sommaire
présidence de Mme Michèle André
2. Saisines du Conseil constitutionnel
3. Communication relative à une commission mixte paritaire
Mmes Annie David, la présidente.
5. Gestion de « l'après-mines ». - Discussion d'une question orale avec débat (Ordre du jour réservé.)
MM. Philippe Leroy, auteur de la question ; Yves Coquelle, Jean-Pierre Masseret, Gérard Longuet, Jean-Marie Vanlerenberghe, Mme Evelyne Didier.
M. Patrick Devedjian, ministre délégué à l'industrie.
Clôture du débat.
6. Compétences du tribunal d'instance, de la juridiction de proximité et du tribunal de grande instance. - Adoption des conclusions du rapport d'une commission (Ordre du jour réservé.)
Discussion générale : MM. Pierre Fauchon, rapporteur de la commission des lois ; Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice ; Robert Badinter, Christian Cointat, François Zocchetto, Mme Nicole Borvo, M. Michel Dreyfus-Schmidt.
M. le garde des sceaux.
Motion no 1 de Mme Nicole Borvo. - Mme Josiane Mathon, MM. Patrice Gélard, le rapporteur, le garde des sceaux, Michel Dreyfus-Schmidt. - Rejet par scrutin public.
Article additionnel avant le titre Ier
Amendement no 3 de Mme Nicole Borvo. - Mme Nicole Borvo, MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejet.
Mme Nicole Borvo.
Amendement no 11 de M. Robert Badinter. - MM. Michel Dreyfus-Schmidt, le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejet.
Adoption de l'article.
Amendement no 12 de M. Robert Badinter. - MM. Michel Dreyfus-Schmidt, Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois ; le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejet.
Adoption de l'article.
Article additionnel avant le chapitre II
Amendement no 5 rectifié de Mme Nicole Borvo. - Mme Nicole Borvo, MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejet.
Amendements identiques nos 7 de Mme Nicole Borvo et 13 de M. Robert Badinter ; amendements nos 14 de M. Robert Badinter et 22 rectifié de Mme Nicole Borvo. - Mme Josiane Mathon, MM. Michel Dreyfus-Schmidt, le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejet des quatre amendements.
Adoption de l'article.
Amendements identiques nos 8 de Mme Nicole Borvo et 15 de M. Robert Badinter. - Mme Josiane Mathon, MM. Michel Dreyfus-Schmidt, le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejet des deux amendements.
Adoption de l'article.
Amendements identiques nos 9 de Mme Nicole Borvo et 16 de M. Robert Badinter. - Mme Nicole Borvo, MM. Michel Dreyfus-Schmidt, le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejet des deux amendements.
Adoption de l'article.
Amendement no 17 de M. Robert Badinter. - MM. Michel Dreyfus-Schmidt, le président de la commission. - Retrait.
Adoption de l'article.
Amendements identiques nos 10 rectifié de Mme Nicole Borvo et 18 de M. Robert Badinter. - Mme Nicole Borvo, MM. Michel Dreyfus-Schmidt, le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejet des deux amendements.
Adoption de l'article.
Amendements nos 19 de M. Robert Badinter et 2 rectifié de M. Christian Cointat. - MM. Michel Dreyfus-Schmidt, Christian Cointat, le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejet de l'amendement no 19 ; adoption de l'amendement no 2 rectifié.
Adoption de l'article modifié.
Amendement no 20 de M. Robert Badinter. - Rejet.
Adoption de l'article.
Amendement no 21 de M. Robert Badinter. - Rejet.
Adoption de l'article.
Adoption de la proposition de loi.
Suspension et reprise de la séance
7. Sport professionnel. - Adoption définitive d'une proposition de loi (Ordre du jour réservé.)
Discussion générale : MM. Jean-François Lamour, ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative ; Jean-François Humbert, rapporteur de la commission des affaires culturelles ; Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles ; Jean-Marc Todeschini, Bernard Murat, André Vallet, Jean-François Voguet, Yvon Collin, Serge Lagauche.
M. le ministre.
Clôture de la discussion générale.
M. le président de la commission.
Suspension et reprise de la séance
Motion no 18 de M. Jean-Luc Mélenchon. - MM. Jean-Luc Mélenchon, le rapporteur, le ministre, Yvon Collin, Thierry Repentin, Jean-François Voguet. - Rejet.
Motion no 4 de M. Yvon Collin. - MM. Yvon Collin, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendements identiques nos 10 de M. Jean-Marc Todeschini et 5 rectifié de M. Yvon Collin ; amendements nos 2 et 15 à 17 de M. André Vallet et 1 de la commission. - MM. Serge Lagauche, Yvon Collin, André Vallet, le rapporteur, le ministre. - Rejet des amendements nos 10 et 5 rectifié ; retrait des amendements nos 2 et 15 à 17.
Reprise de l'amendement no 2 rectifié par M. Thierry Repentin. - MM. Thierry Repentin, Bernard Murat, Mme Annie David. - Rejet par scrutin public.
M. le rapporteur. - Retrait de l'amendement no 1.
MM. Jean-Marc Todeschini, le président de la commission.
Adoption de l'article.
Amendement no 6 de M. Yvon Collin. - MM. Yvon Collin, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Mme Annie David, M. Jean-Marc Todeschini.
Adoption de l'article.
Amendement no 11 de M. Jean-Marc Todeschini. - MM. Jean-Marc Todeschini, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Adoption de l'article.
Article additionnel après l'article 3
Amendement no 3 rectifié bis de M. Michel Mercier. - MM. Philippe Nogrix, le rapporteur, le ministre, Yvon Collin. - Rejet.
Amendements identiques nos 7 de M. Yvon Collin et 12 de M. Jean-Marc Todeschini. - MM. Yvon Collin, Jean-Marc Todeschini, le rapporteur, le ministre, Mme Annie David. - Rejet des deux amendements.
Adoption de l'article.
Amendements identiques nos 8 de M. Yvon Collin et 13 de M. Jean-Marc Todeschini. - MM. Yvon Collin, Serge Lagauche, le rapporteur, le ministre. - Rejet des deux amendements.
Adoption de l'article.
Article additionnel après l'article 5
Amendement no 14 de M. Jean-Marc Todeschini. - MM. Thierry Repentin, le rapporteur, le ministre, Yvon Collin, Jean-Marc Todeschini. - Rejet.
Amendement no 9 de M. Yvon Collin. - MM. Yvon Collin, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Adoption de l'article.
Mme Annie David, M. Jean-Marc Todeschini.
Adoption définitive de la proposition de loi.
9. Textes soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution
11. Ordre du jour
compte rendu intégral
PRÉSIDENCE DE Mme Michèle André
vice-présidente
1
PROCÈS-VERBAL
Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
Saisines du conseil constitutionnel
Mme la présidente. M. Le président du Sénat a reçu de M. le président du Conseil constitutionnel une lettre par laquelle il informe le Sénat que le Conseil constitutionnel a été saisi, le 22 novembre 2004, en application de l'article 61, alinéa 2 de la Constitution par plus de soixante sénateurs, d'une part, et par plus de soixante députés, d'autre part, de demandes d'examen de la conformité à la Constitution de la loi de simplification du droit.
Acte est donné de ces communications.
Le texte de ces saisines du Conseil constitutionnel est disponible au bureau de la distribution.
3
COMMUNICATION relative à une commission mixte paritaire
Mme la présidente. J'informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif au financement de la sécurité sociale pour 2005 est parvenue à l'adoption d'un texte commun.
4
RAPPEL AU RÈGLEMENT
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie David, pour un rappel au règlement.
Mme Annie David. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon intervention se fonde sur l'article 36 du règlement.
Je souhaite informer à nouveau le Sénat de notre mécontentement quant au déroulement de nos travaux, notamment lors de la discussion du projet de loi de programmation sur la cohésion sociale : nous n'avons pas eu suffisamment de temps pour approfondir les articles dits « Larcher » et débattre de leur réel impact.
A ce propos, je voudrais vous informer de la situation dramatique que vivent actuellement les salariés du service informatique de l'entreprise Schneider Electric.
Depuis le 15 novembre, ces salariés sont en grève. Ils ont occupé le site principal de ce service, situé à Grenoble, jusqu'à hier matin ; puis, pour favoriser l'ouverture des négociations, ils ont décidé de suspendre cette occupation.
Mais les nombreuses provocations de la direction rendent les discussions très difficiles. En début d'après-midi, les syndicats CFDT, CFTC et CGT ont d'ailleurs quitté la table des négociations.
Cette grève fait suite à l'annonce, en juin 2003, de l'externalisation de ce service. Elle succède à plus de seize mois de tergiversations et à cinq réunions de discussion entre les organisations syndicales et la direction.
Les conditions sociales proposées aujourd'hui aux salariés qui seront transférés sont inacceptables. Pourtant, ces derniers ont témoigné de leur volonté de donner à la direction le temps et la possibilité de la négociation, en élaborant, il y a plus d'un an, un cahier de revendications très précis. Mais la direction est restée et reste sourde à ces revendications, pourtant légitimes.
Les raisons évoquées pour justifier cette externalisation sont le recentrage de l'entreprise sur son coeur de métier et la volonté de faire des économies sur ces activités. Le service informatique sera ainsi cédé à l'entreprise Cap Gemini, alors que la situation économique de cette dernière est catastrophique.
L'externalisation du service informatique concerne environ 800 salariés européens, dont 385 pour la France, auxquels s'ajoute un grand nombre de prestataires.
L'article L. 122-12 du code du travail est invoqué pour justifier cette externalisation.
Je ferai un bref rappel historique à propos de cet article, qui a pour objet de maintenir les emplois concernés en cas de succession et de redéfinir le cadre d'emploi lors de la transmission de l'entreprise.
Or cet article est utilisé aujourd'hui pour permettre l'externalisation des emplois d'un service entier d'une entreprise. On assiste ainsi au dévoiement sans vergogne d'un article du code du travail.
Monsieur le ministre, est-ce cela la cohésion sociale ? Accepterez-vous encore beaucoup d'autres cessions au nom de l'article L 122-12 du code du travail ?
Que comptez-vous faire concrètement pour sauvegarder l'emploi dans nos entreprises, pour venir en aide aux salariés, confrontés chaque jour à des plans de sauvegarde de l'emploi qui conservent aux actionnaires leurs dividendes mais les laissent eux face à tant d'incertitudes ?
Allez-vous faire en sorte que de réelles négociations soient enfin entamées dans l'entreprise Schneider Electric ?
Mme la présidente. Ma chère collègue, je vous donne acte de votre rappel au règlement.
5
gestion de « l'après-mines »
Discussion d'une question orale avec débat
(Ordre du jour réservé)
Mme la présidente. L'ordre du jour appelle la discussion de la question orale avec débat n° 7.
M. Philippe Leroy demande à M. le ministre délégué à l'industrie quelles sont les orientations du Gouvernement dans le domaine de la gestion de « l'après-mines ».
Il souhaite en particulier savoir où en sont les réflexions relatives à la création, dans la perspective de la disparition programmée des exploitants miniers, d'une entité chargée des fonctions opérationnelles de « l'après-mines ».
En outre, il attend des éclaircissements sur l'indemnisation des victimes de sinistres miniers et sur l'archivage des documents techniques miniers.
De plus, il s'interroge sur les délais d'installation de l'Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs.
Enfin, il désire obtenir des précisions sur les dernières actions mises en oeuvre par les pouvoirs publics pour permettre la reconversion économique et sociale des bassins touchés par la cessation des activités minières.
La parole est à M. Philippe Leroy, auteur de la question.
M. Philippe Leroy. Madame la présidente, mes chers collègues, le débat sur « l'après-mines » était attendu depuis longtemps et je tiens à vous remercier, monsieur le ministre, d'avoir accepté de le mener aujourd'hui, conformément au voeu des sénateurs.
La semaine dernière, à Lens, un forum a été organisé sur ce sujet par la commission des affaires économiques du Sénat, et j'ai eu le plaisir d'y assister. Il m'a permis de mieux comprendre les attentes de ce grand bassin minier français qu'est le Nord - Pas-de-Calais.
C'est donc porteur des espérances de la Lorraine, du Nord - Pas-de-Calais, mais aussi de toutes les autres régions minières comme l'Alsace, où l'on exploitait la potasse, ou bien encore de Gardanne, site d'extraction du charbon, que j'affirme que l'avenir des zones minières est plus que jamais d'actualité.
Le 23 avril denier, nous avons fêté ensemble, monsieur le ministre, la fermeture de La Houve, en Lorraine, dernier puits d'extraction houiller de notre pays.
M. Jean-Marc Todeschini. Triste fête ! C'était plutôt un enterrement !
M. Philippe Leroy. Mon cher collègue, être ensemble est toujours une fête ! Il faut voir l'aspect positif de tout événement et c'est parce que nous rendions hommage aux mineurs que c'était une fête. Cela m'a donné alors l'occasion de clamer, comme je le fais aujourd'hui : « Vive les mineurs ! ».
Sans revenir sur l'histoire des activités minières en France, je souhaiterais à nouveau rendre un hommage solennel au travail et au dévouement des mineurs qui, depuis le xixe siècle, ont assuré le développement économique de notre pays.
Désormais, nous sommes en France dans l'après-mines, dans une nouvelle ère industrielle.
Cette profession a donc droit à notre reconnaissance, et celle-ci doit s'exprimer, monsieur le ministre, par le respect du statut des mineurs et des droits qui y sont attachés. C'est une question emblématique !
Au début de cette année, à l'occasion du vote de la loi du 3 février 2004, dont j'ai eu l'honneur d'être le rapporteur, nous avons décidé la création de l'Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs, l'ANGDM.
Parce qu'il n'y a plus d'exploitant minier, seule une agence nationale, soutenue par l'Etat, peut garantir le respect des droits spécifiques attribués aux mineurs ainsi qu'à leurs ayants droit. Cette solidarité vis-à-vis des mineurs mérite une application attentive.
Cette loi a également prévu la fermeture en 2008 des Charbonnages de France, ou CDF. Or, je l'ai dit, la fermeture des CDF laisse entier l'ensemble des problèmes de suivi de l'après-mines.
Nous sommes inquiets. Toutes les activités minières ont disparu et il nous faut désormais gérer, pendant de nombreuses années encore, le sort de ces sites miniers laissés sans exploitant. Nous demandons donc des solutions pour le devenir de ces territoires, marqués pour longtemps par les stigmates de la mine.
J'insisterai tout particulièrement sur le bassin ferrifère lorrain, dont l'activité est désormais totalement achevée et qui se trouve orphelin dans la mesure où aucun exploitant n'a été capable d'assumer les responsabilités liées à l'arrêt des exploitations, comme l'ont fait les Charbonnages de France pour les sites charbonniers.
Je pense notamment aux dégâts miniers et à leur indemnisation, ainsi qu'aux problèmes hydrauliques, qui ne sont pas, à l'heure actuelle, maîtrisés. L'Etat assume certes cette responsabilité à travers l'ensemble de ses services, mais de façon confuse.
Je souhaite que l'établissement public qui remplacera CDF et qui, à terme, gérera ces problèmes, s'attache tout particulièrement au problème des mines de fer. Cette question doit être au coeur des études qui vont conduire à sa création !
Je souhaiterais ainsi que le problème du fer soit réglé avec une efficacité technique semblable à celle de CDF dans le passé : je demande une égalité de traitement pour le fer. La tâche est considérable !
Je souhaiterais donc, monsieur le ministre, que vous puissiez nous dire dès aujourd'hui comment vous envisagez de mettre en place l'entité prévue.
Je rappelle que CDF assume aujourd'hui, en vertu des dispositions du code minier, un grand nombre de missions. Citons, à titre d'exemple pour ce qui devra être fait dans le futur, les missions techniques et opérationnelles de CDF, qui concernent principalement l'obligation de remise en état des terrains après la cessation des activités.
Je souhaite que nous prenions exemple sur ce que CDF a mis en place, qu'il s'agisse des installations de dégazage, notamment en matière de grisou, ou des installations hydrauliques liées à l'après-mines comme les stations de pompage ou de relevage des eaux. Ces équipements nécessitent une attention toute particulière et de longue durée dans les bassins houillers.
Les collectivités locales sont évidemment concernées par l'ensemble de ces installations techniques, mais elles abordent la question de leur pérennité avec prudence. Il est urgent d'examiner ce problème dans le cadre d'une concertation, avant la création de cet établissement public.
En guise de conclusion sur l'ensemble de ces questions très concrètes, je veux vous dire que les élus locaux des territoires concernés craignent avant tout de se retrouver devant un seul interlocuteur, à savoir le préfet, sans autre interlocuteur technique ou économique capable de gérer dans l'intérêt de tous les séquelles de la mine.
Les Lorrains ont fait les frais de l'expérience, redoutable, d'une mine sans maître. Je souhaite qu'il soit mis un terme à cette expérience dans les meilleurs délais.
Monsieur le ministre, j'en viens à la question annexe, moins grave mais tout aussi intéressante, des archives minières.
Il convient de distinguer plusieurs familles d'archives minières : les archives sociales ou médicales, qui intéressent les mineurs et leurs ayants droit et qui pourraient être transmises à la future ANGDM, et les archives techniques, qui concernent l'état des sous-sols, et qui constituent un patrimoine local que les élus locaux souhaitent conserver sur leur territoire.
Laissez-moi cependant vous faire part de mes craintes quant au poids financier que représente la conservation de ces archives. Je souhaiterais connaître votre opinion à cet égard, monsieur le ministre. La création d'un groupe de travail avec l'ensemble des services concernés me semblerait en tout cas opportune.
J'aborderai maintenant la question des plans de prévention des risques miniers, les PPRM. Le sujet est particulièrement urgent dans le bassin ferrifère lorrain, que j'évoquerai essentiellement devant vous, mais il s'applique également dans le bassin houiller.
L'état des sites miniers est tel dans le bassin ferrifère que la modernisation de l'urbanisation dans les cités est menacée, faute de pouvoir délivrer normalement les permis de construire et de lotir. Il est naturel de freiner la construction dans des zones dans lesquelles nous ne connaissons pas parfaitement les risques, mais il est dangereux de le faire trop longtemps. Dans ces zones, qui nécessitent un nouveau développement et qui attendent beaucoup de l'avenir, il est indispensable d'agir vite et de ne pas bloquer l'élaboration des PPRM.
Monsieur le ministre, dans la mesure où l'Etat est encore responsable de ce dossier avant la mise en place de l'établissement public que j'ai précédemment évoqué, je souhaiterais que vous fassiez en sorte, au minimum, que les PPRM des zones minières non ennoyées du bassin ferrifère, qui concernent une dizaine de communes, soient réalisés dans l'année de sursis qui a été octroyée concernant l'exhaure. De cette façon, nous pourrions rassurer les populations concernées sur l'avenir de leurs territoires.
Il m'est impossible, monsieur le ministre, de traiter la question des effondrements miniers sans évoquer l'indemnisation des victimes de sinistres miniers dans les habitations.
Ce dossier a beaucoup progressé grâce au vote par le Parlement de l'article 19 de la loi relative à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages, qui a permis d'apporter une solution à bon nombre de situations dramatiques.
Par ces dispositions, il a été confié au fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages la responsabilité d'indemniser rapidement, comme je l'avais souhaité, les personnes qui ont subi des dégâts miniers, à charge pour ce fonds de se retourner ensuite contre les responsables effectifs. L'indemnisation est donc rapide et les victimes ont la satisfaction de pouvoir envisager leur avenir, forts d'une indemnité.
Je vous serais reconnaissant, monsieur le ministre, de bien vouloir dresser, si vous le pouvez, un bilan des indemnisations qui ont déjà été effectuées.
Pour clore le dossier des réparations des dégâts miniers qui nous empoisonne la vie, je vous demande de faire en sorte que l'ensemble des victimes de sinistres soit indemnisé, y compris pour les sinistres ayant été constatés avant 1998.
M. Daniel Reiner et Mme Evelyne Didier. Bien sûr !
M. Philippe Leroy. Il se trouve que l'état réglementaire et législatif de la question rend difficile l'indemnisation des victimes dont les dégâts ont été constatés avant 1998. Or, monsieur le ministre, l'Etat s'honorerait en réglant ce problème et cela nous permettrait d'envisager plus sereinement la préparation de l'avenir.
S'agissant du volet social, nous avons souhaité, je le rappelais au début de mon intervention, créer l'agence nationale pour la garantie des droits des mineurs.
La loi prévoit que l'agence sera opérationnelle le 1er janvier 2005. Cependant, le décret d'application qui en précise les missions concrètes et les modalités d'installation n'est toujours pas publié, alors que les concertations avec les organisations syndicales et avec l'ensemble des parties étaient déjà bien avancées dans le courant de l'année. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous donner l'assurance que le décret va paraître et que l'Agence sera effectivement mise en place le 1er janvier prochain ?
Il me paraît bien évidemment indispensable d'aborder la question du droit au logement des mineurs et de leurs ayants droit.
Le problème de l'entretien de ce parc extrêmement important, qui connaît par ailleurs des évolutions patrimoniales diverses, se pose avec acuité. Le renouvellement des voiries, notamment, exigera des efforts de solidarité importants de la part de la collectivité nationale.
J'ai pu constater dans le Nord, quinze ans après la disparition des activités minières - je parle sous le contrôle de mes collègues du Nord - Pas-de-Calais - qu'il reste à assurer la modernisation de 70 000 logements, y compris celle des réseaux qui les desservent. Les crédits du groupe interministériel pour la restructuration des zones minières, dits crédits « GIRZOM », qui existent encore dans le Nord, ont permis d'améliorer la qualité des logements. Toutefois, de nombreux efforts restent à faire et, si la situation n'est pas de même nature en Lorraine, elle est néanmoins elle aussi préoccupante.
Il faut s'habituer à une idée difficile, monsieur le ministre : nous allons vivre l'après-mines longtemps ! (M. le ministre délégué opine.) La question est tellement complexe, sur le plan technique et en termes d'évolutions immobilières, qu'elle va nous demander des efforts pendant de longues années. Or j'ai peur - et je ne sais comment conjurer le sort - que la solidarité nationale ne se lasse d'entendre toujours les élus des bassins miniers se plaindre.
Certes, il ne faut pas que ces élus se plaignent tout le temps, mais ils doivent avoir une ambition pour leur territoire et, pour que cette ambition puisse s'épanouir, une aide sera longtemps nécessaire parce que les ressources financières de ces territoires sont affaiblies. C'est le cas dans le Nord - Pas-de-Calais, en Lorraine, et probablement dans d'autres bassins.
Après le logement, il faut bien entendu s'intéresser au développement économique. A cet égard, la disparition prochaine des crédits du fonds européen de développement régional, le FEDER, et l'évolution des règlements européens liés au soutien à l'économie nous conduisent à nous interroger sur les outils qui seront mis en place pour favoriser le développement économique des bassins.
Ces bassins, vous le savez, représentent une richesse. Je prendrai l'exemple des bassins houillers lorrain et mosellan : ils sont aujourd'hui au coeur d'espérances fortes grâce à quelques industries emblématiques, au premier rang desquelles l'usine Smart et ses sous-traitants, qui démontrent que des filières industrielles peuvent s'épanouir dans les régions minières. Un tel résultat a été rendu possible grâce à un certain nombre de systèmes - je pense à la société financière pour favoriser l'industrialisation des régions minières, la SOFIREM, ou au fonds d'industrialisation des bassins miniers, le FIBM -, dont la mise en oeuvre a été bénéfique.
Ces dispositifs doivent être pérennisés, monsieur le ministre, et je vous demande de bien vouloir réfléchir aux moyens du développement économique de nos régions minières. La création d'agences spécifiques, mais aussi des réflexions approfondies, doivent nous permettre de rendre l'espoir à ces territoires.
Pour conclure, madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je lance un appel à tous ceux qui exercent des responsabilités sur ces territoires. Il est en effet évident que c'est l'affaire de tous et que l'Etat seul ne pourra rien. Les collectivités territoriales doivent s'engager, mais elles ne pourront le faire que si l'Etat lui-même s'engage ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
Mme la présidente. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe Union pour un mouvement populaire, 48 minutes ;
Groupe socialiste, 31 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 14 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 11 minutes ;
Dans la suite du débat, la parole est à M. Yves Coquelle.
M. Yves Coquelle. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je dois dire d'emblée que je suis déçu que la question de l'après-mines suscite si peu d'intérêt dans cet hémicycle.
M. Gérard Longuet. Mais il y a la qualité ! (Sourires.)
M. Yves Coquelle. Je suis doublement déçu parce que, outre cette faible participation de nos collègues, seules deux petites heures seront consacrées aujourd'hui à un sujet aussi vaste et complexe que l'après-mines.
C'est dire que nous ne ferons qu'effleurer le sujet. J'espère que la question pourra être examinée en profondeur dans d'autres lieux, avec d'autres participants, afin de répondre aux préoccupations des élus, des syndicats et des populations concernées.
Dans notre pays, l'exploitation minière a duré de cent à deux cent cinquante ans, selon les régions. Le sous-sol des régions concernées est un véritable gruyère et les problèmes posés sont multiples et complexes. Pour ma part, je ne ferai qu'évoquer le sujet et c'est mon amie Evelyne Didier qui développera tout à l'heure la question des affaissements miniers.
La disparition de Charbonnages de France va entraîner la création d'une nouvelle structure que nous souhaitons démocratique, pluridisciplinaire, compétente, et surtout indépendante.
Cette structure traitera des questions de l'affaissement minier, de la remontée des eaux d'exhaure, du fonctionnement des stations de pompage - dont l'arrêt provoquerait la submersion de plusieurs communes sous un mètre d'eau ! -, du devenir des terrils ; elle aura également à gérer, et donc à régler, le problème du grisou qui stagne dans des milliers de kilomètres de galeries.
Ces questions ne se régleront pas en quelques années, nous y serons confrontés encore pendant des décennies.
La structure qui va se substituer à Charbonnages de France devra donc être dotée des mêmes moyens financiers que ceux dont disposent actuellement les Charbonnages de France.
Les communes minières, qui sont parmi les plus pauvres de France, qui ont un potentiel fiscal parmi les plus faibles et un taux de chômage parmi les plus élevés du pays, ne pourront pas mettre la main à la poche pour financer les actions de surveillance, de maintenance et d'entretien nécessitées par l'arrêt de l'exploitation minière.
Ce n'est pas par mauvaise volonté que nous affirmons cela, monsieur le ministre, mais parce que les communes minières sont déjà très largement mises à contribution pour entretenir les voiries et les friches charbonnières abandonnées sur nos communes, et surtout pour tenter d'apporter des solutions à ce chômage massif dû au manque de conversion.
Je vais aborder maintenant un sujet qui préoccupe grandement les anciens mineurs, mais aussi leurs veuves et leurs ayants droit, à qui l'Etat a promis, à juste titre, de garantir le statut du mineur jusqu'à la fin de leurs jours. Le problème des ayants droit se posera encore pendant trente à quarante ans !
L'Etat a le devoir de leur garantir la retraite, la gratuité du logement et les indemnités de chauffage. La création, par la loi du 3 février 2004, de l'Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs apporte une première réponse.
Une autre question taraude cependant nos populations minières : celle, épineuse, de la santé.
C'est une question d'autant plus importante que nous nous adressons ici à une population vieillissante qui, en moyenne, dépasse largement les soixante-dix ans et qui nécessite des soins spécifiques, plus nombreux, plus spécialisés que le reste de la population.
Depuis sa création, la sécurité sociale minière s'est dotée d'un vaste réseau d'équipements de santé, d'hôpitaux, de dispensaires, de caisses de secours, de pharmacies, de cabinets dentaires et médicaux.
Ce système qui, certes, comporte quelques imperfections, a l'immense mérite d'assurer l'intégralité de la gratuité des soins pour les ayants droit.
Aujourd'hui, la disparition programmée de la sécurité sociale minière n'est pas sans inquiéter très fortement les populations concernées, même si l'on affirme aux ayants droit que ce changement ne remettra pas en cause la gratuité dont ils bénéficient.
Il n'en demeure pas moins que de nombreuses questions méritent des réponses, notamment celle du devenir des personnels de santé affectés à la sécurité sociale minière ou encore du devenir du gigantesque parc d'équipements sanitaires des houillères.
Sur la question de la gratuité des soins pour les ayants droit, je tiens, quitte à me répéter, à rappeler qu'il s'agit d'une population vieillissante, qui nécessite des soins nombreux et spécialisés et qui dispose de ressources très limitées et très modestes.
Cette population bénéficiera bientôt de la carte Vitale et elle pourra choisir librement un médecin. Or, jusqu'à ce jour, les installations de la sécurité sociale des mines permettaient d'assurer la gratuité des soins, tandis que, demain, les visites chez le médecin libéral, chez le spécialiste, les examens radiologiques, les hospitalisations risquent de contraindre les ayants droit à faire l'avance des frais, à acquitter les dépassements d'honoraires.
Pour ces personnes aux revenus modestes, cela risque de constituer un frein important à la possibilité qui leur sera offerte de se soigner.
La gratuité des soins devrait leur donner le statut de malade pris en charge à 100 % par la sécurité sociale ; sinon, qu'on le veuille ou non, il s'agira d'un recul pour les avantages acquis par la corporation minière.
Le problème des pharmacies des mines est également important. Celles-ci n'entrent pas, bien que l'on ait laissé supposer le contraire, dans le numerus clausus. Les ayants droit pourront donc se rendre dans la pharmacie de leur choix. Or, selon les estimations les moins pessimistes, les pharmacies affiliées à la sécurité sociale minière enregistreront une perte de chiffre d'affaires évaluée entre 50 % et 60 %, puisque les pharmacies des houillères ne pourront pas délivrer de médicaments aux bénéficiaires du régime général.
Les excédents générés par ces pharmacies permettaient de financer les autres oeuvres de la sécurité sociale minière ; la forte diminution de ces excédents aura donc une répercussion quasi mécanique sur l'ensemble des équipements de santé.
J'en arrive à ma dernière question.
Les régions minières, en l'occurrence le Nord - Pas-de-Calais, sont sous-dotées en équipements médicaux et très mal loties en matière non seulement d'équipements sanitaires, mais également de médecins spécialistes, de professeurs de médecine, de chirurgiens. Il serait insupportable d'aggraver encore cette situation par la disparition des équipements médicaux du régime minier !
Tous ces personnels, de l'infirmière au médecin, du pharmacien au dentiste, doivent absolument continuer à exercer dans les régions concernées.
Quant aux équipements - je pense à certains dispensaires, à certaines caisses de secours -, ils doivent eux aussi subsister. Ils peuvent être utilisés pour la médecine préventive, la médecine scolaire ou la médecine du travail.
La corporation minière mérite toute l'attention de l'Etat ; elle a non seulement contribué à relever le pays au lendemain du second conflit mondial, mais elle a également participé à son essor économique. Aujourd'hui, en retour, elle a droit à une juste compensation de l'Etat.
De même, les communes minières sinistrées par un taux de chômage endémique, avec des finances locales qui sont parmi les plus faibles de France, ont besoin du soutien de l'Etat pour faire face au problème de la gestion de l'après-mine, dont personne à ce jour ne mesure les conséquences.
Enfin, pour conclure, je tiens à remercier la presse régionale, qui nous a aidés à populariser ce dossier et ses enjeux
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Masseret.
M. Jean-Pierre Masseret. Monsieur le ministre, à mon tour je vous poserai une série de questions. Afin de respecter l'ordre chronologique dans lequel elles se sont posées, je commencerai par le bassin ferrifère et par l'ennoyage.
Vous connaissez notre position sur cette question. Depuis le début, les socialistes - qu'ils aient été au pouvoir ou, comme c'est le cas aujourd'hui, dans l'opposition -, ont toujours souhaité la poursuite de l'exhaure. En effet, cela permettra d'identifier tous les problèmes et de mener des travaux de consolidation indispensables à la sécurité des personnes et des biens dans certaines galeries. Ces travaux sont techniquement réalisables.
Le Gouvernement aurait - ou a, je ne sais pas - décidé d'ennoyer les mines de fer au plus tard au mois de novembre 2005. Bien qu'opposé à cette échéance, le conseil régional de Lorraine, que je préside, a accepté de cofinancer le coût du pompage, tout en souhaitant que la décision du Gouvernement soit réversible.
L'arrêté préfectoral du 21 juillet 2004 prescrit à la société Arbed de prendre des mesures propres à éviter toute remontée des eaux, notamment à l'intérieur de l'ex-concession de Bassompierre. Mais, d'après les récentes informations dont nous disposons, monsieur le ministre, l'entreprise serait sur le point d'arrêter deux pompes situées à Audun-le-Tiche.
L'Etat a-t-il donné son accord ? Dans ce cas, pourquoi n'en a-t-il pas informé les populations et les collectivités territoriales ?
Dès lors, on peut se demander si l'arrêt de l'exhaure est déjà programmé et quelles sont les mesures envisagées pour prendre en compte l'impact hydrologique de cet arrêt.
Le Gouvernement est-il favorable à ce que les missions de l'Agence de prévention et de surveillance des risques miniers soient élargies à la gestion des équipements de surveillance des risques miniers, prévue aux articles 92 et 93 du code minier ?
Cela m'amène à vous demander ce que devient cette agence, qui ne se réunit plus. A-t-elle un avenir ?
La société Arbed dispose encore de quatorze concessions. La procédure de renonciation, que vous connaissez, est un enjeu fondamental au regard de la prise de responsabilité pour les dégâts potentiels et les procédures d'indemnisation. L'exemple de Roncourt doit malheureusement être mis en avant à cet égard.
J'ai demandé à M. le préfet de région, par lettre du 29 juillet 2004, de bien vouloir m'informer de la situation administrative exacte de ces anciennes concessions. Nous sommes au mois de novembre, et je n'ai pas encore reçu de réponse. Je souhaite donc que vous puissiez intervenir pour que j'obtienne rapidement des réponses à mes questions.
La situation des sinistrés a été évoquée par Philippe Leroy. On connaît l'interminable feuilleton des indemnisations ; après moult expertises, contre-expertises, les sinistrés parviennent, au mieux, à se faire rembourser 71 % de leurs biens, ce qui est insuffisant quand on connaît la valeur actuelle d'une maison sur le marché immobilier.
L'Etat va-t-il enfin - et cela vaut pour vous, monsieur le ministre, comme pour les autres - tenir compte de l'intention du législateur qui, il y a quelques années, a clairement indiqué que les sinistrés ne devaient subir aucune perte de valeur sur leurs biens ? Voulez-vous, aujourd'hui, étendre la réparation des dégâts à l'ensemble de la propriété ? En effet, les nombreux dégâts subis par les dépendances, les garages, les terrains ne sont pas pris en compte.
La question de l'indemnisation des commerçants et des artisans pour leurs biens professionnels se pose également.
L'Etat entend-il par ailleurs traiter la totalité des sinistrés - identifiés comme tels - depuis 1994, puisque actuellement seuls les problèmes survenus après 1998 sont pris en compte ?
Je reprends là une interrogation soulevée à l'instant par Philippe Leroy sur ce sujet et, comme j'ai la faiblesse de penser que ce débat est assez bien organisé entre l'auteur de la question orale et le ministre qui va lui répondre,...
M. Jean-Pierre Masseret. ...j'imagine que, s'il a posé la question, c'est que la réponse est probablement positive.
M. Jean-Marc Todeschini. On l'espère !
M. Philippe Leroy. Ce serait trop beau !
M. Jean-Pierre Masseret. Nous attendons donc votre réponse sur ce sujet puisque, ainsi qu'il a été dit, cette différence de traitement provoque un sentiment d'injustice qui détériore le climat de confiance absolument nécessaire pour aborder des questions aussi fortes et douloureuses, tant collectivement que personnellement.
Après Mme Fontaine, monsieur le ministre, vous avez annoncé une nouvelle procédure d'indemnisation lors du débat à l'Assemblée nationale. Qu'en est-il ?
L'absence de consolidation dans les zones à risque - zones déterminées par vos services - signifie-t-elle que l'exemple de Fontoy en matière d'indemnisation deviendra la règle pour les victimes confrontées à une même situation ? Si tel est le cas, pouvez-vous nous préciser les moyens financiers que l'Etat mettra en oeuvre ?
Pour ce qui est des collectivités territoriales, les communes, on le sait depuis longtemps, ne sont pas traitées équitablement dans cette affaire. Un effort de prise en charge des travaux résultant des dégâts occasionnés aux biens communaux, qu'il s'agisse des bâtiments publics, des voiries ou des réseaux d'assainissement, est donc nécessaire. Quel est votre avis sur ce sujet ? Quelles sont vos intentions ?
La loi du 30 mars 1999 a créé les plans de prévention des risques miniers, les PPRM. Ces plans imposent des servitudes d'urbanisme qui limitent l'urbanisation des secteurs touchés, mais ces contraintes ne donnent lieu à aucune indemnisation. Or ces servitudes ont des incidences fiscales pour les communes concernées : elles réduisent les bases de la taxe d'habitation, de la taxe foncière, et parfois même de la taxe professionnelle. Le Gouvernement est-il favorable à l'instauration d'une compensation pour ces collectivités territoriales ?
Dans le même ordre d'idées, il ne faudrait pas que le principe de précaution, auquel on doit naturellement souscrire, conduise les services - la direction régionale de l'industrie, de la recherche et de l'environnement, la DRIRE, notamment - à adopter une posture systématiquement restrictive. Dans certains cas un peu limites, en effet, il peut arriver que l'administration refuse la construction d'un abri de jardin, par exemple.
Si l'on veut vraiment que les PPRM soient efficaces, l'aléa minier doit être parfaitement connu, parfaitement qualifié et tout à fait réel. Or, actuellement, une zone non étudiée est systématiquement classée en zone rouge. La requalification urbaine constitue pourtant un levier essentiel du redéveloppement des communes, mais, à ce jour, l'insuffisance des crédits du FEDER ou l'usage de ces crédits lié à une insuffisance, voire à un gel des crédits du Fonds national d'aménagement et de développement du territoire, le FNADT, freine la réalisation de plus de 50 millions d'euros de travaux, d'après nos estimations.
M. le préfet de la région Lorraine, préfet de la Moselle, a sollicité auprès de la DATAR une enveloppe supplémentaire de 12 millions d'euros.
En tant que président du conseil régional, je puis vous dire, monsieur le ministre, que nous sommes prêts à accompagner cet effort supplémentaire, si vous l'acceptez. Quelle suite le Gouvernement entend-il donner à cette demande ?
J'ai évoqué le bassin ferrifère, sur lequel je reviendrai en conclusion à propos des questions industrielles.
Pour le bassin houiller lorrain, les problèmes sont identiques. Ces problèmes vont s'accroître, les risques sont les mêmes, les perspectives sont semblables, les inquiétudes sont vives. Les affaissements de terrain, dont on connaît les conséquences, sont une réalité.
Les experts du fonds de garantie - fonds que vous connaissez bien - sont très critiques aujourd'hui à l'endroit des interventions des houillères en ce qui concerne le relevage des bâtiments. Des rapports sont actuellement produits, et ces éléments d'information devraient être portés à votre connaissance pour vous renseigner le plus précisément possible sur la situation locale.
Par ailleurs, il apparaît d'ores et déjà que de nombreuses constructions dans ce secteur - je vise précisément le cas de Rosbruck, commune du bassin - auront les pieds dans l'eau après l'arrêt de l'exhaure, ce qui, vous l'imaginez bien, suscite de nombreuses inquiétudes.
Les exemples que je vous donne ont pour objet non pas d'attiser ces inquiétudes, mais de vous fournir des éléments d'information. En effet, le discours officiel perdrait toute consistance si, à un moment donné, les circonstances concrètes sur le terrain devaient le contredire. Et, en tout cas, ce discours ne suscite pas la nécessaire confiance que l'on doit créer pour surmonter de telles difficultés.
Un comité d'information sur l'arrêt de l'extraction charbonnière a été mis en place ; le conseil régional y siège. Je regrette que ce comité, dont le rôle n'est certes pas négligeable, se cantonne aujourd'hui aux seuls aspects environnementaux.
Comme dans le bassin ferrifère, on peut s'interroger sur le niveau de transparence des procédures en cours. Il faut donc des expertises contradictoires, dont il est nécessaire d'assurer le financement. Il faut y associer les associations qui existent sur le terrain comme les collectivités territoriales, dont les préoccupations et les responsabilités sont au coeur de la vie quotidienne. Etes-vous favorable, monsieur le ministre, à ces deux demandes ?
Il y a aussi dans ce secteur du bassin houiller une autre interrogation : pourquoi l'étude ANTEA-INERIS sur les conséquences de l'arrêt de l'exhaure n'est-elle pas rendue publique ? Dès lors que les conclusions d'une étude ne sont pas livrées à l'opinion publique, aux associations, aux élus, c'est-à-dire à l'interprétation, cela suscite une interrogation, qui, vous le savez, n'est jamais positive. La meilleure façon de faire taire ces inquiétudes serait donc de publier cette étude !
D'autres questions se posent.
Ainsi, quel est l'impact sur les nappes phréatiques des cendres utilisées pour la consolidation des zones à risques et la stabilisation des terrains ?
Le 12 juillet 2004, toujours par courrier, j'ai demandé à M. le préfet à être informé sur les éventuels travaux souterrains irréversibles qui auraient déjà été réalisés par Charbonnages de France.
M. Jean-Marc Todeschini. Vous lui écrivez souvent ! (Sourires.)
M. Jean-Pierre Masseret. En effet, j'écris souvent à M. le préfet, monsieur Todeschini. J'ai d'ailleurs remarqué que vous le faisiez aussi.
M. Gérard Longuet. C'est une marque de confiance à laquelle il sera sensible !
M. Jean-Pierre Masseret. Nous interpellons notre préfet de région en supposant qu'il dispose de plus d'éléments que nous sur un certain nombre de sujets...
M. Gérard Longuet. Il faut l'espérer, en tout cas !
M. Jean-Pierre Masseret. ...et nous attendons avec impatience les réponses qui peuvent nous être apportées.
La loi du 3 février 2004 prévoit la création d'un établissement public à caractère administratif, l'Agence nationale pour la garantie des droits sociaux des mineurs.
Les droits couverts par cette garantie, qui s'étend à l'ensemble des agents des entreprises des filiales minières et à leurs ayants droit, devaient être précisés dans un décret. D'où ma question, déjà posée par plusieurs des intervenants précédents : pouvez-vous nous confirmer l'engagement pris devant l'Assemblée nationale selon lequel a été fixé au 1er janvier 2005 le caractère opérationnel de l'agence ?
Dans le domaine social, de nombreuses questions demeurent sans réponse. Je prendrai deux exemples parmi d'autres.
Les agents des mines ou leurs ayants droit sont traditionnellement logés dans un parc immobilier relevant des anciens exploitants. Ce patrimoine est en cours de restructuration. Le Gouvernement prévoit-il la signature de conventions entre l'agence nationale et les bailleurs sociaux afin de répondre aux besoins des agents logés et aux besoins d'adaptation de l'ancien patrimoine ?
Par ailleurs, une question grave, complexe - et qui, je vous l'accorde, n'a pas été résolue par le gouvernement précédent -, concerne les conséquences du décret du 3 mai 2002, qui a permis de corriger partiellement l'écart entre les retraites minières et celles du régime général.
En effet, les mesures de revalorisation de ce décret ne concernent que les mineurs ayant liquidé leur retraite après 1987. Il pénalise, par conséquent, les mineurs qui ont pris leur retraite avant cette date, donc les mineurs des anciens bassins.
Le Gouvernement peut-il remédier à cette inégalité en attribuant des trimestres supplémentaires aux mineurs ayant liquidé leur retraite avant 1987 ? Je fais ici écho à une question récurrente, mais je connais l'origine de cette situation.
Pendant très longtemps, monsieur le ministre, les activités d'exploitation minière en Moselle et en Meurthe-et-Moselle - ainsi qu'en Meuse, d'ailleurs - ont eu un rôle économique et social déterminant, contribuant à l'essor de la région et à celui du pays tout entier.
La question à laquelle nous sommes tous confrontés, c'est celle de l'avenir industriel de ces secteurs, bassins ferrifères, bassins houillers, singulièrement mis en difficulté par la fermeture des mines de fer et la réduction des activités sidérurgiques, ainsi que par la fermeture des Houillères du bassin de Lorraine.
Vous avez vous-même annoncé à l'Assemblée nationale, monsieur le ministre, que la reconversion économique des anciens bassins continuerait d'être assurée.
Ce rappel de principe est naturellement nécessaire, mais il faut aussi le confirmer par des mesures concrètes et des financements appropriés.
Le bassin sidérurgique et ferrifère n'en a pas fini avec les difficultés. Il devra faire face à la fermeture annoncée - en tout cas par le groupe, ainsi qu'on a pu le lire dans la presse régionale - de certaines installations d'Arcelor : je pense à Hayange et ses hauts fourneaux ou à Seremange.
Comment l'Etat entend-il agir sur le groupe mondial Arcelor pour que celui-ci assume la plénitude de ses responsabilités face à cette situation, à cette histoire ? Quelles sont les propositions financières de l'Etat pour accompagner plus fortement les collectivités territoriales, notamment au moment où les fonds européens vont probablement nous faire défaut ?
Monsieur le ministre, le conseil régional est prêt à être un acteur efficace, déterminé, et à s'engager dans un partenariat avec l'Etat, les industriels, les agglomérations du pays thionvillois et, naturellement, le conseil général.
Au demeurant, cette question de l'avenir industriel, comme celle de l'avenir économique du bassin houiller, a fait l'objet d'une première rencontre, après mars 2004, que j'ai eue avec le président du conseil général de Moselle, notre collègue Philippe Leroy.
La question essentielle de la poursuite de l'industrialisation du bassin houiller est elle-même posée. Des efforts ont été faits dans le passé, des lignes budgétaires ont été ouvertes, elles existent encore. Hier, un premier coup de pioche a été donné pour l'installation d'une entreprise importante dans le bassin houiller. Tout cela est positif, mais l'effort doit être amplifié. Il faut que, collectivement, nous nous engagions pour prendre en compte ces phénomènes d'industrialisation, de développement économique, de qualité de la formation, etc. Et cela doit se faire autour d'éléments stratégiques qui doivent être déterminés pour l'avenir.
Il existe aujourd'hui un instrument qui fonctionne dans le secteur du bassin houiller, c'est l'AGEM, agence de développement à laquelle participent le conseil régional et le conseil général et qui regroupe en outre l'ensemble des intercommunalités du bassin depuis Kreutzwald jusqu'à Bitche. C'est extrêmement intéressant ! En outre, dans cette zone transfrontalière, existe un euro-district entre la Lorraine, la Moselle et la Sarre.
Tous ces aspects doivent nous permettre de définir collectivement des éléments stratégiques, notamment les responsabilités de chacun. Quelle est la part de l'Etat, celle du conseil régional, du conseil général, des chambres de commerce et d'industrie, des chambres des métiers et des collectivités, sans oublier les industriels, qui doivent également être associés à la définition de ce schéma de développement économique ?
Telles sont les nécessités auxquelles il faut répondre. Les élus socialistes - mais les autres aussi, je n'en doute pas - sont prêts, comme l'ensemble des collectivités, à s'engager pleinement.
Monsieur le ministre, le dossier de l'après-mines est loin d'être clos. Il appelle de la part de l'Etat un engagement politique et financier volontaire et important. Des réponses sur tout ou partie des questions que j'ai eu l'honneur de vous poser permettraient peut-être aux Lorrains de se faire une vision un peu plus précise d'une part de leur avenir collectif et apaiseraient leurs inquiétudes personnelles. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Longuet.
M. Gérard Longuet. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens tout d'abord à remercier notre collègue Philippe Leroy d'avoir pris l'initiative de demander au Gouvernement l'inscription à l'ordre du jour du Sénat de cette question orale avec débat sur la gestion de l'après-mines. Le besoin s'en faisait sentir !
Je ne partage pas le pessimisme de M. Coquelle. Certes, nous aurions préféré qu'un plus grand nombre de nos collègues assistent à cette discussion, mais ces quelques instants partagés avec le Gouvernement nous permettront de confronter, sur ce sujet, notre expérience de femmes et d'hommes de terrain, de poser nos questions directement au ministre et, je l'espère, d'obtenir les réponses. C'est une bonne façon de procéder.
Bien que le déclin du charbon et du fer lorrains ait été pressenti depuis plus de 25 ans, force est de reconnaître que la gestion de l'après-mines a tardé. Les choses se sont accélérées depuis une dizaine d'années. J'ai le souvenir d'avoir participé en juillet 1994, en tant que ministre de l'industrie, au premier débat consacré à ce sujet. Il avait notamment permis de mettre fin à la clause d'exonération, privilège discriminatoire qui privait les mineurs et les anciens mineurs de tout droit de recours contre le vendeur de leur maison lorsqu'ils s'en rendaient propriétaires.
Ce fut la première étape d'une longue marche scandée par le pacte charbonnier d'octobre 1994 et par des décisions du gouvernement que vous souteniez, chers collègues de l'opposition. Je pense à la loi de 1999 dont le décret d'application avait quelque peu tardé, suscitant chez notre collègue député de Meurthe-et-Moselle, M. Le Déaut, un peu de déception et d'amertume.
La loi du 30 juillet 2003 relative à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages, défendue, monsieur le ministre, par votre collègue Mme Bachelot, a permis de traiter les mécanismes d'indemnisation des propriétaires touchés par des dégâts miniers antérieurs au 1er septembre 1998. La demande de Philippe Leroy est pleine de bon sens, même si j'en mesure le coût.
Monsieur le ministre, vous avez été amené, à deux reprises, à traiter du sujet de l'après-mines.
Vous le connaissez aujourd'hui comme ministre délégué à l'industrie. A cet égard, nous avons pu mesurer, par votre engagement personnel lors de la manifestation qui a eu lieu au mois d'avril dernier - dans mon esprit, il s'agissait non pas d'une fête, mais simplement d'un hommage - combien la culture minière a marqué et marquera durablement notre pays. Il s'agit non seulement des paysages, du patrimoine immobilier, mais également, et surtout, de la culture des femmes et des hommes de ces bassins miniers.
Vous aviez découvert ce problème, je m'en souviens très précisément, lorsque, en charge de l'aménagement du territoire, vous aviez accepté un certain nombre de mesures liées à la mise en place, notamment, du volet après-mines du contrat de plan Etat-région. Je fais allusion à la Lorraine, car je n'ai aucune compétence en ce qui concerne le Nord - Pas-de-Calais, même si je ne manque pas d'estime à l'égard de cette région.
Mon intervention sera brève dans la mesure où, d'une part, je fais miennes les questions posées par Philippe Leroy et où, d'autre part, la présentation faite par Jean-Pierre Masseret, président du conseil régional, de la situation de la Lorraine, ne peut que susciter mon approbation. C'est exactement le diagnostic que posent aujourd'hui les Lorrains de l'application des mesures après-mines et surtout, parfois, de l'absence de mesures.
Je rappellerai deux points concernant les personnes et les territoires et j'ouvrirai un débat que vous aurez, monsieur le ministre, la responsabilité de trancher dans les mois à venir
S'agissant des personnes, on sait que la sécurité sociale minière est en voie de disparition. Mais il y a sans doute des leçons à tirer, des exemples à retenir, car certaines particularités de ce système mériteraient d'être étendues.
Par ailleurs, en ce qui concerne la mise en place rapide de l'Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs, je suis persuadé que vous vous y employez, monsieur le ministre, mais l'on est plus serein lorsqu'une chose est faite que lorsqu'on l'attend. (M. le ministre acquiesce.)
Pour ce qui est de la mobilisation effective du fonds de garantie mis en place dans la foulée de la loi de 2003, certains esprits malveillants soutiennent que l'offre crée la demande et que, à partir du moment où un fonds existe, des gens se manifestent. Eh bien ! cela ne me choque nullement que des personnes qui avaient perdu courage dans cette lutte du pot de terre contre le pot de fer reprennent espoir. L'objectif du législateur était précisément de redonner confiance à des particuliers isolés qui avaient le sentiment que la défense de leurs droits était un combat perdu d'avance.
Certes, ce dispositif a un coût, mais auparavant supporté par les particuliers, il sera désormais mutualisé. Cette démarche est légitime !
En ce qui concerne les territoires, je poserai deux questions et je formulerai une suggestion.
Tout d'abord, s'agissant de Charbonnages de France, dont nous savons que son intervention prendra juridiquement fin le 31 décembre 2007, avons-nous aujourd'hui une vision d'ensemble des taux de réalisation effective des cessions et des remises en ordre effectives des friches industrielles ? Sur le terrain, nous avons quelques inquiétudes en la matière. Vous seul, monsieur le ministre, pouvez nous donner des informations à ce sujet.
Ensuite, pour ce qui est de la reconversion industrielle, on annonce une très forte diminution des crédits du fonds européen de développement régional, le FEDER, à la fin de l'année 2006. Or nous savons - et c'est particulièrement le cas en Lorraine - que près de la moitié des dépenses publiques engagées au titre du volet après-mines du contrat de plan était financée par des crédits européens, lesquels ont vocation à diminuer d'une façon drastique. On en comprend les raisons et je ne vais pas rouvrir à cet instant le débat sur les crédits européens. Mais quel type de soutien pouvons-nous espérer, sachant qu'en matière d'avenir industriel le pire n'est pas toujours sûr ?
Je citerai l'exemple de la cokerie de Carling : condamnée voilà deux ans, aujourd'hui reprise par un groupe allemand, cette société connaît, du fait de la forte demande chinoise en acier et en coke, une activité stable, dont les perspectives à moyen terme sont sécurisées.
Il est urgent de mettre en place les PPRM dans le bassin ferrifère lorrain. Ce bassin est sans doute celui qui a vécu dans le plus grand désordre la reconversion liée à l'après-mines, peut-être parce que la conjonction des difficultés économiques et des problèmes techniques y a été la plus forte. Or nous sommes aujourd'hui dans une situation paradoxale : pour des raisons tout à fait imprévisibles, le bassin ferrifère du nord de la Moselle et du pays haut de Meurthe-et-Moselle connaît aujourd'hui une demande immobilière qui est essentiellement due aux transfrontaliers.
Les maires des communes minières, qui étaient, il faut bien le reconnaître, découragés, reprennent espoir. Mais lorsqu'ils s'adressent aux services de l'équipement pour élaborer les documents d'urbanisme, ils se voient opposer la classification en zone rouge dès lors que le PPRM n'est pas établi.
Une course de vitesse est engagée, mes chers collègues ! Comment optimiser le bien rare qu'est l'argent du contribuable ? Sans doute faut-il accélérer la publication des PPRM plutôt que de prolonger indéfiniment la lutte contre l'ennoyage des mines, technique qui est certes légitime à court terme, mais coûteuse. Mieux vaut investir cet argent du contribuable dans des actions positives dès lors que l'on connaît les lieux constructibles, peut-être pas définitivement, mais au moins avec une certaine prévisibilité.
Par conséquent, l'accélération de la parution des PPRM, notamment dans la partie nord du bassin ferrifère, est indispensable.
Monsieur le ministre, ce jeu de cache-cache entre la fin des eaux d'exhaure et la parution des PPRM pourrait parfois nous faire craindre, sinon que l'Etat joue un double jeu - je ne peux le croire ! - du moins que l'action, d'une part, des DRIRE, d'autre part, des DDE ne soit équivoque, et ce au détriment du contribuable.
Il importe donc que les élus et les fonctionnaires de l'Etat établissent des règles de bonne coopération et de confiance.
J'en arrive à ma suggestion. Nous savons que Charbonnages de France disparaîtra le 31 décembre 2007 et qu'un établissement public prendra sa suite. Il s'agira vraisemblablement du bureau de recherches géologiques et minières, le BRGM, même si aucune décision publique n'est encore intervenue.
Monsieur le ministre, ne serait-il pas opportun de réfléchir avec les élus aux moyens d'associer un bras séculier, le BRGM, à la nécessaire coopération de l'Etat avec les collectivités locales pour décliner sur le terrain les politiques après-mines?
Les élus de ces territoires se réjouissent de l'existence d'une volonté nationale en matière d'après-mines. La solidarité financière est une réalité ! Cependant, chaque territoire est spécifique. Par exemple, en Lorraine, il existe un bassin ferrifère et un bassin charbonnier. Les problèmes rencontrés ne sont donc pas tout à fait les mêmes, mais les leçons des uns peuvent être utiles aux autres.
Le remplacement de Charbonnages de France par un établissement public devrait nous permettre de disposer d'un bras séculier unique, lieu de convergence des savoir-faire de l'après-mines. Je souhaite qu'il soit doublé d'une instance d'orientation associant l'Etat, sans lequel rien n'est possible, et les collectivités locales, qui sont proches du terrain.
Vous me direz que c'est un peu le rôle de l'Agence de prévention et de surveillance des risques miniers. Ayons une vision plus globale ! Installons une autorité qui garantisse la présence d'un interlocuteur compétent, stable dans le temps et ouvert aux collectivités locales. Elle associerait ces dernières à l'Etat pour mener le combat de la revalorisation des territoires confrontés à la gestion de l'après-mines, lequel réclame confiance, compréhension, concertation et coordination.
Les collectivités locales ont la passion des territoires dont elles ont la charge ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, voilà dix mois, nous avons adopté le projet de loi portant création de l'Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs et diverses dispositions relatives aux mines. Dans sa réponse, Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie de l'époque, s'était engagée à suivre personnellement l'élaboration des décrets. Or force est de constater aujourd'hui que cette Agence n'est toujours pas en place, alors que l'urgence est toujours plus grande.
Depuis l'examen et l'adoption de ce texte par le Sénat, toutes les mines de charbon ont cessé leur production en France, la Lorraine ayant arrêté toute activité de production le 23 avril 2004.
La gestion de l'après-mines, à laquelle il est impératif de faire face dans les plus brefs délais, est un dossier éminemment complexe. Je remercie d'ailleurs Philippe Leroy d'en avoir exposé les principaux aspects : reconversion économique et sociale des bassins touchés par la cessation des activités minières, pérennisation des droits des mineurs et de leurs ayants droits, risques de sinistres miniers, disparition des exploitants miniers.
A ces éléments, il faut ajouter les questions de l'eau et de la dévolution à l'Etat des installations de sécurité, la conservation des archives de l'exploitation minière et leur utilisation dans une perspective de sécurisation des opérations futures d'aménagement et de développement urbains dans des zones à très forte densité de population.
A l'heure actuelle, les anciens exploitants assurent encore la sécurisation et la surveillance des sites d'extraction. Toutefois, à terme, ces missions seront transférées à l'Etat, conformément aux dispositions du code minier.
Compte tenu des délais impartis, l'Etat doit rapidement engager une concertation avec les élus locaux sur l'après-mines, afin de régler ces problèmes ou, tout au moins, d'en prévoir les conséquences. Il ne faudrait pas qu'à la fin de l'année 2007, au moment de la fermeture de Charbonnages de France, nous n'ayons pas été en mesure de prévenir les conséquences de la fin de la période minière et d'assumer toutes les obligations qui en découlent.
En tant qu'élu du Pas-de-Calais, je tiens à rappeler combien les acteurs locaux sont confrontés à des situations dégradées, et ce à tout point de vue. Je tiens cependant à souligner certaines des avancées qui ont été accomplies au cours des dernières années.
Tout d'abord, la loi du 30 mars 1999 relative à la responsabilité en cas de dommages consécutifs à l'exploitation minière et à la prévention des risques miniers a clarifié les responsabilités respectives de l'ancien exploitant et de l'Etat en la matière et a posé les bases légales et réglementaires du dispositif public de l'après-mines, c'est-à-dire la présomption de la responsabilité de l'exploitant pour les dommages causés par son activité.
Cette procédure, qui représente un progrès louable, doit cependant être complétée par un volet « prévention » plus complet que celui qui est prévu dans le dispositif actuel. Les compétences de l'Agence de prévention et de surveillance des risques miniers sont en effet limitées et les conditions d'élaboration des plans de prévention de ces risques pourraient être révisées, ne serait-ce qu'au regard des charges financières que ces plans font peser sur les collectivités locales.
C'est pourquoi la question de la conservation des archives des exploitants miniers est cruciale. J'aimerais connaître, monsieur le ministre, la solution que vous envisagez d'apporter à ce problème.
Les problèmes sociaux nés du déclin de l'activité minière constituent un autre enjeu capital. Le Pacte charbonnier du 20 octobre 1994, exemplaire à bien des égards, a fixé un cadre sécurisant pour les anciens mineurs. Il prévoit ainsi que tout agent de Charbonnages de France aura le droit de poursuivre sa carrière dans le groupe jusqu'à ce qu'il puisse bénéficier d'une mesure d'âge. Le Pacte social a en outre prévu qu'il n'y aurait pas de licenciements destinés à gérer les sureffectifs et qu'inversement il n'y aurait pas d'embauches.
Par ailleurs, un protocole du 11 février 2003 a créé, pour les mineurs âgés de 43 à 45 ans, une dispense préalable d'activité, qui leur assure 85 % de leur salaire antérieur, sans modifier le dispositif des congés charbonniers de fin de carrière.
Toutefois, l'Agence nationale pour la garantie des droits de mineurs n'est toujours pas créée, ce qui instaure un climat d'incertitude pour nombre de mineurs. Or, lors de l'examen de cette mesure, tous les intervenants avaient souligné l'importance et l'urgence de ce dispositif. Par conséquent, monsieur le ministre, je ne peux que déplorer le retard pris en la matière et je souhaite que celui-ci soit comblé rapidement.
Enfin, j'évoquerai le problème de la reconversion économique des bassins miniers. Pendant plus d'un siècle, les bassins miniers ont permis le développement économique et l'industrialisation de la France. Désormais, ces zones sont caractérisées par un taux de chômage élevé et par une grande difficulté à mettre en place une reconversion économique.
Dans la région Nord-Pas-de-Calais, une mission « bassins miniers » a été créée par le comité interministériel pour l'aménagement et le développement du territoire, le CIADT, du 15 décembre 1998. Cette mission intervient à la demande des structures intercommunales sur les problèmes liés aux séquelles de l'extraction charbonnière, qui nécessitent une requalification urbaine importante.
Seules, les collectivités locales ne peuvent faire face à ces problèmes. Nous souhaitons donc que l'Etat s'engage à continuer à apporter son concours à cette reconversion.
Cependant, plusieurs outils d'aide à la reconversion de ces zones sont à la disposition des entrepreneurs, et en premier lieu le fonds d'industrialisation des bassins miniers, le FIBM, dont les interventions visent à créer ou à améliorer l'environnement des entreprises de façon à favoriser l'implantation industrielle. Je déplore, monsieur le ministre, que les crédits de ce fonds soient en diminution dans le projet de loi de finances pour 2005, qu'il s'agisse des autorisations de programmes ou des crédits de paiement.
Les programmes soutenus par le FIBM concernent, notamment, l'aménagement de terrains et de locaux industriels, la reconquête de friches, la création de centres de transfert de technologie. Tous ces programmes risquent de souffrir de cette réduction de crédits.
Ce fonds n'a pas vocation à apporter une aide directe à l'entreprise et son intervention est complétée par la contribution financière apportée par les sociétés de reconversion. Dans le Nord-Pas-de-Calais, c'est la Financière du Nord et du Pas-de-Calais, la FINORPA, créée en 1984 sur l'initiative de l'Etat et actuellement présente dans 650 entreprises, qui joue ce rôle. Or son avenir est toujours incertain. Je souhaite donc que sa situation soit totalement clarifiée.
Monsieur le ministre, nous sommes à quelques jours du vingtième anniversaire du coup de grisou de Liévin. Ces questions inquiètent ceux qui résident encore dans les anciens bassins miniers. A l'instar d'Yves Coquelle, je remercie la presse locale et régionale d'avoir fait un large écho à ce débat.
Petit-fils et fils d'ouvrier et d'employé des mines, né dans un coron minier, je suis, comme des milliers de mineurs, des centaines de milliers d'anciens mineurs et d'ayants droit, dans l'attente d'un engagement clair de l'Etat concernant l'après-mines, sur les plans juridique et financier, qui ne laisse pas comme un goût de cendres à ceux qui ont tant donné pour extraire le charbon. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Evelyne Didier.
Mme Evelyne Didier. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, il est difficile d'ajouter quoi que ce soit à ce qui a été dit, et ce n'est pas dans les cinq minutes qui me sont imparties que je pourrai entrer dans le détail du sujet. Aussi me contenterai-je de rappeler quelques grands principes.
Les questions liées à l'arrêt de l'exploitation minière sont posées depuis de nombreuses années par les collectivités locales, les associations de défense et les syndicats de mineurs, lassés de devoir répéter toujours et encore les mêmes arguments.
Avant de rappeler la réalité de l'après-mines, je souhaite réaffirmer ici solennellement le principe de la responsabilité des exploitants et de l'Etat.
Ce sont en effet les concessionnaires qui ont exploité les mines qui en ont tiré le bénéfice. Ils sont, de ce fait, les principaux responsables de l'état des lieux.
L'Etat, quant à lui, n'a pas bien joué son rôle de garant des bonnes pratiques d'exploitation minière. Il n'a pas su ou n'a pas voulu exiger réparation, notamment au moment des processus d'abandon de concession. Rappelons qu'il s'agissait d'une procédure établie, qui aurait permis de faire le nécessaire à ce moment-là. Voilà pourquoi nous en sommes là aujourd'hui !
Les termes « après-mines » recouvrent des situations bien différentes selon que l'on parle des Bouches-du-Rhône, de la Meurthe-et-Moselle ou du Pas-de-Calais, selon que l'on y extrayait du charbon, de la potasse ou de la minette, et selon l'emplacement du gisement, les techniques employées ou encore la période d'exploitation.
Autrement dit, le traitement du dossier de l'après-mines nécessite l'adoption d'une règle générale, équitable pour tous, et de solutions particulières adaptées à la diversité des situations.
Là encore, il est bon de rappeler certains principes élémentaires.
La réparation des dégâts et la juste indemnisation des victimes, quelle que soit la date des affaissements, constituent une nécessité absolue et un devoir moral au nom de la solidarité nationale.
Une fois pour toutes, il nous faut admettre que les salariés, les habitants et les collectivités, qui subissent les conséquences néfastes de l'exploitation minière dans leur santé, leur environnement et leurs biens, ne doivent pas, en plus, au travers de leurs impôts locaux, financer la réparation des dégâts et le pompage des eaux d'exhaure. C'est pourtant ce qu'on leur demande actuellement !
Je rappellerai maintenant les conséquences de l'arrêt de l'exploitation minière, sans revenir sur son aspect social, déjà évoqué par mon ami Yves Coquelle. J'évoquerai simplement la question du rattrapage demandé par les syndicats de mineurs à propos des retraites. J'avais d'ailleurs déposé un amendement sur ce sujet lors de l'examen de la loi de finances.
La première conséquence est la désindustrialisation de régions entières, qui s'accompagne de la perte de très nombreux emplois et de revenus pour les collectivités locales.
Si des opérations d'implantation d'usines ont pu être ponctuellement réussies, le tissu industriel ne s'est pas vraiment reconstruit. Ainsi, dans de nombreux endroits, l'industrie automobile a été réintroduite. Or des motifs d'inquiétude subsistent : que se passera-t-il si, un jour, cette industrie se délocalise ?
Aujourd'hui, dans le projet de budget pour 2005, les crédits du fonds d'industrialisation des bassins miniers sont en baisse de 2 millions d'euros et l'avenir de ce fonds semble menacé. Peut-être pourrez-vous nous donner des éléments de réponse, monsieur le ministre !
Cette situation est d'autant plus préoccupante que les fonds européens risquent de se tarir.
Deuxième conséquence de l'arrêt de l'exploitation minière : les affaissements. Qu'ils soient brutaux, progressifs ou résiduels, ils provoquent des dégâts considérables dans le patrimoine des particuliers et des communes. Or les procédures d'indemnisation des victimes sont beaucoup trop lentes et les sommes allouées restent insuffisantes. Il s'agit d'un véritable parcours du combattant.
Quant aux communes, elles se battent actuellement pour faire accélérer la mise en place des plans de prévention des risques miniers et pour obtenir que les règles de constructibilité leur laisse la possibilité de faire encore des projets.
Une ville, c'est vivant ! Si l'on ne peut à aucun moment modifier l'urbanisme, les villes vont mourir.
L'autre problème rencontré est celui du logement. Lorsque les logements des cités ouvrières sont rachetés par une société, ils ne sont plus comptabilisés dans le contingent des logements sociaux de la ville, laquelle se trouve donc pénalisée. Ainsi, Gardanne perd 450 logements sociaux. C'est un comble pour des cités minières qui accueillent beaucoup de familles défavorisées !
Mme Evelyne Didier. Je ne pense pas que ce soit la bonne réponse, monsieur le ministre ! Il faut simplement considérer ces logements comme des logements sociaux.
Enfin - et c'est la troisième conséquence de l'arrêt de l'exploitation minière - l'ennoyage des mines fragilise davantage le sous-sol et interdit les travaux de consolidation des galeries sous les zones urbanisées.
Pourtant, dans le bassin ferrifère lorrain, l'Etat s'entête à vouloir ennoyer le dernier bassin qui ne l'est pas encore, malgré l'opposition des collectivités et de la population et les dégâts tout à fait prévisibles que ces travaux vont entraîner. Ce qu'il faut faire en premier lieu, c'est consolider !
Je vous mets en garde, monsieur le ministre : même si on fait parfois de l'humour en évoquant les Shadocks, dites-vous bien que les opérations de pompage des eaux d'exhaure ne font pas rire du tout ceux qui vivent juste au-dessus.
Pour conclure, je dirai, mes chers collègues, que les problèmes de l'après-mines se poseront partout, tôt ou tard, d'une manière ou d'une autre : toutes les régions minières seront touchées. Notre objectif devrait donc être d'aider celles-ci à vivre convenablement. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Patrick Devedjian, ministre délégué à l'industrie. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite, à titre liminaire, rendre hommage à l'ensemble des professionnels de la mine pour le comportement exemplaire qu'ils ont adopté lors de la fin des activités d'extraction. Tous les acteurs ont eu, jusqu'au bout, une attitude particulièrement responsable dans un contexte effectivement douloureux.
Comme eux, j'y ai vu, non pas une fête, mais une célébration très émouvante et empreinte d'une grande dignité. De ce déplacement à La Houve, j'ai gardé, en effet, un sentiment très fort de dignité. J'ai également retenu la reconnaissance de la nation à l'égard de l'une des rares professions dans l'exercice de laquelle on peut trouver la mort.
En travaillant dans les mines, ces gens ont donné leur sueur, leur sang, leur souffrance pour la prospérité de notre pays, qu'ils ont alimentée pendant des décennies. Certains d'entre eux l'ont payé de leur vie. ! Les mineurs ont évidemment un très grand mérite.
La mine a constitué un très grand creuset d'intégration sociale. Des populations qui avaient quitté différents pays dans un état de grande détresse ont su, dans la mine, par leur travail et leur courage, nouer entre elles une solidarité et promouvoir des valeurs, qu'elles ont tenu à prolonger au travers de l'éducation de leurs enfants.
Dans la mine, on risque sa vie, et la vie de chacun dépend de l'attention de l'autre. La solidarité y est donc beaucoup plus forte que n'importe où ailleurs.
La qualité du travail des mineurs s'est retrouvée lors des opérations de reconversion. C'est pourquoi la reconversion dans d'autres activités a souvent été, sinon heureuse, du moins efficace : le caractère très exceptionnel des valeurs acquises dans la mine a particulièrement facilité ce grand moment. La plupart des industries ont apprécié les qualités professionnelles profondément ancrées des personnels reconvertis.
Le pacte charbonnier signé en 1994 avec les partenaires sociaux a permis d'organiser la fin progressive de l'exploitation charbonnière dans des conditions socialement acceptables et en facilitant la reconversion des régions minières.
Lors de mon déplacement à la Houve, le 23 avril dernier, vous avez fait part de vos préoccupations sur l'après-mines et j'ai bien volontiers accepté la proposition de M. Leroy de participer à ce débat.
J'ai entendu les différentes préoccupations que vous venez d'exprimer sur la gestion des conséquences, au sens large, de l'exploitation minière, notamment dans un contexte où la disparition des exploitants est désormais programmée. A ces questions légitimes, je souhaite apporter des réponses concrètes et opérationnelles.
Je vous précise toutefois d'emblée que, compte tenu de la multitude et de la complexité des domaines abordés mon propos souffrira peut-être de quelques carences. Je pallierai volontiers ces lacunes en répondant par écrit sur tel ou tel point précis.
Je témoigne également ma reconnaissance aux élus locaux pour leur sens des responsabilités. J'ai pris acte avec plaisir de l'accord de principe sur l'engagement du conseil régional comme du conseil général d'accompagner l'Etat chaque fois que cela sera nécessaire, dans des conditions qui restent naturellement à définir.
Je vous propose donc de structurer mon intervention en plusieurs volets : premièrement, les aspects techniques et de sécurité de la gestion de l'après-mines ; deuxièmement, l'indemnisation des dommages miniers ; troisièmement, les garanties en matière sociale ; enfin, quatrièmement, la revitalisation industrielle des bassins miniers. Sans prétendre à l'exhaustivité, du moins aurai-je traité l'essentiel.
J'aborderai donc d'abord la mise en sécurité, de manière pérenne, des anciens sites miniers.
A la suite des graves événements survenus en Lorraine à Auboué puis à Moutiers en 1996 et 1997, les pouvoirs publics ont modifié le code minier par la loi du 30 mars 1999. L'objectif était d'accompagner la disparition progressive des exploitants miniers d'une reprise par l'Etat de leurs responsabilités dès lors que leur défaillance ou leur disparition était constatée.
Les grandes institutions publiques du domaine se sont aussi mobilisées sur ces problèmes techniques. Cela a donné naissance à un pôle de recherche avec le GISOS et à un pôle d'expertise avec le GEODERIS.
La disparition programmée des deux opérateurs publics, d'ici à la fin de l'année 2007 pour Charbonnages de France, et au plus tard en 2009 pour les Mines de potasse d'Alsace, pose avec une nouvelle acuité ce problème de l'organisation institutionnelle de l'après-mines.
J'ai entendu vos interventions et vos préoccupations. Ma réponse d'ensemble se veut très claire et sans ambiguïté : la disparition des exploitants ne devra, en aucune façon, se traduire par un déficit dans la maîtrise des risques et des travaux de sécurité liés à l'après-mines.
J'en prends l'engagement : les financements nécessaires pour la réalisation de l'après-mines technique seront assurés.
Un rapport de l'Inspection générale des finances et du Conseil général des mines, que j'ai rendu public, attirait l'attention sur quatre points principaux, qui sont au centre de cette question : les missions et les formes juridiques de l'entité en charge des fonctions opérationnelles liées à la mise en sécurité des mines ; les modalités des installations hydrauliques de sécurité ; les conditions de conservation des archives minières ; enfin, la mise en oeuvre des plans de prévention des risques miniers.
Sur le premier point, monsieur Longuet, l'option privilégiée est, comme le suggérait le rapport, de confier au Bureau de recherches géologiques et minières, le BRGM, toutes les tâches opérationnelles qui incomberont à l'Etat du fait des anciennes mines.
A ce titre, le BRGM devra assurer la gestion des installations de surveillance des risques miniers et réaliser, pour le compte de l'Etat, la maîtrise d'ouvrage déléguée des travaux de mise en sécurité des sites.
En effet, la solution du BRGM présente des avantages en matière de souplesse de gestion, de coûts et d'optimisation des compétences. Ces dernières existent déjà et sont reconnues au sein de cet établissement. La réforme des statuts de cet établissement prévoit des aménagements dans ce but, à titre conservatoire.
J'insiste, monsieur Leroy, sur le fait que les missions opérationnelles de l'après-mines ne se limiteront pas, bien évidemment, pas au seul charbon. Il faudra aussi, bien sûr, porter l'effort sur les autres substances, notamment les mines de fer et les mines de sel, porteuses d'enjeux de sécurité très importants.
Même si le BRGM est un établissement national, la surveillance et les travaux de sécurité devront être menés là où peuvent survenir les difficultés, au plus près du terrain dans les régions concernées. De manière générale, le BRGM devra disposer sur place d'équipes significatives et à même d'être les interlocuteurs des décideurs locaux.
Parce qu'il paraît essentiel d'anticiper le plus en amont possible le transfert des compétences des personnels, sans attendre la disparition des exploitants, j'ai demandé au BRGM et à Charbonnages de France de créer, dès 2005, une mission de préfiguration pour élaborer, de manière concrète, le transfert des compétences et des installations concernées.
L'action de cette mission s'achèverait, monsieur Longuet, à la fin de l'année 2005 par l'établissement d'une convention qui serait signée entre le ministère de l'industrie et le BRGM.
Bien sûr, il est essentiel que la montée en puissance du BRGM sur ces questions ne s'accompagne pas d'une démobilisation, voire d'une déresponsabilisation des exploitants miniers actuels en ce qui concerne la mise en oeuvre des exigences de sécurité prévues dans le cadre des procédures de renonciation à concessions. Nous y veillerons particulièrement !
S'agissant du deuxième point - les installations hydrauliques de sécurité de pompage et de traitement des eaux - la solution la plus pertinente est, de prime abord, celle d'une reprise par les collectivités locales, moyennant la compensation des coûts de fonctionnement, conformément aux modalités prévues par le code minier.
M. Yves Coquelle. On a déjà donné !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. En effet, il s'agit d'installations hydrauliques, qui, sauf exceptions bien identifiées, ne nécessitent pas de compétence minière particulière et s'insèrent dans les schémas d'aménagement hydraulique locaux dont la responsabilité générale relève des collectivités locales.
M. Yves Coquelle. Pas de compensation !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Compensation totale !
Néanmoins, dans le cas où les collectivités locales n'exerceraient pas le droit d'option sur ces installations prévu par le code minier, eh bien ! monsieur Coquelle, celles-ci seraient tout simplement prises en charge, à terme, par le BRGM.
Dans tous les cas, il me paraît nécessaire que les agences de l'eau puissent apporter leur soutien technique et financier dans ce cadre.
Pour ce qui est du troisième point - les conditions de conservation des archives minières - les archives des exploitants publics et les documents techniques que déposent les exploitants privés dans les directions régionales de l'industrie, de la recherche et de l'environnement au moment de l'arrêt des travaux miniers deviennent, à terme, des archives publiques. Et, conformément au code du patrimoine, leur conservation relève des services d'archives départementales sous le contrôle scientifique et technique des Archives nationales.
Dans les bassins fermés il y a quelques années, de nombreux versements ont déjà été effectués auprès des archives départementales, notamment dans le Centre-Midi et dans le Nord-Pas-De-Calais.
En Lorraine, l'ensemble des archives sont regroupées à Saint-Avold. Charbonnages de France va maintenant entreprendre le travail de tri et d'élimination avant de transférer les archives des anciennes houillères.
L'objectif, monsieur Leroy, est de transférer non pas des volumes importants de documents, mais ceux qui sont nécessaires à la sécurité et au renseignement minier. En cas de problème particulier, des formes d'associations entre l'Etat, l'ancien exploitant et les collectivités territoriales pourraient être envisagées. Je ne suis nullement hostile à la constitution d'un groupe de travail sur ces questions.
Bien sûr, l'exploitation à proprement parler de ces archives pour la réalisation d'études d'aléas miniers ou la mise en oeuvre de travaux de sécurité reviendra, quant à elle, au BRGM, dans le cadre de l'exercice des nouvelles missions qui lui seront confiées.
En même temps, je propose la mise en place d'une base de données nationale permettant la consultation rapide des documents sous forme numérisée.
Cette question des archives est cruciale : de nombreuses mines sont très anciennes. Seule la tenue d'archives à jour, facilement accessibles et exploitables, permet de garder la mémoire du sous-sol, qui conditionne la qualité de l'analyse des risques sur les zones concernées. Je réaffirme donc mon accord pour la création de ce groupe de travail.
Le dernier point concerne la mise en oeuvre des PPRM. Ces plans, tels qu'ils sont définis par la loi du 30 mars 1999, doivent permettre d'organiser le développement de l'urbanisme en proportionnant les contraintes d'urbanisme au niveau des risques identifiés.
J'attache une très grande importance au déploiement rapide de ces PPRM : ils sont une condition nécessaire au développement de l'aménagement foncier et à la revitalisation de ces régions minières. A défaut, une application aveugle du principe de précaution conduirait à geler purement et simplement l'urbanisme pour se prémunir d'un risque minier mal connu, mal identifié, et dont les éventuelles conséquences ne seraient pas suffisamment cernées.
Au total, à ce jour, neuf PPRM ont déjà été prescrits, en Lorraine, dans le Maine-et-Loire, dans les Alpes-de-Haute-Provence et dans la Creuse. J'ai demandé, monsieur Leroy, que le bassin ferrifère lorrain, victime par le passé d'effondrements miniers, soit traité en priorité. Les cinq PPRM prescrits dans cette région font actuellement l'objet d'une concertation avec les communes concernées ; ils devront être finalisés au plus tard à la fin de l'année 2005.
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Pour cela, et d'une façon générale pour les travaux de sécurité liés à l'après-mines, des moyens spécifiques ont été prévus et renforcés, en dépit d'un contexte budgétaire général plutôt difficile. Ainsi ces crédits, dont le montant s'établissait à 15,8 millions d'euros dans la loi de finances initiale pour 2004, sont portés à environ 20 millions d'euros dans le projet de loi de finances pour 2005, soit une progression de plus de 25 %.
A l'expérience, cependant, la procédure d'élaboration de ces PPRM s'avère complexe et longue. Il faut donc répondre plus rapidement aux questions des populations et des élus des anciens bassins miniers sur les possibilités d'aménagement foncier des anciennes concessions minières. L'Etat va élaborer, d'ici à la fin de 2007, monsieur Masseret, des cartes des zones d'aléa et d'instabilité de terrain pour l'ensemble des sites miniers métropolitains. Cette démarche devrait accélérer la prise des décisions quant au devenir de terrains de couverture des anciens travaux miniers en rétrécissant les zones où l'existence de risques justifie effectivement la prescription d'un PPRM.
L'Agence de surveillance et de prévention des risques miniers, créée dans le cadre de la loi de 1999 relative à l'après-mines, a notamment un rôle consultatif et de « tierce partie » dans l'élaboration des plans de prévention des risques miniers. La montée en charge de l'élaboration de ces plans va renforcer ce rôle et l'importance de l'agence. De nouvelles instances dirigeantes seront très prochainement nommées, à la suite du départ du directeur général et de l'expiration du mandat électif du président.
Vous avez également évoqué de façon spécifique, monsieur Masseret, la question de l'ennoyage du bassin ferrifère nord-lorrain. Ma position sur le sujet est simple : il faut donner une priorité absolue à la sécurité des personnes, celle des habitants en surface des zones à risque d'effondrement brutal, bien sûr, mais aussi celle des personnels qui doivent intervenir au fond des galeries pour maintenir le dispositif de pompage en condition opérationnelle.
Un nouveau différé, au plus tard jusqu'à novembre 2005, a été accordé, le temps de procéder, par sécurité, à l'expropriation de la vingtaine de familles vivant dans la seule zone présentant un risque d'effondrement brutal identifiée dans le bassin, à savoir la commune de Fontoy, en Moselle. Ce différé fait l'objet d'un accord, pour son financement, entre la région Lorraine, le département de la Moselle et l'Etat.
J'ai également demandé que le plan de prévention des risques miniers concernant la zone d'ennoyage du bassin ferrifère nord-lorrain soit approuvé de façon prioritaire, et ce avant la fin de cette année. L'enquête publique relative à ce plan de prévention des risques miniers vient de se terminer. A ma connaissance, monsieur Masseret, aucune station de pompage n'a été fermée à Audun-le-Tiche, et l'Etat n'a donné aucun accord sur ce point.
Quant aux études INERIS-ANTEA, je peux vous dire qu'elles seront naturellement rendues publiques, dans le cadre d'ailleurs de la consultation des élus locaux, ainsi que le prévoit le code minier. Il n'y a donc pas d'inquiétude à avoir, même si je comprends très bien le sens des propos que vous avez tenus : quand de tels documents ne sont pas publiés, cela donne naissance à de nombreux fantasmes, ce qui n'est jamais souhaitable.
Je souhaiterais maintenant m'exprimer sur la question des indemnisations.
Le risque minier constitue un traumatisme pour des communes entières et leurs habitants. Je suis bien évidemment attaché à ce que les dommages d'origine minière soient indemnisés de façon équitable, juste et rapide.
A cet égard, la loi du 15 juillet 1994 a posé le principe général de la responsabilité de l'exploitant pour les dommages causés par son activité. La loi relative à l'après-mines du 30 mars 1999 a précisé l'étendue de cette responsabilité. Elle a prévu également la garantie de l'Etat en cas de défaillance ou de disparition du responsable et sa subrogation dans les droits des victimes à l'encontre du responsable.
Toutefois, la lenteur des procédures judiciaires a conduit le Gouvernement à proposer la mise en place d'un dispositif de fonds d'avance sur recours permettant de réduire drastiquement les délais d'indemnisation et d'éviter que les sinistrés ne fassent les frais de procédures contentieuses particulièrement longues.
Cette nouvelle procédure, créée par l'article 19 de la loi du 30 juillet 2003 relative à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages et par le décret du 22 avril 2004 pris pour son application, doit permettre, compte tenu de son application rétroactive aux dommages survenus à compter du 1er septembre 1998, de régler notamment la situation des victimes de Roncourt non bénéficiaires du régime d'indemnisation par l'Etat.
M. Gérard Longuet. Très bien !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Le fonds de garantie est désormais opérationnel et procède, avec ses experts, à l'étude et à l'évaluation des demandes qui lui ont été récemment soumises. Je constate avec satisfaction que le fonds a été immédiatement opérationnel et a mis en oeuvre les moyens nécessaires pour faciliter l'indemnisation rapide des dommages.
En Lorraine, tous les sites où sont apparus des dommages ont été reconnus. Plus de 180 visites ont été effectuées par les experts mandatés par le fonds. Les premières indemnisations ont été versées aux victimes de Roncourt, et la grande majorité des cas auront été examinés par le fonds d'ici à la fin de l'année. J'ai pris bonne note, monsieur Masseret, des éléments d'information particuliers que vous m'avez donnés tout à l'heure.
Dans le Nord-Pas-de-Calais, les demandes ont été présentées en octobre. Les représentants du fonds rencontreront, dès le mois de décembre, les différentes associations et mettront en place l'organisation permettant de traiter les dossiers.
J'en viens, monsieur Leroy, à la question de la rétroactivité à l'année 1994 de l'indemnisation par le fonds de garantie. Cette question devra être examinée une fois que l'évaluation du coût correspondant aux dommages aura été établie. Le fonds de garantie a été saisi de 143 dossiers, et l'évaluation sera disponible au début de l'année 2005. L'attente ne sera donc pas très longue, mais votre question était légitime, monsieur le sénateur.
S'agissant des aspects relatifs à la garantie des droits sociaux des mineurs, le Sénat a adopté, le 22 janvier 2004, la proposition de loi portant création de l'Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs et diverses dispositions relatives aux mines. L'Etat s'est engagé, en cas de cessation définitive d'activité d'un exploitant minier, à garantir l'ensemble des droits des mineurs, monsieur Coquelle. Cette notion est interprétée dans le sens le plus large. Elle concerne à la fois les retraités, leurs ayants droit, les salariés à la retraite anticipée et les mineurs en situation de dispense d'activité ou de détachement dans les entreprises.
Je m'engage, monsieur Vanlerenberghe, à ce que le décret d'application de cette loi, qui a été élaboré après une large concertation, notamment avec les organisations syndicales, soit publié avant la fin de cette année, terme qui n'est tout de même pas très éloigné (M. Jean-Marie Vanlerenberghe opine), eu égard à la beaucoup plus grande longueur des délais de prise des mesures d'application constatée dans d'autres domaines. Je pense ainsi respecter l'engagement qui avait été pris par mon prédécesseur, Mme Fontaine. Le projet de décret a été examiné par le Conseil d'Etat le 16 novembre dernier, et le calendrier sera tenu, je vous l'assure.
S'agissant des questions relatives au logement minier dans le Nord-Pas-de-Calais, le parc immobilier issu des anciennes cités minières, qui comporte environ 70 000 logements, a fait l'objet, depuis plus de vingt ans, d'un important programme de rénovation. Entre 1980 et 1987, 19 000 logements du secteur conventionné ont été améliorés grâce à des fonds PALULOS, et 6 000 logements supplémentaires de ce même secteur conventionné ont été rénovés depuis 1997 et 1999, par le biais d'emprunts bonifiés de la Caisse des dépôts et consignations.
Ce parc a ensuite été cédé à la région en 2002, au travers de l'établissement public local EPINORPA. L'Etat continuera néanmoins, monsieur Leroy, à aider à la remise à niveau de ces logements. Une convention existe entre l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat, l'ANAH, et l'EPINORPA, visant à faire bénéficier ce dernier d'un taux de subvention préférentiel de 20 % pour les travaux de réhabilitation, jusqu'à la fin de 2006.
Par ailleurs, je vous confirme que l'Agence nationale pour la rénovation urbaine continuera d'intervenir et examinera avec bienveillance les dossiers de réhabilitation des quartiers des cités minières.
Enfin, le nouveau projet de loi de programmation de cohésion sociale prévoit la possibilité de faire bénéficier les établissements publics du type de l'EPINORPA d'une exonération de taxe foncière sur la propriété bâtie lorsqu'ils réhabilitent des logements avec les aides de l'ANAH.
Le dernier volet de mon intervention concernera la reconversion économique des anciens bassins miniers, sur laquelle vous m'avez interrogé, monsieur Coquelle.
M. Yves Coquelle. Et la santé, monsieur le ministre ? Et la sécurité sociale minière ?
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. J'y viens, monsieur le sénateur !
L'Etat a engagé, dès le milieu des années soixante, des actions pour favoriser la reconversion industrielle des bassins miniers, notamment avec la création, dans le groupe Charbonnages de France, de la SOFIREM, société financière destinée à favoriser l'industrialisation des régions minières. Avec l'accélération du rythme de fermeture des mines, ces interventions ont pris de l'ampleur, au milieu des années quatre-vingt, par la création du fonds d'industrialisation des régions minières, de la FINORPA, société financière du Nord-Pas-de-Calais, et de la SODIV, société de diversification du bassin potassique.
Depuis la création de la SOFIREM, l'action de réindustrialisation aura contribué, il faut le rappeler, à la création de 114 000 emplois dans les bassins miniers. Ce chiffre peut être rapproché de l'effectif des mineurs de charbon en 1970, à savoir 120 000. La comparaison a tout de même du sens.
M. Yves Coquelle. Comment se fait-il qu'il y ait des chômeurs, alors ?
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. L'objectif de compenser la baisse des effectifs par une politique volontariste de reconversion des bassins a été atteint.
Sur la même période, le montant des aides aux entreprises et aux territoires s'établit à environ 1,5 milliard d'euros. Aujourd'hui, ces aides sont principalement concentrées sur les bassins dont la fermeture est récente, principalement ceux de Lorraine et de Provence. Je vous confirme, monsieur Leroy, que les pouvoirs publics entendent maintenir en tant que de besoin une intervention spécifique au profit des bassins miniers après la disparition des exploitants.
Certaines collectivités territoriales ont exprimé leur souhait de racheter ces sociétés publiques de reconversion. Ainsi, monsieur Vanlerenberghe, la région Nord-Pas-de-Calais est en négociation exclusive avec le groupe Charbonnages de France pour l'acquisition de la FINORPA avant le 15 janvier 2005. Un protocole d'accord a été signé au ministère de l'industrie entre Charbonnages de France et le conseil régional Nord-Pas-de-Calais. Je suis favorable, quand elle est possible, à cette orientation, dans le respect, bien sûr, des intérêts patrimoniaux de l'Etat et dans l'optique de la recherche d'une solution qui confie aux élus locaux une responsabilité accrue dans la détermination de l'avenir de leur région. Il pourrait en aller de même dans le cas de la SODIV.
Une décision devra également être prise concernant l'avenir de la SOFIREM. Nous avons engagé une réflexion sur ce sujet, dont nous présenterons les conclusions d'ici à la fin de l'année 2005.
Le fonds d'industrialisation des bassins miniers, le FIBM, verra son action perdurer, pour les bassins récemment fermés, après la disparition de Charbonnages de France. Je souhaite que les agences territoriales de développement, qui permettent la coordination de l'ensemble des acteurs économiques de terrain, interviennent plus en amont dans le processus d'établissement des plans locaux d'investissement du FIBM qui sont ensuite décidés par le représentant de l'Etat.
S'agissant de la diminution des crédits du FIBM, madame Didier, les interventions de ce fonds, depuis sa création, ont représenté près de 520 millions d'euros, dont 37 % ont été affectés au bassin du Nord-Pas-de-Calais et 23 % au bassin lorrain. Dans la plupart des bassins, et même si la situation reste difficile, le nombre d'emplois créés par l'action conjuguée du FIBM et des sociétés de conversion est supérieur, j'y insiste, au nombre d'emplois supprimés du fait de la décroissance de l'activité minière. (M. Yves Coquelle s'exclame.) Entre 1984 et 2003, le FIBM a ainsi accompagné la création de 88 000 emplois.
Compte tenu de l'ampleur des actions de conversion déjà accomplies dans les bassins, le dispositif actuel doit évoluer. Dans les bassins les plus anciens, il est proposé de diminuer les subventions du FIBM de manière progressive. Dans les régions où les mines ont été fermées récemment, le FIBM sera maintenu jusqu'en 2010.
Au total, le Gouvernement entend confirmer clairement son engagement vis-à-vis des populations et des élus en ce qui concerne les questions de revitalisation des zones minières.
Monsieur Coquelle, vous m'avez également interrogé sur la sécurité sociale minière.
M. Yves Coquelle. Pour les ayants droit !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Je vous ai déjà répondu sur le principe. Je vous le confirme : quoi qu'il arrive, elle sera intégralement maintenue.
S'agissant de la reconversion des pharmacies, un groupe d'étude est en place. Ce problème existe, et vous avez eu raison de le souligner ; il ne sera pas ignoré.
En conclusion, la gestion du dossier après-mines a connu de nombreux progrès, notamment depuis 1999, mais il est vrai que beaucoup reste à faire.
En matière sociale, je le répète, l'Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs sera opérationnelle dès janvier 2005.
En ce qui concerne la reconversion des bassins miniers, les résultats obtenus en matière de réindustrialisation sont importants, et le Gouvernement s'engage à poursuivre son action en tant que de besoin. Le maintien de dotations importantes au profit du FIBM dans le projet de loi de finances pour 2005 en témoigne.
Pour ce qui est de l'indemnisation des victimes de dommages miniers, le nouveau dispositif devrait permettre de régler des situations difficiles. A cet égard, le nombre de dossiers déjà déposés et examinés par le fonds d'indemnisation est encourageant.
Mais c'est surtout dans le domaine technique que l'Etat doit encore s'organiser, afin de pouvoir assumer ses responsabilités après la disparition des mines. Les champs que recouvre la mise en sécurité des anciens sites miniers requièrent l'investissement de chacun des acteurs, notamment des exploitants publics, pour que soit rapidement mis en place un dispositif institutionnel complet et efficace.
La volonté du Gouvernement est d'anticiper au maximum ces questions, sans pour autant démobiliser les opérateurs actuels quant aux obligations qui leur incombent dans le cadre des procédures de renonciation à concessions.
La mission de préfiguration proposée au BRGM et à Charbonnages de France contribuera directement à atteindre cet objectif. Elle permettra d'organiser le transfert de compétences et de préparer un dispositif pérenne d'ici à la fin de l'année 2005. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. En application de l'article 83 du règlement, je constate que le débat est clos.
6
Compétences du tribunal d'instance, de la juridiction de proximité et du tribunal de grande instance
Adoption des conclusions du rapport d'une commission
(Ordre du jour réservé)
Mme la présidente. L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions du rapport (n° 66, 2004-2005) de M. Pierre Fauchon, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sur la proposition de loi (n° 41, 2004-2005) de MM. Jean-Jacques Hyest, Christian Cointat et François Zocchetto relative aux compétences du tribunal d'instance, de la juridiction de proximité et du tribunal de grande instance.
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis bien des années déjà, la commission des lois poursuit le double objectif de doter notre appareil judiciaire d'une juridiction adaptée au contentieux de masse, dit aussi de proximité - je ne distinguerai guère les deux notions au cours de mon propos - et de réaliser une meilleure participation de la société civile à l'oeuvre de justice, objectif qui n'est pas moindre.
Nos collègues MM. Arthuis, Haenel, Jolibois, Hyest et Cointat, ainsi que votre rapporteur, oeuvrent en ce sens depuis plusieurs années. La loi organique du 19 janvier 1995 instituant les magistrats à titre temporaire aurait pu marquer une étape décisive. Pour des raisons qui restent à élucider, cette institution n'a pas eu les suites souhaitées par ses initiateurs.
Heureusement, ceux-ci, plus attachés à la perspective des résultats concrets qu'à la satisfaction de leurs préférences, ont su adapter avec confiance, sinon avec enthousiasme, la proposition gouvernementale tendant à créer une juridiction de proximité autonome, confiée à des magistrats du type de ceux qui avaient été imaginés en 1995.
Cependant, alors que cette juridiction se met progressivement en place, parvenant à surmonter les entraves de toutes sortes, qui sont, hélas ! le lot de toute innovation, il apparaît que le champ de compétence initialement attribué, que l'insuffisance des statistiques analytiques ne permettait pas d'apprécier, est trop étroit, du moins dans le domaine des affaires civiles, pour permettre la densité d'activité sans laquelle une mission nouvelle ne peut faire ses preuves. J'ai entendu parler d'une dizaine d'affaires par mois, ce qui est trop faible.
Alertés par la Chancellerie, les collègues précités, auxquels s'est joint notre excellent collègue M. Zocchetto, très averti de ces questions par son activité professionnelle, ont rédigé une proposition de loi tendant à élargir le champ de compétence de la juridiction de proximité, et, par contrecoup, celle des tribunaux d'instance. A cette démarche, ils proposent d'en ajouter une autre, plus originale, mais aussi plus significative, puisqu'il s'agit de faire appel aux juges de proximité pour compléter les formations collégiales - du moins lorsqu'elles subsistent - des tribunaux correctionnels.
Enfin, il a paru opportun de saisir l'occasion de cette proposition de loi pour apporter quelques aménagements particuliers au système des compétences d'attribution.
Aucune de ces questions ne mérite, du moins aux yeux de la majorité de votre commission, de faire l'objet de débats fondamentaux, à moins de reprendre ceux que nous avons connus lors du vote de la loi initiale.
Il s'agit ici non pas de tirer les conclusions d'une expérience, qui est encore insuffisamment large et insuffisamment longue, mais de procéder aux ajustements qui paraissent nécessaires afin que cette expérience porte tous ses fruits.
Pour élargir le champ de compétence de la juridiction de proximité, il nous est proposé, d'une part, d'élever à 4 000 euros l'intérêt du litige attribué à cette juridiction et, d'autre part, de supprimer l'exclusion des litiges d'intérêt professionnel ainsi que ceux intéressant les personnes morales, limitations qui, à la réflexion, ne paraissent pas justifiées.
La commission des lois vous propose d'approuver ces mesures qui paraissent raisonnables, en tout cas au stade expérimental où nous sommes, tout simplement parce qu'elle souhaite donner toutes ses chances à la juridiction de proximité.
Conséquence directe de cette élévation du taux d'intérêt du litige, il convient de relever aussi à 10 000 euros le taux d'intérêt des litiges dont connaissent les tribunaux d'instance.
Il s'agit au demeurant, dans une large mesure, d'une simple actualisation. Il serait contraire à nos intentions de créer une situation dans laquelle le champ de compétence des tribunaux d'instance se trouverait réduit comme une peau de chagrin.
Je trouve ici l'occasion d'affirmer avec force qu'il n'est aucunement dans nos intentions de réduire les responsabilités du juge d'instance, dont nous n'ignorons ni la charge de travail, ni la compétence, ni le dévouement, ni la motivation, qui relèvent souvent du concept de vocation. Nous voyons au contraire en eux le pivot, l'axe professionnel d'une justice de proximité plus largement repensée et qui pourrait relever tout entière d'une juridiction unique faisant appel aux diverses modalités dites alternatives.
S'agissant de la possibilité, pour le président du TGI, de faire appel au concours des juges de proximité pour compléter les juridictions collégiales correctionnelles, la commission des lois y voit le double avantage de contribuer au maintien de ces formations collégiales et de permettre aux juges professionnels, qui restent majoritaires de bénéficier du concours d'hommes ayant cette connaissance concrète des choses de la vie, que l'expérience peut seule apporter et qui est tout aussi utile que la science juridique. Nous avons bien entendu respecté les prescriptions du Conseil constitutionnel et nous pensons être à l'abri de toute contestation.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Comme la dernière fois ?
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Vous pouvez prononcer l'exclusion des perturbateurs, madame la présidente !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Nous ne sommes pourtant guère nombreux ! (Sourires.)
Mme la présidente. Je vous remercie de ce conseil, monsieur le rapporteur !
M. Pierre Fauchon, rapporteur. C'était un simple rappel au règlement !
A l'école de Montaigne, nous dirions volontiers : « Il y a aucuns de nos Parlements, quand ils ont à recevoir des officiers de justice, qui les examinent seulement sur la science ; les autres y ajoutent encore l'essai du bon sens, en leur présentant le jugement de quelque cause. Ceux-ci me semblent avoir un peu beaucoup meilleur style ; et encore que ces deux pièces soient nécessaires et qu'il faille qu'elles s'y trouvent toutes deux, si est-ce qu'à la vérité celle du savoir est moins prisable que celle du jugement ; celle-ci se peut passer de l'autre, et non l'autre de celle-ci. » Pardonnez le style, mais c'est le charme de Montaigne !
S'agissant d'une remise en ordre des compétences d'attribution, la commission, tout en acceptant de souscrire aux vues des auteurs de la proposition de loi, a cru pouvoir, en plein accord avec eux, d'ailleurs, modifier certains points particuliers. Elle a ainsi considéré que, s'il peut être intéressant de regrouper les contentieux de même nature, tels que la propriété ou le crédit à la consommation, ces regroupements ne doivent pas aller jusqu'à méconnaître la spécificité des litiges de proximité qui peuvent être maintenus dans le champ de cette juridiction, dès lors que ni la gravité des conséquences ni la complexité des problèmes posés ne justifient que leur connaissance soit réservée à des magistrats professionnels.
Dès lors, il nous paraît raisonnable de réserver aux tribunaux d'instance la connaissance du contentieux du crédit à la consommation, des actions aux fins d'expulsion des occupants sans droit ni titre, ainsi que des impayés de loyers. Car, en pratique, le recouvrement des impayés de loyers et les poursuites y afférentes sont toujours accompagnés d'une demande de résiliation du bail, donc d'une expulsion. Il nous paraît également raisonnable de regrouper, au niveau des TGI, les actions possessoires et pétitoires, dont la distinction n'est pas toujours aisée, étant entendu que le juge des référés pourra résoudre les questions relevant authentiquement du possessoire.
Le même bon sens nous paraît militer en faveur du maintien dans le champ du tribunal d'instance des actions en paiement direct des pensions alimentaires, en paiement des charges de copropriété ou encore des poursuites pour diffamation et injures commises autrement que par voie de presse.
Il y a plusieurs façons d'entendre le mot « cohérence ». Celle qui correspond à la notion de justice de proximité mérite, elle aussi, d'être prise en considération, car nous voulons, en plein accord avec le Gouvernement, permettre à ces juges de répondre pleinement à la demande d'une justice qui corresponde effectivement à la notion de proximité au sens non seulement physique du terme, mais également moral et procédural.
A ce prix, nous espérons tout à la fois dégager les magistrats professionnels d'une partie du contentieux de masse qui accable les prétoires et contribuer à rétablir entre les justiciables et la justice le rapport de confiance qui, avouons-le, fait trop souvent défaut dans la situation actuelle.
Cette espérance sera-t-elle satisfaite ? Les uns diront « oui », les autres « non ». Nous verrons bien ! Pour notre part, bien évidemment, nous sommes confiants et nous apportons donc notre soutien aux actions de ceux qui ont reçu la mission de mettre en oeuvre cette réforme, spécialement au chef de cette mission.
Pour autant, nous ne croyons pas que la présente étape mette un point final aux initiatives du législateur. Nous restons en effet persuadés que, à l'issue d'une période d'expérimentation complète, qui durera naturellement quelques années, il conviendra de faire le point, d'une part, sur le statut et les conditions d'action des juges de proximité, qui ne sont peut-être pas arrêtés définitivement, d'autre part ; sur le positionnement définitif de ces juges au sein de l'appareil judiciaire.
C'est alors qu'il conviendra, en particulier, de choisir entre la formule d'une juridiction autonome, qui a été délibérément préférée au départ pour permettre à ces nouveaux juges d'affirmer l'originalité de leur mission, et celle d'un regroupement organique de ces juges aux côtés des médiateurs et des conciliateurs, au sein d'une justice d'instance repensée comme ayant vocation à couvrir tout le champ du contentieux de masse et de proximité, et caractérisée par une direction générale assurée par un juge professionnel, l'actuel juge d'instance, qui accéderait ainsi au statut de président de cette nouvelle juridiction de base.
Nous avons de fortes raisons de penser que cette solution aurait de multiples mérites. Il en résulterait en effet une unité et une visibilité, ainsi qu'un meilleur équilibre entre les formes alternatives de juridiction et la responsabilité éminente, et qui doit le rester, - nous sommes tous d'accord sur ce point - des magistrats professionnels.
Souhaitons que l'avenir, mieux aménagé par le présent texte, nous apporte des éléments d'expérience qui permettront d'effectuer ce choix en toute sérénité et en toute connaissance de cause.
C'est dans cette perspective, dans cet esprit, et pour ces raisons que la commission des lois vous propose d'adopter la proposition de loi de nos collègues Jean-Jacques Hyest, Christian Cointat et François Zocchetto, ainsi amendée. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Et voilà pourquoi votre fille est muette...
M. Pierre Fauchon, rapporteur. A la différence de M. Dreyfus-Schmidt, qui ne le sera jamais !
Mme la présidente. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, la loi d'orientation et de programmation pour la justice du 9 septembre 2002 a créé la justice de proximité afin de répondre à la demande significative de nos concitoyens de rendre l'institution judiciaire plus proche d'eux.
Il s'agissait d'ouvrir l'institution judiciaire aux Français, comme c'est le cas depuis bien longtemps pour les assesseurs des tribunaux pour enfants ou encore pour les jurés de cours d'assises.
L'attente des Français est forte en matière de proximité, comme l'a encore récemment souligné l'étude d'opinion publiée par un grand hebdomadaire. Nous devons y être sensibles.
L'institution judiciaire a tout intérêt à assumer l'ouverture et la diversification de son recrutement. Cela ne peut être qu'un gage d'avenir, de progrès et d'efficacité.
A ce jour, 172 juges de proximité ont été nommés. Ils seront sans doute 300 à la fin de cette année.
On peut aujourd'hui établir un constat provisoire : la valeur professionnelle de ces juges est incontestable. La loi que vous aviez votée garantissait d'ailleurs leur valeur professionnelle. On peut donc étendre leurs compétences civiles et pénales, comme le prévoit votre proposition de loi.
En matière civile, la proposition de loi tend à actualiser les taux de compétence, afin de les rendre plus cohérents avec l'évolution de la vie économique. Ce taux est ainsi porté à la somme de 4 000 euros pour la juridiction de proximité. L'ajustement corrélatif du taux de compétence des tribunaux d'instance va dans le même sens. Le relèvement simultané de ces deux plafonds permettra de préserver la capacité d'action des tribunaux d'instance et le volume d'affaires qu'ils auront à traiter. Pour ma part, je l'approuve tout à fait.
Par ailleurs, la juridiction de proximité devient compétente, à l'exemple de la juridiction d'instance, pour toute action mobilière ou personnelle. Cette disposition va également dans le sens d'une plus grande cohérence.
La justice de proximité pourra aussi être saisie directement par les personnes physiques et morales. Cela constitue, me semble-t-il, une simplification. Les premiers mois de fonctionnement ont en effet montré que le dispositif initial était source d'une complexité tout à fait préjudiciable à l'objectif que nous avions, ensemble, souhaité atteindre.
L'extension des compétences des juges de proximité qui vous est proposée me paraît mesurée. Le tribunal d'instance conserve toute sa compétence pour les contentieux techniques. C'est un point très important, qu'un certain nombre d'organisations représentatives ou de groupes d'intérêt économique avaient souligné. Il en est ainsi du contentieux du crédit à la consommation et du contentieux locatif, qui peuvent être assez techniques et qui requièrent des juges une expérience plus longue. Ces litiges continuent donc de relever de la compétence du tribunal d'instance.
La proposition de loi prévoit également un certain nombre d'évolutions en matière de procédure. Je n'entre pas dans le détail, car nous aurons l'occasion d'y revenir lors de l'examen des articles.
Les juges des tribunaux de grande instance se verront ainsi confier la protection non seulement de la propriété matérialisée par un titre, mais également celle de la possession. Il s'agit de permettre à nos concitoyens de ne pas se perdre dans les arcanes des compétences respectives des multiples juges.
En matière pénale, la proposition de loi confirme la compétence du juge de proximité en matière de validation de toutes les compositions pénales, sur délégation du président du tribunal de grande instance. Cette procédure, il est important de le rappeler à l'occasion de ce débat, exclut toute peine privative de liberté.
S'agissant des contraventions, la proposition de loi prévoit que le tribunal de police est compétent en ce qui concerne les contraventions de cinquième classe. La juridiction de proximité sera, quant à elle, compétente pour les quatre premières classes de contraventions. Cette disposition a le mérite de la clarté. De plus, elle améliore la lisibilité pour nos concitoyens.
Par ailleurs, le juge de proximité aura la possibilité de siéger aux cotés de deux magistrats professionnels dans les formations collégiales correctionnelles, dans le respect, bien entendu, des limites fixées dans une jurisprudence antérieure par le Conseil constitutionnel. Il s'agit là d'une innovation extrêmement intéressante, qui me semble faire l'objet d'un consensus assez large chez celles et ceux qui s'intéressent à ces questions.
En conclusion, madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, vous l'aurez compris, le Gouvernement est favorable à cette proposition de loi, qui permettra un meilleur ancrage des juges de proximité au sein de l'institution judiciaire et une plus grande ouverture de cette institution aux citoyens.
Il s'agit non pas de remettre en cause le rôle irremplaçable des magistrats professionnels, mais de faire bénéficier l'institution de l'expérience de juges non professionnels. C'est, me semble-t-il, un véritable enrichissement.
M. le rapporteur a évoqué d'éventuelles évolutions et a souhaité que la justice de proximité, qui vient d'être mise en place en tant que juridiction autonome, puisse, à l'avenir, être rattachée de façon plus explicite à la justice d'instance.
Lorsque, d'ici à deux ou trois ans, nous dresserons le bilan de la justice de proximité, la réflexion que vous appelez de vos voeux, monsieur le rapporteur, pourra alors être menée. Dans l'immédiat, il nous faut poursuivre la mise en place de la justice de proximité avec les ajustements que vous proposez. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
Mme la présidente. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe Union pour un mouvement populaire, 48 minutes ;
Groupe socialiste, 31 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 14 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 11 minutes.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Robert Badinter.
M. Robert Badinter. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, je souhaite mettre en relief un singulier paradoxe qui me paraît marquer la proposition de loi qui nous est soumise.
Nous sommes tous favorables au développement de la justice de proximité. Mais dès la présentation de la loi d'orientation et de programmation pour la justice, monsieur le garde des sceaux, nous vous avions mis en garde.
Je suis convaincu que vous n'avez pas fait le bon choix. Il existe déjà, en effet, une justice de proximité, fort bien rendue par nos magistrats d'instance, en dépit des difficultés qu'ils rencontrent. Il suffisait de renforcer les effectifs des tribunaux d'instance et de multiplier, c'était chose aisée, les conciliateurs et les médiateurs. Ainsi, la question de la justice de proximité était résolue.
Vous avez préféré une autre voie, monsieur le garde des sceaux, plus favorable à l'effet d'annonce : le recrutement de 3 300 juges de proximité. Pour le justiciable, c'était une levée en masse de juges qui allaient résoudre les petits litiges. En vérité, ce n'était pas ainsi que les choses devaient se dérouler, et nous le savions dès le départ.
En choisissant de créer un nouvel ordre juridictionnel, vous vous êtes inévitablement heurté aux difficultés inhérentes à la création d'un ordre autonome. Il vous fallait d'abord définir des compétences. Ce faisant, vous suscitiez inévitablement des conflits de compétence et vous compliquiez d'autant la démarche de la justice. En outre, vous la rendiez encore moins lisible pour nos concitoyens.
Par ailleurs, en créant un nouvel ordre juridictionnel au lieu de vous borner à renforcer la justice d'instance qui assumait la fonction de proximité, vous vous trouviez confrontés au problème du recrutement des magistrats, de leur formation et de leur affectation. De plus, il vous fallait assurer des greffes, ceux-ci jouant un rôle très important.
Le résultat était prévisible : près de deux ans après le vote de la loi et plus d'un an après sa mise en oeuvre, alors que vous nous aviez triomphalement annoncé le recrutement de 3 300 magistrats, leur effectif se résume à 177. Nous espérons qu'ils seront 300 avant la fin de l'année, mais ce n'est pas sûr. Le Conseil supérieur de la magistrature exerce, à juste titre, son contrôle sur le recrutement.
Pour ce qui est des problèmes de formation, il suffit d'écouter ce qu'en disent les associations et les syndicats de magistrats, tout comme les formateurs de ces juges de proximité.
Certains voient dans ces difficultés une simple crise de croissance d'un nouvel ordre juridictionnel. Pour ma part, je crois qu'il s'agit d'un défaut structurel et que l'on finira par faire disparaître cette justice de proximité en la fusionnant, comme on aurait dû le faire dès le début, avec la justice d'instance.
Mais au point où nous sommes, alors que la justice de proximité connaît une crise de croissance, et alors que nous n'avons pas encore pu, et pour cause, dresser un bilan sérieux de son fonctionnement, reconnaissons qu'il est paradoxal de décider d'accroître ses compétences.
L'ensemble de la magistrature et des avocats s'inquiète. Et c'est le moment que vous choisissez pour accroître les compétences d'un ordre juridictionnel dont le principe même est discuté et dont les résultats ne sont pas acquis - c'est le moins que l'on puisse dire ! -, raison pour laquelle je parlais de paradoxe.
Je ne pourrai, hélas ! suivre toute la discussion, ayant d'autres obligations - Michel Dreyfus-Schmidt abordera les autres aspects de la propositions de loi - mais il est un point sur lequel je souhaite absolument intervenir : l'affectation de juges de proximité dans les juridictions correctionnelles et leur participation éventuelle au prononcé de peines d'emprisonnement.
Vous avez pris le soin de souligner que ce n'était pas le cas à propos de la composition, mais en permettant l'affectation d'un juge de proximité dans une formation collégiale, vous méconnaissez des exigences constitutionnelles.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Absolument !
M. Robert Badinter. Je vous renvoie à la décision du Conseil constitutionnel du 23 juillet 1975, qui est l'un des piliers de sa jurisprudence : « Considérant, en effet, que le respect de ce principe » - il s'agit du principe d'égalité devant la justice - « fait obstacle à ce que des citoyens se trouvant dans des conditions semblables et poursuivis pour les mêmes infractions soient jugés par des juridictions composées selon des règles différentes ; ».
Cette décision du Conseil constitutionnel a été rendue à propos du juge unique et de ses pouvoirs. Cependant, ce qui compte, c'est non pas ce qui a engendré la décision, mais le considérant de principe : des citoyens poursuivis pour des mêmes infractions ne peuvent être jugés par des juridictions composées selon des règles différentes.
Or la présente proposition de loi méconnaît cette exigence à deux titres.
D'une part - et cette possibilité est laissée à la discrétion des présidents des tribunaux de grande instance, selon les ressorts - les justiciables seront jugés soit par trois magistrats professionnels, soit par deux magistrats professionnels et un juge de proximité. Ne s'agit-il pas là de juridictions composées selon des règles différentes pour juger des mêmes infractions ? Je ne connais pas, pour ma part, de plus bel exemple !
D'autre part, en raison de la pénurie - qui est réelle, et force est de constater que vous n'attendez pas qu'il y soit remédié pour procéder à un élargissement de compétences - de juges de proximité, on ne pourra pas généraliser cette mesure à l'ensemble des tribunaux correctionnels. Donc, ici encore, les justiciables seront jugés par des juridictions composées selon des règles différentes.
Par ailleurs - et c'est pour moi le point le plus important - je vous rappelle la décision rendue par le Conseil constitutionnel le 29 août 2002 à propos des juges de proximité :
«Considérant, en premier lieu, que l'article 66 de la Constitution [...] ne s'oppose pas à ce que soient dévolues à la juridiction de proximité des compétences en matière pénale dès lors que ne lui » - le juge de proximité - « est pas confié le pouvoir de prononcer des mesures privatives de liberté ; ».
Or, dès lors que le juge de proximité est partie intégrante de la juridiction correctionnelle, il participe directement et pleinement, comme les deux autres magistrats, à l'exercice de ce pouvoir de prononcer des mesures privatives de liberté. Le tribunal correctionnel est en effet un organe collégial et la décision est rendue au nom du tribunal tout entier. Il s'agit d'une oeuvre collective !
Le juge de proximité assiste à l'audience, participe au délibéré ; il intervient au même titre que les autres magistrats sans qu'on puisse le dissocier au sein de la formation. Il est donc impossible de dire qu'il ne sera pas amené à prononcer, comme les deux autres magistrats, des peines privatives de liberté.
Il y aura même un cas où ce sera lui qui décidera : si les deux magistrats professionnels sont d'un avis opposé sur l'opportunité de prendre une mesure privative de liberté, ce sera le juge non professionnel qui tranchera !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Absolument !
Mme Nicole Borvo. Bien sûr !
M. Robert Badinter. Je ne fais que mentionner cette possibilité, car le problème n'est pas là : il est dans l'impossibilité juridique de dissocier au sein d'un tribunal, notamment lorsqu'il délibère, les pouvoirs de l'un par rapport aux pouvoirs de l'autre.
Il n'y a qu'un pouvoir : le pouvoir juridictionnel. Il permet de prononcer des peines privatives de liberté et, dès lors, on ne peut introduire dans une juridiction correctionnelle un juge de proximité. Ce serait en contradiction avec la décision du Conseil constitutionnel sur ce point. Mieux vaut donc y renoncer tout de suite !
IL resterait bien d'autres choses à dire, mais mon ami Michel Dreyfus-Schmidt prendra le relais lors de son intervention dans la discussion générale. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Christian Cointat.
M. Christian Cointat. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la justice est la respiration de la démocratie. Si elle manque de souffle, c'est tout le corps de l'Etat qui en souffre. Or, depuis plusieurs années déjà, on constate, phénomène inquiétant, que les citoyens n'ont plus toujours foi en la justice.
Celle-ci paraît trop lente, trop compliquée, trop éloignée de leurs préoccupations, trop incertaine.
Pourtant, elle est rendue au nom du peuple français. Pourtant, les magistrats et les auxiliaires de justice sont de haut niveau et ont du talent. Pourtant, ils croient en leurs missions.
Cet éloignement et cette incompréhension proviennent essentiellement d'un encombrement des tribunaux en raison d'une multiplication d'affaires de plus en plus complexes et d'un accroissement des tâches administratives qui « noient » les magistrats et les empêchent de se consacrer entièrement aux affaires juridictionnelles.
Il fallait réagir, et vite. C'est dans cet esprit, pour apporter des réponses concrètes à une attente pressante, que le Gouvernement a préparé puis soumis au vote du Parlement, ce dont on peut se féliciter, la loi organique relative aux juges de proximité. Ce texte s'inspirait d'ailleurs de plusieurs rapports du Sénat, notamment de celui de la mission d'information sur l'évolution des métiers de la justice, conduite par M. Hyest, et dont j'ai eu l'honneur d'être le rapporteur.
Cette nouvelle juridiction de proximité se met progressivement en place, avec toutes les précautions et la prudence nécessaires compte tenu des enjeux. Bien entendu, comme tout ce qui est nouveau, cette approche différente d'une justice rendue - pour les affaires de moindre importance, il faut le rappeler - par des magistrats non professionnels, mais avec des compétences juridiques confirmées et une expérience approfondie de la vie civile, continue de susciter des réticences de la part de ceux qui sont hostiles au changement, mais sans vouloir le reconnaître.
Pourtant, si cette approche modifie les comportements, elle n'est pas inédite puisque, pendant une période de près de 170 ans étendue sur trois siècles, cette pratique n'a pas été contestée : de 1790 à 1958, les juges de paix ont fait partie intégrante du paysage judiciaire français. Il a même fallu attendre 1926 pour que des connaissances juridiques leur soient demandées. Auparavant, il n'apparaissait pas fondamental qu'ils aient faits « de la science du droit une étude particulière ».
Leur remplacement en 1958 par les juges d'instance, juges professionnels, pouvait se justifier par le volume des affaires à traiter.
Aujourd'hui, le système est encombré ; il s'essouffle, il s'étouffe. Aussi, ces juges de proximité, magistrats non professionnels, mais recrutés par le Conseil supérieur de la magistrature avec un soin tout particulier et des contrôles approfondis, sont de nature à apporter la bouffée d'oxygène qui est nécessaire. Encore faut-il que le dispositif soit calibré au mieux.
En dépit de la mise en place récente de cette nouvelle juridiction de proximité, il est très vite apparu, pendant ce que l'on peut appeler la période de rodage, que certains « réglages » méritaient d'être revus.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Exact !
M. Christian Cointat. Il fallait, en particulier, élargir quelque peu son champ de compétences pour que le volume des affaires dont les juges professionnels seraient déchargés soit plus significatif, regrouper les domaines pour plus de cohérence, mieux répartir certaines responsabilités et, enfin, ouvrir une porte en direction de l'échevinage.
Tel est le but de cette proposition de loi, déposée par le président de la commission, Jean-Jacques Hyest, notre collègue François Zocchetto et moi-même, afin que le mouvement amorcé en direction d'une justice de réelle proximité se poursuive avec le maximum d'efficacité.
Dans le rapport de la mission d'information sur l'évolution des métiers de la justice que j'évoquais, nous avions déjà préconisé, avec l'assentiment du Sénat, de porter la compétence des juges de proximité au niveau fixé pour les juges d'instance, à savoir 3 800 euros.
C'est donc logiquement que cette proposition de loi retient le montant de 4 000 euros, car il faut tenir compte de l'inflation, pour les juges de proximité, et porte en contrepartie à 10 000 euros celui des juges d'instance.
Dans ce même rapport, l'utilité de recourir à l'échevinage était mise en exergue. On retrouve cette idée dans la proposition de loi, car elle est essentielle pour, à la fois, donner un véritable sens à la formule selon laquelle la justice est rendue au nom du peuple - je souhaiterais qu'on ne l'oublie pas -,...
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Très juste !
M. Christian Cointat. ...et rapprocher concrètement la justice du citoyen.
La proposition de loi reste cependant timide sur ce point, puisqu'elle limite la participation des juges de proximité en correctionnelle à un seul assesseur par formation collégiale. (M. Michel Dreyfus-Schmidt s'esclaffe.)
En cour d'assises, c'est le peuple qui détermine les peines d'emprisonnement, mais il le fait de manière collégiale sous l'autorité d'un juge et de deux assesseurs, tous professionnels. Qu'on ne vienne donc pas nous dire aujourd'hui qu'un juge de proximité, c'est-à-dire un magistrat recruté par le Conseil supérieur de la magistrature, avec une expérience et une formation juridique de haut niveau, ne pourrait pas faire ce qu'un citoyen peut faire !
J'ai du mal à suivre l'argumentation,...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je vous l'expliquerai !
M. Christian Cointat. ...d'autant que la décision du Conseil constitutionnel concerne le juge de proximité en tant que juge unique et qu'il s'agit là, ce qui est tout à fait différent, d'une formation collégiale.
Certains critiquent la rapidité, voire l'empressement avec lesquels ces modifications sont apportées, alors qu'il n'y aurait pas assez de recul par rapport à la première application de la loi. Ces réactions sont étonnantes, mes chers collègues, car on se plaint trop souvent des atermoiements des pouvoirs publics pour ne pas se féliciter quand les réactions sont immédiates. C'est suffisamment rare pour être souligné !
On ne change pas le fond : on procède simplement à des aménagements techniques pour mieux coller à la réalité du terrain. Tout le monde sait bien que c'est dans les périodes de rodage que les réglages sont le plus nécessaire et le plus utile. Il ne faut pas attendre : c'est précisément l'attentisme qui serait condamnable.
Qui peut être opposé à une justice plus proche des citoyens, plus humaine, plus ouverte, plus simple d'accès, plus compréhensible ?
D'autres formules sont certes possibles, je le reconnais ! J'aurais, moi aussi, préféré celle qu'a rappelée M. le rapporteur : une justice de proximité placée autour du juge d'instance. Pour autant, le choix retenu a au moins le mérite d'exister et d'ouvrir des perspectives intéressantes et positives.
Alors, donnons sa chance à cette réforme. N'usons pas d'arguties pour savoir s'il aurait été préférable de l'envisager sous cette forme ou sous une autre. Elle est en place ; faisons en sorte qu'elle réussisse ! Nous devons offrir à cette justice de proximité les conditions les meilleures pour répondre à ce que nous attendons d'elle.
Nous n'avons pas le droit, mes chers collègues, de décevoir nos concitoyens. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. François Zocchetto.
M. François Zocchetto. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, avec mes collègues Jean-Jacques Hyest et Christian Cointat, nous vous proposons d'apporter quelques modifications à l'organisation judiciaire et notamment d'élargir la compétence des juges de proximité.
La présente proposition de loi a été l'occasion pour nous de procéder à un certain nombre d'auditions et de dresser un premier bilan, très instructif.
Je tiens à saluer le travail de la commission des lois et de son rapporteur, Pierre Fauchon, qui a permis de rappeler la philosophie des membres du Sénat sur cette question : nous nous sommes toujours faits les avocats d'une justice plus proche des citoyens et plus rapide, notamment pour les petits litiges.
Les membres de notre Haute Assemblée ont mené une réflexion novatrice en faveur de la justice de proximité. Il était donc normal que nous nous saisissions de nouveau de cette question, d'autant que, dès 1994, le rapport de MM. Arthuis et Haenel avait préconisé une réforme en ce sens.
Nous souhaitions mettre en place une justice géographiquement plus proche des justiciables, plus accessible dans son fonctionnement, et ayant vocation à régler dans les plus brefs délais le contentieux le plus courant, celui qui empoisonne le quotidien de nos concitoyens.
Si l'instauration de cette nouvelle juridiction a suscité de vives critiques de la part de certains magistrats professionnels, paradoxalement, un bon accueil a été réservé aux juges de proximité.
Mme Nicole Borvo. Ils sont polis, c'est tout !
M. François Zocchetto. A l'occasion d'un sondage, 85 % des juges de proximité interrogés ont affirmé avoir été reçus très favorablement par les magistrats professionnels, ce que ces derniers ne démentent pas. Les auditions en commission ont toutefois révélé la persistance d'une certaine hostilité de la part d'organisations de magistrats professionnels.
Dans ce contexte, pourquoi élargir la compétence des juges de proximité ?
Si nous avons souhaité relever le taux de compétence des juridictions de proximité, c'est en vue de garantir une meilleure intégration de ces juges au sein de l'institution judiciaire.
Actuellement, le nombre des litiges suivis par les juges de proximité est beaucoup trop faible, particulièrement en matière de contentieux civil. Ainsi, il est intéressant de noter que le nombre d'affaires relevant de la compétence des juges de proximité ne représente que 5 % du contentieux civil des tribunaux d'instance.
Or, comme le signalait un juge de proximité lors de son audition par la commission des lois, la compétence des juges de proximité et la qualité de leurs décisions seront d'autant plus avérées qu'ils pourront traiter un nombre d'affaires significatif.
Je souhaite aborder maintenant la question du recrutement et de la formation. Nous estimons, en effet, que l'extension des compétences doit s'accompagner d'une augmentation significative du nombre de juges.
A cet égard, il convient de signaler que le rythme actuel de recrutement est beaucoup trop faible ; il ne répond pas à l'objectif que nous souhaitions atteindre, à savoir 3.300 juges en 2007.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est le moins qu'on puisse dire !
M. François Zocchetto. Nous sommes face à une double exigence : accélérer la durée d'examen des dossiers de candidatures, qui sont nombreux, et garantir la qualité du recrutement. Sur ce point, il conviendrait de faire taire toutes les critiques, car, s'il peut exister, comme dans tout corps professionnel, y compris, malheureusement, parmi les magistrats professionnels, un ou deux membres défaillants, cela ne saurait suffire à remettre en cause l'institution elle-même.
Les critères de sélection nous paraissent sévères, mais ils demeurent indispensables, car il faut bien garantir la qualité des futurs juges de proximité et, surtout, respecter la constitutionnalité de la juridiction de proximité.
Par ailleurs, les auditions ont permis de mettre en avant l'importance de la formation des juges de proximité, et notamment de la formation continue. Les juges auditionnés, s'ils ont salué la qualité de la formation initiale dispensée par l'Ecole nationale de la magistrature, aujourd'hui réduite à cinq jours, ont souhaité en allonger la durée. Ils ont également regretté le manque d'enseignement sur la tenue d'une audience. Ce sont autant de pistes qu'il conviendra certainement d'approfondir dans les prochaines semaines.
Je ne reviendrai pas sur tous les autres points de la proposition de loi, mais je me réjouis que la constitution de blocs de compétences ait été saluée par l'ensemble des magistrats auditionnés. Sur ce point, je me rallie à la position de Pierre Fauchon s'agissant des ajustements qu'il propose. La sagesse nous pousse en effet à suivre sa position en ce qui concerne le contentieux des baux d'habitation, le paiement direct des pensions alimentaires, les diffamations et injures proférées autrement que par voie de presse et le contentieux des charges de copropriété, lesquels, dans la version définitive du texte, relèveront toujours du tribunal d'instance.
Un point important a été signalé par plusieurs d'entre nous : l'avenir de la juridiction de proximité passe par une refonte globale de son organisation faisant des juges de proximité des assesseurs des juges d'instance. Je ne crains pas de le dire, même si cela peut paraître un peu brutal !
Ce système, qui serait proche du modèle britannique des magistrates'court, présenterait l'avantage de ne pas développer une juridiction supplémentaire et d'intégrer plus facilement les magistrats non professionnels dans l'organisation judiciaire.
Nous ne faisons que reprendre la position du Sénat sur le sujet. En 1996, la mission d'information chargée d'évaluer les moyens de la justice avait défendu cette position et c'est également ce système qu'avait recommandé la mission d'information sur l'avenir des métiers de la justice.
J'en arrive à la participation des juges de proximité aux formations collégiales des tribunaux correctionnels. Pour ce qui est de la décision du Conseil constitutionnel du 23 juillet 1975, qui concernait la collégialité des audiences de correctionnelle par rapport au juge unique, j'ai tendance à penser, un peu naïvement, que la présente proposition de loi n'affecte en rien le principe de collégialité : elle se borne ²à diversifier la composition d'une formation qui reste collégiale. Je ne suis donc pas certain que l'on puisse extrapoler à partir de cette décision pour remettre en cause la présence d'un magistrat non professionnel dans un organe collégial.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est déjà bien de douter !
M. François Zocchetto. Une seconde décision du Conseil constitutionnel a été évoquée, celle du 29 août 2002 : dès lors que ne lui est pas confié le pouvoir de prononcer des mesures privatives de liberté, la juridiction de proximité peut exercer des compétences en matière pénale. Nous proposons que la peine privative de liberté soit prononcée, non pas par la juridiction de proximité, mais par le tribunal correctionnel.
Je suis impatient de connaître la décision du Conseil constitutionnel, dans le cas où certains parmi vous décideraient de le saisir ...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Comptez sur nous : nous y avons déjà pensé !
M. François Zocchetto. Il n'en demeure pas moins que, peut-être naïvement, je suis confiant dans l'issue de cet examen par le Conseil constitutionnel.
En conclusion, il est bien évident que cette proposition de loi ne constitue pas une réforme radicale, mais elle représente une avancée qui permettra de donner aux juges de proximité toutes leurs chances d'exister.
Il ne s'agit que d'une expérimentation, mais nous sommes bien décidés à la faire perdurer. C'est pourquoi nous vous proposons d'adopter ce texte dont je suis l'un des co-signataires. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Borvo.
Mme Nicole Borvo. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite tout d'abord vous faire part de la stupéfaction qui a été la nôtre, partagée d'ailleurs par la quasi-totalité des professionnels de justice, à l'annonce, d'abord d'un projet de loi étendant les compétences des juges de proximité, ensuite de la substitution au projet de loi d'une proposition de loi identique.
En effet, comment une telle proposition de loi peut-elle nous être présentée, alors que la mise en place des juges de proximité, laborieuse et tout juste balbutiante, n'est guère à porter au crédit de cette réforme ?
Nous nous sommes opposés, voilà deux ans, à la loi organique relative aux juges de proximité, et ce pour plusieurs raisons que je rappellerai très brièvement.
Loin de « déjudiciariser » les conflits, elle contribue à la multiplication des ordres de juridiction et des magistrats aux compétences enchevêtrées. Elle contrevient au principe constitutionnel d'égalité devant la justice. Elle confère, pour la première fois, à un juge unique non professionnel une compétence pénale.
Nous étions très sceptiques quant à l'ouverture à la société civile que vous invoquiez à l'époque, monsieur le ministre et chers collègues de la majorité, car nous craignions un glissement vers un recrutement de notables.
D'ailleurs, lorsque nous avions proposé le recrutement, par défaut, comme juges de proximité, de personnes ayant une expérience judiciaire dans le monde de travail, tels les conseillers des prud'hommes, vous avez refusé, levant les bras au ciel.
Nous étions dubitatifs sur la réalité des économies attendues.
Or, deux ans plus tard, et avant même que soit dressé le bilan que vous aviez pourtant promis, monsieur le ministre, et qui était censé infirmer nos craintes, il nous est proposé d'étendre les compétences de ces juges de proximité. Pour l'instant, ils ne sont pas suffisamment nombreux pour que nous puissions juger de la situation, encore que celle-ci ne semble pas très satisfaisante.
Actuellement, 172 juges de proximité sont en exercice, alors qu'il était prévu, selon les calculs de la Chancellerie de l'époque, d'en recruter 3 300, ce qui équivaut à 330 magistrats plein temps. Nous n'en sommes aujourd'hui qu'à 17 juges plein temps.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Exactement 17,2 !
Quel est le profil type de ces 172 recrues ? Il s'agit d'un homme retraité ou exerçant une profession juridique, âgé en moyenne de cinquante-huit ans, ou d'une femme de quarante-sept ans, très diplômée, ayant cessé son activité professionnelle pour élever ses enfants. Les professions de juriste d'entreprise et d'avocat sont très largement représentées ; en matière d'ouverture à la société civile, on fait mieux !
En tout cas, on peut dire que l'expérience dont ils peuvent se prévaloir et que l'on met en avant pour justifier l'extension considérable de leurs compétences est plutôt univoque !
En matière civile, la proposition de loi relève le taux de compétence de la juridiction de proximité, le faisant passer de 1 500 à 4 000 euros. Vous nous disiez à l'époque que 1 500 euros, c'était des « broutilles ». Nous vous avions répondu que beaucoup de gens ne gagnaient pas 1 500 euros par mois. Peut-être ne le saviez-vous pas ! Ces 4 000 euros sont encore sans doute des « broutilles » !
En matière pénale, l'objectif poursuivi est de permettre à un juge de proximité de siéger au côté de deux magistrats professionnels dans les formations collégiales correctionnelles.
La clarification des compétences entre le tribunal d'instance et le tribunal de grande instance qu'introduit cette proposition de loi ne fait que corriger l'un des effets pervers de la mise en place d'un nouvel ordre de juridiction, à savoir l'enchevêtrement des compétences entre les différentes juridictions.
L'extension des compétences est le sujet qui nous préoccupe le plus parce qu'il soulève de graves problèmes.
Tout d'abord, la formation des personnes recrutées s'avère insuffisante au regard de l'importance de l'acte de juger. En effet, cinq jours de formation théorique à l'Ecole nationale de la magistrature, puis vingt-quatre ou seize jours de stage, selon que celui-ci est probatoire ou non, ne peuvent garantir une formation de qualité ; on peut déjà s'en apercevoir. De plus, c'est le Conseil supérieur de la magistrature qui décide seul si le stage est probatoire ou non, ce qui pose évidemment la question de l'égalité entre les candidats lors de la formation.
Par ailleurs, rien n'est prévu dans le budget pour 2005 en vue d'augmenter les capacités de l'Ecole nationale de la magistrature en matière d'offre de formation. Autrement dit, l'extension des compétences des juges de proximité ne sera pas accompagnée d'une meilleure formation, ce qui nous paraît particulièrement grave, car ce sont, à l'évidence, de moins en moins des « petits litiges » qui vont leur être confiés.
Autre point hautement contestable : le fait que la juridiction de proximité statue en dernier ressort. Les justiciables, dans l'impossibilité de faire appel d'une décision d'un juge de proximité, ne disposeront comme seul recours que du pourvoi en cassation. Dois-je rappeler que la Cour de cassation ne juge pas au fond mais sur la forme ?
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Elle juge en droit !
Mme Nicole Borvo. Compte tenu du peu de formation qui sera dispensé aux juges de proximité, il est légitime de s'interroger sur leur capacité à rendre un jugement. Ne pas prévoir de procédure d'appel dans ces conditions constitue un danger pour les justiciables quant à la protection de leurs droits.
Le danger est d'autant plus grand qu'avec cette nouvelle extension des compétences les litiges seront encore plus complexes, tant dans les faits qu'en droit. Il est incompréhensible que, dans ces conditions, les justiciables ne puissent faire appel de la décision rendue.
Il est enfin un dernier point inacceptable : l'extension des compétences des juges de proximité en matière pénale. Trois aspects retiennent notre attention.
Tout d'abord, l'intervention des juges de proximité en correctionnelle sera laissée à l'entière discrétion des présidents des tribunaux de grande instance. D'où une fragilisation de l'impartialité des juridictions et un facteur d'inégalité - encore ! - des justiciables devant la loi, dans un domaine où sont pourtant directement en jeu les libertés individuelles.
Cette inégalité sera de surcroît aggravée par l'impossibilité matérielle de constituer partout sur le territoire, de la même manière et pour toutes les audiences, des juridictions correctionnelles collégiales.
L'intervention des juges de proximité dans les audiences correctionnelles, dans les conditions proposées aujourd'hui, poserait d'ailleurs, me semble-t-il, les mêmes difficultés que celles qui ont été évoquées par le Conseil constitutionnel en 1975.
Par ailleurs, nous estimons dangereuse la possibilité offerte au président du tribunal de grande instance de désigner, pour valider les mesures de composition pénale, tout juge de proximité de son ressort.
Enfin, nous sommes particulièrement inquiets de la participation des juges de proximité au jugement des délits correctionnels. Il est en effet difficilement admissible qu'un juge non professionnel se prononce en matière de peine privative de liberté. A cet égard, la comparaison avec la cour d'assises n'est absolument pas acceptable !
Je vous rappelle que, lors du débat sur la loi organique, vous juriez vos grands dieux que jamais les juges de proximité n'auraient à participer à des jugements pouvant donner lieu à des peines privatives de liberté !
Bien entendu, les initiateurs de cette proposition de loi balayent nos objections d'un revers de main. Ils sont évidemment, en l'occurrence, les porte-parole du Gouvernement puisque la proposition de loi est identique au projet de loi qui était en gestation à la Chancellerie.
Devant une telle obstination à faire passer une réforme rejetée par tous les professionnels de justice, et dont l'urgence n'apparaît pas clairement, on peut s'interroger sur les réelles motivations du Gouvernement et des initiateurs de cette proposition de loi. S'agit-il de faire des économies ? Les formations au rabais, les rémunérations sous forme de vacations engendreraient une justice moins coûteuse... Franchement, aujourd'hui, il n'est pas évident que les vacations reviennent au bout du compte moins cher au ministère de la justice que la rémunération d'un magistrat professionnel exerçant à temps plein.
Je le disais en introduction, l'instauration d'une nouvelle juridiction de proximité apparaît comme un échec, ...
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Non !
Mme Nicole Borvo. ... eu égard à l'expérience acquise, très limitée à la fois dans l'espace et dans le temps ; la presse s'en est d'ailleurs largement fait l'écho.
Le mode de recrutement est un échec, car, si l'objectif affiché est de faire participer les citoyens aux décisions de justice, les juges de proximité doivent être recrutés au sein de la société civile. Or nous constatons que les juges de proximité déjà nommés sont en majorité d'anciens professionnels du droit, d'anciens policiers ou d'anciens gendarmes. Plusieurs questions se posent sur ce recrutement étonnamment centré sur des notables. L'impartialité peut-elle être respectée quand certains juges de proximité - je parle des anciens policiers ou gendarmes - sont confrontés à d'anciens collègues ?
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ce n'est pas un argument !
Mme Nicole Borvo. Comment assurer un procès équitable dans ces conditions ? C'est impossible, et cela est extrêmement préjudiciable pour les justiciables.
Des difficultés sont par ailleurs apparues à la suite du recrutement de ces juges de proximité. Vingt-trois d'entre eux ont déjà démissionné, estimant que leur formation était insuffisante. En effet, ne devient pas juge qui veut ; si les anciens professionnels du droit rencontrent peu de difficultés dans leur nouvelle tâche, les autres, tout en justifiant les vingt-cinq années d'expérience requises, ont du mal à rédiger des jugements motivés.
Le but affiché à l'origine était de désengorger les tribunaux. Or, au vu de l'expérience acquise jusqu'à présent, il apparaît que les juges d'instance se retrouvent enlisés dans les problèmes logistiques et juridiques en raison des conditions très approximatives dans lesquelles a été mise en place cette juridiction de proximité. Non seulement les juges de proximité n'ont pas amélioré la situation des tribunaux d'instance - ceux-là mêmes qui, pourtant, fonctionnent le mieux -, mais ils ont également plutôt contribué à les désorganiser : problèmes de locaux, de partage des greffiers, etc. Loin de soulager les juges d'instance, ils leur donneraient plutôt du travail supplémentaire : formation, organisation des audiences, calcul des vacations ; bref, beaucoup de problèmes logistiques pour bien peu d'affaires traitées.
Sur le plan juridique, les juges d'instance sont confrontés à quelques incohérences. En attendant - jusqu'à quand ? - les 3 300 juges de proximité, ils sont dans l'obligation de traiter les contentieux relevant des deux juridictions, et donc de changer de casquette selon les faits qu'ils ont à juger. Il n'est pas rare, d'après ce que l'on nous a dit, de rencontrer des situations proprement ubuesques !
Monsieur le garde des sceaux, vous avez renoncé à présenter un projet de loi en la matière.
Messieurs les auteurs de la proposition de loi, vous savez que les professions judiciaires sont hostiles à l'extension des pouvoirs de juges de proximité.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Le Parlement fait la loi !
Mme Nicole Borvo. Et il n'est pas honnête de dire que c'est du corporatisme. Le recrutement des magistrats par concours est, sans conteste, conforme aux principes républicains. La suppression de la justice de paix en a été l'illustration. Désengorger les tribunaux de ce que vous appelez les « petits litiges », c'est favoriser les procédures de médiation et de conciliation - et on en est loin avec les juges de proximité -, c'est recruter plus de magistrats, plus de greffiers, plus de personnels.
Démocratiser la justice, c'est faciliter l'accès aux concours de recrutement. Trop de candidats potentiels reculent aujourd'hui devant le manque de démocratie du recrutement ; nous y reviendrons dans le débat.
Nous disons donc résolument non à cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, en écoutant le rapporteur et les autres co-auteurs de la proposition de loi, j'ai eu de nombreux fous rires, qui étaient en vérité assez nerveux, car « lorsqu'on vient d'en rire, on devrait en pleurer » !
Tout le monde le sait, cette proposition de loi n'en est pas une : un même texte avait été soumis auparavant par la Chancellerie aux organisations syndicales. Ce procédé, peu brillant, vous permet, monsieur le garde des sceaux, de vous passer de l'avis du Conseil d'Etat ; c'est bien dommage !
Le rapporteur - qui n'est pas lui-même co-auteur de la proposition de loi parce qu'il savait qu'il serait le rapporteur de ce texte - propose, avec l'accord des auteurs de la proposition de loi, de multiples modifications. Le Gouvernement est bien évidemment d'accord, M. le garde des sceaux ayant d'ailleurs déjà eu l'occasion, au cours d'une question d'actualité tout aussi spontanée que cette proposition de loi, de l'expliquer.
La loi du 9 septembre 2002, on vient de le rappeler, promettait la création de 3 300 postes de juges de proximité en cinq ans. Or 172 juges de proximité ont été nommés en deux ans, et la majorité d'entre eux ont pris leurs fonctions soit en mai, soit en septembre dernier, comme l'a indiqué M. Michel Lernout, chef de la mission chargée du recrutement des juges de proximité. Certains d'entre eux ont même été nommés au début du mois d'octobre ! Il est ainsi absolument impossible de tirer les leçons de ce qu'ils ont pu faire ou ne pas faire ; plus exactement, ils n'ont rien pu faire, et on ne saurait d'ailleurs le leur reprocher.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C'est ce que nous avons dit !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Concernant la qualité de ces juges, ni le rapporteur ni personne d'autre n'a jusqu'à présent cru devoir rappeler que le Conseil constitutionnel a sanctionné l'initiative que vous aviez prise de vouloir nommer des femmes ou des hommes ayant vingt-cinq ans d'ancienneté dans les domaines « économique, social ou financier ».
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. N'est-ce pas, madame Borvo ?
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Le Conseil constitutionnel pense en effet - et le groupe socialiste est parfaitement de son avis - que, pour rendre la justice, il n'y a rien de mieux que des juges professionnels, qui font de longues études, qui apprennent le droit, qui savent ce qu'est le droit.
Dans sa question d'actualité que j'évoquais précédemment, M. Garrec, puisqu'il s'agissait de lui, avait fait valoir que, les juges de proximité étant d'une qualité plus grande qu'on ne le pensait à l'origine, il était à ses yeux possible d'accroître leurs compétences.
Or le Conseil constitutionnel a bien dit : « Les compétences que vous leur donnez sont valables pour ceux que vous aurez le droit de recruter. » Il n'a pas dit qu'on pouvait leur en donner plus !
Enfin, vous proposez un bouleversement des compétences en matière civile : pour les juges de proximité, le taux de compétence passerait de 1 500 à 4 000 euros. Ce n'est pas rien ! Il s'agit plus du tout de « petits litiges », mais de litiges fort importants, si tant est d'ailleurs qu'il en existe de petits !
Pour les tribunaux d'instance, ce taux, qui a déjà été relevé de 4 573 à 7 600 euros en 1998, passerait à 10 000 euros, pour tenir compte de l'inflation, nous dit-on. On se moque du monde ! (Mme Borvo rit.).
A l'évidence, ce sont des sommes tout à fait considérables pour une juridiction où il n'y a pas de représentation obligatoire ! (M. le président de la commission des lois proteste.). En effet, les plaideurs n'ont pas nécessairement l'appui d'un professionnel puisqu'ils n'ont pas l'obligation de prendre un avocat. Au demeurant, c'est souvent pour eux l'occasion de se rendre compte qu'un avocat est plus qu'utile pour préparer le dossier, afin de permettre au juge d'y comprendre quelque chose.
Mais le comble est vraiment atteint quand il est proposé que, dans tous les cas, sauf dans les affaires de droit de la consommation - j'ignore d'ailleurs le pourquoi de cette exception, mais vous me l'expliquerez sans doute tout à l'heure -, les décisions du juge d'instance soient susceptibles d'appel, alors que celles du juges de proximité ne le seraient en aucun cas.
Nous défendrons un amendement tendant à ce que, dans tous les cas, alors qu'il est encore inconcevable de tirer quelque enseignement que ce soit de l'exercice de ces magistrats non professionnels qui sont en place depuis très peu de temps, il soit possible de faire appel de leurs décisions, a fortiori si vous décidez d'augmenter leurs compétences.
J'en viens à la partie du texte qui prévoit de permettre aux juges de proximité de participer à des décisions en matière correctionnelle.
A l'occasion de l'examen de la présente proposition de loi, la commission des lois a entendu, notamment, la présidente de l'Association nationale des juges de proximité. Voilà un titre qui impressionne, mais elle nous a confié qu'elle avait été élue par la première promotion qui ne comptait que quarante personnes, ce qui relativise tout de même quelque peu la portée de ses propos !
En tout état de cause, aujourd'hui, 48 % des affaires correctionnelles relèvent du juge unique, sans parler de la composition pénale, de la comparution préalable avant reconnaissance de responsabilité ou de l'ordonnance pénale.
Ce qui relève encore de la collégialité, ce sont les délits les plus graves, les affaires les plus complexes. Dès lors, ce n'est tout de même pas trop demander que de prévoir trois magistrats professionnels pour juger de ces quelques affaires qui échappent encore au juge unique !
La comparaison que certains prétendent faire avec la cour d'assises, dans lesquelles siègent effectivement depuis fort longtemps des jurés non professionnels, n'est évidemment pas du tout pertinente.
Quant à la comparaison avec les tribunaux pour mineurs, qui ont été créés en 1945, elle ne l'est pas davantage : on sait bien que les assesseurs sont choisis en fonction de leurs compétences particulières en matière de jeunesse et que, le plus souvent, il s'agit non pas de punir, mais de relever, précisément parce que ce sont des enfants qui sont en cause. C'est un domaine tout à fait particulier, qui n'a strictement rien à voir avec le droit pénal général.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il a déjà été dit, mais je tiens à le répéter, que ce dispositif était anticonstitutionnel, et ce pour plusieurs raisons.
Tout d'abord, sur la question de l'impossibilité pour les juges de proximité de prononcer une peine de prison, il est clair qu'on joue sur les mots.
M. Christian Cointat. Oui, vous, vous jouez sur les mots, c'est sûr !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Vous jouez sur les mots lorsque vous affirmez que le Conseil constitutionnel a parlé, non pas du « juge proximité », mais de la « juridiction de proximité ». Tout le monde sait que c'est la même chose ! Dès l'instant où cette juridiction de proximité ne se compose que d'un magistrat, qui est le juge de proximité, le Conseil constitutionnel répétera, car il en aura évidemment l'occasion, qu'il ne veut pas voir le juge de proximité participer au prononcé de mesures privatives de liberté.
Robert Badinter a parfaitement démontré tout à l'heure que, dans une juridiction collégiale, en cas de désaccord entre les magistrats professionnels, c'est le juge de proximité qui fera la différence et qui, en fait, prononcera la peine privative de liberté. C'est peut-être même lui qui rédigera le jugement !
M. Christian Cointat. C'est très spécieux !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ensuite, dans sa décision en date du 23 juillet 1975, le Conseil constitutionnel - vous avez pu remarquer que Robert Badinter n'a cité que des décisions prises à une époque où il n'en était pas membre - a déclaré contraire à la Constitution le fait que dépende du seul président la désignation de la collégialité ou du juge unique. Or c'est précisément ce que vous proposez puisque le président du tribunal pourra désigner ou ne pas désigner un juge de proximité. Autrement dit, il en résultera une inégalité pour les justiciables.
Enfin, il ne se trouve pas partout des juges de proximité et, si votre texte est adopté, il est de très nombreux tribunaux où il ne pourra pas être appliqué. J'ai sous les yeux un tableau dressant la liste des affectations des juges de proximité, liste qui vient juste de m'être communiquée après que je l'eus longtemps demandée : mieux vaut tard que jamais. Quoi qu'il en soit, elle fait apparaître que des juges de proximité sont présents dans vingt-neuf cours d'appel sur trente-cinq, ce qui signifie que six ressorts de cours d'appel en sont totalement dépourvus.
Mme Nicole Borvo. Un tiers !
M. Christian Cointat. Pour le moment !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Et plusieurs cours n'ont qu'un juge de proximité : Basse-Terre, Besançon, Nîmes ou Pau. D'autres n'en ont que deux ou trois.
C'est dire que ce texte serait impossible à appliquer et qu'il y a là encore un facteur d'inégalité entre les justiciables.
Il me faut aussi évoquer la formation des juges de proximité. Que peut-on penser d'un stage de cinq jours à l'Ecole nationale de la magistrature ? Je sais bien que, maintenant, le service militaire ne dure plus qu'une journée ! Là, c'est un peu la même chose ! (Mme Borvo rit.)
Or il s'agit souvent, nous a-t-on dit, de personnes qui viennent des tribunaux administratifs ou de la Cour des comptes et qui, par conséquent, ne connaissent rien ni au droit civil ni au droit pénal. Et vous allez leur permettre de juger, sans appel possible, d'affaires portant sur des sommes allant jusqu'à 4 000 euros ou de condamner des gens à la prison !
J'ai le regret de le dire, ce n'est ni fait ni à faire !
Il fallait au moins attendre l'épreuve du temps !
J'ai également constaté, grâce au tableau que j'évoquais à l'instant, que soixante-huit juges de proximité, sur les cent soixante-douze en exercice, n'avaient été nommés qu'en septembre dernier, ce qui signifie qu'ils n'ont évidemment aucune pratique. En outre, dans la mesure où ils ne siègent qu'une fois par mois, le moins que l'on puisse dire, c'est qu'il est impossible de tirer une quelconque leçon de l'expérience.
Notre collègue Pierre Fauchon, qui est un peu un spécialiste en la matière, après nous avoir expliqué que le dispositif de composition pénale était destiné aux « tout petits litiges », l'a déjà étendu aux délits passibles d'une peine inférieure ou égale à cinq ans. Aujourd'hui, il fait de même avec les compétences du juge de proximité, dans les conditions que l'on sait.
C'est décidément du très mauvais travail législatif et nous voterons résolument contre cette proposition de loi.
Mme la présidente. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Dominique Perben, garde des sceaux. Il n'est pas dans mon intention de revenir sur le débat. J'ai compris que les représentants de la gauche étaient hostiles à l'institution de la justice de proximité.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Pas à la justice de proximité, au juge de proximité !
M. Dominique Perben, garde des sceaux. Je vous ai laissé parler, monsieur le sénateur, ayez la courtoisie de faire de même en ce qui me concerne !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit !
M. Dominique Perben, garde des sceaux. La gauche a voté, voilà deux ans, contre la justice de proximité.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Non, contre le juge de proximité !
M. Dominique Perben, garde des sceaux. Elle va continuer à le faire aujourd'hui.
Je souhaite simplement apporter quelques éléments d'information susceptibles d'intéresser le Sénat.
Le profil type du juge de proximité en activité aujourd'hui est le suivant : la moyenne d'âge s'établit à cinquante-huit ans pour les hommes, quarante-sept ans pour les femmes. Le benjamin a trente-sept ans et le doyen, soixante-treize ans. La profession comprend 55 % d'hommes et 45 % de femmes. Parmi ces juges, 48 % ont un niveau d'études bac + 4 et quatre ans d'expérience juridique, 38 % provenant de professions libérales et juridiques.
Ces derniers chiffres montrent que le ciblage du texte correspond bien à la réalité d'aujourd'hui. L'exigence d'une formation juridique relativement importante et d'une expérience dans les métiers du droit se retrouve très clairement dans le profil actuel des juges de proximité.
C'est la raison pour laquelle il m'arrive de ne pas comprendre deux critiques qui sont émises simultanément, parfois par les mêmes personnes. Tantôt on regrette l'insuffisance du nombre de personnes venant de la société civile, hors métiers du droit. Je réponds à cela que notre souci de constitutionnalité nous a précisément amenés à fixer des conditions assez strictes en matière de formation et d'expérience. Tantôt on souligne au contraire que ces personnes n'ont pas une formation juridique suffisante. Les chiffres que je viens de vous communiquer apportent un certain nombre d'éléments sur ce point.
S 'agissant de la possibilité de faire appel des décisions des juges de proximité, je rappelle que, aujourd'hui, le tribunal d'instance statue en dernier ressort jusqu'à 3 800 euros. La proposition qui vous est faite est de faire passer le taux de compétence de la justice de proximité à 4 000 euros, soit 200 euros de plus par rapport à la situation actuelle, où il n'y a pas d'appel.
Chacun pourra tirer les conséquences qu'il souhaite de ces informations complémentaires par rapport aux analyses qui ont été présentées par certains orateurs il y a un instant.
A l'évidence, le débat que nous avons aujourd'hui sur certains éléments techniques destinés à définir les compétences de la justice de proximité est évidemment important. Mais, au-delà de cela il y a plus important encore : c'est le fait que l'institution judiciaire s'ouvre sur des femmes et des hommes ayant des expériences diversifiées. Cela me paraît déterminant pour l'avenir de cette institution. Je le dis avec une grande conviction et beaucoup de sincérité, après deux ans et demi d'expérience comme ministre de la justice.
Je pense en particulier aux juges professionnels. Il est de leur intérêt de pouvoir exercer leurs attributions professionnelles dans les mêmes tribunaux et à « proximité » de femmes et d'hommes ayant des origines, des cultures, des expériences professionnelles différentes.
J'en suis profondément convaincu, nous avons tous intérêt - et je regrette que la gauche n'évolue pas sur ce sujet - à la réussite de la justice de proximité.
En effet, ne vous y trompez pas, mesdames, messieurs les sénateurs : nous pouvons être inquiets de l'image que la justice a parfois dans l'opinion publique française. C'est là une réalité préoccupante, car un pays démocratique doit avoir confiance dans son institution judiciaire.
C'est pourquoi nous devons tout faire pour que cette institution s'ouvre sur l'extérieur.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Absolument !
M. Dominique Perben, garde des sceaux. Il faut que cette nécessaire relation de confiance puisse être rétablie et soit même plus forte qu'elle ne l'est aujourd'hui.
Je le dis franchement, je pense que certaines critiques émises sur la justice de proximité sont parfois plus empreintes de mesquinerie que de sincérité. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Question préalable
Mme la présidente. Je suis saisie par Mmes Borvo, Mathon, Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, d'une motion n° 1, tendant à opposer la question préalable.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l'article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur les conclusions de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale sur la proposition de loi relative aux compétences du tribunal d'instance, de la juridiction de proximité et du tribunal de grande instance (n° 66, 20042005).
Je rappelle que, en application de l'article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n'excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à Mme Josiane Mathon, auteur de la motion.
Mme Josiane Mathon. Nous estimons - et nous tenterons de vous convaincre, monsieur le garde des sceaux - qu'il n'y a pas lieu de discuter d'un tel texte, qui est d'ailleurs contesté par l'ensemble des magistrats et qui va à l'encontre des principes de notre justice.
J'avancerai plusieurs arguments pour étayer mon propos.
Tout d'abord, je souligne qu'il existait déjà une justice de proximité, incarnée par les juges d'instance. Nul besoin, dans ces conditions, de créer un nouvel ordre de juridiction, prétendument pour rapprocher les citoyens de leurs juges et faciliter, s'agissant des petits litiges, l'accès à la justice. Il n'est donc pas nécessaire d'étendre aujourd'hui les compétences des juges de proximité qui, de surcroît, n'ont pas fait leurs preuves, ou plutôt qui ont fait preuve de leur inefficacité.
Depuis leur mise en place il y a tout juste un an, comme l'a rappelé notre collègue Michel Dreyfus-Schmidt, les juges de proximité n'ont effectué qu'un très petit nombre de vacations et ne déchargent pas les juges d'instance de leur travail.
Tout indique, dans les faits, que la création de cette nouvelle justice de proximité est un échec. Nous ne disposons d'ailleurs d'aucun bilan officiel sur leur activité. Il est notamment impossible de dire en quoi la justice se trouverait rapprochée du citoyen et dans quelles conditions de qualité. Ce seul argument suffirait à rejeter toute velléité d'extension des compétences des juges de proximité.
En outre, vous aviez annoncé, monsieur le garde des sceaux, que, au titre de l'année 2004, les effectifs des juges de proximité seraient portés à six cents. Or il s'avère que le nombre de juges en fonction à la fin de l'exercice 2004 n'excédera pas la moitié. Eu égard aux objectifs prévus - 3 300 juges de proximité sur cinq ans, je le rappelle -, le développement de cette juridiction ne semble donc pas être assuré.
En tout état de cause, l'extension du dispositif existant est envisagée alors que nous ne disposons d'aucun élément de visibilité sur le fonctionnement des juridictions de proximité.
Cet échec est d'autant plus regrettable que la priorité n'était pas de désengorger la juridiction d'instance, contrairement à ce qui était affiché lors de l'examen du projet de loi d'orientation et de programmation pour la justice.
L'argument avancé par le Gouvernement était alors qu'il fallait offrir une réponse judiciaire aux nombreuses affaires qui échappaient à l'institution judiciaire en raison du coût occasionné par le procès, des démarches trop complexes à effectuer ou des délais de jugement trop importants.
Les faits contredisent cet argument. Outre le fait que la justice d'instance est facile à saisir, le traitement des affaires dans les tribunaux d'instance est de l'ordre de cinq mois en moyenne : c'est l'un des délais de jugement les plus rapides.
Par ailleurs, M. Fauchon le souligne lui-même dans son rapport, la procédure applicable devant le tribunal d'instance est simple : les débats sont oraux et les parties peuvent se présenter seules à l'audience.
Dès lors, pourquoi s'acharner à désorganiser une juridiction qui fonctionne sinon bien, du moins mieux que les autres ?
Nicole Borvo a évoqué ce problème tout à l'heure : les tribunaux d'instance voient effectivement leur fonctionnement perturbé depuis la mise en place des juges de proximité. Pourquoi ne pas faire en sorte d'augmenter les moyens accordés à la juridiction d'instance, juridiction de proximité par excellence ? Un nouvel ordre de juridiction dit « de proximité » serait, de ce fait, inutile.
Contrairement à ce qu'affirme notre rapporteur, à savoir que la réforme instituant une juridiction de proximité « a permis de répondre au souci ancien, constamment réaffirmé depuis la disparition des juges de paix, de rapprocher la justice des citoyens », les arguments soutenus par le Gouvernement et la majorité selon lesquels une plus grande proximité entre la justice et les citoyens et un désengorgement des tribunaux d'instance seraient nécessaires ne tiennent pas.
Lorsqu'on examine le décret du 23 juin 2003 relatif à la juridiction de proximité, force est de constater que le nombre de sièges des juridictions de proximité coïncide avec celui des sièges des tribunaux d'instance. D'ailleurs, le greffe de la juridiction de proximité est celui du tribunal d'instance dont elle dépend. Si le tribunal est déchargé, le greffe, lui, ne l'est pas.
Dans sa configuration actuelle, la nouvelle juridiction rejoindrait l'idée de proximité par le fait qu'elle concerne effectivement des petits litiges, tant en matière civile qu'en matière pénale. Il convient cependant de nuancer cette notion, 1 500 euros représentant une somme importante pour les personnes à faibles revenus. Par ailleurs, ce n'est pas parce que la somme en jeu est modeste que l'affaire est simple à juger. Ce n'est pas la valeur qui fait la complexité de l'affaire, loin de là.
Le projet d'extension du taux de compétence de cette juridiction de proximité s'affranchit, en revanche, de cette dimension.
En matière civile, la somme de 4 000 euros ne peut en aucune manière être considérée par la majorité de nos concitoyens comme étant modique, sans compter que les justiciables n'auront toujours pas la possibilité de faire appel de la décision rendue.
Le fait d'étendre la saisine de cette juridiction dite « de proximité » aux plaideurs professionnels en modifie évidemment la nature. Non, monsieur le rapporteur, la philosophie initiale de la réforme n'est pas conservée. Cette proposition de loi tend à opérer un bouleversement considérable pour ce qui concerne la protection des droits des citoyens.
Un nombre croissant de particuliers, souvent présents en personne lors des procès, se trouveront privés de l'équilibre qu'apporte l'accès à un juge professionnel face à des plaideurs institutionnels représentés par un avocat. Il ne s'agit donc plus de répondre aux besoins de justice de personnes rencontrant a priori des difficultés pour accéder à cette institution.
Enfin, l'extension des compétences du juge de proximité fera entrer dans son contentieux un plus grand nombre d'affaires relevant du droit de la consommation, affaires qui sont de plus en plus complexes.
Or le problème est que les juges qui ont été recrutés l'ont été soit parmi des professionnels ou d'anciens professionnels sans formation dans ce domaine, soit, au contraire, parmi des professionnels particulièrement proches des créanciers institutionnels ; je pense à des responsables de contentieux ou encore à des huissiers de justice. Pour les uns, la formation qui est actuellement dispensée sera pour le moins insuffisante pour leur inculquer les connaissances requises ; pour les autres, il est évidemment à craindre que leur impartialité ne soit pas objective pour traiter ce genre de contentieux.
En matière pénale, l'intérêt d'une participation de juges non professionnels aux audiences du tribunal correctionnel serait que ceux-ci aient une légitimité citoyenne. Or les juges de proximité sont recrutés quasiment exclusivement parmi d'anciens magistrats, avocats, juristes d'entreprises, ou bien encore parmi d'anciens policiers ou gendarmes.
Contrairement à ce que soutient la Chancellerie, la présence des juges de proximité au sein des formations correctionnelles ne répond pas tout à fait à la logique d'une participation des citoyens à la justice. Au contraire, la multiplication de leurs interventions, dans un ressort géographique plus étendu qu'actuellement, accroîtra les risques de conflits d'intérêts et d'atteinte à l'impartialité.
Par ailleurs, j'estime que le fait de permettre à des juges non professionnels de participer à des audiences correctionnelles contrevient à l'article 66 de la Constitution de 1958, selon lequel l'autorité judiciaire est garante du respect de la liberté individuelle.
En effet, bien que les juges non professionnels soient soumis au statut de la magistrature, ils ne sont pas membres du corps judiciaire. Cela nous pose un problème. La frontière est d'ailleurs étroite entre la validation de mesures de composition pénale et le prononcé des peines privatives de liberté. Jusqu'où irez-vous dans l'extension des compétences de ces juges en matière pénale ?
Vous le voyez, les conditions sont loin d'être réunies pour envisager d'étendre les compétences de ces juges, dont la création et la légitimité sont déjà particulièrement contestables.
De plus, pendant ce temps, le Gouvernement ne crée pas de postes de magistrats supplémentaires et désavoue encore davantage le travail des conciliateurs de justice. Ces derniers doivent d'ailleurs se demander à quoi ils peuvent bien servir.
Alors que le Gouvernement vantait les mérites de la médiation et de la conciliation lors de la présentation du projet de loi d'orientation et de programmation pour la justice, et qu'il insistait sur le rôle des conciliateurs pour apaiser les conflits, un nouvel ordre de juridiction a été créé. Pis, il est aujourd'hui envisagé d'en étendre considérablement les compétences.
L'incohérence est même poussée plus loin : outre que le juge de proximité doit favoriser la conciliation avant de rendre un jugement, il peut, après avoir tenté une conciliation et faute d'accord entre les parties, leur enjoindre de rencontrer un conciliateur. L'inverse n'aurait-il pas été plus logique ?
Enfin, je souhaite insister sur le fait que la contribution des conciliateurs à la justice de proximité est loin d'être négligeable.
En juillet 2002, si l'intention du Gouvernement était réellement de donner une vraie place à la justice de proximité, il aurait pu s'appuyer sur les conciliateurs de justice, qui, en plus de vingt ans, ont fait leurs preuves.
Rappelons également que tout juge est conciliateur et que les moyens accordés aux services de conciliation du tribunal d'instance ne sont pas inférieurs à ceux qui sont accordés à la juridiction de proximité.
Cela nous renforce dans cette conviction : outre le fait que cette nouvelle juridiction de proximité présente les problèmes de fonctionnement que les divers intervenants ont décrits, problèmes qui portent évidement atteinte à la protection des droits des citoyens en matière de justice, elle est inutile.
Il est donc inadmissible que, après si peu de temps, et sans le recul nécessaire, le Gouvernement propose, par l'intermédiaire de parlementaires, ...
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ah non !
Mme Josiane Mathon. ... d'étendre les compétences de cette nouvelle juridiction. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Patrice Gélard, contre la motion.
M. Patrice Gélard. Je pense beaucoup de bien non seulement de l'institution du juge de proximité, mais aussi de la proposition de loi qui a été déposée par trois de nos collègues et dont Pierre Fauchon est le rapporteur.
Toutefois, cette réforme qui est très importante pour l'avenir de notre société, n'est pas tout à fait achevée. Je pense même que, à terme, il faudra aller sensiblement plus loin et repenser complètement l'organisation du tribunal d'instance pour faire en sorte que ce soient les juges de proximité, sous l'autorité d'un magistrat de carrière, qui assument la charge de l'ensemble du tribunal d'instance.
En effet, mes chers collègues, c'est bien le fonctionnement actuel des tribunaux d'instance qui donne une mauvaise image de la justice : on y expédie quarante ou cinquante affaires en une matinée ; les justiciables, qui n'ont pas toujours un avocat, n'ont même pas le temps de s'exprimer.
C'est en fin de compte une justice au rabais qui est rendue dans le tribunal d'instance. (M. Michel Dreyfus-Schmidt s'esclaffe.).
Mme Nicole Borvo et M. Robert Bret. Il faut aller voir sur place !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il n'y est jamais allé !
M. Patrice Gélard. Avec le juge de proximité, nous allons améliorer les relations et les contacts entre les justiciables et ceux qui rendent la justice.
Et qu'on ne nous dise pas que les juges de proximité sont des juges mal formés. Leur formation juridique est aussi bonne et aussi complète que celle qui est dispensée à tous les magistrats professionnels.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ce n'est pas vrai !
M. Patrice Gélard. Certes, on peut s'interroger sur la brièveté du stage qu'ils effectuent au sein de l'Ecole nationale de la magistrature, mais une personne qui a été avocat ou professeur de droit a au moins la même formation qu'un magistrat. (Mme Nicole Borvo s'exclame.) Il lui manque certes la pratique, mais elle l'acquerra. Chacun le sait, un magistrat qui sort de l'Ecole nationale de la magistrature n'a, lui non plus, aucune pratique, et il commence bien, à un moment donné, par faire ses armes.
Mme Nicole Borvo. Alors, supprimez l'Ecole nationale de la magistrature ! On fera des économies !
M. Patrice Gélard. Après quelques années, les juges de proximité seront, vous le verrez, mes chers collègues, aussi compétents que les magistrats de carrière parce qu'ils ont, au départ, une formation juridique.
A cet égard, qu'il me soit permis de regretter que l'on n'ait pas profité de cette proposition de loi pour apporter une légère modification au statut actuel des juges de proximité.
En effet, on exige aujourd'hui des juges de proximité qu'ils exercent leur mission loin de l'endroit où ils habitent. Cette mesure est bien évidemment justifiée pour les avocats, mais elle ne l'est sûrement pas pour les professeurs ou les maîtres de conférence de droit, ...
Mme Nicole Borvo. Il n'y en a pas parmi les juges de proximité !
M. Patrice Gélard. ... qui pourraient parfaitement remplir leur mission là où ils résident. Il n'est guère probable qu'il puisse exister un lien entre leur exercice professionnel et les affaires qu'ils seraient susceptibles de traiter. En outre, nous pourrions retrouver un certain nombre de juges de proximité qui avaient été sélectionnés et qui ont démissionné face aux difficultés que représentait l'éloignement du tribunal par rapport à leur lieu de résidence.
Par ailleurs, on ne peut pas dire que les juges de proximité rendent une mauvaise justice, à moins de condamner toute forme de participation des citoyens au fonctionnement de la justice. Il faudrait condamner les conseils de prud'hommes, les tribunaux paritaires des baux ruraux, ...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. La discussion générale est terminée !
M. Patrice Gélard. ... les tribunaux des affaires de sécurité sociale, les jurys de cours d'assises, toutes instances qui ne sont pas composées de magistrats professionnels mais qui rendent la justice au même titre qu'eux.
Par conséquent, c'est une expérience qu'il faut poursuivre, renforcer, conforter ; il convient de faire en sorte que cette greffe, un peu délicate, soit progressivement acceptée par les magistrats, ...
Mme Nicole Borvo. Il faudrait organiser des stages dans les juridictions pour les sénateurs !
M. Patrice Gélard. ... qui seront ainsi déchargés d'affaires qui les empoisonnent et qui ne sont pas dignes d'eux parce qu'ils ont d'autres choses plus importantes à faire.
Le texte qui nous est proposé est un bon texte pour conforter cette institution. C'est la raison pour laquelle, avec mes amis, je voterai contre la question préalable. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Je ne reviendrai pas sur ce que le garde des sceaux a expliqué tout à l'heure en des termes très convaincants.
Permettez-moi de vous le dire amicalement, chers collègues du groupe CRC, je trouve consternante cette question préalable. Enfin quoi ! Vous savez bien quel est l'état de la justice en France ! Vous n'allez pas m'obliger à étaler ici les misères, les difficultés, les insuffisances, les retards, etc.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est votre faute !
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Voilà, cher ami, une réflexion qui retombe sur celui qui l'a prononcée, les fautes étant largement partagées depuis des lustres ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.)
La situation de la justice n'est pas tellement satisfaisante.
Mme Nicole Borvo. Nous sommes bien d'accord !
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Je rends hommage aux magistrats qui sont dans la tranchée et qui font de leur mieux pour faire face à bien des difficultés.
Nous tentons une expérience qui est intéressante. Elle n'est pas, en elle-même, porteuse de bouleversements, mais elle est porteuse d'un grand espoir, comme le doyen Gélard l'a rappelé tout à l'heure. Laissez cet espoir grandir et s'épanouir. N'émettez pas une opposition de principe dont on sent tellement qu'elle est politique, pour ne pas dire politicienne, (Protestations sur les travées du groupe CRC)...
M. Robert Bret. Allez sur le terrain !
M. Pierre Fauchon, rapporteur. ... pour ne pas dire corporatiste ou clientéliste. (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)
Puisque vous n'avez pas le courage de retirer cette motion, la commission demande à la majorité de cette assemblée de la rejeter avec vigueur. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
Mme la présidente. Si M. le garde des sceaux n'a rien à dire, je vais mettre cette motion aux voix.
M. Dominique Perben, garde des sceaux. Madame la présidente, je regrette que vous puissiez considérer que le garde des sceaux n'a rien à dire.
Mme la présidente. Sur cette motion, monsieur le garde des sceaux !
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je tiens à dire que nous soutenons cette question préalable et à regretter le tour pris par ce débat...
M. Bernard Murat. Qui le lui a donné ?
Mme Nicole Borvo. Certes pas vous puisque vous n'étiez pas là auparavant !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. ...dans la mesure où nous sommes injuriés et que nous ne saurions l'admettre.
Il n'est pas admissible, en effet, que l'on nous dise qu'il y aurait dans notre attitude - sans autre précision, mais, après tout, il n'y a pas tant de membres de l'opposition qui sont intervenus - plus de mesquinerie que de sincérité. Ces termes, nous ne les acceptons pas !
Nous n'admettons pas non plus que le rapporteur prétende que notre opposition serait politicienne, corporatiste et je ne sais quoi d'autre.
Mme Nicole Borvo et M. Robert Bret. Clientéliste !
M. Dominique Leclerc. C'est la vérité !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Nous sommes au moins aussi sincères que vous, permettez-moi de vous le dire !
J'ajoute que je n'attends pas d'un garde des sceaux qu'il dise que l'on n'a plus confiance dans la justice, car il faut avoir confiance dans la justice, ce qui est notre cas, même si nous savons que la justice pourrait travailler dans de meilleures conditions.
Vous avez affirmé, monsieur le garde des sceaux, que nous étions contre la justice de proximité. J'ai répondu, et vous m'avez reproché de vous interrompre, que nous n'étions pas contre la justice de proximité, ...
M. Pierre André. Si !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. ... mais que nous étions contre l'institution des juges de proximité, ce qui n'est pas la même chose.
Lorsque, tout à l'heure, je disais à M. Fauchon « c'est votre faute », je parlais évidemment de la majorité actuelle. Je m'explique.
M. Christian Cointat. Nous avons compris !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il y avait jadis des juges de paix. Ils ont été supprimés. Par qui ? Vous vous en souvenez : c'était en 1958, quand M. Debré était garde des sceaux.
Fut ensuite votée par le Parlement une réforme du Conseil supérieur de la magistrature. Qui ne l'a pas inscrite à l'ordre du jour du Congrès de Versailles ? Qui en a profité pour continuer à nommer des membres du parquet contre l'avis du Conseil supérieur de la magistrature ? Ce n'est pas nous non plus !
La gauche avait fait voter la collégialité des juges d'instruction, prévue par la loi du 7 janvier 1993. Qui est revenu dessus ? Ce n'est pas nous ! C'est vous, ...
Mme la présidente. Monsieur Dreyfus-Schmidt, je vous demande de conclure.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. ... dès le mois de juillet suivant, avec le vote de la loi Pasqua !
Il faut plus de juges, il faut plus de moyens, c'est la seule façon de rendre une bonne justice, car personne ne peut mieux rendre la justice que des magistrats professionnels. Tout le reste est de la littérature. Et croyez bien que, en disant cela, nous sommes parfaitement sincères ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme la présidente. Je mets aux voix la motion n° 1, tendant à opposer la question préalable.
Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet de la proposition de loi.
Je suis saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
Mme la présidente. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 46 :
Nombre de votants | 322 |
Nombre de suffrages exprimés | 315 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 158 |
Pour l'adoption | 119 |
Contre | 196 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Nous passons à la discussion des articles.
Article additionnel avant le titre Ier
Mme la présidente. L'amendement n° 3, présenté par Mmes Borvo, Mathon, Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant le titre Ier, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
I. Le quatrième alinéa de l'article 2 de la loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002 d'orientation et de programmation pour la justice est ainsi rédigé :
« Seront crées sur la période 2003-2007 10 680 emplois budgétaires permanents. »
II. Le dernier alinéa de l'article 2 de la loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002 d'orientation et de programmation pour la justice est supprimé.
III. Le tarif fixé à l'article 978 du code général des impôts est relevé à due concurrence.
La parole est à Mme Nicole Borvo.
Mme Nicole Borvo. Je ne me fais aucune illusion sur le sort qui sera réservé à cet amendement, mais nous l'avons déposé parce que nous considérons qu'il conviendrait d'augmenter les postes de magistrats de l'ordre judiciaire plutôt que de créer un nouvel ordre de juridiction dit « de proximité ». C'est une des réponses à apporter au problème de l'encombrement des tribunaux.
Par cet amendement, nous proposons de transformer le nombre de postes de juge de proximité et d'assistant de justice que la loi d'orientation et de programmation prévoyait en autant de postes supplémentaires de magistrat de l'ordre judiciaire.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Je ne surprendrai pas Mme Borvo en lui disant que la commission ne peut évidemment pas être favorable à son amendement. Tout l'intérêt du système est précisément de recruter des juges dans la société civile. C'est une idée à laquelle nous sommes attachés et qui est directement contredite par son amendement.
Je relève au passage que le dispositif proposé par Mme Borvo aurait aussi pour effet de limiter le nombre de postes d'assistant de justice. Je me permets de rappeler que c'est nous, au Sénat, qui avons créé les assistants de justice, à partir d'un amendement dont j'étais d'ailleurs l'auteur, et cela dans un scepticisme général. Or il s'avère que tous les magistrats que nous rencontrons sont contents des assistants de justice, que les assistants de justice sont eux-mêmes très contents de leur situation et que la question se pose de savoir s'il ne faudrait pas pérenniser leurs fonctions.
Le système des assistants de justice a tellement donné satisfaction que la Cour de cassation nous a demandé de voter un texte pour qu'elle puisse elle-même en disposer.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Perben, garde des sceaux. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement, mais je souhaiterais, en réponse à la question qu'il soulève, apporter quelques indications au Sénat sur les créations de postes de magistrat professionnel.
Dans le cadre de la loi d'orientation que la majorité du Sénat a votée, il était prévu que 950 postes de magistrats seraient créés sur le plan budgétaire. D'ores et déjà, 430 l'ont été et nous avons fait un effort important pour que s'accélère la « localisation » des magistrats, comme l'on dit dans le jargon de la Chancellerie, c'est-à-dire leur mise en place effective. Les vacances de postes, qui étaient de plus de 6 % à la fin de 2002, ont diminué aujourd'hui de manière très sensible et se situent maintenant en dessous de 3 %, proportion quasiment incompressible, car se pose ensuite le problème des changements d'affectation.
Celles et ceux d'entre vous qui ont des contacts avec les juridictions de vos départements le savent certainement, on n'entend plus la litanie sur les vacances de postes, cela grâce à l'important effort qu'a fourni la direction des services judiciaires pendant deux ans et demi.
En revanche, je dois dire, pour être aussi objectif que possible, que nous devons maintenant faire sérieusement porter l'effort sur les greffes.
En effet, si un examen précis de la situation dans les juridictions montre que celle-ci est aujourd'hui convenable en ce qui concerne les magistrats, un déficit est encore à déplorer s'agissant des greffes.
L'école des greffes a vu sa capacité de formation augmenter, afin que les promotions soient plus importantes. Nous allons tout faire pour que, dans les greffes, aucun poste ne reste vacant. Du reste, vous pourrez le constater dans quelques jours, la politique d'augmentation des postes budgétaires est poursuivie dans le projet de loi de finances pour 2005.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 3.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Titre premier
Dispositions modifiant le code de l'organisation judiciaire
Chapitre premier
Dispositions relatives au tribunal d'instance
Article 1er
L'article L. 321-2 du code de l'organisation judiciaire est ainsi rédigé :
« Art. L. 321-2. - Sous réserve des dispositions législatives ou réglementaires fixant la compétence particulière des autres juridictions, le tribunal d'instance connaît, en matière civile, à charge d'appel, de toutes actions personnelles ou mobilières jusqu'à la valeur de 10.000 euros. Il connaît aussi, à charge d'appel, des demandes indéterminées qui ont pour origine l'exécution d'une obligation dont le montant n'excède pas 10.000 euros. »
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Borvo, sur l'article.
Mme Nicole Borvo. Afin de pallier le manque criant de magistrats de l'ordre judiciaire, leur effectif n'ayant pas augmenté de façon suffisante, nous proposons d'ouvrir la troisième voie de recrutement des magistrats aux personnes exerçant des activités syndicales ou associatives.
Le groupe que je préside a souvent eu l'occasion de se prononcer en faveur d'une participation des citoyens à la justice à travers l'échevinage et une démocratisation du recrutement des magistrats, non par une augmentation du nombre de juges de proximité.
De telles mesures contribueraient, selon nous, à une plus grande ouverture de la justice, alors que les juges de proximité, eux, ne favorisent pas cette dernière, bien au contraire.
L'un de vos arguments en leur faveur est qu'ils seraient recrutés au sein de la société civile. Or celle-ci est diverse et le fait qu'ils soient tous ou presque issus de professions juridiques ne va pas dans le sens de cette diversité !
Notre logique est radicalement opposée à la vôtre : nous souhaiterions que des personnes venant d'horizons variés puissent devenir magistrats, ce qui présenterait le double avantage d'ouvrir la justice à la société civile et de professionnaliser ces magistrats.
Peut-être mon intervention vous incitera-t-elle, monsieur le garde des sceaux, à faire en sorte que la troisième voie de recrutement des magistrats soit plus largement ouverte, ce qui entraînerait, non un tarissement, mais au contraire une plus grande démocratisation du recrutement des magistrats professionnels.
Mme Bernadette Dupont. C'est vraiment parler pour ne rien dire !
Mme la présidente. L'amendement n° 11, présenté par MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt, Sueur, C. Gautier et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Aux termes de cet article, « le tribunal d'instance connaît, en matière civile, à charge d'appel, de toutes actions personnelles ou mobilières jusqu'à la valeur de 10 000 euros ». Il s'agit là d'une somme énorme, qui n'a rien à voir avec les « petits litiges » dont on nous avait parlé jusqu'à présent.
Nous avons rappelé tout à l'heure que, devant le tribunal d'instance, le recours à un avocat n'était pas obligatoire : le malheureux juge se voit donc livré à des justiciables qui ne savent pas présenter leur cause, qui ne savent quelles pièces ils peuvent produire ni comment les produire, ce qui ne manque pas, d'ailleurs, d'allonger considérablement les débats.
Elargir ainsi, tout à coup, et de manière considérable, la compétence des tribunaux d'instance nous apparaît donc comme une très mauvaise idée et c'est pourquoi nous demandons la suppression de cet article.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Pierre Fauchon, rapporteur. La commission ne saurait, bien entendu, être favorable à cet amendement, dans l'objet duquel il est question, à tort, d'« élargissement du champ de compétences », alors qu'en réalité il s'agit, non pas d'un « élargissement », mais d'un transfert, ou plutôt, pour employer le langage actuel, d'une sorte de redéploiement. (M. Michel Dreyfus-Schmidt proteste.)
Est-il possible de s'exprimer sans être interrompu par M. Dreyfus-Schmidt ?
Ce redéploiement est dans la logique du texte que la commission souhaite voir adopter et de nature à ce que, comme je le disais tout à l'heure, la compétence des tribunaux d'instance ne se réduise pas comme peau de chagrin, ce qui serait tout à fait absurde et opposé à l'idée que nous nous faisons de leur mission.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 1er.
(L'article 1er est adopté.)
Article 2
Après l'article L. 321-2 du même code sont insérés quatre articles L. 321-2-1 à L. 321-2-4 ainsi rédigés :
« Art. L. 321-2-1. - Sous réserve des dispositions législatives, le tribunal d'instance connaît, en dernier ressort, jusqu'à la valeur de 4.000 euros et à charge d'appel lorsque la demande excède cette somme ou est indéterminée, des actions dont un contrat de louage d'immeubles ou un contrat portant sur l'occupation d'un logement est l'objet, la cause ou l'occasion, ainsi que des actions relatives à l'application de la loi n° 48-1360 du 1er septembre 1948 portant modification et codification de la législation relative aux rapports des bailleurs et locataires ou occupants de locaux d'habitation ou à usage professionnel et instituant des allocations logement.
« Sont exclues de la compétence du tribunal d'instance toutes les contestations en matière de baux visés par les articles L. 145-1 et L. 145-2 du code de commerce.
« Art. L. 321-2-2. - Le tribunal d'instance connaît à charge d'appel des actions aux fins d'expulsion des occupants sans droit ni titre des immeubles à usage d'habitation.
« Art. L. 321-2-3. - Le tribunal d'instance connaît, en dernier ressort, jusqu'à la valeur de 4.000 euros et à charge d'appel lorsque la demande excède cette somme ou est indéterminée des actions relatives à l'application du chapitre 1er du titre premier du livre troisième du code de la consommation.
« Art. L. 321-2-4. - Les compétences particulières du tribunal d'instance sont fixées par décret en Conseil d'Etat. »
Mme la présidente. L'amendement n° 12, présenté par MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt, Sueur, C. Gautier et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. L'article 2 a été modifié par M. le rapporteur et les auteurs, ou pseudo-auteurs, de la proposition de loi. (Protestations sur les travées de l'UMP.)
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Par la commission !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Disons, si vous préférez, avec l'accord des pseudo-auteurs de la pseudo-proposition de loi !
M. Christian Cointat. C'est plus que mesquin !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ce qui est mesquin, c'est de ne pas avoir le sens de l'humour, ce qui m'étonne de vous !
M. Christian Cointat. Si c'est de l'humour, nous l'acceptons !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. L'article 2 dispose :
« Sous réserve des dispositions législatives, le tribunal connaît en dernier ressort, jusqu'à la valeur de 4. 000 euros et à charge d'appel lorsque la demande excède cette somme ou est indéterminée, des actions dont un contrat de louage d'immeubles ou un contrat portant sur l'occupation d'un logement est l'objet, la cause ou l'occasion, ainsi que des actions relatives à la loi n° 48-1360 du 1er septembre 1948 portant modification et codification de la législation relative aux rapports des bailleurs et locataires ou occupants de locaux d'habitation ou à usage professionnel et instituant des allocations logement.
« Sont exclues de la compétence du tribunal d'instance toutes les contestations en matière de baux visés par les articles L. 145-5 et L. 145-2 du code de commerce. »
S'il s'agit de simplifier les compétences, le moins que l'on puisse dire est que cela commence mal !
Je puis comprendre le sens de l'alinéa concernant les baux, même si le fait de préciser par quels articles du code de commerce ils sont visés en rend la lecture difficile.
En revanche, je ne comprends pas pourquoi, dans l'alinéa précédent, un sort spécial est réservé aux « actions dont un contrat de louage d'immeubles ou un contrat portant sur l'occupation d'un logement est l'objet, la cause ou l'occasion ».
Peut-être voudra-t-on bien me l'expliquer.
En l'état actuel de mes connaissances, je propose la suppression de cet article.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Déposer des propositions de loi n'est pas interdit, que je sache ! De plus, monsieur Dreyfus-Schmidt, nous débattons, non pas du texte du rapporteur, mais du texte adopté par la commission. (M. Michel Dreyfus-Schmidt opine.) Je tiens à vous le rappeler pour que vous ne teniez pas de nouveau des propos qui ne seraient pas rigoureusement exacts du point de vue réglementaire.
La commission a donc estimé devoir préciser, par rapport au texte de la proposition de loi, que, s'agissant de problèmes de droit un peu complexes, concernant notamment les loyers, mieux valait, même en dessous de 4 000 euros, conserver sa compétence au tribunal d'instance.
Je pense que c'était la sagesse, car il convient d'éviter que le juge de proximité ne se voie contraint de renvoyer certaines affaires au tribunal d'instance, voire, dans certains cas, au tribunal de grande instance.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Votre position me surprend, monsieur Dreyfus-Schmidt : nous avons voulu que ces affaires locatives, qui portent quelquefois sur des impayés, sans doute modestes, parfois, j'en conviens, continuent à relever de la compétence du tribunal d'instance, c'est-à-dire de celle d'un juge professionnel. Or cela me paraît ressortir à une philosophie qui est proche de la vôtre.
En effet, non seulement ces affaires peuvent présenter des aspects complexes, mais, de plus, il n'y a pratiquement jamais de demande de recouvrement d'impayés de loyer qui ne soit assortie d'une demande de mise en jeu de la clause résolutoire - vous êtes un praticien et vous savez bien qu'elle est toujours demandée - et donc d'une demande de décision d'expulsion.
Dès lors, c'est le maintien dans le logement qui peut être en cause, avec toute une série de graves conséquences sur le plan humain.
Je suis de ceux qui ont foi en cette réforme, qui croient que la justice de proximité va se développer et que, dans dix ans, elle aura acquis une ampleur et une crédibilité telles que son champ d'application pourra encore être élargi.
Toutefois, au stade actuel, qui est encore un stade expérimental, nous croyons préférable de laisser ces affaires, parce qu'elles risquent de déboucher sur une expulsion du logement, à la responsabilité d'un juge professionnel, à savoir le juge d'instance.
Il me semble donc, mon cher collègue, que nous devrions être d'accord.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. M. le rapporteur vient de me donner une réponse, mais seulement sur un point.
L'article 2 tend également à insérer, dans le code de l'organisation judiciaire, un article L. 321-2-2, qui dispose que « le tribunal d'instance connaît à charge d'appel des actions aux fins d'expulsion des occupants sans droit ni titre des immeubles à usage d'habitation. », ainsi qu'un article L. 321-2-3, aux termes duquel « le tribunal d'instance connaît, en dernier ressort, jusqu'à la valeur de 4 000 euros et à charge d'appel lorsque la demande excède cette somme ou est indéterminée des actions relatives à l'application du chapitre 1er du titre premier du livre troisième du code de la consommation ».
Lors de la discussion générale, j'ai dit que je n'avais pas compris pourquoi, dans ce cas-là, le tribunal d'instance connaissait des actions « à charge d'appel ». Il m'a été répondu qu'on me l'expliquerait. Tel n'ayant pas été le cas, je maintiens ma demande de suppression de l'article 2.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon, rapporteur. M. Dreyfus-Schmidt ne m'ayant pas interrogé sur ces alinéas, je n'ai pu lui répondre.
Pour les raisons que j'ai déjà évoquées et à la suite, notamment, des auditions des représentants des associations de consommateurs auxquelles nous avons procédé, il nous est apparu que les questions de crédit à la consommation pouvaient, elles aussi, apparaître comme étant assez particulières.
C'est la raison pour laquelle nous avons cru plus sage, là encore, selon une philosophie qui ne devrait pas vous choquer, bien au contraire, laisser ces affaires relever du juge d'instance.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 2.
(L'article 2 est adopté.)
Article additionnel avant le chapitre II
Mme la présidente. L'amendement n° 5 rectifié, présenté par Mmes Borvo, Mathon, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Avant le chapitre II, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le titre II de la loi n° 20021138 du 9 septembre 2002 d'orientation et de programmation pour la justice est abrogé.
La parole est à Mme Nicole Borvo.
Mme Nicole Borvo. Cet amendement est un peu provocateur, j'en ai bien conscience. En effet, les juges de proximité existent, 172 ont été nommés, et il serait aujourd'hui bien difficile de supprimer des juridictions en cours d'installation.
Il reste que cet amendement s'inscrit dans la logique de notre opposition aux juges de proximité et que, même si la mise en place des juges est effective, leur installation est laborieuse et rencontre de nombreuses difficultés. Personne ne peut dire le contraire !
En matière de réforme du fonctionnement des juridictions, et plus particulièrement de la juridiction d'instance, un autre choix était possible. Vous-même l'aviez admis, monsieur le ministre, lors de la discussion du projet de loi d'orientation et de programmation pour la justice : « Je conviens volontiers qu'un autre choix était possible, qui eût consisté à rester dans le cadre du tribunal d'instance et à assister les juges d'instance de magistrats non professionnels. Le rapporteur de votre commission des lois pour cette partie du projet, M. Pierre Fauchon, est particulièrement sensible à ce choix, qui se situe dans la lignée des magistrats à titre temporaire créés en 1995. »
Nous aurions préféré que vous fassiez ce choix plutôt que de créer les juges de proximité !
Par ailleurs, monsieur le ministre, vous aviez alors soutenu que la juridiction de proximité serait une juridiction autonome nouvelle par rapport au tribunal d'instance. Il n'en est rien puisque c'est le magistrat du siège du tribunal de grande instance chargé de l'administration de ce tribunal qui organise l'activité et les services de la juridiction de proximité.
Si proximité il y a, ce serait plutôt entre la juridiction de proximité et le tribunal d'instance !
La création d'un nouvel ordre de juridiction s'avère un mauvais choix. C'est la raison pour laquelle nous avons déposé cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Comme il s'agit une nouvelle fois d'une opposition de principe, la commission est naturellement défavorable à cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 5 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Chapitre II
Dispositions relatives à la juridiction de proximité
Article 3
L'article L. 331-2 du même code est ainsi rédigé :
« Art. L. 331-2. - Sous réserve des dispositions législatives ou réglementaires fixant la compétence particulière des autres juridictions, la juridiction de proximité connaît en matière civile, en dernier ressort, des actions personnelles ou mobilières jusqu'à la valeur de 4 000 euros. Elle connaît aussi à charge d'appel des demandes indéterminées qui ont pour origine l'exécution d'une obligation dont le montant n'excède pas 4 000 euros.
« Elle connaît aussi, dans les mêmes conditions, en vue de lui donner force exécutoire, de la demande d'homologation du constat d'accord formée par les parties, à l'issue d'une tentative préalable de conciliation menée en application de l'article 21 de la loi n° 95-125 du 8 février 1995 relative à l'organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative. »
Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 7 est présenté par Mmes Borvo, Mathon, Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
L'amendement n° 13 est présenté par MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt, Sueur, C. Gautier et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Josiane Mathon, pour présenter l'amendement n° 7.
Mme Josiane Mathon. Avec cet article, nous abordons le coeur de la proposition de loi.
Certes, les deux premiers articles de la proposition de loi précisent de façon opportune les compétences du tribunal d'instance. Néanmoins, la création de blocs de compétences spécifiques pour le tribunal d'instance et pour le tribunal de grande instance de nature à clarifier leurs champs d'intervention respectifs ne justifie en rien l'extension du champ d'intervention de la juridiction de proximité.
Bien au contraire, la création de ce nouvel ordre de juridiction a constitué, sur ce point, une nouvelle source de difficultés et d'enchevêtrement des compétences.
C'est donc la mise en place de cette juridiction de proximité qui rend nécessaire a posteriori la détermination des blocs de compétences entre tribunal d'instance et juridiction de proximité.
Vous l'avez compris, nous sommes fermement opposés à toute extension des compétences des juges de proximité.
En effet, si la création des juges de proximité a été avancée comme la meilleure solution pour désengorger les tribunaux d'instance et rapprocher les citoyens de la justice, la réforme a rapidement trouvé ses limites.
Désormais, les juges de proximité pourront être saisis de litiges portant sur une somme maximale de 4 000 euros, au lieu de 1 500 euros actuellement. Avec ce nouveau seuil, nous sommes loin de la notion de « petit litige » !
Un autre point nous semble lourd de conséquences. Si cette proposition de loi est adoptée, pourront avoir recours à la justice de proximité les personnes morales - sociétés, associations professionnelles en tout genre -, et non plus seulement les particuliers. Cette disposition modifie la philosophie même du texte originel puisqu'il était initialement prévu que la justice de proximité devait être facilement accessible, pour régler de petits litiges.
Enfin, les décisions du juge de proximité ne sont pas susceptibles d'appel. J'y reviendrai lorsque je défendrai l'amendement n° 22 rectifié, à moins, bien sûr, que ne soit adopté le présent amendement de suppression.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour présenter l'amendement n° 13.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Nous sommes évidemment contre l'article 3, qui augmente - c'est bien le terme approprié - la compétence des juridictions de proximité jusqu'à 4 000 euros en dernier ressort, alors que nous ne les avons pas encore vues à l'oeuvre.
Malgré tout, j'apporterai ma contribution à la majorité : la nouvelle rédaction de l'article L. 331-2 du code de l'organisation judiciaire, que prévoit l'article 3, me semble comporter une erreur.
Hormis les précisions et modifications qui ont déjà été signalées, la proposition de loi reprend la rédaction actuelle de l'article L. 331-2, mais en en supprimant le deuxième alinéa, ce qui donne ceci :
« Sous réserve des dispositions législatives ou réglementaires fixant la compétence particulière des autres juridictions, la juridiction de proximité connaît en matière civile, en dernier ressort, des actions personnelles ou mobilières jusqu'à la valeur de 4 000 euros. Elle connaît aussi à charge d'appel des demandes indéterminées qui ont pour origine l'exécution d'une obligation dont le montant n'excède pas 4 000 euros.
« Elle connaît aussi, dans les mêmes conditions,... »
De quelles conditions s'agit-il ? De celles de la première ou de celles de la deuxième phrase du premier alinéa ? En d'autres termes, est-ce à charge d'appel ou en dernier ressort ? Le moins que l'on puisse dire, c'est que quelque chose ne va pas !
Dans ces conditions, nous serons unanimes, je pense, à supprimer cet article.
Mme la présidente. L'amendement n° 14, présenté par MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt, Sueur, C. Gautier et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans la première phrase du premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 3312 du code de l'organisation judiciaire, remplacer les mots :
en dernier ressort
par les mots :
à charge d'appel
La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il nous a été dit - encore que cela ne résulte pas clairement de l'article 2 que vous venez d'adopter - que toutes les décisions du tribunal d'instance seraient désormais susceptibles d'appel. Elles le seront d'ailleurs sans doute dans la plupart des cas.
En revanche, et nous avons relevé ce paradoxe extraordinaire dans la discussion générale, alors qu'il serait possible de faire appel des jugements des tribunaux d'instance rendus par des magistrats professionnels, il ne pourrait en être de même des jugements rendus par des juges de proximité ! Certes, on a loué leur grande valeur, même si la plupart d'entre eux ont été nommés aux mois de juillet ou de septembre derniers et que, parmi eux, se trouvent des membres des tribunaux administratifs ou de la Cour des comptes. Je respecte énormément ces derniers dans la partie qui est la leur, mais je suis convaincu qu'ils ne peuvent, en cinq jours, apprendre le droit civil et le droit pénal, matières que nombre d'entre eux n'ont jamais approchées.
L'amendement n° 13 nous semble donc primordial : si seul cet amendement était voté, ce serait déjà un résultat important. Nous n'avons pas encore vu les juges de proximité à l'oeuvre. Nous les verrons, du moins provisoirement puisqu'un « Fauchon III », c'est-à-dire un troisième texte sur les juges de proximité, nous est promis. Qu'au moins il puisse être fait jusque-là appel des décisions des juges de proximité si elles ne donnent pas satisfaction !
Mme la présidente. L'amendement n° 22 rectifié, présenté par Mmes Borvo, Mathon, Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Après les mots :
connaît en matière civile
rédiger ainsi la fin de la première phrase du premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 3312 du code de l'organisation judiciaire :
des actions personnelles ou mobilières, en dernier ressort jusqu'à la valeur de 1 000 euros et à charge d'appel jusqu'à la valeur de 4 000 euros.
La parole est à Mme Josiane Mathon.
Mme Josiane Mathon. Nous ne pouvons accepter, je le répète, que les jugements rendus par les juges de proximité le soient en dernier ressort, c'est-à-dire qu'aucun appel ne soit possible.
Selon vous, monsieur le rapporteur, puisque le tribunal d'instance comme le tribunal de grande instance peuvent juger de litiges sans appel possible, il n'est pas choquant que la juridiction de proximité statue également en dernier ressort.
Malgré le relèvement du taux de compétence des juridictions à 4 000 euros, le Gouvernement et la commission maintiennent l'impossibilité de faire appel des décisions des juges de proximité. L'argument pourrait faire sourire s'il ne s'agissait pas d'une somme aussi importante pour des justiciables aux revenus modestes.
Deux remarques s'imposent.
D'une part, s'il est vrai qu'il n'est pas possible de faire appel d'une décision des juges d'instance quand le litige porte sur une sommes inférieure à 3 800 euros - ce qui est actuellement le cas -, encore faut-il rappeler que les juges d'instance sont des magistrats professionnels, a priori bien formés, mieux que les juges de proximité. Prévoir un appel des décisions des juges de proximité constitue donc une garantie pour le justiciable dont le litige est tranché par un juge non professionnel, dont la formation est, de surcroît, insuffisante.
D'autre part, si votre souci, en procédant ainsi, est de ne pas aggraver l'encombrement dont souffrent les juridictions d'appel, il faut augmenter d'urgence les effectifs des magistrats dans ces juridictions !
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Pierre Fauchon, rapporteur. D'une manière générale, nous sommes défavorables à ces amendements qui vont à l'encontre de la démarche du texte.
Je répondrai aux deux questions qui viennent d'être posées à l'occasion de l'examen de cet article.
M. Dreyfus-Schmidt a d'abord pointé un éventuel problème rédactionnel.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est pour vous rendre service !
M. Robert Bret. Vous êtes trop bon ! (Sourires.)
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Il ne me semble pas qu'il y en ait un, mais cela demande confirmation. Je m'en remets donc à l'appréciation de la Chancellerie et souhaiterais avoir l'avis de M. le garde des sceaux sur ce point. S'il y a lieu de préciser la rédaction de l'article L. 331-2 du code de l'organisation judiciaire, nous le ferons dans le cadre de la navette.
Sur la question de l'appel, je comprends bien votre souci, madame Mathon. Dans l'absolu, il serait évidemment souhaitable qu'il puisse être fait appel de toutes les décisions, y compris de la décision rendue par la cour d'appel, selon une chaîne sans fin ! Malheureusement, ce n'est pas possible : le perfectionnisme aboutirait à la paralysie du système.
Nous vivons depuis des siècles sur l'idée que, en dessous d'un certain montant, la décision est rendue en dernier ressort. La Cour de cassation peut toutefois être saisie : elle traite très sérieusement des affaires posant un problème de principe, et ce de manière rapide et efficace.
A cette sécurité en aval s'ajoute une sécurité en amont. En effet, s'il est saisi d'une affaire qu'il estime trop problématique, le juge de proximité peut se défausser, si vous me permettez l'expression, et la renvoyer au juge d'instance.
Dans ces conditions, et conformément à ce qui est déjà bien établi dans notre système juridique, il faut admettre que, en dessous d'un certain seuil - il est porté de 3 800 à 4 000 euros, ce qui n'est pas un saut vertigineux -, aucun appel n'est possible. Dans le cas contraire, loin d'avoir amélioré le système, nous aboutirions à un engorgement phénoménal.
Encore une fois, nous sommes dans une phase expérimentale. S'il apparaît dans quelques années que cette nouvelle juridiction génère trop d'erreurs, il sera temps de réagir. J'aimerais vous convaincre, madame Mathon, que cette démarche est inspirée par le simple bon sens.
Je m'oppose donc avec force à l'idée d'introduire un appel : ce serait ruiner le système et revenir sur une pratique judiciaire maintenant établie depuis longtemps.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Perben, garde des sceaux. Le Gouvernement est défavorable à ces amendements.
Pour dissiper ses inquiétudes, je répondrai à Michel Dreyfus-Schmidt qu'il n'est pas nécessaire de modifier la rédaction de l'article L. 331-2 du code de l'organisation judiciaire.
En effet, le second alinéa prévoit que la juridiction de proximité connaît « de la demande d'homologation du constat d'accord formée par les parties » : la question du dernier ressort ou de l'appel ne se pose donc pas. Les « mêmes conditions » qui sont évoquées en tête de ce second alinéa renvoie en fait au membre de phrase qui figure au début du premier alinéa : « Sous réserve des dispositions législatives ou réglementaires fixant la compétence particulière des autres juridictions ». La rédaction proposée ne soulève donc aucune difficulté.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote sur les amendements identiques n°s 7 et 13.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. En ce qui concerne le problème de forme que j'ai signalé, je suis prêt à parier que l'Assemblée nationale, lorsqu'elle examinera cette proposition de loir, rectifiera ce que persiste à considérer comme une erreur de rédaction.
Sur le fond, M. le rapporteur a objecté qu'il était toujours possible de se pourvoir en cassation. Mais la Cour de cassation a peut-être aussi beaucoup de travail ! De surcroît, un pourvoi coûte beaucoup plus cher qu'un appel, tout le monde le sait.
Il n'est vraiment pas satisfaisant de considérer que, pour de prétendus « petits litiges », qui peuvent tout de même concerner des sommes allant jusqu'à 4 000 euros, si la décision du juge de proximité est contestée par les justiciables, ceux-ci n'auront d'autre solution que de se pourvoir en cassation.
Vous nous dites, monsieur le rapporteur, qu'il faut faire l'expérience. Mais ce n'est pas vous qui allez « payer les pots cassés » ! Ce sont les justiciables et, sans doute, les plus pauvres d'entre eux.
La prudence consisterait, au contraire, à prévoir, dans un premier temps, la procédure d'appel, quitte à y renoncer éventuellement plus tard si l'expérience montre que l'appel des décisions des juges de proximité est rarissime, ce qui signifierait que leur compétence est unanimement reconnue.
Malheureusement, vous avez opté pour la démarche inverse et, dans ces conditions, nos amendements de suppression se justifient pleinement.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 7 et 13.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 3.
(L'article 3 est adopté.)
Article 4
Après l'article L. 331-2 du même code, il est inséré un article L. 331-2-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 331-2-1. - Les compétences particulières de la juridiction de proximité en matière civile sont fixées par décret en Conseil d'Etat. »
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 8 est présenté par Mmes Borvo, Mathon, Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
L'amendement n° 15 est présenté par MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt, Sueur, C. Gautier et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Josiane Mathon, pour présenter l'amendement n° 8.
Mme Josiane Mathon. Nous nous opposons à l'extension des compétences du juge de proximité. D'où cet amendement de suppression.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour présenter l'amendement n° 15.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. J'avoue avoir quelque mal à comprendre : si j'en crois le tableau comparatif, à la page 78 du rapport, le même article du code est à la fois supprimé par la commission et maintenu sans modification. Le moins que l'on puisse dire c'est que, sur cet article, le tableau comparatif manque singulièrement de clarté. J'aimerais obtenir quelques éclaircissements.
Par ailleurs, alors que nous parlons depuis plus d'une heure des compétences qu'il conviendrait de donner à la juridiction de proximité, voilà qu'on nous dit qu'il pourrait y avoir des compétences particulières qui seraient fixées par décret en Conseil d'Etat ! Cela mérite tout de même une explication.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Ces deux amendements me paraissent inutiles. Par conséquent, la commission émet un avis défavorable.
J'ajoute, pour répondre à la demande d'éclaircissements énoncée par M. Dreyfus-Schmidt, qu'il est clair que nous proposons de maintenir un seul des deux articles du code qui figuraient initialement dans l'article 4.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est cela que vous appelez des éclaircissements ?
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 8 et 15.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 4.
(L'article 4 est adopté.)
Article 5
L'article L. 331-5 du même code est ainsi modifié :
I. Dans cet article, les mots : « l'article 706-72 » sont remplacés par les mots : « le deuxième alinéa de l'article 521 ».
II. Cet article est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Le président du tribunal de grande instance établit avant le début de l'année judiciaire la liste des juges de proximité de son ressort susceptibles de siéger en qualité d'assesseur au sein de la formation collégiale du tribunal correctionnel.
« Cette formation ne peut comprendre plus d'un juge de proximité. »
Mme la présidente. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 9 est présenté par Mmes Borvo, Mathon, Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
L'amendement n° 16 est présenté par MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt, Sueur, C. Gautier et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Nicole Borvo, pour présenter l'amendement n° 9.
Mme Nicole Borvo. Vous l'avez compris, nous sommes totalement opposés à la possibilité accordée par l'article 5 aux juges de proximité de siéger en tant qu'assesseur lors des audiences correctionnelles. Cette compétence nous paraît inquiétante.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour présenter l'amendement n° 16.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Cette compétence n'est pas seulement inquiétante ; elle est anticonstitutionnelle, ainsi que nous l'avons démontré lors de la discussion générale. A ce propos, je me permets respectueusement de renvoyer les membres du Conseil constitutionnel, puisque nous saisirons évidemment celui-ci, à la lecture des arguments que nous avons développés lors de ladite discussion.
Vous avez remarqué que nous vous avons fait faire l'économie du temps qui aurait pu être consacré à l'examen d'une motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité, étant rappelé au passage que, à l'Assemblée nationale, les motions de ce type sont débattues avant que commence la discussion générale, et pendant une heure et demie au moins.
Cela dit, nous demandons très fermement la suppression d'une compétence donnée, en matière pénale et correctionnelle, aux juges de proximité, d'autant qu'il n'y en a pas partout.
Tout à l'heure, monsieur le garde des sceaux, vous avez fait référence à l'expérience que vous pouvez tirer de deux ans et demi passés à la Chancellerie. Permettez-moi de vous dire qu'il ressort de mon expérience de quarante-trois ans de barreau que la présence de magistrats professionnels est indispensable au sein du tribunal correctionnel, même si, de temps en temps, en province, la composition d'un tribunal peut être complétée par un avocat, qui a évidemment une certaine expérience.
Rien n'empêche nos concitoyens d'avoir pleinement confiance en leur justice avec des tribunaux composés exclusivement de magistrats professionnels, surtout si vous leur donnez les moyens qui doivent être les leurs, et je ne doute pas que, comme tous vos prédécesseurs, vous serez le premier à prendre la défense des magistrats professionnels lorsqu'ils sont attaqués ou critiqués.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Nous sommes en présence d'un dispositif important, qui tend à introduire dans une formation collégiale un juge dont le recrutement n'est pas le même que celui des autres magistrats présents.
En invoquant, encore une fois, les réflexions de Montaigne, qui était loin d'être un sot, j'estime qu'une telle pratique n'est pas du tout dépréciative.
Le Conseil constitutionnel, dont nous respectons les décisions, a ses responsabilités ; nous, nous prenons les nôtres et il nous appartient de dire ce qui nous paraît souhaitable.
J'ai trouvé, je dois l'avouer, qu'il y avait une espèce de sophisme dans le raisonnement de M. Badinter lorsqu'il nous a expliqué que le tout n'existe pas sans la partie, que la formation collégiale n'existe pas sans l'un de ses membres et donc que l'un de ses membres se confond avec le tribunal tout entier. Au total, ce raisonnement revient à ignorer la réalité : une partie n'est qu'une partie, et une partie minoritaire reste minoritaire.
En l'espèce, ce que le Conseil constitutionnel refuse, c'est que le juge non professionnel prononce une peine privative de liberté. Or, dès lors que l'on est une partie minoritaire, on ne prononce pas une telle peine.
Je suis assez confiant : le Conseil constitutionnel n'épousera pas ce que j'ai cru pouvoir appeler, avec toute la considération que j'ai pour notre éminent collègue, une sorte de sophisme.
Par ailleurs, je rappelle que nous avons déjà institué, en 1995, des magistrats à titre temporaire qui pouvaient assumer les fonctions que nous évoquons. Le Conseil constitutionnel avait alors estimé qu'une telle pratique n'était pas inconstitutionnelle, à condition qu'elle soit limitée. Nous sommes bien dans la même hypothèse.
Oserai-je rappeler l'exemple du Royaume-Uni ? Ce pays a peut-être quelquefois des leçons à donner en matière de justice. L'excellent Henri II Plantagenêt, qui fut un très grand prince, régnant sur un territoire fort étendu, a créé les magistrate courts. Or, comme quelques-uns d'entre nous ont pu le constater, cette juridiction fonctionne admirablement alors qu'elle comporte nombre de juges qui n'ont pas fait d'études de droit, mais qui, comme l'a fort bien dit Montaigne, ont beaucoup de bon sens. S'il est question de réformer certains aspects de la justice britannique, celui-ci n'est nullement remis en cause parce qu'il donne toute satisfaction.
Pour toutes ces raisons, la commission émet un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Perben, garde des sceaux. Le Gouvernement est défavorable à ces amendements.
Monsieur Dreyfus-Schmidt, votre propos m'a étonné. Après nous avoir expliqué qu'il était impossible de faire siéger un juge de proximité dans un tribunal correctionnel, vous nous avez signalé que la loi permettait de compléter un collège insuffisant par un avocat supplémentaire. Est-ce constitutionnel ou non ? Je crains de voir une contradiction dans votre discours !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Pas du tout !
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. M. le rapporteur a raison : le point que nous examinons est important.
Certaines traditions très anciennes en vigueur outre-Manche ne sont pas forcément les nôtres. Il est vrai qu'en Grande-Bretagne on ne change pas toutes les cinq minutes ce qui existe !
Je pense ne pas avoir appris à M. le garde des sceaux qu'il y a des avocats dans tous les tribunaux et qu'ils ont depuis très longtemps le privilège, lorsque, malheureusement, il manque un magistrat professionnel, de compléter le tribunal. Mais nous parlons maintenant des juges de proximité, dont nous savons comment ils sont recrutés...
M. Christian Cointat. Et si des avocats sont juges de proximité ?
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ils pouvaient aussi être suppléants des juges de paix.
Monsieur le rapporteur, vous invoquez souvent Montaigne. Je ne sais pas ce qu'a dit Montaigne, mais je sais ce qu'a dit Trenet dans une chanson que, apparemment vous faites vôtre, mais je pense que c'était de sa part une plaisanterie que personne d'autre que vous n'a prise au sérieux : « Si l'on met un singe à la place d'un juge, on s'aperçoit que ça ne va pas plus mal ! » (Sourires.)
M. Pierre Fauchon, rapporteur. C'était un ours ! Ce n'est pas pareil ! (Nouveaux sourires.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt. En effet, c'est tout à fait différent ! Mais cessez donc de m'interrompre, cher rapporteur ! (Nouveaux sourires.)
Dans une première décision du 23 février 1975, le Conseil constitutionnel a estimé qu'était inconstitutionnel le fait, pour le président du tribunal correctionnel, de pouvoir choisir entre un juge unique et une instance collégiale selon les cas.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Bien sûr !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Par conséquent, en application de cette jurisprudence, est évidemment anticonstitutionnel le fait qu'un président de tribunal décide, dans tel cas, de compléter une formation par un juge de proximité et, dans tel autre cas, de ne pas le faire.
J'évoquerai également la décision du Conseil constitutionnel en date du 29 août 2002.
Monsieur le rapporteur, c'est vous qui êtes un sophiste. Je ne me serais pas permis d'utiliser ce qualificatif si vous ne l'aviez vous-même employé à propos de M. Badinter. Vous soutenez que le Conseil constitutionnel ne s'oppose pas à ce que soient dévolues à la juridiction de proximité des compétences en matière pénale, dès lors que ne lui est pas confié le pouvoir de prononcer des mesures privatives de liberté. Vous jouez sur les mots en visant la juridiction et non le juge, alors que la juridiction n'est composée que du seul juge. C'est donc la juridiction tout entière qui compléterait le tribunal correctionnel et qui pourrait entraîner la décision en cas de partage des voix et, en tout état de cause, peser sur le délibéré.
Enfin, il n'y a pas partout des juges de proximité. Je veux tout de même ajouter, pour être complet, qu'il y en a actuellement deux pour la cour d'appel d'Agen, un pour celle de Basse-Terre, un pour celle de Besançon, trois pour celle de Bordeaux, trois pour celle de Chambéry, cinq pour celle de Colmar, quatre pour celle de Dijon, ...
M. Pierre Fauchon, rapporteur. N'en jetez plus, la coupe est pleine !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. ... cinq pour celle de Fort-de-France, quatre pour celle de Limoges, deux pour celle de Metz, deux pour celle de Montpellier, un pour celle de Nîmes, un pour celle de Pau, deux pour celle de Reims, trois pour celle de Riom, quatre pour celle de Rouen.
Autant dire qu'il est impossible que les gens soient jugés partout de la même manière puisqu'il serait impossible, dans tous les tribunaux correctionnels de ces cours d'appel - sans parler des six cours qui n'en ont aucun ! - de compléter la formation avec un juge de proximité.
Voilà les raisons pour lesquelles nous insistons pour que soit adopté notre amendement de suppression.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 10 rectifié et 18.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 5.
(L'article 5 est adopté.)
Chapitre III
Dispositions relatives au tribunal de grande instance
Article 6
Il est inséré au chapitre II du titre 1er du livre III du même code une section VI intitulée « Dispositions particulières aux actions immobilières possessoires » et comprenant un article L. 312-7 ainsi rédigé :
« Art. L. 312-7. - Les actions possessoires relèvent de la compétence exclusive du tribunal de grande instance. » - (Adopté.)
Titre II
Dispositions modifiant le code de procédure pénale
Chapitre 1er
Dispositions étendant la compétence de la juridiction de proximité pour le jugement des contraventions
Article 7
I. Le chapitre 1er du titre III du livre II du code de procédure pénale est ainsi intitulé :
« Chapitre 1er. - « De la compétence du tribunal de police et de la juridiction de proximité »
II. L'article 521 du même code est ainsi rédigé :
« Art. 521. - Le tribunal de police connaît des contraventions de la cinquième classe.
« La juridiction de proximité connaît des contraventions des quatre premières classes.
« Un décret en Conseil d'Etat peut toutefois préciser les contraventions des quatre premières classes qui sont de la compétence du tribunal de police. »
III. Il est inséré, après l'article 522 du même code, deux articles 522-1 et 522-2 ainsi rédigés :
« Art. 522-1. - La compétence territoriale des juridictions de proximité est identique à celle prévue par l'article 522 pour les tribunaux de police, y compris les tribunaux d'instance ayant compétence exclusive en matière pénale en application des dispositions de l'article L. 623-2 du code de l'organisation judiciaire. »
« Art. 522-2. - Lorsque la juridiction de proximité constate que la qualification retenue dans l'acte qui la saisit concerne des faits relevant de la compétence du tribunal de police, elle renvoie l'affaire devant ce tribunal après s'être déclarée incompétente. Il en est de même lorsque le tribunal de police est saisi de faits relevant de la juridiction de proximité. Ce renvoi peut le cas échéant se faire à une audience qui se tient le même jour. »
IV. Il est inséré, après l'article 523 du même code, un article 523-1 ainsi rédigé :
« Art. 523-1. - La juridiction de proximité est constituée comme il est dit aux articles L. 331-7 et L. 331-9 du code de l'organisation judiciaire.
« Les fonctions du ministère public près la juridiction de proximité sont exercées par un officier du ministère public conformément aux dispositions des articles 45 à 48 du présent code. »
V. Le titre XXIV du livre IV du même code et son article 706-72 sont abrogés.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour présenter l'amendement n° 17.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Aux termes de cet article, les actions possessoires relèvent de la compétence exclusive du tribunal de grande instance. On nous dit que les actions possessoires peuvent déboucher sur le pétitoire et...
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission. Ça, c'est l'article 6, qui vient d'être adopté !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Excusez-moi, tout le monde peut se tromper, mais, là encore, je me réfère au tableau comparatif qui figure à la page 80 du rapport.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Mon cher collègue, précisons pour la clarté du débat que ce que nous discutons, ce sont les conclusions de la commission des lois, et non le texte initial de la proposition de loi. L'article 7 de cette dernière est devenu l'article 6 du texte de la commission, tandis que l'article 10 d'origine est devenu l'article 7 de notre texte, où il est question de la compétence du tribunal de police et de la juridiction de proximité.
Vous avez été suffisamment longtemps vice-président de cette assemblée pour savoir comment nous procédons lorsque est discutée une proposition de loi émanant du Sénat. C'est dans le règlement !
Dès lors que votre amendement se rapporte à l'ancien article 7, qui est devenu l'article 6, et que celui-ci a été voté, cet amendement n'a plus lieu d'être.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Vous conviendrez avec moi que tout cela prête à confusion ! Ainsi, l'article qui traite des actions possessoires a été voté dans la « nuit » !
Cela étant, nous retirons l'amendement no 17.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 7.
(L'article 7 est adopté.)
Chapitre II
Dispositions relatives à la validation des compositions pénales par le juge de proximité
Article 8
I. Il est inséré, avant le dernier alinéa de l'article 41-2 du code de procédure pénale, un alinéa ainsi rédigé :
« Le président du tribunal peut désigner, aux fins de validation de la composition pénale, tout juge du tribunal ainsi que tout juge de proximité exerçant dans le ressort du tribunal. »
II. Le dernier alinéa de l'article 41-3 du même code est ainsi rédigé :
« La requête en validation est portée, selon la nature de la contravention, devant le juge du tribunal de police ou devant le juge de la juridiction de proximité, sauf si le juge de proximité est désigné par le président du tribunal aux fins de validation de l'ensemble des compositions pénales contraventionnelles. »
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 10 rectifié est présenté par Mmes Borvo, Mathon, Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
L'amendement n° 18 est présenté par MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt, Sueur, C. Gautier et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Borvo, pour présenter l'amendement n° 10 rectifié.
Mme Nicole Borvo. Nous nous opposons à la possibilité pour le juge de proximité de valider les compositions pénales.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour présenter l'amendement n° 18.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Notre amendement a évidemment le même objet que celui qui vient d'être présenté par Mme Borvo.
Cela dit, nous souhaiterions obtenir certaines précisions.
Tout d'abord, l'expression « juge de proximité », qui est employée ici, équivaut-il à celui de « juridiction de proximité » ? On peut d'ailleurs se demander si c'est le juge ou la juridiction qui complète le tribunal correctionnel.
Ensuite, puisque ce serait, dorénavant, le tribunal d'instance qui serait compétent en matière de contraventions de cinquième classe, nous aimerions avoir confirmation que ce qui est proposé pour la validation des compositions pénales contraventionnelles ne s'applique qu'aux contraventions des quatre premières classes.
Enfin, dans la mesure où il nous a été expliqué que les juges de proximité sont souvent amenés à prononcer des ordonnances pénales, qui ne sont évidemment pas susceptibles d'appel, y a-t-il possibilité d'opposition devant le juge de proximité en matière d'ordonnance pénale ?
Je finirai par une observation. Il paraît anormal que les juges de proximité tels que nous les connaissons, tels qu'ils viennent à peine d'être mis en place, puissent avoir à valider des compositions pénales, même s'il s'agit d'amendes qui ne sont pas d'un montant très élevé.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Je signale à notre collègue que ces dispositions ont déjà été votées il y a deux ans, avec la loi du 9 septembre 2002. Il s'agit ici d'une réécriture, et non d'une modification de fond.
D'autre part, il ne faut pas confondre cette question de la validation des compositions pénales avec les ordonnances pénales ni avec les décisions en matière contraventionnelle.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Est-ce seulement pour les quatre premières classes ?
M. Pierre Fauchon, rapporteur. C'est un domaine distinct, dans lequel le juge de proximité agit sur délégation du président du tribunal de grande instance et où il ne peut y avoir, rappelons-le, de peine privative de liberté.
L'avis de la commission est donc défavorable.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Perben, garde des sceaux. L'avis du Gouvernement est défavorable.
Je confirme ce que vient de dire M. Fauchon : l'article qui contenait cette disposition ayant été supprimé, il était nécessaire de le réécrire. Mais c'est le dispositif initial, celui de septembre 2002, qui est ici proposé.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. La composition pénale, sur proposition de M. Fauchon, a été étendue à tous les délits encourant une peine inférieure ou égale à cinq ans de prison. Il nous dit que la présente disposition exclut les peines de prison. Mais, si tel est le cas, elle peut porter sur des contraventions de cinquième classe. Or les juges de proximité, d'après le nouveau texte, ne sont pas compétents en ce qui concerne les amendes de cinquième classe.
Par conséquent, au lieu de reprendre un texte qui existait dans la loi de 2002, il conviendrait plutôt de corriger celle-ci, afin de tenir compte de la nouvelle loi, qui exclut la compétence des juges de proximité pour les amendes de cinquième classe.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Notre excellent collègue continue de confondre les affaires que jugent les juges de proximité avec celles dans lesquelles ils valident la composition pénale. Ce sont deux démarches totalement différentes. (M. Michel Dreyfus-Schmidt s'esclaffe.)
Je ne suis pas sûr qu'il y ait de quoi rire, monsieur Dreyfus-Schmidt, mais, si ce la vous amuse, c'est une consolation pour le reste de l'assemblée, qui est heureuse de vous revoir rire.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. S'il valide, il condamne !
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 10 rectifié et 18.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 8.
(L'article 8 est adopté.)
Titre III
Dispositions diverses de coordination, relatives à l'outre-mer et de droit transitoire
Article 9
I. - Avant le premier alinéa de l'article 131-13 du code pénal, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Constituent des contraventions les infractions que la loi punit d'une amende n'excédant pas 3.000 € ».
II. - Au dernier alinéa de l'article 39 du code de procédure pénale, après les mots : « tribunal de police », les mots : « ou de la juridiction de proximité » sont insérés.
III. - Dans la première phrase de l'article 44 du même code, les mots : « tribunaux de police » sont remplacés par les mots : « juridictions de proximité ».
IV. - L'intitulé de la section IV du chapitre II du titre 1er du livre 1er du même code est complété par les mots : « et la juridiction de proximité ».
V. - L'article 45 du même code est ainsi modifié :
1. Dans la seconde phrase du premier alinéa, les mots : « en toute matière » sont remplacés par les mots : « devant la juridiction de proximité ».
2. Au second alinéa du même article, après les mots : « tribunaux de police », les mots : « ou aux juridictions de proximité » sont insérés.
VI. - Au second alinéa de l'article 46 du même code les mots : « le tribunal de police » sont remplacés par les mots : « la juridiction de proximité ».
VII. - Dans les articles 47 et 48 du même code, les mots : « le tribunal » sont remplacés par les mots : « la juridiction de proximité ».
VIII. - Le premier alinéa de l'article 178 du même code est ainsi complété : « ou devant la juridiction de proximité. ».
IX. - Dans la première phrase de l'article 179-1 du même code, après les mots : « mise en examen devant », les mots : « la juridiction de proximité, » sont insérés.
X. - Dans la première phrase du premier alinéa de l'article 180 du même code, après les mots : « Dans les cas de renvoi, », sont insérés les mots : « soit devant la juridiction de proximité, ».
XI. - L'article 213 du même code est ainsi modifié :
A. Le premier alinéa est complété par les mots : « ou devant la juridiction de proximité ».
B. Dans le dernier alinéa, après les mots : « tribunal de police », les mots : « ou devant la juridiction de proximité » sont insérés.
XII. - Dans la première phrase du premier alinéa de l'article 528 du même code, après les mots : « tribunal de police », sont insérés les mots : « ou de la juridiction de proximité ».
XIII. - L'article 528-2 du même code est ainsi modifié :
A. Au premier alinéa, après les mots : « devant le tribunal de police », les mots : « ou devant la juridiction de proximité » sont insérés.
B. Dans le deuxième alinéa, après les mots : « le tribunal de police », les mots : « ou la juridiction de proximité » sont insérés.
XIV. - L'intitulé du chapitre III du titre III du livre II du même code est complété par les mots : « et de la juridiction de proximité ».
XV. - Au début de l'article 531 du même code, après les mots : « tribunal de police », sont insérés les mots : « ou la juridiction de proximité ».
XVI. - L'article 533 du même code est complété par les mots suivants : « et devant la juridiction de proximité. ».
XVII. - L'intitulé du chapitre IV du titre III du livre II du même code est complété par les mots : « et la juridiction de proximité ».
XVIII. - L'article 535 du même code est ainsi modifié :
A. Le premier alinéa est complété par les mots suivants : « et devant la juridiction de proximité ».
B. Dans le second alinéa, après les mots : « juge du tribunal de police » sont insérés les mots : « ou par le juge de proximité ».
XIX. - Au premier alinéa de l'article 538 du même code, après les mots : « juge du tribunal de police » sont insérés les mots : « ou par le juge de proximité ».
XX. -- Au début du premier alinéa de l'article 539, dans la première phrase de l'article 540, dans le premier alinéa de l'article 541 et dans la première phrase de l'article 542 du même code, après les mots : « tribunal de police » sont insérés les mots : « ou la juridiction de proximité ».
XXI. - Dans le premier alinéa de l'article 543 et dans le premier alinéa de l'article 544 du même code, après les mots : « tribunal de police » sont insérés les mots « et devant la juridiction de proximité ».
XXII. - Au premier alinéa de l'article 546 du même code, les mots : « le tribunal de police » sont remplacés par les mots : « la juridiction de proximité ».
XXIII. - L'article 549 du même code est ainsi modifié :
A. Le premier alinéa est complété par les mots : « ou les juridictions de proximité »
B. Dans le second alinéa, après les mots : « tribunal de police, » sont insérés les mots : « ou de la juridiction de proximité »
XXIV. - Dans la première phrase de l'article 658 du même code, les mots : « ou deux tribunaux de police » sont remplacés par les mots : «, deux tribunaux de police ou deux juridictions de proximité ».
XXV. - L'article 677 du même code est ainsi modifié :
A. Au deuxième alinéa, après les mots : « tribunal de police » sont insérés les mots : « ou d'une juridiction de proximité ».
B. A l'avant-dernier alinéa, les mots : « d'un tribunal » sont remplacés par les mots : « d'une juridiction de proximité, d'un tribunal de police, d'un tribunal correctionnel ».
XXVI. - Dans l'article 678 du même code, les mots : « ou le tribunal » sont remplacés par les mots : «, le tribunal de police, le tribunal correctionnel ou la juridiction de proximité ».
XXVII.- Dans le troisième alinéa de l'article 706-71 du même code, après les mots : « tribunal de police », les mots : « ou devant la juridiction de proximité » sont insérés.
XXVIII. -La seconde phrase du second alinéa de l'article 706-76 et la seconde phrase du dernier alinéa de l'article 706-109 du même code sont complétées par les mots : « ou devant la juridiction de proximité compétente en application de l'article 522-1. ».
XXIX. - Dans la deuxième phrase de l'avant-dernier alinéa de l'article 708 du même code, les mots : « ou de police » sont remplacés par les mots : «, par le tribunal de police ou la juridiction de proximité ».
XXX - Dans le dernier alinéa de l'article 21 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante, les mots : « l'article 706-72 » sont remplacés par les mots : « du deuxième alinéa de l'article 521 ».
XXXI. - Au quatrième alinéa (2°) de l'article 1018 A du code général des impôts, après les mots : « tribunaux de police », les mots : « et des juridictions de proximité » sont insérés.
Mme la présidente. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 19, présenté par MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt, Sueur, C. Gautier et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il est défendu.
Mme la présidente. L'amendement n° 2 rectifié, présenté par MM. Cointat et Zocchetto, est ainsi libellé :
I - Après le XIII de cet article, insérer deux paragraphes additionnels ainsi rédigés :
... . - Dans la deuxième phrase de l'article 529-11 du même code, les mots : « le tribunal de police » sont remplacés par les mots : « la juridiction de proximité ».
... . - Dans l'article 530-2 du même code, les mots : « au tribunal de police » sont remplacés par les mots : « à la juridiction de proximité ».
II - Dans le B du XXV de cet article, remplacer les mots :
l'avant-dernier
par les mots :
le dernier
III - Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... . - Dans la deuxième phrase du deuxième alinéa de l'article L. 1213 du code de la route, les mots : « le tribunal de police » sont remplacés par les mots : « la juridiction de proximité ».
La parole est à M. Christian Cointat.
M. Christian Cointat. Il s'agit d'un amendement de coordination et de précision, qui a pour but de rendre le texte aussi clair que possible.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Je suis opposé à l'amendement n° 19 pour les raisons qui ont été exposées précédemment.
Je suis, en revanche, favorable à l'amendement n° 2 rectifié puisqu'il tend à clarifier un texte qui n'est pas aussi clair que l'on pourrait le souhaiter. Que ses auteurs en soient félicités et remerciés !
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Perben, garde des sceaux. Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 19 et favorable à l'amendement n° 2 rectifié.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 9, modifié.
(L'article 9 est adopté.)
Article 10
Le Gouvernement est autorisé, dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution, à prendre par ordonnances les mesures de nature législative permettant de rendre applicable la présente loi, le cas échéant avec les adaptations nécessaires, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, dans les Iles Wallis et Futuna et à Mayotte.
Les ordonnances seront prises, au plus tard, le dernier jour du douzième mois suivant la promulgation de la présente loi. Le projet de loi portant ratification de ces ordonnances sera déposé devant le parlement au plus tard le dernier jour du quinzième mois suivant la promulgation de la présente loi.
Mme la présidente. L'amendement n° 20, présenté par MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt, Sueur, C. Gautier et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il est défendu.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Défavorable.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 10.
(L'article 10 est adopté.)
Article 11
Les affaires dont le tribunal de police est saisi avant la date d'entrée en vigueur de cette loi demeurent de la compétence de cette juridiction.
La présente loi ne s'applique pas, en matière civile, aux instances engagées avant cette même date.
Mme la présidente. L'amendement n° 21, présenté par MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt, Sueur, C. Gautier et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il est défendu.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Défavorable.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Personne ne demande la parole ?...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Nous nous sommes suffisamment expliqués !
Mme la présidente. Je mets aux voix les conclusions du rapport de la commission des lois sur la proposition de loi n° 41.
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures cinq, est reprise à vingt-deux heures.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
7
Sport professionnel
Adoption définitive d'une proposition de loi
(Ordre du jour réservé)
Mme la présidente. L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, portant diverses dispositions relatives au sport professionnel (nos 29, 67).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Jean-François Lamour, ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, la proposition de loi déposée par MM. les députés Edouard Landrain et Jean-Marie Geveaux et que nous examinons aujourd'hui est en parfaite cohérence avec les réflexions que j'ai menées avec le mouvement sportif, dans le prolongement des états généraux du sport.
Je me réjouis du dépôt de ce texte et de son adoption en première lecture par l'Assemblée nationale. Cette proposition de loi comporte, en effet, des mesures concrètes et efficaces pour répondre à un certain nombre de préoccupations du monde du sport professionnel.
Les attentes relayées auprès des auteurs de la proposition de la loi, lors des consultations qu'ils ont menées, se sont exprimées de manière identique, au sein du comité de suivi que j'ai installé en février dernier, afin de débattre des nouvelles évolutions à apporter à l'encadrement juridique du sport professionnel français.
La proposition de loi que nous examinons aujourd'hui rejoint totalement les orientations approuvées le 1er juin dernier par ce comité de suivi qui rassemble l'ensemble des acteurs du sport professionnel en France : les fédérations sportives, les ligues, les organismes représentatifs des entraîneurs et des joueurs.
Les travaux de ce comité s'inscrivent dans une démarche interministérielle, qui témoigne de l'intérêt porté par le Gouvernement à un secteur qui contribue au rayonnement de la France et à son attractivité économique. Ces travaux ont été portés à la connaissance des auteurs de la proposition de loi. Je suis heureux qu'ils aient contribué à enrichir les réflexions qui ont conduit à l'élaboration du texte qui vous est présenté aujourd'hui.
Je connais, mesdames, messieurs les sénateurs, l'intérêt que porte votre assemblée aux préoccupations du monde sportif et, en particulier, à la situation du sport professionnel en France.
L'adoption, je l'espère, de ce texte marquera une nouvelle avancée dans la prise en compte des conditions de compétitivité de nos clubs professionnels, après les premiers aménagements apportés par la loi du 1er août 2003, relative à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives.
J'ai souhaité que cette loi desserre un certain nombre de contraintes pesant sur l'ensemble des disciplines ayant une dimension professionnelle.
Ses dispositions portent, je le rappelle, sur l'utilisation du numéro d'affiliation, le droit des marques et la cession des droits d'exploitation audiovisuelle. Elles produisent aujourd'hui leur plein effet, l'ensemble des décrets d'application ayant été pris, comme je m'y étais engagé, dans des délais très rapides.
A l'époque du vote de la loi, j'avais indiqué que je n'excluais pas d'autres évolutions, convaincu de la nécessité d'aller plus loin dans les réformes, afin de rétablir le déficit de compétitivité dont souffrent les clubs professionnels français par rapport à leurs principaux concurrents européens, qu'il s'agisse des clubs britanniques, espagnols ou italiens.
J'avais confié à Jean-Pierre Denis, inspecteur des finances, l'établissement d'un rapport visant à dresser une analyse exhaustive des raisons empêchant les clubs français de rivaliser équitablement avec leurs homologues européens.
Plusieurs des dispositions contenues dans la présente proposition de loi sont conformes aux préconisations de ce rapport.
II s'agit notamment de la reconnaissance d'une rémunération du droit d'image collective pour les joueurs de sports collectifs, de la sécurisation de la situation de travail des sportifs sélectionnés en équipe de France et de la suppression du versement du 1 % sur les contrats de travail à durée déterminée.
Les mesures proposées sur ces trois points sont fondées sur une analyse pertinente de la réalité des situations vécues dans le domaine du sport professionnel.
Les dispositions relatives au droit d'image collective prennent ainsi en compte la réalité de l'exploitation commerciale qui est faite de la prestation des joueurs d'une équipe participant collectivement à une compétition.
Elles permettent également la souplesse nécessaire à la mise en place de solutions différenciées selon les disciplines sportives. C'est pourquoi je ne doute pas qu'elles recueillent un accord consensuel tant de la part des joueurs que des clubs.
Le dispositif proposé, en matière de droit à l'image, s'inscrit dans une conception moderne de la pratique sportive professionnelle, dont il reconnaît la spécificité. II contribuera, par ailleurs, à l'amélioration de la transparence des comptes des clubs.
La levée de l'interdiction absolue de la multipropriété des sociétés sportives est une disposition qui me paraît être de nature à renforcer l'attractivité de nos clubs professionnels vis-à-vis des investisseurs et met notre droit en conformité avec la réglementation européenne en matière de libre circulation des capitaux.
Cette mesure, qui tient compte des réalités économiques, préserve l'aléa sportif en interdisant la prise de contrôle de plus d'une société dans une même discipline, ce qui, vous en conviendrez, est primordiale.
Enfin, la participation des sociétés sportives au fonctionnement des fédérations - dans la mesure, bien sûr, où ces dernières le souhaitent -relève du même esprit d'ouverture que celui qui a guidé les évolutions introduites par la loi du 1er août 2003, c'est-à-dire l'ouverture aux partenaires économiques des fédérations, dans le respect des principes d'organisation du sport en France mis en valeur lors des états généraux du sport.
Vous connaissez mon attachement au maintien, au sein des fédérations, de l'unité du sport et de l'esprit de solidarité qui doit perdurer entre les mondes amateur et professionnel. La mesure proposée vient attester du lien entre ces deux secteurs et donne un fondement légal à ce principe de solidarité.
Pour l'ensemble de ces raisons, notamment parce que cette proposition de loi contient des mesures de nature à bénéficier à l'ensemble des familles du sport professionnel français, le Gouvernement soutient son adoption. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-François Humbert, rapporteur de la commission des affaires culturelles. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'environnement dans lequel évoluent aujourd'hui les clubs professionnels français a profondément évolué en dix ans.
D'une part, les sportifs professionnels bénéficient d'un véritable marché unique, extrêmement fluide au niveau européen, depuis l'arrêt Bosman de décembre 1995. La durée des carrières y est exceptionnellement courte et la barrière linguistique n'existe pas, ce qui leur permet de passer facilement d'un club à l'autre.
D'autre part, l'explosion des droits de retransmission télévisée des rencontres sportives a modifié de façon pérenne la structure des revenus des clubs. A titre d'exemple, ces droits représentent aujourd'hui 52 % des sources de financement des clubs de football professionnel de Ligue 1.
Force est de constater que le niveau des charges fiscales et sociales en France a mis, dans ce contexte spécifique, les clubs sportifs professionnels français dans une situation de concurrence déloyale par rapport à leurs homologues européens.
Les chiffres parlent d'eux-mêmes. En effet, le coût d'un joueur qui est de 100 en Grande-Bretagne est de 172 en France ; les salaires des joueurs professionnels de football sont trois fois plus élevés en Italie qu'en France.
Les conséquences, nous les connaissons : c'est la fuite de nos meilleurs talents vers les clubs des pays qui ont les conditions financières d'emploi les plus favorables.
Vous vous souvenez sans doute, mes chers collègues, que, la semaine dernière, l'équipe de France de football recevait au Stade de France l'équipe de Pologne. Sur les onze joueurs de départ « alignés », comme disent les spécialistes, par le sélectionneur national Raymond Domenech, sept évoluent dans des clubs étrangers.
Aujourd'hui, 280 joueurs professionnels de football évoluent à l'étranger, et aucune discipline n'est épargnée. Les cas du basketteur français Tony Parker - qui, à 22 ans, vient de renouveler son contrat avec le club texan des San Antonio Spurs pour un montant de 8,6 millions d'euros - de la gardienne de l'équipe de France de handball, Valérie Nicolas, qui joue désormais au Danemark, ou encore du capitaine de l'équipe de France de handball, Jackson Ricardson, qui joue lui aussi à l'étranger, sont des exemples parmi d'autres.
Dans ces conditions, les clubs français ont du mal à rivaliser avec leurs homologues européens dans les compétitions. Faut-il rappeler qu'aucun club de football français n'avait participé à la phase finale de la Ligue des champions depuis 1993, avant la finale malheureusement perdue par Monaco à la fin de la saison dernière, et qu'aucun club de basket n'était présent dans les demi-finales de la compétition européenne au cours des sept dernières éditions ?
Rétablir la compétitivité des clubs et moderniser le droit applicable au sport professionnel, c'est le sens des dispositions du texte que nous examinons aujourd'hui.
Issues de la proposition de loi déposée à l'Assemblée nationale et votée le 14 octobre dernier, ces dispositions s'inscrivent dans le droit-fil des conclusions des états généraux du sport et dans le prolongement du rapport de M. Jean-Pierre Denis.
Le premier article, le plus attendu tant par les clubs que par les joueurs, concerne la reconnaissance d'une rémunération du droit à l'image dans les sports collectifs.
Je vous rappelle qu'à l'heure actuelle la rémunération du droit à l'image existe - nous avons tous à l'esprit l'image de sportifs vantant tel ou tel produit commercial - mais il s'agit d'un droit à l'image à titre individuel.
Concrètement, cela consiste pour le club à négocier avec le sportif une rémunération contractuelle sous-évaluée par rapport à ce qu'il peut revendiquer, compensée par un versement correspondant au droit à l'image, et directement pris en charge par le sponsor ou par une société extérieure.
Cette part de rémunération, soustraite aux charges sociales patronales et salariales, ne donnera par conséquent pas droit au versement des prestations sociales pour le joueur et, de la même façon, ne sera pas comptabilisée pour le versement des droits sociaux lorsque le joueur décidera de quitter le club qui l'emploie.
En plus de ne bénéficier qu'à certains sportifs les plus médiatiques, un tel montage fragilise la situation du joueur.
C'est pour remédier à ces inconvénients que le dispositif que nous examinons prévoit de reconnaître aux sportifs professionnels un droit collectif, lorsqu'ils se trouvent dans une situation comparable à celle des artistes interprètes, c'est-à-dire qu'ils se « donnent à voir », non seulement à l'occasion de la rencontre à laquelle ils participent, mais aussi grâce à l'exploitation commerciale de leur prestation.
Une première partie de leur rémunération, en dessous d'un seuil conventionnel fixé, serait donc constituée d'un salaire, assujetti aux cotisations du régime général de sécurité sociale.
L'autre partie de la rémunération, qui ne pourra, en tout état de cause, dépasser 30 % de la rémunération totale, serait versée sous forme de redevances. Je vous rappelle que ces redevances, versées en application du contrat qui lie le professionnel à son employeur, ne seraient pas prises en compte pour le calcul des cotisations de sécurité sociale du régime général, mais seraient soumises à la contribution sociale généralisée, la CSG, et à la contribution au remboursement de la dette sociale, la CRDS.
Les joueurs du club, dans leur ensemble, profiteront du dispositif à partir d'une rémunération deux fois supérieure au plafond de la sécurité sociale ; s'ils le souhaitent, ce plancher pourra être augmenté par la négociation collective, discipline par discipline.
Un des grands mérites de ce dispositif est d'avoir pris en compte les trois principales préoccupations du monde sportif : ne pas créer de niches fiscales, assurer la transparence des rémunérations et, enfin, recevoir l'adhésion des joueurs.
En premier lieu, ce dispositif ne crée pas de niches fiscales. Il aligne la situation des sportifs professionnels sur celle d'une catégorie existante : les artistes interprètes. Sur le plan fiscal, la partie forfaitaire sera imposée au titre des bénéfices non commerciaux.
En second lieu, l'ensemble de la somme versée au sportif bénéficiant du dispositif apparaîtra sur sa feuille de salaire : une part salaire et une part forfaitaire. Les différentes instances de contrôle pourront ainsi veiller à la transparence des rémunérations et assurer un suivi de leur évolution.
Enfin, les syndicats des joueurs ont été associés à l'élaboration du texte. Leur adhésion a été acquise grâce à la garantie que l'intégralité du versement des droits sociaux a été maintenue. En effet, un plancher de rémunération, négociable, a été fixé au-dessous duquel la part de rémunération garde obligatoirement la nature d'un salaire. L'assiette sur laquelle sont prélevées les cotisations sociales ouvrant droit aux prestations - maladie, vieillesse, accidents du travail - est donc préservée.
Néanmoins, l'audition des représentants du monde sportif a fait apparaître que le texte pouvait donner lieu à une ambiguïté. Les entraîneurs des équipes sportives, toutes disciplines confondues, estimaient pouvoir profiter de ce dispositif, alors que les différentes instances représentatives considéraient qu'ils ne pouvaient pas en bénéficier.
Je pense, monsieur le ministre, que la situation mérite d'être éclaircie et c'est pourquoi je présenterai un amendement tendant à clarifier la rédaction du texte afin de savoir s'il faut ou non restreindre l'application du dispositif aux seuls joueurs employés par les clubs.
Par ailleurs, mes collègues en commission - je pense en particulier à M. Murat - se sont inquiétés de la situation du sportif dont l'image continuerait à être exploitée, notamment lors de retransmissions télévisées en différé, mais qui, ayant quitté le club ne bénéficierait plus du dispositif. Ce cas de figure a-t-il été envisagé ?
J'en viens maintenant à l'article 2, dont l'objet est de sécuriser les conditions de travail des sportifs sélectionnés en équipe de France.
Dans le secteur professionnel, les sportifs appelés en sélection et mis à la disposition de l'équipe de France pour participer aux compétitions internationales sont, par ailleurs, salariés des clubs avec lesquels ils participent aux compétitions nationales, leur contrat de travail n'étant pas, dans la pratique actuelle, suspendu pendant la période de sélection.
Cela pose deux sortes de difficultés.
D'une part, en vertu de l'article L. 125-3 du code du travail, leur situation risque d'être requalifiée en prêt de main d'oeuvre illicite.
D'autre part, la caisse nationale d'assurance maladie a considéré que, pendant la période de mise à disposition, le joueur n'était plus subordonné à son club employeur et qu'il n'était donc plus protégé par la législation sur les accidents du travail.
Pour remédier à cette situation, l'article 2 précise que ce joueur est, d'une part, dans une situation dérogatoire ne tombant pas sous le coup de l'interdiction du prêt de main d'oeuvre à but lucratif ; d'autre part, qu'il conserve sa qualité de salarié de l'association ou de la société sportive pendant cette période.
Une autre disposition, en apparence technique, a suscité bien des inquiétudes au sein du monde sportif : la suppression, à l'article 3, du versement de 1 % sur les contrats de travail à durée déterminée.
Cette taxe, instituée par la loi du 12 juillet 1990 pour financer le congé individuel de formation, visait à faire reculer la proportion d'emplois précaires, en incitant financièrement les employeurs à les transformer en emplois stables.
Or cette motivation n'existe pas dans le sport professionnel.
Sous l'impulsion des joueurs qui se considéraient emprisonnés par des contrats à durée indéterminée, les clubs ont généralisé, en 1973, le recours au « contrat à temps ».
Par conséquent, les contrats à durée déterminée représentent aujourd'hui la norme du sport professionnel qui fait partie des secteurs d'activité visés par le code du travail et pour lesquels la dérogation au droit commun du recours au contrat à durée indéterminée est admise.
Ainsi, un club qui n'aurait pas conclu un contrat à durée déterminée avec un joueur professionnel, conformément aux conditions prévues par la charte du football, ne pourrait faire homologuer ce contrat par la ligue.
Il est justifié que les clubs professionnels puissent bénéficier de l'exonération du prélèvement du « 1 % CDD » comme le prévoit le texte du présent article.
Bien sûr, cette taxe, censée financer les dispositifs de formation professionnelle des sportifs en vue de leur reconversion, doit être remplacée.
J'entends déjà, ici et là, les inquiétudes de celles et ceux pour qui la suppression de la taxe met en péril les dispositifs de reconversion professionnelle des joueurs alors même que moins de la moitié des clubs s'acquittent de cette taxe et que les dispositifs de reconversion financés par son produit sont quasiment inexistants. Sa disparition doit précisément être l'occasion de remettre à plat les structures de formation.
Deux disciplines, le football et le rugby, ont su mettre en place, par la négociation collective, des structures qui suivent, conseillent, voire accompagnent les joueurs dans la perspective de leur reconversion professionnelle.
Il s'agit pour le football d'Eurosport Reconversion, qui est financé par les cotisations des joueurs, les abondements de la fédération et de la ligue professionnelle, ainsi que par le reversement d'une partie des droits de retransmission télévisée des matchs. Cette structure existe depuis dix ans maintenant et présente des résultats satisfaisants. Le rugby a pris ce modèle pour créer l'Agence XV.
A l'instar de ces deux disciplines, les sportifs ont tout à gagner à négocier avec leurs représentants la mise en place de structures qui leur permettront de bénéficier de formations adaptées et s'occuperont efficacement de leurs carrières.
Je terminerai par deux dispositions plus techniques : la levée de l'interdiction absolue de la multipropriété des sociétés sportives et la participation des sociétés sportives au fonctionnement des fédérations, qui font respectivement l'objet des articles 4 et 5.
La première revient sur un principe consistant à considérer la détention de parts par un même actionnaire dans deux sociétés sportives de la même discipline comme une menace à l'équité sportive.
L'interdiction absolue qui en a découlé n'est plus aujourd'hui adaptée à la structure financière des clubs et à la règle européenne de la concurrence consacrant le principe de libre circulation des capitaux.
Aussi, sans mettre en péril l'équité sportive, une multipropriété limitée est aujourd'hui acceptable.
Il est donc proposé d'autoriser un actionnaire unique à détenir des titres de plusieurs sociétés sportives relevant d'une même discipline, mais en lui interdisant d'en avoir le contrôle économique. Ce garde-fou doit empêcher toute possibilité d'exercer des manoeuvres pour influencer le comportement d'une équipe lors d'une compétition.
A l'article 5, les sociétés sportives, c'est-à-dire les clubs, sont réintégrées au sein des structures des fédérations sportives.
Evincées par la loi du 6 juillet 2000 relative à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives au prétexte que leur caractère lucratif était en contradiction avec la nature associative des fédérations, elles n'ont en réalité jamais cessé de participer à la vie fédérale.
L'interpénétration n'est, en tout état de cause, que la traduction de la solidarité qui lie le sport amateur au sport professionnel et doit être encouragée comme telle.
En réintégrant formellement les sociétés, cet article ne fait que préciser la loi du 16 juillet 1984 relative à l'organisation et à la promotion des activités physiques ou sportives telle que modifiée par la loi du 1er août 2003. Cette dernière permet à des organismes à but lucratif dont l'objet est la pratique d'une ou plusieurs disciplines de prendre part aux instances de direction des fédérations sportives dans les conditions fixées par les statuts.
Pour conclure, je voudrais attirer votre attention sur le point suivant. Si les dispositions que je viens de vous présenter vont dans le sens de la modernisation du droit applicable au sport professionnel, elles ne résolvent pas, bien entendu, l'ensemble des difficultés que rencontrent nos clubs et nos sportifs.
La délicate question de la reconversion professionnelle des sportifs de haut niveau a été abordée, mais elle mérite une réflexion plus approfondie. La fin de carrière est une des grandes préoccupations des joueurs professionnels d'autant qu'ils doivent gérer les séquelles physiques résultant de la dureté des entraînements et du rythme des compétitions.
L'idée de proposer aux sportifs un produit d'épargne adapté qui leur permettrait de réserver une partie de leur rémunération contractuelle dans la perspective de leur fin de carrière est une piste, mais il y en a d'autres.
Les clubs ont une responsabilité évidente en la matière. Les centres de formation devraient permettre aux jeunes de suivre des formations diplômantes valorisées sur le marché du travail quand ils ne seront plus en mesure de participer aux compétitions.
Dans le cadre de la décentralisation, les régions, investies d'une compétence générale en matière de formation, doivent être sensibilisées à ce sujet. Certaines ont déjà mis en place - parfois, depuis 1993, je pense à une région en particulier - des dispositifs de formation destinés aux sportifs.
Bref, monsieur le ministre, mes chers collègues, le présent texte est une étape, nécessaire, mais pas encore totalement suffisante. Sous réserve de ces observations, la commission des affaires culturelles vous propose d'adopter cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées de la commission, sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, sans allonger nos débats, je voudrais apporter ma contribution à notre réflexion. Je félicite et remercie le rapporteur, M. Jean-François Humbert, de son excellent exposé, clair et précis.
Je souhaite, en premier lieu, souligner le caractère quelque peu exceptionnel de l'examen d'une proposition de loi adoptée par l'Assemblée nationale, dans le cadre de cette séance mensuelle réservée du Sénat. L'urgence du dossier m'a conduit à faire cette demande à la conférence des présidents qui a bien voulu l'accepter. Sans cela, monsieur le ministre, le calendrier particulièrement chargé de la session, d'ici à la fin de l'année, n'aurait pas permis au Gouvernement de l'inscrire à l'ordre du jour prioritaire du Sénat. Or, il me paraissait important de faire bénéficier dans les meilleurs délais nos clubs professionnels de nouvelles dispositions, indispensables pour leur permettre d'être plus attractifs sur la scène européenne et diminuer, voire stopper, l'évasion de nos joueurs.
La commission des affaires culturelles se montre très attentive aux préoccupations du monde sportif. Nous avons organisé le 4 mars 2004 un colloque sur le thème « Sport, argent, médias », auquel vous avez bien voulu participer, monsieur le ministre, et qui nous a permis de mieux appréhender le caractère indispensable de l'adaptation de la législation dans ce domaine.
Le texte qui nous est soumis aujourd'hui tend à assurer un meilleur équilibre et devrait aider le mouvement sportif à s'adapter à son nouvel environnement socio-économique, national et européen. Comme le rapporteur l'a souligné, e texte n'est qu'un premier pas, certes nécessaire, mais insuffisant pour régler tous les problèmes. Le rapport de M. Jean-Pierre Denis comportait d'autres pistes de réflexion, que nous devrons traduire au plan législatif.
Il est évident que la volonté d'harmonisation fiscale et sociale au niveau européen pourra, dans l'avenir, constituer un élément de stabilisation et devrait permettre d'éviter une concurrence anormale et déloyale. Enfin, comment ne pas s'interroger sur les scandales liés à des malversations financières qui font la une des journaux et marquent l'opinion, compromettant l'image du football en particulier ?
Cela nous incite à poursuivre notre réflexion : je pense, également, à la nécessaire moralisation de la profession d'agent de joueurs, qui doit être réglementée et encadrée.
Je ne doute pas, monsieur le ministre, que vous saurez nous proposer de nouvelles mesures législatives dans tous ces domaines.
A cet égard, nous formons le voeu que les textes sur le dopage, qui sont très attendus, soient rapidement soumis à l'examen du Parlement.
En conclusion, je souhaite vous dire, monsieur le ministre, après le succès des états généraux que vous avez organisés et que rappelait Jean-François Humbert, que nous apprécions le dialogue fructueux que vous avez su nouer avec les parlementaires et que, de ce fait, nous soutenons votre action.
J'ajoute enfin que le Sénat, à travers sa commission des affaires culturelles et le groupe d'études du sport qui lui est rattaché, apportera son soutien à la candidature de Paris et de la France aux jeux Olympiques de 2012 et que je proposerai à M. le président du Sénat d'organiser une manifestation en ce sens au cours des prochains mois. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
Mme la présidente. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe Union pour un mouvement populaire, 33 minutes ;
Groupe socialiste, 23 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 11 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 9 minutes ;
Groupe du rassemblement démocratique et social européen, 8 minutes.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Jean-Marc Todeschini.
M. Jean-Marc Todeschini. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que nous sommes aujourd'hui appelés à examiner se veut, nous dit-on, dans la continuité des états généraux du sport qui se sont tenus du 16 septembre au 8 décembre 2002, et dans la concertation la plus totale, concertation telle qu'aujourd'hui nous sommes amenés à nous prononcer un peu trop rapidement, et je le regrette.
Trop rapidement, car je constate qu'un projet de loi était en préparation au ministère (M. le ministre fait un signe de dénégation.), à la suite du rapport que vous aviez vous-même commandé, monsieur le ministre, au mois de septembre 2003 à Jean-Pierre Denis, inspecteur des finances.
Ce projet de loi ne faisait pas l'unanimité dans le mouvement sportif, vous le savez bien. Je suis donc surpris qu'il revienne devant le Parlement sous la forme d'une proposition de loi présentée par deux députés de la majorité.
Doit-on y voir la volonté du Gouvernement d'avancer masqué en se dégageant de toute responsabilité juridique, notamment en évitant l'avis du Conseil d'Etat ?
En effet, ce texte intervient dans un contexte de désengagement budgétaire de l'Etat dans le domaine du sport, puisque, hors FNDS, les crédits pour 2005 sont en diminution de 3 %.
Cette situation témoigne de l'indifférence totale qui est celle du Gouvernement pour la fonction éducative, sociale et citoyenne du sport. Les mots sont forts, mais le constat est malheureusement réel.
Depuis août 2003 et l'adoption de la loi qui porte votre nom, monsieur le ministre, se dessine l'omniprésence de la dimension économique dans le sport, dont je doute qu'elle soit la résultante dominante des états généraux, et je vais m'en expliquer.
Sans entrer, pour l'instant, dans le détail du texte, on retient, à la lecture des articles, la vision générale suivante : sous couvert de renforcer l'attractivité des clubs professionnels et d'apporter une réponse à des attentes très ciblées des dirigeants les plus libéraux du sport professionnel, cette proposition vise à alléger les charges fiscales et sociales des clubs et des sportifs les plus riches, à assimiler les entreprises sportives au droit commun commercial et à favoriser l'entrée de ce secteur commercial dans les réseaux associatifs sportifs.
Or, si je me réfère aux conclusions des états généraux du sport, je constate que 90 % des préconisations formulées à l'issue de cette concertation nationale concernaient le renforcement de la vie associative et l'amélioration de ses relations avec les pouvoirs publics au service de la fonction éducative, sociale et citoyenne du sport et que 5 % seulement se rapportaient aux entreprises et au sport spectacle !
Par cette proposition de loi, on a voulu répondre en priorité à ces 5 %, en ignorant les autres.
Quelle image donne ce texte de la solidarité et de l'unité qui anime le sport ?
Avec cette proposition de loi, la compétition sportive au sens le plus noble devient concurrentielle, marchande, sélective, en quête de profit financier.
M. Charles Revet. Que ne faut-il pas entendre !
M. Jean-Marc Todeschini. C'est la fin du sport de masse, l'exclusion des publics les moins favorisés, la séparation annoncée entre le sport professionnel et le mouvement sportif. A quand, finalement, la cotation en bourse des clubs professionnels ? (Exclamations sur le banc de la commission et sur celui du Gouvernement ainsi que sur certaines travées de l'UMP.)
M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Vous n'y allez pas avec le dos de la cuillère, vous prenez carrément une louche !
M. Jean-Marc Todeschini. J'ai été à bonne école, monsieur le président de la commission, en vous voyant faire pendant un an, sous un précédent gouvernement !
Face à la pression de certains présidents de clubs de football, continuerez-vous, monsieur le ministre, à vous opposer, alors que ce texte ouvre une brèche ?
Si, dans la pensée, chacun s'accorde à dire que le sport est vecteur de lien social et à reconnaître aux champions des vertus identitaires, en revanche, dans les actes, les visions s'opposent. L'empreinte libérale de la majorité gouvernementale se retrouve ici même avec ce texte qui confirme la politique actuelle de cadeaux fiscaux aux plus riches, telle qu'on la retrouve, d'ailleurs, exprimée dans le projet de loi de finances pour 2005.
M. Jean-Pierre Bel. C'est logique !
M. Jean-Marc Todeschini. Cette empreinte libérale se retrouve donc, en toute logique, dans presque tous les articles que nous avons à examiner, hormis l'article 2. Cela en fait au moins un, me direz-vous !
En effet, cet article 2 vise à sécuriser heureusement la situation juridique des sportifs sélectionnés en équipe de France et concerne, enfin, tous les sports ! C'est indéniable, garantir l'accès au régime d'accident du travail est une bonne mesure.
Encore faudra-t-il veiller à ce que l'application de cette disposition n'entraîne pas de transferts de charges vers les fédérations, puisqu'elles sont financées, pour partie, par les licences des sportifs quels qu'ils soient, et que le prix des licences est déjà suffisamment élevé, ce qui se ferait alors au détriment d'une meilleure accessibilité de tous aux pratiques sportives.
Quant au reste de cette proposition de loi, deux axes se dégagent.
Le premier axe du texte consiste à vouloir rendre plus performants les clubs professionnels français, de football en particulier, dans la mesure où de nombreuses études ont pu relever le déficit de compétitivité de nos clubs professionnels vis-à-vis de leurs principaux concurrents que sont les clubs britanniques, espagnols et italiens.
Pour ce faire, on nous propose d'adopter deux articles, l'article 1er concernant la rémunération de l'image collective des équipes professionnelles et l'article 3 prévoyant la suppression du prélèvement de 1 % sur la masse salariale pour les CDD.
L'article 1er sert effectivement les sportifs professionnels en les assimilant fiscalement aux artistes interprètes et en abaissant le taux d'imposition des revenus qu'ils perçoivent au titre du droit à l'image.
Vous assimilez alors le sport à une activité culturelle, soit. Pour autant, l'objectif visé est bien d'exonérer des charges habituelles les recettes qui proviendraient de ce droit, en considérant ces recettes non plus comme un salaire mais comme une redevance. Dès lors, la question de l'exonération de la taxe professionnelle et de la TVA finira par se poser, puisqu'au plan fiscal la partie redevance sera imposable dans la catégorie des bénéfices non commerciaux et ne supportera donc ni la TVA ni la taxe professionnelle.
Le risque est donc grand, et du coup inacceptable, pour éviter l'hémorragie des joueurs vers des pays plus fiscalement attrayants, de commencer à ouvrir aux sportifs professionnels une porte pour sortir du droit fiscal commun, ce qui, je le crains, ne sera pas d'un grand secours à la compétitivité de nos clubs.
L'article 3, très critiquable à mon sens, prévoit la suppression du versement de 1 % sur les contrats de travail à durée déterminée. C'est une mesure de régression en parfaite adéquation avec la politique du Gouvernement d'affaiblissement du droit social et de destruction du code du travail.
Certes, le CDD d'usage est la norme dans le sport professionnel. Mais, dans la pratique, peu de CDD sont menés jusqu'à leur terme. Ils sont souvent résiliés au gré des opportunités financières sur le marché des transferts si bien que certains s'apparentent plus à des contrats d'intérim.
Par ailleurs, on sait combien est courte la durée de la carrière d'un professionnel et que le monde du sport professionnel laisse de plus en plus de jeunes sans avenir au bout de quelques années de vie dorée. Dès lors, j'ai du mal à comprendre la philosophie de cet article.
Cette suppression est choquante sur plusieurs points.
D'abord, elle permet à une catégorie d'échapper au financement de la formation et de la reconversion des sportifs, qui est pourtant une noble tâche.
Ensuite, elle va exclure des prélèvements obligatoires de très hauts salaires, les salaires de ceux qui n'auront aucun souci de formation et de reconversion.
Enfin, la grande masse des professionnels de tous les sports, qui sont loin, eux, de toucher des sommes mirobolantes et qui connaîtront ces soucis, sera privée de cette ressource.
Cela n'est pas concevable, d'autant que cette suppression, dont on sait qu'elle est l'émanation de pressions des clubs de football, ne fait pas l'unanimité au sein du mouvement sportif, notamment parmi le monde du rugby. (M. le ministre s'exclame.)
Elle est injuste et inadmissible, car les CDD au SMIC continueront, quant à eux, à être assujettis au prélèvement de 1 % ! A l'heure où est lancé le plan Borloo, on nous affiche ici une drôle de cohésion sociale. Il me semblait pourtant que dans le monde du sport on avait l'habitude de jouer plus collectif !
Toutefois, malgré ces vives critiques à l'égard de cette proposition de loi, nous n'entendons pas ignorer les problèmes que rencontrent les clubs français en matière d'attractivité. C'est pourquoi nous ferons, lors de l'examen des amendements, une proposition de création pour six mois d'une commission regroupant...
M. Charles Revet. Encore une !
M. Jean-Marc Todeschini. ...des représentants de l'Etat, des parlementaires et, bien entendu, des représentants du monde sportif.
Cette commission serait chargée d'étudier la question des salaires élevés octroyés à des personnes effectuant une carrière professionnelle de courte durée et de formuler des propositions, au regard du droit, en matière fiscale et sociale, propositions qui ne porteraient pas atteinte au principe d'égalité et qui ne risqueraient pas d'être entachées d'inconstitutionnalité.
J'en viens maintenant au second axe du texte, qui entend réviser l'organisation et la promotion des activités physiques et sportives en assouplissant les règles de la multipropriété et en réintégrant les sociétés sportives dans la vie fédérale.
Ces mesures traduites dans les articles 4 et 5 sont sujettes à contestation tant elles permettent à l'économie de prendre largement le pas sur le sport, l'éthique et l'équité sportive.
Alors, sur l'article 4, qui, il faut être honnête, concerne essentiellement le football professionnel, les rédacteurs de cet article nous proposent de lever l'interdiction légale de la multipropriété dans les sociétés sportives, au motif que la Commission européenne juge cette interdiction excessive et disproportionnée.
Pourtant, cette interdiction est la mesure indispensable à la préservation de l'équité d'une compétition. Par ailleurs, elle permet d'empêcher les manoeuvres éventuelles pouvant influencer le comportement d'une équipe lors d'une compétition.
Les rédacteurs font référence à la Commission européenne. Moi, je fais appel à la déclaration annexée au traité de Nice, déclaration à laquelle il vous incombait aussi de vous conformer.
Cette déclaration constituait une première étape d'harmonisation européenne du mouvement sportif, de ses principes les plus respectables, de son développement.
Elle ne valide pas le concept d'exception sportive, qui a pour objet d'écarter le sport des règles du traité de Maastricht.
Cette déclaration, je le rappelle, consacrait dix-sept points, dont la reconnaissance du rôle des fédérations nationales, la protection des politiques de formation, l'interdiction de la multipropriété des clubs et la nécessité de réglementer les transferts. Ce sont des points que l'on retrouve dans cette proposition de loi, mais appliqués en sens contraire ! Quelle belle référence à l'harmonisation européenne du sport !
L'article 5, véritable coup de tonnerre pour les amateurs et les petits clubs, autorise les sociétés sportives à être membres des fédérations, revenant ainsi sur la loi Buffet.
Cette loi prévoyait une participation des sociétés sportives par contractualisation, c'est-à-dire selon un mode consacré par la pratique commerciale, et non par l'adhésion, ce qui assurait une sécurité certaine à l'égard des dérives éventuelles.
Désormais, avec cet article, le risque est grand d'affaiblir les fédérations et de rompre l'équilibre existant. Les ligues professionnelles finiront par devenir les porte-parole des sociétés sportives et exerceront une tutelle, encore une fois, au détriment de la masse des pratiquants.
En conclusion, il ne me semble pas que les dispositions que nous examinons régleront les problèmes de nos sportifs professionnels. Au contraire, elles vont creuser le fossé entre les amateurs, les dirigeants bénévoles et le monde du sport spectacle !
Avec cette proposition de loi, on nous propose finalement de remplacer nos compétitions sportives par des compétitions économiques, nos terrains verts par les tapis de la bourse, où l'arbitrage se fera par le « fric », le but pour le coup sera en or, au sens le plus matériel ! (M. le président de la commission ainsi que M. le rapporteur s'exclament.) Cette image, je la refuse, tout comme la refuse le groupe socialiste.
C'est pourquoi, au nom de la fonction éducative, sociale et citoyenne du sport, nous voterons contre cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Murat.
M. Bernard Murat. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'organisation du sport professionnel en France fait l'objet, depuis plusieurs années, d'une réflexion menée par les pouvoirs publics afin que soit édifié dans notre pays un sport professionnel de valeur et la proposition de loi que nous examinons ce soir s'inscrit dans le droit-fil des recommandations formulées.
Comme dans bien d'autres domaines qu'il souhaite réformer, le Gouvernement a privilégié la concertation.
A la suite des états généraux du sport qui se sont conclus à la fin de 2002, et qui ont abouti, je le rappelle, à l'adoption de deux textes législatifs importants, l'un du 30 décembre 2002 et l'autre du 1er août 2003, vous avez, monsieur le ministre, toujours soucieux de mieux appréhender les enjeux auxquels fait face le sport professionnel, engagé plus précisément la réflexion en la matière.
Dans un rapport remis voilà moins d'un an, Jean-Pierre Denis, inspecteur des finances, a dressé le constat des différences de compétitivité existant entre les clubs français et ceux des pays européens, dues en partie au poids des prélèvements obligatoires sur les joueurs, qui sont des contribuables français comme les autres.
Dans ce rapport étaient également évoquées quelques pistes de réforme, qui ont ensuite été étudiées par une commission de travail au sein du ministère et reprises dans le cadre de cette proposition de loi.
Ce texte représente donc une avancée, qui rencontre l'assentiment des milieux sportifs, toutes disciplines confondues, avec pour objectif de rendre nos clubs professionnels plus compétitifs au niveau international, capables de rivaliser avec les plus grands clubs européens.
Cette avancée doit être poursuivie avec détermination. Nous savons, monsieur le ministre, que telle est votre volonté. Nous vous y aiderons.
Comme l'a rappelé notre excellent rapporteur, Jean-François Humbert, il est apparu nécessaire d'améliorer tout d'abord la situation du sport professionnel au regard des prélèvements sociaux.
En conséquence de l'article 1er du texte proposé, relatif à la rémunération de l'image collective des équipes professionnelles, les sportifs professionnels seront dorénavant soumis à un régime distinguant dans leur rémunération un salaire assujetti aux cotisations sociales du régime général de sécurité sociale et des redevances représentant l'exploitation de leur image, qui ne seront pas soumises aux charges sociales.
Cette mesure est demandée depuis longtemps pour pouvoir rivaliser avec les clubs européens. Cet aménagement est justifié par la proximité de situation des joueurs professionnels avec celle des artistes interprètes. Le droit à l'image visé ne concernera pas uniquement les sportifs à forte notoriété, qui ont déjà des contrats de publicité, mais visera la grande majorité des joueurs professionnels, qui n'ont pas d'autres moyens de rémunération de leur image.
Surtout, nous allons vers plus de transparence.
Monsieur le ministre, permettez-moi, à titre personnel, de souligner que les entraîneurs, bien qu'ils restent libres de valoriser leur image à titre individuel ou par contractualisation avec leur club, participent à la valorisation de l'image de leur équipe et que, à ce titre, il serait peut-être judicieux que leur soit appliqué ce dispositif.
N'oublions pas que l'Europe a aussi le regard tourné vers nos meilleurs entraîneurs. Quand on cite les performances d'un club dans une compétition, on précise toujours le nom de l'entraîneur en référence.
La question se pose aussi pour les sportifs dont l'image continuerait à être exploitée, par exemple lors de rediffusions télévisées, mais qui auraient quitté le club et ne bénéficieraient donc plus du droit institué par le dispositif. Elle se pose également pour les héritiers des sportifs.
Je proposerai une piste qui pourrait éventuellement être approfondie, à savoir la création d'une sorte de structure de mutualisation de la gestion des droits correspondant à la valorisation de l'image collective. Ce type de dispositif existe déjà pour les artistes interprètes et nous pourrions, par exemple, nous inspirer de la société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique, la SACEM.
L'article 3 prévoit la suppression du versement de 1 % sur les contrats de travail à durée déterminée. La motivation du législateur était, en instaurant ce versement, d'encourager la transformation des emplois temporaires en emplois durables. Or ce n'est pas possible dans le cadre du sport professionnel en raison de sa spécificité, puisque le contrat à durée déterminée y est la règle, la durée d'engagement d'un sportif étant par nature limitée. Il n'est donc pas logique de faire entrer le sport professionnel dans le champ d'application de la loi.
De plus, si la cotisation de 1 % a également pour objet de financer les congés individuels de formation, force est de constater que les sportifs ne profitent quasiment jamais de ces congés. La solution est à rechercher ailleurs, toujours en raison du caractère spécifique de cette profession. Pour le moment, l'essentiel de la reconversion des joueurs est assuré par leurs syndicats professionnels, auxquels ils cotisent.
D'autres pistes de réforme peuvent être envisagées. Des solutions d'aide aux clubs ne doivent pas faire oublier que le sport professionnel est en attente d'une harmonisation de la fiscalité européenne. A de nombreuses reprises, notamment dans le rapport Denis, a été évoqué en particulier le remplacement de la taxe sur les spectacles par une TVA à taux réduit.
Il faudra aussi trouver des solutions pour la formation en vue d'une reconversion. Beaucoup de joueurs professionnels entament une seconde vie professionnelle en tant qu'entraîneurs. Il est donc de notre devoir de faciliter cette évolution naturelle au bénéfice des clubs français.
Ensuite, s'est imposée l'idée qu'il fallait réduire le décalage existant entre le droit et la réalité.
Ainsi, l'article 2 relatif à la sécurisation de la situation de travail des sportifs sélectionnés en équipe de France crée une dérogation à l'interdiction du prêt de main-d'oeuvre à but lucratif pour les sportifs sélectionnés en équipe de France. Il s'agit d'une mesure de bon sens.
Les sportifs ayant l'obligation d'être à la disposition de l'équipe de France, il faut empêcher une qualification éventuelle en prêt de main-d'oeuvre illicite.
En matière d'accidents du travail, la caisse nationale d'assurance maladie pouvait remettre en cause la couverture accident en estimant que le lien de subordination entre le joueur et le club employeur n'existait plus.
Les mesures proposées aux articles 4 et 5 rassureront les investisseurs potentiels. Il s'agit d'un signe fort qui leur est adressé. Les clubs ont besoin de la participation d'investisseurs privés pour fonctionner et atteindre un niveau comparable à celui des autres clubs européens. C'est une réalité !
L'article 4 autorise la prise de participation dans le capital de plusieurs entreprises par les sociétés sportives.
Il répond aux directives européennes, les clubs risquant de faire l'objet de procédures si l'on ne modifie pas notre législation.
Une garantie est prévue : si l'on peut être actionnaire dans plusieurs sociétés sportives, on ne peut en revanche être majoritaire que dans une seule. La situation est identique dans le rugby.
En s'en tenant au droit antérieur, on finirait par aboutir à des ligues fermées, sur le modèle anglo-saxon.
Pour autant, je ne méconnais pas les critiques selon lesquelles un même actionnaire qui investirait dans plusieurs clubs engagés dans une même compétition pourrait avoir un effet sur la qualité du recrutement en raison d'une péréquation qui ne serait pas tout à fait égalitaire.
M. Jean-Marc Todeschini. Ou sur les matches ?
M. Bernard Murat. C'est une question qui peut être posée.
Une fois encore, cette proposition de loi ouvre le champ à la réflexion. Elle représente une avancée significative et peut être améliorée. A tout le moins, elle a le mérite d'exister.
L'article 5, pour sa part, autorise la participation des sociétés sportives au fonctionnement des fédérations sportives.
Il s'agit, en fait, de tirer les conséquences des dispositions de la loi du 16 juillet 1984 relative à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives. L'article vise à faciliter la coopération entre le secteur associatif et le sport professionnel.
Voilà bien la preuve de la solidarité et de la spécificité françaises ! Les fédérations ont besoin de cette mesure pour assurer leur situation financière.
Monsieur le ministre, j'ai eu l'occasion de le souligner, d'autres points sont à étudier concernant le sport professionnel, d'autres réformes restent à faire, en particulier sur le statut des agents de joueurs, dont le rôle doit être rapidement précisé et mieux encadré.
Cette proposition de loi apporte déjà des réponses très positives et répond aux attentes du milieu sportif professionnel. Elle a aussi le mérite de respecter la spécificité du sport français, à savoir l'existence d'une véritable solidarité entre le sport professionnel et le sport amateur.
Je sais, monsieur le ministre, que vous luttez au niveau européen pour que cette spécificité soit reconnue et - pourquoi pas ? - pour qu'elle guide le travail d'harmonisation des réglementations, auquel vous participez.
La commission des affaires culturelles du Sénat sera à vos côtés pour vous soutenir dans cette action.
Monsieur le ministre, le groupe de l'UMP vous félicite encore une fois de votre volonté de rendre plus transparente l'activité sportive et votera donc cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
Mme la présidente. La parole est à M. André Vallet.
M. André Vallet. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi qui nous est soumise ce soir, sur l'initiative de nos collègues députés, nous amènent au constat que le sport professionnel - on peut le regretter mais c'est ainsi - est devenu un objet économique, notamment en raison de l'ensemble des moyens et des produits financiers qu'il génère.
Ce texte s'efforce de rompre avec le refus de concilier la nécessaire éthique du sport et l'approche économique des marchés financiers.
Les modes de gestion mis à la disposition des représentants de ce secteur d'activité n'ont pas su évoluer en même temps que le sport professionnel lui-même.
Aujourd'hui, les dirigeants des clubs demandent plus de souplesse, plus d'autonomie dans la gestion de cette activité qui, à l'évidence, est devenue économique.
Le dispositif qui nous est proposé répond à ce souhait, notamment en ce qui concerne les prélèvements sociaux, en allégeant et en modernisant les prélèvements fiscaux sur les clubs professionnels et en reconnaissant aux joueurs un droit à l'image sur le modèle de celui des artistes interprètes.
II s'agit là d'une avancée importante du cadre législatif et fiscal du sport professionnel. Le groupe de l'Union centriste rappelle son attachement à une telle évolution juridique.
En outre, les mesures qui nous sont proposées constituent une première réponse aux demandes insistantes formulées par un sport professionnel français inquiet de son retard sur ses rivaux européens en matière de compétitivité et d'attractivité économique.
En premier lieu, lors du colloque organisé au Sénat le 4 mars 2004, la reconnaissance d'un véritable droit à l'image a été suggérée. Ce nouveau droit permettrait de distinguer, dans les rémunérations, entre ce qui a trait aux prestations sportives proprement dites et ce qui relève de la personne des sportifs ou de l'exploitation de leurs performances. Une part croissante de la rémunération versée aux joueurs salariés devient la contrepartie effective de l'exploitation médiatique de l'image collective de l'équipe à laquelle ils appartiennent.
Ce dispositif présente l'avantage de soustraire une partie de la masse salariale aux charges sociales en rendant plus compétitifs les clubs et plus attractif notre territoire. Cela est particulièrement important vis-à-vis de tous les talents susceptibles de venir y exercer leur activité.
Aujourd'hui, c'est plutôt le contraire. Notre rapporteur nous en a donné tout à l'heure plusieurs exemples.
Par ailleurs, cette proposition de loi prévoit de supprimer le prélèvement de 1 % de la masse salariale sur les contrats à durée déterminée des sports professionnels, pour financer le congé individuel de formation des entraîneurs et joueurs professionnels, dès lors que ces contrats ne correspondent pas à des emplois précaires.
Cette disposition du code du travail a pour objet d'éviter qu'une entreprise ne se contente de créer des emplois précaires quand elle pourrait créer des emplois stables.
Dans la mesure où le contrat à durée déterminée est la règle dans le sport professionnel, ce prélèvement n'a que peu de sens et il est nécessaire d'adapter la législation à l'impossibilité de conclure de tels contrats dans ce secteur.
Quelle que soit la qualité de cette proposition de loi, à laquelle le groupe de l'Union centriste adhère largement, je pense que seule une harmonisation européenne peut permettre une concurrence loyale, du point de vue tant fiscal qu'organisationnel.
M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Absolument !
M. André Vallet. C'est le cas notamment de la législation sur les clubs en déficit. La direction nationale du contrôle de gestion, chargée d'assurer en France le contrôle juridique et financier des clubs sportifs affiliés, peut décider de rétrograder un club de football en division inférieure dès lors qu'il se trouve dans une situation financière difficile. A l'inverse, les clubs italiens ou espagnols, en particulier, bénéficient de la plus grande mansuétude de la part de leurs fédérations respectives, quand le Gouvernement n'intervient pas directement pour couvrir une partie des dettes des clubs, comme ce fut le cas en Italie.
M. André Vallet. Je souhaite, avec mes amis du groupe de l'Union centriste, une très rapide harmonisation européenne, qui permettrait également de privilégier un équilibre entre équité, égalité et rentabilité. Nous ne devons pas renoncer aux grandes lignes de notre modèle, mais nous devons l'améliorer et faire plus et mieux pour assurer sa promotion au niveau européen.
C'est un premier pas. Le président de la commission et le rapporteur l'ont souligné tout à l'heure : cette proposition de loi va dans le bon sens. C'est la raison pour laquelle le groupe de l'Union centriste la soutiendra. (Très bien et applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-François Voguet.
M. Jean-François Voguet. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, sous couvert de l'assurance d'une plus juste rémunération des sportifs professionnels et d'une meilleure prise en compte des différents éléments de leurs activités, cette proposition de loi vise en fait à améliorer la rentabilité financière des clubs professionnels français, en particulier de football, dans un contexte économique de libre concurrence accrue au niveau européen.
Certes, le sport professionnel s'inscrit dans un contexte international, européen et mondial. Il devenait nécessaire que les évolutions actuelles, liées à l'économie de l'image et de la publicité, soient mieux prises en compte dans la rémunération des joueurs eux-mêmes. Mais, si tel était votre véritable objectif, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, pourquoi ne pas réserver ces nouvelles mesures aux seules sociétés sportives, en excluant du champ d'application de cette proposition de loi les associations qui structurent le sport professionnel dans de nombreuses disciplines ?
Par ailleurs, aveuglés par la volonté de réduire ce que vous appelez les charges sociales, vous faites abstraction de la réalité qui fait coexister, dans le sport professionnel, parfois même au sein d'une même discipline, des disparités toujours plus grandes en terme de revenus et de situations.
Vous le savez, dans ce secteur, il n'y a pas que des vedettes à la reconversion facilitée par de confortables revenus. Il existe aussi des smicards, des précaires, des chômeurs et des laissés-pour-compte.
Or, dans votre réforme, vous ne prenez en considération que ceux que tout le monde s'arrache. Vous oubliez le joueur qui n'est pas sûr de jouer, qui reste sur le banc, qui a peur de perdre son emploi en fin de saison et dont la reconversion est incertaine. Je crois donc qu'il y a lieu de poursuivre la réflexion sur le sport professionnel, et ce rapidement.
Par ailleurs, la pratique sportive n'est pas seulement une activité économique. Elle s'inscrit plus globalement dans l'ensemble des activités de l'éducation physique et sportive, dont les finalités ne peuvent se réduire à la valorisation marchande de ces pratiques.
En renforçant dans quelques disciplines les conditions du développement d'une industrie du sport fondée sur la marchandisation du « spectacle » sportif, vous allez dans les faits déstabiliser ce secteur et séparer ce qui doit être uni, en créant un véritable fossé entre le sport amateur et le sport professionnel, entre le sport de haut niveau et le sport de masse, entre les disciplines très médiatisées et celles qui le sont moins, voire pas du tout.
En favorisant ainsi certaines disciplines, vous allez réduire les financements possibles pour le plus grand nombre des autres activités sportives, y compris de haut niveau. De plus, vous ouvrez les portes des fédérations aux sociétés sportives à but lucratif, bien sûr, mais aussi à toutes celles qui concourent à la pratique sportive : pourquoi pas, dès lors, aux équipementiers, aux organisateurs de spectacles, voire aux grands sponsors ?
Vous allez ainsi entraîner l'ensemble de ces pratiques sur le terrain de la concurrence et de la rentabilité financière, en faisant entrer le pouvoir marchand au sein des fédérations.
Enfin, en autorisant la multipropriété de sociétés sportives, même de façon réglementée, vous favorisez la mise en place de véritables « industries du sport ». Vous introduisez ainsi un élément contraire aux principes mêmes et aux règles du sport de compétition, sans parler de la mise à mal de son éthique.
Faut-il rappeler ici que les pratiques sportives participent au développement individuel et social de l'individu, à sa santé et à son bien-être, à sa culture et à son éducation ? Le sport est en effet un élément important de notre culture, comme l'a dit le président de la commission des affaires culturelles. Il intègre des comportements, des rites, des représentations, des normes et des valeurs qui sont avant tout d'ordre éthique, esthétique, pédagogique, politique et, finalement, de partage et de solidarité.
En tant que sénateurs représentant les collectivités locales, nous savons tous que le sport représente dans nos communes le plus grand volet de l'engagement bénévole. La création et la gestion des clubs sportifs sont des chantiers permanents dans lesquels l'éducation et l'action sociale sont toujours présentes.
On contribue à bâtir une communauté humaine lorsque l'on apprend ensemble, solidairement, dans la proximité de nos territoires, à construire des équipements, à organiser des rencontres, à négocier l'utilisation d'installations communes, à gérer des besoins, des attentes, des « possibles », des victoires et des défaites.
Certes, depuis de nombreux mois, les grands clubs professionnels, essentiellement de football, réclament des mesures financières pour ne plus être, comme ils disent, « handicapés » par rapport aux autres formations européennes. Mais, au lieu d'ajustements pour une plus juste rémunération des joueurs, souci que nous pourrions partager, c'est de tout autre chose qu'il s'agit.
Votre objectif est, là comme ailleurs, de mettre à mal le code du travail, d'alléger les charges et de déstabiliser les recettes des budgets sociaux. La logique de cette loi est en parfaite cohérence avec l'ensemble des réformes de votre Gouvernement.
Vous nous dites que vous souhaitez rendre plus compétitifs nos clubs. Mais le seront-ils sportivement ?
La réforme joue sur la baisse des charges sociales, salariales et fiscales. Même s'il est vrai que le débat sur la cotation en bourse des clubs a été mis de côté, la proposition de loi participe de cette logique. Par ailleurs, l'application « du droit à l'image collective » sera complexe, et vous renvoyez à des négociations aléatoires.
Finalement, les débats en cours sur l'internationalisation et la mondialisation de l'économie peuvent être transposés dans le secteur des sports professionnalisés. On y retrouve, d'une part, les tenants d'un système fondé sur des valeurs universelles et, d'autre part, ceux qui s'en remettent au marché en guise de politique sportive.
Dans ce débat, nous avons choisi depuis longtemps notre camp : celui d'un autre monde possible, dégagé des pressions des grands groupes financiers multinationaux. En renforçant la place et le rôle des industriels du sport, vous avez choisi le vôtre. Vous ne serez donc pas étonnés que le groupe communiste républicain et citoyen ne vous soutienne pas et vote contre cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Yvon Collin.
M. Yvon Collin. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la loi devrait s'attacher à traduire une vision claire de l'intérêt général. La succession des textes sur le sport professionnel à laquelle nous assistons montre que cette vision n'existe pas. Tout se passe comme si l'on s'évertuait à donner satisfaction, au coup par coup, aux divers groupes de pression.
Je veux tout de suite clarifier nos débats. Il n'y a pas un sénateur dans cet hémicycle qui n'aime pas le sport et qui n'aime pas le football. Pourtant, ne nous leurrons pas : si ce texte ne concerne pas seulement le football, il a été conçu sur l'initiative des dirigeants du football français, que nous souhaitons d'ailleurs tous soutenir.
Pour ma part, j'ai consacré un an et demi à tenter de comprendre le fonctionnement de l'économie du football. J'ai présenté mes travaux à la délégation pour la planification du Sénat, qui a adopté mon rapport. Je remercie d'ailleurs la commission des affaires culturelles d'avoir superbement oublié ce rapport, mais peut-être ne l'a-t-elle pas lu ?
M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Vous avez été convié à notre colloque ! (M. le rapporteur brandit le rapport de M. Yvon Collin.)
M. Yvon Collin. Elle n'y a pas fait référence en tout cas !
Je suis moins étonné par le fait que ni l'Assemblée nationale ni le Gouvernement n'en aient tenu aucun compte, car c'est une tradition bien établie de notre vie parlementaire.
Monsieur le ministre, vous avez apporté, au nom du Gouvernement, votre soutien à une proposition de loi dont les objectifs n'ont rien de scandaleux, mais qui préconise des moyens tellement provocants pour y parvenir qu'on ne peut qu'être abasourdi par l'énormité de la faute politique commise.
A ce stade, je me contenterai de présenter les raisons pour lesquelles on en est arrivé là et les mesures qu'il faudrait prendre pour réguler le football.
La proposition de loi que nous examinons traduit une totale négligence à l'égard du fonctionnement de l'économie du football et met en place des mesures aussi inefficaces qu'injustes.
Ce secteur connaît de graves déséquilibres financiers, économiques et sportifs, qui sont le résultat des contradictions actuelles du football professionnel dans un contexte d'insuffisante régulation.
Ces défauts de cohérence provoquent en premier lieu une série d'importants déséquilibres financiers.
Pourtant, l'accumulation des pertes de certains opérateurs et l'endettement croissant du secteur constituent des paradoxes compte tenu du boom commercial que le football a connu depuis une décennie.
Je citerai quelques données : les pertes cumulées de la Ligue 1, en France, atteignaient 162 millions d'euros pour la période 1996-2002, 166 millions d'euros pour 2001-2002, et 150 millions d'euros pour 2002-2003.
En Italie, le montant de ces pertes s'élevait à 233 millions d'euros en 1998. Il atteignait 710 millions d'euros en 2001 !
En Angleterre, le pays européen où le football est le plus prospère, les pertes étaient de 114 millions d'euros en 2001.
La situation réelle d'endettement du football professionnel en Europe n'est pas totalement connue et ce défaut de transparence des comptes est significatif d'une absence de maturité économique du secteur. Mais, au vu des pertes constatées, on imagine sans peine que la croissance de l'endettement n'est pas supportable.
Face à cette situation, les responsables du football tiennent un discours qui n'est pas à la mesure des problèmes. Pourtant, c'est ce discours qui est entendu et que prolonge cette proposition de loi !
Ces responsables disent en substance que, certes, la situation est préoccupante, mais que, si l'on cède à leurs revendications, notamment en terme de soutien public, tout reviendra dans l'ordre. Ce discours néglige l'existence de problèmes structurels. Or ce sont ces problèmes qu'il faut résoudre !
Les déséquilibres financiers accumulés traduisent l'existence d'un déséquilibre économique engendré par une mauvaise gouvernance du football. Celle-ci cumule les défauts d'un système de rétribution qui exacerbe les comportements à risque et l'absence de régulateurs permettant d'imposer la discipline indispensable.
Enfin, les pertes accumulées ne seraient pas supportables sans l'intervention « d'investisseurs à fonds perdus ». Or si ces interventions permettent de boucler le budget du secteur sur un plan comptable, elles ne peuvent être jugées - bien au contraire ! - comme relevant d'une saine régulation. Par exemple, si la bulle salariale qu'a connue le football est due à l'explosion des recettes, elle provient aussi et surtout d'anticipations de ressources excessives.
Tous ces éléments ont entraîné des pertes, qui n'ont pu être comblées que parce que certains intervenants ne connaisssent pas de réelle contrainte financière. Ce problème doit être réglé.
Un autre grand responsable du déséquilibre du secteur est le système de rétribution en vigueur dans le football européen. Une relation directe existe entre l'ampleur des pertes et l'inégalité des systèmes de rétribution financière des performances sportives.
Au sein du football européen, les performances sportives conditionnent étroitement les recettes des clubs, notamment à travers les systèmes de répartition des droits de retransmission, mais aussi parce qu'elles favorisent l'accès aux sponsors, aux marchés des produits dérivés, etc. La course à la performance sportive est donc aussi une course aux recettes, qui suppose un accroissement des investissements en capital humain. Il y a là une véritable « course aux armements ».
Le problème est que les stratégies individuelles de différenciation ne sont jamais suffisantes pour que l'aléa sportif et, partant, l'aléa financier soient entièrement maîtrisés. Il reste toujours dans le sport une part d'incertitude, ne serait-ce que par le nombre de concurrents : il y a toujours plus d'appelés que d'élus. Tout cela conduit à des pertes structurelles.
Or, plus l'espérance individuelle de gains est importante, plus cette mécanique est puissante et déstabilisante et plus l'augmentation des coûts dans chaque club est considérable, entraînant une amplification des pertes subies par les vaincus et une diminution des profits des vainqueurs.
Face à cette somme d'ambitions individuelles inconciliables, on peut imaginer qu'un régulateur intervienne pour rendre compatibles les stratégies individuelles des acteurs, ce qui est extrêmement difficile à réaliser dans les faits.
C'est donc en amont qu'il faut intervenir. Il faut modérer les ambitions plutôt que de les exacerber et, au moins, plafonner le ratio entre les ressources attribuées au club le plus rétribué et celles attribuées au club le moins rétribué, à partir des produits résultant de la commercialisation des compétitions. Or les systèmes mis en place vont à rebours de cette exigence.
Bien doser le système d'incitations se révèle essentiel, mais cela ne suffira pas à prévenir un décalage entre les charges salariales et les ressources ordinaires des clubs. Pour préserver les équilibres financiers, la masse salariale de chaque club ne doit pas excéder un plafond fixé par référence à des recettes correspondant à des anticipations réalistes, ce qui est rarement le cas. Un plafonnement de la masse salariale doit intervenir.
Enfin, les inégalités entre les masses salariales des clubs devraient être plafonnées en niveau absolu. Une première étape consisterait à définir, au niveau européen, un salary cap à l'américaine, c'est-à-dire un plafonnement de la valeur absolue des coûts salariaux nets d'impôts, globaux et unitaires.
M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Est-ce un modèle à suivre ?
M. Yvon Collin. Ces propositions ne sont pas de simples vues de l'esprit. Le sport américain offre l'exemple d'un secteur extrêmement encadré où une série de règles ont été posées afin, d'une part, d'égaliser les situations des participants et, d'autre part, d'éviter les pertes. Les Etats-Unis, inspirés par le libéralisme économique, ont entrepris ce qu'il faut pour concilier sport et commerce. Sans copier ce modèle, j'estime que l'on pourrait tout au moins s'en inspirer pour partie.
Tels sont les dossiers qu'il nous faut aujourd'hui ouvrir par priorité afin de définir des règles nouvelles adaptées à la situation spécifique du football, activité commerciale et sportive tout à la fois. Ces dossiers doivent être traités au bon niveau, qui est celui des gouvernements européens.
Le cadre institutionnel actuel de pilotage du football n'est pas adapté. Si les fédérations, les ligues et les confédérations nationales ont leur rôle à jouer, elles se révèlent, à l'usage, être des organes impropres à définir une conception suffisamment précise de l'intérêt général et à mettre en oeuvre les règles. L'Union européenne aurait pu être l'acteur nouveau de cette régulation. Mais, si le projet de Constitution européenne lui confère enfin une compétence en matière de sport,...
M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Cela dépend de vous !
M. Yvon Collin. ...il lui dénie aussi toute capacité à agir pour harmoniser les règles.
J'ai proposé ainsi la constitution d'une organisation internationale interétatique, baptisée « Eurofoot », qui devrait se voir confier comme champ de compétences l'ensemble des questions relatives à la régulation économique et financière du secteur.
Plutôt que d'avancer sur ces différents dossiers, la proposition de loi fait partiellement droit à deux des revendications des responsables du football français : la baisse des prélèvements obligatoires pour rejoindre le taux européen moyen ; le déplafonnement des subventions publiques.
Outre que donner satisfaction à ces revendications ne réglera rien, cette attitude vous expose au reproche d'injustice qui ne manquera pas, à juste titre, de vous être adressé.
La proposition de loi qui nous est présentée est à la fois inefficace et injuste. Elle traduit un renoncement à agir pour une meilleure régulation de l'économie du football et pour une harmonisation fiscale maîtrisée. Je voterai donc contre ce texte. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur celles du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Monsieur Collin, vous savez toute l'amitié que je vous porte. Je me dois néanmoins de faire une mise au point après les propos que vous avez tenus.
Vous avez accusé la commission des affaires culturelles de n'avoir pas suffisamment tenu compte de l'excellent rapport que vous avez présenté, au nom de la délégation du Sénat pour la planification.
Permettez-moi de vous rappeler, mon cher collègue, que nous vous avons invité, en accord avec M. le président de la délégation, à venir participer au colloque que nous avons organisé cette année.
M. Yvon Collin. Et je suis venu !
M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Vous avez ainsi eu la possibilité, pendant l'une des sessions, d'exposer votre rapport et ses conclusions essentielles.
Dans ces conditions, vous ne pouvez pas dire que la commission des affaires culturelles a négligé le travail que vous avez effectué.
M. Jacques Blanc. Très bien !
M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Vous avez en outre reproché à M. le rapporteur de ne pas avoir fait mention de votre travail dans l'excellent rapport intitulé « Sport professionnel » établi par M. Jean-François Humbert.
Je lis pourtant, à la page 29 de ce dernier, que « l'assouplissement proposé paraît d'autant plus approprié qu'il encourage les prises de participation dans le capital des sociétés sportives, à un moment où, comme le soulignait notre collègue M. Yvon Collin dans son rapport sur le football professionnel, certains clubs souffrent d'une structure financière fragile. »
M. Jean-François Humbert, rapporteur. Eh oui !
M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Et en bas de page, figure un renvoi au « rapport d'information no 336 (2003-2004) de M. Yvon Collin, fait au nom de la délégation du Sénat pour la planification, déposé le 8 juin 2004.»
Je voudrais simplement, mon cher collègue, que vous nous donniez acte du fait que nous n'avons négligé ni votre personne, ni le travail que vous avez effectué. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. Yvon Collin.
M. Yvon Collin. Bien entendu, madame la présidente, je donne acte à M. le président de la commission de cette précision, qui donne un éclairage particulier à ce rapport, et je prie la commission de bien vouloir accepter mes excuses.
Mme la présidente. La parole est à M. Serge Lagauche.
M. Serge Lagauche. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le sport est devenu un véritable phénomène de société. Alors que le nombre de spectateurs et de pratiquants ne cesse de croître, les fédérations et les clubs sportifs comptent d'ores et déjà plus de 10 millions de licenciés, tandis que 26 millions de Français se livrent quotidiennement à une activité sportive.
Formidable vecteur de rassemblement et de partage, le sport mobilise les femmes et les hommes autour d'un objectif commun et donne corps aux valeurs de la recherche de la performance, de l'éducation et du respect mutuel.
Le sport est également devenu une source de richesses économiques considérables. Qu'il soit pratiqué à titre amateur ou professionnel, il crée en effet des marchés dont l'ampleur approche aujourd'hui 1,5 % de notre PIB.
Cet impressionnant marché, mes chers collègues, nous le devons, pour l'essentiel, à la transformation du sport en « sport spectacle ».
Les médias n'étant pas restés indifférents à l'engouement du public, l'offre annuelle d'émissions sportives par les chaînes de télévisions généralistes est ainsi passée en France de 230 heures en 1968 à environ 2400 heures en 1999.
Le sport a donc attiré la télévision en lui permettant de gonfler à la fois ses recettes publicitaires et l'audience de ses émissions. De son côté, la télévision a attiré le sport par le développement de la vente des droits de retransmission et d'exploitation de l'image des joueurs et des équipes sportives.
C'est cette communauté d'intérêts fondée sur une interaction étroite de leurs stratégies commerciales qui a conduit les médias et les sociétés sportives à renforcer leurs relations financières.
Ce développement du marché du sport a, certes, été porteur de créations d'emplois. La pénétration de l'argent dans la sphère du monde sportif n'en génère pas moins des conséquences tout à fait regrettables.
Ainsi, les grands sportifs professionnels sont aujourd'hui les nouveaux dieux du stade. Exposés à outrance aux feux de la rampe, certains touchent des salaires faramineux et acquièrent, dans le même temps, valeur de modèle pour les jeunes joueurs, qui ne manquent pas de s'identifier à leurs idoles.
Parallèlement, les affaires de dopage et de tricherie se multiplient dans les secteurs sportifs les plus médiatisés. Une étude de l'INSERM, l'Institut national de la santé et de la recherche médicale, a ainsi révélé que les jeunes ayant une pratique sportive intensive consomment plus de drogues que les autres.
La logique de la performance et du record à tout prix s'est donc peu à peu imposée jusqu'à réduire le sportif professionnel au statut de machine à performances et de source de profits toujours plus grands.
A côté du développement du dopage, l'explosion du sport professionnel et de sa médiatisation a également eu pour effet inacceptable la recrudescence des actes de violence et de racisme.
On le voit, monsieur le ministre, mes chers collègues, les valeurs véhiculées par le sport sont diverses et antinomiques : d'un côté, la promotion de l'excellence, du développement économique et social, du rassemblement et de la solidarité ; de l'autre, le vedettariat, le dopage et la violence.
Nous avions donc de bonnes raisons, mes collègues du groupe socialiste et moi-même, de nous réjouir à l'idée de l'examen d'un texte harmonisant les règles du sport professionnel. Nous y avions vu en effet l'opportunité pour le législateur d'apporter une réponse à l'ensemble des difficultés qui affectent le sport. Or vous vous êtes retranché, monsieur le ministre, derrière une proposition de loi qui ne reprend pas l'ensemble du problème.
Hormis son article 2, qui permettra sans doute d'accroître la sécurité juridique des joueurs sélectionnés en équipe de France, le dispositif conçu par MM. les députés Landrain et Geveaux poursuit pour seuls objectifs le renforcement de la compétitivité de nos équipes de football au niveau européen ainsi que l'augmentation du poids décisionnel des sociétés sportives commerciales au sein des fédérations délégataires.
Nous ne pouvons que vous approuver dans la recherche de moyens propres à éviter la fuite de nos meilleurs joueurs vers les championnats anglais, espagnols ou italiens, tant il est vrai que les compétitions à l'échelle européenne ne se disputent pas à armes égales.
Nous pouvons, certes, nous féliciter du travail effectué par la direction nationale de contrôle de gestion des clubs, qui a permis d'éviter à nos plus grands clubs de football de voir leur capital affecté de dettes fiscales faramineuses, à l'instar de nombre de clubs, italiens entre autres.
Je souhaite d'ailleurs que vous restiez, malgré les pressions exercées par certains dirigeants sur vos services, toujours aussi déterminé à refuser la cotation en bourse des clubs de football français.
En revanche, les moyens avancés par ce texte pour renforcer la compétitivité de nos clubs sont loin de nous satisfaire.
En effet, la proposition de loi prévoit qu'une partie de la part de rémunération tirée du droit à l'image collective des sportifs ne sera pas soumise aux charges sociales et fiscales. Cette formule crée vis-à-vis de l'ensemble des contribuables un système inégalitaire dont mon collègue Mélenchon aura l'occasion de vous entretenir tout à l'heure.
M. Jean-Pierre Bel. Et de quelle façon !
M. Serge Lagauche. Il nous semble que, par ce biais, vous privilégiez l'objectif de la performance financière du football et de ses clubs par rapport à celui de la performance pour le sport professionnel français.
A l'heure où votre gouvernement lance sa grande loi de cohésion sociale, il nous est impossible de justifier une fiscalité sur mesure pour quelques-uns. Pour nous, la solution se trouve davantage dans la recherche d'une harmonisation des règles européennes que dans la création d'un régime spécifique réservé au sport professionnel.
J'en arrive à l'article 3. Poursuivant la même logique que l'article 1er, cet article tend à exonérer les sociétés commerciales sportives de l'assujettissement à la taxe de 1 % sur les salaires versés aux titulaires d'un contrat à durée déterminée.
Comme vous le savez, cette taxe permet aux joueurs d'envisager leur reconversion, généralement vers 35 ans, à l'issue de leur courte carrière, en finançant le congé individuel de formation et le congé de bilan de compétences.
S'il est vrai qu'en matière de sport professionnel le CDD est la norme, la suppression pure et simple de ce prélèvement n'en demeure pas moins choquante.
En effet, en exonérant les clubs professionnels du financement de la formation et de la reconversion de leurs joueurs, vous ne prenez en compte, une fois de plus, que les intérêts financiers de ces structures.
En l'absence de toute mesure alternative à la suppression de cette taxe, les sportifs professionnels seront contraints de s'organiser en interne pour financer eux-mêmes leur future reconversion en constituant des fonds propres, lesquels, on peut le supposer, seront moins efficaces que l'ancien dispositif.
M. Serge Lagauche. L'article 4 de cette proposition de loi nous rebute tout autant que le précédent, même s'il semble répondre à une demande européenne.
Il prévoit en effet la levée de l'interdiction absolue de la multipropriété des sociétés sportives et ouvre la possibilité à un actionnaire de contrôler un club professionnel tout en participant, dans le même temps, au capital d'un autre club évoluant dans la même discipline.
En d'autres termes, il s'agit de soumettre les clubs sportifs au droit commun de la concurrence et d'assimiler les sociétés commerciales sportives à n'importe quelle autre entreprise.
Cette assimilation fâcheuse me semble contradictoire, je me permets de le préciser, avec les raisonnements qui ont conduit MM. Landrain et Geveaux à prévoir le dispositif d'exonérations de charges que j'ai évoqué à l'instant et qui se justifierait précisément par la spécificité de l'activité sportive professionnelle.
Je crains que les rédacteurs de cette proposition de loi ne s'accommodent de cette spécificité au gré des objectifs qu'ils poursuivent.
Mis en avant pour dispenser les dirigeants des sociétés sportives de l'acquittement de leurs obligations fiscales, le caractère spécifique du sport professionnel est, en revanche, oublié lorsqu'il s'agit d'éliminer les entraves à la multipropriété pour permettre aux dirigeants de clubs d'accéder au droit commun de la concurrence et d'étendre leur puissance financière à d'autres clubs que celui qu'ils dirigent déjà.
On voit donc poindre le risque de l'émergence de conflits d'intérêts, et ce n'est certainement pas l'interdiction faite au multiactionnaire de contrôler effectivement deux clubs qui nous rassurera.
Ce qui est en jeu, monsieur le ministre, c'est tout simplement l'incertitude essentielle du résultat, sans laquelle toute compétition sportive perd à la fois son éthique et son intérêt.
Il nous semble que le maintien du rôle social et éducatif du sport passe par le respect, de la part de ses acteurs, d'un certain nombre de principes éthiques, garants de l'équité et donc de l'attrait que le sport suscite chez les pratiquants et les spectateurs.
Ce sont d'ailleurs les mêmes raisons qui nous conduisent à présenter un amendement de suppression de l'article 5.
En autorisant les sociétés sportives à accéder aux fédérations délégataires par la voie de l'adhésion, cette disposition constitue ni plus ni moins une remise en cause de la fonction de réseau associatif que constituent les fédérations.
N'oublions pas que le sport professionnel et le sport de masse sont indissociables. Ce sont en effet les petits clubs, où règnent le bénévolat et la notion de « sport plaisir », qui alimentent le sport professionnel grâce au vivier de jeunes joueurs qu'ils entraînent et forment au quotidien.
Sous la précédente législature, Marie-George Buffet était parvenue à un équilibre en permettant aux sociétés sportives de participer au fonctionnement des fédérations par la voie contractuelle et non par celle de l'adhésion, en principe réservée aux associations sportives.
En remettant en cause ce principe fondamental et en autorisant les grands clubs professionnels à adhérer aux fédérations, ce sont les missions de service public qui leur sont déléguées que vous mettez en péril.
Le texte que vous défendez aujourd'hui, monsieur le ministre, est donc profondément déséquilibré. Il ne correspond en rien aux objectifs fixés dans le cadre de l'année européenne de l'éducation par le sport et menace la solidarité entre les différents niveaux de compétition.
Davantage attaché à la défense des intérêts propres des plus grands clubs, il fait abstraction des droits essentiels des sportifs professionnels telle la garantie d'une formation et d'une reconversion après carrière.
Outre la préservation fondamentale de l'incertitude de la compétition qu'elle remet également en cause, cette proposition de loi nous déçoit profondément en raison de son aspect corporatiste et élitiste.
Pour nous, le sport n'est pas un secteur marchand ordinaire. Sa spécificité doit être préservée au nom de ses valeurs éducatives, d'intégration et d'exemplarité pour la jeunesse.
C'est pour la défense de ces valeurs que nous nous opposerons avec force à tout texte de ce type tant qu'un équilibre entre les rôles joués par le tissu associatif et le « sport spectacle» n'aura pas été trouvé et tant que les conditions financières de fonctionnement des clubs et de transfert des joueurs avec tous les intermédiaires n'auront pas été clarifiées. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-François Lamour, ministre. Chacun des orateurs, selon sa sensibilité et à sa manière, a fait état de l'unité du sport français, en faisant référence à la loi du 6 juillet 2000.
Cependant, quelle situation ai-je trouvée lors de mon entrée en fonctions, en mai 2002 ?
A la Fédération française de football, tout d'abord, le blocage était complet : le monde professionnel et le monde amateur ne se parlaient plus, à tel point d'ailleurs que ce que l'on appelle le fonds d'investissement, qui permet au sport professionnel de verser environ 17 millions d'euros par an au monde amateur, ne fonctionnait plus.
Par ailleurs, la Fédération française de ski et la Fédération française des sports de glace accusaient l'une et l'autre un déficit de près d'un million d'euros.
Enfin, les centres équestres commerciaux, qui constituent à hauteur de 85 % ou de 90 % la Fédération française d'équitation, avaient la haute main sur cette dernière, puisqu'ils délivraient eux-mêmes des licences, en contravention totale avec la loi de 2000. C'est là peut-être l'exemple le plus caricatural de votre attitude, mesdames, messieurs les sénateurs de l'opposition : vos actes ne correspondent pas à vos paroles. En somme, à l'époque où vos amis étaient au pouvoir, vous avez participé à l'élaboration d'une loi qui a été mal appliquée, ou même qui ne l'a jamais été.
Pour ma part, ce que j'ai essayé de faire, au travers de la loi d'août 2003 et aussi de cette proposition de loi, puisque j'ai participé à son élaboration dans le cadre des groupes de travail des états généraux du sport et dans le prolongement du rapport de M. Jean-Pierre Denis, c'est de rendre le dispositif un peu plus lisible...
Mme Annie David. ... et de « marchandiser » un peu plus le sport !
M. Jean-François Lamour, ministre. ... et de permettre aux acteurs économiques de la Fédération française de ski, par exemple, qu'il s'agisse des sociétés de remontées mécaniques ou des stations de montagne, de devenir parties prenantes à l'activité de celle-ci. Finalement, un président a été élu, et aujourd'hui la fédération fonctionne bien. Elle est en train de se relever, même si, c'est vrai, nous avons dû combler, en deux fois, son déficit d'un million d'euros.
Cela étant précisé, je relèverai que M. Collin nous a décrit le système des ligues fermées américaines, où les équipes ne peuvent être ni promues ni reléguées, ce qui garantit, certes, une grande visibilité aux investisseurs... C'est donc là le modèle dont vous vous inspirez, monsieur Collin ? Vous souhaitez, somme toute, l'institution de ligues fermées à l'échelon de notre continent et de la France, avec des outils de régulation tels que le salary cap, pour reprendre un terme que vous avez vous-même employé. Ce n'est pas là ma vision du sport, pour notre pays ou pour l'Europe. Il est d'ailleurs quelque peu surprenant que ce soit vous qui proposiez ce type d'organisation. En tout cas, au travers par exemple de l'interdiction faite aux clubs de recourir à l'épargne publique, j'essaie pour ma part de préserver l'aventure sportive, la possibilité pour les clubs de descendre ou de monter en fonction de leurs résultats sur le terrain.
Monsieur Murat, je vous confirme que, dès lors qu'un sportif quitte un club, il ne peut plus, en effet, bénéficier du droit à l'image collectif au titre de ce dernier. Cependant, à partir du moment où il rejoint un autre club, il retrouve le bénéfice de ce droit, et il existe donc une sorte de continuité, à la condition, bien sûr, que le joueur ait cessé d'être rémunéré au titre du droit à l'image collectif de son précédent club.
Les différents intervenants ont évoqué à plusieurs reprises les agents de joueurs. J'ai décidé, je le rappelle, de mettre en place une inspection générale, conjointement avec l'Inspection générale des finances, afin d'évaluer le dispositif les concernant. Un certain nombre d'autres éléments de réflexion seront très certainement nécessaires. Nous comptons également oeuvrer en vue de l'institution d'un système d'épargne salariale, ainsi que de l'élaboration d'une loi sur le dopage.
Je rappellerai à M. Voguet, qui nous a expliqué qu'il ne fallait pas d'investisseurs dans le monde professionnel et que l'arrivée d'actionnaires ou de capitaux était néfaste, que c'est une majorité qu'il soutenait qui a mis en place les SASP, les sociétés anonymes sportives professionnelles, lesquelles permettent à des investisseurs d'entrer dans le capital des clubs sportifs.
M. Jean-François Voguet. Caricature !
M. Jean-François Lamour, ministre. Nous sommes passés des SEM, les sociétés d'économie mixte, aux SASP. Ce système, vous avez donc vous-même contribué à sa mise en place, monsieur le sénateur.
Enfin, M. Todeschini a fait référence au rugby, qui a également été évoqué à l'Assemblée nationale. Selon ses dires, le monde du rugby serait hostile à cette proposition de loi. Je tiens à votre disposition, monsieur Todeschini, une lettre du président de la Fédération française de rugby, du président de la Ligue professionnelle de rugby contredisant cette affirmation. En outre, le président du syndicat PROVAL des joueurs professionnels, M. Serge Simon, est lui aussi tout à fait favorable au texte que nous examinons aujourd'hui. J'estime que ces trois personnalités sont représentatives du rugby français. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ? ...
La discussion générale est close.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour des raisons qui tiennent non pas aux travaux de la commission, mais à des difficultés d'impression, le rapport de notre collègue Jean-François Humbert n'a pu être distribué en temps utile. Le règlement du Sénat prévoit que, dans ce cas de figure, les amendements peuvent être déposés jusqu'à l'ouverture de la discussion générale. Or nous en sommes parvenus à ce stade. Par conséquent, je vous prie, madame la présidente, de bien vouloir suspendre la séance quelques instants, de manière que la commission des affaires culturelles puisse se réunir pour examiner les amendements ayant été déposés.
Mme la présidente. La suspension est de droit.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt-trois heures trente-cinq, est reprise à minuit.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
Nous passons à la discussion de la motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.
Exception d'irrecevabilité
Mme la présidente. Je suis saisie, par MM. Mélenchon, Todeschini, Lagauche, Repentin et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, d'une motion n° 18, tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l'article 44, alinéa 2 du règlement, le Sénat déclare irrecevable la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, portant diverses dispositions relatives au sport professionnel (n° 29, 2004-2005).
Je rappelle que, en application de l'article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n'excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à M. Jean-Luc Mélenchon, auteur de la motion.
M. Jean-Luc Mélenchon. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, au cours du débat, nous avons beaucoup entendu parler de l'intérêt à porter aux préoccupations des investisseurs. Je fais partie de ceux qui étaient choqués par le fait que l'on ne mette jamais en regard la viabilité financière de la sécurité sociale, qui sera mise à contribution par cette décision, ni l'intérêt au moins égal des contribuables, qui financeront la totalité des mesures proposées par ce texte.
Le sport, au moins dans notre imaginaire collectif, est porteur d'un certain nombre de valeurs - la solidarité, l'effort, le mérite, le talent -, qui permettent l'ascension individuelle. Le sport est autant un spectacle qu'une activité économique, et ce spectacle repose sur l'exemplarité des acteurs.
Peut-être devrait-on être encore plus exigeant et réclamer avec force qu'à cette exemplarité de situation corresponde une exemplarité de comportement vis-à-vis des valeurs qui nous rassemblent et qui font le lien de notre patrie républicaine.
Or cette proposition de loi percute directement l'un des principes les plus évidents - eh oui, il faut parfois parler de morale, de responsabilité collective ! -, à savoir le principe d'égalité devant les charges publiques, qui est la base de notre solidarité nationale et de notre vivre ensemble.
Ce principe, vous en conviendrez, monsieur le ministre, est certainement parmi les mieux établis d'un point de vue constitutionnel. Il est proclamé dès l'article XIII de la Déclaration de 1789 : la contribution publique « doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés ». Qui gagne plus contribue plus à l'effort de tous ! C'est une règle de bon sens et de morale civique élémentaire.
Dans ce texte, deux articles y contreviennent tout particulièrement. Je vais essayer d'en faire la démonstration de façon aussi dépassionnée que possible.
L'article 1er soustrait la part de rémunération des sportifs correspondant à l'exploitation commerciale de l'image de leur équipe à la fois à l'impôt sur le revenu et aux cotisations de sécurité sociale. J'attends qu'on explique une telle décision à nos concitoyens, surtout ceux qui ont cru aux arguments que vous avez avancés lors de l'examen du projet de loi de financement et du projet de loi de cohésion sociale.
L'article 3 du texte prévoit de ne plus soumettre les clubs sportifs à la taxe de 1 % sur les contrats à durée déterminée.
Dans les deux cas, la rupture de l'égalité devant les charges publiques est évidente. Et vous le savez, monsieur le ministre, car le gouvernement de M. Juppé avait imaginé de faire la même proposition en 1997. En séance plénière, le Conseil d'Etat avait, à l'époque, conclu à l'inconstitutionnalité de cette disposition.
Rien n'a changé depuis ! C'est la raison pour laquelle ce n'est pas le Gouvernement qui présente ce texte, sinon il se serait exposé à recevoir le même avis des mêmes juges.
M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. S'ils sont saisis !
M. Jean-Luc Mélenchon. Peut-on envisager de rompre l'égalité ? Oui, et cela s'est déjà produit dans d'autres cas. Mais il faut alors le justifier par l'une des deux raisons reconnues en la matière : soit on fait valoir l'existence d'une différence objective de situation entre les sportifs concernés et les autres contribuables, soit on fait constater l'existence de motifs impérieux d'intérêt général, pour reprendre les critères dégagés par le Conseil constitutionnel et par le Conseil d'Etat.
En l'occurrence, la différence de situation par rapport à n'importe quel contribuable salarié est difficilement démontrable. En effet, les revenus concernés font bien partie des rémunérations d'activité perçues par le sportif en tant que salarié de son club.
Quant à l'idée selon laquelle les revenus tirés de l'image de l'équipe seraient comparables aux revenus des artistes du spectacle - et je ne cite que les artistes pour ne pas parler des droits d'auteur -, elle n'est pas pertinente si l'on en examine le contenu. Vous ne pouvez tout de même pas mettre sur le même plan un match, quel qu'en soit l'intérêt, et une création artistique ou culturelle.
M. Jean-François Lamour, ministre. Quel mépris pour les sportifs ! C'est incroyable ! Excusez-moi, mais c'est le coeur qui parle !
M. Jean-Luc Mélenchon. Ce n'est pas du tout du mépris.
M. Pierre André. Allez le dire aux sportifs !
Mme la présidente. Veuillez poursuivre, monsieur Mélenchon.
M. Jean-Luc Mélenchon. Monsieur le ministre, les propos que j'ai tenus, lorsque j'exerçais d'autres responsabilités, sur les vertus du sport et sa contribution à la formation d'un esprit civique, me disculpent à jamais de l'accusation de mépriser le sport !
M. Jean-Luc Mélenchon. En tant qu'homme, je reconnais les vertus et les mérites de ceux qui se dépensent et qui essaient d'élever le collectif humain. Cependant, considérer qu'il existe des différences, ce n'est pas être méprisant. Vous ne me ferez jamais considérer une pièce de théâtre comme l'équivalent d'une marque avec une image sur un paquet de cacahuètes !
M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Ça n'a rien à voir !
M. Jean-Luc Mélenchon. Si c'est ce qui nous sépare, alors nous ne sommes certainement pas du même avis !
Les revenus d'image générés par le sportif au profit de son équipe sont en effet directement liés au travail pour lequel il est salarié. Les droits de retransmission directe des matchs comme les revenus tirés des publicités sur les maillots sont directement liés à la participation physique du sportif au match. Ils sont donc indissociables de la mise en oeuvre de son contrat de travail, puisque c'est le point juridique que je veux soulever. Cela n'a donc rien à voir avec les droits dérivés des artistes du spectacle, qui ont un caractère moral et patrimonial lié au droit de la propriété intellectuelle.
Il n'existe pas non plus de motifs impérieux d'intérêt général pouvant justifier de telles inégalités devant l'imposition des revenus du travail. Non que la promotion des sportifs et l'attractivité des clubs français ne relèvent pas de l'intérêt général, mais elles devraient être poursuivies par d'autres moyens pour améliorer les conditions de travail des clubs. L'exonération fiscale n'est pas le bon outil.
En effet, comment pourrait-on justifier l'intérêt général d'une inégalité qui augmente les revenus des sportifs déjà les plus fortunés, alors qu'elle se double d'une perte considérable de ressources pour la sécurité sociale ? De plus, cela se ferait en faveur de citoyens qui figurent parmi les plus grands consommateurs de prestations d'assurance maladie. Or il n'en a été question à aucun moment.
La rupture d'égalité entraînée par l'article 1er est donc injustifiable.
Celle qu'entraîne l'article 3 n'est pas plus valide dans notre cadre constitutionnel. Pourquoi les clubs sportifs ne paieraient-ils pas la taxe sur les CDD, alors que ce sont des employeurs qui affectionnent particulièrement ces formes de contrat ? Cette taxe a précisément été imaginée, non pour punir le caractère provisoire du CDD, mais pour le compenser, et aussi, j'en conviens, pour dissuader de recourir à ce type de contrat.
Quant à l'argument selon lequel ils n'auraient que marginalement recours aux congés de formation financés par cette taxe, il n'est pas recevable. Depuis quand n'accepte-t-on de payer un prélèvement obligatoire que lorsque l'on a recours à la prestation qu'il finance ? Si nous agissons ainsi, il n'y aura plus de solidarité nationale !
Aucune raison liée à la situation objective des clubs ne justifie donc la rupture d'égalité qui existerait s'ils ne payaient plus cette taxe.
Au-delà de cette approche juridique, la violation de notre principe constitutionnel d'égalité par cette proposition de loi touche aussi aux fondements mêmes de notre esprit public, et dans un domaine particulièrement visible, donc exemplaire. Je veux avancer mon propos à partir des questions que la réflexion sur le texte soulève.
Premièrement, la mesure profitera-t-elle également à tous les sportifs d'équipe ? Non, puisque l'essentiel des revenus issus de l'image des équipes est concentré sur les clubs les plus fortunés, singulièrement de football, notamment pour les droits de retransmission télévisée. Ne seraient donc en situation de défiscaliser que ceux dont une partie substantielle du revenu provient de l'exploitation commerciale de l'image.
Plus grave, les sportifs d'équipe dont les salaires sont nettement moins élevés que ceux des footballeurs, notamment les rugbymen ou les basketteurs, n'ont pas forcément intérêt à voir retreindre la base salariale sur laquelle ils cotisent, en particulier pour le calcul de leur future retraite.
Deuxièmement, nos sportifs professionnels sont-ils les laissés-pour-compte de la solidarité nationale ? Aurions-nous manqué à nos devoirs au point qu'il faille aujourd'hui compenser ce retard ?
Je ne le sais pas, et je préfère croire que les joueurs français qui s'expatrient à l'étranger, et spécialement dans des paradis fiscaux, ne sont pas aussi nombreux qu'on le dit. Quoi qu'il en soit, et même si cette hypothèse était fondée, on ne voit pas ce qui permettrait de se prévaloir de ces turpitudes pour obtenir des modifications législatives. Mais ce que je sais, c'est que les joueurs français les plus payés n'oublient jamais de revenir en France quand il s'agit d'utiliser les services publics, notamment pour se faire soigner. Après tout, ils ont bien raison, c'est leur pays.
Le secteur du sport professionnel est ainsi un important bénéficiaire de la solidarité nationale en matière d'assurance maladie et d'accidents du travail.
En 2000, on comptait, dans ce secteur, un taux de sinistres de 750 pour 1 000, contre 44 pour 1 000 pour l'ensemble de la société. Les sportifs bénéficient notamment à ce titre de montants considérables d'indemnités journalières d'assurance maladie, en lien avec leur niveau élevé de revenus.
Avec la mesure proposée, la sécurité sociale, dont les défenseurs du texte n'ont pas dit un mot, perdrait, selon les estimations, entre 60 millions et 130 millions d'euros de recettes, mais elle conserverait les mêmes risques et les mêmes coûts, qui, eux, passeraient à la charge de tous les autres cotisants de la sécurité sociale ! C'est une logique insoutenable et moralement insupportable à l'heure du creusement du déficit de l'assurance maladie et au regard de ce qui a été dit du haut de cette tribune par plusieurs membres du Gouvernement auquel vous appartenez, monsieur le ministre.
Troisièmement, est-il moral et exemplaire pour notre jeunesse de donner encore plus à ceux qui ont déjà le plus ?
Volontiers adulés et idéalisés par une partie des jeunes, les meilleurs sportifs, notamment les footballeurs, donnent à voir des revenus assez considérables. Ne croyez pas, par amitié, par passion pour le sport et pour le spectacle, que cela soit si facile à admettre.
Le salaire mensuel moyen des footballeurs français a ainsi doublé depuis 1998, passant de 15 000 euros à 30 000 euros, ce qui, pour une moyenne, est déjà assez élevé. On connaît des exemples célèbres. Ainsi notre Zinedine Zidane national touche-t-il en un mois à Madrid ce qu'un smicard met cinquante-cinq ans à gagner. A vingt ans, Djibril Cissé gagnait 80 000 euros par mois à Auxerre. Tant mieux pour eux ! Leurs mérites ne sont pas en cause, même si quelques-uns, ici ou là, trouvent que c'est beaucoup. Ce n'est certes pas beaucoup dans l'absolu, mais c'est beaucoup par rapport aux efforts que l'on demande aux autres.
Quel message le législateur adresserait-il à la société tout entière et aux jeunes s'il dispensait ceux-là mêmes qui gagnent le plus de payer des impôts ?
M. Jean-Luc Mélenchon. Encourager l'argent facile et sans devoir à l'égard de la collectivité, est-ce dorénavant la langue de la République.
N'est-on pas à mille lieues de l'exemplarité de l'effort et de l'esprit d'équipe que nous cherchons à promouvoir en valorisant la place du sport ?
La plupart de nos enfants, si on leur en parlait, approuveraient-ils que, une fois encore, les avantages fiscaux aillent à ceux qui ont déjà le plus d'argent ?
Quatrièmement, doit-on, nous aussi, accepter d'entrer dans la logique de compétition en matière de dumping fiscal et social en Europe ? Cette question vaut dans tous les domaines, pas uniquement dans celui du sport. Compte tenu des positions que nous défendons par ailleurs sur ce sujet, vous comprendrez, monsieur le ministre, mes chers collègues, que nous ne changions pas d'avis.
Le coeur du problème vient de ce que la plupart des pays européens se livrent aujourd'hui à une véritable guerre économique...
M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Là est le problème !
M. Jean-Luc Mélenchon. ... pour attirer les meilleurs joueurs. Au nom de la préservation de la compétitivité des clubs français, la proposition de loi entre dans une logique de dumping fiscal et social généralisé en Europe. Avons-nous raison ?
Pouvons-nous trouver normal que certains Etats tolèrent de colossaux impayés fiscaux de la part des clubs, comme en atteste la dette fiscale des clubs italiens, qui dépasse les 500 millions d'euros ? Même s'ils bénéficient de toutes sortes de facilités fiscales, cela ne les empêche pas d'être ruinés !
Devons-nous nous satisfaire du laxisme réglementaire de certains Etats face aux aventures financières des clubs ? Est-il ainsi normal que les déficits des clubs de football italiens, de 2 milliards d'euros, soient supérieurs de 1,4 milliard à leurs chiffres d'affaires, situation inconcevable pour n'importe quelle entreprise ?
Sur la pente de la course au profit, de la mauvaise gestion et du gaspillage de l'argent public, le marché européen du sport peut ainsi nous emmener très loin. Ce n'est pas, à notre avis, en alimentant nous-mêmes la spirale du dumping fiscal, réglementaire et social que nous regagnerons les places que nous pensons avoir perdues. Vous le verrez, nos voisins auront tôt fait d'imaginer de nouveaux privilèges pour les clubs et pour les différentes professions qui sont liées à leurs activités, et pas seulement celles de leurs joueurs, car la suite viendra.
M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Nous sommes bien d'accord.
M. Jean-Luc Mélenchon. Vous aurez compris dans quel esprit je suis intervenu.
J'espère que rien dans mes propos ne vous aura laissé croire que je suis contre la pratique sportive, le sport de haut niveau, l'entraînement et l'émulation que le sport professionnel suscite dans le milieu du sport amateur, auquel nous sommes tous attachés. Dans ce domaine, nous ne prétendons pas donner de leçons.
Permettez-moi, monsieur le ministre, un propos plus personnel. Je fais partie de ceux que cette masse d'argent choque. Je n'aime pas que l'on puisse donner le sentiment qu'il existe dans la vie un raccourci qui dispenserait d'autres formes d'efforts.
M. Jean-Luc Mélenchon. Je vous livre le sentiment d'un pédagogue.
J'ai encore à l'esprit, moi qui viens des mêmes milieux que les footballeurs, parfois de la même rive qu'eux, ce que l'on m'a appris des débats du Sénat romain, où l'on discutait, je vois que M. Valade sourit, du salaire des gladiateurs. On s'indignait déjà à l'époque du modèle de société dans lequel ceux-là gagnaient plus qu'un juriste et que d'autres dont les activités étaient socialement utiles.
Si j'étais invité par une fédération de football à m'adresser à ces joueurs qui, comme moi, et sans doute également comme vous, monsieur le ministre, se sont élevés à la force du poignet et si je leur disais qu'ils ne cotiseront plus pour les autres alors qu'ils gagnent énormément d'argent, je suis persuadé que c'est à moi qu'ils donneraient raison ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-François Humbert, rapporteur. Ni le lieu ni l'heure ne se prêtent à la comparaison des mérites respectifs du théâtre et du sport professionnel. Cependant, permettez-moi tout de même d'insister sur ce qui rend appréciable les grandes manifestations sportives. Je pense à l'intensité dramatique, à la valeur émotionnelle d'une grande finale sportive. Je citerai en exemple non pas la finale de la Coupe du monde de 1998 parce que vous me le reprocheriez aussitôt, mais la finale de handball féminin le 14 décembre 2003.
M. Jean-Marc Todeschini. Ce sont des associations !
M. Thierry Repentin. Elles ne bénéficieront pas du dispositif !
M. Jean-François Humbert, rapporteur. Cet événement, le succès de l'équipe de France, a fait vibrer les millions de Français qui ont regardé la retransmission télévisée de ce match.
Puisque vous évoquez les associations, je rappelle que la majorité des joueurs de l'équipe de France de handball jouent aujourd'hui à l'étranger : Bertrand et Guillaume Gille à Hambourg, Jérôme Fernandez au Barça, Daniel Narcisse en Allemagne,...
M. Jean-Marc Todeschini. C'est l'Europe !
M. Jean-François Humbert, rapporteur. ...Joël Abati à Magdebourg, Patrick Cazal à Essen. Jackson Richardson, le capitaine de l'équipe de France, deux fois champion du monde, joue lui aussi à l'étranger. Greg Anquetil a joué en Allemagne.
M. Jean-Marc Todeschini. Vive l'Europe !
M. Jean-François Humbert, rapporteur. Vous nous dites que ce texte concerne exclusivement le football, mais vous savez parfaitement que vous n'avez pas raison.
M. Jean-Marc Todeschini. C'est le contraire !
M. Jean-François Humbert, rapporteur. Par ailleurs, vous considérez, c'est ce que vient d'expliquer longuement M. Mélenchon, que le dispositif du droit à l'image collective constituerait une rupture d'égalité devant les charges publiques.
M. Bernard Frimat. C'est évident !
M. Jean-François Humbert, rapporteur. Or, tel qu'il est conçu, le dispositif ne prévoit pas la création d'un régime dérogatoire, mais un alignement de la situation des sportifs professionnels sur celle des artistes interprètes. Sur le plan fiscal, la part de rémunération correspondant au salaire continuera d'être soumise à l'ensemble des charges sociales et à l'impôt sur le revenu. (Sourires sur les travées du groupe socialiste.) La part versée sous forme de redevance sera imposée au titre des bénéfices non commerciaux...
M. Jean-Pierre Bel. C'est rassurant !
M. Jean-François Humbert, rapporteur. ...et les prélèvements de la CSG et de la CRDS seront maintenus.
En fixant, discipline par discipline, un plancher de rémunération négociable au-dessous duquel la part de rémunération conservera automatiquement la nature d'un salaire, le texte permet de préserver l'assiette sur laquelle seront prélevées les cotisations sociales ouvrant droit aux prestations, qu'il s'agisse des prestations maladie, des prestations vieillesse ou des prestations accident du travail. La situation des joueurs mis à la disposition des sélections nationales sera améliorée en la matière. Il n'y a donc pas de rupture d'égalité ni pour les clubs ni pour les joueurs.
M. Jean-Pierre Bel. Ce n'est pas convaincant !
M. Jean-François Humbert, rapporteur. En outre, l'intégralité de la somme qui sera versée au sportif bénéficiant du dispositif figurera sur son bulletin de salaire - la part salaire et la part forfaitaire, qui ne pourra excéder 30 %, seront détaillées -, ce qui permettra aux instances de contrôle ainsi qu'aux administrations fiscales et sociales, de suivre en toute transparente l'évolution des rémunérations. Il s'agit indéniablement d'un plus. (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
Comme vous y a invité voilà un instant la commission des affaires culturelles, je vous demande, mes chers collègues, de rejeter cette motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-François Lamour, ministre. Monsieur Mélenchon, il faudra très vite que le milieu sportif perde ses complexes. Les sportifs comme les artistes ont le droit de créer et de se constituer un patrimoine, le patrimoine du sport français. Il n'est en rien moins intéressant que le patrimoine créé par nos artistes.
Vous avez parlé du fond du coeur. Je vous dis avec conviction que les sportifs créent désormais une activité de qualité, un spectacle, jouent selon des règles et transforment une activité sportive en un véritable patrimoine.
Certes, peut-être ne sommes-nous pas encore capables de valoriser ce patrimoine, mais comptez sur moi pour développer l'idée que le sport, comme la culture, peut apporter beaucoup à notre société. J'en suis intimement convaincu.
L'article 1er, entre autres dispositions, de cette proposition de loi permettra aux sportifs, comme les artistes, d'être rémunérés, d'une part, sous forme de salaire et, d'autre part, sous forme de rétribution d'un droit à l'image collective. Nous ne créons pas un régime discriminatoire, nous appliquons simplement un dispositif existant. Il s'agit d'une avancée raisonnable, qui permet de reconnaître le caractère spécifique d'une activité.
Il y a vingt ans, la notion de droit à l'image collective n'existait pas, le joueur était là pour évoluer sur le terrain, et c'est tout. Depuis quelques années, certainement du fait de l'intérêt des médias, mais aussi de l'existence d'un véritable marché - de nombreux spectateurs et téléspectateurs regardent les matchs de football -, des produits dérivés ont été créés, nous avons assisté à la vente de droits d'image différée, les sportifs ont valorisé l'image des clubs. Il fallait donc régler ce problème et améliorer sensiblement le statut juridique des clubs et des joueurs afin de permettre à ces derniers d'être salariés en tant que joueurs et de valoriser l'image collective du club.
Je le répète, nous ne créons pas un statut discriminatoire ou dérogatoire. M. le rapporteur l'a dit, les bénéfices non commerciaux seront soumis à l'impôt sur le revenu. Il n'y a donc pas d'exonération fiscale. Il s'agit de faire évoluer de façon naturelle et normale le statut du joueur professionnel. Il est possible, me semble-t-il, d'avancer dans cette direction sans déchaîner les passions contre ce texte, simplement en tenant compte de la réalité d'un club.
Selon vous, monsieur Mélenchon, ce texte ne concernera que les footballeurs. J'ai sous les yeux une étude qu'a fait réaliser le ministère de la jeunesse, des sports et de la vie associative auprès des fédérations concernées. Un plafond a été déterminé pour les différents sports. Avec un plafond représentant quatre fois le montant du plafond de la sécurité sociale, 500 joueurs de football sont concernés. Le secteur du rugby a décidé de maintenir le seuil à deux fois le plafond de la sécurité sociale : 650 joueurs sont concernés. Contrairement à ce que vous dites, monsieur Mélenchon, plus de rugbymen que de footballeurs seront donc concernés par cette disposition, qui s'adresse à tous les sportifs.
Quant au handball, un seul club est aujourd'hui en mesure de rémunérer les joueurs à des niveaux permettant de déclencher le droit à l'image collective. Vous connaissez ce club, je ne citerai pas son nom. Il s'agit effectivement d'une association. Vous savez très bien que ce statut lui permet de bénéficier de subventions publiques. Si ce club se met en conformité, il pourra bénéficier du dispositif lié au statut de SASP.
M. Jean-Marc Todeschini. Il y aura des disparités !
M. Jean-François Lamour, ministre. Vous acquiescez, vous savez bien dans quel état d'esprit évolue ce club, au lieu d'aller vers le professionnalisme, qui serait bien tant pour la structure du club que pour ses joueurs.
Quant à la taxe de 1 %, à laquelle vous avez fait référence, monsieur le sénateur, sachez que près de la moitié des clubs ne la versaient pas. Je fais confiance à la convention collective et aux partenaires sociaux, aux joueurs et aux employeurs pour trouver des solutions.
Mme Annie David. Pourquoi ne pas les avoir trouvées avant de supprimer la taxe ?
M. Jean-François Lamour, ministre. Il en existe dans le milieu du football, cela fonctionne bien. Le rugby, à travers l'organisme Proval, vient de mettre en place un bien meilleur dispositif que le prélèvement de 1 %. Il permet de faire face aux problèmes de reconversion des sportifs évoluant dans les championnats, qu'il s'agisse du Top 16 ou des divisions inférieures, qui sont malgré tout professionnelles.
Ces dispositifs fonctionnent bien. Nous veillerons bien entendu à ce que, dans le cadre des conventions collectives, ils puissent être étendus à d'autres sports, pour déboucher sur une véritable formation et une vraie reconversion des sportifs professionnels.
Vous l'avez compris, je demande au Sénat de rejeter cette motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.
Mme la présidente. La parole est à M. Yvon Collin, pour explication de vote.
M. Yvon Collin. Je voterai la motion du groupe socialiste présentée par M. Jean-Luc Mélenchon.
Il existe à tout le moins dans la proposition de loi deux chefs d'irrecevabilité incontestables, l'un résultant de son inconstitutionnalité, l'autre de sa non-conformité avec les engagements européens de notre pays. J'en évoquerai un troisième : le défaut de conformité avec les dispositions législatives relatives à l'organisation du service public du sport en France.
L'inconstitutionnalité du texte tient d'abord à son article 1er, qui vise à exonérer de toute cotisation sociale une part de la rémunération versée aux sportifs professionnels par leurs employeurs. Plutôt que de le faire franchement, les auteurs de la proposition de loi empruntent donc une voie détournée pour modifier la qualification juridique d'une partie des sommes versées aux salariés des clubs professionnels.
Le raisonnement sous-jacent est le suivant : les clubs sportifs perçoivent des recettes basées sur l'exploitation d'un spectacle ; leurs salariés contribuent à ce spectacle ; une part des rémunérations qui leur sont versées ne doit donc pas être considérée comme un salaire, mais comme une contrepartie de leur contribution au spectacle.
Quant à cette rémunération, on ne sait pas trop de quoi il s'agit. Le texte ne donne pas de précision sur la qualification des sommes concernées : il n'évoque qu'une sorte de répartition des recettes d'exploitation de l'image collective de l'équipe. La seule précision apportée est qu'il ne s'agit pas de salaire.
Au fond, seule cette précision importe puisque l'objectif principal est de réduire les prélèvements obligatoires supportés par les clubs sportifs professionnels.
L'article 1er me semble contrevenir à quatre principes de valeur constitutionnelle. Les deux premiers sont très largement consacrés par la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Sur les deux autres, il n'y a pas de jurisprudence, mais ils me paraissent devoir découler naturellement des traditions les plus éminentes de notre droit public.
Cet article contrevient d'abord clairement au principe d'égalité devant la loi et devant les charges publiques, consacré par l'article XIII de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.
En instituant une requalification artificielle de rémunérations essentiellement salariales, le texte conduit à exonérer de certains prélèvements obligatoires des rémunérations qui ont toutes les caractéristiques d'un salaire. L'inégalité de traitement qui en résulte n'est pas justifiée par des motifs recevables au regard des objectifs visés par le texte, censé favoriser la compétitivité sportive des clubs.
Or, non seulement ce motif ne justifie pas en lui-même l'inégalité créée, mais il est spécieux. Les économies de charges sociales dont bénéficieront les clubs ne leur permettront pas, compte tenu de leur situation financière très dégradée, d'allouer les moyens supplémentaires nécessaires à l'amélioration d'une compétitivité sportive d'ailleurs loin d'être mécaniquement liée, vous en conviendrez, aux ressources des clubs.
La rupture d'égalité est d'autant plus choquante qu'il s'agit d'exonérer des rémunérations extrêmement élevées et que les pertes de recettes qui en découleront seront couvertes par le contribuable ordinaire.
L'article 1er contrevient également à l'article 40 de la Constitution.
Depuis l'adoption, cet été, de la loi relative à l'assurance maladie, toute perte de recettes des organismes de sécurité sociale doit être compensée par le budget de l'Etat. La proposition de loi des députés crée une charge publique dans des conditions contraires à l'article 40 de la Constitution.
Deux autres chefs d'inconstitutionnalité devraient en outre être retenus contre l'article 1er.
D'une part, dans notre ordre juridique, la loi est l'instrument de l'intérêt général. Une des motivations de cet article que revendiquent les auteurs de la proposition de loi est de remédier aux pratiques de dissimulation de salaires en les légalisant. L'intention est, en quelque sorte, de « blanchir » des pratiques illégales ! Il me semble que, si nous légiférions ainsi, nous commettrions un véritable abus de droit auquel tous nos principes fondamentaux devraient nous conduire à nous opposer.
D'autre part, en disqualifiant artificiellement des rémunérations évidemment salariales, le texte fait offense à la garantie fondamentale qui s'attache au salariat et qui se déduit des principes fondamentaux d'une infinité de lois de notre République. Notamment, les conditions essentielles posées par l'article L. 762-2 du code du travail pour que les rémunérations versées aux artistes échappent à la qualification de salaires ne sont pas réunies en l'espèce.
Inconstitutionnel, l'article 1er est également non conforme aux engagements européens de la France. Ici, le texte n'est pas seul visé : les travaux préparatoires, au cours desquels il a été précisé que les versements dont il s'agit seraient exemptés des obligations relatives à la TVA, le sont aussi.
La réglementation européenne applicable à la TVA ne permet pas cette exemption. Surtout, le mécanisme prévu me semble constituer une de ces aides d'Etat que le droit européen de la concurrence condamne.
Je conclus en relevant que l'article 5 de la proposition de loi, qui permet aux clubs professionnels de devenir membres des fédérations, paraît directement contrevenir aux différentes lois qui organisent l'exercice du sport dans notre pays.
Ayant rappelé que, dans notre tradition juridique, le développement du sport est une mission de service public administratif, dont l'exercice peut être délégué à des personnes morales à but non lucratif, je veux souligner que l'adhésion aux fédérations de sociétés commerciales à but essentiellement lucratif représente une innovation qui s'oppose aux lois en vigueur.
Madame la présidente, mes chers collègues, il serait donc sage que notre Haute Assemblée adopte la motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité, sauf à ce que sa réputation de sagesse juridique ne souffre sérieusement ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Repentin, pour explication de vote.
M. Thierry Repentin. Je voterai bien évidemment la motion que nous a présentée Jean-Luc Mélenchon, non seulement parce que, comme il l'a très bien expliqué, la proposition de loi crée une inéquité fiscale entre certains de nos concitoyens, mais aussi parce que j'ai le sentiment qu'elle crée une inéquité entre différents types de sports.
Paradoxalement, pour justifier cette proposition de loi, M. Humbert n'a cité que des joueurs de handball.
M. Jean-François Humbert, rapporteur. J'ai également cité un basketteur.
M. Thierry Repentin. Un seul !
M. Jean-François Humbert, rapporteur. Je peux vous en citer d'autres !
M. Thierry Repentin. Mais personne n'a parlé des footballeurs !
M. Thierry Repentin. Pourquoi ne pas dire que la proposition de loi tend à trouver une solution aux problèmes auxquels le football est confronté du fait de la concurrence au niveau européen ?
Mais, monsieur Humbert, ce sont des noms de joueurs de handball que vous avez cités lorsque vous avez parlé de la nécessité de trouver une solution parce que les joueurs quittent le championnat français, notamment pour aller en Allemagne ou en Espagne. Or je pense pouvoir vous dire que si certains sportifs quittent la France et vont jouer ailleurs, dans le domaine du handball notamment, ce n'est pas seulement pour des raisons financières.
M. Thierry Repentin. M. Humbert a pris l'exemple des frères Gille. Je les connais suffisamment pour en parler. Les frères Gille, malgré les sirènes, effectivement alléchantes, de l'étranger, ont, avant de partir, pris le temps nécessaire pour suivre un cursus universitaire qui leur permette d'atteindre le niveau - excusez du peu - bac + 5 : si c'était vraiment l'appât du gain qui les avait poussés à partir, ils seraient partis bien avant !
J'ajouterai que le handball a été créé en Allemagne, nation très portée sur ce sport. Or, pour un sportif de très haut niveau, jouer dans une arène - Hambourg - qui attire 16 000 abonnés chaque semaine peut aussi avoir quelque chose d'alléchant. Même le plus grand club de France que M. le ministre n'a pas voulu citer n'arrivera jamais à ce niveau.
Il y a donc aussi des motivations extra-sportives.
S'agissant du handball, du basket, du hockey ou du volley, il serait en outre faux de penser que la proposition de loi aura les retombées que l'on dit sur l'épanouissement des clubs, car les clubs doivent être constitués en société anonyme pour bénéficier des avancées que peut contenir ce texte fait pour le football. Sur dix-sept clubs de handball en première division, trois seulement ont la forme de société anonyme.
M. Jean-François Humbert, rapporteur. Les autres peuvent l'adopter !
M. Thierry Repentin. Comment expliquerez-vous, monsieur le ministre, aux maires d'Ivry-sur-Seine, de Livry-Gargan, de Créteil, de Paris et de Pontault-Combault - cinq clubs très huppés dans notre championnat, et je m'en tiens à la seule région parisienne - que les règles ne sont pas les mêmes pour tous alors que ces villes sont à trente minutes les unes des autres ?
Aujourd'hui en effet, seuls les clubs de Paris - Saint-Germain et de Créteil sont des sociétés anonymes et pourront bénéficier des dispositifs prévus dans la proposition de loi. Quels seront les cheminements des sportifs entre ces clubs qui, bien qu'à une demi-heure de voiture, auront des statuts fiscaux et sociaux très différents ?
Je vous laisse le soin d'expliquez vous-même aux présidents de club que ce texte fait avancer collectivement tous les sports !
Si la proposition de loi que nous examinons faisait véritablement avancer tous les sports - volley, handball, rugby, hockey, etc. - les présidents des ligues seraient tous présents dans nos tribunes ce soir, mais je n'en vois qu'un seul : est-ce un signe ?
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-François Voguet, pour explication de vote.
M. Jean-François Voguet. Beaucoup a déjà été dit et je serai donc bref.
Le malaise que nous ressentons, qu'en tout cas je ressens, à l'examen de cette proposition de loi tient à la précipitation dans laquelle on veut nous amener à traiter un problème qui ne concerne en définitive que quelques grands clubs professionnels, même s'ils sont quelques dizaines, et cela dans quelques disciplines sportives seulement : sont en fait visés les clubs les plus riches et les sportifs les plus riches.
Ce texte met effectivement à mal le principe d'égalité devant les charges publiques, comme M. Mélenchon l'a fort bien montré.
Quid des autres clubs professionnels qui végètent ? Quid des autres sportifs professionnels, les plus nombreux, qui gagnent peu, qui redoutent l'avenir, qui manquent de formation ? Et, bien sûr, je ne parle pas ici de l'ensemble des clubs amateurs, en proie, vous le savez, monsieur le ministre, à des difficultés croissantes de fonctionnement et de gestion.
Alors, oui, il y a urgence, mais urgence à élaborer une loi qui traite de l'ensemble des questions relatives au sport professionnel dans sa globalité, et c'est la raison pour laquelle nous voterons la motion présentée par le groupe socialiste.
Mme la présidente. Je mets aux voix la motion n° 18, tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.
Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet de la proposition de loi
(La motion n'est pas adoptée.)
Mme la présidente. En conséquence, nous passons à la discussion de la motion préjudicielle.
Motion préjudicielle
Mme la présidente. Je suis saisie, par M. Collin, d'une motion préjudicielle n° 4.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l'article 44, alinéa 4, du règlement, le Sénat décide de suspendre le débat sur la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, portant diverses dispositions relatives au sport professionnel (n° 29, 2004-2005).
1. Jusqu'à ce que les autorités européennes en charge de la concurrence aient rendu leurs décisions sur les saisines visant à sanctionner les Etats responsables de l'attribution d'aides publiques contrevenant au droit européen de la concurrence.
2. Jusqu'à ce que les pratiques abusives mentionnées page 2 de l'exposé des motifs de la proposition de loi n° 1758 à l'Assemblée nationale aient fait l'objet d'un rapport au Parlement.
Je rappelle que, en application du dernier alinéa de l'article 44 du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n'excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à M. Yvon Collin, auteur de la motion.
M. Yvon Collin. Cette motion préjudicielle vise à reporter le débat sur la proposition de loi jusqu'à la réalisation de deux conditions, qui sont étroitement liées aux objectifs que prétend atteindre le texte.
L'un de ces objectifs est de compenser le handicap de compétitivité financière de nos clubs par rapport à leurs concurrents européens. Le moyen proposé consiste à instaurer un régime fiscal dérogatoire, ce qui équivaut à octroyer une subvention publique financée par le budget de l'Etat et, in fine, par les contribuables.
Un des enseignements forts des travaux que j'ai conduits sur le football et son économie durant dix-huit mois est que, dans ce secteur désormais pleinement globalisé à l'échelon européen, une série d'éléments empêchent une concurrence régulière et respectueuse des principes juridiques européens.
Les atteintes au droit de la concurrence sont polymorphes.
Le conseil d'administration de la Ligue de football professionnel en a pleinement conscience puisqu'il réclame la mise en place d'un « dispositif permettant d'assurer une concurrence loyale au niveau européen ».
Le président de la Ligue de football professionnel le sait puisqu'il dénonce régulièrement des faits de concurrence déloyale. Dans un entretien où il évoque la loi « Salva Calcio 2 », qui permet aux clubs italiens d'étaler leurs 510 millions d'euros de dettes fiscales, il déclare ainsi : « Je veux bien être pendu si ce n'est pas une aide d'Etat », et il évoque sa détermination à lutter « pour un football propre et contre le doping financier ».
Les aides d'Etat qui distordent la concurrence représentent une des entorses au droit européen de la concurrence. De très forts soupçons existent à ce sujet et la Commission européenne est déjà saisie de certains dossiers.
Si le gouvernement français voulait bien s'en donner la peine, d'autres affaires seraient adressées à la Commission, mais encore faudrait-il que nous ne donnions pas l'exemple contraire. C'est pourtant ce que nous parvenons à faire avec la proposition de loi que nous examinons puisque l'adopter consisterait purement et simplement à accorder une de ces aides d'Etat contre lesquelles s'élèvent avec raison les responsables des clubs et de la Ligue.
D'autres atteintes au droit européen de la concurrence existent et méritent d'être dénoncées, car elles viennent dangereusement déséquilibrer le fonctionnement économique du football et, par conséquent, la situation financière de nos clubs.
Je pense en particulier à certains systèmes de répartition des recettes liées à la commercialisation des compétitions, systèmes qui me semblent se traduire, dans les pays où ils prévalent, par des abus de position dominante et qui sont de nature à éliminer toute concurrence équilibrée. Ainsi, 82 % des Anglais considèrent qu'une répartition plus équitable des droits télévisuels s'impose pour préserver une concurrence effective et, plus globalement, l'intérêt du championnat anglais. L'UEFA elle-même s'inquiète des effets pervers de la Ligue des champions en termes de concurrence.
Tous ces points, et d'autres, ont été précisément évoqués dans le rapport que la délégation du Sénat pour la planification a consacré à l'économie du football professionnel.
Le gouvernement français n'a rien entrepris pour que les autorités européennes de la concurrence soient conduites à régler ces problèmes. Cependant, outre qu'on doit toujours attendre un sursaut et espérer que notre pays prenne enfin les initiatives qui s'imposent, plusieurs enquêtes sont en cours dans les services de la Commission.
La résolution des problèmes graves de concurrence existant dans le football est de nature à modifier complètement les termes du débat sue le texte qui nous est proposé. C'est la première raison pour laquelle je demande au Sénat de voter cette motion préjudicielle.
Il existe une seconde justification à ce vote. Les députés auteurs de la proposition de loi font état, dans leur exposé des motifs, de l'existence de pratiques abusives de dissimulation de salaires. Ainsi, il est écrit à la page 2 de cet exposé des motifs : « L'exploitation de l'image des sportifs professionnels s'effectue aujourd'hui dans des conditions très imparfaites et parfois abusives. Certains y voient un mécanisme permettant aux clubs de soustraire une fraction de leurs rémunérations aux charges sociales.»
En lisant ce passage, j'ai pris connaissance d'une irrégularité que mes travaux sur le football ne m'avaient pas apprise, même si, cet été, des échos de presse ont laissé entendre que le fisc britannique enquêtait sur des rémunérations liées au droit à l'image versées à partir de paradis fiscaux.
Je m'en suis ouvert au Premier ministre dans une question au Gouvernement où je lui demandais si les allégations des députés étaient exactes et ce qui était alors entrepris pour lutter contre ces pratiques. Nulle réponse ne m'a été apportée. En revanche, plusieurs lettres émanant de hauts responsables de notre football professionnel, que je tiens à la disposition de M. le Président du Sénat, ont jeté l'anathème sur votre serviteur, appelant à manifester contre lui. C'est vous dire le climat qui préside à nos débats.
Soyons très clairs : rien ne me permet de faire miens les propos des deux députés auteurs de la proposition de loi. Aussi ne les ai-je pas repris à mon compte. Cependant, s'ils devaient être exacts, il faut alors convenir qu'il serait peu admissible de faire profiter les fautifs de la subvention publique prévue par votre proposition de loi.
Une des conditions constantes posées à l'octroi d'une subvention publique est que les bénéficiaires soient en règle avec leurs obligations fiscales et sociales.
C'est pourquoi je demande que ce débat soit reporté jusqu'à ce qu'un rapport au Parlement apporte tout éclaircissement sur la confusion créée par l'exposé des motifs de la proposition de loi qui est soumise à l'examen de la Haute Assemblée.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-François Humbert, rapporteur. J'ai lu et relu ce texte, mais je n'y ai vu nulle part qu'il était question d'attribuer des subventions publiques au sport professionnel. Je n'ai donc pas compris, monsieur Collin, le sens de la majeure partie de votre intervention. La notion de « subventions publiques » me paraît inappropriée.
Vous avez évoqué les mesures qu'il faudrait prendre à l'encontre de certains clubs dans divers pays de l'Union européenne, qui accordent des aides. Le Parlement français ne me semble pas le plus à même de légiférer en la matière : les mesures répressives qui s'imposeraient éventuellement relèvent de la compétence de la Commission européenne ou de la Cour de justice des communautés européennes.
Je ne vois pas bien comment nous pourrions vous suivre sur cette enquête qui concernerait les abus de certains clubs auxquels vous avez fait allusion. Je rappelle que l'objet de la présente proposition de loi n'est pas de réprimer des pratiques existantes, mais de mettre en oeuvre un droit à l'image collective. Le droit à l'image individuelle et les abus qu'il aurait pu entraîner ici ou là ne relèvent pas du texte que nous examinons ce soir.
Telles sont, brièvement exposées, les raisons pour lesquelles je vous invite, mes chers collègues, à rejeter cette motion préjudicielle.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-François Lamour, ministre. Monsieur Collin, cette proposition de loi n'a pas pour objet d'instaurer des aides publiques ni un système dérogatoire. Il s'agit simplement de rappeler le principe suivant : à situation différente, situation juridique et aménagements différents, en adaptant le statut des joueurs professionnels sur celui des artistes. C'est en ce sens que le présent texte permet une véritable évolution.
S'agissant des pratiques abusives, elles concernent surtout le droit à l'image individuelle, lequel permet effectivement un certain nombre de dérives qui ont été rappelées et à propos desquelles des enquêtes sont effectivement en cours.
Nous créons, par cette proposition de loi, un droit à l'image collective, à travers un dispositif transparent et sûr - et le Parlement y veille -, pour éviter qu'il n'engendre, par le biais des paradis fiscaux, les dérives que connaît le droit à l'image individuelle.
J'ai lu votre rapport d'information et vos différentes déclarations sur la proposition de loi dans lesquelles vous déclarez que tout cela est fait pour cacher des turpitudes. Je rappelle qu'à l'Assemblée nationale je me suis opposé à un amendement visant à rendre le dispositif rétroactif. Je considère en effet que si des fautes ont été commises elles doivent bien sûr être sanctionnées et leurs auteurs définitivement écartés du milieu du sport professionnel.
A la lumière de votre rapport d'information, je crois pouvoir dire que nos points de vue coïncident en grande partie : vous ne voulez pas de régime fiscal dérogatoire, moi non plus, et vous le savez ; vous évoquez l'inégalité des prélèvements obligatoires entre les différents championnats européens, je partage votre analyse.
Toutefois, lorsque vous évoquez la nécessité de mettre à peu près en cohérence les systèmes fiscaux à l'échelon européen, vous savez parfaitement qu'il faudra six ou sept ans, voire dix, pour y parvenir. Or, vous en conviendrez, il faut agir vite et bien, pour accroître la compétitivité de nos clubs de football et de nos clubs professionnels tous sports confondus, grâce à ce texte.
Cette proposition de loi, qui ne prévoit à aucun moment un quelconque statut fiscal dérogatoire ou des taux de cotisations sociales différents entre les sportifs professionnels et les autres salariés, nous permettra d'avancer et de rattraper notre retard. L'adoption de ce texte ne pose aucun problème constitutionnel puisque, comme le Conseil constitutionnel le dit lui-même : à situation différente, traitement différent. C'est sur cet avis que nous devons nous appuyer pour avancer et pour permettre cette évolution salutaire, sans laquelle nous pourrions nous retrouver dans la même situation que les Italiens, qui ont dû recourir à la loi « Salva Calcio ».
J'ai été très étonné de votre référence aux ligues fermées américaines. Ce dispositif est en effet en totale contradiction avec ce qui constitue l'essence même du sport européen, à savoir la possibilité de monter et de descendre d'une division à une autre.
M. Yvon Collin. Je n'ai pas dit cela !
M. Jean-François Lamour, ministre. Si ! Vous avez parlé de régulation, de salary cap : c'est exactement le dispositif américain. Je vois donc une véritable contradiction entre votre analyse et les solutions que vous proposez. (M. Bernard Murat applaudit.)
Telles sont les raisons pour laquelle je demande le rejet de cette motion préjudicielle.
Mme la présidente. Je mets aux voix la motion préjudicielle n° 4.
Je rappelle que l'adoption de cette motion préjudicielle aurait pour effet de renvoyer le débat.
(La motion n'est pas adoptée.)
Mme la présidente. En conséquence, nous passons à la discussion des articles.
Article 1er
Le titre VIII du livre VII du code du travail est complété par un chapitre V ainsi rédigé :
« CHAPITRE V
« Sportifs professionnels
« Art. L. 785-1. - N'est pas considérée comme salaire la part de la rémunération versée à un sportif professionnel par une société relevant des catégories mentionnées à l'article 11 de la loi n° 84-610 du 16 juillet 1984 relative à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives, et qui correspond à la commercialisation par ladite société de l'image collective de l'équipe à laquelle le sportif appartient.
« Pour l'application du présent article, sont seules considérées comme des sportifs professionnels les personnes ayant conclu, avec une société mentionnée à l'alinéa précédent, un contrat de travail dont l'objet principal est la participation à des épreuves sportives.
« Des conventions collectives conclues, pour chaque discipline sportive, entre les organisations représentatives des sportifs professionnels et les organisations représentatives des sociétés employant des sportifs professionnels déterminent les modalités de fixation de la part de rémunération définie au premier alinéa, en fonction du niveau des recettes commerciales générées par l'exploitation de l'image collective de l'équipe sportive et notamment des recettes de parrainage, de publicité et de marchandisage ainsi que de celles provenant de la cession des droits de retransmission audiovisuelle des compétitions.
« Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas à la part de rémunération inférieure à un seuil fixé par les conventions collectives et qui ne peut être inférieur à deux fois le plafond fixé par décret pris en application de l'article L. 241-3 du code de la sécurité sociale.
« La part de rémunération définie au premier alinéa est fixée par convention collective dans chaque discipline. Elle ne peut toutefois pas excéder 30 % de la rémunération brute totale versée par la société au sportif professionnel.
« En l'absence d'une convention collective pour une discipline sportive, un décret peut déterminer les modalités de cette part de rémunération dans ladite discipline, dans le respect des conditions édictées par les alinéas précédents. »
Mme la présidente. Je suis saisie de sept amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 10 est présenté par MM. Todeschini, Lagauche, Mélenchon, Repentin et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 5 rectifié est présenté par M. Collin.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Serge Lagauche, pour présenter l'amendement n° 10.
M. Serge Lagauche. Cet article allège la pression fiscale sur les joueurs professionnels de sport d'équipe en les autorisant à ne pas déclarer une part de la rémunération perçue au titre du droit à l'image collective, part qui ne pourra excéder 30% de cette rémunération spécifique.
Cette disposition qui permettra d'améliorer la situation fiscale principalement des joueurs professionnels de football et de rugby les dissuadera sans doute de partir vers d'autres pays où la pression fiscale est moins forte.
Néanmoins, cette disposition nous paraît profondément injuste, pour deux raisons.
La première a été longuement exposée par mon collègue et ami Jean-Luc Mélenchon, lors de la défense de la motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité : nous sommes ici face à une rupture de l'égalité des citoyens devant les charges publiques, pratique condamnée à maintes reprises par le juge constitutionnel. Je répète qu'il n'est pas correct, de la part du Gouvernement, d'avoir laissé passer sciemment, dans une proposition de loi, une disposition qui avait fait préalablement l'objet d'une censure du Conseil d'Etat saisi sur un avant-projet de loi comportant un article similaire.
La seconde raison qui, à nos yeux, rend le dispositif de cet article profondément injuste est qu'il ne concernera que les clubs constitués sous forme de sociétés. Les associations ont été purement et simplement oubliées. Ainsi, cet article ne s'appliquera pas aux disciplines comme le handball ou le volley-ball dont les clubs sont, pour la plupart, constitués sous forme associative.
Le recours à cette forme juridique leur est nécessaire puisque seul le statut associatif autorise ces clubs à recevoir des subventions de la part des collectivités territoriales, subventions dont n'ont absolument pas besoin les clubs de football dont les recettes sont constituées à plus de 50 % par les droits de retransmission télévisée, contre environ 1 % pour les clubs de handball. Le dispositif de l'article 1er va donc renforcer les avantages exorbitants des clubs de football par rapport aux clubs des autres sports collectifs.
Les deux motifs de disparité de traitement que je viens d'exposer nous conduisent donc à demander la suppression de cet article.
Mme la présidente. La parole est à M. Yvon Collin, pour présenter l'amendement n° 5 rectifié.
M. Yvon Collin. La proposition de loi que nous sommes conduits à examiner a été adoptée à l'Assemblée nationale dans des conditions anormales de très grande urgence, compte tenu de son histoire.
Je passerai sur plusieurs épisodes pour dire qu'après un rapport de M. Jean-Pierre Denis, vous avez installé un groupe de travail réunissant les milieux professionnels et les administrations concernées pour étudier les moyens d'améliorer la compétitivité du sport professionnel français.
Logiquement, les travaux de ce groupe auraient dû être suivis de l'élaboration d'un projet de loi, comme vous l'aviez annoncé. Mais la logique n'a pas prévalu et, sans qu'on sache précisément ce qu'il est advenu dans le groupe de travail que j'ai mentionné, celui-ci s'est autodétruit. Une proposition de loi est apparue fort opportunément.
Cela a permis d'éviter de mettre en évidence les différentes oppositions suscitées par l'article 1er. Les propositions de loi ont l'avantage considérable, mais aussi l'insigne faiblesse, de ne pas passer au crible de l'examen du Conseil d'Etat.
« Il fallait aller vite », estime un des auteurs de la proposition de loi et on comprend les motifs de cette précipitation. Mais j'ai été stupéfait de lire dans le même entretien que tout cela avait été fait dans l'harmonie entre votre ministère, le ministère des finances et le Conseil d'Etat.
Je m'interroge d'autant plus qu'il y a quelques années un « article Drut », de même nature, avait, dit-on, suscité la réserve du Conseil d'Etat, qui l'avait alors jugé contraire à l'égalité devant la loi et les charges publiques.
Je voudrais dire ici les raisons de fond pour lesquelles je m'oppose à cet article qui représente le coeur politique de cette proposition de loi.
A l'heure où le Gouvernement demande à chaque Français d'augmenter sa contribution au financement de l'assurance maladie et alors que le régime des intermittents du spectacle subit une réforme draconienne, le Gouvernement signe un chèque de plusieurs dizaines de millions d'euros, tiré sur les contribuables, au bénéfice des dirigeants de clubs sportifs à objet commercial.
Je m'empresse de dire que cet article d'initiative parlementaire me semble passible de l'article 40 de notre Constitution puisqu'il crée une charge publique.
Votre présentation est un leurre. Le panorama du football est caractérisé par une forte segmentation des pays et des clubs au regard des moyens financiers disponibles. Pour les pays, l'Angleterre est en tête avec 1,7 milliard d'euros de chiffre d'affaires, la France fermant la marche avec environ 650 millions d'euros. S'agissant des clubs, les vingt premiers clubs professionnels européens, sur un total de 250 clubs pour les cinq grands pays de football, accaparent la moitié du chiffre d'affaires du football en Europe. Le premier club français est dix-neuvième au classement.
La mesure que vous soutenez est une goutte d'eau dans cet océan, une goutte d'eau amère, mais une goutte d'eau.
Dans mon intervention lors de la discussion générale, j'ai indiqué les problèmes prioritaires qu'il convient de résoudre. Il faut s'attacher à assainir les finances du football européen parce que les pertes sont insoutenables, tout en préservant l'intérêt sportif des compétitions. Il faut réduire les inégalités, comme c'est fait aux Etats-Unis ; je l'ai dit, mais vous n'êtes pas d'accord. C'est beaucoup plus important que de courir vers le moins-disant fiscal en Europe.
En choisissant cette dernière option, la proposition de loi passe à côté de l'essentiel, met en oeuvre une mesure injuste et inefficace, et traduit un renoncement à emprunter la voie d'une harmonisation fiscale maîtrisée.
Je considère que la question des prélèvements obligatoires supportés par le football est une question légitime. Mais il est intolérable de la traiter comme vous le faites.
Il est justifié de s'intéresser au problème de la singularité française en matière de prélèvements obligatoires. Ce problème est celui de la compétitivité fiscale de « l'espace économique France », mais aussi celui des phénomènes de concurrence fiscale et de l'harmonisation des prélèvements obligatoires en Europe.
La forte mobilité de la main-d'oeuvre et les niveaux exceptionnels de rémunération atteints dans ce secteur sont des particularités dont il faut tenir compte.
Le « coin fiscalo-social » est particulièrement élevé en France. Par rapport à la moyenne des concurrents, les prélèvements obligatoires que suppose le versement d'un revenu de 1,8 million d'euros sont, en France, plus de deux fois plus lourds. Ce sont les charges sociales qui expliquent l'essentiel de cet écart. Elles sont douze fois plus élevées en France. Pour un salaire net de 1,8 million d'euros, l'écart de taux de cotisations employeurs entre la France et la moyenne européenne s'élève à plus de 30,1 points. Comme je l'ai dit dans mon rapport, ces données militent a priori pour une réduction des prélèvements.
Cependant, tout n'est pas aussi simple.
Je passe sur le fait que, dans les comparaisons internationales, les prélèvements obligatoires sont considérés comme une charge pure, sans contrepartie, alors qu'ils sont créateurs de droits pour les salariés et, à ce titre, doivent donc être considérés, au moins pour partie, comme un élément de rémunération du salarié.
L'essentiel est que s'aligner sur le bas de la fourchette des prélèvements en Europe, c'est implicitement adopter des systèmes étrangers, qui sont profondément inéquitables. Le taux effectif de cotisation est de 31,5 % pour un salarié en Espagne, mais il n'est que de 0,3 % pour un salarié touchant 1,8 million d'euros. On peut faire la même remarque s'agissant du Royaume-Uni.
Le système français, même s'il comporte des prélèvements sans doute excessifs, est, au regard de l'équité verticale, plus satisfaisant que les systèmes étrangers.
Plutôt que de militer pour un alignement de la France sur ces pays, il faut lancer un débat sur l'harmonisation en sensibilisant les opinions publiques étrangères sur les transferts de charges que supposent les systèmes « anti-redistributifs » appliqués dans leurs pays. D'ailleurs, le rapport de la Délégation préconise ce processus d'harmonisation. La proposition de loi qui est en discussion illustre, ô combien ! les problèmes que l'on rencontre lorsqu'on lui tourne le dos. Le texte tend en effet à réduire la charge « fiscalo-sociale » sur des salaires extrêmement élevés et à reporter celle-ci sur le contribuable ordinaire. Ce chemin n'est pas le bon.
De plus, la mesure envisagée sera inefficace. Sur la base de projections, le gain brut, pour les clubs français de ligue 1, peut être estimé à un montant de l'ordre de 40 millions d'euros. Ce transfert des administrations publiques vers les clubs représentera une charge importante pour les finances publiques. Le supplément de ressources variera, pour chaque club, en fonction du niveau relatif des salaires versés. On estime qu'il oscillera entre 1 million d'euros et 5 millions d'euros. Ces données doivent être mises en regard des 151 millions d'euros de pertes des clubs de ligue 1, du coût d'un transfert moyen - qui est de l'ordre de 6 millions d'euros - et du budget des plus gros clubs. Les clubs, qui perdent de l'argent, souhaitent utiliser ces sommes pour augmenter leurs dépenses : c'est rigoureusement inconcevable ! Le Gouvernement souhaite-t-il dilapider l'argent des contribuables ?
Mme la présidente. L'amendement n° 2, présenté par MM. Vallet, Merceron et les membres du groupe de l'Union Centriste, est ainsi libellé :
I - Après les mots :
un sportif professionnel
rédiger ainsi la fin du premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 7851 du code du travail :
par une fédération visée à l'article 16 de la loi n° 84610 du 16 juillet 1984 relative à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives, une association affiliée à la fédération ou par une société relevant des catégories mentionnées à l'article 11 de la même loi, et qui correspond à la commercialisation par lesdits groupements de l'image collective de l'équipe à laquelle le sportif appartient.
II - En conséquence :
a) Dans le second alinéa du même texte, remplacer les mots :
une société mentionnée
par les mots :
un groupement sportif mentionné
b) Après les mots :
versée par
rédiger comme suit la fin de la seconde phrase de l'avant dernier alinéa du même texte :
la fédération, l'association ou la société au sportif professionnel
La parole est à M. André Vallet.
M. André Vallet. L'article 1er permet à un sportif d'être en partie rémunéré à travers la commercialisation de l'image de son équipe. Or, le champ de cet article est limité aux sportifs liés aux clubs constitués en société.
Nous, les membres du groupe de l'Union centriste, souhaitons une adaptation de la législation sur l'organisation du sport professionnel pour que toutes ses composantes puissent bénéficier de ces dispositions.
Cette limitation aux sociétés nous semble, en effet, injustifiée et peu adaptée aux réalités. En effet, si les clubs de football sont, pour la plupart, des sociétés à objet sportif, il n'en est pas de même dans d'autres disciplines comme le handball et le volley-ball.
Très souvent, si les clubs ne se sont pas encore constitués sous forme de société, c'est uniquement parce qu'ils n'atteignent pas les seuils fixés par décret. Penser qu'ils se transformeront en société afin de pouvoir bénéficier de ce dispositif serait faire fi des contraintes juridiques pesant sur eux.
Par ailleurs, il convient de souligner que les sociétés sportives n'ont pas le monopole des contrats d'image. Les associations emploient également leur image collective comme principal vecteur de développement.
Si cette disposition est maintenue en l'état, il y aurait une inégalité de traitement entre les joueurs d'une même discipline. Or, il nous semble que l'objectif poursuivi est d'améliorer la compétitivité du sport professionnel français dans son ensemble.
En outre, tout comme les sociétés et les associations, les fédérations sportives peuvent être amenées à valoriser l'image collective de leur équipe de France. La valorisation de cette image peut donner lieu à la rémunération des sportifs. C'est pourquoi nous vous proposons d'élargir également le dispositif aux fédérations.
Mme la présidente. L'amendement n° 1, présenté par M. Humbert, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Dans le deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 785-1 du code du travail, remplacer les mots :
sont seules considérées comme des sportifs professionnels les personnes
par les mots :
sont seuls considérés comme des sportifs professionnels les sportifs
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-François Humbert, rapporteur. Cet amendement d'appel vise à lever une ambiguïté rédactionnelle, afin d'éclaircir la situation des entraîneurs professionnels des équipes sportives vis-à-vis de ce dispositif du droit à l'image collective.
Monsieur le ministre, au cours des auditions, les représentants des entraîneurs, toutes disciplines confondues, m'ont fait part de leur volonté de revendiquer auprès de leurs clubs le bénéfice de ce dispositif une fois qu'il serait adopté. Or, à la lecture d'un certain nombre de comptes rendus des groupes de travail à l'origine de ce texte, il nous a semblé qu'il n'était pas dans l'intention des auteurs d'inclure les entraîneurs dans ce dispositif.
Aussi, afin de lever cette ambiguïté rédactionnelle, le présent amendement tend à restreindre l'application du dispositif aux seuls joueurs employés par les clubs, dans l'attente de votre explication, monsieur le ministre.
Mme la présidente. L'amendement n° 15, présenté par M. Vallet et les membres du groupe de l'Union Centriste, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le début du troisième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 785-1 du code du travail :
« Un accord conclu entre les organisations représentatives des sportifs professionnels et les fédérations ou les organisations représentatives des associations et des sociétés employant des sportifs professionnels détermine les modalités ...
L'amendement n° 16, présenté par M. Vallet et les membres du groupe de l'Union Centriste, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi l'avant dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 785-1 du code du travail :
« La part de rémunération définie au premier alinéa est fixée par l'accord prévu ci-dessus. Elle ne peut toutefois pas excéder 30 % de la rémunération brute totale versée par la fédération, l'association ou la société au sportif professionnel.
L'amendement n° 17, présenté par M. Vallet et les membres du groupe de l'Union Centriste, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi le dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 7851 du code du travail :
« En l'absence d'accord, un décret peut déterminer les modalités de cette part de rémunération dans le respect des conditions édictées par les alinéas précédents. »
La parole est à M. André Vallet, pour présenter ces trois amendements.
M. André Vallet. L'amendement n° 15 a pour objet de tirer toutes les conséquences de la reconnaissance du droit à l'image et de traiter l'ensemble des sportifs et des disciplines de manière identique, quel que soit la discipline sportive ou le montant des revenus des sportifs professionnels. Il s'agit d'offrir au sportif professionnel un droit à l'image identique quel que soit sa discipline ou le montant de ses revenus. Cet amendement a donc pour objet d'assurer une plus grande équité entre les sportifs et les disciplines.
Quant aux amendements nos 16 et 17, il s'agit de deux amendements de conséquence.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-François Humbert, rapporteur. S'agissant de l'amendement n° 10, la commission émet un avis défavorable. Je ne reprends pas les arguments que j'ai développés lors de l'examen de la motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.
Les motivations de l'amendement n° 5 rectifié me semblent infondées à trois égards, monsieur Collin.
D'abord, comme j'ai eu l'occasion de le dire lors de l'examen de la motion préjudicielle déposée par le même auteur, les 280 joueurs français dans des clubs étrangers représentent aujourd'hui, pour notre pays, une perte de 16 millions d'euros au titre de l'impôt sur le revenu et de 35 millions d'euros de charges sociales. Il s'agit d'une perte considérable pour le contribuable, et c'est précisément ce contre quoi nous luttons par le dispositif de cet article.
Ensuite, quand vous évoquez les pertes très élevées des clubs sportifs français, vous visez, bien entendu, les clubs de football. Vous semblez par conséquent ignorer que, sous l'impulsion de la ligue professionnelle, les clubs de football français se sont engagés dans un vaste mouvement d'apurement de leurs comptes, avec des résultats exemplaires. Pour vous donner un chiffre représentatif, le déficit d'exploitation de l'ensemble des clubs de football de ligue 1 a été ramené en août dernier à un montant compris entre 10 millions d'euros et 20 millions d'euros. C'est beaucoup, me direz-vous, mais ce montant doit être mis en regard du déficit du FC Barcelone : 160 millions d'euros, soit huit fois plus pour un seul club que pour nos vingt clubs de ligue 1.
Enfin, vous parlez d'un régime dérogatoire. Je rappelle que le dispositif du droit à l'image collective ne crée pas de niche fiscale (Exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste), mais aligne la situation des sportifs professionnels sur celle des artistes interprètes. Entendriez-vous remettre en cause le régime des artistes français ?
Pour conclure, permettez-moi de m'étonner de la fronde de l'auteur de l'amendement. Comme il a lui-même tenu à le rappeler tout à l'heure, il est l'auteur d'un remarquable rapport sur le sport professionnel en France dans lequel on trouve, sous le titre : « Les prélèvements sociaux et fiscaux, quels effets sur la compétitivité des clubs ? », le constat suivant : « Par rapport à la moyenne des concurrents européens, les prélèvements obligatoires que suppose le versement d'un même revenu à un sportif sont en France plus de deux fois plus lourds ; ce sont les charges sociales qui expliquent l'essentiel de cet écart ; elles sont plus de douze fois plus élevées en France. »
Alors que le dispositif du droit à l'image collective, tout en bénéficiant aux sportifs, a également pour objectif d'alléger les charges des clubs, je m'étonne que l'auteur de ces lignes que je viens de rappeler propose aujourd'hui de supprimer le dispositif.
Pour toutes ces raisons, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
Concernant l'amendement n°2, il n'y a pas d'interdiction absolue, pour les associations, d'adopter le statut de société, quand bien même elles n'auraient pas atteint les seuils que nous avons mentionnés et répétés. Elles ont donc la possibilité, si elles le souhaitent, de bénéficier du nouveau dispositif. Monsieur Vallet, ces précisions, qui complètent celles qui vous ont été fournies en commission, pourraient vous conduire à retirer votre amendement. A défaut, la commission émettra un avis défavorable.
L'amendement n° 15 propose que les modalités de fixation de la part de rémunération représentative du droit à l'image collective soit négociées de manière uniforme pour toutes les disciplines entre les organisations représentatives des sportifs professionnels et les fédérations, alors que le dispositif prévoit une négociation discipline par discipline.
En réalité, l'exposition médiatique des équipes en fonction de laquelle est déterminé le taux de la redevance étant très variable d'une discipline sportive à l'autre, le calcul du droit à l'image ne peut pas être normalisé.
C'est la raison pour laquelle la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement, ainsi que sur les amendements de conséquence nos 16 et 17.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-François Lamour, ministre. Concernant l'amendement n° 10, je rappelle que le projet de loi Drut n'est pas retranscrit in extenso dans la proposition de loi qui est actuellement en débat. Il s'agit d'un nouveau texte, qui permet de tenir compte des observations du Conseil constitutionnel.
Monsieur Lagauche, vous évoquiez les subventions publiques attribuées aux clubs professionnels. Je précise simplement que c'est la loi de 1999 sur le sport professionnel, présentée devant votre assemblée par Mme Marie-George Buffet, qui a permis le versement de ces subventions publiques aux clubs professionnels. Je vois que vous y êtes maintenant opposé ; c'est malheureusement assez surprenant !
Mme Annie David. Vous aviez voté contre en 1999 !
M. Jean-François Lamour, ministre. Je ne parle pas de ce que j'ai fait, madame David, je dis simplement que M. Lagauche est maintenant opposé aux subventions publiques !
Enfin, concernant les estimations sur ce que ce dispositif peut coûter à l'Etat et sur ce qu'il peut rapporter aux clubs, il existe une importante différence d'appréciation entre vous : M. Mélenchon évoquait un coût pour la sécurité sociale de l'ordre de 120 millions d'euros ; vous, vous parlez de gains de 40 millions d'euros. Je vous demande simplement de vous mettre d'accord sur les recettes et les pertes, car il y a là une sacrée différence.
Je rejoins M. Humbert sur les grands efforts accomplis par les différentes directions nationales du contrôle de gestion, les DNCG, qui ont véritablement assaini les finances des clubs professionnels de rugby ou de football. C'est effectivement ce qu'il faudra demander à l'échelon européen car, pour l'instant, la licence européenne ne résout pas véritablement le problème de l'opacité des comptes d'un certain nombre de clubs professionnels en Europe.
Le Gouvernement émet un avis défavorable sur les amendements identiques nos 10 et 5 rectifié.
S'agissant de l'amendement n° 2, monsieur Vallet, vous avez posé une bonne question sur les sportifs sélectionnés en équipe de France. La proposition de loi évoque la continuité du contrat de travail conclu par les joueurs dans les clubs avec l'équipe de France. Un problème complexe d'interprétation se pose pour l'application du dispositif de droit à l'image collective pour ces joueurs.
Quant aux rémunérations versées aux sportifs par les associations, un seul club de handball serait capable de verser à ses joueurs une rémunération égale à deux fois le plafond. Ce club tient, semble-t-il, à conserver son statut d'association pour continuer à percevoir d'importantes subventions publiques. Il conviendrait peut-être qu'il évolue vers un statut professionnel.
Le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
L'amendement n° 1 vise la disposition de l'article 1er aux termes de laquelle d'autres catégories de personnes ayant signé un contrat de travail avec une société civile pourraient bénéficier du droit à l'image collective. C'est un point qui a été évoqué par M. Bernard Murat.
Le deuxième alinéa de cet article précise bien qu'il s'agit de la participation à des épreuves sportives. Cette disposition concerne exclusivement les joueurs ; ce sont eux qui participent à l'activité footballistique sur le terrain et qui peuvent bénéficier d'une part du droit à l'image collective.
Bien évidemment, les entraîneurs, comme d'autres catégories de personnes évoluant autour d'une équipe de football, peuvent bénéficier du droit à l'image individuelle. D'ailleurs, cela existe !
M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Exactement !
M. Jean-François Lamour, ministre. Chacun sait qu'un certain nombre d'entraîneurs bénéficient de ces dispositions, qui conviennent bien à leur statut.
Le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
Quant à l'amendement n° 15, il me paraît bon de donner la possibilité, en fonction des recettes de parrainage, de publicité et de marchandisage, qui varient selon les disciplines, de moduler le niveau de rémunération des sportifs, et donc la part afférente au droit à l'image.
Le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement, ainsi que sur les amendements nos 16 et 17.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 10 et 5 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Monsieur Vallet, l'amendement n° 2 est-il maintenu ?
M. André Vallet. Je vais donner satisfaction à M le rapporteur et retirer mes amendements.
Auparavant, je souhaite avoir quelques précisions. Au sein du groupe de l'Union centriste, nous approuvons la philosophie du présent texte, mais nous avons l'impression, peut-être fausse, que celui-ci favorise quelques sports, et ne s'applique donc pas à l'ensemble du mouvement sportif. M. le rapporteur ou M. le ministre pourraient-ils nous dire quelques mots sur les consultations qu'ils ont pu avoir avec les autres fédérations sportives et l'opinion de ces dernières ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-François Lamour, ministre. Monsieur le sénateur, la proposition de loi présentée par MM. Landrin et Geveaux a été largement nourrie des conclusions du groupe de travail qui a été mis en place sur mon initiative, regroupant les présidents de fédérations, les présidents de ligues et les représentants des joueurs.
Tous ces intervenants ont travaillé sur un certain nombre de propositions. Ces dernières ont été reprises en grande partie dans la proposition de loi, avec l'assentiment de tous les partenaires du groupe de travail, qui ont validé les principes retenus.
Je rappelle les chiffres concernant le nombre de joueurs professionnels qui pourraient bénéficier de la présente proposition de loi : près de cinq cents joueurs professionnels de football, six cents joueurs professionnels de rugby, deux cents joueurs professionnels de basket-ball. Ils sont beaucoup moins nombreux pour le handball car peu de clubs ont le statut de société anonyme de sport professionnel, SASP, beaucoup de clubs préférant, pour les raisons que j'ai indiquées tout à l'heure, rester dans un cadre purement associatif.
M. André Vallet. Dans ces conditions, je retire l'amendement n° 2, ainsi que les amendements nos 15, 16 et 17.
Mme la présidente. Les amendements nos 2, 15, 16 et 17 sont retirés.
M. Thierry Repentin. Madame la présidente, je reprends l'amendement n° 2
Mme la présidente. Il s'agit donc de l'amendement n° 2 rectifié, présenté par M. Repentin.
Mon cher collègue, vous avez la parole, pour défendre cet amendement.
M. Thierry Repentin. Nous venons de demander vainement la suppression de l'article 1er de la proposition de loi Thiriez au motif qu'il institue une disparité de traitement face aux charges publiques, notamment au sein même du sport d'équipe professionnel.
L'amendement n° 2 de nos collègues MM. Vallet et Merceron, que nous aurions pu déposer comme amendement de repli, présente le mérite d'améliorer quelque peu la situation, puisqu'il autorisera, s'il est adopté, l'ensemble des sportifs professionnels à se prévaloir du droit à déduire jusqu'à 30 % de la rémunération perçue au titre du droit à l'image collective de leur traitement soumis à déclaration de revenus.
Ainsi, alors que la proposition de loi réserve cette possibilité aux sportifs dont les clubs sont constitués en société, et à ces seuls clubs, l'amendement tend à l'étendre aux associations. Ce sont certainement les joueurs de ces structures qui ont le plus besoin de bénéficier d'un tel avantage.
Je rappelle qu'au sein des disciplines de sports d'équipe, la quasi-totalité des clubs, en dehors de ceux du football et du rugby, ne sont pas constitués sous forme de société. Et il y a une bonne raison à cela : en vertu de l'article 19-1 de la loi du 16 juillet 1984 relative à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives, les sociétés telles que définies à l'article 11 de cette même loi ne peuvent bénéficier de subventions des collectivités territoriales.
En conséquence, les clubs qui, à l'instar de ceux du football, voient leur budget abondé de 52 % par les droits de retransmission télévisée n'ont pas besoin de rechercher des financements complémentaires auprès des collectivités territoriales. Ils peuvent donc se constituer sous forme de société.
En revanche, les disciplines, comme le handball, le hockey et d'autres sports moins médiatiques que le football, dont les ressources tirées des droits de retransmission télévisée ne représentent qu'une marge infime de leur financement, ne peuvent survivre sans l'aide des collectivités territoriales.
Pour en bénéficier, une seule solution s'ouvre à leurs clubs : opter pour un statut d'association, largement représenté dans nos collectivités territoriales.
Il me semble donc profondément injuste que seuls les joueurs de football dont les clubs ont pris la forme de société bénéficient du droit de déduire de leur déclaration de revenus une part non négligeable de leurs rémunérations, alors que les joueurs professionnels d'autres disciplines - le handball, le basket, le volley - en seront privés dans leur grande majorité, peu de clubs de ces disciplines - et M. le ministre ne peut pas le contester - étant constitués sous forme de société ; ils sont seulement au nombre de trois en France dans le domaine du handball.
Cette disparité de traitement est d'autant plus injuste que les salaires dans ces disciplines moins médiatiques n'ont rien de commun avec les rémunérations faramineuses versées par certains clubs de football.
En France, dans le secteur du handball, le salaire moyen mensuel d'un joueur professionnel de première division s'élève à 3 000 euros, certains joueurs ne percevant que le SMIC, tandis que seuls vingt-sept joueurs touchent plus de 5 000 euros.
On l'a bien compris, que vous soyez en société ou en club, vous serez traité différemment avec l'adoption de la proposition de loi Thiriez.
Le sport professionnel est différent parce que l'intérêt des médias, et donc des sponsors, des partenaires privés, est très variable.
Or, en dehors du football, nous avons en France des sports collectifs dans lesquels les joueurs pratiquement professionnels appartiennent à des clubs ayant un statut associatif.
Nier cette réalité, c'est nier la réalité de la diversité qui existe entre les sports. La France peut pourtant être fière de ces sportifs qui font souvent résonner la Marseillaise dans les joutes européennes, mondiales, olympiques, et qui drainent, par émulation, des milliers de jeunes pratiquants sur nos stades et dans nos gymnases.
Je pense bien évidemment à nos joueurs de rugby, mais aussi à nos handballeurs qui ont été deux fois champions du monde et une fois champions olympiques - aucun autre sport collectif en France n'a affiché un tel palmarès - et à nos basketteurs.
Je m'en tiendrai à ces trois exemples, qu'a bien voulu prendre M. le rapporteur, où les moissons ont été belles en titres masculins et féminins, mais où les sponsors privés ne sont malheureusement pas toujours au rendez-vous.
En effet, bien que riches de résultats, de personnalités et de licenciés, les clubs vivent essentiellement de subventions publiques et chacun sait, dans cet hémicycle, que les associations dans nos villes comptent des sportifs professionnels.
Si l'article 1er de la présente proposition de loi était adopté en l'état, nous aurions à l'égard des collectivités locales, des sportifs concernés, et donc des règles au sein d'un championnat, des accompagnements différents d'un territoire à l'autre, qui pourraient bouleverser la hiérarchie sportive, laquelle a été construite, souvent pendant de longues années, par les dirigeants des clubs, soutenus par les maires et les présidents de conseil général.
Cet amendement, judicieusement présenté par M. Vallet, permet d'éviter une iniquité territoriale, sans rien enlever d'ailleurs à la proposition de loi telle qu'elle est présentée - je rassure les amoureux du football -, c'est-à-dire sans supprimer les avantages que la proposition de loi Thiriez tente d'apporter au football professionnel, car aucun club de football de ligue 1 n'a une forme associative.
Il nous a été dit que si ces clubs voulaient bénéficier du présent texte, ils n'avaient qu'à se transformer en société anonyme. Or, nous savons, vous et moi, pourquoi ils ne le font pas : n'étant malheureusement pas suffisamment médiatiques, ils ne peuvent pas vivre sans les subventions municipales et départementales, auxquelles ils n'auraient plus droit s'ils adoptaient ce statut.
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Murat, pour explication de vote.
M. Bernard Murat. Nous discutons de cette proposition de loi depuis vingt-deux heures et tous les orateurs ont pu faire valoir leur point de vue. On peut effectivement se poser des questions sur le spectre des sportifs, des associations et des clubs qui sont particulièrement concernés par le dispositif proposé. Mais il y a une chose que nous ne pouvons pas accepter en tant que sénateurs. Dans cet hémicycle, nous votons sur une proposition de loi qui est présentée par M. le ministre.
M. Jean-Marc Todeschini. Pas par le ministre !
M. Bernard Murat. Elle ne saurait porter le nom d'une personnalité sportive, quels que soient ses qualités et ses titres, qu'il s'agisse d'un président d'une association ou d'un président d'une fédération sportive française. Cela me paraît inadmissible ! (Marques d'approbation sur plusieurs travées de l'UMP.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Nous nous abstiendrons sur l'amendement n° 2 rectifié, non pas que M. le ministre ou M. le rapporteur nous aient convaincus, mais parce que nous avons voté en faveur de l'amendement de suppression de l'article 1er.
Comme nous sommes contre l'article 1er, nous ne souhaitons pas étendre le champ des dispositions prévues à d'autres sportifs. Toutefois, cet amendement de repli permettrait de maintenir une certaine égalité de traitement entre les sportifs, car l'article 1er va creuser un fossé entre les disciplines, voire entre certains sportifs d'une même discipline.
Je le répète, nous nous abstiendrons sur cet amendement de repli, mais ce n'est pas parce que nous avons été convaincus par vos arguments, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 2 rectifié.
Je suis saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
Mme la présidente. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 47 :
Nombre de votants | 321 |
Nombre de suffrages exprimés | 266 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 134 |
Pour l'adoption | 103 |
Contre | 163 |
Le Sénat n'a pas adopté.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-François Humbert, rapporteur. Monsieur le ministre, l'amendement n° 1 était, comme je l'avais précisé, un amendement d'appel. J'attendais votre réponse avec intérêt. Compte tenu de vos explications, je le retire.
Mme la présidente. L'amendement n° 1 est retiré.
M. Jean-Marc Todeschini. M. le rapporteur peut-il retirer un amendement sans avoir consulté la commission ? Vous voulez un vote conforme !
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Mon cher collègue, rappelez-vous la réunion de la commission. Nous avons eu notamment une discussion particulièrement intéressante sur cet amendement. Ce que M. le rapporteur vient de faire est strictement conforme à la décision de la commission.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 1er.
(L'article 1er est adopté.)
Article 2
Le chapitre V du titre VIII du livre VII du code du travail est complété par un article L. 785-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 785-2. - Les dispositions de l'article L. 125-3 ne sont pas applicables à l'opération mentionnée à cet article, lorsqu'elle concerne le salarié d'une association ou société sportive mentionnée à l'article 11 de la loi n° 84-610 du 16 juillet 1984 relative à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives, lorsqu'il est mis à disposition de la fédération sportive délégataire concernée en qualité de membre d'une équipe de France dans des conditions définies par la convention conclue entre ladite fédération et la ligue professionnelle qu'elle a constituée, et alors qu'il conserve, pendant la période de mise à disposition, sa qualité de salarié de l'association ou de la société sportive ainsi que les droits attachés à cette qualité. »
Mme la présidente. L'amendement n° 6, présenté par M. Collin, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article.
Le second alinéa de l'article L. 1253 du code du travail est complété par les mots :
« en particulier aux opérations qui concernent le salarié d'une association ou société sportive mentionnée à l'article 11 de la loi n° 84610 du 16 juillet 1984 relative à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives, lorsqu'il est mis à la disposition de la fédération sportive délégataire concernée en qualité de membre d'une équipe de France dans des conditions définies par la convention conclue entre ladite fédération et la ligue professionnelle qu'elle a constituée, et alors qu'il conserve, pendant la période de mise à disposition, sa qualité de salarié de l'association ou de la société sportive ainsi que les droits attachés à cette qualité. »
La parole est à M. Yvon Collin.
M. Yvon Collin. Si les mises à disposition de joueurs auprès des fédérations appellent une sécurisation juridique, il n'y a aucune raison pour les qualifier d'emblée de prêt de main-d'oeuvre à but lucratif. Il appartient, le cas échéant, aux conventions conclues entre les fédérations et les représentants professionnels des clubs de régler les aspects financiers de ces opérations, ne serait-ce que pour prévenir l'éventualité de négociations au cas par cas, dont l'issue est nécessairement plus incertaine qu'un accord conclu à froid.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-François Humbert, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
Les débats à l'Assemblée nationale ont permis d'améliorer la cohérence du dispositif, en rassemblant, dans le nouveau chapitre relatif au sport professionnel créé par l'article 1er, l'ensemble des dispositions relatives au sport professionnel qui modifient le code du travail.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-François Lamour, ministre. L'objet de l'article 2 de la proposition de loi, qui a été rédigé avec le concours de la direction des relations du travail, est justement d'exclure la possibilité de recourir à un prêt de main-d'oeuvre illicite à but lucratif pour ce qui concerne la mise à disposition, par la fédération, d'un joueur professionnel évoluant en équipe de France.
Cette disposition répond donc aux risques juridiques auxquels étaient confrontées les fédérations et les clubs. Il va de soi que, dans le cadre des conventions qui lient les fédérations et les ligues professionnelles, celles-ci sont libres de régler l'ensemble des aspects financiers de ces opérations.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote sur l'article 2.
Mme Annie David. L'article 2 est bien le seul de cette proposition de loi que nous voterons. En effet, il apporte une réponse à tous les sportifs du monde professionnel lorsque ceux-ci sont sélectionnés dans les équipes de France, quelles qu'elles soient. Cet article répond donc aux attentes de l'ensemble des sportifs professionnels.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marc Todeschini, pour explication de vote.
M. Jean-Marc Todeschini. Comme je l'ai indiqué lors de la discussion générale, le groupe socialiste votera l'article 2. Nous voterons au moins un article de la proposition de loi.
M. Charles Revet. Vous pouvez continuer, monsieur Todeschini ! (Sourires.)
M. Jean-Marc Todeschini. Nous verrons ! (Nouveaux sourires.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 2.
(L'article 2 est adopté à l'unanimité.)
Article 3
Le chapitre V du titre VIII du livre VII du code du travail est complété par un article L. 785-3 ainsi rédigé :
« Art. L. 785-3. - Le versement prévu par l'article L. 931-20 n'est pas dû en cas de contrat à durée déterminée conclu, en application du 3° de l'article L. 122-1-1, dans le secteur d'activité du sport professionnel. »
Mme la présidente. L'amendement n° 11, présenté par MM. Todeschini, Lagauche, Mélenchon, Repentin et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean-Marc Todeschini.
M. Jean-Marc Todeschini. L'article 3 constitue, à nos yeux, une rupture d'égalité entre les citoyens face aux charges publiques. Une telle disposition a déjà fait l'objet de nombreuses censures du Conseil constitutionnel.
Sur le fond, il est politiquement et socialement scandaleux d'envisager d'exonérer, dans le sport, les contrats à durée déterminée du versement de la taxe de 1 %, dont le produit permet de financer le congé de formation et le congé de bilan de compétences.
Nous ne pouvons accepter que le secteur du sport professionnel, qui véhicule, dans certains cas, beaucoup d'argent, soit exonéré du paiement de cette taxe et ne participe pas à un effort national de solidarité.
Les arguments fallacieux employés par le Gouvernement et sa majorité pour justifier cette exonération ne tiennent pas. En effet, pourquoi avancer sans cesse l'argument selon lequel les sportifs professionnels ne bénéficient pas du congé de formation ? En la matière, ils sont toujours, autant que je sache, soumis aux dispositions de droit commun.
Compte tenu de la durée extrêmement courte de leur carrière et de leur reconversion obligatoire, les bilans de compétences qui sont financés par cette même taxe constituent, pour ces professionnels, un outil particulièrement précieux.
Comment justifier le fait que les CDD de droit commun, dont les bénéficiaires sont souvent rémunérés au SMIC, continuent à acquitter cette taxe alors que les salaires mirobolants des footballeurs professionnels en seront exonérés ?
Le seul argument qui ait réellement pu faire pencher la balance en faveur de cette disposition est celui de la hauteur des salaires versés aux sportifs professionnels et de la taxe acquittée en conséquence, qui coûte très cher aux clubs de football.
Le contribuable de base, surtout s'il est employé en CDD, appréciera que le secteur du sport professionnel, qui véhicule souvent des capitaux considérables, soit ainsi exonéré de participer à la politique sociale nationale !
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-François Humbert, rapporteur. Dans le sport professionnel, le CDD est la norme. Il est donc anormal que les clubs aient à acquitter la taxe de 1 % sur les salaires des CDD. Nous proposons, pour notre part, de les exonérer de ce versement.
A l'heure actuelle, je le rappelle, moins du quart des clubs s'acquittent de cette taxe. Le produit ne bénéficie donc que marginalement au dispositif de reconversion professionnelle des sportifs.
M. Serge Lagauche. Ce n'est pas une raison !
M. Jean-François Humbert, rapporteur. Dans mon intervention liminaire, j'ai annoncé que le moment était venu de remettre à plat les structures de formation et, peut-être, de s'inspirer de ce qui se fait en matière de football avec Eurosport Reconversion ou avec l'Agence XV pour le rugby.
Dans ces conditions, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-François Lamour, ministre. A l'origine, il s'agissait d'une taxe visant à dissuader les clubs de recourir aux CDD. Or, comme vient de le souligner M. le rapporteur, dans le sport, le CDD est la norme.
Par ailleurs, ce dispositif ne fonctionnait pas dans le sport professionnel. Qu'il s'agisse du rugby ou du football, les deux sports les plus concernés par les problèmes de reconversion ont mis en place une convention de reconversion et un fonds de reconversion, lequel fonctionne bien et est remarquablement alimenté.
Il faut laisser aux partenaires sociaux - et nous les suivons avec beaucoup d'attention - le soin de mettre en place ces dispositifs de reconversion, qui sont particulièrement performants.
En conséquence, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 3.
(L'article 3 est adopté.)
Article additionnel après l'article 3
Mme la présidente. L'amendement n° 3 rectifié bis, présenté par MM. Mercier et J. Boyer, Mmes Dini et G. Gautier et M. Nogrix, est ainsi libellé :
Après l'article 3, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 11 de la loi du 16 juillet 1984 relative à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives est ainsi modifié :
I - Après le cinquième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« - soit d'une société anonyme. »
II - Dans la première phrase du dernier alinéa, après les mots : « la société anonyme sportive professionnelle » sont insérés les mots : « ou la société anonyme »
La parole est à M. Philippe Nogrix.
M. Philippe Nogrix. Cet amendement, qui a fait l'objet d'une proposition de loi déposée par Michel Mercier au mois de juin dernier, vise à modifier l'article 11 de la loi n° 84-610 du 16 juillet 1984 relative à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives.
Il s'agit, en fait, de permettre aux clubs sportifs de se constituer en société anonyme de droit commun et ainsi de les autoriser à accéder au marché financier, en leur donnant la possibilité de recourir à l'appel public à l'épargne.
Cette question, je le sais, ne fait pas l'unanimité. Vous m'avez devancé, monsieur le ministre, en indiquant tout à l'heure que vous étiez contre cet amendement. Toutefois, je souhaite expliquer les raisons pour lesquelles je soutiens une telle position, car je veux, avec mon groupe, permettre aux sportifs d'avoir les moyens financiers de créer un patrimoine particulier, une mesure dont vous êtes partisan. Vous avez d'ailleurs répondu tout à l'heure à M. Mélenchon sur ce sujet.
Compte tenu des nombreux commentaires polémiques qui stigmatisent et diabolisent le recours à l'appel public à l'épargne, il n'est pas toujours évident de défendre cette position. En réalité, nous voulons adapter notre législation aux réalités, et non promouvoir une nouvelle idéologie du sport en France.
Il s'agit concrètement de donner aux clubs français la possibilité de faire face à leurs besoins de financement, d'assurer une parfaite transparence de leur fonctionnement et d'harmoniser leur statut juridique avec celui de l'ensemble de leurs concurrents européens.
En effet, les différences entre les législations nationales sont telles que cela crée un décalage avéré entre les clubs français et les autres grands clubs européens.
Par exemple, la direction nationale du contrôle de gestion, chargée d'assurer en France le contrôle juridique et financier des clubs sportifs affiliés, peut décider de rétrograder un club de football en division inférieure dès lors qu'il se trouve dans une situation financière difficile.
A l'inverse, les clubs italiens ou espagnols bénéficient de la plus grande mansuétude de la part de leurs fédérations respectives quand le gouvernement n'intervient pas directement pour couvrir une partie des dettes des clubs, comme ce fut le cas en Italie.
Par ailleurs, la pression fiscale sur les clubs français est une des plus lourdes d'Europe. Ainsi, selon une étude publiée en décembre 2001, pour un salaire net équivalent, un joueur français coûte à un club 243 786 euros en charges sociales, un joueur anglais 45 547 euros, un joueur italien 24 168 euros, un joueur allemand 13 666 euros et un joueur espagnol 12 337 euros.
La France cultive ce paradoxe de former les meilleurs joueurs du monde et d'être la plus grande exportatrice de ces mêmes joueurs. Nous sommes dans l'incapacité de garder l'élite de nos footballeurs au sein de l'Hexagone.
Les clubs professionnels ont aujourd'hui atteint un niveau qui permet de les considérer non plus uniquement comme des créateurs de divertissement, mais comme de véritables entreprises qui doivent vivre dans un contexte de concurrence vive et dure. Nous devons donc leur permettre de faire jeu égal avec les autres clubs européens dans ce contexte de compétition commerciale.
Mme Annie David. Compétition sportive ou commerciale ?
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission sur cet amendement ?
M. Jean-François Humbert, rapporteur. Nous proposons de donner aux clubs professionnels la possibilité de se transformer en société anonyme et d'être ainsi soumis au régime de droit commun.
Le présent amendement a pour objet de leur permettre notamment de faire appel public à l'épargne et, le cas échéant, d'être cotés en bourse. Il s'agit d'une demande récurrente émanant de quelques grands clubs de football, dont l'Olympique lyonnais.
Cette question ne fait pas l'unanimité, loin de là, au sein du football professionnel.
M. Philippe Nogrix. Et alors ?
M. Jean-François Humbert, rapporteur. Il s'agit d'une question qui exige une étude de fond. Le Parlement doit donc se donner le temps de la réflexion sur ce sujet complexe et controversé, qui pourrait avoir des conséquences graves aussi bien pour les épargnants que pour ce sport
En conséquence, comme cela avait été fait au mois d'août 2003, je demande le retrait de l'amendement. A défaut, la commission émettrait un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-François Lamour, ministre. C'est une constance lyonnaise qui anime ces dépôts successifs de propositions pour permettre l'entrée en bourse des clubs. Vous connaissez ma position ; elle n'a pas évolué depuis quelques mois. Je pense que ce problème est secondaire. Vous avez cité l'Italie. Les clubs italiens cotés en bourse, c'est une catastrophe ! Il a fallu un décret et une loi du gouvernement italien pour essayer de sortir le championnat d'un marasme terrible alors que les clubs avaient fait appel à l'épargne publique.
Ce que nous faisons aujourd'hui permet de combler le déficit que vous rappeliez, en particulier concernant les charges sociales et l'imposition « lourde », c'est-à-dire l'imposition des activités économiques. Je pense que l'entrée en bourse n'est pas en adéquation avec l'idée que je me fais de l'activité sportive, malgré un environnement économique qui est de plus en plus présent et dont il faut tenir compte. La proposition de loi le fait avec beaucoup d'équilibre.
J'étais il y a quelques jours au Canada pour une réunion du conseil exécutif de l'Agence mondiale antidopage et j'ai appris que le club de baseball de Montréal avait été vendu à Washington. Cela est inacceptable ! Le jour où des actionnaires pourront vendre un club d'une ville à une autre, c'est que quelque chose n'ira pas dans le sport européen. Je crains que l'entrée en bourse des clubs ne permette un jour ce type de déplacement d'un club d'une ville à une autre. Vous en conviendrez, ce n'est pas dans notre culture.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Yvon Collin, pour explication de vote.
M. Yvon Collin. L'amendement a un but : permettre aux clubs sportifs d'accéder à l'épargne publique. Je vous indique que le rapport de la délégation du Sénat pour la planification ne formule pas de réserves de principe face à cette éventualité. Cependant, des précautions doivent être prises et il serait très utile de mettre en place un groupe de réflexion sur ce sujet. Je ne voterai pas l'amendement, mais il pose un vrai problème, qu'il faut, comme toujours, aborder sans parti pris idéologique.
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Nogrix, pour explication de vote.
M. Philippe Nogrix. Je ne retirerai pas l'amendement pour trois raisons.
Premier paradoxe : tout à l'heure, un intervenant a dit qu'il était honteux de parler d'une proposition de loi déposée par un sénateur et de la nommer du nom d'une personne extérieure ; en l'occurrence, je défends un amendement au nom du groupe centriste et on me dit que c'est un amendement de l'Olympique lyonnais. Aussi, je ne comprends pas très bien !
Second paradoxe : nous sommes dans un pays où l'on incite et où l'on invite tous les Français à faire des investissements en bourse ; on dit que l'économie française a besoin de l'épargne ; et parce qu'il s'agit de sport, on ne pourrait pas faire appel à l'épargne ? C'est un peu gênant !
Enfin, monsieur le rapporteur, vous nous dites qu'il faut créer un groupe de travail. Je vous ai rappelé que M. Mercier avait déposé sa proposition au mois de juin dernier. Depuis le mois de juin, il y avait de quoi faire un groupe de travail. Pourquoi ne s'est-il pas réuni ? Nous allons de groupe de travail éventuel en groupe de travail éventuel. Je finis par croire que c'est un groupe de travail virtuel que vous voulez créer.
Je maintiens donc mon amendement.
M. Charles Revet. Je constate que seul M. Nogrix a voté en faveur de cet amendement.
M. Philippe Nogrix. « Et s'il n'en reste qu'un, je serai celui-là ! » (Sourires.)
Article 4
Le premier alinéa de l'article 15-1 de la loi n° 84-610 du 16 juillet 1984 relative à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives est ainsi rédigé :
« Il est interdit à une même personne privée de détenir le contrôle, au sens de l'article L. 233-16 du code de commerce, de plus d'une société constituée conformément aux dispositions du premier alinéa de l'article 11 et dont l'objet social porte sur une même discipline sportive. »
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 7 est présenté par M. Collin.
L'amendement n° 12 est présenté par MM. Todeschini, Lagauche, Mélenchon, Repentin et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Yvon Collin, pour présenter l'amendement n° 7.
M. Yvon Collin. Des motifs liés à l'équité sportive s'opposent à l'adoption d'un article qui témoigne d'une grande négligence à l'égard de l'exception sportive.
La Commission européenne, en réclamant que la France s'ouvre la faculté de multipropriété, illustre particulièrement sa méconnaissance de l'exception sportive. Elle a l'habitude de rendre des arbitrages où celle-ci est sacrifiée. Elle s'inspire sans doute de la Cour de justice des communautés européennes dont le funeste arrêt Bosman ne cesse de faire sentir ses piteux effets. Alors que le projet de constitution européenne ouvre à l'Union européenne une compétence dans le domaine du sport, on doit s'inquiéter de l'absence de culture sportive dont témoigne la Commission.
On en vient à se féliciter que le projet de constitution prive l'Union européenne de toute capacité en lui interdisant les pouvoirs supranationaux dont elle dispose dans d'autres domaines.
Il faudra pourtant bien créer une institution européenne capable d'assurer une régulation efficace du football. Nous avons proposé l'instauration d'une organisation interétatique, Eurofoot, capable d'assurer cette mission au service d'un football plus équilibré économiquement et mieux protégé contre la banalisation. Nous attendons toujours le début d'une réaction du Gouvernement. En attendant, il faut supprimer cet article pour préserver l'équité sportive.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marc Todeschini, pour présenter l'amendement n° 12.
M. Jean-Marc Todeschini. Cet article remet en cause notre conception même du sport.
Il assouplit un article fondamental de la loi de 1984, l'article 15-1, qui est interdit à toute personne privée, directement ou indirectement, d'être porteur de titres donnant accès au capital ou conférant un droit de vote dans plus d'une société sportive d'une même discipline.
Désormais seul « le contrôle de plus d'une société » reste interdit ; en revanche, une même personne pourra détenir des droits de vote ou des parts de capital dans autant de sociétés sportives qu'elle le souhaitera, à condition de ne pas être actionnaire majoritaire dans plus de l'une d'entre elles.
La détention de tant d'intérêts croisés dans les mains d'une seule personne ne contribuera pas à assainir le secteur du sport de haut niveau. On imagine d'ores et déjà les pressions -voire les versements - qui seront réalisées auprès d'une équipe ou d'un joueur, lors des compétitions mettant en présence deux équipes au capital desquelles sera partie une même personne.
Il est tout de même incroyable que la ligue de football ait obtenu gain de cause sur ce point à Bruxelles et que la France doive, à ce titre, adapter sa législation. Mais était-ce vraiment à une proposition de loi, donc à un texte d'origine parlementaire, de traduire en droit interne les invectives de la Commission européenne ?
Je suis très inquiet que l'idée selon laquelle le sport constitue une activité purement économique se répande dans tous les esprits, et notamment au niveau européen. Les conséquences juridiques et économiques qui en découlent ne sont pas anodines et éloignent toujours davantage le sport professionnel du sport de masse, pourtant pilier fondateur de ce secteur.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-François Humbert, rapporteur. Avis défavorable sur les deux amendements car nous considérons que le texte proposé assouplit cette interdiction. Le point important et essentiel est qu'un même actionnaire ne puisse pas détenir le contrôle économique. Il s'agit d'un garde-fou contre d'éventuelles manoeuvres pouvant influencer le comportement d'une équipe lors d'une compétition.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-François Lamour, ministre. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur les deux amendements.
J'ai demandé le renforcement des moyens de contrôle au travers de l'article L. 233-16 du code de commerce pour éviter tout problème d'ingérence dans l'activité du club de la part de ses actionnaires minoritaires.
Nous avons un contentieux très lourd à Bruxelles, qui a aussi nécessité cette évolution.
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Je ne reviendrai pas sur la loi de 1984, ni sur le passage de Marie-George Buffet au ministère de la jeunesse et des sports, que M. Jean-François Lamour n'apprécie pas puisqu'il ne cesse de dire qu'elle n'a fait que des mauvaises choses lorsqu'elle était ministre. Il n'en demeure pas moins que Marie-George Buffet a toute mon amitié et toute mon estime.
Nous voterons la suppression de l'article 4, car il s'agit d'éthique sportive. Il nous semble inconcevable que l'on puisse être multipropriétaire dans des sociétés sportives concernant la même discipline.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 7 et 12.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 4.
(L'article 4 est adopté.)
Article 5
Après le cinquième alinéa (3°) du I de l'article 16 de la loi n° 84-610 du 16 juillet 1984 précitée, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« 4° Les sociétés sportives mentionnées à l'article 11. »
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 8 est présenté par M. Collin.
L'amendement n° 13 est présenté par MM. Todeschini, Lagauche, Mélenchon, Repentin et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Yvon Collin, pour défendre l'amendement n° 8.
M. Yvon Collin. Il me semble anormal de permettre l'adhésion, comme membres de plein droit, de sociétés à objet purement commercial à des personnes morales sans but lucratif en charge de la mission de service public administratif de développement du sport.
Par ailleurs, je m'interroge sur les motivations de cet article, qui me semble apporter une réelle confusion. Je demande donc sa suppression.
Mme la présidente. La parole est à M. Serge Lagauche, pour présenter l'amendement n° 13.
M. Serge Lagauche. Cette disposition est très révélatrice de l'esprit qui a guidé les rédacteurs de la proposition de loi : la logique commerciale, au lieu de la logique associative qui doit prévaloir dans la réglementation des activités physiques et sportives.
La loi du 1er août 2003 a déjà remis en cause la place centrale préalablement octroyée aux licenciés dans la vie des fédérations.
La modification proposée par cet article - que nous souhaitons supprimer - va permettre aux sociétés, en qualité d'adhérent, de participer au fonctionnement des fédérations conformément aux usages commerciaux alors que la loi leur ouvre déjà cette possibilité de façon contractuelle.
Elle porte un coup supplémentaire à la gestion associative des fédérations voulue par la loi du 6 juillet 2000, qui seront de plus en plus régies par des intérêts commerciaux.
Je crains que d'ici peu, de fait, ce ne soit la ligue de football professionnel qui régisse la fédération française de football, au détriment des licenciés pratiquants des petits clubs.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-François Humbert, rapporteur. Avis défavorable, car la réintégration des sociétés sportives au sein des fédérations ne fait que consacrer la reconnaissance d'une situation de fait. En dépit de leur éviction par la loi de juillet 2000, les sociétés sportives ont, en réalité, toujours participé aux instances représentatives des fédérations dont elles dépendent. Ces amendements n'ont donc pas lieu d'être.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-François Lamour, ministre. Ces dispositions, qui figuraient dans la loi de 1984, ont été supprimées, pour des raisons idéologiques, dans la loi de 2000.
Il me paraît logique et normal que des sociétés sportives puissent participer à la gestion des fédérations. Le sport moderne le veut ainsi ! Il s'agit, non pas d'une « prise de pouvoir », comme certains l'ont prétendu, mais d'une vraie participation, d'une véritable capacité de développement, à l'exemple du ski, du golf et, bientôt je l'espère, de l'équitation.
L'environnement économique est tel que, logiquement, les sociétés sportives participent à la vie fédérale.
Aussi, le Gouvernement émet un avis défavorable.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 8 et 13.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 5.
(L'article 5 est adopté.)
Article additionnel après l'article 5
Mme la présidente. L'amendement n° 14, présenté par MM. Todeschini, Lagauche, Charasse, Guérini, Mélenchon, Repentin et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Il est institué une commission comprenant des représentants du gouvernement, du parlement et du mouvement sportif.
Cette commission est chargée d'étudier la question des salaires élevés octroyés aux personnes qui effectuent une carrière professionnelle courte.
Avant fin juin 2005, un rapport rendu public par cette commission, émet des propositions en matière de traitement fiscal et social de ces personnes, ne portant pas atteinte au principe d'égalité.
La parole est à M. Thierry Repentin.
M. Thierry Repentin. Le texte de cet amendement est explicite : nous souhaitons qu'une commission étudie, une fois pour toutes, la question des sportifs ayant une carrière professionnelle courte, qui bénéficient néanmoins souvent, en guise de compensation de cette durée limitée, de salaires importants. Ce type de carrière est, d'ailleurs, vécu non seulement par les sportifs, mais aussi par certains artistes.
Il est toujours très délicat de procéder à des mesures d'allégement fiscal, qui sont sources d'injustice et de disparité de traitement, et, à ce titre, - nous l'avons répété au cours du débat - susceptibles d'être entachées d'inconstitutionnalité.
Au lieu de légiférer au coup par coup, dans la précipitation, mieux vaudrait qu'un groupe d'experts réfléchisse tranquillement à la question et propose les solutions les meilleures au regard du droit et de la justice sociale et fiscale.
Par cet amendement, nous proposons donc d'instaurer, pour un délai finalement très court, six mois, une commission associant représentants du Gouvernement, du Parlement et, bien sûr, du milieu sportif, afin qu'ils travaillent sur ce sujet et proposent, dans un rapport public, des solutions approuvées par tous, et donc équitables.
En réponse aux propos de M. le ministre relatifs à Mme Marie-George Buffet et aux remises en cause que ne manque pas de faire chaque nouveau ministre des sports, je souhaite préciser que le budget de la jeunesse et des sports a augmenté de 3,4 % en 1999, de 3,5 % en 2000, de 3,8 % en 2001 et de 3,1 % en 2002. Ces taux d'augmentation intéressants sont à mettre en regard des augmentations de 1,3 % en 2003 et 1,9 % en 2004, et de la diminution de 3 % hors inflation en 2005.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-François Humbert, rapporteur. Ainsi que j'ai eu l'occasion de le préciser lorsque la commission a examiné les amendements, pendant la suspension de séance, un tel groupe de travail a déjà été constitué dans le cadre des états généraux du sport. Il a réuni des élus, des représentants des services déconcentrés de l'Etat et du monde sportif, sous la présidence du sportif Richard Dacoury - quel sportif ! -, et a beaucoup réfléchi à la place du sport professionnel en France. Les conclusions qu'il a remises ont largement inspiré les rédacteurs de la présente proposition de loi.
Aussi, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-François Lamour, ministre. Il n'est nul besoin d'une proposition de loi pour instituer une commission qui existe déjà.
Les groupes de travail ont étudié les domaines évoqués dans cette proposition de loi. Nous allons poursuivre la réflexion engagée, en particulier sur l'épargne salariale. Les parlementaires continueront, bien sûr, d'être associés à ces travaux. Vous faisiez sans doute allusion, monsieur le sénateur, à cette possibilité qu'ont les joueurs professionnels d'épargner pendant leur temps d'activité.
Quant aux augmentations du budget de la jeunesse et des sports, vérifiez vos sources, vous constaterez que ce sont les crédits consacrés à la jeunesse qui ont augmenté, et non ceux qui concernent le sport !
Mme la présidente. La parole est à M. Yvon Collin, pour explication de vote.
M. Yvon Collin. Je suis favorable à cet amendement.
Les sportifs professionnels ont une carrière courte. Des dispositifs susceptibles de leur permettre d'étaler leurs impositions existent déjà, mais ils pourraient sans doute être améliorés. Je pressens que le Sénat y serait favorable, dès lors que les principes essentiels seraient sauvegardés.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marc Todeschini, pour explication de vote.
M. Jean-Marc Todeschini. Selon M. le rapporteur, une commission a déjà travaillé sur l'amendement concernant l'Olympique lyonnais.
La création de la commission que nous, nous proposions remet tout simplement en cause cette proposition de loi, qui s'adresse directement aux footballeurs professionnels.
Nous comprenons et ne nions pas les problèmes de compétitivité, de concurrence que rencontrent les clubs professionnels de football français, mais ce que nous souhaitions, c'est que cette commission, composée de parlementaires, de représentants de l'Etat et de représentants des clubs, travaille sérieusement et soumette au Gouvernement une proposition respectant le principe d'égalité et qui puisse être acceptée par tous les acteurs concernés et par tous les groupes politiques.
Nous voulions rester dans la règle et dans la normalité, et ne pas nous attacher à des cas particuliers, sinon les chercheurs, tous ceux qui, mécontents de leur sort, sont obligés de s'expatrier pour travailler ou pour être payés d'une façon à peu près décente, demanderont à bénéficier, eux aussi, de niches fiscales. Si nous ne parvenons pas à un consensus au sujet du sport professionnel, vous aurez ouvert aujourd'hui la boîte de Pandore.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 14.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 6
En application de l'article L. 131-7 du code de la sécurité sociale, les pertes de recettes liées à l'application de l'article L. 785-1 du code du travail sont compensées intégralement par le budget de l'Etat aux régimes de sécurité sociale concernés.
Mme la présidente. L'amendement n° 9, présenté par M. Collin, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Yvon Collin.
M. Yvon Collin. Cet article tire les conséquences de l'article 1er de la proposition de loi, qui a pour effet d'engendrer une perte de recettes pour les régimes d'assurance sociale, et de la disposition de la loi Douste-Blazy sur l'assurance maladie qui prévoit que le budget de l'Etat doit compenser les moins-values de recettes des régimes sociaux.
Cet article a le mérite de matérialiser l'injustice résultant de l'article 1er de la proposition de loi.
Ainsi, le budget de l'Etat va devoir prendre en charge le cadeau fiscal offert aux clubs professionnels. Un RMIste saura qu'une partie de la TVA qu'il acquitte servira à réduire les charges sociales versées par nos clubs sur des salaires annuels qui excèdent ce qu'il gagnera de toute sa vie.
Les dizaines de millions d'euros que coûtera la mesure seront autant de sommes en moins consacrées à la lutte contre le cancer ou au développement des biotechnologies. Quel beau choix de priorité !
Ce Gouvernement est coutumier du fait. Chacun se souvient que les restaurateurs n'ont pas eu à se plaindre de lui. Encore faut-il concéder que ceux-ci ont pris des engagements clairs en contrepartie de la réduction de charges qui leur a été consentie.
Où sont les engagements des clubs professionnels ?
Il n'y en a évidemment pas, pour la bonne raison que, de cette proposition de loi, il ne résultera, et seulement transitoirement, qu'une légère diminution des pertes des clubs.
Voilà quelques années, notre collègue M. Charles Pasqua avait eu l'excellente idée de protéger les collectivités locales contre les pressions financières exercées sur elles par les clubs professionnels. Il n'est pas présent ce soir, et je le regrette. Que n'a-t-il protégé le Gouvernement !
Je le répète une fois encore : il faudra ouvrir rapidement et sérieusement le dossier de la régulation du football en Europe, en particulier le sous-dossier de l'harmonisation fiscale et sociale.
Nos clubs et nos sportifs professionnels doivent savoir qu'ils sont soutenus, mais ce soutien ne peut transiger sur un double souci d'efficacité et d'équité.
La proposition de loi dont nous achevons l'examen est la pire des choses pour le football, et sans doute aussi pour certains autres sports. Elle sera inefficace. De plus, elle est injuste, ce qui est un comble pour un sport si populaire !
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-François Humbert, rapporteur. Avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous l'avez compris, nous voterons contre ce texte, comme l'a indiqué mon collègue et ami Jean-François Voguet lors de la discussion générale.
Vos arguments et vos explications, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, ne suffisent pas à nous convaincre que cette proposition de loi permettra de répondre aux réelles difficultés que rencontre aujourd'hui le sport professionnel. Au contraire, elle est selon nous une fuite en avant.
Si nous pouvons partager votre objectif, à savoir « permettre aux différents acteurs du sport professionnel de rivaliser plus équitablement avec leurs homologues européens », cette proposition de loi n'en permet pas la réalisation.
Vous avez parlé, monsieur le ministre, de mesures concrètes et efficaces pour répondre aux difficultés du monde sportif professionnel. Nous n'y voyons, pour notre part, que la volonté d'accentuer la marchandisation du sport.
Hormis l'article 2, que nous avons voté et qui apportera la sécurisation juridique nécessaire aux sportives et sportifs sélectionnés en équipe de France, ces dispositions prévoient d'alléger les charges des clubs professionnels, principalement dans le football, notamment en leur octroyant une exonération de charges sociales jusqu'à un tiers des salaires de leurs joueurs.
M. Vasselle, lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2005, dont il était le rapporteur, s'est d'ailleurs interrogé sur le coût d'une telle disposition pour la sécurité sociale. M. Jean-Luc Mélenchon, en présentant la motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité, l'a fait également au nom du groupe socialiste. Nous nous interrogeons aussi sur les conséquences de cette proposition de loi sur les sportifs dont les salaires sont modestes et qui gagneraient à cotiser sur la base la plus large possible.
Qu'advient-il de l'éthique sportive quand vous permettez la multipropriété, même si vous voulez nous convaincre qu'un garde-fou est prévu ?
Qu'advient-il de la solidarité entre les sportives et les sportifs de toutes disciplines quand vous supprimez la taxe de 1 % pour la formation professionnelle ? Vous indiquez parallèlement que cette formation est nécessaire et qu'il faudra mettre en place un nouveau dispositif. Pourquoi alors n'avoir pas attendu qu'il soit effectif ?
Pourtant, la grande majorité des sportives et sportifs professionnels est loin de percevoir des salaires mirobolants et connaît des difficultés quand vient l'heure de la reconversion.
Non vraiment, nous ne trouvons pas dans cette proposition de loi les réponses qu'attendent pourtant les acteurs du monde sportif professionnel ! Une fois encore, vous nous proposez de franchir un pas supplémentaire dans la marchandisation du sport, dans le droit-fil de la loi relative à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives de juillet 2003. Vous l'avez d'ailleurs confirmé, monsieur le ministre.
A aucun moment en revanche, vous n'abordez le calendrier sportif, le dopage, c'est-à-dire la santé des sportifs. Il n'est pas non plus question de la réglementation des transferts, des CDD rompus et des transactions faramineuses qui en découlent, qui ternissent l'image du sport, quand ce n'est pas celle des sportifs eux-mêmes ! Sur l'inflation des droits de retransmission télévisée et le problème des quelques agents peu scrupuleux, cette proposition de loi ne prévoit rien.
Je terminerai sur le rappel au règlement que j'ai fait en début de séance et qui portait sur le déroulement de nos travaux. Ce soir - je devrais plutôt dire ce matin, puisqu'il est deux heures dix ! -, nous pourrions de nouveau déplorer les conditions de travail de notre assemblée. Lorsque la discussion d'une proposition de loi débute à vingt-deux heures et que la commission se réunit à vingt-trois heures trente pour examiner les amendements déposés sur ce texte, il nous est impossible d'exposer toutes les remarques que nous aurions eu à formuler, sur le texte comme sur certains amendements. Nous ne nous sommes pas exprimés pour ne pas prolonger les débats. Il est toutefois très regrettable de travailler ainsi.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marc Todeschini.
M. Jean-Marc Todeschini. Je ne prolongerai pas ce débat. Vous l'avez deviné, nous l'avons d'ailleurs annoncé lors de la discussion générale, le groupe socialiste votera contre ce texte. En effet, cette proposition de loi a été rapidement acceptée par le Gouvernement, dont l'unique objectif était d'éviter l'avis du Conseil d'Etat.
Le groupe socialiste s'est longuement exprimé et je partage totalement les propos que vient de tenir Mme David.
Je suis intervenu sur l'amendement n° 14 pour expliquer le bien-fondé de la commission de travail que nous souhaitions voir mettre sur pied afin que, dans un temps très limité, soient avancées des propositions relatives au sport professionnel et, plus spécifiquement, aux clubs de football professionnel. Le problème est là en effet. Pourquoi alors, au cours de ce débat, avoir tourné autour du pot ?
Nous aurions souhaité qu'un consensus soit trouvé et que cette proposition de loi ne nous soit pas soumise « à la hussarde ». Les termes employés ont cherché à englober tous les sports. C'est faux ! Ce texte concerne essentiellement les clubs de football professionnel. Il n'y avait aucune honte à le dire, pas plus qu'il n'y avait de honte à travailler collectivement. Au lieu de cela, le Gouvernement a cherché à jouer au plus finaud.
Le peu d'esprit d'ouverture dont vous avez fait preuve lors de l'examen des amendements, monsieur le ministre, montre combien il était important que ce texte soit adopté conforme par le Sénat afin que vous puissiez aller encore plus vite. Je le regrette.
Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.
(La proposition de loi est adoptée définitivement.)
8
DÉPÔT D'UN PROJET DE LOI
Mme la présidente. J'ai reçu de M. le Premier ministre un projet de loi autorisant l'approbation du protocole portant modification de la convention relative aux transports internationaux ferroviaires du 9 mai 1980 (ensemble une annexe).
Le projet de loi sera imprimé sous le n° 72, distribué et renvoyé à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
9
TEXTES SOUMIS AU SÉNAT EN APPLICATION DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION
Mme la présidente. J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Projet de décision du Conseil visant à protéger l'euro contre le faux monnayage par la désignation d'Europol comme office central de répression du faux monnayage de l'euro : note des délégations française, allemande, italienne, espagnole et de la délégation du Royaume-Uni.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-2771 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Initiative du Royaume de Belgique visant à faire adopter par le Conseil une décision-cadre relative à la reconnaissance et à l'exécution dans l'Union européenne des interdictions résultant de condamnations pour infractions sexuelles commises à l'égard d'enfants.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-2772 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de règlement européen et du Conseil concernant l'octroi de licences obligatoires pour des brevets visant la fabrication de produits pharmaceutiques destinés à l'exportation vers des pays connaissant des problèmes de santé publique.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-2773 et distribué.
10
DÉPÔT D'UN RAPPORT
Mme la présidente. J'ai reçu de M. Alain Vasselle, rapporteur pour le Sénat, un rapport fait au nom de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2005.
Le rapport sera imprimé sous le n° 71 et distribué.
11
ordre du jour
Mme la présidente. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd'hui, jeudi 25 novembre 2004, à onze heures quinze, à quinze heures et, éventuellement, le soir :
Discussion du projet de loi de finances pour 2005, adopté par l'Assemblée nationale (nos 73 et 74, 2004-2005) (M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation).
Discussion générale.
Aucune inscription de parole dans la discussion générale n'est plus recevable.
Délai limite pour le dépôt des amendements aux articles de la première partie du projet de loi de finances pour 2005 : jeudi 25 novembre 2004, à 10 heures 30.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée le jeudi 25 novembre 2004, à deux heures quinze.)
La Directrice
du service du compte rendu intégral,
MONIQUE MUYARD