sommaire
PRÉSIDENCE DE M. Guy Fischer
2. Loi de finances pour 2005. - Suite de la discussion d'un projet de loi
Intérieur, sécurité intérieure et libertés locales
MM. Aymeri de Montesquiou, rapporteur spécial de la commission des finances ; Dominique de Villepin, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.
MM. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis de la commission des lois pour la police et la sécurité ; Charles Guené, rapporteur pour avis de la commission des lois pour la sécurité civile ; le ministre.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet
3. Questions d'actualité au Gouvernement
M. le président.
Mme Valérie Létard, M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre.
primes de fin d'année pour les personnes défavorisées
Mme Eliane Assassi, M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire.
MM. Georges Mouly, Laurent Henart, secrétaire d'Etat à l'insertion professionnelle des jeunes.
M. Robert Del Picchia, Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense.
bilan de l'action de m. nicolas sarkozy
Mme Nicole Bricq, M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire.
MM. Ladislas Poniatowski, Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre.
M. Didier Boulaud, Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense.
adhésion de la turquie à l'union européenne
M. Charles Pasqua, Mme Claudie Haigneré, ministre déléguée aux affaires européennes ; M. le président.
agence de financement des infrastructures de transport
MM. Jean-Paul Emorine, Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer.
MM. Michel Dreyfus-Schmidt, Dominique de Villepin, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.
M. le président.
Suspension et reprise de la séance
4. Candidature à un office parlementaire
5. Financement de la sécurité sociale pour 2005. - Adoption des conclusions modifiées du rapport d'une commission mixe paritaire
Discussion générale : MM. Alain Vasselle, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire ; Xavier Bertrand, secrétaire d'Etat à l'assurance maladie ; Jean-Pierre Godefroy, François Autain.
Clôture de la discussion générale.
Texte élaboré par la commission mixte paritaire
Amendement no 1 du Gouvernement. - MM. le secrétaire d'Etat, Alain Vasselle, rapporteur de la commission des affaires sociales. - Vote réservé.
Amendement no 2 du Gouvernement. - MM. le secrétaire d'Etat, le rapporteur. - Vote réservé.
Mme Janine Rozier, M. François Autain.
Adoption du projet de loi.
M. le rapporteur.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Adrien Gouteyron
6. Loi de finances pour 2005. - Suite de la discussion d'un projet de loi
Intérieur, sécurité intérieure et libertés locales
MM. Pierre-Yves Collombat, Dominique de Villepin, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.
MM. Jacques Peyrat, le ministre.
Mme Jacqueline Gourault, M. le ministre.
Mme Eliane Assassi, M. le ministre.
MM. Jean-Claude Peyronnet, le ministre.
MM. Paul Girod, le ministre.
MM. Jean-Pierre Sueur, le ministre.
MM. Laurent Béteille, le ministre.
MM. Philippe Goujon, le ministre.
Mme Eliane Assassi.
Vote des crédits réservé.
Crédits des titres IV à VI. - Vote réservé.
M. le ministre.
7. Nomination d'un membre d'un office parlementaire
8. Loi de finances pour 2005. - Suite de la discussion d'un projet de loi
Intérieur, sécurité intérieure et libertés locales
MM. Michel Mercier, rapporteur spécial de la commission des finances ; Bernard Saugey, rapporteur pour avis de la commission des lois ; Jean-Claude Peyronnet, Eric Doligé, M. Michel Mercier, Mme Josiane Mathon, MM. Jean-Pierre Sueur, Bernard Fournier, Pierre-Yves Collombat.
M. Dominique de Villepin, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales ; Mme Marie-Josée Roig, ministre déléguée à l'intérieur.
Amendement no II-7 rectifié de M. Jean-Paul Alduy, repris par la commission. - MM. le rapporteur spécial, le ministre, Pierre-Yves Collombat. - Adoption.
Adoption des crédits modifiés.
Crédits du titre IV. - Adoption
MM. Richard Yung, le ministre.
Adoption des crédits.
Crédits du titre VI. - Adoption
M. le ministre.
9. Dépôt d'une proposition de résolution
11. Ordre du jour
compte rendu intégral
PRÉSIDENCE DE M. Guy Fischer
vice-président
1
PROCÈS-VERBAL
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
Loi de finances pour 2005
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2005, adopté par l'Assemblée nationale (nos 73 et 74).
Nous en sommes parvenus aux dispositions de la deuxième partie du projet de loi de finances.
Deuxième PARTIE
MOYENS DES SERVICES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES
M. le président. Le Sénat va entamer l'examen des fascicules ministériels.
Intérieur, sécurité intérieure et libertés locales
M. le président. Le Sénat va procéder à l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant le ministère de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.
sécurité
M. le président. Le Sénat va examiner tout d'abord les dispositions du projet de loi de finances concernant la sécurité.
J'indique au Sénat que, pour cette discussion, la conférence des présidents a opté pour la formule fondée sur le principe d'une réponse immédiate du Gouvernement aux différents intervenants, rapporteurs ou orateurs des groupes.
Ainsi, M. le ministre répondra immédiatement et successivement au rapporteur spécial, puis aux deux rapporteurs pour avis et, enfin, à chaque orateur des groupes.
Ces réponses successives se substitueront à la réponse unique en fin de discussion.
Chacune des questions des orateurs des groupes ne devant pas dépasser cinq minutes, le Gouvernement répondra en trois minutes à chaque orateur, ce dernier disposant d'un droit de réplique de deux minutes maximum.
J'invite chaque intervenant à respecter l'esprit de la procédure, qui repose sur des questions précises et en nombre limité, et les temps de parole impartis.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Aymeri de Montesquiou, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget du ministère de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, hors collectivités territoriales, progresse de 4,3 % à périmètre identique en 2005, contre 1,8 % pour le budget général. Alors même que le nombre total des créations d'emplois incluses dans le projet de loi de finances pour 2005 est, pour l'ensemble des services de l'Etat, de 3 023, 1 000 emplois nouveaux sont prévus dans la police nationale.
Les crédits pour la sécurité s'inscrivent pleinement dans la logique de la troisième année d'application de la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure du 29 août 2002, la LOPSI, pour laquelle ils sont une priorité.
A cet égard, les ministères « favorisés », ou considérés comme tels, en allocation de moyens, loin d'être exemptés d'une politique rigoureuse, se doivent de faire preuve d'une gestion exemplaire, dans la philosophie de la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF.
Tel est l'esprit dans lequel j'ai examiné le présent budget.
Sur l'exercice de l'année 2003, le contrôleur financier a relevé la sous-estimation récurrente des crédits pour les dépenses de justice, comprenant notamment l'indemnisation par l'Etat de son refus de concours de la force publique, en particulier pour les expulsions locatives. Il est patent que certaines personnes font appel à la force publique, sachant que son concours sera refusé, puis présentent ensuite la facture à l'Etat. D'une certaine manière, ils en font une ressource. Le taux de consommation de ces crédits s'élève à 153 % en 2003. Certes, il n'est pas facile d'évaluer les sommes nécessaires dans ce domaine, mais la surconsommation régulière de ces crédits plaide pour un réajustement. Cela est nécessaire pour la transparence, mais aussi parce que ces crédits, évaluatifs aujourd'hui, deviendront, avec la LOLF, limitatifs dès l'exercice de l'année 2006.
Monsieur le ministre, que comptez-vous faire pour juguler cette dérive préoccupante ?
Le budget pour 2005 a comme priorité principale la poursuite de la mise en oeuvre de la loi de programmation. Au total, 68 % des crédits prévus par la LOPSI auront été engagés après trois exercices sur cinq. Pour l'investissement, le taux d'engagement s'établit à 58 %.
Monsieur le ministre, estimez-vous que la LOPSI sera effectivement exécutée à 100 % en 2007 ?
L'année 2005 sera marquée par l'avancée du projet de numérisation des actes des collectivités territoriales, destiné à permettre la dématérialisation des échanges entre celles-ci et les préfectures. Elle sera aussi marquée par la poursuite de la mise en place de la carte d'identité électronique, qui servira ensuite de support à l'établissement d'autres titres comme le passeport, le permis de conduite et le titre de séjour. Tout cela va dans le sens de la rationalisation et de la simplification.
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous faire un point précis sur l'état d'avancement de ces deux projets ?
Les crédits consacrés à la sécurité civile connaissent une progression de 20 %, due en particulier à la mise en service généralisée du nouvel hélicoptère EC 145, pour lequel il sera procédé à l'achat d'équipements complémentaires. Les crédits pour 2005 financeront aussi l'acquisition de deux bombardiers lourds Dash 8. Il s'agit d'opérations onéreuses, justifiées par l'ancienneté et la vétusté de la majeure partie de la flotte de sécurité civile.
Par ailleurs, le programme de modernisation des centres de déminage, destiné à compenser d'importants retards accumulés au fil des années, sera poursuivi. Je voudrais souligner que les services de déminage travaillent souvent dans des conditions périlleuses.
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous faire un point précis sur l'état d'avancement du programme de modernisation des centres de déminage ?
Il n'est pas possible de traiter de la police nationale sans évoquer l'évolution des chiffres de la délinquance, dont vous trouverez le détail dans mon rapport écrit.
La baisse de ces chiffres se confirme puisque la délinquance s'est réduite de 3,74 % au premier semestre de l'année 2004 par rapport au premier semestre de l'année 2003. Il s'agit de chiffres globaux et la baisse n'est malheureusement pas linéaire.
Par souci de transparence, j'ai tenu à faire état dans mon rapport, auquel je vous renvoie pour plus de précisions, de l'évolution de la délinquance, année par année depuis 1999, globalement et par type d'infraction.
L'évolution de la délinquance au cours du premier semestre de l'année 2004 est hétérogène : les vols ont baissé de près de 6 % et les infractions économiques et financières de 6,5 %. Les infractions à la législation sur les stupéfiants progressent de 14,7 %, tandis que la délinquance de voie publique enregistre une baisse de 8,5 %.
Les délits concernant la police des étrangers ont connu un véritable bond avec une progression de 12 % au premier semestre de l'année 2004 par rapport au premier semestre de l'année 2003.
Monsieur le ministre, quelles explications donnez-vous à ces diverses évolutions ?
Ces chiffres démontrent que, malgré les signes globalement encourageants, la lutte contre l'insécurité n'est pas une opération terminée. Elle doit demeurer prioritaire, ce qui justifie les orientations prises dans le budget pour 2005. Il existe encore en France des zones où, hélas ! les citoyens éprouvent des inquiétudes permanentes pour leur sécurité.
Monsieur le ministre, à quelle échéance peut-on espérer que seront éradiquées les zones de non-droit ?
Dans le cadre de la préparation de ce rapport, j'ai tenu à entendre les représentants des fonctionnaires de police, notamment sur la prime au mérite, dont le principe s'inscrit dans la logique de la LOLF. Les policiers souhaiteraient que les conditions de versement de cette prime soient, dans les faits, plus transparentes et qu'elles soient ressenties comme la récompense directe de l'effort accompli. Telle est la condition du succès de la prime au mérite, qui ne doit pas devenir une source de division au sein des unités.
Monsieur le ministre, avez-vous perçu ces aspirations et comment entendez-vous y répondre concrètement ?
Certes, 84 % des fonctionnaires de police auront accès au réseau ACROPOL, ce qui constitue un véritable progrès, mais l'objectif aurait dû être, dès le départ, la constitution d'un réseau unique pour l'ensemble des forces de sécurité : police, gendarmerie, sapeurs-pompiers.
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous faire un point sur les perspectives de réseau commun à l'ensemble des forces de sécurité ?
Le Gouvernement nous a consultés au début de cette année sur la nouvelle nomenclature budgétaire, avec ses missions, programmes et actions. Cette consultation n'a pas été vaine, puisque le Parlement s'est utilement exprimé, même si tous nos voeux n'ont pas été entendus. Pour ce qui est du périmètre de ce rapport, je soulignerai la création d'une mission interministérielle « Sécurité », regroupant police et gendarmerie, comme la commission des finances l'avait demandée, alors que le schéma initial présenté en janvier dernier séparait curieusement en deux missions les forces concourant à un même objectif de sécurité publique.
Puisque le Gouvernement nous consulte maintenant sur les objectifs et indicateurs de performance, destinés à évaluer l'efficacité des moyens prévus par le projet de loi de finances pour 2005, j'ai souhaité faire une première analyse des indicateurs proposés pour les trois missions figurant dans le périmètre de mon rapport spécial : administration générale et territoriale de l'Etat, sécurité civile, et sécurité.
Je souligne l'importance du travail, puisque les indicateurs seront destinés à mesurer le degré de réussite des politiques exprimées par les missions.
L'existence d'indicateurs distincts pour la police et pour la gendarmerie me paraît moins satisfaisante, alors même qu'il s'agit d'évaluer une même mission de sécurité publique. Certes, certaines caractéristiques particulières à leurs zones respectives de compétences pourraient justifier quelques critères différents.
Monsieur le ministre, pourquoi ces indicateurs sont-ils différents et comment pourrons-nous, dans ces conditions, évaluer globalement la politique de sécurité ?
Par ailleurs, j'émets quelques doutes sur la valeur et l'objectivité de l'auto-évaluation de l'administration, généralement appelée à fournir ses propres chiffres, sans contrôle externe sur leur pertinence et leur valeur.
Monsieur le ministre, envisagez-vous l'institution d'un contrôle externe sur ces chiffres, et selon quelles modalités ?
Je crains que l'élaboration, puis l'alimentation régulière de ces indicateurs, qui risquent de générer des études et des rapports supplémentaires, ne manquent de simplicité et ne conduisent à créer de nouveaux emplois publics.
Monsieur le ministre, ne courons-nous pas le risque d'un système trop complexe et illisible ?
Pour autant, je souhaite rester positif et me félicite du dialogue ouvert par le Gouvernement, tout en espérant que celui-ci nous permettra une meilleure finalisation pour le prochain projet de budget.
Je souhaite enfin revenir un instant sur un point traité dans le rapport que j'ai rédigé l'an dernier sur les systèmes d'information de la police et de la gendarmerie. Il s'agit de la répartition des charges de garde et de transfert de détenus, entre policiers, gendarmes et personnels de l'administration pénitentiaire dans un souci de sécurité et de bonne gestion des coûts.
J'ai noté avec satisfaction que la loi Perben II avait élargi les possibilités de recours à la visioconférence pour éviter les transferts de détenus. Les premières expériences engagées dans cette direction sont encourageantes.
Les expérimentations destinées à concentrer l'ensemble des hospitalisations de détenus au sein d'unités hospitalières de soins interrégionaux, les UHSI, entreprises depuis cette année à Nancy et à Lille, sont de nature à simplifier les conditions de leur transfert et de leur garde et à améliorer la sécurité.
Ces évolutions et perspectives, pour intéressantes qu'elles soient, n'empêchent pas la persistance du malaise entre police, gendarmerie et personnel pénitentiaire à cause d'une répartition peu claire et peu satisfaisante des compétences. C'est ainsi que les deux tiers des charges d'escortes et de garde sont toujours assurés par la police nationale.
Malheureusement, des divergences persistantes entre les ministères de l'intérieur et de la justice ont conduit le Premier ministre non seulement à surseoir, mais aussi, le 29 juillet 2004, à ajourner toute étude sur une évolution de la répartition des charges.
Monsieur le ministre, que comptez-vous faire pour débloquer une situation coûteuse et préjudiciable à l'efficacité des forces de sécurité ?
Sous le bénéfice de ces observations et de la précision avec laquelle vous répondrez à ces questions, la commission des finances propose au Sénat d'adopter les crédits du ministère de l'intérieur pour la sécurité et pour l'administration prévus dans le projet de loi de finances pour 2005. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Dominique de Villepin, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Je souhaite d'abord, monsieur le rapporteur spécial, vous remercier pour les appréciations positives que vous avez bien voulu porter sur le projet de budget du ministère de l'intérieur et, à travers lui, sur la politique que je conduis, au nom du Gouvernement, pour protéger nos concitoyens.
La lutte contre l'immigration irrégulière constitue un grand enjeu républicain pour notre cohésion nationale. Nous savons tous à quel point cette immigration est source de déstabilisation de notre société, à quel point, par l'agissement de réseaux mafieux, elle est une exploitation de l'homme par l'homme. Par conséquent, la mobilisation doit être totale. J'entends appliquer dans ce domaine un principe de fermeté.
Les premiers résultats sont là : sur les dix premiers mois de l'année 2004, le nombre de procédures établies à l'encontre d'étrangers en situation irrégulière a augmenté de près de 12 %, celui des reconduites aux frontières a connu une hausse de près de 40 % par rapport à l'an passé ; 13 000 éloignements ont été enregistrés au cours de cette période. Je veux aller plus loin. J'ai notamment fixé un objectif de 20 000 reconduites aux frontières en 2005. Je veux me donner les moyens d'y parvenir, d'une part, en faisant passer le nombre de places dans les centres de rétention administrative de 1 000 à ce jour à 1 600 à la fin de l'année 2005, d'autre part, en créant des pôles d'éloignement au sein des préfectures pour accroître l'efficacité de notre dispositif d'ensemble.
Sur le front de la sécurité, le même principe de fermeté prévaut et porte ses fruits. Dans ce domaine, le Gouvernement obtient les meilleurs résultats depuis dix ans. Depuis deux ans et demi, la criminalité n'a cessé de diminuer. Cette baisse est de 4,5 % sur les dix premiers mois de l'année, ce qui signifie 150 000 infractions en moins, 150 000 victimes en moins. Les violences aux personnes reculent même légèrement, pour la première fois depuis 1997, grâce à la mobilisation de nos forces de sécurité. Il en va de même des violences urbaines qui sont stabilisées.
Monsieur le rapporteur spécial, je suis en mesure de vous dire que s'il reste, bien sûr, des zones difficiles, des quartiers sensibles, il n'existe pas, en France, de véritables zones de non-droit.
Les consignes permanentes, que j'ai rappelées la semaine dernière aux directeurs départementaux de la sécurité publique et à tous les commandants de groupement de gendarmerie, visent précisément à ce que le droit à la sécurité de chacun, sur l'ensemble du territoire, soit pleinement respecté.
Comme l'a rappelé le Président de la République à Nîmes, nous ne pouvons pas nous satisfaire de cette situation et nous devons franchir une nouvelle étape. Nous le ferons notamment en mobilisant davantage encore nos ressources humaines et en les dotant de moyens matériels adaptés et rénovés.
Pour cela, j'entends d'abord mettre en oeuvre la troisième tranche de la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure, la LOPSI. A la fin de l'année 2005, elle sera exécutée à 68 % ; nous serons donc en avance de huit points par rapport au taux d'exécution théorique. Bien entendu, je ferai en sorte qu'elle soit exécutée à 100 % en 2007, conformément aux engagements pris par le Gouvernement devant le Parlement et devant les Français. Je veillerai également, en liaison avec Michèle Alliot-Marie, à ce qu'il en soit de même pour la gendarmerie nationale.
Ces moyens supplémentaires, nous devons aussi mieux les utiliser. Pour y parvenir, je veux d'abord externaliser davantage les missions qui ne correspondent pas à notre coeur de métier. Je veux ensuite mutualiser nos moyens, en confortant le rapprochement, que vous avez évoqué, entre police et gendarmerie. De nombreux marchés sont d'ores et déjà regroupés, notamment en ce qui concerne les menottes, les pistolets ou les gilets pare-balles ; les garages et les ateliers sont mis en commun.
Enfin, les fichiers de documentation judiciaire STIC et JUDEX sont appelés à fusionner en 2006. Vous l'avez rappelé, monsieur le rapporteur spécial, les réseaux de transmission des deux forces de sécurité intérieure sont actuellement différents. Les coûts d'amortissement des réseaux RUBIS et ACROPOL ne permettent pas d'envisager leur fusion à court ou moyen terme. Mais ces réseaux sont interopérables et permettent un travail en commun à l'occasion des grands événements, par exemple lors du G8 d'Evian.
Par ailleurs, j'entends accélérer le programme ACROPOL. II accueillera, dès le début de 2005, les escadrons de gendarmerie mobile d'lle-de-France et de la garde républicaine. Il intégrera aussi progressivement les services départementaux d'incendie et de secours, les SDIS, dans le réseau. D'ores et déjà, des études d'ingénierie ont été réalisées en Eure-et-Loir et en Seine-et-Marne. Elles seront bientôt finalisées dans les Vosges et pourraient concerner prochainement le département de l'Ain. Au moins un SDIS devrait donc travailler sur le réseau ACROPOL en 2006.
Nous devons également rationaliser les moyens pour réaliser les gardes et les escortes de détenus. Comme vous l'avez indiqué, la création de deux unités hospitalières sécurisées interrégionales à Nancy et à Lille constitue une première réponse positive. Elle génère des économies de personnel pour garder les détenus hospitalisés.
Il faut évidemment aller plus loin. A cette fin, je souhaite expérimenter dans une région, dès 2005, le transfert des escortes médicales vers l'administration pénitentiaire. En fonction du résultat de cette expérimentation, nous procéderons aux transferts d'emplois jugés nécessaires avec le ministère de la justice.
Comme vous l'indiquez, monsieur le rapporteur spécial, la mise en oeuvre de la LOLF permettra aussi de rationaliser la dépense et de disposer d'une véritable comptabilité analytique.
En premier lieu, nous connaîtrons précisément les moyens financiers affectés à chacune des grandes missions de la police comme de la gendarmerie nationale, ordre public, sécurité et paix publiques, sécurité routière, lutte contre immigration irrégulière, concours de la police judiciaire, alors que nous devons aujourd'hui procéder à des retraitements de données complexes pour parvenir à identifier ces coûts.
En second lieu, nous pourrons établir, mieux qu'aujourd'hui, des comparaisons entre police et gendarmerie, ce qui apportera une clarification et une émulation nécessaires.
Pour cela, nous devons encore progresser dans le rapprochement de nos indicateurs.
Nous pouvons, comme vous le faites, nous interroger sur le nombre des indicateurs. Certains nous disent qu'ils sont trop nombreux, d'autres qu'il n'y en a pas assez.
Au-delà de ces contradictions, nous nous sommes efforcés de respecter les règles fixées par le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie et tendant à assurer une certaine homogénéité entre les programmes et entre les ministères.
Nous réaliserons, en 2005, une expérimentation, qui portera sur le suivi des objectifs et des indicateurs de chacun des programmes. Sur la base de ses résultats, nous ferons évoluer, si nécessaire, le nombre et la qualité des indicateurs, pour les rendre plus conformes aux attentes du Parlement, ainsi que des gestionnaires eux-mêmes.
Au-delà de la rationalisation des moyens, vous avez évoqué la motivation des fonctionnaires de police à travers la prime de résultat. Beaucoup de progrès viennent d'avoir lieu, en quelques mois, dans le cadre de la réforme des corps et des carrières de la police nationale.
L'intérieur est le premier ministère à avoir développé à grande échelle la culture du résultat. La prime mise en place verra son montant doubler en 2005, passant de 5 millions à 10 millions d'euros. Cette année, 17 850 agents en bénéficient déjà, soit plus de 12 % de l'effectif.
A ce jour, la quasi-totalité des organisations syndicales en ont approuvé les modalités d'attribution, fondées sur l'objectivité et sur la transparence.
Lorsque la prime est attribuée dans un cadre collectif, elle l'est sur le fondement d'indicateurs d'activités et de résultats communs à tous et prédéfinis ; lorsqu'elle l'est dans un cadre individuel, les propositions des chefs de service sont présentées à une commission au sein de laquelle siègent les organisations syndicales.
Mais je reste ouvert à une évolution des modalités d'attribution de cette prime de résultat, en fonction des enseignements que nous tirerons de cette expérience, qui est à la fois novatrice et parfaitement comprise par les fonctionnaires de police.
Je partage également, monsieur le rapporteur spécial, votre préoccupation pour la modernisation du service du déminage.
D'ores et déjà, en 2004, plus de 150 artificiers de la police nationale ont été intégrés au sein du service de déminage rattaché à la direction de la défense et de la sécurité civiles. C'est un service désormais unifié sur l'ensemble du territoire avec des compétences et des qualifications communes.
Sa modernisation se poursuivra en 2005, notamment en revalorisant les primes de danger pour l'ensemble des personnels, en rémunérant de façon mieux adaptée les périodes d'astreinte et en mettant à niveau la formation et les équipements, notamment les tenues de protection lourde pour les interventions.
Vous avez aussi mentionné, monsieur le rapporteur spécial, le dépassement des crédits de contentieux alloués à mon département ministériel. Ce dépassement n'est pas contestable, puisque 117 millions d'euros sont consommés chaque année pour une dotation initiale de 76,3 millions d'euros. Cette situation est habituelle, puisqu'il s'agit de crédits évaluatifs pour lesquels la dotation initiale a été systématiquement sous-évaluée depuis 1999. Elle est malheureusement explicable.
Les bailleurs sociaux ont fait évoluer leur stratégie depuis quelques années, d'autant que les prix des loyers ont augmenté. Ainsi, ils demandent désormais aux préfets, systématiquement et dès que possible, le concours de la force publique. Cela coûte 65 millions d'euros par an.
Les crédits de contentieux comprennent également les frais de fourrières municipales, pour 13 millions à 15 millions d'euros par an, car l'Etat indemnise les gérants des fourrières qui conservent les véhicules des propriétaires insolvables ou non identifiés.
Je tiens ici à réaffirmer que les préfets font preuve de responsabilité en matière de crédits de contentieux. Ils accordent aujourd'hui 55 % des concours de la force publique qui leur sont demandés contre 40 % en 1992. Ils doivent agir avec discernement et prendre en considération les situations sociales parfois très difficiles de certains de nos concitoyens. Mais je leur ai rappelé, à plusieurs reprises au cours de ces derniers mois, la nécessité de prendre aussi en compte les enjeux financiers lorsqu'ils doivent se prononcer sur l'attribution du concours de la force publique.
J'ai également proposé au Premier ministre de transférer les crédits relatifs au contentieux des expulsions locatives vers le ministère de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale, dans l'intérêt de celui-ci : avec la pleine responsabilité de ces crédits, il pourra disposer de moyens accrus pour orienter la politique du logement social.
Enfin, monsieur le rapporteur spécial, vous m'avez interrogé sur la modernisation de l'Etat. Elle constitue l'une des principales orientations de mon budget pour 2005.
Pour y parvenir, le projet d'identité nationale électronique sécurisée est un premier outil essentiel. Ses objectifs sont clairs. Il s'agit d'abord, de sécuriser nos titres et de lutter contre la fraude documentaire, ensuite, de simplifier la vie des usagers et, enfin, de rationaliser nos procédures. Je présenterai un projet de loi dans les toutes prochaines semaines, après consultation de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, la CNIL, et du Conseil d'Etat. Les crédits d'études destinés à préciser son contenu sont inscrits à mon budget pour 2005, soit 6,2 millions d'euros en autorisations de programme et 3,2 millions d'euros en crédits de paiement. J'ai, par ailleurs, engagé les démarches pour faire évaluer le coût d'ensemble du projet.
Un second outil décisif est le projet de dématérialisation des actes des collectivités locales transmis au titre du contrôle de légalité. L'expérimentation réalisée dans les Yvelines a fait ses preuves et, dès le début de l'année 2005, les préfectures du Rhône, du Val-d'Oise et des Alpes-Maritimes seront raccordées au dispositif.
Si les résultats positifs se confirment, le déploiement pourrait concerner entre dix et trente départements en 2005 et s'achever, pour tout le territoire, en 2007.
Monsieur le rapporteur spécial, sur l'ensemble des points que vous avez évoqués, vous pouvez constater à la fois l'ambition et la détermination du Gouvernement au service de nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, pour la police et la sécurité. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je rappellerai tout d'abord que, afin de répondre aux aspirations de nos concitoyens, la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure du 29 août 2002, la LOPSI, a défini les orientations d'une nouvelle politique de sécurité devant s'accompagner d'un effort budgétaire de grande ampleur.
Le volet financier de la LOPSI prévoit ainsi sur la période 2003-2007 la création de 13 500 emplois dans la police et la gendarmerie nationales et l'allocation à ces deux forces d'une enveloppe financière de 5,6 milliards d'euros.
Dans ce contexte, le projet de loi de finances pour 2005 est primordial à deux égards.
D'une part, la troisième année d'exécution d'une loi de programmation quinquennale est souvent délicate, le respect des engagements ayant fréquemment tendance à fléchir. Or le projet de loi de finances pour 2005 maintient le cap fixé. En termes de crédits ouverts pour la police nationale, les mesures prévues dans le présent projet de loi de finances correspondent à la réalisation de 68 % de la programmation financière totale pour la période 2003-2007. Le taux d'exécution est donc légèrement en avance sur le tableau de marche, en dépit de quelques mesures de régulation budgétaire en 2003 et en 2004 sur les crédits immobiliers. En ce qui concerne la gendarmerie nationale, le taux de réalisation en fin d'année 2005 devrait être proche de 61 %.
D'autre part, le projet de loi de finances pour 2005 sera le dernier budget à être examiné et voté selon les règles classiques. La loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001 s'appliquera complètement lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2006. Le projet de budget pour 2005 esquisse la réforme budgétaire et prépare la transition. Représentant 55 % du budget du ministère de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, l'agrégat « police nationale » s'établit à 5,88 milliards d'euros, soit une progression de 2,1 % par rapport à l'année 2004. Il prévoit la création de 500 emplois actifs et de 500 emplois administratifs. Le budget de la gendarmerie nationale, qui relève du ministère de la défense, atteint, quant à lui, 4,84 milliards d'euros, soit une augmentation de 3,4 % par rapport à 2004, montrant un rattrapage bienvenu.
Dans un contexte de progression du budget de l'Etat de 1,8 % à périmètre constant par rapport à la loi de finances initiale pour 2004 et d'une réduction nette des effectifs de la fonction publique de 7 188 emplois, les projets de budget de la police et de la gendarmerie nationales traduisent donc, cette année encore, la priorité accordée par le Gouvernement à la sécurité.
Tous les syndicats de police que j'ai reçus ont d'ailleurs, quelles que soient leurs sensibilités et leurs interrogations sur certains choix dans l'affectation des moyens, considéré qu'il s'agissait d'un bon budget.
Mais il y a plus important encore que la hausse des moyens alloués à la sécurité. La pertinence et l'efficacité des choix opérés doivent en effet être saluées. Rien ne sert d'augmenter les moyens s'ils ne vont pas là où ils sont les plus utiles.
La baisse de la délinquance observée depuis plus de deux années, avant même que la mise en oeuvre de la LOPSI n'atteigne sa pleine efficacité, démontre que de meilleurs résultats dans la lutte contre la délinquance peuvent être obtenus rapidement si une volonté politique existe et si les bons choix sont faits. L'année 2003 a connu une baisse de 3,38 % du nombre des crimes et des délits. La délinquance est ainsi repassée sous la barre symbolique des quatre millions de crimes et délits constatés franchie en 2001. Sur les dix premiers mois de l'année 2004, la baisse atteint même 4,52 %.
Ces résultats d'ensemble sont imputables à l'efficacité accrue des forces de sécurité intérieure pour mettre fin à une relative impunité.
Le taux d'élucidation des crimes et délits est un bon indice de l'efficacité des services de sécurité. En 2001, le taux d'élucidation pour la police nationale était tombé à 24,92 %. Toutefois, en 2002, ce taux s'est redressé, pour s'établir finalement en 2003 à 28,83 %. Au premier semestre de l'année 2004, il atteint même 31,52 %. Ces résultats valident a posteriori la pertinence des grandes réformes décidées et menées à bien depuis deux ans.
A cet égard, il convient de témoigner notre soutien aux forces de police qui, dans des conditions difficiles, se dévouent au péril de leur vie pour assurer la sécurité de nos concitoyens. En 2003, trois fonctionnaires de police sont décédés et 3 754 d'entre eux ont été blessés au cours d'opérations de police. Qu'il me soit permis, en mon nom personnel et au nom des membres de la commission des lois et de l'ensemble du Sénat, de leur rendre un hommage particulier.
Je ne détaillerai pas les chiffres de la délinquance qui, partout, sont à la baisse. Je ne développerai pas non plus l'ensemble des réformes engagées, tant elles sont nombreuses et importantes. Toutes s'inscrivent dans le cadre fixé par la LOPSI et sont donc menées dans la transparence démocratique. Elles ont été débattues et approuvées ; elles sont désormais mises en oeuvre. Je n'évoquerai que la réforme des corps et carrières, car elle me semble représentative de l'esprit qui anime la politique de sécurité intérieure.
Les discussions ont été engagées simultanément au sein de la police et de la gendarmerie. Elles ont abouti à deux projets de réforme convergents qui rapprochent les pyramides hiérarchiques, le management, les régimes indiciaires et les règles d'avancement des deux principales composantes des forces de sécurité intérieure. Pour la police nationale, le ministre et la quasi-totalité des organisations syndicales ont signé le protocole d'accord sur les corps et carrières du 17 juin 2004.
Plus qu'une simple réorganisation administrative, il s'agit d'introduire une gestion moderne des ressources humaines adaptée à une police de plus en plus qualifiée. Cette réforme modifie l'organisation des tâches afin de responsabiliser l'ensemble des fonctionnaires et de rapprocher le commandement du terrain. Il en résulte une élévation du niveau des qualifications exigées.
La réforme des corps et carrières offre également de nouvelles possibilités pour motiver les personnels en reconnaissant mieux le professionnalisme, les mérites et en leur redonnant des perspectives de carrière. Elle place le ministère de l'intérieur et la police à l'avant-garde de la réforme de l'Etat.
Ayant rencontré les syndicats, je peux vous affirmer que cette réforme suscite de nombreux espoirs et une très grande attente. Les premiers décrets ont déjà été publiés et les crédits ouverts en 2004 et pour 2005 donnent les moyens de la mettre en oeuvre. Je vous félicite, monsieur le ministre, pour cette diligence dans la mise en oeuvre de l'ensemble de ces textes. Cet effort devra se poursuivre avec constance jusqu'en 2012, afin que cette grande réforme indispensable soit menée à son terme.
Je souhaite cependant attirer votre attention, monsieur le ministre, sur quatre points qui mériteraient des précisions afin d'éclairer le Sénat.
Ma première question portera sur la création de l'Institut national de police scientifique, qui doit regrouper les services de la police scientifique et technique, afin notamment de mutualiser les moyens. Le décret portant création de cet institut, qui était attendu depuis trois ans, est enfin paru le 9 novembre dernier. Je vous en remercie. Toutefois, dans le projet de loi de finances pour 2005, une ligne budgétaire a bien été prévue, mais elle n'est pas abondée. De quels moyens cet organisme disposera-t-il, monsieur le ministre ? Par ailleurs, ne conviendrait-il pas également de regrouper au sein de cet institut les moyens de la police scientifique et de la gendarmerie nationale ?
Ma seconde question porte sur l'application de la loi du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité, dont je fus le rapporteur. Cette loi offre la possibilité de délocaliser dans des salles d'audience situées à proximité des zones d'attente ou des centres de rétention administrative les audiences devant le juge des libertés et de la détention des étrangers maintenus en rétention ou placés en zone d'attente. Or, cette faculté n'a pas encore été utilisée, alors même que les travaux parlementaires ont apporté de nombreuses garanties quant aux conditions de jugement et ont démontré les avantages de cette solution, qui permettrait de faire l'économie de nombreux fonctionnaires actifs actuellement affectés au transfèrement des étrangers et d'améliorer les conditions de vie des étrangers eux-mêmes. Quand de telles salles d'audience, notamment à Roissy, seront-elles enfin utilisées, monsieur le ministre ?
Ma troisième question sera plus générale. Le présent projet de loi de finances annonce la création nette de 1 000 emplois supplémentaires dans la police, qui s'inscrivent dans le déroulement normal de la LOPSI, après les créations de 1 900 emplois en 2003 et 1 000 en 2004. Toutefois, ces hausses d'effectifs ne sont pas toujours ressenties sur le terrain. Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous préciser l'affectation de ces effectifs supplémentaires et nous donner les raisons expliquant ce décalage entre les chiffres annoncés et la façon dont ils sont perçus ?
Ma quatrième et dernière question portera sur les personnels administratifs, techniques et scientifiques. Déjà l'année dernière, je m'étais permis d'attirer l'attention de votre prédécesseur sur le manque de considération de ces personnels, qui n'est pas sans effet sur l'attractivité de ces emplois. J'ajouterai que l'exercice d'un emploi administratif dans la police comporte certaines spécificités par rapport à un emploi équivalent dans une autre administration : les permanences et les astreintes sont en effet le lot de ces personnels administratifs et techniques qui épousent le rythme de travail des policiers.
Au cours de mes auditions, il m'est apparu que le sentiment d'abandon de ces personnels n'avait pas disparu, bien au contraire. Le projet de fusion des corps des personnels administratifs relevant de votre ministère, qui s'inscrit dans la démarche générale de rénovation de la gestion des ressources humaines au sein de l'Etat, suscite de nombreuses inquiétudes parmi ces personnels. Sans contester cette fusion, qui vise à remédier à l'émiettement dommageable de la fonction publique, je vous demande, monsieur le ministre, les mesures que vous proposez pour revaloriser ces emplois et tenir compte de leurs contraintes particulières par rapport à d'autres emplois dits administratifs. La réforme des corps et carrières ne pourra être menée à bien sans une ossature administrative forte, motivée et qualifiée.
Sous le bénéfice de ces observations, la commission des lois a estimé que les crédits inscrits au titre de la police nationale dans le projet de loi de finances pour 2005 permettraient d'accompagner efficacement votre politique déterminée de lutte contre toutes les formes de délinquance. Il s'agit d'un bon budget, monsieur le ministre, je le souligne à titre personnel. La commission a donc émis un avis favorable sur l'adoption de ces crédits. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Charles Guené, rapporteur pour avis.
M. Charles Guené, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, pour la sécurité civile. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi, pour commencer, de rendre un hommage particulier à notre collègue Jean-Pierre Schosteck, mon prédécesseur dans cet exercice, qui a facilité ma tâche en me laissant un dossier très complet.
J'aurai également une pensée, en votre nom à tous, pour les sauveteurs décédés cette année, ainsi que pour les victimes du séisme qui a récemment frappé la Guadeloupe.
Le projet de budget de la sécurité civile pour l'année 2005 est une avancée à double titre.
D'une part, dans un contexte budgétaire difficile, il vient consacrer un soutien financier sans ambiguïté aux acteurs de la sécurité civile qui nous protègent quotidiennement.
D'autre part, il s'inscrit dans la lignée de la loi du 13 août 2004 de modernisation de la sécurité civile, qui a posé les principes fondamentaux d'une sécurité civile adaptée à son temps.
Sur le plan financier, tout d'abord, il s'agit de ce que l'on appelle un excellent budget, dans la mesure où il progresse de plus de 20 % par rapport à 2004, pour s'élever à 406 millions d'euros. Cette augmentation constitue un effort remarquable répondant à la croissance rapide de l'activité des services de secours et témoigne - est-il besoin de le préciser ? - du caractère prioritaire des missions de défense et de sécurité civiles pour notre pays.
Je ne reviendrai pas sur l'ensemble des dispositions de ce bon budget. J'insisterai particulièrement sur le renforcement des capacités opérationnelles de la sécurité civile avec la création de 47 nouveaux emplois, notamment au profit des états-majors de zone et du groupement des moyens aériens. Ce dernier bénéficiera de l'augmentation des crédits consacrés aux investissements de l'Etat - plus 50% -, qui atteindront 115 millions d'euros en 2005, soit le quart du budget de la sécurité civile. Ces montants permettront en particulier l'acquisition de deux bombardiers d'eau et d'équipements favorisant la polyvalence des hélicoptères.
Par ailleurs, les 65 millions d'euros prévus pour le Fonds d'aide à l'investissement des services d'incendie et de secours - soit une hausse de 42 % - sont un gage de la volonté de l'Etat à la fois de rattraper le retard accumulé en la matière et de pérenniser l'aide aux collectivités locales pour compléter leurs efforts en direction des SDIS. J'ai bien noté que vous aviez le souci qu'il s'agisse d'une mise à disposition effective de crédits en 2005, et je serai vigilant sur ce point.
Au-delà de ces chiffres, dont je souhaite de nouveau souligner le caractère volontaire et l'importance, j'insisterai maintenant sur l'incidence de la loi du 13 août 2004, qui était attendue depuis des années par les acteurs des secours, sur le présent projet de budget et les suivants, mais aussi sur notre organisation et notre conception des secours.
La loi de 2004 vient d'abord corriger les lois de 1996 et de 2002, en clarifiant l'organisation de la sécurité civile comme son articulation financière, dont il nous appartient d'appréhender les nouveaux contours. En effet, elle stabilise le statut des SDIS en affirmant le rôle de pilotage des départements dans leur gestion tout en confirmant leur nature d'établissements publics autonomes. Le financement des SDIS est désormais surtout assuré par les départements, les contingents communaux étant gelés jusqu'au 1er janvier 2008, date à laquelle ils seront supprimés.
Cette prise en charge par les départements doit être favorisée par la substitution d'une nouvelle ressource dynamique, soit une part de la taxe sur les conventions d'assurance - 900 millions d'euros -, en lieu et place d'une part de leur dotation globale de fonctionnement - 880 millions d'euros.
La différence entre les deux doit financer la nouvelle prestation de fidélisation et de reconnaissance des sapeurs-pompiers volontaires, à part égale avec l'Etat.
Cette réforme met en oeuvre un système à géométrie variable, dont il va falloir évaluer et gérer les phases intermédiaires sur le plan financier.
Par exemple, l'Etat n'ayant contribué au financement de la nouvelle prestation en faveur des sapeurs-pompiers volontaires qu'à hauteur de 20 millions d'euros, il apparaît que des rapports d'étape seront nécessaires pour effectuer des corrections.
Je note toutefois avec satisfaction que vous avez confirmé, monsieur le ministre, que l'Etat élèverait sa participation au financement du dispositif à hauteur de 30 millions d'euros en 2006.
Il faut aussi rappeler que les SDIS prendront désormais en charge les dépenses résultant des opérations de secours.
Toutefois, monsieur le ministre, qu'en est-il du remboursement de leurs interventions en cas de carence des transporteurs sanitaires et de l'articulation de leurs missions respectives, questions qui ne semblent pas réglées ?
Sur le plan des investissements et des équipements, il est également évident que les inégalités existant entre les SDIS quant à leurs moyens ou aux risques encourus dans leurs zones d'intervention doivent être prises en considération, exigeant des réunions à niveaux périodiques et une pérennisation du FAI, le fonds d'aide à l'investissement des SDIS.
A ce titre, monsieur le ministre, pour dissiper la légitime inquiétude des collectivités locales, quel mécanisme prévoyez-vous pour réguler ces disparités ? Pourriez-vous nous indiquer vos intentions en vue de renforcer le lien de confiance et la prise en compte des inquiétudes des élus locaux quant à l'avenir des services départementaux d'incendie et de secours, qui constituent la colonne vertébrale de la sécurité civile dans notre pays ?
L'instance de ce nouveau partenariat ne pourrait-elle pas être la Conférence nationale des services d'incendie et de secours, dont on pourrait en outre développer les missions d'évaluation ?
La loi du 13 août 2004 tend aussi à affirmer la reconnaissance de la nation envers ses sapeurs-pompiers ainsi que la dangerosité de leurs missions. Elle a logiquement tiré les conséquences de cette reconnaissance en améliorant les protections et la fin de carrière des sapeurs-pompiers professionnels et en instituant la prestation précitée en faveur des volontaires, afin de fidéliser leur engagement. Cela était bienvenu, mais cette reconnaissance n'implique-t-elle pas des changements dans l'organisation du service et des interventions, comme le préconise le rapport Pourny ?
Je voudrais aussi souligner que la loi du 13 août 2004 vise à modifier profondément les comportements.
Elle a tout d'abord pour objet d'améliorer les modalités de prévention et la gestion des crises en clarifiant les missions de chacun. L'institution des plans communaux et intercommunaux, ainsi que le développement et l'harmonisation des moyens de communications doivent venir limiter les risques encourus.
La prévention des risques doit être améliorée par la réforme de l'Ecole nationale supérieure des officiers de sapeurs-pompiers, par la consolidation du dispositif français de défense civile avec la création du pôle de Cambrai, ainsi que par la création d'un conseil national de la sécurité civile, chargé de recenser les menaces.
La loi du 13 août 2004 traduit surtout la ferme volonté de faire de la sécurité civile « l'affaire de tous » en développant une véritable culture de sécurité civile. En effet, la France excelle dans le curatif, envoyant régulièrement ses équipes de secours à l'étranger, mais elle est en retard sur la prévention.
La réforme vise donc à diffuser cette culture dans l'ensemble de notre société par une formation scolaire ou la création des réserves communales, largement inspirée de nos travaux, en intégrant le bénévolat.
Monsieur le ministre, vous avez annoncé que tous les décrets d'application de la loi du 13 août 2004 seraient publiés dans le délai d'un an et il faut s'en féliciter.
Il reste maintenant à ouvrir un chantier important pour la sécurité civile, celui du développement d'une culture de gestion et d'évaluation.
Cette nouvelle culture aura aussi un impact important sur le fonctionnement des SDIS par sa prise en compte dans la formation des officiers sapeurs-pompiers, en cours de réforme.
De plus, le développement, déjà évoqué, du rôle d'évaluation de la Conférence nationale des services d'incendie et de secours pourrait permettre la mise en place d'une banque de données facilitant la diffusion des bonnes pratiques.
Cette nouvelle gouvernance doit aboutir à la recherche permanente d'une meilleure adéquation entre les moyens mis en oeuvre et les besoins en cause compte tenu des exigences opérationnelles.
Pour conclure, monsieur le ministre, je tiens à vous faire part de mon adhésion à votre démarche ambitieuse de refondation de la sécurité civile, bien illustrée par cet excellent projet de budget.
La commission des lois a logiquement donné un avis favorable à l'adoption des crédits de la sécurité civile. Sachez, monsieur le ministre, que vous pouvez compter sur notre concours et sur notre vigilance pour le succès de cette réforme essentielle de la modernisation de la sécurité civile dans le cadre d'un partenariat rétabli entre l'Etat et les collectivités territoriales, pour que la sécurité civile, mes chers collègues, soit effectivement et en permanence l'affaire de tous. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Dominique de Villepin, ministre. Je vous remercie, messieurs les rapporteurs, d'avoir présenté avec clarté et précision les grandes lignes du projet du budget de mon ministère pour 2005 dans les domaines de la sécurité. La qualité de vos exposés respectifs me dispense d'évoquer à nouveau ces orientations et me permet de concentrer mon propos sur les réponses à vos interrogations.
Monsieur Courtois, vous avez eu raison d'insister sur la poursuite de la mise en oeuvre de la LOPSI. J'entends en effet tenir les engagements pris par le Gouvernement devant le Parlement et, à travers lui, devant les Français.
C'est pourquoi la police nationale verra, en 2005, ses moyens accrus grâce à la troisième tranche de la LOPSI. J'ai personnellement veillé, en liaison avec ma collègue Michèle Alliot-Marie, à ce qu'il en soit de même pour la gendarmerie nationale.
Vous avez, à juste titre, mis en lumière l'intérêt de la création de l'Institut national de la police scientifique. Cet établissement regroupera tous les laboratoires de la police nationale et permettra d'accomplir des progrès considérables dans l'élucidation des crimes et des délits, en renforçant la capacité d'action de la police technique et scientifique.
Créé le 9 novembre 2004, cet institut n'a pu faire l'objet d'une ligne budgétaire spécifique dans le projet de loi de finances pour 2005. Une ligne budgétaire lui sera cependant dédiée. Elle sera abondée dès le début de l'année prochaine par deux types de crédits : d'une part, ceux du ministère de l'intérieur, pour un montant estimé aujourd'hui à 2,5 millions d'euros ; d'autre part, les crédits versés par la Chancellerie, au titre des frais d'expertises, comme le prévoit le décret fondateur de l'institut.
Le laboratoire de la gendarmerie nationale n'est pas intégré à cet institut, car la loi créant cet établissement est antérieure au rapprochement police-gendarmerie que nous avons réalisé depuis deux ans et demi, mais la coopération entre nos forces de sécurité en matière de police technique et scientifique est une réalité : nous avons réactivé, en octobre 2003, le conseil supérieur de la police technique et scientifique, qui regroupe police et gendarmerie. Il sera à nouveau réuni dès le début de l'année prochaine.
Je suis favorable, en ce qui me concerne, à une intégration progressive de l'Institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale dans le nouvel institut afin de mieux mutualiser l'ensemble de nos moyens.
Je tiens également à vous rassurer, monsieur Courtois, sur la question des effectifs, question à laquelle les élus sont particulièrement, et à juste titre, attentifs.
La police nationale bénéficiera, en 2005, d'un renfort réel de 1 905 fonctionnaires issus des écoles et correspondant aux emplois que nous avons pu créer grâce à la LOPSI.
Il s'agira d'effectifs supplémentaires, répartis en 1 137 gradés et gardiens et 768 personnels administratifs, scientifiques et techniques. Ils seront affectés sur le terrain à partir des effectifs de référence que j'ai souhaité mettre en place, sur la base de critères objectifs.
Ces renforts d'effectifs concerneront en priorité pour 2005 : les services de renseignement, afin de renforcer notre capacité dans le domaine de la lutte contre le terrorisme et l'islamisme radical ; les services de la police aux frontières, pour développer notre politique de lutte contre l'immigration irrégulière ; enfin, les circonscriptions de sécurité publique de la grande couronne parisienne et de la « troisième couronne », telles que l'Oise, l'Eure-et-Loir ou le Loiret, pour mieux faire face aux violences urbaines.
Notre volonté de rénover la gestion des ressources humaines au sein de la police nationale s'appliquera aussi aux personnels administratifs, scientifiques et techniques. C'est pourquoi j'ai voulu que la moitié des emplois supplémentaires créés en 2005 leur soit affectée. J'ai également souhaité que ces personnels soient pleinement intégrés dans la réforme des corps et carrières finalisée en juin dernier. C'est sans précédent. Ces personnels bénéficieront à ce titre, dès 2005, d'une revalorisation indemnitaire de 3,5 millions d'euros.
En outre, j'ai tenu à ce que la prime de résultat puisse être accordée à toutes les catégories d'agents de la police nationale : sur les 12 750 fonctionnaires qui la percevront cette année, 1 600 appartiennent aux filières administratives, techniques et scientifiques.
Le projet de fusion des corps administratifs est dans l'intérêt de ces fonctionnaires, qui, jusqu'à présent, étaient les moins favorisés : d'une part, ce projet vise à élargir leurs perspectives de carrière et à les faire bénéficier de régimes statutaires unifiés ; d'autre part, la spécificité de leurs missions sera mieux prise en compte.
Je suis certain que la concertation permettra de dissiper toutes les inquiétudes qui s'expriment et que vous avez à juste titre rappelées. Nous avons besoin que la totalité de la police nationale reste pleinement responsabilisée et mobilisée pour assurer la sécurité des Français.
Enfin, monsieur le rapporteur, je partage totalement votre souci de voir les salles d'audience situées à proximité des zones d'attente et des centres de rétention administrative pleinement utilisées.
Le ministère de l'intérieur a financé la construction d'une salle d'audience à Roissy - je l'ai d'ailleurs visitée très récemment - contiguë à la zone. Elle permettra un fonctionnement plus fluide et plus efficace des audiences, au profit des magistrats et des étrangers concernés. Elle limitera aussi les dépenses, les retards et le temps de travail consommé par les services de police qui devaient, jusque-là, escorter les étrangers concernés vers le palais de justice de Bobigny. C'est pourquoi j'ai demandé à Dominique Perben de bien vouloir veiller à ce que cette salle d'audience soit désormais utilisée dès que possible par les magistrats.
J'en viens maintenant aux questions posées par M. Charles Guené concernant la sécurité civile.
Vous l'avez vous-même constaté, monsieur Guené, le projet de budget de la sécurité civile traduit en chiffres la loi de modernisation du 13 août 2004. Mon objectif est de publier tous les décrets d'application de cette loi avant un an.
Vous avez évoqué le rôle de la Conférence nationale des services d'incendie et de secours. Créée depuis le 31 octobre, elle se réunira le 16 décembre prochain. Son objectif est d'associer pleinement les élus à toutes les décisions sur le fonctionnement des SDIS. Elle sera un lieu d'échanges d'expériences entre les SDIS et de diffusion des savoir-faire.
Par ailleurs, dans les semaines qui viennent, nous publierons des textes très attendus, d'une part, sur l'accès aux bonifications pour les sapeurs-pompiers professionnels, d'autre part, sur l'avantage retraite pour les sapeurs-pompiers volontaires. Sur ce dossier, l'Etat s'engage avec 20 millions d'euros en 2005 et 30 millions d'euros à partir de 2006.
Ce projet de budget est bien celui d'un pacte renouvelé entre l'Etat et l'ensemble des acteurs de la protection de la population. L'Etat tiendra ses engagements financiers : 900 millions d'euros de recettes de la taxe sur les conventions d'assurance seront transférés aux départements.
Vous avez, à juste titre, évoqué la mise en oeuvre et l'évolution du fonds d'aide à l'investissement des SDIS. Deux mesures importantes figurent dans la loi du 13 août 2004 : d'abord, les autorisations de programme continuent d'augmenter puisqu'elles seront de 61 millions d'euros en 2005 contre 54 millions d'euros cette année ; ensuite, 65 millions d'euros de crédits de paiement sont inscrits, ce qui permettra de couvrir les dépenses de l'exercice et de rattraper le retard passé ; enfin, je m'engage à ce que ce fonds ne fasse l'objet d'aucune mesure de gel en 2005.
Vous avez ensuite appelé mon attention sur la sécurité des interventions des acteurs de la sécurité civile. Dans ce domaine, je m'appuierai à la fois sur les recommandations du rapport Pourny et sur les retours d'expérience du nouveau « bureau prévention-enquêtes-accidents » créé à la direction de la défense et de la sécurité civiles. Je veillerai aussi à la mise en place dans chaque SDIS d'un officier sécurité. Il assistera à toutes les interventions délicates aux côtés de l'officier qui commande les opérations de secours et l'aidera à prendre en compte la sécurité des intervenants.
Vous avez également insisté sur la formation des acteurs de la sécurité civile.
Nous avons mis l'accent sur la formation des cadres : l'Ecole nationale supérieure des officiers sapeurs-pompiers est désormais un établissement public de l'Etat. Sa nouvelle implantation à Aix-les-Milles, en partenariat avec la commune d'Aix et le conseil général des Bouches-du-Rhône, se fera au plus tard fin 2007.
Elle remplira trois objectifs : d'abord, disposer d'une zone d'entraînement et de simulations qui reproduisent, en toute sécurité, des situations d'accident, de sauvetage ou d'incendie ; ensuite, nouer un partenariat avec les SDIS de la région ; enfin, ouvrir largement l'école sur l'international.
Les premières formations seront organisées dès le printemps prochain.
Dans le même temps, nous allons créer un pôle de défense civile à Cambrai. C'est une nécessité pour répondre aux nouvelles formes de menaces, notamment les menaces NRBC, c'est-à-dire nucléaires, radiologiques, biologiques et chimiques.
Pour cela, nous travaillons selon deux axes.
Premier axe : la création d'une école de défense civile. Elle sera un laboratoire de réflexion de l'Etat en matière de doctrine sur les menaces et devra coopérer étroitement avec l'Institut national des hautes études de sécurité nouvellement créé. Des formations ont déjà été organisées à Cambrai cette année.
Second axe de travail : la création d'un centre national de formation à la défense civile doté d'un plateau technique performant. La gestion de ce centre pourrait être confiée dès 2005, sous le contrôle de l'Etat, au secteur privé.
Mais nous devons aller plus loin et former l'ensemble de nos concitoyens, notamment les plus jeunes. C'est l'objet de la nouvelle formation scolaire de sécurité civile obligatoire, dont les contours sont en cours de définition avec la direction de l'enseignement scolaire. A ce stade, la formation scolaire permettrait d'inscrire au programme de sixième la sensibilisation aux risques, au programme de cinquième l'organisation de la sécurité civile et les institutions qui s'y consacrent, aux programmes de quatrième et de troisième la sensibilisation à la façon d'alerter et aux premiers gestes de secours.
Le travail interministériel se poursuit sur ce projet. Il doit permettre de fixer, avant le premier trimestre de l'année 2005, la détermination précise des contenus, le nombre d'heures que nous pourrons consacrer à ces sujets, ainsi que le calendrier de mise en place de cette réforme.
J'entends également améliorer notre système d'alerte et d'information des populations, avec l'appui des services de radiodiffusion. Pour cela, j'ai signé, au mois de juin dernier, une convention de partenariat avec le président-directeur général de Radio France portant sur la mise en place de radio de gestion et d'accompagnement de crise et sur la diffusion aux populations des consignes comportementales. Parallèlement, nous lancerons, au second semestre de l'année 2005, une expérimentation sur la diffusion et la signification du signal des sirènes, en vue de moderniser notre système d'alerte.
Enfin, monsieur Guené, vous avez rappelé une réalité : lorsque les ambulanciers sont défaillants, les services d'aide médicale urgente, les SAMU, s'adressent aux sapeurs-pompiers, ce qui grève les budgets de fonctionnement des services départementaux d'incendie et de secours, les SDIS.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Eh oui !
M. Dominique de Villepin, ministre. Face à cette situation, j'ai demandé à Philippe Douste-Blazy de dissuader le recours par les SAMU à cette solution de facilité et d'évaluer le nouveau dispositif de garde ambulancière mis en place au début de l'été.
Soyez assuré que je veillerai à ce que le service public fonctionne partout sur le territoire, notamment dans les zones rurales qui se sentent parfois oubliées.
Vous avez enfin souligné que les moyens publics et privés dédiés à l'aide médicale d'urgence se coordonnent parfois difficilement sur le terrain. Nous partageons le même objectif, à savoir rechercher le juste emploi des moyens et garantir aux victimes l'efficacité de la chaîne des secours.
Pour y parvenir, nous devons tenir compte de la diversité des situations locales. J'ai d'abord demandé aux préfets de définir par convention, dans chaque département, l'économie des rôles et les missions entre les sapeurs-pompiers, les transports sanitaires et les médecins libéraux. Ensuite, ce dossier sera inscrit à l'ordre du jour du prochain Conseil national de la sécurité civile, qui sera créé par décret avant la fin de l'année.
Vous le voyez, mesdames, messieurs les sénateurs, ce projet de budget répond pleinement aux orientations fixées par le Président de République, le 8 novembre 2004, à Nîmes et aux ambitions qui sont les nôtres pour la sécurité de nos concitoyens.
Nous y parviendrons par l'engagement et la motivation renforcée des forces de police et de gendarmerie, par une stratégie précise contre les filières et les réseaux criminels, la drogue et le blanchiment d'argent, par une détermination sans faille contre les violences aux personnes, les violences urbaines et intrafamiliales.
Nous y parviendrons aussi par un décloisonnement et une coordination renforcée avec les autres administrations et avec mes principaux collègues du Gouvernement :...
Mme Marie-Thérèse Hermange. Très bien !
M. Dominique de Villepin, ministre. ...avec François Fillon dans la lutte contre les violences scolaires, avec Philippe Douste-Blazy dans la lutte contre la drogue, avec Nicole Ameline dans la lutte contre les violences faites aux femmes, avec Dominique Perben pour le bon fonctionnement de la chaîne pénale, avec Hervé Gaymard dans le domaine de la lutte contre le blanchiment.
Nous y parviendrons également par un renforcement de la dimension européenne dans nos politiques de lutte contre l'immigration clandestine ou le terrorisme, ainsi que par une politique de prévention renouvelée - ce sera tout le sens du projet de loi de prévention de la délinquance.
Nous y parviendrons enfin par une modernisation déterminée de notre sécurité civile. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à treize heures cinq, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Christian Poncelet.)
PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet
M. le président. La séance est reprise.
3
Questions d'actualité au Gouvernement
M. le président. L'ordre du jour appelle les réponses à des questions d'actualité au Gouvernement.
Mes chers collèges, je salue en votre nom à tous M. le Premier ministre, dont nous apprécions toujours la participation à nos séances de questions.
Je rappelle que l'auteur de la question, de même que le ministre pour sa réponse, disposent l'un et l'autre de deux minutes trente. J'invite chacun à respecter le temps de parole qui lui est imparti.
contrats de pays
M. le président. La parole est à Mme Valérie Létard.
Mme Valérie Létard. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
Monsieur le Premier ministre, l'article 22 de la loi du 4 février 1995 pour l'aménagement et le développement du territoire modifiée par la loi du 2 juillet 2003 permet aux communes et groupements de communes de s'engager dans une démarche de pays.
A travers l'élaboration d'un projet commun de développement, la constitution d'un pays donne aux acteurs locaux les moyens de prendre en main de façon prospective le devenir de leur territoire. Ce travail trouve sa traduction finale dans l'approbation d'une charte qui rassemble à la fois des éléments de diagnostic, la présentation d'orientations stratégiques et la définition de projets prioritaires et structurants.
Dans la région Nord-Pas-de-Calais, onze pays sont ainsi en cours d'élaboration à des degrés différents d'avancement. Cela représente plusieurs années de travail pour les communes concernées.
Ces territoires doivent maintenant finaliser leur projet de contrat de pays, car la date butoir pour leur signature avec l'Etat a été fixée au 31 décembre 2004.
C'est au sujet de cette date butoir que je me permets, monsieur le Premier ministre, de vous exprimer mes plus vives inquiétudes.
En effet, tous les pays ne seront pas prêts au 31 décembre. Leur appliquer cette date couperet serait préjudiciable, car cela amènerait à pénaliser l'objectif final d'une mobilisation collective et partenariale exemplaire. Or, fédérer la population et les élus locaux autour d'enjeux d'avenir partagés est un résultat précieux que nous devrions au contraire consolider.
L'absence de signature empêcherait aussi les territoires concernés de mobiliser les crédits du volet territorial des contrats de plan Etat-région initialement prévus pour cette politique.
Face à ce constat, monsieur le Premier ministre, j'aurai deux questions à vous poser.
A court terme, ne vous paraît-il pas indispensable de donner un délai supplémentaire de six mois aux territoires dont le périmètre et la charte sont approuvés ou en cours d'approbation ?
A plus long terme, comment voyez-vous l'avenir des pays dans la France de la décentralisation ? (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Madame la sénatrice, vous avez fait référence à la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire du 4 février 1995, dite « loi Pasqua ». (Applaudissements sur les travées de l'UMP- Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste.)
Vous avez également fait allusion à la loi du 25 juin 1999 d'orientation sur l'aménagement et le développement durable du territoire, dite « loi Voynet ». (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Didier Boulaud. Bravo !
M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Cette loi généralisait la création des pays. Or l'ambition de mon gouvernement n'est pas de quadriller la France en cinq cents pays ! (Très bien ! sur les travées de l'UMP.)
Si des intercommunalités se fédèrent en pays, le pays étant une fédération de communautés de communes qui se réunissent pour se donner la capacité de présenter des projets, si ce pays a une histoire et une géographie qui lui donnent une légitimité pour exprimer une volonté et une capacité à bâtir des projets, ...
M. Charles Pasqua. Très bien !
M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. ...alors, à l'évidence, il est dans une logique positive, il doit répondre à la charte et au processus que vous avez évoqués. Il est donc éligible au volet territorial du contrat de plan.
J'accède bien volontiers, madame la sénatrice, à votre demande, et je ferai en sorte de prolonger de six mois la date limite... (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste.)
Mme Valérie Létard. Je vous remercie, monsieur le Premier ministre.
M. René-Pierre Signé. Il suffit de demander !
M. Didier Boulaud. Depuis que M. Sarkozy est parti, vous êtes prêt à tout !
M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. ... pour permettre aux pays d'être constitués et de ne pas être privés des crédits du contrat de plan, et ce au moment où le Gouvernement les augmente pour faire face à ses engagements. Pour tenir sa parole, il octroie, en effet, 300 millions d'autorisations de programme et 150 millions de crédits de paiement supplémentaires.
Dans ces conditions, nous disons oui à la prolongation de six mois pour la validité des pays, mais non à une généralisation systématique, automatique des pays, car nous ne voulons pas faire du pays un nouvel échelon d'administration de la France, qui en compte déjà beaucoup trop ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
La décentralisation veut que tout parte de la base, du terrain.
M. René-Pierre Signé. On l'a toujours su !
M. Yannick Bodin. Pour rattraper le retard !
M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Un pays qui puise sa légitimité dans le terrain peut être éligible.
Ce n'est pas de Paris, de la DATAR ou d'ailleurs que nous devons dessiner une France aux cinq cents pays, mais c'est à partie de la France aux cent départements, la France dans sa structure actuelle, ...
M. Josselin de Rohan. Très bien !
M. Didier Boulaud. Laquelle ? La France d'en bas ou la France d'en haut ?
M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. ... que nous travaillons, grâce aux contrats de plan, à une organisation décentralisée de la République. (Bravo ! et applaudissements sur les mêmes travées.)
M. le président. La parole est à Mme Eliane Assassi.
Mme Eliane Assassi. Ma question s'adresse à M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire.
A en croire les débats que suscitent, au sein de la Haute Assemblée, le budget pour 2005, une partie de la population serai, en France, brimée, maltraitée, persécutée, soumise à une injustice flagrante : je veux parler des 300 000 personnes assujetties à l'impôt de solidarité sur la fortune, l'ISF.
Elles sont, semble-t-il, injustement taxées, alors même que « leur richesse fait vivre notre économie ». Ces malchanceux soumis à l'ISF se verraient contraints, pour survivre, de délocaliser, voire de fuir à l'étranger.
Dois-je vous rappeler qu'en France trois millions de personnes, soit une personne sur vingt, vivent avec moins de 579 euros par mois? Que plus de 3 millions de personnes sont au chômage ? Que 10 millions de personnes subissent la précarité ? Que le phénomène des working poors- ces personnes qui travaillent, mais qui ne peuvent pas vivre de leur maigre salaire - se banalise ? Que 3 millions de personnes sont sans-abri ou vivent dans des conditions de logement insalubre ? Que 2 millions d'enfants vivent sous le seuil de la pauvreté ?
Vous semblez avoir intégré la différence entre nos concitoyens les plus pauvres et nos concitoyens les plus riche, puisque vous menez une politique différente selon ces deux catégories.
Pour ceux de nos compatriotes qui sont les plus aisés, après avoir l'année dernière, baissé de 1 % des tranches du barème de l'impôt sur le revenu, cette année vous vous apprêtez à voter un allégement de quelques centaines de millions d'euros sur l'ISF et sur les droits de succession.
M. Laurent Béteille. Il y a les classes moyennes, aussi !
Mme Eliane Assassi. Les autres - et je pense qu'ils sont les plus nombreux - sont sans cesse taxés dans le domaine fiscal comme dans celui de la protection sociale, qu'il s'agisse des retraites, de l'assurance maladie, de la hausse du plafond hospitalier, du déremboursement des médicaments, de l'euro supplémentaire lors des consultations (Exclamations sur les travées de l'UMP),...
M. Dominique Braye. Qu'est-ce que vous avez fait, vous ?
Mme Eliane Assassi. ... de la hausse de la fiscalité locale, des augmentations des loyers, des majorations des tarifs des mutuelles et des compagnies d'assurances ou encore de la remise en cause des allocations chômage.
M. Bernard Fournier. La question !
Mme Eliane Assassi. Certes, j'ai bien noté que la prime de Noël pour les plus démunis allait être reconduite.
M. Dominique Braye. Les pauvres ? C'est grâce à la gauche !
Mme Eliane Assassi. Or, vous le savez très bien, cette prime est très nettement insuffisante au regard des besoins des familles.
M. le président. Veuillez poser votre question, madame !
Mme Eliane Assassi. J'y viens, monsieur le président.
M. Bernard Fournier. Deux minutes !
Mme Eliane Assassi. Ne pensez-vous pas qu'en termes de justice sociale et pour l'emploi, il serait plus juste d'augmenter les salaires, le SMIC, les indemnités chômage et les minima sociaux ? (Protestations sur les travées de l'UMP.)
M. Alain Gournac. La question !
M. Dominique Braye. Le temps de parole est écoulé !
Mme Hélène Luc. Un peu de politesse, messieurs, laissez parler notre collègue !
M. le président. Ma chère collègue, veuillez maintenant poser votre question, s'il vous plaît !
Mme Eliane Assassi. Nous faisons une autre proposition : pourquoi ne pas reverser immédiatement aux foyers fiscaux, exonérés de l'impôt sur le revenu ou imposables en première tranche, la somme de 300 euros prise sur les placements financiers des entreprises et des banques, et en taxant les prêts accordés par les banques pour les délocalisations ?
Les ressources ainsi dégagées s'élèveraient, d'après les évaluations, à 5 milliards d'euros, de quoi répondre largement à cette revendication.
M. Alain Gournac. La question !
Mme Eliane Assassi. D'où ma question, monsieur le ministre. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. René-Pierre Signé. Monsieur le président, nos collègues font tellement de bruit qu'ils couvrent la voix de l'orateur !
Mme Eliane Assassi. Est-ce une mesure que votre gouvernement est prêt à prendre ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. René-Pierre Signé. Il a été promu ! (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. Mes chers collègues, ayons l'élégance de nous écouter les uns les autres dans le silence qui convient.
Vous avez la parole, monsieur le ministre délégué.
M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Madame la sénatrice, si je vous comprends bien, vous proposez la création d'une prime de 300 euros en faveur des plus défavorisés, prime qui serait financée par une fais un rapide calcul et que je multiplie cette somme par les 16 millions de foyers exonérés d'impôt sur le revenu, ...
Mme Hélène Luc. Eh oui !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. ... je constate que ce que vous proposez coûterait pratiquement 5 milliards d'euros. Me demander cela aujourd'hui, alors que nous avons achevé, ici même, la nuit dernière - à trois heures du matin, rappelez-vous - l'examen de la première partie du projet de loi de finances dans laquelle nous proposons aux Français un budget en 2005 qui non seulement permet de réduire les déficits, de maîtriser la dépense publique,...
Mme Nicole Borvo. Toujours sur le dos des mêmes !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. ... mais aussi de mener une politique sociale ambitieuse, vraiment, c'est un peu sévère !
Votre mesure est de surcroît très antisociale, madame la sénatrice, parce que, à l'examen, on constate qu'à force de vouloir taxer les activités bancaires, vous risquez en réalité de pénaliser 45% des foyers défavorisés qui recourent aujourd'hui aux prêts bancaires. Car c'est naturellement sur leurs taux que votre proposition va se traduire.
Mme Nicole Borvo. Oh !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. C'est tout à fait regrettable et me laisse à penser que, de temps en temps, il est bien que la France ne soit pas gouvernée par les communistes. (Rires sur les travées de l'UMP.)
Mme Hélène Luc. Proposez un autre financement !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Finalement, depuis deux ans et demi, nous avons mené une politique sociale qui pourrait susciter votre adhésion.
M. Raymond Courrière. Je ne sais pas si mes oreilles entendent bien !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Mais considérez plutôt ce que nous avons fait.
Nous avons augmenté le SMIC de 11%, ce dont un million de personnes ont bénéficié. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Nous avons élargi la prime pour l'emploi. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Nous avons lancé un programme extrêmement ambitieux de construction de logements, ...
Mme Nicole Borvo. Pour combien de personnes ?
M. Jean-François Copé, ministre délégué. ... dix fois plus que ce qui se faisait du temps de M. Jospin. (Applaudissements sur les mêmes travées.- Protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
Mme Nicole Borvo. Personne ne peut le croire !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Et tout cela, madame la sénatrice, en tenant nos équilibres budgétaires et sans augmenter les impôts, puisque nous les baissons même.
Voyez-vous, madame la sénatrice - et ce sera mon dernier mot sur ce sujet - nous sommes tous à la recherche d'un modèle social équilibré. Or, et je veux vous le dire avec force, il nous semble qu'une politique sociale moderne...
Mme Eliane Assassi. L'ISF en fait partie !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. ... se mesure non pas au nombre de personnes aidées, mais au nombre de personnes qui n'ont plus besoin d'être aidées ! C'est en ce sens que nous travaillons. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Georges Mouly.
M. Georges Mouly. Ma question s'adresse à M. le secrétaire d'Etat à l'insertion professionnelle des jeunes.
« Apprentissage, le meilleur passeport pour l'emploi » : Bien plus qu'une formule, c'est une heureuse réalité, puisque cette politique de formation apporte une solution adaptée aux besoins de qualification des jeunes, ainsi qu'à la demande des entreprises en recherche de salariés qualifiés.
Or l'apprentissage, c'est encore trop souvent, hélas ! l'orientation par l'échec. Devant une telle situation, plus dommageable que jamais, des mesures sont sans doute prévues que chacun souhaite bien évidemment connaître. Tel est l'objet de ma première question.
En matière d'apprentissage, l'important volet « Modernisation pour l'emploi » du projet de loi de programmation pour la cohésion sociale affiche une réelle ambition : aides à la mobilité, aides à l'équipement, crédits d'impôts et autres réformes de la taxe d'apprentissage, toutes mesures qui sont les bienvenues.
Or, dans le même temps, s'élabore, avec consultations et groupes de réflexion, la loi d'orientation sur l'école, pour une école plus ouverte, pour la généralisation de l'action de découverte professionnelle, pour pourvoir les filières professionnelles, et c'est encore l'éducation nationale qui participera pleinement au plan de développement de l'apprentissage.
M. René-Pierre Signé. Eh oui !
M. Georges Mouly. On ne saurait qu'applaudir à de tels efforts.
Cependant, on peut s'interroger sur l'articulation et la complémentarité entre les deux projets. Nous nous félicitons de l'heureuse initiative du Gouvernement en la matière, mais le succès de la politique de formation par l'apprentissage dépend aussi de sa bonne lisibilité. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Laurent Hénart, secrétaire d'Etat à l'insertion professionnelle des jeunes. Monsieur le sénateur, je vous présente tout d'abord les excuses de François Fillon qui, étant retenu au ministère de l'éducation nationale par les négociations avec les partenaires sociaux précisément au sujet de la loi d'orientation sur l'école, ne peut répondre lui-même à votre question.
Comme vous l'avez souligné, le Gouvernement développe un programme ambitieux en faveur de l'apprentissage afin de porter le nombre d'apprentis dans le pays de 350 000 à 500 000 en cinq ans.
M. René-Pierre Signé. Il est ambitieux sur les programmes !
M. Laurent Hénart, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement est en effet convaincu que l'apprentissage constitue une voie de réussite à la fois éducative, puisqu'il permet d'obtenir les mêmes diplômes et avec le même taux de réussite que par la voie scolaire, et professionnelle.
Je tiens à souligner le travail remarquable qui a été accompli par la Haute Assemblée pour améliorer le dispositif du plan de cohésion sociale. Je pense, notamment, à la disposition qui a été adoptée à l'unanimité par le Sénat, visant à instituer une carte nationale d'apprenti, sur le modèle de la carte nationale d'étudiant, qui sera délivrée à partir de 2005 à chaque apprenti. Je pense également aux mesures destinées à rendre transparent le financement de l'apprentissage.
Le Premier ministre a veillé lui-même à assurer une coordination parfaite entre la loi d'orientation sur l'école et la loi de programmation pour la cohésion sociale. Je vous en citerai deux exemples concrets.
Premièrement, l'objectif des 500 000 apprentis est repris dans la loi d'orientation sur l'école. L'une des quatorze mesures pour l'école du XXe siècle prévoit, en effet, de doubler en cinq ans le nombre de jeunes en alternance et, ainsi, de relancer l'enseignement professionnel, sans toutefois opposer les lycées professionnels aux centres de formation d'apprentis.
M. Yannick Bodin. Il faudra trouver des maîtres de formation d'apprentissage !
M. Laurent Hénart, secrétaire d'Etat. D'ailleurs, la loi de programmation pour la cohésion sociale développe les possibilités d'organiser des centres de formation d'apprentis dans les lycées professionnels et, donc, d'aller vers de véritables « campus des métiers » où les équipements seront mutualisés entre l'apprentissage et l'éducation nationale.
Deuxièmement, vous avez souligné que le succès du développement de l'apprentissage et de l'alternance passait par l'information et l'orientation. M. François Fillon a clairement indiqué son souhait de généraliser, dans le cadre de la loi d'orientation sur l'école, la classe de troisième de découverte professionnelle. Au titre de ce dispositif, tous les collégiens bénéficieront de trois heures hebdomadaires consacrées à la découverte des métiers. Cette information sera dispensée dans le cadre de partenariats locaux, dans les bassins d'emploi, en fonction des réalités économiques du terrain.
A cet effet, grâce aux plateformes de vocation, qui seront dotées 30 millions d'euros dès 2005, les maisons de l'emploi accueilleront les centres d'information et d'orientation et les personnels de l'éducation nationale, pour leur permettre de travailler avec le service public de l'emploi et les employeurs privés et publics.
Vous le voyez, monsieur le sénateur, le travail entre Jean-Louis Borloo et François Fillon est extrêmement resserré pour permettre une parfaite coordination entre ces deux grandes lois et développer en cinq ans l'alternance dans notre pays. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Monsieur le secrétaire d'Etat, nous nous félicitons des compliments que vous adressez au Sénat qui, comme toujours, prend une part active dans l'élaboration de la législation de notre pays.
situation en côte d'ivoire
M. le président. La parole est à M. Robert Del Picchia.
M. Robert Del Picchia. Ma question s'adresse à Mme le ministre de la défense.
Avant toute chose, permettez-moi, mes chers collègues, de vous lire un courriel que j'ai reçu :
« Nous faisons partie des premiers ressortissants français ayant pu quitter la Côte d'Ivoire et nous tenons à vous faire part du mérite exceptionnel de l'armée française. » (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
« Nous avons été héliportés par des Puma de Licorne jusqu'au camp du 43e BIMa, où les militaires français ont été rassurants, sécurisants, aimables, d'un grand sang-froid, et surtout vraiment professionnels.
« Grâce à eux, nous nous retrouvons sains et saufs en France, au Pays basque, avec nos deux petits enfants, âgés de trois et quatre ans. Nous sommes, certes, un peu traumatisés, mais en sécurité.
« Nous tenons vraiment à exprimer notre vive reconnaissance. » (M. Serge Vinçon applaudit.)
Ce courriel, mes chers collègues, traduit parfaitement le sentiment des milliers de Français rapatriés que nous avons accueillis à l'aéroport de Roissy.
Madame le ministre, je tiens ici à rendre un hommage solennel...
M. René-Pierre Signé. N'ayons pas peur des mots !
M. Robert Del Picchia. ... aux forces françaises en Côte d'Ivoire et à leur professionnalisme. Et je suis persuadé que mes collègues se joindront à moi dans cet hommage. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Josselin de Rohan. Absolument !
M. Roger Karoutchi. Tout à fait !
M. Robert Del Picchia. Or, madame le ministre, un débat s'élève aujourd'hui dans les médias et les milieux politiques sur le nombre de victimes ivoiriennes.
Mme Nicole Borvo. Ah oui !
M. Robert Del Picchia. Mais on a tendance, dans ce débat, à oublier les victimes militaires françaises.
M. Jacques Peyrat. Oh oui !
M. Robert Del Picchia. Nous avons eu à déplorer, je le rappelle, neuf morts et plus de quatre-vingts blessés, dont quatorze seraient encore hospitalisés en France.
Quoi qu'il en soit, et quelles que soient les parties concernées, chaque victime est une victime de trop.
Cela étant, il semble que l'on soit aujourd'hui en présence d'un cas de désinformation manifeste,...
M. Alain Gournac. Totale !
M. Robert Del Picchia. ... mettant en cause l'honneur militaire de nos soldats, et ce plusieurs semaines après les événements.
Mes chers collègues, la désinformation prend toujours plus de temps que l'information...
Mme Nicole Borvo. Cela dépend !
M. Robert Del Picchia. ... et conduit à de sérieux soupçons de manipulations.
C'est pourquoi, madame le ministre, il me paraît souhaitable de rétablir la vérité devant la Haute Assemblée. Merci des explications que vous pourrez nous apporter en ce sens.
Permettez-moi encore quelques mots, monsieur le président, pour inviter certains à cesser de faire de l'angélisme et de penser que les miliciens ivoiriens et les « jeunes patriotes » manifestaient contre les forces françaises les mains dans les poches !
M. René-Pierre Signé. Où est la question ?
M. Robert Del Picchia. Ceux qui connaissent un peu le terrain et ceux qui étaient sur place savent ce qu'il en est : les manifestants ivoiriens menaçaient, armés, tout à la fois nos compatriotes civils et nos soldats. Mes chers collègues, ne perdons pas de vue la question essentielle au coeur de ce drame : leur sécurité. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense. Monsieur Del Picchia, je veux vous remercier de votre témoignage. Il rejoint ceux que je reçois, très nombreux, qui vont dans le même sens, ainsi que ceux du collectif des rapatriés de Côte d'Ivoire.
M. René-Pierre Signé. C'est téléphoné !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Depuis quelques jours, en effet, toute une opération de communication venant du président de Côte d'Ivoire tend à détourner l'attention de ce qui s'est passé dans ce pays. Ce fut la violation, par le gouvernement ivoirien, du cessez-le-feu imposé et décrété par le Conseil de sécurité des Nations unies. Ce fut, à Bouaké, l'attaque injustifiable et délibérée contre nos soldats en simple mission de paix, qui a fait les morts et les blessés que vous avez rappelés. Ce furent aussi les exactions, les pillages, les viols dont nos compatriotes, des Européens et, d'une façon générale, les étrangers installés à Abidjan, ont été victimes, à la suite de campagnes haineuses, d'appels à la chasse aux blancs, lancés sur les radios et les télévisions d'Abidjan. Voilà donc de quoi il faut détourner l'attention.
Face à cela, il convient de rétablir quelques vérités.
Tout d'abord, nos soldats avaient en face d'eux une foule non pas désarmée, mais bien encadrée, notamment par des jeunes, membres de ce groupe que l'on appelle les « jeunes patriotes », qui étaient armés de kalachnikovs, de fusils à pompe et de pistolets.
Ensuite, nos armées, présentes en Côte d'Ivoire dans le cadre d'un mandat de l'ONU, ont respecté toutes les règles du droit international sur l'engagement du feu. Elles ont rempli leur mission de protection des étrangers qui pouvaient être pris à partie dans le pays, non sans difficultés, d'ailleurs : chacun connaît la façon dont certains ont dû être hélitreuillés, alors qu'ils étaient menacés par la foule.
Nos soldats ont été amenés à faire usage de leurs armes, d'abord, par des tirs de dissuasion, ensuite par des tirs de sommation et enfin par des tirs réels lors d'opérations militaires qui sont intervenues dans quatre circonstances bien précises.
La première opération a été lancée par l'armée française pour assurer sa capacité à accueillir des renforts et à permettre les rapatriements à l'aéroport d'Abidjan. Les Forces armées nationales de Côte d'Ivoire, les FANCI, ont tiré sur nos soldats pour les empêcher de s'installer sur l'aéroport. Nous avons eu des blessés et il y a probablement eu des morts et des blessés du côté ivoirien.
La deuxième opération a eu lieu dans la nuit du samedi 6 au dimanche 7 novembre, pour s'opposer à la tentative de récupération, par les Ivoiriens, de l'aéroport sur lequel les forces françaises étaient installées. La foule de manifestants ivoiriens était, là encore, entourée de personnes armées, et précédée de véhicules. Les hélicoptères ont dû intervenir avec des salves de dissuasion et de sommation, pour tirer ensuite non pas sur la foule - il y aurait eu alors des centaines, voire des milliers de morts - mais sur les personnes qui se trouvaient au premier plan et sur les véhicules.
Troisième circonstance, quatre échauffourées se sont produites à la suite des embuscades tendues à nos troupes qui venaient du Nord pour apporter un soutien et protéger les Français à Abidjan.
Le quatrième théâtre d'opérations s'est situé à l'hôtel Ivoire où, après avoir sécurisé et évacué les Français, les forces françaises ont été empêchées par les manifestants de quitter les lieux, la gendarmerie ivoirienne intervenant de manière insuffisante. Nous avons dû ouvrir le feu pour, d'une part, protéger une batterie dont les manifestant voulaient s'emparer et, d'autre part, empêcher que l'un de nos militaires, poussé par un gendarme ivoirien, ne soit lynché par la foule.
Comme vous le disiez, monsieur le sénateur, un mort, c'est toujours un mort de trop. Cependant, il faut bien voir que le bilan n'est pas du tout de cinquante-huit morts, comme on nous le présente aujourd'hui.
Le ministre de la santé ivoirien a lui-même précisé, dans un rapport, que plus de la moitié des victimes étaient mortes dans les mouvements de foule ou dans des règlements de comptes, notamment entre les détenus de droit commun, dont 3 400 ont été libérés pendant les émeutes d'Abidjan.
La réalité du bilan est donc, comme nous l'avons dit, d'une vingtaine de morts.
Si vous considérez les quatre opérations, monsieur le sénateur, vous pouvez constater que les militaires français ont fait preuve de beaucoup de sang-froid et d'un grand professionnalisme. Je crois que nous pouvons être fiers d'eux et les en remercier. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE et du groupe socialiste.)
bilan de l'action de m. nicolas sarkozy
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq.
Mme Nicole Bricq. Ma question s'adresse à M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire, porte-parole du Gouvernement.
Lundi dernier, nous avons vécu dans cette enceinte un épisode assez insolite de la vie parlementaire. En effet, lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2005, nous avons été privés concomitamment de M. le ministre d'Etat, de l'économie, des finances et de l'industrie, démissionnaire, et de M. le secrétaire d'Etat au budget et à la réforme budgétaire.
Mais la privation fut toute provisoire et, à cet égard, je rends hommage à M. Dominique Bussereau qui, tout imprégné d'esprit militaire, telle la sentinelle qui attend la relève de la garde et qui n'abandonne pas son poste, bien que nommé ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et de la ruralité, est resté au banc du Gouvernement jusqu'à l'arrivée de M. Copé, nouveau ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Alain Gournac. Et alors ?
Mme Nicole Bricq. Ma question s'adressait à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, M. Gaymard, mais je constate qu'il est absent. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Didier Boulaud. Il a démissionné ?
M. Alain Gournac. Ils sont tous aussi bons !
Mme Nicole Bricq. La continuité sera assurée, mais j'aurais préféré qu'il soit là pour me répondre. Il n'est nommé que depuis trois jours ! Il aurait pu venir !
Quoi qu'il en soit, les deux nouveaux ministres arrivent aux responsabilités sous des auspices beaucoup moins radieux que ceux qui les ont précédés.
En effet, le ministre d'Etat démissionnaire a bénéficié d'une fenêtre de croissance, sans en avoir tiré profit, (Exclamations sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste) ...
M. Jean-Patrick Courtois. Ça alors !
Mme Nicole Bricq. ... pour relancer l'emploi, le pouvoir d'achat et l'activité économique.
M. Dominique Braye. Et Jospin ?
Mme Nicole Bricq. On fera le bilan !
Plus prompts à nommer les problèmes qu'à les résoudre, il vous laisse un héritage où le passif pèsera lourd, (Protestations sur les travées de l'UMP), alors même que les conjoncturistes annoncent une baisse de la croissance, qui met à mal l'hypothèse budgétaire du Gouvernement. Et, en 2006, il n'y aura pas d'échappatoire comptable sur la question du déficit, question qui n'est toujours pas réglée.
Volontarisme et énergie, de l'une et de l'autre de ces qualités, M. le ministre d'Etat faisait montre. Il prônait aussi la culture du résultat. Mais, force est de constater qu'il n'a pas su restaurer le climat de confiance qui permettrait de réamorcer l'activité économique sur des bases sérieuses.
C'est un double échec : d'abord, sur le front de la consommation durable des ménages, faute d'avoir soutenu à bonne hauteur le pouvoir d'achat ; ...
M. Josselin de Rohan. La question !
Mme Nicole Bricq. ... ensuite, sur le front de l'investissement des entreprises qui préfèrent verser des dividendes à leurs actionnaires, faute de visibilité.
M. André Lardeux. La question !
Mme Nicole Bricq. S'il a beaucoup privatisé, le ministre d'Etat n'a pas défini une stratégie industrielle claire.
Quant à la fiscalité, il vous laisse, messieurs les ministres, quelques bombes à retardement, telles que les mesures de réduction d'impôt, qui produiront leur plein effet en 2006, ...
M. Alain Gournac. La question !
Mme Nicole Bricq. ...vous privant de toute marge de manoeuvre.
M. Alain Vasselle. Mais où est la question ?
M. le président. Madame Bricq, veuillez poser votre question !
Mme Nicole Bricq. Je conclus, monsieur le président.
Mon propos n'est pas de décourager les nouveaux titulaires des postes, je n'y réussirai d'ailleurs sans doute pas ! (Non ! sur les travées de l'UMP), mais je veux savoir de quels moyens vous disposerez et quel délai vous sera imparti pour traiter les dossiers de fond relatifs à l'économie française que l'ancien ministre n'a fait qu'ouvrir, et pas souvent à la bonne page ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Alain Vasselle. Et les 35 heures ?
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Madame la sénatrice, je retrouve le sens de la nuance qui vous caractérise. Je l'avais apprécié au sein du conseil municipal de Meaux, c'est un plaisir de le retrouver au Sénat. (Sourires.)
Mme Nicole Bricq. Ne faites pas de commentaires qualitatifs !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. En vous écoutant, si je n'avais pas considéré le nom de la personne que vous désignez, j'aurais eu l'impression que nous étions passés de la lumière à la nuit !
Madame Bricq, très honnêtement, nous avons trouvé, en 2002, une France qui était ...
M. Jacques Mahéas. Dans la nuit, peut-être ?
M. Jean-François Copé, ministre délégué. ... bloquée, aucune réforme courageuse n'ayant été mise en oeuvre, ...
M. René-Pierre Signé. Ce n'est absolument pas vrai !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. ... une France démotivée par l'effet négatif des 35 heures et, en plus, une France endettée ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
Depuis deux ans et demi, nous avons engagé des réformes de structure majeures.
M. Didier Boulaud. Il y a eu des élections depuis !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Le moins que l'on puisse dire, c'est que Francis Mer, d'abord, Nicolas Sarkozy, ensuite, ont pris à bras-le-corps un certain nombre de chantiers que vous aviez totalement oubliés.
M. Didier Boulaud. Je ne vous dis pas ce que nous avons trouvé en 1997 !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Pour ne parler que de ce qui a été fait depuis huit mois, qu'il s'agisse des dossiers industriels, avec la réforme d'EDF, ou d'Alstom,...
M. René-Pierre Signé. Les élections régionales !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. ... ou de la maîtrise de la dépense publique, ce sont autant de sujets sur lesquels nous avons, me semble-t-il, un peu fait bouger les choses, et dans le bon sens.
M. Didier Boulaud. Les Français ne vous croient pas !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Voyez-vous, madame Bricq, sur ces questions, avec Hervé Gaymard, nous avons beaucoup de pain sur la planche pour poursuivre le travail engagé. Toutefois, nous le faisons dans d'excellentes conditions et avec une dynamique de réforme qui est, je le dis très librement ici, fantastique !
M. Didier Boulaud. Profitez-en !
M. René-Pierre Signé. L'alternance !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. En effet, notre feuille de route est parfaitement claire. Le Premier ministre nous l'a rappelé, il s'agit de préserver une croissance, à la fois durable et partagée : durable, avec des réformes de structure, et partagée, parce qu'aucun Français ne doit être laissé au bord du chemin.
M. Jacques Mahéas. Heureusement que l'on ne vous croit pas !
M. René-Pierre Signé. Par ici la sortie !
M. Didier Boulaud. Vous avez l'issue de secours !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Par ailleurs, nous devons tenir nos engagements européens. En clair, cela signifie que nous ne devrons pas dépenser plus que ce que nous gagnons. Nous allons donc maîtriser la dépense publique et faire ce travail de désendettement que la gauche n'a pas fait puisqu'elle a laissé filer les dépenses publiques, alors que la croissance économique était majeure.
Madame Bricq, notre feuille de route comporte un troisième élément, sans doute le plus important : c'est la mission du courage politique. Dans ce domaine, il nous faut, il est vrai, prendre les décisions que d'autres, avant nous, n'avaient pas voulu prendre !
M. Roger Karoutchi. Très bien !
M. Didier Boulaud. Par ici la sortie !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. En la matière, nous n'avons qu'un seul objectif : faire en sorte que les Français en aient pour leurs impôts ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
chaîne de télévision al-manar
M. le président. La parole est à M. Ladislas Poniatowski.
M. Ladislas Poniatowski. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
Monsieur le Premier ministre, nous avons été nombreux sur les travées du Sénat à avoir été sidérés d'apprendre, la semaine dernière, que le Conseil supérieur de l'audiovisuel avait donné l'autorisation à la chaîne de télévision Al-Manar de diffuser sur notre territoire.
M. Didier Boulaud. Que fait Baudis ?
M. Ladislas Poniatowski. Auparavant, par satellite, cette chaîne pouvait être reçue par quelques milliers de foyers mais, du jour au lendemain, grâce au CSA, elle peut en toucher plus de trois millions.
Or, mes chers collègues, je veux vous rappeler que cette chaîne de télévision est l'instrument de communication du Hezbollah, ...
M. René-Pierre Signé. Et Baudis ?
M. Ladislas Poniatowski. ...c'est-à-dire un groupe qui défend le terrorisme.
M. François Autain. Le racisme ! L'antisémitisme !
M. Didier Boulaud. Remplacez Baudis par Douste-Blazy !
M. Ladislas Poniatowski. Dans les programmes diffusés, on n'hésite pas à appeler à la haine, à l'assassinat des juifs.
M. René-Pierre Signé. Que fait Baudis ?
M. Ladislas Poniatowski. On y montre aussi, de manière caricaturale, dans des feuilletons destinés aux plus jeunes, des rabbins qui boivent le sang d'enfants, mes chers collègues !
M. François Autain. Absolument !
M. Ladislas Poniatowski. On y appelle également au lynchage des homosexuels, on défend des positions rétrogrades quant aux droits de la femme.
Or, monsieur le Premier ministre, le CSA savait tout cela le 19 novembre dernier, lorsqu'il a pris la décision d'accorder cette autorisation. En effet, ses membres avaient visionné un certain nombre d'extraits de ces programmes, et c'est par un vote à bulletins secrets, par six voix contre trois, qu'ils ont donné leur feu vert.
Onze jours après, arriva ce qui devait arriver, mes chers collègues : cette chaîne n'ayant pas le moins du monde modifié ses programmes, le week-end dernier, elle a de nouveau diffusé des appels à la haine.
Monsieur le Premier ministre, votre gouvernement, par la voix de M. Renaud Donnedieu de Vabres, a eu raison de déclarer que ce l'on avait pu voir était honteux, mais il faut aller plus loin. On ne peut pas attendre une éventuelle décision du Conseil d'Etat d'ici à Noël. Il y va de la sécurité dans nos banlieues, qui sont fragiles ; il y va aussi de l'honneur de la France et du respect des droits de l'homme qu'elle incarne dans le monde.
Monsieur le Premier ministre, vous l'aurez compris, plus qu'une question, c'est une demande que je formule : il faut immédiatement mettre un terme à ces émissions. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.- MM. Didier Boulaud et René-Pierre Signé applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. René-Pierre Signé. Il est embarrassé !
M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Monsieur Signé, quand il s'agit de racisme ou d'antisémitisme et que l'on défend la République, on n'est jamais embarrassé ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.) Car quoi de plus contraire à la République que le racisme et l'antisémitisme ? C'est pour cette raison que nous les combattrons, ardemment, puissamment, avec conviction !
Hier, je me suis entretenu avec M. Dominique Baudis ...
M. René-Pierre Signé. Il fallait en effet le convoquer !
M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. ... de ce sujet. Je connais la série Diaspora, je l'ai d'ailleurs fait projeter à un certain nombre de personnalités pour qu'elles puissent mesurer les sentiments d'émotion et de révolte qu'un tel programme peut provoquer.
Personnellement, en tant que chef du Gouvernement, ...
M. René-Pierre Signé. Ah, il est le chef !
M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. ... je partage et l'émotion et la révolte.
Je tire trois conséquences de cette situation.
Premièrement, les programmes d'Al-Manar sont, en effet, monsieur Poniatowski, incompatibles avec nos valeurs. Il est clair qu'ils ne peuvent que conduire à la résiliation de la convention passée entre le CSA et la chaîne. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Deuxièmement, puisque nous n'avons pas les moyens juridiques d'intervenir immédiatement, car le droit a quelquefois ses lenteurs, je vous soumettrai très prochainement, mesdames, messieurs les sénateurs, un projet de loi tendant à nous donner les moyens d'interrompre immédiatement de tels programmes qui portent en eux la haine, la violence et l'indignité humaine.
M. René-Pierre Signé. Et Baudis ?
M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Nous devons avoir la capacité juridique de suspendre immédiatement la diffusion de tels programmes. Nous allons donc nous doter, dans les semaines à venir, de l'outil législatif nécessaire.
Troisièmement, comme il s'agit d'une diffusion par satellite, ces programmes sont retransmis partout en Europe. Avec M. Renaud Donnedieu de Vabres, nous avons saisi les autorités de l'Union européenne pour faire inscrire cette question à l'ordre du jour de la prochaine réunion du Conseil européen, afin que nous apportions, ensemble, une réponse européenne à cette propagande de la haine.
Telles sont les actions que nous allons conduire pour faire face à la propagation d'idées inacceptables. Je suis certain que, sur toutes les travées, nous avons cette même conviction, qui doit être également partagée par tous nos partenaires européens.
M. René-Pierre Signé. Tout à fait ! Nous sommes d'accord !
M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. En Europe, on doit aussi savoir se souvenir : toute civilisation qui oublie son passé se condamne à le revivre ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE et du groupe socialiste.)
situation en côte d'ivoire
M. le président. La parole est à M. Didier Boulaud.
M. Didier Boulaud. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
Monsieur le Premier ministre, la situation en Côte d'Ivoire nous préoccupe au plus haut point.
La sécurité de nos compatriotes a été gravement mise en danger et leur rapatriement constitue une déchirure, souvent synonyme de drames personnels, d'ordre familial, social et économique. Des soldats français sont morts à la suite d'une agression aérienne inadmissible. Toutes les responsabilités doivent être pleinement établies.
Après ces jours de feu et de sang qui ont secoué la Côte d'Ivoire, on compte hélas ! de trop nombreuses victimes au sein de la population civile.
A cet égard, la presse internationale s'est fait l'écho des critiques existant à l'égard de la répression des manifestations à Abidjan. Au-delà des manipulations toujours possibles dans de tels cas, les réponses que nous avons entendues à ce jour ne sont pas de nature à apaiser nos inquiétudes.
M. Josselin de Rohan. C'est honteux !
M. Didier Boulaud. D'une part, nous voudrions être convaincus que la riposte militaire de nos forces a été envisagée en prenant toutes les précautions en vue d'en maîtriser les conséquences.
M. Dominique Braye. C'est une honte !
M. Josselin de Rohan. Superflu !
M. Dominique Braye. C'est à cause du socialiste Gbagbo !
M. Didier Boulaud. D'autre part, on peut se demander si les troupes envoyées à Abidjan étaient les plus adaptées à des opérations de maintien de l'ordre. (Vives protestations sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Dominique Braye. Voyez avec votre ami Gbagbo !
M. Didier Boulaud. Si nous voulons que l'heure soit à l'apaisement, il faut en créer les conditions.
Le Conseil de sécurité a réaffirmé, lors de la résolution 1572 du 15 novembre 2004, son ferme attachement au respect de la souveraineté, de l'indépendance, de l'intégrité territoriale et de l'unité de la Côte d'Ivoire.
Cette résolution rappelle aussi l'importance des principes de bon voisinage, de non-ingérence et de coopération régionale. A l'heure où plusieurs pays africains sont en proie à des phénomènes de désintégration étatique, il nous semble essentiel de réaffirmer ces principes.
M. Dominique Braye. Les principes socialistes de Gbagbo, l'ami de Pierre Mauroy !
M. Didier Boulaud. Par ailleurs, nous pensons que la communauté internationale doit agir avec force pour éviter une nouvelle dégradation de la situation. Nous savons tous qu'il ne saurait y avoir une solution militaire à la crise et qu'il est nécessaire que le président de la République de Côte d'Ivoire, les partis politiques et les dirigeants des forces nouvelles s'engagent fermement ...
M. le président. Votre question, monsieur Boulaud !
M. Didier Boulaud. J'ai été interrompu, monsieur le président ! (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. René-Pierre Signé. Il conclut, monsieur le président !
M. Didier Boulaud. Il est donc nécessaire, disais-je, qu'ils s'engagent fermement à respecter les accords qui ont déjà été signés, notamment pour ce qui concerne le règlement de la question de l'éligibilité à la présidence de la République, à savoir l'ivoirité, le désarmement des groupes paramilitaires des milices, le démantèlement des groupes de jeunes émeutiers.
Aussi vous poserai-je, monsieur le Premier ministre, trois questions rapides. (Exclamations sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
Monsieur le Premier ministre, allez-vous oeuvrer pour que toute la lumière soit faite sur l'enchaînement des événements qui ont plongé les Ivoiriens et nos ressortissants dans une nouvelle tragédie ?
Deuxièmement, quelles dispositions envisagez-vous pour contribuer au désarmement effectif de tous les groupes paramilitaires et des milices ?
Troisièmement, je pense qu'il faut envisager, dans le cadre du mandat de l'ONU, la recomposition de la force internationale allant dans le sens d'un plus grand multilatéralisme, et il est urgent de redéfinir les missions de la présence militaire française.
M. le président. C'est terminé, monsieur Boulaud !
M. Didier Boulaud. Le moment n'est-il pas venu d'obtenir ...
M. Dominique Braye. De votre ami Gbagbo !
M. Didier Boulaud. .. que les forces françaises soient relayées par une force européenne qui, aux côtés des forces africaines de la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest, la CEDEAO, constituerait la véritable ossature de l'opération des Nations unies en Côte d'Ivoire, l'ONUCI ?
M. le président. Monsieur Boulaud, à l'avenir, si vous ne voulez pas être interrompu, n'interrompez jamais les autres !
M. Didier Boulaud. Je ne le fais jamais, monsieur le président ! (Sourires.)
M. Alain Gournac. C'est une habitude !
M. Didier Boulaud. C'est plutôt M. Braye qui braille !
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense. Monsieur Boulaud, vous avez repris un certain nombre des propos qui sont précisément au coeur des opérations de désinformation, ...
M. Didier Boulaud. Sous forme interrogative !
M. Alain Gournac. Cela ne mérite pas de réponse !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. ...ce qui me permet de rappeler la réalité.
Comme je l'ai dit tout à l'heure, les soldats français ont agi dans le cadre de la mission qui leur avait été confiée par l'ONU et dans le respect total des règles militaires.
Je vous ai expliqué tout à l'heure les trois phases qu'ils ont toujours respectées. Il n'y a donc rien à leur reprocher et n'importe qui pourra en faire la démonstration, nous en avons un bon exemple grâce aux témoignages de ceux qui, malheureusement, étaient sur place.
En ce qui concerne le nécessaire désarmement, la dernière résolution votée le lundi 15 novembre prévoit deux mesures très importantes pour ramener la paix en Côte d'Ivoire. La première est l'embargo sur les armes, qui touche les deux protagonistes, c'est-à-dire le Gouvernement mais également les forces nouvelles, et qui s'applique, bien entendu, à tous les pays fournisseurs, éventuellement aux pays transitaires, c'est-à-dire aux pays voisins. La seconde mesure rappelle la résolution précédente, de la même façon que les accords d'Accra et de Marcoussis, c'est-à-dire la nécessité d'une solution politique, permettant le maintien de l'unité de la Côte-d'Ivoire, le retour à une vie normale pour les populations et l'organisation des élections. Seule la solution politique permettra à ce pays de garder son entité et de retrouver une vie normale.
La dernière résolution apporte quelque chose de plus, avec la menace de sanctions individuelles, qui s'appliquera à partir du 15 décembre, à l'égard de tous ceux qui essaieraient de s'opposer à la mise en oeuvre de cette résolution et des accords qui ont été, je le rappelle, signés et paraphés par toutes les parties en présence.
Notre présence sur place tient à notre mission, qui consiste à soutenir les soldats de l'ONUCI. Ces forces sont composées en grande partie de soldats africains, bangladais et pakistanais. Nous sommes simplement là en soutien pour permettre la totale application de cette mission de paix. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Adhésion de la turquie à l'union européenne
M. le président. La parole est à M. Charles Pasqua.
M. René-Pierre Signé. Il nous manquait !
M. Charles Pasqua. Personne ne m'en voudra si je rebondis quelques instants sur la question de M. Boulaud.
M. René-Pierre Signé. C'est contraire au règlement !
M. Charles Pasqua. Pour avoir eu à deux reprises la responsabilité du maintien de l'ordre, je sais que les unités militaires ne sont pas les mieux adaptées pour contenir des manifestants.
Mais, en Côte d'Ivoire, nous sommes dans un autre cas de figure. La situation était insurrectionnelle et, dans la foule des manifestants, beaucoup étaient armés et s'étaient déjà livrés à de nombreuses actions violentes et à des pillages. Par conséquent, l'intervention de l'armée a été conforme aux principes d'intervention dans ce domaine et vos attaques sont inadmissibles, permettez moi de vous le dire ! (M. Didier Boulaud fait un signe de dénégation. - Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. René-Pierre Signé. C'est la question ?
M. Raymond Courrière. C'est terminé ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Charles Pasqua. Vous protestez ? Cela m'indiffère ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. Monsieur Pasqua, veillez poser votre question !
M. René-Pierre Signé. Il a épuisé son temps de parole ! C'est un précédent !
M. Charles Pasqua. Cela ne vous fait pas plaisir ? C'est bien fait ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)
M. Charles Pasqua. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
Le 17 décembre prochain, le Président de la République et le Gouvernement vont probablement donner leur accord, au nom de la France, à l'engagement de la procédure d'ouverture des négociations pour l'entrée de la Turquie dans l'Union européenne. Le Président de la République n'a pas consulté le peuple français. Vous-même, monsieur le Premier ministre, n'avez pas consulté le Parlement. C'est votre droit le plus absolu.
M. Raymond Courrière. Donneur de leçons !
M. Charles Pasqua. Mais permettez-nous de vous dire que l'entrée de la Turquie dans l'Union européenne est de nature à modifier très profondément le caractère de l'Union européenne et suscite, au sein de notre peuple, un certain nombre d'inquiétudes et de questions.
M. le président. Veuillez poser votre question, monsieur Pasqua, sinon je vais vous couper.
M. Eric Doligé. Il a été interrompu !
M. Charles Pasqua. Celui qui va me couper n'est pas encore né ! (Sourires.) Mais vous allez décompter les interruptions, monsieur le président !
Ma question est simple : face aux dangers que représente pour la France l'entrée dans l'Union européenne d'un pays musulman dirigé par des islamistes,...
M. Raymond Courrière. Dans quinze ans !
M. Charles Pasqua. ...quelles mesures comptez-vous prendre et comment voyez-vous l'avenir en ce qui concerne la sécurité intérieure du pays devant ce qui peut être considéré par les islamistes radicaux comme un encouragement à conduire leurs actions ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. René-Pierre Signé. Ce n'est pas d'actualité !
M. Charles Pasqua. Encore un mot, monsieur le Premier ministre.
M. le président. Votre temps de parole est épuisé, mon cher collègue ! (Le micro de l'orateur est coupé.)
M. Charles Pasqua. Monsieur le Premier ministre, accepterez-vous de venir devant cette assemblée pour vous expliquer ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP. - Brouhaha prolongé sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. Un peu de discipline, mes chers collègues, s'il vous plaît ! On nous regarde !
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Claudie Haigneré, ministre déléguée aux affaires européennes. La Turquie est-elle prête à adhérer à l'Union européenne ? L'Union européenne est-elle prête à accueillir la Turquie ?
La réponse à ces questions est aujourd'hui négative.
Doit-on, pour autant, refuser d'ouvrir le dialogue et refuser d'encourager les efforts de la Turquie pour se rapprocher de l'Europe ? Certainement pas.
Vous avez raison, nous sommes à l'approche du 17 décembre, jour où doit se réunir le Conseil européen pour décider éventuellement de l'ouverture des négociations. Je ferai un bref rappel.
D'une part, le chemin de ces négociations sera long - dix ou quinze ans - et la procédure ne viendra pas à terme avant la fin des perspectives financières qui vont de 2007 à 2013.
D'autre part, la France, comme tous les autres Etats membres, aura le contrôle du processus à chaque étape. Rien n'est automatique, ces négociations peuvent être suspendues et interrompues à tout moment.
Enfin, nul ne peut préjuger aujourd'hui de l'issue de ces négociations. Elles peuvent aboutir à une adhésion, ou bien à un échec, ou encore, si les discussions le laissent apparaître, à la mise en place d'un lien privilégié entre l'Union et la Turquie.
Notre conviction - la mienne, celle de Michel Barnier - est que la Turquie présente un intérêt politique et stratégique majeur en ce qu'elle peut devenir une frontière démocratique stable et sûre pour l'Europe.
Le Parlement sera en permanence informé de l'évolution de ces discussions.
M. Yannick Bodin. Par les journaux !
Mme Claudie Haigneré, ministre déléguée. Comme nous en avons déjà parlé hier et comme la conférence des présidents l'a prévu, un débat sera organisé ici, au Sénat, en janvier 2005. (Applaudissements.)
Soyez assurés que, comme à l'Assemblée nationale, le Premier ministre et le Gouvernement seront particulièrement attachés à la qualité de cet important débat.
Je tenais également à vous signaler que, dans le cadre de la révision de la Constitution, vous serez bientôt amenés à réfléchir et à travailler sur les dispositifs concernant la mise en oeuvre d'un référendum pour les futures adhésions, de façon que chaque citoyen ait la possibilité de s'exprimer directement sur cet enjeu majeur. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La conférence des présidents a retenu, en effet, pour le mois de janvier prochain, le principe d'un débat ici, au Sénat. Monsieur le Premier ministre, voulez-vous le confirmer ?
M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Je le confirme, monsieur le président.
agence de financement des infrastructures de transport
M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Emorine.
M. Jean-Paul Emorine. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer.
Le comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire du 18 décembre 2003 a retenu le principe d'un établissement public spécifique.
L'Agence pour le financement des infrastructures de transport de France, l'AFITF, dont la création avait été souhaitée au Sénat et dont le fonctionnement vient d'être précisé par décret, devrait donc, à compter de 2005, prendre en charge une grande partie des dépenses allouées au développement routier.
Pouvez-vous nous dire, monsieur le ministre, s'il y aura, grâce à l'AFITF, plus d'argent pour les routes en 2005 ?
M. Charles Pasqua. Il peut le faire ! Il va le faire ! (Sourires.)
M. Jean-Paul Emorine. Par ailleurs, une relance des contrats de plan Etat-région est annoncée dans le collectif budgétaire de fin d'année. C'est une bonne nouvelle, car, si des financements importants ont été inscrits aux contrats de plan, encore faut-il les mettre en place. On peut, certes, comprendre les contraintes européennes que les critères de convergence fixés par le traité de Maastricht font peser sur nos finances publiques ; mais, dans de nombreuses régions, les élus se plaignent que les chantiers en cours soient ralentis, voire arrêtés.
Ainsi, en Saône-et-Loire, l'aménagement de la route Centre Europe Atlantique, ou RCEA, qui va de Poitiers à Mâcon, monsieur le Premier ministre, a pris du retard et a été déclaré priorité nationale par le CIADT. Son aménagement est vital, tant pour des raisons de sécurité routière et de fluidité du trafic que pour assurer le désenclavement et l'avenir des territoires du centre de la France.
C'est pourquoi, monsieur le ministre, je souhaiterais avoir l'assurance que les perspectives récemment ouvertes par le Gouvernement avec la mise en place de l'AFITF et la volonté que vous avez de relancer les contrats de plan, vont réellement permettre de financer et de faire avancer les travaux de la RCEA. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer. J'ai le plaisir de vous informer que les statuts de l'AFITF sont parus hier au Journal officiel.
M. Jacques Mahéas. Il ne l'a pas lu !
M. Gilles de Robien, ministre. Cette agence sera opérationnelle le 1er janvier 2005. Par définition, l'AFITF sera intermodale. Comme vous le savez, les trois quarts des financements ne seront pas routiers, mais une partie non négligeable du reste sera réservée à la route.
En ce qui concerne la RCEA, elle sera éligible bien évidemment aux 300 millions d'euros que vient de décider le Premier ministre au titre du plan de relance routier qui était attendu par les élus et que vous avez vous-même souhaité.
M. Charles Pasqua. Très bien !
M. Gilles de Robien, ministre. La RCEA a besoin de ces crédits, car la sécurité mérite d'être encore améliorée.
Je tiens à vous signaler que la RCEA sera aussi éligible à l'AFITF. Ainsi, 500 millions d'euros ont été réservés entre 2005 et 2012 pour certains grands projets inclus dans les contrats de plan et nécessaires aux infrastructures de notre pays. La RCEA en fera partie.
Et, pour décliner cette politique d'aménagement du territoire et de relance du plan routier, nous allons, avec Frédéric de Saint-Sernin et François Goulard, nous rendre dans vingt régions de France de façon à expliquer ce plan de relance, à expliquer la politique d'aménagement du territoire et des services publics de proximité et enfin dire, droit dans les yeux, aux présidents de région qui disent actuellement le contraire - et il y en a ! -, que, s'ils augmentent les impôts, ce n'est certainement pas parce que l'Etat ne remplit pas ses obligations.
Aujourd'hui, dire que l'augmentation de la fiscalité régionale est due à l'insuffisance des crédits apportés par l'Etat serait, eu égard à ce plan de relance, soutenir une contrevérité. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
mariages blancs
M. le président. La parole est à Michel Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Monsieur le Premier ministre, un réseau organisant, moyennant finances, des mariages blancs vient d'être démantelé : de telles mafias, nous en sommes tous d'accord, doivent être sévèrement réprimées.
Cela ne doit pas faire oublier que le Conseil constitutionnel, le 20 novembre 2003, en modifiant l'article 175-2 du code civil tel que prévu par la loi Sarkozy, a considéré « que le respect de la liberté du mariage, composante de la liberté personnelle protégée par les articles II et IV de la Déclaration de 1789, s'oppose à ce que le caractère irrégulier du séjour d'un étranger fasse obstacle par lui-même au mariage de l'intéressé. »
Il a donc annulé, parce que « de nature à dissuader les intéressés de se marier », les dispositions « prévoyant, d'une part, le signalement à l'autorité préfectorale de la situation d'un étranger accomplissant les formalités de mariage sans justifier de la régularité de son séjour et, d'autre part, la transmission au préfet de la décision du procureur de la République de s'opposer à la célébration du mariage. »
Or, en pratique, des procureurs ordonnant une enquête afin de rechercher si un mariage n'est pas envisagé « dans un but autre que l'union matrimoniale », l'intéressé se voit interroger sur sa situation au regard du séjour, et, si elle se révèle irrégulière, placé en garde à vue, puis, la police ayant rendu compte de cette situation à la préfecture, placé en rétention administrative sur le fondement d'un arrêté de reconduite à la frontière.
Cette pratique tourne à l'évidence la loi et outrage le Conseil constitutionnel, la Constitution et la Déclaration des droits de l'homme.
Monsieur le Premier ministre, par une question écrite du 13 mai, renouvelée le 29 juillet et demeurée sans la moindre réponse, je vous ai exposé qu'une telle pratique devrait donner lieu à sanctions à l'égard des parquetiers, des policiers ou des préfets - je les cite dans l'ordre de la chaîne - qui s'y prêteraient.
Je vous demandais alors, monsieur le Premier ministre, si vous partagiez mon analyse et, si oui, quelles dispositions vous entendiez prendre et quand, et, si non, pourquoi votre sentiment divergeait du mien.
A cette même question, à laquelle il m'est indiqué que c'est M. le ministre de l'intérieur qui va répondre, alors que c'est à vous que je l'avais posée, puisqu'elle concerne plusieurs ministères, vais-je, aujourd'hui, obtenir une réponse digne de ce nom ?
M. Raymond Courrière. Et sérieuse ?
M. René-Pierre Signé. Jamais !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Dominique de Villepin, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Monsieur le sénateur, si je vous ai bien compris, vos accusations sont aussi graves qu'infondées...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Voyez la jurisprudence !
M. René-Pierre Signé. Si elles sont infondées, elles ne sont pas graves !
M. Dominique de Villepin, ministre. ...et mettent en cause non seulement des hauts fonctionnaires et des magistrats, mais aussi des maires.
Sachez que la loi est appliquée sans restriction pour lutter contre la pratique des mariages blancs, qui constituent un détournement inacceptable de l'institution du mariage...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je l'ai dit, mais vous ne m'avez pas écouté !
M. Dominique de Villepin, ministre. ...et un détournement de la légalité républicaine, puisqu'ils visent à faire acquérir, par un biais détourné, la nationalité française.
Les opérations de démantèlement que nous avons menées la semaine dernière à Clermont-Ferrand témoignent de notre totale détermination. Et le fait qu'il a été procédé à quarante-deux interpellations...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je l'ai dit !
M. Dominique de Villepin, ministre. ... montre que ces mariages blancs sont loin d'être des cas marginaux. (Applaudissements sur certaines travées de l'UMP.)
Notre mobilisation et notre détermination sont aussi fortes lorsqu'il s'agit de lutter contre l'immigration irrégulière...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ce n'est pas la question !
M. Dominique de Villepin, ministre. ...qui, nous le savons, est en recrudescence.
C'est pourquoi nous voulons nous doter de moyens supplémentaires.
M. René-Pierre Signé. Ce n'est pas une réponse !
M. Dominique de Villepin, ministre. Le nombre de places dans les centres de rétention administrative a, ainsi, été accru.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ce n'est pas ma question !
M. Dominique de Villepin, ministre. Par ailleurs, ont été créés, dans chaque département, des pôles d'éloignement, dans lesquels seront regroupées les compétences des services administratifs comme de nos forces de sécurité.
Les reconduites aux frontières seront exécutées systématiquement, et avec détermination, quand elles se révéleront nécessaires. Au cours des dix premiers mois de l'année, 13 000 reconduites ont été opérées, et nous nous fixons pour objectif d'en porter le nombre à 20 000 en 2005.
Vous le voyez, monsieur le sénateur : dans cette lutte, il n'y a pas, d'un côté, le coeur, et, de l'autre, la raison ; seul l'esprit de responsabilité prévaut, et le Gouvernement ne manque pas d'en faire preuve. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est scandaleux ! Et la liberté du mariage ?
M. René-Pierre Signé. Il n'y a pas de réponse !
M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d'actualité au Gouvernement
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures vingt.)
M. le président. La séance est reprise.
4
CANDIDATURE À un office parlementaire
M. le président. L'ordre du jour appelle la nomination d'un membre de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, en remplacement de M. Bernard Saugey, démissionnaire.
Le groupe Union pour un mouvement populaire a fait connaître qu'il propose la candidature de M. François-Noël Buffet pour siéger au sein de cette délégation.
Cette candidature a été affichée et sera ratifiée, s'il n'y a pas d'opposition, à l'expiration du délai d'une heure.
5
Financement de la sécurité sociale pour 2005
Adoption des conclusions modifiées du rapport d'une commission mixe paritaire
M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions du rapport de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2005. (n° 71)
La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Vasselle, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, l'examen du projet de loi de finances qui doit se poursuivre tout à l'heure me commande d'être bref. Je vais m'y employer, mais je ne voudrais pas donner le sentiment de « bâcler » le sujet, car la loi de financement de la sécurité sociale est un texte essentiel. Je rappelle, si besoin était, qu'en masse budgétaire elle est bien plus importante que la loi de finances. Elle mériterait donc qu'on y consacrât plus de temps et que l'auditoire soit plus nombreux, même s'il est de qualité.
La commission mixte paritaire, réunie le 24 novembre dernier au Sénat, est parvenue à un accord sur les quarante articles du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2005 qui restaient encore en discussion.
Ce nombre, en apparence élevé, ne reflétait pas le large accord existant, dès la première lecture de ce texte, entre les deux assemblées. Celui-ci contenait initialement trente-cinq articles, auxquels l'Assemblée nationale avait ajouté treize articles additionnels.
Sur les quarante-huit articles qui lui étaient transmis, le Sénat en a adopté vingt-huit sans aucune modification, mais il en a inséré vingt nouveaux.
Ce contexte de dialogue constructif a permis à la commission mixte paritaire d'élaborer un texte commun, qui comporte vingt-cinq articles dans la rédaction issue des travaux du Sénat.
Je ne retracerai pas dans le détail toutes les précisions que la commission mixte paritaire a introduites dans le projet de loi tel que nous l'avions adopté, mais quelques articles méritent que l'on s'y attarde.
Ainsi, au titre II relatif aux ressources, la commission mixte paritaire a confirmé l'interdiction faite aux industries du tabac de commercialiser des paquets contenant moins de vingt cigarettes. Bien que l'incidence de cette mesure sur les recettes de la sécurité sociale soit incertaine ? et par là sa recevabilité en loi de financement ?, la commission a estimé que les enjeux de santé publique devaient primer, et qu'il était justifié de mettre un terme à la pratique des « tarifs publicitaires » permettant à ces industries de conquérir des parts de marché, notamment auprès des jeunes, en diminuant les prix des paquets.
En revanche, la commission mixte paritaire n'a pas retenu, en l'état, le principe d'une extension des contrats « vendanges » à l'ensemble des activités de récoltes, que nous avions adopté en première lecture. Elle a en effet jugé cette notion insuffisamment précise pour faire l'objet d'un dispositif dérogatoire. Il serait souhaitable, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'une réflexion soit menée sur le travail saisonnier, notamment en ce qui concerne les récoltes. On pourrait imaginer que la profession agricole puisse bénéficier de mesures identiques dans d'autres domaines.
Au titre III relatif à l'assurance maladie, la commission mixte paritaire a maintenu les modalités de contrôle du bon usage des prescriptions médicales que insérées sur une initiative du Sénat. C'est un point très important. Tout au plus a-t-elle renvoyé à un décret l'énumération des documents sur lesquels devront obligatoirement figurer les numéros d'indentification des praticiens hospitaliers. Je crois savoir que le Gouvernement doit nous présenter tout à l'heure un amendement de coordination avec cette modification apportée par la CMP.
En revanche, la commission mixte paritaire a supprimé la disposition que le Sénat avait votée pour maintenir à leur niveau actuel l'assiette et le taux de cotisation employeur à l'assurance maladie des maîtres du privé. Chaque fois que des mesures tendent à priver l'assurance maladie de quelques recettes ou à augmenter ses charges, nous ne manquons pas de réagir. Mais, grâce à la réforme de la loi organique relative aux lois de financement, tout cela appartiendra bientôt au passé.
La perte de recettes pour la sécurité sociale a été estimée à environ 20 millions d'euros. Nos collègues députés ont convenu que la mesure n'était pas très heureuse de ce point de vue. Il serait donc souhaitable, monsieur le secrétaire d'Etat, de connaître les intentions du Gouvernement à cet égard : des dispositions seront-elles prises pour assurer la compensation effective de cette pertes de recettes ?
A l'évidence, nous rendons service au Gouvernement en lui permettant de régler les problèmes du statut et du régime de retraite des enseignants, mais il ne faudrait pas que, par un système de vases communicants, cela se fasse au détriment de l'assurance maladie.
En ce qui concerne le titre IV relatif aux autres politiques de sécurité sociale, la commission mixte paritaire a trouvé un accord pour conserver la disposition permettant l'extension du congé de maternité au bénéfice des mères d'enfants très prématurés et hospitalisés. Cet article a été introduit dans le titre relatif à l'assurance maladie, dont relève le régime de la maternité, et dans la rédaction que le Sénat avait précédemment adoptée dans le cadre du projet de loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.
Dans le même ordre d'idées, la CMP a également confirmé la dérogation accordée aux femmes enceintes présentant une grossesse pathologique consécutive à l'exposition au distilbène.
Enfin, la commission mixte paritaire a rétabli le dispositif voté par l'Assemblée nationale, pour que chacune des branches dispose d'un mécanisme d'alerte en cas de dérapage des dépenses sociales. La rédaction définitivement retenue est celle qu'avait présentée au Sénat notre excellent collègue Jean-Jacques Jégou, au nom de la commission des finances.
Je conclurai en rappelant à nos collègues que nous avons désormais comme perspective proche la réforme de la loi organique relative aux lois de financement. Nous espérions examiner ce texte après la loi de finances ; nous en discuterons peut-être au début de l'année prochaine. Je compte sur vous, monsieur le président, pour que la proposition de loi organique soit examinée rapidement. Du reste, vous avez fait confirmer ici même, par le Premier ministre, que ce texte serait discuté en première lecture par la Haute Assemblée.
M. le président. Je vous remercie de confirmer la confiance que vous me portez !
M. Alain Vasselle, rapporteur. J'espère que vous n'en doutiez pas, monsieur le président !
Mes chers collègues, dans quelques instants, nous allons donc adopter le dernier projet de loi de financement de la sécurité sociale de la première génération. Je souhaite que l'expérience tirée de ces neuf années guide notre réflexion dans la meilleure direction possible. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Xavier Bertrand, secrétaire d'Etat à l'assurance maladie. Monsieur le président, si j'ai bien compris, ma tâche aujourd'hui est double : faire adopter définitivement les conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2005 et être concis. Le second objectif me semble plus difficile à atteindre que le premier. (Sourires.)
Mesdames, messieurs les sénateurs, nous approchons du terme du travail législatif sur le projet de loi de financement pour 2005. Je tiens, à mon tour, à remercier les sénateurs membres de la commission mixte paritaire, tout particulièrement M. le rapporteur, pour la qualité de leurs travaux.
Mes remerciements vont aussi à l'ensemble des membres de la Haute Assemblée, qui ont pris une part très active et constructive à la discussion de ce texte.
Le débat au Sénat a permis tout particulièrement d'introduire des dispositions importantes dans le texte. Je pense, par exemple, à l'identification des médecins hospitaliers, aux conditions d'utilisation de la carte vitale ou à la vie conventionnelle.
Le texte issu des travaux de la commission mixte paritaire nous semble tout à fait équilibré. Il renforce les orientations du projet du Gouvernement tout en maintenant les principaux changements adoptés par les deux assemblées.
Ce projet de loi de financement pour 2005 est un texte resserré, car il prend la suite de la réforme de l'assurance maladie, qui avait mobilisé les assemblées parlementaires, et notamment le Sénat, pendant quarante-cinq heures de débat. Il contient néanmoins des dispositions importantes, qu'il s'agisse de la réalisation de l'opération d'adossement du régime de retraite des industries électriques et gazières, les IEG, de la consolidation du financement des fonds relatifs à l'amiante ou du lancement de la procédure de certification des comptes de la sécurité sociale.
Ce texte marque également l'amorce du redressement des comptes sociaux, notamment ceux de l'assurance maladie. Nous entamons, comme prévu, le retour vers l'équilibre, et 2005 en est la première étape. La Haute Assemblée a marqué, tout au long des débats, son souci d'accompagner et de soutenir ce redressement, qui est indispensable pour la pérennité de notre sécurité sociale.
Comme vous le savez, nous sommes, avec Philippe Douste-Blazy, totalement mobilisés pour appliquer la réforme de l'assurance maladie : la nouvelle gouvernance est installée, les négociations conventionnelles s'engagent aujourd'hui, et la parution des décrets se poursuit sur un rythme intensif. Je peux d'ores et déjà vous indiquer, mesdames, messieurs les sénateurs, qu'au moment où je vous parle, un tiers des décrets sont publiés.
M. le président. Très bien !
M. Xavier Bertrand, secrétaire d'Etat. Nous sommes fidèles à notre feuille de route pour que 2005 soit effectivement l'année du renouveau de l'assurance maladie. Je sais que nous pourrons compter sur le soutien des membres de la Haute Assemblée.
Je voudrais, pour conclure, vous donner à nouveau rendez vous dans quelques semaines pour l'examen du projet de loi portant réforme de la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale.
Je sais l'intérêt tout particulier que manifestent les membres de la Haute Assemblée pour ce sujet. Je sais aussi l'intérêt que porte votre rapporteur à la question de la loi organique, qui nous apportera un certain nombre de garanties. Ce texte, qui sera examiné en première lecture au Sénat, comme le Gouvernement s'y était engagé cet été, est très attendu, car il nous permettra de rénover les lois de financement et de renforcer leur rôle.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens à vous remercier de l'excellent travail qui a pu être accompli au sein de la Haute Assemblée. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. Nous sommes tous sensibles, monsieur le secrétaire d'Etat, aux compliments que vous nous avez adressés. Nous n'en sommes pas surpris, mais ils sont toujours agréables à entendre !
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je serai également très bref : nous avons déjà beaucoup débattu et d'autres rendez-vous sont prévus.
A l'issue de cette commission mixte paritaire, nos positions restent inchangées, parce que le texte final est dans le droit-fil de celui qui était issu de la première lecture.
Le budget 2004 de la sécurité sociale affiche un déficit sans précédent. Pour la première fois, les quatre branches sont déficitaires. On peut se demander si le Gouvernement ne s'est pas trompé dans sa politique de l'emploi depuis quelques années ; j'en veux pour preuve le projet de loi, fort discuté, de programmation pour la cohésion sociale, présenté par M. Borloo, qui tend à en modifier les orientations initiales. Le Gouvernement a tardé à engager la réforme de l'organisation de l'offre de soins et a accru les dépenses en satisfaisant certaines revendications sans réelles contreparties.
Le budget prévisionnel pour 2005 devrait diminuer le déficit afin de retrouver l'équilibre financier en 2007, mais la méthode est, nous semble-t-il, purement financière et comptable. Elle devra traverser l'épreuve des faits. Nous constaterons les résultats l'année prochaine.
Les économies se font parce que le Gouvernement se débarrasse du déficit historique et de la dette sur les générations futures, au travers de la caisse d'amortissement de la dette sociale, la CADES, parce qu'il met de plus en plus à contribution les assurés sociaux, en continuant de mener une politique de fuite en avant. Je citerai, à cet égard, la diminution des remboursements et des prestations, l'augmentation des prélèvements, le blocage de la politique conventionnelle, et tout cela parce que le Gouvernement réalise des économies sur le dos des familles les plus modestes.
Pendant vingt-quatre heures, le Sénat avait été à la hauteur de sa réputation de sagesse en supprimant la contribution de 1 euro par consultation médicale. Il est dommage d'avoir fait marche arrière. Mais nous ne doutions pas de l'issue...
Cela étant, monsieur le secrétaire d'Etat, je continue de trouver incompréhensible que vous n'ayez pas accepté d'exonérer de cette contribution les personnes handicapées et les victimes d'accidents du travail et de maladies professionnelles. La mesure, en l'état, est, à notre sens, aveugle et sans effet positif sur les personnes les plus vulnérables.
Je souligne que cette contribution de 1 euro pour les personnes atteintes de maladies professionnelles ou accidentées du travail n'a aucune logique : celui qui doit consulter fréquemment un médecin parce que son employeur a des pratiques telles qu'il a même été condamné pour faute inexcusable ne devrait pas avoir à payer cet euro.
Vous comprendrez donc que, n'ayant pas obtenu satisfaction sur cette exonération, nous puissions encore moins souscrire au dispositif.
Ce texte ne présente donc, à notre sens, aucune avancée par rapport à la première lecture et aux débats d'origine, à l'exception - comme l'a rappelé tout à l'heure M. le rapporteur - de trois dispositions issues d'amendements déposés entre autres par le groupe socialiste. Il en est ainsi du conditionnement des paquets de cigarettes, qui ne peuvent désormais contenir moins de vingt cigarettes. Cette mesure de santé publique extrêmement importante va dans le sens des observations que M. le rapporteur a formulées. Je citerai également les dispositions permettant la prise en charge des femmes victimes d'une exposition au distilbène et au stilboestrol, le DES, et l'allongement de la durée du congé de maternité post-natal en cas de naissance prématurée.
Nous sommes très heureux que cette dernière mesure soit adoptée, car elle a fait l'objet d'une véritable bataille, qui nous a opposés à vous, monsieur le secrétaire d'Etat, mais aussi à Mme Montchamp. Finalement, nous répondons ici à une véritable nécessité de santé publique.
Cela étant, ces trois dispositions, pour intéressantes qu'elles soient, ne sont pas de nature, vous le comprendrez bien, à nous faire changer d'avis. Notre vote sera donc négatif,...
M. Alain Vasselle, rapporteur. C'est bien dommage !
M. Jean-Pierre Godefroy. ... et nous prenons, comme vous, monsieur le rapporteur, rendez-vous pour la loi organique.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Heureusement que nous sommes là pour l'application des mesures !
M. le président. La parole est à M. François Autain.
M. François Autain. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous arrivons au terme de l'élaboration de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2005, et nous sommes bien forcés de constater que ce projet de loi, socialement et économiquement désastreux pour nos concitoyens, n'a quasiment pas été modifié.
Alors que l'immensité des besoins non satisfaits en matière de prise en charge est connue de tous, ...
M. Alain Vasselle, rapporteur. Vous ne le pensez pas, monsieur Autain.
M. François Autain. ...ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2005 ne contient que des mesures d'économie drastiques et aucune proposition de financement permettant à notre sécurité sociale d'améliorer la prise en charge socialisée des dépenses de santé.
Mais rien n'est dû au hasard ; ce projet de loi ne fait que prolonger en les aggravant les réformes régressives pour notre système de protection sociale intervenues depuis deux ans et dont la dernière en date portait sur l'assurance maladie. C'est d'ailleurs à cause de cette dernière que, selon M Douste-Blazy, le Gouvernement a été conduit à présenter un projet de loi de financement de la sécurité sociale « plutôt court », pour ne pas dire « plutôt vide » !
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous ne prenez aucune mesure sérieuse pour redresser les finances de la sécurité sociale. Ainsi, vous préférez reporter sur les générations futures le déficit passé et à venir de l'assurance maladie et faire payer toujours plus les assurés sociaux par la création du « déremboursement » de 1 euro, par une augmentation du forfait hospitalier, de la contribution sociale généralisée et de la contribution pour le remboursement de la dette sociale, au lieu de prendre l'argent là où il est, c'est-à-dire là où se créent les richesses.
Vous avez ainsi rejeté toutes les propositions alternatives de financement et avez préféré multiplier les mesures de restriction et de sanction à l'égard des assurés sociaux et de l'hôpital public en épargnant, curieusement, les autres acteurs de notre système de santé.
Face à la situation pour le moins critique des recettes, vous persistez à invoquer les économies sur les dépenses qui, lorsqu'elles ne sont pas irréalistes, se font au détriment des assurés sociaux : économies sur les affections de longue durée à hauteur de 800 millions d'euros ; économies sur les arrêts de travail et les indemnités journalières, pour 300 millions d'euros ; 1 milliard d'euros d'économies au titre de la maîtrise médicalisée des dépenses de santé qui, on le sait, n'a jamais été possible dans notre pays en raison de l'opposition de la majorité des médecins libéraux, l'échec du médecin référent en témoigne. Quant à l'hôpital, vous lui imposez 850 millions d'euros d'économies, alors que cette institution est au bord de l'asphyxie par manque de moyens, ce qui se traduit par une altération de la qualité des soins dispensés.
Et toutes ces restrictions pour quels résultats ? Je me permets de vous rappeler, monsieur le secrétaire d'Etat, que le déficit du régime général, qui était de 3,4 milliards d'euros en 2002, atteint 14 milliards d'euros cette année ! Pour la branche maladie, quand vous avez pris le pouvoir, le déficit était de 64 milliards d'euros, et il est désormais passé à 13,2 milliards d'euros cette année. En somme, depuis votre arrivée, le déficit du régime général a pratiquement quintuplé et celui de la branche maladie, doublé.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Ne forcez pas le trait !
M. François Autain. Face à ce bilan calamiteux, vous niez toute responsabilité et accusez notre système de protection sociale d'être défaillant, de produire un « déficit abyssal » de l'assurance maladie, responsable d'une hémorragie de « 23 000 euros par minute ». Vous pointez du doigt les « abus », vous « pénalisez », faites peur aux citoyens, les culpabilisez et exigez d'eux toujours plus de sacrifices.
Or nous savons tous que votre vision du déficit de la sécurité sociale, imputable à un prétendu comportement déviant d'une partie de la population, n'est que pur fantasme, que la fraude à l'assurance maladie par les assurés sociaux ne représente que 0,46 % des dépenses de santé, et que le nombre d'arrêts de travail abusifs est de l'ordre de un pour cent mille seulement.
M. François Autain. Ce qu'il faut dire à nos concitoyens, c'est que la croissance des dépenses de santé est une caractéristique des pays développés dont la cause est à rechercher beaucoup plus dans les progrès accomplis par la médecine et le vieillissement des populations que par les comportements déviants des uns ou des autres. Cette augmentation des dépenses de santé, comme le Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie l'a reconnu, est de nature structurelle.
Or, me semble-t-il, vous prenez le chemin inverse. Vous comprendrez aisément qu'une telle attitude à du mal à nous convaincre de votre attachement au principe d'égalité et de solidarité qui fonde notre protection sociale, et ce malgré vos nombreuses bonnes intentions déclarées.
En réalité, vous ne vous êtes pas donné les moyens de remédier efficacement, véritablement, aux graves difficultés financières de notre système d'assurance maladie. En préconisant des économies drastiques en matière de soins, au risque d'en compromettre la qualité et l'accès égal pour tous, et en exonérant les entreprises des cotisations patronales, sans toujours d'ailleurs en assurer la compensation par l'Etat, vous êtes en train de programmer l'effondrement de notre système de protection sociale.
Non seulement vous organisez le transfert des charges vers les assurés par la réduction du périmètre de prise en charge des dépenses, mais vous allez dynamiter l'architecture actuelle de la branche maladie de la sécurité sociale au moyen d'un double mouvement concomitant d'étatisation et de privatisation.
Inégalités sociales et régionales de santé, insuffisance grave de la santé au travail et de la prévention, grande misère de l'hôpital public, manque criant d'emplois et de formation qui fait plonger la démographie médicale, voilà autant de questions auxquelles devrait répondre une véritable réforme, afin de construire un système de santé mieux coordonné et plus efficace.
Or ce projet de loi n'est pas à la hauteur de ces enjeux. Prenons le cas des hôpitaux, qui intéresse particulièrement M. le rapporteur et les membres de la commission : non content d'ignorer l'étranglement financier de certains établissements de soins, vous programmez la poursuite du plan « Hôpital 2007 » qui ne fait que rechercher la rentabilisation des pratiques hospitalières au détriment de la prise en charge globale du malade.
M. Alain Vasselle, rapporteur. C'est faux !
M. François Autain. Monsieur le rapporteur, j'en veux pour preuve la manifestation qui s'est tenue à la Mutualité, il y a quelques jours. Les participants étaient nombreux et représentaient les personnels d'un grand nombre d'hôpitaux. Et ce n'est qu'un début ! Cela témoigne d'un réel malaise de la profession. C'est pourquoi il faudra prendre en considération le problème de l'hôpital non plus sous l'angle purement comptable des économies réalisées mais sous celui de la souffrance du personnel et de la détérioration de la qualité des soins qui y sont dispensés.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Nous aurons l'occasion d'en reparler !
M. François Autain. En ce qui concerne la branche famille, vous persistez dans votre politique d'individualisation de la prise en charge de la petite enfance. Par ailleurs, vous avez supprimé l'article 24 A, qui visait à rallonger le congé maternité des mères d'enfants prématurés, et ce au prétexte qu'un article de la loi sur l'égalité des droits et des chances prévoyait un dispositif quasi similaire.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Mon cher collègue, m'autorisez-vous à vous interrompre ?
M. François Autain. Je vous prie, monsieur le rapporteur.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur, avec l'autorisation de l'orateur.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Monsieur Autain, je vous le confirme : l'article 24 A a bien été rétabli, mais sous une autre forme, dans le code du travail. N'ayez donc plus aucune inquiétude et renoncez à cet argument, puisque vous avez satisfaction.
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur Autain.
M. François Autain. Monsieur le rapporteur, je prends acte de cette déclaration et j'aborde donc le thème de la branche vieillesse.
Vous tirez très logiquement les conséquences catastrophiques, pour cette branche, de la réforme des retraites et de la privatisation annoncée des entreprises publiques EDF-GDF.
Enfin, pour parachever la limitation autoritaire des dépenses de santé, vous avez volontairement fixé un objectif national de dépenses d'assurance maladie trop faible, à 3,2 %, alors que les prévisions pour 2004, pourtant supérieures, ne seront pas respectées, malgré la rémission de fin d'année. Un tel objectif sera donc bien évidemment dépassé, puisqu'il se fonde sur des hypothèses macroéconomiques erronées.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Nous en reparlerons !
M. François Autain. Au moment où vous nous demandez, monsieur le secrétaire d'Etat, d'adopter ce projet, il est piquant d'entendre le nouveau ministre chargé de l'économie déclarer que le taux de croissance pour 2005 ne sera pas supérieur à 2 %. Cette annonce rend, du même coup, le projet de loi de financement de la sécurité sociale caduc avant même qu'il ait connu le moindre début d'application.
Bref, nous ne pouvons que rejeter avec force ce texte, qui n'est qu'une illustration supplémentaire de votre politique de démantèlement de l'Etat social.
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ? ...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire.
Je rappelle que, en application de l'article 42, alinéa 12, du règlement, lorsqu'il examine après l'Assemblée nationale le texte élaboré par la commission mixte paritaire, le Sénat se prononce par un seul vote sur l'ensemble du texte, en ne retenant que les amendements ayant reçu l'accord du Gouvernement.
TITRE Ier
ORIENTATION ET OBJECTIFS DE LA POLITIQUE DE SANTÉ ET DE SÉCURITÉ SOCIALE
TITRE Ier BIS
CONTRÔLE DE L'APPLICATION DES LOIS DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Article 1er bis
(Texte élaboré par la commission mixte paritaire)
L'article L. 132-3-2 du code des juridictions financières est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Elle établit, en liaison avec les chambres régionales des comptes, un programme trisannuel des travaux à mener notamment sur l'évaluation comparative des coûts et des modes de gestion des établissements financés par l'assurance maladie. Elle en rend compte dans le rapport mentionné à l'article L.O. 132-3. »
Article 1er ter
(Texte élaboré par la commission mixte paritaire)
I. - Après l'article L. 131-7 du code de la sécurité sociale, il est inséré un article L. 131-8 ainsi rédigé :
« Art. L. 131-8. - Le Gouvernement remet chaque année, avant le 1er octobre, un rapport aux commissions compétentes des assemblées sur les conditions d'application de l'article L. 131-7.
« Ce rapport retrace notamment :
« - les différentes mesures donnant lieu à compensation, réparties par nature ;
« - les différentes mesures ne donnant pas lieu à compensation intégrale ;
« - la ventilation des mesures de compensation par branche et par régime de base obligatoire ;
« - l'évolution des mesures de compensation sur les trois derniers exercices clos, l'exercice en cours et l'exercice à venir ;
« - les mesures donnant lieu à application du principe de compensation envisagées pour l'année à venir ;
« - le montant des créances sur l'Etat détenues par les organismes de sécurité sociale ou par les fonds concourant à leur financement au titre de l'application des dispositions de l'article L. 131-7. »
II. - Dans le même code, l'article L. 131-7-1 devient l'article L. 131-9.
Article 1er quater
(Texte élaboré par la commission mixte paritaire)
I. - L'article L. 227-1 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Après le 2° du I, il est inséré un 2° bis ainsi rédigé :
« 2° bis Les objectifs d'amélioration de la productivité du réseau et de son organisation territoriale ; »
2° Le III est ainsi modifié :
a) Dans la première phrase, les mots : « minimale de trois ans » sont remplacés par les mots : « minimale de quatre ans » ;
b) Il est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les conventions et, le cas échéant, les avenants qui les modifient sont transmises à la commission mentionnée à l'article L. 111-9. »
II. - Avant le dernier alinéa de l'article L. 228-1 du même code, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le président du conseil de surveillance peut solliciter de l'inspection générale des affaires sociales, en accord avec le ministre chargé de la sécurité sociale, une mission d'appui dans le cadre des travaux préparatoires à la rédaction de l'avis mentionné à l'alinéa précédent. »
III. - Le chapitre V du titre Ier du livre Ier du même code est complété par un article L. 115-8 ainsi rédigé :
« Art. L. 115-8. - Dans le respect des lois de financement de la sécurité sociale, l'autorité compétente de l'Etat peut conclure des conventions comportant des engagements réciproques avec les organismes nationaux relevant des dispositions des articles L. 151-1 ou L. 152-1. Ces conventions comportent les dispositions prévues à l'article L. 227-1 correspondant aux missions de ces organismes. »
Article 1er quinquies A
(Texte du Sénat)
Le II de l'article L. 723-12 du code rural est ainsi modifié :
1° Dans la deuxième phrase du premier alinéa, les mots : « minimale de trois ans » sont remplacés par les mots : « minimale de quatre ans » ;
2° Après la deuxième phrase du second alinéa, sont insérées deux phrases ainsi rédigées :
« La convention est transmise au Parlement. Un bilan de son application, notamment au regard des orientations fixées par les lois de financement de la sécurité sociale, lui est également transmis dans les trois années suivant sa signature. »
TITRE II
DISPOSITIONS RELATIVES AUX RESSOURCES
Article 2 A
(Texte élaboré par la commission mixte paritaire)
I. - Dans le deuxième alinéa de l'article L. 3511-2 du code de la santé publique, le chiffre : « dix-neuf » est remplacé par le chiffre : « vingt ».
II. - Le I du présent article entrera en vigueur dans un délai de huit mois à compter de la promulgation de la présente loi.
Article 2
(Texte du Sénat)
I. - Le 9° de l'article L. 651-1 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé :
« 9° Des organismes suivants, non mentionnés aux 1° à 8° : établissements et entreprises exerçant l'activité définie à l'article L. 511-1 du code monétaire et financier et relevant des chapitres Ier à VII ainsi que de la section 2 du chapitre VIII du titre Ier du livre V du même code, entreprises d'assurance, de capitalisation et de réassurance de toute nature régies par le code des assurances, mutuelles et unions de mutuelles relevant du livre II du code de la mutualité, institutions de prévoyance et unions d'institutions de prévoyance relevant du titre III du livre IX du présent code et institutions de prévoyance relevant du II de l'article L. 727-2 du code rural ; ».
I bis. - Dans le huitième alinéa de l'article L. 651-3 du même code, les mots : « au 9° de » sont remplacés par le mot : « à » et les mots : « 20 de la loi n° 84-46 du 24 janvier 1984 relative à l'activité et au contrôle des établissements de crédit » sont remplacés par les mots : « L. 511-30 du code monétaire et financier ».
II - Au quatrième alinéa de l'article L. 651-5 du même code, les mots : « d'exploitation générale, résultant des » sont remplacés par les mots : « de résultat, conforme aux ».
III. - Après le quatrième alinéa du même article, sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :
« Pour les mutuelles et unions de mutuelles relevant du livre II du code de la mutualité, institutions de prévoyance et unions d'institutions de prévoyance relevant du titre III du livre IX du présent code et institutions de prévoyance relevant de la section 4 du chapitre II du titre II du livre VII du code rural, l'assiette de la contribution sociale de solidarité est constituée, pour leur activité principale, par les cotisations, primes et acceptations de l'exercice, nettes de cessions et de rétrocessions, telles qu'elles ressortent du compte de résultat, conforme aux dispositions relatives à la comptabilité des mutuelles et institutions de prévoyance.
« Pour les redevables mentionnés aux deux alinéas précédents, ne sont comprises dans le chiffre d'affaires retenu pour asseoir la contribution ni les cotisations, primes et acceptations provenant de contrats exonérés de la taxe sur les conventions d'assurances en application des 15° et 16° de l'article 995 du code général des impôts, ni les remises qui leur sont versées dans le cadre de leur participation à la gestion d'un régime légal d'assurance maladie et maternité.
« Pour les redevables mentionnés au cinquième alinéa, ne sont pas comprises dans le chiffre d'affaires retenu pour asseoir la contribution les subventions accordées par le fonds prévu à l'article L. 421-1 du code de la mutualité. »
IV. - Les dispositions du présent article entrent en vigueur pour la contribution due à compter du 1er janvier 2005.
Article 2 bis
(Texte du Sénat)
Après l'article L. 256-4 du code de la sécurité sociale, il est inséré un article L. 256-5 ainsi rédigé :
« Art. L. 256-5. - Les organismes de sécurité sociale peuvent, pour le recouvrement des sommes indûment versées, engager une action en recouvrement dans les conditions prévues aux sixième à huitième alinéas de l'article L. 133-4. »
Article 2 ter A
(Texte du Sénat)
Après l'article L. 725-3 du code rural, il est inséré un article L. 725-3-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 725-3-1. Les organismes de la mutualité sociale agricole peuvent, pour le recouvrement des sommes indûment versées, engager une action en recouvrement dans les conditions prévues aux sixième à huitième alinéas de l'article L. 133-4 du code de la sécurité sociale. »
Article 2 ter
(Texte du Sénat)
I. - Le septième alinéa de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Ces limites sont revalorisées chaque année par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale. »
II. - Dans le huitième alinéa de l'article L. 454-1 du même code, les mots : « d'un montant maximum de 760 € et d'un montant minimum de 76 € » sont remplacés par les mots : « des montants maximum et minimum prévus au septième alinéa de l'article L. 376-1 ».
III. - Les dispositions du présent article s'appliquent à compter du 1er janvier 2005.
Article 3 bis
(Texte du Sénat)
I. - Dans l'avant dernier alinéa (1°) de l'article L. 241-2 du code de la sécurité sociale, le taux : « 21,42 % » est remplacé par le taux : « 32,50 % ».
II. - Les dispositions du présent article s'appliquent aux sommes à percevoir à compter du 1er janvier 2005.
Article 5 bis A
Supprimé par la commission mixte paritaire
Article 5 bis
Suppression maintenue par la commission mixte paritaire
TITRE III
DISPOSITIONS RELATIVES À L'ASSURANCE MALADIE
Article 6 A
(Texte élaboré par la commission mixte paritaire)
Après l'article L. 162-5-14 du code de la sécurité sociale, il est inséré un article L. 162-5-15 ainsi rédigé :
« Art. L. 162-5-15. - Les médecins mentionnés à l'article L. 6155-1 du code de la santé publique ainsi que les médecins salariés d'un centre de santé mentionné à l'article L. 6323-1 du même code sont identifiés par un numéro personnel distinct du numéro identifiant la structure où ils exercent leur activité.
« Ce numéro d'identification figure obligatoirement sur les documents établis en application de l'article L. 161-33 du présent code et transmis aux caisses d'assurance maladie en vue du remboursement ou de la prise en charge des soins qu'ils dispensent.
« Le décret prévu au premier alinéa de l'article L. 161-33 précise les cas dans lesquels ce numéro figure obligatoirement sur les documents transmis aux caisses d'assurance maladie en vue du remboursement ou de la prise en charge des soins dispensés par ces praticiens. »
Article 6
(Texte élaboré par la commission mixte paritaire)
I. - L'article L. 162-26 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Les mots : « réalisés dans le cadre de l'activité libérale des praticiens hospitaliers, ni aux consultations et actes » sont supprimés ;
2° Au début de cet article, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« Les consultations et actes externes, ainsi que ceux réalisés dans un service chargé des urgences d'un établissement de santé mentionné aux a, b et c de l'article L. 162-22-6, sont pris en charge par les régimes obligatoires d'assurance maladie dans les conditions prévues aux articles L. 162-1-7 et L. 162-14-1 et dans la limite des tarifs fixés en application de ces articles. Les tarifs des consultations et des actes ainsi fixés servent de base au calcul de la participation de l'assuré, à la facturation de ces prestations aux patients non couverts par un régime de l'assurance maladie et à l'exercice des recours contre tiers.
« Pour les activités de soins de suite ou de réadaptation et de psychiatrie, la part prise en charge par l'assurance maladie des consultations et actes mentionnés à l'alinéa précédent, est incluse dans la dotation annuelle mentionnée à l'article L. 174-1. » ;
3° Il est complété par un alinéa ainsi rédigé : « Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas aux consultations et actes réalisés par les praticiens hospitaliers dans le cadre de l'activité libérale définie à l'article L. 6154-2 du code de la santé publique. »
I bis. - Le 1° de l'article L. 174-1-1 du même code, dans sa rédaction résultant du 1° du III de l'article 26 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2004 (n° 2003-1199 du 18 décembre 2003), est remplacé par un 1° et un 1° bis ainsi rédigés :
« 1° Les activités de psychiatrie exercées par les établissements de santé mentionnés à l'article L. 174-1 ;
« 1°bis Les activités de soins de suite et de réadaptation exercées par les établissements de santé mentionnés à l'article L. 174-1 ; ».
II. - L'article 24 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2004 (n° 2003-1199 du 18 décembre 2003) entre en vigueur le 5 octobre 2004.
II bis. - Supprimé.
III. - L'article 33 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2004 précitée est ainsi modifié :
1°A Au premier alinéa, les mots : « octobre 2004 » sont remplacés par les mots : « mars 2005 » ;
1° Après la première phrase du troisième alinéa du I, il est inséré une phrase ainsi rédigée :
« Par dérogation au dernier alinéa du I de l'article L. 162-22-10 précité, les tarifs de prestations fixés en application de cet article prennent effet, en 2005, à compter du 1er janvier. » ;
2° Le A du V est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, après les mots : « Les prestations d'hospitalisation », sont insérés les mots : « ainsi que les consultations et actes mentionnés à l'article L. 162-26 du code de la sécurité sociale », le mot : « dispensées » est remplacé par le mot : « dispensés » et le mot : « prises » est remplacé par le mot : « pris » ;
b) Au 1°, après les mots : « du code de la sécurité sociale », sont insérés les mots : « ou du tarif des consultations et actes fixé en application des dispositions de l'article L. 162-14-1 du même code, » ;
c) Il est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Par dérogation aux dispositions des quatre alinéas précédents, les prestations de prélèvement d'organes ou de tissus sont, dès 2005, facturées dans leur intégralité sur la base des tarifs fixés en application des dispositions du 1° du I de l'article L. 162-22-10 du même code. » ;
2° bis Dans le troisième alinéa du IV, les mots : « l'année 2004 » sont remplacés par les mots : « l'année 2005 », et la dernière phrase est supprimée ;
3° Il est complété par un VI et un VII ainsi rédigés :
« VI. - Pour les années 2005 à 2007, la part des frais d'hospitalisation, des actes et consultations externes mentionnés à l'article L. 162-26 du code de la sécurité sociale prise en charge par les régimes obligatoires d'assurance maladie au titre des soins dispensés dans le cadre des activités de médecine, chirurgie, obstétrique et odontologie exercées par les établissements de santé de Guyane mentionnés aux a et b de l'article L. 162-22-6 du même code est incluse dans la dotation annuelle de financement mentionnée à l'article L. 174-1 dudit code.
« VII. - Pour les années 2005 à 2012, outre les éléments prévus au II de l'article L. 162-22-9 du code de la sécurité sociale, les tarifs nationaux des prestations mentionnés au 1° du I l'article L. 162-22-10 du même code sont fixés en tenant compte du processus de convergence entre les tarifs nationaux des établissements mentionnés aux a, b et c de l'article L. 162-22-6 dudit code et ceux des établissements mentionnés au d du même article, devant être achevé, dans la limite des écarts justifiés par des différences dans la nature des charges couvertes par ces tarifs, au plus tard en 2012. L'objectif de convergence des tarifs devra être atteint à 50 % en 2008. »
III bis. - Les II et III de l'article 34 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2004 précitée sont abrogés.
IV. - Le 2° du I de l'article 36 de la loi n° 2004-810 du 13 août 2004 relative à l'assurance maladie est ainsi rédigé :
« 2° Le dernier alinéa, dans la rédaction de l'article antérieure à la loi de financement de la sécurité sociale pour 2004 (n° 2003-1199 du 18 décembre 2003), est supprimé. »
V. - 1. Dans le premier alinéa de l'article L. 4311-13 du code de la santé publique, après les mots : « activité professionnelle », sont insérés les mots : « à titre bénévole ou salarié » et l'année : « 2003 » est remplacée par l'année : « 2005 ».
2. Le Gouvernement présentera au Parlement, avant le 30 septembre 2005, un rapport évaluant l'impact des dispositions du 1 au regard des besoins de recrutement de personnel qualifié et de l'équilibre financier de la sécurité sociale.
Article 6 bis A
(Texte élaboré par la commission mixte paritaire)
Le troisième alinéa de l'article L. 162-22-13 du code de la sécurité sociale est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Ce bilan contient notamment une analyse du bien-fondé du périmètre des missions d'intérêt général et d'aide à la contractualisation des établissements de santé mentionnés au premier alinéa, de l'évolution du montant annuel de la dotation nationale de financement de ces missions et de celle du montant des dotations régionales, ainsi que des critères d'attribution de ces dernières aux établissements. »
Article 6 bis B
(Texte du Sénat)
L'article L. 162-32-1 du code de la sécurité sociale est complété par un 8° ainsi rédigé :
« 8° Le cas échéant, des dispositifs d'aide visant à faciliter l'installation des centres de santé dans les zones mentionnées à l'article L. 162-47. Les obligations auxquelles sont soumis les centres de santé qui bénéficient de ces aides peuvent être adaptées par les unions régionales des caisses d'assurance maladie après consultation des organisations représentatives des centres de santé mentionnées au premier alinéa du présent article pour tenir compte de la situation régionale. »
Article 6 bis C
(Texte du Sénat)
Dans le deuxième alinéa (1°) de l'article L. 162-47 du code de la sécurité sociale, après les mots : « professionnels de santé libéraux », sont insérés les mots : « et des centres de santé mentionnés à l'article L. 6323-1 du code de la santé publique ».
Article 6 bis D
(Texte du Sénat)
Le Gouvernement déposera au plus tard le 31 décembre 2005 devant le Parlement un rapport sur le financement de la télémédecine.
Article 6 bis
(Texte du Sénat)
I. - Le premier alinéa de l'article L. 161-39 du code de la sécurité sociale est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Les entreprises, établissements, organismes et professionnels concernés sont tenus de lui transmettre les informations qu'elle demande à cet effet après les avoir rendues anonymes. »
II. - Au 4° de l'article L. 161-45 du même code, la référence : « L. 245-6 » est remplacée par la référence : « L. 245-5-1 A ».
Article 7
(Texte du Sénat)
I. - Les caisses mentionnées à l'article L. 174-18 du code de la sécurité sociale peuvent consentir pendant une durée de deux mois à compter de la date de la mise en oeuvre de la nouvelle classification des prestations prise en application de l'article L. 162-22-6 du même code, même antérieure à la date de publication de la présente loi, des avances de trésorerie aux établissements de santé privés mentionnés au d du même article L. 162-22-6 et aux professionnels de santé exerçant à titre libéral dans ces établissements, en raison de la non-transmission par voie électronique ou de l'impossibilité de traitement des bordereaux de facturation liée à la mise en oeuvre de cette nouvelle classification.
Le montant de ces avances de trésorerie est déduit des sommes dues au titre des factures afférentes aux soins dispensés postérieurement à la mise en oeuvre de cette nouvelle classification.
La charge financière résultant, pour les régimes dont relèvent les caisses susmentionnées, du versement des avances de trésorerie mentionnées au présent article pour le compte des autres régimes est compensée par ces derniers selon les règles prévues par le décret mentionné à l'article L. 174-18 du code de la sécurité sociale.
II et III. - Supprimés.
Article 9 bis
(Texte du Sénat)
Le Gouvernement transmettra au Parlement, au plus tard le 1er octobre 2005, un rapport sur la mise en oeuvre du plan d'investissement national « Hôpital 2007 » indiquant notamment les effets sur la gestion des établissements de santé concernés des mesures d'investissement engagées.
Article 9 ter
(Texte du Sénat)
I. - Sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée, sont validés les mandats globaux relatifs au reversement au praticien radiologue hospitalier par l'établissement public qui l'emploie de la quote-part de 20 % du forfait technique afférent aux actes de scanographie que ce praticien réalise dans le cadre de son activité libérale en tant que leur régularité est mise en cause.
II. - L'article L. 6154-3 du code de la santé publique est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les actes de scanographie donnent lieu au reversement, au bénéfice du praticien radiologue hospitalier par l'établissement public qui l'emploie, d'une quote-part du forfait technique lorsque ces actes sont réalisés dans le cadre de l'exercice libéral de ce praticien. Un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions d'application de cette disposition. »
Article 10 bis
(Texte du Sénat)
Le cinquième alinéa (4°) de l'article L. 162-47 du code de la sécurité sociale est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Ce programme intègre la diffusion des guides de bon usage des soins et des recommandations de bonne pratique élaborés par la Haute autorité de santé et l'évaluation de leur respect. »
Article 12
(Texte de l'Assemblée nationale)
I. - Après la section 4 du chapitre II du titre Ier du livre VII du code de la sécurité sociale, il est inséré une section 4 bis ainsi rédigée :
« Section 4 bis
« Dispositions applicables aux maîtres et documentalistes de l'enseignement privé
« Art. L. 712-10-1. - Les dispositions des articles L. 712-1 et L. 712-3, du premier alinéa de l'article L. 712-9 et de l'article L. 712-10 sont applicables aux maîtres et documentalistes liés à l'Etat par agrément ou par contrat qui sont en activité dans les établissements d'enseignement privés liés à l' Etat par contrat. »
II. - Après la sous-section 1 de la section 2 du chapitre II du titre II du livre VII du code rural, il est inséré une sous-section 1 bis ainsi rédigée :
« Sous-section 1 bis
« Dispositions applicables aux personnels enseignants et de documentation liés à l'Etat par contrat
« Art. L. 722-24-1. - Les dispositions des articles L. 712-1 et L. 712-3, du premier alinéa de l'article L. 712-9 et de l'article L. 712-10 du code de la sécurité sociale sont applicables aux personnels enseignants et de documentation liés à l'Etat par contrat qui sont en activité dans des associations ou organismes responsables des établissements d'enseignement agricole privés liés à l'Etat par contrat. »
II bis. - Supprimé.
III. - Les dispositions des I et II s'appliquent à compter du 1er septembre 2005.
Article 12 bis
(Texte élaboré par la commission mixte paritaire)
Par dérogation aux dispositions prévues par les articles L. 122-26 du code du travail et L. 331-3 du code de la sécurité sociale, les femmes dont il est reconnu que la grossesse pathologique est liée à l'exposition in utero au diéthylstilbestrol (DES) bénéficient d'un congé de maternité à compter du premier jour de leur arrêt de travail dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat.
Article 13
(Texte du Sénat)
I. - Pour 2005, le montant maximal des dépenses du fonds institué à l'article 25 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 (n° 98-1194 du 23 décembre 1998) est fixé à 106 millions d'euros.
Ce fonds est doté de 60 millions d'euros au titre de l'exercice 2005.
II. - Dans le I de l'article 25 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 précitée, les mots : « huit ans » sont remplacés par les mots : « neuf ans ».
III. - Dans la seconde phrase du III du même article, les mots : « les différents régimes est effectuée dans les conditions définies à l'article L. 722-4 du code de la sécurité sociale » sont remplacés par les mots : « le régime général d'assurance maladie, les régimes d'assurance maladie des professions agricoles et le régime d'assurance maladie et maternité des travailleurs non salariés des professions non agricoles est fixée par arrêté des ministres chargés de la sécurité sociale et de l'agriculture ».
Article 13 bis
(Texte élaboré par la commission mixte paritaire)
L'article L. 162-15-2 du code de la sécurité sociale est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Les conventions, l'accord-cadre et les accords conventionnels interprofessionnels, arrivés à échéance ou résiliés, continuent de produire leurs effets jusqu'à la publication au Journal officiel des nouvelles conventions ou des nouveaux accord-cadre et accords conventionnels interprofessionnels ou du règlement arbitral qui les remplacent.
« Lorsqu'une convention mentionnée à l'article L. 162-14-1 est conclue et approuvée dans les conditions prévues à l'article L. 162-15, la convention précédente est réputée caduque. »
Article 13 ter
(Texte du Sénat)
I. - Après le I de l'article L. 161-31 du code de la sécurité sociale, il est inséré un I bis ainsi rédigé :
« I bis. - Les organismes servant les prestations d'un régime de base d'assurance maladie inscrivent sur une liste d'opposition les numéros des cartes en circulation et en cours de validité perdues, volées ou dénoncées. Les conditions de mise en oeuvre de cette liste sont fixées par les conventions nationales, contrats nationaux ou autres dispositions applicables mentionnés à l'article L. 161-34. »
II. - Après l'article L. 162-16-3 du même code, il est inséré un article L. 162-16-3-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 162-16-3-1. - Selon des modalités déterminées en application des articles L. 162-16-1 et L. 161-34, les organismes d'assurance maladie peuvent s'engager, en cas de dispense d'avance de frais totale ou partielle consentie à l'assuré, à effectuer le calcul des sommes dues aux pharmaciens titulaires d'officines sur la base des informations transmises par la carte de cet assuré. Toutefois, ce paiement ne peut être effectué lorsque la carte fait l'objet d'une inscription sur la liste d'opposition mentionnée à l'article L. 161-31. »
Article 14
(Texte du Sénat)
Le montant de la dotation globale pour le financement de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales mentionnée à l'article L. 1142-23 du code de la santé publique est fixé à 30 millions d'euros pour l'année 2005.
Article 15 bis
(Texte du Sénat)
I. - L'article L. 133-4 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé :
« Art. L. 133-4. - En cas d'inobservation des règles de tarification ou de facturation :
« 1° Des actes, prestations et produits figurant sur les listes mentionnées aux articles L. 162-1-7, L. 162-17, L. 165-1, L. 162-22-7 ou relevant des dispositions des articles L. 162-22-1 et L. 162-22-6,
« 2° Des frais de transports mentionnés à l'article L. 321-1,
« L'organisme de prise en charge recouvre l'indu correspondant auprès du professionnel ou de l'établissement à l'origine du non-respect de ces règles.
« Il en est de même en cas de facturation en vue du remboursement, par les organismes d'assurance maladie, d'un acte non effectué ou de prestations et produits non délivrés.
« L'action en recouvrement, qui se prescrit par deux ans à compter de la date de paiement de la somme indue, s'ouvre par l'envoi au professionnel ou à l'établissement d'une notification de payer le montant réclamé ou de produire, le cas échéant, leurs observations.
« En cas de rejet total ou partiel des observations de l'intéressé, le directeur de l'organisme d'assurance maladie adresse, par lettre recommandée, une mise en demeure à l'intéressé de payer dans le délai d'un mois. La mise en demeure ne peut concerner que des sommes portées sur la notification. Elle comporte une majoration de 10 % du montant des sommes réclamées non réglées à la date de son envoi ; ces majorations peuvent faire l'objet d'une remise.
« Lorsque la mise en demeure reste sans effet, le directeur de l'organisme peut délivrer une contrainte qui, à défaut d'opposition du débiteur devant le tribunal des affaires de sécurité sociale, comporte tous les effets d'un jugement et confère notamment le bénéfice de l'hypothèque judiciaire.
« Un décret en Conseil d'Etat définit les modalités d'application des trois alinéas qui précèdent. »
II. - L'article L. 133-4-1 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« L'organisme mentionné au premier alinéa informe le cas échéant, s'il peut être identifié, l'organisme d'assurance maladie complémentaire de l'assuré de la mise en oeuvre de la procédure visée au présent article. »
Article 15 quater
(Texte du Sénat)
I. - Au début de l'article L. 711-7 du code de la sécurité sociale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« La participation de l'assuré mentionnée au II de l'article L. 322-2 et au dernier alinéa de l'article L. 432-1 s'applique aux assurés qui relèvent de l'un des régimes spéciaux mentionnés à l'article L. 711-1. »
II. - Les dispositions des contrats individuels ou collectifs, des bulletins d'adhésion et règlements, des conventions ou accords collectifs, des projets d'accord proposés par le chef d'entreprise et ratifiés à la majorité des intéressés ou des décisions unilatérales de l'employeur mentionnés à l'article L. 911-1 du code de la sécurité sociale relatifs à des garanties portant sur le remboursement ou l'indemnisation de frais de soins de santé occasionnés par une maladie, une maternité ou un accident, sont réputées ne pas couvrir la participation instituée en application des dispositions du II de l'article L. 322-2 du même code dès lors que le contrat, le bulletin d'adhésion ou le règlement ne prévoit pas expressément la prise en charge de cette participation.
Article 18 bis
Supprimé par la commission mixte paritaire
Article 18 ter
(Texte élaboré par la commission mixte paritaire)
Le quatrième alinéa de l'article L. 122-26 du code du travail est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Lorsque l'accouchement intervient plus de six semaines avant la date prévue pour l'accouchement et exige l'hospitalisation post-natale de l'enfant, la période de suspension du contrat de travail prévue aux alinéas précédents est prolongée à due concurrence de la différence entre la date prévue de l'accouchement et la date réelle de l'accouchement, afin de permettre à la salariée de participer à la dispensation des soins auprès de son enfant, chaque fois que possible, et de bénéficier d'actions d'éducation à la santé préparant le retour à domicile. »
TITRE IV
DISPOSITIONS RELATIVES AUX AUTRES POLITIQUES DE SÉCURITÉ SOCIALE
Section 1
Branche accidents du travail et maladies professionnelles
Article 21
(Texte du Sénat)
I. - Il est institué, au profit du Fonds de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante créé par l'article 41 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 (n° 98-1194 du 23 décembre 1998), une contribution, due pour chaque salarié ou ancien salarié à raison de son admission au bénéfice de l'allocation de cessation anticipée d'activité. Cette contribution est à la charge de l'entreprise qui a supporté ou qui supporte, au titre de ses cotisations pour accidents du travail et maladies professionnelles, la charge des dépenses occasionnées par la maladie professionnelle provoquée par l'amiante dont est atteint le salarié ou ancien salarié. Lorsque le salarié n'est atteint par aucune maladie professionnelle provoquée par l'amiante, cette contribution est à la charge :
1° D'une ou plusieurs entreprises dont les établissements sont mentionnés au premier alinéa du I de l'article 41 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 (n° 98-1194 du 23 décembre 1998) ;
2° D'une ou plusieurs entreprises de manutention ou d'un ou plusieurs organismes gestionnaires de port pour, respectivement, les dockers professionnels et les personnels portuaires assurant la manutention dans les ports mentionnés au sixième alinéa du I de l'article 41.
Pour la détermination de l'entreprise ou organisme redevable de la contribution au titre du 1°, les règles suivantes s'appliquent :
a) Lorsque l'établissement est exploité successivement par plusieurs entreprises, la contribution est due par l'entreprise qui exploite l'établissement à la date d'admission du salarié à l'allocation ;
b) Lorsqu'un salarié a travaillé au sein de plusieurs entreprises exploitant des établissements distincts, le montant de la contribution est réparti en fonction de la durée du travail effectué par le salarié au sein de ces établissements pendant la période où y étaient fabriqués ou traités l'amiante ou des matériaux contenant de l'amiante.
Pour l'application du 2°, lorsqu'un salarié a été employé par plusieurs entreprises ou organismes, le montant de la contribution est réparti au prorata de la période travaillée dans ces entreprises ou organismes. Lorsqu'un docker professionnel admis à l'allocation relève ou a relevé de la catégorie des dockers professionnels intermittents au sens du III de l'article L. 511-2 du code des ports maritimes, la contribution correspondant à la période d'intermittence est répartie entre tous les employeurs de main-d'oeuvre dans le port, au sens de l'article L. 521-6 du même code, au prorata des rémunérations totales brutes payées aux dockers professionnels intermittents pendant cette période d'intermittence.
La contribution n'est pas due pour le premier bénéficiaire admis au cours d'une année civile.
II. - Le montant de la contribution varie en fonction de l'âge du bénéficiaire au moment de son admission au bénéfice de l'allocation. Il est égal, par bénéficiaire de l'allocation, à 15 % du montant annuel brut de l'allocation majoré de 40 % au titre des cotisations d'assurance vieillesse et de retraite complémentaire à la charge du fonds, multiplié par le nombre d'années comprises entre l'âge mentionné ci-dessus et l'âge de soixante ans.
Le montant de la contribution, qui ne peut dépasser deux millions d'euros par année civile pour chaque redevable, est plafonné, pour les entreprises redevables de la contribution au titre du I, à 2,5 % de la masse totale des salaires payés au personnel pour la dernière année connue.
Les entreprises placées en redressement ou en liquidation judiciaire sont exonérées de la contribution.
III. - La contribution est appelée, recouvrée et contrôlée selon les règles et sous les garanties et sanctions applicables au recouvrement des cotisations du régime général, par les organismes mentionnés à l'article L. 213-1 du code de la sécurité sociale désignés par le directeur de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale.
Elle est exigible le premier jour du troisième mois de chaque trimestre civil pour les personnes entrant dans le dispositif au cours du trimestre précédent.
Pour les salariés ou anciens salariés relevant ou ayant relevé du régime de protection sociale des personnes salariées des professions agricoles, la contribution due est appelée, recouvrée et contrôlée par les caisses de mutualité sociale agricole selon les règles et sous les garanties et sanctions applicables au recouvrement des cotisations dues au régime de protection sociale des personnes salariées des professions agricoles. La date limite de paiement de la contribution est fixée au quinzième jour du deuxième mois de chaque trimestre civil pour les personnes entrant dans le dispositif au cours du trimestre précédent.
IV. - Un décret fixe les modalités d'application du présent article.
V. - Les dispositions du présent article s'appliquent aux admissions au bénéfice de l'allocation de cessation anticipée d'activité prononcées à compter du 5 octobre 2004.
Article 21 ter
(Texte du Sénat)
Dans le quatrième alinéa de l'article L. 242-5 du code de la sécurité sociale, les mots : « l'équilibre financier de la sécurité sociale » sont remplacés par les mots : « l'équilibre financier de la branche ».
Section 2
Branche famille
Article 24 A
Suppression maintenue par la commission mixte paritaire
Section 3
Branche vieillesse
Article 28 A
Supprimé par la commission mixte paritaire
Article 28
(Texte du Sénat)
I. - Le 3° de l'article 19 de la loi n° 2004-803 du 9 août 2004 relative au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Une partie de la contribution due à la Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés dans les conditions définies par l'arrêté prévu au troisième alinéa du présent 3° est versée au Fonds de réserve pour les retraites mentionné à l'article L. 135-6 du code de la sécurité sociale. » ;
2° Le troisième alinéa est ainsi rédigé :
« - pour la Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés et pour le Fonds de réserve pour les retraites, par arrêté des ministres chargés du budget et de la sécurité sociale ; les versements directs effectués entre 2005 et 2024 à la Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés sont garantis par l'Etat dans des conditions définies en loi de finances ; »
3° Il est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« L'arrêté des ministres chargés du budget et de la sécurité sociale visé au troisième alinéa du présent 3° présente également les paramètres de calcul de la contribution exceptionnelle, forfaitaire et libératoire due par la Caisse nationale des industries électriques et gazières à la Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés. Il est soumis pour avis au conseil d'administration de la Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés ; »
II. - Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Au deuxième alinéa de l'article L. 135-6, après le mot : « mission », il est inséré le mot : « principale » ;
2° Le même article est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Le Fonds de réserve pour les retraites assure également la gestion financière d'une partie de la contribution exceptionnelle, forfaitaire et libératoire due à la Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés en application du 3° de l'article 19 de la loi n° 2004-803 du 9 août 2004 relative au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières.
« Les conditions et les résultats de la gestion de cette partie de la contribution sont retracés chaque année dans l'annexe des comptes du fonds. Cette partie de la contribution et ses produits financiers, nets des frais engagés par le fonds, sont rétrocédés à la Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés à compter de 2020, dans des conditions fixées par convention entre la Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés et le Fonds de réserve pour les retraites. » ;
3° Après le deuxième alinéa de l'article L. 135-10, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Par dérogation à l'alinéa précédent, dans des cas exceptionnels, à titre temporaire et pour préserver la sécurité des actifs détenus par le fonds, leur gestion financière peut être assurée par ce dernier sans recourir aux entreprises d'investissement visées audit alinéa. Les conditions d'application de cette dérogation sont fixées par arrêté conjoint des ministres chargés de l'économie et de la sécurité sociale. » ;
4° Le deuxième alinéa de l'article L. 135-12 est ainsi rédigé :
« Ils certifient les comptes annuels et émettent un rapport d'examen limité sur les comptes intermédiaires semestriels du fonds avant qu'ils soient soumis par le directoire au conseil de surveillance et qu'ils soient publiés. »
III à V. - Supprimés.
VI. - Le V de l'article 18 de la loi n° 2004-803 du 9 août 2004 précitée est ainsi modifié :
1° Au deuxième alinéa, les taux : « 1 % et 10 % » sont remplacés par les taux : « 10 % et 20 % », et les taux : « 10 % et 20 % » sont respectivement remplacés par les taux : « 20 % et 35 % » ;
2° Au troisième alinéa, les taux : « 10 % et 20 % » sont remplacés par les taux : « 15 % et 25 % ».
VII. - L'article 18 de la loi n° 2004-803 du 9 août 2004 précitée est ainsi modifié :
1° Le IV est complété par les mots : « ou, sur option de ce dernier, au moment du débit ; dans ce cas, elle est due en tout état de cause lors de l'encaissement des acomptes ou du prix s'il précède le débit » ;
2° La première phrase du premier alinéa du VI est remplacée par quatre phrases ainsi rédigées :
« La contribution tarifaire est déclarée et liquidée mensuellement ou trimestriellement, suivant son montant. Elle est acquittée lors du dépôt de la déclaration. La contribution est recouvrée et contrôlée par la Caisse nationale des industries électriques et gazières dans les mêmes conditions que les cotisations visées au premier alinéa du III de l'article 16. Les modalités particulières de recouvrement de la contribution, notamment les majorations, les pénalités, les taxations provisionnelles ou forfaitaires, sont précisées dans les conditions prévues au VII. »
Article 29 bis
(Texte du Sénat)
Le premier alinéa de l'article L. 732-35-1 du code rural est complété par les mots : « et de périodes d'activités accomplies, par des personnes mineures, en qualité de chefs d'exploitation ou d'entreprise agricole mentionnés à l'article L. 722-4 ».
TITRE V
OBJECTIFS DE DÉPENSES RÉVISÉS POUR 2004
TITRE VI
MESURES DIVERSES ET DISPOSITIONS RELATIVES À LA TRÉSORERIE
Article 33
(Texte du Sénat)
I. - A l'article L. 174-2 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction applicable à compter du 1er janvier 2005, les mots : « prestations d'hospitalisation mentionnées au 1° de l'article L. 162-22-6 des établissements de santé mentionnés aux a, b et c du même article et les » sont supprimés.
II. - Après l'article L. 174-2 du même code, il est inséré un article L. 174-2-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 174-2-1. - La part prise en charge par l'assurance maladie pour les prestations d'hospitalisation prévues au 1° de l'article L. 162-22-6 et réalisées dans les établissements de santé mentionnés aux a, b et c du même article, les médicaments et produits et prestations mentionnés à l'article L. 162-22-7 ainsi que les actes et consultations mentionnés à l'article L. 162-26 est remboursée aux établissements pour le compte de l'ensemble des régimes par la caisse mentionnée à l'article L. 174-2.
« Un décret en Conseil d'Etat, pris après avis consultatif des organisations représentatives des établissements de santé, détermine les modalités d'application du présent article, notamment les responsabilités respectives de cette caisse et de l'organisme dont dépend le bénéficiaire des soins, en particulier les conditions et les délais dans lesquels cet organisme peut assurer la vérification des sommes à rembourser et autoriser leur paiement. »
III. - L'article L. 174-18 du même code est ainsi modifié :
1° La première phrase du premier alinéa est ainsi rédigée :
« Les frais d'hospitalisation afférents aux soins dispensés dans les établissements de santé privés mentionnés aux d et e de l'article L. 162-22-6, pris en charge par les régimes obligatoires d'assurance maladie, sont remboursés, pour le compte de l'ensemble des régimes d'assurance maladie, par la caisse primaire d'assurance maladie dans la circonscription de laquelle est implanté l'établissement. » ;
2° Le dernier alinéa est ainsi rédigé :
« Un décret en Conseil d'Etat, pris après avis des organisations représentatives des établissements de santé, détermine les modalités d'application du présent article, notamment les responsabilités respectives de cette caisse et de l'organisme dont dépend le bénéficiaire des soins, en particulier les conditions et les délais dans lesquels cet organisme peut assurer la vérification des sommes à rembourser et autoriser leur paiement. »
IV. - Le D du V de l'article 33 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2004 (n° 2003-1199 du 18 décembre 2003) est complété par quatre alinéas ainsi rédigés :
« Les dotations annuelles complémentaires mentionnées au 2° du A du V du présent article sont versées par douzième par la caisse mentionnée à l'article L. 174-2 du code de la sécurité sociale.
« Pour les années 2005 et 2006, la répartition des sommes versées, au titre de l'alinéa précédent aux établissements mentionnés aux a, b et c de l'article L. 162-22-6 du même code, entre les différents régimes obligatoires d'assurance maladie, est effectuée dans les conditions prévues à l'article L. 174-2 dudit code. De même, par dérogation à l'article L. 162-22-15 du même code, les sommes versées au titre des forfaits annuels mentionnés à l'article L. 162-22-8 de ce code et des dotations annuelles de financement des missions d'intérêt général et d'aide à la contractualisation mentionnées à l'article L. 162-22-13, sont également réparties selon les modalités prévues à l'article L. 174-2 du même code.
« Pour les années 2007 à 2012, la répartition, entre les régimes obligatoires d'assurance maladie, des sommes versées au titre de la dotation annuelle complémentaire aux établissements mentionnés aux a, b et c de l'article L. 162-22-6 du même code est effectuée chaque année au prorata des charges afférentes aux frais d'hospitalisation au titre des soins dispensés l'année précédente et supportées par chacun de ces régimes dans le cadre des activités de médecine, chirurgie, obstétrique et odontologie de ces établissements.
« Les modalités d'application des trois alinéas précédents sont précisées par décret en Conseil d'Etat. »
Article 34
(Texte du Sénat)
Le chapitre IV bis du titre Ier du livre Ier du code de la sécurité sociale est complété par un article L. 114-6 ainsi rédigé :
« Art. L. 114-6. - Les comptes des régimes et organismes de sécurité sociale doivent être réguliers, sincères et donner une image fidèle de leur patrimoine et de leur situation financière.
« Les comptes annuels et infra-annuels des organismes de base de sécurité sociale, présentés par l'agent comptable, établis sous sa responsabilité et visés par le directeur, sont transmis à l'organisme national chargé de leur centralisation. Ce dernier valide ces comptes et établit le compte combiné de la branche ou de l'activité de recouvrement, ou du régime.
« Les organismes nationaux de sécurité sociale qui gèrent un régime obligatoire de base transmettent leurs comptes annuels au ministre chargé de la sécurité sociale et à la Cour des comptes.
« Les organismes nationaux de sécurité sociale qui gèrent un régime obligatoire de base comportant un réseau de caisses locales ou régionales transmettent les comptes combinés annuels au ministre chargé de la sécurité sociale et à la Cour des comptes.
« Les comptes des régimes de protection sociale agricole sont également transmis au ministre de l'agriculture.
« Les modalités d'application du présent article sont définies par décret. »
Article 34 bis
(Texte élaboré par la commission mixte paritaire)
Le chapitre IV bis du titre Ier du livre Ier du code de la sécurité sociale est complété par un article L. 114-7 ainsi rédigé :
« Art. L. 114-7. - Les organismes nationaux visés au deuxième alinéa de l'article L. 114-6 sont chargés d'alerter le Gouvernement et le Parlement en cas d'évolution des dépenses de la branche ou du régime manifestement incompatible avec le respect des objectifs votés par le Parlement en loi de financement de la sécurité sociale.
« Le Gouvernement informe les commissions compétentes des deux assemblées des mesures prises ou envisagées pour y remédier. »
M. le président. L'amendement n° 1, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Supprimer le deuxième alinéa de l'article L. 162-5-15 du code de la sécurité sociale.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Xavier Bertrand, secrétaire d'Etat. Il s'agit d'un amendement rédactionnel.
En effet, la CMP a adopté un amendement tendant à ce qu'un décret précise la liste des documents transmis à l'assurance maladie sur lesquels devra figurer le numéro d'identification des praticiens hospitaliers. Il y a une redondance entre le deuxième et le troisième alinéa, c'est pourquoi il est proposé de supprimer le deuxième.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. Il n'y a pas de remise en cause sur le fond de l'initiative adoptée par l'Assemblée nationale. Cet amendement de précision n'appelle donc aucune objection de la part de la commission, qui émet un avis favorable.
M. le président. L'amendement n° 2, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Dans la dernière phrase du dernier alinéa du I de cet article, substituer aux mots :
contrats nationaux
les mots :
accords nationaux et contrats
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Xavier Bertrand, secrétaire d'Etat. Cet amendement vise à aligner la terminologie utilisée pour les nouvelles dispositions sur celles qui existent d'ores et déjà.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. Cet amendement de précision est utile ; c'est pourquoi la commission émet un avis favorable.
M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole est à Mme Janine Rozier, pour explication de vote.
Mme Janine Rozier. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2005 illustre la détermination du Gouvernement à fonder une politique de confiance et de réalisme.
La commission mixte paritaire a très peu modifié les mesures adoptées par le Sénat s'agissant des branches famille, retraite, accident du travail et maladies professionnelles. Les principales modifications ont concerné les mesures nécessaires à la sauvegarde de notre système d'assurance maladie, auquel nous sommes attachés.
Je me félicite, tout d'abord, que ce texte rassemble diverses dispositions relatives au contrôle de l'application des lois de financement de la sécurité sociale. Je citerai les modalités du contrôle de gestion des établissements de santé par la Cour des Comptes et par les chambres régionales des comptes, ainsi que le contenu des modifications apportées au socle juridique des conventions d'objectifs et de gestion, les COG, des différents régimes de sécurité sociale.
Concernant l'hôpital et la tarification à l'activité, la T2A, la CMP a suivi le Sénat en choisissant de reporter la date de sa mise en oeuvre, s'agissant des établissements de santé privés, jusqu'au 1er mars. Il fallait effectivement prévoir des délais supplémentaires en raison des difficultés d'application rencontrées.
Dans ce contexte, le choix de prévoir une convergence des tarifs entre les secteurs hospitaliers publics et privés, convergence qui devra être effective à 50 % en 2008, me paraît délicat. Il conviendra d'examiner la progression de la mise en place de la T2A avec beaucoup de vigilance et de revenir sur cette mesure régulièrement afin d'en examiner la faisabilité.
Nous nous félicitons que la CMP ait conservé la proposition de notre excellent rapporteur adoptée par le Sénat, afin de faciliter la réforme de l'assurance maladie : la délivrance d'un numéro d'identification aux médecins hospitaliers complétera la mise en oeuvre du mécanisme du médecin traitant et permettra le contrôle des prescriptions. Cet article a été opportunément complété par la référence à un décret.
La prochaine étape est celle de l'application des dispositions phares de la loi relative à l'assurance maladie -dossier médical personnel, médecin traitant, franchise médicale de 1 euro par acte - mais aussi la mise en place des nouvelles structures et la signature des conventions avec les professionnels de santé.
Soyez assuré, monsieur le secrétaire d'Etat, que nous serons à vos côtés dans les travaux qui nous attendent pour l'année 2005.
Pour toutes ces raisons, le groupe UMP votera le texte élaboré par la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. François Autain.
M. François Autain. Bien entendu, nous ne voterons pas les conclusions de la commission mixte paritaire.
Je souhaite revenir sur la suppression de l'article 24 A : l'article qui a été réintroduit ne correspond pas à la rédaction initialement adoptée par le Sénat.
La mesure rétablie, à l'occasion de l'examen de la loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, est moins favorable que l'article supprimé. Nous aurions préféré le maintien de la disposition initiale. C'est, pour nous, une raison supplémentaire de voter contre ce texte.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ? ...
Conformément à l'article 42, alinéa 12, du règlement, je mets aux voix l'ensemble du projet de loi dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, en ne retenant que les amendements ayant reçu l'accord du Gouvernement.
(Le projet de loi est adopté définitivement.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Je voudrais simplement remercier Mme Rozier de ses propos aimables et associer à ses compliments les autres rapporteurs, MM. André Lardeux, Gérard Dériot et Dominique Leclerc, ainsi que l'ensemble des membres de la commission des affaires sociales. Nous avons, avec l'aide de nos collaborateurs, déployé tous nos efforts pour aboutir au meilleur texte possible, dans l'intérêt de la sécurité sociale et de nos concitoyens. Que tous soient remerciés de leur soutien. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. Monsieur le rapporteur, soyez à votre tour remercié de ce propos élégant, qui rappelle opportunément que la loi est une oeuvre collective.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures cinquante-cinq, est reprise à dix-sept heures, sous la présidence de M. Adrien Gouteyron.)
PRÉSIDENCE DE M. Adrien Gouteyron
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
6
Loi de finances pour 2005
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2005, adopté par l'Assemblée nationale.
Intérieur, sécurité intérieure et libertés locales (suite)
sécurité (suite)
M. le président. Nous poursuivons l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant la sécurité.
Nous en sommes parvenus aux questions des orateurs des groupes.
Chaque intervenant dispose, je le rappelle, de cinq minutes maximum pour poser sa question, le ministre a trois minutes pour lui répondre, après quoi l'orateur dispose de deux minutes maximum au titre de son droit de réplique.
La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je m'exprime au nom de M. Charles Gautier, qui ne peut être parmi nous aujourd'hui.
Sa question porte sur le financement de la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure, la LOPSI, et de la loi pour la sécurité intérieure, la LSI.
Il semble que le bilan de leur application soit finalement des plus mitigés. L'effort qui avait été annoncé pour garantir la sécurité de nos concitoyens n'a pas été tenu dans la durée.
La loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure accordait, dès juillet 2002, des moyens supplémentaires à la police - 1,18 milliard d'euros et 6 500 recrutements - et à la gendarmerie - 1,02 milliard d'euros et 7 000 recrutements. Or les résultats sont contrastés.
La police a bien acheté des gilets pare-balles et des véhicules en 2002 et 2003, mais il a fallu attendre la mi-2004 pour que tout le matériel soit effectivement acheté et distribué dans les services.
Quant au renforcement de la présence policière sur le terrain, elle n'a pas été réalisée : si 1 900 emplois ont effectivement été créés, ce nombre comprend les emplois créés par la gauche en 2002. En outre, 1 000 emplois administratifs devaient être créés en 2004, sous réserve de l'accord de Bercy. En réalité, la plupart des emplois créés au titre de la LOPSI ont servi à officialiser 2 100 emplois de policiers en surnombre, dont 1 000 avaient été prévus par la gauche en 2001.
La progression nette n'aura donc finalement été que de quelques centaines de postes.
Cette opération est, par ailleurs, perturbée par un flux de départs à la retraite anticipés - 800 départs supplémentaires par rapport à la moyenne - du fait de la réforme des retraites. Rien ne semble avoir été prévu pour compenser ces départs.
Le phénomène est encore accentué par la réduction du nombre d'adjoints de sécurité, de l'ordre de 2 000. Dans les faits, la capacité opérationnelle des effectifs diminue, ce qui se traduit, dès 2003, par une déflation des effectifs dans certaines zones sensibles alors que, entre 1999 et 2002, avec la police de proximité, la gauche avait au contraire augmenté les effectifs dans les départements sensibles !
Moins de 30% des crédits de la LOPSI ont été ouverts, alors que plus de la moitié devaient être dépensés avant 2005. J'y vois la preuve que les mesures d'affichage du Gouvernement sur la sécurité n'ont été suivies d'aucune mesure en faveur de nos concitoyens.
La loi pour la sécurité intérieure, adoptée en mars 2003, avait pour objectif de lutter contre l'insécurité au quotidien. Très répressive, elle allège les procédures et le travail des policiers. En fait, elle vise tout particulièrement les populations socialement les plus fragiles : mendiants, prostituées, mineurs...
Les faits constatés au titre de la LSI ne représentaient que 0,32% de la délinquance en 2003 et moins de 0,5% au premier trimestre de 2004. Ce dispositif, très répressif, est donc plutôt inefficace, mais il produit une illusion de sécurité en gonflant les activités policières. La justice ne parvenant pas à traiter tous les dossiers qui lui sont transmis, elle classe sans suite, nourrissant ainsi le sentiment d'insécurité.
Monsieur le ministre, faute de moyens, de nombreux programmes concernant le travail des forces de l'ordre sont actuellement bloqués. Je citerai, sans être exhaustif, le déploiement des nouveaux centres d'information et de commandement de la police, le système d'information géographique pour la cartographie de la délinquance, le système de radiolocalisation des patrouilles de police, les outils d'interception de téléphones mobiles, les interceptions de données sur le réseau Internet pour lutter contre le terrorisme, le renouvellement du fichier Schengen, l'introduction d'éléments biométriques dans les fichiers des empreintes digitales, la montée en charge du fichier des empreintes génétiques.
Le blocage de toutes ces mesures, qu'il s'agisse de celles de Nicolas Sarkozy ministre de l'intérieur et, pour les plus récentes, des vôtres, monsieur le ministre, sont le fait de Nicolas Sarkozy ministre des finances, qui méconnaît ainsi ses propres engagements !
Les groupements d'intervention régionaux, les GIR, ne sont eux-mêmes efficaces que pour pallier les besoins des services régionaux de la police judiciaire, les SRPJ, au détriment de la lutte contre la criminalité. Cette dernière, enracinée dans l'économie souterraine, nécessite un travail sur le long terme.
En fait, l'efficacité dont se targue le Gouvernement est contredite par une réalité inquiétante : sur le terrain, la violence n'a pas reculé.
Enfin, la modification des indicateurs semble faire naître partout de sérieux doutes sur les chiffres annoncés.
Monsieur le ministre, comment comptez-vous permettre le rattrapage de consommation des crédits prévus et non débloqués ? Donnerez-vous un jour des moyens financiers suffisants à l'Institut national des hautes études de sécurité, l'INHES, et au jeune Observatoire national de la délinquance, afin de répondre à l'urgence que constitue la mise en place d'un outil fiable de mesure de la délinquance ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Dominique de Villepin, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Monsieur Collombat, je ne sais pas d'où sont tirées ces informations et, à bien des égards, en vous entendant, je me suis demandé de quel pays vous parliez.
L'auteur de la question ne semble pas avoir lu les rapports qui esquissent le bilan de l'action engagée. J'en veux pour preuve vos propos sur les résultats qu'obtiennent les forces de sécurité de notre pays.
Sur le front de la sécurité, la criminalité n'a cessé de baisser depuis mai 2002. Elle a diminué de 0,4 % en 2002, de 3,4 % en 2003 et de 4,5 % depuis le début de l'année. Ce sont les meilleurs chiffres depuis dix ans. On ne peut pas ne pas prendre ces résultats en compte.
La délinquance de voie publique a chuté de plus de 9 % pour les dix premiers mois de l'année. Les violences physiques, les violences contre les personnes - indicateur dont tout le monde reconnaît la pertinence - ont diminué pour la première fois. Cette baisse est, certes très légère, de 0,10 %, mais bien réelle. Personne ne peut ignorer cette réalité. Enfin, et c'est l'essentiel, l'indicateur d'activité des forces de l'ordre est très satisfaisant, puisque le taux d'élucidation des affaires atteint 31,5 %, soit une progression de sept points depuis 2002. C'est bien la marque de la mobilisation exceptionnelle des forces de l'ordre.
Monsieur le sénateur, lorsque les choses vont bien dans notre pays, il faut savoir le reconnaître et, ce faisant, faire preuve d'esprit républicain.
M. Dominique Braye. Absolument !
M. Dominique de Villepin, ministre. Tout d'abord, nous avons su restaurer la confiance grâce à l'effort réalisé par nos forces de sécurité. Nous avons développé les moyens juridiques mis au service des forces de l'ordre en adoptant, en 2003, la loi sur la sécurité intérieure. Nous leur avons ensuite donné les moyens d'agir grâce à la LOPSI. A la fin de l'année 2005, 3 900 emplois nouveaux auront été créés dans la police nationale et 3 100 dans la gendarmerie nationale.
Ensuite, les matériels nécessaires auront été acquis et les retards accumulés précédemment, rattrapés. J'évoquerai notamment l'achat de 8 200 véhicules en 2003 et 2004, de 77 000 armes entre 2003 et 2005.
Par ailleurs, la mise en place du système de communication ACROPOL sera achevée à la fin de l'année 2006. Les programmes immobiliers, qui stagnaient, ont été relancés : 100 000 mètres carrés seront mis en en chantier dès 2005.
Enfin, troisième aspect de la mobilisation de Gouvernement et de la confiance retrouvée, nous avons motivé les fonctionnaires de la police nationale et les militaires de la gendarmerie nationale grâce à la réforme des corps et carrières. C'est la plus importante réforme réalisée dans la police nationale, et elle a son pendant dans la gendarmerie nationale.
Nous avons également introduit la culture du résultat, notamment en doublant la prime de résultat, qui est passée de 5 millions d'euros en 2004 à 10 millions d'euros pour 2005.
Vous avez parlé du potentiel des forces de l'ordre. Je suis très heureux qu'un membre du groupe socialiste aborde le sujet, quand le gouvernement qu'il a soutenu a diminué le temps de travail. Nous nous efforçons, nous, de reconquérir du capital travail, en particulier avec le plan des corps et carrières. J'ai ainsi racheté huit jours d'ARTT, c'est-à-dire d'aménagement et de réduction du temps de travail, ce qui représente 2 400 policiers supplémentaires sur le terrain.
M. Dominique Braye. Eh oui !
M. Dominique de Villepin, ministre. Monsieur le sénateur, lorsque l'on est fair-play, on se doit d'applaudir ce progrès au service de la nation. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. Monsieur le ministre, vous n'avez pas complètement répondu à nos interrogations s'agissant des retards dans la mise en oeuvre des crédits.
Quant à l'ARTT, si elle est tellement calamiteuse, supprimez-la !
M. le président. La parole est à M. Jacques Peyrat.
M. Jacques Peyrat. Monsieur le ministre, grâce à l'action qu'il a engagée, le Gouvernement a obtenu des résultats en matière de lutte contre la délinquance, notamment la baisse de la criminalité, et c'est une bonne chose.
Il sembler même que l'on en arrive au noyau dur de la délinquance, contre lequel le Gouvernement entend renforcer la lutte : votre budget en est l'illustration.
Ainsi, malgré un contexte budgétaire contraint, on constate une progression des crédits inscrits dans votre budget pour la police et pour la gendarmerie. Dans le même temps, vous consentez un effort financier important pour les forces de l'ordre et pour la sécurité civile. Alors, pourquoi bouder notre joie ? Comme nos rapporteurs vous l'ont dit, monsieur le ministre, nous sommes satisfaits !
Néanmoins, deux préoccupations majeures subsistent.
Tout d'abord, et c'est curieux, monsieur le ministre, il n'y a jamais eu autant d'externalisation dans le domaine de la sécurité publique, qui est normalement dévolu à la police nationale. Je pense au développement des polices municipales, des organismes divers de sécurité et de surveillance, des vigiles, des agents de sécurité.
Par ailleurs, des lois nouvelles ont été votées. Des décrets ont été pris sur des sujets innovants. Ainsi le regroupement des forces de police et de gendarmerie est-il une excellente chose. Les villes, de leur côté, accroissent les moyens qu'elles consacrent à la sécurité, notamment par l'installation de caméras de télésurveillance.
Toutes ces mesures devraient amener un très grand mieux. Pourtant, l'insécurité n'est toujours pas jugulée, elle est simplement en recul.
Aussi, je demeure persuadé que la présence des policiers sur la voie publique est indispensable, car elle dissuade les individus mal intentionnés, permet de relever les infractions qui viennent de se commettre et, surtout, tranquillise la population. Or cette présence est, à mes yeux, encore insuffisante ; elle l'est aussi aux yeux de la population, qui continue d'éprouver un fort sentiment d'insécurité.
Les renforts de CRS et d'escadrons de gendarmerie mobile en mission de sécurisation devraient permettre d'augmenter la présence des forces de police sur le terrain ; mais les unités mobiles sont placées au chef-lieu de la zone de défense, alors qu'elles devraient être plus proches et plus opérationnelles !
A cet égard, je souhaiterais connaître - et c'est ma deuxième question - l'issue de la réflexion menée sur l'implantation de cantonnements ou de casernements de CRS à Nice-l'Ariane.
Je voudrais aussi plaider, en mon nom comme au nom de nombreux autres maires, pour que davantage de locaux de police soient implantés au milieu de la circonscription urbaine, là où la population en a tellement besoin. Qu'il s'agisse de bureaux ou de points de proximité, ils pourraient rester ouverts le soir et peut-être même, dans certains cas - rêvons un peu -, la nuit. Ils pourraient également, pour être bien utilisés, devenir le point de départ de rondes et de patrouilles dans les quartiers avoisinants.
Je sais que ce point de vue ne correspond pas toujours à la théorie des chefs de service de police, qui considèrent que, dans les bureaux, on ne fait plus d'îlotage, mais, et c'est l'objet de ma troisième question, j'aimerais connaître votre avis à ce sujet.
Ma deuxième préoccupation, monsieur le ministre, concerne les liens entre une immigration devenue massive, et donc mal contrôlée, et la délinquance. Je connais votre volonté de lutter contre cette dernière et les pouvoirs que vous avez donnés aux maires en ce sens. J'observe cependant que, dans ma ville, en 2003, 20 % des 355 mariages impliquaient des étrangers en situation irrégulière et que 11 seulement ont obtenu une réponse d'ajournement du procureur de la République. Or, en l'absence d'une telle réponse, le service de la population est tenu de célébrer le mariage, car, même constaté - cela a été rappelé tout à l'heure -, le séjour irrégulier n'est pas un empêchement au mariage.
Compte tenu des circonstances nouvelles que nous connaissons en ce moment - et ce sera ma quatrième question -, n'est-il pas envisageable que soit rétablie l'autorisation préfectorale qui était autrefois prévue pour le mariage des étrangers et qui avait été supprimée par la loi du 29 octobre 1981 ?
D'une façon générale, il faudra aussi, me semble-t-il, restreindre les conditions du regroupement familial, parce que l'immigration a changé de visage : elle n'est plus associée à un emploi pour un temps limité, mais elle est d'implantation définitive, comme la Cour des comptes vient de le relever dans son rapport.
Il faut, bien sûr, accroître également le dispositif de lutte contre les trafics et l'économie parallèle, nous en sommes tous persuadés. Je vous poserai donc ma cinquième question, monsieur le ministre : là encore, n'est-il pas envisageable de créer, au plus près des zones concernées, une instance de coordination et de synergie entre les services de police - sécurité publique, renseignements généraux, police judiciaire -, les services de gendarmerie, les services des douanes et les services fiscaux, pour traiter l'économie souterraine là où elle se développe ?
Enfin, à l'économie parallèle, à laquelle il est étroitement lié, s'ajoute le phénomène de la prostitution en provenance des pays d'Afrique et, maintenant, d'Europe de l'Est. Dans la ville que j'administre, la Promenade des Anglais est le théâtre, de jour comme de nuit maintenant, d'une prostitution comparable à celle du Bois de Boulogne, à Paris, à cette différence près qu'elle a lieu en plein jour et dans un lieu très visité par les étrangers, où elle prospère.
Puisque vous avez entrepris avec M. le ministre de la justice une réflexion sur la récidive dans le sens d'une éventuelle aggravation de la sanction pénale, ne pourrait-on envisager un renforcement de la répression sur ce point aussi ?
Telle était ma dernière question, que le temps ne me permet pas de développer davantage, monsieur le ministre.
M. Charles Pasqua. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Dominique de Villepin, ministre. Monsieur le sénateur, les externalisations ne se justifient que lorsque d'autres partenaires que l'Etat sont capables d'effectuer les opérations dans de meilleures conditions et de façon plus économique. La capacité d'externalisation d'un ministère comme le mien est donc relativement limitée ! C'est dire que nous assumons pleinement notre responsabilité d'autorité de l'Etat, que je place au centre de ma mission.
Au-delà de la mobilisation, qui, vous l'avez reconnu, a été fortement engagée, vous avez relevé les difficultés que nous rencontrons dans le combat contre l'insécurité. Je note néanmoins que nous continuons d'enregistrer une progression qui n'a pas eu d'équivalent au cours des dernières années.
Il faut s'attaquer, vous avez raison, à la partie « dure » de la délinquance, c'est-à-dire à la sédimentation du crime organisé, du terrorisme, des discriminations, de la cybercriminalité, toutes facettes de la délinquance que nous combattons. Nous accordons une attention particulière aux grands trafics, que vous avez évoqués : prostitution, trafic de drogue, qui, il faut le souligner, sont très étroitement reliés.
C'est pourquoi nous avons placé en tête de nos priorités le démantèlement des processus de financement de l'immigration irrégulière ou des trafics de drogue, qui alimentent cette délinquance.
Vous avez évoqué, monsieur le sénateur, la question de la répartition des effectifs, qui est évidemment au centre de nos préoccupations comme, à juste titre, de celles de l'ensemble des élus.
Cette répartition, il faut le rappeler, s'appuie sur des effectifs en progression : 3 900 emplois budgétaires ont été créés depuis 2003, dont 1 000 pour l'année prochaine. Les effectifs réels supplémentaires seront de 1 905 en 2005, compte tenu du rythme de sortie des écoles. Car il faut prendre en compte le temps nécessaire de formation.
J'ai voulu identifier les véritables besoins et arrêter des effectifs de référence par département. Il y a, dans ce domaine, bien des habitudes acquises ! Il nous fallait des critères objectifs de répartition : nous en avons défini une dizaine, qui nous permettent d'établir une grille homogène et juste pour l'ensemble du territoire.
Cette évolution favorable trouvera sa traduction concrète aussi dans les Alpes-Maritimes, et à Nice en particulier.
J'entends d'abord amplifier l'effort de l'Etat à l'échelle du département. Ainsi, 250 policiers supplémentaires y seront affectés entre 2003 et 2005, dans le cadre d'une convention passée avec le département. Nous devrions ainsi atteindre le chiffre de 2 000 fonctionnaires au début de l'année 2005, ce qui nous permettra de dépasser la fourchette basse de 1 941 agents fixée dans la convention que je viens de citer. A la fin de l'année 2005, le chiffre sera de 2 065 fonctionnaires.
L'effort portera également sur la circonscription de Nice, qui dispose actuellement de 973 fonctionnaires, soit 77 policiers de plus qu'en janvier 2002. Elle bénéficiera de la ventilation de 29 adjoints de sécurité affectés dans les Alpes-Maritimes depuis la fin du mois de novembre 2004. Enfin, 32 policiers supplémentaires seront affectés à Nice au 31 mars 2005. Ainsi sera atteint un chiffre légèrement supérieur à 1 000 policiers : 1 005 exactement.
Nous avons un objectif commun, monsieur le sénateur : faire reculer la délinquance à Nice. Actuellement, elle progresse légèrement, de 1,4 %, depuis le début de l'année 2004, même si les infractions de voie publique restent stables.
Monsieur le sénateur, vous avez abordé la question centrale de l'immigration. Vous savez qu'elle est au coeur de mes priorités, car c'est un devoir républicain, c'est un devoir d'humanité que de la traiter.
Nous disposons aujourd'hui de l'ensemble des principaux textes d'application nécessaires : les décrets sur le droit d'asile sont parus, tout comme ceux qui portent sur les certificats d'hébergement, moyen pour les maires d'exercer un meilleur contrôle. De la même façon sont aujourd'hui disponibles les visas avec identifiants biométriques, qui permettent le contrôle de la légalité du séjour.
J'ai mobilisé nos services pour que l'éloignement des personnes soit à la mesure de la réalité des flux migratoires. Les dix premiers mois de l'année 2004 ont vu les reconduites à la frontière augmenter de 40 % par rapport à l'année dernière et de 60 % par rapport à 2002, pour s'établir à 13 000 pour les dix premiers mois de l'année ; l'objectif que j'ai fixé pour 2005 est de l'ordre de 20 000 reconduites à la frontière. Ce sont donc des chiffres tout à fait significatifs et qui traduisent, je le crois, une politique exemplaire.
M. le président. La parole est à M. Jacques Peyrat.
M. Jacques Peyrat. Monsieur le ministre, je vous remercie : me voilà rassuré et heureux, surtout que le ridicule est une chose qui est mal acceptée en France. Je m'explique.
En 1950, la ville de Nice comptait 240 000 habitants ; on recensait 18 000 crimes et délits, et la police travaillait 42 heures par semaine. Un demi-siècle plus tard - et vous n'y êtes pour rien, monsieur le ministre, car il y a eu avant vous bien des ministres de l'intérieur, bien des gardes des sceaux, certains de gauche, d'autres de droite -, le nombre des crimes et délits a doublé, la population a augmenté de plus de 100 000 habitants, et l'on est maintenant aux 35 heures, avec 200 policiers de moins.
Grâce aux mesures que vous venez d'annoncer, nous allons revenir à la situation de 1950. Nous serons heureux ! (Sourires.)
M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Gourault.
Mme Jacqueline Gourault. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, 2004 aura été pour l'ensemble des sapeurs-pompiers une année symbolique. En effet, la loi de modernisation de la sécurité civile a permis de faire évoluer aussi bien le statut des volontaires que celui des professionnels. Nous saluons l'initiative du Gouvernement, qui, grâce à cette loi, a fait avancer les services d'incendie et de secours vers la modernité et l'efficacité.
Ce texte a été approuvé aussi bien par l'ensemble des représentants des sapeurs-pompiers que par les élus locaux, particulièrement concernés par le fonctionnement des SDIS. Il s'agit d'un message fort, qui était attendu et qui tend à honorer le travail des sapeurs-pompiers, auxquels les citoyens sont très attachés. Comment ne pas saluer, à ce moment de mon exposé, la mémoire de tous les sapeurs-pompiers qui ont perdu leur vie dans l'accomplissement de leur mission de secours ?
Cette réforme était donc importante, tant pour valoriser le mérite et le courage des sapeurs-pompiers que pour améliorer l'efficacité de leurs opérations.
Me limitant à quelques exemples, je mettrai l'accent sur certaines dispositions emblématiques. J'évoquerai ainsi la mise en place d'une véritable culture de prévention et d'anticipation des risques ; la création d'un projet personnalisé de fin de carrière pour les sapeurs-pompiers professionnels ; l'avantage de retraite pour les sapeurs-pompiers volontaires ; enfin, bien entendu, la très symbolique mais non moins capitale reconnaissance du caractère dangereux de l'activité de sapeur-pompier.
Je voudrais également remercier le Gouvernement d'avoir accepté d'inscrire dans la loi, sur proposition du président de notre groupe, Michel Mercier, le principe du droit pour tout Français à devenir sapeur-pompier volontaire. Cela constitue un véritable droit du citoyen depuis la disparition du service militaire.
Je regrette cependant l'absence de mesures visant à encourager les entrepreneurs à embaucher des sapeurs-pompiers volontaires. Si quelques dispositions ponctuelles ont été adoptées, elles restent plus proches de l'aménagement de la législation existante que de la création d'un véritable dispositif innovant. Il est temps de réfléchir à l'élaboration d'un vrai système qui, tout en permettant une plus grande disponibilité et une meilleure protection des sapeurs-pompiers volontaires, serait rassurant pour les entrepreneurs.
Pour en revenir au projet de budget que vous nous soumettez aujourd'hui, monsieur le ministre, nous saluons l'effort particulier qui est consenti en matière de sécurité civile. La hausse de 20 % de cet agrégat correspond aux priorités de votre ministère et représente un effort substantiel qui garantira, j'en suis sûre, la réussite de la mise en oeuvre des dispositions législatives adoptées.
Je souhaiterais toutefois vous demander quelques précisions sur la mise en oeuvre de la loi de modernisation de la sécurité civile, monsieur le ministre, et vous interroger sur certains points, même si vous avez déjà partiellement répondu ce matin.
S'agissant de la mise en oeuvre de la loi, je voudrais savoir, monsieur le ministre, quel est aujourd'hui l'état d'avancement, du point de vue tant réglementaire que financier, de certains dossiers : la reconnaissance du caractère dangereux de l'activité de sapeur-pompier ; la majoration de la cotisation obligatoire pour financer la formation des officiers sapeurs-pompiers professionnels et la charge salariale relative aux élèves officiers ; enfin, l'avantage retraite.
Par ailleurs, je voudrais vous poser une question, voire exprimer une inquiétude.
Dans le cadre de l'indispensable regroupement des réseaux de la police, de la gendarmerie et des services d'incendie et de secours, un financement spécifique est-il prévu pour la modernisation des réseaux de transmission des SDIS grâce au développement de leur interopérabilité avec le réseau ACROPOL ? Comptez-vous faire participer l'Etat à cette opération nécessaire, mais très coûteuse ?
Par ailleurs, dans la perspective de la suppression des contributions financières des communes et de leurs groupements - suppression dont les unes et les autres ne se plaignent pas ! -, quel sera, à l'avenir, le rôle de l'échelon communal et intercommunal ? Quel schéma d'aménagement du territoire, quel schéma des missions et du fonctionnement de notre sécurité civile est-il possible d'imaginer ?
Enfin, les charges imputées aux activités de secours ne cessent de croître. Liée notamment à l'émergence de nouvelles formes de risques, tel le terrorisme, à l'augmentation des risques naturels, en particulier des inondations, et à la réduction du temps de travail, dont il a déjà été question tout à l'heure, l'évolution des caractéristiques des opérations de secours a considérablement fait progresser les charges des services de secours. Ainsi, entre 1997 et 2001, les budgets des SDIS ont progressé de 235 % !
Différentes lois récentes ont permis d'améliorer considérablement la prise en charge des opérations de secours, mais les coûts demeurent très élevés pour l'ensemble des collectivités. Il n'est pas question pour celles-ci de remettre en cause leur participation dans le fonctionnement et la gestion des SDIS ; j'exprime cependant quelques inquiétudes quant à l'évaluation des coûts réels imputables aux opérations de secours, d'autant que la ressource transférée aux départements pour le financement des SDIS, c'est-à-dire une part de la taxe sur les conventions d'assurances, dépend très largement des choix politiques du Gouvernement.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Dominique de Villepin, ministre. Madame la sénatrice, je vous remercie d'avoir rappelé tout l'intérêt de la loi de modernisation de la sécurité civile. L'année 2004 constitue en effet une année symbolique pour les sapeurs-pompiers, mais aussi une année historique, compte tenu des avancées qu'autorise cette loi.
Cette réforme a permis de confirmer l'importance de l'échelon territorial départemental, qui est la clé de voûte de la loi de modernisation.
J'ai souhaité que la loi reconnaisse le caractère dangereux des missions des sapeurs-pompiers. Cette volonté s'est traduite par l'aménagement, à partir de cinquante ans, de la fin de carrière des sapeurs-pompiers professionnels et par des améliorations apportées à la protection sociale des pompiers professionnels et volontaires victimes d'accidents en intervention.
C'est une véritable politique de sécurité des acteurs du secours que je souhaite voir affirmée au sein des SDIS.
J'ai veillé également à la maîtrise du coût des mesures de modernisation.
En ce qui concerne la formation des officiers, la sur-cotisation qui a été proposée est non pas une dépense nouvelle, mais la mise en commun d'une dépense déjà existante, qui sera désormais mieux répartie entre les SDIS.
Son produit sera intégralement affecté à la formation des sapeurs-pompiers. Ce dispositif s'inspire de celui qui a déjà été adopté pour les administrateurs territoriaux.
Quant à l'avantage retraite des sapeurs-pompiers volontaires, son coût est estimé à environ 60 millions d'euros par an. L'Etat prendra à sa charge une part substantielle de cette dépense : 20 millions d'euros dès 2005 et 30 millions d'euros à compter de 2006.
Il s'agit d'un effort sans précédent, qui répond à la volonté du Président de la République d'exprimer la reconnaissance de la nation pour une forme d'engagement civique sans équivalent depuis la fin de la conscription.
J'ai souhaité également que l'État accompagne financièrement la modernisation des SDIS.
Ces derniers bénéficieront en grande partie de l'infrastructure du réseau de communication ACROPOL mis en place pour la police nationale. Ils bénéficieront également d'une partie du fonds d'aide à l'investissement versé par l'Etat.
La loi permet enfin une clarification de la gestion des SDIS. Le transfert de l'ensemble des charges aux départements en 2008 simplifiera les modalités de gestion des SDIS. Les présidents des conseils généraux disposeront de tous les moyens de pilotage, mais la loi a prévu de maintenir le rôle des maires et des présidents des structures intercommunales qui continuent de participer aux conseils d'administration.
Enfin, la conférence nationale des services d'incendie et de secours sera également l'occasion d'échanger des informations financières sur le coût des secours.
Il s'agit, vous le voyez, d'une construction cohérente et, je le crois, très responsable.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Gourault.
Mme Jacqueline Gourault. Monsieur le ministre, les maires ont été très sensibles au fait d'être toujours représentés dans les conseils d'administration des EPCI. Depuis que je suis sénateur, c'est-à-dire depuis 2001, j'ai assisté au débat sur la départementalisation ou la non-départementalisation des SDIS. Je crois que c'est un bon choix que celui qui a consisté à maintenir les EPCI comme niveau d'organisation territoriale des secours, car les maires et les intercommunalités sont très attachés à la mission de sécurité civile des sapeurs-pompiers et se sentent pleinement concernés.
M. le président. La parole est à Mme Eliane Assassi.
Mme Eliane Assassi. Monsieur le ministre, je souhaite attirer votre attention sur la politique du Gouvernement en matière d'éloignement des étrangers en situation irrégulière.
A l'heure actuelle, un constat s'impose : les conditions de rétention administrative des étrangers en situation irrégulière avant leur éventuelle expulsion sont dégradantes et inhumaines.
Sur les vingt-cinq centres de rétention, dont vingt en métropole, les deux tiers ne sont pas aux normes. L'arrêté du 24 avril 2001, qui précise les conditions de vie minimales dans les centres de rétention, est loin d'être appliqué de manière uniforme dans tous les centres. Peu d'entre eux disposent de chambres distinctes pour les hommes, les femmes et les enfants, d'équipements sanitaires en bon état, ou encore de bonnes conditions de chauffage ou d'aération. En outre, les personnes retenues ne disposent pas toujours de la possibilité de bénéficier des espaces de détente pourtant prévus par les textes.
A cela s'ajoute, non pas une surpopulation des centres de rétention, mais une saturation des effectifs, qui est à la source de tensions entre les étrangers retenus et qui, de surcroît, rend leurs conditions de vie particulièrement pénibles.
J'oserai dire que, aujourd'hui, la rétention administrative s'apparente de plus en plus à de la détention. Il faut y voir une des conséquences de la politique répressive du Gouvernement en matière d'immigration : je pense évidemment à l'allongement du délai de rétention, puisque la loi Sarkozy prévoit que celui-ci peut aller jusqu'à trente-deux jours.
Je reviens sur le cas des enfants retenus en centre de rétention, le plus souvent avec leurs parents, au motif que l'intérêt supérieur de l'enfant exige que celui-ci ne soit pas séparé de ses parents. De ce fait, et en raison de l'inadaptation des locaux, les enfants se retrouvent mêlés sans distinction aux adultes, hommes ou femmes. Ils vivent le plus souvent dans un climat dangereux, ce qui ne correspond pas à la notion de sauvegarde de l'intérêt de l'enfant.
Les associations, essentiellement la CIMADE, seule habilitée à être présente dans les centres de rétention administrative, ainsi que la défenseure des enfants, Mme Claire Brisset, s'accordent pour dénoncer la présence d'enfants dans ces centres, mais aussi les mauvais traitements auxquels ils sont inévitablement soumis. Nous les avons reçues récemment : toutes sont inquiètes et demandent que soit effectivement respecté le principe d'interdiction du placement des mineurs en centres de rétention.
Pourtant, les mineurs placés dans ces centres sont de plus en plus nombreux, qu'ils accompagnent ou non leurs parents. Ce phénomène est pour ainsi dire en train de se banaliser. Pis, il arrive que des mesures d'éloignement soient prononcées alors que l'enfant est scolarisé.
Ces pratiques, outre qu'elles ne respectent pas la convention internationale des droits de l'enfant, sont intolérables et constituent une source de souffrance supplémentaire dont ces enfants n'ont pas besoin. Que comptez-vous faire, monsieur le ministre, pour remédier à cette situation ?
Les centres de rétention administrative ne sont malheureusement pas le seul objet de nos critiques. En effet, à côté des centres de rétention, il existe d'autres lieux de rétention au statut beaucoup plus opaque et qui sont les locaux de rétention administrative. Mais, à la différence de ce qu'il en est pour les centres de rétention, aucun texte ne précise les conditions matérielles d'existence des étrangers et d'exercice de leurs droits dans ces locaux de rétention administrative.
Ainsi, peu de locaux disposent de la totalité des équipements qui devraient y exister.
Par ailleurs, la présence d'un service médical et de la CIMADE n'est nullement obligatoire. En raison de l'augmentation prévue des mesures d'éloignement, ces locaux de rétention administrative, plus simples à organiser puisque qu'aucun texte ne vient en préciser les modalités de fonctionnement ne risquent-ils pas d'augmenter de manière inquiétante ?
Monsieur le ministre, ces interrogations et ces inquiétudes appellent des réponses immédiates. Il n'est pas possible à la fois d'augmenter de 60 % le nombre des reconduites à la frontière et de faire vivre les étrangers en attente d'expulsion dans de telles conditions.
Vous me répondrez que des moyens budgétaires sont prévus pour augmenter le nombre de places dans les centres de rétention, afin de passer de 845 places à plus de 1500. Nous en prenons acte, mais allez-vous continuer à y entasser sans distinction des adultes, des mineurs, des familles entières ?
Il faut également penser aux personnels chargés de la sécurité : quels moyens leur donne-t-on ? Les policiers qui assurent la garde sont le plus souvent très jeunes et manquent d'expérience pour accomplir cette mission délicate. Sont-ils suffisamment formés pour faire en sorte que la gestion d'un centre de rétention ne s'apparente pas à celle d'un établissement pénitentiaire ?
Tels sont, monsieur le ministre, les points sur lesquels je souhaitais attirer votre attention. Il est urgent que ce gouvernement respecte les droits fondamentaux dont tout étranger devrait pouvoir bénéficier, qu'il soit ou non en situation régulière. Quels sont aujourd'hui vos engagements en la matière ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Dominique de Villepin, ministre. Madame la sénatrice, quand on est confronté à des questions aussi difficiles que l'immigration irrégulière, il ne faut pas s'écarter de l'essentiel.
Qu'est-ce que l'immigration irrégulière ? C'est une menace dangereuse pour la société française. C'est une atteinte à nos principes républicains. C'est dire que nous ne pouvons pas rester sans réagir.
Un rapport récent de la Cour des comptes a souligné que, depuis trente ans, les politiques qui avaient été menées étaient toutes insuffisantes.
Dans ces conditions, que doit faire un gouvernement responsable ?
Il doit faire preuve de fermeté, et c'est exactement ce que je veux faire. Les mesures qu'il faut prendre éviteront beaucoup de malheurs, éviteront de faire le jeu de filières mafieuses, éviteront l'exploitation d'hommes, de femmes et d'enfants dans des conditions scandaleuses. Nous n'avons pas le droit de nous rendre complices d'un quelconque laxisme à cet égard.
M. Aymeri de Montesquiou, rapporteur spécial. Très bien !
M. Eric Doligé. Bravo!
M. Dominique de Villepin, ministre. La fermeté passe d'abord par la politique de reconduite aux frontières. Un chiffre a été rappelé tout à l'heure : 13 000 personnes pour les dix premiers mois de l'année. L'objectif est d'atteindre 20 000.
L'immense intérêt de cette politique de fermeté est de détourner les filières d'immigration irrégulière de notre territoire. C'est ainsi que nous adressons le juste signal !
Avec la fermeture du centre de Sangatte, nous avons divisé par vingt le nombre des candidats à l'immigration clandestine vers le Royaume-Uni et, aujourd'hui, la situation est beaucoup plus saine dans le pourtour de Calais.
De la même façon, vous évoquez la construction des centres de rétention administrative. Nous avons un devoir d'humanité, c'est vrai, et nous entendons l'assumer pleinement. C'est pourquoi je veux améliorer les conditions d'hébergement dans les centres de rétention administrative. Les plus anciens et les plus inadaptés seront remplacés par des centres neufs, avec des conditions d'accueil dignes. Ce sera le cas avec la fermeture des centres de Versailles et de Nanterre en 2005 et l'ouverture de ceux de Plaisir et de Palaiseau. Ce sera aussi le cas à Marseille avec la fermeture du centre d'Arenc et l'ouverture d'un nouveau centre en 2006.
Sans attendre, j'ai également obtenu dans la loi de finances rectificative pour 2004 deux millions d'euros supplémentaires pour améliorer les conditions d'accueil dans les centres existants.
Enfin, j'ai donné des instructions précises à mes services pour qu'une attention particulière soit portée à l'entretien et à la maintenance des centres.
Nous pouvons d'ores et déjà constater une baisse de cette pression migratoire. J'ai pu l'observer en me rendant dans la zone d'attente de Roissy : alors qu'en 2003 nous avions, chaque jour, 540 personnes non admises en attente, nous en avons aujourd'hui moins de 80. Des progrès ont donc été réalisés. Dans ces locaux, travaillent au quotidien avec nos forces de sécurité, dans un esprit de respect mutuel, des organisations humanitaires telles que l'association nationale d'assistance aux frontières pour les étrangers, l'ANAFE, et la Croix rouge.
Cela montre que nous avons le souci de concilier fermeté et humanité. C'est la tradition française et c'est l'exigence du Gouvernement. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur le banc des commissions.)
M. le président. La parole est à Mme Eliane Assassi.
Mme Eliane Assassi. Monsieur le ministre, je vous remercie de vos propos concernant notre devoir d'humanité, parce que c'est une exigence qui nous est commune.
Mon intention n'était pas de vous demander la construction d'établissements supplémentaires, même s'il devait s'agir de structures « 4 étoiles ».
Les centres de rétention ne sont que la partie visible de l'iceberg. Il s'agit de prendre acte d'une situation qu'il faudra bien un jour traiter sous un angle différent de celui du « tout-répressif ».
Sans tomber dans l'angélisme, je considère qu'en la matière une approche préventive, plus humaine et plus juste, serait mieux adaptée.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet.
M. Jean-Claude Peyronnet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il ne m'appartient pas de juger le style des hommes qui nous gouvernent, surtout lorsqu'ils n'appartiennent pas à ma famille politique et que je ne pense pas pouvoir influer sur leur comportement ; je ne sais d'ailleurs pas qui le pourrait !
Le ministère de l'intérieur a été « agité » - j'emploie le terme à dessein - pendant deux ans par un spécialiste de la politique-spectacle qui a multiplié les effets d'annonce, et avec une telle habileté que le fait d'avoir énoncé des objectifs a pu faire croire à l'opinion publique que ces objectifs étaient non seulement exprimés, mais également atteints !
Hélas ! le retour sur terre est souvent décevant, quelquefois même très cruel. Les autres doivent « ramer » pour ne pas perdre la face. En l'occurrence, je ne parle pas de moi !
Malgré les affirmations du Gouvernement, 68 % des objectifs de la LOPSI n'ont pas été atteints. Je crois, au contraire, qu'un véritable retard se creuse en matière de recrutement comme en matière d'équipement, sauf pour l'armement - on a même remplacé les pistolets, alors que les utilisateurs ne le demandaient pas - et pour la protection des hommes, qui est une tradition depuis Pierre Joxe.
Pour le reste, la police de proximité est, quoi qu'on en dise, abandonnée. De ce fait, la police n'est plus guère présente dans certains quartiers, sinon lors d'opérations spectaculaires à caractère plutôt répressif. Mais, de présence régulière et familière, il n'y en a plus !
Comme, en zone de gendarmerie, pour des raisons d'effectifs et de charge de travail, la présence est aussi très limitée, ce sont finalement d'immenses zones du territoire où la dissuasion par la présence n'est plus effective.
Nous avions déjà dénoncé, voilà quelque temps, les risques de « dénationalisation » de la politique de sécurité. Le constat que je viens de faire nous renforce dans cette crainte, sans parler du projet de loi sur la prévention, qui mettrait le maire au centre de cette politique ! Les polices municipales ne seront-elles pas, bientôt, les seules à assurer cette mission de sécurité au quotidien, qui est pourtant une mission régalienne ? Monsieur le ministre, j'aimerais avoir votre sentiment sur ce point.
En vérité, je me demande si, par-delà l'apparent maintien des objectifs et l'affirmation de bons résultats en matière délinquance, il ne faut pas voir essentiellement de la gesticulation médiatique et une mystification. Trois questions, assorties de sous-questions, vont me permettre de préciser ma pensée, monsieur le ministre.
Premièrement, où en sommes-nous de la pénalisation pour entrave à la circulation dans les halls d'immeuble, délit institué par la loi pour la sécurité intérieure du 18 mars 2003 ? Les résultats sont plus que médiocres ; nous l'avions annoncé. En effet, les forces de police ont des difficultés à faire les constats et les juges en ont encore plus à appliquer la loi dans sa rigueur. Qu'en pensez-vous, monsieur le ministre ?
La pénalisation ayant montré ses limites, est-il vrai que vous souhaiteriez une « contraventionnalisation » de ce type d'infraction ? On dit - mais je m'égare peut-être un peu ! - que le garde des sceaux ne serait pas d'accord. J'aimerais que vous nous éclairiez sur ce point, monsieur le ministre.
Deuxièmement, M. Sarkozy a fait croire aux Français que la délinquance baissait. Il n'en est rien sur le long terme puisque le taux de criminalité pour 1 000 habitants est, en 2003, le même qu'en 1994, à savoir 6,6 exactement.
Dans le cadre de cette politique-spectacle que j'évoquais, et à grand renfort de cérémonies médiatiques avec les préfets et les directeurs départementaux de la police, M. Sarkozy avait mis l'accent sur la culture du résultat, administrant des bons et des mauvais points. Les primes qui concrétisaient les bons points étaient distribuées d'une façon très médiatique, bien sûr, mais aussi, paradoxalement, très obscure quant aux critères d'attribution, ce que dénoncent d'ailleurs à peu près tous les syndicats. Certains d'entre eux considèrent même que ces primes sont désastreuses en raison des tensions qu'elles engendrent entre les services, voire entre les individus, en raison précisément de leur versement arbitraire.
J'ajoute que cette culture du résultat incite à des pratiques douteuses, révélées par l'Institut national des hautes études de sécurité.
Le cas des violences urbaines est caractéristique : il n'existe aucune harmonisation. Alors que la gendarmerie recense tout, du simple tag aux voitures incendiées, depuis 2003 la direction centrale de la sécurité publique ne retient plus que « les actions collectives à force ouverte contre la police ou les institutions ». Ainsi, les affrontements entre bandes ne sont retenus que s'il s'agit de la défense - ou de la conquête, c'est pareil - d'un territoire. De même, la police opère un tri entre les différents types d'incendie de véhicule.
Que pensez-vous de tout cela, monsieur le ministre ? N'y a-t-il pas risque de manipulation ? La mission du préfet Michel Gaudin, qui doit mettre au point de nouveaux indicateurs, avance-t-elle ? Plus généralement, reprenez-vous à votre compte cette culture du résultat ?
Enfin, troisièmement, monsieur le ministre, la fidélisation des forces dans les zones sensibles, et plus particulièrement en Ile-de-France, est une question lancinante, mais qui n'est pas réellement traitée. En effet, 80 % des agents nommés demandent, dès que possible, leur transfert, ce qui a pour conséquences une déstabilisation des services, un sous-encadrement. Mais le résultat le plus désolant, c'est que ce sont finalement les fonctionnaires les moins expérimentés qui opèrent dans les zones les plus difficiles.
Là encore, les effets d'annonce ont été nombreux, mais le moins qu'on puisse dire, c'est que la politique sociale qui aurait dû être associée à ce principe de fidélisation ne suit pas, ou de façon ridicule. Les mesures concernant le logement des policiers, en location ou en accession, sont notoirement insuffisantes.
Par ailleurs, il n'existe aucune politique en faveur de la petite enfance dans un corps qui, pourtant, est en voie de féminisation rapide. Monsieur le ministre, nombre de syndicats ont trouvé grotesque - et je les comprends - la première expérience de crèche associative qui porte, tenez-vous bien, sur seulement dix berceaux !
En résumé, monsieur le ministre, à quand une véritable politique sociale en faveur des policiers ? Manifestement, ce n'est pas pour cette année !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Dominique de Villepin, ministre. Monsieur le sénateur, voilà beaucoup de remarques qui méritent des réponses précises, à commencer par la mise en cause de mon prédécesseur, mise en cause que vous me permettrez de qualifier de tout à fait inacceptable et injuste.
Il suffit de regarder les résultats. J'ai marqué, depuis 2002, à quel point il y avait rupture par rapport au laxisme passé. Les chiffres parlent d'eux-mêmes. Cette dynamique se renforce justement parce que l'effort a été entrepris et la mobilisation de l'ensemble de nos forces de sécurité sur le territoire confortée, jour après jour. C'est un travail difficile, mais c'est bien ce travail-là que, ministre après ministre, nous poursuivons, au service de la République.
S'agissant de la LOPSI, je ne peux pas vous suivre quand vous dites que les objectifs ne seront pas atteints. Les chiffres que nous avons donnés sont les résultats pour la fin 2005. Le taux de progression, qui sera de 68 %, est supérieur de 8 % à l'objectif fixé. Nous sommes donc tout à fait « dans les clous », et les objectifs de la LOPSI seront strictement atteints.
Pour ce qui est de la présence sur le terrain de nos forces de police, je dois, là encore, corriger ce que vous avez indiqué. Il a été prévu dans la LOPSI que 6 700 policiers et 7 000 gendarmes supplémentaires allaient être recrutés. C'est un effort d'augmentation de nos forces de sécurité sur le terrain qui est tout à fait considérable et sans précédent.
Vous avez évoqué la situation particulière des halls d'immeuble. Nous avons le mérite d'essayer d'apporter des solutions là où rien n'avait été fait. Il faut, bien évidemment, évaluer l'application de la loi ; c'est une tâche difficile. Souvent, cette application est insuffisante. Nous devons établir une concertation avec le ministère de la justice. Les deux inspections, celle de la police et celle de la gendarmerie, ont été mobilisées pour procéder à ce travail d'évaluation.
En ce qui concerne la prime de résultat, je peux vous dire qu'au ministère de l'intérieur l'attribution de cette prime ne pose aucun problème au quotidien. Elle bénéficie même du soutien de l'ensemble des personnels. Elle est attribuée dans des conditions de parfaite transparence, en concertation avec les représentants des syndicats. Elle touche aujourd'hui 20 % des effectifs. Nous avons fait un travail considérable pour que cette prime réponde véritablement à l'attente des personnels. De plus, les crédits qui y sont consacrés sont en augmentation : ils vont passer de 5 millions à 10 millions d'euros en 2005, soit un doublement de l'enveloppe.
S'agissant des violences urbaines, nous prenons acte de la difficulté de la situation. Nous avons toutefois réussi à stabiliser - c'est une première - l'augmentation de ces violences. Il existe effectivement un problème de comptabilisation de tels actes ; c'est pourquoi nous voulons définir un nouvel agrégat. J'ai demandé à l'Observatoire de la délinquance de bien vouloir travailler sur la définition de l'agrégat qui nous permettra d'être plus efficaces.
Quant à la fidélisation des agents en Ile-de-France, il s'agit d'un problème historique. Le taux de rotation est trop rapide. C'est pourquoi, dans le protocole d'accord sur la réforme des corps et carrières de la police nationale - accord extrêmement important, qui a été signé par plus de 90 % de la représentation syndicale -, nous avons prévu un dispositif spécifique permettant la stabilisation des gardiens. Ainsi, le temps de séjour obligatoire sera de cinq ans au minimum. C'est un progrès tout à fait considérable, qu'il convient de saluer. Par ailleurs, nous multiplierons par deux le taux d'encadrement. C'est dire que la présence, la disponibilité et l'efficacité de ces forces seront considérablement augmentées.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet.
M. Jean-Claude Peyronnet. Je ne suis pas d'accord avec M. le ministre. Je ne crois pas que mes chiffres soient faux. Je crois plutôt que les siens ne sont pas tout à fait exacts.
En fait, les chiffres de la délinquance peuvent varier considérablement d'une année sur l'autre, voire de deux ans en deux ans, en fonction de l'évolution de la technique. Supposez que l'on réussisse à rendre inviolables les cartes de crédit ; il n'y aura plus aucun intérêt à les voler ! Il en sera de même si les téléphones portables deviennent inutilisables dès qu'ils ont été dérobés. Les chiffres peuvent donc varier considérablement sans que cela signifie pour autant que la délinquance ait disparu au quotidien.
Pour ce qui est du recrutement, vous vivez en fait largement sur celui qui a été annoncé et prévu par M. Vaillant. Nous l'avions dit à l'époque. Les écoles étaient pleines, elles le sont toujours, mais, en matière d'encadrement, en particulier, vous n'avez pas fait mieux.
M. Jean-Claude Peyronnet. Je conteste formellement votre réponse relative aux primes de résultat : cela m'étonnerait que les syndicats soient satisfaits des méthodes que vous employez ! Ils m'ont eux-mêmes indiqué qu'ils ne connaissaient pas les critères d'attribution et fait part de leurs craintes de voir se développer de fortes tensions au sein de votre ministère sur ce point.
Enfin, concernant la fidélisation, je ne crois pas qu'une mesure autoritaire obligeant les fonctionnaires à rester cinq ans en poste soit la meilleure solution. Une politique sociale serait bien préférable. Elle permettrait de mieux encadrer les fonctionnaires, de mieux les loger. Or, de ce point de vue, les crédits que vous avez annoncés sont très médiocres. Etant donné la féminisation des personnels, elle permettrait aussi à ces personnels de mieux concilier travail et vie de famille.
M. le président. La parole est à M. Paul Girod.
M. Paul Girod. Monsieur le ministre, en 1959, le général de Gaulle promulguait une ordonnance portant organisation générale de la défense. Tout un chapitre y était consacré à la défense civile, comme si le général de Gaulle pressentait déjà qu'après la guerre froide le nouvel ordre mondial aurait un caractère très différent et que la défense de la population deviendrait l'une des premières préoccupations des gouvernants.
Au moment de la mise en place de la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF, je suis de ceux qui ont déploré que l'on n'ait pas défini une « mission défense civile », permettant de regrouper, dans un cadre cohérent et avec une convergence d'objectifs, toute une série de missions qui dépendent de différents ministères. Malheureusement, cela n'a pas été fait.
La loi de modernisation de la sécurité constitue déjà, c'est vrai, un pas en avant, même si elle ne va pas aussi loin que j'aurais pu le souhaiter. Y figurent dans une annexe « les orientations de la politique de sécurité civile » - ce n'est qu'une annexe, mais les dispositions qu'elle comporte sont approuvées par le second alinéa de l'article 3 de la loi -, qui sont les bienvenues à tous égards.
Monsieur le ministre, je voudrais vous interroger sur trois de ces orientations et sur les moyens intellectuels, réglementaires ou financiers - les uns n'excluant pas les autres - que vous entendez y consacrer dans l'exercice budgétaire qui s'ouvre.
Premièrement, où en est l'organisation de la veille interministérielle, de la désignation des ministères chefs de file par domaine, de la mise en place des correspondants mobilisables par la direction de la défense et de la sécurité civile ?
Deuxièmement, dans le passage de l'exercice à l'entraînement, décrit dans le 3 du I de l'annexe, sont prescrits des exercices de sécurité et de défense civiles, qui, « ne se limiteront pas à des essais des systèmes de transmissions et à la formation des états-majors, mais devront être effectués aussi souvent que nécessaire en grandeur réelle, en y associant directement le public ». Je me permets de souligner tout particulièrement ce dernier point.
Quels programmes envisagez-vous pour 2005, et avec quels moyens ? Des exercices impromptus d'évacuation de nos immeubles de grande hauteur y figurent-ils ? Nous n'avons jamais fait ce genre d'exercices, auxquels les Américains procèdent, eux, régulièrement, ce qui leur a probablement permis de sauver énormément de vies le 11 septembre 2001.
Enfin, troisièmement - il s'agit d'un sujet dont vous nous avez assez largement parlé ce matin, et je me suis réjoui de vous avoir entendu -, tous nos corps d'intervention s'attachent avec ardeur à se perfectionner en améliorant leurs capacités, leurs matériels, leurs méthodes, bref leur efficacité.
Mais, on l'oublie trop souvent, dans les périodes de calme, qui devraient être des périodes de préparation, la solution d'une crise, y compris le retour à la normale, suppose une coordination entre tous les intervenants. C'est la raison pour laquelle nombre de responsables attachent une grande importance au Centre national de formation à la défense et à la sécurité civiles de Cambrai, que vous avez évoqué ce matin et auquel vous avez manifesté votre attachement, ce dont je vous remercie. Il s'agit d'un centre où devraient se forger doctrines et pratiques, pour les acteurs, aussi bien publics que privés, de la protection et de la défense de la population.
Pouvez-vous faire le point sur l'état actuel de ce dossier, sur les moyens envisagés en 2005 et, surtout, sur les perspectives d'ouverture de ce centre à nos partenaires européens - et je pense là, aussi, notamment, au milieu universitaire -, que la localisation à Cambrai ne peut que faciliter ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Dominique de Villepin, ministre. Monsieur le sénateur, vous avez raison de rappeler la nécessité d'être en permanence aux aguets face aux grands événements qui peuvent affecter les populations.
C'est pour cela que, dès mon arrivée, j'ai demandé aux préfets d'être extrêmement vigilants face à ces différentes menaces. J'ai décidé de doter la place Beauvau d'une cellule de crise susceptible, en permanence, de se tenir informée et de me permettre de décider des actions nécessaires.
De son côté, le Centre de sécurité civile est désormais la véritable tour de contrôle opérationnelle pour les situations de crise. On a vu, à l'occasion du rapatriement des Français de Côte d'Ivoire, à quel point elle était nécessaire.
Je veux amplifier les exercices et les simulations ; je vous confirme donc que les exercices d'évacuation des immeubles de grande hauteur seront organisés régulièrement ; c'est d'ailleurs une prescription réglementaire.
En matière de défense civile, notre politique est ambitieuse. Nous avons pour objectif d'effectuer cinquante exercices en 2004. Cela va être amplifié pour tester nos dispositifs. A titre d'exemple, un exercice nucléaire majeur était organisé la semaine dernière dans la Drôme.
Enfin, j'entends, mais vous l'avez rappelé, faire vivre pleinement le pôle de défense civile de Cambrai, et lui donner une ouverture indispensable sur le plan européen. Nous devons disposer, d'ici à 2007, non seulement d'un laboratoire pour mettre au point la doctrine, mais aussi d'un véritable centre de formation, ouvert à tous les intervenants.
Déjà, en 2004, des formations ont été organisées à Cambrai pour des policiers et des militaires, mais aussi pour des sapeurs-pompiers. Dès 2005, l'Etat désignera le partenaire privé qui assurera la gestion future du centre de formation.
Je considère, comme vous, que la défense civile est le corollaire indispensable de l'action que nous devons mener, et que nous menons, contre le terrorisme. De ce point de vue, il est également nécessaire de parvenir à une plus grande rationalité sur le plan financier.
Dans le cadre de la préparation de la LOLF, nous avons ainsi pu obtenir l'identification d'une mission « sécurité civile » propre au ministère de l'intérieur, qui pourra accueillir, le moment venu, des contributions provenant d'autres ministères.
M. le président. La parole est à M. Paul Girod.
M. Paul Girod. Monsieur le ministre, je vous remercie, d'abord, de vos propos sur la LOLF, dont la mise en oeuvre traduit un changement d'orientation. En effet, d'un système fermé, nous nous orientons, si je comprends bien, vers un système plus ouvert. L'interministérialité, principe que le général de Gaulle avait affirmé dès 1959, ne pourra que se manifester davantage, d'où une plus grande rationalité dans la préparation aux situations de crise et dans la gestion de celles-ci.
Je vous remercie également de vos propos relatifs au Centre national de formation de Cambrai. Notre collègue Jacques Legendre, ici présent, et moi-même sommes attachés à la bonne réalisation de ce projet. Nous espérons que vous pourrez vous rendre sur place prochainement. Au demeurant, nous espérons vivement que ce centre portera le nom de Maurice Schumann, fondateur du Haut comité français pour la défense civile, à qui j'ai eu l'honneur de succéder. Quel meilleur patronage pourrions-nous trouver pour un tel centre de formation ?
Monsieur le ministre, vous le savez, j'essaie de vous aider le mieux possible. Aidez-moi donc en retour, je vous en serai toujours reconnaissant ! (M. Jacques Legendre applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le ministre, je souhaite intervenir sur la très délicate question de la bonne affectation des moyens de la police et de la gendarmerie eu égard au taux de délinquance constaté, en prenant en compte non seulement les personnels déjà en place, mais aussi les emplois à créer.
J'évoquerai le cas particulier d'un département que je connais bien, le Loiret, qui est l'un des départements les moins bien dotés en effectifs au regard du nombre de crimes et délits commis pour un membre des forces de l'ordre.
En effet, le Loiret occupe la quatre-vingt-cinquième place sur quatre-vingt-seize départements métropolitains, avec 32,09 crimes et délits par policier et gendarme. Vous le savez, monsieur le ministre, ce chiffre est bien supérieur à la moyenne nationale, qui s'élève à 22,5.
Pour la seule police nationale, la moyenne passe à 56,32 crimes et délits par fonctionnaire. Le Loiret manque donc de gradés et de gardiens de la paix, notamment dans la circonscription de police d'Orléans, où l'on déplore une insuffisance d'effectifs particulièrement criante pour la BAC, la brigade anti-criminalité, et la brigade motorisée.
Malgré les annonces faites à plusieurs reprises, notamment il y a deux ans, le lourd déficit constaté en termes d'effectifs n'a malheureusement pas pu être comblé. Les représentants de la police nationale ont alors demandé aux parlementaires du département de vous interroger à ce propos.
Ce matin, vous avez souligné l'attention que vous entendiez porter à la troisième couronne de la région parisienne. Je ne sais pas si le Loiret en fait partie, mais cela ne l'empêche pas, en tout cas, de connaître des difficultés importantes en la matière.
Monsieur le ministre, sous votre impulsion, la direction centrale de la sécurité publique travaille à une meilleure répartition des forces de police, selon de nouveaux critères. Dans ce cadre, quelles dispositions très concrètes comptez-vous prendre durant l'année 2005, s'agissant notamment du Loiret, qui pâtit du déficit que je viens d'évoquer ?
M. Eric Doligé. J'approuve tout à fait votre intervention, mon cher collègue !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Dominique de Villepin, ministre. Monsieur le sénateur, sur la question des effectifs, ma démarche est double.
Je veux d'abord permettre à tous les départements d'affronter l'insécurité à armes égales. C'est pourquoi j'ai demandé à la direction générale de la police nationale de bien vouloir fixer des effectifs de référence par département. Cela n'avait jamais été fait auparavant, alors qu'il s'agit d'une absolue nécessité.
Ces effectifs de référence doivent être établis en fonction de dix critères, reconnus de tous et qui puissent véritablement être incontestés et incontestables. Il s'agit ainsi, entre autres, de la population, de la superficie, des faits de délinquance et des charges incompressibles. J'ai veillé à inscrire également la violence urbaine parmi ces critères, au même niveau que la délinquance.
Je souhaite ensuite pondérer la part respective de ces différents critères, au vu de l'impossibilité de comparer tous les départements entre eux. Concrètement, les départements sont regroupés en trois catégories, selon l'importance et le poids de la délinquance.
Je procéderai personnellement aux ajustements nécessaires, afin de disposer, pour les cas les plus difficiles, d'une réserve d'effectifs qui permettra donc de répondre aux besoins les plus pressants, car je veux donner à chacun les moyens adéquats.
La lutte contre la violence, notamment urbaine, est une priorité. Dès le début de l'année prochaine, nous disposerons d'un indicateur permettant d'en mesurer précisément l'évolution. Les départements les plus touchés seront donc renforcés prioritairement en effectifs.
Dans mon esprit, le Loiret se situe effectivement dans la troisième couronne de la région parisienne. Certes, comme vous l'avez dit, monsieur Sueur, la baisse de la délinquance y est moins forte qu'ailleurs puisqu'elle n'est que de 1,3 %. Toutefois, le redéploiement opéré entre la police et la gendarmerie a induit un accroissement des missions, aggravant donc la charge de travail.
Ce renforcement constitue donc, pour le Loiret, une priorité. Entre 2002 et 2004, 26 policiers supplémentaires ont été affectés dans le département. D'ici au 1er janvier 2005, le Loiret bénéficiera d'un renfort de 9 autres policiers, 4 pour Orléans et 5 pour Montargis.
Je veillerai à ce que ces niveaux d'effectifs soient préservés au 1er avril 2005, en compensant naturellement les départs par l'arrivée de 13 gardiens de la paix des promotions de février et de mars, dont 11 seront affectés à Orléans.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le ministre, je vous remercie de vos précisions concrètes concernant le département du Loiret.
Il s'agit d'un premier pas vers un nécessaire rééquilibrage. Comme toujours, nous serons très vigilants quant à sa traduction dans les faits et nous serons particulièrement attentifs à ce que les évolutions naturelles liées aux départs à la retraite ne reprennent pas d'un côté ce qui a été accordé de l'autre.
En effet, dans un souci d'égalité, il est très important que tous nos concitoyens bénéficient de la même protection, où qu'ils résident sur le territoire national.
M. Eric Doligé. Je remercie également M. le ministre, ce qui est habituel, et M. Sueur, ce qui est plus rare ! (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. Laurent Béteille.
M. Laurent Béteille. Avec le budget de la sécurité qui nous est aujourd'hui présenté, nous entamons l'exécution du troisième exercice de la loi du 29 août 2002 d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure.
Grâce à ce budget, les objectifs fixés dans cette loi seront, une fois encore, tenus cette année.
Ainsi, comme vous l'avez rappelé, monsieur le ministre, à la fin de l'année 2005, 60 % des créations de postes prévues par cette loi, soit très précisément les trois cinquièmes, devraient être effectifs après trois années d'application de la loi sur les cinq années programmées. Au total, 68 % des crédits prévus par la loi de 2002 auront été engagés sur la même période.
Dans ma circonscription de Brunoy, dans l'Essonne, pour la première fois depuis bien longtemps, les postes annoncés sont quasiment pourvus, à une unité près. Je nuancerai cette appréciation très positive en signalant le manque d'ADS, que le commissariat de Brunoy a quelques difficultés à supporter.
Néanmoins, nous le constatons pour la troisième année consécutive, le présent budget répond aux engagements du Gouvernement figurant dans la loi de 2002, ce dont il faut se féliciter.
Monsieur le ministre, je tiens également à vous féliciter des efforts consentis en matière de lutte contre toutes les formes de délinquance depuis maintenant deux ans et demi, efforts consentis d'abord par votre prédécesseur, puis par vous-même et, au-delà, bien sûr, par l'ensemble des fonctionnaires et agents sur le terrain.
Les résultats sont probants et les chiffres les plus récents parlent d'eux-mêmes.
Cela a été rappelé, la délinquance générale a reculé de 4,5 % dans les dix derniers mois, et une accélération sensible du rythme de cette baisse a été constatée.
La délinquance de voie publique, quant à elle, a reculé de 9 %, ce qui correspond à 150 000 victimes de moins.
La seule ombre à cet excellent tableau tient aux violences contre les personnes et aux violences urbaines.
Les violences contre les personnes, qui sont une forme de violence très visible et très marquante pour les victimes, ont été en constante augmentation, même si, pour la première fois, elles paraissent marquer un léger recul depuis deux mois, avec, par exemple, une diminution de 0,1 % en octobre.
Les violences urbaines ont toujours augmenté ; il semble toutefois qu'on observe depuis peu, là aussi, une stabilisation.
Cependant, la prudence s'impose et nous manquons de recul pour savoir si ces stabilisations correspondent aux prémices d'un véritable recul.
Face à ce constat, je souhaiterais savoir, monsieur le ministre, comment les crédits supplémentaires dégagés dans le présent budget au titre de la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure seront affectés à la lutte contre ces deux formes de délinquance qui restent préoccupantes.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Dominique de Villepin, ministre. Monsieur Béteille, vous avez raison, la lutte contre les violences constitue bien, aujourd'hui, ma première priorité, et je souhaite me doter à cette fin d'outils de mesure fiables.
J'ai confié à l'Observatoire national de la délinquance la mission de comptabiliser l'ensemble des crimes et des délits caractérisés par les violences physiques.
Les premiers résultats montrent, effectivement, que ces infractions commencent à régresser. Le dernier indicateur en notre possession concerne le mois d'octobre et marque une diminution de 0,1 %. Autrement dit, la tendance s'inverse ; souhaitons que cela continue !
S'agissant des violences urbaines, la comptabilité étant beaucoup plus difficile, j'ai demandé à la direction générale de la police nationale de me proposer un nouvel indicateur intégrant l'ensemble des faits et comportements caractéristiques de ces violences. Cet indicateur servira de base de référence à partir du 1er janvier 2005.
Je souhaite placer la lutte contre les violences au coeur de ma politique. Tel est le sens des chantiers que j'ai lancés juste avant l'été, non seulement contre les trafics de drogues et les filières mafieuses, mais aussi contre la cybercriminalité, le racisme et l'antisémitisme, afin de réduire les exclusions, qui sont souvent génératrices de frustrations.
De la même façon, tel est le sens du projet de loi de prévention de la délinquance que je prépare avec Dominique Perben pour le début de l'année prochaine. Nous avons trois objectifs : garantir un environnement plus sécurisé, qui protège, en amont, du risque de la délinquance ; dissuader les comportements les plus criminogènes tels que l'usage de drogue ou l'abus d'alcool ; prévenir la réitération ou la récidive d'actes de délinquance.
Tous les moyens concourent à mieux lutter contre les violences urbaines.
Les renforts sont ciblés en direction des unités d'interpellation, notamment les brigades anti-criminalité.
Les forces mobiles seront davantage affectées à des tâches de sécurisation. Sur le plan national, vingt-trois compagnies de CRS s'y consacrent quotidiennement.
Les moyens disponibles en hommes et les secteurs à risque sont mieux évalués, grâce au développement de la main courante informatisée. Quant aux équipements, ils ont été adaptés, notamment pour les CRS, dont le parc roulant a été fractionné. Les compagnies peuvent ainsi intervenir plus vite en unité plus légère, ce qui leur donne, évidemment, beaucoup plus d'efficacité.
Enfin, le réseau radio a été modernisé et permet des échanges plus rapides et beaucoup mieux sécurisés.
Vous le voyez, nous avons véritablement mis en place un plan d'adaptation, qui vise à rendre nos forces encore plus efficaces.
M. le président. La parole est à M. Laurent Béteille.
M. Laurent Béteille. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse positive.
En effet, les mesures qui sont proposées devraient permettre de satisfaire les besoins réels auxquels nous sommes confrontés.
Pour autant, si les habitants des communes concernées ont constaté des améliorations dans les statistiques, ils n'ont pas forcément toujours perçu les effets concrets de la baisse de la délinquance dans leur vie quotidienne. Cela peut s'expliquer par le fait qu'ils sont particulièrement sensibles à un certain type de comportements délictueux.
Par conséquent, tout ce qui peut être fait dans cette voie est, naturellement, bienvenu.
M. le président. La parole est à M. Philippe Goujon.
M. Philippe Goujon. Monsieur le ministre, vous venez de nous confirmer que la délinquance, y compris les violences contre les personnes, continue de reculer dans notre pays.
Cela tient sans doute au fait que nous sommes passés du temps de la naïveté à celui de la lucidité, qui est la condition première de l'action.
En effet, au temps de la naïveté, c'est-à-dire au cours de la précédente législature, la criminalité a augmenté de 17 %. A contrario, le temps de l'action est apparu depuis que Nicolas Sarkozy et vous-même avez refusé de considérer l'insécurité comme une fatalité.
Les faits sont là, et les rapporteurs, nos excellents collègues Jean-Patrick Courtois et Aymeri de Montesquiou, les ont commentés. Ils sont le résultat des moyens et de la nouvelle architecture législative et réglementaire que notre majorité a mise en place comme de la remobilisation des fonctionnaires chargés de la sécurité.
Ces faits sont la conséquence de la « culture du résultat » qui a été insufflée, comme l'atteste d'ailleurs à la fois le taux d'élucidation, le taux des délits révélés par l'activité des services, qui a fortement progressé, et la diminution du nombre des départs anticipés à la retraite.
Ces bons résultats ont même été amplifiés à Paris, où la délinquance de voie publique a reculé de près de 35 % depuis 2002. D'ailleurs, à l'heure où Jean-Paul Proust s'apprête à quitter ses fonctions de préfet de police, vous me permettrez de rendre hommage à l'action qu'il a conduite.
Même si Paris tend à devenir la capitale la plus sûre du monde, en tout cas la mieux notée sur ce plan par le Comité international olympique parmi les villes candidates pour accueillir les jeux de 2012, son taux de criminalité demeure néanmoins le plus élevé de France, ce qui rend plus que jamais nécessaire la poursuite et même l'amplification du travail engagé.
J'évoquerai quelques domaines parmi les plus sensibles.
Des résultats ont déjà été obtenus dans la lutte contre la prostitution, l'économie souterraine ou le trafic des stupéfiants, par exemple, ainsi que, plus récemment, dans la lutte tout aussi importante contre les réseaux actifs se réclamant d'un islam radical. La situation reste cependant inquiétante et je souhaiterais, monsieur le ministre, que vous fassiez aujourd'hui le point sur ces différents domaines, en nous indiquant également les mesures nouvelles que vous comptez prendre pour amplifier les résultats déjà acquis.
Outre votre volonté et celle qui anime le Gouvernement de faire de cette question une priorité, la sécurité, c'est l'addition des crédits et des hommes, des lois et des règles, des matériels et des locaux. Aussi, où en est le grand plan pour l'immobilier de la préfecture de police de Paris ?
La question de la fidélisation des personnels est encore plus importante, notamment en Ile-de-France. Afin de l'améliorer, comment comptez-vous aider les policiers à mieux se loger et envisagez-vous de créer un fonds de garantie des loyers ?
Enfin, autre aspect de la fidélisation, le protocole d'accord sur la réforme des corps et carrières du 17 juin 2004, qui a été abondamment et à juste titre cité au cours de ce débat, reconnaît la nécessité de renforcer le nombre de gradés, en portant le pourcentage d'encadrement au niveau de la moyenne nationale.
Pour 2008, s'agissant du nouveau grade de brigadier, l'objectif fixé est de 3 540 postes à Paris et de 2 100 postes en petite couronne. Cependant, pour l'atteindre, encore faut-il que les agents puissent remplir les conditions requises ! N'oublions pas, en effet, que, dans cette région, la moyenne d'âge est peu élevée. Cette remarque vaut également pour les brigadiers-chefs et les majors.
C'est pourquoi je vous remercie, monsieur le ministre, de nous préciser les mesures spécifiques en matière d'ancienneté, de conditions d'âge et de déroulement accéléré des carrières que vous comptez prendre, afin que ces postes soient effectivement pourvus.
Ces mesures, vous le savez, sont attendues avec confiance et espoir par tous les policiers d'Ile-de-France. Elles contribueront à y renforcer la sécurité, en comblant enfin le déficit d'encadrement, qui est récurrent dans notre région.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Dominique de Villepin, ministre. Monsieur le sénateur, à Paris comme sur l'ensemble du territoire, nos forces de police sont pleinement mobilisées contre la délinquance.
C'est vrai - vous l'avez d'ailleurs mentionné - pour la prostitution de voie publique, qui a diminué de moitié grâce à 2 162 procédures supplémentaires pour racolage au cours des dix premiers mois de l'année.
C'est également vrai pour le trafic de stupéfiants, qui constitue l'une des priorités de mon action. L'activité des services, notamment de la brigade des stupéfiants, a permis d'enregistrer une augmentation de près de 15 % des faits révélés. Il s'agit essentiellement de prises d'héroïne, de cocaïne et de résine de cannabis.
J'entends également renforcer notre action dans la lutte contre l'immigration irrégulière. A Paris, 726 étrangers en situation irrégulière supplémentaires ont été reconduits à la frontière depuis le début de l'année, sur le seul ressort de la préfecture de police.
Le pôle « islam radical » qui a été constitué et placé sous l'autorité du préfet de police mène également une lutte organisée et systématique contre l'islamisme radical structuré puisque 101 opérations ont été conduites après seulement huit mois de fonctionnement.
Les Français nous demandent d'amplifier nos efforts pour mieux les protéger et consolider la société. Nous nous attaquons aux noyaux durs de la délinquance.
Nous voulons parallèlement mettre en oeuvre une véritable politique de prévention de la délinquance.
En outre, nous entendons être encore plus fermes face à l'immigration irrégulière, notamment en portant à 20 000, en 2005, le nombre de reconduites menées au niveau national.
L'encadrement et la fidélisation des effectifs sont, vous l'avez souligné, un enjeu crucial à Paris et en région parisienne. En effet, le taux de renouvellement des policiers y est excessif et a pour corollaire la faiblesse de l'encadrement sur le terrain.
Pour y remédier, j'ai fixé trois objectifs.
Il convient, tout d'abord, de doubler le taux d'encadrement en région parisienne. Il est actuellement de 15 %, ce qui est notoirement insuffisant. Je veux qu'il atteigne 28 % à la fin de l'année 2005 par le jeu des nominations au grade de brigadier, dans le cadre des mesures transitoires de la réforme des corps et carrières.
Encore faut-il que nous disposions de candidats pour ces nominations. C'est la raison pour laquelle les conditions ont été assouplies, en ouvrant le bénéfice des mesures transitoires aux gardiens affectés depuis cinq ans et faisant fonction de gradé depuis au moins un an. A Paris, cela représente ainsi un vivier supplémentaire de 1 000 gardiens qui seront nommés brigadiers dans les mois à venir.
Ensuite, il s'agit de fixer une durée de séjour minimale. Le protocole d'accord sur la réforme des corps et carrières, signé à la quasi-unanimité des organisations syndicales, prévoit une durée de séjour dans la région qui ne peut être inférieure à cinq ans pour un gardien de la paix, à trois ans pour un brigadier et à deux ans pour un brigadier-chef. Une astreinte de même nature sera également prévue pour les officiers, dans le cadre de leur nouveau statut.
Enfin, et c'est le troisième objectif, nous devons aider les policiers à s'installer en région parisienne.
A cette fin, les crédits du logement, qui augmentent de 37 % dans le budget de mon ministère, permettront d'accroître les aides à la location en région parisienne. J'ai demandé à la préfecture de police d'être la tête de réseau de cette politique.
Parallèlement, nous étudions les conditions dans lesquelles les policiers pourraient bénéficier d'un prêt à taux fortement bonifié pour accéder à la propriété.
Nous mettrons également en place un fonds de garantie pour les loyers, qui permettra aux policiers d'accéder plus facilement à un logement.
M. le président. La parole est à M. Philippe Goujon.
M. Philippe Goujon. Je suis tout à fait satisfait des précisions que M. le ministre de l'intérieur vient d'apporter concernant les policiers d'Ile-de-France, qui seront, je le crois, tout à fait intéressés par ces mesures qu'ils réclamaient depuis longtemps.
J'ai également bien noté l'annonce de mesures concernant la sécurité dans la ville de Paris, qui s'est, d'ailleurs, déjà énormément améliorée.
A cet égard, je peux vous communiquez, monsieur le ministre, un indicateur supplémentaire de cette amélioration : dans nos mairies d'arrondissement, il y a quelque temps, nous recevions principalement des courriers d'habitants se plaignant de l'insécurité grandissante dans nos rues ; aujourd'hui, le sujet de protestation et de mécontentement des Parisiens porte d'abord sur la propreté, mais ce problème n'est pas de votre responsabilité, monsieur le ministre !
M. le président. Cette séance de questions-réponses est terminée. Je crois que nous pouvons nous réjouir, les uns et les autres, de la manière dont elle s'est déroulée.
Je vous remercie, mes chers collègues, et surtout vous, monsieur le ministre, de vous être prêtés à cet exercice très rythmé et tout à fait intéressant.
Je rappelle au Sénat que les crédits concernant la sécurité inscrits à la ligne « Intérieur, sécurité intérieure et libertés locales » seront mis au voix, aujourd'hui, à la suite de l'examen des crédits affectés à la décentralisation.
État B
Titre III : 138 998 096 euros.
Mme Eliane Assassi. Le projet de budget du ministère de l'intérieur pour 2005 prévoit, en application de la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure, la création de 1 000 emplois supplémentaires.
Cependant, à y regarder de plus près, on s'aperçoit qu'une moitié de ces emplois seront des emplois de gardien de la paix, tandis que l'autre moitié regroupera des emplois administratifs, techniques et scientifiques.
Par ailleurs, la réforme des corps et carrières prévoit une redistribution des responsabilités au sein de la police nationale. Là encore, on observe que la priorité est donnée aux emplois de gardien de la paix.
Que ce soit bien clair, cette remarque ne vise en aucune manière à jeter l'opprobre sur les gardiens de la paix !
Il faut toutefois s'interroger sur les conséquences de l'orientation qui consiste, en matière d'effectifs, à concentrer les efforts sur les emplois de gardien de la paix et de brigadier quand, dans le même temps, on fait le choix de supprimer ou de transformer les emplois d'officier ou de commissaire de police.
Alors que la police dispose, depuis la loi du 18 mars 2003 relative à la sécurité intérieure et depuis la loi du 9 mars 2004 relative à l'adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, de pouvoirs considérables sur nos concitoyens, il nous semble inquiétant que les emplois d'encadrement ne fassent pas aussi partie, monsieur le ministre, de vos priorités en matière d'effectifs dans la police nationale.
En effet, étant donné le nombre d'articles du code pénal susceptibles d'être utilisés par les policiers, l'encadrement strict des personnels nous paraît être une nécessité. Quelle est votre position à ce sujet ?
Par ailleurs, la question de la prime de résultat continue de susciter de nombreuses critiques, y compris au sein même de la police nationale. Nous-mêmes nous y étions opposés lors de sa mise en place par votre prédécesseur. Or il est prévu que la dotation de la prime de résultat augmente de 5 millions d'euros en 2005.
Pourtant, je le disais, des critiques s'élèvent, notamment dans les rangs des syndicats de fonctionnaires de police. Notre collègue Aymeri de Montesquiou, rapporteur spécial, a lui-même souligné dans son rapport que les syndicats souhaitaient que les conditions de versement de cette prime soient, dans les faits, plus transparentes.
La recherche à tout prix du résultat, au mépris du respect du droit et au détriment des citoyens, constitue également un risque, qui a aussi été souligné par les organisations syndicales.
Cette prime de résultat est donc dangereuse. Comment décider objectivement qu'un fonctionnaire de police est plus méritant qu'un autre ? Pour ce faire, faudra-t-il compter le nombre de procès-verbaux d'infraction dressés ou le nombre de mises en garde à vue ? Les tensions entre fonctionnaires sont et seront inévitables. Quant aux derniers résultats sur la baisse de la délinquance, ils sont, pour le moins, mitigés.
Il serait certainement plus juste et plus valorisant de prévoir une revalorisation des salaires des fonctionnaires de police.
M. le président. Le vote sur les crédits figurant au titre III est réservé.
Titre IV : 68 252 913 euros.
M. le président. Le vote sur les crédits figurant au titre IV est réservé.
État C
Titre V. - Autorisations de programme : 434 305 000 euros ;
Crédits de paiement : 212 040 000 euros.
M. le président. Le vote sur les crédits figurant au titre V est réservé.
Titre VI. - Autorisations de programme : 2 184 825 000 euros ;
Crédits de paiement : 981 407 000 euros.
M. le président. Le vote sur les crédits figurant au titre VI est réservé.
La parole est à M. le ministre.
M. Dominique de Villepin, ministre. Je souhaite simplement remercier M. le président de la commission des lois, M. le rapporteur spécial, M. le rapporteur pour avis et l'ensemble des intervenants de la qualité de leurs contributions, qui ont permis d'éclairer les grands choix de ce projet de budget de la sécurité pour 2005.
M. le président. Nous avons achevé l'examen de dispositions du projet de loi de finances concernant la sécurité.
7
NOMINATION D'un MEMBRE d'un office parlementaire
M. le président. Je rappelle que le groupe Union pour un mouvement populaire a proposé une candidature pour l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques.
La présidence n'a reçu aucune opposition dans le délai d'une heure prévu par l'article 9 du règlement.
En conséquence, cette candidature est ratifiée et je proclame M. François-Noël Buffet membre de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques.
8
Loi de finances pour 2005
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2005, adopté par l'Assemblée nationale.
Intérieur, sécurité intérieure et libertés locales (suite)
Décentralisation
M. le président. Le Sénat va maintenant examiner les dispositions du projet de loi concernant la décentralisation.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Michel Mercier, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, il peut paraître curieux de discuter le budget de la décentralisation alors que, pendant les deux jours qui viennent de s'écouler, nous n'avons cessé de parler des finances des collectivités locales ! Bien entendu, il s'agissait alors, notamment, des « recettes » que l'Etat va « verser » aux collectivités locales ; aujourd'hui, nous évoquons les dépenses que l'Etat va engager pour les collectivités locales.
Je me demande néanmoins s'il ne conviendrait pas plutôt - peut-être la mise en oeuvre de la loi organique le permettra-t-elle mieux - d'organiser un débat unique, afin d'avoir une vue complète des relations financières entre l'Etat et les collectivités locales ?
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Très bien ! Tout à fait d'accord !
M. Michel Mercier, rapporteur spécial. Même si, monsieur le ministre, vous n'étiez pas avec nous ces derniers jours, vous me permettrez d'être aujourd'hui un peu rapide et de ne pas redire tout ce qui a pu être dit, d'autant que Mme la ministre déléguée nous a fait le plaisir d'assister, le plus souvent possible, à nos débats.
J'évoquerai essentiellement aujourd'hui le problème des dépenses, moins celles de l'Etat que celles des collectivités locales, qui me paraissent appeler un certain nombre de clarifications.
S'agissant des concours financiers de l'Etat aux collectivités locales, dont nous avons largement débattu ces deux derniers jours, force est de reconnaître que le niveau de ces crédits est tout à fait satisfaisant. C'est d'ailleurs parce que ces crédits existaient - nous avions en quelque sorte du grain à moudre ! - que pourra être entreprise la réforme des dotations de l'Etat aux communes, aux groupements de communes et aux départements que le Gouvernement a proposée et que le Sénat a adoptée hier, sous réserve que les départements, au cours de l'année prochaine, en vérifient les effets et repèrent les problèmes qu'elle pourra soulever.
Le principal problème concerne les seuils qui s'appliquent au passage d'une catégorie à une autre et qui sont parfois un peu abrupts. Le fait que certaines collectivités territoriales continuent à percevoir, en vertu d'un droit historique, la dotation de fonctionnement minimale peut paraître injuste à celles qui ne bénéficient pas de ce droit. Il faudra corriger cela en prévoyant un lissage.
Quoi qu'il en soit, des moyens financiers existent pour mener à bien la réforme. Nous ne pouvons que féliciter les ministres compétents - c'est-à-dire vous, monsieur le ministre, madame la ministre déléguée - d'avoir obtenu de leurs collègues de Bercy les crédits nécessaires, notamment le maintien du contrat de croissance et de solidarité, ce qui n'allait pas de soi en cette période de pénurie budgétaire.
Il faut savoir souligner les points positifs : cela nous autorise à être critiques quand cela s'impose !
La réforme de la DGF des communes, des groupements de communes et des départements est forcément imparfaite ; nous en ignorons encore les effets, mais nous pouvons les redouter. Il faut toutefois reconnaître que cette réforme simplifie un domaine déjà extrêmement complexe, que le Parlement, notamment le Sénat, a contribué à rendre chaque année plus complexe encore en modifiant - après tout, c'est son rôle - à la marge telle ou telle disposition. Elle apporte donc plus de clarté, plus de lisibilité. Elle institue une dotation spécifique pour la péréquation. Au demeurant, l'effort financier très important qui est fait en faveur de la péréquation n'est rien d'autre que la mise en oeuvre du principe constitutionnel que nous avons voté voilà quelques mois.
S'agissant des moyens et de la réforme, je ne peux que marquer une réelle satisfaction.
Parallèlement, le projet de loi de finances pour 2005 met en oeuvre le financement de l'« acte II » de la décentralisation. Les transferts de compétences sont importants : 9,6 milliards d'euros sont prévus entre 2004 et 2008, dont 5 milliards pour le revenu minimum d'insertion, le RMI, 2,2 milliards pour les autres compétences confiées aux départements, 2,2 milliards au profit des régions et 200 millions au profit des communes et de leurs groupements.
Les principes de financement de ces transferts sont conformes aux dispositions constitutionnelles. Désormais, en effet, le montant des transferts financiers doit être calculé sur plusieurs années et ces transferts se font essentiellement sur la base de transferts de fiscalité ou de parts de fiscalité, et non plus à travers des dotations.
Tous, nous nous félicitions : « Nous n'aurons plus, nous disions-nous, des dotations de l'Etat, mais des parts d'impôts ou des impôts totalement transférés. Nous pourrons donc nous appuyer sur cette fiscalité pour donner vie au principe d'autonomie des collectivités locales. Nous jouirons ainsi d'une certaine liberté. En tout cas, nos budgets ne dépendront plus des dotations annuelles que le Gouvernement propose au Parlement, et que, en général, ce dernier adopte. »
Cela peut apparaître comme un réel progrès, mais, à l'issue d'une année de mise en oeuvre, et même s'il est probablement trop tôt pour dresser un bilan, un certain nombre d'interrogations se font jour.
Je formulerai quelques remarques sur l'application de la loi organique relative à l'autonomie financière des collectivités territoriales.
Un léger différend opposait le Gouvernement et le Sénat. Le Gouvernement pensait qu'une disposition réglementaire permettrait de déterminer la part d'impôt partagé pour chaque collectivité. Le Sénat quant à lui, estimait que la loi était claire, disposant que « les ressources propres des collectivités territoriales sont constituées du produit des impositions de toutes natures dont la loi les autorise à fixer l'assiette, le taux ou le tarif, ou dont elle détermine, par collectivité, le taux ou une part locale d'assiette ». Il n'y avait donc pas là, à nos yeux, de place pour l'exercice du pouvoir réglementaire : il s'agissait d'un pouvoir propre du Parlement.
Le Gouvernement a bien voulu le reconnaître en déposant hier deux amendements qui vont dans ce sens et qui nous satisfont pleinement. Je veux souligner cette bonne coopération entre le Gouvernement et le Parlement, notamment le Sénat.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Oui, c'est bien !
M. Michel Mercier, rapporteur spécial. L'attribution de ressources fiscales en compensation des transferts de compétences est-elle avantageuse et productrice de recettes pour les collectivités territoriales ?
Au regard de la conception de la décentralisation, il y a là une rupture totale. Auparavant, quand les transferts de compétences étaient financés par des dotations de l'Etat, c'était assez facile : il suffisait de monter à cette tribune et de réclamer au Gouvernement une dotation plus importante, en demandant, par exemple un coefficient d'augmentation de 2,27 % au lieu de 2,22 %.
Dorénavant, il y a une base claire, qui représente la moyenne des derniers exercices et qui est compensée à l'euro l'euro. La formule exacte m'échappe...
M. Michel Mercier, rapporteur spécial. Voilà ! C'est la formule chérie de M. Copé ! (Sourires.) Malheureusement, elle ne reflète pas la vérité, et cela pose un problème.
Prenons l'exemple du financement du RMI. Certes, une garantie est accordée par l'Etat aux départements pour financer le RMI. Toutefois, entre cette garantie et ce que paient effectivement les départements, il y avait au 31 octobre dernier un écart de 300 millions d'euros ! Pour autant, s'agit-il véritablement d'une dette de l'Etat vis-à-vis des collectivités locales ? Je l'ai longtemps cru, mais je n'en suis plus aussi sûr aujourd'hui. (Mme la ministre déléguée acquiesce.) Je suis honnête !
J'ai étudié ce qui s'est passé. Tout le monde croyait qu'il y avait une cagnotte à distribuer, du fait de l'augmentation du prix du pétrole. Mais une commission « indépendante »...
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Attention à ce que vous allez dire ! (Sourires.)
M. Michel Mercier, rapporteur spécial. Chacun de ses membres était indépendant : c'est sur l'indépendance de la commission elle-même que je m'interroge !
Cette commission a beaucoup travaillé sur ce sujet et a conclu que, s'il y avait des boni de recettes en matière de TVA, il y avait surtout des pertes de recettes par rapport aux prévisions au titre de la taxe intérieure sur les produits pétroliers.
La décision du Conseil constitutionnel sur la loi portant décentralisation en matière de revenu minimum d'insertion et créant un revenu minimum d'activité a donné aux collectivités locales une garantie constitutionnelle. En vertu de cette dernière, la « perte » de TIPP pour les départements est plafonnée à 85 millions d'euros pour l'année 2004, le surplus de perte étant à la charge de l'Etat. Ce dernier s'en est acquitté, il faut lui en donner acte.
Il n'en reste pas moins que l'accroissement du nombre de bénéficiaires du RMI est nettement supérieur à l'augmentation des recettes transférées aux départements. Ainsi, certains départements se trouvent sans moyens adéquats de financement, alors que la garantie constitutionnelle a joué et que l'Etat a appliqué la loi.
Je rappelle que deux garanties supplémentaires ont été prévues, la première dans la loi de finances initiale pour 2004, la seconde dans la loi relative aux libertés et responsabilités locales. La loi de finances rectificative ainsi que les futures lois de finances permettront d'apporter un certain nombre d'améliorations afin de faire jouer cette garantie constitutionnelle. Il restera néanmoins une différence substantielle, liée à l'accroissement du nombre de bénéficiaires du RMI
La garantie de transfert aura joué, l'Etat aura appliqué la loi, mais il manque tout de même pour le moment des sommes relativement importantes pour au moins huit départements.
On voit ainsi que le financement des transferts financiers par des recettes fiscales qui ne sont pas immédiatement modulables pose un grave problème. Ainsi, pour mon département, la différence est estimée à environ 15 millions d'euros, soit cinq points de fiscalité directe. Nous ne pourrons nous tourner vers l'Etat : il nous aura donné ce qu'il devait. Dans la mesure où nous ne pouvons pas modifier la taxe intérieure sur les produits pétroliers, nous n'aurons d'autre choix que d'augmenter la taxe d'habitation.
Le principe constitutionnel de financement des transferts de compétences par des parts de fiscalité ne peut donc être véritablement accepté que si les taux d'impôts de cette fiscalité transférée peuvent être modulés. A défaut, les départements seront complètement bloqués et il ne leur restera qu'à augmenter la fiscalité locale traditionnelle, qui n'est vraiment pas faite pour cela.
Pour les collectivités locales, ce qui importe, ce sont les dotations de l'Etat. De ce point de vue, je l'ai dit, le Gouvernement a fait son devoir.
Pour autant, de nombreuses compétences transférées ne sont pas compensées et l'Etat n'a pas abandonné le pouvoir de décider du montant des prestations en cause.
A titre d'illustration, je prendrai d'abord deux exemples empruntés au domaine social.
Le premier exemple concerne les 35 heures : la loi Fillon a supprimé les compensations liées à leur mise en oeuvre, ce qui n'est pas sans conséquences dans les établissements médico-sociaux. Ainsi, dès lors que les dispositifs Aubry I et Aubry II ne sont plus compensés, ce sont 200 millions d'euros qui vont manquer dans les caisses des départements, ce qui représente environ un point de fiscalité supplémentaire.
Par conséquent, une mesure nationale est appliquée, mais les compétences sont décentralisées et entrent dans le champ de l'action locale, alors même qu'elles sont soumises au droit commun général. Il ne s'agit donc pas d'une compétence transférée à proprement parler : c'est une décision de gestion générale de l'Etat, qui peut être tout à fait légitime au demeurant, mais qui place la collectivité dans l'obligation d'augmenter sa fiscalité, c'est-à-dire, en fait, la taxe d'habitation.
Le second exemple concerne le handicap. Le projet de loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées est actuellement en navette. Ce projet de loi, plutôt généreux - il est vrai que les besoins sont grands ! - prévoit la création d'une maison du handicap qui prendra la forme d'un groupement d'intérêt public, un GIP, qui accueillera tout le monde : les associations, etc. Bref, tous ceux qui le veulent ! Et ce GIP va distribuer des allocations qui seront payées par le département. !
Cette abomination a tout de même été votée par le Sénat !
Très honnêtement, on ne peut pas agir ainsi. Il faut que la collectivité locale soit l'ordonnateur de ses dépenses. Ce ne peut pas être une tierce personne, fût-ce un GIP qui ne regroupe que des gens bien !
M. Michel Moreigne. Très bien !
M. Bernard Saugey, rapporteur pour avis. Tout à fait !
M. Michel Mercier, rapporteur spécial. Madame la ministre, je crois qu'il faut que vous entamiez vos nouvelles fonctions en tapant du poing sur la table. On peut créer, où l'on veut, les maisons que l'on veut, où l'on peut boire le thé l'après-midi, cela ne pose aucun problème, mais on ne peut pas engager les finances d'une collectivité qui, pour faire face à toutes ces dépenses, devra augmenter les impôts. Nous comptons sur vous pour le dire clairement, madame la ministre ! (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et du groupe socialiste.- M. le rapporteur pour avis applaudit également.)
J'ai entendu ce matin parler de feuille de route : en voilà une toute simple !
Monsieur le ministre de l'intérieur, je veux maintenant prendre un exemple que vous connaissez bien, celui des sapeurs-pompiers.
Voilà une compétence transférée, mais pas abandonnée, et c'est bien normal, car jamais les collectivités locales n'ont voulu être les autorités qui gèrent les interventions des sapeurs-pompiers. On a dit que c'était le préfet, mais c'est totalement faux : c'est évidemment le colonel qui commande le corps qui assure la gestion. Tantôt il obéit au préfet, tantôt au président. Du reste, c'est une bonne chose parce que, de temps en temps, il est nécessaire que le préfet prenne des décisions telles que la mise en place du « plan rouge », par exemple. Cette coordination est donc tout à fait nécessaire.
Chaque année a lieu un congrès des sapeurs-pompiers. C'est toujours difficile à vivre parce qu'une partie utilise l'autre comme marge de manoeuvre, mais, finalement, tout se déroule bien. D'autant que le ministre, qui préfère que ça se passe bien, vient à cette réunion avec quelques munitions. Malheureusement, ces munitions, elles sont prises en charge par les collectivités !
En ce qui concerne les retraites des sapeurs-pompiers volontaires, un large consensus s'est dégagé. Nous avons tous reconnu qu'il fallait conserver ces volontaires et, par conséquent, adopter les mesures adéquates. Certes, ils accomplissent un service bénévole, mais il faut leur accorder une petite compensation. Nous étions d'accord pour attribuer une prime de fidélisation. L'Etat en prend la moitié à charge, alors que rien ne l'y oblige : c'est très bien ! On peut dire que c'est un geste de bonne volonté, un geste bénévole, comme les pompiers ! (Sourires.) Mais l'autre moitié doit être payée par la collectivité. Avec quoi ? On n'en sait rien !
M. Bernard Saugey, rapporteur pour avis. Pas la moitié, les deux tiers !
M. Michel Mercier, rapporteur spécial. J'aimerais bien que l'UMP soit aussi enthousiaste que moi pour soutenir le Gouvernement ! (Nouveaux sourires.)
M. Bernard Saugey, rapporteur pour avis. Mais ce sont tout de même les deux tiers !
M. Michel Mercier, rapporteur spécial. Non, c'est la moitié parce que la mesure ne va pas être mise en oeuvre tout de suite.
Par ailleurs, monsieur le ministre, on comprend que, par nécessité, vous décidiez, par exemple, que les sapeurs-pompiers et la police émettent sur la même fréquence. Encore faudrait-il que les gendarmes aient aussi la même. Sinon, sur une moitié du territoire, les sapeurs-pompiers parleront aux policiers mais pas avec les gendarmes ! En tout cas, ça coûte cher !
Vous dites aussi qu'il faut changer les tenues parce qu'elles ne sont plus adaptées, et c'est vrai. Mais cela coûte également très cher et les collectivités n'ont pas les fonds pour payer !
Cela étant, je reconnais bien volontiers que vous remplacez une partie de la DGF par 900 millions d'euros de taxe sur les conventions d'assurances. C'est apparemment très bien, mais seulement apparemment. Je m'explique.
Dans le même temps, l'Etat mène une politique courageuse de lutte contre l'insécurité routière, et je l'en félicite. Les conducteurs doivent rouler moins vite, avoir moins d'accidents. Or, lorsque le nombre d'accidents diminue, normalement, les primes d'assurances baissent un peu. Me promenant tout à l'heure à pied dans Paris, je suis passé devant des bureaux d'assurances qui affichaient des publicités du genre : avec telle compagnie, votre prime va baisser ! Je me suis dit : « C'est drôlement bien pour les assurés qui vont acquitter leur prime, mais le département, avec cette baisse, il va voir ses recettes baisser aussi ! »
Les élus locaux ont voulu être responsables et ont demandé des transferts de fiscalité. Ils doivent assumer !
Mais, monsieur le ministre, il faut aller au bout des choses, et voudrais vous proposer deux pistes.
D'une part, le plus rapidement possible, il faut donner le droit aux collectivités locales de moduler les recettes transférées. Aux élus locaux d'être responsables et d'arbitrer entre les divers impôts dont ils ont la maîtrise pour équilibrer leur budget.
D'autre part, monsieur le ministre, je ne sollicite pas un centime de plus, mais je vous demande simplement de ne plus décider de nos dépenses, de nous laisser libres, de ne plus nous imposer de dépenses. Ça, ce serait sensationnel !
J'ai parlé de votre ministère parce que vous êtes avec nous dans l'hémicycle. Mais j'aurais pu aussi parler de celui de M. Borloo : là, c'aurait été un semi-remorque d'exemples que j'aurais eu à donner ! (Sourires.) J'aurais pu aussi parler du secrétariat d'Etat de Mme Montchamp : il m'aurait fallu un second semi-remorque ! (Nouveaux sourires.) Tout cela nous aurait pris beaucoup trop de temps !
Il faudrait vraiment que le Gouvernement, tous ministères confondus, n'impose plus de dépenses aux collectivités locales. Ce serait une très bonne chose.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Très bien !
M. Michel Mercier, rapporteur spécial. On a le droit de rêver ! Nous avons achevé fort tard nos travaux la nuit dernière. Alors, je peux bien rêver que le Gouvernement n'impose plus aucune dépense aux collectivités pendant un an. Madame la ministre, monsieur le ministre, je vous remercie de rendre ce rêve réalité. (Sourires et applaudissements sur les travées de l'Union centriste, de l'UMP et du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Bernard Saugey, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la ministre, mes chers collègues, permettez-moi, à titre liminaire, de rendre hommage à celui qui présentait cet avis l'année passée, Daniel Hoeffel, dont chacun connaît le sens de l'intérêt général et sait quel immense travail il a accompli en faveur des collectivités territoriales.
La loi constitutionnelle du 28 mars 2003, complétée par la loi organique du 29 juillet 2004, a tracé le nouveau cadre des relations financières entre l'Etat et les collectivités locales, cadre particulièrement innovant et plus juste.
Monsieur le ministre, madame la ministre, dans cet exposé, je vais prononcer onze fois l'expression « c'est positif ». C'est dire que beaucoup de points sont satisfaisants dans ce projet de budget, même s'il y a aussi quelques bémols.
Tout transfert de compétences doit désormais être accompagné de l'attribution des ressources qui étaient consacrées à leur exercice. En acquerrant une valeur constitutionnelle, cette règle est devenue, pour la première fois dans l'histoire dans la République, une véritable garantie pour les collectivités territoriales. C'est positif. Et d'une !
Par ailleurs, les ressources transférées doivent être essentiellement fiscales, puisque la part des ressources propres dans l'ensemble des ressources de chaque catégorie de collectivités ne peut désormais être inférieure au niveau constaté en 2003. C'est positif. Et de deux !
Enfin, la loi prévoit des dispositifs de péréquation afin de renforcer l'égalité entre collectivités.
Le projet de loi de finances pour 2005 s'inscrit pleinement dans ce cadre. Nous nous sommes tous largement exprimés hier et avant-hier lors de l'examen de la première partie du projet de loi de finances. Je serai donc bref.
S'agissant, en premier lieu, du financement des compétences transférées, la commission des lois a constaté que les fractions non modulables de la taxe spéciale sur les conventions d'assurances et du tarif de la taxe intérieure sur les produits pétroliers, respectivement attribuées aux départements et aux régions, ainsi que la taxe additionnelle à la taxe d'apprentissage créée en contrepartie d'une baisse de la dotation générale de décentralisation des régions constituaient des ressources propres au sens de la loi organique du 29 juillet 2004. C'est positif. Et de trois !
Elle a toutefois souhaité que les collectivités territoriales obtiennent rapidement la possibilité de les moduler, à la hausse ou à la baisse, l'autonomie fiscale constituant pour nous un fondement de la démocratie locale et un gage d'efficacité. Mon propos rejoint là celui de mon ami Michel Mercier.
Ce dernier et moi-même nous étions interrogés sur la constitutionnalité des dispositions du projet de loi de finances confiant au pouvoir réglementaire le soin de constater les fractions attribuées à chaque collectivité. Le Gouvernement et le Sénat ont pris en compte ces interrogations. Le texte de la loi s'en trouvera alourdi, mais sa sécurité juridique, améliorée. C'est positif.
Les concours financiers de l'Etat aux collectivités territoriales, hors fiscalité transférée, progresseront de 3 % pour atteindre un montant de 61,4 milliards d'euros en 2005, alors que l'ensemble des dépenses de l'Etat subira un gel en euros constants. C'est positif. Et de quatre !
Dans ce contexte, cette décision est même particulièrement remarquable, et je vous en félicite, monsieur le ministre, madame la ministre.
La commission des lois a souscrit à la reconduction pour un an du contrat de croissance et de solidarité, tout en rappelant le souhait des collectivités territoriales de bénéficier d'une programmation pluriannuelle des concours de l'Etat. C'est un voeu unanime des élus locaux.
Elle s'est félicitée de la réforme des critères de répartition de la dotation globale de fonctionnement des communes, des EPCI, des départements, observant qu'elle contribuerait à un renforcement de la péréquation, conformément à l'objectif posé par l'article 72-2 de la Constitution.
Je rappelle que la structure de la dotation forfaitaire des communes sera simplifiée et réformée afin de mieux prendre en compte la population et la superficie dans le calcul de leur dotation. C'est positif. Et de cinq !
Elle comprendra ainsi une dotation de base, d'un montant compris entre 60 et 120 euros par habitant, et une dotation proportionnelle à la superficie, de 3 euros par hectare pour les communes de plaine et de 5 euros par hectare pour les communes de montagne.
Initialement, cette dotation devait être plafonnée au montant de la dotation de base. Sur l'initiative de notre collègue Pierre JarIier, initiative à laquelle je me suis associé, le Sénat a, hier, supprimé ce plafonnement, sauf pour les communes de Guyane, qui présentent la particularité de disposer d'une superficie équivalant parfois à celle d'un département métropolitain ; pour ces communes, le plafond a toutefois été porté au double du montant perçu au titre de la dotation de base. C'est positif. Et de six !
Enfin, un complément de garantie permettra à chaque commune de disposer d'une dotation au moins égale à celle de 2004. C'est positif. Et de sept !
Les dotations de péréquation communales seront plus sélectives. Ainsi, les augmentations de la DSU et de la DSR, qui devraient atteindre 20 % en 2005, bénéficieront principalement aux communes disposant de zones urbaines sensibles, de zones franches urbaines ou de zones de revitalisation rurale. Je me réjouis, ayant cosigné l'amendement adopté, que le Sénat ait rétabli le coefficient de majoration de la fraction bourg-centre de la dotation de solidarité rurale prévu par le projet de loi de finances au bénéfice des communes disposant de zones de revitalisation rurale. C'est positif. Et de huit !
La dotation d'intercommunalité deviendra plus prévisible grâce à l'augmentation de 15 % à 30 % de la part de la dotation de base, à la simplification du coefficient d'intégration fiscale et à la mise en place d'une garantie de progression dépendant d'un coefficient fixé en valeur absolue et non plus en valeur relative.
Le Comité des finances locales, qui se réunira mardi prochain, devra fixer un taux de progression de la dotation des communautés de communes compris entre 130 % et 160 % du taux de progression de la dotation versée aux communautés d'agglomération, afin de réduire progressivement les écarts constatés dans les dotations entre ces catégories d'établissements publics de coopération intercommunale.
La dotation forfaitaire des départements sera revue, à l'instar de celle des communes, afin de mieux prendre en compte l'évolution des charges liées à la population. Elle sera désormais constituée d'une dotation de base, égale à 70 euros par habitant en 2005, et, le cas échéant, d'un complément de garantie.
La dotation de péréquation, qui n'était pas assez sélective, sera supprimée au profit d'un élargissement de la dotation de fonctionnement minimale à l'ensemble des départements ruraux et de la création d'une dotation spécifique à destination des départements urbains, appelée « dotation de péréquation urbaine ». C'est positif. Et de neuf !
La création de la dotation de péréquation urbaine sera exclusivement financée à partir de l'ancienne dotation de péréquation et grâce à la croissance de la masse, et en aucun cas au détriment des départements ruraux.
La décision que nous avons prise, hier, de laisser à cette réforme le temps de produire ses effets et de procéder à son évaluation avant de la modifier en profondeur me semble sage.
Enfin, pour mieux appréhender la richesse des collectivités territoriales, le potentiel financier sera substitué au potentiel fiscal pour l'attribution des dotations de péréquation communales et départementales, de la dotation globale d'équipement, de la dotation de développement rural, de la dotation particulière relative aux conditions d'exercice des mandats locaux et du Fonds de solidarité des communes de la région d'Ile-de-France.
L'augmentation des crédits relatifs à l'administration territoriale permettra de financer la poursuite de la politique de déconcentration, qui est le pendant indispensable de la décentralisation. L'un ne peut pas aller sans l'autre. C'est positif. Et de dix !
L'affirmation du rôle des préfets de région et la réorganisation des services des préfectures en huit pôles me semblent aller dans le bon sens.
Je rappelle également qu'il faut veiller au maintien des services publics en milieu rural, même si des adaptations sont absolument nécessaires, et à leur diversification en milieu urbain. A cet égard, nous serons attentifs à la réorganisation du réseau des sous-préfectures.
Sous le bénéfice de l'ensemble de ces observations, la commission des lois a décidé de donner un avis favorable quant à l'adoption des crédits relatifs à l'administration territoriale et à la décentralisation inscrits dans le projet de loi de finances pour 2005. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et sur le banc des commissions.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe Union pour un mouvement populaire, 29 minutes ;
Groupe socialiste, 21 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 14 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 13 minutes ;
Groupe du rassemblement démocratique et social européen, 12 minutes ;
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe, 6 minutes.
Mes chers collègues, je vous rappelle que, en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Jean-Claude Peyronnet.
M. Jean-Claude Peyronnet. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais d'abord saluer la qualité des excellents rapports de MM. Mercier et Saugey.
L'intervention de M. Saugey était argumentée et intéressante, mais j'avoue avoir été plus sensible au « charme » de celle de M. Mercier (Sourires.), qui a porté sur des points que nous avions nous-mêmes soulevés lors de l'examen de la loi constitutionnelle relative à l'organisation décentralisée de la République ou de celui de la loi organique relative à l'autonomie financière des collectivités territoriales. Nous sommes parvenus aujourd'hui aux travaux pratiques.
Madame la ministre, monsieur le ministre, M. Mercier vous a interpellés sur de vrais problèmes qui subsistent et qu'il faut absolument résoudre.
Le temps qui m'est imparti étant limité, je n'évoquerai que quelques questions, modestes mais précises, qui concernent essentiellement les personnels.
J'aborderai tout d'abord les problèmes des départements et des régions ; cela permettra d'avoir de la décentralisation une vision transversale.
Lorsque nous soulevons les problèmes financiers, vous nous opposez inlassablement la même rengaine : « L'article 72-2 de la Constitution y pourvoit, les transferts se feront à l'euro près. »
Ce n'est pas exact. Les sujets d'inquiétude sont multiples, et M. Mercier en a soulevé un certain nombre de façon précise. Les transferts de compétences ne seront pas entièrement compensés. La loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales n'étant pas effective, vous avez beau jeu de dire que nous vous intentons un procès en sorcellerie. Je prendrai donc des exemples de compétences qui ont été transférées avant le vote de cette loi.
Ainsi, en ce qui concerne le RMI, M. Mercier a fort bien montré qu'il pouvait y avoir un différentiel entre ce que l'on nous annonce et ce qui sera effectivement versé. Quant au RMA, il est mort ! En Haute-Vienne, une seule demande - il s'agissait probablement d'une erreur ! - a été présentée en onze mois !
M. Michel Mercier, rapporteur spécial. C'est un début !
M. Jean-Claude Peyronnet. Il en est ainsi à peu près partout.
Il ne reste donc plus que le RMI, dont le coût et le nombre de bénéficiaires ont augmenté, on le sait, du fait de la dégradation du marché de l'emploi et de votre politique sociale.
Vous nous dites que les transferts seront compensés à l'euro près. Mais quand ? En 2006 ? D'ici là, les départements vont devoir consentir des avances de trésorerie. Dans mon département, ces retards de paiement s'élèveront à 1,4 million d'euros pour le seul mois de novembre, ce qui est beaucoup.
Madame la ministre, monsieur le ministre, si vous nous disiez que ces avances de trésorerie seront prises en charge, ce serait une avancée intéressante. Vous pourriez même aller plus loin, car les départements font parfois d'autres avances, beaucoup plus lourdes.
M. Dominique Braye. Pour l'APA !
M. Jean-Claude Peyronnet. Oui, s'agissant par exemple du Fonds de financement de l'allocation personnalisée d'autonomie, le FAPA, le retard pris est beaucoup plus grand. Sur les 12 ou 13 millions d'euros qui sont dus au département de la Haute-Vienne au titre du FAPA, seuls 4,5 millions ont été versés à ce jour. C'est une somme ! « Allez, un petit effort ! », ai-je envie de vous dire. (Sourires.)
Mais je reviens au RMI.
Il était prévu que les personnels des DDASS compétents seraient transférés aux départements. Le département de la Haute-Vienne ne s'est vu transférer en tout et pour tout qu'un agent de catégorie C et un quart d'agent de catégorie A, au demeurant tous parfaitement compétents et efficaces, pour un budget transféré de 25 millions d'euros.
J'ai pensé un temps que l'Etat s'était rendu coupable d'une tricherie, ce qu'à Dieu ne plaise ! En fait, le problème est tout autre : les DDASS, comme de nombreux services déconcentrés de l'Etat, sont sinistrées, défaillantes, parce qu'elles manquent de personnel. Elles font donc appel à d'autres services compétents, telles que les ANPE, qui ont mis à leur disposition des conseillers à l'emploi. Le problème est que, les personnels des ANPE n'étant pas considérés comme des agents de l'Etat, ils ne sont pas transférables.
Selon une estimation rapide, au doigt mouillé, à partir du nombre constaté dans mon département, cela peut donc concerner 400 ou 500 agents dans l'ensemble de la France. Ce n'est pas rien !
Madame la ministre, monsieur le ministre, comment sera compensé le manque relatif à ces personnels qui devaient se consacrer la mise en oeuvre du RMI et dont le financement n'est pas prévu ?
Qu'adviendra-t-il, de la même façon, pour une série de fonds - le FAFE pour l'électricité, le FIT pour le téléphone ou encore le FSL pour le logement - qui, avant leur transfert, étaient gérés par des associations employant des contractuels pour le compte de l'Etat ?
Allez-vous compenser en fonctionnement le coût de ces contractuels ? Surtout, comment allez-vous financer le coût de l'encadrement assuré par les DDE et par les DDASS ? Vous m'obligeriez en répondant à ces questions.
En fait, les transferts de compétences permettront à l'Etat de se désengager de nombreuses situations juridiquement incertaines, voire de situations de gestion de fait.
Concernant les personnels des DDE, deux situations différentes coexistent, selon que sont complètement appliquées ou non les possibilités ouvertes par les articles 6 et 7 de la loi du 2 décembre 1992 relative à la mise à la disposition des départements des services déconcentrés du ministère de l'équipement et à la prise en charge des dépenses de ces services.
Pour les collectivités régies par l'article 6, qui emploient la majeure partie des personnels qui seront transférés aux départements, la loi prévoit que 2002 est une année butoir : l'Etat ne peut diminuer les effectifs de fonctionnaires de cette année.
Or, dans ses rapports avec le département, la DDE peut utiliser un autre mode de calcul, l'EETD - effectif, équipement, travail, département. Le ministère de l'équipement effectue un calcul annuel de la rentabilité ou de la productivité de ses agents puis procède à une réfaction pour ceux qui sont mis à la disposition des départements pour l'entretien de leurs routes.
Qu'est-ce qui fera foi ? Est-ce que c'est la loi de 2004 ou est-ce que ce sont les calculs que continue de faire le ministère de l'équipement et qui conduisent inéluctablement à réduire, pour des raisons de productivité, le nombre d'agents affectés aux voies départementales ?
Peut-être ne serez-vous pas en mesure de me répondre ce soir, car cette question mérite une réponse technique et précise.
J'aurais par ailleurs souhaité évoquer la question des parcs de l'équipement, mais je n'en aurai pas le temps. Je dirai simplement que la période de trois ans ouverte par la loi du 13 août 2004 est trop longue et qu'elle les fragilise considérablement.
Pour terminer, j'aborderai la question des personnels techniques, ouvriers et de service, les TOS. Je n'entrerai pas dans le débat technique les concernant, j'évoquerai simplement la question de la responsabilité de l'autorité d'emploi de ces personnels. Il s'agit là d'un problème juridique extrêmement lourd et qui, lui aussi, mérite attention.
Les départements et les régions doivent signer, concernant le transfert des TOS, une convention avec le préfet. Or ces conventions n'auront pas été signées à la date du 1er janvier 2005. Selon les préfets, la loi s'imposant par rapport à la convention, ces personnels seront sous la responsabilité des départements et des régions. En revanche, ces derniers considèrent qu'ils n'en seront pas responsables, car ils n'auront pas alors signé la convention. Ce problème technique et précis doit être résolu. Il serait bon, madame la ministre, monsieur le ministre, que vous vous en préoccupiez.
Selon moi, l'application de cette mesure doit être différée jusqu'à la rentrée scolaire. Cela doit être possible, puisque cela l'est pour le Gouvernement lorsqu'il diffère sa prise en charge des politiques de santé publique qui relevaient jusqu'à présent des conseils généraux au motif qu'il n'est pas prêt. Eh bien, nous non plus, nous ne sommes pas prêts ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Eric Doligé.
M. Eric Doligé. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, je dirai en préambule que je soutiens sans réserve le Gouvernement. Toutefois, comme d'habitude, je me permettrai de dire ce que je pense, en l'occurrence qu'il subsiste une marge de progrès pour l'année à venir.
L'UMP vous a montré, lors du vote de la loi relative aux libertés et responsabilités locales, qu'elle était favorable à un mouvement fort de décentralisation. Je me suis impliqué avec passion dans la décentralisation, et je continue de le faire. Je suis globalement satisfait, même si je regrette que la loi ne soit pas allée assez loin s'agissant des choix des compétences nouvelles transférées.
Par ailleurs, je regrette que la rédaction de la loi, floue et compliquée, en permette une trop large interprétation et se traduise par le transfert du législateur à l'administration du pouvoir d'adaptation du texte au bénéfice de l'Etat.
Il nous faut renoncer à cette mauvaise habitude qui consiste à écrire des textes difficilement lisibles doit être perdue. Je reconnais que nous avons en la matière une part de responsabilité, même si elle est légère.
Le décret, la circulaire, l'instruction sont des outils un peu trop répandus, qui permettent à l'Etat de décider du mode d'emploi qui l'arrange.
L'impact financier de la décentralisation a été, en théorie, fort bien cerné grâce à la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 relative à l'organisation décentralisée de la République et à la loi organique relative à l'autonomie financière des collectivités territoriales du 30 juillet 2004. Nous avons ainsi gravé dans le marbre une compensation intégrale, à l'euro près, des compétences transférées, conformément au principe d'autonomie financière des collectivités territoriales.
J'ai pris grand plaisir à la lecture de l'excellent rapport de Michel Mercier, dont le contenu est particulièrement dense et riche en informations. Comme notre collègue, je souhaite que nos collectivités bénéficient à la fois de garanties plus fortes et plus claires et d'une autonomie financière réelle. Je souhaite que vous ne décidiez plus de nos dépenses.
Le système actuel n'offre pas ces garanties, en raison de l'existence de multiples dotations. Ainsi en ai-je dénombré au moins une dizaine à la lecture du rapport : la DGE, la DGD, la DRES, la DDEC, la DDR, la DSU, la DSR, la DNP, la DFM et la DGF ! Comment un élu peut-il être à l'aise face à la complexité du calcul de ces compensations ?
D'un côté, l'Etat réduit la DGF en contrepartie d'un transfert de TCA. De l'autre, il augmente la DGF pour compenser la suppression de la vignette ou de la part salaire de la taxe professionnelle. Je mets quiconque au défi de justifier ces réductions et ces augmentations. Les services fiscaux ne sont pas en mesure de communiquer des chiffres aux collectivités territoriales. En matière de finances et de budget, le flou ne devrait plus être de mise.
Hier, lors du débat sur le passage du potentiel fiscal au potentiel financier, notre collègue Michel Charasse nous a expliqué qu'il était trop souvent difficile d'appliquer et d'expliquer la loi.
Ainsi, à la page 11 du rapport de Michel Mercier, la description des principes de mise en oeuvre de la dotation départementale d'équipement des collèges, la DDEC, compte-t-elle pas moins de onze lignes Personne ici n'est en mesure d'en donner le détail de mémoire !
Je ne suis pas contre les dotations, à condition qu'elles ne soient pas incompréhensibles et qu'elles ne dépassent pas un certain pourcentage des recettes des collectivités territoriales. Je vous demande donc, madame la ministre, monsieur le ministre, de veiller à ne pas abuser de ces mécanismes de dotation et de mettre en place des ressources dynamiques et propres aux collectivités.
Si vous me le permettez, étant comme tous les exécutifs départementaux et régionaux en pleine préparation de la mise en oeuvre de la décentralisation, je tenterai de vous décrire rapidement, par secteurs, certains aspects de l'application de la loi.
Compte tenu du peu de temps dont je dispose, je serai très bref sur l'aspect positif de la loi et sur les difficultés que pose sa mise en oeuvre, ainsi que sur les modifications ou les adaptations qu'il serait selon moi nécessaire d'y apporter. J'insisterai en revanche sur les traductions budgétaires de la décentralisation que je n'ai pas trouvées dans le projet de loi de finances et sur les secteurs où je ne constate pas une compensation à l'euro près.
Je commencerai par évoquer le logement social, qui légitime les actions mises en oeuvre par les collectivités compétentes.
Les difficultés actuellement rencontrées sont les suivantes : absence de périmètre suffisamment durable pour l'aide à la pierre et manque d'information sur les financements qui seront délégués, ainsi que sur leur évolution dans le temps.
Pour le FSL, les difficultés sont surtout financières. La modification du contenu de ce fonds risque d'entraîner une augmentation significative des dépenses, alors que les financements sont calculés sur les sommes dépensées avant les transferts.
Ne négligeons pas le risque de voir les partenaires, aujourd'hui co-financeurs, profiter du changement de statut pour se retirer du système.
Il est donc nécessaire d'apporter des garanties financières plus solides et peut-être de mieux affirmer les compétences des territoires.
En ce qui concerne le développement économique, j'ai souhaité que les départements soient reconnus et confirmés. Je me réjouis de ce que le Gouvernement m'ait donné raison. Sur ce sujet, je vous poserai deux questions.
Le transfert à la région à titre expérimental sera-t-il négocié au cas par cas ou une décision de portée nationale sera-t-elle prise ?
Quelles seront les modalités de négociation du transfert ? Une circulaire d'application est-elle envisagée à l'échelon national et, si oui, à quelle échéance ?
Une adaptation me paraît indispensable. Il est urgent que soient publiés le décret et la circulaire d'application des dispositions de la loi définissant le périmètre des aides économiques transférables.
J'évoquerai maintenant les infrastructures, autre sujet important.
Leur transfert permettra aux conseils généraux de conduire des politiques routières départementales de plus grande envergure et de répondre rapidement aux attentes locales.
Je ferai la même réflexion pour les infrastructures aéroportuaires et la navigation fluviale, dont la responsabilité peut relever de la région ou des départements.
Autre élément positif : l'amélioration des services aux citoyens.
En revanche, je ne cacherai pas que, déjà, nous ressentons quelques difficultés de mise en oeuvre en ce qui concerne le transfert des routes.
Les conditions du transfert sont difficiles, les services de l'Etat manifestant certaines réticences à communiquer préalablement les informations nécessaires sur les routes elles-mêmes, sur les moyens, notamment humains, qui y sont aujourd'hui consacrés, ainsi que sur le contenu du patrimoine à transférer.
Il serait bon qu'un engagement ministériel soit pris pour demander aux services de l'Etat de fournir très rapidement aux conseils généraux les informations qui leur sont indispensables.
Il nous faut connaître le contenu du patrimoine tant routier que bâti, avoir les informations nécessaires sur les flux actuels et les flux prévisibles des routes transférées, disposer d'éléments détaillés sur les effectifs affectés à cette mission.
Il est également indispensable que la totalité des moyens humains qui sont mobilisés aujourd'hui dans la mise en oeuvre des politiques nationales sur les routes transférées soit prise en compte, tout particulièrement en termes de maîtrise d'ouvrage et d'ingénierie.
Une clarification par une prise de position nationale sur ce point paraît indispensable.
En termes financiers, les difficultés que je viens d'évoquer et la définition du contenu du transfert peuvent avoir des conséquences importantes.
Si l'on doit considérer que « seules l'exploitation et la préservation des routes » sont transférées, ce qui n'a pas de sens s'agissant d'un transfert intégral de propriété et ne découle pas clairement d'un article de la loi, la compensation de la charge restera injuste et non proportionnée. Je souhaiterais donc, monsieur le ministre, que vous nous expliquiez cette interprétation tout de même assez curieuse de votre administration.
Le principe de l'arrêt des financements croisés sous-tend que les conseils généraux apportaient des financements dans les grands projets routiers maintenus à l'Etat à hauteur des financements que l'Etat apportait dans les programmes routiers transférés aux départements. Cela ne semble pas correspondre à l'esprit de la loi et, surtout, cela ne permet strictement aucune péréquation entre départements. Il y a là un tour de passe-passe qui ne peut nous satisfaire.
Cette forte diminution va pénaliser les départements qui auront peu ou n'auront pas de routes maintenues à l'Etat et priver ainsi totalement de compensation ceux qui n'en ont aucune.
Le département du Loiret finance ainsi depuis des années environ 30 % des investissements sur les routes nationales, comme la région d'ailleurs. L'Etat apportait pour sa part environ un tiers du financement. Demain, le transfert étant total, l'Etat n'apportera plus rien et le département continuera à investir pour les routes nationales transférées.
Si cette conception très arbitraire du décroisement était maintenue et si une vraie péréquation nationale n'était pas mise en place, il serait indispensable d'obtenir une compensation sous une autre forme pour les départements lésés.
Passons à l'éducation.
L'insuffisance du nombre des agents chargés des fonctions d'accueil nous est très vite apparue. Dans la très grande majorité des établissements - les trois quarts, selon notre évaluation, dans le département dont je préside le conseil général -, ces postes ne sont pas pourvus et l'exercice effectif de ces fonctions est reporté sur des personnels administratifs ou de direction non transférés. La fonction est donc transférée sans personnels.
Autre difficulté majeure : l'insuffisance des crédits de remplacement.
Selon l'évaluation des services académiques, les absences des personnels TOS ne font l'objet d'un remplacement que dans un quart des cas, ce qui entraîne bien souvent des blocages dans le fonctionnement.
Vous savez également que le recours aux personnels en CES est patent. Se pose la question du devenir des emplois aidés au-delà du 1er septembre 2005.
Il importe que les collectivités territoriales connaissent les moyens alloués, en postes et en budget, à ces recrutements indispensables pour compenser l'extinction de certaines catégories de personnels.
Nous avons par ailleurs découvert l'existence d'un différentiel de cotisations patronales entre emploi territorial et emploi d'Etat. La nécessité d'une prise en charge des cotisations de retraite des agents en détachement ne peut nous échapper. L'écart est actuellement de plus de 8 %.
La situation des services de restauration scolaire n'est également pas bien établie.
Je terminerai en évoquant la santé et les actions gérontologiques.
Je constate un report du transfert pour l'année 2006, alors que les départements n'ont plus, en vertu de la loi, budgété les actions sanitaires au titre de 2005.
Monsieur le ministre, si les motifs de satisfaction sont nombreux sur le fond, il reste des inquiétudes en matière de financement qui ne peuvent être apaisées par le simple rappel de la loi organique ou de la loi constitutionnelle.
L'esprit mis dans l'application de chaque article de la loi peut avoir un impact considérable sur les finances des collectivités. Je compte sur vous, madame la ministre, monsieur le ministre, pour donner des instructions fermes d'ouverture et de transparence.
L'objectif de l'Etat et des collectivités est le même : répondre à l'attente des citoyens en améliorant le service sans faire progresser le prélèvement. A entendre nos collègues, nous ne sommes pas tout à fait dans cette situation actuellement.
Comme nous nous situons avant la période des transferts effectifs, ainsi que le disait tout à l'heure M. Mercier, vous disposez encore d'une année pour revoir, si j'ose dire, la copie. Je ne me permettrai bien sûr ni d'insister ni de vous donner des instructions, mais les collectivités, en l'occurrence les départements, doivent pouvoir décider elles-mêmes de leurs dépenses, et il faut donc éviter que l'Etat ne leur transfère insidieusement - ce qui, bien évidemment, n'est pas dans son intention - certaines dépenses. (Applaudissements sur les travées de l'UMP. - M. le rapporteur spécial applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Michel Mercier.
M. Michel Mercier. Madame le ministre, monsieur le ministre, Mme Gourault, qui est retenue à l'Association des maires de France, vous prie de bien vouloir excuser son absence. Je la remplace et, au nom de notre groupe, je vous poserai une seule question.
Les trois niveaux de collectivités vont bénéficier de transferts de personnels. Comment - et je rejoins là une des préoccupations que vient d'exprimer M. Doligé - l'Etat entend-il compenser financièrement ces transferts ?
La question se pose notamment pour les cotisations de retraite. L'Etat a un régime particulier ; il assure lui-même le service des retraites. Les agents des collectivités locales relèvent eux de la CNRACL, et le taux de leurs cotisations va en augmentant. Je souhaiterais donc savoir comment l'Etat compte assurer la neutralité financière du transfert de ses personnels vers les collectivités territoriales, en ce qui concerne tant les agents transférés que les postes transférés lorsqu'il n'y a pas d'agent. (M. le président de la commission des finances applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme Josiane Mathon.
Mme Josiane Mathon. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, c'est avec gravité et esprit de responsabilité qu'il nous appartient de débattre des crédits consacrés à l'administration territoriale et à la décentralisation dans le projet de loi de finances.
J'avoue tout de même avoir été assez ravie d'entendre les propos que les uns et les autres ont tenus avant moi. Tout cela confirme que, s'agissant de la décentralisation, nous avions raison depuis fort longtemps !
M. Michel Mercier, rapporteur spécial. C'est trop tôt : cela ne veut rien dire !
Mme Josiane Mathon. La réalité du terrain ne doit pas être absente de nos débats et de nos votes. Ce vécu fait déjà irruption dans la vie institutionnelle, et je m'en félicite.
La décentralisation, « mère de toutes les réforme », selon l'expression bien connue, provoque plus que des remous et plus que des inquiétudes : un réel mécontentement, qui s'organise en mobilisation civique et républicaine.
Ces piliers de notre société démocratique que sont les élus locaux se rebiffent quelque peu, comme on le voit ici même. Au congrès des maires de France, le Premier ministre est publiquement désavoué. Dans les départements, les élus locaux, à l'instar des 263 élus de la Creuse, organisent leurs protestations au nom de la confiance donnée par leurs électeurs.
La France « d'en bas » refuse de voir ses services publics s'éloigner toujours plus. Selon un récent sondage, 43 % des maires estiment que votre politique va plutôt dans le mauvais sens. Seulement 35 % d'entre eux la soutiennent.
L'expérience vient contredire les discours, qui se voudraient rassurants, du Gouvernement. Voilà le contexte de nos débats !
Vous présentez comme gage infaillible du financement de la décentralisation la réforme constitutionnelle, censée obliger l'Etat à financer tout transfert de charges aux collectivités, mais chaque recul de service public est une charge financière supplémentaire pour une collectivité locale.
Vous menez vos réformes au nom du gain de compétitivité de la puissance publique. C'est raisonner en dehors de l'intérêt général : où est le gain de compétitivité quand les habitants d'une commune doivent désormais effectuer trente kilomètres pour se rendre au Trésor public parce que vous avez réduit le nombre des agences comme une peau de chagrin ? Où est le gain quand une commune doit prendre en charge l'infrastructure du bureau de poste ou de l'antenne de la sécurité sociale ?
Votre politique revient à économiser un peu ici pour faire supporter les dépenses un peu plus partout ailleurs. Même le rapporteur pour avis de la commission des lois souligne dans ses conclusions « la nécessité de veiller au maintien des services publics ». Cela semble, hélas ! un voeu pieu. Et l'on ne pourra plus m'empêcher de pressentir un danger supplémentaire à chaque fois que ce gouvernement prononce l'expression « service public » !
La réalité de la décentralisation que vous menez est révélée par notre ancien collègue Daniel Hoeffel dans un entretien à la presse, paru il y a peu : « Les augmentations d'impôts locaux, je ne vois pas comment on va les éviter », avoue-t-il.
Dans son rapport, l'Observatoire des finances locales note justement que la croissance des recettes recouvre celle de la pression fiscale.
Ainsi, vous transférez aux collectivités locales le soin soit d'augmenter les impôts locaux, soit de gérer un service public exsangue.
Vous ne voulez pas donner à la puissance publique les moyens d'assurer ses missions. Vous pensez : « baisse des dépenses publiques » et non pas : « recherche des recettes adéquates pour répondre aux besoins de nos concitoyens et de leurs collectivités ».
En faisant de l'autonomie financière des collectivités un principe constitutionnel, vous voulez dynamiter l'égalité républicaine. Chaque collectivité est ainsi un peu plus livrée à elle-même, renvoyée aux limites de son propre potentiel fiscal.
Je me réfère à cet égard aux propos du président du conseil général de la Creuse, M. Jean-Jacques Lozach, interrogé par un quotidien national. Confronté à la disparition des services publics dans son département, il expose les énormes difficultés auxquelles il doit faire face : « Si j'augmente l'impôt d'un point, cela va me rapporter 209 000 euros alors que, si le président du conseil général des Hauts-de-Seine fait la même chose, il obtient 5,8 millions d'euros. »
Dans mon propre département, votre ami Pascal Clément décide d'augmenter de plus de six points la pression fiscale, tout en diminuant la contribution du conseil général de la Loire aux communes.
Voilà la réalité de la décentralisation que vous annonciez voilà deux ans avec des slogans pseudo-modernistes. Qu'elles paraissent lointaines ces phrases creuses sur la proximité et sur la démocratie dont vous nous abreuviez alors !
Aujourd'hui, nous pouvons dresser les premiers constats des méfaits causés par votre projet et percevoir les signes de la méfiance et de la défiance des élus locaux envers votre action. Ces derniers ont le sentiment d'être, non pas plus libres dans leurs initiatives, mais plus restreints dans leurs possibilités.
Notre nation est autre chose, monsieur le ministre, qu'une addition de communes, de départements ou de régions. Notre République n'est pas la juxtaposition de territoires à mettre en concurrence !
Il se peut cependant que ce soit là la conception des thuriféraires du libéralisme, et je reconnais dans votre projet de budget la vision des partisans d'un modèle « euro-libéral », qui cherchent à effacer les divers acquis sociaux et démocratiques que se sont donnés les peuples européens pour mieux les intégrer à ce « marché où la concurrence est libre et non faussé » que voudraient proclamer certains à travers le « projet Giscard d'Estaing » de Constitution européenne.
Certes, le projet de budget que vous nous présentez innove. Vous nous dites qu'il garantit loyalement les transferts de compétences et l'autonomie financière des collectivités. C'est à voir ! En transformant le potentiel fiscal en potentiel financier, en créant une dotation superficiaire, vous innovez, certes, mais vous ne vous donnez pas les moyens de réellement évaluer les charges des collectivités pour établir leur dotation en fonctionnement. Il faudrait en effet prendre en compte le revenu moyen par habitant, ou encore la longueur de voirie, pour déterminer de justes dotations.
La dotation de solidarité urbaine serait réservée aux communes comptant sur leur territoire une zone urbaine sensible ou une zone franche. Peut-être est-ce là votre vision de l'équité, mais elle ne correspond pas à la réalité. La richesse ou la pauvreté fiscale d'une commune n'est pas liée à l'existence en son sein d'une zone urbaine sensible ou d'une zone franche. Bien des villes sont faites de quartiers plus ou moins développés en termes d'emploi et de qualité du logement. Votre approche est donc imprécise.
Vous vous abritez derrière le transfert aux départements d'une fraction du taux de la taxe spéciale sur les conventions d'assurance et le transfert aux régions d'une fraction de la taxe intérieure sur les produits pétroliers pour réfuter l'idée que l'Etat transfère bel et bien des charges.
Ces deux recettes nouvelles ont un point commun : elles sont certainement...incertaines ; je rejoins là les analyses faites par M. Mercier.
Liée aux accidents de la route, la première est tirée à la baisse par la prise de conscience de nos concitoyens de la nécessité d'agir pour la sécurité routière.
Quant à la taxe intérieure sur les produits pétroliers, chacun sait que c'est un impôt peu sûr. Que le prix du pétrole progresse, comme c'est le cas depuis les derniers mois, et les automobilistes modifient leur comportement, laissant la voiture au garage. La faiblesse de leur pouvoir d'achat ne leur permet pas d'alimenter ainsi les caisses de l'Etat !
Le rapporteur spécial, notre collègue Michel Mercier, écrit lui-même que « la volonté affichée par le Gouvernement d'encourager les économies de consommation de pétrole n'est pas de nature à favoriser le dynamisme de la recette transférée aux régions ».
Monsieur le ministre, il faut entendre le cri d'alarme des élus locaux et, en écho, cesser de poursuivre et même d'amplifier vos choix initiaux !
Les membres du groupe communiste républicain et citoyen n'hésiteront pas à censurer par leur vote votre projet de budget.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, le dernier congrès des maires de France a montré qu'il y avait incontestablement une crise de la décentralisation et un malaise dus aux décisions récemment prises ou annoncées en la matière. Cela est incontestable et il faut en comprendre les raisons.
A mon sens, celles-ci tiennent tout d'abord à l'incertitude concernant le financement des transferts de compétences. Les orateurs précédents, dans leur diversité, l'ont dit très brillamment. Il y a bien sûr une puissante déclaration dans la Constitution mais nous, représentants des élus locaux, craignons que cette déclaration n'empêche pas l'évolution négative de la fiscalité locale à laquelle sont contraints de procéder un grand nombre d'exécutifs locaux.
Cette crise et ce malaise tiennent aussi à l'instabilité qui est désormais inscrite dans les lois de décentralisation. En effet, si on additionne les effets de l'expérimentation, des conventions multiples et variées entre divers niveaux de collectivités ainsi que de la possibilité pour toute région ou département de confier à une intercommunalité toute compétence, on aboutit à quelque chose de fou. Or, comme nous l'avons souvent exposé ici même lors de débats sur les textes précédents, ce flou est d'une certaine manière voulu.
M. le Premier ministre a clairement exposé qu'il lui paraissait souhaitable que chaque collectivité pût, en quelque sorte, se saisir des compétences de son choix, de manière à rompre avec une certaine forme d'uniformité.
Mais que se produira-t-il, en fait, lorsque, dans les années à venir, les contours des compétences seront de plus en plus multiples et variés ? Beaucoup d'élus craignent que cela n'aboutisse, comme toujours en pareilles circonstances, à la loi de la jungle ou à une concurrence non maîtrisée : les collectivités qui auront davantage de moyens, de ressources pourront se doter - je prends un exemple - des compétences qui leurs sont offertes en matière sanitaire ou hospitalière, mais celles qui auront moins de moyens ne pourront pas le faire. Il y a donc une véritable inquiétude concernant la notion d'égalité.
Le malaise tient aussi aux effets d'annonce, qui laissent perplexe.
Madame la ministre - et je salue votre arrivée dans cette fonction de ministre délégué à l'intérieur, chargée des collectivités locales -, vous connaissez bien les annonces que fait M le président de la République. Il avait en effet choisi Avignon pour faire une annonce, qu'il a tenue : il s'est bien présenté à l'élection présidentielle. (Sourires.)
Depuis, il a fait deux annonces surprenantes.
La première concerne la suppression de la taxe professionnelle.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Un impôt imbécile !
M. Jean-Pierre Sueur. On peut penser ce que l'on veut de cet impôt et une littérature abondante existe sur ce sujet, mais annoncer la suppression de la taxe professionnelle sans dire par quoi on la remplace alors que les nouvelles lois sur l'autonomie financière interdiront de mettre en place des dotations nouvelles ne peut que susciter l'inquiétude. Nous doutons fort que cela soit suivi d'effet. D'ailleurs, nous ne le souhaitons pas car nous ne voyons pas comment les intercommunalités pourraient financer leurs charges si, d'aventure, on supprimait ou on réduisait les recettes de la taxe professionnelle.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Il y a des précédents !
M. Jean-Pierre Sueur. M. le Président de la République a aussi annoncé la suppression de la taxe sur foncier non bâti. Nombre de communes, rurales en particulier, se demandent comment elles vont pouvoir faire face compte tenu de cette annonce.
Tout cela crée l'incertitude. Une clarification est nécessaire. Il faut dire que l'on revient sur ces annonces, plutôt que de laisser l'incertitude peser sur l'ensemble du dispositif. Je ne sais pas, madame la ministre, si cela est en votre pouvoir.
D'autres questions se posent, et je vais les aborder succinctement, monsieur le président.
La taxe spéciale sur les conventions d'assurance, qui sera attribuée aux départements, ne compense pas les charges nouvelles. S'agissant des sapeurs-pompiers, il est clair que les départements devront globalement débourser 40 millions d'euros supplémentaires - peut-être même plus - sans aucune forme de compensation.
Madame la ministre, dès 2006, la départementalisation des plaques minéralogiques sera abandonnée. Comment va-t-on répartir le produit de cette taxe spéciale sur les conventions d'assurance ? Certes, il nous a été dit qu'on y réfléchissait, que des discussions avaient lieu, mais vous comprenez bien que cela suscite une inquiétude légitime.
De même, les régions sont dotées d'une partie de la TIPP, la taxe intérieure sur les produits pétroliers. On nous a beaucoup dit que cela serait modulable, puis on nous a dit que, dans un premier temps, cela ne pouvait pas être modulable.
Le 22 octobre dernier, devant l'Assemblée nationale, le secrétaire d'Etat au budget d'alors a dit que le produit de la TIPP serait en baisse pour 2004.
M. Michel Mercier, rapporteur spécial. Par rapport aux prévisions !
M. Jean-Pierre Sueur. Voilà qui n'a pas manqué d'être relevé par les représentants des régions, qui comptent sur cette ressource. Si elle baisse, ce n'est pas une bonne nouvelle.
Comment l'assiette de cette TIPP sera-t-elle territorialisée. Cette question est loin d'être négligeable. Certes, des discussions ont été entreprises avec l'Union française des industries pétrolières, mais il serait utile d'apporter quelques précisions concrètes à cet égard.
En un mot, nous voulons plus de clarté !
Je veux évoquer, à mon tour, la question des dotations. D'abord, je relèverai les points positifs de votre projet de budget. Je l'ai déjà dit en commission, le fait d'avoir dessiné une dotation de péréquation va assurément dans le bon sens. Le fait d'avoir simplifié un certain nombre de critères va aussi dans le bon sens. Le fait d'avoir stabilisé et augmenté la DSU va encore dans le bon sens, même si l'on peut critiquer les critères retenus. J'ai, pour ma part, critiqué le retour aux critères des zones franches urbaines.
En revanche, d'autres sujets sont plus critiquables, et j'en citerai trois.
Premièrement, s'agissant de ce que j'appelle le dogme de la dotation forfaitaire, je ne comprends toujours pas - mais peut-être parviendrez-vous à fournir des arguments - pourquoi on limite le champ ou l'effet de la péréquation à ce qui augmente, à ce qui est susceptible d'augmenter, à ce qui est censé augmenter, monsieur Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Vous savez très bien pourquoi !
M. Jean-Pierre Sueur. Je ne suis pas d'accord avec cela et ma position est constante depuis longtemps.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Vous n'avez pas réussi, quand vous étiez secrétaire d'Etat aux collectivités locales, à faire autrement !
M. Jean-Pierre Sueur. Certes, mais il n'y avait pas encore de dotation forfaitaire à cet égard, monsieur Hyest. C'est en effet M. Daniel Hoeffel, notre ancien - et peut-être futur - collègue, qui a stabilisé la dotation forfaitaire. On ne va pas faire un débat historique sur ce point.
Je ne comprends pas pourquoi on refuse de faire jouer la péréquation sur une partie appelée « dotation forfaitaire ». Cela va contre l'esprit de la péréquation, puisque c'est une prime considérable au statu quo. Si l'on veut véritablement privilégier la péréquation, il faudra remettre en cause cet a priori envers une dotation forfaitaire qui n'est pas, ou peu, péréquatrice et qui continue, année après année, à véhiculer les inégalités. On en reparlera.
Deuxièmement, concernant la DSR, la dotation de solidarité rurale, si chaque commune se réjouit de la recevoir, on pourrait organiser les choses autrement. J'attendais une réforme plus ambitieuse.
M. Dominique Braye. Il n'a rien fait, mais il donne des conseils !
M. Jean-Pierre Sueur. Dans le budget pour 2005, il est incontestable que...
M. Dominique Braye. Vous n'avez pas fait beaucoup de chose, vous !
M. Jean-Pierre Sueur. Si, on a fait beaucoup en matière de DSR et de DDR !
M. Dominique Braye. Et pour aider les communes pauvres, vous avez fait beaucoup ?
M. Jean-Pierre Sueur. La dotation de développement rural était, dans l'esprit, beaucoup plus ambitieuse en termes de développement du territoire que ce qu'est devenue la dotation de solidarité rurale.
M. Dominique Braye. Vous avez toujours eu de bonnes idées, mais vous ne les avez jamais mises en oeuvre !
M. Jean-Pierre Sueur. Mon cher collègue, 34 494 communes, soit 95 %, vont percevoir cette dotation en 2005. Chaque bénéficiaire touchera donc des miettes.
M. Michel Mercier, rapporteur spécial. Ce sont celles de la madeleine, celles qui font le plus plaisir, depuis Proust ! (Sourires.)
M. Jean-Pierre Sueur. Certes, mais je ne suis pas sûr que cette logique soit la plus pertinente pour développer les territoires ruraux en difficulté.
Troisièmement, j'en viens à l'intercommunalité, mon dernier point, et, vous le constatez, monsieur le président, je respecte mes engagements.
Ce n'est pas parce qu'il y a une intercommunalité que l'on est pauvre ou que l'on est riche. Il existe des différences de toutes sortes entre les intercommunalités. Là aussi, il aurait été possible d'aller plus loin dans la péréquation entre les intercommunalités. (M. Dominique Braye s'esclaffe.)
S'agissant de ce que l'on souhaite obtenir en matière d'intercommunalité, on n'échappera pas, qu'on le veuille ou non, à un débat sur la démocratie.
Je rappelle que, pour l'année 2004, l'ensemble des régions de France vote 5 milliards d'euros de prélèvements fiscaux et l'ensemble des intercommunalités 5,2 milliards d'euros. Les intercommunalités prélèvent donc plus d'impôt que l'ensemble des régions.
Il y a eu un grand débat, dont se souviennent d'ailleurs M. Braye et d'autres collègues, lors des récentes élections régionales. Je souhaiterais que l'on nous donne l'occasion un jour d'avoir des débats de cette nature et de cette qualité au niveau de nos agglomérations.
Ce projet comporte des évolutions positives, mais aussi des imprécisions et un manque de clarté, et de grandes inquiétudes demeurent.
Selon moi, l'idée d'un marché des compétences ouvert à tout vent est contraire au principe d'égalité. Il faudra donc revoir cette conception. La séparation des pouvoirs suppose la justice entre les différents niveaux de collectivités, mais pas la confusion des pouvoirs vers laquelle on s'oriente malheureusement trop souvent. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Fournier.
M. Bernard Fournier. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la ministre, mes chers collègues, en cette première année d'application des nouvelles lois de décentralisation, je suis très heureux d'intervenir, comme en 2004, sur ce projet de budget. Très heureux, parce que, s'il y a bien un sujet qui nous concerne tous, en tant qu'élus locaux dans les régions, les départements et les communes, c'est bien celui-là !
C'est un sujet sensible et ô combien difficile car rien n'est plus important que les relations entre l'Etat et les collectivités locales, puisque, chacun le sait, le rôle de nos collectivités territoriales en période de reprise économique peut être déterminant. A cet égard, je tiens à rendre hommage au Gouvernement, qui a consacré, dans le titre Ier du projet de loi relatif aux libertés et aux responsabilités locales, le développement économique des collectivités territoriales.
En tant que premier vice-président du conseil général de la Loire, j'ai constaté, ces trois dernières années, comme les autres élus locaux, les transferts grandissants de compétences aux départements, avec par exemple la création de l'allocation personnalisée d'autonomie, en 2002, et la prise en charge exclusive de l'augmentation des budgets des services d'incendie et de secours.
Ces transferts ont contribué à la hausse des budgets des départements, qui ont progressé d'environ 25 % entre 2001 et 2004, la part des dépenses d'aide sociale dans leurs dépenses de fonctionnement étant passée de 56 % à près de 64 %.
Je note tout d'abord que le Gouvernement mène cette grande réforme qu'est la décentralisation avec courage, bon sens et efficacité.
Lorsque je relis mon intervention du mois de décembre 2003, je constate que le Gouvernement répond au fur et à mesure à nos sollicitations et à nos inquiétudes, mais j'y reviendrai.
Alors, bien sûr, tout n'est pas parfait, les inquiétudes sont encore vives et, sur tel ou tel point, nous avons encore quelques incertitudes.
A ce propos, je voudrais vous dire que je suis assez surpris de la dégradation du climat politique et des mentalités sur la question de la décentralisation. De nombreux élus qui critiquaient le jacobinisme - d'aucuns diraient les décisions prises à Paris ou qui viennent « d'en haut » -, ...
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Eh oui !
M. Bernard Fournier. ...qui se voulaient les apôtres de la décentralisation, n'ont pas aujourd'hui de mots assez durs pour critiquer cette réforme voulue par le Premier ministre, Jean-Pierre Raffarin.
La tentation est grande, chez certains élus de gauche, d'augmenter les impôts locaux en prenant la décentralisation comme alibi. Je crois que ce serait faire un mauvais procès au Gouvernement qui, en matière de compensations - il faut avoir l'honnêteté intellectuelle de le reconnaître - a donné des garanties très importantes aux collectivités.
Il est un moment où, dans la vie, et surtout en politique, il faut savoir prendre position pour avancer.
Lorsque j'examine les crédits relatifs à la décentralisation inscrits dans le projet de loi de finances pour 2005, je me félicite du nouvel effort financier de l'Etat en faveur de nos collectivités locales, et ce, vous en conviendrez tous, dans une situation budgétaire difficile et contraignante.
En effet, le budget s'élèvera à 62,138 milliards d'euros en 2005, soit une augmentation de 4,7 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2004, ce qui représente tout de même par son volume - et ce n'est pas rien - un cinquième des recettes du budget de l'Etat.
Des ressources fiscales seront transférées aux collectivités ; les régions recevront une fraction de tarif de la TIPP et les départements, quant à eux, une fraction de taux de la taxe spéciale sur les conventions d'assurance, afin de financer les transferts de compétences. L'article 72-2 de la Constitution sera donc respecté.
Le Gouvernement propose de reconduire en 2005, pour un an, le contrat de croissance et de solidarité, selon des modalités d'indexation identiques à celles qui avaient été appliquées en 2004. Cela signifie que l'enveloppe « normée » progressera en 2005 de 2,625 %, soit une augmentation de 1,2 milliard d'euros.
La dotation globale de fonctionnement, quant à elle, augmentera de 3,29 %, soit 1,208 milliard d'euros à structure constante, atteignant ainsi un montant total de 37,949 milliards d'euros.
La loi de finances pour 2004 avait déjà modifié la DGF en lui donnant une place fondamentale dans le dispositif d'aide financière de l'Etat aux collectivités territoriales. Elle était devenue le pivot central des dotations de l'Etat aux collectivités locales. La nouvelle réforme des critères de répartition des communes, des EPCI et des départements devrait garantir une meilleure répartition entre les collectivités territoriales et tendre ainsi à corriger les inégalités de telle manière que les citoyens soient égaux devant les charges comme devant les prestations du service public sur l'ensemble du territoire national.
L'année dernière, j'avais attiré votre attention sur la disparité importante de la dotation d'Etat par habitant entre les communautés de communes et les communautés d'agglomération.
Cette année, monsieur le ministre, madame la ministre, je note avec beaucoup de satisfaction, même si cela reste symbolique, qu'à partir de 2005 la dotation globale de fonctionnement par habitant des communautés de communes évoluera chaque année selon un taux fixé par le Comité des finances locales entre 130 % et 160 % des taux retenus pour les communautés d'agglomération.
Cette diminution des écarts de dotation par habitant entre les deux catégories de communautés était hautement souhaitable au vu des charges spécifiques qui pèsent sur nos communes rurales.
Dans le même sens, je soutiens un amendement présenté par notre collègue Jean Faure, qui vise à mieux prendre en compte l'importance des résidences secondaires dans la redistribution des sommes versées aux communes dans le cadre de la DGF.
Ainsi, le développement de l'intercommunalité se poursuit. Cent un EPCI à fiscalité propre, dont douze communautés d'agglomération, ont vu le jour en 2003. Plus de 50 millions d'habitants sont dorénavant concernés. Ma région Rhône-Alpes compte d'ailleurs le plus grand nombre d'EPCI à fiscalité propre, soit 219, réunissant plus de 5 millions d'habitants.
Par ailleurs, à l'heure où les départements ont porté leur attention sur les collèges, qui ont été soutenus à hauteur de 2,4 milliards d'euros en 2004, soit une hausse de 10,2 % par rapport à 2003, je me réjouis de constater que la dotation départementale d'équipement des collèges et la dotation régionale d'équipement scolaire vont passer de 894 millions d'euros en 2004 à 921 millions d'euros en 2005.
Je veux encore souligner les efforts du Gouvernement, qui tient compte des communes défavorisées en augmentant de 20 % la DSR. Les principaux bénéficiaires en seraient les communes bourgs-centres en zones de revitalisation rurale : elles verraient leur DSR, dite « bourgs-centres », majorée de 15 %, ce qui, dans un contexte budgétaire difficile, me semble important.
J'aborderai, enfin, deux dotations hors enveloppe, mais néanmoins significatives : d'une part, le fonds de compensation pour la TVA et, d'autre part, le prélèvement au titre des amendes forfaitaires de la police de la circulation routière.
Le montant prévisionnel du fonds de compensation pour la TVA est estimé, pour 2005, à 3,791 milliards d'euros, soit une hausse de 2,18 % par rapport à 2004.
Les règles d'éligibilité au fonds de compensation pour la TVA posent encore des problèmes, et c'est pourquoi je suivrai avec beaucoup d'attention les réflexions du groupe de travail qu'entend constituer le ministre délégué au budget, Jean-François Copé ; je le félicite de sa nouvelle nomination et j'en profite pour rendre hommage à son prédécesseur à ce poste, Dominique Bussereau.
Quant au produit des amendes forfaitaires, il s'élèvera en 2005 à 560 millions d'euros, soit une hausse de plus de 30 %, les prévisions d'exécution pour 2004 étant révisées à la hausse : 542 millions d'euros, contre 430 millions d'euros inscrits en loi de finances initiale.
C'est pourquoi, face au projet de dépénalisation des amendes de stationnement, nous devons rester vigilants afin qu'il ne soit pas porté atteinte aux ressources des collectivités locales concernées. En effet, la décentralisation ne saurait être un succès que si, et seulement si, les transferts de compétence programmés sont compensés « à l'euro près », comme s'y est engagé le Gouvernement.
Vous l'avez compris, je suis globalement satisfait par le budget que vous nous avez proposé, monsieur le ministre, madame la ministre, ainsi que par les réformes engagées par le Gouvernement sur le grand dossier de la décentralisation.
Toutefois, je ne vous cache pas que la réforme sur la taxe professionnelle annoncée par le Président de la République nous inquiète.
M. Jean-Pierre Sueur. C'est bien vrai !
M. Bernard Fournier. Même si elle est pénalisante pour les entreprises - il faut bien l'admettre -, la taxe professionnelle, ou plutôt sa recette est indispensable à nos collectivités.
Il faudra que cette réforme soit menée rapidement, avec clarté et dans la concertation, en préservant bien sûr - et j'insiste sur ce point primordial - les ressources propres des collectivités territoriales. Je sais que la commission de réflexion qui remettra ses propositions avant la fin de l'année y veillera avec diligence.
Pour conclure et rassurer les élus locaux, pouvez-vous, monsieur le ministre, madame la ministre, me confirmer que l'on ne touchera pas à la taxe foncière sur les propriétés non bâties ?
M. Jean-Pierre Sueur. Il faut le demander à M. le Président de la République !
M. Bernard Fournier. Je vous souhaite beaucoup de succès, madame la ministre, dans vos nouvelles fonctions. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. Etant donné l'heure et afin de ne pas répéter ce que d'autres ont dit avant moi, je me contenterai d'attirer votre attention, monsieur le ministre, madame la ministre, sur une question très sensible dans les communes rurales.
Les élus ruraux ont toujours été ulcérés de constater qu'un urbain vaut plusieurs ruraux, au motif que les communes rurales dépensent moins que les villes. La vertu n'est donc pas récompensée ! Vous l'avez compris, je veux évoquer le mode de calcul de la partie forfaitaire de la DGF et le système des strates démographiques.
La décision de réduire l'éventail des inégalités est une bonne nouvelle pour les élus ruraux. L'écart passe de 2,5 à 2,2 : c'est indéniablement un progrès. Néanmoins, l'écart reste très important et, surtout, de plus en plus injustifié.
Un mouvement très profond se fait dans la population qui, sous l'effet de la pression foncière, de la hausse des loyers, de la difficulté de faire garder ses enfants, déserte les villes et les agglomérations. Les communes rurales doivent donc accueillir une population accrue, dont les aspirations et les besoins sont les mêmes que ceux des urbains, et qui comprend de plus en plus de personnes en difficulté.
Les communes rurales d'aujourd'hui n'ont donc plus grand-chose à voir, pour la moitié d'entre elles au moins, avec les communes rurales traditionnelles.
Envisagez-vous, monsieur le ministre, de poursuivre le mouvement impulsé et d'atteindre, en quelques années - nous sommes réalistes -, l'égalité entre les ruraux et les urbains ? Vous répondriez ainsi à une revendication de longue date et vous feriez oeuvre de justice.
Dans le cadre d'une réforme globale de la dotation globale de fonctionnement, on pourrait imaginer un système dans lequel les injustices ne seraient pas corrigées par des dotations spécifiques et où la structure de la dotation serait claire et juste. Si la solidarité, c'est bien, la justice, c'est mieux !
Monsieur le ministre, en acceptant de mettre en chantier cette question l'année prochaine, les maires ruraux pourraient espérer voir leurs problèmes pris en considération afin que leur situation soit alignée sur celle de l'ensemble des élus. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Dominique de Villepin, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Monsieur le président, mesdames et messieurs les sénateurs, je suis particulièrement heureux de vous retrouver à l'occasion du débat sur la partie collectivités locales du budget du ministère de l'intérieur. Permettez-moi, tout d'abord de rendre hommage au travail remarquable accompli par Jean-François Copé.
Je voudrais aussi saluer l'arrivée à mes côtés de Marie-Josée Roig. Je ne doute pas que, par sa connaissance du mandat de maire, elle m'apporte une aide précieuse pour faire vivre la relation harmonieuse et confiante entre l'Etat et les collectivités. Marie-Josée Roig complétera mon intervention en répondant à plusieurs de vos questions.
Je sais l'intensité et la qualité des débats qui ont eu lieu ici même, hier et cette nuit, en présence de Jean-François Copé. J'en ai pris connaissance avec intérêt et je vous en remercie.
Vous avez, hier soir, rappelé le rôle prépondérant du Parlement dans les décisions qui concernent les budgets locaux. Je veux à mon tour affirmer, en particulier devant les orateurs qui se sont exprimés sur ce sujet, l'importance du travail accompli par le Comité des finances locales.
Sur des sujets de plus en plus techniques et complexes, il a permis, sous la présidence de Jean-Pierre Fourcade, de dégager des lignes de force et, sans se substituer à vous, d'éclairer utilement vos travaux.
Ces débats vous ont permis de percevoir les axes de la politique pour les collectivités locales que j'entends conduire sous l'autorité du Premier ministre. Après le vote de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, il m'appartient, devant vous, de tenir les engagements qui ont été pris afin que cette décentralisation permette de mieux servir les Français, et que, pour cela, les différents niveaux de collectivités disposent rapidement des instruments juridiques et financiers nécessaires.
C'est pourquoi vous retrouvez un certain nombre de priorités dans ce projet de loi de finances. Elles permettent de satisfaire des objectifs qui sont au centre de l'action gouvernementale : d'abord, assurer un meilleur équilibre entre les territoires ; ensuite, renforcer notre cohésion nationale ; enfin, soutenir l'activité économique et l'emploi.
Pour atteindre ces objectifs, j'évoquerai devant vous cinq défis majeurs : le renforcement de la péréquation, le développement de l'intercommunalité, mais aussi la modernisation de notre fiscalité locale, le financement des transferts de compétences et, enfin, le soutien de l'activité économique, à travers la progression des dotations inscrites en dépenses à mon budget ; elles représentent cette année 2,5 milliards d'euros.
En premier lieu, la péréquation, ardente obligation de l'Etat, sera dynamisée dès 2005.
Vous avez pu analyser en détail cette nuit les inscriptions budgétaires en prélèvement sur recettes. Elles progressent de près de 3 % et représentent 44 milliards d'euros. C'est le quatrième budget de l'Etat. Additionnées aux autres concours de l'Etat aux collectivités locales, c'est même le deuxième budget et plus du quart des recettes de l'Etat. Leur adaptation permettra de mieux faire fonctionner la solidarité nationale et territoriale.
Plus de justice dans les dotations nécessite de disposer de marges de manoeuvre. J'ai obtenu de telles marges pour le budget 2005, grâce au maintien du pacte de croissance entre l'Etat et les collectivités. Je remercie d'ailleurs MM. Mercier, Saugey, Doligé et Fournier d'avoir bien voulu s'en féliciter à leur tour. La conséquence de ce choix, c'est, malgré l'extrême contrainte qui pèse sur le budget de l'Etat, une augmentation de 1,2 milliard d'euros pour la seule dotation globale de fonctionnement, à répartir entre chaque catégorie de collectivité. Deux principes président à cette répartition : d'une part, des mécanismes d'attribution plus simples ; d'autre part, davantage de ressources pour les collectivités qui en ont besoin.
Ces principes se retrouvent à tous les niveaux de la péréquation, désormais inscrite dans notre Constitution.
Le premier niveau est la dotation forfaitaire. Son mode de calcul prendra désormais en compte la population réelle - une population actualisée chaque année - et la superficie de la commune. Au nom du même esprit de justice, nous avons choisi de remplacer le potentiel fiscal par le potentiel financier, qui reflète mieux les ressources pérennes des communes.
Mais nous devons aussi faire face, sur le territoire, à deux enjeux essentiels.
Le premier, c'est la situation de villes où nos concitoyens sont confrontés plus qu'ailleurs au chômage, aux difficultés d'intégration et au mal de vivre, et qui comportent des quartiers sensibles. Avec Jean-Louis Borloo, il nous a paru indispensable de leur consacrer des ressources en forte progression : 20 % en 2005, et 600 millions d'euros en cinq ans, au titre de la dotation de solidarité urbaine. En leur donnant des moyens particulièrement importants, cette réforme financière légitime pleinement le rôle que je veux donner aux maires dans le projet de loi sur la prévention de la délinquance.
Le second enjeu, c'est la nécessité de soutenir nos zones rurales. La péréquation volontariste que nous mettons en place bénéficiera aux espaces ruraux, en particulier les bourgs-centres, ces chefs-lieux de canton qui constituent l'ossature du territoire, les bassins de vie et d'animation, qui offrent à la population des services publics de proximité. Ils méritent toute notre attention. C'est pourquoi la dotation de solidarité rurale progressera de 20 %, c'est-à-dire de 80 millions d'euros, dès 2005. L'augmentation pourra même atteindre 40 % dans les zones de revitalisation rurale.
Enfin, j'ai pris la décision d'ouvrir cette péréquation aux départements et de réduire les différences de dotation entre eux : d'une part, en élargissant l'accès à la dotation de fonctionnement minimale à quarante départements supplémentaires et, d'autre part, en créant une dotation de péréquation urbaine pour les départements très urbains.
Vous le voyez, mesdames et messieurs les sénateurs, cette péréquation dont on parle depuis si longtemps, nous allons la faire.
En deuxième lieu, c'est le même souci de fournir aux Français un service de qualité partout sur le territoire qui nous impose de soutenir l'intercommunalité.
J'ai eu l'occasion de dire aux maires de France, il y a quelques jours, mon attachement à nos communes et à nos maires, ainsi que le refus du Gouvernement de s'engager dans la désignation au suffrage direct des élus de l'intercommunalité. La fonction de maire n'est pas une fonction qui se délègue à l'échelon supracommunal.
Pour autant, l'intercommunalité doit être mise au service de nos communes. Là encore, dans la loi du 13 août 2004 comme dans ce projet de loi de finances, nous avons voulu simplifier les règles, notamment le coefficient d'intégration fiscale. Vous le savez, il représente une des principales sources de variation de la dotation d'intercommunalité. Nous avons également souhaité répondre à une de vos aspirations : resserrer les écarts de dotations entre communautés de communes et communautés d'agglomération.
En troisième lieu, nous devons moderniser notre fiscalité locale.
Cette modernisation, elle aussi très souvent évoquée par les orateurs, est nécessaire, comme nous y a invités le Président de la République. Elle concerne la taxe professionnelle qui pénalise encore trop l'emploi et l'investissement, ainsi que la taxe sur le foncier non bâti, qui pèse trop lourdement sur les exploitants agricoles dont on a besoin pour dynamiser le monde rural.
Pour y parvenir - et cela vous rassurera sans doute, monsieur Fournier -, nous devons respecter deux principes : d'une part, préserver le lien entre l'activité économique et les territoires ; d'autre part, préserver la liberté de vote des taux de ces impôts locaux. Soyez assurés que ces principes seront respectés : la loi organique sur l'autonomie financière, que je vous ai proposée et que vous avez votée cet été, nous en fait l'obligation. C'est à la lumière de ces mêmes principes que le Gouvernement examinera les recommandations de la commission Fouquet.
Il en sera de même pour le foncier non bâti, pour lequel les conclusions de la commission animée par Jean Arthuis constitueront, bien sûr, un apport précieux.
C'est dire que ces réformes se feront avec vous, après des concertations très approfondies.
En quatrième lieu, le financement intégral des transferts de compétences constitue, bien sûr, un autre des grands défis.
J'ai entendu vos inquiétudes à ce sujet. Elles sont légitimes : nombre d'élus ont été échaudés par la mise en place de l'allocation personnalisée d'autonomie, l'APA, et des 35 heures.
Avec Marie-Josée Roig, nous avons pris deux engagements. Le premier est la clarté et la loyauté dans les transferts de crédits et de personnels : les transferts seront intégralement compensés. C'est inscrit dans la Constitution, ce qui nous impose une obligation de résultat. Le tout sera contrôlé, en toute impartialité, par la commission d'évaluation des charges. Le second engagement est la progressivité, car ce dispositif montera en puissance graduellement : ce n'est qu'en 2007-2008 que les transferts seront pleinement réalisés. Par exemple, les personnels TOS continueront d'être payés par l'Etat en 2005.
En cinquième lieu, nous devons ensemble stimuler l'activité et soutenir l'investissement des collectivités.
Dans la partie inscrite dans le budget du ministère de l'intérieur destinée aux collectivités locales, se trouvent des leviers d'action particulièrement importants pour les investissements civils. Les collectivités locales assument, en effet, près de 70 % de l'investissement public civil de notre nation.
Il était donc pour moi essentiel, dans la conjoncture économique actuelle, de maintenir à un bon niveau cette partie de mon budget.
Les dotations d'équipements progressent en effet de 3 % en 2005.
Je sais que les élus locaux, notamment dans le monde rural, sont particulièrement sensibles à la dotation globale d'équipement, qui permet la participation financière de l'Etat à la réalisation de certains de leurs projets d'investissements. Son montant s'élèvera donc à 931 millions d'euros en autorisations de programme.
Elle se répartit à hauteur de 441 millions d'euros pour la DGE des communes, contre 428 millions en 2004, et 490 millions d'euros pour la DGE des départements, contre 476 millions en 2004.
La dotation de développement rural permet de financer des projets au profit d'EPCI ruraux. Elle augmente, elle aussi, de 3 %, et représentera donc un montant d'autorisations de programme de 119,3 millions d'euros.
De même, la dotation régionale d'équipement scolaire et la dotation départementale d'équipement des collèges passent de 894,6 millions d'euros en 2004 à 921,5 millions en 2005.
S'agissant des compensations des transferts de compétences, comme vous le savez, le Gouvernement a fait le choix de les compenser par des transferts de fiscalité vers les départements et vers les régions. Les crédits correspondants sont inscrits en première partie de la loi de finances.
Les transferts précédents avaient été compensés par la dotation générale de décentralisation, dont le montant continue à être indexé tous les ans. Cette dotation a été, pour l'essentiel, intégrée dans la DGF en 2004 et elle évoluera donc en 2005 de 3,29 %.
Une part résiduelle a été néanmoins maintenue en crédits budgétaires afin de pouvoir procéder plus facilement à des ajustements fins. Cette part résiduelle s'établira en 2005 à 697,5 millions d'euros pour la DGD des communes, des départements et des régions et à 247,5 millions d'euros pour la collectivité de Corse.
S'agissant, enfin, des autres concours de l'Etat, je souhaite évoquer trois contributions spécifiques auxquelles vous attachez beaucoup d'importance.
Tout d'abord, le fonds de compensation pour la TVA est la principale contribution de l'Etat aux dépenses d'investissement des collectivités locales. Son montant prévisionnel pour 2005 s'élève à 3 791 millions d'euros, soit une augmentation de 2,18 % par rapport à 2004. Je sais que ce sujet préoccupe beaucoup les élus et que les conditions d'éligibilité au FCTVA sont parfois discutables. C'est pourquoi, j'ai demandé à Marie-Josée Roig et au nouveau ministre délégué au budget qu'un groupe de travail interservices puisse être rapidement mis en place entre nous pour examiner cette question.
Ensuite, le produit des amendes forfaitaires de la police de la circulation routière s'élève en 2005 à 560 millions d'euros, soit une augmentation de 30,23 %.
Enfin, il est prévu de faire progresser le fonds d'aide à l'investissement des SDIS : les autorisations de programme continueront d'augmenter, pour atteindre 61 millions d'euros en 2005, contre 54 millions cette année. Par ailleurs, 65 millions d'euros de crédits de paiement sont inscrits : ils permettront de couvrir les dépenses de l'exercice et même de rattraper le retard.
Vous le constatez, monsieur Mercier, l'Etat reste attentif à cette compétence partagée que sont les services d'incendie et de secours.
Avant de conclure, je voudrais remercier M. Arthuis, président de commissions des finances, M. Hyest, président de la commission des lois, ainsi que M. Philippe Marini, rapporteur général du budget, M. Michel Mercier, rapporteur spécial de la commission des finances, et M. Bernard Saugey, rapporteur pour avis de la commission des lois. Vous avez accompli, messieurs, comme à l'accoutumée, un travail de précision, toujours constructif, qui m'a été très utile.
Pour cette partie de mon budget qui concerne les collectivités locales, j'ai la conviction que deux caractéristiques sont au rendez-vous : le respect des engagements et la confiance dans la parole donnée. Vous l'avez compris, je ne pense pas que l'on puisse trouver dans ce budget prétexte à rehausser les impôts.
Mme Marie-José Roig répondra plus précisément à certaines des questions posées par les différents intervenants. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée, que, pour ma part, j'ai l'occasion de saluer au Sénat pour la première fois.
Mme Marie-Josée Roig, ministre déléguée à l'intérieur, auprès du ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieur et des libertés locales. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je m'efforcerai de répondre succinctement aux orateurs et d'abord, à tout seigneur tout honneur, au rapporteur spécial de la commission des finances.
Je vous remercie, monsieur Mercier, de l'avoir reconnu, il n'était pas facile, dans la conjoncture actuelle, de maintenir le pacte de solidarité. Nous l'avons fait et vous l'avez remarqué : j'en suis particulièrement heureuse.
Je vous remercie également d'avoir noté que nous avons apporté plus de lisibilité et de clarté avec la réforme, qui a été menée en bonne coopération avec le Sénat et l'Assemblée nationale.
Vous craignez que les transferts d'impôts nationaux - TIPP et taxe spéciale sur les conventions d'assurance - ne subissent des baisses sensibles avec le temps. La politique de sécurité routière a une influence sur l'assiette de la TIPP et sur les conventions d'assurance. Pour autant, compte tenu de ses effets remarquables, sur le plan humain et sur le plan économique et social, cette politique ne peut pas ne pas être considérée comme une réussite. Certes, s'agissant des conventions d'assurance automobile, un tassement pourrait se produire à terme, mais la progression a été de 5 % à 7 % par an au cours des dix dernières années.
M. Michel Mercier, rapporteur spécial. Oui !
Mme Marie-Josée Roig, ministre déléguée. En outre, cela a été dit tout à l'heure, les contrats d'assurance portant sur d'autres risques continuent de grimper allègrement.
M. Michel Mercier, rapporteur spécial. Qui assure le transfert ?
Mme Marie-Josée Roig, ministre déléguée. Ensuite, vous avez souhaitez que nous surveillions attentivement l'évolution des charges résultant des lois ordinaires. Comme élue locale, j'ai par exemple dû faire face à la loi Voynet et ses aires de jeu, à l'allocation personnalisée d'autonomie, l'APA. Certaines institutions ont subi les charges générées par ces dispositifs. Désormais, de telles situations ne pourront plus se produire puisque des verrous constitutionnels ou institutionnels ont été mis en place.
Vous avez également insisté sur la nécessité de laisser plus de marges de manoeuvre aux collectivités locales, afin de leur conférer une liberté de dépenser conforme au principe d'autonomie de gestion. Je sais, vous l'avez dit en aparté, que les élus veulent être jugés sur une gestion non encadrée.
J'évoque maintenant un sujet qui vous est cher : la compensation du transfert du RMI-RMA. Il s'agit d'une question récurrente, qui a donné lieu à de nombreux débats
M. Michel Mercier, rapporteur spécial. En effet !
Mme Marie-Josée Roig, ministre déléguée. La loi de finances pour 2004 a estimé un montant des dépenses de l'Etat pour l'année 2003 au titre de l'allocation RMI. A présent, nous disposons de l'évolution définitive des dépenses consacrées par l'Etat en 2003 au RMI A ce titre, la régularisation dans le projet de loi de finances rectificative pour 2004 est évaluée à 59 millions d'euros. Nous allons donc procéder à une régularisation pour rétablir les départements dans leurs droits au titre des dépenses de 2003.
Enfin, compte tenu de l'importance que j'attache à ce que nos relations soient entièrement fondées sur la confiance, les services sont aujourd'hui en train d'étudier les conditions juridiques de la mise en oeuvre de la clause de revoyure, qui existe vraiment, prévue dans la loi de transfert du RMI-RMA.
M. Michel Mercier, rapporteur spécial. Tout à fait !
Mme Marie-Josée Roig, ministre déléguée. Monsieur Saugey, vous avez insisté, et je vous en remercie, sur la progression de 3 % des concours financiers de l'Etat aux collectivités territoriales pour 2005. Vous connaissez la volonté du Gouvernement de reconduire le contrat de croissance et de solidarité, qui permettra aux collectivités d'être plus entreprenantes dans les années à venir.
Je vous remercie également d'avoir mis l'accent sur un autre élément, essentiel à mes yeux, de la politique du Gouvernement, je veux parler de la politique de déconcentration, qui doit nécessairement accompagner la décentralisation, car il est souhaitable que chaque exécutif local ait en face de lui un partenaire efficace, parlant d'une seule voix, celle du représentant de l'Etat.
S'agissant du maintien des services publics en milieu rural et de la diversification de ces services en milieu urbain, la réforme des dotations, qui a été présentée avant-hier, apporte une réponse précise, et je ne reprendrai pas les explications qui on été données. Elle met en oeuvre le principe de péréquation, désormais constitutionnel, et c'est important. Cette péréquation est destinée d'abord aux villes qui connaissent de fortes difficultés. J'en connais un certain nombre et si on prend l'ordre alphabétique, j'en connais une dont le nom commence par la lettre A. (Sourires.) Souvent, elles sont classées en zone urbaine sensible. Je connais également des bourgs-centres qui sont classés en zone de revitalisation rurale, qui verront leurs dotations augmenter, parfois jusqu'à 40 %, dès 2005.
Cette première réponse me paraît adaptée à votre demande de diversification et de maintien non seulement des services publics, mais également - et c'est important - des activités dans les zones dont il faut nécessairement augmenter l'attractivité.
M. Peyronnet est revenu, une fois encore, sur l'un de ses sujets favoris : la hausse inévitable des impôts locaux pour financer les transferts de la décentralisation. Le principe concernant le transfert des compétences aux collectivités territoriales est que ces transferts doivent s'accompagner des ressources qui étaient précédemment consacrées par l'Etat à l'exercice des compétences transférées. Cela me paraît évident. La compensation financière sera intégrale, concomitante et contrôlée. Cela devrait rassurer tous ceux qui s'interrogent.
La compensation sera intégrale : les ressources transférées seront équivalentes aux dépenses exposées par l'Etat au titre de la compétence transférée. Toutes les dépenses, directes ou indirectes, liées aux transferts seront intégralement prises en compte, qu'il s'agisse des charges de fonctionnement - elles seront évaluées sur trois ans - ou d'investissement, évaluées, quant à elles, sur cinq ans.
La compensation sera concomitante : concrètement, l'année précédant le transfert des compétences, les ministères décentralisateurs procéderont à l'évaluation provisoire des dépenses qu'ils consacraient à la compétence transférée. Le montant correspondant sera inscrit en loi de finances et, bien sûr, dès que les données définitives seront connues, il sera procédé aux régularisations qui s'imposeront.
Enfin, la compensation sera contrôlée : la loi organique du 29 juillet 2004 sur l'autonomie financière apporte aux collectivités locales de véritables garanties quant au niveau des ressources et, surtout, quant à leur niveau d'autonomie financière.
Le plan de cohésion sociale de Jean-louis Borloo, qui est en cours d'examen devant le Parlement, prévoit de créer, sur cinq ans, un million de contrats d'avenir destinés à peu près aux mêmes personnes en difficulté que celles qui sont visées par certaines régions. Je pense notamment à la région d'Ile-de-France...
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C'est bien de penser à l'Ile-de-France !
Mme Marie-Josée Roig, ministre déléguée. ...et à la région Provence-Alpes-Côte d'Azur. Pourquoi des régions se montrent-elles si empressées à financer 80 % du salaire de personnes qui sont visées par le plan de cohésion sociale ? On ne peut nous demander de prendre en charge des dépenses qui le seront déjà par ailleurs.
Quant aux transferts de 2005, ils ne représenteront qu'une part infime, chacun le sait, et ils seront intégralement compensés. On ne peut prétendre qu'un report de 3 % imposera une augmentation des impôts locaux de 10 %. Or des augmentations de cet ordre seraient envisagées dans certaines régions ou certains départements...
Je le répète : la compensation sera intégrale, concomitante et contrôlée, et je m'y engage ici personnellement. Cela vous permettra d'établir rapidement des prévisions budgétaires, d'organiser des débats d'orientation budgétaire qui nous éclaireront sur les compensations à mettre en chantier.
Monsieur Doligé, je vous remercie de vos appréciations positives sur la réforme que j'ai l'honneur de défendre dans la foulée de mon prédécesseur qui, comme l'a dit le ministre de l'intérieur tout à l'heure, a beaucoup fait dans ce domaine.
En tant que président de conseil général, vous êtes très attentif - et c'est normal - aux différents transferts que vous allez devoir organiser. Je vous indique, avec fierté, que les décrets d'application de la loi de décentralisation du 13 août 2004 sont très avancés. En effet, et c'est un record, sur la soixantaine de décrets prévus, trente-huit sont déjà élaborés par les différents services de l'Etat. Reconnaissez que nous avons mis les bouchées doubles !
Vous avez déploré, monsieur le sénateur, l'insuffisante clarté des conditions des transferts et vous avez même suggéré qu'ils pouvaient être mal engagés. Les mécanismes que nous mettons en place sont précisément destinés à vous garantir la transparence, mais toujours, bien sûr, dans la concertation.
S'agissant des transferts eux-mêmes, vous bénéficierez d'une double garantie : celle de la commission commune de la fonction publique et celle des commissions tripartites locales réunissant les représentants de l'Etat, des collectivités et des personnels, que nous allons mettre en place, conformément à la circulaire qui a été adressée aux préfets en septembre.
Comme vous le savez, les transferts des personnels n'ont pas encore commencé.
S'agissant du transfert des routes nationales, M. le ministre de l'équipement vient tout juste de transmettre, c'était la semaine dernière, la concertation des axes d'intérêt national et européen. Ceux-ci seront transférés dans le domaine public routier départemental après avis des départements intéressés ; un délai de trois mois est prévu à cet effet. Le transfert des routes sera alors constaté sur le plan local, dans le département, dans un délai de dix-huit mois. On ne peut donc pas encore s'inquiéter du nombre des personnels transférés puisque l'on ne sait pas encore combien d'entre eux seront concernés ! Certaines collectivités souhaiteront avoir plus de réseaux transférés, d'autres moins. Il est évident que la question des personnels des directions départementales de l'équipement est très liée - et elle le sera toujours - à la surface des réseaux qui sera finalement transférée.
S'agissant des TOS, vous le savez, les charges de rémunération des personnels ne seront totalement supportées par les collectivités qu'à l'issue de la période d'option ouverte aux agents, c'est-à-dire deux ans après la publication du décret. Jusqu'à cette date, il appartient à l'Etat d'assurer la rémunération de ces personnels, et il le fera.
Nous voulions que cette réforme soit bâtie sur un véritable pacte de confiance entre nous ; je pense que nous avons atteint notre objectif, mesdames, messieurs les sénateurs.
M. Mercier, qui a relayé les demandes de Mme Gourault, m'a interrogée sur la compensation des postes de TOS qui ne sont pas pourvus. A cet égard, la réponse est conforme à la règle habituelle : seule une dépense effective, c'est-à-dire constatée, pourra être compensée, mais tel n'est pas le cas pour les postes qui ne sont pas pourvus.
Madame Mathon, vous vous êtes fait l'écho des maires qui, selon un sondage, sont réticents à la décentralisation. Or M. Malvy, président de l'Association des petites villes de France, nous a remis les résultats d'un sondage qu'il a commandé et selon lesquels deux Français sur trois sont satisfaits de la réforme de la décentralisation menée par le Gouvernement. Selon vous, la décentralisation serait une fausse décentralisation et, dans le même temps, elle provoquerait, au nom du libéralisme, un éclatement du cadre républicain. Madame Mathon, ou bien il s'agit d'une fausse décentralisation, ou bien elle fait tout éclater, mais elle ne peut pas être les deux à la fois.
A cet égard, je m'étonne que cette réforme vous inquiète tant. Vous le savez tous, elle est dans le droit-fil des grandes lignes des propositions qui ont été avancées par M. Mauroy, l'artisan de la première réforme de la décentralisation. L'acte II de la décentralisation que nous mettons en place applique exactement les mêmes principes fondamentaux, en allant simplement plus loin. Or, me semble-t-il, M. Mauroy s'est plaint en 2001 que le gouvernement d'alors n'ait pas accepté qu'il aille aussi loin que nous !
Par ailleurs, vous estimez, madame Mathon, que les transferts s'accompagnent toujours d'une augmentation de charges. C'est peut-être possible, mais cette augmentation résulte principalement - et je rejoins là la demande de M. Mercier d'accorder plus de liberté aux collectivités - de la libre décision des collectivités : il n'y a aucune fatalité à ce que les collectivités gèrent moins bien avec des effectifs et des crédits de fonctionnement équivalents à ceux de l'Etat. C'est la liberté de chaque collectivité d'organiser les choses, et c'est cette liberté qui vous sera donnée, mesdames, messieurs les sénateurs.
Madame Mathon, vous le savez, M. le Premier ministre a annoncé, voilà quelques jours, devant l'Association des maires de France, la création d'une conférence nationale des services publics en milieu rural, qui devrait se réunir dans les délais les plus brefs. Vous pouvez donc constater que le Gouvernement se mobilise largement. Il pourra d'ailleurs mettre en oeuvre plusieurs instruments juridiques et financiers afin de traiter ce problème, qui est l'un des problèmes majeurs en matière d'aménagement du territoire.
Monsieur Sueur, vous avez commencé votre intervention en indiquant que les maires sont inquiets. Or, comme l'a dit brillamment mon prédécesseur avant-hier, ils sont peut-être inquiets, mais ils ont élu à la présidence de leur association, et ce à plus de 60 %, M. Pélissard, qui est pourtant un ardant défenseur de la décentralisation.
M. Jean-Pierre Sueur. Cela n'empêche pas qu'ils soient inquiets !
Mme Marie-Josée Roig, ministre déléguée. Mais 60 % d'entre eux n'ont pas trop montré leur inquiétude, monsieur Sueur !
M. Jean-Pierre Sueur. A droite aussi, certains sont inquiets !
Mme Marie-Josée Roig, ministre déléguée. La décentralisation ne fait que commencer, monsieur Sueur. Si tout était décidé à l'avance, si tout était formaté, fixé par l'Etat sans concertation, vous seriez certainement le premier à nous le reprocher ! Puisque tout n'est pas fixé, une concertation sera engagée entre les préfets et tous les élus pour fixer les modalités précises des transferts au niveau local, c'est-à-dire au plus près du terrain, et j'y veillerai.
Cependant, et je vous en sais gré, monsieur Sueur, vous avez reconnu que cette réforme n'a pas que de mauvais aspects. D'ailleurs, lors de l'examen du projet de loi de programmation pour la cohésion sociale, vous avez voté, s'agissant de la dotation de solidarité urbaine, les dispositions relatives aux efforts consentis en faveur des quartiers dégradés.
M. Jean-Pierre Sueur. Tout à fait !
Mme Marie-Josée Roig, ministre déléguée. Je le sais, vous êtes un orfèvre en la matière, vous connaissez bien les quartiers dégradés et leurs besoins. Il y a quatre ans, vous aviez réclamé un plan Marshall pour disposer enfin d'un levier financier important. Vous le voyez, monsieur Sueur, je lis vos déclarations. (Sourires.)
J'ai répondu tout à l'heure de manière détaillée à la question du financement des compétences, je n'y reviens donc pas.
En revanche, même si vous n'avez pas abordé ouvertement la question - mais vous l'avez pensé tellement fort qu'il me semble que tout le monde l'a entendu -, vous avez soulevé le problème de l'évolution de l'intercommunalité, un fait majeur, j'en conviens. A cet égard, vous souhaitez passer à une phase beaucoup plus décisive.
M. Jean-Pierre Sueur. Démocratique !
Mme Marie-Josée Roig, ministre déléguée. Je ne discuterai pas le terme, monsieur Sueur ! Cette phase consisterait à faire élire au suffrage universel direct les présidents des intercommunalités. Pour ma part, et en tant que présidente d'une communauté d'agglomération, je ne partage pas votre avis.
M. Bernard Saugey. Ah non !
Mme Marie-Josée Roig, ministre déléguée. Je crois que nous sommes parvenus à un équilibre. L'intercommunalité a progressé depuis la loi de 1999, elle couvre désormais 85 % du territoire national. Mais, pour avoir l'occasion de rencontrer de nombreux élus ainsi que des membres du Gouvernement qui sont présidents de communautés, je puis vous dire que les esprits ne sont pas mûrs pour passer à l'élection au suffrage universel direct.
Ainsi, lorsque M. Pierre Mauroy a évoqué cette possibilité lors du congrès des maires de France, le moins que l'on puisse dire, c'est qu'il n'a pas rencontré un franc succès.
M. Dominique Braye. Absolument !
Mme Marie-Josée Roig, ministre déléguée. Vous vous en souvenez certainement, monsieur Sueur. Cette question n'est donc pas d'actualité.
Monsieur Fournier, je vous remercie d'avoir souligné que le Gouvernement conduit la réforme avec courage, bon sens et efficacité. Vous avez notamment insisté, au début de votre intervention, sur le rôle de nos collectivités en période de reprise économique, j'y ai été sensible. L'allocation personnalisée d'autonomie, l'augmentation des dépenses des SDIS et le passage aux 35 heures ont effectivement ébranlé les collectivités. Mais, comme je l'ai dit, nous avons mis les collectivités à l'abri de semblables dérives.
Comme l'a indiqué M. Copé, il est essentiel que les transferts envisagés se fassent « à l'euro l'euro », et que les collectivités locales retrouvent enfin confiance en l'avenir.
Pour ma part, je suis quelque peu surprise de la dégradation du climat politique autour de la question de la décentralisation. La plupart des réformes conduites par le Gouvernement, y compris s'agissant du transfert des personnels TOS, s'inspirent en effet du rapport de M. Mauroy, qui avait fait l'objet, il y a quatre ans, d'un travail fructueux émanant d'élus de la majorité et de l'opposition. Je m'étonne donc que ceux qui l'avaient à l'époque approuvé soient si inquiets aujourd'hui que l'on mette en place les mesures qu'il suggérait.
Au début de l'année prochaine, lorsque les collectivités présenteront leur budget, nous devrons veiller à bien distinguer - car c'est important - ce qui relèvera vraiment d'une politique nouvelle - ce sera toujours possible, car telle sera la liberté des collectivités - et ce qui relèvera d'une augmentation des charges liée à la décentralisation. Je n'insisterai pas sur ce point. Je précise simplement que la compensation n'a pas pour vocation de financer les promesses électorales qui ont été faites ici ou là. Une augmentation de 4,7 % des dotations par rapport à la loi de finances initiale de 2004, ce n'est pas rien, surtout dans le contexte actuel !
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous vous êtes globalement déclarés satisfaits. Pour ma part, je suis moi aussi globalement satisfaite du budget des collectivités locales que M. le ministre de l'intérieur et moi-même vous présentons, car l'essentiel des intérêts de nos collectivités me semble être préservé, dans un contexte qui n'est pas facile.
Monsieur Collombat, vous avez abordé la question des communes rurales. Nous avons mis en place des mécanismes fortement péréquateurs pour les zones de revitalisation rurale et, comme je l'ai précisé tout à l'heure à Mme Mathon, nous continuerons d'apporter une attention toute particulière à cette question. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant l'intérieur et la décentralisation et figurant aux états B et C.
Je rappelle au Sénat que les crédits affectés à la sécurité ont été examinés cet après-midi.
État B
Titre III : 138 998 096 euros.
M. le président. L'amendement n° II-7 rectifié, présenté par M. Mercier, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Réduire ces crédits de 800 000 euros.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Michel Mercier, rapporteur spécial. Je reprends bien volontiers un amendement, particulièrement technique, de M. Alduy, visant à réduire de 800 000 euros les crédits du ministère de l'intérieur pour les affecter au budget de la délégation à l'aménagement du territoire et à l'action régionale, la DATAR, qui relève de l'aménagement du territoire. Il s'agit de confier à la DATAR la mission d'expertiser les contrats de plan Etat-régions.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique de Villepin, ministre. Ce sont les préfets de région qui, au niveau déconcentré, procèdent à l'évaluation des contrats de plan. Ils reçoivent, à cet effet, des délégations de crédits de l'administration centrale. L'essentiel est que l'évaluation soit réalisée en toute objectivité.
Par conséquent, je ne suis pas opposé à ce que les crédits destinés à l'évaluation soient affectés à la DATAR. Cette mesure était d'ailleurs prévue dans le projet de budget initial, tel qu'il a été déposé au Parlement. Le Gouvernement s'en remet donc à la sagesse du Sénat.
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. Si j'ai bien compris, on se préoccuperait trop actuellement des problèmes que rencontrent les régions dans les contrats de plan.
A l'heure où l'on parle de décentralisation, de déconcentration, il me semble surprenant de vouloir recentraliser les crédits concernés au sein de la DATAR à Paris alors que celle-ci n'a même pas voulu transférer ses bureaux en Seine-Saint-Denis parce que c'est trop loin ! Je voterai donc contre cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix les crédits figurant au titre III, modifiés.
(Ces crédits sont adoptés.)
Titre IV : 68 252 913 €.
M. le président. Je mets aux voix les crédits figurant au titre IV.
(Ces crédits sont adoptés.)
État C
Titre V. - Autorisations de programme : 434 305 000 € ;
Crédits de paiement : 212 040 000 €.
M. le président. La parole est à M. Richard Yung, sur les crédits.
M. Richard Yung. Je souhaite intervenir sur la question de l'identité nationale électronique sécurisée, qui nous tient à coeur.
Je comprends que les crédits dévolus à l'étude de ce nouveau système soient inclus dans ce titre. Les crédits alloués, de l'ordre de 3,2 millions d'euros, nous semblent notoirement insuffisants pour mettre en place ce nouveau système, qui est important.
Nous soutenons, bien sûr, l'utilisation de ces techniques modernes, qui sont bonnes pour le citoyen et qui le rapprochent de la démocratie. Cependant, 3 millions d'euros pour mettre en place, à la fin de 2006, c'est-à-dire dans deux ans, un système complet de délivrance de passeports et de cartes d'identité comportant les données biométriques, cela ne nous paraît ni sérieux ni faisable.
Je citerai simplement à titre d'exemple les Etats-Unis, qui ont dépensé plus de 1,5 milliard d'euros pour mettre en place un système analogue concernant une vingtaine de millions de passeports biométriques.
Nous avons donc des inquiétudes à ce sujet et nous émettons des réserves sur ces crédits.
En outre, mais cela ne relevant pas de la discussion budgétaire, nous y reviendrons lors de l'examen ici même du projet de loi qui nous a été promis, nous avons un certain nombre d'observations à formuler sur le calendrier, sur les données à inclure dans ces documents, sur le respect des libertés individuelles - dont il faudra discuter - et sur la concertation avec les élus locaux puisque ces données biométriques seront essentiellement saisies par les mairies. Il y a, je crois, 4 000 mairies qui sont prévues dans le système pour être l'endroit où seront saisies les données biométriques. Nous considérons qu'il faut une concertation poussée avec les élus locaux à cet égard.
Enfin, en tant que représentant des Français de l'étranger et ayant vécu des situations désagréables concernant les fameux passeports Delphine, je souhaite obtenir des précisions et des assurances quant à la mise en place de la saisie de ces nouvelles données dans les consulats et dans les consulats généraux. En effet, il ne faudrait pas que, à cette occasion, se renouvelle l'expérience malheureuse des passeports Delphine, avec des délais de six mois au début de la mise en place du dispositif.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Dominique de Villepin, ministre. Monsieur le sénateur, en ce qui concerne le projet Inès, des crédits d'études qui ont d'ores et déjà été inscrits : 6,2 millions d'euros en autorisations de programme et 3,2 millions en crédits de paiement. Il y aura bien sûr un projet de loi, qui est en préparation et qui sera présenté début 2005. Une mission est organisée au sein du ministère pour évaluer l'ensemble des coûts, qui seront bien sûr pluriannuels. Par ailleurs, se pose un problème d'organisation et de partenariat entre le public et le privé, que nous sommes en train d'étudier pour définir la meilleure organisation et les bonnes modalités de financement. Ce texte sera naturellement soumis à concertation avec les élus, en particulier les maires, dans le respect des grands principes et des libertés individuelles.
M. le président. Je mets aux voix les crédits figurant au titre V.
(Ces crédits sont adoptés.)
Titre VI. - Autorisations de programme : 2 184 825 000 € ;
Crédits de paiement : 981 407 000 €.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Dominique de Villepin, ministre. Monsieur le président, vous me permettrez d'exprimer une nouvelle fois ma gratitude à la Haute Assemblée et à vous-même, pour la très grande qualité de ce débat et pour les contributions très positives qui se sont exprimées sur l'ensemble des travées.
Je voudrais également remercier les commissions, leurs présidents et les rapporteurs, et vous remercier tous pour l'approbation de ce budget de l'intérieur 2005. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant la décentralisation et, par là même, l'examen des dispositions concernant le ministère de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.
9
DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE résolution
M. le président. J'ai reçu de M. Robert Del Picchia une proposition de résolution, présentée au nom de la délégation pour l'Union européenne en application de l'article 73 bis du règlement, sur la proposition de règlement du Conseil établissant le code communautaire relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (n° E-2617).
La proposition de résolution sera imprimée sous le n° 94, distribuée et renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
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DÉPÔT D'UN RAPPORT
M. le président. J'ai reçu de M. André Boyer un rapport fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi autorisant l'adhésion à la convention relative à la conservation et à la gestion des stocks de poissons grands migrateurs dans le Pacifique occidental et central (ensemble quatre annexes) (n° 45, 2004-2005).
Le rapport sera imprimé sous le n° 93 et distribué.
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ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au vendredi 3 décembre 2004, à neuf heures trente, à quinze heures et le soir :
Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2005, adopté par l'Assemblée nationale (n°s 73 et 74, 2004-2005) (M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation).
Deuxième partie. - Moyens des services et dispositions spéciales :
- Economie, finances et industrie :
Services financiers (+ article 73 septies) :
M. Bernard Angels, rapporteur spécial (rapport n° 74, annexe n° 10) ;
Mme Michèle Demessine, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan (consommation et concurrence, avis n° 76, tome IX).
- Charges communes (+ article 73) :
- Comptes spéciaux du Trésor (articles 52 à 56, 56 bis, 57 et 58) :
M. Paul Girod, rapporteur spécial (charges communes, rapport n° 74, annexe n° 5) ;
Mme Marie-France Beaufils, rapporteur spécial (comptes spéciaux du Trésor, rapport n° 74, annexe n°43)
- Budget annexe des monnaies et médailles :
M. Bertrand Auban, rapporteur spécial (rapport n° 74, annexe n° 40)
Economie, finances et industrie :
Industrie:
M. Eric Doligé, rapporteur spécial (rapport n° 74, annexe n° 11) ;
M. Christian Gaudin, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan (industrie, avis n° 76, tome V) ;
M. Roland Courteau, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan (énergie, avis n° 76, tome VI) ;
M. Pierre Hérisson, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan (technologies de l'information et Poste, avis n° 76, tome XXI).
Commerce extérieur :
M. Marc Massion, rapporteur spécial (rapport n° 74, annexe n° 13) ;
M. Michel Bécot, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan (avis n° 76, tome X)
Petites et moyennes entreprises, commerce et artisanat (+ article 73 sexies) :
M. Auguste Cazalet, rapporteur spécial (rapport n° 74, annexe n° 12) ;
M. Gérard Cornu, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan (avis n° 76, tome VIII).
Services du Premier ministre :
I. Services généraux (à l'exclusion des crédits relatifs à la fonction publique, à l'audiovisuel et à la presse) :
M. François Marc, rapporteur spécial (rapport n° 74, annexe n° 29)
II. Secrétariat général de la défense nationale :
M. Michel Moreigne, rapporteur spécial (rapport n° 74, annexe n° 30)
III. Conseil économique et social :
M. Jean-Claude Frécon, rapporteur spécial (rapport n° 74, annexe n° 31)
IV. Plan :
Mme Nicole Bricq, rapporteur spécial (rapport n° 74, annexe n° 32)
M. Jean-Paul Alduy, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan (avis n° 76, tome XII) ;
- Budget annexe des Journaux officiels :
M. Bernard Vera, rapporteur spécial (rapport n° 74, annexe n° 38)
Fonction publique et réforme de l'Etat :
M. Henri de Raincourt, rapporteur spécial (rapport n° 74, annexe n° 21)
Mme Jacqueline Gourault, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale (avis n° 79, tome IX).
Délai limite pour les inscriptions de parole dans les discussions précédant l'examen des crédits de chaque ministère
Le délai limite pour les inscriptions de parole dans les discussions précédant l'examen des crédits de chaque ministère est fixé à la veille du jour prévu pour la discussion, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements aux crédits budgétaires pour le projet de loi de finances pour 2005
Le délai limite pour le dépôt des amendements aux divers crédits budgétaires et articles rattachés du projet de loi de finances pour 2005 est fixé à la veille du jour prévu pour la discussion à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements aux articles de la deuxième partie, non joints à l'examen des crédits du projet de loi de finances pour 2005
Le délai limite pour le dépôt des amendements aux articles de la deuxième partie, non joints à l'examen des crédits du projet de loi de finances pour 2005 est fixé au vendredi 10 décembre, à seize heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt heures cinquante-cinq.)
La Directrice
du service du compte rendu intégral,
MONIQUE MUYARD