5
RAPPEL AU RÈGLEMENT
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour un rappel au règlement.
M. Pierre-Yves Collombat. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous allons maintenant aborder l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant directement les collectivités locales, à un moment où le Gouvernement affiche sa volonté de décentralisation.
L'objet de ce rappel au règlement est d'éclairer notre discussion, en rappelant que cette volonté de décentralisation se heurte à un mouvement inverse, qui en neutralise les effets : je veux parler du mouvement de concentration des services publics vitaux pour nos collectivités.
Alors que la déconcentration devrait accompagner la décentralisation, c'est l'inverse que l'on observe.
J'en veux pour preuve la nouvelle épreuve que doit affronter la ville de Draguignan, dans le Var. En 1974, cette commune, alors chef-lieu, a été privée de sa préfecture. Trois ans plus tard, une annexe de l'institut de Vanves du centre national de l'enseignement à distance, le CNED, y fut installée pour compenser le départ des services de l'inspection académique.
Au fil du temps, cependant, le nombre des agents de ce service a été réduit de cinquante à vingt-six. Aujourd'hui, la direction du CNED annonce la fermeture du site de Draguignan et le transfert de son activité à Vanves, pour des motifs discutables que je n'aborderai pas ici.
Vingt-six familles sont touchées par cette mesure, et la commune en subit les conséquences économiques : la poste de Draguignan perd son premier client, qui représentait 170 000 plis et près de 500 000 euros d'affranchissement en 2003.
On nous dira probablement demain qu'il est de saine gestion d'attribuer à la poste de Vanves une part des moyens de la poste de Draguignan !
Les personnels et les élus se sont mobilisés et ont alerté M. le ministre de l'éducation nationale.
Cette affaire pourrait paraître anecdotique si ce mouvement de reconcentration des services ne s'amplifiait malheureusement partout sur le territoire, neutralisant les mesures positives de décentralisation et induisant même des effets négatifs.
Tout cela manque, à l'évidence, de cohérence. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. Monsieur Collombat, nous n'avons certainement pas la même interprétation de ce qui constitue un rappel au règlement : je ne vois pas bien le rapport entre votre intervention et un rappel au règlement de notre institution.
M. Josselin de Rohan. C'est un dévoiement !
M. le président. Il aurait été préférable que vous vous inscriviez parmi les orateurs qui doivent intervenir dans le débat qui va maintenant s'ouvrir pour faire état de l'observation que vous venez de présenter à l'appréciation de la Haute Assemblée !
Je vous donne néanmoins acte de votre déclaration, mon cher collègue.
M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. C'est un jeune sénateur ! (Sourires.)
6
Loi de finances pour 2005
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2005, adopté par l'Assemblée nationale (nos 73 et 74).
Débat sur les recettes des collectivités locales
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué au budget, madame la ministre déléguée à l'intérieur - je vous adresse, madame, au nom de la commission des finances du Sénat, nos voeux les plus chaleureux pour votre réussite dans le cadre des importantes responsabilités que vous allez maintenant assumer -, mes chers collègues, l'année 2005 sera une année importante pour les collectivités territoriales.
Le contexte économique aidant, leur bonne santé financière semble se confirmer, mais cette appréciation globale masque d'importantes disparités. Ainsi, les départements ont supporté l'augmentation des charges liées à l'allocation personnalisée d'autonomie, au revenu minimum d'insertion et à l'ensemble de leurs dépenses d'action sociale, qui ont fortement pesé sur leurs budgets. Et je crains que cette tendance ne fasse que s'accentuer.
La reprise économique est tout de même favorable aux collectivités territoriales, qui profitent de l'augmentation des bases d'imposition locale et, surtout, pour l'année 2005, de la croissance favorable des dotations de l'Etat grâce, notamment, à la reconduction du contrat de croissance et de solidarité pour une année supplémentaire.
Les concours financiers de l'Etat aux collectivités territoriales évoluent plus favorablement que l'ensemble des dépenses de l'Etat, ce dont nous ne pouvons que nous féliciter.
En outre, faut-il rappeler que les collectivités territoriales contribuent à plus des deux tiers de l'investissement des administrations publiques, alors qu'elles représentent moins de 10 % de l'encours de la dette ?
L'année 2005 sera également importante car elle traduira, dans les faits, la mise en oeuvre de « l'acte II » de la décentralisation et de la réforme constitutionnelle du 28 mars 2003.
Pourtant, les élus locaux montrent une réelle inquiétude, en raison d'abord les fermetures de services publics locaux dans les zones rurales, qui semblent prendre acte de la désertification d'une partie du territoire national et sont même parfois suspectées de l'encourager.
Il convient, bien entendu, de prendre cette inquiétude en considération.
Ce projet de loi de finances y contribue, quoique de manière peut-être insuffisante. La modernisation de l'Etat ne peut entraîner la désertification. Il importe de former de nouveaux projets pour assurer le service public en milieu rural.
Une autre raison de cette inquiétude réside dans les transferts de compétences. Cette inquiétude est compréhensible, mais elle a été prise en compte dès l'origine par le Gouvernement, qui a accompagné ces transferts de toutes les garanties nécessaires afin que la compensation soit à la fois intégrale, concomitante, contrôlée et conforme au principe constitutionnel d'autonomie financière.
Enfin, je voudrais insister sur un troisième facteur, car il implique des bouleversements majeurs pour l'avenir : je veux parler des ressources fiscales dont bénéficient les collectivités territoriales.
Le Gouvernement a réussi à compenser les transferts de compétences par des ressources de nature fiscale qui, pour une partie, sont modulables par les collectivités territoriales.
Certes, l'exemple du financement du RMI montre que les modalités de financement proposées ne sont pas toujours pleinement satisfaisantes. N'est-ce pas, monsieur le président du conseil général du Rhône ? (M. Michel Mercier approuve.) En effet, il s'agit d'une dépense sur laquelle les collectivités territoriales n'ont qu'une maîtrise très relative et qui est assez largement dépendante de la conjoncture économique. Ainsi, la taxe intérieure sur les produits pétroliers, ressource sur laquelle les départements n'ont pas de pouvoir de modulation, est dépendante, d'une part, de la conjoncture économique et, d'autre part, des politiques mises en oeuvre par le Gouvernement, mais dans un sens contraire à celui de la dépense !
A la fin du mois d'octobre, le décalage entre les recettes provenant de la TIPP et les dépenses liées au RMI s'élevait à 300 millions d'euros pour l'ensemble des départements, ce qui est considérable.
Je n'insisterai toutefois pas plus longtemps sur ce sujet, dont nous aurons l'occasion de reparler lors de la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2004, dans à peine plus de deux semaines.
Je veux tout de même souligner que le Gouvernement a accompli des efforts importants afin de permettre aux départements et aux régions, qui sont les principaux bénéficiaires des transferts de compétences prévus par la loi relative aux libertés et responsabilités locales, de bénéficier de ressources fiscales modulables.
L'exercice n'était pourtant pas facile ! Pour la TIPP, il a fallu convaincre la Commission européenne. Il reste désormais à convaincre le Conseil européen, mais j'ai la faiblesse de penser que le plus dur est fait.
De plus, il sera nécessaire de localiser l'assiette des impôts, qui sont actuellement perçus sur une base nationale.
Quoi qu'il en soit, sur le principe, je tiens à saluer les initiatives du Gouvernement.
Ce dernier va d'ailleurs plus loin, puisqu'il propose, pour les régions - qui financent l'apprentissage - et pour les départements - qui supportent l'essentiel de la charge des services départementaux d'incendie et de secours -, ...
M. le président. C'est vrai !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. ... de substituer des ressources fiscales à des dotations perçues par l'Etat.
Chacun peut donc mesurer le chemin parcouru par rapport à la précédente législature, au cours de laquelle l'Etat s'était largement substitué au contribuable local, remplaçant un volume important de ressources fiscales par des dotations.
Pourtant, je m'interroge : pendant combien de temps ces réformes garantiront-elles des ressources stables et dynamiques aux collectivités territoriales ?
M. François Marc. Eh oui !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Mon inquiétude porte en premier lieu sur la TIPP. En effet, tout va dans le sens d'une croissance modérée, voire d'une diminution de la consommation de carburants sur le territoire national, en raison non seulement du renchérissement du prix du pétrole - et, à terme, de la raréfaction de cette source d'énergie -, mais aussi des politiques, très louables, de lutte contre l'insécurité routière et en faveur de la maîtrise de la consommation d'énergie. A l'avenir, cette ressource pourrait donc ne pas être très dynamique et son rendement pourrait même diminuer.
Certes, la décision du Conseil constitutionnel sur la loi portant décentralisation du RMI, reprise dans la loi relative aux libertés et responsabilités locales, précise que les ressources fiscales attribuées aux collectivités territoriales en compensation des transferts de compétences ne pourront diminuer « pour des raisons étrangères au pouvoir de modulation reconnu aux collectivités bénéficiaires ».
C'est une garantie essentielle, mais force est de reconnaître que si ce « plancher » était durablement atteint, l'autonomie financière des collectivités territoriales serait réduite à bien peu de choses.
M. François Marc. Eh oui !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Restent les « quatre vieilles », taxes directes locales qui n'ont jamais si bien porté leur nom : elles présentent des défauts importants, liés au vieillissement de leur assiette et, en particulier, à l'obsolescence des valeurs locatives, qui entraîne une substitution croissante de l'Etat au contribuable local.
Des décisions assez inattendues ont été prises cette année concernant la taxe professionnelle et la taxe foncière sur les propriétés non bâties.
Je ne conteste pas leur principe dès lors que l'on s'efforce de rendre le territoire plus attractif et de lutter efficacement contre tout risque de délocalisation d'activité et d'emploi. Mais ces novations nous obligeront à adapter les ressources des collectivités locales.
Notre collègue Yves Fréville a remarquablement souligné que la taxe d'habitation avait cessé d'être un impôt de répartition pour devenir un impôt sur le revenu. Une fraction significative de la population ne le paie pas, tandis qu'une autre voit sa cotisation plafonner. Par conséquent, toute décision d'augmentation du taux est sans conséquence sur le contribuable, puisque l'Etat s'y substitue. Dans ces conditions, il faut remettre ces impositions sur le métier...
Je m'interroge cependant sur les corrections que nous serons amenés, collectivement, à apporter à ces impôts locaux. Avec la taxe professionnelle, nous constatons la complexité de la tâche ! Ainsi, comment satisfaire les revendications légitimes des entreprises, dont la compétitivité est handicapée par la taxe professionnelle, sans nuire à l'autonomie fiscale des collectivités territoriales ?
De manière plus générale, pouvons-nous tenter de réformer les impôts directs locaux sans revenir sur le « serpent de mer » qu'est la révision des valeurs locatives ? Nous le savons tous, mes chers collègues, les valeurs locatives sont au coeur du sujet, et il paraît difficile d'éviter de traiter un jour cette lancinante et délicate question.
Une réforme d'ensemble de la fiscalité locale est plus que jamais indispensable. Les « quatre vieilles » permettent aux collectivités territoriales de disposer de ressources fiscales reposant à la fois sur le foncier, qui présente l'avantage d'avoir des bases relativement stables dans le temps, et sur l'activité économique locale, qui leur permet de bénéficier des ressources dynamiques indispensables pour financer leurs projets d'investissement.
Nous naviguons aujourd'hui à vue, mais nous y réussissons assez bien. La pression fiscale locale évolue de manière modérée et de nouveaux impôts partagés permettent de financer la majeure partie des nouveaux transferts de compétences. Cependant, il nous faudra trouver des solutions nouvelles pour l'avenir.
En examinant séparément chaque impôt local, on ne remettra en cause ni les valeurs locatives ni la répartition actuelle des impôts entre les différents niveaux de collectivités territoriales. Or nous avons besoin d'une réforme globale pour asseoir durablement l'autonomie financière et fiscale des collectivités territoriales.
Je voudrais conclure en rappelant que les finances locales sont une matière complexe et qu'elles appellent une parfaite transparence, qui doit porter sur l'ensemble de leurs ressources et de leurs dépenses.
En premier lieu, cette transparence devrait être assurée par la transmission systématique - je dis bien systématique, monsieur le ministre, madame la ministre - des simulations effectuées à l'occasion de toute réforme des concours financiers de l'Etat.
M. Gérard Delfau. Eh oui !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Chacun peut le constater, tous les huit ou dix ans, il nous faut remettre l'ouvrage sur le métier tant nous avons, par voie d'amendements - souvent très « ciblés » -, rendu complexes et, parfois, incompréhensibles les mécanismes de répartition.
Dans son excellent rapport sur les articles de la première partie du projet de loi de finances, M. le rapporteur général a dû consacrer une centaine de pages à l'analyse de l'article 29 relatif à la réforme de la dotation globale de fonctionnement des communes et des établissements publics de coopération intercommunale. C'est dire si la matière est devenue difficilement compréhensible !
En second lieu, la transparence doit être assurée par une évaluation systématique des transferts de charges vers les collectivités territoriales.
Pour asseoir durablement l'autonomie financière des collectivités territoriales, il est essentiel de maintenir une liberté de dépenser et de gérer. J'insiste sur ce point, car la liberté locale est avant tout une liberté de gestion. Or nous constatons trop souvent que des textes ordinaires transfèrent des charges aux collectivités territoriales sans que celles-ci soient précisément compensées ou même évaluées.
Notre attention est totalement focalisée sur les transferts de compétences, qui sont désormais entourés de nombreuses garanties - constitutionnelles, organiques et législatives -, alors que les transferts de charges continuent pendant que nous avons les yeux tournés. Il nous faut donc être extrêmement vigilants.
A cet égard, je salue l'initiative du président Christian Poncelet de créer un observatoire de la décentralisation au sein duquel seront représentés tous les groupes politiques du Sénat.
Cet observatoire devra également permettre au Sénat, représentant constitutionnel des collectivités territoriales, de disposer des instruments nécessaires pour effectuer ses propres simulations ...
M. Gérard Delfau. Très bien !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. ... afin de sortir du clair-obscur dans lequel nous nous trouvons et qui ne nous permet pas toujours de fonder nos débats sur une vision complète et partagée de l'impact de nos décisions.
Enfin, à l'occasion de la réforme de la dotation globale de fonctionnement, nous avons considérablement renforcé la capacité du Comité des finances locales en ce qui concerne la définition de la part des ressources consacrée à la dotation forfaitaire et celle qui l'est à la péréquation.
Le Parlement - le Sénat en particulier - n'est-il pas à cette occasion dessaisi d'une part essentielle de ses compétences constitutionnelles ? En effet, on confie ainsi à un comité - qui assure par ailleurs des missions indispensables - le soin de définir l'intensité de la péréquation.
La commission des finances vous soumettra un amendement tendant à encadrer davantage les choix du Comité des finances locales s'agissant de la DGF des départements,...
M. Gérard Delfau. Enfin !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. ...considérant que la loi de finances doit être le support des décisions essentielles concernant la répartition des dotations aux collectivités territoriales.
Le Parlement - le Sénat en particulier - doit rester le lieu central où s'élabore la politique de répartition des ressources entre les collectivités territoriales (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE) et, pour ce faire, il est indispensable qu'il puisse y voir clair.
Voilà un an, à l'occasion de ce même débat sur les recettes des collectivités locales, j'avais exprimé à cette tribune le souhait que le Sénat dispose d'une base de données (Nouveaux applaudissements sur les mêmes travées) afin que nos commissions puissent procéder à des simulations à l'occasion de la révision des textes de répartition. Peut-être alors pourrions-nous détecter ici ou là quelques situations étonnantes qui font offense à l'idée que nous nous faisons de l'équité !
Nous devons assumer cette épreuve de vérité et nous doter des moyens indispensables. C'est pourquoi, monsieur le président du Sénat, je souhaite que notre assemblée puisse disposer désormais des moyens informatiques lui permettant de légiférer dans la transparence.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Très bien !
M. le président. Monsieur le président de la commission des finances, le 14 décembre prochain, le bureau du Sénat examinera cette demande, qui s'inscrit dans sa politique de communication interne.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Je vous en remercie, monsieur le président, comme j'en remercie le bureau du Sénat. Nous avons en effet besoin de cet instrument, car nous ne devons pas dépendre d'organismes extérieurs pour fonder notre propre opinion.
Pour réussir la décentralisation, la France a besoin de collectivités territoriales fortes et dynamiques. Nous devons donc clarifier les compétences des collectivités territoriales les unes par rapport aux autres et nous devons aussi, me semble-t-il, consolider les regroupements communautaires pour que chacune des entités locales soit une instance vitale de la décentralisation apte à assumer pleinement ses responsabilités. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, madame le ministre délégué à l'intérieur - je suis particulièrement heureux de vous saluer, madame, dans vos nouvelles fonctions, et je vous adresse à mon tour mes félicitations -, monsieur le ministre délégué au budget, mes chers collègues, ce débat permet utilement de faire le point, dans le cadre de l'examen de la loi de finances, sur l'ensemble des questions concernant les finances locales, en relation avec les finances de l'Etat.
Madame le ministre, monsieur le ministre, je présenterai brièvement quelques facteurs de satisfaction - car il y en a dans cette loi de finances et dans l'évolution du processus de décentralisation -, ainsi que quelques facteurs d'inquiétude ou d'interrogation - car il y en a toujours dans le monde des élus locaux... (Sourires.)
En ce qui concerne tout d'abord les transferts de compétences, mes chers collègues, la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 relative à l'organisation décentralisée de la République a constitué, je le rappelle, une réelle avancée en matière de droits à compensation pour les collectivités locales des compétences transférées par l'Etat.
M. Aymeri de Montesquiou. Tout à fait !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je me réfère ici à l'article 72-2 de la Constitution et, surtout, aux garanties renforcées tout récemment par la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et aux responsabilités locales.
Il me semble utile d'évoquer, parmi ces avancées, l'extension des responsabilités de la commission consultative d'évaluation des charges, qui sera présidée par un élu. Elle devra notamment être consultée sur les modalités d'évaluation des charges d'investissement et, chaque année, sur l'évaluation des charges liées aux nouvelles compétences, notamment au regard des recettes fiscales transférées. De ce point de vue, l'impératif de transparence doit prévaloir.
Ensuite, par dérogation aux dispositions de droit commun, l'évaluation des charges de fonctionnement correspondant aux compétences transférées sera calculée à partir des trois derniers exercices et, pour les charges d'investissement, à partir des cinq derniers exercices, ce qui montre de la part de l'Etat un comportement fair-play, si j'ose ainsi m'exprimer, qui n'avait pas toujours été de mise dans le passé.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Enfin, il est désormais prévu que « la compensation financière des transferts de compétences s'opère, à titre principal, par l'attribution d'impositions de toute nature, dans des conditions fixées par la loi de finances », ce qui va nous conduire traiter, au cours de ce débat et lors de la discussion des articles, de la taxe intérieure sur les produits pétroliers et de la taxe sur les conventions d'assurances.
Mes chers collègues, avant d'entrer dans le détail, il convient de se réjouir que ces règles de base aient été inscrites dans nos textes fondateurs. Nul doute, madame le ministre, monsieur le ministre, que le Sénat sera extrêmement vigilant quant à l'application de textes qui prennent pour une part leur origine dans une certaine proposition de loi constitutionnelle dont le président Christian Poncelet avait pris l'initiative il n'y a pas si longtemps !
M. le président. Je vous remercie, monsieur le rapporteur général, de ce rappel.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Permettez-moi d'aborder un second aspect auquel nous allons probablement consacrer la majeure partie de nos débats sur les articles relatifs aux finances locales, je veux parler de la réforme des dotations de l'Etat aux collectivités territoriales.
Je m'associe pleinement aux propos du président de la commission, Jean Arthuis, au sujet des bases de données, des simulations et de la nécessaire transparence en ce domaine.
Nous ne pouvons, mes chers collègues, parler de façon littéraire et juridique de sujets qui doivent surtout être abordés à partir de tableaux, de données chiffrées. A ce sujet, vous le savez, monsieur le président du Sénat, j'exprime de temps à autre le regret que nous ne disposions pas, dans cet hémicycle, d'un système - qu'il s'agisse d'écrans individuels ou de tout autre procédé - nous permettant de clarifier nos débats par la prise en considération de tableaux ou de courbes.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Eh oui !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Nous commentons des chiffres, mais il serait préférable que chacun puisse simultanément les consulter. La technologie moderne devrait pouvoir nous apporter des solutions en ce domaine ! Lorsque notre collègue Alain Lambert présidait la commission des finances, nous avions d'ailleurs envisagé l'utilisation de tels systèmes. (M. Alain Lambert opine.)
M. Aymeri de Montesquiou. Très bien !
M. le président. Les moyens techniques existent, ce sont les fonds qui manquent le plus ! (Exclamations sur de nombreuses travées.)
M. Philippe Marini, rapporteur général. Monsieur le président, ces sujets doivent être solubles un jour ou l'autre ! Certes, le problème n'est pas mince, mais nous avons mené à bien des projets plus compliqués encore et je pense que, sous votre autorité, avec la volonté que nous vous connaissons, nous devrions pouvoir progresser !
Pour ce qui est des dotations de l'Etat aux collectivités territoriales, en 2005, convenons-en, la réalité va être assez favorable à ces dernières.
Dans le présent projet de loi de finances, il nous est proposé de reconduire le contrat de croissance et de solidarité, ce dont il faut vous donner acte, madame le ministre, monsieur le ministre. Les dotations « sous enveloppe » augmenteraient ainsi de 2,6 % et la dotation globale de fonctionnement de 3,05 %.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Cela facilite grandement la réforme de l'architecture des dotations car, notamment lorsque nous en viendrons à examiner la difficile question de la solidarité ou de la péréquation entre les départements, nous observerons que personne ne perd et que tout le monde gagne - un peu, moyennement, beaucoup... - ce qui, bien entendu, facilite considérablement la mise en oeuvre de la réforme.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Monsieur le ministre, vous êtes vous-même, en tant qu'ancien ministre délégué chargé des collectivités locales présentement ministre délégué au budget, le témoignage vivant de la continuité et de la volonté qui s'expriment en ce domaine !
Nous avons l'année dernière défini l'architecture de cette réforme, dont nous allons constater, au cours du débat, la réalisation.
Le Gouvernement a procédé dans le souci de la concertation, je tiens à le redire, car le texte dont nous sommes saisis s'inspire largement des préconisations du groupe de travail du Comité des finances locales, dont le rapport de synthèse a été adopté à l'unanimité, si je ne me trompe, le 28 avril 2004.
Vous vous en écartez légèrement, pour des raisons dont vous vous expliquerez certainement, en ce qui concerne les départements. Mais, s'agissant des communes et des intercommunalités, vous collez à peu près de manière intégrale, à ma connaissance, aux propositions de ce groupe de travail, lui-même pluraliste.
Il convient de rappeler que la notion de potentiel financier permettra de progresser dans le sens de l'équité.
S'agissant de la DGF des communes, une dotation véritablement forfaitaire constituera la base de l'édifice et celui-ci comportera, pour plus de justice, des éléments spécifiques relatifs à la dotation de solidarité rurale comme à la dotation de solidarité urbaine.
S'agissant de la DGF des groupements, l'essentiel ayant déjà été accompli en matière de structuration des établissements publics de coopération intercommunale, vous tracez la voie d'un rattrapage très progressif du montant de la dotation par habitant des communautés de communes par rapport à la dotation des communautés d'agglomération, ce qui sera bien entendu reçu favorablement dans le monde rural de nos départements.
En outre, le calcul du coefficient d'intégration fiscale, casse-tête des finances locales, est simplifié. Nous aurons d'ailleurs à examiner des amendements complétant cette définition dans le sens souhaité par le groupe de travail du Comité des finances locales, la commission des finances apportant son soutien aux amendements qui préconisent la prise en compte de 50 % des transferts internes à une intercommunalité.
Pour ce qui est de la DGF des départements, nous aurons un débat sans doute nourri, auquel contribueront notamment nos collègues Jean François-Poncet et Yves Fréville, car nous avons besoin de nous pénétrer des nouvelles règles qui créent deux catégories de départements selon qu'ils sont ou non urbains.
A ce sujet, je tiens d'emblée à rassurer tous nos collègues : la commission des finances souhaite avancer de manière expérimentale et faire prévaloir la transparence, de telle sorte que nous puissions éventuellement rectifier dans un an ce qui aurait besoin d'être rectifié. Nous présenterons en ce sens les amendements nécessaires, dont nous solliciterons l'approbation par le Sénat.
Permettez-moi d'aborder enfin quelques considérations relatives aux préoccupations des élus locaux au sujet des recettes de leurs collectivités.
Il est clair que les travaux en cours sur la taxe professionnelle et sur la taxe foncière sur les propriétés bâties sont de nature à inquiéter les gestionnaires de collectivités territoriales.
Au demeurant, pour ce qui est de la fiscalité locale, certaines des mesures prises par la précédente majorité ne facilitent pas les choses. Ainsi, la suppression de la part « salaires » de la taxe professionnelle suscite des interrogations sur sa rationalité et son impact économique. Ainsi, la suppression partielle de la vignette automobile suscite aujourd'hui bien des interrogations en matière de préservation de l'environnement, de lutte contre les effets de serre et de finances locales.
Nous avons beaucoup réfléchi à la question de la taxe professionnelle au sein de la commission des finances. Nous avons créé un groupe de travail et nous avons entendu beaucoup de personnalités sur ce sujet.
Il se trouve que, ce matin même - mais nous ne pouvions y être présents puisque nous siégions dans cet hémicycle -, la commission de M. Fouquet tenait sa réunion de concertation sur le rapport final. J'ai d'ailleurs émis des doutes quant à la nature de cet exercice et sur le résultat auquel il peut nous conduire. Cette quête, qui tend à la quadrature du cercle, s'apparente à la recherche de la pierre philosophale : transférer une matière imposable de façon à peu près indolore tout en conservant à peu près les mêmes redevables, c'est un exercice extrêmement difficile ! Il est toujours possible de raffiner les scénarios, d'atténuer ou de polir les aspérités d'une réforme pour la rendre plus acceptable ; mais, à trop le faire, que reste-t-il de la réforme ?
Nous naviguons en quelque sorte entre le Charybde d'une vraie réforme qui fait du bien à certains mais du mal à d'autres et le Scylla d'une fausse réforme qui consiste à rebaptiser l'identique.
Qu'il me soit donc permis d'adhérer à l'objectif qui a été rappelé tout à l'heure par le président de la commission des finances et qui nous est totalement commun, à savoir la recherche de solutions plus globales permettant de tracer des orientations fiscales en termes d'attractivité du territoire et de compétitivité des entreprises.
Ce n'est pas seulement par la lorgnette de la taxe professionnelle que l'on y parviendra, même si le débat sur cet impôt fait bien partie du débat d'ensemble.
Madame le ministre, monsieur le ministre, vous pouvez compter sur le Sénat pour être un partenaire actif et exigeant dans le débat. C'est notre rôle, c'est notre fonction constitutionnelle, et nous la revendiquons totalement.
Mais vous pouvez aussi compter sur la majorité sénatoriale pour soutenir vos efforts, dès lors que le travail se fait dans la transparence et que les engagements pris sont tenus. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Jean François-Poncet, président de la délégation pour l'aménagement du territoire et le développement durable.
M. Jean François-Poncet, président de la délégation pour l'aménagement du territoire et le développement durable. Monsieur le président, madame la ministre - qu'il me soit permis de vous saluer à mon tour dans vos nouvelles fonctions -, monsieur le ministre, mes chers collègues, la décentralisation souffre, depuis les lois Defferre, d'une carence fondamentale dont les conséquences n'ont pas cessé de s'aggraver.
En résumé, le système actuel renvoie les départements riches à leur richesse et les départements pauvres à leur pauvreté, de sorte que les premiers ont les moyens de faire pleinement - et facilement - usage des compétences qui leurs sont transférées, tandis que les seconds ne parviennent à les mettre en oeuvre qu'en augmentant leur fiscalité dans des proportions qui tendent à la rendre insupportable.
Les moyens dont les départements défavorisés disposent aujourd'hui sont presque totalement absorbés par les charges obligatoires qui leur incombent. Ce qui reste pour l'investissement, et donc pour le développement, a fondu comme neige au soleil. La fracture territoriale s'est, de ce fait, élargie.
Pour que décentralisation rime avec développement, il est donc essentiel de mettre en oeuvre une péréquation digne de ce nom.
M. Aymeri de Montesquiou. Très bien !
M. Jean François-Poncet, président de la délégation pour l'aménagement du territoire et le développement durable. Le Gouvernement l'a compris puisque, en mai 2003, il a fait pour la première fois de la péréquation une obligation constitutionnelle. Le nouvel article 72-2 prévoit ainsi que : « La loi prévoit des dispositifs de péréquation destinés à favoriser l'égalité entre les collectivités territoriales ».
Cette prise de conscience solennelle était indispensable car, rituellement invoquée dans les discours dominicaux, la péréquation était restée lettre morte.
Il existe bien des dotations dites de péréquation, mais elles n'ont de péréquation que le nom et leur effet péréquateur est insignifiant au regard des inégalités qui sont à corriger.
Cette insignifiance, la délégation à l'aménagement du territoire l'a très précisément chiffrée et elle est prête à le démontrer et à en apporter la preuve si on le lui demande.
Aussi attendions-nous avec impatience, madame la ministre, monsieur le ministre, les propositions du Gouvernement.
Vous avez choisi d'inclure cette question de la péréquation dans un projet de loi de finances : nous le regrettons. Nous aurions en effet préféré voir ces principes fixés dans une loi spécifique, ce qui nous aurait donné le loisir d'aller au fond du problème en toute transparence et au vu des simulations, comme le président de la commission des finances vient de le demander.
Il faut prendre conscience qu'aller au fond de ce problème conditionnera, à terme, le succès même de la décentralisation.
M. Aymeri de Montesquiou. C'est vrai !
M. Jean François-Poncet, président de la délégation pour l'aménagement du territoire et le développement durable. J'en viens donc à l'article 31 du projet de loi de finances, qui prolonge et complète les dispositions qui ont été prises dans la loi de finances de 2004.
Je rappellerai les grands traits de l'architecture proposée par cet article, en soulignant, monsieur le ministre du budget, que cette architecture nous paraît excellente et doit nous permettre d'aboutir.
La loi de finances regroupe, au sein de la DGF des départements, toutes les dotations de l'Etat : celles qui sont fonction du nombre d'habitants et qui, de ce fait, n'ont aucun effet péréquateur, ainsi que celles qui ont un effet péréquateur.
Elle dispose, d'autre part, que les dotations ne diminueront pour aucun département en 2005.
Elle institue, de plus, une enveloppe destinée à faire face, dans la durée, aux besoins de la péréquation.
Elle prévoit, enfin, que cette enveloppe bénéficiera, d'année en année, d'une part de la croissance de la DGF plus importante que celle qui revient à la dotation forfaitaire et qui est donc proportionnelle au nombre d'habitants. L'enveloppe destinée à la péréquation augmentera donc régulièrement du fait de ce différentiel d'indexation.
En posant ces principes, monsieur le ministre, vous avez jeté les bases de ce qui pourrait, pour la première fois, conduire à une véritable péréquation. Je dis : « pourrait », car le conditionnel me parait malheureusement devoir s'imposer. Le texte reste en effet assez éloigné, sinon très éloigné d'un véritable effort de péréquation.
M. Gérard Delfau. C'est vrai !
M. Jean François-Poncet, président de la délégation pour l'aménagement du territoire et le développement durable. En effet, l'enveloppe affectée à la péréquation n'est que de 939 millions d'euros, soit 8,5 % seulement du montant total de la DGF qui doit s'élever, en 2005, à 11,5 milliards d'euros.
Cette enveloppe est, en outre, divisée en deux parties. La première partie, dite de péréquation, est réservée à trente-deux départements qualifiés d' « urbains ». La seconde, appelée « dotation de fonctionnement minimal », est réservée aux soixante-quatre autres départements et elle ne représente que 55 % de l'enveloppe.
Les 418 millions d'euros qui sont affectés à la première partie sont répartis en fonction d'un indice synthétique, ce qui est très bien. Mais les critères entrant dans cet indice sont ceux de la dotation de solidarité urbaine, de sorte qu'en sont exclues les dépenses relatives aux personnes âgées - notamment l'allocation personnalisée d'autonomie, qui incombe aux départements -, ainsi qu'aux handicapés - au moment même où le Gouvernement élabore un texte sur le handicap -, tandis que ces critères ignorent aussi les collèges et les transports scolaires, ce qui est difficilement compréhensible.
Quant à la dotation de fonctionnement minimale, que se partagent soixante-quatre départements, elle ne représente que 4,47 % de la dotation globale de fonctionnement.
Aussi, monsieur le ministre, l'augmentation de 12 % à 20 % de la dotation allouée à ces soixante-quatre départements ne génèrera-t-elle pour eux qu'une progression comprise entre 2 % et 4 % de leur DGF.
La loi de finances ne donne, en outre, aucune garantie véritable pour l'avenir.
J'ajoute que la garantie de stabilité offerte pour les départements ne vaut que pour l'année 2005. Elle disparaîtra ensuite.
Enfin, en ne retenant pour la répartition de cette dotation minimale de fonctionnement que deux critères, la longueur des chemins et le potentiel financier superficiaire, on écarte - et, franchement, on a du mal à comprendre pourquoi - l'APA, le RMI, le RMA, le handicap, les collèges et les transports scolaires ! On pourrait croire que ceux qui ont rédigé le projet de loi de finances ignorent les charges que les départements ont à supporter !
M. le président. Bravo !
M. Jean François-Poncet, président de la délégation pour l'aménagement du territoire et le développement durable. J'ajoute que les mêmes charges pèsent sur tous les départements, qu'ils soient urbains ou ruraux, à la seule exception près des logements sociaux, qu'il faudrait évidemment intégrer dans un indice unique qui s'appliquerait à la fois aux départements urbains et aux départements ruraux.
Je me permets d'ajouter, monsieur le ministre, que les deux collectivités qui sont, de très loin, les principales bénéficiaires du système proposé sont Paris...
M. Gérard Delfau. Eh oui !
Mme Nicole Bricq. On le sait !
M. Gérard Delfau. Et les Hauts-de-Seine !
M. Jean François-Poncet, président de la délégation pour l'aménagement du territoire et le développement durable. ...et les Hauts-de-Seine, en effet, dont les dotations de péréquation augmentent respectivement de 128 % et de 68 %.
M. Gérard Delfau. C'est un pur hasard !
M. Jean François-Poncet, président de la délégation pour l'aménagement du territoire et le développement durable. Ce n'est pas, je vous l'avoue, l'idée que nous nous faisions de l'objectif que la péréquation est censée atteindre. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste et de l'UMP, ainsi que sur quelques travées du groupe socialiste.)
La commission des finances a, heureusement, déposé des amendements qui visent à corriger les anomalies les plus graves. Nous y souscrivons, bien entendu, mais nous estimons qu'il faudra aller beaucoup plus loin.
L'architecture générale du dispositif est bonne, monsieur le ministre, mais l'application qui en est faite ne nous rapproche que très faiblement d'une péréquation digne de ce nom. Etes-vous certain, d'ailleurs, que le Conseil constitutionnel, s'il était appelé à se prononcer, jugerait le système proposé conforme à l'article 72, alinéa 2, de la Constitution ?
M. Gérard Delfau. Très bien !
M. Jean François-Poncet, président de la délégation pour l'aménagement du territoire et le développement durable. La délégation pour l'aménagement du territoire et le développement durable a déposé un amendement à l'article 31 du projet de loi de finances et souhaite que le Gouvernement accepte de considérer la nécessité, dès 2005, d'une refonte de cet article, refonte à laquelle la délégation serait heureuse d'être associée. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, celles de l'Union centriste et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste.)
M. François Marc. C'est une critique en règle !
M. Jean-Claude Peyronnet. C'est sévère !
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
- Groupe Union pour un mouvement populaire, 38 minutes ;
- Groupe socialiste, 28 minutes ;
- Groupe de l'Union centriste, 16 minutes ;
- Groupe communiste républicain et citoyen, 14 minutes ;
- Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 13 minutes ;
- Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe, 6 minutes.
Je vous rappelle qu'en application des décisions de la conférence des présidents aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
Par ailleurs, le temps programmé pour le Gouvernement est prévu au maximum pour trente-cinq minutes.
Dans la suite du débat, la parole est à M. Yves Fréville.
M. Yves Fréville. Monsieur le président, madame le ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget de l'Etat est aujourd'hui partagé entre l'Etat, l'Union européenne et les collectivités locales.
Celui des collectivités locales, qui est de 61 milliards de d'euros, représente la part la plus importante - 20 % - des recettes fiscales et non fiscales de l'Etat, sous diverses formes : compensations, dégrèvements, dotations, subventions. Cette part représente près de 40 % des recettes des collectivités locales.
Ce constat m'amène à poser deux questions : cette masse, si importante, est-elle satisfaisante et, surtout, est-elle bien répartie dans le cadre du projet de loi de finances pour 2005 ?
S'agissant de la première question, nous ne pouvons que nous réjouir, madame le ministre, monsieur le ministre, que vous ayez prorogé d'une année le pacte de croissance et de stabilité qui permet à l'ensemble des dotations regroupées dans l'enveloppe du pacte de progresser de 2,8 %, soit de dégager 1,3 milliard d'euros supplémentaires. En francs, cela représente tout de même 8 milliards de francs de plus !
M. Michel Mercier. Et en anciens francs ? (Sourires.)
M. Yves Fréville. Monsieur Mercier, je vous laisse le soin de faire le calcul ! (Nouveaux sourires.)
Force est toutefois de reconnaître que la part que reçoivent les collectivités locales est jugée insuffisante par nombre d'élus locaux.
En réalité, un problème de confiance se pose pour l'ensemble des élus locaux à l'égard des décisions prises par l'Etat. Au fond, ils craignent que le tiers de point de PIB supplémentaire qui leur est accordé ne permette pas de rattraper l'insuffisance des compensations.
Monsieur le ministre, madame le ministre, comme l'a très bien dit le président de la commission des finances tout à l'heure, nous ne parviendrons à un résultat satisfaisant que si l'assurance est donnée aux collectivités locales que les compensations de charges seront intégrales, concomitantes et contrôlées.
Mais cela ne suffit sans doute pas. En effet, nos collectivités locales connaissent une très grande incertitude face à l'avenir. On s'efforce de la lever pour ce qui concerne les dotations, mais elle demeure entière en matière de recettes.
Je suis frappé de constater que les collectivités locales ne s'endettent pas alors qu'elles investissent, mais que l'Etat s'endette sans investir. Alors que les taux d'intérêt n'ont jamais été aussi bas, pourquoi les collectivités locales n'empruntent-elles pas aujourd'hui, ce qui serait de nature à soutenir la croissance ?
M. François Marc. Elles n'ont pas confiance !
M. Yves Fréville. L'explication est en effet que l'on n'emprunte pas en situation d'incertitude quant au flux futur de ses recettes.
M. François Marc. Eh oui !
M. Yves Fréville. L'ensemble de notre système de finances locales devient de plus en plus une coquille vide. Les bases du foncier bâti datent d'un demi-siècle, celles de la taxe professionnelle ne correspondent plus aux caractéristiques d'une société de services, la taxe d'enlèvement des ordures ménagères est inadaptée face à l'explosion du coût d'élimination des déchets.
Le résultat, c'est que, pour soutenir cette coquille vide, l'Etat doit injecter 10 milliards d'euros de dégrèvements, comme l'a dit le président de la commission des finances.
Les propos du Président de la République ont été un électrochoc, que j'estime salutaire.
M. Gérard Delfau. On peut mourir d'un électrochoc !
M. Yves Fréville. Mais, à présent, des choix stratégiques doivent être accomplis pour engager une réforme globale de la fiscalité locale. Pour rendre la confiance, il ne suffira pas d'augmenter les dotations !
Ma seconde question est de savoir si l'effort financier de l'Etat en direction des collectivités locales est mieux réparti dans le cadre de la réforme qui nous est proposée de la dotation globale de fonctionnement.
Je rappelle que cette réforme, préparée et simulée au sein d'un groupe de travail du Comité des finances locales - sous la houlette éclairée et réaliste du président Fourcade, à qui je tiens à rendre ici un hommage particulier -, visait précisément à répondre à un souci de réalisme. En effet, effectuer une péréquation, c'est prendre de l'argent aux uns pour le donner aux autres.
M. Michel Mercier. Eh oui !
M. Yves Fréville. Et, si on le fait trop brutalement, c'est l'échec assuré !
Toute la difficulté consistait donc, dans un contexte de croissance faible ou moyenne, à ne pas prendre trop aux uns, tout en opérant une redistribution significative.
Cela signifie que cette réforme devra être jugée non pas sur une année, autrement dit sur le court terme - je me permets de le dire à M. François-Poncet -, mais dans une perspective à long terme. En effet, si nous parvenons à augmenter de 20 % par an les dotations aux départements, il en résultera des chiffres tout à fait significatifs au terme d'une dizaine d'années.
Comment juger cette réforme ? Ma crainte est que soit oublié le principe selon lequel la péréquation des ressources doit s'exercer au profit de toutes les collectivités locales. Il me paraîtrait grave que, sous prétexte d'éviter le saupoudrage, l'effort financier soit concentré sur les collectivités les plus pauvres - ce que je comprends très bien sur le court terme -, sans tenir compte de la situation de la « classe moyenne », si je puis dire, que représentent 80 % à 90 % des collectivités locales, lesquelles, n'étant pas des bourgs-centres ou des villes à quartiers difficiles, ne sont pas traitées de façon égalitaire au regard de leurs ressources.
Pour parer à ce danger, un critère efficace a été retenu, celui du potentiel financier. Il s'agit d'une notion très technique, dont nous discuterons tout à l'heure, qui consiste à juger des ressources d'une collectivité locale non pas à travers les impôts - qui deviennent malheureusement, monsieur le président, de plus en plus rabougris -, mais en fonction de la totalité des recettes qu'elle perçoit. Toutefois, il faut appliquer ce concept de potentiel financier directement, et non indirectement à travers des indices synthétiques complexes que les collectivités locales ne parviennent pas à saisir.
Pour les communes, la seule dotation véritablement péréquatrice est la dotation nationale de péréquation. Je souhaite que le champ de cette dernière soit élargi et que les départements bénéficient d'un système analogue.
M. Gérard Delfau. Très bien !
M. Yves Fréville. A cet égard, les simulations du Comité des finances locales avaient traité correctement les problèmes de certains départements de la région parisienne.
La péréquation des charges est plus complexe.
Affirmer que des critères simples, comme la population et la superficie, doivent fonder la répartition de la dotation forfaitaire, c'est reconnaître que ces critères ont été longtemps oubliés.
Il faut savoir, mes chers collègues, que la répartition de la dotation globale de fonctionnement des départements n'a pas tenu compte des accroissements de population depuis 1975. Ainsi, la Seine-et-Marne, qui a connu la plus forte croissance démographique de France - plus 60 % -, perçoit une dotation dont les bases n'ont pas été réévaluées depuis 1975 et qui est renouvelée à l'identique chaque année.
De même, la dotation forfaitaire des communes ne prend en compte que de la moitié de la croissance de la population.
Le mérite premier de cette réforme est d'adopter des critères simples, que tout le monde est capable de saisir. Dire que l'on tient compte directement de la population et de la superficie, sans passer par des calculs compliqués de densité ou autres, va dans le sens de la compréhension générale.
On peut alors ajouter à ces critères simples des critères spécifiques propres aux zones urbaines et aux zones rurales. Mais il faudra veiller à renouveler ces derniers au fur et à mesure que les problèmes des bourgs-centres et des quartiers difficiles se régleront. Ce sera la tâche du Comité des finances locales, mais aussi, je l'espère, de l'observatoire que vous souhaitez créer, monsieur le président.
Enfin, il me paraît indispensable de souligner le principe sur lequel doit se fonder la péréquation : il s'agit de corriger des inégalités de situation et non des problèmes financiers liés, j'ose le dire, à une mauvaise gestion. (Très bien ! sur les travées de l'UMP.) L'augmentation des impôts n'est pas nécessairement liée à une croissance des charges !
Monsieur le ministre, en présentant le présent projet de budget devant le Comité des finances locales, vous avez dit qu'il devait redonner confiance aux collectivités locales. En ce qui concerne la répartition de la dotation globale de fonctionnement, des progrès considérables ont été accomplis et, comme je le disais au début de mon intervention, la masse est satisfaisante.
Il me reste à formuler le souhait, madame le ministre, monsieur le ministre, que vous arriviez à trancher le noeud gordien de la fiscalité locale. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Michel Mercier.
M. Michel Mercier. Monsieur le président, mes chers collègues, je tiens tout d'abord à saluer le couple ministériel qui nous accompagne cet après-midi pour ce débat sur les recettes des collectivités locales : nous apprécions que M. Copé soit passé du ministère des libertés locales à celui du budget et je sais, pour le connaître depuis longtemps, que c'est un homme de mémoire,...
M. Michel Mercier. ... qu'il se souviendra de son expérience en tant que ministre délégué en charge notamment des collectivités locales et qu'il sera attentif à donner le plus possible satisfaction à Mme Roig,...
M. Michel Mercier. ... ce dont l'ensemble des collectivités locales ne pourront que se féliciter !
M. le président. Sans aucun doute !
M. Michel Mercier. Le débat sur les recettes des collectivités locales prend, cette année, un relief tout particulier dans la mesure où le Gouvernement se propose de réformer les dotations que l'Etat verse aux collectivités locales tandis que se met en place, dans le même temps, le financement de ce que nous appelons tous « l'acte II de la décentralisation ».
Je formulerai quelques remarques sur ces deux questions.
La réforme des dotations se présente bien, pour une raison simple : vous avez su, monsieur le ministre, dégager des moyens financiers suffisants pour l'engager. En effet, il est particulièrement difficile de réformer des dotations lorsque l'on ne dispose pas des moyens budgétaires pour le faire.
Chaque collectivité accepte l'idée de la réforme, mais elle pense aussi, et à juste titre, que cette réforme doit se traduire par un gain de recettes et en aucun cas par une diminution.
M. Michel Mercier. En la matière, tous les discours - et nous allons en entendre d'excellents - sont ainsi encadrés par une règle simple et concrète, tirée de l'expérience : la réforme doit apporter plus d'argent et en aucun cas elle ne peut en ôter.
Ce principe réduit nos capacités à réformer !
Monsieur le ministre, vous avez su dégager des moyens financiers pour engager la réforme,...
M. Michel Mercier. ...et cela mérite d'être souligné. En effet, il n'était pas certain que le contrat de croissance et de solidarité serait reconduit, que son enveloppe normée enregistrerait une augmentation de 2,6 %, et que la DGF augmenterait de plus de 3 %. Nous nous en félicitons.
M. Michel Mercier. Il faut le rappeler, sans quoi la réforme ne pourra pas être perçue comme elle doit l'être.
M. Michel Mercier. La réforme que vous proposez, monsieur le ministre, était d'abord obligatoire. En effet, nous étions arrivés à la fin d'un cycle de vie de la DGF.
Ceux qui siègent depuis longtemps sur ces travées ont eu l'occasion de voir se succéder, depuis la création de la DGF, plusieurs réformes. Nous le savons bien, régulièrement, il faut non pas faire table rase du dispositif existant, mais essayer de l'améliorer, en modifiant certaines mesures pour tenir compte des nouvelles actions conduites par les collectivités locales.
Tous les dix ans environ, on parvient au terme du cycle : la première année, on crée un nouveau dispositif et, pendant neuf ans, on corrige ses inconvénients.
La réforme actuelle n'échappera pas à cette règle. Examinons donc les nouveaux éléments qu'elle comporte et voyons en quoi l'Etat répartit mieux les dotations qu'il accorde aux collectivités locales pour assurer leur fonctionnement.
Je veux tout d'abord souligner la mise en place d'un nouvel instrument de mesure, le potentiel financier.
Comme cela avait été demandé depuis longtemps par le groupe de travail du Comité des finances local, la reconnaissance du potentiel financier est une bonne mesure. Même si l'on aurait pu souhaiter qu'il comprenne plus de ressources fixes des collectivités, c'est un net progrès, car le potentiel fiscal est, compte tenu des diverses situations que connaissent les communes en matière de taxe professionnelle, un instrument qui nous permettra de mieux comparer les collectivités locales entre elles.
S'agissant de la réforme, je n'entrerai pas dans le détail, car les orateurs qui m'ont précédé l'ont largement et excellemment présentée, mais je constate qu'elle permettra plus de clarté, plus de lisibilité.
Qu'il s'agisse des communes ou des départements, sont prévues une dotation de péréquation et une dotation forfaitaire, qui tient compte essentiellement de la population. En effet, ce sont d'abord les hommes et les femmes vivant dans la collectivité territoriale qui sont la cause de la dépense publique, et c'est bien de le reconnaître.
S'agissant de la péréquation, MM. Jean François-Poncet et Fréville se sont excellemment exprimés.
En la matière, si nous avions mis en place des dotations octroyées en fonction du nombre d'habitants et qui soient les mêmes pour toutes les collectivités, nous rencontrerions beaucoup moins de problèmes. En effet, c'est bien parce que certaines collectivités sont en dessous de la moyenne de la dotation accordée par habitant que nous devons effectuer cette péréquation : très naturellement, nous reconnaissons que ces collectivités ne sont pas très riches et ne reçoivent pas la part qu'elles devraient recevoir et, de fait, nous tenons compte de cette situation.
Certes, j'en conviens, toutes les collectivités territoriales estiment qu'elles ne sont pas très riches, mais les écarts de dotation par habitant doivent être resserrés.
De ce point de vue, un effort a été consenti, notamment au niveau de l'intercommunalité, pour rapprocher les dotations versées aux communautés de communes de celles qui sont versées aux communautés d'agglomération. Cet effort est certes louable, mais il est encore très insuffisant.
Quoi qu'il en soit, si nous parvenions à prévoir pour chacune des collectivités locales appartenant à une même strate de population une dotation identique, tout en instituant un écart entre les strates acceptable, nous ferions alors un grand pas, et nous rencontrerions beaucoup moins de problèmes.
Monsieur le ministre, je le dis sans ambages, la réforme de la DGF est une bonne réforme. Mais nous sommes tous des spécialistes en la matière et nous connaissons tous une collectivité qui a été mal traitée par la réforme. Nous devrons donc certainement apporter quelques corrections ici ou là et c'est d'ailleurs ce que nous ferons cette année, comme nous le ferons l'année prochaine. Puis, après avoir corrigé pendant huit ou neuf ans les effets négatifs de la DGF, nos successeurs engageront dans dix ans, comme je l'ai dit tout à l'heure, une nouvelle réforme. C'est un délai qui me semble acceptable, n'est-ce pas, monsieur le président ?...
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Moi qui croyais que notre oeuvre était achevée ! (Sourires.)
M. Josselin de Rohan. Il faudra beaucoup travailler !
M. Michel Mercier. Oui, mon cher collègue, et la Bretagne ne sera pas oubliée ! (Nouveaux sourires.)
Cela étant, je le répète, la réforme des dotations est, dans son ensemble, une bonne réforme ; nous devrons certes en contrôler les effets - les amendements présentés par la commission des finances nous permettront de le faire - et nous les corrigerons l'année prochaine.
Pour autant, je considère que la question essentielle est non pas tant de savoir quelles dotations seront versées aux collectivités locales tout en faisant en sorte qu'elles soient le mieux réparties possible, mais bien de voir, un an après la mise en oeuvre des transferts, comment est financé l'acte II de la décentralisation.
Permettez-moi de revenir sur deux points.
J'aborderai tout d'abord le problème que pose l'application de la loi organique relative à l'autonomie financière des collectivités territoriales.
Nous savons combien le Sénat a dû faire preuve de son sens du compromis pour voter cette loi. Nous sommes parvenus à un texte, c'est bien, mais je souhaite, monsieur le ministre, que vous puissiez en faire l'application la plus littérale possible, et je rejoins là les propos de M. le président de la commission des finances.
S'agissant des impôts partagés entre l'Etat et les collectivités territoriales - pour les impôts qui sont propres aux collectivités territoriales, le problème ne se pose pas -, la loi dispose que « les ressources propres des collectivités territoriales sont constituées du produit des impositions de toutes natures dont la loi les autorise à fixer l'assiette, le taux ou le tarif, ou dont elle détermine, par collectivité, le taux ou une part locale d'assiette ».
M. le président de la commission des finances a rappelé tout à l'heure qu'il appartenait donc au Parlement, et notamment au Sénat, de fixer les règles de répartition des dotations. Parce que la loi le dispose, et parce que tel est notre rôle constitutionnel, nous devons faire en sorte que ce soit le Parlement qui fixe la part de taux ou d'assiette d'impôt transférée attribuée à chaque collectivité. Ce ne doit pas être simplement l'application d'une liste figurant dans la loi de finances, chaque collectivité territoriale doit pouvoir vérifier qu'elle a bien reçu la part qui lui est destinée.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Michel Mercier. Je termine, monsieur le président.
Je réaffirme donc en la matière le rôle essentiel du Parlement, et spécifiquement du Sénat, protecteur des collectivités locales. Nous pouvons donner là un signe clair, fort, qui ne coûte rien mais qui est essentiel pour les collectivités territoriales et qui est de nature à restaurer un vrai climat de dialogue et de confiance entre l'Etat et lesdites collectivités.
Monsieur le ministre, nous savons bien que les impôts qui seront transférés cette année seront partagés entre l'Etat et les collectivités locales. Ce ne serait pas trop grave si ces opérations n'avaient pas pour objet de financer des compétences qui, tout en ayant été transférées, ne sont pas abandonnées par l'Etat.
J'illustrerai mon propos en prenant quelques exemples.
En matière de transfert des ressources partagées, la taxe intérieure sur les produits pétroliers ou la taxe sur les conventions d'assurance sont deux impôts qui touchent des domaines dans lesquels l'Etat entend - et c'est normal - avoir une politique propre et forte. Ainsi, réduire la consommation d'essence, diminuer le nombre des accidents de la route, et donc pouvoir bénéficier d'un tarif d'assurance moins cher, tout cela relève bien de la politique de sécurité routière du Gouvernement. Or, si tout le monde pensait que l'on dégagerait une « cagnotte » avec la hausse du prix de l'essence, la commission indépendante chargée de distribuer le produit de cette cagnotte a dû constater, au contraire, une diminution très importante - de plus de 800 millions d'euros - de la TIPP, en raison précisément de la réduction de la consommation entraînée par la politique de sécurité routière du Gouvernement.
S'agissant maintenant des dépenses, la gestion du revenu minimum d'insertion a été transférée au début de cette année aux départements. Or, monsieur le ministre, au 31 octobre, il manque 300 millions d'euros pour que la compensation représente à l'euro près ce que les départements ont décaissé, soit environ 10 % ...
M. Michel Mercier. Oui : 8,70 % !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. On aurait aimé ne pas dépasser ce taux lorsque les socialistes étaient au pouvoir ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Michel Mercier. Vous êtes, il est vrai, monsieur le ministre, meilleur que la gauche avec l'allocation personnalisée d'autonomie ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Guy Fischer. N'en profitez pas !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Nous avons vécu une période très difficile !
M. le président. Je vous en prie, mes chers collègues, laissez l'orateur s'exprimer.
M. Michel Mercier. Nous attendons de vous, monsieur le ministre, que vous soyez parfait. Or, avec 300 millions d'euros de moins, vous ne l'êtes pas !
M. le président. Il vous faut maintenant vraiment conclure, mon cher collègue.
M. Michel Mercier. Je conclus, monsieur le président.
Je viens de parler du RMI, mais je pourrais tout aussi bien parler des 35 heures ou de la suppression des avantages octroyés par les lois Aubry I et Aubry II, qui ont été remplacées par la loi Fillon : cela représente une perte de 200 millions d'euros pour les départements. Et, pour ce qui concerne les pompiers, que tout le monde adore, les dépenses ne sont pas prises en charge par l'Etat, alors qu'il transfère cette compétences aux collectivités locales, notamment aux départements.
Et je ne parlerai pas des effets de la loi Borloo, car le temps qui m'était imparti est écoulé et que, de surcroît, le projet de loi n'est pas encore voté par le Parlement. Mais on ne peut pas non plus en attendre quelque chose de bon pour les collectivités du point de vue qui nous occupe.
Il y a donc là, monsieur le ministre, un vrai problème. Que la DGF connaisse une augmentation, c'est très bien, mais nous devons vraiment faire en sorte que la loi organique telle que nous l'avons votée garantisse aux collectivités locales la possibilité de faire évoluer leurs recettes dès lors que les compétences seront transférées. En effet, jamais aucun gouvernement n'abandonnera complètement ces compétences, ce qui entraînera des dépenses supplémentaires pour les collectivités locales. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, les dispositions concernant les collectivités territoriales dans ce projet de loi de finances pour 2005 montrent, une fois de plus, que la réforme du financement des collectivités territoriales reste à faire.
Les transferts actés par la loi ou dans les faits ne sont pas appréciés à la hauteur des besoins que nous avons à satisfaire chaque jour sur le terrain.
Vous semblez estimer que, compte tenu des choix que vous faites dans ce budget - la réduction de la dépense publique -, reconduire le pacte de croissance et de solidarité serait une prouesse.
Ce pacte, engagé sous le précédent gouvernement, prenait acte du fait que les collectivités territoriales contribuaient à l'enrichissement du pays. Il pourrait cependant être amélioré, comme le demandent les associations d'élus, toutes tendances confondues. Etablir son évolution sur 50 % du PIB ne serait qu'un juste retour financier. Quant à son poids dans le budget de l'Etat, il resterait particulièrement modeste - 182 millions d'euros - eu égard à la contribution des collectivités territoriales et à la réduction du déficit public, contribution d'ailleurs reconnue par le ministre lui-même, M. Sarkozy, dans son intervention de la semaine dernière.
Pour notre part, nous demeurons partisans d'une progression significative de l'enveloppe des concours budgétaires de l'Etat aux collectivités territoriales. La dotation globale de fonctionnement, la DGF, ressource fondamentale pour ces collectivités, voit sa part relative dans les budgets se réduire de manière régulière depuis la réforme de 1993. Nous constatons tous cela dans nos communes, nos départements ou nos régions.
Maniant le sens de la litote, le rapport 2004 de l'observatoire des finances locales formulait ce constat d'une autre façon en précisant que « les recettes de fonctionnement sont soutenues par la hausse de la pression fiscale », ce qui signifie que c'est d'abord au travers de l'impôt que les collectivités locales ont fait face à leurs besoins de financement.
La DGF connaît donc, cette année, une réforme non négligeable, essentiellement dans la conception de son attribution.
A cette occasion, je tiens à souligner que, même s'il est toujours difficile de choisir des critères, celui de la superficie ne me paraît pas le plus pertinent. La longueur de voirie, qui enregistre en même temps les charges réelles, me paraîtrait plus efficace en la matière.
La péréquation va jouer de manière plus importante qu'auparavant, mais dans une enveloppe globale qui ne progressera pas de manière spectaculaire.
Comme nous l'avons vu avec l'article 59 de la loi de cohésion sociale sur la majoration de la dotation de solidarité urbaine, la DSU, la péréquation va en quelque sorte se concevoir et s'organiser dans un système fermé, sans sollicitation - et c'est bien là le problème principal - d'une nouvelle ressource destinée à l'alimenter.
De nouvelles structures intercommunales existent aujourd'hui ; de nouvelles compétences, mais surtout de nouveaux besoins, sont autant d'éléments qui mériteraient que soient prises en compte les réelles attentes des élus.
Il y a fort à parier que les collectivités territoriales ne pourront, dans les années à venir, que constater la poursuite du processus de réduction des concours financiers de l'Etat, avec tout ce que cela implique.
Les hausses de la pression fiscale locale viendront ainsi compenser les allégements consentis par le Gouvernement ces deux dernières années sur l'impôt sur le revenu, pour ne citer qu'un exemple.
Cette situation est d'autant plus difficile que, pour la plupart des communes, la taxe professionnelle n'est plus aujourd'hui une recette ; elle est dévolue à la structure intercommunale dont ces communes sont adhérentes. Parallèlement, si les modifications que vous envisagez prennent en compte la nécessaire évolution des dotations au profit des communautés de communes, elles vont se traduire par un affaiblissement des capacités des communautés d'agglomération au moment où ces dernières ont le plus besoin de ressources.
Je sais que certains estiment que la dotation était incitative au regroupement et qu'elle n'aurait maintenant plus de sens ; mais nous ne partageons pas cet avis.
Dans un contexte où la loi sur les responsabilités locales confie aux collectivités territoriales des compétences de plus en plus importantes, si ces dernières ne décident pas la hausse de la fiscalité, le risque est grand de voir s'engager un véritable délitement des services publics et l'abandon de l'intervention publique dans bien des domaines de la vie sociale.
Une telle perspective n'est pas faite pour nous réjouir.
Je partirai d'un exemple simple. Le transfert des personnels TOS, les techniciens et ouvriers de service, que ce soit aux départements pour les collèges ou aux régions pour les lycées, va s'opérer dans des conditions financières particulières. Combien d'établissements ne disposaient pas de leur dotation en postes budgétaires à la rentrée ? C'est ainsi que, dans un lycée professionnel de notre département, la direction a failli fermer la demi-pension en raison, précisément, d'une dotation en personnel très insuffisante après la forte augmentation du nombre d'élèves depuis deux ans. Le personnel précaire qui vient d'être octroyé sera-t-il comptabilisé, et comment ? On comprend les inquiétudes qui s'expriment !
Quant aux recettes nouvelles transmises à ces assemblées, quelles en seront les capacités évolutives ?
Prenons l'exemple de la taxe intérieure sur les produits pétroliers, la TIPP : si l'on voulait être cohérent avec la politique de développement durable, on devrait s'acheminer vers une diminution des dépenses en carburant, puisque ce sont les transports qui contribuent le plus fortement à la production de gaz à effet de serre, et la recette de TIPP devrait donc diminuer. C'est d'ailleurs déjà le cas cette année, où l'envolée des prix a des incidences sur la recette estimée.
D'autre part, nous savons, avec la taxe professionnelle - seule recette évolutive des collectivités territoriales -, combien la situation peut évoluer dans le temps. Cette recette, qui s'appuyait sur la richesse économique de nos territoires et contribuait au financement de services aux populations, constituait, en quelque sorte, un salaire différé. La volonté de la supprimer reste forte alors que c'est son assiette qu'il faut faire évoluer.
Mais, déjà, la dotation de compensation pour l'allégement de 16 % des bases est devenue depuis plusieurs années pour l'Etat une variable d'ajustement de ses dotations. Et la baisse de 11 %, cette année, de la dotation de compensation de la taxe professionnelle, la DCTP, va encore peser sur les communes qui recevaient l'an dernier une péréquation de la part de l'Etat.
Pourtant, tout cela pourrait être évité. L'Etat récupère, avec la réforme de la taxe professionnelle, plus de 1,6 milliard d'euros de cotisation de péréquation et de cotisation minimale de taxe professionnelle et 2,5 milliards d'euros liés au plafonnement en fonction de la valeur ajoutée.
Je ne peux aborder l'ensemble des éléments qui nous font dire que l'Etat n'assume pas ses responsabilités au niveau nécessaire pour que les collectivités territoriales puissent assurer les leurs. Et la dernière annonce du Président de la République sur la suppression du foncier non bâti a jeté le trouble chez les élus locaux des communes rurales, dont c'est la principale ressource.
Ce qu'ont montré plus de vingt ans de décentralisation, c'est que l'action publique, dans tous les domaines qu'elle recouvre - action sociale, logement, éducation, accès à la culture et à la pratique sportive, protection de l'environnement, développement des transports et aménagement du territoire -, répond de la manière la plus efficiente et la plus équitable aux attentes de la population.
L'Etat se doit de contribuer efficacement à ce que ces compétences continuent à être assumées par les collectivités dans de bonnes conditions, particulièrement financières, sous peine d'accentuer des déséquilibres sociaux et territoriaux encore plus grands. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
(M. Guy Fischer remplace M. Christian Poncelet au fauteuil de la présidence.)