compte rendu intégral
PRÉSIDENCE DE M. Adrien Gouteyron
vice-président
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PROCÈS-VERBAL
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
Assurance maladie
Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence
M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi n° 420 (2003-2004), adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, relatif à l'assurance maladie. [Rapport n° 424 (2003-2004) et avis n° 425 (2003-2004).]
Nous en sommes parvenus à la discussion des articles.
Je vous rappelle que l'article 1er A et les amendements tendant à insérer des articles additionnels avant ou après l'article 1er, ainsi que les amendements tendant à insérer des articles additionnels avant le titre Ier sont réservés jusqu'après l'article 18 quater.
Article 1er
La section 1 du chapitre Ier du titre Ier du livre Ier du code de la sécurité sociale est complétée par un article L. 111-2-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 111-2-1. - La Nation affirme son attachement à une assurance maladie obligatoire et universelle, garantissant une protection indépendante des situations d'âge et de santé. Elle affirme le caractère solidaire de son financement. Les assurés sociaux contribuent à ce financement selon leurs ressources, sans considération de leur âge ou de leur état de santé.
« L'Etat garantit un accès effectif à des soins de qualité sur l'ensemble du territoire. Les régimes d'assurance maladie veillent à l'exercice de ce droit notamment en favorisant, dans le cadre de leurs compétences, une bonne répartition de l'offre de soins sur le territoire national ou en aidant à la création de maisons médicales. Ils contribuent également à assurer la coordination et la qualité des soins dispensés aux assurés sociaux. Ils concourent à la réalisation des objectifs de la politique de santé publique définis par l'Etat. Ils veillent à un usage efficient des ressources qui leur sont affectées par la Nation. »
M. le président. La parole est à M. Gilbert Chabroux, sur l'article.
M. Gilbert Chabroux. L'article 1er rappelle les principes fondateurs de l'assurance maladie. A l'évidence, nous ne pouvons qu'être tous d'accord avec ces principes : la nation réaffirme son attachement au caractère universel, obligatoire et solidaire de l'assurance maladie. Qui, ici, pourrait dire autre chose ?
Cependant, la question est de savoir la portée que vous entendez donner à ces principes. Le rapporteur, à l'Assemblée nationale, a expliqué que la portée normative de ces dispositions était « relative ». Il est vrai que le projet de loi qui nous est présenté ne garantit pas un accès universel et solidaire à des soins de qualité sur l'ensemble du territoire. Vous faites même le contraire de ce que vous affirmez : vous organisez des réductions, des restrictions, des régressions s'agissant de l'accès aux soins, avec l'instauration d'une franchise par consultation, l'augmentation du forfait hospitalier, l'élargissement de l'assiette de la CSG des actifs, le relèvement du taux de la CSG des retraités imposables. Vous organisez même une médecine à deux vitesses en offrant la liberté tarifaire aux spécialistes et aux patients qui pourront la payer. C'est tout le contraire de la solidarité !
Les mesures relatives au financement qui figurent dans le projet de loi sont particulièrement injustes et déséquilibrées. Les ménages assumeront la quasi-totalité des charges financières nouvelles, au demeurant insuffisantes pour assurer la pérennité de l'assurance maladie.
Nous aurons l'occasion de reparler de l'allongement de la durée de la contribution à la réduction de la dette sociale, la CRDS, qui aura pour effet de faire supporter à nos enfants et à nos petits-enfants la dérive actuelle du système et celle des prochaines années. Où est la solidarité ?
Les entreprises ne sont pas suffisamment mises à contribution puisque leur participation ne s'élèvera qu'à 780 millions d'euros sur un total de 5 milliards d'euros. Or la responsabilité des entreprises existe : il faudrait la rechercher dans la dégradation de la santé de la population, qu'il s'agisse des conditions de travail ou des conséquences environnementales de leur exploitation. Les entreprises devraient donc contribuer plus équitablement au financement de la protection sociale.
Dès lors, je m'interroge sur le sens que vous donnez aux principes : parlons-nous bien de la même chose ?
Nous devrions pourtant nous souvenir de ces principes fondateurs. Il ne faut pas oublier qu'avec les services publics et l'extension des droits des salariés la mise en place des systèmes de protection sociale constitua le pilier de la construction de l'Etat social au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Ces systèmes permirent non seulement de faire disparaître progressivement l'insécurité sociale, mais aussi de faire bénéficier la quasi-totalité des salariés d'un relatif bien-être.
Mes chers collègues, en trente ans, la consommation des ménages et les revenus salariaux ont été multipliés par trois.
Cet Etat social est aujourd'hui attaqué de plein fouet. Pour le Fonds monétaire international et la Banque mondiale, les quarante-cinq années que nous venons de vivre n'ont été qu'une exception dans l'histoire économique. L'Etat social ne put se développer que parce que nous vivions dans une période exceptionnelle ! C'est une allégation que vous avez tendance à reprendre à votre compte en l'appliquant en particulier à la législature précédente et à la croissance qui l'a marquée.
Il en serait donc fini de cette parenthèse. Il s'agirait maintenant d'opérer un simple retour à une situation "normale".
Cette position est aussi, vous l'aurez deviné, celle du MEDEF (Exclamations sur les travées de l'UMP), qui a exprimé clairement ses intentions avec son projet de « refondation sociale », lequel est d'ailleurs mis en oeuvre progressivement par le gouvernement Raffarin.
Selon le MEDEF, le coût global de la Sécurité sociale serait « de plus en plus lourd, comme le montre le montant des cotisations sociales salariales et patronales sur la feuille de paye ». Au total, le système de sécurité sociale à la française ne serait plus « adapté à la situation ».
Or, mes chers collègues, la France n'a cessé de s'enrichir ! S'il est vrai que la part des dépenses de santé dans le PIB a progressé pour atteindre un peu plus de 10 %, elle se situe dans la moyenne des grands pays développés : 10,7 % en Allemagne, 10,9 % en Suisse, 9,7 % au Canada, et même 14 % aux Etats-Unis, mais, je l'ai déjà dit, ce n'est pas un exemple à suivre.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Gilbert Chabroux. La France s'enrichit, le PIB ne cesse de s'accroître - il double tous les quarante ans ! - et vous tournez le dos à la solidarité.
Mes chers collègues, rappeler les principes fondateurs, c'est bien, mais il serait préférable de les appliquer et de respecter avant tout le principe de solidarité. Nous voulons un système d'assurance maladie obligatoire, universel et solidaire dans l'esprit de ceux qui l'ont fondé en 1945. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Jean Chérioux, sur l'article.
M. Jean Chérioux. Je suis toujours très heureux d'entendre parler des principes fondateurs de la sécurité sociale, puisque, ce faisant, on rappelle l'action du général de Gaulle qui l'a instituée. Mais encore faudrait-il que la référence soit exacte.
Pour ma part, je n'ai jamais entendu dire - j'ai pourtant beaucoup étudié ce problème avec les fondateurs - que la sécurité sociale de 1947 était universelle. Elle était réservée aux seuls salariés et c'est dans les années soixante-dix qu'elle a été étendue, par des gouvernements qui n'étaient pas de gauche, à tous les Français ! Elle était également solidaire. Il n'en demeure pas moins que le ticket modérateur d'ordre public comptait parmi les éléments de base du système : cela aussi, vous l'avez oublié ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Très bien !
M. le président. Je suis saisi de douze amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 35, présenté par M. Vasselle, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le texte proposé par cet article pour l'article L. 111-2-1 du code de la sécurité sociale :
« Art. L. 111-2-1 - La Nation affirme son attachement au caractère universel, obligatoire et solidaire de l'assurance maladie.
« Indépendamment de son âge et de son état de santé, chaque assuré social bénéficie, contre le risque et les conséquences de la maladie, d'une protection qu'il finance en proportion de ses ressources.
« L'État, qui définit les objectifs de la politique de santé publique, garantit l'accès effectif des assurés aux soins sur l'ensemble du territoire.
« En partenariat avec les professionnels de santé, les régimes d'assurance maladie veillent à la continuité, à la coordination et à la qualité des soins offerts aux assurés, ainsi qu'à la répartition territoriale homogène de cette offre. Ils accompagnent ainsi l'accomplissement par l'État des missions énoncées à l'alinéa précédent.
« Chacun contribue, pour sa part, au bon usage des ressources consacrées par la Nation à l'assurance maladie. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Vasselle, rapporteur de la commission des affaires sociales. Cet amendement tend à réécrire l'article 1er.
Bien entendu, les grands principes rappelés par cet article ne font l'objet d'aucune contestation de la part de la commission des affaires sociales, loin s'en faut ! Néanmoins, la rédaction proposée n'est pas totalement satisfaisante parce qu'elle n'affirme pas assez clairement l'esprit de la réforme que le Gouvernement nous propose d'adopter.
La réforme prévoit un pacte entre la nation, l'Etat, les régimes, les assurés, les praticiens, fondé sur la collaboration et la responsabilité. La commission s'est donc attachée à définir les principes de la refondation que propose le Gouvernement par le présent projet de loi. Reprenant les principes qui sont sous-tendus dans le texte, elle vous soumet une nouvelle rédaction de ce pacte.
Premièrement, il convient de rappeler le caractère obligatoire, solidaire et universel de l'assurance maladie - principe cher à nos collègues de l'opposition qui considéraient que la loi ne l'affirmait pas suffisamment et qu'elle ne rappelait pas assez le préambule de 1946, d'où leur dépôt de motions tendant à opposer la question préalable et l'exception d'irrecevabilité - et, par là même, le refus de toute organisation alternative de notre système de soins.
C'est là un point clair et net qui devrait lever toute ambiguïté et écarter toute polémique et malentendu.
Deuxièmement, il est essentiel de réserver un traitement prioritaire à l'assuré en le plaçant, s'agissant de l'énoncé de ses droits et de ses devoirs, juste après les principes fondateurs. Celui-ci bénéficie d'une protection à vocation préventive - le risque - et curative - les conséquences de la maladie - et finance cette protection en proportion de ses revenus, quels que soient son âge ou son état de santé.
Troisièmement, il importe d'affirmer le rôle de l'Etat. Ce dernier doit être garant de l'accès de tous aux soins et maître d'oeuvre des politiques de santé publique. Et l'on sait combien le Gouvernement s'est investi dans cette voie.
Quatrièmement, il faut souligner l'implication des régimes d'assurance maladie qui, en partenariat avec les professionnels de santé, doivent veiller à la coordination des soins, à leur qualité et à leur bonne répartition sur le territoire. La mention des professionnels de santé est indispensable sur ces trois objectifs dont la satisfaction devra beaucoup à leur engagement.
Enfin, cinquièmement, l'accent doit être mis sur l'attention que tous les acteurs - les tuteurs, les régimes, les prescripteurs, les assurés - doivent porter au bon usage des fonds consacrés à l'assurance maladie par la nation.
Cette nouvelle rédaction de l'article 1er qui est suggérée par la commission devrait conforter le Gouvernement dans son objectif de réforme et dans son action et le conduire à émettre un avis favorable.
M. le président. L'amendement n° 325, présenté par Mme Demessine, MM. Autain, Fischer, Muzeau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L.111-2-1 du code de la sécurité sociale, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« La Nation assure à tous les citoyens, au moyen de la sécurité sociale, des moyens d'existence dans tous les cas où ils sont incapables de se les procurer par le travail.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Cet amendement vise à rappeler les valeurs et les principes qui doivent guider toute réforme de la protection sociale. Inscrits dans notre Constitution, ils ne doivent en aucun cas être sacrifiés par une quelconque réforme comptable à courte vue.
Cet héritage, issu du pluralisme et de la Résistance, a marqué profondément notre société au point d'en faire un modèle international.
Je souhaite, par ailleurs, souligner que ces valeurs et principes fondamentaux se conjuguent parfaitement avec la définition de l'Organisation mondiale de la santé, qui qualifie la santé comme étant un « état complet de bien-être physique, mental et social ».
Nous aurions voulu voir cet objectif inscrit clairement dans votre projet de réforme. Mais vous vous attachez à démontrer aux citoyens, point par point et à grand renfort de culpabilisation, que vous n'avez pas les moyens financiers pour conduire cette politique, que la santé de chacun, et plus encore celle des personnes démunies, constitue un coût et non pas une ressource à valoriser dans l'intérêt de la collectivité.
Je rappelle une nouvelle fois que si les employeurs cessaient de dissimuler une grande partie des accidents du travail et des maladies professionnelles, la sécurité sociale serait largement bénéficiaire ; la santé au travail et la santé publique ne s'en porteraient que mieux !
En instituant une sécurité face aux aléas de la vie, les fondateurs de la sécurité sociale affirmaient leur ambition d'assurer un haut niveau de santé pour l'ensemble de la population et de garantir à chacun la possibilité de mener une vie digne, quel que soit le niveau des ressources tirées du travail.
Réaffirmer ces principes est nécessaire et urgent dans le contexte de cette réforme où chaque mesure contribue à privilégier l'individuel et le privé au détriment du collectif et de la socialisation des besoins.
Tel est le sens de cet amendement que je vous propose d'adopter, mes chers collègues.
M. le président. L'amendement n° 326, présenté par Mme Demessine, MM. Autain, Fischer, Muzeau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L.111-2-1 du code de la sécurité sociale, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« La Nation fait le choix social et politique d'assurer le plus haut niveau de santé que lui permet la technique médicale. Elle crée les conditions objectives pour tendre vers un financement intégral de la prise en charge des soins et elle se donne les moyens financiers d'atteindre cet objectif dans l'intérêt des assurés sociaux.
La parole est à M. François Autain.
M. François Autain. Par cet amendement, nous souhaitons réaffirmer avec force qu'il ne suffit pas de déclarer son attachement à une assurance maladie « obligatoire et universelle » : la nation se doit de traduire ces qualités fondamentales dans le quotidien de chacune et de chacun.
Le caractère obligatoire et universel de l'assurance maladie impose que les textes prennent en compte les inégalités qui ne cessent de croître sur notre territoire ; nous sommes tous d'accord sur ce point, me semble-t-il.
Si l'on peut constater un allongement général de la durée de vie, il faut bien reconnaître que ce phénomène est le résultat du progrès accompli dans nos sociétés occidentales. Il est donc tout à fait légitime que chacun de nos concitoyens puisse en bénéficier, quelles que soient ses ressources et sa contribution.
Or, dans ce mouvement général de progrès, il nous faut souligner que la surmortalité des ouvriers et des employés par rapport aux cadres supérieurs et aux professions libérales ne s'est que légèrement réduite. Notre pays détient, hélas ! le triste record européen des écarts de durée de vie entre catégories sociales.
L'incidence des conditions de vie et de travail dans la construction de la santé n'est plus à démontrer. La réforme de la sécurité sociale se devait d'appréhender les évolutions sociales en termes de besoins nouveaux, de nouvelles pratiques collectives, afin d'élargir la prise en charge de l'assurance maladie.
Au lieu de cela, vous nous proposez, monsieur le ministre, de réduire le périmètre des soins couverts par le régime de base, laissant ainsi au régime complémentaire une responsabilité croissante dans la couverture sociale et l'accès aux soins.
Vous allez même jusqu'à imputer une franchise de 1 euro par acte médical aux victimes des accidents du travail et des maladies professionnelles, alors même que la législation prévoit, à juste titre, la gratuité totale des soins pour cette catégorie de patients.
Les inégalités sociales de santé constituent le principal défaut de notre système de protection sociale.
Aussi, par cet amendement, nous souhaitons voir confirmer le choix politique et social qui a été opéré voilà longtemps. A cet égard, pour éviter la polémique avec notre éminent collègue M. Chérioux, je n'évoquerai pas le Conseil national de la Résistance.
M. Jean Chérioux. Institué par le général de Gaulle !
M. François Autain. J'allais le dire, mon cher collègue !
Mme Nicole Borvo. Il n'était pas seul !
M. François Autain. Nous souhaitons donc que soient réaffirmés les principes fixant les conditions dans lesquelles doit être effectuée la couverture intégrale des dépenses de soins et de prévention.
M. le président. L'amendement n° 327, présenté par Mme Demessine, MM. Autain, Fischer, Muzeau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Dans la première phrase du premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 11121 du code de la sécurité sociale, après les mots :
garantissant une protection
insérer les mots :
de haut niveau.
La parole est à M. François Autain.
M. François Autain. Par cet amendement, nous souhaitons affirmer une dimension nouvelle que le législateur doit impérativement prendre en compte dans le présent texte.
Cette nouvelle dimension correspond à la vision contemporaine d'un système de sécurité sociale universel, solidaire et égalitaire, garantissant à chacun, sans discrimination, un haut niveau de protection sociale, ce que personne ne conteste, me semble-t-il.
En effet, les progrès de la médecine, des sciences et des techniques ouvrent des possibilités immenses et concrètes pour que tous accèdent à des soins de haute qualité.
Il ne s'agit pas uniquement de maladie ou de technologie médicale, bien que, sur ce seul thème, les inégalités persistent et, hélas ! tendent à se creuser.
La qualité des soins dans nos sociétés développées doit se traduire par la mise en oeuvre d'actions de prévention, d'interventions sur la précarisation des conditions travail, la mise en oeuvre d'une conception globale et sociétale de la santé à laquelle l'Organisation mondiale de la santé nous invite à faire référence.
Les besoins humains, qui témoignent des transformations du monde et de ses avancées, imposent une adaptation permanente et concrète de notre système de protection sociale.
Ce qui doit prévaloir pour déterminer le périmètre de soins pris en charge collectivement, c'est non pas la recherche d'économie, mais la santé.
Cela oblige, bien évidemment - nous ne cesserons de le répéter au cours de ce débat - à concevoir le financement de la sécurité sociale non seulement du point de vue du rationnement des dépenses, mais également de celui du déficit des recettes.
Intervenir sur les recettes de l'assurance maladie permettrait d'élargir la couverture sociale aux besoins spécifiques de nos sociétés et d'assurer à chacun de nos concitoyens un égal accès aux progrès de la connaissance.
M. le président. L'amendement n° 328, présenté par Mme Demessine, MM. Autain, Fischer, Muzeau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Dans la dernière phrase du premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 11121 du code de la sécurité sociale, après le mot :
ressources
insérer les mots :
et reçoivent selon leurs besoins
La parole est à M. François Autain.
M. François Autain. Le principe de solidarité répond à une logique de réciprocité, qui se concrétise par la possibilité de contribuer selon ses ressources - et comment pourrait-il en être autrement ? - mais aussi par l'exigence de recevoir selon ses besoins, ce qui n'est pas précisé dans l'article 1er. Ce principe est important, car il fonde notre sécurité sociale.
Vous nous objecterez que cet aspect est implicite et qu'en matière de santé les Français reçoivent selon leurs besoins.
Au-delà du fait qu'elle a pour vocation de clarifier les fonctionnements, la législation s'accommode très mal du caractère implicite d'un texte.
Par ailleurs, et plus sérieusement, la réalité sociale et sanitaire de notre pays rattrape et balaye cet argument.
Aurons-nous le courage de répondre aux 15% de Français qui renoncent aux soins pour des raisons financières, qu'ils reçoivent selon leurs besoins ? Je pense que les principes ne sont pas respectés dans ce domaine.
Faut-il que ces personnes se présentent aux urgences des hôpitaux pour espérer être traités également face à la maladie?
De plus, avec le présent texte, ces personnes devront dorénavant, si elles ne sont pas hospitalisées, acquitter elles aussi une somme forfaitaire : vous l'avez fixée à 1 euro, mais elle est vraisemblablement appelée à augmenter.
Pourquoi craindre d'inscrire noir sur blanc la juste réciprocité de la contribution solidaire, si ce n'est pour garder la possibilité de réduire pas à pas la couverture de protection sociale ? Le moins que l'on puisse dire est que vous ne vous en privez pas : augmentation du forfait hospitalier, déremboursement des médicaments, institution du forfait non remboursable de 1 euro, introduction des assurances complémentaires. Et la liste n'est pas close !
Puisque vous invoquez sans hésitation les fondements de l'assurance maladie, nous vous demandons de garantir dans le droit l'exigence pour chaque citoyen d'être soigné selon ses besoins.
M. le président. L'amendement n° 118, présenté par MM. Chabroux, Godefroy et Domeizel, Mme Printz, MM. Vantomme, Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :
Après le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 111-2-1 du code de la sécurité sociale, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Notre système de santé assure la garantie de droits fondamentaux, constitue un outil majeur de solidarité et un puissant vecteur de cohésion sociale. L'introduction des assurances privées dans la couverture maladie de base est refusée par le Gouvernement car elle est incompatible avec sa volonté de promouvoir un égal accès de tous aux soins.
La parole est à M. Gilbert Chabroux.
M. Gilbert Chabroux. Par cet amendement, nous souhaitons apporter une précision indispensable. Nous voudrions que soit refusée l'introduction des assurances privées dans la couverture maladie de base. Celle-ci serait en effet incompatible avec la volonté affichée par le Gouvernement de promouvoir un égal accès de tous aux soins.
Le marché des assurances complémentaires de santé pèse actuellement plus de 20 milliards d'euros, représentant le montant des cotisations ou des primes et répartis ainsi : 60 % pour les mutuelles, 20 % pour les sociétés d'assurance et 20 % pour les institutions de prévoyance. Ce marché est profondément inégalitaire et nous ne souhaitons pas qu'il se généralise.
En dehors de certaines mutuelles de la fonction publique qui conservent des principes solidaires - cotisations en fonction des revenus, offre de prestation unique -, le marché des contrats individuels est une jungle complète : on paie davantage en fonction de son âge, du nombre d'enfants à charge ; les cotisations ne sont pas liées aux revenus et aucun avantage fiscal n'est offert en contrepartie. Telle est la situation dans laquelle se retrouvent la plupart des salariés sortant des contrats collectifs pour cause de licenciement ou de retraite.
Il n'est pas rare qu'une famille avec deux enfants débourse plus de 100 euros par mois pour un contrat « moyen », c'est-à-dire bien plus que le chiffre avancé par certains. En dehors des plus pauvres, couverts par la couverture maladie universelle complémentaire, on estime que 5 % de la population ne dispose pas de complémentaire santé, du fait de son coût.
Nous ne voulons pas élargir le champ d'intervention des assurances privées ni que celles-ci puissent intervenir dans la couverture de base. Il faut refuser cette intervention de la façon la plus claire possible, car elle est incompatible, je le répète, avec la volonté que nous affichons tous de promouvoir un égal accès aux soins.
Il faut donc préciser dans la loi le caractère public de l'assurance maladie et exclure les assurances privées de ce secteur d'intervention.
M. le président. L'amendement n° 329, présenté par Mme Demessine, MM. Autain, Fischer, Muzeau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi la première phrase du second alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 111-2-1 du code de la sécurité sociale :
L'Etat garantit un libre et égal accès effectif de tous les assurés sociaux à des soins de qualité nécessités par leur état et à la prévention, sans discrimination, sur l'ensemble du territoire.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Avec cet amendement, nous entendons préciser et compléter les dispositions de l'article 1er, en l'occurrence celles qui insistent sur l'accès aux soins, dans la mesure où celui-ci est une condition de la protection effective de la santé de chacun.
Chaque terme de notre proposition est important.
En premier lieu, nous tenons à ce que le texte indique que c'est l'Etat, et non l'assurance maladie, qui est responsable de la bonne répartition de l'offre de soins et de l'égalité des droits à la santé.
Comment, d'ailleurs, pourrait-il en être autrement, dans la mesure où l'assurance maladie dispose de peu d'outils pour modifier la répartition de l'offre de soins ?
Même si le projet de loi vise à donner en quelque sorte une certaine délégation de pouvoir à l'Union nationale de coordination des associations militaires, l'UNCAM, et tente d'associer davantage l'assurance maladie via le comité de l'hospitalisation, il n'en reste pas moins que l'Etat fixe le numerus clausus et décide des restructurations hospitalières, entre autres. C'est l'une des raisons qui a conduit l'Assemblée nationale à modifier l'article 1er en substituant l'Etat à l'assurance maladie.
En outre, c'est pour nous un moyen de réaffirmer que l'Etat a des compétences régaliennes et qu'il est tenu par les droits posés dans le Préambule de 1946.
Dans le contexte actuel de décentralisation et de réorganisation des politiques de santé, il convient selon nous de poser sans ambiguïté la responsabilité première de l'Etat pour garantir l'accès aux soins.
Notre proposition entend, en second lieu, ajouter à la notion d'accès effectif aux soins, celles de liberté et d'égalité. Ce rappel se justifie d'autant plus que le corps et l'économie générale du projet de loi sont en totale contradiction avec le prétendu attachement du Gouvernement aux principes philosophiques du système d'assurance maladie français.
Nous verrons ultérieurement que le libre et égal accès de chacun au médecin de son choix a vécu même si, je vous l'accorde, cette liberté était déjà toute relative dans la mesure où elle était conditionnée en grande partie par l'état de l'offre de soins et des revenus de chacun. Il n'empêche que l'on ne saurait accepter la logique des articles 4 et 5, qui contraignent financièrement les patients, mais déverrouillent les tarifs des médecins.
Enfin, notre amendement a le mérite de réintroduire dans le texte la notion de prévention.
Consciente de la faible portée juridique des principes énoncés en chapeau du projet de loi même s'ils s'intègrent au code de la sécurité sociale, je n'en désire pas moins que le Sénat retienne la rédaction proposée par le groupe communiste.
M. le président. L'amendement n° 330, présenté par Mme Demessine, MM. Autain, Fischer, Muzeau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Dans la deuxième phrase du second alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 111-2-1 du code de la sécurité sociale après les mots :
ce droit notamment
insérer les mots :
en assurant une prise en charge totale des dépenses de soins et de prévention, et
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. La catastrophe sanitaire liée à la canicule de l'été 2003, l'amiante, les éthers de glycol, les cancers professionnels et environnementaux, l'obésité, les accidents du travail, les pathologies liées à la précarité socio-économique ! Combien faudra-t-il de décès dus à la « mal-vie », à la dépression et au stress pour que la prévention prenne la place qu'elle devrait tenir dans notre système de soins et de protection sociale ?
La seule logique de la réparation des corps est aujourd'hui inacceptable. Combien d'hospitalisations indues, de sur-médication, de dégradations de l'état de santé pourrions-nous éviter si, une fois pour toutes, les missions préventives des acteurs et des structures de soins étaient reconnues, affirmées et financées à la hauteur des enjeux économiques et sociaux de notre pays ?
Que la prévention soit absente de cette réforme ne nous surprend pas. Le fait de survaloriser les vertus du dialogue singulier entre patient et médecin permet de faire l'impasse sur la dimension collective de la santé et de renvoyer aux responsabilités individuelles le poids des dysfonctionnements causés par les orientations nationales.
Le rapport de la Cour des comptes, que l'on ne pourra suspecter de légèreté d'analyse, concernant l'action de prévention face aux risques induits par l'amiante concluait en 2002 : « Le contrôle effectué sur les principales composantes de l'institution prévention montre que ses modes actuels de fonctionnement nécessitent à cet égard une profonde révision. »
Notre politique publique doit prendre en compte la dimension préventive de son action, et ce à l'échelle de la société dans son ensemble. Toutes les études internationales montrent que les catégories sociales favorisées ont, plus que les autres, recours à la prévention et qu'elles savent utiliser de façon précoce les soins de la médecine de ville.
Le devoir prioritaire des autorités publiques est donc de garantir une éducation à la santé dès le plus jeune âge, d'organiser la prévention des risques professionnels au plus près des réalités des entreprises et de favoriser la coordination des actions de prévention dans une approche pluridisciplinaire.
M. le président. L'amendement n° 332, présenté par Mme Demessine, MM. Autain, Fischer, Muzeau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi l'avant dernière phrase du second alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 111-2-1 du code de la sécurité sociale :
Ils concourent à la réalisation des objectifs de la politique de santé publique définis par l'Etat, à la réduction des inégalités de santé, notamment par la promotion de la santé et par le développement du libre et égal accès aux soins et aux diagnostics sur l'ensemble du territoire.
La parole est à M. François Autain.
M. François Autain. Dans le projet de loi, il est indiqué que les régimes d'assurance maladie « concourent à la réalisation des objectifs de la politique de santé publique définis par l'État. »
Cette affirmation de bon sens, qui reprend le principe du partage des compétences en matière de politique de santé entre l'Etat, qui fixe les priorités, et l'ensemble des acteurs, dont l'assurance maladie, chargés de sa mise en oeuvre n'appelle pas de notre part de remarques particulières.
Un ajout s'impose tout de même. En effet, l'une des caractéristiques de la population française, s'agissant du domaine de la santé, est qu'elle bénéficie de gains d'espérance de vie non négligeable : actuellement, un trimestre par an à la naissance. Mais une autre de ses caractéristiques est que les inégalités sociales et géographiques demeurent fortes. Nous aurons l'occasion d'en reparler au cours du débat.
Lors de l'examen de la loi de santé publique, nous avions déploré l'absence de prise en compte de l'ensemble des facteurs d'inégalités.
Si l'amélioration du système de santé et un meilleur accès aux soins et à la prévention sont effectivement de nature à diminuer ces inégalités, on ne saurait négliger pour autant l'incidence de l'environnement, des conditions de travail, de vie quotidienne et de logement.
Malheureusement, nous n'avons pas réussi à vous convaincre. Parmi la centaine d'objectifs recensés dans la loi de santé publique figure seulement la réduction des inégalités devant la maladie et la mort.
Je n'ouvrirai pas à nouveau ce débat maintenant. A travers cet amendement, nous entendons seulement préciser que la réduction des inégalités doit être le fil conducteur des politiques de santé.
En outre, si l'assurance maladie, principal financeur des soins et dispositifs de prévention, a tout naturellement vocation à participer à la mise en oeuvre de ces politiques, nous voulons que soit fait mention dans cet article des outils dont elle doit se servir, parmi lesquels figurent la prévention et l'éducation à la santé, au même titre que le développement et la garantie d'un accès égal pour tous, sans discrimination, à un système de soins de qualité.
M. le président. L'amendement n° 331, présenté par Mme Demessine, MM. Autain, Fischer, Muzeau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi la dernière phrase du second alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 111-2-1 du code de la sécurité sociale :
Ils veillent au meilleur usage possible, dans le strict intérêt des assurés sociaux, des ressources qui lui sont consacrées.
La parole est à M. François Autain.
M. François Autain. La dernière phrase du dernier alinéa de l'article 1er aborde la question de l'efficience de l'action des régimes d'assurance maladie. On peut d'ailleurs s'interroger sur l'avenir de ce dernier alinéa à la suite du dépôt de l'amendement de M. le rapporteur. Mais faisons comme s'il allait être maintenu !
Le texte prévoit donc que les régimes d'assurance maladie « veillent à un usage efficient des ressources qui sont affectées par la Nation. »
A priori, une telle affirmation n'est pas choquante, bien au contraire. Personne ici n'est favorable au gaspillage. Nous souhaitons tous que notre système de santé, envié à l'étranger, demeure le meilleur du monde.
Toutefois, ce rappel doit être mis en perspective avec l'ensemble du texte, dont un grand nombre de dispositions sont destinées, non pas à assurer une meilleure satisfaction des besoins de soins et de prévention, mais à encourager les caisses à respecter les décisions de l'ONDAM, même si beaucoup d'incertitudes demeurent à cet égard.
En effet - il en a été question dans la discussion générale et M. le ministre aura sans doute l'occasion d'y revenir au cours du débat -, le Gouvernement prévoit de déposer un projet de loi organique précisant les conditions dans lesquelles le Parlement discutera du financement de la sécurité sociale. Sans que l'on connaisse le contenu de ce projet de loi annoncé, on peut prévoir que le caractère opposable des décisions de l'ONDAM y sera sensiblement renforcé.
Si j'ai bien saisi les nouveaux mécanismes que ce texte met en place, il apparaît que, chaque fois que l'alerte aura été déclenchée en raison des risques de dépassement de l'ONDAM, le directeur général de la CNAM sera compétent pour prendre les décisions qui s'imposent.
Ainsi pourront être décidées des restrictions du périmètre des soins et prestations pris en charge par l'assurance maladie, par exemple des réductions de taux de remboursement.
Tout cela sera flottant. Ainsi, aux lettres clés flottantes qui ont existé et ont été supprimées, sera substitué le remboursement flottant de la consultation. Face à de telles incertitudes, nous sommes inquiets.
Vous-même, monsieur le ministre, invoquez beaucoup les abus, qui demeurent marginaux, afin d'imposer au plus grand nombre, c'est-à-dire aux seuls assurés, une augmentation des dépenses de santé restant à leur charge.
Si nous sommes d'accord pour rechercher l'efficacité du système, afin de savoir à quoi sont utilisées les sommes affectées par la collectivité au système de soins, nous posons comme préalable la réduction des inégalités de santé.
Monsieur le ministre, je crains fort que cette réforme ne garantisse plus à chacun de nos concitoyens l'égal accès aux soins que nécessite son état.
C'est pourquoi, par précaution, mais également par souci de précision, nous souhaitons que les régimes d'assurance maladie « veillent au meilleur usage possible, dans le strict intérêt des assurés sociaux, des ressources qui lui sont consacrées. »
Une notion semblable figure déjà dans le code de la sécurité sociale : l'article L 162-2-1 dispose, en effet, que les médecins sont tenus, dans leurs actes et prescriptions, d'observer la plus stricte économie compatible avec la qualité, la sécurité et l'efficacité des soins.
M. le président. L'amendement n° 29, présenté par MM. Othily, Pelletier, Désiré et Larifla, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par cet article pour l'article L. 11121 du code de la sécurité sociale, par un alinéa ainsi rédigé :
« A ces titres, ils peuvent mettre en oeuvre des dispositifs exceptionnels dans les territoires les plus défavorisés, notamment pour l'outre-mer, au moyen de l'article 62 de la loi n° 2003660 de programme pour l'outre-mer. »
La parole est à M. Georges Othily.
M. Georges Othily. Le Gouvernement souhaite, dans ce projet de loi, réaffirmer les principes sur lesquels l'assurance maladie a été fondée.
Notre système d'assurance maladie est, bien sûr, obligatoire, universel et solidaire.
Conformément à l'article 38 de la Constitution, le Gouvernement avait prévu, dans l'article 62 de la loi de programme pour l'outre-mer, de pouvoir prendre, par ordonnance, des dispositions en ce qui concerne la santé, la sécurité sociale et la protection sanitaire et sociale outre-mer : ainsi, après la révision de la Constitution, aux termes du nouvel article 73, des dispositions particulières et spécifiques peuvent être prises en faveur de l'outre-mer.
Le présent amendement vise à compléter l'article 62 de la loi de programme pour l'outre-mer, afin de permettre des adaptations au nom des grands principes évoqués dans ce projet de loi.
M. le président. L'amendement n° 119, présenté par MM. Chabroux, Godefroy et Domeizel, Mme Printz, MM. Vantomme, Sueur et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par cet article pour l'article L. 11121 du code de la sécurité sociale par un alinéa ainsi rédigé :
« L'assurance maladie garantit le meilleur niveau de prise en charge de dépenses de santé pour chacun sans considération d'âge, de santé et de ressources. »
La parole est à M. Gilbert Chabroux.
M. Gilbert Chabroux. Je tiens à revenir sur le problème des inégalités, qui sont criantes sur le plan tant géographique que social. Il me semble que ce projet de loi devrait avoir pour objet de lutter avec la plus grande détermination contre ces inégalités, qui sont vécues comme de profondes injustices.
Il ne saurait y avoir de démocratie achevée sans que ne soient fortement combattues les inégalités devant la maladie, le vieillissement ou la mort.
Je ne citerai que quelques chiffres.
Une étude de l'INSERM publiée en 2000 montre que si l'on prend le chiffre 1 comme moyenne nationale de la mortalité des hommes entre quarante-cinq ans et cinquante-neuf ans, cette moyenne est de 0,76 pour les non manuels et de 1,3 pour les manuels, soit deux fois plus. Il s'agit là d'un écart considérable et gravissime ; cela devrait être au coeur de notre débat.
Il est d'autres inégalités, que nous devons combattre de toutes nos forces.
S'agissant du cancer - le Président de la République vient de faire le point sur le plan cancer un an après - il existe aussi des inégalités invraisemblables, inimaginables, incompréhensibles. Il faut tout mettre en oeuvre pour qu'elles disparaissent. Le cancer progresse fortement.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C'est normal, avec le vieillissement !
M. François Autain. L'étude la plus récente montre une progression de 63 % des nouveaux cas entre 1980 et 2000. Seuls 25 % de ceux-ci sont liés au changement démographique.
Les ouvriers et les employés ont, par rapport aux cadres supérieurs et aux professions libérales, 3,2 fois plus de cancers contre 2,8 fois plus il y a huit ans - cela s'aggrave - mais aussi 5,2 fois plus de diabète contre 3,8 fois plus il y a huit ans. Le taux de cancer varie de 50 % entre la région Nord-Pas-de-Calais et la région Midi-Pyrénées.
Monsieur le ministre, que faites-vous des principes fondateurs que vous avez affirmés à l'article 1er ? Comment les mettez-vous en oeuvre ? Alors que vous semblez y tenir, ils s'envolent, en fait, dès l'article 2, et vous nous présentez un texte très injuste, très inégalitaire, contraire à l'esprit de solidarité.
Je me permets d'insister : je demande que l'assurance maladie garantisse « le meilleur niveau de prise en charge de dépenses de santé pour chacun sans considération d'âge, de santé et de ressources. »
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. Dans un souci d'efficacité, je donnerai un avis global sur l'ensemble de ces amendements.
Par son amendement n° 35, la commission propose une nouvelle rédaction de l'article 1er. Les explications que j'ai données tout à l'heure auraient dû être de nature à convaincre la plupart des auteurs des amendements qui viennent d'être défendus, à quelques rares exceptions près. Mais le jeu parlementaire permet à chacun de pouvoir défendre les idées auxquelles il est attaché et de formuler des demandes bien légitimes, même si, par ailleurs, la commission a globalement satisfait d'avance ces demandes.
Par l'amendement n° 325, nos collègues du groupe communiste républicain et citoyen font référence au RMI, qui relève de l'Etat et non pas de la sécurité sociale. Ils comprendront donc les raisons pour lesquelles je ne peux approuver leur proposition, sans pour autant remettre en cause le fait que les familles défavorisées ont besoin de moyens de subsistance suffisants pour vivre dignement et faire face aux exigences de la vie courante.
Monsieur Othily, nous comprenons bien les spécificités de l'outre-mer. Je ne doute pas que le Gouvernement en sera respectueux, car satisfaire ces besoins constitue, bien évidemment, un impératif pour la nation tout entière.
Dans notre esprit, l'expression « Français de métropole » recouvre également les Français qui se trouvent outre-mer, cela va de soi ; si cela va sans doute mieux en le disant, votre proposition trouvera davantage sa place dans d'autres dispositions de ce texte que nous examinerons ultérieurement.
Je rappelle à M. Othily que le Sénat s'est tout particulièrement intéressé à la Guyane, puisque, voilà cinq ans, une délégation de la commission des affaires sociales, alors présidée par M. Delaneau, s'y est rendue pour conduire une mission d'information sur la situation sanitaire.
La commission avait d'ailleurs, à cette occasion, formulé de nombreuses propositions, sur l'importance desquelles je tiens à attirer l'attention du Gouvernement. Je ne doute pas qu'il y apportera l'attention et la réponse que vous pouvez être en droit d'attendre.
Chacun aura compris que l'avis de la commission est défavorable sur l'ensemble des amendements.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la santé et de la protection sociale. En ce qui concerne, tout d'abord, l'amendement n° 118, je tiens à dire à M. Chabroux que nous donnons, au contraire, une vraie force aux principes qu'il a rappelés, et qui sont le socle de notre assurance maladie, puisque nous les intégrons dans le code de la sécurité sociale, à savoir l'universalité - comme le soulignait M. Chérioux, en 1945, il était question uniquement de rémunérations de remplacement, et non pas d'universalité - mais aussi la solidarité, l'égal accès aux soins et la qualité de ces derniers.
Le Gouvernement est très attaché à l'article 1er et il émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Monsieur le rapporteur, l'Assemblée nationale a amélioré la rédaction de l'article 1er, pour rappeler la responsabilité éminente de l'Etat dans l'organisation de l'offre soins sur le territoire.
L'amendement n° 35 de la commission tend à souligner l'importance de l'Etat, des assurés sociaux, des caisses d'assurances maladie et des professionnels de santé.
Je vous remercie d'avoir mis en avant les professionnels de santé, qui, en effet, comme vous l'avez rappelé à l'instant, monsieur le rapporteur, jouent un rôle très important dans le système.
Je souscris à cette rédaction. Permettez-moi simplement de noter qu'à mon avis l'Assemblée nationale a retenu une définition plus active du rôle des caisses d'assurance maladie.
C'est la raison pour laquelle je m'en remets à la sagesse du Sénat concernant cet amendement.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Nous y reviendrons lors de la commission mixte paritaire !
M. Philippe Douste-Blazy, ministre. Tout cela va en effet dans le bon sens.
L'amendement n° 325 nous entraîne très loin du sujet de notre débat. A l'évidence, le présent projet de loi vise, d'abord et avant tout, à assurer le redressement et la pérennité de notre système d'assurance maladie, et non à repenser l'ensemble du système social de notre pays. Je demande donc le rejet de cet amendement.
Avec l'amendement n° 326, vous êtes ambitieux, monsieur Autain, pour notre système d'assurance maladie. Le Gouvernement l'est aussi. Vous proposez le plus haut niveau de santé pour tous. Le Gouvernement met en place les conditions d'une meilleure organisation et d'une meilleure coordination du système de soins en développant la culture de la qualité.
Vous proposez la gratuité pour tous. Outre qu'elle se traduirait par une hausse considérable de nos prélèvements obligatoires, elle ferait fi de la prise de conscience collective nécessaire que la santé a un coût. C'est la porte ouverte à une augmentation ultérieure encore plus importante des dépenses d'assurance maladie.
A l'Assemblée nationale, M. Eberhardt et M. Gremetz parlaient de plus de 20 milliards d'euros de dépenses. Il faut alors trouver les recettes.
Le Gouvernement propose, pour sa part, une série d'outils pour médicaliser davantage la prise en charge des assurés sociaux et faire en sorte que notre système soit plus efficace.
Je demande donc le rejet de cet amendement.
Avec l'amendement n° 327, vous proposez d'indiquer que la protection sociale doit être de haut niveau. On ne peut qu'approuver l'idée générale qui sous-tend cet amendement, mais le Gouvernement s'est proposé de l'illustrer plus concrètement dans cet article 1er.
Je préfère la formulation de ces engagements précis au qualificatif plus vague que vous proposez. Je suis donc défavorable à cet amendement.
L'amendement n° 328 me semble inutile. Je vous renvoie à l'exposé des motifs du projet de loi : de chacun selon ses ressources, à chacun selon ses besoins. C'est le régime solidaire tel qu'il est défini à l'article 1er. Je propose donc le rejet de cet amendement.
L'amendement n° 118 me semble quelque peu hors sujet, monsieur Chabroux. Je le redis encore une fois : ce plan n'opère pas de transfert vers les assurances et les mutuelles ; il n'y a pas plus de privatisation rampante que d'étatisation.
En revanche, le Gouvernement revendique l'ambition que les organismes d'assurance complémentaire, qui couvrent 85 % de nos concitoyens, soient beaucoup mieux associés aux orientations et aux décisions sur l'assurance maladie, notamment aux décisions sur le remboursement. C'est ce que prévoit le projet de création de l'Union des organismes d'assurance maladie complémentaire.
Je suis donc défavorable à cet amendement.
L'amendement n° 329 traite de la politique de prévention, qui constitue l'un des éléments essentiels de la politique de santé publique du Gouvernement. L'assurance maladie doit bien sûr y participer, vous avez raison, madame David. D'ailleurs, l'article 1er mentionne bien que les régimes d'assurance maladie « concourent à la réalisation des objectifs de la politique de santé publique définis par l'Etat. »
Votre amendement est donc déjà pleinement satisfait sur ce point. C'est la raison pour laquelle j'y suis défavorable.
L'amendement n° 330 vise à introduire la gratuité pour tous. Je viens de répondre à M. Autain sur ce sujet et j'émets donc un avis défavorable sur cet amendement.
L'amendement n° 332 n'apporte pas d'éléments nouveaux, monsieur Autain. Oui, les caisses d'assurance maladie « concourent à la réalisation des objectifs de la politique de santé publique définis par l'Etat » ; l'article 1er le prévoit. Parmi ces objectifs figure la réduction des inégalités de santé, qu'elles soient géographiques ou sociales. Je suis donc également défavorable à cet amendement.
L'amendement n° 331 tend à supprimer la notion d'efficience, alors que le Gouvernement revendique cet objectif.
L'efficience, c'est l'impératif de la bonne gestion qui s'impose aux responsables des caisses. L'efficience, c'est le devoir de faire en sorte que chaque euro de recettes soit consacré à un besoin médicalement justifié. L'efficience, c'est la lutte contre la fraude, les abus et les dépenses redondantes. L'efficience, c'est bien l'intérêt premier des assurés sociaux.
Vous avez fait allusion à une loi organique, monsieur Autain. Nous aurons l'occasion d'en reparler. C'est l'occasion pour moi de vous redire que nous ne voulons pas d'une maîtrise comptable. Je suis donc défavorable à cet amendement.
Monsieur Othily, je ne peux, je le crains, être favorable à votre amendement n° 29, même si je comprends votre intention.
L'article 1er est un article de principe, un article fédérateur, qui a vocation à réaffirmer ce qui unit tous les Français autour de leur système de protection sociale. A cet égard, les mêmes droits et les mêmes devoirs doivent s'appliquer sur l'ensemble du territoire de la République, en métropole comme dans les départements d'outre-mer.
La situation particulière des départements et territoires d'outre-mer peut effectivement justifier des mesures d'adaptation du système de santé ou du dispositif de protection sociale. Mais l'article 62 de la loi de programme pour l'outre-mer du 21 juillet 2003, auquel votre amendement fait référence et que vous avez évoqué, donne d'ores et déjà au Gouvernement la possibilité de prendre par ordonnances les mesures nécessaires pour actualiser et adapter le droit applicable en matière de sécurité sociale et de protection sanitaire et sociale dans les départements d'outre-mer.
Ces dispositions me semblent suffisamment précises. Il n'est donc pas nécessaire d'introduire une nouvelle mesure concernant l'assurance maladie. C'est la raison pour laquelle je vous propose d'en rester à la rédaction actuelle de l'article 1er.
L'amendement n° 119 énonce des principes généraux que l'article 1er formule déjà, puisqu'il précise que l'assurance maladie garantit une protection indépendante des situations d'âge et de santé.
Vous avez pris, à raison, monsieur Chabroux, l'exemple du cancer dans les régions du Nord-Pas-de-Calais et du Midi-Pyrénées. Le constat est probant : il existe d'importantes disparités socioprofessionnelles et géographiques. C'est justement sur ces points qu'il faut agir. En effet, la catégorie socioprofessionnelle et le facteur de risque ne sont pas totalement indépendants aujourd'hui. Les facteurs de risque existent parce que la prévention ne touche pas les plus modestes : il n'est qu'à voir qui fait les mammographies, qui arrête de fumer, etc.
Toute une action reste donc à mener sur la prévention des facteurs de risque à destination des personnes les plus modestes. C'est en particulier le cas du cancer du col de l'utérus.
Je suis donc également défavorable à cet amendement.
Tels sont, monsieur le président, les avis du Gouvernement sur ces différents amendements.
M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote sur l'amendement n° 35.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Monsieur le président, nous souhaitons transformer l'amendement n° 118 en sous-amendement à l'amendement n° 35 de la commission Il tendrait à le compléter par un alinéa ainsi rédigé : « Notre système de santé assure la garantie de droits fondamentaux, constitue un outil majeur de solidarité et un puissant vecteur de cohésion sociale. L'introduction des assurances privées dans la couverture maladie de base est refusée par le gouvernement car elle est incompatible avec sa volonté de promouvoir un égal accès de tous aux soins. »
Nous partageons l'affirmation du Gouvernement. Elle est tellement importante que nous demandons qu'elle figure dans l'amendement n° 35, dont l'adoption rendrait sans objet les autres amendements déposés sur l'article 1er, y compris notre amendement n° 118.
Compte tenu de l'importance de ce sous-amendement, le groupe socialiste demande que le Sénat se prononce par scrutin public.
M. le président. Je suis donc saisi d'un sous-amendement n° 118 rectifié, présenté par MM. Chabroux, Godefroy et Domeizel, Mme Printz, MM. Vantomme, Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparenté et rattachée, et qui est ainsi libellé :
Compléter le texte de l'amendement n° 35 par un alinéa ainsi rédigé :
« Notre système de santé assure la garantie de droits fondamentaux, constitue un outil majeur de solidarité et un puissant vecteur de cohésion sociale. L'introduction des assurances privées dans la couverture maladie de base est refusée par le gouvernement car elle est incompatible avec sa volonté de promouvoir un égal accès de tous aux soins. »
Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. Je me suis déjà exprimé sur l'amendement n° 118. Cette modification n'apporte pas de changement fondamental par rapport à vos propositions initiales, monsieur Dreyfus-Schmidt.
Vous essayez, par ce sous-amendement, de réintroduire une disposition qui n'est pas du tout conforme à la rédaction de l'article 1er que nous avons proposée.
Je vous rappelle que nous sommes dans des affirmations de principe.
Mme Nicole Borvo. Justement ! Ce sont de bons principes !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Vous faites référence à la position du Gouvernement en ce qui concerne l'assurance privée. Or, vous le savez bien, les gouvernements se succèdent.
Un tel dispositif n'a pas sa place dans ce texte. Je suis donc défavorable à ce sous-amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 118 rectifié.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Pour faire plaisir à M. le rapporteur, je modifie le sous-amendement n° 118 rectifié...
M. Jean-Pierre Fourcade. C'est de l'improvisation !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. ...en supprimant les mots : « est refusée par le gouvernement car elle ». La dernière phrase du sous-amendement est donc ainsi rédigée : « L'introduction des assurances privées dans la couverture maladie de base est incompatible avec la volonté de promouvoir un égal accès de tous aux soins. »
J'espère que la suppression de la référence au Gouvernement satisfera M. le rapporteur et qu'ainsi il se ralliera à notre sous-amendement.
Mme Nicole Borvo. Enlevons la référence au gouvernement, puisqu'il change souvent !
M. le président. Je suis donc saisi d'un sous-amendement n° 118 rectifié bis, présenté par MM. Chabroux, Godefroy et Domeizel, Mme Printz, MM. Vantomme, Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparenté et rattachée, et qui est ainsi libellé :
Compléter le texte de l'amendement n° 35 par un alinéa ainsi rédigé :
« Notre système de santé assure la garantie de droits fondamentaux, constitue un outil majeur de solidarité et un puissant vecteur de cohésion sociale. L'introduction des assurances privées dans la couverture maladie de base est incompatible avec la volonté de promouvoir un égal accès de tous aux soins. »
Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. On ne peut pas introduire la référence à l'assurance complémentaire dans la couverture maladie de base !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C'est enfoncer une porte ouverte !
M. Gilbert Chabroux. Nous parlons des assurances privées !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Vous ne pouvez mettre une assurance complémentaire dans l'assurance de base !
Dans l'état actuel de la rédaction, il n'est pas possible d'accepter votre sous-amendement, monsieur Chabroux, pas plus qu'il n'est possible de faire un travail de commission en séance publique à travers une telle proposition. Nous nous en sommes suffisamment expliqués en commission des affaires sociales.
M. Jean Chérioux. C'est de l'affichage !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Et quand on n'est pas membre de la commission des affaires sociales ?
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. François Autain, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 118 rectifié bis.
M. François Autain. Le groupe CRC est favorable au sous-amendement n° 118 rectifié bis présenté par le groupe socialiste et il le votera.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. L'amendement n° 35 prévoit que « la Nation affirme son attachement au caractère universel » - cela touche donc tout le monde - « obligatoire » - l'assurance complémentaire n'a donc rien à y faire - « et solidaire de l'assurance maladie ».
Je ne comprends donc vraiment pas l'intérêt de ce sous-amendement.
Mme Nicole Borvo. Au contraire, il est très important !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Demander un scrutin public simplement pour avoir la confirmation que vous avez tort me paraît dommage.
M. François Autain. L'opposition a toujours tort !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Le texte est clair !
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 118 rectifié bis.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 242 :
Nombre de votants | 317 |
Nombre de suffrages exprimés | 317 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 159 |
Pour l'adoption | 112 |
Contre | 205 |
Le Sénat n'a pas adopté.
La parole est à M. François Autain, pour explication de vote sur l'amendement n° 35.
M. François Autain. Cet amendement, que M. le rapporteur a présenté comme un simple amendement rédactionnel, tend à supprimer la référence à une bonne répartition de l'offre de soins sur le territoire national et à l'aide à la création de maisons médicales.
Ces dispositions étaient le fruit d'un amendement déposé par l'opposition à l'Assemblée nationale. Il est vrai que la création de maisons médicales est un excellent moyen pour lutter contre la sous-médicalisation, notamment dans les zones rurales.
Je ne comprends pas pourquoi cet élément important de l'article 1er a été supprimé par la commission.
Cet amendement tend également à supprimer la dernière phrase de l'article 1er : « Ils veillent à un usage efficient des ressources qui leur sont affectées par la Nation. » ; cela ne va sans doute pas donner satisfaction à M. le ministre.
En effet, tout à l'heure, M. le ministre a émis un avis défavorable sur un amendement du groupe CRC, qui tendait précisément à remplacer l'adjectif « efficient » par une autre disposition.
Pour toutes ces raisons, et bien d'autres, je voterai contre cet amendement. S'il est important d'affirmer que la protection est indépendante des situations d'âge et de santé, il aurait été tout aussi important de préciser qu'elle était indépendante des conditions économiques et sociales des intéressés.
En ce qui concerne l'accès aux soins, il doit être égal pour tous et effectif. Malheureusement, un certain nombre de dispositions prévues dans ce projet de loi vont plutôt à l'encontre de ces principes, notamment en ce qui concerne l'accès effectif aux soins.
Ainsi, limiter l'accès aux spécialistes ne démontre pas une volonté d'assurer un accès effectif. Dès lors, on parle non plus d'un accès effectif et égal aux soins de tous les assurés sociaux, mais seulement d'un libre accès. Il sera toujours possible de consulter un spécialiste à condition d'en payer le prix, mais un accès aux soins égal et effectif suppose que l'assurance maladie prenne en charge le remboursement des soins dans les mêmes conditions pour tous afin que les plus démunis puissent en bénéficier.
Or la rédaction proposée pour l'article 1er non seulement ne reflète pas l'esprit de la réforme - je viens de le démontrer - mais est également en rupture avec les principes qui fondent la sécurité sociale.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Je demande que le Sénat se prononce par scrutin public sur l'amendement n° 35, afin que s'affichent ceux qui sont pour garantir une assurance obligatoire et universelle. Nous ne souhaitons pas l'introduction des assurances complémentaires dans l'assurance de base. On a tenté, au travers d'un sous-amendement, de nous faire dire le contraire. Je souhaite que ce scrutin public rétablisse l'ordre des choses. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 35.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission des affaires sociales.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 243 :
Nombre de votants | 317 |
Nombre de suffrages exprimés | 315 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 158 |
Pour l'adoption | 287 |
Contre | 28 |
Le Sénat a adopté.
En conséquence, les amendements n° 325, 326, 327, 328, 329, 330, 332, 331, 29 et 119 n'ont plus d'objet.
Je mets aux voix l'article 1er, modifié.
(L'article 1er est adopté.)
M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que les amendements tendant à insérer des articles additionnels après l'article 1er, ainsi qu'une division additionnelle et des articles additionnels avant le titre Ier ont été réservés jusqu'après l'article 18 quater.
TITRE Ier
DISPOSITIONS RELATIVES À L'ORGANISATION DE L'OFFRE DE SOINS ET À LA MAÎTRISE MÉDICALISÉE DES DÉPENSES DE SANTÉ
Section 1
Coordination des soins
Article 2 A
Après l'article L. 161-36 du code de la sécurité sociale, il est inséré un article L. 161-36-1 A ainsi rédigé :
« Art. L. 161-36-1 A. - Toute personne prise en charge par un professionnel, un établissement, un réseau de santé ou tout autre organisme participant à la prévention et aux soins a droit au respect de sa vie privée et du secret des informations la concernant.
« Excepté dans les cas de dérogation, expressément prévus par la loi, ce secret couvre l'ensemble des informations concernant la personne venues à la connaissance du professionnel de santé, de tout membre du personnel de ces établissements ou organismes et de toute autre personne en relation, de par ses activités, avec ces établissements ou organismes. Il s'impose à tout professionnel de santé ainsi qu'a tous les professionnels intervenant dans le système de santé.
« Deux ou plusieurs professionnels de santé peuvent toutefois, sauf opposition de la personne dûment avertie, échanger des informations relatives à une même personne prise en charge, afin d'assurer la continuité des soins ou de déterminer la meilleure prise en charge sanitaire possible. Lorsque la personne est prise en charge par une équipe de soins dans un établissement de santé, les informations la concernant sont réputées confiées par le malade à l'ensemble de l'équipe.
« Afin de garantir la confidentialité des informations médicales mentionnées aux alinéas précédents, leur conservation sur support informatique, comme leur transmission par voie électronique entre professionnels, sont soumises à des règles définies par décret en Conseil d'Etat pris après avis public et motivé de la Commission nationale de l'informatique et des libertés. Ce décret détermine les cas où l'utilisation de la carte de professionnel de santé mentionnée au dernier alinéa de l'article L. 161-33 est obligatoire.
« Le fait d'obtenir ou de tenter d'obtenir la communication de ces informations en violation du présent article est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 ? d'amende.
« En cas de diagnostic ou de pronostic grave, le secret médical ne s'oppose pas à ce que la famille, les proches de la personne malade ou la personne de confiance définie à l'article L. 1111-6 du code de la santé publique reçoivent les informations nécessaires destinées à leur permettre d'apporter un soutien direct à celle-ci, sauf opposition de sa part.
« Le secret médical ne fait pas obstacle à ce que les informations concernant une personne décédée soient délivrées à ses ayants droit, dans la mesure où elles leur sont nécessaires pour leur permettre de connaître les causes de la mort, de défendre la mémoire du défunt ou de faire valoir leurs droits, sauf volonté contraire exprimée par la personne avant son décès. »
M. le président. L'amendement n° 560, présenté par M. Vasselle, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
I. Compléter, in fine, l'avant dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 161-36-1 A du code de la sécurité sociale par une phrase ainsi rédigée :
Seul un médecin est habilité à délivrer, ou à faire délivrer sous sa responsabilité, ces informations.
II. Compléter, in fine, cet article par un II ainsi rédigé :
II. - Le sixième alinéa de l'article L. 1110-4 du code de la santé publique est complété par une phrase ainsi rédigée: «Seul un médecin est habilité à délivrer, ou à faire délivrer sous sa responsabilité, ces informations.»
III. En conséquence, faire précéder le premier alinéa de cet article par la mention :
I. -
La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Cet amendement s'inspire très largement de dispositions que nous avons adoptées lors de l'examen du projet de loi relatif à la bioéthique en ce qui concerne les résultats des tests génétiques. Il vise l'information qui pourrait être délivrée à l'entourage de la famille du patient en tant que de besoin. Il prévoit que cette possibilité ne soit assurée que par le médecin et sous sa responsabilité. Ce praticien pourrait déléguer, sous sa responsabilité, cette délivrance d'informations. Il pourrait, par exemple, être jugé utile de la confier à un psychologue.
Tel est l'objet de cet amendement, qui tend à améliorer l'ensemble du dispositif relatif au secret médical et au dossier médical.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 2 A, modifié.
(L'article 2 A est adopté.)
Articles additionnels avant l'article 2
M. le président. L'amendement n° 128, présenté par MM. Chabroux, Godefroy et Domeizel, Mme Printz, MM. Vantomme, Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :
Avant l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Avant le 31 décembre 2004, le Gouvernement réunit une Conférence nationale sur la profession médicale avec les acteurs concernés chargée de mettre en place un plan global de formation, de revalorisation, de qualification et d'emplois.
La parole est à M. Gilbert Chabroux.
M. Gilbert Chabroux. Nous voudrions que soit réunie une conférence nationale sur la profession médicale avec les acteurs concernés pour mettre en place un plan global de formation, de revalorisation, de qualification et d'emplois.
C'est un sujet important. On ne peut pas mener à bien une réforme du système de santé sans s'appuyer sur la compétence, le dévouement, l'entente des professionnels qui le font vivre. Conserver une excellence dans ce domaine constitue un atout et une opportunité pour notre pays, pour la politique de l'emploi.
On a fait allusion aux dépenses de santé, qui représentent un peu plus de 10 % du produit intérieur brut. Mais on pourrait parler des revenus des personnels la santé. En effet, 9 % de la population active est constitué par les personnels de santé. Ce n'est pas rien !
Nous voudrions asseoir la réforme sur un plan global de formation, de revalorisation, de qualification et d'emplois, qui serait élaboré et conduit en liaison avec les professionnels de santé.
Un certain nombre d'objectifs seraient fixés dans ce plan : transfert de compétences, validation des expériences et des carrières, politiques de formation professionnelle, recrutement de nouveaux acteurs, valorisation du travail en équipe et réorganisation des formes d'exercice.
Une telle politique doit être menée pour la ville comme pour l'hôpital. Elle concerne l'ensemble des spécialités.
Mes chers collègues, monsieur le ministre, j'ai sous les yeux la lettre ouverte que nous avait adressée le professeur André Grimaldi, signée par cinquante-huit professeurs de l'Assistance publique - hôpitaux de Paris, l'AP-HP, dont cinquante-deux chefs de service, qui appelait notre attention sur l'acuité de la crise hospitalière que vivent quotidiennement. ces praticiens.
Le problème du manque de médecins et du numerus clausus y était évoqué, mais il s'agissait surtout des infirmières. Qui a fermé les écoles d'infirmières ? Je n'engagerai pas une polémique, mais un certain nombre de responsabilités doivent quand même être rappelées.
Bien que les problèmes rencontrés par les praticiens de certaines spécialités aient été soulevés dans cet hémicycle, il faudrait s'en préoccuper un peu plus. Des efforts sélectifs devraient être faits pour certaines spécialités : anesthésie- réanimation, pédiatrie, gynécologie obstétrique.
Il faudrait mener à bien un certain nombre de projets de restructuration pour répondre aux difficultés de fonctionnement des hôpitaux publics.
Le professeur Grimaldi proposait un certain nombre de mesures qui auraient pu permettre d'éviter une catastrophe.
Il suggérait de prolonger le temps de formation de l'internat de quatre à cinq ans, les modalités de cette cinquième année devant être négociées avec des représentants des internes, étant entendu que l'ensemble des internes devraient accomplir deux ans d'internat dans des services cliniques en dehors de leurs propres responsabilités.
Il proposait de permettre aux chefs de clinique assistants qui le souhaitent de faire une cinquième année de clinicat, de créer des postes de PH à mi-temps et à plein temps de praticiens associés, en particulier dans les spécialités et les services hospitaliers, qui, tout en ayant maintenu leur activité, ont vu leurs postes d'internes supprimés.
D'autres propositions sont formulées. Toutes méritent de faire l'objet d'un débat. C'est la raison pour laquelle je vous invite, mes chers collègues, à adopter cet amendement. Il faut réunir une conférence nationale sur la profession médicale avec les acteurs concernés pour mettre en place un plan global de formation, de revalorisation, de qualification et d'emplois et pour répondre à un certain nombre de problèmes d'une grande acuité.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. Monsieur Chabroux, votre préoccupation concernant la formation et la qualification des professionnels de santé, ainsi que les actions à mener en matière d'emploi est tout à fait légitime.
Mais, je pense que, comme la plupart de nos collègues, vous avez suivi attentivement les débats sur le projet de loi relatif à la politique de santé publique : à l'article 51 de ce texte, la formation continue a été rendue obligatoire.
Je vous invite également à relire l'article 8 du présent projet de loi, que la commission vous proposera d'amender en rendant obligatoire l'évaluation individuelle des pratiques professionnelles, obligation qui a été étendue aux professionnels de santé des établissements hospitaliers.
Les mesures qui ont été adoptées dans le cadre du projet de loi relatif à la politique de santé publique, ainsi que celles que nous nous adopterons, je l'espère, avec votre soutien, à l'article 8, devraient être de nature à vous donner satisfaction.
C'est la raison pour laquelle je vous invite, mon cher collègue, à retirer votre amendement au bénéfice des engagements pris par ailleurs tant par le Gouvernement que par la commission des affaires sociales.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Philippe Douste-Blazy, ministre. Monsieur Chabroux, la démarche que vous préconisez n'est pas très adaptée à la nature des sujets à traiter compte tenu de leur complexité.
Le Gouvernement a fait le choix de procéder par étapes, dossiers par dossiers, et ce dans un souci de concertation avec l'ensemble des professions de santé concernées.
Des réformes sont ainsi engagées pour donner les moyens aux professions médicales et paramédicales de faire face aux enjeux auxquels elles sont actuellement confrontées et de répondre à leurs attentes.
Ces réformes, monsieur Chabroux, doivent permettre aux professionnels d'avoir des évolutions de carrière plus importantes et plus variées.
Dans cet esprit, la réforme du troisième cycle des études médicales, mise en oeuvre par mon prédécesseur, a permis à la médecine générale de devenir une spécialité à part entière, facilitant ainsi, pour le praticien généraliste qui le souhaite, sa réorientation vers une autre spécialité. Le décret du 19 mars 2004 permet déjà aux autres médecins qui le désirent de changer de discipline.
La réforme visant à l'instauration du LMD - licence, master, doctorat -, actuellement engagée en liaison avec le ministère chargé de l'enseignement supérieur, offrira aux professionnels tant paramédicaux que médicaux de multiples passerelles entre les différentes professions.
Par ailleurs, la validation des acquis de l'expérience, actuellement en projet, permettra aux professionnels qui le désirent de faire reconnaître leur expérience et d'obtenir plus rapidement un diplôme dans le domaine de la santé.
Le transfert de tâches et de compétences entre professions médicales et paramédicales, qui répond à une attente tant des médecins que des professions paramédicales, a fait l'objet, à la demande de mon prédécesseur, d'un important travail de la part du professeur Berland. Celui-ci a proposé que soient expérimentées des transferts de tâches et de compétences entre les professions de santé. Afin que ces transferts soient effectués dans le respect de la santé publique et de la sécurité sanitaire, un article a été introduit dans le projet de loi relatif à la politique de santé publique visant à encadrer strictement la réalisation de ces expérimentations. Douze ou treize d'entre elles devraient être retenues. Elles seront menées sur quatre mois et un bilan sera dressé avant une éventuelle généralisation.
S'agissant de la formation continue, le dispositif issu de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé a été mis en place. Le décret du 14 novembre 2003 a instauré les conseils nationaux et le comité de coordination de la formation médicale continue. Ces instances sont actuellement en train de travailler.
Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, le Gouvernement ne peut qu'émettre un avis défavorable sur votre amendement.
M. le président. Monsieur Chabroux, l'amendement est-il maintenu ?
M. Gilbert Chabroux. Certes, un certain nombre de choses sont faites, qui vont dans le bon sens. Le problème est particulièrement complexe et je mesure donc les efforts qui sont accomplis. Toutefois, il me semble que ces efforts sont parcellaires alors qu'il faudrait avoir une vue d'ensemble. C'est la raison pour laquelle je demande l'organisation d'une conférence nationale sur la profession médicale : elle permettrait d'élaborer un plan global rassemblant tous les éléments que vous avez évoqués.
J'ai souligné le poids du secteur de la santé en termes d'emplois : il représente 9 % de la population active. On pourrait souligner aussi ce poids en termes de revenus ; j'y ai fait allusion rapidement. Il faudrait réfléchir à l'évolution de ces revenus. En France, le pouvoir d'achat des spécialistes a augmenté de 40 % depuis 1980 ; celui des généralistes s'est accru de 20 % ; enfin, celui des cotisants a connu une hausse de 15 %. Je ne demande pas un ajustement ! Je souhaiterais que le pouvoir d'achat des cotisants augmente aussi vite que celui des spécialistes et des généralistes. Mais cela nous donne quand même un droit de regard notamment sur la formation, la qualification et la revalorisation des carrières des personnels de santé. C'est la raison pour laquelle il me semble nécessaire que se réunisse une conférence nationale chargée de mettre en place un plan global.
M. le président. L'amendement n° 129, présenté par MM. Chabroux, Godefroy et Domeizel, Mme Printz, MM. Vantomme, Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :
Avant l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - L'article L. 16243 du code de la sécurité sociale devient l'article L. 162431.
II. - Il est créé un nouvel article L. 16243 dans le code de la sécurité sociale, ainsi rédigé :
« Art. L. 16243. - L'évolution récente de la médecine, jointe à l'accentuation de la chronicité de nombreuses affections, exige une coordination accrue des soins.
« Cette nécessaire coordination des soins est assurée principalement par les réseaux de santé, tels que définis par l'article L 6321-1 du code de la santé publique et les textes subséquents.
« Les réseaux de santé constituent l'une des modalités d'accès à part entière dans le système de soins.
« Les réseaux de santé font obligatoirement l'objet de dispositions spécifiques dans l'accord cadre définissant les rapports entre les organismes de l'assurance maladie et les professions de santé, prévu à l'article L 162-1-13, ainsi que dans les conventions visées aux articles L 162-5 et suivants. Ces dispositions visent notamment les conditions de prise en charge, et les tarifs, des prestations dérogatoires, prévues aux 1°et 2° de l'article L. 162-45 relatif au règlement forfaitaire de tout ou partie des dépenses de ces réseaux.
« Les réseaux de santé, visés à l'article L 6321-1 du code de santé publique, sont impliqués dans les orientations prévues à l'article L 162-47 du code de la sécurité sociale, et relatives à l'évolution de la répartition territoriale des professionnels de santé libéraux, en tenant compte du schéma régional d'organisation sanitaire mentionné à l'article L 6121-3 du code de la santé publique.
« Les réseaux de santé constituent le lieu d'accueil naturel de l'organisation du dossier médical personnel, tel que prévu à l'article L 161-40. Ce dossier médical personnel se présente comme un élément essentiel du fonctionnement de ces réseaux.
« Les réseaux de santé sont l'objet d'une communication aux assurés et aux professionnels concernés par leur fonctionnement, dans le cadre de leur zone d'attraction, et dans les conditions prévues par l'article L 162-1-11.
« Les réseaux de santé sont un des lieux privilégiés de la mise en oeuvre des recommandations de pratiques cliniques et des référentiels de bon usage des soins, élaborés et diffusés par la Haute Autorité en santé, visée à l'article L 161-37. »
La parole est à M. Gilbert Chabroux.
M. Gilbert Chabroux. Cet amendement nous donne l'occasion d'évoquer les réseaux de santé, auxquels nous sommes très attachés. Nous voudrions, par l'insertion de cet article additionnel dans le projet de loi, donner un signal fort en faveur des réseaux de santé, car ils sont aujourd'hui trop marginalisés. Ce signal s'adresserait à certaines catégories de la population et concernerait les pathologies qui se prêtent sans doute plus que d'autres à une prise en charge coordonnée.
Mes chers collègues, nous serons tous d'accord pour reconnaître l'intérêt des réseaux de santé. Vous me direz que vous avez déjà réalisé un certain nombre des choses. C'est effectivement le cas, et ce depuis longtemps ; je pense en particulier à certaines pathologies. Mais nous voulons que cela figure dans la loi.
J'ai été sensible à ce qu'a écrit le professeur Hardy-Bayle à ce sujet : « A l'idée que des patients différents s'adressent à des lieux de soins différents s'oppose la constatation que l'ensemble des acteurs de santé voient les mêmes malades mais à des temps différents de leur maladie ».
Cette constatation posée, tenant compte des progrès ininterrompus, considérant par ailleurs la spécificité de notre régime démographique, qui repoussent chaque jour un peu plus les limites de nos connaissances tout en faisant apparaître de nouvelle exigences, la mise en réseau n'apparaît-elle pas comme une réponse aux besoins des patients qui demandent une prise en charge plus globale, mieux coordonnée, moins cloisonnée, en un mot plus en adéquation avec leurs légitimes attentes ?
Monsieur le ministre, votre prédécesseur, Bernard Kouchner, avait, au cours de son intervention devant le troisième congrès national des réseaux, pris l'exemple de l'infection par le VIH. Il est vrai que cela a joué un rôle important. Du reste, vous le savez très bien, puisque vous aviez vous-même pris l'initiative de cette action en tant que ministre de la santé d'un gouvernement précédent. Le SIDA est une pathologie terrible dont l'évolution peut maintenant être contrôlée par des médicaments. Celle-ci a révélé les limites de notre propre système. En l'occurrence, les malades demandaient une prise en charge médicale de qualité à la fois préventive, curative, sociale et éducative, c'est-à-dire une appréhension qui soit non pas sectorielle, mais globale. C'est ainsi que des réseaux de santé ont vu le jour dès 1985. Ces derniers ont constitué une réponse possible pour promouvoir les recommandations de bonnes pratiques sans cesse évolutives, les prises en charge pluridisciplinaires, les aspects préventifs et sociaux.
Cela devrait nous inciter à aller beaucoup plus loin s'agissant de nombreuses autres pathologies. Il faudrait, par exemple, considérer le cas du diabète, celui des soins palliatifs, et bien d'autres encore.
Le rapport Pailleret évoquait la place que doivent prendre ces réseaux dans notre système de santé. Je souhaiterais que nous soyons tous d'accord pour reconnaître leur intérêt.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. Monsieur Chabroux, à l'évidence, votre amendement n'est pas inintéressant : vous voulez faire reconnaître le rôle éminent joué par les réseaux de santé. Personne ne le contestera ! Il ne s'agit pas, au travers de la loi, de les remettre en cause, loin s'en faut. Est-il pour autant nécessaire de tout concentrer autour d'eux ? Maintenons certaines dispositions qui ont été prises antérieurement ou qui sont prévues dans le présent texte : le dossier médical, le médecin traitant, les missions régionales.
Bien entendu, les réseaux ont un rôle important à jouer et ils se multiplieront au fil du temps.
Si nous étions amenés à constater, au fur et à mesure de l'application de la réforme, que les mesures figurant dans le présent texte ne sont pas efficaces et qu'il faut généraliser les réseaux d'une manière plus contraignante sur l'ensemble du territoire, il sera alors temps de le faire.
M. le ministre vous apportera sans doute des éléments de réponse complémentaires. Néanmoins, le présent texte ainsi que ceux qui l'ont précédé contiennent un arsenal de mesures permettant à ces réseaux de santé d'exister voire de se développer.
Nous considérons que, pour le moment, c'est suffisant. Mais rien ne permet de dire que, demain, nous n'irons pas un peu plus loin si cela s'avère nécessaire et que nous ne répondrons pas à la demande que vous avez exprimée.
Il est bien de donner un signal fort et de valoriser les réseaux de santé. Il appartient toutefois à chacun de prendre conscience de leur intérêt. Au travers de ce texte de loi, il est fait appel à la responsabilisation de tous les acteurs, à un changement de leur comportement. Si le réseau est le meilleur moyen d'y parvenir, ces acteurs auront recours au réseau ! Laissons à tout cela le temps de se mettre en place et je ne doute pas, monsieur Chabroux, que l'investissement de l'ensemble des acteurs permettra de vous donner satisfaction au fil du temps, à tout le moins, je l'espère, en 2007 au plus tard.
M. Gilbert Chabroux. Quand on changera de majorité !
M. Paul Blanc. Ne prenez pas vos désirs pour des réalités !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Philippe Douste-Blazy, ministre. Monsieur Chabroux, le Gouvernement partage votre souhait d'assurer un développement rapide des réseaux et notamment des réseaux de santé ville-hôpital, afin, notamment, de décloisonner l'offre de soins et d'améliorer la globalité de la prise en charge des malades.
Vous avez rappelé que Bernard Kouchner avait commencé à le faire avec les réseaux VIH. Mme Veil et moi-même avons poursuivie son action entre 1993 et 1995. Il est vrai qu'il s'agit d'un sujet majeur et que nous devons aller beaucoup plus loin en la matière. Ce matin encore, je parlais avec M. Friedmann de la périnatalité. Il est fondamental, pour prévenir les grossesses à risque, de constituer un réseau, en particulier pour les personnes immigrées.
Les gouvernements conduits par Jean-Pierre Raffarin depuis 2002 ont fortement abondé la dotation nationale pour le développement des réseaux. En effet, de 22,87 millions d'euros en 2002, elle est passée à 45,46 millions d'euros en 2003, puis à 125 millions d'euros en 2004. Cet effort sera poursuivi en 2005. Bien que cela aille de soit, je tenais à le rappeler.
Toutefois, le développement des réseaux doit nécessairement avoir un caractère incitatif. Les expériences dont j'ai eu connaissance illustrent le fait que la pleine réussite des réseaux repose essentiellement sur la volonté et la capacité des professionnels de travailler ensemble.
Ainsi, ce n'est pas en accroissant les contraintes, qu'il s'agisse des professionnels ou des usagers, qu'un tel dispositif sera plus attractif. C'est pourquoi je souhaite, pour ma part, continuer à abonder la dotation nationale de développement des réseaux et accompagner leur développement au plus près du terrain.
C'est la raison pour laquelle le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 129.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 2
I. - Le chapitre Ier du titre VI du livre Ier du code de la sécurité sociale est complété par une section 5 ainsi rédigée :
« Section 5
« Dossier médical personnel
« Art. L. 161-36-1. - Afin de favoriser la coordination, la qualité et la continuité des soins, gages d'un bon niveau de santé, chaque bénéficiaire de l'assurance maladie dispose, dans les conditions et sous les garanties prévues à l'article L. 1111-8 du code de la santé publique et dans le respect du secret médical, d'un dossier médical personnel constitué de l'ensemble des données mentionnées à l'article L. 1111-8 du même code, notamment des informations qui permettent le suivi des actes et prestations de soins. Le dossier médical personnel comporte également un volet spécialement destiné à la prévention.
« Ce dossier médical personnel est créé auprès d'un hébergeur de données de santé à caractère personnel agréé dans les conditions prévues à l'article L. 1111-8 du même code.
« L'adhésion aux conventions nationales régissant les rapports entre les organismes d'assurance maladie et les professionnels de santé, prévues à l'article L. 162-5 du présent code, et son maintien, sont subordonnés à la consultation ou à la mise à jour du dossier médical personnel de la personne prise en charge par le médecin.
« Les dispositions de l'alinéa précédent sont applicables à compter du 1er janvier 2007.
« Art. L. 161-36-2. - Dans le respect des règles déontologiques qui lui sont applicables ainsi que des dispositions des articles L. 1110-4 et L. 1111-2 du code de la santé publique, et selon les modalités prévues à l'article L. 1111-8 du même code, chaque professionnel de santé, exerçant en ville ou en établissement de santé, quel que soit son mode d'exercice, reporte dans le dossier médical personnel, à l'occasion de chaque acte ou consultation, les éléments diagnostiques et thérapeutiques nécessaires à la coordination des soins de la personne prise en charge. En outre, à l'occasion du séjour d'un patient, les professionnels de santé habilités des établissements de santé reportent sur le dossier médical personnel les principaux éléments résumés relatifs à ce séjour.
« Le niveau de prise en charge des actes et prestations de soins par l'assurance maladie prévu à l'article L. 322-2 est subordonné à l'autorisation que donne le patient, à chaque consultation ou hospitalisation, aux professionnels de santé auxquels il a recours d'accéder à son dossier médical personnel et de le compléter. Le professionnel de santé est tenu d'indiquer, lors de l'établissement des documents nécessaires au remboursement ou à la prise en charge, s'il a été en mesure d'accéder au dossier.
« Art. L. 161-36-2-1. - L'accès au dossier médical personnel ne peut être exigé en dehors des cas prévus à l'article L. 161-36-2 même avec l'accord de la personne concernée.
« L'accès au dossier médical personnel est notamment interdit lors de la conclusion d'un contrat relatif à une protection complémentaire en matière de couverture des frais de santé et à l'occasion de la conclusion de tout autre contrat exigeant l'évaluation de l'état de santé d'une des parties. L'accès à ce dossier ne peut également être exigé ni préalablement à la conclusion d'un contrat, ni à aucun moment ou à aucune occasion de son application.
« Le dossier médical personnel n'est pas accessible dans le cadre de la médecine du travail.
« Tout manquement aux présentes dispositions donne lieu à l'application des peines prévues à l'article 226-13 du code pénal.
« Art. L. 161-36-3. - Un décret en Conseil d'Etat, pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés et du Conseil national de l'ordre des médecins, fixe les conditions d'application de la présente section et notamment les conditions d'accès aux différentes catégories d'informations qui figurent au dossier médical personnel. »
II. - Les dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 161-36-2 du même code s'appliquent à compter du 1er juillet 2007.
III. - Les deuxième et troisième phrases du I de l'article L. 161-31 et les articles L. 162-1-1 à L. 162-1-6 du même code sont abrogés.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, sur l'article.
M. Jean-Pierre Sueur. Avec cet article 2, nous arrivons au premier point essentiel de ce projet de loi : le dossier médical personnel.
Nous avons déjà eu l'occasion de dire qu'un tel dossier pouvait être utile, voire précieux. Nous en sommes bien d'accord. Il s'agit là d'une mesure susceptible à la fois d'éviter un certain nombre d'examens inutiles, répétitifs, et d'offrir une plus grande rigueur, une plus grande cohérence, ainsi que de meilleures conditions de fonctionnement des réseaux de santé.
Toutefois, monsieur le ministre, nous serons extrêmement vigilants sur cet article, sur lequel nous avons déposé de très nombreux amendements de fond. Car, vous le savez, ce sujet est essentiel pour le respect de la vie privée, de l'intimité et de la personne.
Evidemment, nous ne pouvons en aucun cas accepter que des données à caractère personnel soient diffusées au-delà du strict nécessaire et sans le consentement explicite de la personne concernée.
Monsieur le ministre, j'ai eu l'occasion, voilà quelques semaines, de vous poser une question au sujet des exigences, que je juge vexatoires, de certaines compagnies d'assurance : elles acceptent d'assurer les personnes âgées et handicapées à condition qu'elles subissent un examen, au motif qu'elles sont des cas difficiles nécessitant des garanties.
J'ai reçu dans mon département des personnes qui étaient véritablement indignées, je dirai même écoeurées : pour pouvoir bénéficier d'une assurance, elles devaient fournir de nombreux renseignements sur leur vie privée, sur leur corps, sur leur santé. Et cela les mettait, à juste titre, extrêmement mal à l'aise.
Ces pratiques, sur lesquelles je souhaiterais qu'on légifère un jour, sont le contre-exemple de la sécurité sociale. Car la sécurité sociale, c'est le droit aux soins, quels que soient son état de santé et les risques que l'on présente, quels que soient son âge, son handicap. Nous avons des craintes, monsieur le ministre, car nous ne voudrions pas que le dossier médical personnel puisse être exploité et utilisé dans cet esprit.
C'est la raison pour laquelle nous proposerons qu'un organisme public ait l'exclusivité de la gestion de ces fichiers informatiques. Nous savons bien, en effet, comment fonctionne aujourd'hui Internet, qui est un réseau non pas national, mais international, avec les risques de dérives et de piratages qu'il présente. En dépit des efforts qui ont été accomplis, y compris par le Sénat, et qu'il convient de saluer, pour faire en sorte qu'Internet soit un espace de droit, nous sommes encore bien loin du compte.
La vie privée et l'intimité de chaque personne doivent être respectées. Cela nécessite que nous ayons de solides exigences s'agissant du dossier médical personnel.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, sur l'article.
Mme Annie David. Le présent article vise à mettre en place, d'ici à 2007, un dossier médical informatisé du patient dans une double perspective : d'une part, assurer un suivi plus effectif du malade dans son parcours de soins, dans une logique d'amélioration de la qualité des soins ; d'autre part, mieux contrôler ce parcours et éviter les actes redondants, dans un objectif de « maîtrise médicalisée des dépenses de santé ».
Le groupe communiste républicain et citoyen est favorable à l'instauration d'un dispositif permettant d'assurer un meilleur suivi médical du patient, gage de la qualité des soins, d'autant que le nombre de patients traités et la multiplicité des intervenants autour du patient augmentent régulièrement.
Mais cet objectif ne doit pas être lié à la volonté de réaliser des économies qui, aussi légitime soit-elle, relève d'une autre logique. Ainsi, tel qu'il est conçu, le dossier médical personnel se trouve de facto empreint du « vice congénital » de la confusion des finalités, qui, notons-le avec la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale, « peut d'ailleurs expliquer l'échec des précédentes tentatives de généralisation et éclairer a contrario le succès d'opérations décentralisées concentrées exclusivement sur l'amélioration du suivi médical du patient ».
Les contradictions du système apparaissent d'ailleurs à chaque ligne de l'article 2, qui prévoit la création du dossier médical personnel. Le nécessaire respect du secret médical y est affirmé, mais la confidentialité des données n'est garantie ni sur le plan technique - osons parler de la perméabilité des systèmes informatiques - ni sur le plan des principes, puisque l'accès au dossier médical est autorisé, de manière indifférenciée, à tous les professionnels de santé.
On y réaffirme la volonté de responsabiliser le malade tout en en faisant le dépositaire passif d'un dossier médical sur lequel il n'aura aucune prise, revenant ainsi à une conception archaïque de la relation entre le médecin et le patient.
On prétend favoriser la continuité des soins du patient, alors même que le caractère exploitable du dossier ainsi constitué n'est nullement assuré, compte tenu de l'empilement des examens divers et des compte rendus. Sans parler de la compatibilité du dossier médical entre les hôpitaux, voire entre les différents services d'un même hôpital, dont tout le monde a admis à l'Assemblée nationale qu'elle posait problème.
On veut améliorer la prise en charge du patient tout en la conditionnant financièrement à la production de son dossier médical. Il faut bien en déduire que l'objectif de contrôle des coûts est en réalité la principale motivation du dossier médical personnel.
Or, même de ce point de vue, le dispositif n'est guère convaincant : les résultats escomptés semblent plus que contestables, alors même que le coût de la mesure s'annonce d'ores et déjà faramineux.
Qui peut dire, en effet, que le dossier médical personnel induira une réduction notable du nombre d'examens pratiqués ? C'est en effet faire un peu trop rapidement l'impasse sur les évolutions lourdes du secteur en matière de responsabilité médicale. Notre attention a été attirée - comme la vôtre, je pense - par des médecins sur la question de la détermination de la personne responsable en cas de diagnostic erroné.
Que se passera-t-il concrètement en cas de pathologie non décelée à la suite d'une défaillance, de l'enregistrement d'une donnée erronée, d'un examen mal réalisé ? Qui sera responsable ? Le médecin référent qui aura programmé cet examen ? Le médecin spécialiste qui aura refusé de faire pratiquer un nouvel examen ? L'hébergeur de données ? La seule certitude que nous puissions avoir à ce stade, c'est que nous créons ici les conditions d'une judiciarisation accrue de la relation entre le médecin et le patient, qui, en elle-même, est également génératrice de coûts supplémentaires.
M. le président. La parole est à M. Gilbert Chabroux, sur l'article.
M. Gilbert Chabroux. Le dossier médical personnel occupe une place importante dans le texte qui nous est présenté. Nous ne sommes pas contre le principe s'il s'agit d'éviter des actes redondants, des prescriptions contradictoires, s'il s'agit de favoriser la coordination et la continuité des soins. Si tels étaient ses objectifs, nous ne contesterions pas l'utilité et l'intérêt de ce dossier.
Mais est-ce bien la logique qui a conduit à la création du dossier médical personnel ? N'y a-t-il pas, dans l'esprit de ses promoteurs, une logique comptable qui vise, comme l'a écrit le rapporteur à l'Assemblée nationale, à donner aux gestionnaires de l'assurance maladie « les moyens de contrôler le parcours du patient, voire l'activité des professionnels de santé » ? Il est vrai que le rapporteur a ensuite atténué un peu ses propos, mais ceux-ci prêtent à discussion.
De même, on peut débattre des économies qui pourraient être réalisées en 2007 grâce, pour une large part, au dossier médical personnel. Si vous avez précisé, monsieur le ministre, que la maîtrise médicalisée des dépenses de santé s'appuyait sur bien d'autres éléments, vous avez tout de même avancé le chiffre de 3,5 milliards d'euros d'économies. La vision financière doit-elle primer s'agissant du dossier médical personnel ? D'ailleurs, aucune étude sérieuse ne vient étayer les chiffres que vous annoncez.
Il convient de rappeler que, dans sa note datée du 10 juin dernier, la direction de la prévision et de l'analyse économique du ministère de l'économie et des finances met également en doute les économies escomptées du fait de cette mesure : « le cadrage financier du Gouvernement repose sur des hypothèses de changement de comportements dont l'incidence financière est très incertaine ». Dans cette même note, le coût du dossier médical personnel est estimé à 500 millions d'euros en année pleine, soit plus que les 300 millions avancés par le secrétaire d'Etat à la santé. Qui dit la vérité
M. Gilbert Chabroux. L'investissement nécessaire, ne serait-ce que pour les dépenses d'équipement en informatique, absolument incontournables, représentera environ 300 millions d'euros. Qui les assumera ? Les professionnels de santé vont-ils payer la mise en place de ce système ?
M. Gilbert Chabroux. Nous poserons la question à l'occasion d'un amendement.
Mais il n'y a pas que l'investissement qui pose problème. Il faudra y ajouter les frais de gestion, qui s'élèveront à 10 euros par dossier - cela ne semble pas déraisonnable - soit 600 millions d'euros par an. Ce financement ne semble pas prévu dans votre projet de loi.
D'autres questions se posent. Comment ne pas partager la perplexité des médecins qui soulignent la difficulté de mise en oeuvre de ce projet de loi ? Selon bon nombre d'entre eux, celui-ci « porte atteinte à la relation de confiance et à la confidentialité qui régit le colloque singulier médecin-malade ».
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Il n'est plus singulier depuis longtemps !
M. Gilbert Chabroux. Notre assemblée compte suffisamment de médecins pour nous expliquer ce que cela signifie. Mais vous avez bien compris qu'il y a là un problème, y compris de déontologie.
Plusieurs organisations, telle la Ligue des droits de l'homme, dont nous reprendrons certaines propositions, assurent que la présentation de ce « casier sanitaire » pour être remboursé est « une mesure injuste pour les citoyens, car seuls les plus aisés financièrement pourront s'en libérer s'ils le souhaitent ».
Nous sommes d'accord pour instaurer le dossier médical personnel en tant qu'outil permettant d'améliorer la qualité des soins, mais on ne peut pas toujours vouloir pénaliser financièrement les assurés.
Le débat ne porte pas, j'y insiste, sur le principe du dossier médical personnel, mais, par exemple, sur l'assujettissement du niveau de remboursement des soins à la renonciation du patient à son droit de ne pas y faire figurer certaines informations.
Nous rejoignons la Commission nationale de l'informatique et des libertés, la CNIL, lorsqu'elle dit qu' « il faut alors se demander s'il est possible de tenir pour vraiment libre le consentement d'une personne à la création de son dossier médical personnel, alors que son choix déterminera le niveau de remboursement des soins par l'assurance maladie. » Cette personne est-elle réellement libre de refuser ?
Monsieur le ministre, le DMP pose beaucoup plus de questions qu'il n'en résout. Il ne peut se substituer à la réorganisation du système de soins. Il devrait être l'aboutissement d'une démarche et non son préalable. Or c'est non pas cette logique qui s'est imposée, mais sans doute davantage celle de la sanction financière.
Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste exprime de très sérieuses réserves et il présentera de nombreux amendements sur cet article 2.
M. le président. Je suis saisi de trente-trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 353, présenté par Mme Demessine, MM. Autain, Fischer, Muzeau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Je souhaite faire quelques observations complémentaires par rapport à mon intervention sur l'article 2.
Je l'ai dit, nous sommes favorables à l'institution d'un dispositif permettant d'assurer un meilleur suivi médical du patient, mais nous ne sommes pas favorables à la disposition proposée dans cet article 2.
Comme chacun le sait, la mise en place du dossier médical personnel est l'objet d'un appel d'offres, ce qui revient en fait à confier à un opérateur privé la gestion de certaines données qui sont pourtant de caractère hautement confidentiel.
On parle même de l'attribution du marché concerné à la société Cap Gemini, comme l'a déjà signalé ma collègue Marie-Claude Beaudeau hier soir. Nous nous sommes donc interrogés sur une question significative : qui préside aux destinées de ce groupe d'ingénierie réputé au niveau international ?
Outre le fondateur historique du groupe, M. Serge Kampf, figurent en effet parmi les membres du conseil d'administration de Cap Gemini des personnes aussi estimables que M. Fourtou, actuellement P-DG de Vivendi et jadis patron de Rhône-Poulenc, M. Blanc, ancien P-DG d'Air France et aujourd'hui parlementaire, M. Seillière, que l'on ne présente plus, ainsi que les représentants de fonds de pension américains.
Pouvons-nous décemment confier la gestion du dossier médical personnel, quand bien même il pourrait avoir une utilité, à une entreprise dont les dirigeants risquent fort, dans les faits, d'être plus qu'attentifs au devenir de l'assurance maladie de par les entreprises dont ils ont par ailleurs été, ou sont encore, les administrateurs ? Vivendi n'est-elle pas, par exemple, le premier opérateur d'hospitalisation privée ?
C'est aussi parce qu'il faut préserver la protection sociale de ce futur type de détournement que nous ne pouvons que rejeter l'article 2.
M. le président. L'amendement n° 245 rectifié, présenté par M. Mercier et les membres du groupe de l'Union Centriste et M. Mouly, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi le texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 161361 du code de la sécurité sociale :
« Art. L. 161361 - Chaque bénéficiaire de l'assurance maladie dispose, dans les conditions et sous les garanties prévues à l'article L. 11118 du code de la santé publique d'un dossier médical personnel constitué des éléments diagnostiques et thérapeutiques formalisés, nécessaires et pertinents pour assurer la coordination, la qualité et la continuité des soins.
« Ce dossier est constitué auprès d'hébergeurs de données à caractère personnel, agréés dans les conditions prévues à l'article L. 11118 du code de la santé publique.
« Les hébergeurs ne doivent avoir aucun lien, direct ou indirect, avec les entreprises et organismes d'assurances et de capitalisation et tous les organismes de prévoyance, de retraite et de protection sociale obligatoires ou facultatifs ou avec les entreprises et établissements produisant ou exploitant des produits de santé ou prestataires de service dans le domaine de la médecine ».
La parole est à M. Yves Détraigne.
M. Yves Détraigne. La mise en place rapide du dossier médical personnel est une excellente chose. Côté sécurité sociale, ce dossier permettra d'insuffler plus de cohérence dans le système d'assurance maladie. Côté assuré, on peut en attendre une amélioration de la qualité des soins prodigués. Les praticiens auront à leur disposition un outil qui leur donnera une vue globale sur l'état de santé de leurs patients.
Mais, pour que la création du dossier médical personnel soit exempte de toute critique, il faut veiller à ne pas perdre en liberté et en confidentialité ce que l'on gagnera en qualité des soins.
C'est pour éviter cet écueil que nous proposons sur l'article 2 trois amendements qui ont tous pour objet de promouvoir une meilleure sécurisation au regard du respect de la vie privée et du secret médical des systèmes informatiques supports du dossier médical personnel.
Constitué de l'ensemble des données recueillies ou produites à l'occasion des activités de prévention, de diagnostic ou de soins, notamment des informations qui permettent le suivi des actes et prestations de soins, le dossier sera complété au fur et à mesure des actes et consultations par les professionnels de santé qui les auront dispensés.
La prise en charge par l'assurance maladie de ces actes et prestations de soins sera modulée selon que le patient aura ou non autorisé le professionnel de santé à accéder à ce dossier et à le compléter.
Or l'objectif de qualité et de continuité des soins, de pertinence du recours au système de santé suppose plus qu'une accumulation de données d'intérêt inégal : il suppose leur classement et une synthèse régulièrement actualisée.
Selon le projet de loi, le dossier médical personnel sera « créé chez un hébergeur agréé dans les conditions prévues à l'article L.1111-8 du code de la santé publique ».
La création d'un tel dossier impliquant une concentration à l'échelle nationale des données de santé de la population, elle ne peut se faire sans que soient définis le maître d'oeuvre ainsi que les prestataires chargés de la gestion.
De plus, l'indépendance de ces derniers devrait être assurée, notamment à l'égard des assureurs et des prestataires de service de soins. L'objet de cet amendement est justement de garantir l'indépendance des parties prenantes à la constitution et à la gestion du dossier médical personnel.
M. le président. L'amendement n° 130, présenté par MM. Chabroux, Godefroy et Domeizel, Mme Printz, MM. Vantomme, Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :
Avant le premier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 161-36-1 du code de la sécurité sociale, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Le dossier médical personnel est un outil permettant d'optimiser la qualité des soins rendus aux assurés.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Messieurs les ministres, monsieur le rapporteur, l'adoption de cet amendement ne devrait pas soulever de difficulté, car je ne pense pas que vous serez en désaccord avec son contenu.
Vous nous objecterez peut-être que, de tout façon, le texte apporte ultérieurement cette précision. Cependant, si mes collègues et moi-même avons présenté cet amendement à l'article 2, c'est, messieurs les ministres, parce que, ayant suivi avec attention les explications que vous avez données lorsque vous avez présenté le dossier médical personnel, nous avons constaté que, par un réflexe quasi pavlovien qui nous a un peu étonnés de votre part, vous avez immédiatement parlé économie.
M. Jean-Pierre Sueur. Le dossier médical personnel, serait, disiez-vous, un très bon moyen de contrôle de la consommation médicale des assurés, des praticiens et des prescripteurs : avec ce système, on allait gagner de l'argent ou du moins éviter d'en dépenser trop
M. Eric Doligé. C'est une fiction !
M. Jean-Pierre Sueur. Par l'insistance même qui a été la vôtre, vous avez soit accrédité soit risqué d'accréditer une vision comptable du dossier médical personnel alors que la première utilité de cet outil est la qualité des soins.
M. Jean-Pierre Sueur. Il y a donc un risque que votre pensée profonde à cet égard ne soit mal appréciée et mal comprise par l'opinion : c'est un argument supplémentaire pour ajouter l'alinéa proposé au frontispice de l'article 2, qui débuterait ainsi par une mention à la qualité des soins, et cela pourrait même être un apport du Sénat unanime.
M. le président. L'amendement n° 131, présenté par MM. Chabroux, Godefroy et Domeizel, Mme Printz, MM. Vantomme, Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :
Dans la première phrase du premier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 161361 du code de la sécurité sociale, après les mots :
des soins
insérer les mots :
, en particulier dans les réseaux
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Vous avez entendu à l'instant M. Chabroux parler avec toute l'éloquence qui est la sienne des réseaux de soins.
Il nous semble important de faire référence aux réseaux de santé à propos du dossier médical personnel, car son utilisation en tant qu'outil pour un meilleur suivi médical du patient s'inscrit totalement dans le cadre des réseaux de santé et d'un fonctionnement décloisonné des différentes structures de santé.
Ce décloisonnement et l'instauration de liens étroits entre l'hôpital, la médecine de ville et le paramédical sont pour nous des préalables à l'utilisation efficiente du dossier médical personnel, parce que le partage de l'information nécessite une communauté de langage et de pratiques entre tous les acteurs, en particulier le patient, qui est acteur de son propre parcours de santé et partie prenante dans l'utilisation ou non du dossier médical personnel.
Dans cette perspective, la notion de confiance dans le dossier médical personnel est une donnée essentielle de son appropriation par l'assuré. Or, l'information transparente et l'implication du patient en tant qu'acteur de la gestion de son dossier nous paraissent nécessaires à cette confiance.
C'est pourquoi nous proposons de généraliser le DMP nouvelle version d'abord dans les réseaux de soins, qui ont déjà souvent l'habitude d'utiliser un dossier partagé. La mise en place généralisée du dossier médical personnel ne pourra en effet qu'être progressive.
En ce sens, s'appuyer pour les premières utilisations sur l'expérience des réseaux de soins existants - en particulier autour de la prise en charge de certaines maladies chroniques ou de celle des personnes âgées - nous paraît être une démarche pragmatique et pédagogique, gage d'une meilleure efficacité.
J'en veux pour preuve que moins de 50 % des spécialistes utilisent actuellement la carte vitale et que moins de 5 % des hôpitaux disposeraient d'un dossier informatisé. Nous sommes donc très loin de la généralisation du dossier informatique.
Nous proposons donc de commencer avec les réseaux et, en tout cas, de les mentionner dans le texte.
Monsieur le ministre, eu égard à l'attachement aux réseaux de santé que vous avez exprimé, je ne vois pas pourquoi vous refuseriez notre apport à cet égard : cet amendement devrait donc recevoir un aussi bon accueil que celui que j'ai eu l'honneur de présenter précédemment...
M. le président. L'amendement n° 132, présenté par MM. Chabroux, Godefroy et Domeizel, Mme Printz, MM. Vantomme, Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :
Compléter la première phrase du premier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 161361 du code de la sécurité sociale, par les mots :
après avis des associations représentant les usagers.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Avec l'amendement n° 132, nous proposons de faire participer les associations d'usagers à la définition du dossier médical personnel.
Les associations d'usagers sont présentes, vous le savez, dans les conseils d'administration des hôpitaux ainsi que dans plusieurs instances relatives à la santé publique.
Ces associations jouent un rôle extrêmement positif. Dans notre pays, on a ainsi pu voir encore tout récemment les associations de consommateurs manifester - à juste titre - contre certaines mesures du projet de loi relatif à la politique de santé publique. Je veux bien sûr parler, monsieur le ministre, des mesures relatives à ces fameux distributeurs et à ces publicités télévisées dont nous avons débattus il y a peu.
Il est heureux que ces associations se soient exprimées et nous aient sensibilisés, nous les élus, à ces sujets importants, et j'espère que nous allons davantage entendre leur voix lors de la commission mixte paritaire que lors de la deuxième lecture !
Sur un sujet aussi important, qui met en cause, je l'ai dit tout à l'heure, l'intimité, la vie personnelle, la vie privée de chaque personne, il nous paraît essentiel que les associations d'usagers puissent donner leur avis.
Je vois mal comment on pourrait être opposé au recueil de cet avis et je suppose donc, monsieur le rapporteur, messieurs les ministres, que ce troisième amendement sera accueilli aussi favorablement que les deux précédents.
M. le président. L'amendement n° 365, présenté par Mme Demessine, MM. Autain, Fischer, Muzeau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Compléter la dernière phrase du premier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 161361 du code de la sécurité sociale par les mots :
et à l'expression de la volonté de la personne concernant le don d'organe
La parole est à M. François Autain.
M. François Autain. Cet amendement se situe dans la prolongation des discussions que nous avons pu avoir avec M. le ministre lors d'une nuit mémorable consacrée à l'examen, en deuxième lecture, du texte portant révision des lois « bioéthique ». Nous vous invitons en effet à revenir sur la question du don d'organes.
Sans insister sur le nombre de personnes en attente d'un donneur, je rappellerai qu'une des dispositions que nous avons adoptées dans le projet de loi relatif à la bioéthique fait du prélèvement d'organes une priorité nationale.
En effet, le nombre de personnes en attente d'organes va croissant, tandis que celui de donneurs stagne. Beaucoup de patients meurent, hélas ! faute de donneurs.
Le système actuel, qui est issu de la loi Caillavet, n'est pas satisfaisant : il pose le principe du consentement présumé selon lequel le prélèvement d'organes après le décès de la personne est praticable, sauf si cette dernière a exprimé son refus de son vivant, refus exprimé sur un registre national qui est prévu à cet effet.
On constate que le nombre de refus enregistrés décroît d'année en année, ce qui veut dire que sont ignorés des Français non seulement cette loi, mais également l'existence de ce registre, puisqu'il n'est plus utilisé. De fait, le consentement présumé de la personne se transforme en consentement de la famille, que les médecins cherchent chaque fois à obtenir pour des raisons humaines tout à fait faciles à comprendre.
Dans un tiers des cas, on se heurte au refus des familles. Il faudrait sortir de cette situation non seulement pour augmenter le nombre de donneurs, mais aussi pour faire en sorte que le don d'organes devienne non pas une action par défaut mais un acte volontaire assumé. Il existe déjà une carte de donneur sur laquelle est inscrite la volonté de la personne de faire don d'un organe. Cependant, cette démarche est soumise à l'initiative d'associations très dynamiques qui, jusqu'à présent, n'ont pas reçu le soutien du législateur.
La création du dossier médical personnel devrait être l'occasion de réparer cette lacune en créant un volet spécial qui serait destiné à recueillir la volonté de son titulaire en matière de dons. Bien entendu, cette volonté pourra être aussi bien négative que positive. Il s'agit là d'une occasion qui nous est offerte et il serait dommage que nous ne la saisissions pas.
M. le président. L'amendement n° 319 rectifié, présenté par MM. Franchis, Leclerc et Peyrat, est ainsi libellé :
Compléter le premier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 161-36-1 du code de la sécurité sociale par une phrase ainsi rédigée :
Il comporte également un volet spécialement destiné aux actes et aux prescriptions dispensés dans le domaine psychiatrique.
La parole est à M. Dominique Leclerc.
M. Dominique Leclerc. Cet amendement a pour objet, dans le cadre de la création du dossier médical personnel, de mettre en place des dispositions particulières sous la forme d'un volet spécifique pour les patients qui souffrent de troubles psychiatriques.
M. le président. L'amendement n° 133, présenté par MM. Chabroux, Godefroy et Domeizel, Mme Printz, MM. Vantomme, Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :
Remplacer le deuxième alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 161361 du code de la sécurité sociale, par deux alinéas ainsi rédigés :
« Il est créé un établissement public des données de santé qui a l'exclusivité de l'hébergement du dossier médical personnel.
« Les statuts et les règles de fonctionnement de cet établissement sont précisés par décret en Conseil d'Etat.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Nous accordons une très grande importance à cet amendement n° 133. Nous proposons la création d'un établissement public des données de santé qui aurait l'exclusivité de l'hébergement du dossier médical personnel. Les statuts et les règles de fonctionnement de cet établissement seraient précisés par décret en Conseil d'Etat.
Je regrette que M. Douste-Blazy ait quitté l'hémicycle.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Il va revenir !
M. Jean-Pierre Cantegrit. M. Xavier Bertrand est là !
M. Jean-Pierre Sueur. Je m'adresserai donc à M. le secrétaire d'Etat.
Je voulais me fonder, pour défendre cet amendement, sur un recours devant le Conseil constitutionnel qui avait été présenté par M. Douste-Blazy en 1999, alors qu'il était un jeune député ; il est maintenant un jeune ministre. Ce recours était relatif à la généralisation de la carte vitale : il stipulait que « tout système informatisé de transmission de l'information comporte le risque d'être déjoué ».
M. Paul Blanc. Il y a eu des progrès depuis !
M. Jean-Pierre Sueur. Très peu, mon cher collègue, en tout cas pas suffisamment !
M. Douste-Blazy expliquait dans ce recours que « les risques encourus sont dans ce projet évidents et majeurs, notamment en raison de la valeur marchande que certains veulent lui conférer. » Il expliquait qu'il fallait les prévenir, ce qui supposait de soustraire définitivement ces données au marché et à ses aléas.
Mme Nicole Borvo. Il parlait d'or ! (Sourires.)
M. Jean-Pierre Sueur. Dans ces conditions, fort du recours de M. Douste-Blazy devant le Conseil constitutionnel, que je peux produire intégralement, je présume que l'avis favorable du Gouvernement sur notre amendement est certain. (Sourires.) Ou alors, il ne fallait pas que M. Douste-Blazy présentât cette argumentation devant le Conseil constitutionnel. A moins qu'entre temps il eût changé d'avis (M. Paul Blanc s'exclame.), ce qui serait, mes chers collègues, extrêmement dommageable.
Mme Nicole Borvo. On ne saurait plus qui croire !
M. Jean-Pierre Sueur. La question du stockage des données et du statut de l'hébergeur est au coeur des inquiétudes que suscitent les modalités techniques de mise en oeuvre du dossier médical personnel.
Nous considérons que la première lecture à l'Assemblée nationale n'a malheureusement pas permis d'apporter les assurances nécessaires sur ce sujet très sensible.
Les hébergeurs privés, même agréés, pourront être des entreprises physiquement établies à l'étranger. Elles pourront être l'objet de changements de propriétaire qui présenteront des risques de détournement des données. Comment assurer auprès de ces entreprises étrangères les mesures de contrôle organisées par la loi française ?
Comment assurer la confidentialité en cas de changement d'actionnaire, de délocalisation, voire de dépôt de bilan dudit opérateur ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. A quoi sert l'agrément !
M. Jean-Pierre Sueur. Nous estimons que les critères de sécurité et d'indépendance qui figurent dans le dispositif proposé sont insuffisants. C'est pourquoi nous considérons que, sur un sujet aussi grave, qui touche à la vie personnelle de millions de Français, il faut créer un établissement public des données de santé.
Nous ne pouvons pas courir le risque si excellemment exposé par M. Douste-Blazy dans son recours. Je suis persuadé qu'il ne se déjugera pas.
M. Jean-Pierre Cantegrit. On dit que seuls les imbéciles ne changent pas d'avis !
M. François Autain. On dit aussi que les moyens pour arriver au pouvoir ne sont pas les mêmes que ceux qui sont nécessaires pour l'exercer... C'est une autre façon de présenter les choses ! Dommage que M. Douste-Blazy ait quitté l'hémicycle précisément au moment où une réponse de sa part aurait été nécessaire. Son absence tombe à pic ! (Sourires.)
M. le président. L'amendement n° 357, présenté par Mme Demessine, MM. Autain, Fischer, Muzeau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le deuxième alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 161361 du code de la sécurité sociale :
« Il est créé un établissement public des données de santé qui a l'exclusivité de l'hébergement du dossier médical personnalisé.
La parole est à M. François Autain.
M. François Autain. Cet amendement est très peu différent de celui qui vient d'être présenté par M. Sueur, mais il n'est pas inutile de répéter un certain nombre de vérités, même s'il y a peu d'espoir que nous puissions faire changer d'avis la majorité sénatoriale et encore moins le Gouvernement.
Dès lors que l'on choisit Internet comme support de transmission des données de santé, la question de la sécurité et de la confidentialité des informations concernant le patient doit être au coeur de notre réflexion.
S'agissant de la survivance du secret médical, condition de la relation de confiance qui lie le médecin au patient, la sécurité des données de santé est dépendante de celle des systèmes informatiques des médecins, lesquels sont vulnérables comme n'importe quel système informatique. En effet, si la sécurité a fait des progrès, les pirates en ont fait eux aussi.
Dès lors que l'on peut pénétrer à l'intérieur du système informatique du Pentagone, tout est possible et il est très facile d'imaginer que l'on puisse accéder à un dossier médical informatisé.
Or le degré d'informatisation des médecins ne permet pas toujours d'offrir une garantie maximum. C'est dans ce contexte qu'il convient d'aborder la question de l'hébergement des données de santé.
Le choix qui doit être fait est celui qui se fixe comme objectif fondamental une protection effective et non commerciale de ces données. Confier à un opérateur privé le soin de mettre en fiches la santé des Français, c'est, pour les sénateurs de mon groupe, amoindrir l'exigence de qualité, de neutralité et de confidentialité. En effet, à la différence d'un opérateur public, l'hébergeur privé est soumis à la conjoncture du marché comme aux changements internes de la société, qui peuvent entraîner des fusions, des changements d'actionnaires, des délocalisations, des dépôts de bilan, et j'en passe. C'est spécialement vrai dans le domaine des nouvelles technologies où les changements sont beaucoup plus rapides que dans d'autres domaines.
Dès lors, qui peut garantir le caractère pérenne et fiable de cette base de données face aux fluctuations de l'avenir ? Qui peut prétendre que l'indépendance des hébergeurs privés au regard des règles du marché européens et des enjeux de la santé et de l'assurance est assurée ? Nous ne pouvons accepter de telles incertitudes.
La solution de l'hébergeur public, si elle ne résout pas la question de la sécurité des systèmes informatiques, permet néanmoins de garantir que la conservation des données de santé se fera dans le strict respect de l'indépendance, de la continuité inhérente au service public, dans le respect des droits des patients et de l'égalité des droits.
Tel est le sens de cet amendement que je vous demande d'adopter.
M. le président. L'amendement n° 372, présenté par Mme Demessine, MM. Autain, Fischer, Muzeau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Compléter le deuxième alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 161361 du code de la sécurité sociale par une phrase ainsi rédigée :
Cet hébergeur exerce l'activité d'hébergement des dossiers médicaux personnels dans le cadre d'une délégation de service public qui ne peut faire l'objet d'aucune sous-traitance.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Il s'agit d'un amendement de repli au cas où l'amendement de suppression de l'article 2 ne serait pas adopté, ce qui est fort probable.
Refuser la mise en place d'un établissement public des données de santé, c'est s'exposer dans l'avenir à des risques qui pourront gravement mettre en cause la confiance des citoyens dans leur système de soins et favoriser le recours à des pratiques illégales.
Je note d'ailleurs que le flou qui encadre cette question a inquiété jusqu'à la commission des affaires sociales, laquelle a pudiquement regretté de ne pas disposer d'éléments concrets sur le déroulement du projet et notamment d'ignorer qui sera l'opérateur responsable de la mise en oeuvre du dispositif.
On sait seulement que le Gouvernement a souhaité opté pour un hébergeur central unique privé, sans que ce système soit encadré des précautions nécessaires en termes de sécurité face aux pannes et aux attaques de piratages informatiques dont vient de parler François Autain.
Le groupe des sénateurs communistes républicains et citoyens refuse, pour sa part, d'être laissé dans le flou s'agissant d'un dispositif mettant en jeu la confidentialité des données de santé.
C'est la raison pour laquelle nous vous proposons un amendement dont l'objet est, à tout le moins, d'encadrer par la loi les conditions dans lesquelles s'exercent le stockage et la mise à disposition des données de santé.
Certes, l'article L. 1111-8 du code de la santé publique précise déjà que l'hébergeur devra être agréé selon des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, et que celui-ci est astreint aux obligations découlant des dispositions de la loi de 1978, que nous venons de modifier dans le sens d'un contrôle à la baisse de la CNIL.
Néanmoins, afin de préserver tout risque de dérive, il convient de préciser que l'activité d'hébergeur de données de santé constitue une délégation de service public, soumise, en tant que telle, à des obligations en termes de continuité et d'indépendance. Cette activité implique également l'existence d'un cahier des charges précis, dont nous aimerions, monsieur le ministre, connaître d'ores et déjà les grandes lignes, afin de nous prononcer en connaissance de cause.
Nous avons également souhaité exclure toute possibilité de sous-traitance, dans un objectif à la fois de qualité et d'indépendance de l'opérateur.
J'espère donc que cet amendement recueillera un avis favorable de mes collègues de la Haute Assemblée.
M. le président. L'amendement n° 366 rectifié, présenté par Mme Demessine, MM. Autain, Fischer, Muzeau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Compléter in fine le deuxième alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 161361 du code de la sécurité sociale par une phrase ainsi rédigée :
Dans tous les cas, le patient dispose d'un droit de rectification et de suppression de certaines données, qu'il juge de nature à porter atteinte au respect dû à sa vie privée et à ses convictions personnelles.
La parole est à M. François Autain.
M. François Autain. Le présent amendement vise à rétablir le « citoyen-patient » dans ses droits sur les informations qui le concernent.
A ce stade de la discussion, il convient de rappeler un principe simple et intangible, un principe fondamental du droit de la personne humaine : les informations médicales contenues dans le dossier médical appartiennent au patient, étant entendu que la question des épidémies est déjà réglée dans les dispositifs actuels.
Or, à l'inverse de ce qui se passe dans les autres domaines de la vie privée, en l'état actuel du texte, rien n'est prévu en ce qui concerne la rectification ou l'effacement des données figurant dans ce dossier médical. Si, aux termes de l'article L. 1111-8 du code de la santé publique, le consentement exprès de la personne est effectivement exigé avant le recueil des données la concernant, rien n'est prévu a posteriori.
En réalité, il faut bien convenir qu'il s'agit non pas du dossier du patient, mais du dossier des professionnels de santé, dont le patient n'est que le dépositaire passif.
C'est ainsi un retour, me semble-t-il, à une conception archaïque de la relation entre le patient et son médecin que l'on consacre ici, à rebours de la loi relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, dans laquelle on a choisi de faire des patients les acteurs de leur propre santé. En déniant à la personne le droit de contrôler les éléments contenus dans son dossier médical, on lui dénie une partie de ses droits, mettant en jeu, par ricochet, le droit de décider ou non de se soigner ou le droit, eu égard aux dispositions de la loi de 2002, de refuser un traitement.
Au surplus, refuser au patient le droit d'intervenir sur les informations contenues dans le dossier médical personnel conduit à créer une sorte de... (M. le ministre quitte de nouveau l'hémicycle.) Ah ! M. le ministre nous quitte encore !
M. François Autain. Mais je vous en prie, monsieur le ministre. Vaquez à vos occupations, il n'y pas de problèmes !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. M. le secrétaire d'Etat est là !
M. François Autain. Absolument, et je le félicite pour sa constance : il assure la permanence !
M. François Autain. Avant d'assurer le service après-vote, il assure le service du vote ! (Nouveaux sourires.)
Je le disais, il s'agit de créer une sorte de « casier sanitaire », comme ont pu l'appeler certains, par référence au casier judiciaire, pour insister sur son aspect stigmatisant. (Protestations sur les travées de l'UMP.)
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C'est fait pour aider le patient !
M. François Autain. Dans le texte que vous proposez, il ne s'agit pas d'en faire un instrument destiné à favoriser la coordination des soins et l'amélioration de leur qualité.
MM. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales, et Xavier Bertrand, secrétaire d'Etat. Mais si !
M. François Autain. Non ! A mon avis, vous avez créé le dossier médical personnel surtout pour en faire un instrument de contrôle social, de déremboursement et de régulation financière. (M. le président de la commission des affaire sociales fait un signe de dénégation.)
M. Paul Blanc. On ne peut pas laisser dire cela !
M. François Autain. Nous ne pouvons pas être d'accord avec cette manière de voir.
On notera d'ailleurs que, à la différence du casier judiciaire, le casier sanitaire durera toute la vie.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Heureusement !
M. François Autain. Ainsi, une personne victime dans son adolescence de bouffées délirantes se verra poursuivie toute sa vie par ce passé médical qui peut, parfois, être encombrant, parce que, souvent, il ne faut pas se le cacher, un tel passé peut être stigmatisant.
M. Paul Blanc. Ce n'est pas possible de dire cela !
M. François Autain. J'utilise de nouveau ce terme que vous n'avez pas l'air d'apprécier, mais qui, en l'occurrence, convient bien.
Alors, me direz-vous, ce dossier est établi, d'abord et avant tout, au bénéfice du patient, pour assurer une meilleure qualité des soins.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Absolument ! Comme pour le carnet de santé des enfants !
Mme Nicole Borvo. Les enfants, par définition, sont mineurs !
M. François Autain. Vous savez comme moi qu'une telle interprétation est en partie inexacte puisque le dossier médical personnel a vocation à sanctionner les personnes qui refuseraient de le présenter.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Il s'agit d'améliorer l'accès aux soins !
M. François Autain. Il s'agit d'une confusion des genres dont nous avons dit combien elle était préjudiciable à l'institution d'un mécanisme qui aurait pu et dû être bon.
Par conséquent, nous vous proposons, par cet amendement, de contrecarrer ce qui serait, à notre sens, une formidable régression, en réaffirmant le droit fondamental de toute personne sur les données personnelles qui la concernent.
Mme Nicole Borvo. Absolument !
M. Paul Blanc. De tels propos ne sont pas acceptables !
M. le président. L'amendement n° 134, présenté par MM. Chabroux, Godefroy et Domeizel, Mme Printz, MM. Vantomme, Sueur et les membres du groupe Socialiste, rattachée et apparenté, est ainsi libellé :
Après le deuxième alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 161361 du code de la sécurité sociale, insérer deux alinéas ainsi rédigés :
« Les hébergeurs mentionnés au deuxième alinéa exercent l'activité d'hébergement des dossiers médicaux personnels dans le cadre d'une délégation de service public qui ne peut faire l'objet d'aucune sous-traitance.
« Les hébergeurs agréés ne doivent avoir aucun lien, direct ou indirect, avec les entreprises ou organismes d'assurances et de capitalisation et tous les organismes de prévoyance, de retraite et de protection sociale obligatoires ou facultatifs ou avec les entreprises et établissements produisant ou exploitant des produits de santé ou prestataires de services dans le domaine de la médecine.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Je pensais avoir l'opportunité de dire à M. Douste-Blazy que cet amendement était peut-être inutile.
M. François Autain. Il est encore absent !
M. Jean-Pierre Sueur. J'ai rappelé, tout à l'heure, la position très marquée qu'avait adoptée M. le ministre en 1999. A l'instar de nos excellents collègues du groupe CRC, nous présentons plusieurs amendements de repli, même si ceux-ci s'avéreront certainement inutiles. En effet, la nécessité des prérogatives publiques en la matière s'impose à un point tel que nous avons quelques scrupules à présenter cet amendement. Mais il faut bien faire son travail !
M. Paul Blanc. Arrêtez, vous allez nous faire pleurer !
M. Jean-Pierre Sueur. Nous souhaitons donc préciser que « les hébergeurs mentionnés au deuxième alinéa exercent l'activité d'hébergement des dossiers médicaux personnels dans le cadre d'une délégation de service public qui ne peut faire l'objet d'aucune sous-traitance ».
Il s'agit d'une garantie essentielle. A partir du moment où l'entité qui est désignée sous-traite à une autre entité qui ne présenterait pas les mêmes garanties puisqu'elle ne serait pas soumise aux mêmes obligations, le dispositif perdrait de son efficacité.
Par ailleurs, nous souhaitons ajouter la précision suivante, qui est très importante et sur laquelle, mes chers collègues, nous pourrions nous mettre d'accord : « Les hébergeurs agréés ne doivent avoir aucun lien, direct ou indirect, avec les entreprises ou organismes d'assurances et de capitalisation et tous les organismes de prévoyance, de retraite et de protection sociale obligatoires ou facultatifs ou avec les entreprises et établissements produisant ou exploitant des produits de santé ou prestataires de services dans le domaine de la médecine. » Il faut en effet être très clair en la matière.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Tout cela sera précisé dans le décret !
M. Jean-Pierre Sueur. Il faut faire très attention, car chacun perçoit bien l'enjeu extraordinaire que représente le dossier médical personnel pour des dizaines de millions de personnes. Des pressions de toutes sortes seront exercées, d'autant que le dispositif est mal maîtrisé et qu'il s'inscrit, en outre, dans la sphère internationale.
Je parlais tout à l'heure des questions vexatoires posées par certaines compagnies d'assurances. J'ai aussi constaté que les organismes bancaires avaient des pratiques similaires, en menant de véritables enquêtes avant de prêter de l'argent à telle ou telle personne.
Nous rencontrons des personnes qui sont vraiment dépitées d'être traitées ainsi : ces organismes sont très exigeants, ils veulent tout savoir, pour tout calculer, pour faire de l'argent !
M. Eric Doligé. Vous exagérez !
M. Jean-Pierre Sueur. Cela compte beaucoup dans notre société !
Je le dis en ces termes, car c'est la vérité : comment penser, benoîtement, naïvement, que l'ensemble des acteurs économiques ne trouvera aucun intérêt à s'intéresser à un fichier de 60 millions de personnes et qu'il le considérera avec la plus grande passivité ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. Procès d'intention !
M. Jean-Pierre Sueur. Mais non ! Il faut des règles précises, vigoureuses, fermes, parce que c'est l'intimité de chacun de nos concitoyens et de nos concitoyennes qui est en jeu.
C'est pourquoi nous présentons cet amendement de repli, en espérant de tout coeur que vous choisirez de mettre en place un organisme public, car, comme chacun le sait dans notre pays, le service public présente des garanties.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Ce sont des propos d'opposant !
M. le président. L'amendement n° 373, présenté par Mme Demessine, MM. Autain, Fischer, Muzeau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Après le deuxième alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 161361 du code la sécurité sociale, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« L'hébergeur agréé ne doit avoir aucun lien, direct ou indirect, avec les entreprises ou organismes d'assurance et de capitalisation et tous les organismes de prévoyance, de retraite et de protection sociale obligatoires ou facultatifs ou avec les entreprises et établissements produisant ou exploitant des produits de santé ou prestataires de services dans le domaine de la médecine.
La parole est à M. François Autain.
M. François Autain. Il s'agit également d'un amendement de repli, au cas où l'amendement que nous avons déposé en faveur d'un hébergeur public ne serait pas adopté.
Il nous faut, dans le texte de loi, indiquer les conditions d'incompatibilité directe et indirecte, via, par exemple, des prises de participation, de la fonction d'hébergeur de santé avec celle d'organismes d'assurance, de capitalisation, de prévoyance ou de retraite.
De l'autre côté de la chaîne, il nous faut également envisager la situation des entreprises qui fabriquent des médicaments, et dont on connaît, je l'ai déjà évoqué précédemment au travers d'une étude menée en 2002 par le Conseil national de l'ordre des médecins, le CNOM, l'appétit en matière de données de santé : cela leur permet de constituer une base de données attractive et fidélisante vis-à-vis, notamment, des médecins libéraux.
Tel est le sens de l'amendement que je vous propose d'adopter, afin d'offrir à nos concitoyens la garantie que les données médicales qui les concernent seront, sinon entre de bonnes mains, du moins entre les mains d'hébergeurs qui n'auront aucun intérêt connexe à l'utilisation de telles données.
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures quarante-cinq, est reprise à quinze heures.)
M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif à l'assurance maladie.
Je rappelle que, dans la discussion des articles, nous avons entamé l'examen des amendements portant sur l'article 2.
L'amendement n° 135, présenté par MM. Chabroux, Godefroy et Domeizel, Mme Printz, MM. Vantomme, Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :
Après le texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 161-36-1 du code de la sécurité sociale, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Art. L. ... . - Lors de la création du dossier médical personnel, le médecin traitant doit informer préalablement le patient de la nature de ses droits en application de la loi informatique et liberté du 6 janvier 1978 et de la loi du 4 mars 2002 sur le droit des malades.
« Une information écrite sur ces droits doit également être affichée en permanence dans les locaux des professionnels de santé.
« Un décret en Conseil d'Etat précise les modalités d'application du présent article.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Cet amendement vise à préciser dans la loi la nature des informations que le médecin traitant doit donner au patient au moment de la création du dossier médical personnel, notamment celles qui portent sur les droits qui lui sont reconnus par la loi relative à l'informatique et aux libertés, d'une part, et par la loi relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, d'autre part.
Dans le but d'instaurer un climat de confiance et afin que le patient reçoive l'information la plus précise possible, nous proposons également que cette information soit affichée en permanence dans les cabinets médicaux.
Monsieur le ministre, comme vous pouvez le constater, il s'agit de recommandations explicites de la CNIL.
M. Jean-Pierre Sueur. Comme la CNIL est tout à fait fondée à faire ces recommandations et qu'elles sont pleines de sagesse, je ne doute pas que vous serez favorable à cet amendement, comme à tous ceux que j'ai eu l'honneur de présenter précédemment. (Sourires.)
M. le président. L'amendement n° 137, présenté par MM. Chabroux, Godefroy et Domeizel, Mme Printz, MM. Vantomme, Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :
Compléter in fine le premier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 161362 du code de la sécurité sociale par les dispositions suivantes :
après information de l'assuré. En tout état de cause, la communication du dossier à un tiers est prohibée, même avec le consentement du patient.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Les problèmes risquent d'être si nombreux et le souci de la confidentialité est tellement important s'agissant de données intimes et de la vie personnelle des patients, qu'il nous semble nécessaire de préciser que l'informatisation des données médicales via le dossier médical personnel ne saurait se faire sans l'information préalable du patient, ce dossier devant être avant tout un outil mis au service de la qualité des soins et du renforcement de l'autonomie du patient.
En outre, le dossier médical personnel doit être la propriété du patient - c'est clairement prévu dans le dispositif - et obéir aux règles de confidentialité et de respect de la vie privée. Cela implique, selon nous, que la communication à des tiers soit prohibée en toutes circonstances, même si l'assuré a donné son consentement à cette communication.
M. le président. L'amendement n° 367, présenté par Mme Demessine, MM. Autain, Fischer, Muzeau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Après les mots :
reporte dans le dossier médical personnel
rédiger ainsi la fin de la première phrase du premier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 161362 du code de la sécurité sociale :
après information de l'assuré, à chaque acte ou consultation, les seuls éléments diagnostiques et thérapeutiques strictement nécessaires au suivi médical de la personne prise en charge.
La parole est à M. François Autain.
M. François Autain. Cet amendement a deux objets.
En premier lieu, il vise à préciser la nature des informations qui doivent figurer dans le dossier médical. Il ne peut s'agir que d'éléments strictement nécessaires au suivi médical.
Cet encadrement a deux mérites essentiels.
Du point de vue du médecin, il lui permet de disposer d'un dossier médical personnel exploitable, car non surchargé de dispositions inutiles.
Du point de vue du patient, il constitue un gage de confidentialité puisque les éléments qui n'ont pas un intérêt direct pour le soin médical n'y figureront pas, préservant ainsi l'intimité de sa vie privée.
En second lieu, cet amendement tend à rappeler la nécessité d'informer préalablement le patient sur les éléments du dossier médical qui feront l'objet d'un traitement par le professionnel de santé.
J'indique d'emblée que nous sommes favorables à l'amendement présenté par nos collègues et tendant à privilégier de façon pédagogique une information continue du patient en portant à sa connaissance les dispositions de la loi de 1978, en particulier sous l'angle de son droit d'opposition et de rectification.
Si notre amendement était adopté, nous aurions la certitude que se mettra en place un dispositif suffisamment encadré pour être opérationnel et le moins attentatoire possible aux libertés individuelles.
M. le président. L'amendement n° 368, présenté par Mme Demessine, MM. Autain, Fischer, Muzeau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Compléter le premier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 161362 du code de la sécurité sociale par une phrase ainsi rédigée :
En tout état de cause, la communication du dossier à tiers est prohibée, même avec le consentement du patient.
La parole est à M. François Autain.
M. François Autain. Cet amendement est proche de celui que vient de présenter mon collègue du groupe socialiste. Je pense néanmoins qu'il n'est pas inutile de revenir sur l'instauration du dossier médical personnel.
L'article L.161-36-2-1, que nous allons aborder, prévoit dans son premier alinéa l'impossibilité d'exiger la communication du dossier en dehors des cas prévus à l'article L.161-36-2. Mais il s'agit de définir le « quoi » plutôt que le « qui ».
La lecture combinée des deux articles du code de la sécurité sociale nouvellement créés conduit à interdire aux professionnels de santé d'exiger la communication du dossier médical du patient lorsque cette demande ne vise pas à favoriser la qualité et la continuité des soins.
Quant aux deuxième et troisième alinéas de l'article L.161-36-2-1, ils visent plus précisément les cas de conclusion d'un contrat ou le cadre de la médecine du travail. Ils ne s'appliquent donc qu'à des cas précisément identifiés sans que jamais soit affirmée l'interdiction de principe de la communication à un tiers, hors la conclusion d'un contrat, une demande d'information dans le cadre d'un démarchage, d'une étude d'opinion, et alors même que des informaticiens peuvent y avoir accès sans aucune légitimité.
Nous le savons, chacun peut être interrogé, parfois de manière insidieuse, sur son état de santé. Nos concitoyens sont souvent conduits à donner à un tiers, plus ou moins spontanément, éventuellement sous la pression, des informations d'ordre médical.
C'est pourquoi il convient d'affirmer avec force le principe de non-communication à des tiers du dossier médical personnel, même avec l'accord du titulaire du dossier.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 138 est présenté par MM. Chabroux, Godefroy et Domeizel, Mme Printz, MM. Vantomme, Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparenté et rattachée.
L'amendement n° 370 est présenté par Mme Demessine, MM. Autain, Fischer, Muzeau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après le premier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 161362 du code de la sécurité sociale, insérer deux alinéas ainsi rédigés :
« Le dossier médical personnel est conçu pour permettre un accès différencié des professionnels de santé aux informations mentionnées à l'article L. 11118 du code de la santé publique, selon leur nature, les conditions de leur recueil ou de leur production, et le contexte d'emploi prévu, et ce, conformément à l'accord exprimé par le bénéficiaire à chaque professionnel de santé consulté.
« Pour des situations d'urgence médicale, des conditions spécifiques d'accès aux données médicales relatives à l'urgence sont définies par le décret prévu à l'article L. 161363.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour présenter l'amendement n° 138.
M. Jean-Pierre Sueur. Le dossier médical personnel doit répondre à une double exigence : d'une part, il doit constituer, c'est évident, un instrument utile pour améliorer la continuité et la coordination des soins ; d'autre part, il doit préserver les droits reconnus au malade de consentir à l'échange d'informations le concernant entre professionnels de santé, notamment dans le cadre de la loi du 4 mars 2002.
Seule une gestion du dossier qui permet un accès aux informations selon leur statut répond à ce double objectif.
Ce statut sera déterminé dans le cadre de la relation de soins entre le patient et son ou ses médecins, selon un jugement ad hoc tenant compte de la nature de l'information et du contexte d'emploi.
C'est bien la finalité de l'utilisation qui justifie l'accès à l'information. Ainsi, des informations utiles à la continuité des soins- traitements en cours, allergies, affections chroniques avec facteurs de risques à long terme - peuvent être accessibles aux divers praticiens amenés à prodiguer des soins au patient.
Toutefois, le patient peut souhaiter que les autres informations ne soient pas partagées systématiquement avec des praticiens autres que celui qui les a produites dans le cadre de la relation de soins ou que celui à qui le patient les a lui-même confiées. C'est le cas, par exemple, d'un antécédent psychiatrique qui serait consigné dans le dossier, mais accessible au seul soignant l'ayant constaté.
Nous sommes très attachés à cette question. Nous estimons que les fortes inquiétudes exprimées par les psychiatres justifient tout à fait l'accès différencié des professionnels de santé aux informations mentionnées à l'article L.1111-8 du code de la santé publique. Nous aurons l'occasion de revenir sur les questions liées à la psychiatrie lors de la discussion de prochains amendements.
M. le président. La parole est à M. François Autain, pour présenter l'amendement n° 370.
M. François Autain. Le dossier médical doit répondre à une double exigence : une exigence d'utilité au regard de la continuité et de la coordination des soins ; une exigence de respect des droits du malade, singulièrement du droit au secret des informations le concernant.
A l'origine, le dossier médical informatisé était très largement conçu à partir du premier impératif ; d'où l'appellation de « dossier médical partagé ». Néanmoins, la volonté de réaffirmer les droits du patient sur son dossier a conduit à en changer la terminologie.
Comme l'a souligné le rapport de la commission des affaires culturelles et sociales de l'Assemblée nationale, compte tenu des risques potentiels pour les droits des personnes que recouvre la construction d'un dossier médical informatisé consultable par le patient, mais aussi par les professionnels de santé, le choix du Gouvernement d'utiliser l'expression de « dossier médical personnel », plutôt que celle de « dossier médical partagé », vise à souligner qu'il s'agit avant tout du dossier du patient.
De cette réaffirmation de principe, il découle logiquement que l'accès au dossier médical ne trouve de justification que du point de vue de la finalité de son utilisation, explicitée au premier alinéa de l'article L.161-36-1, à savoir la coordination, la qualité et la continuité des soins.
A contrario, il faut en déduire que, lorsque la nature des informations délivrées n'est strictement nécessaire ni à la coordination, ni à la qualité, ni à la continuité des soins, le partage du dossier médical ne trouve pas de justification et que l'accès aux informations qu'il contient s'apparente à une immixtion dans la vie privée du patient.
Pour prendre un exemple très concret, on peut dire qu'il est conforme à l'objectif de qualité des soins qu'un cardiologue ait accès aux informations concernant les antécédents cardiovasculaires d'un patient, ses facteurs de risque, ses allergies, les infections chroniques dont il a souffert, ainsi que les traitements en cours. Mais peut-on considérer qu'il en est de même des informations concernant une IVG antérieurement pratiquée ou les antécédents psychiatriques de la personne ? Nous ne le pensons pas.
La délivrance de ces informations devrait, selon nous, nécessiter l'accord du patient, conforme à la double exigence de partage des informations nécessaires et de respect du droit du malade pour les informations non nécessaires.
Avec cet amendement, nous vous suggérons de décider l'accès différencié des professionnels de santé aux informations contenues dans le dossier médical selon leur nature, les conditions de leur recueil ainsi que le contexte d'emploi, tout en réservant le cas particulier de l'urgence.
C'est à cette condition, nous semble-t-il, que sera préservée la relation de confiance entre le médecin et le malade, qui est la condition nécessaire de la qualité des soins, car, comme le rappelait un ancien président du conseil national de l'Ordre des médecins, Louis Portes, « il n'y a pas de médecine sans confiance, de confiance sans confidence et de confidence sans secret ».
Mme Hélène Luc. C'est vrai !
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 139 est présenté par MM. Chabroux, Godefroy et Domeizel, Mme Printz, MM. Vantomme, Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparenté et rattachée.
L'amendement n° 371 est présenté par Mme Demessine, MM. Autain, Fischer, Muzeau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après le premier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 161362 du code de la sécurité sociale, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« L'accès au dossier médical personnel du patient par le professionnel de santé consulté nécessite l'usage simultané de la carte mentionnée à l'article L. 16131 du code de la sécurité sociale et de la carte de professionnel de santé mentionnée au dernier alinéa de l'article L. 16133 du même code. Chaque carte est dotée d'un moyen sécurisé d'identification du titulaire conforme à l'état de l'art. Cet accès s'effectue selon les modalités prévues au cinquième alinéa de l'article L. 11118 du code de la santé publique.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour présenter l'amendement n° 139.
M. Jean-Pierre Sueur. Pour assurer au patient un contrôle effectif sur l'accès à son dossier médical personnel par les professionnels de santé qu'il consulte, il convient de prévoir une utilisation simultanée des cartes qui les identifient de façon certaine. Ces cartes devront contenir un dispositif sécurisé au plus près de l'état de l'art.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour présenter l'amendement n° 371.
Mme Annie David. Le présent amendement vise à garantir au patient un contrôle effectif sur l'accès à son dossier médical personnel par les professionnels de santé qu'il consulte. Cet amendement s'inscrit donc dans un objectif global de sécurisation.
En effet, on ne peut exclure les cas de perte ou de vol du dossier médical personnel. N'évoquiez-vous pas vous-même la question pour la carte Vitale, afin de justifier l'apposition d'une photo ?
Une des façons les plus simples de garantir un usage exclusif et en toute sécurité du dossier médical à l'occasion d'un examen médical, d'une prescription ou d'une hospitalisation est bien l'emploi simultané de la carte de professionnel et de la carte du patient.
Cette disposition est de nature à garantir l'impossibilité d'un accès réalisé à l'insu du patient et ainsi de préserver le secret médical. C'est pourquoi nous tenons particulièrement à cet amendement.
Une telle disposition a été rejetée à l'Assemblée nationale, non pas tant sur le fond, mais parce qu'elle serait de nature réglementaire. Pour notre part, nous considérons que, dans la mesure où les conditions d'accès aux données de santé conditionnent effectivement l'exercice du secret médical et du droit au respect de la vie privée, elle devrait, dans son principe, et non pas dans ses modalités techniques, relever de la loi.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 136 est présenté par MM. Chabroux, Godefroy et Domeizel, Mme Printz, MM. Vantomme, Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparenté et rattachée.
L'amendement n° 358 est présenté par Mme Demessine, MM. Autain, Fischer, Muzeau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer le second alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 161362 du code de la sécurité sociale.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour présenter l'amendement n° 136.
M. Jean-Pierre Sueur. Cet amendement est, pour nous, très important dans la mesure où l'alinéa que nous proposons de supprimer purement et simplement a pour effet de subordonner le remboursement à l'autorisation que donne le patient, à chaque consultation ou hospitalisation, aux professionnels de santé d'accéder à son dossier médical personnel.
Nous considérons que cette subordination est inacceptable. En effet, l'exercice des droits au respect de la vie privée et à l'information concernant sa santé ne peut être sanctionné par un remboursement modulé des actes et des prestations. Nous pensons même qu'une telle disposition est anticonstitutionnelle, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat.
La loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé a établi que la transmission de données personnelles entre professionnels de santé n'était possible qu' « afin d'assurer la continuité des soins » du patient et « sauf opposition de la personne dûment avertie ».
La disposition proposée dans le présent projet de loi porte atteinte à la confidentialité qui régit le colloque singulier entre le médecin et le malade. Il n'est pas admissible que la dérogation au secret médical devienne la règle, avec une présentation du dossier rendue obligatoire pour tout épisode de soins, sous peine de non-remboursement partiel ou total des actes et des prestations.
Mes chers collègues, je vous mets en garde : si une telle mesure était adoptée, elle romprait le principe d'égalité d'accès aux soins. Elle entraverait cet accès et tendrait à vicier le consentement du patient puisque seuls les patients qui n'ont pas de difficultés financières auraient, de fait, la capacité de décider si tel médecin doit pouvoir ou non accéder à leurs données médicales. Les autres n'auraient aucun choix !
M. Jean Chérioux. Allons donc, ceux qui ont la CMU ne paient pas !
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur Chérioux, trouvez-vous normal que seuls certains patients puissent véritablement exercer une liberté de choix quant à l'accès du médecin à leurs données médicales ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. Vous faites de l'amalgame !
M. Jean-Pierre Sueur. Je ne fais pas d'amalgame !
Trouvez-vous normal que cette liberté soit conditionnée par des questions de remboursement et donc par un niveau de capacités financières ?
M. Jean Chérioux. Pas conditionnée !
M. Jean-Pierre Sueur. Nous, nous ne trouvons pas cela normal et nous saisirons le Conseil constitutionnel si cette disposition est adoptée.
J'ajoute que, dans un quotidien du matin - monsieur Chérioux, vous devez en avoir eu connaissance - ...
M. Jean Chérioux. Parce que vous savez ce que je lis ? Moi, je lis l'Humanité ! (Sourires.)
M. Jean-Pierre Sueur. Vous avez raison de lire toute la presse. Vous l'aidez ainsi à prospérer dans sa diversité, monsieur Chérioux !
Donc, un quotidien du matin faisait écho aux préoccupations des psychiatres et l'on pouvait y lire notamment :
« Autre sujet d'inquiétude, le niveau de remboursement des soins devrait être "subordonné à l'autorisation" d'accès au dossier donnée par "le patient, à chaque consultation ou hospitalisation aux professionnels de santé". Une mesure qui, pour les psychiatres réunis au sein du CASP - Comité d'action syndical de la psychiatrie -, subordonne la possibilité de remboursement des soins au fait que le patient renonce au caractère absolu de ce secret.
« Avec pour conséquence une inégalité inacceptable entre les patients. Les plus fortunés pourront continuer à bénéficier du secret en sacrifiant leurs remboursements alors que la plupart en seront dépossédés afin de pouvoir continuer à être remboursés. »
Pour terminer, monsieur le président, permettez-moi de citer le Dr Jean-Jacques Laboutières, psychiatre, qui s'indignait.
M. Jean Chérioux. Les psychiatres, ce ne sont pas la loi et les prophètes ! Je les connais bien : j'ai présidé Sainte-Anne pendant sept ans !
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur Chérioux, nous avons le droit, dans le Sénat de la République, de citer la parole d'une organisation représentative des psychiatres. En tout cas, j'exerce ce droit, même si cela ne vous plaît pas !
M. Jean Chérioux. Mais ne présentez pas cela comme la loi et les prophètes !
M. Jean-Pierre Sueur. Le Dr Jean-Jacques Laboutières, au nom du CAPS, déclarait donc : « On demande aux Français de choisir entre la santé et la dignité, le remboursement des soins et le secret médical. »
M. Jean-Pierre Sueur. Quelles que soient les arguties auxquelles vous avez recours, ce choix-là est inacceptable !
M. Alain Vasselle, rapporteur. C'est particulier aux médecins psychiatres ! Il n'y a pas plus bête que celui qui ne veut pas comprendre !
M. le président. La parole est à M. François Autain, pour présenter l'amendement n° 358.
M. François Autain. Cet amendement vise également à supprimer la disposition conditionnant le niveau de remboursement à la présentation du dossier médical personnel au médecin.
En effet, en application du texte voté par l'Assemblée nationale, le niveau de prise en charge des actes et prestations de soins est subordonné à l'autorisation que donne le patient, à chaque consultation ou hospitalisation, aux professionnels de santé auxquels il a recours d'accéder à son dossier médical personnel et de le compléter.
Cette disposition est, pour nous, inacceptable, et cela pour deux raisons.
D'abord, elle introduit un objectif de contrôle de l'assuré dans un dispositif qui devrait être avant tout un dispositif de santé publique.
Ensuite, elle aboutit à dénier le droit du patient sur son dossier médical. Comment prétendre, en effet, que la personne est maîtresse de son dossier médical - principe que vous avez pourtant, je le rappelle, réaffirmé à l'article 2A, en consacrant le droit d'opposition de la personne à l'échange d'informations - lorsque, dans le même temps, on sanctionne financièrement l'exercice de ce droit d'opposition ?
Une telle disposition apparaît en outre contraire au principe d'égalité puisque le libre choix de la personne dépend de sa capacité financière à faire face à une modulation de remboursement.
Enfin, il met en cause l'accès à la thérapeutique du patient, qui pourra être conduit à renoncer à se soigner pour préserver la confidentialité des informations médicales le concernant. C'est ainsi le principe constitutionnel de protection de la santé, consacré par le Préambule de la Constitution de 1946, qui est mis en cause.
C'est au vu de ces trois principes - droit à la santé, droit au respect de la vie privée, droit à l'égalité - que nous vous demandons de supprimer cette disposition de l'article L. 161-36-2.
M. le président. L'amendement n° 4, présenté par M. Cantegrit, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 161-36-2 du code de la sécurité sociale par un alinéa ainsi rédigé :
« Les dispositions de l'alinéa précédent ne s'appliquent pas aux personnes visées aux chapitres 1 à 5 du titre VI du livre 7 du présent code pour les soins reçus à l'étranger ou à l'occasion d'un séjour temporaire en France. »
La parole est à M. Jean-Pierre Cantegrit.
M. Jean-Pierre Cantegrit. La Caisse de sécurité sociale des Français de l'étranger, que j'ai l'honneur de présider, est, comme son nom l'indique, une caisse de sécurité sociale. Mais un certain nombre des dispositions que vous nous présentez, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, ne sont pas, pour des raisons techniques, applicables à nos compatriotes expatriés.
En ce qui me concerne, je défends la Caisse de sécurité sociale des Français de l'étranger et mais je suis également conduit à défendre, en tant que sénateur des Français établis hors de France, les travailleurs détachés à l'étranger, qui relève de la sécurité sociale.
Or il est impossible d'appliquer à ces Français qui vivent à l'étranger les dispositions relatives à la présentation d'un dossier médical personnel, car ils ont affaire à des médecins étrangers, qui ne peuvent pas être reliés au système informatique médical français. Il n'est donc pas envisageable d'établir, pour nos compatriotes expatriés, un dossier médical personnel et de le soumettre à un système de protection sociale à l'occasion de leur retour ou de courts congés en France.
Lors de l'examen en commission des affaires sociales, M. About m'a demandé quelle était la durée des congés des Français qui vivent hors de France. La Caisse des Français de l'étranger leur donne une possibilité maximale de trois mois, mais, moyennant une cotisation supplémentaire, ils peuvent porter de trois à six mois ce séjour en France pour un motif professionnel ou autre.
Avec cet amendement, je demande que nos compatriotes expatriés ne soient pas pénalisés par l'impossibilité qu'ils ont de fournir un dossier médical personnel lors des consultations médicales qu'ils auront en France.
Bien entendu, lors de leur retour définitif, ils reconstitueront un dossier médical qu'ils pourront présenter comme les Français de métropole.
Vous l'aurez compris, il y a là une impossibilité manifeste. Il serait inadmissible de sanctionner nos compatriotes expatriés qui ne peuvent se conformer à la disposition que vous proposez, monsieur le ministre, et que j'approuve.
M. le président. L'amendement n° 320 rectifié, présenté par MM. Franchis, Leclerc et Peyrat, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 161-36-2 du code de la sécurité sociale par un alinéa ainsi rédigé :
« Concernant le volet destiné aux actes et aux prescriptions dispensés dans le domaine psychiatrique, le précédent alinéa ne s'applique que si les professionnels de santé concernés sont spécialisés dans le domaine psychiatrique.
La parole est à M. Dominique Leclerc.
M. Dominique Leclerc. Cet amendement se situe dans le prolongement de celui que j'ai présenté à la fin de la matinée, qui prévoit la création d'un volet spécifique aux soins psychiatriques dans le cadre du dossier médical. En l'occurrence, il s'agit de préciser que ce volet ne sera accessible qu'aux professionnels de santé spécialisés en psychiatrie.
M. le président. L'amendement n° 369, présenté par Mme Demessine, MM. Fischer, Autain, Muzeau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Remplacer le premier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 1613621 du code de la sécurité sociale par deux alinéas ainsi rédigés :
« L'accès au dossier médical peut être autorisé avec l'accord de la personne concernée dans les cas prévus à l'article L. 161362.
« En dehors de ces cas, l'accès au dossier médical ne peut être exigé, même avec l'accord de la personne concernée. »
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. L'article L. 161-36-2-1, qui ne figurait pas dans le projet de loi initial, définit le cadre d'accès au dossier médical. En particulier, il détermine les cas dans lesquels la transmission du dossier est interdite, y compris avec le consentement du patient : il est précisé notamment que la production de ce dossier est interdite lors de la conclusion ou de l'application d'un contrat relatif à une protection complémentaire, ou de tout autre contrat, y compris dans le cadre de la médecine du travail.
Cette précision est tout sauf inutile lorsqu'on connaît les pratiques des banques et des assureurs pour obtenir un droit d'accès aux informations de santé, prétention à laquelle d'ailleurs, s'agissant des assureurs, le projet de loi donne en partie satisfaction au travers de l'institution de données de santé.
Néanmoins, dans la pratique, le risque subsistera de voir de futurs assurés ou emprunteurs, afin d'améliorer leur chance d'obtention d'un contrat, produire leur dossier médical personnel. La disposition que nous proposons sur l'usage simultané de la carte de professionnel et de la carte d'assuré permet d'y parer.
Par ailleurs, il faut rappeler les pratiques développées par certaines sociétés privées - tels IMS Health ou Cegedim, qui proposent, à titre gracieux, la fourniture d'un ordinateur, les mises à jour, la maintenance et même la formation, en échange des données de santé détenues par le médecins - officiellement aux fins d'études statistiques, pratiques qui avaient attiré l'attention du Conseil national de l'ordre des médecins quant aux risques qu'elles faisaient peser sur la confidentialité des données de santé.
Ces dispositions nous semblent cependant insuffisantes et nous considérons qu'il convient de réaffirmer, dans le dispositif de l'article, le droit de la personne sur les données la concernant : il doit être clair que le dossier médical personnel est la propriété du patient et que, de ce fait, l'accès ne peut avoir lieu sans son accord.
M. le président. L'amendement n° 565, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Dans le texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 161363 de code de la sécurité sociale, remplacer les mots :
du Conseil national de l'ordre des médecins
par les mots :
des conseils nationaux de l'ordre des professions de santé ainsi que du conseil supérieur des professions paramédicales
La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Douste-Blazy, ministre. La réussite du dossier médical personnel passera par une large utilisation de celui-ci par l'ensemble des professions de santé.
Afin de prendre en compte les demandes de chacun, s'agissant aussi bien des informations indispensables à gérer dans le dossier que des modalités de consultation et d'accès ou des limites du partage du secret médical entre les professionnels de santé, une consultation large des ordres des professionnels est proposée.
(M. Daniel Hoeffel remplace M. Adrien Gouteyron au fauteuil de la présidence.)