur notre territoire dans le respect de nos valeurs. Le judicieux équilibre auquel nous permettra de parvenir cette nouvelle loi est le préalable indispensable à la préservation de la paix dans laquelle vit et souhaite vivre notre société. Les termes retenus par l'Assemblée nationale me paraissent de ce point de vue les plus pertinents. Volontairement larges et neutres, ils permettront en effet d'élargir le champ des provocations attentatoires, actuellement restreint aux notions de religion et d'origine.

Cette proposition de loi est par ailleurs nécessaire. Il fallait, en effet, et dans les plus brefs délais, apporter une réponse législative pour combler ce vide juridique. Il fallait éviter que le renouvellement de tels actes ne reste impuni. Il fallait affirmer, de manière générale et ferme, comme l'a fait régulièrement M. le ministre, que les étrangers se trouvant sur le sol français se doivent de respecter les valeurs de la République.

D'aucuns - Jacqueline Gourault l'a dit- crieront au texte de circonstance. Après tout, n'est-ce pas la responsabilité du législateur que de répondre aux évolutions de la société lorsque celles-ci constituent une menace à l'encontre de nos valeurs fondamentales ?

D'autres trouveront bien, ici et là, prétexte à brandir le spectre des risques d'abus. Il n'en est rien puisque la formule « explicite et délibérée » empêchera justement que ne soit sanctionné un individu sur la base d'un dérapage verbal ou, pire, d'un procès d'intention. Le juge administratif continuera, par ailleurs, d'exercer un contrôle vigilant et efficace sur l'exercice de ses pouvoirs par l'administration.

Mes chers collègues, le sujet est grave et il devrait nous éviter les débats partisans. Il est de notre devoir de prendre nos responsabilités dans le cadre républicain pour protéger nos concitoyens de ceux qui voudraient en ébranler les fondements essentiels.

Je ne suis pas un habitué des citations mais, pour une fois, je citerai Albert Camus, qui disait : « Si l'homme échoue à concilier la justice et la liberté, alors il échouera à tout ».

L'occasion nous est donnée aujourd'hui de garantir la pérennité de ces deux notions au coeur de notre pacte républicain. Nous n'avons pas le droit d'échouer. C'est pourquoi notre groupe suivra les recommandations de M. le rapporteur, que je tiens à remercier et féliciter de son excellent rapport, et adoptera cette proposition de loi dans les termes qui lui sont soumis. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Robert Bret.

M. Robert Bret. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le 28 octobre dernier, le Parlement adoptait la loi relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité. A une très large majorité, il a voté la modification de l'article 26 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France.

Cette réforme, qui se voulait « humaine », pour reprendre le mot de M. Courtois, rapporteur du projet de loi au Sénat, visait à protéger des procédures d'éloignement les étrangers ayant des attaches particulières avec la France, soit qu'ils y résident depuis très longtemps, soit qu'ils y aient toute leur famille au point d'être devenus des « étrangers de France ».

Le groupe communiste républicain et citoyen avait soutenu la réforme de la double peine. Il la réclamait depuis longtemps, au travers de propositions de loi et d'amendements récurrents. Le Gouvernement et sa majorité, ici représentés, avaient également voulu cette réforme, jugeant alors la double peine « non seulement injuste mais inefficace », comme l'avait dit parfaitement le ministre de l'intérieur de l'époque, M. Nicolas Sarkozy.

Moins de six mois plus tard, le Parlement est en train de se déjuger...

M. Jean Chérioux. Absolument pas !

M. Roger Karoutchi. Cela n'a rien à voir !

M. Robert Bret. ...en proposant une réforme qui va à l'encontre des principes défendus alors. Il s'apprête à légiférer pour les plus mauvaises raisons qui soient : répondre à une situation particulière. En effet, cette proposition de loi a pour origine directe la mise en cause d'Abdelkader Bouziane, l'imam de Vénissieux, qui, dans une interview au journal local Lyon Mag, avait justifié par le Coran le fait d'infliger des châtiments corporels à une femme infidèle.

Devant ces propos intolérables, vous aviez, monsieur le ministre, pris un arrêté d'expulsion à l'encontre de cet individu au mois d'avril, arrêté qui a été suspendu en référé par le tribunal administratif de Lyon pour doute sérieux quant à sa légalité. Entre cette annulation et l'adoption d'une proposition de loi déposée sur l'initiative de l'UMP à l'Assemblée nationale, à peine un mois et demi se sera écoulé.

Cette proposition de loi est donc très clairement destinée à paralyser une interprétation de la loi par les tribunaux, interprétation que beaucoup ont qualifiée de « camouflet ». (M. Jean Chérioux s'exclame.)

Faire échec, monsieur Chérioux, à une décision de justice, c'est certainement l'une des plus mauvaises justifications que l'on peut avancer pour modifier une loi qui date de six mois à peine et dont les décrets d'application n'ont même pas encore été publiés, donc alors même que les dispositions transitoires sur la double peine s'appliquent encore aujourd'hui.

Ce faisant, vous créez une insécurité juridique permanente, paralysant l'action des magistrats au moment même où ils font leur travail en appliquant la loi.

M. Jean Chérioux. Ils sont là pour appliquer la loi, pas pour la faire !

M. Robert Bret. Pourquoi cet empressement, monsieur le ministre ? Pourquoi ne pas avoir attendu la décision de justice définitive, puisque - faut-il le rappeler ? - le Conseil d'Etat ne s'est toujours pas, à ma connaissance, prononcé sur le recours contre la décision de référé du tribunal administratif de Lyon et que, en tout état de cause, il n'y a pas eu de décision au fond ?

Et tout cela au nom de la cause des femmes ?

Vouloir lutter pour la défense des droits des femmes qu'un certain fondamentalisme islamiste tente de réduire à néant en prônant le port du voile et la lapidation des femmes infidèles nécessite, me semble-t-il, une réponse autrement plus forte et plus profonde qu'une proposition de loi circonstancielle, monsieur le ministre, qui nous empêche de débattre de ces vrais problèmes.

M. Roger Karoutchi. Que proposez-vous ?

M. Robert Bret. En effet, la proposition de loi qui nous est soumise n'évite pas deux écueils fondamentaux : d'une part, laisser croire que de tels agissements sont l'apanage de quelques groupes islamistes de nationalité étrangère qu'il suffit d'éloigner du territoire pour résoudre le problème ; d'autre part, faire croire que les faits en cause ne seraient pas réprimés aujourd'hui par le droit pénal et qu'à l'immunité dont bénéficieraient leurs auteurs répondrait la logique de l'expulsion, alors même que les faits en cause font actuellement l'objet d'une instruction judiciaire pour apologie de crime.

Vous nous expliquez que cette proposition de loi va au-delà de l'affaire de l'imam de Vénissieux, qu'elle s'inscrit dans la logique de la loi qu'elle vise à améliorer en en respectant les principes. Il n'en reste pas moins, quoi que vous en disiez, qu'il s'agit d'une loi de circonstance, la plus malvenue qui soit.

En élargissant considérablement le champ des exceptions au dispositif de la double peine, en permettant désormais d'expulser les étrangers ayant des attaches particulières avec la France non seulement en cas d'atteinte aux intérêts fondamentaux de l'Etat, d'activité à caractère terroriste ou de provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence à raison de l'origine ou de la religion, mais encore pour toute « provocation explicite et délibérée à la haine ou à la violence contre une personne déterminée ou un groupe de personnes », ...

M. Robert Bret. ...cette proposition autorisera toutes les interprétations possibles, y compris, par exemple, la sanction de réfugiés ayant tenu des propos sans appel à l'égard d'un gouvernement totalitaire ou d'une milice armée d'un pays qu'ils ont souhaité fuir en tant que victimes de persécutions !

C'est pourquoi le groupe CRC est particulièrement hostile à cette proposition de loi, à laquelle notre assemblée, dont l'ordre du jour était déjà surchargé, ne pourra que consacrer qu'une petite heure de débat. Le sujet est vraiment trop grave pour être traité avec tant de désinvolture !

Pour toutes ces raisons, nous voterons contre ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. Roland du Luart. Ils ne manquent pas d'air !

M. le président. La parole est à M. Georges Othily.

M. Georges Othily. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme à chaque fois que la Haute Assemblée examine un texte qui concerne de près ou de loin la question de l'immigration, je partagerai mon propos en deux points, mes anciens et illustres professeurs auraient dit en deux parties, dont la thèse peut une fois de plus se résumer ainsi : le texte qui nous est aujourd'hui présenté, s'il est nécessaire et s'il constitue un progrès pour toute la France, est, pour la Guyane, très largement insuffisant en matière tant d'immigration clandestine que d'expulsion, son corollaire indispensable.

Depuis l'adoption par le Parlement de la loi du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité, notre pays dispose d'outils efficaces pour endiguer les flux migratoires et lutter contre l'immigration irrégulière.

Ainsi avons-nous instauré un fichier d'empreintes digitales et de photos à partir des demandes de visa et des contrôles à la frontière, et allongé la durée maximale de rétention administrative des étrangers en situation irrégulière.

Nous avons également permis - enfin ! - aux maires de refuser la délivrance d'une attestation d'hébergement après vérification des conditions de cet hébergement et de sa prise en charge, et je n'aurais garde d'oublier l'alourdissement des peines contre les passeurs, par l'instauration de circonstances aggravantes.

Nombreuses sont donc les mesures contenues dans ce texte, adopté à l'automne, qui permettent de renforcer notre législation en la rendant plus ferme, mais toujours très juste !

II en est de même en matière de lutte contre le terrorisme puisque, avec l'adoption de cette loi, nous avons autorisé le retrait de la nationalité française pour fait de terrorisme. D'ailleurs, en la matière, ne faudrait-il pas, monsieur le ministre, aller encore plus loin, comme le préconisait M. Aymeri de Montesquiou dans sa proposition de loi visant à rendre incompressibles les peines et imprescriptibles les crimes en matière de terrorisme, et dont le groupe du Rassemblement démocratique social européen entend proposer l'examen durant la prochaine session parlementaire ?

Il est aujourd'hui question de compléter l'article 26 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France.

A ce jour, trois dérogations permettent l'expulsion de personnes dont le comportement grave remet en cause la sincérité et l'authenticité de leur attachement à la France et à la République.

La première de ces dérogations concerne les étrangers « dont le comportement est de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de l'Etat » ; la deuxième vise les étrangers dont les actes sont liés à des « activités à caractère terroriste » ; la troisième, celle qui nous intéresse précisément aujourd'hui, concerne les étrangers dont les comportements constituent des « actes de provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence à raison de l'origine ou de la religion ». Cette dernière exception est clairement inadaptée à la situation actuelle. Il apparaît urgent de la modifier pour la mettre en adéquation avec la nouvelle réalité.

C'est la raison pour laquelle la proposition de loi de nos deux collègues députés est une excellente et judicieuse initiative, à laquelle je souscris totalement.

En effet, le régime dérogatoire en vigueur est fortement restrictif quant à la nature des actes de provocation pouvant justifier une expulsion, et ce malgré le dispositif de protection prévu à l'article 26 de l'ordonnance du 2 novembre 1945.

En limitant cette dérogation aux seuls actes de discrimination à raison de l'origine ou de la religion, nous avons permis un vide juridique susceptible de profiter à des individus dont les idées et les agissements sont dangereux pour les valeurs fondatrices de notre République.

En revanche, la rédaction que nous propose l'Assemblée nationale permet de combler ce vide juridique en couvrant l'ensemble des actes de provocation et de discrimination. Elle donnera ainsi aux pouvoirs publics les moyens juridiques qui leur font aujourd'hui défaut pour résister et combattre les actes contraires aux valeurs qui fondent notre République et ainsi éloigner leurs auteurs du territoire national.

Lorsque j'évoque le territoire national, monsieur le ministre, je dois également parler d'une fraction particulière de ce territoire : la Guyane ! Elle fera l'objet, vous l'aurez compris, de ma seconde partie.

En matière d'immigration clandestine massive comme d'expulsion, qui constitue, je le disais, son indispensable corollaire en termes de régulation, la Guyane est confrontée à une situation d'urgence très spécifique sur laquelle, monsieur le ministre, je me dois de vous alerter, comme je l'ai fait avec vos prédécesseurs.

Quand on évoque l'immigration en Guyane, on ne peut faire l'impasse sur son contexte et sa situation démographiques, géographiques, économiques et culturels, car c'est cet ensemble qui structure et explique la spécificité guyanaise.

La Guyane compte 160 000 habitants. Sa population est composée à plus 50 % de personnes appartenant à des communautés étrangères, de cent trente nationalités différentes, réparties sur vingt-deux communes qui recouvrent un territoire aussi grand que le Portugal !

La Guyane représente, dans son environnement régional, un pôle de prospérité très attractif, caractérisé par un niveau de vie sans commune mesure avec celui des pays avoisinants.

M. Georges Othily. Dans ce contexte très particulier, la Guyane apparaît par conséquent comme un véritable Eldorado, suscitant une immigration massive en provenance du Surinam, du Guyana, d'Haïti ou encore du Nordeste brésilien. Vous aurez compris que la Guyane n'est plus française, mais internationale !

Cette forte immigration clandestine se caractérise comme nulle part ailleurs sur le territoire français par ce que j'appelle une « immigration-guichets ». Ces populations viennent, en effet, en Guyane exclusivement pour bénéficier de prestations sociales en tous genres, qui, aussitôt touchées, sont rapatriées dans les pays d'origine de leurs bénéficiaires. Bien loin de nous apporter un soutien pour accélérer notre développement économique, cette immigration nous handicape et nous retarde très fortement du fait de son coût sans fin, véritable tonneau des Danaïdes. Cela revient à faire, indirectement et sans que nous l'ayons décidé, de l'aide au développement à nos pays voisins !

Si bien que, si la Guyane fait figure de région surdéveloppée sur le continent sud-américain, elle n'en demeure pas moins l'une des régions françaises et européennes les plus pauvres et les plus retardées en matière économique.

Ce que j'essaie de vous dire, monsieur le ministre, c'est que l'immigration clandestine massive, d'un côté, et le sous-développement de la Guyane, de l'autre, sont bien évidemment liés dans une relation directe de cause à effet. C'est pourquoi la spécificité guyanaise appelle des remèdes spécifiques sans commune mesure avec ceux qui sont actuellement en vigueur et qui suffisent pour la métropole.

Parmi ces remèdes, il faut augmenter pour la Guyane les possibilités de dérogation permettant d'expulser certaines catégories d'étrangers. Je vous invite, monsieur le ministre, à venir sur place et à vous rendre compte par vous-même de l'ampleur et de l'urgence de la situation, comme l'a fait votre prédécesseur.

Je me tiens à votre disposition pour travailler avec vous et avec vos services à une amélioration sensible de la situation de l'immigration en Guyane afin de parvenir à une régulation des flux dans les deux sens : côté entrée, une immigration légale et maîtrisée ; côté sortie, l'expulsion nécessaire des personnes qui abusent de nos valeurs républicaines de générosité et d'humanité pour instaurer des trafics de type mafieux !

Il faut cependant saluer l'excellent travail qu'effectuent le représentant de l'Etat et les services judiciaires en menant les différentes opérations Anaconda pour la destruction de villages entiers d'orpailleurs clandestins.

Enfin, une fois n'est pas coutume, je souhaiterais vous poser une question, monsieur le ministre : votre prédécesseur, conscient du fait que la Guyane constitue en matière d'immigration un cas singulier et, après s'être rendu sur place, renforcé dans sa conviction qu'une action sur mesure ne pouvait plus attendre, avait consenti à reconnaître la spécificité de la Guyane en permettant l'adoption à l'Assemblée nationale d'un amendement visant à créer un article 93 dans le projet de loi relatif à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité.

Cet amendement tendait à prévoir la mise en place « d'une commission composée de parlementaires, de représentants de l'Etat et des collectivités territoriales, ainsi que des acteurs socio-économiques, chargée d'apprécier les conditions d'immigration en Guyane et de proposer les mesures d'adaptation nécessaires ». Le deuxième alinéa de cet amendement prévoyait : « La première réunion de cette commission est convoquée au plus tard six mois après la publication de la présente loi ». Or, monsieur le ministre, plus de six mois ont passé et cette commission n'a jamais vu le jour. Qu'en est-il donc ?

Peut-être l'explication doit-elle être recherchée dans le fait que l'on attend toujours la sortie des décrets d'application de la loi relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité ? Je rappellerai simplement que, sur ce texte, l'urgence avait été déclarée, à juste titre, d'ailleurs, par le Gouvernement.

Nous voilà donc aujourd'hui dans cette situation étrange où nous sommes amenés à débattre d'une proposition de loi visant à améliorer une loi promulguée il y a plus de six mois mais qui n'est toujours pas entrée en vigueur malgré son caractère d'urgence et de priorité nationale pour la France... et peut-être plus encore pour la Guyane !

En tout état de cause, monsieur le ministre, compte tenu des précisions que vous avez apportées et parce que nous estimons que cette proposition de loi améliore le dispositif, nous sommes favorables à son adoption. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Charles Gautier.

M. Charles Gautier. Monsieur le ministre, nous revenons ici sur un texte modifié moins d'un an auparavant par votre prédécesseur et dont les décrets d'application - plusieurs orateurs l'ont rappelé - ne sont même pas encore publiés.

La proposition de loi que nous examinons fait suite, monsieur le ministre, à vos propos en date du 19 mai 2004 : en réponse à une question d'actualité à l'Assemblée nationale, vous prétendiez vouloir « inclure les incitations aux violences contre les femmes dans l'ordonnance de 1945, afin que de telles provocations donnent lieu à des expulsions ».

L'affaire en question est compliquée. Certes, l'imam de Vénissieux a tenu des propos dégradants envers les femmes et, par cela même, a outragé notre République.

Il était nécessaire de réagir, et de le faire de façon significative, pour montrer la détermination de l'Etat à garantir à tous la liberté, l'égalité et la fraternité.

Cependant, la proposition de loi ne se borne pas à viser les incitations aux violences contre les femmes mais concerne toute « provocation explicite et délibérée à la discrimination, à la haine ou à la violence contre une personne déterminée ou un groupe de personnes ».

Tout d'abord, je pense qu'une loi n'est pas opportune : le présent texte ressemble par trop à une loi de circonstance. Il en est même, cela a été dit, l'exemple type.

En tant que parlementaires et législateurs, nous devons exercer notre mission dans la sagesse et la sérénité, de même que nous ne devons n'avoir d'autre but que l'intérêt général.

Or ce texte semble motivé par la situation d'un seul individu et par le battage médiatique auquel elle a donné lieu.

J'ajoute qu'il est tout à fait inacceptable pour la République d' « inventer » une loi avec pour seul but de se débarrasser d'un individu gênant. Si le ministère de l'intérieur est incapable de produire au tribunal administratif des éléments suffisants pour expulser un individu, celui-ci doit pouvoir rester sur notre sol.

Ne vous méprenez pas : je ne suis pas un défenseur de cet odieux personnage, mais nous traitons ici d'un texte inique, qui résulte d'un cas particulier, d'une affaire compliquée, d'une réaction à l'impressionnant battage médiatique lui-même suite d'une décision d'un tribunal administratif.

De plus, faire figurer cette proposition de loi au sein de l'ordre du jour de la session extraordinaire, sans doute à la place d'autres textes plus importants et alors que vous avez écarté, par exemple, le projet de loi contre l'homophobie, dénote une certaine incohérence.

M. Robert Bret. Eh oui !

Mme Nicole Borvo. C'est une orientation !

M. Josselin de Rohan. C'est plus urgent que l'homophobie !

M. Charles Gautier. La politique du Gouvernement elle-même est incohérente, puisque la proposition de loi est une véritable négation des avancées que M. Sarkozy, alors ministre de l'intérieur, avait bien voulu concéder en matière de double peine.

J'aimerais d'ailleurs rappeler, à cette occasion, que nous avions alors reproché à M. Sarkozy de prôner des avancées qui risquaient de n'être que des mesures d'affichage. Le groupe socialiste du Sénat avait malgré tout soutenu ces avancées, mais nous avons confirmation aujourd'hui du manque de volonté du Gouvernement.

De plus, et c'est le point le plus important, M. Sarkozy affirmait, lors du débat sur la double peine, que la liste des exceptions à la protection devait rester « simple et ciblée ».

Or la proposition de loi qui nous est soumise est tellement large dans son libellé qu'elle risque d'en devenir dangereuse dans son application, en raison de l'insécurité juridique qu'elle produirait.

Cette proposition de loi est inacceptable : elle est tellement large qu'elle s'appliquerait à toutes les violences. On peut même s'inquiéter de savoir ce qu'il adviendrait de la liberté d'expression avec un tel texte.

Il est important de faire attention à ce que la capacité d'expulsion du ministre de l'intérieur ne devienne pas un pouvoir exorbitant.

En regrettant de ne pas avoir le temps de revenir sur le débat concernant la double peine, et sans vouloir relativiser la gravité que peuvent revêtir des propos, qu'ils soient racistes, sexistes ou homophobes, je prétends qu'avec ce texte nous mélangeons tout : nous mettons sur le même plan des actes de terrorisme et de simples paroles !

Bien sûr, il faut lutter contre l'obscurantisme en général et contre les propos antidémocratiques. Mais l'expulsion doit rester une mesure exceptionnelle.

Nous devons rester extrêmement vigilants et absolument éviter les amalgames si fréquents entre arabes, musulmans, intégristes et étrangers, parce que c'est par ces discours que nous permettons à un imam comme celui de Vénissieux de prêcher comme il le fait et d'être écouté. Les Français musulmans sont de plus en plus nombreux à se sentir exclus de nos discours. Ils se tournent alors vers celui qui, près de chez eux, les interpelle.

C'est à l'islam de se plier aux lois de la République, mais ce n'est pas avec des mots que nous combattrons l'intégrisme. C'est avec des actes et par l'application stricte des lois de notre République.

M. Louis Moinard. C'est précisément pour cela que nous légiférons !

M. Charles Gautier. Les expulsions ne doivent pas engendrer les exclusions.

La République doit réaffirmer sa détermination à lutter contre ses détracteurs sur son propre territoire.

Les faits quotidiens viennent nous rappeler que notre lutte contre ce genre de personnage doit être sans merci. Mais une réponse appropriée doit être recherchée afin de ne pas attiser plus encore les braises de la haine. Nous percevons, à cet égard, l'inutilité du texte qu'il nous revient d'examiner en ce lendemain du 14 juillet, date symbolique s'il en est... (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Dominique de Villepin, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite d'abord vous remercier de vos interventions, qui éclairent très utilement notre débat, et remercier en particulier votre rapporteur, M. Lecerf.

J'ai bien entendu les arguments exprimés par chacun, et je tiens à y répondre aussi précisément que possible.

Madame Gourault, je partage votre avis sur la nécessité de ne pas légiférer « à chaud » pour traiter de problèmes ponctuels. Je pense très sincèrement que les auteurs de cette proposition de loi n'ont pas cédé à cette tentation.

Les problèmes qu'il s'agit aujourd'hui de régler n'ont rien de ponctuel ou de contingent. Il s'agit bien de nous doter de tous les moyens nécessaires pour répondre efficacement aux menaces précises et nouvelles qui pèsent sur notre collectivité nationale. Je ne doute pas que nous soyons une grande majorité dans cette assemblée à partager cette conviction.

Pour que l'expulsion garde sa raison d'être, il est impératif de la réserver aux situations les plus graves. La loi est sans équivoque et le juge veille avec vigilance à son respect. Il n'y a donc rien à craindre sur ce point.

Monsieur Karoutchi, je partage l'appréciation positive que vous portez sur la proposition qui est aujourd'hui soumise au Sénat. Vous en avez rappelé très justement l'esprit, qui est bien l'amélioration de la législation sur l'expulsion et non sa remise en cause.

Je partage également votre avis sur le fait que cette proposition de loi confirme les choix opérés par le législateur en matière de double peine et les équilibres qui résultent des débats parlementaires de 2003. Il nous appartient d'appliquer la loi et la proposition qui vous est soumise aujourd'hui y contribuera.

Monsieur Bret, vos craintes ne sont pas fondées. Ainsi que l'a très précisément exposé le rapporteur de la commission des lois, il ne s'agit pas d'ouvrir à nouveau le débat sur la double peine, débat qui a conduit, vous le savez, à une solution équilibrée, inscrite dans la loi du 26 novembre 2003.

Ce débat concernait d'abord les interdictions de séjour sur le territoire français prononcées par les tribunaux judiciaires à titre de peine complémentaire pour certaines infractions. Pour ces condamnations, il est effectivement possible de parler de « double peine ».

Le régime des peines complémentaires relève du code pénal et non de l'ordonnance de 1945 ; la loi du 26 novembre 2003 l'a réformé afin de limiter la possibilité pour les tribunaux de prononcer une interdiction du territoire à l'encontre des étrangers disposant d'attaches fortes avec la France.

La proposition de loi que le Sénat examine n'a aucune incidence sur le régime de l'interdiction judiciaire du territoire.

L'expulsion, cela a été dit dans les interventions précédentes, est non pas une sanction, mais une mesure de police à caractère préventif. Elle n'est donc pas qualifiable de « double peine », sinon par abus de langage.

La très grande majorité des expulsions sont prononcées par arrêté préfectoral. Ces mesures ne sont pas davantage concernées par la proposition de loi.

Un très petit nombre d'expulsions - quelques dizaines par an - sont prononcées par arrêté du ministre de l'intérieur. Elles concernent les cas les plus graves et présentent un caractère de nécessité impérieuse pour la sûreté de l'Etat ou la sécurité publique.

C'est à une petite partie de ces expulsions, mesdames, messieurs les sénateurs, que les dispositions dont vous débattez sont susceptibles de s'appliquer.

En améliorant la rédaction de la loi sur ce dernier point, nous faisons oeuvre de responsabilité et de justice. Je crois, par ailleurs, que nous contribuons à la bonne compréhension de ce texte par l'opinion, qui peut difficilement accepter la situation actuelle, laquelle fait dépendre la possibilité d'expulser du mobile inspirant les auteurs des comportements et non de la gravité de leurs conséquences.

La juste mesure de la question étant rappelée, je voudrais répondre rapidement aux objections liées à la question de l'intégration des étrangers en France.

Ma réponse sera simple : en expulsant des étrangers qui profitent de leur présence en France pour appeler ouvertement à la haine, à la violence ou à la discrimination, le ministre de l'intérieur contribue à préserver les conditions d'une intégration plus harmonieuse des étrangers qui résident dans notre pays.

Quant à l'argument selon lequel l'expulsion d'un étranger qui appelle à la haine ou à la violence serait inéquitable puisqu'un Français ne pourrait faire l'objet d'une telle mesure, j'y répondrai simplement en signalant que le séjour en France n'est pas un droit absolu pour les étrangers. Ils doivent, au minimum, respecter l'ordre public et s'abstenir de s'en prendre aux principes fondamentaux applicables dans le pays où ils résident. Il n'y a vraiment là rien de discriminatoire, et je ne connais pas un pays au monde qui ne se reconnaisse pas dans de tels principes.

Cette proposition de loi n'interfère pas davantage, monsieur Bret, avec des procédures en cours devant des juridictions. Elle ne fait pas non plus courir le moindre risque à la liberté d'expression, pour les raisons qui ont été exposées par l'ensemble des orateurs qui vous ont précédé.

Il n'y a point là, monsieur Bret, de loi de circonstance. Aucun rhétorique, aucune dialectique ne peut venir au soutien d'une telle affirmation. Il s'agit tout simplement de répondre à un problème qui va grandissant dans notre société, à une menace susceptible de s'aggraver si nous ne faisons rien.

Monsieur Othily, vous avez rappelé à juste titre l'importance toute particulière de la législation sur les étrangers pour votre département.

Bien que les arrêtés d'expulsion dont nous débattons aujourd'hui aient une autre fonction que de contribuer à la lutte contre l'immigration clandestine, vous avez raison de rappeler la situation spécifique de la Guyane au regard de ce problème et la nécessité de trouver des solutions concrètes.

Depuis 2002, le Gouvernement a privilégié la lutte effective contre l'immigration clandestine et l'orpaillage illégal, plutôt que de recourir aux commissions de réflexion, dont l'efficacité, surtout en cas d'urgence, est fort relative.

Dès son premier déplacement en Guyane, en juin 2002, Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer, a présenté un véritable plan de lutte contre l'immigration clandestine. Des moyens juridiques nouveaux ont été donnés aux forces de sécurité.

Vous y avez d'ailleurs contribué, monsieur le sénateur, puisque vous êtes à l'origine de l'amendement qui a modifié l'article 140 du code minier, article qui permet aujourd'hui aux autorités judiciaires d'ordonner la destruction sur place des moyens saisis dans les camps d'orpaillage clandestin et de rendre ainsi cette activité de moins en moins rentable pour les commanditaires.

Cela n'a été possible que grâce à l'affectation de forces de sécurité supplémentaires dans votre département.

La lutte contre l'immigration est aussi beaucoup plus efficace depuis que des moyens juridiques renforcés ont été mis en place. J'en rappelle quelques aspects.

En Guyane, les recours dirigés contre les arrêtés de reconduite ne sont pas suspensifs ; les refus de délivrance de titre de séjour ne sont pas soumis pour avis à la commission du titre de séjour ; la possibilité d'effectuer des contrôles d'identité a été étendue de part et d'autre de la route nationale 2 ; les membres d'équipages de bateaux pris en situation illicite peuvent dorénavant être éloignés d'office.

Cette politique donne des résultats, puisque les reconduites effectives à la frontière ont augmenté de 60 % depuis 2001, pour atteindre le chiffre record de 4 600 en 2003.

C'est une action dans la durée qu'a engagée le Gouvernement. Dans ce cadre, il est exact qu'il reste encore beaucoup à faire, et notamment à constituer et à réunir la commission prévue par l'article 93 de la loi relative à la maîtrise de l'immigration, ce qui sera fait avant la fin de l'été, ainsi que me l'a confirmé le ministre de l'outre-mer.

Monsieur Gautier, je reconnais volontiers le bien-fondé de votre souci de veiller à ce que les provocations visant le sexe ou l'orientation sexuelle puissent toujours, lorsque leur gravité est caractérisée, justifier une expulsion. Telle est bien la politique du Gouvernement.

Je crois avoir déjà exposé assez précisément les raisons pour lesquelles il n'est pas possible d'affirmer que les auteurs de cette proposition de loi auraient entendu remettre en cause les dispositions destinées à traiter le problème de la double peine. Bien au contraire, je crois que ces dispositions, qui n'allaient pas de soi lorsque le débat s'est engagé sur le projet de loi relatif au séjour des étrangers voici moins d'un an, sortiront confortées de ce débat. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...

La discussion générale est close.

Question préalable

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi relative aux conditions permettant l'expulsion des personnes visées à l'article 26 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945
Art. unique (début)

M. le président. Je suis saisi, par M. Bret, Mmes Borvo, Mathon, Beaudeau, Beaufils, et Bidart-Reydet, M. Coquelle, Mmes David, Demessine, et Didier, MM. Fischer, Foucaud et Le Cam, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar, Mme Terrade et M. Vergès d'une motion tendant à opposer la question préalable.

Cette motion est ainsi rédigée :

« En application de l'article 44 alinéa 3 du règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur la proposition de loi adoptée par l'Assemblée nationale relative aux conditions permettant l'expulsion des personnes visées à l'article 26 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 (n° 360, 2003-2004). »

Je rappelle que, en application de l'article 44, alinéa 8 du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n'excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.

La parole est à Mme Nicole Borvo, auteur de la motion.

Mme Nicole Borvo. Monsieur le ministre, je le regrette, vos réponses ne sont pas convaincantes.

Excusez-moi de prendre quelques instants de votre précieux temps pour exposer l'objet de cette motion tendant à opposer la question préalable.

M. Josselin de Rohan. Nous ne sommes pas payés aux pièces !

M. Jean Chérioux. Si nous apprenions quelque chose de nouveau, ce serait déjà bien!

Mme Nicole Borvo. Si nous avons déposé cette motion, c'est parce que cette proposition de loi nous paraît totalement inopportune.

Elle constitue en réalité une fausse réponse à la montée préoccupante des fondamentalismes. Elle remet en cause, quoi qu'on en dise, la réforme, pourtant apparemment consensuelle, de la double peine ; elle constitue une marque de défiance inacceptable à l'égard des tribunaux.

La proposition de loi trouve son origine directe dans l'affaire de l'imam de Vénissieux qui, comme on l'a dit, avait tenu des propos inqualifiables sur le châtiment corporel des femmes.

Le tribunal administratif de Lyon avait suspendu l'arrêté d'expulsion pris à son encontre. Dès que la décision du tribunal administratif de Lyon a été connue, le Président de la République lui-même s'était exprimé pour manifester l'importance d'un sujet qui suscitait une vive émotion, et il avait indiqué que, s'il fallait modifier la législation, elle serait modifiée.

Il s'agissait, bien entendu, d'un propos d'opportunité, et nous poursuivons dans cette voie.

Pour autant, la proposition de loi, qui prévoit d'ouvrir plus largement le champ des exceptions à la protection contre l'éloignement du territoire de certains étrangers au vu de leurs attaches avec la France, répond-elle à l'objectif visé, c'est-à-dire à la lutte contre un islamisme radical en éloignant du territoire certains de ses fervents zélateurs ?

Nous ne le pensons pas. Ce qui ne signifie pas, je le dis tout de suite, qu'il ne faut rien faire. Je rappelle d'ailleurs que le maire de Vénissieux avait réagit très rapidement pour demander qu'une action judiciaire soit déclenchée à l'encontre de M. Bouziane.

J'ajoute, pour ce qui me concerne et ce qui concerne mon groupe, que nous ne pouvons pas être pris en défaut d'actions et d'interventions face à la montée d'un islamisme radical qui nie les droits des femmes, qu'il s'agisse de la lutte contre les mutilations et les faits de bigamie constatés sur le territoire de la République, ou, au-delà de nos frontières, de la situation des femmes afghanes ou des femmes nigérianes. Nous aimerions d'ailleurs être beaucoup plus soutenus dans notre action.

Nous ne pouvons dès lors qu'approuver le déclenchement de poursuites judiciaires pour apologie de crime contre l'auteur des propos en cause.

Mais la question est de savoir en quoi la proposition de loi répond à la problématique posée.

M. le rapporteur a insisté sur le fait que « cette nouvelle rédaction permettrait de lutter efficacement contre ceux qui, par leurs comportements, leurs propos ou leurs écrits portaient atteinte aux valeurs fondamentales de la République et à la cohésion sociale ». Ce qui signifie, a contrario, que les lois actuelles ne le permettent pas. C'est passer sous silence le fait que de tels propos, particulièrement violents et discriminatoires à l'égard des femmes, sont constitutifs de délits pénalement sanctionnés qui fondent, je le rappelle, les poursuites engagées contre l'imam de Vénissieux.

Réduire la question à celle du champ d'application de l'article 26 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 - alors même que la justice administrative n'a encore rendu aucune décision au fond -, conduit, en outre, à occulter les véritables enjeux du débat. Ce type de propos n'est en effet pas, loin s'en faut, l'apanage d'étrangers !

Par ailleurs, il serait illusoire de croire, spécialement à l'heure où les renseignements généraux viennent de publier une étude alarmante sur le repli communautaire des quartiers, qui constitue un vivier réel de la montée de l'islamisme, que le rappel au respect de la loi républicaine en direction de la communauté musulmane n'exige pas, en sens inverse, des marques de respect de la nation française à l'égard de cette communauté.

Or, force est de le constater, monsieur le ministre, le champ des interventions de votre gouvernement se limite à un seul niveau de réponse.

Qu'en est-il, monsieur le ministre, du budget du Fonds d'action et de soutien pour l'intégration et la lutte contre les discriminations, le FALSILD ? Qu'en est-il du projet de loi de lutte contre les discriminations ? Sans doute y verrons-nous plus clair avec la mise en place de l'autorité de lutte contre les discriminations, peut-être en janvier 2005, si j'en crois une information publiée dans la presse.

L'urgence affirmée par le Gouvernement en la matière s'avère moins impérative que l'adoption d'une loi qui apparaît, en réalité, plus démagogique qu'efficace.

Dérisoire quant à l'objectif qu'elle s'assigne, la proposition de loi semble en revanche efficace pour ce qui est de revenir sur les dispositions de la loi du 26 novembre 2003, adoptée de façon quasi unanime par les élus de la République, qui visait à circonscrire le champ d'application de ce que l'on appelle communément la « double peine ».

Je vous ai bien entendu, monsieur le ministre, mais les mêmes causes produisent les mêmes effets.

C'est en effet un changement complet de logique qui s'opère ici. On fait comme si la double peine était supprimée. Or il n'en est rien. Des personnes sont exclues de la double peine ou sont exclues de mesures applicables aux étrangers, du point de vue du juge administratif, parce qu'elles ont des liens étroits, voire uniques avec notre pays ; c'est-à-dire, a contrario, qu'elles n'en ont pas avec d'autres pays.

Lors de la discussion en séance publique des dispositions de l'article 26, votre prédécesseur, M. Sarkozy, avait ainsi expliqué la volonté du Gouvernement de ne pas entrer dans les exceptions de la double peine. Je reprends son argumentation de l'époque, qui reste valable pour l'application de l'exclusion par le juge administratif : « à entrer dans les exceptions - par exemple, pour trafic de drogue ou viol - on passerait à côté de la logique de la "double peine". Moi, si je vous demande de reformer la "double peine", c'est non pas parce qu'il y a des crimes ou des délits qui seraient moins graves que d'autres, mais parce qu'il s'agit de Français, de fait, de facto ».

A partir du moment où l'on change de système d'analyse en se posant la question des exceptions, le champ devient de facto illimité, parce que l'on trouvera toujours un comportement particulièrement répréhensible - aujourd'hui, des propos discriminatoires, demain, autre chose - pour justifier de nouvelles exceptions aux lois qui s'appliquent aux étrangers.

D'ailleurs, la rédaction retenue par la proposition de loi, adoptée telle quelle par l'Assemblée nationale - il est d'ailleurs regrettable que l'on nous demande de la voter conforme, car on pourrait sans doute l'améliorer - est suffisamment confuse pour laisser la plus grande marge d'interprétation et d'incertitude.

Désormais, tous les étrangers, y compris ceux qui ont les attaches les plus fortes, - c'est-à-dire souvent exclusives d'attaches avec d'autres pays -, particulièrement ceux qui sont arrivés sur notre territoire avant l'âge de treize ans, pourront être éloignés, avec les difficultés de relèvement que l'on sait, dès lors qu'ils auront eu des comportements « constituant des actes de provocation explicite et délibérée à la discrimination, à la haine ou à la violence contre une personne déterminée ou un groupe de personnes ».

Trop générale, cette notion, dont on serait bien en peine de dire ce qu'elle recouvre, contribue, de plus, à amoindrir la portée de la lutte contre le racisme et l'antisémitisme et, alors qu'elle était au coeur de la précédente notion, se trouve fondue dans la lutte contre toutes les formes de violence.

Je précise encore une fois, s'il en est besoin, qu'il ne s'agit pas ici de sanctions pénales, mais de mesures d'expulsion de personnes qui, souvent, n'ont pas d'attaches avec d'autre pays que la France.

Ainsi, cette proposition de loi ressemble finalement plus à un alibi pour revenir sur la réforme de la double peine, ou sur les mesures de protection des étrangers contre les expulsions. Pourtant, certains d'entre vous semblaient les avoir acceptées, sans doute à contrecoeur, alors même que la réforme adoptée à l'époque constituait, certes, une avancée, mais pas une révolution en matière de procédure d'expulsion des étrangers.

Il faut en effet rappeler qu'est conservé, sinon justifié, le principe même de la double peine - peine de prison et éloignement -, et que les catégories protégées de l'expulsion sont suffisamment restrictives pour ne concerner qu'une infime minorité de personnes étrangères, vous l'avez dit vous-même, monsieur le ministre.

Pour bénéficier de cette protection, il faut, outre le fait d'être entré en France avant l'âge de treize ans, avoir sa résidence habituelle en France depuis plus de vingt ans ou depuis plus de dix ans, à condition soit d'être parent d'enfant français et de subvenir à ses besoins depuis la naissance ou depuis au moins un an, soit d'être conjoint de Français depuis au moins trois ans, soit d'être conjoint d'un étranger entré en France depuis l'âge de treize ans, ou alors être dans un état de santé tel que l'expulsion serait contraire au principe d'humanité.

Certaines associations ont même pu parler, à l'époque, de texte en « trompe-l'oeil » pour dénoncer le caractère bien frileux de la réforme des procédures d'éloignement.

Et pourtant, il faut croire que c'était déjà trop, puisqu'un simple fait divers permet de refermer cette porte ainsi à peine entrebâillée.

Si de tels éléments ne suffisaient pas à vous convaincre, je souhaite en évoquer un troisième, qui justifie selon nous à lui seul de voter notre question préalable : il n'est pas acceptable, dans un pays qui prétend être un Etat de droit, que les parlementaires acceptent de légiférer pour faire obstacle à une décision de justice !

En effet, la proposition de loi a été rédigée en réaction à la suspension, par le tribunal administratif de Lyon, de l'arrêté ministériel d'expulsion de l'imam Bouziane. Le tribunal saisi en référé a estimé qu'il y avait doute sur la légalité de l'arrêté.

Le message est donc clair. Les juges ne suivent pas le Gouvernement ? Qu'à cela ne tienne, changeons la loi pour les lier dans leur pouvoir d'interprétation, qui est, je le rappelle, un élément essentiel et fondamental du pouvoir de juger !

Je me permets de rappeler que la décision « par laquelle tout est arrivé » est une décision de référé et non un jugement au fond ; la moindre des choses aurait été, pour le Gouvernement, d' attendre de connaître la position du Conseil d'Etat sur le référé et la décision au fond.

C'est un geste de défiance inacceptable que manifestent le Gouvernement et sa majorité à l'égard des juges administratifs, d'autant que, dans le même temps, le Gouvernement a souhaité présenter un texte dessaisissant les tribunaux administratifs de leur pouvoir de juger, en premier ressort, de la légalité des arrêtés ministériels d'expulsion.

Bien que le Gouvernement, sous la pression du syndicat des juges administratifs, ait renoncé à confier au seul Conseil d'Etat la compétence en premier et en dernier ressort pour ce type de contentieux, le dernier projet donne compétence exclusive au tribunal administratif de Paris en la matière.

Or, autant cette compétence d'exception pourrait se concevoir dans un contexte où l'article 26 vise à circonscrire aux seuls cas d'atteinte aux intérêts fondamentaux de l'Etat ou aux crimes de terrorisme les arrêtés d'expulsion - on sait que le TGI de Paris est actuellement seul compétent pour juger des crimes de terrorisme -, autant, dans un contexte extrêmement élargi, cette exception ne se justifie pas.

Au vu de ces éléments, je vous demande, mes chers collègues, de ne pas délibérer sur une proposition de loi de circonstance qui nous semble particulièrement inopportune. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste.)

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Je ne partage à peu près aucun des points de vue exprimés par Mme Borvo au nom de son groupe.

Une réforme inopportune ? Je la crois, au contraire, tout à fait nécessaire pour que puissent être sanctionnés des comportements comme celui de M. Bouziane, et non pas le comportement de M. Bouziane, puisque, en ce qui le concerne, effectivement, on se heurtera au principe de non-rétroactivité. Et si cette personne ne réitère pas ses propos en se croyant assurée de l'impunité, je ne vois pas pourquoi des mesures seraient à nouveau prises à son encontre.

Ce texte, qui rend possible l'expulsion pour de tels comportements, est donc indispensable.

Remise en cause de la double peine ? « Effet vitrine » ? Mais, mes chers collègues, les arrêtés ministériels d'expulsion concernant des étrangers protégés ont diminué d'une telle manière que j'ai du mal à concevoir que la réforme de 2003 soit restée lettre morte. Les chiffres à cet égard sont tout à fait impressionnants.

Alors que, récemment encore, plusieurs centaines d'arrêtés ministériels d'expulsion étaient pris chaque année, il y en a eu quatre-vingt-quatre en 2003, et onze du 1er janvier au 1er juillet 2004. Voilà pour le prétendu « effet vitrine » !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Et combien de visas refusés ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. La proposition de loi dont nous sommes en train de débattre ne remet nullement en cause la réforme de la double peine ; elle conforte au contraire les décisions qui ont été prises antérieurement.

Pour qu'un texte de loi soit parfaitement applicable et légitime, encore faut-il qu'il suscite l'adhésion de la majorité des Français et de la majorité des étrangers qui vivent sur notre sol.

Or des cas comme celui de M. Bouziane sont de nature à amener l'opinion à rejeter la réforme de la double peine et éventuellement inciter des majorités différentes à revenir sur une réforme dont je persiste à penser qu'elle a été à la fois généreuse et indispensable.

Quant à prétendre qu'il serait vain de prendre des mesures au nom de la lutte contre l'islamisme radical à l'encontre de ressortissants étrangers dans la mesure où certains citoyens français se rendent coupables des mêmes dérives sans être inquiétés, c'est un peu, toutes proportions gardées, comme si vous me disiez qu'il est inutile de prévoir une réglementation spécifique pour la conduite par temps de pluie puisqu'il arrive qu'il fasse beau. Selon moi, l'un n'empêche pas nécessairement l'autre.

A partir du moment où certains ressortissants étrangers se laissent aller à de tels propos ou à de tels comportements, il est de l'intérêt le plus légitime et le plus immédiat de la République de procéder à leur expulsion.

Je ne comprends pas davantage pourquoi, madame Borvo, ce texte traduirait de la défiance à l'égard de la justice, la justice administrative en l'espèce, et, au-delà, manifesterait une quelconque volonté de faire obstacle à une décision de justice.

Il n'y a, sur ce point, aucune ambiguïté. Comment pourrait-on reprocher quoi que ce soit au tribunal administratif de Lyon dans la mesure où ce tribunal a été saisi par la procédure de référé de la légalité d'un arrêté d'expulsion alors que les propos intolérables de M. Bouziane à l'égard des femmes n'avaient pas encore été tenus ? Autrement dit, ce tribunal s'est prononcé sur l'arrêté tel qu'il était rédigé à l'époque, qui faisait état de considérations relatives au danger pour l'ordre public et non de considérations relatives aux propos de M. Bouziane, que j'ai qualifiés d'abjects tout à l'heure.

Donc, il n'y a pas la moindre mise en cause de la décision du tribunal administratif de Lyon.

J'ajoute qu'aucun des représentants du syndicat de la juridiction administrative que la commission a entendus n'a déclaré avoir décelé la moindre manifestation d'une défiance à l'égard de cette juridiction.

Le seul problème qu'ils ont soulevé était relatif à la compétence contentieuse pour connaître des arrêtés ministériels d'expulsion. Mes interlocuteurs m'ont expliqué qu'ils ne souhaitaient pas que l'on remette en cause à cet égard le double degré de juridiction et que l'on confie au Conseil d'Etat, statuant en premier et en dernier ressort, la connaissance des recours formés sur la légalité des arrêtés ministériels d'expulsion.

M. le ministre a répondu tout à l'heure à cette question. La situation est donc maintenant très claire. En prévoyant la compétence du tribunal administratif de Paris pour connaître de ce contentieux en premier ressort, on ne remet absolument pas en cause le fait que le tribunal administratif est le juge de droit commun du contentieux administratif en premier ressort, le Conseil d'Etat conservant sa compétence habituelle et traditionnelle.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Le tribunal de Lyon ne sera plus compétent !

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. En effet, le tribunal de Lyon ne sera plus compétent, pas plus que le tribunal de Lille ou celui de Pau. Cela étant, depuis le début de l'année, onze arrêtés ministériels d'expulsion ont été pris : gageons que, si nous maintenions la compétence de tous les tribunaux administratifs, certains pourraient bien ne connaître d'un arrêté ministériel d'expulsion qu'une fois tous les dix ans.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Est-ce vraiment raisonnable ? Je pense que l'expérience est un argument qui joue en faveur de la compétence du tribunal administratif de Paris.

A ces différentes raisons qui font que la commission vous demande, mes chers collègues, de rejeter cette motion, j'en ajouterai une dernière.

Il est vrai que, s'agissant de la double peine, la protection quasi absolue dont jouissaient certains est diminuée, mais il reste bien évidemment le contrôle du juge administratif qui ne manquera pas de s'assurer que l'expulsion était une nécessité impérieuse pour la sûreté de l'Etat et pour la sécurité publique.

Autrement dit, aucun des arguments avancés par Mme Borvo ne me paraît convaincant, raison pour laquelle, au nom de la commission des lois, je demande au Sénat de bien vouloir repousser cette motion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique de Villepin, ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, tant les propos de M. le rapporteur que certaines de vos interventions dans la discussion générale ont apporté une réponse claire et précise aux différents arguments qui ont été développés à l'appui de cette motion. Je serai donc très bref sur les deux questions principales qui ont été soulevées par ses auteurs.

S'agissant, tout d'abord, de la défiance envers la justice, ni le texte qui vous est soumis aujourd'hui ni les projets du Gouvernement en matière d'organisation du contentieux des arrêtés ministériels d'expulsion n'ont la moindre incidence sur l'étendue des recours ouverts aux personnes expulsées ou sur les pouvoirs du juge.

Permettez-moi d'ailleurs de signaler que le contentieux en cours concernant M. Bouziane, que vous avez cru bon de mentionner, madame Borvo, porte sur des questions de droit et de fait indépendantes des dispositions dont nous débattons aujourd'hui.

S'agissant, ensuite, de la tentation d'attiser les dérives xénophobes, je me contenterai de rappeler que la vraie dérive consiste plutôt à tolérer sur notre sol des étrangers qui appellent à la violence, à la haine ou encore à la discrimination. Ce sont eux qui appellent à la xénophobie sous ses formes les plus inadmissibles, ce sont eux qui fournissent des prétextes au racisme envers les étrangers qui vivent en paix sur notre sol et les Français d'origine étrangère. En expulsant ces étrangers-là, nous luttons justement contre la xénophobie d'où qu'elle vienne.

Mesdames, messieurs les sénateurs, cette proposition de loi n'est pas seulement opportune, elle est nécessaire, car elle nous donne les moyens de répondre efficacement et dans le respect des principes fondamentaux de notre droit aux menaces qui résultent des circonstances actuelles. C'est toute la différence avec un texte de circonstance.

Le Gouvernement vous demande donc de rejeter cette motion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. Je mets aux voix la motion n° 1, tendant à opposer la question préalable.

Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet de la proposition de loi.

(La motion n'est pas adoptée.)

M. le président. En conséquence, nous passons à la discussion de l'article unique.

Question préalable
Dossier législatif : proposition de loi relative aux conditions permettant l'expulsion des personnes visées à l'article 26 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945
Art. unique (fin)

Article unique

Le premier alinéa du I de l'article 26 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France est ainsi rédigé :

« Sauf en cas de comportements de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de l'Etat, ou liés à des activités à caractère terroriste, ou constituant des actes de provocation explicite et délibérée à la discrimination, à la haine ou à la violence contre une personne déterminée ou un groupe de personnes, ne peut faire l'objet d'une mesure d'expulsion, y compris dans les hypothèses mentionnées au dernier alinéa de l'article 25 : ».

M. le président. L'amendement n° 2, présenté par M. C. Gautier et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

Après les mots :

de provocation

rédiger ainsi la fin du texte proposé par cet article pour le premier alinéa du I de l'article 26 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 :

« à la discrimination, à la haine ou à la violence à raison de l'origine, de la religion, du sexe ou de l'orientation sexuelle des personnes, ne peut faire l'objet d'une expulsion, y compris dans les hypothèses mentionnées au dernier alinéa de l'article 25.

La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous aimerions pouvoir voter la proposition de loi, si la rédaction était, pour la dernière partie, celle qui avait été proposée à l'origine par M. Myard, et même un peu plus large.

M. Myard avait en effet proposé la rédaction suivante : « sauf en cas de comportements de nature à constituer une menace grave à l'ordre public, » - et, sur cet ajout, nous n'étions évidemment pas d'accord - « à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de l'Etat ou constituant des actes de provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence à raison de l'origine, de la religion ou du sexe des personnes ». Nous proposons, outre la mention du sexe, d'ajouter l'orientation sexuelle des personnes. Tel est l'objet de notre amendement.

Ce débat, il est vrai, aurait dû être plus ample, plus réfléchi.

On nous explique que, dans l'ordonnance du 2 novembre 1945, il faut que soit constatée l'urgence absolue qui doit constituer une « nécessité impérieuse pour la sûreté de l'Etat ou la sécurité publique, par dérogation aux articles 24 et 25 ». L'article 26 n'est pas visé. Il eût fallu profiter de l'occasion pour remettre un peu d'ordre dans une ordonnance vingt fois modifiée depuis 1945 et en améliorer la lisibilité. Encore une occasion manquée ! Cela étant, gageons que si, dans quinze jours, une autre décision de justice intervient qui ne vous plaise pas, vous saurez bien nous proposer un autre texte.

En tout cas, nous espérons encore que vous saisirez la perche que nous vous tendons : si vous votez notre amendement, mes chers collègues, nous voterons la proposition de loi. En effet, nous déplorons vivement que la rédaction finalement issue des travaux de l'Assemblée nationale nous mette dans l'impossibilité de la voter en l'état.

Lorsque l'on vise toute provocation, fût-elle explicite et délibérée - elle doit évidemment être explicite -, à la discrimination, à la haine ou à la violence contre une personne déterminée, cela veut dire qu'une simple menace à l'encontre d'une personne, quelle qu'elle soit, quels que soient les motifs, peut autoriser le recours à cette procédure d'expulsion.

Vraiment, cela ne paraît pas sérieux, c'est le moins que l'on puisse dire.

On a beaucoup parlé de double peine. J'admets qu'il n'y a pas ici de « première » peine, mais qu'il y en a bien une seconde, administrative celle-là. Nous savons bien que, si quelques personnes n'ont pas été expulsées grâce à la suppression de la double peine, beaucoup d'autres devraient pouvoir bénéficier de cette mesure, si du moins le ministère des affaires étrangères, comme vous avez quelque raison de le savoir, monsieur le ministre, ne leur refusait pas un visa leur permettant de revenir en France, en prétendant que l'ordre public s'y oppose.

Monsieur le ministre, je vous ai saisi, lorsque vous étiez ministre des affaires étrangères, du cas de cette personne qui a vu son arrêté d'expulsion rapporté par le ministre de l'intérieur avant même que ne soit votée la loi sur la double peine, mais qui ne peut pas revenir en France, le ministère des affaires étrangères ne lui accordant pas le visa qui lui permettrait de venir chercher, à Marseille, le document qui l'y attend et qui l'autoriserait à retrouver les siens. Il n'y a pas de raison que cela s'arrête !

Ce dispositif concernant la double peine dont on parle tant paraît donc tout de même bien paralysé !

J'insiste, mes chers collègues, réfléchissez bien ! Si vous votez notre amendement, alors nous voterons ce texte. En revanche, si vous ne le votez pas, nous considérerons que vous aurez délibérément fait en sorte que nous ne puissions pas voter cette proposition de loi.

Sur le reste, vous avez raison, monsieur le rapporteur : le tribunal administratif de Lyon a annulé l'arrêté d'expulsion de M. Bouziane qui était motivé par tout autre chose que les propos qu'on lui reproche, propos qui n'avaient d'ailleurs pas encore été tenus. Mais avouez que l'opinion a pu s'y tromper, compte tenu du battage médiatique qui a entouré la décision, chacun répétant à l'envi que le tribunal administratif avait annulé l'arrêté en dépit des propos tenus par l'intéressé.

Enfin, le Gouvernement envisage de confier au seul tribunal administratif de Paris le contentieux en matière d'arrêté ministériel d'expulsion. Il trouve deux motifs pour ce faire. Il argue, d'une part, du faible nombre des litiges traités en la matière par les juges administratifs, eux qui tranchent tous les jours des recours contre des arrêtés préfectoraux de reconduite à la frontière et qui connaissent donc tous parfaitement les textes dont nous parlons, d'autre part, par le souci « d'obtenir une plus grande cohérence et une plus grande stabilité dans la jurisprudence ».

Pourquoi vous arrêter en chemin, monsieur le ministre ? Continuez et, à tant que faire, supprimez tous les tribunaux d'instance ou de grande instance de France et toutes les autres cours d'appel pour donner compétence à la seule cour d'appel de Paris ! Ainsi la Cour de cassation n'aura plus à trancher éventuellement entre des jurisprudences divergentes !

Mme Nicole Borvo. Un seul tribunal suffira ! Un tribunal d'exception !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Franchement, ce n'est pas du travail sérieux ! Et nous aurons l'occasion de le vous redire.

En attendant, nous vous demandons très fermement, mes chers collègues, de voter notre amendement. Vous souhaitez pouvoir expulser des personnes tenant des propos analogues à ceux de cet imam de Vénissieux ? Vous avez satisfaction avec notre amendement !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Marini. Défavorable ! (Sourires.)

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Je commencerai par les points sur lesquels je peux trouver un accord avec M. Dreyfus-Schmidt.

Lorsque celui-ci nous parle de la complexité de lecture de l'ordonnance de 1945, on ne peut que lui donner raison. Mais une codification à droit constant peut sans doute intervenir, et je pense que le Gouvernement s'en préoccupe.

Vous avouerez qu'il s'agit là surtout d'un problème de lecture de l'ordonnance.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Et d'interprétation !

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. En revanche, sur l'interprétation, la situation semble relativement claire.

Je rejoins également notre collègue Michel Dreyfus-Schmidt sur sa volonté d'intégrer aux dispositions de l'article 26 les provocations à la discrimination, à la haine ou à la violence à raison du sexe ou de l'orientation sexuelle des personnes.

Sur ce point, la proposition de loi lui donne entièrement satisfaction : ces hypothèses sont bel et bien prévues dans la proposition de loi.

Je vais maintenant aborder, mon cher collègue, nos points de désaccord.

Je commencerai par le principe même de l'énumération. Que nous direz-vous si, dans six mois, constatant la réalité de provocations à la discrimination en raison des convictions politiques, nous vous proposions de modifier à nouveau l'ordonnance de 1945 ?

Il va de soi que l'imagination ne connaît pas de limites. Je suis convaincu que, si nous adoptons une logique d'énumération, nous retomberons exactement dans le travers que n'a pas évité la loi de novembre 2003. Il est impossible de tout prévoir !

Mme Nicole Borvo. Enfin l'anticommunisme va être sanctionné !

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Pourquoi pas ! Effectivement, madame Borvo, en matière de convictions politiques, on peut prévoir de condamner des manifestations extrêmement violentes à l'égard d'une philosophie politique qui vous est chère ! Je crois que nous serions tous à vos côtés, dans ce cas précis.

Je ne partage pas non plus l'opinion exprimée par M. Dreyfus-Schmidt sur la compétence exclusive du tribunal administratif de Paris. Nous l'avons dit, le nombre d'interventions de certains tribunaux en la matière risque d'être extrêmement modeste.

Il y a tout de même une différence fondamentale entre le droit « traditionnel » de l'expulsion et le droit qui nous intéresse ici, qui concerne les étrangers protégés, ceux que, à certains nomment, en employant une expression assez saisissante, « les étrangers de France » !

Et, lorsqu'il s'agira de contrôler non pas la menace grave à l'ordre public, mais la « nécessité impérieuse pour la sûreté de l'Etat ou la sécurité publique », vous le savez mieux que moi, mon cher collègue, le juge administratif sera extrêmement vigilant.

En effet, le juge administratif a vu son contrôle évoluer avec le temps, passant d'une absence de contrôle des motifs de fait, à un contrôle de l'erreur manifeste d'appréciation, avec la jurisprudence du Conseil d'Etat Maspero du 2 novembre 1973, pour en arriver aujourd'hui à un contrôle de proportionnalité, appelé parfois contrôle maximum. Donc, ce sont les mesures de police qui font l'objet du contrôle le plus important de la part du juge administratif.

Enfin, mon cher collègue, j'ai été un peu surpris du soutien que vous avez apporté à la proposition de loi de notre collègue député M. Jacques Myard. Je présume que vous ne l'avez pas intégralement lue, car son auteur faisait de la menace grave à l'ordre public la seule condition de l'expulsion.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. J'ai dit que je n'étais pas d'accord sur la question de l'ordre public !

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Il est vrai que cela ne correspondait guère à votre philosophie, mon cher collègue.

Pour toutes ces raisons, et tout en reconnaissant le bien - fondé d'un certain nombre de remarques de notre collègue Michel Dreyfus-Schmidt, j'émets, au nom de la commission des lois, un avis défavorable sur l'amendement n° 2.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique de Villepin, ministre. Monsieur le sénateur, l'intention exprimée dans votre amendement me paraît très proche de celle des auteurs de la proposition de loi dont vous délibérez aujourd'hui, comme l'a rappelé à l'instant M. le rapporteur.

Le texte adopté par l'Assemblée nationale présente l'avantage de n'exclure d'emblée aucune forme de provocation à la haine, à la violence ou à la discrimination, quel que soit son prétexte.

En revanche, si votre rédaction était retenue, il ne serait pas toujours possible, par exemple, d'expulser un étranger qui appellerait ouvertement à la violence contre des enseignants ou contre des médecins parce qu'ils feraient respecter le principe de laïcité dans les écoles ou dans les hôpitaux. De même, il ne serait pas toujours possible d'expulser ceux qui en appelleraient à la haine ou à la violence contre les membres ou les dirigeants d'une société politique ou philosophique. Et ces situations n'ont rien d'abstrait !

Est-ce cela que nous voulons ?

Cela étant, vous souhaitez que les provocations à la discrimination à raison du sexe ou de l'orientation sexuelle fassent l'objet d'une vigilance particulière, ce qui correspond totalement aux intentions du Gouvernement. Celles-ci se traduisent dès à présent dans le cadre de la lutte contre toutes les formes de discrimination, objet d'un projet de loi qui sera prochainement examiné par le Parlement.

Pour l'ensemble de ces raisons, le Gouvernement partage l'avis défavorable de la commission.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 2.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 234 :

Nombre de votants 313
Nombre de suffrages exprimés 311
Majorité absolue des suffrages exprimés 156
Pour l'adoption 112
Contre 199

Le Sénat n'a pas adopté.

Personne ne demande la parole ?...

Je mets aux voix l'article unique de la proposition de loi.

(La proposition de loi est adoptée définitivement.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Dominique de Villepin, ministre. Je tiens à remercier le Sénat, le président de la commission des lois, ainsi que son rapporteur, de la qualité et de la sérénité des débats sur une proposition de loi importante qui apportera davantage de paix et de sécurité dans notre pays. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Art. unique (début)
Dossier législatif : proposition de loi relative aux conditions permettant l'expulsion des personnes visées à l'article 26 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945
 

7

 
Dossier législatif : projet de loi pour le soutien à la consommation et à l'investissement
Discussion générale (suite)

Soutien à la consommation et à l'investissement

Adoption d'un projet de loi déclaré d'urgence

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi pour le soutien à la consommation et à l'investissement
Art. additionnels avant l'art. 1er

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n°379, 2003-2004), adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, pour le soutien à la consommation et à l'investissement. [Rapport n°407 (2003-2004).]

Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre d'Etat.

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le président, je tiens tout d'abord à vous dire le plaisir que j'ai à parler en cet instant sous votre haute autorité.

Mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur, le projet de loi que nous allons vous présenter, Dominique Bussereau et moi-même, repose sur l'observation de notre situation économique.

Que nous dit cette situation économique ? Une chose toute simple : c'est grâce à la consommation des ménages que nous avons échappé à la récession en 2003. La consommation des ménages a en effet progressé de 1,7%, alors que le produit intérieur brut, le PIB, ne progressait que de 0,5%. Par ailleurs, en 2003, les investissements et les exportations ont diminué. En 2003, le moteur de l'économie française a donc tourné au ralenti, et son carburant a été exclusivement la consommation des ménages.

Si l'on regarde les chiffres du premier trimestre de 2004, on constate que c'est encore le dynamisme de la consommation qui tire la croissance, une croissance plus forte, avec 0,8%.

Pour les prochains mois, heureusement, la reprise des investissements et des exportations paraît enclenchée, d'après l'INSEE. Toutefois, si nous voulons que la croissance s'installe de nouveau fortement et surtout, monsieur le rapporteur, durablement, il est crucial que la consommation des Français continue de se raffermir.

Comment peut-on soutenir la consommation sans pour autant dégrader le déficit ?

Lors du débat d'orientation budgétaire, jeudi dernier, j'ai fait devant vous un constat ; je persiste et je signe : la France est droguée à la dépense publique ! En 2003, la France a dépensé 25% de plus que ses recettes. Il n'y a pas de marge de manoeuvre budgétaire !

Nous ne pouvons pas nous exonérer des conséquences obligées de ce constat, qui relèvent non pas d'une quelconque théorie économique, monsieur le président de la commission des finances, mais du simple bon sens.

Si, grâce à la croissance, il y avait des recettes supplémentaires, il va de soi que la sagesse et le bon sens devraient nous conduire à affecter, comme nous l'ont demandé, à d'innombrables reprises, la Haute assemblée et sa commission des finances,...

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Oui !

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat. ... ces recettes supplémentaires, fruits du travail des Français, à la réduction du déficit et au désendettement de la France plutôt qu'à de nouvelles dépenses. Ce ne sont en effet pas les dépenses qui préparent l'avenir, c'est l'équilibre de nos comptes. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

La question qui nous est posée est simple, et la solution aussi : il faut agir pour soutenir la croissance. Toutefois, on ne peut pas agir en faisant de la dépense ! J'en prends à témoin le président de la commission des finances, faire de la dépense, c'est faire du déficit, et faire du déficit, c'est faire de l'endettement !

Jugez-en : 1 000 milliards d'euros d'endettement ! Telle est la réalité, et elle est incontournable.

M. Gérard Cornu. Très bien !

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat. Moi, je préfère dire la réalité aux Français plutôt que de les laisser la découvrir un jour, et risquer qu'ils ne s'en prennent alors à ceux qui ne les auront pas prévenus. Nous ne devons pas être de ceux-là, me semble-t-il.

Comment fait-on pour relancer la croissance dans ces conditions ?

Tout d'abord, monsieur le rapporteur, nous avons essayé d'agir sur les prix. Les Français se trouvent confrontés à une situation étrange : on leur explique - en tout cas, c'était le discours officiel, il y a encore quelques semaines - que les prix sont tenus, mais quand ils vont faire leurs courses, ils ont l'impression très nette que les prix augmentent plus qu'on ne le leur dit !

La situation est paradoxale : des consommateurs qui disent que les prix augmentent davantage et des indices qui finissent par donner le sentiment - simplement le sentiment - d'être déconnectés de la réalité.

Ici intervient l'accord que nous avons négocié avec la distribution sur cinq mille produits de grande consommation, après avoir constaté que les prix ont augmenté, depuis 1997, plus fortement en France que partout ailleurs en Europe. Il n'y a aucune raison à cela.

Nous avons obtenu une baisse des prix de 2% au 1er septembre, et de 1% au 1er janvier. Ces 2,5 milliards d'euros supplémentaires de pouvoir d'achat rendu aux Français, et ce sans creuser notre déficit budgétaire, représentent notre premier élément de relance.

Mais il en est un second, je veux parler du relèvement du SMIC de 5,8% au 1er juillet. C'est encore du pouvoir d'achat supplémentaire ! Chacun sait, en effet, que, en France, les petits salaires, faute d'avoir les moyens d'épargner, consomment ; ils consommeront donc ce pouvoir d'achat supplémentaire.

Il est crucial de bien comprendre que l'un des problèmes de la France réside dans la faiblesse du pouvoir d'achat des salariés, du fait de la faiblesse de nos salaires. Et nos salaires sont faibles en raison du poids des charges sociales qui coûtent cher aux employeurs. (Très bien ! sur les travées de l'UMP.) Ce qui fait que, à l'arrivée, tout le monde est perdant !

Fort de cette conviction, j'ai proposé une réforme des 35 heures pour favoriser l'augmentation des salaires. Mesdames, messieurs les sénateurs, lorsque l'on travaille davantage, on doit pouvoir gagner davantage !

M. Roland du Luart. Très bien !

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat. Si les salariés français, notamment les plus modestes, gagnent davantage, chacun comprend que c'est encore du carburant que l'on met dans le moteur de l'économie française, toujours sans dégrader le déficit.

Avec ces deux mesures, sur les prix et sur le SMIC, les experts s'attendent à une augmentation de la consommation de près de 1%, et du PIB de près de 0,5%.

Nous avons voulu aller plus loin, et ce pour une raison très simple dont je vais m'expliquer à la Haute assemblée. Tout le problème avec l'économie - et je m'exprime devant des spécialistes - c'est d'agir au bon moment. Agir avant ne sert à rien ! Agir après, c'est trop tard, c'est fini, tant il est vrai que l'économie, c'est aussi de la psychologie !

Avec Dominique Bussereau, nous avons décidé qu'il fallait soutenir la consommation maintenant, tout de suite, pour que la France s'installe durablement dans un régime de croissance supérieure à celle que va connaître la zone euro.

Notre objectif a été triple. Tout d'abord, nous avons voulu que les dispositifs soient simples - enfin de la simplicité ! - afin que tout le monde comprenne et que l'administration ne puisse pas reprendre d'une main ce que le Sénat, par exemple, aurait donné de l'autre !

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat. Si nous voulons que les dispositifs que nous proposons aient une efficacité - et pourquoi les proposer, sinon ? - nous ne devons pas permettre qu'ils soient en quelque sorte « recalibrés », en tout cas pas en dehors du Parlement.

Nous avons ensuite voulu que ces dispositifs soient limités dans le temps, mais d'emblée puissamment incitatifs, de manière que nous puissions décider éventuellement, en fonction de leur évaluation, de leur pérennisation.

Nous vous proposons des dispositifs, mais, naturellement, qui pourrait être certain que tous auront un effet, s'ils auront le même effet, et même s'ils seront utilisés ? (Très bien ! sur les travées de l'UMP.)

Enfin, nous avons voulu que le coût pour les finances publiques soit le plus faible possible. D'ailleurs, pouvais-je faire autrement, moi qui vous ai annoncé jeudi dernier qu'il nous faudrait réduire nos déficits ; je n'allais tout de même pas une semaine plus tard venir vous proposer des idées de dépenses supplémentaires, d'autant moins que la France dépense déjà beaucoup trop.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Oui !

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat. Nous vous proposons donc sept mesures dont j'espère que vous considérerez avec moi, monsieur le président de la commission, et vous aussi, monsieur le rapporteur, qu'elles répondent à ces trois objectifs.

La première mesure relève de la politique familiale. Mesdames, messieurs les sénateurs, quand on a travaillé dur toute sa vie, on a le droit de laisser à ses enfants le produit de son travail. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Peut-on dire que l'on croit à la famille et, dans le même temps, taxer à de multiples reprises le produit de toute une vie de travail au moment précis où il pourrait être transmis utilement aux nouvelles générations ?

J'ajoute une deuxième raison. Nous pensons qu'il est un âge où l'on a moins de besoins et donc où l'on consomme moins. Et il est un autre âge, je pense aux jeunes, où l'on a, malheureusement, peu de ressources et beaucoup de besoins. Au nom de la solidarité familiale, nous avons donc voulu encourager grands-parents et parents à donner une partie de leur épargne à leurs enfants ou petits-enfants âgés d'au moins dix-huit ans - je m'en expliquerai - pour mettre, encore une fois, du carburant dans l'économie.

Pourquoi cette condition d'âge ? Pourquoi dix-huit ans ? Parce que nous voulons qu'avec cet argent on puisse participer à l'achat ici du premier studio, là de la première voiture, ou pour s'équiper en électroménager. (Mme Nicole Borvo s'exclame.) Mais nous ne voulons naturellement pas que ce transfert s'opère de manière que l'épargne des plus anciens vienne nourrir l'épargne des plus jeunes.

Ainsi, entre le 1er juin 2004 et le 31 mai 2005, dans la limite de 20 000 euros par don, nous allons encourager tout à la fois la consommation et la solidarité entre les générations.

Ce dispositif fonctionne déjà très bien. Je dispose, à cet égard, d'une première indication intéressante à vous donner. En juin, 17 496 donations ont été faites pour un montant total de 349,4 millions d'euros.

J'ajoute que nous avons voulu laisser libre l'utilisation de ces sommes. En effet, rappelez-vous, lors d'une précédente tentative du même ordre, on avait commencé à dresser la liste des produits électroménagers éligibles et de ceux qui ne l'étaient pas. C'est l'exemple de ce qu'il convient de ne pas faire.

Si l'on veut autoriser cette solidarité entre les générations, les individus doivent pouvoir acheter ce que bon leur semble avec l'argent qu'ils ont gagné.

De toutes manières, il ne nous appartient pas de dire si l'achat d'une voiture crée plus d'emplois que celui d'un téléviseur, d'une machine à laver, d'un four à micro-ondes ou de tout ce qui peut par ailleurs vous passer par la tête. (Sourires.)

M. Philippe Marini, rapporteur. Absolument !

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat. La deuxième mesure est importante sur le plan psychologique et pas simplement sur le plan technique. C'est la réduction d'impôt sur le revenu sur les intérêts payés en 2004 et 2005 à raison de certains prêts à la consommation contractés entre le 1er mai 2004 et le 31 mai 2005.

La réduction d'impôt sera égale à 25 % du montant des intérêts payés en 2004 et en 2005, soit 150 euros par an pour les prêts à la consommation.

Cela étant, pourquoi est-ce important psychologiquement ? Parce que j'entends m'opposer à la culpabilisation actuelle des ménages qui s'endettent pour investir. En effet, quand on investit, quand on s'endette pour acheter un appartement, c'est que l'on croit en l'avenir, c'est que l'on a des projets et que l'on espère que sa situation ira en s'améliorant.

C'est précisément dans la mesure où des ménages français croiront en l'avenir, s'endetteront, investiront, feront des projets, que l'économie de la France connaîtra une croissance plus forte.

Il n'y a aucune raison de culpabiliser l'acte d'emprunt dans notre pays, le taux d'épargne étant chez nous ce qu'il est ! Le problème économique de la France, c'est que l'Etat est trop endetté et les ménages pas assez. Voilà la vérité ! Nous avons besoin de ménages qui investissent davantage et d'un Etat qui dépense moins ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Telle est, très exactement, mon analyse de la situation ! Quand l'Etat s'endette, il empêche les ménages consommateurs de s'endetter. Finalement, c'est dans un cercle vertueux que nous voulons inscrire les Français.

La troisième mesure consiste à prévoir des possibilités de déblocage anticipé des droits acquis au titre de la participation et de l'épargne salariale ou de versement direct des sommes concernées sans remise en cause des avantages fiscaux et sociaux normalement liés au blocage.

Plus précisément, le dispositif vise à permettre, du 16 juin au 31 décembre 2004, le versement direct des sommes non encore bloquées, s'agissant de l'intéressement et de la participation, et le déblocage anticipé des droits acquis au titre de la participation et des encours des plans d'épargne salariale.

Afin de respecter au mieux le cadre de l'épargne salariale et de ne pas porter atteinte à la capacité de financement des entreprises, à laquelle contribue l'épargne salariale, le déblocage anticipé des droits constitués et le versement direct des sommes non encore bloquées seront soumis, sauf exception, à un accord préalable, après concertation avec les organisations syndicales.

Sur la base retenue dans notre texte, nous estimons que de 3 milliards à 5 milliards d'euros pourront être ainsi débloqués, ce qui représente 10 % des encours de l'épargne salariale ou 0,6 point de consommation annuelle des ménages, et ce, monsieur le président de la commission des finances, toujours sans dégradation du déficit budgétaire.

Par ailleurs, les quatre autres mesures concernent spécifiquement l'emploi et l'investissement.

La première a trait à la revalorisation des salaires dans le secteur de la restauration et de l'hôtellerie.

A cet égard, je serai très clair : au nom de quoi devrions-nous nous excuser de vouloir appliquer aux restaurateurs employant du personnel de service un taux de TVA identique à celui qui est appliqué aux établissements n'étant pas dans ce cas ?

M. Charles Revet. Tout à fait !

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat. On pourrait même penser que c'est l'inverse qui devrait prévaloir.

M. Charles Revet. Exactement !

M. Gérard Cornu. Bien sûr !

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat. Dans le fond, dès lors que des restaurateurs affectent du personnel au service des clients, il ne serait pas anormal qu'ils soient soumis à un taux de TVA inférieur à celui qui frappe les établissements de restauration rapide. (M. Jean Chérioux applaudit.)

Loin de moi l'idée, on l'aura compris, de critiquer la restauration rapide, mais nous nous trouvons dans un système invraisemblable où ce sont les restaurateurs employant du personnel de service qui supportent un taux de TVA plus élevé ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

On peut, là encore, penser ce que l'on veut de la politique économique du Gouvernement - c'est le jeu normal de la démocratie -, mais il me semble que l'on ne peut que reconnaître la cohérence du choix politique, au vrai sens du terme, que nous faisons dans ce domaine.

Naturellement, la mesure que nous présentons a un coût. Elle avait été annoncée par le Premier ministre, et Dominique Bussereau et moi avons voulu qu'elle soit accompagnée d'engagements précis de la profession.

Tout d'abord, une aide incitative à la sortie du « SMIC hôtelier » est prévue. Il faut dire les choses comme elles sont : quelque 70 000 offres d'emploi ne sont pas satisfaites dans le secteur de l'hôtellerie et de la restauration, pour cette raison très simple que le travail y est dur et qu'il n'est pas rémunéré à la mesure de sa difficulté.

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat. La question du SMIC hôtelier étant posée, une augmentation des salaires proposés, notamment des plus modestes d'entre eux, rendra les offres d'emploi plus attrayantes. Davantage de personnes voudront alors travailler dans ce secteur, et elles seront mieux rémunérées : voilà qui est bon pour le soutien à la consommation.

Après discussion avec les professionnels - cela n'a pas été tout à fait simple ! -, il nous est apparu qu'il fallait consentir un effort particulier en vue d'inciter les professionnels du secteur de l'hôtellerie et de la restauration à verser de meilleurs salaires et à renoncer au SMIC hôtelier. Pour eux, la proratisation du montant de l'aide selon la part du chiffre d'affaires réalisé au taux de TVA de 19,6 % diminue fortement celle-ci. C'est pourquoi je suggère que la proratisation ne s'applique pas pour les salariés payés au SMIC ; elle serait maintenue, en revanche, pour les salariés percevant une rémunération supérieure au SMIC.

Cet effort important ne se traduira pas par un surcoût pour les finances publiques, car il sera gagé par un léger abattement sur l'ensemble des primes promises par Jean-Pierre Raffarin.

Cette aide est clairement conçue dans la perspective d'une baisse du taux de la TVA au bénéfice du secteur de la restauration au 1er janvier 2006. Toutefois, si cette baisse devait être reportée, faute du soutien de nos partenaires européens, il est évident que le dispositif devrait être prorogé, car l'on ne saurait accepter que des employeurs augmentent les salaires et que, dans le même temps, l'Etat cesse d'apporter son aide : ce serait alors un marché de dupes, qui mettrait en cause la parole de l'Etat. Celle-ci a déjà été trop souvent remise en question dans le passé sur le plan fiscal, et il importe de ne pas continuer dans cette voie ; c'est un facteur capital du rétablissement de la confiance. (M. Jean Chérioux applaudit.)

M. Roland du Luart. Très bien !

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat. C'est dans ce contexte que les partenaires sociaux ont abouti à un accord s'appliquant à compter du 1er juillet, alors même que les négociations étaient enlisées depuis plusieurs années.

Cet accord historique comporte une suppression généralisée du SMIC hôtelier, combinée à la hausse générale du SMIC au 1er juillet. Cela représente un relèvement de 11 % des salaires du bas de l'échelle. Je pense que l'on s'en réjouira sur toutes les travées de la Haute Assemblée !

En outre, les salariés bénéficieront de six jours de congé et de deux jours fériés supplémentaires, ainsi que de la pérennisation des 39 heures dans ce secteur professionnel.

Autrement dit, les partenaires sociaux se sont mis d'accord pour que le décompte des heures supplémentaires ne débute qu'à partir de la quarantième heure, cela pour une raison très simple, qui ne devrait surprendre personne : les salariés de ce secteur, dont le salaire horaire est souvent modeste, n'ont vraiment pas envie de travailler trente-cinq heures par semaine, car ils ne gagneraient alors pas suffisamment d'argent pour faire vivre dignement leurs familles ! Telle est la réalité enfin dite ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Il s'agit donc de jeter les bases d'une politique sociale ambitieuse. Que les salariés obtiennent de meilleures rémunérations, voilà l'objectif de la politique économique que je souhaite conduire.

L'accord que j'évoquais - je le dis avec un peu de malice, mesdames, messieurs les sénateurs - crée un précédent heureux et démontre, s'il en était besoin, que l'on peut sortir par le haut du dispositif des 35 heures, c'est-à-dire en donnant plus de souplesse aux entreprises, plus de pouvoir d'achat aux salariés et, en définitive, plus de recettes à la sécurité sociale. En effet, le mode d'organisation actuel des heures supplémentaires est tellement dissuasif que la sécurité sociale ne peut même pas bénéficier, par ce biais, de cotisations supplémentaires.

Cet accord doit être définitivement signé par les professionnels dans les tout prochains jours. Il est évident que c'est dans ce contexte que l'effort financier consenti par l'Etat au profit de ce secteur d'activité prend tout son sens.

Des débats s'étaient engagés, au moment des élections régionales, sur cette question : Dominique Bussereau et moi-même, je le revendique, sommes sortis par le haut d'une situation qui avait suscité des polémiques. Depuis, les polémiques se sont éteintes !

Par ailleurs, le projet de loi prévoit une autre aide spécifique en faveur des travailleurs non salariés du secteur des hôtels, cafés et restaurants. Elle consiste en la prise en charge d'une partie des cotisations d'assurance vieillesse volontaires du conjoint collaborateur. Pensons à ces personnes qui, toute leur vie, aident leur conjoint dans l'exercice de son activité professionnelle et dont le rôle n'est nullement reconnu ! Le montant de cette aide sera fixé à la moitié des cotisations minimales dues pour un conjoint collaborateur. C'est là une mesure qui compte !

Enfin, une disposition importante est également proposée pour favoriser l'investissement des entreprises, au travers d'un dégrèvement temporaire de la taxe professionnelle institué jusqu'aux impositions établies en 2007, pour les investissements réalisés entre le 1er janvier 2004 et le 30 juin 2005.

M. Roland du Luart. Voilà une bonne idée !

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat. Compte tenu du décalage de deux ans entre l'année d'investissement et l'année d'imposition au titre de la taxe professionnelle, ce nouveau dégrèvement s'imputera pour la première fois en 2006 sur les cotisations de taxe professionnelle afférentes aux investissements réalisés en 2004.

Je précise que nous avons conçu un dispositif où l'Etat compensera les dégrèvements pour les collectivités territoriales et leurs groupements, y compris si ceux-ci choisissent de faire varier leur taux de taxe professionnelle. Il s'agit donc là non pas d'une compensation illusoire qui cessera à un moment donné, mais d'une compensation dynamique.

Parallèlement, je rappellerai l'intervention du Président de la République sur la réforme de la taxe professionnelle. Cette réforme est une affaire extraordinairement difficile, qui doit être traitée avec beaucoup de sérieux, beaucoup de mesure et une certaine expérience. En tout cas, pour ce qui me concerne, je veillerai à ce que soit maintenu un lien entre l'activité des collectivités territoriales et l'activité économique.

MM. Jean Arthuis, président de la commission des finances, et Philippe Marini, rapporteur. Très bien !

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat. En effet, si ce lien devait être rompu, des communes ou des départements n'auraient alors plus aucun intérêt à encourager les activités industrielles et les entreprises. Or ce n'est pas l'entretien des espaces verts qui suffira à donner des emplois à tous nos enfants ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Par conséquent, ce lien doit absolument être maintenu, même si cela peut poser des problèmes pour telle ou telle organisation. La commission présidée par M. Fouquet rendra son rapport d'étape au début du mois de juillet. Elle présentera, à la fin de l'année, ses propositions de réforme ; nous aurons donc l'occasion d'en reparler.

J'évoquerai en conclusion deux mesures complémentaires concernant les activités de proximité.

Il s'agit d'abord d'une exonération des droits de mutation à titre onéreux perçus au profit de l'Etat pour les cessions de fonds de commerce ou de clientèle de profession libérale et d'offices ministériels.

Le problème soulevé est considérable. Mesdames, messieurs les sénateurs, la vie d'un commerçant peut se décrire très simplement : une femme ou un homme travaille durement toute sa vie et joue sa retraite, ou plus exactement le confort de celle-ci, sur la vente de son fonds de commerce. Si la vente est bonne, la retraite sera confortable ; si la vente est médiocre, la retraite sera chiche. Telle est la réalité des choses !

Au moment du départ à la retraite, que se passe-t-il concrètement, s'agissant notamment des commerces de bouche ? Si le commerçant qui part à la retraite reçoit une proposition d'une banque, d'une agence immobilière ou d'une compagnie d'assurances, de 30 % à 40 % supérieure à l'offre que peut lui faire un jeune candidat à l'installation - poissonnier, boulanger, boucher -, il vendra son fonds à la banque, à l'agence immobilière ou à la compagnie d'assurances, c'est-à-dire exactement ce que nous ferions à sa place !

En proposant l'exonération des plus-values professionnelles et l'exonération des droits de mutation, nous voulons rééquilibrer les forces entre, d'une part, les activités de proximité, et, d'autre part, les compagnies d'assurances, les banques, les agences immobilières, toutes entreprises estimables par ailleurs.

M. Gérard Cornu. C'est très important !

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat. Si nous voulons maintenir des commerces en centre-ville, il nous faut résoudre le problème des successions et des ventes de fonds de commerce. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Gérard Cornu. Très bien !

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat. Là encore, c'est une mesure simple : exonérations des plus-values et des droits de mutation à titre onéreux en cas de cession à un professionnel du même secteur d'activité, selon la classification de la chambre de métiers.

Cette mesure était attendue depuis des années. Quand je l'ai proposée, mes services ont naturellement commencé par me dire que ce n'était pas possible. (Sourires sur les travées de l'UMP.)

M. Jean-Claude Carle. C'est trop simple !

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat. Ensuite, ils m'ont affirmé que ce dispositif existait déjà. Enfin, ils m'ont dit que, de toute manière, cela ne servirait à rien ! Eh bien, je souhaite tenter l'expérience : s'il s'avère que ce dispositif est utile, nous vous proposerons de le pérenniser, mesdames, messieurs les sénateurs ; dans le cas contraire, cela n'aura pas coûté grand-chose !(Sourires.)

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Voilà !

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat. Le paradoxe qui consiste à soutenir qu'un dispositif est tout à la fois sans effet et trop coûteux nous est servi trop souvent !

Vous le voyez, mesdames, messieurs les sénateurs, avec ce projet de loi, il ne s'agit pas pour nous de révolutionner la vie économique française.

Nous avons deux ambitions. Nous voulons, tout d'abord, être à l'heure et montrer que l'on peut encore agir, que le volontarisme existe en économie et qu'il n'est pas inutile d'anticiper plutôt que de subir plus tard ; nous voulons, ensuite, démontrer qu'il est possible d'appartenir au Gouvernement ou au Sénat et de proposer ou de voter des mesures compréhensibles par nos compatriotes.

Ce texte n'est pas compliqué, ce qui ne signifie pas qu'il n'est pas pertinent. J'espère que la Haute Assemblée le votera. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Philippe Marini, rapporteur de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le ministre d'Etat, il y a quelques jours, lors du débat d'orientation budgétaire, nous avons tous ensemble pu mesurer les enjeux. Vos propos prennent une résonance encore plus forte cette semaine, après la décision de la Cour de Justice des communautés européennes sur le pacte de stabilité.

En effet, notre pays doit user de toute sa force de persuasion, jouer de toute sa crédibilité dans les semaines qui viennent pour convaincre ses partenaires, et la Commission, que nous avons véritablement les moyens de respecter les objectifs que nous nous sommes fixés : 3,6 % de déficit du PIB à la fin de 2004, 3 % en 2005, étant rappelé que ce n'est qu'au-delà de 2,5 % que l'on commence à freiner l'endettement.

Mes chers collègues, le tableau qui a été dressé la semaine dernière des enjeux pour nos finances publiques doit donc rester bien présent dans l'esprit de chacun.

Le projet de loi qui nous est présenté ce soir est un texte de conjoncture économique. Il s'agit bien, par des mesures spécifiques et dont l'application est bien circonscrite dans le temps, de modifier les comportements des agents économiques.

Pour ce faire, il nous est proposé, pour l'essentiel, de stimuler la consommation ; pour autant, l'offre n'est pas ignorée. Le texte est donc équilibré.

L'impact macroéconomique des mesures qui nous sont proposées en matière de consommation est loin d'être négligeable. J'ai cité diverses sources dans mon rapport écrit auquel vous pourrez utilement vous reporter.

Qu'il me suffise de dire ici que, sur deux années, le coût global pour l'Etat de l'ensemble des mesures tournées vers la demande dans ce projet de loi est compris, selon les hypothèses, entre 0,4 et 1 milliard d'euros alors que, sur l'autre plateau de la balance, l'effet sur la consommation se situe, toujours sur deux ans, dans une fourchette comprise entre 4 milliards et 10 milliards d'euros.

Les dispositions proposées peuvent représenter un appoint significatif pour la croissance, plus d'un demi point de produit intérieur brut. Elles ont été sélectionnées, me semble-t-il, dans un souci d'efficacité et en vertu de deux critères : le premier, je n'y reviens pas, est celui de la lisibilité et, le second, celui de l'efficacité et du bon rendement de l'effet de levier.

Le ministre d'Etat a énuméré ces mesures, nous y reviendrons au cours de la discussion des articles.

Voici, en quelques mots, l'analyse de la commission des finances en ce qui concerne les mesures relatives aux entreprises, mesures qui relèvent de la politique de l'offre.

Pour ce qui est de la taxe professionnelle, il s'agit bien du dégrèvement des investissements nouveaux pendant une période de dix-huit mois. Autrement dit, les collectivités bénéficiaires de la taxe ne perdent rien.

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat. Exact !

M. Philippe Marini, rapporteur. Elles ne perdent ni un euro, ni un centime d'euro.

Cela s'inscrit, certes, dans le contexte des études en cours sur la rénovation ou la transformation de la taxe professionnelle. Mais, à la limite, monsieur le ministre d'Etat, si l'on n'aboutissait pas, si les conclusions de la commission Fouquet ne permettaient pas en temps utile de déboucher sur une nouvelle législation, les collectivités pourraient fort bien continuer à percevoir leurs ressources.

Je souhaitais, mes chers collègues, insister sur cet aspect des choses : la mesure s'inscrit bien dans la logique des réflexions en cours, mais elle ne préjuge pas de leurs résultats, pas plus qu'elle ne nous fait pas entrer dans un dispositif irréversible ou inéluctable. Nous préservons notre liberté, pour l'avenir, de redéfinir éventuellement la fiscalité locale sur l'activité économique.

Je ne cacherai pas que c'est avec une grande satisfaction que j'ai entendu à l'instant M. le ministre d'Etat valoriser le lien entre le territoire et l'activité économique.

M. Roland du Luart. Bien sûr, c'est essentiel.

M. Philippe Marini, rapporteur. Pour les sénateurs ici présents, il s'agit évidemment d'un critère essentiel, monsieur le ministre d'Etat. Gestionnaires locaux responsables et désireux de défendre nos territoires, nous ne pouvons pas imaginer être privés de toute possibilité de fournir le maximum d'atouts aux activités économiques qui s'y installent, ou que nous voudrions voir s'y installer.

Bref, monsieur le ministre d'Etat, les mesures que vous nous proposez sont claires.

C'est également le cas en matière d'hôtellerie et de restauration. Vous avez évoqué une nouvelle fois votre philosophie dans le domaine, et votre espoir que ces branches d'activité puissent recruter plus, recruter mieux, être plus attractives pour des personnes à la recherche d'un emploi. Le dispositif de baisse des charges est assurément efficace sur le plan économique, mais il a en outre une finalité sociale.

Là encore, il s'inscrit dans le contexte plus vaste de la demande formulée par la France auprès de l'Union européenne en matière de taux de TVA. Mais il ne préjuge pas la conclusion qui sera apportée, au sein de l'Union européenne, à cette question bien connue.

J'en viens aux ajouts de l'Assemblée nationale.

Celle-ci nous invite à examiner certains dispositifs, quelques mesures ponctuelles relatives au programme national de développement et de modernisation des activités commerciales et artisanales. Elle nous invite également à appliquer la TVA au taux réduit à la location-accession. Elle nous invite surtout à réfléchir une nouvelle fois, dans un souci d'équité, au régime de la redevance d'archéologie préventive.

Sur ce thème, la commission des finances vous proposera un dispositif un peu différent. Nous ne prétendons point qu'il soit parfait. Nous espérons qu'il permettra la poursuite de la discussion en vue d'aboutir à un texte pleinement satisfaisant en commission mixte paritaire.

Monsieur le ministre d'Etat, monsieur le secrétaire d'Etat, la commission des finances a pris quelques initiatives.

Nous souhaitons qu'à l'occasion de la discussion de ce texte le régime des plus-values sur cessions de valeurs mobilières puisse être sécurisé ou clarifié.

Nous pensons que la réforme des conditions de fixation des taux de l'épargne administrée, heureuse réforme, doit se traduire par la légalisation de prêts aux professionnels qui puissent être, dans certaines conditions, indexés sur l'inflation.

Enfin, comme je viens de l'indiquer, nous nous sommes efforcés, nous aussi, de faire progresser le dossier difficile de la redevance d'archéologie préventive.

Mes chers collègues, ce texte est utile. Il est bien ciblé. Il arrive au bon moment. Il comporte des mesures tendant à s'appliquer, pour l'essentiel du dispositif, sur une certaine période de temps. On en évaluera l'efficacité.

Ces mesures, nous pouvons en être certains, ne viendront pas compliquer inutilement notre arsenal fiscal. Conjoncturelles, elles peuvent servir tout à la fois le retour à la confiance, le retour à la croissance et la politique de l'emploi. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures cinquante-cinq, est reprise à vingt-deux heures.)

M. le président. La séance est reprise.

Nous poursuivons la discussion du projet de loi pour le soutien à la consommation et à l'investissement.

J'informe le Sénat que la commission des finances m'a fait connaître qu'elle a d'ores et déjà procédé à la désignation des candidats qu'elle présentera si le Gouvernement demande la réunion d'une commission mixte paritaire en vue de proposer un texte sur les dispositions du projet de loi actuellement en cours d'examen qui resteraient en discussion.

Ces candidatures ont été affichées pour permettre le respect du délai réglementaire.

J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :

Groupe Union pour un mouvement populaire, 80 minutes ;

Groupe socialiste, 44 minutes ;

Groupe de l'Union centriste, 19 minutes ;

Groupe communiste républicain et citoyen, 16 minutes.

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Roland du Luart.

M. Roland du Luart. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le projet de loi qui nous est soumis aujourd'hui vise à conforter le retour de la croissance et à favoriser ainsi la création d'emplois.

Il comporte deux titres principaux, mais s'articule en réalité autour de quatre axes privilégiés : la consommation des ménages, l'investissement des entreprises, l'emploi et les salaires dans le secteur de la restauration, le maintien des activités de proximité.

Au-delà de leurs particularités techniques, les dispositions de ce projet de loi présentent des caractéristiques communes qui justifient pleinement le soutien que leur apportera le groupe UMP du Sénat. Elles nous apparaissent en effet à la fois opportunes, pragmatiques, ciblées dans le temps et limitées dans leur coût budgétaire.

Ces dispositions sont opportunes, car elles interviennent à un moment clé où la croissance repart et pourrait atteindre, selon les dernières prévisions de l'INSEE, 2,3 % en 2004.

Lors du débat d'orientation budgétaire de la semaine dernière, notre groupe a salué le retour de la croissance, tout en soulignant les nombreuses incertitudes qui pèsent sur la vigueur et la durée de la reprise. Cette reprise reste fragile et doit être confortée.

En présentant ce projet de loi, Nicolas Sarkozy et vous-même, monsieur le secrétaire d'Etat, faites preuve d'un esprit de réaction qui tranche avec le conformisme et l'attentisme qui ont baigné la précédente législature. (M. Marc Massion proteste.)

Vous agissez sans attendre pour soutenir la consommation : ce levier essentiel, qui a permis à la France d'échapper à la récession en 2003, est au coeur de la reprise enregistrée au premier trimestre 2004 et conditionne largement l'ampleur de la croissance en 2005.

Dans le même esprit, conformément à l'engagement du Président de la République, vous présentez le dispositif de dégrèvement temporaire de la taxe professionnelle sur les nouveaux investissements, qui permettra de soutenir les entreprises françaises à un moment où elles doivent faire face à une forte concurrence internationale, en attendant une réforme plus profonde, mais aussi plus complexe, dont nous aurons l'occasion de reparler.

Je suis d'ailleurs heureux de voir dans cette mesure la reprise d'un amendement que j'avais présenté, au nom de la commission des finances, lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2004. En l'occurrence, j'avais été un peu prophète puisque j'avais quelques mois d'avance !

M. Philippe Marini, rapporteur. C'était un amendement précurseur ! (Sourires.)

M. Roland du Luart. Souhaitons en tout cas que le résultat sera à la hauteur des espoirs des entrepreneurs.

Bien sûr, on peut regretter qu'un grand nombre des dispositions présentées soient, dans les faits, déjà entrées en vigueur, avant leur adoption par le Parlement. Il ne s'agit toutefois pas d'un précédent, et il fallait agir vite, notamment pour soutenir la consommation sans attendre les vacances d'été.

Le pragmatisme est la deuxième caractéristique commune des dispositions de ce projet de loi.

Ces dispositions sont ciblées sur les deux moteurs de la croissance que sont la consommation des ménages et l'investissement des entreprises. Elles reposent sur une analyse objective des freins à la croissance, analyse élaborée à partir de l'observation des situations telles qu'elles se présentent sur le terrain, et non de raisonnements théoriques ou idéologiques.

C'est, par exemple, le cas de l'exonération totale de droits de mutation sur les dons en argent, qui vise à encourager le transfert de l'épargne des plus âgés vers les plus jeunes et à aider ces derniers à satisfaire leurs besoins de consommation.

C'est aussi le cas de la réduction d'impôt au titre de certains prêts à la consommation. Cette disposition intéresse les très nombreux Français qui doivent s'endetter pour acheter un bien.

En outre, les mesures proposées sont simples afin d'être bien comprises par tous les contribuables, et donc efficaces. Les formalités nécessaires pour bénéficier de l'exonération de droits de mutation sur les dons en argent seront ainsi très réduites. De même, la réduction d'impôt relative aux prêts à la consommation s'applique quel que soit le bien choisi par le consommateur, ce qui favorise la lisibilité du dispositif.

J'ajoute que ces mesures sont réalistes. Il ne servirait à rien, par exemple, de mettre en place de simples aides à l'emploi en faveur des hôtels, des cafés et des restaurants alors qu'il y aurait déjà 70 000 emplois non pourvus dans ce secteur.

Le dispositif proposé par le Gouvernement est à la fois favorable à l'emploi et aux salaires parce qu'il prévoit que l'aide n'est attribuée qu'au titre des salariés rémunérés au moins au niveau du SMIC de droit commun, ce qui devrait inciter les employeurs à revaloriser les salaires les plus bas, c'est-à-dire ceux qui sont au niveau du « SMIC hôtelier ». Il devrait ainsi permettre de pourvoir des emplois qui ne l'étaient pas jusqu'à présent, dans l'intérêt des salariés, mais aussi dans celui des employeurs, tout en réduisant le travail au noir.

Les dispositions de ce projet de loi sont par ailleurs limitées dans le temps, ce qui les distingue des « niches fiscales », que le Gouvernement compte limiter dans les prochaines lois de finances.

Je souhaite aborder maintenant un sujet qui me tient à coeur.

Le choix du terrain d'assiette pour les travaux soumis à autorisation ou déclaration préalable en vertu du code de l'urbanisme a répondu l'année dernière à un souci de simplicité louable, mais conduit trop souvent à des montants disproportionnés par rapport au coût des travaux.

Sans anticiper sur l'examen de l'article 8, je citerai simplement un exemple. Dans mon département, la Sarthe, à Sillé-le-Guillaume, est prévue la construction de vestiaires dans un hippodrome. La surface hors oeuvre nette à construire n'est que de 90 mètres carrés. Or, le calcul de la redevance prenant en compte la superficie de l'hippodrome, à savoir près de 67.000 mètres carrés, le montant de la redevance atteint 21.733 euros, soit 57 % du coût hors taxes de la construction des vestiaires !

M. Philippe Marini, rapporteur. Ce n'est pas imaginable !

M. Roland du Luart. Cet exemple parmi d'autres, parfois encore plus aberrants, illustre la nécessité de bien évaluer les dispositifs fiscaux et, lorsque cela s'impose, de les modifier sans tarder.

Les dispositions de ce projet de loi apparaissent, enfin, relativement peu coûteuses pour les finances publiques.

Selon les estimations de notre éminent rapporteur, qui a produit une analyse dont je tiens à saluer la qualité, le coût global pour l'Etat des mesures de soutien de la consommation des ménages serait compris entre 0,4 milliard et 1 milliard d'euros sur deux ans, pour une augmentation à court terme de la consommation comprise entre 4 milliards et 10 milliards d'euros, soit de 0,25 à 0,6 point de PIB.

Ce bon rapport coût/efficacité devrait être encore renforcé par de meilleures rentrées de TVA, d'impôt sur le revenu et d'impôt sur les sociétés.

Le dégrèvement temporaire de la taxe professionnelle sur les nouveaux investissements productifs aura, lui aussi, un coût budgétaire limité en 2005, même s'il augmente nettement en 2006 et 2007.

Les dispositions proposées illustrent ainsi le souci de pragmatisme et d'efficacité du Gouvernement.

Etre réaliste, ce n'est pas être modeste, c'est être lucide. L'Etat ne peut dépenser l'argent qu'il n'a pas, qu'il s'agisse de crédits ministériels ou de dépense fiscale.

M. Philippe Marini, rapporteur. Très bien !

M. Roland du Luart. Les socialistes l'ont fait pendant cinq ans et ont conduit la France dans l'impasse budgétaire.

M. Jean Chérioux. Malgré la fameuse « cagnotte » !

M. Roland du Luart. Nous en payons aujourd'hui le prix.

M. Marc Massion. Laissez-nous donc tranquilles !

M. Roland du Luart. Monsieur le secrétaire d'Etat, Nicolas Sarkozy et vous faites avec les moyens budgétaires dont vous disposez, mais vous faites de votre mieux. Vous tenez compte des contingences budgétaires sans renoncer au volontarisme économique. Votre projet de loi montre qu'en politique il est toujours possible d'agir, quelles que soient les circonstances.

Je préfère cette « culture fiscale intensive » à une « culture fiscale extensive » qui conduit au gaspillage des deniers publics.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat au budget et à la réforme budgétaire. Très bien !

M. Roland du Luart. Réduit dans son format, votre projet de loi est ambitieux dans son contenu et ses objectifs. Il privilégie l'efficacité économique et sociale grâce à des mesures pragmatiques, ciblées et adaptées aux circonstances.

Le groupe UMP vous apportera son soutien avec la même détermination que celle dont vous faites preuve pour soutenir la croissance et favoriser l'emploi. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud.

M. Thierry Foucaud. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le seul avantage que nous puissions trouver à la navette parlementaire est sans doute qu'elle se produit en l'occurrence alors même que les conditions économiques générales connaissent des évolutions et permettent d'ouvrir quelques pistes de réflexion au regard de ce qui nous est proposé.

Reconnaissons aussi, s'agissant du présent texte, que le rapport de M. Marini, par son contenu et par la qualité du travail accompli, nous éclaire sur les enjeux réels du texte, plus que ne l'aurait fait le simple rappel de l'exposé des motifs des différents articles du présent projet de loi.

En effet, en découvrant les dispositions de ce projet de loi, on peut avoir une impression d'hétérogénéité, aggravée par le fait que leurs incidences financières ne sont pratiquement pas mesurables, ce qui ne facilite nullement l'appréciation du contenu de ce texte.

Le rapport de la commission des finances résout en partie cette équation à plusieurs inconnues puisqu'il nous fournit des chiffres ou des ordres de grandeur nous permettant d'aller plus loin dans l'analyse des articles.

Comment qualifier ce projet de loi ? Le titre est séduisant, mais les dispositions sont in fine relativement ordinaires.

Dans les faits, parce qu'il y aurait un petit frémissement de la croissance économique, il s'agirait d'anticiper le mouvement ou encore d'en tirer parti pour mettre en oeuvre ou ébaucher la mise en oeuvre de certains des objectifs politiques de la législature. Le simple examen des mesures est cependant fort instructif.

L'article 1er porte, sans que cela puisse surprendre tout à fait, sur la question des dons manuels, disposition destinée aux plus hauts revenus et dont le coût - 500 millions d'euros selon l'estimation, évidemment contestée, de l'Observatoire français des conjonctures économiques - est relativement important. Mais pour qui et pour quelle efficacité ?

L'article 2 porte sur la réduction d'impôt sur les crédits à la consommation, mesure fiscale dont le coût sera relativement réduit, une expérience antérieure en la matière ayant montré ses limites.

Se pose néanmoins la question de savoir comment on doit concevoir l'action en direction du pouvoir d'achat des consommateurs salariés, puisque la mesure semble surtout faite pour dédouaner les organismes financiers spécialistes du prêt à la consommation de la nécessité de réduire les taux d'intérêt qu'ils pratiquent ; sinon, des organisations de consommateurs auraient signé le texte.

Au moment où l'on ne fait presque aucun effort pour revaloriser le traitement des fonctionnaires de l'Etat - qui sont d'ailleurs, parmi les consommateurs, un vecteur essentiel de la croissance économique générale - la mesure semble quelque peu limitée, voire étonnante.

Les autres dispositions du projet de loi relèvent de la même logique. Les mesures annoncées pour le secteur de l'hôtellerie et de la restauration comme celle qui porte sur la défiscalisation temporaire au titre de la taxe professionnelle des investissements matériels nouveaux ne sont que des dispositions, au demeurant coûteuses, aux incidences faiblement mesurables, promises à quelques secteurs de la société.

Dans un cas, il s'agit de répondre à la revendication des professionnels de l'hôtellerie-restauration dite traditionnelle, animés par André Daguin, puisqu'à défaut d'avoir obtenu de la Commission européenne la baisse du taux normal de la TVA applicable à la restauration sur place, on se propose de verser une aide directe à un secteur frappé à la fois par la pénurie de main-d'oeuvre, mais tout aussi sûrement par la faiblesse des rémunérations avec des horaires, vous l'avez reconnu, supérieurs à 35 heures.

Monsieur le secrétaire d'Etat, à ce sujet, je tiens à vous dire que le problème de la consommation réside non pas dans les 35 heures, comme il a été rappelé tout à l'heure, mais dans le pouvoir d'achat. Les 35 heures, ce n'est pas le problème des salariés, c'est celui des patrons qui veulent faire toujours plus d'argent.

S'agissant de la taxe professionnelle, j'ai bien entendu les propos du ministre d'Etat. Je serais tenté de dire : chiche ! Il faut savoir que, notamment pour le cas des EPCI, lorsqu'une collectivité locale levait hier un point d'impôt, elle est aujourd'hui forcée, pour obtenir la même somme, de lever le double.

Chiche ! mais à condition de discuter notamment des propositions émises par le groupe communiste républicain et citoyen, qui ne sont pas à prendre ou à laisser, en particulier en ce qui concerne les actifs financiers.

Les mesures concernées par ce texte sont d'un coût élevé, nécessitant une évaluation a posteriori. On peut ne pas les retenir, notons-le !

Les dispositions concernant les transmissions d'entreprise procèdent de la même orientation. Là encore, on répond à une revendication déjà ancienne du MEDEF, qui estime que les priorités de la réforme fiscale doivent porter avant tout sur l'entourage législatif de la vie des entreprises.

De la même manière, la mesure destinée à favoriser la déliaison anticipée de certains plans d'épargne et la mobilisation de la réserve spéciale de participation répondent à quelques-unes des demandes formulées par le patronat, en tout cas par ceux qui croient qu'il faut dégager quelques menus fonds propres, quitte à passer, dans un premier temps, par la destruction de titres.

Nous avons, pour notre part, une autre impression sur cette mesure dont nous vous ferons part au moment de la discussion des articles. Ma collègue et amie Odette Terrade interviendra sur les ajouts opérés par le Gouvernement lors du débat à l'Assemblée nationale au titre du commerce et de l'artisanat, à la suite de l'accord signé entre les industriels et la grande distribution sur les conditions de fixation des prix.

Force est de constater, à la lumière des premiers éléments du texte, que nous sommes loin, très loin des intentions affichées par ce projet de loi portant diverses dispositions d'ordre économique et financier.

Soutien à la consommation ? Mais qu'attendez-vous pour réduire le taux de la taxe sur la valeur ajoutée qui frappe les consommateurs au porte-monnaie ?

Soutien à l'investissement ? Mais qu'attendez vous pour mettre en place des outils financiers nouveaux, fondés sur l'épargne populaire, pour permettre aux petites et aux moyennes entreprises, aux commerçants et aux artisans de disposer de crédits moins coûteux, moins consommateurs de valeur ajoutée ?

Et, nous ne le répéterons jamais assez, comment voulez-vous remettre la croissance sur pieds tout en procédant au gel de la rémunération des agents du secteur public, ce qui constitue le plus sûr moyen d'inciter les employeurs du secteur privé à faire de même vis-à-vis de leurs salariés ?

L'effort annoncé sur le SMIC pour ce 1er juillet ne suffira sans doute pas à résoudre ce que l'on peut appeler « le paradoxe français ». Nous sommes un pays riche, aux potentiels divers, pourvu d'une main-d'oeuvre qualifiée, mais où la rémunération du travail demeure faible et ne cesse de se réduire au sein de la richesse créée.

Vous comprendrez donc aisément que nous ne puissions vous suivre dans les orientations imprimées à ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Marc Massion.

M. Marc Massion. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le projet de loi aujourd'hui soumis à notre examen est censé soutenir la consommation et l'investissement.

Il est présenté dans le contexte d'une économie mondiale aux perspectives incertaines, d'une croissance européenne essoufflée, d'une croissance française toujours faible, de finances publiques dégradées, d'orientations budgétaires contradictoires, d'une inflation qui menace, d'une industrie qui s'en va, d'une recherche marginalisée par un aveuglement absolument incompréhensible ...

M. Philippe Nogrix. Quel optimisme !

M. Jean Chérioux. C'est le bilan de votre action !

M. Marc Massion. Non, je reprends à peu près les propos que le ministre d'Etat a tenus tout à l'heure !

M. Philippe Marini, rapporteur. Il n'a pas dit cela !

M. Gérard Cornu. C'est l'héritage !

M. Marc Massion. ... et d'une « casse sociale » poursuivie avec acharnement sur tous les fronts : accroissement des inégalités, diminution des créations d'emplois, chantage à la délocalisation des emplois - on l'a vu avec le cas de Bosch - accroissement du chômage, diminution des retraites, diminution de l'assurance-maladie,...

M. Gérard Cornu. Il était temps que l'on revienne au pouvoir !

M. Marc Massion. ... bref, dans une course résolue au moins-disant social.

Or tous les économistes sérieux - et ce n'est pas nouveau - passent leur temps à dire que ce ne sont pas les sociétés inégalitaires qui se développent le plus vite et qui sont les plus performantes. Les sociétés qui réussissent le mieux sont celles qui sont les plus équilibrées, celles dans lesquelles règne la plus grande cohésion sociale.

Il est tout simplement impossible de réduire la fameuse « fracture sociale » par la « casse sociale ». Ces deux notions sont, de notre point de vue, contradictoires, antinomiques. Pour parachever ce panorama, j'évoquerai le climat de tension, qui, me semble-t-il, règne au sein de l'exécutif.

M. Roger Karoutchi. Allons bon !

M. Marc Massion. Dans un tel contexte, que nous propose-t-on ? Certainement pas un plan ambitieux d'action guidé par une vision d'avenir réaliste et assise sur un socle budgétaire sincère et équilibré ! Non, on nous propose un « petit texte », ...

M. Marc Massion. ... aux dires mêmes du ministre d'Etat ! Je sais bien que le réalisme, le pragmatisme, voire la modestie ont souvent du bon.

M. Philippe Marini, rapporteur. Ce sont des qualités !

M. Marc Massion. Mais là, franchement, le compte n'y est pas, comme on dit ! Le projet de loi pour le soutien à la consommation et à l'investissement, qui se voulait un dispositif de mesures destinées à relancer la consommation des ménages, se présente d'abord comme un texte fourre-tout, dans lequel on trouve des exonérations diverses concernant les donations, le crédit à la consommation, les réserves de participation et les cessions de fonds de commerce, auxquelles ont été ajoutées des mesures variées telles que des aides promises aux restaurateurs pour compenser les promesses « en l'air » du candidat à la présidence de la République en 2002...

M. Marc Massion. ... et une exonération de taxe professionnelle accordée depuis le début de l'année, sans cadre juridique, aux nouveaux investissements productifs. Les députés de droite y ont ajouté une aide à la location-accession à la propriété et, pour faire bonne figure, une remise en cause du financement de l'archéologie préventive.

Traduction législative tardive d'engagements multiples, clientélistes et électoralistes du Président de la République et du ministre de l'économie et des finances, ce projet de loi n'est pas le plan ambitieux de relance de la croissance annoncé. C'est avant tout un catalogue de « mesurettes » qui ne répond pas aux attentes des ménages et à leurs besoins de consommation.

M. Philippe Nogrix. On verra bien !

M. Marc Massion. C'est le support modeste d'une campagne de communication sans effet réel sur la croissance, qui confirme le fait que la production législative de ce gouvernement, depuis deux ans, n'est qu'une production de niches - fiscales, bien entendu -, et ce alors même que M. le ministre d'Etat dit qu'il doute de l'efficacité de ces dites niches, qu'il veut les évaluer, au moins les limiter dans le temps et si possible les réformer, voire les supprimer si elles sont injustes ou inutiles, se donnant de la sorte des marges budgétaires supplémentaires pour faire baisser les impôts par ailleurs.

Le gouvernement auquel vous appartenez, monsieur le secrétaire d'Etat, ne dévie pas de la ligne de conduite qu'il s'est fixée depuis l'été 2002. Il ne dévie pas de la ligne qui a amplifié les effets négatifs du ralentissement de la croissance et provoqué une dégradation sans précédent des comptes publics. Il persiste à refuser de soutenir véritablement la consommation des ménages, c'est-à-dire de favoriser le pouvoir d'achat des ménages qui ont la plus forte propension à consommer, et donc de favoriser en priorité le pouvoir d'achat de ceux dont les revenus sont moyens ou modestes.

La politique économique de ce gouvernement se résume en une multiplication de baisses d'impôts et de niches fiscales au profit des plus aisés. Il pâtit ainsi de la contradiction entre une volonté affichée de « maîtriser » les comptes publics et un discours sur l'allégement des prélèvements qui, parce qu'il consiste en mesures de baisses d'impôt « non financées » et non évaluées, conduit en fin de compte à se « rattraper » sur le dos des plus modestes, en multipliant les prélèvements qui pèsent - et qui pèseront - sur eux.

M. Philippe Marini, rapporteur. Quels prélèvements ?

M. Marc Massion. Alors que le projet de loi sur l'assurance-maladie propose de prélever plus de 3 milliards d'euros sur l'ensemble des ménages, quels que soient leurs revenus, par la hausse de la CSG, la prolongation de la CRDS ou la mise en place de « l'euro Raffarin » sur les actes médicaux, le Gouvernement prétend, dans ce projet de loi, « soutenir la consommation » en offrant des réductions d'impôts qui, par définition, ne concernent au mieux que la moitié la plus aisée de la population.

De plus, ce projet de loi n'a pas été évalué par le ministère des finances. On ignore à la fois le coût des mesures proposées et leur impact. Pour le coût, heureusement que la presse et quelques organismes spécialisés ont procédé à des estimations ! Mais pour l'impact attendu, ou seulement espéré « au doigt mouillé », aucune simulation n'a été esquissée...

Nous sommes donc en présence d'un catalogue à fin publicitaire plutôt que d'un vrai projet de loi, d'autant que les mesures qu'il prévoit ont été quasiment mises en oeuvre avant même que le texte ne soit voté !

Ainsi en va-t-il des mesures concernant la taxe professionnelle, annoncées par Jacques Chirac en janvier 2004, de l'exonération des droits sur les donations, applicable au 1er juin, ou de la réduction d'impôt au titre de prêts contractés depuis le 1er mai 2004.

Face à cette pratique du Gouvernement et de sa majorité, les socialistes sont partisans d'un vrai plan de relance de la croissance par un réel soutien à la consommation et à l'investissement.

Ce plan pourrait reposer sur diverses mesures fortes, comme la définition de crédits d'impôt vraiment favorables à l'emploi, l'achèvement de la montée en charge de la prime pour l'emploi, le rétablissement de la TIPP flottante, ...

M. Philippe Marini, rapporteur. Alors comment va-t-on payer tout cela ?

M. Philippe Nogrix. Par l'emprunt !

M. Philippe Marini, rapporteur. Un grand emprunt alors !

M. Marc Massion. ... le plafonnement des exonérations fiscales, l'achèvement de la réforme de la taxe professionnelle engagée par la gauche, qui a déjà permis la suppression de la part de cet impôt pesant sur les salaires, le plafonnement de la taxe professionnelle en fonction de la valeur ajoutée, pour renforcer la compétitivité des industries de main-d'oeuvre.

M. Philippe Marini, rapporteur. C'est cher tout cela ! (Marques d'approbation sur les travées de l'UMP.)

M. Marc Massion. Ces mesures ne sont citées qu'à titre d'exemples de ce que pourrait être l'esprit d'une nouvelle politique.

C'est pourquoi, afin de montrer combien est critiquable le projet de loi que vous nous proposez, monsieur le secrétaire d'Etat, je me bornerai à évoquer quelques-uns de ses articles.

Pour encourager la consommation des jeunes générations, vous proposez que les dons d'argent effectués pendant un an aux enfants, aux petits-enfants et maintenant aux neveux et nièces soient exonérés totalement de droits de mutation dans la limite de 20 000 euros.

M. Philippe Marini, rapporteur. Cela marche bien !

M. Marc Massion. Mais quel est le nombre de contribuables susceptibles de faire des dons d'une telle importance ?

Monsieur le secrétaire d'Etat, reconnaissez donc que, en tout état de cause, l'effet de cette mesure sera limité pour les familles modestes, qui n'auront pas la capacité de faire des dons.

M. Philippe Marini, rapporteur. Mais l'important, c'est ceux qui reçoivent !

M. Marc Massion. Par ailleurs, aucun plafond global de donation n'est fixé.

En multipliant le nombre des bénéficiaires potentiels, le montant total des dons exonérés peut être très important. Bien qu'il soit très difficile d'évaluer le coût de la mesure, l'Etat pourrait perdre entre 1,5 milliard et 2 milliards d'euros sur les droits non acquittés lors des successions à venir.

Cette mesure n'est qu'une nouvelle niche fiscale clientéliste, qui n'aura sans doute guère l'excuse de l'efficacité en matière d'encouragement de la consommation puisqu'il est vraisemblable que l'essentiel des donations concernées iront grossir l'épargne.

Monsieur le secrétaire d'Etat, vous voulez réduire l'impôt au titre des prêts à la consommation, contractés pendant un an, de 25 % du montant des intérêts payés en 2004 et 2005.

Mais, là encore, cette mesure ne s'adresse qu'aux seuls citoyens imposables, c'est-à-dire à la moitié des ménages ayant moins de propension à consommer qu'à épargner.

Parallèlement, il existe un risque : celui que les organismes d'offre de crédit profitent de la mesure pour « appâter » les consommateurs au point d'accroître le surendettement des ménages modestes, ce qui va à l'encontre des appels à la vigilance en ce domaine.

M. Philippe Marini, rapporteur. S'ils ne sont pas modestes, ces ménages ne sont pas surendettés ! Je ne comprends pas ce que vous dites !

M. Marc Massion. La pratique du Gouvernement entre, encore une fois, en contradiction avec ses discours.

Toutefois, je vous accorde que cette mesure, dont le coût se chiffrerait quand même à 250 millions d'euros, peut avoir un effet sur la consommation.

Cet effet pourrait être deux fois plus important si, comme nous vous le proposons, la mesure prenait la forme d'un crédit d'impôt, puisqu'elle ne s'adresse qu'aux seuls ménages imposables ; mais il est vrai que l'ouverture de la mesure aux ménages non imposables pourrait coûter près de 400 millions d'euros !

Pour autant, il faut savoir ce que l'on veut : soutenir la consommation et y mettre le prix ou faire semblant et collectionner les mesurettes ?

Pour encourager les recrutements dans les hôtels, les cafés et les restaurants, vous proposez une aide à l'emploi, financée par l'Etat, versée et contrôlée par les organismes d'assurance chômage, et mise en place à titre temporaire.

Vous proposez pendant un an et demi, d'une part, une aide à l'employeur, modulée en fonction de la part du chiffre d'affaires qui résulte de l'activité de restauration sur place, hors boissons alcoolisées, et, d'autre part, une aide spécifique au travailleur non salarié.

Ce dispositif ressemble à l'application du taux réduit de la TVA, avec la référence à la seule activité de restauration, hors boissons alcoolisées, et à l'exclusion, non justifiée, de la restauration collective.

Cette mesure constitue une compensation pour les restaurateurs pour lesquels la promesse électorale et électoraliste de Jacques Chirac, depuis 2002, d'une baisse de la TVA en 2003 n'a pu être tenue. Le Président de la République savait fort bien à cette époque qu'il ne pourrait pas la tenir.

Le gouvernement auquel vous appartenez, monsieur le secrétaire d'Etat, est même allé jusqu'à faire inscrire la baisse de la TVA de manière fictive dans la loi de finances pour 2004, en suspendant son application à une autorisation de l'Union européenne, qui, tout le monde le savait très bien et, en premier lieu, le Président de la République, ne serait pas accordée, malgré les gesticulations internationalo-médiatiques déployées à la veille des élections régionales !

Cette manoeuvre permettait d'éviter la moindre conséquence de la mesure budgétaire, sachant que le coût serait supérieur à 3 milliards d'euros.

Le coût de la mesure que vous proposez, monsieur le secrétaire d'Etat, devrait être de 500 millions d'euros en 2004 et 1,5 milliard d'euros en année pleine.

Si elle est censée s'éteindre à la fin de l'année 2005, on ne sait ce que fera la majorité actuelle si, comme on peut le prévoir, la baisse de la TVA ne pouvait finalement être obtenue au niveau communautaire.

L'accord de l'ensemble de nos partenaires est en effet toujours loin d'être acquis, contrairement à ce que veut faire croire le Gouvernement.

En revanche, si la baisse de la TVA était accordée avant le 31 décembre 2005, on ne sait pas si les deux mesures seraient cumulables.

La rédaction de l'article concerné montre qu'il est difficile de parler d'une mesure favorable à l'emploi, puisqu'elle est fonction du nombre de salariés présents et non des nouvelles embauches, ce qui peut faire jouer au maximum l'effet d'aubaine.

Par ailleurs, aucune condition n'est posée quant à la durée des contrats. L'aide étant a priori temporaire, on peut s'interroger sur le devenir des salariés éventuellement embauchés après le 31 décembre 2005.

A tout le moins, il serait souhaitable de prévoir une condition restreignant la prise en compte des salariés aux seules personnes en contrat à durée indéterminée.

Par ailleurs, la condition d'un salaire, hors primes, supérieur au SMIC pourrait, à terme, avoir un effet néfaste pour les salariés. Leurs avantages en nature et primes - notamment les primes de repas - pourraient être convertis en salaire dans un premier temps, afin que l'entreprise bénéficie de l'aide, sans qu'ils n'aient aucune assurance sur l'évolution de leurs revenus une fois l'aide supprimée.

Enfin, il serait souhaitable de plafonner les niveaux de salaires pris en compte, toujours dans la perspective de limiter les effets d'aubaine. Il est peu probable, en effet, que les nouveaux embauchés aient des salaires très importants.

La seule prise en compte des salariés payés moins de deux fois le SMIC pourrait répondre à cette exigence.

L'article 5, en proposant un dégrèvement de taxe professionnelle au titre des investissements nouveaux réalisés pendant un an et demi, traduit l'annonce faite par Jacques Chirac, le 6 janvier dernier, ...

M. Philippe Marini, rapporteur. Vous l'avez déjà dit !

M. Marc Massion. ... mais sans aucune concertation avec les associations d'élus, qui l'ont bruyamment fait savoir.

Comme il était impensable que le Gouvernement annonce une telle mesure sans proposer un mécanisme de compensation par l'Etat, le produit de la taxe professionnelle représentant près de la moitié des impôts directs locaux perçus par les collectivités, soit environ 23 milliards d'euros en 2003, le choix s'est porté sur un dégrèvement plutôt que sur une exonération.

Cette mesure est présentée par le Gouvernement comme un signal positif adressé aux entreprises pour favoriser l'investissement dès aujourd'hui.

Mais il est bien trop tôt pour évaluer l'incidence d'une telle mesure sur les décisions des acteurs économiques, car elles dépendent, par ailleurs, de bien d'autres anticipations macroéconomiques, en particulier du niveau de la demande qui, elle, reste atone.

Ce signal aura cependant un coût non négligeable pour les finances publiques : 2,8 milliards d'euros nets à l'horizon de l'année 2008, dont l'effet portera principalement sur 2006 et 2007.

Ce dégrèvement, intervenant dans un contexte de réflexion sur la réforme de la taxe professionnelle, nous est présenté comme une mesure d'attente avant la réforme globale de la fiscalité locale pesant sur les entreprises.

Pour le moment, nous manquons de visibilité sur les orientations de cette réforme. Nous savons seulement, comme l'a indiqué M. Sarkozy tout à l'heure, qu'il faut absolument maintenir un impôt économique local, ce que nous approuvons entièrement

M. Philippe Marini, rapporteur. Voilà un facteur de convergence !

M. Marc Massion. Le dispositif proposé apparaît coûteux, alors même qu'il ne profitera qu'à la marge à la cible recherchée que sont les entreprises industrielles

En effet, les entreprises bénéficiant d'un plafonnement de la taxe professionnelle en fonction de la valeur ajoutée, à savoir les groupes et les grandes entreprises industrielles - soit environ 13 000 entités, parmi les plus pénalisées par la taxe professionnelle -, seront exclues du dispositif de dégrèvement. Cela entraînera, de fait, une concentration de la mesure sur les PME.

Outre que ce dispositif constitue, sans conteste, une nouvelle entorse au principe d'autonomie financière des collectivités territoriales, il risque, en créant un effet d'aubaine, de remettre en cause d'autre dispositifs incitatifs préexistants, plus ciblés et plus efficients, comme celui concernant les zones franches, ou encore le système des jeunes entreprises innovantes, mis en place par la loi de finances pour 2004.

Contredisant ses propres annonces, le Gouvernement encourage une compétition entre les allégements fiscaux, ce qui risque fort d'aboutir à la constitution d'un véritable catalogue de niches fiscales.

Enfin, même l'archéologie préventive a dû, une fois de plus, subir les assauts de la droite, au détour de ce texte.

A l'Assemblée nationale, les députés de droite ont tenu à introduire une modification du calcul de la redevance d'archéologie préventive qui, calquée sur celui de la taxe locale d'équipement, revient à remettre en cause le financement de l'archéologie préventive.

Cet article modifie, en effet, l'assiette et le montant de la redevance, qui est perçue pour les opérations de diagnostic, auxquelles sont soumis les projets de travaux, les fouilles pouvant être ultérieurement entreprises, en fonction du diagnostic réalisé.

L'objectif de la réforme de 2003 était de rééquilibrer le tarif de la redevance, jugé trop avantageux pour les zones urbaines, par rapport aux zones rurales.

Après moins d'un an d'application de la loi du 1er août 2003, le bilan en est désastreux : loin de corriger le principal défaut de la loi de 2001, à savoir un mode de calcul de la redevance très défavorable aux zones rurales, cette réforme a encore accentué ce travers, puisque la redevance est désormais calculée sur l'unité foncière, de fait plus importante en milieu rural.

M. Jean-Claude Carle. C'est donc qu'il fallait modifier cette loi !

M. Marc Massion. La loi de 2003 a, de surcroît, gravement désorganisé la mission de service public remplie par l'Institut national de recherches archéologiques préventives, l'INRAP, et introduit l'ouverture à la concurrence privée du marché des fouilles, entraînant ainsi de nombreux effets pervers, l'allongement des délais sur tous les plans n'étant pas l'un des moindres.

La grogne face à la loi de 2003 est donc générale : les aménageurs ont vu les coûts et délais augmenter, les archéologues et l'INRAP ont vu leurs moyens financiers et humains diminuer, et le ministère de la culture a été obligé de « rogner » sur d'autres crédits, comme sur ceux qui sont destinés aux monuments historiques, afin de compenser le manque à gagner de l'INRAP.

L'article 8 ne règle qu'un seul problème, celui du surcoût de la redevance.

Mutualiser son coût est une idée séduisante et intéressante, puisque l'on touche au sol et au patrimoine national.

En revanche, l'application du dispositif aggravera ou maintiendra en l'état tous les autres problèmes actuels, notamment celui qui a trait au financement de l'INRAP puisqu'il engendrera une baisse du rendement de la redevance estimée à 75 %, c'est-à-dire la mise en danger du patrimoine archéologique national.

Mon collègue Yves Dauge défendra plusieurs amendements déposés par le groupe socialiste sur cet article.

Monsieur le président, monsieur secrétaire d'Etat, mes chers collègues, pour toutes ces raisons, vous comprendrez aisément que le groupe socialiste porte sur ce projet de loi dit « pour le soutien à la consommation et à l'investissement » un jugement extrêmement négatif. (Applaudissements sur les travées socialistes.)

M. le président. La parole est à M. Denis Badré.

M. Denis Badré. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, après Thierry Foucaud et Marc Massion, il est temps de retrouver un ton plus dynamique, faute de quoi notre débat perdrait une part de son utilité.

Oui, la situation du pays est plus que difficile, ce qui a été dit et répété durant tout le débat d'orientation budgétaire. (Marques d'approbation sur les travées de l'UMP.)

Oui, il a été dit et répété que nous payons aujourd'hui les erreurs d'hier.

Plusieurs sénateurs du groupe socialiste. Et d'avant-hier !

Mme Odette Terrade. Deux échéances électorales ne vous ont pas rafraîchi la mémoire !

M. Denis Badré. Voilà une raison de plus pour cesser de commettre des erreurs et pour étudier le texte qui nous est soumis aujourd'hui. Nous pourrons ainsi nous tourner vers un avenir plus ouvert. Car c'est précisément ce à quoi s'emploie ce projet de loi, monsieur le secrétaire d'Etat.

Par ailleurs, M. Sarkozy l'a rappelé tout à l'heure, dans la mesure où les facteurs psychologiques sont très importants dans ce domaine, l'existence même de ce projet de loi me paraît encourageante !

Lors de notre débat d'orientation budgétaire, nous avions noté que la reprise était là, mais qu'elle demeurait fragile. Il faut évidemment tout faire pour la consolider et l'amplifier.

La consommation, M. le président de la commission des finances le sait mieux que quiconque, reste le meilleur amplificateur de la croissance. Vous avez eu raison, monsieur le secrétaire d'Etat, de coupler le soutien à l'investissement et le soutien à la consommation. Le soutien à l'investissement prépare l'avenir tout en représentant immédiatement un signal psychologique très fort. Les facteurs psychologiques sont en effet essentiels pour redonner confiance en l'Etat et dans notre pays.

Avec votre texte, monsieur le secrétaire d'Etat, vous dépassez la simple distribution indifférenciée de pouvoir d'achat. Une distribution de pouvoir d'achat peut nourrir l'épargne autant, sinon plus, que la consommation ; on manque alors la cible du court terme. De plus, si cette épargne n'est pas directement productive d'activité, on manque également la cible du moyen terme. Nous approuvons donc entièrement votre choix de soutenir à la fois la consommation et l'investissement, c'est-à-dire de viser à la fois le court et le moyen terme.

Il fallait ce projet pour retrouver le plus vite possible un niveau de croissance qui ouvre à nouveau des marges de manoeuvre, celles dont nous avons besoin pour sortir de l'impasse actuelle.

Il faut retrouver une croissance suffisante pour réduire significativement les déficits - c'est l'une de nos priorités, nous l'avons souvent dit -, les prélèvements et améliorer alors durablement la compétitivité du pays.

Je tiens à dire à M. le ministre d'Etat que son projet de loi relatif au soutien à la consommation et à l'investissement vient à son heure et nous le trouvons excellent dans son principe, à condition qu'il représente une pièce dans une stratégie d'ensemble qui doit viser à terme la restauration durable de notre compétitivité.

Globalement, le contenu du projet de loi nous convient. Je vais tout de même revenir sur certains points.

Tout d'abord, l'aide à l'emploi pour le secteur de la restauration a été conçue du fait des difficultés à faire aboutir le passage au taux réduit de la TVA, et nous savons combien celui-ci est réclamé.

J'ai réalisé en son temps une analyse très précise des incidences du passage au taux réduit de la TVA sur l'ensemble des biens et services, spécialement la restauration.

M. Jean Arthuis, président de la commission. Et le chocolat!

M. Denis Badré. Absolument ! Tout a été étudié, aucun secteur n'a été oublié.

Cette analyse nous a conduits à considérer qu'il était justifié d'intervenir dans le domaine de la restauration, non pas tant pour donner un coup d'accélérateur à ce secteur, mais surtout pour supprimer des disparités de situations entre les différents secteurs de la restauration, collective, rapide, traditionnelle. Ces disparités étaient d'autant plus fortes, donc choquantes, que la France a un taux normal parmi les plus élevés et un taux réduit parmi les plus bas des pays de l'Union européenne. Lorsqu'un problème se pose, il est donc aigu, puisque la différence entre les taux est très large.

J'ai toujours dit que la TVA était un impôt sur la consommation, ...

M. Jean Arthuis, président de la commission. C'est exact !

M. Denis Badré. ... et qu'il importait donc que la réduction des prix découlant d'un passage au taux réduit profite intégralement au consommateur. C'est le coup de fouet donné ainsi à la consommation qui doit permettre à ce secteur d'investir et d'embaucher.

Le coût du passage au taux réduit est inférieur aux estimations généralement avancées par vos services.

Il ne s'agit pas de multiplier le chiffre d'affaires du secteur de la restauration par la baisse des taux, ce qui représenterait plus de 4 milliards d'euros, mais il faut notamment prendre en compte le fait que de nombreuses prestations sont déjà facturées au taux réduit, d'où les problèmes avec la restauration rapide et la restauration collective. Il faut également prendre en compte le fait qu'il n'a jamais été question d'appliquer le taux réduit aux boissons alcooliques.

Tout cela ramène le coût de la mesure de près de 4 milliards d'euros à plus de 1 milliard d'euros à peine.

M. Philippe Marini, rapporteur. Cela reste cher !

M. Denis Badré. C'est pour l'instant trop cher, mais nous pouvons aussi en reparler.

Revenons donc à l'aide à l'emploi que vous avez choisi de mettre immédiatement en place, monsieur le secrétaire d'Etat.

M. le rapporteur a souligné que la baisse du coût du travail paraît plus efficace pour l'emploi qu'une baisse du taux de la TVA.

M. Jean Arthuis, président de la commission. Voilà, il faut baisser les charges sociales !

M. Denis Badré. Il le rappelait à l'instant et je suis d'accord avec lui. Il faut simplement que nos idées soient tout à fait claires sur l'ensemble du dossier si nous voulons progresser de manière sérieuse et durable.

L'hôtellerie-restauration représente un réservoir d'emplois considérable. Il convient donc à la fois d'améliorer la situation financière d'un secteur particulièrement touché par l'atonie de la consommation et de renforcer l'attractivité des emplois dans ce secteur porteur.

Je remercie M. le ministre d'Etat de nous avoir très clairement indiqué le devenir des mesures sur l'emploi qu'il propose, le contexte dans lequel elles se situent et d'avoir marqué sa volonté de revaloriser durablement les emplois dans le secteur de l'hôtellerie.

La deuxième mesure majeure du projet de loi concerne le dégrèvement de la taxe professionnelle pour les investissements réalisés entre le 1er janvier 2004 et le 30 juin 2005.

Lorsque la part « salaires » des bases a été supprimée, nous avions indiqué qu'il nous aurait paru plus utile de faire porter directement l'effort sur les investissements eux-mêmes, qui sont créateurs d'emplois.

Nous retrouvons donc l'idée d'intervenir sur les investissements, mais entre-temps la taxe professionnelle a été bien mise à mal et un grand chantier ouvert. Monsieur le secrétaire d'Etat, il faudra également nous sortir de cette situation par le haut en prenant en compte la nécessité de concilier économie locale et collectivité locale, afin que l'économie soit vécue avec les collectivités dans la meilleure des symbioses possible.

Dans l'attente d'une nécessaire réforme de la taxe professionnelle, il serait fiscalement injuste et politiquement dommageable de calculer le dégrèvement sur la base des taux votés en 2003, comme cela est prévu dans la rédaction actuelle du projet de loi. La question peut paraître technique ou anodine, mais les élus locaux ne s'y trompent pas. Globalement, les taux de taxe professionnelle ont augmenté en 2004 ; calculer le montant du dégrèvement en fonction des taux de 2003 représente donc un appauvrissement pour nos collectivités et une perte d'autonomie bien plus grande encore que celle que l'on peut imaginer.

Dans un contexte de doute des élus locaux face à la décentralisation, la référence aux taux de 2004 représenterait un signe d'encouragement en direction des collectivités locales. Ce signe me paraîtrait bien venu aujourd'hui. Mais nous en reparlerons lors de la discussion des articles.

Vice-président chargé des finances d'une communauté d'agglomération dans le département de M. le ministre d'Etat, je suis très attentivement toutes ces questions.

J'observe que les bases de taxe professionnelle semblent de plus en plus soumises à des délocalisations n'ayant rien à voir avec la localisation physique de l'activité.

M. Philippe Marini, rapporteur. C'est une optimisation fiscale !

M. Jean Arthuis, président de la commission. C'est ce qu'on appelle la créativité !

M. Denis Badré. Ces délocalisations seraient plutôt fonction de l'organisation juridique des entreprises.

A cet égard, il est très difficile pour nos collectivités territoriales et nos communautés de communes ou d'agglomération de suivre ce qui se passe. Je souhaite que, très concrètement, sur le terrain, vos services puissent travailler en temps réel avec nous afin d'essayer d'anticiper ou de suivre le devenir des bases des entreprises, qui font la vitalité de nos terroirs.

M. Philippe Marini, rapporteur. C'est un vrai problème !

M. Denis Badré. Après notre collègue Roland du Luart, je reviens maintenant sur la redevance d'archéologie préventive qui figure à l'article 8 du projet de loi.

Les modalités de calcul de la nouvelle redevance définies par la circulaire du 5 novembre 2003 posent problème.

En vertu des dispositions contenues dans cette circulaire, le terrain d'assiette de ladite taxe est constitué de l'unité foncière, à savoir l'ensemble des parcelles contiguës appartenant à un même propriétaire tel qu'il figure dans la demande d'autorisation. Tout cela a été dit, j'y reviens donc très rapidement. Il en résulte aujourd'hui des montants de taxe totalement disproportionnés par rapport à l'envergure des projets de construction envisagés.

J'avais personnellement déposé un amendement lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2004 sur cette question. Il m'avait été répondu qu'il était vraiment trop tôt pour faire une évaluation, puisque le texte ne datait que de six mois. Le temps a passé. Notre intuition de l'époque s'est confirmée. C'est donc avec toute la pugnacité que nous lui connaissons que Jacqueline Gourault a remis ce dossier sur le métier et qu'elle a pris le relais en proposant de préciser qu'il ne faut pas prendre en compte la surface du terrain d'assiette de l'opération, mais seulement la surface du terrain concernée par les travaux.

Cela étant, les membres du groupe de l'Union centriste voteront le projet de loi relatif au soutien à la consommation et à l'investissement tel que le Sénat l'amendera. Je ne peux que souhaiter que la Haute Assemblée suive le groupe de l'Union centriste dans les amendements qu'il vous soumettra. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et sur certaines travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Legendre.

M. Jacques Legendre. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, il peut paraître étonnant de discuter ce soir d'archéologie à l'occasion d'un texte consacré à la consommation et à l'investissement.

Mme Odette Terrade. Absolument !

M. Jacques Legendre. Pourtant, l'archéologie peut constituer un frein à l'investissement. Ce n'est bien évidemment pas ce que souhaitait la représentation nationale lorsqu'elle a débattu deux fois successivement de l'archéologie.

Il faut bien le constater, dans la pratique, des investisseurs peuvent hésiter à investir ou décider même de ne pas investir en fonction de ce qu'il faut bien appeler une aberration de l'application de la loi de 2003. Voilà pourquoi l'Assemblée nationale a introduit dans le projet de loi relatif au soutien à la consommation et à l'investissement, que nous examinons aujourd'hui, un article 8 nouveau modifiant le dispositif de calcul de la redevance d'archéologie préventive afin de remédier à un certain nombre de situations aberrantes qui nous ont été signalées.

Je déplore que, sous la pression des circonstances, nous soyons une nouvelle fois amenés à revenir, dans l'urgence, sur un dispositif qui, depuis l'adoption de la première loi du 17 janvier 2001, a dû faire l'objet de plusieurs retouches, puis d'une refonte globale dans le cadre de la loi du 1er août 2003, maintenant intégrée dans le code du patrimoine.

M. Philippe Marini, rapporteur. L'affaire fut mal pensée en 2001 !

M. Jacques Legendre. Certes, les difficultés que nous rencontrons aujourd'hui dans un certain nombre de départements ne sont pas imputables à l'architecture globale de la loi du 1er août 2003. Elles trouvent toutes leur origine dans une seule et même disposition : celle qui figure maintenant au quatrième alinéa de l'article L. 524-7 du code du patrimoine et qui détermine la surface à prendre en compte pour le calcul de la redevance d'archéologie préventive due sur les seules opérations faisant l'objet d'une autorisation ou d'une déclaration en application du code de l'urbanisme.

Dans ces conditions, je souhaite que nous n'apportions au dispositif législatif de l'archéologie préventive que les retouches qui sont strictement nécessaires pour mettre fin aux blocages qui nous ont été signalés, en nous limitant aux seuls aspects fiscal et financier de la redevance, comme il convient d'ailleurs dans un projet de loi relatif au soutien à la consommation et à l'investissement.

Je souhaite également que les corrections que nous serons amenés à apporter à ce dispositif soient pleinement conformes aux intentions qui ont été les nôtres lors de la discussion de la loi du 1er août 2003 et que la commission des affaires culturelles m'a donné mandat de rappeler en ma qualité de rapporteur de ce texte.

Je considère en effet que les orientations que nous avons données à l'archéologie préventive avec la loi de 2003 sont saines et que leur pertinence n'est en aucune façon remise en question par les cas aberrants qui nous ont été signalés.

Je saisis cette occasion pour rappeler de la façon la plus solennelle possible qu'il n'a jamais été dans nos intentions de « surtaxer » quelque redevable que ce soit, particulièrement dans les zones rurales auxquelles nous avons toujours été très attentifs.

Notre souci constant a toujours été, au contraire, de parvenir à un équilibre satisfaisant entre les exigences de la protection du patrimoine archéologique et les impératifs du développement économique.

Dans cet esprit, nous nous sommes attachés à mutualiser la charge des opérations de terrain de façon à les rendre le plus acceptable possible pour les aménageurs.

A cette fin, nous avons fixé le taux à un niveau relativement bas et nous avons élargi l'assiette de la redevance, en précisant que celle-ci serait dorénavant perçue pour l'ensemble des travaux affectant le sous-sol, que ceux-ci nécessitent ou non des prescriptions d'archéologie préventive.

En outre, nous avons prévu qu'une part du produit de la redevance, fixée à au moins 30 %, serait affectée au fonds national pour l'archéologie préventive destiné à financer les subventions versées aux aménageurs qui doivent réaliser des fouilles ainsi que les travaux exonérés du paiement de la redevance, notamment la construction d'habitation individuelle et celle de logements sociaux.

Je reviendrai plus en détail, au moment de la discussion de l'article 8, sur les caractéristiques actuelles de la redevance d'archéologie préventive, sur les difficultés qu'a suscitées son application et sur les solutions qui nous sont proposées pour y remédier.

Je concentrerai pour l'instant mon propos sur un certain nombre de principes qui ont guidé la commission des affaires culturelles du Sénat dans la discussion de la loi de 2003 et qui me paraissent conserver aujourd'hui toute leur pertinence.

Aussi, souhaiterais-je que nous les conservions présents à l'esprit lorsque nous aurons à nous prononcer sur une nouvelle rédaction de l'article L. 524-7 du code du patrimoine.

Ces principes sont au nombre de quatre.

Premier principe : la redevance d'archéologie préventive doit générer un produit suffisant pour permettre le bon fonctionnement du dispositif d'archéologie préventive. Je rappelle que le blocage du dispositif de la loi de 2001 trouvait en partie son origine dans le rendement insuffisant des deux redevances que celle-ci avait instituées et qui n'ont pas permis à l'Institut national de recherches archéologiques préventives de remplir les missions dont la loi lui avait confié le monopole. Il bon de le rappeler maintenant, certains ayant tendance à l'oublier.

La nouvelle redevance instituée par la loi de 2003 joue un rôle différent mais tout aussi primordial, puisqu'elle a pour objet, d'une part, de financer les diagnostics d'archéologie préventive et, d'autre part, à hauteur de 30 % de son produit, d'abonder le fonds national pour l'archéologie préventive qui joue un rôle fondamental de péréquation.

Je rappelle qu'il est destiné à financer les subventions versées aux aménageurs qui doivent réaliser des fouilles, ainsi que les travaux exonérés du paiement de la redevance, notamment la construction d'habitations individuelles et celle de logements sociaux.

Le produit attendu de la redevance était évalué à environ 80 millions d'euros lors de l'adoption de la loi de 2003. Il serait dangereux de ne pas être capable maintenant de mobiliser ces 80 millions d'euros.

Le deuxième principe est celui du financement de l'archéologie préventive, qui doit reposer sur une mutualisation de la charge financière allant nécessairement de pair avec la recherche d'un juste équilibre entre le monde urbain et le monde rural.

Veillons en conséquence à conserver une assiette de la redevance aussi large que possible de façon à éviter d'avoir à procéder à une remontée des taux qui compromettrait son acceptabilité. Soyons également très attentifs à la fixation du seuil en deçà duquel la redevance cesse d'être exigible. Dans le projet de loi initial, seuls les travaux portant sur des terrains de plus de 5 000 mètres carrés étaient soumis au paiement de la redevance. Ce seuil trop élevé conduisait en pratique à exonérer les opérations en centres urbains où les parcelles de terrain sont plus réduites.

Nous avions souhaité l'abaisser à 1 000 mètres carrés et avons accepté en commission mixte paritaire de le fixer à un niveau intermédiaire de 3 000 mètres carrés. J'ai fait une erreur tout à l'heure : il s'agissait de 5 000 mètres carrés au départ et de 1 000 mètres carrés dans l'autre proposition. Nous avons finalement tranché pour 3 000 mètres carrés.

Veillons à ce que cet équilibre soit préservé si ce seuil devait, à l'avenir, et pour des raisons de coordination, être exprimé par rapport à l'emprise au sol plutôt que par référence à la surface du terrain.

Le troisième principe est celui du « casseur-payeur », qui, ne l'oublions pas, doit nous conduire à refuser que des infrastructures très destructrices pour le sous-sol, comme les aires de stationnement souterraines, puissent échapper au paiement de la redevance.

Le quatrième principe est celui d'une exigence de simplicité et de lisibilité. Gardons-nous des dispositifs trop complexes et opaques comme nous en avons connu dans le passé, en particulier dans la loi de 2001. Privilégions au contraire un mode de calcul suffisamment simple pour permettre aux aménageurs d'anticiper le coût de la redevance et de l'intégrer dans leurs projections économiques.

Telles sont, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, les quatre exigences que, au nom de la commission des affaires culturelles, je tenais à rappeler.

Je terminerai par deux remarques, l'une en forme de mise en garde, l'autre en forme de pressante invitation.

Tout d'abord, je m'interroge sur les risques que nous courons à réformer le dispositif de la loi de 2003 moins d'un an après sa promulgation et alors que nous ne disposons encore que de données très parcellaires sur son rendement financier. 

J'ai noté que le ministère de la culture avait prévu de confier à un cabinet d'audit une étude globale, mais que ses résultats ne sont attendus que pour l'automne prochain. Certes, je ne conteste pas la nécessité de trouver rapidement une issue aux cas aberrants qui nous ont été signalés et qui paralysent un certain nombre de projets. Je souhaite toutefois que le Gouvernement, qui est seul à disposer des éléments techniques d'appréciation, nous apporte enfin les garanties nécessaires pour nous éviter d'avoir à nouveau, dans quelques mois, à rouvrir ce dossier.

Ensuite, je rappellerai que nous avons souhaité, avec la loi de 2003, ouvrir les opérations d'archéologie préventive à une plus grande diversité d'opérateurs, en particulier aux services d'archéologie des collectivités territoriales. Je rappelle, mon cher collègue, qu'il s'agissait a priori non pas de l'ouvrir à des sociétés privées, mais à des services archéologiques des collectivités territoriales. Tel est l'esprit de la loi de 2003.

Ce dispositif, qui permet une certaine ouverture à la concurrence, sans menacer la place prépondérante que conservera l'INRAP, l'Institut national de recherches archéologiques, par la force des choses, a surtout le mérite à nos yeux d'ouvrir la voie à une décentralisation de l'archéologie, qui nous semble aller de pair avec le rôle croissant que jouent les collectivités territoriales en matière d'urbanisme et d'aménagement du territoire.

Aussi souhaiterais-je, pour finir, inviter les pouvoirs publics à stimuler la création par les collectivités territoriales de services archéologiques de collectivités. Aujourd'hui, nous parlons financement et fiscalité. N'oublions pas, à ce propos, l'esprit de la loi de 2003, qui était de substituer à un monopole le choix donné à celui qui doit financer entre plusieurs services, soit un service national, soit un service de collectivités territoriales.

Une réforme de la redevance garantissant son aptitude à financer les diagnostics susceptibles d'être réalisés par ces nouveaux services constitue, dans ce contexte, une incitation essentielle.

Je tenais, au nom de la commission des affaires culturelles, à rappeler aujourd'hui, mes chers collègues, les principes qui encadrent notre réflexion en souhaitant que nous arrivions enfin à un système clair, lisible et garantissant des ressources, un système gage de l'efficacité dont l'archéologie a besoin. N'oublions pas que, derrière tout cela, ce qui est en cause, c'est bien notre volonté de concilier l'efficacité économique et le respect de la mémoire de notre sol. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. le président. La parole est à Mme Odette Terrade.

Mme Odette Terrade. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le projet de loi qui nous est soumis ne comportait à l'origine que des dispositions de caractère financier dont le contenu a été rappelé, pour l'essentiel, avant de rentrer dans le détail de la discussion des articles, par mon collègue et ami Thierry Foucaud.

Mais il s'y est ajouté, lors de l'examen du projet de loi à l'Assemblée nationale, un ensemble de dispositions traduisant dans les faits le contenu de l'accord relatif aux modalités de fixation des prix des produits proposés à la consommation et signé, sous les auspices du ministère de l'économie et des finances, entre industriels, organisations professionnelles de l'artisanat et du monde agricole et responsables de la grande distribution commerciale.

Le ministère a notamment indiqué que c'était le fameux processus des « marges arrières » qui était directement visé par l'accord permettant de dégager une marge de réduction des prix d'environ deux points partagée entre distributeurs et producteurs au bénéfice des consommateurs.

Vous comprendrez dans ces conditions que nous puissions trouver quelques limites aux dispositions qui nous sont soumises puisqu'une seule organisation de consommateurs, au demeurant celle qui est loin d'être la plus importante et la plus représentative du mouvement consumériste, ait apposé son paraphe à cet accord.

De la même manière, comment ne pas pointer le fait que seule la FNSEA et son organisation de jeunes agriculteurs aient signé l'accord, alors même que le monde paysan est aujourd'hui bien plus divers ?

De quoi s'agit-il ? La question du pouvoir d'achat des consommateurs est directement posée depuis plusieurs années et, singulièrement, depuis 2002.

En effet, tant la politique salariale de l'Etat que les stratégies des entreprises en matière de rémunération ont conduit à l'écrasement des salaires dans la richesse nationale.

Toutes les mesures d'allégement de cotisations sociales, comme les bilans annuels de la négociation collective, le montrent à l'envi : les salaires sont faibles dans notre pays, étonnamment et dramatiquement faibles, le nombre de branches où les minima sont inférieurs au SMIC étant en constante progression.

Les mesures d'allégement de cotisations conduisent, non pas à alléger le coût du travail peu qualifié, mais à dévaloriser chaque fois un peu plus le travail qualifié, notamment les tâches d'exécution et de production de biens et de services. De plus en plus de salariés glissent dans la trappe à bas salaires qui s'ouvre chaque jour un petit peu plus. Que cela ait des conséquences sur les habitudes de consommation n'échappe évidemment à personne.

La fortune des magasins de maxi discount, comme des systèmes de crédits des grands groupes de la distribution, c'est effectivement l'infortune de la clientèle. Et cela, bien entendu, ne peut qu'avoir des conséquences sur les conditions d'une concurrence libre et loyale.

Alors, dans ce contexte, que pouvons-nous attendre de l'accord interprofessionnel dont le Gouvernement se fait fort d'appliquer les dispositions ? D'assurer la juste rémunération des producteurs agricoles ? De rendre du pouvoir d'achat au consommateur qui, dans un certain nombre de cas, paie d'ailleurs par avance les denrées périssables qu'il se procure en alimentant une carte de magasin avant que de s'alimenter lui-même ? De modifier les conditions de travail et de rémunération des salariés de la grande distribution qui, plus souvent qu'à leur tour, expérimentent en grand la précarité de l'emploi, le temps partiel imposé et les bas salaires ? En fait, rien de tout cela.

Le mouvement de baisse des prix annoncé dans le cadre de cet accord interprofessionnel est un leurre. Nul doute qu'une nouvelle pression sur les salaires sera opérée tant par les fournisseurs que par les distributeurs pour amortir au plus tôt les conséquences éventuelles de l'accord sur leur marge bénéficiaire, celle-ci n'étant qu'en partie due aux marges arrières et plutôt à la gestion optimale des crédits fournisseurs pour les distributeurs et celle des stocks pour les industriels.

Dans les faits, les mesures qui nous sont aujourd'hui présentées ne vont donc rien résoudre ni pour les consommateurs, ni pour les producteurs agricoles aux prises avec la chute continuelle des cours de leurs produits, ni pour les artisans et les petites et moyennes entreprises victimes de la concurrence des plus grandes sur leur segment de production.

Ce n'est sans doute pas pour rien que le mouvement consumériste ne s'est pas retrouvé dans le contenu de l'accord et qu'il l'a massivement rejeté, à une exception près, d'autant que l'on s'apprête à gager la baisse des prix sur l'augmentation de la surface de vente des grands distributeurs, ce qui ne manquera pas de peser encore plus sur le commerce de proximité.

Ce sont donc là quelques-unes des raisons qui nous amèneront à ne pas retenir l'orientation imprimée par ces articles du projet de loi, qui ne résout en rien les problèmes posés par l'activité du commerce dans notre pays. C'est pourquoi nous voterons très certainement contre ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Carle.

M. Jean-Claude Carle. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le projet de loi qui nous est présenté aujourd'hui illustre votre détermination et celle du ministre d'Etat à soutenir la croissance et donc l'emploi, sujet de préoccupation majeure de nos concitoyens avec la sécurité, domaine où les mesures courageuses que Nicolas Sarkozy a mises en place ont permis de restaurer la confiance.

Ce projet loi vise à soutenir la consommation, l'investissement, l'emploi, mais aussi le maintien des activités de proximité. Ce dernier point me paraît essentiel à un moment où le paysage économique local se transforme sous l'effet de la concurrence commerciale et de la spéculation immobilière.

J'approuve à cet égard l'exonération d'impôt sur les plus-values et sur les droits de mutation perçus par l'Etat en cas de vente d'un fonds de commerce à un professionnel exerçant dans la même branche d'activité.

Ce dispositif permettra de rééquilibrer la situation en faveur du commerçant candidat à la succession dans le même domaine d'activité par rapport à une banque ou à une compagnie d'assurances qui est aujourd'hui avantagée en cas de vente au plus offrant. Chacun sait que ce n'est pas ce type d'activité qui crée l'animation et la vie en centre-ville, en particulier en fin de semaine.

J'approuve également, dans le cas des droits de mutation, la condition supplémentaire qui impose à l'acquéreur de s'engager à exercer l'activité transmise pendant une durée minimale de cinq ans afin d'éviter que, par un effet d'aubaine, la mesure ne soit détournée de son objet.

Le Gouvernement fait ainsi preuve de pragmatisme en partant des problèmes constatés sur le terrain et en y apportant des solutions simples et efficaces.

Cela me conduit vous interroger, monsieur le secrétaire d'Etat, sur un autre phénomène inquiétant sur le plan local, je veux parler de l'augmentation des prix du foncier et de l'immobilier. Dans mon département, la Haute-Savoie, j'ai pu mesurer ses effets négatifs, aussi bien pour les particuliers que pour les collectivités locales.

Je constate notamment que certaines personnes qui font l'acquisition d'un logement grâce parfois à des prêts aidés s'empressent de le revendre, souvent à des étrangers, afin de réaliser une plus-value.

Monsieur le secrétaire d'Etat, ce n'est pas l'étranger en termes de nationalité qui m'interpelle. La Haute-Savoie a toujours été une terre d'accueil dans le domaine tant industriel que touristique. C'est l'étranger à la vie quotidienne locale qui me préoccupe.

On remarque d'ailleurs le même phénomène s'agissant de la transmission des entreprises familiales, en particulier dans les secteurs de la mécanique et de l'hôtellerie-restauration. Ces entreprises familiales sont souvent reprises par des groupes financiers étrangers à cette culture d'entreprise qui a fait la force de notre département, qui a assuré son développement économique et, par voie de conséquence, un taux d'emploi très élevé.

C'est vrai pour la transmission d'entreprises. C'est aussi vrai pour le foncier et l'immobilier. J'ai pu observer dans de nombreuses communes touristiques une augmentation très rapide du logement de villégiature au détriment du logement à l'année des habitants de la commune.

Certains propriétaires préfèrent en effet réaliser une plus-value importante et partir ensuite s'installer ailleurs, là où les prix du foncier sont moins élevés.

Nos compatriotes qui veulent s'installer ou rester sur leur commune en sont les premières victimes, car ils ont de plus en plus de difficultés à trouver un logement à un prix raisonnable ou à acquérir un terrain à un prix abordable.

Les secondes victimes sont les commerçants traditionnels qui subissent une transformation du paysage démographique local, avec des clients parfois plus argentés, mais présents de manière beaucoup moins régulière.

Les collectivités locales sont, elles aussi, victimes de ce phénomène et ce, à un triple titre.

D'abord, elles ne peuvent que constater le détournement des investissements qu'elles réalisent pour favoriser le logement sur leur territoire.

Ensuite, elles ont de plus en plus de mal à trouver des terrains à des prix raisonnables pour construire des logements sociaux, des infrastructures d'accueil ou des écoles malgré le droit de préemption dont elles disposent, le prix fixé par les domaines étant celui du marché.

Enfin, moins de résidents permanents sur une commune, c'est moins d'enfants, moins de dynamisme, moins d'avenir.

Nous devons absolument trouver le moyen, ou les moyens, d'enrayer ce phénomène qui risque d'avoir de lourdes répercutions économiques et sociales.

Ne pourrait-on pas, par exemple, envisager un dispositif qui permette aux collectivités locales de récupérer les aides qu'elles ont accordées lorsqu'une plus-value immobilière importante est réalisée moins de cinq ans après l'acquisition par le particulier ?

En nous gardant, bien sûr, de toute spoliation, ne pourrait-on pas également aménager le droit de préemption pour l'adapter à certaines réalités locales, notamment dans les zones touristiques ?

Je sais, monsieur le secrétaire d'Etat, que ces questions peuvent paraître en marge du sujet que nous avons à traiter aujourd'hui.

Il me semble toutefois indispensable d'y répondre, dans l'intérêt général afin d'éviter que certaines régions de France, du fait de leur attractivité, ne perdent leur culture industrielle, agricole ou touristique et ne deviennent un lieu de villégiature plutôt que des bassins de vie et de développement.

Rien ne sert de favoriser l'investissement s'il ne dispose pas de conditions favorables et pérennes au plan local.

Rien ne sert, non plus, de favoriser le maintien du commerce de proximité si les clients réguliers partent !

Je suis persuadé, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous saurez traiter ce problème avec le pragmatisme et l'efficacité dont vous faites preuve pour le projet de loi que vous nous soumettez aujourd'hui. Je connais également votre souci constant de privilégier la concertation avec les acteurs locaux au premier rang desquels sont les élus. Ils sont prêts, nous sommes prêts, à vous soumettre un certain nombre de propositions.

Le groupe UMP, monsieur le secrétaire d'Etat, votera votre texte, enrichi par les amendements de la commission, qui propose des mesures claires, simples, lisibles et donc efficaces. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Cornu.

M. Gérard Cornu. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, s'il semble excessif de considérer que les consommateurs ont perdu confiance, on observe toutefois que la consommation a tendance à s'essouffler. Il convient d'être vigilant, car la consommation est l'un des moteurs de notre économie. C'est pourquoi la confiance du consommateur nécessite d'être confortée.

Une initiative parlementaire devrait permettre d'avancer encore dans cette direction : je veux parler de la proposition de loi de notre collègue député, Luc-Marie Chatel, qu'il m'a été donné de rapporter devant notre assemblée le 22 juin dernier et dont le processus législatif semblerait pouvoir aboutir d'ici à la fin de cette session extraordinaire.

Cet objectif étant à viser inlassablement, vous avez, Nicolas Sarkozy et vous-même, monsieur le secrétaire d'Etat, complété les actions déjà engagées par le Gouvernement, en vous attaquant à la question des prix sur les produits de grande consommation, afin de rendre du pouvoir d'achat à nos concitoyens

Vous nous proposez aujourd'hui une série de mesures qui viennent à point nommé, dès lors qu'elles s'inscrivent dans un contexte de reprise. Elles tendent à favoriser la croissance économique de notre pays et la création d'emplois par des mesures volontaristes et pragmatiques. Elles concernent tous les échelons de notre économie.

En ma qualité de rapporteur pour avis du budget des PME, du commerce et de l'artisanat, j'évoquerai plus particulièrement les dispositifs inscrits dans le second volet de votre texte, notamment les articles 6, 7 et 11 nouveau.

En tant que maire rural, j'évoquerai, pour conclure, un sujet déjà largement abordé, l'article 8 concernant l'archéologie préventive.

Depuis son arrivée aux affaires, le Gouvernement n'a pas ménagé sa peine pour soutenir l'activité du secteur des PME, du commerce et de l'artisanat. Le Parlement a, en 2003, renforcé notre arsenal législatif pour libérer les énergies de ceux qui veulent entreprendre et insuffler ainsi un nouvel esprit d'entreprise.

Au terme de l'article 6, les plus-values professionnelles réalisées à l'occasion de la cession d'un fonds de commerce ou d'une clientèle de profession libérale sont exonérées d'impôts sur le revenu ou de l'impôt sur les sociétés pour une valeur n'excédant pas 300 000 euros.

L'article 7, pour sa part, exonère de droits de mutation les cessions de fonds de commerce ou de clientèle. Aider le commerce de centre-ville à se maintenir, pérenniser les entreprises de proximité, favoriser l'investissement sont autant de nécessités reconnues par tous. Les artisans et commerçants disparaissent de notre paysage rural et, en zone urbaine, ils s'effacent au profit de succursales bancaires ou de grands groupes.

L'exonération des droits de mutation et des plus-values me semble une piste tout à fait intéressante pour favoriser la reprise, non seulement en mettant le pied à l'étrier à de jeunes professionnels en manque de financements, mais aussi en permettant à ceux qui se retirent après toute une vie de labeur de partir dans de bonnes conditions.

Nous ne pouvons que saluer ces dispositifs dont il faudra se demander, le moment venu, s'ils ne méritent pas de devenir pérennes.

Au cours de ses débats, l'Assemblée nationale est revenue sur l'article 57 de la loi pour l'initiative économique qui instaure des sanctions pénales à l'encontre des constructeurs n'ayant pas fourni de garantie de paiement aux entreprises sous-traitantes.

L'application de cette mesure, initialement prévue le 1er juillet dernier, se voit repoussée de quatre mois. Un an s'est pourtant écoulé depuis la promulgation de la « loi Dutreil ». Ce laps de temps aurait dû suffire pour mener à bien la recherche de solutions complémentaires aux garanties de paiement actuellement existantes.

Les artisans du bâtiment, travaillant en sous-traitance, redoutent - peut-on leur en faire le reproche ? - que ce délai supplémentaire ne leur soit préjudiciable.

J'ai pu constater que notre excellent rapporteur n'avait pas été insensible à cette question et qu'il avait proposé de ramener le délai à deux mois, estimant qu'il serait suffisant pour permettre aux professionnels concernés de régler les dernières difficultés techniques rencontrées.

Je voudrais, avant de conclure mon propos, revenir sur l'article 11 nouveau. L'amendement d'appel qui a donné naissance à cet article envisage une réforme du système de financement de l'archéologie préventive adopté l'an passé.

Ce dernier, comme cela a été fréquemment rappelé, a créé de nombreux problèmes, pour l'essentiel en milieu rural ou en zone de montagne, dès lors qu'en asseyant la redevance sur toute la surface du terrain concerné par l'aménagement, et non sur la seule surface des travaux affectant le sous-sol, certains élus ou aménageurs sont parvenus à des situations totalement ubuesques où le montant de la redevance dépassait parfois celui de l'investissement.

La commission des finances a, sur votre initiative, monsieur le rapporteur, modifié substantiellement le dispositif prévu par l'Assemblée nationale pour clarifier notamment l'assiette de la redevance et prendre ainsi en compte le cas des constructions agricoles et des lotissements pour ne citer que ces deux exemples. Certains détails techniques restent certes à finaliser mais, d'ores et déjà, les élus et les aménageurs peuvent être rassurés quant à la rationalité du nouveau système. Le calcul de la redevance ne constituera plus un frein au développement et à l'aménagement du territoire !

Toutes ces mesures sont donc excellentes et, j'en suis convaincu, de nature à impulser une nouvelle dynamique et à encourager les forces vives de notre pays, c'est-à-dire ceux qui entreprennent et prennent des risques. (Bravo et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat au budget et à la réforme budgétaire. Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous répondrai rapidement puisqu'un certain nombre des points que vous avez abordés seront certainement de nouveau évoqués au moment de la discussion des amendements.

Je voudrais remercier, tout d'abord, M. le rapporteur, et lui dire que le ministre d'Etat et moi-même considérons qu'il a eu raison de rappeler le contexte de ce projet de loi : la situation des finances publiques, la nature de nos engagements européens qui imposent d'agir pour la croissance sans creuser les déficits et également la conjoncture. Il est vrai que la reprise doit encore à être confortée. Car, si la consommation et l'investissement ont redémarré, nous voyons bien que tout n'est pas parfait dans le domaine des exportations et que, même si nous faisons un peu mieux que nos partenaires de la zone euro, il faut encore faire plus et donc donner aux Français des moyens, des incitations pour consommer et investir. C'est que nous faisons à travers ce projet de loi.

M. du Luart a souligné le pragmatisme, le réalisme et le souci d'efficacité du Gouvernement. Notre souci, comme je l'indiquais à M. le rapporteur, est à la fois de maîtriser les dépenses publiques, d'être innovants, de trouver des mesures fortes et simples, qui parlent aux Français, qui soient compréhensibles pour eux et proches de leur quotidien, qui visent à augmenter le pouvoir d'achat. C''est tout le sens des articles dont nous allons discuter maintenant. En tout cas, je le remercie de nous avoir apporté, au nom de son groupe, son soutien.

A M. Foucaud, qui a reproché aux mesures leur coût et leur faible incidence et qui a préconisé pour relancer la consommation de baisser la TVA, je citerai quelques chiffres : pour le seul mois de juin - ce sont les seules données dont nous disposions - la mesure fiscale relative à la donation, toute récente et encore peu connue, a déjà donné lieu à 17 496 donations, ce qui correspond à un montant de 349 millions d'euros. Je crois que ce chiffre, à lui seul, prouve l'efficacité de la formule. Je lui rappelle qu'elle a un coût nul puisque, sans ces donations, il n'y aurait pas eu de ressources supplémentaires.

A l'inverse, la baisse d'un point du taux de TVA représente 5,4 milliards d'euros. Il est clair que, dans une situation budgétaire contrainte, la mesure que vous préconisez n'est pas acceptable, alors que celle que nous avons proposée a déjà un effet réel en termes de consommation.

Pour sa part, M. Massion a relevé que le Gouvernement menait une politique économique et budgétaire différente de celle de la précédente législature ; c'est vrai et nous en sommes fiers ! Nous redressons des comptes publics que le gouvernement que vous souteniez avait détériorés...

Mme Odette Terrade. Vous allez nous la servir longtemps cette chanson ?

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat. C'est une réalité que nous payons chaque année et que nous paierons encore dans le projet de loi de finances pour 2005...

Nous essayons de maîtriser dans la durée, monsieur Massion, les dépenses de l'Etat et nous essayons, à la différence du gouvernement de M. Jospin, de ne pas gaspiller les fruits de la croissance.

Nous tentons, enfin, de réaliser des réformes que vous n'avez pas faites : la réforme des retraites, pourtant nécessaire, la réforme de l'assurance-maladie sur laquelle votre assemblée aura à se prononcer et, naturellement, les réformes liées à la décentralisation.

Pour ce qui est du pouvoir d'achat, outre la mesure que nous avons prise et que Nicolas Sarkozy a négociée avec talent, sur la distribution, nous avons significativement amélioré le pouvoir d'achat du SMIC puisque son augmentation de 11,43 % sur trois ans équivaut quasiment à un treizième mois pour celles et ceux qui perçoivent ce salaire. Je pense que ces mesures sont la meilleure réponse aux critiques que vous avez exprimées, avec modération, mais avec une certaine fermeté.

Je peux aussi vous communiquer un chiffre qui corrobore celui que j'ai cité à M. Foucaud, mais qui est à l'échelle d'un département que vous connaissez bien puisqu'il s'agit du département de la Seine-Maritime : pour le seul mois de juin, on a dénombré, dans ce département, 273 procédures de donation loi Sarkozy, ce qui représente un montant de 3 464 842 euros.

M. Thierry Foucaud. On peut savoir le nom des donateurs ?

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat. Soyez tranquille, monsieur Foucaud, je ne donnerai pas les noms des donateurs : il peut y avoir des grands électeurs de M. Massion parmi eux... (Sourires sur les travées de l'UMP.)

Ces opérations représentent en moyenne, monsieur le sénateur, un don de 12 000 euros : vous voyez que nous sommes loin du plafond, les gens ayant agi en fonction de leurs possibilités, de leurs besoins et de ceux et celles de leurs enfants ou petits-enfants.

Avec un grand esprit de synthèse, M. Badré a souhaité que cette loi soit une pièce dans une stratégie d'ensemble ; je crois que c'est le cas. Il a cité la mesure concernant la taxe professionnelle et les différentes formes de restauration.

La mesure de dégrèvement de la taxe professionnelle est, il est vrai, une mesure à effet conjoncturel - c'est ce qu'en attendait le Président de la République ! - mais elle ne trouvera naturellement sa pleine efficacité qu'une fois la réforme structurelle effectuée, quand nous aurons un dispositif à la fois satisfaisant pour les collectivités et non pénalisant pour l'investissement.

Pour ce qui est de la prime de restauration, en attendant une baisse de TVA, elle est cohérente avec une démarche plus générale de baisse des charges, évoquée, hier, par le Président de la République, et de revalorisation des bas salaires.

M. Legendre a beaucoup insisté dans son intervention, et je l'en remercie, sur les dispositions relatives à l'archéologie préventive. Nous y reviendrons lors de la discussion des articles.

Elles peuvent en effet avoir un impact direct sur l'investissement des entreprises et il y a lieu de remédier aux effets pervers et aux difficultés d'application de la redevance en la matière.

Il importe, comme vous l'avez dit, monsieur le sénateur, de sécuriser les ressources de l'Institut national de recherches archéologiques préventives, l'INRAP, de réduire le frein aux activités économiques et de préserver un équilibre entre les zones rurales et les zones urbaines.

J'espère que le débat auquel vous participerez tout à l'heure, monsieur le sénateur, puisque vous êtes inscrit sur l'article, permettra d'apporter une solution satisfaisante en tous points, d'autant que je sais que M. le rapporteur a des idées à cet égard. M. Carrez a également présenté des propositions devant l'Assemblée nationale. Nous devrions donc trouver un terrain d'accord.

Mme Terrade s'est souciée - et c'est légitime - de l'évolution du pouvoir d'achat des Français.

Madame le sénateur, sans vouloir être désagréable avec vous, je dois vous dire que, en rupture avec la passivité du gouvernement précédent, nous avons pris dans ce domaine des mesures concrètes et efficaces. (Mme Terrade s'exclame.)

Je les ai rappelées tout à l'heure : la convergence des SMIC avec une hausse du pouvoir d'achat du salaire minimal réel, mais aussi l'accord sur une baisse de 2 % des prix dans la grande distribution.

On ne peut pas prendre des mesures plus favorables à la consommation que celles que le Gouvernement vous propose aujourd'hui.

M. Carle a évoqué le prix du foncier, qui constitue une préoccupation très importante pour tous les élus. Les questions suivantes se posent : comment éviter que les aides publiques accordées à l'accession au logement ne conduisent à des comportements spéculatifs d'achat-revente ? Comment permettre aux collectivités locales d'exercer efficacement le droit de préemption, soit directement, soit par le biais de leur regroupement ?

Pour être un élu local comme vous, monsieur Carle, je n'ignore pas que ce sont là des questions essentielles et que les réponses qui sont apportées aujourd'hui sont indéniablement insuffisantes. Aussi, je vous suggère que nous nous mettions ensemble au travail, que vous nous fassiez part de vos propositions, afin que, conjointement avec mon collègue Marc-Philippe Daubresse, secrétaire d'Etat au logement, nous essayions de dégager des solutions nouvelles.

Monsieur Cornu, je vous remercie de la synthèse que vous avez présentée, en tant que dernier orateur. Tout en faisant mien le souci d'efficacité que vous avez exprimé dans votre conclusion, je me limiterai à relever la dernière partie de votre intervention, notamment votre préoccupation relative à l'archéologie préventive.

Nous devons en effet à la fois assurer le financement d'une activité primordiale et ne pas poser de frein au développement à l'aménagement du territoire. Fort de votre expérience d'élu, vous nous avez présenté vos propositions en la matière.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, telles sont les réponses que je souhaitais vous apporter, de façon aussi concise que possible pour que nous puissions aborder sans attendre la discussion des articles. (M. le président de la commission des finances et M. le rapporteur applaudissent. M. Pelletier applaudit également.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole dans le discussion générale ?...

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion des articles.

TITRE Ier

SOUTIEN À LA CONSOMMATION

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi pour le soutien à la consommation et à l'investissement
Art. 1er

Articles additionnels avant l'article 1er

M. le président. L'amendement n° 30, présenté par MM. Massion,  Miquel,  Angels,  Auban,  Charasse,  Demerliat,  Haut,  Lise,  Marc,  Moreigne,  Sergent et les membres du groupe Socialiste et rattachée, est ainsi libellé :

Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article 84 A du code général des impôts, il est rétabli un article 85 ainsi rédigé :

« Art. 85 - Les déductions ou réductions du revenu imposable, autres que celles mentionnées aux 1° et 3° de l'article 83, ne peuvent avoir pour effet de réduire le revenu auquel s'appliquent les dispositions de l'article 193 de plus de 40% par rapport à son montant hors application de ces déductions ou réductions. ».

La parole est à M. Marc Massion.

M. Marc Massion. Si chaque dispositif introduit par le législateur peut se justifier, il peut paraître choquant que les contribuables les plus aisés puissent, par le cumul des avantages accordés, réduire considérablement leur contribution à l'impôt sur le revenu.

Par cet amendement, nous proposons donc un plafonnement global de la réduction du revenu imposable procurée par l'ensemble de ces dispositifs.

Cette mesure permettrait de substituer un dispositif directement opératoire à un engagement - qui est à confirmer - du Gouvernement en faveur d'un réexamen régulier des niches fiscales.

La réduction maximale serait de 40 %, hors application de l'abattement de 10 % pour frais professionnels et hors déduction des cotisations sociales.

Les divers plafonds applicables à chaque réduction ou déduction resteraient, bien sûr, inchangés.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur. La commission émet un avis défavorable.

Vouloir plafonner les différentes incitations fiscales visées conduirait mécaniquement à accroître la progressivité de l'impôt sur le revenu, ce qui aurait toute une série d'effets pervers.

En outre, la mesure préconisée ne s'inscrit absolument pas dans la logique de la majorité de notre commission.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat. Mon opinion rejoint celle de M. le rapporteur.

Votre proposition, monsieur Massion, peut être séduisante au premier abord parce que inspirée par un souci d'équité, mais elle soulève des difficultés, que vient de rappeler M. le rapporteur, tant sur le plan technique que sur celui des principes. C'est une mesure d'une complexité incontestable.

Pour toutes ces raisons, je vous demande, monsieur le sénateur, de bien vouloir retirer cet amendement. A défaut, le Gouvernement émettra un avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 30.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 31, présenté par MM. Massion,  Miquel,  Angels,  Auban,  Charasse,  Demerliat,  Haut,  Lise,  Marc,  Moreigne,  Sergent et les membres du groupe Socialiste et rattachée, est ainsi libellé :

Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

Il est inséré, avant le dernier alinéa de l'article 193 du code général des impôts, un alinéa ainsi rédigé :

« Les réductions d'impôt, autres que celle résultant du quotient familial mentionné à l'article 194, et les crédits d'impôt ne peuvent avoir pour effet de réduire l'impôt sur le revenu d'un montant total de plus de 10 000 euros, ni de porter au-delà de ce montant la somme de l'impôt réduit et de l'impôt restitué. ».

La parole est à M. Marc Massion.

M. Marc Massion. Dans le même esprit, nous proposons que la réduction maximale de l'impôt obtenue grâce à la combinaison de plusieurs dispositifs soit limitée à 10.000 euros. Seraient exclus du calcul de ce total les effets de l'application du quotient familial. Les divers plafonds applicables à chaque réduction ou déduction resteraient bien sûr inchangés.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur. C'est un amendement de même nature que le précédent, qui appelle le même avis défavorable de la commission.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat. Même avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 31.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 32, présenté par MM. Massion,  Miquel,  Angels,  Auban,  Charasse,  Demerliat,  Haut,  Lise,  Marc,  Moreigne,  Sergent et les membres du groupe Socialiste et rattachée, est ainsi libellé :

Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

I. Dans le premier alinéa du 1° du A du II de l'article 200 sexies du code général des impôts, le taux : « 4,6 % » est remplacé par le taux : « 6,6 % ».

Dans le deuxième alinéa du 1° du A du II du même article, le taux : « 11,5 % » est remplacé par le taux : « 16,5 % ».

II. Cette disposition n'est applicable qu'aux sommes venant en déduction de l'impôt dû.

III. La perte de recettes résultant de l'application de cette disposition est compensée à due concurrence par l'institution d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. Marc Massion.

M. Marc Massion. Outil participant à la fois de la politique de l'emploi et d'une politique d'encouragement du pouvoir d'achat, et donc de la consommation, la prime pour l'emploi avait été conçue pour s'appliquer graduellement et représenter, dès 2003, l'équivalent d'un quasi treizième mois pour un salarié payé au SMIC

Le Gouvernement a choisi, à compter de l'été 2002, d'interrompre ce processus et, malgré des ajustements en direction des personnes travaillant à temps partiel, il a refusé la hausse conséquente de la prime pour l'emploi. Cette dernière représente actuellement, pour un salarié au SMIC, un montant proche de 470 euros.

Cet amendement permet d'assurer la mise en oeuvre de la dernière phase de la montée en charge de la prime pour l'emploi.

La mesure s'adresse en priorité à des foyers disposant de revenus modestes, dont la plupart ne sont pas imposables. Son effet de relance de la consommation et donc de la croissance serait important et immédiat. De plus, elle constituerait une incitation réelle au retour à l'activité, contrairement aux multiples niches fiscales que le Gouvernement propose dans ce texte.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur. Cette disposition coûterait 800 millions d'euros, que nous n'avons malheureusement pas à l'heure actuelle.

La commission émet donc un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat. J'ajoute aux arguments excellents de M. le rapporteur que nos mesures d'augmentation du SMIC et, dans un deuxième temps, de revalorisation de la PPE, ont procuré un gain de pouvoir d'achat très important en faveur des personnes à plus faibles revenus.

Il n'est donc pas nécessaire d'augmenter encore la PPE.

Je profite de l'occasion pour dire à M. le président de la commission et à M. le rapporteur qu'il serait utile que la commission des finances du Sénat donne un avis sur cette prime pour l'emploi. Le Gouvernement a maintenu cette mesure qui avait été prise par le gouvernement précédent. Or nous constatons sur le terrain qu'elle n'est pas toujours comprise de nos concitoyens et qu'elle n'a pas toujours l'impact économique ou social qu'auraient souhaité ceux qui l'avaient mise en place.

Je souhaite donc qu'une réflexion d'ensemble, dont les conditions ne seraient pas forcément négatives, s'instaure sur ce sujet.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Nous nous y emploierons !

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat. Telles sont les raisons pour lesquelles le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 32.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Art. additionnels avant l'art. 1er
Dossier législatif : projet de loi pour le soutien à la consommation et à l'investissement
Art. additionnels après l'art. 1er

Article 1er

I. - Les dons de sommes d'argent consentis en pleine propriété au profit d'un enfant, d'un petit-enfant ou, à défaut, d'un neveu ou d'une nièce sont exonérés de droits de mutation à titre gratuit dans la limite de 20 000 ?.

Cette exonération est subordonnée au respect des conditions suivantes :

1° La donation est effectuée entre le 1er juin 2004 et le 31 mai 2005 ;

2° Le bénéficiaire du don est âgé de dix-huit ans révolus au jour de la transmission ;

3° Les sommes sont transférées au profit du donataire durant la période mentionnée au 1°.

Le plafond de 20 000 ? est applicable aux donations consenties par un même donateur à un même donataire.

II. - Il n'est pas tenu compte des dons de sommes d'argent mentionnés au I pour l'application de l'article 784 du code général des impôts.

III. - Sous réserve de l'application des dispositions du 1° du 1 de l'article 635 du code général des impôts et du 1 de l'article 650 du même code, les dons de sommes d'argent mentionnés au I doivent être déclarés ou enregistrés par le donataire à la recette des impôts du lieu de son domicile dans le délai d'un mois qui suit la date du don. L'obligation déclarative est accomplie par la souscription, en double exemplaire, d'un formulaire conforme au modèle fixé par voie réglementaire.

M. le président. Je suis saisi de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 15, présenté par M. Foucaud, Mme Beaudeau, M. Loridant et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Thierry Foucaud.

M. Thierry Foucaud. Si l'on en croit les derniers indicateurs, les dépenses de consommation des Français sont en chute libre et la confiance est au plus mal, ce qui s'explique par la remontée de l'inflation et la tendance à la hausse du chômage et de la précarité.

Même les entrepreneurs, et singulièrement les responsables de PME, sont inquiets, ce qui affecte l'investissement et l'emploi.

En fait, la timide reprise observée depuis le début de l'année semble bien fragile et risque fort de ne devoir son maintien au niveau escompté par la loi de finances de 2004 qu'à la raréfaction des jours fériés.

Le soutien à la consommation des ménages, qui fait l'objet du titre Ier du présent projet de loi, est un excellent objectif.

Pour autant, que constatons-nous dans cet article 1er, première déclinaison de l'objectif ?

Après une loi de finances pour 2004 particulièrement soucieuse des attentes des ménages aux revenus les plus aisés, voici une nouvelle niche fiscale temporaire dont nous ne pouvons que discuter tant l'efficacité que l'opportunité.

De quoi s'agit-il en théorie et en quoi cette mesure, sur laquelle pèse d'ailleurs un risque élevé d'optimisation fiscale et dont le coût réel est l'objet d'une controverse, peut-elle aider au développement de la consommation ?

En quoi pourrait-elle jouer en faveur de l'investissement ?

Les termes du premier alinéa de l'article 1er sont éloquents : « Les dons de sommes d'argent consentis en pleine propriété au profit d'un enfant, d'un petit-enfant ou, à défaut, d'un neveu ou d'une nièce sont exonérés de droits de mutation à titre gratuit dans la limite de 20 000 euros. ». La mesure s'adresse clairement aux ménages les plus aisés et aux familles nombreuses.

Si vous êtes l'heureux grand-père de sept ou huit petits-enfants, vous pourrez donner, sans droits à payer, de 140 000 à 160 000 euros.

Cette mesure est donc d'autant plus profitable que le nombre des donataires potentiels est élevé, que le montant du patrimoine est important et qu'il se compose d'autres éléments que l'habitation principale.

Le problème est que la composante essentielle du patrimoine moyen des Français est précisément, le plus souvent, leur habitation principale. Ne sont donc directement intéressés par le processus qui nous est présenté que les ménages pour qui le patrimoine mobilier est le plus significatif.

Nous aurons donc, durant la période où s'appliquera cet article, des donateurs manuels exemptés d'impôt et des héritiers de biens immobiliers familiaux qui seront autorisés, notamment s'ils sont issus des collatéraux, à payer le maximum des droits de succession, avec tout ce que cela implique pour le dynamisme contraint du marché immobilier.

Avec cet article 1er, décidément on ne prête qu'aux riches !

J'invite donc le Sénat à adopter cet amendement tendant à supprimer les dispositions de l'article 1er totalement contraires à la justice fiscale. Nous demandons bien entendu un vote par scrutin public.

M. le président. L'amendement n° 4, présenté par M. Marini, au nom de la commission, est ainsi libellé :

A. Dans le premier alinéa du I de cet article, après les mots :

d'un petit-enfant

insérer les mots :

, d'un arrière-petit-enfant

B. Pour compenser les pertes de ressources résultant des dispositions du A ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe additionnel ainsi rédigé :

...- La perte de recettes résultant pour l'Etat de l'extension aux arrière-petits-enfants  du bénéfice de l'exonération  de droits de mutation à titre gratuit prévue au I ci-dessus est compensée par la création à due concurrence d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Philippe Marini, rapporteur. C'est un amendement qui s'inscrit dans une philosophie tout à fait opposée à celle qui vient d'être développée par M. Foucaud.

La commission souhaite, au contraire, pour tenir compte de l'évolution démographique, que la mesure puisse être étendue d'un arrière-grand-père à un arrière-petit-enfant.

M. Philippe Marini., rapporteur. Nous pensons que la fluidité des patrimoines entre les générations doit être encore amplifiée.

M. Denis Badré. Très bien !

Mme Odette Terrade. Pour ceux qui peuvent !

M. le président. L'amendement n° 5, présenté par M. Marini, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Dans le premier alinéa du I  de cet article, après les mots :

à défaut

insérer les mots :

d'une telle descendance

La parole est à M. le rapporteur.

M. Philippe Marini, rapporteur. C'est un amendement de conséquence.

M. le président. L'amendement n° 33, présenté par MM. Massion,  Miquel,  Angels,  Auban,  Charasse,  Demerliat,  Haut,  Lise,  Marc,  Moreigne,  Sergent et les membres du groupe Socialiste et rattachée, est ainsi libellé :

Dans le troisième alinéa (1°) du I de cet article, remplacer la date :

1er juin 2004

par la date :

1er juillet 2004

La parole est à M. Marc Massion.

M. Marc Massion. Je retire cet amendement, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 33 est retiré.

L'amendement n° 34, présenté par MM. Massion,  Miquel,  Angels,  Auban,  Charasse,  Demerliat,  Haut,  Lise,  Marc,  Moreigne,  Sergent et les membres du groupe Socialiste et rattachée, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Le montant total des sommes exonérées en application de ce dispositif ne peut excéder 20 000 euros par donateur.

La parole est à M. Marc Massion.

M. Marc Massion. Par cet amendement, nous suggérons un plafonnement de la mesure proposée.

Le dispositif présenté par le Gouvernement comprend, en effet, un plafond de 20 000 euros qui ne s'applique qu'aux donations consenties pour un même donateur et un même bénéficiaire.

Ainsi, un donateur particulièrement aisé pourrait multiplier - en franchise totale d'imposition - les donations à ses enfants, petits-enfants et arrière-petits-enfants, sans aucune limite. Un donateur ayant, par exemple, quatre enfants et dix petits-enfants pourrait donc, si cet amendement était refusé, donner 280 000 euros sans payer d'impôt !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur. La commission est défavorable aux amendements n°s 15 et 34.

En effet, elle estime qu'il faut s'intéresser plus à ceux qui reçoivent qu'à ceux qui donnent. L'avantage issu de la mesure doit s'évaluer au niveau des bénéficiaires des dons.

Il s'agit de permettre aux bénéficiaires de disposer, sans doute à un moment de la vie où les besoins sont plus grands, notamment les besoins de consommation, des moyens financiers qui leur font défaut et qui peuvent dormir dans les placements des personnes plus âgées.

Cela va dans le sens du dynamisme et du développement des flux d'activité, ce qui est bon sur le plan conjoncturel.

Fixée pour une période déterminée, cette proposition peut constituer un élément de réponse aux observations que nous avons formulées voilà quelque temps dans le rapport de la commission sur la fiscalité des mutations à titre gratuit. La majorité des membres de la commission a considéré que les droits ont atteint en France des sommets, ce qui constitue un facteur de blocage pour certaines transmissions de patrimoine dans notre société.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement est naturellement opposé à l'amendement n° 15, puisqu'il vise à supprimer l'article 1er du projet de loi, un article essentiel.

S'agissant de l'amendement n° 4 de la commission, le Gouvernement y est favorable et lève le gage, monsieur le président.

M. le président. Il s'agit donc de l'amendement n° 4 rectifié.

Veuillez poursuivre, monsieur le secrétaire d'Etat.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 5, qui est un amendement rédactionnel.

En revanche, l'adoption de l'amendement n° 34 pénaliserait les familles les plus nombreuses, ce qui serait une source d'inégalité pour les bénéficiaires. Le Gouvernement y est naturellement défavorable.

M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud, pour explication de vote sur l'amendement n° 15.

M. Thierry Foucaud. Dans son dernier rapport, le Conseil des impôts déplorait l'existence de 418 mesures fiscales dérogatoires, dont le coût est, selon lui, important, mais l'efficacité incertaine.

Il est établi que 10 % des ménages les plus aisés bénéficient de près de 86 % de l'ensemble des réductions d'impôt. En 2003, sur les vingt-sept dispositions nouvelles relatives à l'impôt sur le revenu, vingt-six présentent un intérêt immédiat pour les contribuables, et la moitié seulement pour les autres.

A l'occasion d'un projet de loi visant à soutenir la consommation, on aurait pu s'attendre à un changement de cap, mais l'article 1er institue une nouvelle niche fiscale, un nouveau cadeau pour les plus riches sans que son impact sur la consommation soit certain.

Il y a débat sur le coût de la mesure, puisque l'Observatoire français des conjonctures économiques, l'OFCE, parle d'une dépense fiscale d'un montant de 500 millions d'euros pour, au mieux, donner un coup de pouce à la consommation de 250 millions d'euros.

Encore un effort, monsieur le secrétaire d'Etat, et la dépense fiscale sera proche des anciennes mesures destinées à aider les investissements outre-mer, qui coûtaient plus de 152 500 euros par emploi créé !

Cette mesure, s'adressant prioritairement à des ménages aisés, très aisés même, ne relancera pas, à notre avis, la consommation populaire. Elle est destinée à des gens qui, loin d'être infortunés, peuvent aisément faire face à leur désir de consommer.

En fait, c'est un simple outil d'optimisation fiscale qui nous est proposé. Il complète l'attirail des dispositions que l'on a pu voir fleurir, ces derniers temps, dans notre législation fiscale et qui sont entre autres destinées aux personnes assujetties à l'impôt sur la fortune.

En clair, pour que quelques familles aisées puissent facilement optimiser la gestion de leur patrimoine, on nous propose aujourd'hui, alors que les déficits publics sont persistants et que nous demandons aux salariés de faire des efforts pour payer leur couverture maladie, de leur offrir une niche fiscale dont l'inopportunité le dispute à l'indécence.

Le droit fiscal ne peut et ne doit être ainsi instrumentalisé.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 15.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 235 :

Nombre de votants 313
Nombre de suffrages exprimés 305
Majorité absolue des suffrages exprimés 153
Pour l'adoption 106
Contre 199

Le Sénat n'a pas adopté.

Je mets aux voix l'amendement n° 4 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 5.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Marc Massion, pour explication de vote sur l'amendement n° 34.

M. Marc Massion. Je relève une contradiction entre le discours et les faits.

J'ai écouté tout à l'heure avec beaucoup d'attention M. le ministre d'Etat. Il a beaucoup parlé des personnes qui touchent le SMIC, des personnes à revenu modeste.

Mais les mesures que vous proposez, monsieur le secrétaire d'Etat, profitent toujours aux mêmes ! Le pourcentage de la population qui bénéficie des avantages fiscaux et dont M. Foucaud a parlé tout à l'heure est tout à fait révélateur.

Bref, dans les discours, vous parlez beaucoup des gens modestes, monsieur le secrétaire d'Etat, des gens qui touchent le SMIC, voire moins, mais, dans les faits, vous favorisez toujours la même catégorie de population.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 34.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 1er, modifié.

(L'article 1er est adopté.)

Art. 1er
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Art. additionnel avant l'art. 2

Articles additionnels après l'article 1er

M. le président. L'amendement n° 35, présenté par MM. Massion,  Miquel,  Angels,  Auban,  Charasse,  Demerliat,  Haut,  Lise,  Marc,  Moreigne,  Sergent et les membres du groupe Socialiste et rattachée, est ainsi libellé :

Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. Au premier alinéa de l'article 199 quater C du code général des impôts, les mots : « une réduction d'impôt » sont remplacés par les mots : « un crédit d'impôt ».

II. Il est procédé à la même substitution dans les deuxième, troisième, cinquième et sixième alinéas du même article.

III. Cette disposition n'est applicable qu'aux sommes venant en déduction de l'impôt dû.

IV. La perte de recettes résultant de l'application de cette disposition est compensée à due concurrence par l'institution d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. Marc Massion.

M. Marc Massion. Il s'agit de transformer l'actuelle réduction d'impôt de 50 % pour les cotisations versées aux organisations syndicales en crédit d'impôt.

Cette modification permettrait à l'ensemble des salariés de bénéficier d'un mécanisme d'incitation fiscale à la syndicalisation. Elle s'inscrit pleinement dans une démarche de développement du dialogue social.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur. La commission a estimé qu'il y aurait sans doute lieu d'examiner ultérieurement une telle suggestion.

Dans l'immédiat, cette mesure devant se traduire par un coût budgétaire supplémentaire d'une quarantaine de millions d'euros, elle n'entre pas dans les limites de l'épure du projet de loi.

Par conséquent, la commission est défavorable à cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 35.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 36, présenté par MM. Massion,  Miquel,  Angels,  Auban,  Charasse,  Demerliat,  Haut,  Lise,  Marc,  Moreigne,  Sergent et les membres du groupe Socialiste et rattachée, est ainsi libellé :

Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. Au premier alinéa de l'article 199 quater F du code général des impôts, les mots : « d'une réduction de leur impôt » sont remplacés par les mots : « d'un crédit d'impôt ».

II. Procéder à la même substitution dans les deuxième et sixième alinéas du même article.

III. Cette disposition n'est applicable qu'aux sommes venant en déduction de l'impôt dû.

IV. La perte de recettes résultant de l'application de cette disposition est compensée à due concurrence par l'institution d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. Marc Massion.

M. Marc Massion. Cet amendement vise à transformer l'actuelle réduction d'impôt pour les contribuables dont les enfants poursuivent des études secondaires ou supérieures en crédit d'impôt.

En effet, rien ne justifie que ce dispositif fiscal soit réservé aux seules familles imposables. Sa transformation en crédit d'impôt aurait un effet appréciable sur le pouvoir d'achat des familles les plus modestes.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur. De la même façon, cet amendement méritera sans doute d'être réexaminé ultérieurement.

Dans l'immédiat, la mesure coûterait vraisemblablement plus de 160 millions d'euros. Comme l'amendement précédent, celui-ci est hors des limites de l'épure du projet de loi.

La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 36.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Art. additionnels après l'art. 1er
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Art. 2

Article additionnel avant l'article 2

M. le président. L'amendement n° 54, présenté par M. Revet, est ainsi libellé :

Avant l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. Le troisième alinéa du 1° de l'article 199 sexdecies du code général des impôts est complété par une phrase ainsi rédigée : « Le plafond est supprimé et la réduction d'impôt égale à 100% pour les dépenses effectivement supportées entre 1er  juillet 2004 et le 31 mai 2005. »

II. La perte de recettes pour l'Etat résultant du I ci-dessus est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. Charles Revet.

M. Charles Revet. J'ai entendu M. le ministre d'Etat dire, à la fin de son intervention, que nous devions adopter des dispositions simples et de bon sens. Mon amendement s'inscrit dans le droit-fil de cette réflexion.

Le texte que nous examinons vise à relancer l'économie et, par là même, à relancer l'emploi.

Tout le monde s'accorde sur ce point : nous avons un nombre de chômeurs beaucoup trop important, qu'il nous faut indemniser par le biais des ASSEDIC, du RMI ou d'autres dispositifs.

Pour l'essentiel, ces chômeurs ont peu de qualifications. Ils remplissent, ou rempliraient, des emplois de service, tels que ceux de jardinier, d'homme d'entretien ou de femme de ménage par exemple.

Parallèlement, dans les familles, les deux parents travaillent de plus en plus souvent à l'extérieur, avec quelquefois des horaires très pénibles.

Dès lors, je suggère que l'on satisfasse tout le monde.

D'un côté, nous pourrions alléger la charge de ces personnes qui travaillent et ont les moyens financiers d'employer quelqu'un, pour leur éviter, lorsqu'elles rentrent chez elles, d'avoir à accomplir certaines tâches de ménage, à tondre le gazon ou à exécuter quelques travaux d'entretien.

De l'autre, nous permettrions à des personnes sans emploi d'avoir un travail et de bénéficier d'un revenu découlant de leur activité.

Pour cela, il faut prévoir des incitations. Je propose que l'on déplafonne les dépenses, lors de la déclaration d'impôt, pour que l'ensemble des salaires et charges découlant de l'emploi d'un salarié puissent être déduits. Il s'agit, en fait, d'augmenter le niveau des déductions qui existent déjà, de façon à créer une incitation plus forte à la création d'emploi chez les particuliers.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur. La commission est bien entendu sensible à la suggestion de notre collègue Charles Revet.

Toutefois, elle pense que le dispositif proposé n'est plus vraiment une incitation, puisqu'il s'agit d'une prise en charge complète des dépenses engagées.

Par ailleurs, le contexte budgétaire n'est pas favorable à la prise de mesures aussi importantes. L'enjeu est, ici, tout à fait considérable, même si, dans l'immédiat, je ne peux le chiffrer exactement.

Aussi, pour des raisons qui sont, dans une large mesure, budgétaires, je demanderai à M. Revet de bien vouloir retirer son amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat. Monsieur Revet, je comprends tout à fait vos intentions.

Il est vrai que la mesure prise, à l'époque, par le gouvernement de M. Balladur sur les emplois à domicile est bonne : elle a permis de lutter très efficacement contre le travail au noir, de créer des emploi, et est donc utile aux familles, en particulier quand le père et la mère travaillent. Mais, comme l'a rappelé cet après-midi M. le ministre d'Etat, le contexte budgétaire est extrêmement contraignant.

Selon notre estimation, cette mesure coûterait environ un milliard d'euros : vous vous doutez bien qu'elle n'est pas adaptée au budget de l'Etat.

Nous pourrions, dans l'avenir, réfléchir ensemble au moyen d'améliorer le dispositif des emplois à domicile.

Je m'associe donc à la demande de M. le rapporteur et vous prie, monsieur Revet, de bien vouloir retirer votre amendement.

M. le président. Monsieur Revet, votre amendement est-il maintenu ?

M. Charles Revet. Cette mesure mériterait d'être examinée d'un peu plus près et chiffrée avec exactitude.

Si, en effet, elle aurait un coût direct, il faudrait prendre en compte le fait que des personnes qui auraient des revenus nouveaux paieraient peut-être des impôts et que les sommes qui leur sont versées sans qu'elles exercent une activité seraient diminuées d'autant.

Au demeurant, mieux vaut que ces personnes aient un emploi et en vivent plutôt que d'être assujetties en permanence aux aides publiques.

Cela dit, en attendant, je retire mon amendement.

M. Philippe Marini, rapporteur. Nous allons continuer à travailler sur le sujet !

M. le président. L'amendement n° 54 est retiré.

Art. additionnel avant l'art. 2
Dossier législatif : projet de loi pour le soutien à la consommation et à l'investissement
Art. additionnels après l'art. 2

Article 2

Après l'article 199 novodecies du code général des impôts, il est inséré un article 199 vicies ainsi rédigé :

« Art. 199 vicies. - I. - Les contribuables fiscalement domiciliés en France au sens de l'article 4 B bénéficient d'une réduction d'impôt sur le revenu à raison des intérêts payés par eux en 2004 et 2005 au titre des prêts à la consommation définis aux articles L. 311-1 à L. 311-3 du code de la consommation, autres que les découverts en compte, conclus entre le 1er mai 2004 et le 31 mai 2005.

« Par dérogation aux dispositions du premier alinéa, dans les cas des ouvertures de crédit mentionnées à l'article L. 311-9 du code de la consommation qui ont été conclues avant le 1er mai 2004, la part des intérêts payés en 2004 et 2005 au titre des fonds obtenus entre le 1er mai 2004 et le 31 mai 2005 ouvre droit également à la réduction d'impôt.

« Les intérêts des prêts dont les fonds n'ont pas été utilisés, dans un délai de deux mois, à l'acquisition d'un bien meuble corporel ou d'un service, ou qui sont affectés au remboursement en tout ou partie d'autres crédits ou découverts en compte, ou qui sont pris en compte pour la détermination des revenus catégoriels imposables n'ouvrent pas droit à la réduction d'impôt.

« La réduction d'impôt est égale à 25 % du montant annuel des intérêts payés, retenus dans la limite annuelle de 600 ?.

« II. - Les conditions d'application du présent article et notamment les obligations des prêteurs et des emprunteurs ainsi que les modalités de décompte des intérêts mentionnés au deuxième alinéa du I sont fixées par décret. »

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 38, présenté par MM. Massion,  Miquel,  Angels,  Auban,  Charasse,  Demerliat,  Haut,  Lise,  Marc,  Moreigne,  Sergent et les membres du groupe Socialiste et rattachée, est ainsi libellé :

I. Au premier alinéa du I du texte proposé par cet article pour l'article 199 vicies du code général des impôts, remplacer les mots :

d'une réduction d'impôt

par les mots :

d'un crédit d'impôt

II. Procéder à la même substitution dans les deuxième, troisième et dernier alinéa du I du même texte.

III. Compléter le I du même texte par un alinéa ainsi rédigé :

« Cette disposition n'est applicable qu'aux sommes venant en déduction de l'impôt dû.

IV. Pour compenser la perte de recettes résultant des I à III ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe additionnel ainsi rédigé :

...  La perte de recettes résultant pour l'Etat de la transformation de la réduction d'impôt en crédit d'impôt est compensée à due concurrence par l'institution d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. Marc Massion.

M. Marc Massion. La propension à consommer est inversement proportionnelle au revenu, les ménages modestes étant ceux qui consomment le plus directement tout revenu supplémentaire dont ils peuvent disposer.

Nous proposons donc de transformer en crédit d'impôt le mécanisme de réduction d'impôt sur les intérêts dus au titre du crédit à la consommation.

M. le président. L'amendement n° 16, présenté par M. Foucaud, Mme Beaudeau, M. Loridant et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Dans le premier alinéa du I du texte proposé par cet article pour l'article 199 vicies du code général des impôts, remplacer les mots :

d'une réduction d'impôt

par les mots :

d'un crédit d'impôt 

La parole est à M. Thierry Foucaud.

M. Thierry Foucaud. L'article 2 de ce projet de loi a une portée quelque peu limitée - une réduction d'impôt n'a d'effets que sur les ménages effectivement imposés - et présente quelques dangers, le principal d'entre eux étant qu'il n'incite à l'endettement des ménages, alors que chacun sait pertinemment que le crédit à la consommation est, bien souvent, à l'origine des cas de surendettement traités par les commissions ad hoc.

Il ne se passera sans doute pas un temps très long, après l'adoption de ce texte, pour que les établissements spécialisés dans le domaine du crédit à la consommation se prévalent de la réduction d'impôt pour vendre des contrats aux consommateurs potentiels, comme d'aucuns ont pu le faire pour les incitations à l'investissement locatif, par exemple.

Sur le coût de la mesure, nous sommes aussi confrontés à des réalités fort contrastées.

Nous sommes loin de l'impact de l'article 1er, puisque, si l'on en croit le rapport, ce seraient de 100 millions à 300 millions d'euros de produit de l'impôt sur le revenu qui seraient concernés.

Il faut dire qu'avec un plafond de 150 euros, on est fort loin de l'impact du plafond de 20 000 euros applicable aux donations visées à l'article 1er.

C'est un peu « un cheval, une alouette ».

Notre amendement vise, tout simplement, à faire en sorte que tous les contribuables puissent éventuellement tirer parti de cette disposition en faisant de cette nouvelle réduction d'impôt un crédit d'impôt.

Cet amendement tend, par ailleurs, à interroger le Gouvernement sur le devenir de ces multiples dispositions de la fiscalité dérogatoire.

M. le président. L'amendement n° 37, présenté par MM. Massion,  Miquel,  Angels,  Auban,  Charasse,  Demerliat,  Haut,  Lise,  Marc,  Moreigne,  Sergent et les membres du groupe Socialiste et rattachée, est ainsi libellé :

Supprimer le deuxième alinéa du I du texte proposé par cet article pour l'article 199 vicies du code général des impôts.

La parole est à M. Marc Massion.

M. Marc Massion. Je le retire.

M. le président. L'amendement n° 37 est retiré.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur les amendements nos 38 et 16 pour, essentiellement, deux motifs : d'une part, la dépense fiscale serait majorée de plus de 250 millions d'euros, d'autre part, nous craignons qu'une mesure de cette nature ne soit une incitation au surendettement de certaines catégories de consommateurs, en particulier parmi les plus fragilisés.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 38.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 16.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 2.

(L'article 2 est adopté.)

Art. 2
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Art. 2 bis

Articles additionnels après l'article 2

M. le président. L'amendement n° 6, présenté par M. Marini, au nom de la commission, est ainsi libellé :

L'article L. 112-3 du code monétaire et financier est ainsi rédigé :

"Par dérogation aux dispositions de l'article L. 112-1 et du premier alinéa de l'article L. 112-2 et selon des modalités définies par décret, peuvent être indexées sur le niveau général des prix :

"1. les titres de créance et les instruments financiers à terme mentionnés aux 2 et 4 du I de l'article L. 211-1 ;

"2. les premiers livrets de la Caisse nationale d'épargne et des caisses d'épargne et de prévoyance, ainsi que les comptes spéciaux sur livrets du Crédit Mutuel définis à l'article L. 221-1 ;

"3. les comptes sur livret d'épargne populaire définis à l'article L. 221-13 ;

"4. les comptes pour le développement industriel définis à l'article L. 221-27 ;

"5. les comptes d'épargne logement définis à l'article L. 315-1 du code de la construction et de l'habitation ;

"6. les livrets d'épargne-entreprise définis à l'article 1 de la loi n° 84-578 du 9 juillet 1984 sur le développement de l'initiative économique ;

"7. les livrets d'épargne institués au profit des travailleurs manuels définis à l'article 80 de la loi de finances pour 1977, n° 76-1232 du 29 décembre 1976 ;

"8. les prêts accordés aux personnes morales ainsi qu'aux personnes physiques pour les besoins de leur activité professionnelle".

La parole est à M. le rapporteur.

M. Philippe Marini, rapporteur. Cet amendement de caractère assez technique résulte de la réforme des modalités de fixation des taux de l'épargne réglementée intervenue en juillet 2003, réforme d'ailleurs tout à fait excellente et que la commission appelait de ses voeux depuis un certain nombre d'années.

Il nous paraît nécessaire d'introduire une dérogation à l'interdiction d'indexation que prévoit actuellement le code monétaire et financier. Cette extension porterait sur les prêts en direction des professionnels réalisés par l'ensemble des établissements de crédit.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat. Il est tout à fait favorable.

M. le président. La parole est à Mme Odette Terrade, pour explication de vote.

Mme Odette Terrade. Cet amendement pose un certain nombre de problèmes.

En effet, on pourrait croire qu'en proposant d'indexer sur l'inflation la rémunération des livrets composant ce que l'on appelle l'épargne réglementée, il s'agit d'assurer une forme de pouvoir d'achat minimal de ces placements, dont l'utilité sociale est évidente aux yeux de tous.

Toutefois, des questions se posent.

La principale touche évidemment à l'emploi de la ressource collectée.

Aujourd'hui, on peut aisément calculer quel est le taux d'intérêt servi, par exemple, aux organismes bailleurs sociaux pour l'ensemble de leurs prêts PLA-PALULOS, puisqu'il se situe à hauteur de 3,4 points environ, c'est-à-dire 1,3 point ou, peu s'en faut, au-dessus du taux de rémunération du livret A.

Poser le principe de l'indexation, comme nous y invite la commission, signifie que ce taux d'intérêt pourrait connaître des évolutions un peu plus erratiques et un peu plus surprenantes, ce qui pourrait conduire, dans une certaine mesure, à la diminution de la rémunération de la ressource.

Or la diminution du taux de rémunération des fonds d'épargne est source de décollecte, donc porteuse d'un risque, celui de la raréfaction de la principale ressource de financement de la construction de logements sociaux.

Comment mener, dès lors, l'audacieuse et ambitieuse politique de la ville de M. Borloo, affirmée dans un texte l'an dernier et confirmée dans l'avant- projet de loi sur la cohésion sociale ?

En fait, la vraie question qui nous est posée aujourd'hui est de savoir s'il n'existe pas un moyen de financer le logement social de telle sorte que les coûts d'opération ne soient pas grevés de manière excessive par les contraintes nées de l'endettement des organismes bailleurs.

Pourquoi ne pas envisager, par exemple, que le surplus de collecte encore observable en termes de livret A ne soit autorisé à bonifier les prêts PLA et PALULOS existants ?

Pourquoi ne pas concevoir que l'Etat mette en oeuvre lui- même une bonification des prêts accordés aux bailleurs sociaux permettant de réduire encore les taux d'intérêt servis, donc le niveau des aides personnelles découlant de la construction et de la réhabilitation des logements, et, par conséquent, in fine, les coûts futurs de gestion ?

Pourquoi ce qui fut possible pour l'accession à la propriété avec le prêt à taux zéro ne le serait-il pas avec la construction et la réhabilitation de logements locatifs sociaux ?

Voilà quelques observations que nous ne pouvions manquer de formuler à l'occasion de la discussion de cet amendement no 6, pour lequel nous ne voterons évidemment pas.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 6.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 2.

L'amendement n° 53, présenté par M. Revet, est ainsi libellé :

Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. Il est institué un fichier national recensant les informations sur l'état d'endettement des personnes physiques lié aux emprunts que celles-ci contractent pour des besoins non professionnels. Ce fichier est géré par la Banque de France. Il est soumis aux dispositions de la loi no 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés.

Les établissements de crédit visés par la loi no 84-46 du 24 janvier 1984 relative à l'activité et au contrôle des établissements de crédit ainsi que les services financiers de la poste sont tenus de déclarer à la Banque de France les informations visées à l'alinéa précédent. La Banque de France est seule habilitée à centraliser ces informations.

La Banque de France est déliée du secret professionnel pour la diffusion, aux établissements de crédit et aux services financiers susvisés, des informations nominatives contenues dans le fichier.

Il est interdit à la Banque de France, aux établissements de crédit et aux services financiers de la poste de remettre à quiconque copie, sous quelque forme que ce soit, des informations contenues dans le fichier, même à l'intéressé lorsqu'il exerce son droit d'accès conformément à l'article 35 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 précitée, sous peine des sanctions prévues aux articles 43 et 44 de la même loi.

Un règlement du comité de la réglementation bancaire, pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés et du comité consultatif institué par l'article 59 de la loi no 84-46 du 24 janvier 1984 précitée, fixe notamment les modalités de collecte, d'enregistrement, de conservation et de consultation de ces informations.

Dans les départements d'outre-mer, l'Institut d'émission des départements d'outre-mer exerce, en liaison avec la Banque de France, les attributions dévolues à celle-ci par le présent article.

II. La perte de recettes résultant pour l'Etat du I ci-dessus est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. Charles Revet.

M. Charles Revet. Permettez-moi de citer un exemple concret.

Alors que j'assurais une permanence d'élu, une famille est venue me trouver : elle allait être expulsée, ne pouvant plus faire face à ses échéances.

Or, si les conditions d'octroi de prêts à cette famille avaient été examinées soigneusement en temps utile, lesdits prêts n'auraient jamais été accordés.

Le problème du logement a été réglé. Il n'en reste pas moins qu'en deux ans cette famille a réussi la performance de se faire octroyer trente-huit prêts à la consommation.

Mme Odette Terrade. Les derniers servant à rembourser les premiers, sans doute !

M. Charles Revet. Il n'est pas rare, en effet, que les uns servent à rembourser les autres. Ainsi, des familles fragiles s'endettent pour toute leur vie.

Il conviendrait que les organismes de crédit qui, quelquefois, prêtent sans avoir étudié au préalable la situation financière de leur client, parce qu'ils souhaitent, avant tout, faire des affaires, soient responsabilisés et tenus à la vigilance.

Je suggère que soit créé un fichier qui recense la situation des personnes ne pouvant plus honorer leurs traites, et évite l'octroi de prêts à répétition.

Le montant des remboursements auxquels devait faire face cette famille était exactement du double de ses revenus totaux mensuels.

Il nous appartient, me semble-t-il, de mettre en place des dispositifs visant à protéger des familles comme celle-ci.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur. Le débat sur le fichier positif - puisque telle est l'expression consacrée ! - est certainement très utile.

La question qui se pose à nous ce soir est de savoir s'il est mûr pour qu'un tel dispositif puisse être adopté.

M. Charles Revet a cité un exemple significatif des situations que nous rencontrons les uns et les autres.

Nous sommes tentés de nous demander si les établissements de crédit qui acceptent des dossiers le font vraiment en toute connaissance de cause.

A mon sens, l'accumulation de prêts dont la famille citée a fait l'objet est le résultat d'une absence de professionnalisme tout à fait évidente, d'un manquement des établissements de crédit à leurs responsabilités les plus élémentaires.

La bonne solution est-elle de mettre en place un fichier global national qui recense les informations sur les états d'endettement des particuliers ?

Nous savons que des informations de cette nature sont sensibles, que la Commission nationale de l'informatique et des libertés devrait donner son accord, que les contraintes du secret professionnel doivent aussi être prises en considération, enfin, que la tenue et l'alimentation d'un tel fichier représenteront un coût administratif et informatique élevé, qui ne manquera pas de se répercuter sur les conditions du crédit.

Des éléments favorables à la création de ce fichier existent sans doute, mais je ne pense pas, monsieur le secrétaire d'Etat, que nous puissions ce soir établir une balance juste.

Votre collègue Christian Jacob a indiqué ici même, lors de l'examen de la proposition de loi de M. le député Luc-Marie Chatel, que le Conseil national du crédit et du titre devait, avant la fin de ce mois, rendre un avis motivé sur la question du fichier positif.

Mon cher collègue, dans ces conditions, après avoir entendu le Gouvernement, peut-être accepterez-vous de retirer cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat. Les professionnels ont théoriquement l'obligation de se renseigner sur la situation de leurs clients. Toutefois, nous sommes nombreux à avoir constaté dans nos permanences des cas de surendettement excessif, tel que celui qu'a décrit M. Revet.

Le mandat accordé au comité consultatif du Conseil national du crédit et du titre, composé pour partie de représentants des institutions financières et pour partie d'associations de consommateurs, a donné lieu à un rapport qui nous a été remis très récemment et dont les orientations ne sont pas favorables au fichier positif.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Très bien.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat. En d'autres termes, monsieur Revet, la réflexion n'étant pas aboutie, je vous propose, en attendant, de retirer votre amendement.

M. le président. Monsieur Revet, l'amendement n° 53 est-il maintenu ?

M. Charles Revet. J'avais déjà déposé cet amendement voilà deux ou trois ans et il m'avait été répondu...

Mme Odette Terrade. La même chose !

M. Charles Revet. ...qu'il fallait étudier la question et essayer de trouver des solutions.

J'ai bien compris qu'un examen avait eu lieu et qu'un rapport avait été remis. Probablement faut-il procéder autrement et créer un fichier qui ne recense que les emprunteurs surendettés qui n'arrivent pas à faire face, et non les autres. Certes, il faut laisser de la liberté à ceux qui veulent emprunter. Ne pas inscrire ceux qui peuvent assumer leurs dettes me paraît normal. Mais je pense que c'est rendre service aux familles que de les défendre parfois contre elles-mêmes !

Cette question ne pourra pas être éludée : certaines familles vont subir les conséquences de leur surendettement toute leur vie, elles ne s'en remettront jamais et recevront des lettres d'huissier successives. 

Il est de notre responsabilité d'élu, me semble-t-il, de prendre en compte la situation des familles les plus fragiles et de mettre en place des dispositifs qui tendent à y répondre.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur Revet, me permettez-vous de vous interrompre ?

M. Charles Revet. Je vous en prie.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances, avec l'autorisation de l'orateur.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Nous avons tous été témoins, monsieur Revet, de situations financières extrêmement difficiles telles que celles que vous décrivez.

Il est bon que les prêteurs assument aussi leurs responsabilités.

M. Charles Revet. C'est exact !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Je soupçonne certains d'entre eux de ne pas procéder aux diligences élémentaires. Il suffit parfois de se présenter à la caisse du lieu de distribution pour se voir proposer un crédit à la consommation. Peut-être le distributeur touche-t-il d'ailleurs sa dîme au passage !

M. Charles Revet. C'est une certitude !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Ces procédés peuvent être améliorés.

Au demeurant, il existe aujourd'hui une loi de sécurité financière, dont l'initiative revient au Gouvernement et qui doit régler cette question en sanctionnant le prêteur compulsif qui n'aurait pas procédé aux diligences élémentaires.

Cela devrait nous permettre d'éviter de recourir à un fichier global, dont le principe paraît quelque peu effrayant au regard des libertés publiques.

M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur Revet.

M. Charles Revet. Je retire mon amendement tout en souhaitant que nous trouvions des solutions simples et de bon sens pour résoudre ce problème des familles en difficulté.

M. le président. L'amendement n° 53 est retiré.

Art. additionnels après l'art. 2
Dossier législatif : projet de loi pour le soutien à la consommation et à l'investissement
Art. 3

Article 2 bis

Le 7° de l'article L. 341-2 du code monétaire et financier est ainsi rédigé :

« 7° Sans préjudice des dispositions prévues au 6°, aux démarches effectuées pour le compte d'un établissement de crédit en vue de proposer des contrats de financement de ventes à tempérament ou de location aux personnes, physiques ou morales, autres que celles visées au 1°, à la condition que le nom de l'établissement prêteur et le coût du crédit ou de la location soient mentionnés, sous peine de nullité ; ». - (Adopté.)

Art. 2 bis
Dossier législatif : projet de loi pour le soutien à la consommation et à l'investissement
Art. additionnels après l'art. 3

Article 3

I. - A. - Les droits constitués avant le 16 juin 2004 au titre de la réserve spéciale de participation prévue à l'article L. 442-2 du code du travail et les actions ou parts acquises avant la même date dans le cadre des plans d'épargne salariale définis aux articles L. 443-1 et L. 443-1-1 du code du travail ainsi qu'à l'article L. 443-1-2 du même code dans sa rédaction en vigueur avant la publication de la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites, sont, dans les conditions et limites mentionnées au III, négociables ou exigibles avant l'expiration des délais prévus aux articles L. 442-7, L. 442-12 et au premier alinéa de l'article L. 443-6 du code du travail ainsi qu'aux a et b du I de l'article L. 443-1-2 du même code dans sa rédaction susvisée du 16 juin au 31 décembre 2004.

B. - Les modalités d'application des dispositions du A sont définies, selon le cas, par un accord négocié dans les conditions prévues aux articles L. 442-10 et L. 442-11 du code du travail ou, pour les plans d'épargne d'entreprise établis unilatéralement par l'employeur, par une décision du chef d'entreprise.

C. - A défaut d'accord ou de décision intervenu au plus tard le 30 septembre 2004, les dispositions du A sont applicables sur simple demande du bénéficiaire lorsqu'elles portent sur des actions ou parts d'organismes de placement collectif en valeurs mobilières ne relevant pas des articles L. 214-40 ou L. 214-40-1 du code monétaire et financier.

II. - A. - Les sommes attribuées aux salariés au titre de l'intéressement prévu à l'article L. 441-1 du code du travail et versées du 16 juin au 31 décembre 2004 sont, même en l'absence d'affectation à un plan d'épargne d'entreprise dans les conditions prévues à l'article L. 441-6 du code du travail, et dans les conditions et limites mentionnées au III, exonérées d'impôt sur le revenu.

B. - Par dérogation aux articles L. 442-7 et L. 442-12 du code du travail, les sommes attribuées aux salariés au titre de la participation aux résultats de l'entreprise peuvent, dans les conditions et limites mentionnées au III, leur être versées directement du 16 juin au 31 décembre 2004. Ces sommes bénéficient des exonérations prévues à l'article L. 442-8 du code précité.

Toutefois, lorsque l'accord de participation prévoit exclusivement l'attribution d'actions de l'entreprise en application du 1 de l'article L. 442-5 du code du travail ou l'affectation des sommes à un fonds que l'entreprise consacre à des investissements en application du 3 du même article ou à des parts d'organismes de placement collectif en valeurs mobilières relevant de l'article L. 214-40 du code monétaire et financier, l'application des dispositions de l'alinéa précédent est subordonnée à un accord négocié dans les conditions prévues aux articles L. 442-10 et L. 442-11 du code précité.

III. - A. - Le versement ou la délivrance des droits, actions, parts et sommes mentionnés aux I et II s'effectue sur demande des bénéficiaires dans la limite d'un plafond global, net de prélèvements sociaux, de 10 000 ? par bénéficiaire.

B. - Les accords et décisions, mentionnés au B du I et au deuxième alinéa du B du II, peuvent prévoir que le versement ou la délivrance de certaines catégories de droits, actions, parts ou sommes respecte des plafonds particuliers au sein du plafond global prévu au A. Ils ne peuvent toutefois prévoir de tels plafonds pour les actions ou parts d'organismes de placement collectif en valeurs mobilières ne relevant pas des articles L. 214-40 ou L. 214-40-1 du code monétaire et financier.

IV. - Un décret fixe les obligations déclaratives pour l'application du présent article.

V - Dans un délai d'un mois après la promulgation de la présente loi, les entreprises informent leurs salariés des droits dérogatoires créés par le présent article.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 17, présenté par M. Foucaud, Mme Beaudeau, M. Loridant et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Evelyne Didier.

Mme Evelyne Didier. Nous avons toujours eu une approche critique de l'épargne salariale, dès l'époque de la participation et de l'intéressement aux résultats pour les salariés.

Depuis quelques années, l'épargne salariale s'inscrit dans le cadre de la modération salariale, qui est elle-même liée au pacte de stabilité et au fléau que représente le chômage de masse.

Pour certains, l'épargne salariale serait un équivalent fonctionnel des augmentations de salaire et renforcerait la culture d'entreprise. En fait, l'épargne salariale vise avant tout à faire peser une partie du risque financier sur les salariés. Il ne s'agit en rien d'augmentations de salaire puisque les sommes placées sont indisponibles pendant cinq ans et ne peuvent donc être consacrées à la consommation.

Toutefois, à la lecture de l'article 3, dont l'enjeu est relativement important puisque les estimations évoquent le déblocage de 5 milliards d'euros d'épargne salariale constituée, il faut s'interroger sur l'objectif réel de la mesure et se représenter ses éventuels effets pervers.

En fin de compte, nous le savons, ce sont toujours l'emploi, les capacités de production, les investissements durables qui paient la note des épuisantes guerres boursières.

A la limite, l'article 3 est contre-productif au regard des intentions et des objectifs affichés dans ce projet de loi !

Enfin, qui nous garantit que l'épargne débloquée sera affectée à la consommation de biens et de services ?

Nous doutons que ce soit là l'objectif essentiel de cet article. Nous pensons même qu'il est plutôt chaudement recommandé aux salariés d'orienter leur épargne vers les nouveaux plans d'épargne retraite populaire, dits plans Fillon, qui sont, miraculeusement - et comme par hasard ! -, épargnés par la mesure de déblocage.

La réalité est là : en prônant la modération salariale, l'Etat ne peut que prendre ce type de mesures qui consistent, en fait, à modifier le point de chute de l'épargne salariale sans trop en modifier l'encours.

Pour ne pas avoir à augmenter les salaires, l'Etat décide d'utiliser autrement l'épargne, fût-elle modeste, que se constituent les salariés.

Comme l'article 3 n'a pas de portée significative sur la consommation populaire, nous vous proposons, mes chers collègues, de le supprimer en adoptant l'amendement n° 17.

M. le président. L'amendement n° 69, présenté par M. Marini, au nom de la commission, est ainsi libellé :

I. - Au A du I de cet article, remplacer les mots :

avant le 16 juin 2004

par les mots :

avant le 15 juillet 2004

II. - Compléter le I de cet article par un D ainsi rédigé :

D - La perte de recettes résultant pour l'Etat du déblocage anticipé des droits constitués avant le 15 juillet 2004 au titre de la réserve spéciale de participation est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. le rapporteur, pour présenter cet amendement et donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 17.