Article 6
I. - Le titre V du livre III du code du travail est complété par un chapitre IV ainsi rédigé :
« CHAPITRE IV
« Aide au retour à l'emploi des travailleurs privés d'emploi
« Art. L. 354-1. - Les contributions des employeurs et des salariés mentionnées à l'article L. 351-3-1 peuvent être utilisées, dans des limites qu'elles fixent, par les parties signataires de l'accord prévu à l'article L. 351-8 pour financer des mesures définies dans cet accord et favorisant la réinsertion professionnelle des bénéficiaires de l'allocation prévue à l'article L. 351-3 et des salariés licenciés pour motif économique pendant leur délai-congé.
« La mise en oeuvre des mesures prévues au précédent alinéa est confiée à l'Agence nationale pour l'emploi ou à tout organisme participant au service public de l'emploi dans les conditions prévues par la convention mentionnée à l'article L. 311-1. »
II. - L'article 1er de la loi n° 2001-624 du 17 juillet 2001 portant diverses dispositions d'ordre social, éducatif et culturel est abrogé.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 505, présenté par MM. Muzeau, Fischer, Autain et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Roland Muzeau.
M. Roland Muzeau. Dans la logique d'ensemble du projet de loi, qui vise à réorganiser les compétences des composantes du service public de l'emploi et à fusionner dans un seul service public - qui n'en sera plus un - les acteurs de l'emploi en France, l'article 6 autorise l'UNEDIC à confier la mise en oeuvre de certaines mesures d'aide au retour à l'emploi aux différents organismes, collectivités, opérateurs privés, participant désormais au service public de l'emploi.
Vous comprendrez, mes chers collègues, que cette perspective, privant l'ANPE de toute maîtrise et sur la prescription et sur la mise en oeuvre d'aide au retour à l'emploi ne nous satisfasse guère. Et le mot est faible !
Monsieur le rapporteur, la majorité sénatoriale applaudit des deux mains le fait que, désormais, l'ANPE ne sera plus le seul organisme habilité à recevoir les financements de l'UNEDIC.
Enfin, selon vous, des organismes dont le savoir-faire est reconnu pourront mettre leur compétence au service des demandeurs d'emploi. Or, mes chers collègues, l'ANPE n'est pas un organisme quelconque : c'est un établissement public national, et son statut public offre des garanties à tous les usagers.
Les autres organismes de droit privé - lesquels, d'ailleurs, monsieur le ministre ? - développeront leurs actions favorisant la réinsertion professionnelle avec les contributions des salariés et des employeurs sans qu'une transparence de gestion soit prévue. Mais cela ne semble pas vous choquer, pas plus que ne semble vous déranger le fait que, désormais, on ne sache plus quelles sont les mesures susceptibles d'être financées par l'assurance chômage. La référence aux « mesures contenues dans l'accord UNEDIC » serait, selon vous, suffisante, car respectueuse de l'autonomie des partenaires sociaux.
Une fois de plus, lorsque cela arrange le Gouvernement, la sacro-sainte autonomie des partenaires sociaux est invoquée.
Nous ne sommes pas dupes, mes chers collègues. C'est pourquoi nous vous proposons de supprimer cet article afin de ne pas commettre l'irréparable.
M. le président. L'amendement n° 232, présenté par Mmes Printz et San Vicente, MM. Godefroy, Repentin et Raoul, Mme Boumediene-Thiery, MM. Desessard et Lagauche, Mme Le Texier, MM. Mélenchon et Vezinhet, Mme Voynet et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Supprimer le II de cet article
La parole est à Mme Gisèle Printz.
Mme Gisèle Printz. Le paragraphe II de l'article 6 a pour objet d'abroger l'article 1er de la loi du 17 juillet 2001 qui avait institué le plan d'aide au retour à l'emploi, le PARE. Pour parler familièrement, monsieur le ministre, c'est ce qui s'appelle « jeter le bébé avec l'eau du bain » !
A l'heure actuelle, nous ne disposons en effet d'aucune évaluation des résultats de ce dispositif, et le projet de loi ne prévoit aucune mesure équivalente. Là aussi, nous sommes dans un véritable brouillard.
II est donc pour le moins expéditif d'abroger ce texte sans nous faire de proposition de remplacement sérieuse.
II est vrai, monsieur le ministre, que cet engagement réciproque conclu entre l'ASSEDIC et le demandeur d'emploi, chacun devant accomplir sa part d'obligations, a valu aux finances de l'UNEDIC quelques récents déboires. Cela ne manque pas d'ironie quand on se souvient à quel point le MEDEF était satisfait que le demandeur d'emploi se trouve enfin lié par des obligations contractuelles.
Mais le plus important, sauf erreur de notre part ou renvoi à un décret qui nous aurait échappé, est ailleurs.
Le demandeur d'emploi, grâce à cette formule du PARE, bénéficiait d'une évaluation de ses capacités professionnelles et d'un véritable accompagnement individuel, ainsi que d'une aide à la mobilité géographique dans le cadre du service public.
Désormais, il lui faudra, comme nous le verrons à l'article 7, accepter n'importe quel emploi, sur n'importe quelle durée et n'importe où, le tout sous la contrainte d'organismes privés.
S'il est dans votre logique d'en finir le plus rapidement possible avec le PARE, il est pour nous indispensable de mesurer les effets positifs, ou même négatifs, de ce dispositif avant de prendre quelque décision que ce soit.
Nous proposons donc de surseoir à statuer et de retirer ce paragraphe II du projet de loi.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet, rapporteur. Je rappelle tout d'abord que l'article 6 du projet de loi autorise l'UNEDIC à financer des mesures de retour à l'emploi.
S'agissant de l'amendement n° 505, qui est un amendement de suppression, il est évident que la commission émet un avis défavorable.
L'amendement n° 232 vise, quant à lui, à maintenir l'article 1er de la loi du 17 juillet 2001 portant diverses dispositions d'ordre social, éducatif et culturel. Or cet article n'a plus de raison d'être puisque le présent projet de loi contient des dispositions nouvelles destinées à le remplacer. Dans ces conditions, l'avis de la commission est donc défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Monsieur Muzeau, mesdames, messieurs les sénateurs du groupe CRC, je rappelle, comme cela a été évoqué à l'occasion de l'examen de l'article 1er de ce projet de loi, que notre objectif est de faire travailler ensemble tous ceux qui concourent au service public de l'emploi.
Au demeurant, la convention tripartite a pour objectif de définir les moyens d'optimiser les compétences des uns et des autres de façon à obtenir à terme un dossier unique du demandeur d'emploi, à désigner un accompagnant unique et à déterminer une orientation qui puisse être élaborée de manière convergente. Je crois que tout le monde peut être d'accord sur mesures.
Cet article 6 vise à élargir à tous les organismes concourant au service public de l'emploi la possibilité de bénéficier des mesures financées par l'assurance chômage en faveur de la réinsertion professionnelle des demandeurs d'emploi. C'est une convention qui organisera et fixera les modalités d'exercice de ce droit de tirage.
Pour ces raisons, le Gouvernement ne peut vous suivre.
M. le président. Je mets aux voix l'article 6.
M. Roland Muzeau. Le groupe CRC vote contre.
Mme Gisèle Printz. Le groupe socialiste également.
(L'article 6 est adopté.)
Article 7
I. - L'article L. 311-5 du code du travail est ainsi modifié :
A. - Au quatrième alinéa,
1° Le mot : « antérieure » est supprimé ;
2° Après les mots : « compte tenu de leur situation personnelle et familiale », sont insérés les mots : « et des aides à la mobilité qui leur sont proposées » ;
B. - Au cinquième alinéa,
1° Après les mots : « suivre une action de formation » sont insérés les mots : « proposée par l'un des organismes mentionnés au premier alinéa de l'article L. 311-1 » ;
2° Les mots : « convocation de l'Agence nationale pour l'emploi » sont remplacés par les mots : « convocation des services et organismes compétents ».
II. - Le premier alinéa de l'article L. 351-16 du même code est remplacé par les dispositions suivantes :
« La condition de recherche d'emploi prévue à l'article L. 351-1 est satisfaite dès lors que les intéressés sont inscrits comme demandeurs d'emploi et accomplissent, à leur initiative ou sur proposition de l'un des organismes mentionnés au premier alinéa de l'article L. 311-1 des actes positifs en vue de retrouver un emploi. »
III. - L'article L. 351-17 du même code est remplacé par les dispositions suivantes :
« Art. L. 351-17. - Le revenu de remplacement est supprimé ou réduit dans les cas mentionnés aux quatrième et cinquième alinéas de l'article L. 311-5 dans des conditions et selon des modalités fixées par décret en Conseil d'État.
« Il est supprimé en cas de fraude ou de fausse déclaration. Les sommes indûment perçues donnent lieu à répétition. »
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, sur l'article.
M. Roland Muzeau. Avec cet article 7, monsieur le ministre, vous voulez entériner une nouvelle dégradation des droits des précaires en renforçant la surveillance des chômeurs avec, de surcroît, la mise en place de sanctions pécuniaires.
En soi, au vu de la situation dramatique que vivent les précaires, c'est déjà fort condamnable.
Il s'agit, implicitement, de désigner les demandeurs d'emploi comme responsables de leur situation, ce qui avait déjà été insinué par votre prédécesseur, M. Fillon, dans un texte dont je me souviens particulièrement, relatif au revenu minimum d'activité, le RMA.
Une telle insinuation est fausse, et vous le savez pertinemment.
Comme le dit si justement M. Jean Gadrey, professeur émérite à l'université de Lille et animateur du BIP 40, le baromètre des inégalités et de la pauvreté : « Changer de regard sur la pauvreté, c'est combattre les idées qui font porter aux pauvres et aux chômeurs la responsabilité de leur situation, par exemple en prétendant que les minima sociaux et les allocations chômage créent du chômage et de la pauvreté en décourageant la recherche d'emploi et en enfermant les gens dans l'assistance. Quand il manque trois millions d'emplois, si on divisait par deux le RMI et les allocations, on ne créerait pas un emploi, mais on ferait exploser le nombre de pauvres. »
Il est dramatique de faire croire à nos concitoyens que la pauvreté et l'exclusion s'expliqueraient par le fait que les gens refusent de travailler.
Or, au regard de ce que vous prévoyez de leur « offrir » comme emploi - comme occupation, devrais-je dire -, c'est véritablement insupportable.
Vous avez en effet déclaré, monsieur le ministre, au cours d'une interview que vous avez accordée au journal L'Expansion : « Dès mon arrivée au gouvernement, j'ai souhaité lancer deux grands chantiers : le premier relatif à la cohésion sociale et le second consacré aux services à la personne. »
Où se trouve ce gisement d'emplois de service ? Dans les « centres d'appels », selon vous : « Ce sont de vrais métiers, dites-vous, avec des perspectives d'évolution et qui, de surcroît, sont à même de favoriser une notion éminemment à la mode : l'employabilité. »
Il va donc falloir que les demandeurs d'emploi se conforment à votre vision du monde et de l'évolution de la société, qu'ils adhèrent, contraints et forcés, à cette notion « à la mode » ; sinon, gare à eux !
S'ils ne sont pas convaincus, s'ils ne croient pas aux vertus des sociétés conseils, comme celle à laquelle vous vous êtes adressé, Colorado conseil, alors tant pis pour eux !
Pour élaborer une politique de l'emploi à l'échelon national comme pour la mettre en oeuvre, le Gouvernement attend tout du privé.
Je suis pour ma part convaincu que ni ces sociétés ni le MEDEF ne sont à même de remplacer les autres partenaires sociaux et la représentation nationale pour répondre aux situations de précarité extrême que connaissent nos concitoyens.
La pauvreté s'aggrave aussi dans les pays riches, à tel point que la Banque mondiale, peu suspecte de noircir le tableau, écrit : « Il y a eu une sérieuse progression des inégalités dans ces pays [les pays riches], inversant la tendance antérieure des années cinquante à quatre-vingt ».
Monsieur le ministre, vous connaissez bien les Etats-Unis, qui modélisent la démarche que vous proposez. Vous ne pouvez ignorer que c'est le pays qui détient aussi le triste record mondial, toutes catégories confondues, de l'explosion des inégalités.
Nous n'en sommes pas encore à ce point-là en France, bien sûr, mais pourquoi ? Parce que subsistent encore quelques acquis en matière de redistribution et de protection sociale, ce qui freine l'importation des tendances mondiales à l'aggravation des inégalités. Ces acquis sont cependant mis à mal par le gouvernement Raffarin, votre gouvernement. La plupart des indicateurs de pauvreté se sont en effet dégradés et les inégalités, qui avaient globalement diminué entre 1998 et 2001, progressent à nouveau depuis trois ans.
« Depuis le ralentissement de la croissance économique, plusieurs indicateurs permettent de penser que le taux de pauvreté a augmenté », estime l'Observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion dans son dernier rapport.
Cette estimation est confortée par d'autres indices récents. C'est ainsi que le nombre d'allocataires du RMI a progressé de 10,5 % entre juin 2003 et juin 2004 et que la proportion de pauvres parmi les salariés a nettement progressé. Aujourd'hui, la moitié des pauvres sont des actifs et trois SDF sur dix ont un travail mais ne peuvent pas financer de logement.
D'autres indicateurs vont dans le même sens, comme celui de l'écart d'espérance de vie entre les cadres et les ouvriers : de cinq ans en 1990 - écoutez bien ! -, il est passé à huit ans aujourd'hui.
Au lieu de dévaloriser la politique en faisant appel au tout privé, je suis de ceux qui pensent au contraire qu'il faut revaloriser l'action publique et les politiques sociales : pas des politiques d'assistanat, des politiques sociales. Seules des institutions nationales disposent des moyens politiques d'organiser la redistribution. On a pu calculer qu'en France, sans les prestations sociales, la proportion de pauvres ferait plus que doubler et représenterait 14 % de la population.
Si l'on veut faire reculer la misère, il faut s'attaquer résolument à l'égoïsme des nantis, qui voudraient transformer les victimes en coupables pour faire oublier leurs propres responsabilités, qui sont écrasantes.
M. Jean-Pierre Cantegrit. Cela, c'est en trop !
M. le président. La parole est à Mme Gisèle Printz, sur l'article.
Mme Gisèle Printz. Cet article s'inscrit dans cette opération malsaine menée par le Gouvernement de stigmatisation des chômeurs aux yeux de l'opinion, alors que la conjoncture leur est défavorable.
Cette opération s'est traduite par des annonces répétées du renforcement du contrôle sur les chômeurs, sous-entendu des fraudeurs en puissance. Avec cet article est mise en doute la volonté des chômeurs de trouver un emploi.
Le Gouvernement nous propose ici d'occuper des personnes dans n'importe quel emploi, et cet article me met très mal à l'aise.
Je suis issue d'une région qui a subi de plein fouet la crise de la sidérurgie des années quatre-vingt, les affres des licenciements massifs, les départs forcés, et plus récemment les tristes épisodes Daewoo, Panasonic, Bata et autres vagues de délocalisations. J'ai connu et je connais toujours des personnes, des familles entières affectées par des pertes d'emplois, et c'est vraiment leur faire offense que de mettre en doute leur volonté de retrouver un emploi.
Le chômage touche toutes les catégories de personnes et la meilleure des volontés ne suffit malheureusement pas à retrouver un emploi. Seulement voilà : une personne au chômage a de l'expérience, des qualifications, des prétentions salariales, et cela gène le Gouvernement, alors qu'il est tout à fait légitime qu'un chômeur souhaite retrouver un emploi comparable au dernier qu'il a occupé. De plus, chaque personne est dans une situation personnelle particulière dont on ne peut s'affranchir.
On veut dorénavant faire du placement forcé, alors que tout notre système de formation et d'orientation est basé sur le principe du choix. Avant de conseiller une orientation à un jeune ou à un adulte, on lui demande d'abord ce qu'il veut faire, et où. Je ne connais pas un seul centre d'information et d'orientation qui conseillera à quelqu'un de s'orienter vers un secteur dit porteur auquel son profil personnel et psychologique ne correspond pas !
Cet article va à l'encontre de ce principe puisque le choix des demandeurs d'emploi pourra ne plus être pris en compte dans leur orientation.
Monsieur le ministre, une personne au chômage est psychologiquement affaiblie, elle a besoin de respect et de considération, alors que c'est tout l'inverse que vous nous proposez.
A travers deux exemples, j'illustrerai les aberrations qui pourront naître de cet article.
Monsieur X, cadre comptable de quarante ans, est licencié économiquement. Il recherche activement un emploi dans sa branche. Six mois plus tard, l'ANPE lui propose une formation de vendeur qui dure trois mois. A l'issue de cette formation, on lui trouve un emploi dans un magasin de prêt-à-porter, rémunéré moitié moins que ce qu'il percevait quand il était cadre comptable. Monsieur X refuse cette proposition, car ce salaire ne lui permettrait plus de rembourser les mensualités auxquelles il doit faire face. De plus, un emploi de vendeur ne lui permettrait plus de revenir vers son métier initial. Il sera alors radié des listes et perdra le revenu de remplacement qui lui aurait permis pendant plus d'un an encore de chercher un emploi dans sa branche. Toutefois, et bien que Monsieur X n'ait jamais eu envie de changer de métier, il aurait accepté l'emploi de vendeur, mais avec un salaire comparable à celui qu'il percevait avant son licenciement.
Prenons ensuite le cas de Monsieur Y, chef de chantier à Bordeaux, en recherche d'emploi depuis trois mois. L'ANPE lui propose un poste dans sa branche, rémunéré comme son dernier emploi, mais à Rennes. Or Monsieur Y est marié, et son épouse occupe un emploi qui lui plaît. Tous deux sont très investis dans la vie associative locale, ils viennent d'acheter une maison, et leurs enfants sont scolarisés. En outre, toute la famille des époux Y demeure dans leur région. Monsieur Y refuse la proposition de l'ANPE. Il est donc radié des listes alors qu'il aurait pu chercher activement un emploi pendant encore un an et demi. Toutefois, et alors que Monsieur Y se rendait à son dernier travail à pied, il était prêt à accepter un emploi situé à moins d'une heure de trajet de son domicile.
Tout cela, monsieur le ministre, pour démontrer que derrière chaque chômeur il existe une situation personnelle difficile à apprécier. Personne ne refuse un emploi par complaisance !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Cela dépend !
Mme Gisèle Printz. Nous pensons que la formation antérieure doit être privilégiée et que la rémunération et la situation géographique d'un emploi sont deux critères essentiels. Le refus d'un poste motivé par l'un où l'autre de ces deux critères ne doit en aucun cas justifier une radiation. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. Je suis saisi de six amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 233, présenté par Mmes Printz et San Vicente, MM. Godefroy, Repentin et Raoul, Mme Boumediene-Thiery, MM. Desessard et Lagauche, Mme Le Texier, MM. Mélenchon et Vezinhet, Mme Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le paragraphe I de cet article :
I. - Au quatrième alinéa de l'article L. 3115 du code du travail, après les mots : « refusent d'accepter un emploi », rédiger comme suit la fin de l'alinéa : « compatible avec leur spécialité ou leur formation antérieure, leurs possibilités de mobilité géographique compte tenu de leur situation personnelle et familiale et des aides à la mobilité qui leur sont proposées pour occuper un emploi dans un lieu accessible dans le délai d'une heure, et rétribué à un taux de salaire équivalent au taux des derniers salaires perçus »
La parole est à Mme Gisèle Printz.
Mme Gisèle Printz. Les mesures coercitives dont le projet de loi propose la mise en oeuvre à l'encontre des demandeurs d'emploi impliquent que ceux-ci ne puissent être victimes de telles mesures sous n'importe quel prétexte. Notamment, ils ne doivent pas être contraints d'accepter un emploi qui leur serait imposé à l'issue d'une formation inadaptée par un organisme soucieux de rentabilité.
Ils ne doivent plus être contraints d'accepter un emploi quelle que soit la durée du contrat. Les aides à la mobilité ne doivent pas servir de prétexte pour les obliger à des déplacements impraticables et le salaire qui leur est proposé doit être en rapport avec leurs compétences et le niveau de rémunération qui leur était reconnu dans leur dernier emploi.
M. le président. L'amendement n° 506, présenté par MM. Muzeau, Fischer, Autain et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant le A du I de cet article, insérer un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
... - Dans la première phrase du premier alinéa, après les mots : « sont inscrites » sont insérés les mots : « par l'Agence nationale de l'emploi ».
La parole est à M. Roland Muzeau.
M. Roland Muzeau. S'agissant du service public de l'emploi, le rapport a relevé que « la séparation de la fonction d'indemnisation de la fonction de placement était source de complexité et facteur d'inefficacité ». A titre d'illustration, l'exemple a été pris d'un cadre perdant son emploi, devant d'abord se rendre aux ASSEDIC pour se faire inscrire sur la liste des demandeurs d'emploi et percevoir son indemnité, puis à l'ANPE pour un entretien obligatoire dans le cadre du projet d'action personnalisé, et enfin à l'Association pour l'emploi des cadres, ingénieurs et techniciens, l'APEC.
Monsieur le rapporteur, vous allez être satisfait de notre proposition restituant l'inscription des demandeurs d'emploi au service public national qu'est l'ANPE. Elle a le mérite de simplifier les choses, mais également et surtout de restaurer l'ANPE dans sa mission de service public, car la politique de l'emploi ne saurait se réduire à du placement ni être inféodée aux besoins du marché.
En outre, ce serait là une façon de lever la mainmise de l'UNEDIC sur la maîtrise de la gestion des fichiers des demandeurs d'emploi.
Vous voulez redessiner les contours du service public de l'emploi. Nous vous disons « chiche », mais à condition toutefois que chacun intervienne dans son champ de compétences, à savoir l'indemnisation pour l'UNEDIC et non le pilotage des politiques de l'emploi ou la gestion des chômeurs.
M. le président. L'amendement n° 507, présenté par MM. Muzeau, Fischer, Autain et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer le A du I de cet article.
La parole est à M. Roland Muzeau.
M. Roland Muzeau. S'agissant de la réforme des obligations des chômeurs en matière de recherche d'emploi, proposée par le Gouvernement, nous ne pensons pas que, comme le prétend M. le rapporteur, les mesures proposées soient « équilibrées ».
Elles s'inspirent d'une logique à laquelle nous ne pouvons absolument pas adhérer. Les libéraux que vous êtes considèrent que les chômeurs sont responsables de leur situation alors que c'est au nom des impératifs de l'économie de marché et de la compétitivité que l'emploi qu'ils occupaient a été supprimé.
Ce n'est pas d'assistance qu'il convient de parler, mais de droit à indemnisation en raison de la perte d'activité, du sous-emploi aujourd'hui assumé par la collectivité, qui a une dette envers eux.
Comme l'ont unanimement déclaré les organisations syndicales - je fais référence au dialogue social cher à chacun d'entre nous -, ce n'est pas de sanctions dont ont besoin les demandeurs d'emploi, mais d'offres d'emploi. Or quelles perspectives leur offrez-vous ? Une marche forcée vers l'emploi précaire, déqualifié ; vous leur proposez de devenir des travailleurs pauvres, taillables et corvéables à merci. Et ce ne sont pas seulement des formules, mais ce qui se profile à la lecture des textes.
Cette démarche de pénalisation des demandeurs d'emploi est inacceptable dans son principe, et contre-productive car elle n'est absolument pas de nature à stimuler l'emploi de qualité.
Il est vrai que vous vous contentez d'un simple retour à l'activité dans la mesure où cela participe aussi à déréguler un peu plus encore le marché du travail.
Votre objectif est clair. Il tient en un commentaire de notre rapporteur : « Faciliter l'orientation des demandeurs d'emploi vers des postes actuellement non pourvus ». En un mot, vous visez l'employabilité immédiate pour alimenter des secteurs d'activité confrontés à une pénurie de main-d'oeuvre. Et on évite, bien sûr, de se demander pourquoi nous avons du mal à recruter dans un certain nombre de secteurs : l'hôtellerie, le bâtiment, le commerce. Nous apporterons quelques éléments de réponse dans la suite de nos débats.
Cette vision est inacceptable et c'est pourquoi nous envisageons de supprimer tant la définition de l'obligation de recherche active d'emploi, par cet amendement, que la révision des modalités de contrôle et de sanction des chômeurs, par les amendements suivants.
M. le président. L'amendement n° 509, présenté par MM. Muzeau, Fischer, Autain et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi le 1° du A du I de cet article :
1° - Après les mots : « compatible avec leur spécialité ou leur formation antérieure, » sont insérés les mots : « et leur projet professionnel » ;
La parole est à M. Roland Muzeau.
M. Roland Muzeau. Concernant les exigences en matière de recherche d'emploi, le code du travail est déjà très contraignant. Qu'à cela ne tienne ! Vous renforcez les critères pour chasser les prétendus faux chômeurs, considérés comme des fraudeurs.
Nous avons déjà eu cette discussion - je le disais tout à l'heure - lorsque votre prédécesseur, M. Fillon, a décidé de mettre à l'index les RMIstes, caressant ainsi dans le sens du poil une opinion publique vivant mal de son travail, persuadée que les RMIstes se complaisent dans l'assistance, chacun ayant autour de soi, évidemment, le fameux exemple qui permet de généraliser.
Je vous répète ce que vous ne voulez décidément pas entendre, même si les enquêtes le signalent également. Le retour à l'emploi des titulaires de minima sociaux comme de l'ensemble des demandeurs d'emploi dépend pour une large part des conditions du marché du travail et des emplois qui leur sont offerts sur ce marché. Ainsi, le dernier rapport de l'Observatoire national de la pauvreté relève qu'en 1998 un tiers des allocataires ayant repris un emploi déclarait n'y avoir aucun intérêt financier, et 12 % estimaient y perdre.
« Droits dans vos bottes », vous prévoyez de réviser les critères de l'obligation de recherche active d'emploi. Les demandeurs d'emploi devront accomplir des actes positifs, disposition qui figure déjà, je le rappelle, dans le code du travail. Tout à l'heure, la majorité sénatoriale proposera d'innover : ces actes devront être « répétés ».
En vue d'apprécier le respect de ce dernier critère, aucune indication n'est fournie. Autant dire que l'administration - quand ce ne sera pas l'UNEDIC - disposera d'un très large pouvoir d'appréciation, ce qui ouvre la porte à toutes formes d'arbitraire.
Les contraintes liées à la mobilité, que l'on ne s'y trompe pas, seront elles aussi plus strictes, dans la mesure où il sera tenu compte des aides à la mobilité octroyées par les ASSEDIC, dont le montant est, on le sait, dérisoire et ne couvre pas les frais de déplacement ou de déménagement, et encore moins les préjudices causés à l'ensemble d'une famille devant déménager pour suivre la personne à qui est proposé l'emploi.
S'agissant du critère relatif au niveau de l'emploi proposé, là encore vous resserrez l'étau puisque le demandeur d'emploi ne pourra plus refuser une formation ou un emploi éloigné de ses aptitudes, sauf à s'exposer à une sanction. Et vous vous défendez de vouloir un rapprochement à marche forcée de la demande et de l'offre de travail dans certains secteurs !
A l'inverse, nous entendons garantir la prise en compte des aspirations personnelles et de la volonté réelle des individus.
Tel est le sens de l'amendement n° 509, par lequel nous préconisons que la formation proposée soit compatible avec le projet professionnel du demandeur d'emploi.
M. le président. L'amendement n° 508, présenté par MM. Muzeau, Fischer, Autain et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer le B du I de cet article.
La parole est à M. Roland Muzeau.
M. Roland Muzeau. Comme nous l'avons dit lors de l'examen de l'article 1er, en raison du remodelage du service public de l'emploi, l'ANPE n'est plus seule à pouvoir prescrire le recours à tel ou tel dispositif d'accompagnement, de formation ou de reclassement des demandeurs d'emploi.
Dans ces conditions, le renforcement du contrôle des demandeurs d'emploi apparaît d'autant plus inacceptable. En effet, un demandeur d'emploi pourra être sanctionné s'il refuse une formation ou s'il ne se rend pas à une convocation de l'un des partenaires du service public de l'emploi.
Contrairement à ce que vous prétendez, chers collègues de la majorité, aucune garantie sérieuse n'est apportée en ce qui concerne la qualité de la formation proposée, son adéquation avec le parcours d'insertion et les attentes du demandeur d'emploi, qui est une personne humaine dont il faut tout de même tenir compte !
Il en résultera une réelle déqualification des demandeurs d'emploi. Vous avez beau, monsieur le ministre, assurer les uns et les autres, en particulier le Conseil économique et social, de l'inexistence d'un tel risque et de la vigilance dont vous ferez preuve au stade de la mise en oeuvre du dispositif, les mesures qui nous sont soumises n'en présentent pas moins, c'est incontestable, de graves dangers. C'est pourquoi nous proposons au Sénat de les supprimer.
M. le président. L'amendement n° 234, présenté par Mmes Printz et San Vicente, MM. Godefroy, Repentin et Raoul, Mme Boumediene-Thiery, MM. Desessard et Lagauche, Mme Le Texier, MM. Mélenchon et Vezinhet, Mme Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Supprimer le 2° du B du paragraphe I de cet article.
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. L'article 7 a trait aux obligations entourant la recherche d'emploi.
Les aides à la mobilité sont citées dans le projet de loi, mais ne sont pas véritablement rétablies. II ne s'agit plus d'une possibilité offerte par l'ANPE pour couvrir les frais de déplacement, de double résidence et de déménagement, qui ne valait que pour un CDI ou un CDD de douze mois.
Le dispositif est conçu comme une exception en matière de radiation : un chômeur pourra donc être radié s'il n'accomplit pas d'actes positifs de recherche d'emploi ou s'il refuse, quelle que soit la durée du contrat, un emploi compatible avec sa spécialité ou sa formation, ses possibilités de mobilité géographique compte tenu de sa situation personnelle et familiale et des aides à la mobilité qui lui seront proposées.
Le financement de ces aides n'est pas précisé, non plus que les conditions de leur attribution, mais il est bien évident, dans ce contexte, qu'une aide minime proposée par un organisme membre du service public de l'emploi pourra servir de prétexte pour obliger un chômeur, sous peine de radiation, à accepter un CDD de courte durée, loin de son domicile.
Toujours à l'article L. 311-5 du code du travail, la suppression de l'adjectif : « antérieure » concerne la formation du demandeur d'emploi pouvant être radié.
L'article 7 prévoit également que pourra être radié tout demandeur d'emploi qui refusera de suivre une action de formation proposée par l'un des organismes publics ou privés participant au service public de l'emploi : il s'agit donc, de facto, de la fin du monopole de prescription de l'ANPE, ce qui est extrêmement inquiétant et ouvre, plus largement qu'aujourd'hui encore, le marché de la formation des demandeurs d'emploi à des officines de tout ordre dépendant des organismes privés participant au service public de l'emploi. Cela peut se révéler très dangereux, d'autant que le demandeur d'emploi ne pourra refuser une offre compatible avec sa formation récente, fût-ce une formation courte et peu sérieuse.
Enfin, en plus de la radiation, le paragraphe III de l'article 7 vise à instituer la réduction ou la suppression du revenu de remplacement, à savoir l'allocation de chômage, si le bénéficiaire ne satisfait pas aux conditions susdites. S'ajoutent aux motifs de sanction déjà énumérés le refus de répondre à une convocation du service public de l'emploi et de passer une visite médicale du travail.
En fait, l'allocation de chômage cesse déjà automatiquement d'être versée en cas de radiation. Le présent texte vise donc surtout à faire peser la réduction de cette allocation comme une menace sur le chômeur qui refuserait d'accepter n'importe quel emploi dans n'importe quelles conditions.
Dans les faits, on peut imaginer que la réduction de l'allocation de chômage sera surtout appliquée aux cadres et aux personnes les mieux formées, qui ne perçoivent pas les allocations les plus faibles, afin de les obliger à accepter des emplois déqualifiés.
Je ne surprendrai donc pas le Sénat en indiquant que, dans ces conditions, nous nous opposons à ce que des organismes que le texte n'identifie pas clairement aient la possibilité de prononcer des sanctions.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet, rapporteur. L'adoption de l'amendement n° 233 rendrait à peu près inopérant le contrôle du respect par les chômeurs des obligations qui s'imposent à eux en termes de recherche d'emploi. Pour cette raison, la commission y est défavorable.
La commission est également défavorable à l'amendement n° 506, qui vise à revenir sur le fait que les inscriptions sur la liste des demandeurs d'emploi relèvent des ASSEDIC, mesure qui a été décidée voilà une dizaine d'années.
En ce qui concerne les amendements nos 507 et 508, ils visent à supprimer pour partie l'article 7. La commission y est défavorable.
En ce qui concerne l'amendement n° 509, l'insertion d'une référence au projet professionnel permettrait au demandeur d'emploi de refuser tout emploi qui lui déplairait et rendrait, de fait, largement inopérant le contrôle de la recherche d'emploi. C'est la raison pour laquelle la commission a émis un avis défavorable.
Enfin, la commission est défavorable à l'amendement n° 234.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Avant de donner un avis sur chacun des amendements, je voudrais revenir sur le sujet très important du contrôle de la recherche d'emploi.
A cet égard, je m'étonne d'avoir entendu s'exprimer une sorte de fatalisme au regard de la durée de l'indemnisation, qui devrait automatiquement être longue sans que les personnes concernées soient stimulées en vue de retrouver un emploi. En quelque sorte, dans une telle optique, ces dernières seraient « piégées » par le système d'indemnisation et ne pourraient reprendre le chemin de l'emploi.
C'est là une première observation, ainsi, pour moi, qu'un réel sujet d'étonnement.
L'objectif visé, au travers de la mise en place de maisons de l'emploi, est d'accompagner le demandeur d'emploi dans sa recherche, parce qu'il est difficile et douloureux, dans une vie professionnelle, de connaître le chômage. Il faut donc appuyer, soutenir, stimuler le demandeur d'emploi.
Parallèlement, s'agissant des mutations économiques et du droit au reclassement, n'est-il pas préférable d'informer à l'avance les personnes intéressées des difficultés à venir plutôt que d'attendre simplement qu'elles reçoivent, au retour des vacances, la lettre qui leur annoncera leur licenciement avec un préavis de deux mois ? Il convient donc de mettre en oeuvre une gestion prévisionnelle des emplois et des compétences.
En tout état de cause, il ne s'agit ni de stigmatiser quiconque ni de déqualifier les demandeurs d'emploi. Le chômage, ce n'est vraiment pas une chance !
Par conséquent, évitons de tomber dans la polémique récurrente sur le faible degré de sévérité des services de contrôle de la recherche d'emploi.
Permettez-moi de rappeler les règles actuellement en vigueur.
M. Roland Muzeau. Nous les connaissons, je les ai rappelées !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Dans sa rédaction actuelle, l'article L. 351-17 du code du travail dispose que « le droit au revenu de remplacement s'éteint lorsque, sans motif légitime, le bénéficiaire de ce revenu refuse d'accepter un emploi (...) compatible avec sa spécialité ou sa formation antérieure, ses possibilités de mobilité géographique compte tenu de sa situation personnelle et familiale, et rétribué à un taux de salaire normalement pratiqué dans la profession et la région ».
Ce droit au revenu de remplacement s'éteint également lorsque le demandeur d'emploi « refuse, sans motif légitime, de suivre une action de formation prévue aux 1° et 3° à 6° de l'article L. 900-2, de répondre aux convocations des services ou organismes compétents, etc. ».
En vertu de l'article L. 311-5 du code du travail, les mêmes règles s'appliquent pour l'inscription sur la liste des demandeurs d'emploi, qui constitue en tout état de cause un préalable indispensable au versement d'une allocation de chômage.
S'agissant des contrôles, de 11 000 à 12 000 sont opérés mensuellement, soit 140 000 par an. Ils concernent donc, chaque mois, environ 0,5 % des quelque 2,3 millions de demandeurs d'emploi indemnisés que compte notre pays.
Ces contrôles débouchent sur les décisions suivantes : la radiation, l'avertissement ou l'absence de sanction dans, respectivement 20 %, 13 % et 67 % des cas.
Savez-vous, mesdames, messieurs les sénateurs, que le régime de l'assurance chômage est près de deux fois et demie moins contrôlé que le régime de l'allocation spécifique de solidarité ? Cette situation doit-elle être tenue pour satisfaisante ? Non !
Au regard de ces constats, les obligations nouvelles que nous proposons aujourd'hui d'introduire ne nous paraissent pas démesurées. Quand nous suggérons de prendre en compte les formations acquises dans le cadre du service public de l'emploi ou les aides à la mobilité, il ne s'agit pas pour nous de déqualifier les chômeurs, ni de les pousser à accepter n'importe quel poste ; il s'agit de les inciter à mener, avec l'appui du service public de l'emploi, une recherche active et dynamique. Le pire est de s'installer dans le chômage !
A cet égard, les expériences conduites dans d'autres pays démontrent bien que le renforcement de l'accompagnement permet de diminuer les angoisses et de réduire les risques d'exclusion durable de l'emploi. Nous avons pu le constater la semaine passée au Danemark, où un accompagnement renforcé accélère le retour à l'emploi, ce qui correspond bien à notre objectif.
Quand un demandeur d'emploi est accompagné - cette démarche prend tout son intérêt dans le cadre du droit au reclassement que nous proposons d'instaurer s'agissant des mutations économiques -, la durée de la période de chômage se trouve réduite de 20 % à 25 %.
Par conséquent, si nous voulons permettre au plus grand nombre possible de nos concitoyens de sortir du chômage, nous devons accepter, parmi d'autres éléments, le contrôle de la recherche d'emploi. C'est là, me semble-t-il, se mettre au service des demandeurs d'emploi, et non pas prendre parti contre eux. D'ailleurs, si le rapport Marimbert indique que, sans doute, les abus ne sont pas aussi nombreux qu'on l'imagine,...
M. Roland Muzeau. Ah !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. ... il précise également que le contrôle de la recherche d'emploi est un facteur qui concourt au retour vers l'emploi. (Marques d'approbation au banc de la commission.)
Dans ces conditions, nous ne pouvons naturellement être favorables à l'amendement n° 233, qui fait référence au temps de trajet acceptable entre le domicile et le lieu de travail. En effet, l'accompagnant sera mieux à même que le législateur d'apprécier un tel élément. Prévoir un délai d'une heure n'a pas de sens, bien des cas seront à distinguer.
Le Gouvernement est également défavorable à l'amendement n° 506, qui tend à ce que les inscriptions sur la liste des demandeurs d'emploi relèvent à nouveau de l'ANPE. Je rappelle à cet égard que, en 1999, le rapport d'évaluation de l'Inspection générale des affaires sociales avait conclu que le transfert de cette compétence aux ASSEDIC avait permis d'améliorer la qualité de l'accueil des demandeurs d'emploi. Nous ne saurions donc accepter un tel retour en arrière.
Le Gouvernement n'est pas non plus favorable à l'amendement n° 507. J'ai déjà évoqué le thème de la mobilité.
En ce qui concerne l'amendement n° 509, qui tend à prévoir que refuser un emploi sera légitime lorsque ce dernier ne correspondra pas au projet professionnel du demandeur d'emploi, je souligne que ce projet professionnel sera bâti avec l'accompagnant, et non pas dans la solitude. J'émets donc un avis défavorable sur cet amendement.
De même, je suis défavorable à l'amendement n° 508, qui a pour objet d'empêcher qu'une personne puisse être radiée de la liste des demandeurs d'emploi au motif qu'elle aura refusé de suivre une formation ou d'acquérir une qualification prescrite par le service public de l'emploi. En effet, il faut inciter à la formation et à la qualification. Certes, je ne le nie pas, il est parfois difficile, pour un demandeur d'emploi, d'entrer dans une telle démarche. Cela est néanmoins nécessaire, voilà pourquoi je m'oppose à cet amendement, dans l'intérêt même des demandeurs d'emploi.
Enfin, le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 234.
Sur ces sujets, il est vraiment erroné de penser que des contrôles seraient opérés aux seules fins de réduire les dépenses de l'assurance chômage. Cela étant, il ne faut pas oublier la situation financière de cette dernière ! Nous avons donc le devoir d'utiliser les fonds publics provenant des cotisations versées tant par les salariés que par les entreprises dans l'intérêt de ceux qui ont besoin de l'assurance chômage, et il est nécessaire de contrôler l'usage des fonds issus de l'effort de solidarité. C'est d'ailleurs indispensable en application de la LOLF, la loi organique relative aux lois de finances.
Cette démarche doit d'ailleurs nous conduire à renforcer les contrôles, car c'est l'un des éléments sur lequel l'accompagnant pourra s'appuyer pour renforcer la motivation partagée du demandeur d'emploi.
M. le président. La parole est à M. Bernard Seillier, pour explication de vote sur l'amendement n° 233.
M. Bernard Seillier. Tous les amendements qui viennent d'être présentés sont inspirés par un souci éminemment respectable : placer le demandeur d'emploi dans une situation équilibrée.
Au cours d'une séance du Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale, qui examinait ce texte, il a été fait une remarque pertinente que je reprendrai à mon compte.
Il est important que chacun ait le sentiment qu'il existe des efforts réciproques. Il ne faut pas simplement demander un effort au chômeur. Les services d'accompagnement, et je rejoins en cela le Gouvernement, doivent donc montrer qu'ils sont aussi éloignés que possible de la sévérité et de la dureté excessives que d'une complaisance exagérée qui confinerait au désintéressement du cas du demandeur d'emploi.
Les instructions qui seront données pour l'application et la bonne interprétation de ce texte devront donc faire apparaître que les services d'accompagnement du demandeur d'emploi dans sa recherche accomplissent un effort symétrique à celui qu'on lui demande de fournir. Cette réciprocité me semble essentielle.
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour explication de vote sur l'amendement n° 506.
M. Roland Muzeau. Monsieur le ministre, si l'offre d'emploi adressée à un chômeur est totalement incompatible avec son projet professionnel, il me paraît légitime qu'il ait le droit de la refuser.
Vous partez toujours de l'idée que son refus ne sera jamais fondé. Pourquoi ne le serait-il pas ? Je peux d'ailleurs citer plusieurs exemples pour appuyer mon propos.
La revue Entreprise et carrières, qui est assez éloignée de ma ligne de pensée et que vous ne pourrez donc pas soupçonner d'être partisane, cite l'exemple d'un livreur de l'entreprise Pizza Hut, qui travaille chaque jour de dix-neuf heures à vingt-trois heures et gagne un peu moins de 500 euros par mois, après onze ans d'ancienneté. Qui accepterait un tel boulot ?
Je citerai un autre exemple, extrait du même article, qui se fonde sur un critère supplémentaire, celui de la qualification.
« En 1997, la CFDT Commerces et services a tenté de savoir comment vivaient ces personnes. » Tous ces bas salaires, ces salariés pauvres !
« D'après son enquête, réalisée auprès de 1 211 salariés d'Auchan, de Carrefour et de Casino, 45 % ont entre vingt-cinq et trente-cinq ans, 48 % sont locataires et 12 % habitent chez leurs parents ; 1 % à 2 % sont sans domicile fixe. » Nous sommes en plein dans les professions difficiles, sous-payées, avec des conditions de travail et des horaires impossibles, sans parler des salaires !
« Concernant les horaires de travail, ils sont 12 % à travailler en temps partiel avec des horaires fixes, et 23 % avec des horaires décalés ; 60 % des salariés interrogés estiment qu'il s'agit d'un temps partiel subi. Ils sont pourtant qualifiés ; 40 % d'entre eux ont des CAP/BEP et 30 % ont un diplôme supérieur au bac. » On en revient là au projet professionnel personnel qui me paraît être un critère d'appréciation incontournable de l'intéressé, et que vous voulez supprimer.
Avec les mesures que vous voulez imposer à l'article 7, un bachelier, le titulaire d'un CAP ou d'un BEP, ne pourra pas faire autrement que d'accepter ce type de boulot. Voilà la réalité !
Je pourrais également parler de la FNAC des Champs-Elysées, de l'étude réalisée par le Secours catholique, etc.
Nous sommes au coeur du sujet, et non dans un discours dogmatique que se renverraient affreux libéraux et affreux conservateurs. Il s'agit bien d'hommes et de femmes qui ont des difficultés objectives à obtenir des réponses s'agissant de leurs parcours professionnels qui, s'ils sont volontaires, se déroulent tout de même - nous ne sommes pas naïfs, car nous savons que la situation est difficile - dans la contrainte.
Mais la contrainte a des limites ! Et vous, vous voudriez les repousser. Sur ce point, nous ne pouvons pas vous suivre, et nous vous combattrons jusqu'au bout. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Cantegrit, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Cantegrit. Je ne voudrais pas prolonger ce très intéressant débat, mais il m'est impossible de ne pas réagir aux propos de M. Muzeau et de ses amis.
Le sujet dont nous discutons est le chômage en France. Or nous sommes l'un des pays d'Europe dans lequel le taux de chômage est le plus élevé, et certains pays très proches de nous - on en a cité quelques-uns - ont un taux de chômage qui ne représente que la moitié du nôtre.
Le Gouvernement a exposé avec beaucoup de calme et de façon responsable son plan pour améliorer ce terrible problème qui nous traumatise tous. Je félicite à cet égard M. Larcher.
M. Muzeau et ses amis s'y opposent systématiquement...
M. Roland Muzeau. Non !
M. Jean-Pierre Cantegrit. ... et nous accusent systématiquement.
Mme Gisèle Printz. Non !
M. Roland Muzeau. Vous écoutez mal !
M. Jean-Pierre Cantegrit. Ils nous disent que ces mesures constituent une agression vis-à-vis des chômeurs, ...
M. Roland Muzeau. Oui !
M. Jean-Pierre Cantegrit. ... contre leur liberté, ...
M. Roland Muzeau. Oui !
M. Jean-Pierre Cantegrit. ... contre leur possibilité de décider.
M. Roland Muzeau. Oui !
M. Jean-Pierre Cantegrit. C'est une caricature !
M. Roland Muzeau. Non ! Pourtant, jusque-là, vous aviez bon !
M. Jean-Pierre Cantegrit. On ne tient aucun compte des propositions très mesurées qui sont faites par le Gouvernement pour améliorer cette grave situation qu'est le chômage.
On a parlé tout à l'heure des contrôles comme s'il s'agissait de procédés absolument abominables. Or M. le ministre a fort bien expliqué que ces contrôles seraient limités, tant en pourcentage qu'en chiffres.
Pour ma part, j'ai l'honneur de présider une caisse de sécurité sociale, j'ai eu l'occasion d'en entretenir la Haute Assemblée, et je puis vous dire que nous réalisons des contrôles auprès de nos compatriotes vivant à l'étranger. Ces contrôles sont, bien sûr, très limités, mais, grâce à notre action, quand nous parvenons à déceler des abus, à dénicher des fraudeurs, nous donnons un exemple qui sert pour la suite des événements. Les refuser, comme vous le faites actuellement, c'est inadmissible. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. François Autain. Nous ne les refusons pas ! Vous caricaturez !
M. Jean-Pierre Cantegrit. Vous refusez ces contrôles, en prônant une sorte de laxisme permanent qui fait s'enfermer - je dis bien s'enfermer ! - ces personnes dans le chômage. Et, lorsqu'elles arrivent en fin de droits, elles connaissent la pauvreté que vous dénoncez. (Mme Gisèle Printz proteste.)
C'est la raison pour laquelle je ne peux accepter cet état d'esprit, ...
Mme Gisèle Printz. On l'a compris !
M. Jean-Pierre Cantegrit. ... qui consiste à refuser toute possibilité d'avancer, toute amélioration. Or le risque existe pour ces pauvres chômeurs que nous essayons de soutenir et dont nous tentons d'améliorer la situation : si aucune solution n'est trouvée, c'est la pauvreté qui les attend. Voilà à quoi votre refus peut les conduire ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Godefroy. Je ne peux pas non plus laisser sans réponse ce que vous venez de dire, mon cher collègue.
M. François Autain. On ne peut pas laisser dire n'importe quoi !
M. Jean-Pierre Godefroy. Vous faites croire que notre refus est systématique.
M. Jean-Pierre Godefroy. Certaines des dispositions que vous proposez ne sont vraiment pas acceptables. Mais je ne vais pas y revenir, ce serait trop long.
Permettez-moi cependant de vous faire observer que, chaque fois que nous proposons des mesures de rééquilibrage afin que les personnes à la recherche d'un emploi puissent ne pas être soumises à la contrainte, puissent ne pas subir de pression ou ne pas être soumises à une forme d'autorité, le Gouvernement ou la commission les refuse. Je ne peux donc vous laisser dire ce que vous venez de dire, mon cher collègue !
Mme Raymonde Le Texier. Eh oui !
M. le président. La parole est à M. François Autain, pour explication de vote.
M. François Autain. Ce débat présente, il faut le reconnaître, un réel intérêt.
L'accusation d'opposition systématique est excessive. Pour cette raison, elle mériterait beaucoup d'indifférence, mais je veux quand même faire remarquer que, depuis le début du débat, nous avons déposé plusieurs amendements qui n'étaient pas tous des amendements de suppression. Certains m'apparaissaient très constructifs et d'autres apportaient des précisions sémantiques. Or aucun d'eux - je dis bien aucun ! -, qu'ils soient présentés par le groupe socialiste ou par nous, n'a été accepté.
Mme Gisèle Printz. En effet !
M. François Autain. C'est dire si le systématisme, la radicalité ou le sectarisme ...
M. Roland Muzeau. L'extrémisme !
M. François Autain. ... ne sont pas là où vous les placez, monsieur Cantegrit ! En l'occurrence, ils seraient plutôt du côté du Gouvernement.
Si l'on recherchait véritablement le consensus pour déboucher sur un texte équilibré, on aurait au moins donné satisfaction à certains de nos amendements qui ne mettaient pas le texte en pièces !
Je regrette profondément que tel n'ait pas été le cas. C'est pourquoi je réfute les accusations que vous avez portées à l'instant. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Avec l'article 7, il ne s'agit pas de contraindre le demandeur d'emploi à accepter n'importe quoi. Il peut en effet être légitime de refuser un emploi en raison du secteur d'activité proposé, de l'éloignement ou du salaire.
Mme Gisèle Printz. Heureusement ! Ce n'est pas le STO !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Mais, dans le même temps, il est contreproductif et dangereux d'inciter les chômeurs à se cantonner à leur emploi passé, à ne pas élargir leur recherche d'emploi vers de nouveaux métiers ou de nouvelles zones géographiques. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Roland Muzeau. C'est reparti !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Voilà pourquoi il est légitime d'instaurer un contrôle. Il faut sortir le demandeur d'emploi de son isolement, car ce dernier est isolé. Je dirai même que le contrôle est un élément aussi fondamental que l'accompagnement, l'information et la formation.
Je rappellerai simplement un chiffre : les bénéficiaires de l'assurance chômage sont deux fois et demie moins contrôlés que les bénéficiaires de l'allocation de solidarité spécifique, alors même que la situation de ces derniers, qui sont exclus des dispositifs de l'assurance chômage, est encore plus grave. Trouvez-vous cela légitime ?
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour explication de vote sur l'amendement n° 507. (Mme Marie-Thérèse Hermange proteste.)
M. Roland Muzeau. Personne ne vous retient, madame Hermange ! Vous n'êtes pas obligée de rester ! (Exclamations sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. Jean-Pierre Cantegrit. Pourquoi ne pouvons-nous parler sans qu'immédiatement vous répliquiez ? (Protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. Roland Muzeau. Vous vous êtes exprimé, laissez-moi m'exprimer !
A quel moment, monsieur le ministre, avez-vous entendu dans ma bouche, dans celle des membres du groupe socialiste ou dans celle de mon ami François Autain, la revendication de l'absence totale de contrôle sur les demandeurs d'emploi ?
Nous n'avons jamais dit une chose aussi stupide !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Vous avez quand même bien dit qu'il ne fallait pas trop de contrôles !
M. Roland Muzeau. Non, monsieur About, nous n'avons jamais dit une chose aussi stupide ! Jamais !
Mme Marie-Thérèse Hermange. Certes, mais vous avez dit pire !
M. Roland Muzeau. Attendez, madame Hermange, je vais en venir à la question qui vous préoccupe !
Il faut, bien sûr, des contrôles ! C'est une évidence !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Mais cela ne vous empêche pas de prétendre que, si l'on contrôle plus de 20 % des chômeurs, on crée de l'exclusion !
M. Roland Muzeau. Il faut des contrôles, mais il faut aussi éviter les dérives possibles. En effet, à quoi doivent aboutir ces contrôles ?
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Au retour à l'emploi !
M. Roland Muzeau. Mes chers collègues, si vous n'êtes pas d'accord avec nous, évitez au moins de nous prêter des propos que nous n'avons jamais tenus !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. On ne prête qu'aux riches !
M. Roland Muzeau. Ah bon ? Mais vous n'avez pas de chance : je ne me sens pas du tout concerné car je ne paie pas l'impôt sur la fortune, et cela n'est pas prêt de m'arriver ! (Sourires.)
Cela étant, permettez-moi de revenir sur vos propos, monsieur Cantegrit. Si le simple fait, pour un membre du groupe communiste républicain et citoyen ou du groupe socialiste, de donner son sentiment devient attentatoire à je ne sais quel principe, devient par principe dogmatique, avouez que cela pose quand même un problème !
Pour ma part, je ne suis pas du tout dans cet état d'esprit et, d'ordinaire, vous non plus !
Toutefois, pour que nous puissions nous comprendre, je vais mentionner une position autre que celle d'un communiste.
Ainsi, la Confédération générale des cadres, la CGC, qu'on peut difficilement accuser d'être alignée sur mes positions, a rédigé un communiqué dont je me permets de vous donner lecture.
« L'UNEDIC et les ASSEDIC ne peuvent et ne doivent pas disposer d'un pouvoir propre de contrôle et de sanction. Le code du travail seul, en sa rédaction actuelle et non celle proposée dans l'avant-projet, doit continuer à s'appliquer.
« La décision de radier, de suspendre ou d'apprécier un motif légitime doit n'appartenir qu'aux seuls pouvoirs publics.
« La CGC refusera toute mesure favorisant la déqualification du demandeur d'emploi.
« Elle s'opposera ainsi à toute proposition tendant à lier le droit aux revenus de remplacement à l'acceptation obligatoire par le demandeur d'emploi d'un poste correspondant à une formation que les services de l'emploi pourront lui faire acquérir sans plus de précision. Cela irait à l'encontre des positions et de la philosophie que nous avons défendues en juin 2000.
« S'il est important de veiller à l'adéquation des prétentions du demandeur d'emploi par rapport à son employabilité, il est tout aussi important de fixer des garde-fous pour éviter toute dérive. »
« Fixer des garde-fous pour éviter toute dérive », c'est précisément le sens de nos amendements, mes chers collègues !
Mais je termine la lecture du communiqué de la CGC.
« Ce plan de cohésion sociale doit avoir un objectif plus ambitieux que celui d'harmoniser à marche forcée l'offre et la demande d'emplois dans un bassin d'emploi. »
Vous le voyez, mes chers collègues, nous ne sommes pas les seuls à critiquer ce projet de loi !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Vous avez de bonnes références ! (Sourires.)
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 510, présenté par MM. Muzeau, Fischer, Autain et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer le II de cet article.
La parole est à M. Roland Muzeau.
M. Roland Muzeau. L'article 7 redéfinit les obligations des chômeurs en matière de recherche d'emploi.
Ainsi, le II de cet article remplace la notion « d'acte positif de recherche d'emploi » par la notion « d'acte positif en vue de retrouver un emploi ».
Attention ! Il ne s'agit pas que d'un simple problème de sémantique ! C'est au contraire une question que nous devons examiner de près.
Ce changement de formulation intervient, selon vous, en faveur des demandeurs d'emploi. A ce sujet, permettez-moi de mentionner un passage contenu dans le rapport.
« Répondre à une annonce, se rendre à un entretien avec un employeur constituent des actes positifs de recherche d'emploi. En revanche, la participation à un stage de formation ne peut être assimilée à un acte de recherche d'emploi, alors même qu'elle peut se révéler essentielle pour permettre la réinsertion professionnelle de l'intéressé. »
Le II de l'article 7 propose donc une définition plus large et donc, toujours selon M. le rapporteur, plus favorable aux demandeurs d'emploi puisque « la participation à toute action d'aide, d'insertion ou de formation proposée par le service public de l'emploi permettra aux assurés de continuer à percevoir leur allocation chômage ».
Cette disposition nous paraît en totale contradiction avec les autres mesures contenues dans l'article 7. En effet, vous ne laissez guère le choix aux demandeurs d'emploi qui, pour ne pas voir supprimée leur allocation chômage, seront quasiment dans l'obligation d'accepter n'importe quel emploi.
La liste des sanctions applicables aux chômeurs s'est effectivement allongée dans cet article. En matière de mobilité géographique, le projet de loi prévoit de préciser que celle-ci s'apprécie en tenant compte des aides à la mobilité susceptibles d'être proposées aux demandeurs d'emploi.
Prenons un cas concret, celui d'un chômeur refusant une offre pour rester près de sa famille. Et, quand je parle de sa « famille », je ne pense pas nécessairement au conjoint et aux enfants : il peut également s'agir des parents et des frères et soeurs qui peuvent être en difficulté et avoir besoin de leur proche. Nous avons déjà évoqué ce type de situation à l'occasion du débat sur le projet de loi relatif aux personnes handicapées. Quoi qu'il en soit, ce demandeur d'emploi sera sanctionné !
La radiation de la liste de l'ANPE pourra également être prononcée lorsque le demandeur d'emploi refusera de répondre aux convocations de l'Agence mais aussi à celles des autres services et organismes compétents.
A ce propos, ces fameux services, quels sont-ils ? Nous n'en savons toujours rien ! Il est probable qu'un décret viendra le préciser, mais nous ne savons pas non plus quand.
Nombre de demandeurs d'emploi risquent de ne pas être informés de cette nouvelle obligation. Cela, nous ne pouvons le concevoir. Un demandeur d'emploi ne peut risquer d'être radié de la liste de l'ANPE sous prétexte qu'il n'aura pas répondu à la convocation d'un organisme que nous ne connaissons pas aujourd'hui !
En résumé, vous l'aurez compris, nous nous opposons fortement à cet article 7 : sous couvert de combattre des pratiques prétendument abusives qui seraient, nous dit-on, la source principale du déficit de l'UNEDIC, il ne vise en fait, ni plus ni moins, qu'à sanctionner les demandeurs d'emploi !
Par conséquent, le II de cet article ne nous trompe pas : vous voulez nous faire croire qu'il facilite la recherche d'emploi ; c'est totalement faux !
C'est pourquoi, nous en demandons la suppression.
M. le président. L'amendement n° 10, présenté par M. Souvet, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Dans le texte proposé par le II pour remplacer le premier alinéa de l'article L. 351-16 du code du travail, après les mots :
des actes positifs
insérer les mots :
et répétés
La parole est à M. Louis Souvet, rapporteur.
M. Louis Souvet, rapporteur. Il s'agit de préciser que le respect par les chômeurs de leurs obligations en matière d'emploi suppose une activité assidue et non pas des actes ponctuels.
M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 11 est présenté par M. Souvet, au nom de la commission des affaires sociales.
L'amendement n° 364 est présenté par M. Vanlerenberghe et les membres du groupe de l'Union Centriste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Compléter, in fine, le texte proposé par le II pour remplacer le premier alinéa de l'article L. 351-16 du code du travail par les mots :
, de créer ou de reprendre une entreprise.
La parole est à M. Louis Souvet, rapporteur, pour défendre l'amendement n° 11.
.
M. Louis Souvet, rapporteur. Aujourd'hui, la réglementation de l'UNEDIC permet à un chômeur qui crée ou reprend une entreprise de continuer à percevoir son allocation à hauteur de 70 % de son salaire antérieur.
Il paraît souhaitable de mentionner cette possibilité dans le code du travail pour montrer que la création d'entreprise, au même titre que le retour à l'emploi salarié, est un moyen d'échapper à l'inactivité.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe, pour défendre l'amendement n° 364.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Il s'agit de considérer le fait de créer ou de reprendre une entreprise comme un acte positif de recherche d'emploi.
Ce projet de loi prévoit - ce dont je me réjouis - des actions incitatives, notamment une réduction d'impôts pour les tuteurs de chômeurs créateurs d'entreprise. Dès lors, considérer la création ou la reprise d'une entreprise comme un acte positif de recherche d'emploi serait faire preuve de cohérence.
J'ajoute qu'il ne s'agit que d'harmoniser la loi avec la convention UNEDIC, laquelle prévoit déjà le maintien des indemnités au profit des créateurs ou repreneurs d'entreprise tant que le revenu tiré de cette activité ne dépasse pas 70 % de leur salaire antérieur.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet, rapporteur. S'agissant de l'amendement n° 510, le grief formulé nous paraît sans fondement. La commission émet, par conséquent, un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, nous nous sommes déjà beaucoup exprimés sur cette question du contrôle de la recherche d'emploi.
Le Gouvernement est opposé à l'amendement de suppression n° 510, car la rédaction du II de cet article lui paraît satisfaisante et équilibrée.
Sur l'amendement n° 10, qui précise le caractère permanent de l'obligation de rechercher un emploi, le Gouvernement émet un avis favorable.
Enfin, les amendements nos 11 et 364 précisent que la création ou la reprise d'une entreprise permettent de satisfaire la condition de recherche d'emploi. J'y suis naturellement favorable. En effet, la création d'entreprise fait bien partie des démarches qu'au travers des maisons de l'emploi nous souhaitons aider : ainsi, le plan de cohésion sociale leur donne de nouveaux moyens. Par conséquent, il serait illogique de refuser ces deux amendements qui tendent précisément à faciliter de telles démarches.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 11 et 364.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 511, présenté par MM. Muzeau, Fischer, Autain et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer le III de cet article.
La parole est à M. Roland Muzeau.
M. Roland Muzeau. Vous êtes passés maîtres dans l'art de faire passer une réforme coercitive pour une réforme progressiste, mes chers collègues !
La commission des affaires sociales, à la page 77 de son rapport, présente sous un angle positif la graduation introduite dans les sanctions relatives à l'obligation de recherche active d'emploi. Après avoir noté qu'actuellement seule la suppression de l'allocation est prévue - mesure jugée excessivement brutale et inadaptée dans certains cas seulement -, le rapporteur tente de nous vendre le nouveau panel de sanctions : la réduction de l'indemnisation en fonction de la gravité du manquement reproché ! Le tout est évidemment renvoyé à un nouveau décret, dont la date de publication et le contenu ne sont pas précisés.
L'article 8 est lui aussi assez peu précis sur la réalité de la procédure contradictoire envisagée. C'est de nouveau le flou le plus total s'agissant des garanties qui doivent nécessairement entourer et précéder une sanction pouvant avoir de graves conséquences sur des familles entières.
En revanche, il est sûr que les sanctions seront prises, y compris à titre conservatoire, par l'UNEDIC, ce qui est inacceptable.
C'est la première motivation du dépôt de cet amendement.
De surcroît, la réécriture envisagée de l'article L. 351-17 du code du travail nous gêne particulièrement. Les mots ont un sens, monsieur le ministre ! Le Conseil économique et social vous a « épinglé », si je puis dire, pour l'emploi de l'expression « retour à l'activité ». Je considère, quant à moi, que la disparition de la référence législative au droit au revenu de remplacement est particulièrement négative et inquiétante.
Ce glissement sémantique résume à lui seul votre état d'esprit et c'est pour cette raison - mais nous nous prononçons sur le texte, pas sur votre état d'esprit ! - que nous tenons à la suppression du paragraphe III de l'article 7.
M. François Autain. Très bien !
M. le président. L'amendement n° 235, présenté par Mmes Printz et San Vicente, MM. Godefroy, Repentin et Raoul, Mme Boumediene-Thiery, MM. Desessard et Lagauche, Mme Le Texier, MM. Mélenchon et Vezinhet, Mme Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le paragraphe III de cet article :
III. - L'article L. 351-17 du code du travail est ainsi rédigé :
« Art. L. 35117 - Le droit au revenu de remplacement s'éteint lorsque, sans motif légitime, le bénéficiaire de ce revenu refuse d'accepter un emploi compatible avec sa spécialité ou sa formation antérieure, ses possibilités de mobilité géographique compte tenu de sa situation personnelle ou familiale et les aides à la mobilité qui lui sont proposées pour occuper un emploi accessible dans le délai d'une heure et rétribué à un taux de salaire équivalent au taux des derniers salaires perçus.
« Il s'éteint également lorsqu'il refuse, sans motif légitime, de suivre une action de formation prévue aux 1° et 3° et 6° de l'article L. 9002, de répondre aux convocations de l'Agence nationale pour l'emploi ou de se soumettre à une visite médicale auprès des services médicaux de main-d'oeuvre destinée à vérifier son aptitude au travail ou à certains types d'emploi.
« Il en est de même en cas de fraude ou de fausse déclaration. Les sommes indûment perçues donnent lieu à répétition. »
La parole est à Mme Gisèle Printz.
Mme Gisèle Printz. Cet amendement vise à rétablir le texte antérieur en l'améliorant.
Nous proposons de supprimer la possibilité de réduction de l'allocation chômage, qui s'avérerait une sanction à caractère familial beaucoup plus que personnel.
Nous proposons de rétablir la nécessité de proposer un emploi compatible avec la formation antérieure, ce qui est important dans la conjoncture qui se profile.
Nous proposons que les aides à la mobilité soient effectives en étant adaptées à un emploi réellement accessible dans le bassin d'emploi ou dans un bassin proche. Entre parenthèses, monsieur le ministre, vous voyez que nous avons nous aussi le souci d'éviter la désertification des zones victimes de fermetures d'entreprises, mais nous nous plaçons, nous, du côté des chômeurs.
Nous proposons aussi que le salaire proposé corresponde au dernier salaire perçu. Toute restriction dans ce domaine, particulièrement lorsqu'elle fait référence aux salaires pratiqués dans la région, nous rapproche insensiblement de la vieille revendication du patronat de voir disparaître la référence à un SMIC national et d'établir des salaires minima régionaux. Nous sommes particulièrement attentifs à ce point, monsieur le ministre.
Ces conditions nous paraissent seules à même de justifier l'extinction de l'allocation chômage.
Le point crucial de cette nouvelle législation est la réduction de l'allocation chômage. Cette sanction est totalement inadaptée. Son caractère punitif risque fort de pénaliser non pas tant le chômeur que sa famille. Monsieur le ministre, vous dites bien connaître les quartiers. Si tel est le cas, vous en connaissez la sociologie, vous savez quels sont les modes de vie et les difficultés des familles. Par exemple, je vois mal ce qu'il va advenir d'une mère de famille monoparentale dont vous allez réduire l'allocation chômage !
Le système actuel, qui ne prévoit que l'extinction du revenu de remplacement, prévoit aussi les enquêtes sociales préalables. La sanction n'est appliquée que très rarement en raison même de sa gravité. La réduction est non seulement absurde et choquante en termes humains, mais elle est aussi contre-productive.
En quoi une personne dont les revenus sont diminués va-t-elle se trouver incitée à faire davantage d'efforts pour retrouver un emploi ? Est-ce ainsi que l'on va faciliter ses déplacements, l'aider à se présenter à un entretien d'embauche, l'encourager à suivre un stage ?
Cette nouvelle législation n'est que l'application du principe de punition qui s'appuie sur l'idée fortement médiatisée que les chômeurs sont responsables de leur situation et qu'ils coûtent trop cher à la collectivité. C'est non seulement une absurdité, mais aussi une injustice que nous dénonçons avec force !
M. le président. L'amendement n° 512, présenté par MM. Muzeau, Fischer, Autain et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le début du premier alinéa du texte proposé par le III de cet article pour l'article L. 35117 du code du travail :
Le droit au revenu de remplacement peut être supprimé ou réduit...
La parole est à M. Roland Muzeau.
M. Roland Muzeau. L'article 7, nous l'avons vu, renforce l'obligation d'une recherche active d'emploi pour les demandeurs d'emploi et accroît les exigences en ce domaine.
En matière de sanctions, cet article est particulièrement prolixe ; en revanche, en matière d'accompagnement des chômeurs dans leur recherche d'emploi, il est beaucoup plus silencieux. C'est d'ailleurs ce que remarque le Conseil économique et social qui, dans un avis du mois d'août dernier, estime « qu'aucune sanction de l'obligation de recherche active d'emploi, quelle que soit la graduation introduite dans sa mise en oeuvre, ne devrait pouvoir être prise sans que l'intéressé ait pu faire valoir son point de vue dans le cadre d'une procédure contradictoire en se faisant accompagner par une personne de son choix ». C'est un avis de bon sens et de justice !
Monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, j'aurais aimé que la lettre adressée par M. Borloo à M. Bastide, dans laquelle il prend un certain nombre d'engagements, soit suivie d'effet. « Parmi les réserves ciblées formulées par le Conseil économique et social, écrivait le ministre, un grand nombre seront prises en compte par le Gouvernement ou feront naturellement l'objet d'une grande vigilance de sa part au stade de la mise en oeuvre ».
Si vous ne votez pas notre amendement, mes chers collègues, j'ai le sentiment que nous n'aurons plus qu'à attendre le stade de la mise en oeuvre puisque, d'ores et déjà, la promesse n'est plus tenue en ce qui concerne le débat avec le Gouvernement : on verra plus tard !
Avec cet article 7, ce sont bien les droits des demandeurs d'emploi qui sont visés et, surtout, restreints. C'est le cas notamment pour le droit au revenu de remplacement, notion qui est supprimée par le projet de loi.
C'est tout un symbole ! Encore un droit acquis rogné, pour ne pas dire anéanti, par votre politique de soumission des salariés au bon vouloir de l'employeur. Et dire que nous examinons un projet de loi de cohésion sociale !
Par ailleurs, les demandeurs d'emploi se trouvent doublement pénalisés avec le paragraphe III de l'article 7. En effet, nous l'avons indiqué, il n'est pas normal que les demandeurs d'emploi voient leur revenu de remplacement supprimé ou réduit parce qu'ils n'auraient pas répondu à une convocation des services et organismes compétents en matière de recherche d'emploi, alors même que nous ne savons pas quels seront ces services et organismes.
Notre amendement a, bien entendu, pour objet de rétablir un droit minimal pour les demandeurs d'emploi afin de leur permette de vivre et de ne pas tomber dans l'exclusion, à savoir le droit au revenu de remplacement. La symbolique est forte et nous aimerions qu'elle se traduise dans vos actes, mes chers collègues. C'est pourquoi nous espérons encore que vous adopterez cet amendement.
M. François Autain. Bravo !
M. le président. L'amendement n° 539, présenté par M. Vanlerenberghe et les membres du groupe de l'Union Centriste, est ainsi libellé :
Compléter le premier alinéa du texte proposé par le III de cet article pour l'article L. 35117 du code du travail par une phrase ainsi rédigée :
Avant toute décision d'extinction du droit au revenu de remplacement, le demandeur d'emploi est entendu et peut être accompagné de la personne de son choix.
La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Monsieur le ministre, mes chers collègues, si j'ai bien compris le débat qui vient d'avoir lieu, il vous paraît normal qu'en contrepartie d'un service de l'emploi performant et d'un revenu de remplacement, il puisse y avoir des sanctions à l'encontre de celui qui refuserait ce service.
Vous avez précisé, monsieur le ministre, les conditions de l'exercice de ce droit, à savoir l'existence de propositions d'emploi équivalentes, une rétribution correcte, l'absence de condition de mobilité insupportable.
Nous sommes d'accord sur ces points, mais nous ne pouvons pas tout envisager et nous savons très bien, la nature humaine étant ce qu'elle est, qu'il peut se produire des abus : des abus de droit, des abus de pouvoir.
Si l'on admet le principe d'une sanction, il faut aussi pouvoir la contrôler.
Mme Gisèle Printz. Eh oui !
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. C'est pourquoi je souhaite que les demandeurs d'emploi puissent bénéficier des garanties d'un procès équitable et du respect des droits de la défense. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) C'est d'ailleurs un principe de nature constitutionnelle.
M. Roland Muzeau. Eh oui !
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. La Cour européenne des droits de l'homme, à travers la notion de due process of law, en assure une application extensive. La France s'est déjà vue condamnée sur ce fondement.
Mme Gisèle Printz. Eh oui !
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Le Conseil d'Etat en a également fait un principe général du droit administratif. Tout individu a donc le droit d'être entendu et accompagné par une personne de son choix : c'est l'un des principes élémentaires de respect des droits de la défense et d'un procès équitable, que la sanction soit administrative ou juridictionnelle.
Cet amendement a tout simplement pour objet de permettre au demandeur d'emploi de bénéficier de ces garanties fondamentales avant que ne soit prononcée contre lui une sanction.
M. Roland Muzeau. Très bien !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet, rapporteur. L'amendement n° 511 a pour objet de supprimer la possibilité de sanctionner les demandeurs d'emploi qui ne remplissent pas leurs obligations.
Si j'ai bien compris - mais il est parfois difficile de vous suivre - vous êtes pour les contrôles. Mais un contrôle vise à sanctionner ce qui sort de la norme, ou alors il ne sert à rien ! Par conséquent, un contrôle suppose forcément une sanction. La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
Aux termes de l'amendement n° 235, il serait interdit de réduire le revenu de remplacement du demandeur d'emploi. Nous considérons au contraire que cela constitue un progrès puisque la sanction consistait jusqu'à maintenant à le supprimer. La possibilité est désormais offerte de graduer cette sanction et de ne supprimer qu'une partie de celui-ci. C'est la raison pour laquelle la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
L'amendement n° 512 vise à revenir à une rédaction antérieure et à refuser une amélioration rédactionnelle. La commission y est défavorable.
Quant à l'amendement n° 539, qui prévoit que le demandeur d'emploi sera entendu avant toute décision d'extinction de son revenu de remplacement, la commission en comprend bien les motivations : il vise à garantir que les demandeurs d'emploi pourront faire valoir des arguments pour leur défense.
Toutefois, il me semble qu'un échange écrit peut avoir lieu et que l'on peut s'entendre avec le demandeur d'emploi. Nous craignons que cette obligation d'être entendu n'alourdisse considérablement la charge de travail des ASSEDIC ou des directions départementales du travail.
La commission n'a pas pris de décision - vous le savez, monsieur Vanlerenberghe, puisque vous en êtes membre - et a souhaité connaître l'avis du Gouvernement sur ce point.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Je rappellerai au préalable quelques principes fondamentaux que nous avons évoqués au cours du débat : un service public de l'emploi performant, un accompagnement renforcé, une modulation possible qui devient un outil de sensibilisation et d'activation, mais aussi une procédure contradictoire. Il en sera d'ailleurs question à l'article 8, mesdames, messieurs les sénateurs.
S'agissant de l'amendement n° 235, il a déjà été répondu sur la modulation horaire ; le Gouvernement y est défavorable.
Au sujet de l'amendement n° 511, monsieur Muzeau, je tiens à souligner que le Premier ministre a fait beaucoup plus appel au Conseil économique et social que ses prédécesseurs. (Murmures sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Roland Muzeau. Il ne tient pas compte de ses avis !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Je prendrai un exemple : pour rattraper les dégâts opérés par les lois Aubry sur le SMIC,...
Mme Gisèle Printz. Ah, nous y voilà !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. ...la convergence des SMIC réalisée par ce gouvernement l'a été selon une procédure débattue et enrichie par le Conseil économique et social.
M. Jean Desessard. « Enrichie », c'est le mot !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Et je vous rappelle, monsieur Muzeau, qu'il s'agit d'une assemblée consultative : son rôle n'est pas de sanctionner, comme vous avez pu le dire ! (M. Roland Muzeau fait un signe de dénégation.)
Si, monsieur Muzeau, c'est ce que vous avez dit !
M. Roland Muzeau. Non ! J'ai seulement dit qu'il faut tenir ses promesses lorsque l'on en fait, ce qui n'est pas le cas de M. Borloo !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Quoi qu'il en soit, le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 511.
Il est également défavorable à l'amendement n° 512.
Quant à l'amendement n° 539, monsieur Vanlerenberghe, nous aurons un débat sur la procédure contradictoire lorsque nous aborderons l'examen de l'article 8.
La modulation est très utile. Elle s'appuie d'ailleurs sur un certain nombre de recommandations formulées par ceux qui accompagnent les personnes depuis longtemps exclues de l'emploi mais qui bénéficient encore du dispositif du revenu de remplacement.
En conséquence, je souhaite, monsieur le sénateur, que vous retiriez cet amendement et que nous reprenions ce débat lors de l'examen de l'article 8.
M. le président. Monsieur Vanlerenberghe, l'amendement n° 539 est-il maintenu ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Monsieur le ministre, l'article 8, effectivement, concerne les modalités de contrôle de la recherche d'emploi.
Aux termes de cet article, « le revenu de remplacement est supprimé ou réduit dans les conditions prévues par l'article L. 351-17 par le représentant de l'Etat qui statue dans le cadre d'une procédure contradictoire ».
En quoi serait-il gênant d'indiquer dès l'article 7 la manière dont il convient de procéder à ce débat contradictoire ? (Marques d'approbation sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Je ne retirerai mon amendement, monsieur le ministre, que si vous prenez la responsabilité de préciser à l'article 8 que le demandeur d'emploi peut être accompagné dans le cadre de cette procédure de débat contradictoire.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Monsieur Vanlerenberghe, le Gouvernement prend note de vos observations.
Les précisions que vous souhaitez seront apportées par décret d'application et circulaire (Vives protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC),...
M. Roland Muzeau. Vous ne pouvez pas nous faire le coup à chaque article !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. ... puisqu'il faudra adapter la procédure aux réalités du terrain.
Voilà pourquoi je souhaite que vous retiriez votre amendement, monsieur Vanlerenberghe.
M. le président. Accédez-vous à la demande de M. le ministre, monsieur Vanlerenberghe ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Monsieur le ministre, la loi peut très bien se prononcer dans ce domaine même si, j'en conviens, des décrets devront par la suite venir affiner le dispositif.
Je maintiens donc mon amendement. (Très bien ! sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Dans ces conditions, le Gouvernement se prononce contre cet amendement.
M. Louis Souvet, rapporteur. Et la commission suit le Gouvernement !
M. le président. La parole est à M. François Autain, pour explication de vote sur l'amendement n° 539.
M. François Autain. Le groupe CRC soutient cet amendement et votera en sa faveur dans la mesure où il permet de corriger, autant que faire se peut, un certain nombre de dérives contenues dans ce projet de loi très coercitif.
J'en profite pour indiquer une fois encore que nous ne sommes absolument pas contre les contrôles et les sanctions, ainsi que semble vouloir nous le faire dire M. le rapporteur. Je tiens à être clair à cet égard afin de ne pas entretenir la confusion : nous sommes favorables au maintien de la législation actuelle, qui prévoit des contrôles et des sanctions, mais nous sommes opposés à la législation nouvelle introduite par ce texte. En effet, ce projet de loi va beaucoup trop loin et culpabilise les chômeurs en leur imposant des contraintes qui sont sans rapport avec leur situation.
C'est la raison pour laquelle nous sommes tout à fait favorables à un amendement qui corrige les excès d'un texte que par ailleurs nous réprouvons.
M. Roland Muzeau. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Godefroy. Le groupe socialiste soutient l'amendement tout à fait équilibré de M. Vanlerenberghe.
Lorsque nous avons discuté des organismes de placement, il vous semblait inimaginable de durcir la législation et d'aller au-delà de trois mois de suspension. Il faudra donc s'en remettre à une procédure pénale et attendre, ce qui laissera perdurer longtemps nombre de situations. Il n'a pas non plus été question d'agrément ni de décrets...
En revanche, comme je le faisais observer tout à l'heure à M. Cantegrit, lorsqu'il s'agit de personnes à la recherche d'un emploi, lorsque nous essayons, avec nos collègue de l'Union centriste, de rééquilibrer le projet de loi, le Gouvernement nous oppose toujours une fin de non-recevoir et nous promet d'agir par voie réglementaire. Franchement, monsieur le ministre, nous savons ce que vaut l'aune des décrets !
De surcroît, M. Dutreil nous a assuré, lors du débat sur le projet de loi habilitant le Gouvernement à simplifier le droit, qu'il lui fallait prendre des décisions très vite et agir sans tarder. Or, soudainement, dès lors qu'il est question de rééquilibrer les droits des personnes au chômage, ce même gouvernement peut prendre le temps d'agir par décrets, décrets qui, soit dit en passant, ne nous seront pas soumis puisque ce projet de loi fera l'objet d'une seule lecture dans chacune des chambres du Parlement. Nous n'aurons donc pas connaissance à l'avance des décrets qui nous sont promis et nous ne savons pas non plus quand ils seront pris.
En tout état de cause, mes chers collègues, je vous demande d'adopter l'amendement de M. Vanlerenberghe afin de rééquilibrer ce texte.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Gérard Larcher, ministre délégué. L'amendement n° 539 vise à préciser que, en cas de contrôle et de sanction, le demandeur d'emploi pourra être entendu en étant accompagné par une personne de son choix.
Le Gouvernement, monsieur Vanlerenberghe, partage vos préoccupations.
M. Jean-Pierre Godefroy. Alors pourquoi n'acceptez-vous pas l'amendement ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Je souhaite simplement que cette précision - le droit d'être accompagné, qui existe déjà - intervienne non pas à l'article 7, mais à l'article 8.
Voilà pourquoi, monsieur le sénateur, je vous ai demandé de retirer cet amendement, que le Gouvernement compte reprendre lors de l'examen de l'article 8.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Monsieur le ministre, j'avais cru comprendre précédemment que votre proposition était nuancée par le recours aux décrets d'application.
Toutefois, si vous respectez l'esprit de cet amendement en l'adaptant à l'article 8 et à la procédure contradictoire (M. le ministre opine), je n'ai plus de raison, ceux de mes collègues qui m'ont soutenu en conviendront, de m'opposer à votre demande.
Je retire donc mon amendement.
M. le président. L'amendement n° 539 est retiré.
Je mets aux voix l'article 7, modifié.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 16 :
Nombre de votants | 318 |
Nombre de suffrages exprimés | 316 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 159 |
Pour l'adoption | 193 |
Contre | 123 |
Le Sénat a adopté.
M. Roland Muzeau. La majorité se fissure !
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures trente, est reprise à vingt et une heures trente.)
M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi complété par une lettre rectificative de programmation pour la cohésion sociale.
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l'article 8.