Article 2
L'article L. 311-4 du code du travail est ainsi modifié :
I. - Les deux premiers alinéas sont remplacés par les dispositions suivantes :
« Il est interdit de vendre soit à l'abonnement, soit au numéro, des feuilles d'offres ou de demandes d'emploi.
« Ne sont pas considérés comme feuilles d'offres ou de demandes d'emploi les journaux ou périodiques qui, n'ayant manifestement pas pour objet des opérations de placement par voie d'annonces, insèrent les offres ou demandes d'emploi à condition que ne soit pas consacrée à ces offres ou demandes plus de la moitié de la surface du journal ou périodique. »
II. - Au troisième alinéa, après les mots : « journal, revue ou écrit périodique », sont insérés les mots : « ou fait diffuser par tout autre moyen de communication accessible au public ».
III. - La première phrase du quatrième alinéa est supprimée. Dans la dernière phrase du même alinéa, les mots : « l'offre d'emploi publiée » sont complétés par les mots : « ou diffusée ».
IV. - Au cinquième alinéa, après les mots : « écrit périodique », sont insérés les mots : « ou de diffuser par tout autre moyen de communication accessible au public ».
V. - Au 2°, après les mots : « l'existence, » sont insérés les mots : « le caractère effectivement disponible, ».
VI. - La dernière phrase de l'avant-dernier alinéa est ainsi rédigée : « Toutefois, les directeurs de publications et les personnes responsables de moyens de communication utilisant, en tout ou partie, une langue étrangère peuvent, en France, recevoir des offres d'emploi rédigées dans cette langue. »
M. le président. L'amendement n° 495, présenté par MM. Muzeau, Fischer, Autain et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Roland Muzeau.
M. Roland Muzeau. Je serai très bref, car j'ai eu l'occasion, en présentant un amendement précédent, d'expliquer que, selon le groupe communiste républicain et citoyen, l'ANPE devrait retrouver une place centrale dans un service public de l'emploi rénové.
L'article 2 étant en totale contradiction avec cette conception, fidèles à notre position, nous proposons de le supprimer.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet, rapporteur. Je rappelle que l'article 2 est relatif à la libéralisation de l'activité de placement.
La commission ayant refusé tous les amendements de suppression, elle émet un avis défavorable sur celui-ci.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué aux relations du travail. Nous abordons une série d'amendements relatifs à l'évolution de l'activité de placement et à la fin du monopole de l'Agence nationale pour l'emploi.
Je veux dire d'abord que l'ANPE, qui fait du bon travail et qui, dans le cadre du contrat de progrès, a déjà modernisé plus de 50 % de ses agences, ne représente en fait aujourd'hui que 40 % du « marché » du placement.
Mettre fin au monopole, c'est donc simplement reconnaître la réalité des choses.
En autorisant l'ANPE à créer des filiales, nous lui donnons même des possibilités plus fortes, notamment en matière de reclassement et de conseil, ce qui peut être particulièrement valorisant pour elle.
Le Gouvernement est donc attaché à l'article 2.
En outre, dans une Europe où, à l'exception du Luxembourg, tous les pays ont ouvert le placement à des « agences » privées, il est normal que soit dorénavant ouverte la diffusion, à titre gratuit, d'offres et de demandes d'emploi.
Il s'agit aussi de prendre en compte l'évolution des moyens d'information et de communication.
Je rappelle que le principe de gratuité est assuré et que le principe de déclaration préalable, assorti de la capacité de faire les vérifications nécessaires, garantira l'éthique.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement ne peut pas être favorable à cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour explication de vote.
M. Roland Muzeau. Les propos de M. le ministre me conduisent à donner quelques compléments d'information puisque, visiblement, je n'ai pas été entendu ce matin.
Je rappellerai simplement que le rapporteur de la commission des affaires sociales s'est réjoui de la libéralisation de la diffusion des offres et des demandes d'emploi alors que nous nous en inquiétions.
Si la réforme proposée permet de consacrer légalement les sites, sur Internet ou sur Minitel, diffusant des annonces, elle s'accompagne également de la disparition de l'obligation faite aux directeurs de publication de transmettre leurs offres d'emploi à l'ANPE.
Lors de l'examen de l'article 1er, nous nous sommes interrogés sur la suppression de l'obligation pour les entreprises de notifier à l'ANPE les places vacantes.
L'abandon de ces deux obligations est certes cohérent. Reste toutefois qu'il est la conséquence de la fin du monopole de placement de l'ANPE et qu'il entérine le changement d'identité du service public de l'emploi.
Notre amendement de suppression est en outre motivé par une interrogation très pragmatique.
Nous reconnaissons volontiers que, dans les faits, ni les entreprises ni les directeurs de publication ne s'acquittent systématiquement de leur obligation à l'égard de l'ANPE, qui serait d'ailleurs dans l'impossibilité de tout recenser faute de personnel. Parce qu'elles sont difficilement applicables, ces obligations vont disparaître. Mais qui, monsieur le ministre, centralisera et dénombrera désormais les offres et demandes d'emploi ?
Comment mener une politique nationale de l'emploi si aucun organisme ne « fédère » en quelque sorte les offres et ne s'assure de la qualité de ces dernières comme des conditions de placement ?
N'oubliez pas trop vite, monsieur le ministre, que le Conseil économique et social estime nécessaire que l'ANPE « conserve la notification, le contrôle et la certification des offres d'emploi qu'elle a recueillies ». Nous partageons cette position.
M. le président. Je mets aux voix l'article 2.
(L'article 2 est adopté.)
Article 3
I. - La division du chapitre II du titre Ier du livre III du code du travail en sections est supprimée et les articles L. 312-1 à L. 312-27 sont remplacés par trois articles ainsi rédigés :
« Art. L. 312-1. - Toute personne physique ou morale de droit privé dont l'activité principale consiste à fournir des services de placement est tenue d'en faire la déclaration préalable à l'autorité administrative.
« La fourniture de services de placement est exclusive de toute autre activité à but lucratif, à l'exception des services ayant pour objet le conseil en recrutement ou en insertion professionnelle. Les entreprises définies à l'article L. 124-1 peuvent fournir des services de placement au sens du présent article.
« La déclaration à l'autorité administrative doit mentionner les caractéristiques juridiques de l'entreprise, le nom de ses dirigeants, ainsi que la nature de ses activités. Toute modification en la matière doit être portée à la connaissance de l'autorité administrative. L'agence de placement privée est également tenue d'adresser régulièrement à l'autorité administrative des renseignements d'ordre statistique sur son activité de placement.
« Les personnes physiques ou morales mentionnées aux articles L. 129-1 et L. 762-3 ainsi que les employeurs ou groupe d'employeurs qui entreprennent des actions de reclassement en faveur de leur personnel ne sont pas soumises aux dispositions du présent article.
« Art. L. 312-2. - Les fonctionnaires et agents chargés du contrôle de l'application du droit du travail sont habilités à constater les manquements aux dispositions de l'article L. 310-2 ainsi qu'à celles du présent chapitre et des textes pris pour son application.
« Lorsque l'activité de placement est exercée en méconnaissance des dispositions de l'article L. 310-2 ou de celles du présent chapitre et des textes pris pour son application ou en cas d'atteinte à l'ordre public, l'autorité administrative peut, après mise en demeure, ordonner la fermeture de l'organisme en cause pour une durée n'excédant pas trois mois.
« Art. L. 312-3. - Un décret en Conseil d'État fixe les modalités d'application des articles L. 312-1 et L. 312-2. Il détermine également les conditions d'utilisation des informations nominatives que les organismes exerçant une activité de placement peuvent demander, détenir, conserver, diffuser et céder pour les besoins de cette activité. »
II. - Les personnes physiques ou morales qui, à la date de publication de la présente loi, ont été agréées par l'État ou ont passé une convention avec l'Agence nationale pour l'emploi en application des dispositions de l'article L. 311-1 du code du travail dans sa rédaction antérieure à la présente loi ne sont pas soumises à l'obligation de déclaration mentionnée à l'article L. 312-1 du même code.
M. le président. Sur l'article, la parole est à M. Roland Muzeau.
M. Roland Muzeau. Pour mettre en place vos nouveaux « outils », vous décidez, monsieur le ministre, de supprimer le monopole juridique du placement, théoriquement attribué à l'ANPE en tant qu'outil du service public de l'emploi, mais, en pratique, sérieusement mis à mal ces dernières années.
Comment l'ANPE peut-elle continuer à tenir le rôle qui lui était jusqu'ici assigné quand tout le monde sait que, depuis 1997, on assiste à un déplacement considérable des catégories de demandeurs d'emploi, d'où il résulte que le chômage est de plus en plus « statistiquement invisible » ?
En effet, la précarité croissante à laquelle sont confrontés les salariés à la recherche d'un emploi et le fait que la catégorie 1 soit seule présentée comme indicateur officiel entraînent une hausse sans précédent de la part des demandeurs d'emploi hors statistique officielle.
Au lieu de s'attaquer à l'ANPE, il vaudrait mieux élaborer, comme le réclament notamment les associations membres du réseau Alerte, une mesure de l'emploi et du chômage qui soit reliée aux transformations du marché du travail, c'est-à-dire au développement de la précarité, du sous-emploi et des bas salaires, car ces mutations contribuent à la déstabilisation de la norme traditionnelle d'emploi et, corrélativement, transforment le contenu même de la notion de chômage.
Je ne peux manquer de souligner ici le paradoxe, au moins apparent, qu'il y a à vouloir promouvoir l'emploi flexible ou à temps partiel comme une forme désormais « légitime » d'emploi et à ne pas compter dans les statistiques officielles le million de chômeurs des catégories 2 et 3, qui recherchent précisément ce type d'emploi !
Si l'on ajoute à l'ensemble des chômeurs déclarés les personnes en sous-emploi, c'est-à-dire en temps partiel contraint mais non inscrites à l'ANPE, on peut estimer que le chiffre officiel du chômage, c'est-à-dire le DEFM 1, représente seulement 47 % de l'ensemble des personnes en sous-emploi ou au chômage, contre 61 % en 1996 et 75 % en 1981.
Moins de la moitié des personnes en sous-emploi ou au chômage sont donc aujourd'hui comptabilisées dans la statistique officielle du chômage.
Autrement dit, si le fossé se creuse entre les chiffres du chômage et les besoins d'emplois, ce n'est pas le fait de l'ANPE, et l'ouverture aux opérateurs privés ne fera qu'aggraver les choses.
Le Bureau international du travail a, il y a déjà quelques années, avancé l'idée de raisonner par rapport à un nouveau concept, celui d'emploi inadéquat, et, sur ce point, je vous revoie au volume 138, n°1, paru en 1999, de la Revue internationale du Travail.
Le chiffre correspondant à l'emploi inadéquat regrouperait toutes les personnes pourvues d'un emploi mais qui souhaiteraient en changer, pour diverses et bonnes raisons, telles que la mauvaise utilisation des qualifications ou des expériences professionnelles, ce qui engendre des phénomènes de surqualification ou de sous-qualification, un nombre d'heures de travail excessif, la faiblesse des revenus attachés au travail, des horaires de travail variables et malcommodes, un emploi précaire, des services sociaux inadéquats, des difficultés de transport pour se rendre au travail, etc.
Bien évidemment, cela ne signifie ni qu'il faut renoncer à confier à l'ANPE le soin d'accomplir ses missions envers les personnes privées d'emploi ou qui recherchent un emploi, ni qu'il faut abandonner toute solution permettant de résorber à terme la flexibilité de l'emploi !
Cela signifie plutôt qu'il faut clairement tirer au niveau de l'Etat les conséquences des nouvelles formes d'emploi flexible qui s'imposent aujourd'hui, et en tout premier lieu aux personnes à la recherche d'un emploi.
Concrétiser le concept d'emploi inadéquat aurait pour intérêt de nous permettre, d'abord, de sortir de cette dichotomie stérile que vous proposez, monsieur le ministre, entre le « mauvais » chômage d'un côté et le « bon » emploi de l'autre, ensuite, de poser dans toute son ampleur la question des besoins sociaux en matière d'emploi.
Cela donnerait une tout autre ambition à votre projet de loi et aux missions que pourraient accomplir l'ANPE !
Mme Christine Boutin, membre du même parti que vous, monsieur le ministre, qui a la réputation de mettre les pieds dans le plat, mais pas celle d'être une dangereuse révolutionnaire, a déclaré que l'UMP ne gagnerait - elle parlait bien sûr des échéances électorales - « que si elle a une dimension sociale ». Le moins qu'on puisse dire est que l'UMP est mal partie !
Vous étiez chargé, monsieur le ministre, de mettre cette orientation en musique, mais Mme Boutin ajoute : « Je regrette que le plan Borloo ne soit pas suffisamment audacieux. » Si même vos amis vous lâchent, où va-t-on ?
M. le président. Je suis saisi de huit amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 496, présenté par MM. Muzeau, Fischer, Autain et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Roland Muzeau.
M. Roland Muzeau. L'article 3 du projet de loi porte sur l'organisation du service public de l'emploi.
Chacun connaît les dispositions des articles L. 312-1 à L. 312-3 du code du travail dans leur rédaction actuelle, mais je préfère les rappeler au cas où certains les auraient oubliées :
« Art. L. 312-1. - Il ne peut être ouvert de nouveaux bureaux de placement gratuit.
« Art. L. 312-2. - A titre provisoire, jusqu'à une date qui sera fixée par voie réglementaire, les bureaux de placement gratuit créés avant le 24 mai 1945, notamment par les syndicats professionnels, les bourses de travail, les sociétés de secours mutuels et les associations d'anciens élèves sont habilités à continuer leurs opérations sous le contrôle de l'administration s'ils ont obtenu l'autorisation prévue par les dispositions finales du deuxième alinéa de l'article 3 de l'ordonnance n° 45-1030 du 24 mai 1945.
« Art. L. 312-3.- Les modalités du contrôle exercé par l'Etat sur les bureaux de placement gratuit sont déterminées par décret Il en est de même des conditions dans lesquelles certains organismes peuvent être autorisés à fonctionner pour certaines professions comme section ou correspondant du service public de l'emploi. »
L'article 3 du présent projet de loi vise donc à modifier très sensiblement l'organisation du service du placement, en permettant à des personnes de droit privé d'exercer une activité proche de celle de l'ANPE, qui est, depuis la loi du 2 janvier 1973, l'outil du service public du placement.
On notera, à ce stade du débat, que l'activité de placement, simplement soumise à procédure de déclaration administrative, devra être exercée de manière non lucrative - ce qui pose tout de même la question de savoir comment ces officines de placement seront financées -, à l'exception notable des entreprises faisant par ailleurs du conseil en recrutement et de l'insertion professionnelle.
Cela signifie en pratique qu'une partie des personnes privées d'emploi seront la cible de l'activité des cabinets de recrutement, ce qui soulève plusieurs questions de fond, à commencer par celle de savoir si la multiplication des intervenants ne risque pas d'avoir pour seul effet une segmentation de la population aujourd'hui privée d'emploi.
Nous pourrions ainsi avoir demain des cabinets se spécialisant dans le placement des personnes privées d'emploi les plus qualifiées et les plus directement employables, à qui leur parcours de formation ou leur parcours professionnels offrent l'opportunité de trouver rapidement réponse à leur situation temporaire d'inactivité.
A côté, il y aurait des bureaux de placement ouverts par des associations d'insertion, oeuvrant auprès des publics les plus vulnérables, dont les premiers ne voudraient évidemment pas, et qui dépenseraient la dernière énergie à tenter de permettre à quelques jeunes sans emploi de commencer un parcours d'insertion professionnelle.
Enfin, nous aurions l'ANPE, s'occupant du chômeur « médian », ni trop peu ni trop qualifié, ni en difficulté d'insertion majeure, mais dont les premiers ne voudraient pas et dont les seconds n'auraient pas vocation à s'occuper.
En opérant une telle segmentation, calquée sur celle des offres d'emploi elles-mêmes, que l'on peut constater à la lecture des petites annonces d'emploi paraissant dans la presse, on n'est pas certain de faire avancer les choses.
Multiplier les intervenants en matière de placement, c'est multiplier le risque d'un développement de la discrimination à l'embauche, processus fort éloigné - c'est le moins que l'on puisse dire - des missions de l'Agence nationale pour l'emploi.
L'outil du service public de l'emploi reste et demeure l'ANPE. Comme nous avons lieu de craindre que tout cela ne conduise à créer de nouvelles illusions sur la résolution des difficultés d'emploi des chômeurs, nous ne pouvons qu'inviter le Sénat à adopter notre amendement de suppression de l'article 3.
M. le président. L'amendement n° 228, présenté par Mmes Printz et San Vicente, MM. Godefroy, Repentin et Raoul, Mme Boumediene-Thiery, MM. Desessard et Lagauche, Mme Le Texier, MM. Mélenchon et Vezinhet, Mme Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après les mots :
des services de placement
rédiger comme suit la fin du premier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 3121 du code du travail par les mots :
est soumise à une procédure d'agrément de l'autorité administrative.
La parole est à Mme Michèle San Vicente.
Mme Michèle San Vicente. Monsieur le ministre, comme les précédents, cet article entretient la confusion. Vous prévoyez en effet la réactivation de ce qui peut être assimilé aux anciens bureaux de placement, mais cela sous couvert, à lire le deuxième alinéa du texte proposé pour l'article L. 312-1 du code du travail, « de conseil en recrutement ou en insertion professionnelle », activité qui est déjà pratiquée par nombre d'entreprises spécialisées sans qu'un agrément ait jamais été jugé nécessaire par qui que ce soit.
Sans revenir sur notre opposition au service de placement par des personnes privées, je dirai qu'il nous paraît absolument inacceptable que les services en cause puissent fonctionner sur la base d'une simple procédure administrative et déclarative.
Actuellement, les bureaux de placement qui demeurent visés par le code du travail sont soumis à une autorisation de fonctionner et il est interdit d'en ouvrir de nouveaux.
Vous proposez, pour l'avenir, une simple procédure déclarative, ce qui, reconnaissez-le, est tout à fait insuffisant pour des raisons évidentes puisque ces entreprises auront à faire à des demandeurs d'emploi dont certains sont en difficulté, voire en très grande difficulté.
Dans le même temps, il n'apparaît pas forcément indispensable de mettre en place une procédure d'agrément pour le conseil en recrutement ou en insertion. Cependant, si l'on considère l'évolution probable des choses, il est certain que les agences de conseil en insertion ou en recrutement vont se développer encore plus vite que les agences de placement privées. En effet, seules les agences qui auront pour activité « principale » - l'adjectif est important - le placement seront soumises, si peu que ce soit, à une formalité.
Il nous paraît au moins nécessaire que les pouvoirs publics, garants de la solidarité nationale, aient à accorder ou à refuser l'agrément administratif, qui est de leur ressort.
M. le président. L'amendement n° 497, présenté par MM. Muzeau, Fischer, Autain et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
I - Après les mots :
des services de placement
rédiger ainsi la fin du premier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 3121 du code du travail :
doit avoir été agréés à cet effet par l'Etat.
II - En conséquence, supprimer le troisième alinéa du même texte.
La parole est à M. Roland Muzeau.
M. Roland Muzeau. Cet amendement est évidemment un amendement de repli par rapport à notre position de principe, qui consiste à refuser la dissolution du service public du placement dans une concurrence instaurée entre l'ANPE et d'autres officines, animées d'intentions diverses.
Il s'agit de tenir compte de l'équilibre général de l'article, qui vise notamment à mettre en place une procédure de simple déclaration administrative des nouveaux bureaux de placement gratuit destinés aux privés d'emploi.
Processus déclaratif et contrôle a posteriori : tout se passe comme si l'on voulait aller au plus vite, sans prendre le temps nécessaire à une réflexion pourtant de la plus grande utilité.
Ce que nous croyons, en tout état de cause, c'est qu'il convient plutôt de mettre en place un contrôle a priori, fondé sur une procédure d'agrément.
La situation des privés d'emploi est suffisamment pesante, suffisamment difficile, pour que l'on évite qu'ils soient livrés à des bureaux de placement dont la qualité ne serait pas prouvée de prime abord.
C'est donc sous le bénéfice de ces observations que nous invitons le Sénat à adopter cet amendement de prudence.
M. le président. L'amendement n° 498, présenté par MM. Muzeau, Fischer, Autain et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi le deuxième alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 3121 du code du travail :
« La fourniture de services de placement est exclusive de toute autre activité à but lucratif.
La parole est à M. François Autain.
M. François Autain. Nous nous interrogeons sur la légitimité de la clause d'exception concernant les services ayant pour objet le conseil en recrutement ou en insertion professionnelle. Ces services ne se verraient pas appliquer l'exclusivité « de toute autre activité à but lucratif ».
Il est vrai que, depuis l'instauration du plan d'aide au retour à l'emploi, il s'agit d'ouvrir l'ANPE aux objectifs et aux pratiques des entrepreneurs, soit directement pour ce qui concerne la définition et les profils d'emplois proposés, soit par l'intermédiaire des ASSEDIC, et donc du MEDEF, pour ce qui concerne les formations.
Vous ne faites là, finalement, qu'entériner, en les institutionnalisant, les décisions prises par le MEDEF et approuvées par seulement deux syndicats de salariés sur trois.
Ainsi, la mise en concurrence généralisée des activités, qu'elles soient de nature économique, éducative ou sociale, vient compléter la destruction des repères et des pratiques de solidarité et des outils qui les incarnaient, que ce soit la protection sociale ou les services publics.
Vous êtes, dans ces conditions, monsieur le ministre, celui qui finit de mettre en place un système de gestion libérale, non seulement de l'emploi et de la formation, mais aussi des relations sociales et politiques de la société française.
M. le président. L'amendement n° 499, présenté par MM. Muzeau, Fischer, Autain et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Après les mots :
à constater les manquements
rédiger ainsi la fin du premier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 3122 du code du travail :
au principe de gratuité, de libre accès et de non discrimination ainsi qu'à la sincérité des statistiques devant être fournies par les organismes de placement.
La parole est à M. François Autain.
M. François Autain. Il s'agit d'un amendement de précision.
M. le président. L'amendement n° 229, présenté par Mmes Printz et San Vicente, MM. Godefroy, Repentin et Raoul, Mme Boumediene-Thiery, MM. Desessard et Lagauche, Mme Le Texier, MM. Mélenchon et Vezinhet, Mme Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après les mots :
après mise en demeure,
rédiger comme suit la fin du second alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 3122 du code du travail :
ordonner la fermeture définitive de l'organisme en cause.
La parole est à Mme Michèle San Vicente.
Mme Michèle San Vicente. Cet amendement vise à remédier à ce qui ne peut être interprété que comme une erreur de la part des rédacteurs du projet de loi.
Nous sommes en effet persuadés que la volonté du Gouvernement, soucieux de cohésion sociale, d'insertion et de formation des demandeurs d'emploi dans de bonnes conditions, ne peut être compatible avec ce deuxième alinéa de l'article L. 312-2 du code du travail.
Si les organismes dont nous examinons le statut et le fonctionnement réalisent l'activité de placement à titre onéreux pour les demandeurs d'emploi, ou bien s'ils portent atteinte à l'ordre public - et nous ne parlons certainement pas ici de la notion controversée d'ordre public social -, l'autorité administrative pourra ordonner leur fermeture « pour une durée n'excédant pas trois mois ».
Certes, il ne faut pas décourager l'entreprise par des sanctions qui pourraient être démoralisantes, mais on tout de même le sentiment que le Gouvernement est tellement soucieux des statistiques du chômage qu'il craint de se priver de la moindre ressource possible en matière de placement, fût-ce au préjudice des chômeurs, fût-ce en confiant délibérément le placement à ce qu'il faut bien appeler parfois des « margoulins ».
Il serait plus juste et plus correct d'ordonner la fermeture définitive de l'organisme en cause, comme nous le proposons.
M. Roland Muzeau. Très bien !
M. le président. L'amendement n° 500, présenté par MM. Muzeau, Fischer, Autain et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Après les mots :
fermeture de l'organisme en cause
supprimer la fin du second alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 3122 du code du travail.
La parole est à M. François Autain.
M. François Autain. Monsieur le ministre, nous souhaiterions connaître ce qui motive votre décision de limiter à trois mois la fermeture prononcée par l'autorité administrative à l'encontre de l'organisme qui ne respecterait pas les règles fixées par votre projet dans le cadre de son activité de placement des demandeurs d'emplois.
Les cas de manquement sont suffisamment graves : il peut s'agir du non-respect du principe de gratuité.
Imaginez un opérateur qui se ferait de l'argent deux fois : une fois sur l'entreprise reconnaissante de lui avoir trouvé la personne qui convient à l'emploi disponible et une autre fois sur le demandeur à qui l'opérateur aurait demandé des émoluments pour obtenir un emploi ! Le manquement peut être aussi une atteinte à l'ordre public.
Nous demandons la suppression de ce délai, la sanction de ces manquements n'ayant pas, selon nous, à être limitée dans le temps.
M. le président. L'amendement n° 501, présenté par MM. Muzeau, Fischer, Autain et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Dans la seconde phrase du premier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 3123 du code du travail, après les mots :
informations nominatives
insérer les mots :
strictement nécessaires et validées par l'intéressée.
La parole est à M. François Autain.
M. François Autain. Cet amendement se justifie par son texte même. Ce qui va sans dire va mieux en le disant !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet, rapporteur. Je rappellerai d'abord que l'article 3 traite de l'ouverture de l'activité de placement à des opérateurs privés.
Sur l'amendement n° 496, qui est un amendement de suppression, la commission a émis, comme sur tous les amendements de suppression, un avis défavorable.
Sur l'amendement n° 228, elle a également émis un avis défavorable. Cet amendement vise à soumettre l'exercice de l'activité de placement à une procédure d'agrément : la commission a écarté cette solution qu'elle a jugée trop bureaucratique.
La même réponse vaut pour l'amendement n° 497, qui appelle le même avis.
Sur l'amendement n° 498, la commission a émis un avis défavorable. Elle a estimé logique que les entreprises de conseil en recrutement ou de travail temporaire puissent exercer aussi l'activité de placement, qui est évidemment très proche.
Sur l'amendement n° 499, la commission a émis un avis défavorable : la précision proposée paraît peu justifiée et elle jette la suspicion sur les données fournies par les organismes de placement.
Les amendements n°S 229 et 500 tendent à ce que les organismes privés de placement qui commettent une infraction soient définitivement fermés. La commission doute que toutes les infractions justifient une mesure aussi radicale, mais elle a néanmoins souhaité connaître l'avis du Gouvernement sur ce point.
Enfin, la précision réclamée par les auteurs de l'amendement n° 501 nous semble relever du bon sens et nous n'avons pas jugé indispensable de la faire figurer dans la loi. C'est pourquoi la commission a émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Tout d'abord, en réponse à l'intervention de M. Muzeau sur l'article 3, je voudrais rappeler les propos tenus ce matin par Laurent Hénart et reprendre les chiffres qu'il a cités. Nous ne nous attaquons pas à l'Agence nationale pour l'emploi : depuis le début de l'année 2000, le nombre de ses agents est passé de 18000 à 23 000, dont 17 000 occupent des fonctions d'accueil et d'accompagnement !
Je me permets également de signaler que les statistiques sont celles de l'office statistique des Communautés européennes, Eurostat, et du Bureau international du travail, ce qui permet les comparaisons avec d'autres pays.
Notre seule volonté est d'ouvrir le marché du travail à ceux qui en sont notre exclus !
Nous sommes naturellement défavorables, dans la logique de ce que j'ai exposé antérieurement, à l'amendement n° 496, qui vise à supprimer l'article 3.
L'ouverture des activités de placement aux opérateurs privés est encadrée, notamment avec l'affirmation dans la loi des principes de gratuité, de libre accès et de non-discrimination.
Les auteurs de l'amendement n° 288 proposent de soumettre les services de placement à une procédure d'agrément. Nous y sommes clairement opposés puisqu'il s'agit, pour nous, de ne pas multiplier les formalités inutiles, mais de donner les moyens de vérifier, au fil de l'activité, que ce placement est opéré dans des conditions satisfaisantes et dans l'intérêt des demandeurs d'emploi.
Il nous semble, sur ce sujet, plus important d'avoir une vérification active sur le terrain que ces procédures administratives que nous adorons dans notre pays mais qui ont montré les limites de leur efficacité.
L'avis du Gouvernement est donc défavorable.
Il en va de même concernant l'amendement n° 497.
S'agissant de l'amendement n° 498, je rappelle que la fourniture de services de placement est exclusive de toute autre activité à but lucratif, à l'exception des activités qui n'apparaissent pas incompatibles avec les services de placement : les activités de conseil en recrutement, en insertion professionnelle ou en intérim. Le Gouvernement n'est donc pas favorable à cet amendement.
Quant à la modification rédactionnelle proposée dans l'amendement n° 499, elle n'ajoute rien au texte et nous n'y sommes donc pas favorables.
Je répondrai simultanément sur les amendements n°s 229 et 500, qui ont trait aux dispositions de contrôle de l'effectivité des bureaux de placement.
Les dispositions de cet article donnent au préfet un pouvoir de police qui lui permet de contraindre les opérateurs qui ne se conformeraient pas à leurs obligations à modifier leurs pratiques. S'il advenait que des organismes ne respectent pas les recommandations et les principes, ils seraient sanctionnés par une fermeture provisoire de trois mois. Ensuite, mais il appartiendrait au juge pénal, saisi par le préfet, de prendre le relais.
Le Gouvernement est donc défavorable à ces amendements, mais je crois avoir répondu aux préoccupations de leurs auteurs.
Enfin, en ce qui concerne l'amendement n° 501, vous avez vous-même, monsieur Autain, apporté la réponse : est-il bien nécessaire de dire explicitement ce qui est une évidence ? Le rappel de ce qui figure déjà dans la loi informatique et libertés nous paraît superfétatoire. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 496.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 15 :
Nombre de votants | 269 |
Nombre de suffrages exprimés | 269 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 135 |
Pour l'adoption | 118 |
Contre | 151 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Plusieurs sénateurs du groupe socialiste. Nous progressons !
M. Nicolas About, président de la commission de la commission des affaires sociales. En fait, oserai-je l'avouer, à la suite d'une erreur, le groupe de l'Union centriste n'a pas pu voter. (Sourires.)
M. le président. Nous savons que l'intention y était ! (Nouveaux sourires.)
Je mets aux voix l'amendement n° 228.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour explication de vote sur l'amendement n° 497.
M. Roland Muzeau. Je souhaite, avec votre permission, monsieur le président, poursuivre le dialogue avec M. le ministre.
Vous nous dites, monsieur le ministre, que les dispositions de la loi informatique et libertés s'imposent une fois pour toutes et que, dès lors, la précision que nous proposons d'apporter est inutile.
Fort bien, mais alors pouvez-vous m'expliquer pourquoi, dans nombre de textes que nous avons eu à examiner dans les mois précédents ou l'année dernière, notre assemblée a imposé des dispositions de même nature. La loi informatique et libertés n'avait-elle pas alors la même valeur universelle ?
Quand il s'agit de l'emploi, de la détresse de tous ceux qui sont à la recherche d'un nouvel emploi, cette précision mériterait sans doute d'être incluse : il ne serait pas mauvais que ceux qui auront à appliquer cette disposition aient directement cette obligation sous les yeux .
Par ailleurs, monsieur le ministre, il y a, comme le disait plus tôt mon ami Jack Ralite, un vrai problème d'usage des mots. Il faudrait que tout le monde bannisse, une fois pour toutes, cette notion de « marché de l'emploi ». C'est un réel problème que l'emploi soit devenu un « marché ». Il est clair que, sur de très nombreux points, nous avons des approches différentes, mais il serait heureux que cette fâcheuse expression de « marché de l'emploi » disparaisse de notre vocabulaire à tous. Pour ma part, lorsqu'il m'arrive de l'employer, je ne fais que reprendre, par commodité, le « discours officiel ».
Enfin, vous nous dites préférer un contrôle de terrain pour juger de la qualité des organismes qui feront du placement. Un tel contrôle serait, selon vous, beaucoup plus efficace d'après vous. Permettez-moi d'en douter ! Certes, ce serait la forme de contrôle idéale, mais qui sera chargé d'effectuer ces contrôles ? Les personnels des directions départementales du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle ? Ils sont tellement peu nombreux pour accomplir les tâches qui leur sont confiées que la réponse que vous nous avez adressée relève du voeu pieux.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote sur l'amendement n° 229.
M. Jean-Pierre Godefroy. Nous regrettons beaucoup que notre amendement n'ait pas recueilli votre accord, monsieur le ministre.
En effet, vous refusez tout agrément et vous nous expliquez que, si un organisme de placement ne remplit pas le rôle qui lui est dévolu, le préfet pourra saisir le juge pénal. Je vous laisse imaginer les délais de procédures ! Pendant toute cette période, les établissements en question vont pouvoir continuer à faire du placement, et dans des conditions dont on ne sait pas si elles seront satisfaisantes.
Si vous aviez accepté l'agrément, le préfet aurait pu le suspendre, ce qui aurait permis d'alerter les personnes susceptibles d'avoir affaire à l'organisme considéré de son peu de sérieux.
Autrement dit, si vous n'acceptez pas l'agrément, il faut prévoir la possibilité d'une fermeture définitive. Si vous souhaitez que la fermeture ne soit que temporaire, acceptez l'agrément et donnez au préfet le pouvoir de le suspendre.
M. le président. La parole est à M. François Autain, pour explication de vote sur l'amendement n° 501.
M. François Autain. Monsieur le ministre, vos explications ne m'ont bien entendu pas convaincu, mais je n'insiste pas puisque mon collègue et ami Roland Muzeau vient d'apporter la réponse qui convenait.
Je voudrais revenir sur l'argumentation de M. le rapporteur. Elle m'a, en effet, laissé perplexe, car il m'a semblé entendre - mais ai-je bien entendu ? - dans la bouche du rapporteur que ce qui relevait du bon sens ne devait pas figurer dans la loi.
Je me tourne vers notre rapporteur pour qu'il précise sa pensée parce que je suis persuadé que ce n'est pas ce qu'il avait voulu dire.
M. le président. La parole est à M. Louis Souvet, rapporteur.
M. Louis Souvet, rapporteur. J'ai dit que cette précision nous sembler relever du bon sens et que, dès lors, il ne nous paraissait pas indispensable de la faire figurer dans la loi. Je n'ai rien dit d'autre et je ne vois pas comment vous pouvez l'interpréter autrement.
M. François Autain. J'avais donc bien compris !