sommaire
présidence de Mme Michèle André
2. Demande d'autorisation d'une mission d'information
3. Loi de finances pour 2005. - Suite de la discussion d'un projet de loi
Ecologie et développement durable
MM. Jean Arthuis, président de la commission des finances ; Serge Lepeltier, ministre de l'écologie et du développement durable.
MM. Jean Bizet, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques ; Ambroise Dupont, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles ; le ministre.
M. Christian Demuynck, le ministre.
MM. Daniel Soulage, le ministre.
Mme Evelyne Didier, M. le ministre.
MM. Yvon Collin, le ministre.
MM. Paul Raoult, le ministre.
MM. le président de la commission, le ministre.
Mme Adeline Gousseau, M. le ministre.
Mme Nicole Bricq, M. le ministre.
Mme Dominique Voynet, M. le ministre.
Adoption des crédits.
Crédits des titres IV à VI. - Adoption
Suspension et reprise de la séance
4. Dépôt de rapports du Gouvernement
5. Loi de finances pour 2005. - Suite de la discussion d'un projet de loi
Equipement, transports, aménagement du territoire, tourisme et mer (suite)
MM. Claude Haut, rapporteur spécial de la commission des finances ; Charles Revet, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques ; Mme Anne-Marie Payet, MM. Gérard Le Cam, Pierre-Yvon Trémel.
M. François Goulard, secrétaire d'Etat aux transports et à la mer.
Crédits des titres III à VI. - Vote réservé
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances.
II. - Transports et sécurité routière
3. Aviation et aéronautique civiles
Budget annexe de l'aviation civile
MM. Yannick Texier, en remplacement de M. Jean-François Le Grand, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, pour l'aviation civile et le transport aérien ; Yves Krattinger, Alain Fouché, Daniel Soulage, Michel Billout, Daniel Reiner, Yvon Collin, rapporteur spécial de la commission des finances.
MM. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer ; François Goulard, secrétaire d'Etat aux transports et à la mer.
Aviation et aéronautique civiles
Crédits des titres III à VI. - Vote réservé.
Budget annexe de l'aviation civile
Adoption des crédits figurant aux articles 50 et 51
1. Transports terrestres et intermodalité
2. Routes et sécurité routière
MM. Alain Lambert, rapporteur pour avis de la commission des finances, pour les transports terrestres et l'intermodalité ; Gérard Miquel, rapporteur spécial de la commission des finances, pour les routes et la sécurité routière ; Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer ; François Goulard, secrétaire d'Etat aux transports et à la mer.
MM. Daniel Soulage, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, pour les transports terrestres et, en remplacement de M. Georges Gruillot, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, pour les routes et les voies navigables ; le ministre, le secrétaire d'Etat.
MM. Michel Billout, le ministre.
MM. Daniel Reiner, le ministre.
Mme Catherine Procaccia, M. le ministre.
MM. Yves Krattinger, le ministre.
M. Charles Revet, Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Gisèle Gautier, M. le ministre.
Suspension et reprise de la séance
Crédits du titre III. - Vote réservé
M. Michel Billout, Mme Nicole Bricq.
Vote des crédits réservé.
M. Michel Teston.
Vote des crédits réservé.
MM. Jean-Pierre Demerliat, Bernard Murat.
Vote des crédits réservé.
Articles additionnels après l'article 73 nonies
Amendement no II-8 de la commission. - MM. Alain Lambert, rapporteur spécial ; le ministre, Jean Arthuis, président de la commission des finances. - Retrait.
Amendements nos II-50 de M. Roger Karoutchi et II-83 de Mme Nicole Bricq. - M. Roger Karoutchi, Mme Nicole Bricq, MM. Alain Lambert, rapporteur spécial ; le ministre. - Retrait de l'amendement no II-50 ; rejet de l'amendement no II-83.
Amendements nos II-51 de M. Roger Karoutchi et II-84 de Mme Nicole Bricq et II-167 du Gouvernement. - M. Roger Karoutchi, Mme Nicole Bricq, MM. le secrétaire d'Etat, Alain Lambert, rapporteur spécial. - Retrait des amendements nos II-51 et II-84 ; adoption de l'amendement no II-167 insérant un article additionnel.
Amendements nos II-52 de M. Roger Karoutchi et II-85 de Mme Nicole Bricq. - M. Roger Karoutchi, Mme Nicole Bricq, MM. Alain Lambert, rapporteur spécial ; le ministre. - Retrait des deux amendements.
Amendement no II-86 de Mme Nicole Bricq. - Mme Nicole Bricq, MM. Alain Lambert, rapporteur spécial ; le secrétaire d'Etat, Roger Karoutchi. - Rejet.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances.
I. - services communs et urbanismes
MM. Jean-Pierre Masseret, rapporteur spécial de la commission des finances ; Bernard Piras, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques ; Mme Anne-Marie Payet, M. Charles Revet.
M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer.
M. Michel Billout.
Vote des crédits réservé.
Crédits des titres IV à VI. - Vote réservé
iii. - aménagement du territoire
MM. Roger Besse, rapporteur spécial de la commission des finances ; Jean Pépin, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques ; Mme Yolande Boyer, MM. Bernard Murat, Claude Biwer, Mme Evelyne Didier, M. Jean-Pierre Sueur.
MM. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer ; Frédéric de Saint-Sernin, secrétaire d'Etat à l'aménagement du territoire.
Amendement no II-49 du Gouvernement. - MM. le secrétaire d'Etat, le rapporteur spécial. - Adoption.
Adoption des crédits modifié.
Crédits des titres IV à VI. - Adoption
Article additionnel après l'article 73 nonies
Amendement no II-44 rectifié de Mme Annie David. - Mme Annie David, MM. le rapporteur spécial, le secrétaire d'Etat, Jean-Pierre Sueur, Jean Arthuis, président de la commission des finances. - Rejet.
M. le ministre.
Jeunesse, sports et vie associative
MM. Michel Sergent, rapporteur spécial de la commission des finances ; Bernard Murat, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles ; Alain Dufaut, Jean-François Voguet, Serge Lagauche, Jean-François Humbert, Jean Arthuis, président de la commission des finances.
M. Jean-François Lamour, ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative.
Crédits du titre III. - Adoption
Mme Annie David, M. le ministre.
Adoption des crédits.
Crédits des titres V et VI. - Adoption
M. le ministre.
6. Transmission d'un projet de loi
7. Transmission d'une proposition de loi
8. Textes soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution
compte rendu intégral
PRÉSIDENCE DE Mme Michèle André
vice-présidente
1
PROCÈS-VERBAL
Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
MISSION D'INFORMATION
Mme la présidente. M. Le président du Sénat a été saisi par M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles, d'une demande tendant à obtenir du Sénat l'autorisation de désigner une mission d'information en vue de se rendre en Chine du 24 septembre au 2 octobre prochain à l'occasion de l'année de la France dans ce pays, pour y étudier, outre la politique culturelle, l'organisation de la recherche, du système universitaire et des médias.
Le Sénat sera appelé à statuer sur cette demande dans les formes fixées par l'article 21 du règlement.
3
Loi de finances pour 2005
Suite de la discussion d'un projet de loi
Mme la présidente. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2005, adopté par l'Assemblée nationale (n°s 73 et 74, 2004-2005).
Ecologie et développement durable
Mme la présidente. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant le ministère de l'écologie et du développement durable.
J'indique au Sénat que, pour cette discussion, la conférence des présidents a opté pour la formule fondée sur le principe d'une réponse immédiate du Gouvernement aux différents intervenants, rapporteurs ou orateurs des groupes.
Ainsi, M. le ministre répondra immédiatement et successivement au président de la commission des finances, aux deux rapporteurs pour avis, à chaque orateur des groupes.
Ces réponses successives se substitueront à la réponse unique en fin de discussion.
Chacune des questions des orateurs des groupes ne devant pas dépasser cinq minutes, le Gouvernement répondra en trois minutes à chaque orateur, ce dernier disposant d'un droit de réplique de deux minutes maximum.
J'invite chaque intervenant à respecter l'esprit de la procédure, qui repose sur des questions précises et en nombre limité, et les temps de parole impartis.
La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, les crédits du ministère de l'écologie et du développement durable s'élèvent à 825,25 millions d'euros en 2005, en baisse de 3,2 % par rapport à 2004 si l'on neutralise les transferts entre sections budgétaires.
Il est éclairant de mettre en perspective ces crédits, en les rapprochant de l'effort global des ministères en faveur de l'environnement. Celui-ci baissera en 2005 par rapport à 2004 puisqu'il passera de 3,48 milliards d'euros à 2,96 milliards d'euros.
Notre collègue Fabienne Keller, rapporteur spécial - que je supplée ce matin puisque, avec nos collègues du Bas-Rhin, elle a pris momentanément congé du Sénat -, souhaitait en particulier souligner la diminution des crédits consacrés à l'environnement par le ministère de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer. Cette diminution résulte notamment de la très forte baisse des subventions d'investissement aux transports urbains et interurbains : 145,77 millions d'euros en 2005 contre 516,37 millions d'euros en 2004.
Cet éclairage permet de mettre en évidence la dimension interministérielle de l'environnement, qui a fait l'objet de nombreux débats devant la commission des finances.
Toutefois, la simple présentation des crédits inscrits au « bleu » pour 2005 rend mal compte de la réalité budgétaire du ministère, et l'on peut dire, monsieur le ministre, que votre projet de budget soulève un problème de sincérité budgétaire. Mais je veux bien reconnaître que votre tâche n'est pas aisée.
Le budget pour 2004 du ministère de l'écologie et du développement durable ne peut en effet être appréhendé sans le fonds de concours de 210 millions d'euros versé par quatre agences de l'eau, sur lesquels 135 millions d'euros sont venus abonder les crédits de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, l'ADEME.
En outre, alors qu'il avait été annoncé l'an dernier que ce fonds de concours serait constitué uniquement de crédits de paiement, je remarque que 20 millions d'euros ont été inscrits en autorisations de programmes et crédits de paiement afin de contribuer au financement des travaux de lutte contre les inondations dans le Rhône. Je voudrais, monsieur le ministre, obtenir une explication sur ce point.
Si ce prélèvement de 210 millions d'euros sur les agences de l'eau pouvait se justifier, dans la mesure où certaines agences disposaient d'une abondante trésorerie, le mécanisme avait été critiqué par notre collègue Philippe Adnot, alors rapporteur spécial, qui remarquait en particulier qu'il s'agissait d'une réponse conjoncturelle au problème de financement de l'ADEME.
Ce constat amène à s'interroger sur la manière de comparer les crédits du ministère de l'écologie et du développement durable entre 2004 et 2005.
En effet, si les crédits baissent de 3,6 % en apparence si l'on s'en tient au seul « bleu », ils baissent de 22,6 % par rapport aux moyens résultant en 2004 des ouvertures en loi de finances initiale et des moyens provenant du fonds de concours versé par les agences de l'eau.
Cette vision est toutefois faussée dans la mesure où vous aviez annoncé, monsieur le ministre, que 141 millions d'euros seraient inscrits dans le projet de loi de finances rectificative pour 2004, afin de compléter les moyens dont disposera votre ministère en 2005 pour mener ses politiques. En particulier, vous indiquiez que 130 millions d'euros viendraient ainsi abonder les crédits de l'ADEME, qui s'établissent à 63 millions d'euros.
D'après les précisions qui avaient été communiquées à la commission des finances, une partie importante de cette « rallonge » correspondrait à des crédits reportés de 2003 vers 2004, mais qui ont ensuite été gelés.
Le texte du collectif budgétaire nous est depuis lors parvenu, et les données qu'il comporte sont légèrement différentes.
Ainsi, il apparaît que 131,8 millions d'euros seront ouverts en crédits de paiement, tandis que les annulations atteindront 111,8 millions d'euros, ce qui signifie que les ouvertures nettes de crédits au titre de l'écologie et du développement durable s'établiront à 20 millions d'euros. II nous a par ailleurs été indiqué que certains crédits jusqu'à présent gelés seraient également dégelés.
Compte tenu de ces données, si l'on prend en compte les 131,8 millions d'euros d'ouvertures inscrits en collectif, le budget du ministère pour 2005 pourrait être analysé de deux manières : d'une part, une augmentation significative des crédits par rapport au seul « bleu », puisque les crédits augmenteraient ainsi de 16 %, pour s'élever à environ 957 millions d'euros ; d'autre part, une diminution atténuée mais réelle des crédits, d'environ 10,2 %, par rapport aux moyens dont a bénéficié le ministère en 2004 grâce au concours exceptionnel des agences de l'eau.
Je voudrais rappeler, monsieur le ministre, que le Parlement se prononce sur les crédits présentés dans le projet de loi de finances pour l'année à venir, et l'on ne peut que constater qu'ils ne reflètent pas la situation réelle du ministère de l'écologie et du développement durable en 2005. Même si vous aviez auparavant annoncé l'opération qui serait proposée au Parlement, la commission des finances regrette cette situation.
En outre, la question d'un mode de financement pérenne de l'ADEME reste posée. Par deux fois, celle-ci aura été financée par des moyens de court terme. Il paraît essentiel que les dotations du ministère de l'écologie et du développement durable soient à l'avenir « rebasées », pour que le Parlement ait enfin une vision complète de ce budget.
Sous réserve de ces remarques, les priorités définies, dans le cadre d'un budget contraint, sont satisfaisantes.
La volonté de rénover la politique de l'eau, grâce à un décroisement des financements entre l'Etat et les agences de l'eau est en effet souhaitable et avait été approuvée par la commission des finances. Le projet de loi sur l'eau, qui devrait être présenté en conseil des ministres d'ici à la fin de l'année, devrait permettre de clarifier encore le système de financement de la politique de l'eau et son système d'acteurs.
Par ailleurs, l'effort mené en matière de prévention des dommages liés aux inondations, notamment la création de 10 postes dans les services de prévision des crues, va dans le bon sens, de même que l'effort mené en faveur de l'inspection des installations classées.
Même si le nombre total des effectifs du ministère croît de nouveau en 2005, pour s'établir à 3 650 personnes, on note un effort de maîtrise des dépenses de personnel et des moyens de fonctionnement du ministère. En outre, l'essentiel de l'augmentation des effectifs s'explique par la transformation de l'Institut français de l'environnement, l'IFEN, en service de compétence nationale.
Je voudrais toutefois obtenir des précisions sur les modifications qui ont été apportées par le Gouvernement, en seconde délibération, lors de l'examen du projet de loi de finances à l'Assemblée nationale.
Cinq millions d'euros ont été transférés de la politique de la nature vers la politique de l'eau. Monsieur le ministre, quelles en sont les justifications et quelles en seront les conséquences sur les politiques menées ?
Par ailleurs, un poste de secrétaire général du ministère a été créé, mais aucun crédit supplémentaire n'a été accordé à ce titre, ce qui suppose des redéploiements. Quelle est l'utilité de ce secrétaire général ?
Alors que votre commission avait souvent observé que le ministère de l'écologie et du développement durable ne consommait pas ses crédits, elle constate aujourd'hui que le taux de consommation s'améliore. Le ministère prévoit de dépenser l'an prochain 990 millions d'euros, ce qui est bien supérieur aux crédits inscrits dans son projet de budget et nous renvoie au problème de sincérité que j'ai déjà évoqué.
Je voudrais maintenant faire le point sur la mise en oeuvre de la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF.
Je vous renvoie au rapport spécial pour la présentation de la structure budgétaire retenue pour l'écologie et le développement durable, afin de me concentrer sur quelques observations.
Les deux programmes thématiques figurant au sein de la mission « écologie et développement durable » sont censés représenter les deux grands domaines d'action du ministère : la prévention des risques et la lutte contre les pollutions, d'une part ; la gestion des milieux, d'autre part.
Cette distinction paraît assez cohérente et a été défendue par le ministère. Celui-ci nous a indiqué que cette structure prenait en compte le caractère transversal des politiques menées, sans s'arrêter aux limites administratives actuelles, ce que l'on doit saluer.
La principale difficulté qui pourrait en résulter concerne la politique de l'eau, qui se trouve « à cheval » sur les deux programmes.
Il semble, monsieur le ministre, que vous réfléchissiez actuellement à une évolution de cette structure budgétaire et, en particulier, à la création d'un programme dédié à la politique de l'eau.
La commission des finances a noté que le directeur de l'eau est, actuellement, le seul directeur du ministère à ne pas être responsable de programme, ce qui peut susciter quelque crainte de voir les crédits de l'eau être considérés comme « moins prioritaires », alors que la LOLF permet la fongibilité des crédits au sein des programmes.
Au-delà des questions strictement administratives, d'organisation interne du ministère, est également avancée l'idée selon laquelle la direction de l'eau serait moins à même de s'imposer face aux agences de l'eau si elle ne disposait pas d'un programme clairement identifié.
Toutefois, je voudrais souligner ici que la maquette actuelle, qui est le fruit des réflexions du ministère et qui a fait l'objet de nombreux arbitrages, n'a pas encore été testée. Il me semble que sa remise en cause éventuelle ne saurait être envisagée dans la précipitation, ni en fonction de critères uniquement fondés sur la structure administrative actuelle du ministère de l'écologie et du développement durable.
Mme Nicole Bricq. Très bien !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. S'agissant du positionnement du ministère de l'écologie et du développement durable face aux agences de l'eau, notre collègue Philippe Adnot a pu constater, lors d'un contrôle réalisé lorsqu'il était rapporteur spécial, que la direction de l'eau rencontrait certaines difficultés à exercer la tutelle sur les agences de l'eau, mais qu'elle fournissait des efforts pour l'améliorer. A cet égard, il n'est pas certain qu'un découpage budgétaire ait une influence significative en la matière.
Je souhaite donc, monsieur le ministre, que vous nous éclairiez sur vos intentions dans ce domaine.
Par ailleurs, j'ai été informé de la réorganisation de la direction de l'eau : pouvez-vous nous indiquer les objectifs de cette réorganisation et justifier les choix qui ont été opérés ? J'ai noté, dans une communication publiée hier, qu'il y aurait deux missions et trois sous-directions à l'intérieur de cette direction. Je vous mets en garde contre les termes utilisés, notamment celui de « mission » qui pourrait peut-être venir perturber la conception que nous avions des missions dans le cadre de la LOLF.
On doit souligner que le programme « soutien aux politiques environnementales » apparaît surdimensionné par rapport à l'ensemble de la mission « écologie et développement durable », puisqu'il comprend l'intégralité des personnels de cette mission, alors que certains personnels auraient pu être directement rattachés aux programmes de politiques, conformément à l'esprit de la LOLF. On peut regretter que les actions retenues ne permettent pas d'identifier les moyens supports correspondant à chaque programme.
Le ministère invoque notamment la difficulté liée aux effectifs des services déconcentrés, qui accomplissent plusieurs tâches, et ce pour expliquer l'absence de rattachement des moyens aux programmes. Toutefois, cette argumentation n'est pas totalement convaincante.
S'agissant des objectifs et indicateurs associés aux programmes, je vous renvoie au rapport spécial, car, de manière générale, le travail de réflexion doit encore être poursuivi et la commission des finances sera pour cela à vos côtés, monsieur le ministre.
Enfin, je voudrais signaler que le ministère de l'écologie et du développement durable mènera, en 2005, plusieurs expérimentations de préfiguration de la LOLF. Les crédits consacrés à ces expérimentations ont même été majorés par l'Assemblée nationale sur proposition du Gouvernement.
Sous réserve de ces observations, la commission des finances propose d'adopter les crédits de l'écologie et du développement durable pour 2005.
Je me permets, monsieur le ministre, de vous proposer d'être un adepte de la disparition du déficit budgétaire, car je crois qu'il fait offense au développement durable en ce qu'il pourrait sacrifier l'avenir au présent.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Serge Lepeltier, ministre de l'écologie et du développement durable. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, c'est la première fois que je présente un projet de budget, celui du ministère de l'écologie et du développement durable, dans cette enceinte. Devant le Sénat, c'est d'abord pour moi un honneur ; mais vous l'imaginez, dans ce lieu que je connais bien, c'est aussi un moment d'émotion.
Je souhaite tout particulièrement saluer le travail accompli par les présidents Jean Arthuis, Jean-Paul Emorine et Jacques Valade, ainsi que celui des trois rapporteurs de mon budget : Fabienne Keller, Jean Bizet et Ambroise Dupont.
Monsieur Arthuis, je tiens à vous remercier de votre présentation de très grande qualité qui nous aidera dans notre réflexion. Nous avons travaillé ensemble dans un esprit ouvert, empreint de dialogue et de concertation.
Je vais très naturellement, et conformément à la nouvelle procédure de débat au Sénat, répondre aux questions soulevées par le président de la commission des finances. Vous me permettrez toutefois quelques mots de présentation générale, qui donnent tout son sens à mon projet de budget pour 2005.
Aujourd'hui, ma mission de ministre consiste à relever, au nom du Gouvernement, les défis écologiques majeurs pour l'avenir de la planète tout entière. La lutte contre le changement climatique est le plus essentiel d'entre eux. Promouvoir l'écologie nécessite donc de conduire deux approches complémentaires : une écologie de proximité et une écologie globale.
L'écologie de proximité est celle de notre quotidien, dans nos lieux de vie. Elle concerne la qualité de l'air, la lutte contre le bruit, la protection de la nature et des paysages ou encore le traitement des eaux et la gestion des déchets. Elle a une forte dimension sociale dans la mesure où ce sont souvent les plus défavorisés qui subissent de fortes nuisances. L'effort sera maintenu, mais une nouvelle étape doit être franchie.
L'écologie globale est celle qui répond à la question du réchauffement climatique et de la perte de la biodiversité. L'activité humaine conduit aujourd'hui à une multiplication des catastrophes naturelles et à une altération de la richesse des espèces et des milieux.
Il faut agir sans délai. Trois principes d'action me guident.
Tout d'abord, il convient de donner un cap à notre développement durable. Le cap est clair : mettre fin à la société du « tout pétrole ». L'évolution de ce modèle sera difficile, mais des mesures doivent donc être prises sans délai.
Ensuite, nous sommes tenus à un devoir d'alerte. Je préfère une écologie qui prépare à une écologie qui répare. Il s'agit d'anticiper plutôt que de subir les évolutions. La prévention des risques et des pollutions est au coeur de cette approche.
Enfin, il faut mobiliser l'ensemble des citoyens. Ils doivent s'approprier les valeurs écologiques et en faire un réflexe de tous les jours. Ainsi, l'écologie deviendra une opportunité et non une contrainte. Elle sera l'un des fondements du progrès social. C'est l'esprit même de la Charte de l'environnement.
Ces principes d'action ne constituent pas un frein à l'économie ; au contraire, ils contribueront à son développement à moyen et à long terme. L'approche qui est la mienne doit conduire à concilier et même à réconcilier l'écologie et l'économie.
En ce qui concerne le projet de loi de finances pour 2005, et j'en viens à la première question de M. Arthuis, il convient de rappeler le contexte général dans lequel il s'inscrit : un effort collectif nécessaire au sein de l'Etat pour assainir les finances publiques.
Ce projet de budget s'établit à 825 millions d'euros en moyens de paiement à comparer aux 856 millions d'euros de la loi de finances initiale de l'année 2004, soit une baisse de 3,6 %.
Toutefois, un abondement de crédits d'un montant total de 160 millions d'euros est proposé dans le projet de loi de finances rectificative en cours de discussion à l'Assemblée nationale. Il concerne l'ADEME pour 130 millions d'euros, le Conservatoire du littoral pour 8 millions d'euros, l'office national de la chasse et de la faune sauvage pour 3 millions d'euros.
Se sont ajoutées, ensuite, deux mesures nouvelles arbitrées tout récemment par le Premier ministre : 10 millions d'euros pour l'aide à l'emploi des cadres dans l'écologie et 9 millions d'euros pour le soutien à l'équipement des bus urbains en filtres à particules.
Ainsi, le ministère sera doté de 985 millions d'euros de crédits, début 2005, ce qui conduit à une prévision de consommation d'un peu plus d'un milliard d'euros, comparable à celle de l'année 2004.
Vous l'avez noté, monsieur Arthuis, cette présentation qui combine la loi de finances et la loi de finances rectificative peut paraître peu lisible. Je n'en disconviens pas. Je voudrais simplement apporter deux précisions.
En premier lieu, je tiens à rappeler que, en tant que ministre, j'aurais nettement préféré une inscription totale des crédits en projet de loi de finances initiale.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Il faut aller vers cela.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Plus sincère !
M. Serge Lepeltier, ministre. ... et aussi une meilleure base de préparation du budget pour 2006.
En second lieu, je souhaite préciser que je n'ai, à aucun moment, dissimulé cet abondement de crédits. Il a d'ailleurs été concentré sur trois établissements publics principalement, ce qui permet de faciliter l'analyse du budget total. J'en ai publiquement fait état devant l'Assemblée nationale, la commission des affaires économiques du Sénat ainsi naturellement que la presse.
En outre, j'aborde une question corollaire de M. Arthuis, celle des crédits annulés en loi de finances rectificative. Cela me donne l'occasion, en toute transparence, de présenter le contenu de ce projet de loi qui n'est pas facilement lisible en raison de sa « technicité comptable ».
En contrepartie des ouvertures de 160 millions d'euros de crédits citées auparavant, mon ministère enregistre une annulation de 140 millions d'euros de crédits sur l'année 2004, essentiellement des crédits reportés des exercices précédents. De manière traditionnelle, les ouvertures ont été, pour l'essentiel, gagées sur des annulations. J'ai toutefois l'assurance, et je m'en félicite, que ces 160 millions d'euros ne seront pas gelés en 2005.
Cette mécanique budgétaire de gel, puis de report, assez implacable, et que le Parlement connaît bien pour l'avoir souvent décriée, atteindra ses limites en 2005 pour mon ministère. Le niveau de mes crédits disponibles ne dégagera en effet que peu de reports en fin d'année.
Ainsi, compte tenu de ces données budgétaires et des enjeux politiques que doit relever mon ministère, j'ai la conviction qu'il va falloir préparer le projet de loi de finances pour 2006 sur une nouvelle base. Je rappelle que le budget du ministère représente aujourd'hui 0,27 % du budget de l'Etat.
Au-delà de ces données budgétaires globales, je souhaite réaffirmer devant vous que, si mon budget est marqué par une stabilité d'ensemble, il a été réparti selon cinq grands thèmes prioritaires d'actions pour l'année 2005.
Premier thème : la lutte contre le changement climatique.
J'ai présenté le plan climat, le 22 juillet dernier, au nom du Gouvernement. Il comprend par exemple le développement des biocarburants avec un triplement de la production d'ici à 2007. Les moyens budgétaires qui y sont consacrés sont accrus de plus de 50 %.
Deuxième thème : la préservation de la biodiversité.
Mon objectif est de stopper, à terme, la dégradation des milieux les plus riches écologiquement. Les moyens budgétaires sont en hausse de 15 %. En outre, des mesures d'incitation fiscales seront mises en oeuvre en faveur du littoral, des zones humides ou Natura 2000.
Troisième thème : la rénovation de la politique de l'eau.
Le Gouvernement présentera, au début de l'année 2005, un projet de loi sur l'eau qui clarifie le rôle des acteurs, en particulier les agences de l'eau. Il recentre l'Etat sur ses missions prioritaires : être garant de la qualité de l'eau vis-à-vis de l'ensemble des citoyens et les prémunir des risques, en particulier ceux qui sont liés aux inondations.
J'en profite pour répondre à la question de M. Arthuis relative à l'amendement gouvernemental adopté à l'Assemblée nationale qui diminuait de 5 millions d'euros les crédits de la nature au profit des crédits de l'eau.
J'ai souhaité, en effet, procéder à un redéploiement à la marge. La pression sur le domaine « eau » était trop forte malgré le décroisement des financements avec les agences de l'eau. Les 5 millions d'euros correspondent à 3 millions d'euros pour les risques d'inondations et 2 millions d'euros pour la connaissance et la surveillance de l'eau. Ce redéploiement ne s'est pas fait au détriment de mes priorités en matière de biodiversité, puisque celles-ci connaissent une augmentation globale de plus de 7 %.
Sur la question relative au fonds de concours des agences de l'eau versé à mon budget en 2004 pour un montant de 210 millions d'euros de crédits, je vous confirme qu'il n'était pas prévu d'autorisations de programme. Mais, face aux inondations exceptionnelles du mois de décembre 2003, le Premier ministre a demandé l'inscription de 20 millions d'euros de crédits en autorisation de programme spécialement dédiés aux travaux de renforcement d'urgence contre les inondations du Rhône.
Quatrième thème : la prévention des risques technologiques et naturels et la lutte contre les pollutions
Je citerai la mise en oeuvre des dispositions de la loi « risques » du 30 juillet dernier tant pour les risques industriels, avec la création de cinquante postes de contrôle, que pour les risques naturels. En matière de lutte contre les pollutions, l'accent est mis sur la recherche et l'évaluation des impacts des pollutions sur la santé. Au total, les moyens sont accrus de près de 15 %.
Cinquième thème : la promotion du développement durable, à laquelle contribuent les quatre premiers thèmes. Le projet de loi constitutionnelle relatif à la Charte de l'environnement témoigne de l'importance croissante des enjeux liés au développement durable dans la mise en oeuvre des politiques publiques. A cet égard, j'ai bien pris note, monsieur Arthuis, de votre conclusion sur le développement durable et le déficit budgétaire.
Parallèlement à toutes ces actions de mon ministère, je tiens à insister sur un point : la conduite d'une politique en matière d'écologie et de développement durable ne repose pas uniquement sur les moyens budgétaires. En effet, une importante réflexion doit être menée sur l'incitation des acteurs économiques et des citoyens à adopter un comportement plus écologique.
Je souhaite que le Parlement et le Gouvernement examinent encore plus attentivement ces questions. Le développement d'instruments de régulation, fiscaux ou non fiscaux, est un enjeu majeur pour l'avenir. A titre d'illustration, les mesures fiscales du projet de loi de finances pour 2005 représentent un montant de plus de 300 millions d'euros. L'augmentation du crédit d'impôt sur les appareils de chauffage performants représente, à lui seul, près de 270 millions d'euros. C'est aussi dans ce cadre global qu'il convient d'analyser mon projet de budget.
J'en viens à la question de M. Arthuis relative à l'avancement de nos réflexions en matière de mise en oeuvre de la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF.
Je crois pouvoir affirmer que mon ministère a remarquablement anticipé cette réforme majeure de la gestion publique. Plusieurs orateurs tant à l'Assemblée Nationale qu'au Sénat en ont d'ailleurs fait état. Il restera à « transformer l'essai » dans le projet de loi de finances pour 2006.
Je m'attarderai cependant sur une question de fond dont a également parlé M. Arthuis, à savoir la création éventuelle d'un programme « eau ». La nomenclature comporte aujourd'hui trois programmes : la prévention des risques et la lutte contre les pollutions ; la gestion des milieux et la biodiversité ; enfin, le soutien aux politiques environnementales et le développement durable. II n'est pas évident que cette nomenclature permette une bonne lisibilité de la politique de l'eau et, alors que je m'apprête à présenter un projet de loi sur l'eau, ce sujet, sur lequel vous avez ouvert la discussion, monsieur Arthuis, mérite effectivement réflexion.
Vous m'avez interrogé sur la création d'un poste de secrétaire général, création que j'ai en effet décidée, à la demande de M. le Premier ministre. Après mûre réflexion, en effet, il est apparu que l'administration centrale de mon ministère avait besoin d'une entité stratégique et transversale qui puisse conduire les chantiers de réforme. Le secrétariat général sera, par ailleurs, chargé des affaires internationales et de la communication.
En outre, mon administration est en cours de réorganisation. Pour répondre à M. Arthuis sur la direction de l'eau, je rappellerai que sa réforme vise trois objectifs principaux.
Il s'agit, en premier lieu, de parachever la fusion entre les politiques liées au milieu, par exemple la pêche, et celles qui sont liées aux usages, je pense, notamment, à la pollution. Cela conduit, en fait, à la fusion de deux sous-directions en une seule.
Il s'agit, en deuxième lieu, de préparer la mise en oeuvre de la directive-cadre sur l'eau par la mise en place d'une sous-direction regroupant l'animation des services et la tutelle des établissements publics, comme les agences de l'eau.
Enfin, il convient de structurer l'activité de prévision des inondations en y intégrant le service central d'hydrométéorologie et d'appui à la prévision des inondations.
En conclusion je dirai que le projet de budget du ministère de l'écologie et du développement durable est celui de vrais choix en faveur d'une nouvelle approche de l'écologie, une écologie qui fixe un cap de long terme pour lutter contre le changement climatique tout en se réconciliant avec l'économie. Telle est la façon dont il faut, me semble-t-il, parler de développement durable. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Bizet, rapporteur pour avis.
M. Jean Bizet, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans le projet de loi de finances pour 2005, les crédits consacrés à l'écologie et au développement sont fixés à 825 millions d'euros, soit une diminution de 3,6 %.
Au-delà de ce constat, qui traduit la participation importante de votre ministère à l'objectif affirmé et réel du Gouvernement de maîtrise des déficits publics, ambition que je soutiens totalement, je voudrais, monsieur le ministre, faire deux observations, m'associant par là même à l'analyse du président de la commission des finances.
Tout d'abord, à l'heure de la mise en place de la LOLF, conçue pour favoriser une présentation plus transparente des moyens budgétaires attribués aux différentes politiques gouvernementales et renforcer les moyens de contrôle et d'intervention du Parlement, il est regrettable de constater qu'il existe encore autant d'opacité dans ce projet de budget.
En effet, l'an dernier, au-delà des crédits budgétaires inscrits en loi de finances initiale à un niveau nettement insuffisant, le tour de table avait été bouclé, faute de mieux, en invitant les agences de l'eau les mieux dotées en trésorerie à verser une « participation exceptionnelle et volontaire ».
Cette année, et pour pallier une nouvelle fois l'insuffisance des crédits inscrits en loi de finances initiale pour 2005, vous obtenez une rallonge de crédits en loi de finances rectificative pour 2004, qui seront immédiatement reportés en 2005, rallonge qui est d'ailleurs en partie gagée par des annulations de reports de crédits effectuées de 2003 sur 2004, ainsi que vous venez de le préciser.
Par ailleurs, vous comprendrez, monsieur le ministre, que nous ne puissions nous satisfaire de ces procédés de court terme, qui rendent très difficiles les comparaisons d'une année sur l'autre, en ce qui concerne non seulement le montant des dotations initiales, mais également l'exécution des lois de finances.
Au-delà, et pour avoir examiné avec attention la progression très favorable du niveau de consommation des crédits, comme l'a d'ailleurs souligné la Cour des comptes et dont je me félicite, je note que, depuis 2002, les prévisions de paiement dépassent chaque année 1 milliard d'euros, ce qui confirme le caractère irréaliste de l'affichage de 800 millions ou 850 millions d'euros en loi de finances initiale. Il est donc essentiel de recalculer à la hausse la dotation budgétaire initiale du ministère, au risque de remettre gravement en cause la mise en oeuvre et l'efficacité des politiques environnementales du Gouvernement.
Mes questions, monsieur le ministre, porteront sur quatre points précis.
Premièrement, concernant la politique de l'eau, vous justifiez la diminution des crédits qui y sont affectés par la nécessité de mettre fin à des financements croisés entre l'Etat et les agences de l'eau, ce dont on ne peut que se féliciter.
Vous indiquez, en outre, que l'Etat se recentre sur sa mission de garant de la qualité de l'eau et des risques que cette dernière peut induire, en particulier les inondations.
Dès lors, pouvez-vous nous dire dans quels domaines et sous quelle forme les agences seront incitées à monter en puissance, pour quels montants financiers et avec quels moyens ? Y aura-t-il création d'une nouvelle redevance ?
Cela me conduit à vous interroger sur le futur projet de loi relatif à la politique de l'eau.
Pouvez-vous nous apporter des précisions sur le calendrier d'examen de ce texte, à commencer par son adoption en conseil des ministres, et nous donner quelques indications sur le dispositif d'aide à l'assainissement, autrefois géré par le FNDAE, le fonds national d'adduction d'eau potable, et qui serait désormais confié aux agences de l'eau ?
Je ne vous cache pas, monsieur le ministre, que beaucoup de mes collègues, tout en admettant la pertinence du périmètre hydrographique des agences, s'interrogent sur la réalité de la péréquation que ces dernières, notamment les moins riches d'entre elles, pourront effectivement mettre en oeuvre en faveur des petites communes rurales.
Deuxièmement, s'agissant de la prévention des risques technologiques et naturels, au-delà du renforcement des crédits budgétaires hors ADEME et des créations de postes au sein de l'inspection des installations classées, il convient également de mettre en oeuvre le dispositif issu de la loi du 30 juillet 2003 relatif à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages.
Cette loi introduit de nouvelles méthodologies intéressantes s'agissant de l'analyse des risques et des solutions à mettre en oeuvre, ainsi qu'une meilleure prise en compte des risques induits en matière d'urbanisme. Or, à ce jour, sur la trentaine de décrets d'application prévus pour l'ensemble de la loi, seuls deux ont été publiés.
Que comptez-vous faire, monsieur le ministre, pour accélérer la parution de ces décrets et avez-vous identifié des difficultés particulières de nature à remettre en cause la rédaction de l'un ou l'autre de ces textes ?
Troisièmement, concernant la lutte contre les pollutions, je voudrais vous faire part, monsieur le ministre, de mes inquiétudes quant au financement de l'ADEME.
Certes, vous obtenez, en loi de finances rectificative pour 2004, 125 millions d'euros supplémentaires, qui seront reportés en totalité sur 2005, mais, globalement, les crédits d'intervention de l'ADEME diminueront malheureusement de 20 %.
Quels sont les arbitrages auxquels l'ADEME va devoir procéder pour ajuster ses politiques à une telle diminution de ses ressources, notamment à l'égard des collectivités territoriales, alors même que 2005 devrait constituer un « pic » en matière de paiements et que l'Agence a déjà consommé ses réserves ?
En outre, comment faut-il interpréter la révision à la baisse des autorisations de programme dans la loi de finances rectificative pour 2004 ? Existe-t-il, pour l'avenir, une volonté de réduire effectivement le champ d'intervention de l'agence et dans quels domaines ?
Quatrièmement, enfin, pour m'être intéressé à la prise en compte du développement durable dans le champ institutionnel et économique, je souhaite réaffirmer le caractère désormais incontournable de ce concept et je me félicite de constater qu'il est de plus en plus fréquemment pris en compte par les entreprises, notamment, bien entendu, par les plus importantes d'entre elles.
En juin dernier, le Parlement a longuement débattu de ce sujet lors de l'adoption de la Charte de l'environnement, en affirmant que la prise en compte du développement durable avait pour objet de concilier une politique ambitieuse de protection de l'environnement avec le développement économique et le progrès social. Je voudrais également souligner - vous le savez très bien, monsieur le ministre, vous qui êtes au coeur de ce débat - qu'à l'OMC, l'Organisation mondiale du commerce, ce concept occupe désormais tous les esprits.
S'agissant de la mise en oeuvre du principe de précaution tel qu'il est inscrit dans la Constitution à travers la Charte de l'environnement, pouvez-vous nous donner l'assurance que des textes législatifs viendront préciser les procédures de sa mise en oeuvre ?
Par ailleurs - et l'actualité le confirme - la question du changement climatique constitue un enjeu majeur du développement durable à l'échelle de la planète.
Vous allez participer, à Buenos-Aires, à des discussions difficiles sur l'après-Kyoto sur un objectif de réduction de moitié des émissions de CO2 d'ici à 2050. Or, pour y parvenir, dans une perspective de développement durable, c'est-à-dire sans casser la croissance, il convient, au-delà des plans européens adoptés pour limiter les émissions de CO2, de s'engager résolument dans une politique ambitieuse de recherche et de développement, en majorant fortement les crédits correspondants. De ce point de vue, j'observe que les Etats-Unis, s'ils refusent d'appliquer les mesures à court terme préconisées par Kyoto, s'inscrivent dans une perspective de moyen et long terme en augmentant de manière très importante leur effort de recherche.
Je voudrais, sur ce point précis, vous avouer ma profonde inquiétude. En effet, les Etats-Unis participent pour 37 % au budget de la recherche et du développement mondial. Le rapport de M. Kok, rédigé à la demande de la Commission, et qui se situe précisément à mi-parcours de la stratégie de Lisbonne, est, à cet égard, édifiant. Voilà simplement deux ans, en 2002, les Etats-Unis ont dépensé, en matière de recherche et de développement, 38 % de crédits de plus que l'Union européenne !
Or cette situation ne saurait perdurer tant il me paraît évident que le développement ne peut se concrétiser qu'à travers un saut technologique.
Quels sont donc nos engagements en ce domaine au plan tant national que communautaire, et, là encore, la diminution des crédits de l'ADEME ne risque-t-elle pas de remettre en cause la politique de recherche qu'elle soutient et met en oeuvre, notamment en matière d'énergie et d'effet de serre ?
Monsieur le ministre, avant de prendre note des différentes réponses que vous nous apporterez, je tiens à vous dire que la commission des affaires économiques et du Plan a émis un avis favorable sur les crédits de votre ministère. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. Ambroise Dupont, rapporteur pour avis.
M. Ambroise Dupont, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles. Monsieur le ministre, la discussion de votre budget me donne l'occasion de vous exprimer ma satisfaction sur quelques points, mais aussi de vous faire part d'un certain nombre d'interrogations.
Laissez-moi tout d'abord me réjouir que, dans un contexte budgétaire contraint, le niveau des crédits de votre ministère s'établisse à un peu plus de 825 millions d'euros, même si ce montant représente une réduction de 3,6 % par rapport à 2004 et ne me paraît pas suffisant pour assumer les problèmes de demain.
A l'heure où les préoccupations environnementales prennent une place de plus en plus importante dans la vie de nos concitoyens, je regrette, bien entendu, cette réduction.
Je ne peux pas complètement me réjouir de la garantie que vous nous avez donnée d'abonder ces crédits d'une enveloppe supplémentaire de 160 millions d'euros hors gel, avez-vous déclaré, en loi de finances rectificative. Les chiffres sont magiques ; les nôtres étaient de 140 millions d'euros !
Si j'estime que ces fonds supplémentaires sont indispensables, en particulier pour soutenir les actions de l'ADEME, qui a été durement traitée en loi de finances initiale, j'aurais bien évidemment souhaité que cette agence bénéficie de financements plus pérennes.
Vous reconnaîtrez qu'à l'heure où la réforme de la loi de finances doit permettre d'améliorer la lisibilité et la transparence de l'action gouvernementale, en mettant à la disposition des parlementaires des outils de suivi et d'évaluation des politiques ministérielles, la méthode est regrettable.
Après ces remarques préalables, j'en viens aux motifs de satisfaction.
Je ne peux, tout d'abord, que me réjouir du sort réservé dans votre budget au réseau des réserves naturelles.
La politique du patrimoine naturel est, vous le savez, un sujet qui me tient particulièrement à coeur. Je vous avais fait part, à mon retour d'un déplacement dans les réserves naturelles de la Petite Camargue alsacienne et du ballon des Vosges, en juin dernier, de la situation inextricable dans laquelle le gel des crédits d'investissement, en 2003 et en 2004, avait placé les gestionnaires de ces réserves.
Face à l'engagement total de ces hommes, mobilisés quotidiennement sur le terrain pour sensibiliser les élus, les populations et l'ensemble des acteurs locaux à la nécessité de préserver la nature, j'estimais que le ministère devait leur donner les moyens d'accomplir leurs missions dans des conditions financières soutenables.
L'augmentation de leurs subventions tant de fonctionnement que d'investissement, qui croissent respectivement de 8 % et 50 % dans le projet que vous nous présentez, est satisfaisante.
Néanmoins, j'attire dès à présent votre attention sur le fait qu'il est indispensable que ces crédits supplémentaires servent en priorité aux réserves qui connaissent les plus grandes difficultés.
Vous est-il possible, monsieur le ministre, de donner cette garantie aux gestionnaires des réserves qui en ont le plus besoin ?
Si les parcs nationaux et le Conservatoire du littoral ne bénéficient pas de la même augmentation en loi de finances initiale, je pense que l'examen, en 2005, du projet de loi sur les parcs nationaux sera l'occasion de réévaluer les besoins nécessaires à leur gestion.
Quant au Conservatoire du littoral, quelles dispositions le ministère pourra-t-il prendre en 2005 pour soutenir sa politique d'acquisition, si le besoin se présentait ?
L'engagement du ministère de consacrer, en 2005, 75,6 millions d'euros à la mise en oeuvre de la stratégie nationale pour la biodiversité me semble également aller dans le bon sens.
Cette mise en oeuvre, qui passe par la mobilisation générale de l'ensemble des acteurs publics et privés via les « plans d'actions » engagés et approuvés par les services déconcentrés, en liaison avec les acteurs de terrain, mais également via l'élaboration concertée, site par site, des documents de planification dans le cadre du réseau Natura 2000, me paraît un bon exemple de ce que doit être le coeur de votre mission.
La réussite de la stratégie nationale dépend en effet, aujourd'hui, de l'efficacité que sauront déployer vos services pour inciter les acteurs locaux à adopter des comportements écologiques, à animer la mise en oeuvre des documents de gestion et à coordonner sur le terrain l'ensemble des initiatives.
Animer, coordonner, soutenir, donner des impulsions, telles doivent être, à mon sens, les missions essentielles de votre ministère. C'est d'ailleurs en ce sens qu'ont déjà été redéfinis les contours de certaines politiques, en particulier dans le domaine de l'eau, qui a été largement évoqué.
Le « décroisement des financements » entre l'Etat et les agences de l'eau s'accompagne en effet, aujourd'hui, d'un redécoupage des missions visant à mettre entièrement à la charge des services de l'Etat les actions liées à la connaissance des milieux et à l'observation - qui recouvrent l'hydrométrie, la piézométrie et la qualité des eaux de surface - au détriment de la gestion des subventions d'investissements allouées aux collectivités territoriales et des actions structurantes locales, confiées aux agences de l'eau. Il me semble que ce double mouvement mérite d'être poursuivi.
Concernant la lutte contre les inondations, domaine que je connais bien, je voulais également vous féliciter d'avoir reconduit, en 2005, la tranche de 20 millions d'euros consacrés en 2004 à la mise en oeuvre du plan Loire et annoncé qu'une stratégie globale devait être lancée dans l'année concernant deux autres grands fleuves français, la Seine et le Rhône.
Par ailleurs, les crédits inscrits dans votre budget pour la prévention des risques naturels semblent être à la hauteur de votre ambition de doter, à l'horizon 2005, les 5 000 communes les plus exposées aux inondations, d'un plan de prévention des risques naturels.
Néanmoins, je voudrais attirer votre attention sur le sort des 6 000 communes qui ont entamé les démarches afin de se doter de ce document, et dans lesquelles il est prescrit, mais pas approuvé.
Beaucoup d'élus se trouvent de ce fait dans des positions inextricables, contraints de stopper les projets de développement en cours, dans l'attente de l'approbation du nouveau plan, mais sans avoir de garanties sur l'échéance.
Est-il possible d'alerter les services déconcentrés de votre ministère afin qu'ils soient particulièrement mobilisés sur l'achèvement des procédures en cours ?
Après vous avoir félicité, monsieur le ministre, je dois maintenant me faire le relais d'un certain nombre de craintes auxquelles, j'en suis certain, vous saurez être sensible.
La fragilisation de la structure financière de l'ADEME ne manque pas de susciter des inquiétudes, particulièrement quand on sait que certaines politiques seront spécialement touchées. Je pense, vous l'aurez compris, à la politique des déchets, dont les crédits connaissent, en 2005, une nouvelle baisse drastique de 71 %.
Face à l'accroissement important des tonnages de déchets ménagers, les élus ont le sentiment qu'on leur impose toujours plus d'obligations - en termes de tri sélectif et d'incinération - sans leur donner les moyens de s'en acquitter.
Pensez-vous qu'il soit envisageable de mettre à profit la possibilité qu'offre, en 2005, la décision d'expérimenter sur l'ADEME la méthode de fongibilité des crédits pour réévaluer les moyens consacrés à cette action ?
La présentation de la nouvelle maquette budgétaire a suscité des interrogations - dont je m'étais déjà fait l'écho l'année dernière - s'agissant du regroupement dans un même programme des « actions de politiques » relevant du patrimoine naturel et de l'eau.
Je crains que le relatif désengagement de l'Etat dans le domaine de l'eau ne se transforme en abandon, faute de l'identification d'un véritable budget opérationnel de programme dédié à cette politique. La loi sur l'eau, nous l'avons dit, devient nécessaire.
Avant de conclure, monsieur le ministre, je tiens à saluer le travail fourni par vos services pour préparer l'élaboration des objectifs et les indicateurs qui devraient permettre au Parlement de mesurer la performance des actions de votre ministère.
Tels qu'ils ont été présentés dans l'avant-projet, les intitulés des objectifs ne sont pas exempts de critiques. Ils devraient pouvoir être encore précisés, même si leur transmission rapide et suffisamment en amont a prouvé que des efforts avaient déjà été déployés pour respecter les engagements pris.
Monsieur le ministre, ces jours-ci, se tiennent les travaux de la conférence de Buenos Aires. Le constat scientifique est de plus en plus alarmant.
Il me semble aujourd'hui plus nécessaire que jamais de mener une politique forte et volontariste de défense de notre planète : votre ministère doit devenir un véritable partenaire des autres ministères pour mettre en oeuvre des actions qui intègrent ces grands problèmes, et pas seulement des mesures, certes nécessaires, mais parfois trop ponctuelles. Le Président de la République l'a dit avec beaucoup de force. Je suis sûr que les orientations de votre ministère, que vous avez tracées devant nous, permettront à chacun d'en prendre conscience.
Pour toutes ces raisons, la commission des affaires culturelles a émis un avis favorable sur le vote des crédits de votre ministère. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Serge Lepeltier, ministre. Je vais répondre aux rapporteurs pour avis, MM. Jean Bizet et Ambroise Dupont, en reprenant l'ordre de mes cinq grands thèmes d'action pour l'année 2005.
Je commencerai par la lutte contre le changement climatique.
Sur ce thème majeur, l'ADEME est le principal relais de mon ministère. Comme M. Jean Bizet, je me suis inquiété de ses moyens d'intervention et de leur pérennité. L'agence est dans une situation difficile. Elle doit faire face aujourd'hui à des engagements pris entre 2000 et 2002 en autorisations de programme et qui n'étaient pas couverts par des crédits de paiements, pour un montant de plus de 300 millions d'euros.
En conséquence, en 2005, sa dotation de crédits passe à 162 millions d'euros, avec la loi de finances rectificative, contre 71 millions d'euros, dans la loi de finances initiale de 2004. L'agence restera donc en mesure de respecter les engagements pluriannuels qu'elle a conclus avec ses nombreux partenaires, en particulier avec les conseils généraux et avec les conseils régionaux. II faudra maintenir cet effort dans les années à venir.
Par ailleurs, en lui ouvrant 202 millions d'euros d'autorisations de programme en 2005, contre 167 millions d'euros en 2004, le Gouvernement s'engage aussi pour les prochaines années.
Monsieur Bizet, sachez que le Gouvernement s'est résolument engagé dans la voie de la recherche et développement en matière d'énergies renouvelables et de nouvelles technologies plus respectueuses de l'environnement.
La réponse à long terme au problème du changement climatique et au défi énergétique passe, bien sûr, par la recherche et le développement. Je puis vous dire que le Gouvernement a d'ores et déjà lancé des actions concrètes.
D'abord, en matière de recherche sur les véhicules propres, c'est-à-dire les véhicules électriques, hybrides ou à hydrogène, 40 millions d'euros ont été débloqués pour augmenter les crédits de recherche du programme européen pour la recherche, le développement et l'innovation dans les transports terrestres, le PREDIT, et du réseau pile à combustible, sur 2004 et 2005.
Ensuite, en matière d'habitat, le Gouvernement a mis en place une fondation « bâtiment énergie », dotée de 8 millions d'euros, dont l'objectif est de faire des progrès conséquents en matière de performance énergétique des bâtiments.
Tout cela s'ajoute, bien évidemment, aux actions déjà menées par l'ADEME en matière d'aide au développement des énergies renouvelables. J'ai déjà évoqué le développement des biocarburants.
J'en viens au deuxième thème de mon action : la préservation de la biodiversité
M. Ambroise Dupont s'interroge sur la destination des crédits supplémentaires attribués aux réserves naturelles. Je souhaite d'abord rappeler que les réserves naturelles nationales, avec les réserves régionales, ont vocation à protéger les éléments remarquables du patrimoine naturel. Elles doivent constituer, à terme, un réseau représentatif des différents milieux naturels qui hébergent la plupart des espèces menacées en France.
Il existe aujourd'hui cent cinquante-quatre réserves naturelles nationales qui couvrent environ 541 000 hectares. Les subventions seront affectées en priorité à la gestion écologique de ces espaces. Plus de sept cents agents sont mobilisés pour surveiller, étudier et préserver les milieux naturels. Ils ont aussi une mission d'information du public.
J'ai souhaité renforcer les moyens des réserves existantes et aider à la création de nouvelles réserves. La contribution de mon ministère passera de 11,7 millions d'euros à 13,3 millions d'euros entre 2004 et 2005. J'ai demandé que cet effort s'accompagne, en contrepartie, d'un effort de rigueur de gestion.
Enfin, en 2005, les conseils régionaux et l'assemblée territoriale de Corse pourront aussi créer des réserves naturelles. Le réseau s'en trouvera ainsi conforté.
Monsieur Dupont, vous m'avez également fait part de vos interrogations sur la politique d'acquisition à venir du Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres.
Vous savez à quel point l'Etat tient à cet outil, essentiel pour sa politique de protection de nos côtes. Le Président de la République lui voue un attachement tout particulier. Il ne manquera pas de le rappeler lors du trentième anniversaire du Conservatoire, en 2005.
Le Conservatoire est propriétaire de 70 000 hectares, ce qui correspond à 10 % du linéaire côtier métropolitain. Sa mission doit se poursuivre avec détermination pour atteindre l'objectif de protéger le tiers du linéaire total.
Pour cela, et malgré les contraintes budgétaires, les moyens du Conservatoire sont maintenus pour 2005, grâce à l'inscription de 8 millions d'euros en loi de finances rectificative, décidée à l'occasion du comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire, le CIADT, du 14 septembre dernier.
A cette disposition favorable, s'ajoutent les autres décisions du CIADT qui prévoient : de faire bénéficier du fonds de compensation de la taxe sur la valeur ajoutée les collectivités territoriales qui financent des travaux sur les terrains du Conservatoire ; de mettre à l'étude la création d'une ressource pérenne, afin d'alimenter le budget du Conservatoire - par exemple une taxe sur les nouvelles infrastructures, mais aucune décision n'est encore prise - ; enfin, de réserver 1,2 million d'euros du fonds national d'aide au développement du territoire pour des aménagements menés par le Conservatoire sur cinq sites, dont les mangroves de Mayotte.
S'agissant maintenant de la politique de l'eau, M. Jean Bizet s'est interrogé sur les « décroisements » financiers entre l'Etat et les agences de l'eau et sur la solidarité vis-à-vis des communes rurales, au-delà de la suppression du FNDAE.
Il me semble important de rappeler ici les quatre grands objectifs de mon ministère en la matière, objectifs qui structurent le projet de loi sur l'eau.
D'abord, nous voulons atteindre en 2015 le bon état écologique de l'eau, conformément à la directive-cadre sur l'eau.
Ensuite, nous voulons adapter les services publics d'eau potable et d'assainissement pour parvenir à une plus grande transparence vis-à-vis des usagers, pour améliorer leur financement en matière aussi bien d'investissements lourds que d'assainissement non collectif, pour atteindre l'efficacité environnementale.
Par ailleurs, nous voulons lutter contre les pollutions diffuses par des plans d'action dans les aires de captage d'eau potable, par l'affectation aux agences de l'eau de la taxe générale sur les activités polluantes phytosanitaires, par le contrôle technique des pulvérisateurs et la traçabilité des produits, ainsi que par le maintien de la redevance « nitrates » sur les élevages.
Nous voulons enfin renforcer la gestion locale, notamment dans le cadre des schémas départementaux d'aménagement et de gestion des eaux.
L'un des objets de la future loi sur l'eau sera de mettre fin dès 2005 aux financements croisés, qui sont complexes, entre l'Etat et les agences de l'eau. C'est ce qui explique que les crédits consacrés à l'eau passent de 112,7 millions à 100,4 millions d'euros. Ces « décroisements » financiers sont évalués à 20 millions d'euros pour 2005. Ils portent essentiellement sur des travaux de restauration et d'aménagement des cours d'eau, vocation première des agences de l'eau.
Par ailleurs, il convient de rappeler que le fonds national de développement des adductions d'eau, le FNDAE, permet de financer, en particulier dans les petites communes, des travaux d'équipement d'eau potable et d'assainissement. Il représente environ 75 millions d'euros par an. A la demande du ministère de l'agriculture, il a été supprimé dans les comptes de l'Etat, pour l'année 2005, en recettes et en dépenses. Son transfert aux agences de l'eau est prévu, mais, je l'ai dit devant la commission, je suis ouvert au débat sur les modalités de ce transfert.
Ce qui m'importe, c'est que sa fonction de solidarité entre les communes urbaines et les communes rurales soit assurée, et même renforcée. Le projet de loi sur l'eau contiendra des propositions sur ce sujet. D'ores et déjà, nous avons demandé aux agences de l'eau de prendre en compte dans leur mission une plus grande solidarité avec les petites communes.
S'agissant de la prévention des risques et de la lutte contre les pollutions, M. Jean Bizet a posé une question sur la publication des décrets d'application de la loi « risques » du 30 juillet 2003.
Tout comme lui, et compte tenu des enjeux, je suis très attentif à la mise en oeuvre rapide et concrète des dispositions de cette loi, mise en oeuvre qui passe par l'adoption de nombreux décrets. En effet, sur les quatre-vingt-quatre articles qu'elle compte, cinquante-quatre appellent des dispositions réglementaires. Le sujet est d'autant plus complexe, vous le savez, que certaines mesures sont innovantes : je citerai à titre d'exemple la création des commissions locales d'information et de concertation, l'adoption de plans de prévention des risques technologiques, la nouvelle organisation de la prévision des crues, ou encore les obligations d'information des acquéreurs et locataires de biens en zones à risques.
J'ai le plaisir de vous informer que les efforts réalisés par mes services - et je salue leur ténacité, car la tâche n'était pas simple - vont aboutir, puisque sept décrets vont être publiés prochainement, concernant notamment les plans de prévention des risques technologiques, l'information des acquéreurs, ou encore le fonds de prévention des risques naturels majeurs. En outre, dix-huit décrets portant aussi bien sur les risques industriels que sur les risques naturels seront publiés en 2005.
A force de travail de concertation avec les autres ministères concernés, avec les collectivités territoriales et avec les citoyens eux-mêmes, cette loi va prendre toute son ampleur dans les faits.
A propos, maintenant, des plans de prévention des risques naturels, les PPRN, M. Ambroise Dupont m'a interrogé sur les 6 000 communes où ces plans ne sont pas approuvés et sur la mobilisation des services de l'Etat pour les faire valider.
Monsieur le sénateur, vous avez raison : effectivement, 6 000 communes environ sont concernées par un plan de prévention des risques naturels prescrit mais non approuvé et, pour certaines, cette situation dure depuis plusieurs années. Le système de franchise d'assurance, en particulier, a incité à des prescriptions en grand nombre.
Le rythme d'approbation des plans de prévention des risques naturels est soutenu. Au début de l'automne, 4 374 communes étaient couvertes par un PPRN approuvé, ce qui nous rapproche de l'objectif initial de 5 000 qui avait été fixé pour la fin de 2005.
Il est très difficile pour l'administration, vous le comprenez, de faire face immédiatement à un tel accroissement de la demande. Dans l'attente, les préfets des départements du sud-est ont été invités à une meilleure maîtrise de l'urbanisation en zone inondable. Tous les préfets ont été également invités à une programmation plus rigoureuse et mieux hiérarchisée de l'instruction des plans de prévention.
Ces instructions seront confirmées et précisées en 2005. Une accélération du rythme d'approbation des plans de prévention devrait être rendue possible par une mobilisation accrue des services ; elle ne doit toutefois pas se faire au détriment de la concertation.
J'en viens enfin à la question de M. Ambroise Dupont sur les crédits dédiés à la politique des déchets. Il convient d'abord de rappeler que le coût du traitement des déchets a doublé depuis une dizaine d'années, passant de 75 à 150 euros la tonne. Cette hausse correspond à de réelles améliorations dans le fonctionnement du service public des déchets, notamment avec la modernisation de la collecte, qui s'accompagne de meilleures conditions de travail, et la meilleure maîtrise du traitement, avec la mise à niveau des centres de stockage de déchets et des usines d'incinération.
Vous le savez, les résultats sont très concrets puisque, en sept ans, les émissions de dioxine ont été divisées par dix en France et qu'une nouvelle division par cinq est prévue d'ici à 2006 : elles sont passées de 1 000 grammes par an à 100 grammes actuellement, et elles atteindront 20 grammes d'ici à 2006.
Mme Nicole Bricq. En Ile-de-France, nous ferons mieux !
M. Serge Lepeltier, ministre. La hausse des coûts correspond aussi à des difficultés dans la mise en place des collectes sélectives, parfois très coûteuses au regard de leur efficacité.
Quant aux aides de l'ADEME, mises en place dans le cadre de la loi « déchets » du 13 juillet 1992, rappelons qu'elles visaient à préparer l'échéance du 1er juillet 2002, l'objectif étant d'accompagner les acteurs dans les investissements nécessaires pour une période de dix ans.
Depuis le 1er juillet 2002, les soutiens de l'ADEME ont diminué : il aurait été injuste d'aider les retardataires alors même que de nombreuses collectivités avaient fait les efforts nécessaires ! Cette situation explique la baisse des autorisations de programme de l'agence dans ce domaine, sachant qu'elle honorera ses engagements en terme de crédits.
D'autres dispositifs prennent le relais, tels le dispositif « éco-emballages », qui connaît une montée en puissance, le taux de TVA réduit pour les collectivités pratiquant le tri sélectif, ou, prochainement, le dispositif sur les déchets d'équipements électriques et électroniques ou sur les imprimés non sollicités. Leur impact financier est bien plus important.
Tels sont, messieurs les rapporteurs, les éléments de réponse que je souhaitais vous apporter. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
Mme la présidente. Nous passons aux questions des orateurs des groupes.
Je rappelle que chaque intervenant dispose de cinq minutes maximum pour poser sa question, que le ministre dispose de trois minutes pour répondre et que l'orateur dispose d'un droit de réplique de deux minutes maximum.
La parole est à M. Christian Demuynck.
M. Christian Demuynck. Monsieur le ministre, l'année 2004 n'a pas été, loin s'en faut, une année blanche dans le domaine de l'écologie et du développement durable. Pour prendre deux exemples récents, la Russie vient de ratifier le protocole de Kyoto, et la charte constitutionnelle de l'environnement a été adoptée, qui permettra aux législateurs à tenir davantage compte du développement durable dans l'élaboration des lois.
En ce qui concerne le point de vue strictement comptable, les rapporteurs l'ont indiqué, les crédits de votre ministère sont en baisse de 3,6 %. Toutefois, il convient de souligner qu'en 2004 une partie des politiques de votre ministère avait été financée, pour un montant de 210 millions d'euros, par l'excédent de trésorerie de quatre agences de l'eau. Par ailleurs, vous avez indiqué que 141 millions d'euros seraient inscrits dans le projet de loi de finances rectificative. Si l'on tient compte de ces rectifications comptables, les moyens de votre ministère varieront donc peu d'une année sur l'autre.
Cependant, monsieur le ministre, vous comprendrez bien que cette discussion ne peut être transparente pour nos concitoyens : entre les crédits des « bleus » budgétaires, les gels de crédits et les crédits du projet de loi de finances rectificative, je ne serais pas étonné qu'ils aient un peu de mal, comme moi-même d'ailleurs, à s'y retrouver.
En revanche, j'ai constaté avec la plus grande satisfaction que votre politique ne se contentait pas d'effets d'annonce. En effet, le taux de dépense des crédits de votre ministère est passé de 50 % en 2001 à près de 99 % en 2004. Dans ces conditions, parler de baisse des crédits par rapport aux années antérieures n'est pas exact : il est aisé de présenter, comme l'ont fait d'autres gouvernements par le passé, un projet de loi de finances mirobolant mais qui s'avère sans rapport avec la réalité puisque les crédits, prétendument en hausse dans le projet de budget, ne sont pas effectivement utilisés.
J'en viens à mes questions.
Monsieur le ministre, il existe un moyen efficace de responsabiliser nos concitoyens et de les inciter à avoir des comportements plus responsables : ce sont les incitations fiscales. Pouvez-vous nous indiquer celles que vous comptez mettre en place afin qu'écologie rime avec économie pour les Français, d'autant que vous indiquiez récemment dans une interview au Figaro que « les produits polluants doivent être plus chers que les produits non polluants » ? Avez-vous d'ores et déjà établi une liste des produits qui feront l'objet d'une fiscalité spéciale ?
Dans la même interview, vous avez annoncé des aides pour équiper les bus de filtres à particules. Avez-vous d'autres projets ou d'autres idées ?
Dans le contexte économique que je viens de décrire, vous avez affiché des priorités. La première d'entre elles est la lutte contre le réchauffement climatique, ce qui se traduit par le doublement des crédits de l'ADEME ; et j'ai bien entendu, monsieur le ministre, que vous vouliez pérenniser ce budget. La deuxième priorité est la prévention des risques industriels, pour laquelle cinquante postes sont créés. Pouvez-vous nous éclairer sur la façon dont ils seront utilisés ?
Ma dernière question portera sur l'eau, sujet que vous avez déjà largement évoqué. Il apparaît dans votre projet de budget que le poste « protection de l'eau et des milieux aquatiques » est en baisse de 15,3 %, et vous venez d'affirmer qu'il ne s'agissait pas pour vous d'un désengagement de l'Etat : vous souhaitez au contraire que celui-ci se recentre sur ses missions essentielles que sont la connaissance et le contrôle de la qualité de l'eau, et la prévention des risques tels que les inondations. Sur cette dernière mission, vous avez, par un acte fort, augmenté les crédits de près de 20 % et créé dix postes dans le service de prévention des crues. Ces financements croisés étant par nature très complexes, il est bon que vous les ayez simplifiés.
Pouvez-vous cependant nous préciser, monsieur le ministre, si ces décroisements de crédits auront pour conséquence une augmentation du prix de l'eau pour les particuliers ? Comment les missions régaliennes de l'Etat dans ce domaine seront-elles concrètement assurées ? Enfin, ne pensez-vous pas qu'il serait judicieux, pour l'application de la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF, de prévoir un chapitre spécifiquement réservé à ce sujet ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Serge Lepeltier, ministre. Monsieur le sénateur, le Gouvernement a ouvert un vrai débat sur la fiscalité écologique. Celle-ci, je l'ai rappelé tout à l'heure, doit avoir pour objet d'encourager les changements de comportement. Il s'agit, par des mesures de régulation, de réconcilier la liberté économique, qui est évidemment extrêmement importante, et la protection de l'environnement. Il nous paraît essentiel que cela ne conduise pas à un alourdissement des charges qui pèsent sur les entreprises. Au contraire, il faut aller vers des incitations sous forme d'allégements, à budget globalement constant.
Conformément aux engagements pris dans la stratégie nationale de développement durable, dans la charte de l'environnement et dans le plan national « santé-environnement », le Gouvernement met donc en place des dispositifs financiers incitatifs.
Cela passe d'abord par une refonte progressive de la taxe générale sur les activités polluantes. Ainsi, une TGAP sur les imprimés non sollicités sera créée à compter du 1er janvier 2005, et une réflexion sur l'évolution des taux de la TGAP-air et de la TGAP-installations classées est engagée.
Cela passe aussi par la mise en place d'exonérations ciblées. Tel est l'objet de la réforme du crédit d'impôt habitation, qui atteindra 25 % pour les équipements particulièrement économes en énergie et 40 % pour ceux qui utilisent des énergies renouvelables. J'ai déjà indiqué tout à l'heure que le montant total de ces mesures était très important puisqu'il est évalué à 300 millions d'euros dans le projet de loi de finances initiale pour 2005.
Cela passe encore par la modulation environnementale de taxes existantes, à budget constant. Les produits écologiques doivent être ainsi moins chers que les produits non écologiques. Une vraie réflexion est en cours dans ce domaine et doit être au coeur de notre politique à l'avenir.
Enfin, cela passe par des outils économiques non fiscaux. Je pense ici à la mise en place du marché européen de quotas d'émission de gaz carbonique.
En ce qui concerne la création de cinquante postes pour le contrôle des installations classées, ce recrutement va permettre de faire passer de 27 000 à 29 000 le nombre d'inspections entre 2004 et 2005, et de 3 800 à 3 900 le nombre d'arrêtés complémentaires.
Ce recrutement fait suite à la création de 100 postes en 2004 et s'inscrit dans le cadre d'un programme de modernisation du contrôle des installations classées qui prévoit au total 400 postes entre 2004 et 2007.
Le décroisement des crédits entre l'Etat et les agences de l'eau n'est pas une politique de circonstance, mais un effort raisonné du ministère. Il vise à faciliter le travail des acteurs de la politique de l'eau sur le terrain. Je rappelle, par exemple, que nous sommes en train de coordonner et de clarifier la politique en matière de police de l'eau.
L'Etat peut ainsi se recentrer sur ses missions prioritaires tout en maintenant son objectif général d'amélioration de la qualité de l'eau.
Cette politique est mise en place progressivement. Les sommes concernées par ces décroisements entre 2004 et 2005 représentent 20 millions à 25 millions d'euros.
En ce qui concerne le prix de l'eau, enfin, les mesures de décroisement sont de faible ampleur et n'auront donc aucune incidence sur leur niveau. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Christian Demuynck. Je vous remercie, monsieur le ministre, de vos réponses très précises.
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Soulage.
M. Daniel Soulage. Monsieur le ministre, mon collègue Marcel Deneux, qui n'a pu être présent ce matin parmi nous, aurait souhaité vous poser trois questions.
La première concerne la volonté politique du Gouvernement en matière de biocarburants. L'utilisation accrue de la biomasse de préférence aux énergies fossiles semble un moyen prometteur pour parvenir au développement durable. Pour ce faire, bien des habitudes doivent être remises en cause dans des délais restreints.
L'incorporation obligatoire de biocarburants constitue une avancée de premier ordre, mais elle pose encore un certain nombre de problèmes. On peut ainsi se demander si le Gouvernement compte parvenir à convaincre facilement les distributeurs du bien-fondé de cette incorporation, ou s'il préférera renforcer son utilisation par une taxe au taux dissuasif qui sanctionnerait le défaut d'incorporation.
Qu'il s'agisse de convaincre ou de contraindre, comment ces mécanismes s'harmoniseront-ils avec la législation européenne applicable ?
La deuxième question concerne les quotas d'émission de gaz à effet de serre et la concurrence internationale.
La protection de l'environnement est une question planétaire et non franco-française, mais la concurrence économique exige des entreprises françaises qu'elles soient compétitives, y compris en France, tout en créant des emplois.
En application du décret du 21 août 2004, la mise en place du système d'échange de quotas d'émission de gaz à effet de serre entrera en vigueur le 1er janvier 2005. Dorénavant, une entreprise qui souhaite émettre plus de gaz à effet de serre qu'elle n'est autorisée à le faire devra acheter sur le marché des tonnes supplémentaires ou payer une amende.
Ce système, pédagogique et vertueux en lui-même, ne risque-t-il pas d'être perçu comme excessivement contraignant par les chefs d'entreprise et d'inciter ces derniers à délocaliser leur activité dans un pays qui bénéficierait de quotas plus larges ou moins coûteux ou, plus simplement, dans un pays qui n'aurait pas ratifié le protocole de Kyoto ?
Ce système d'échange de quotas d'émission de gaz à effet de serre est-il doté de garde-fous pour éviter de telles conséquences ?
La troisième et dernière question de M. Deneux porte sur les quotas d'importation et de commercialisation de véhicules hybrides en France.
La lutte contre l'intensification des émissions de gaz à effet de serre passe par la réduction des émissions de CO2 des véhicules automobiles. Actuellement, les meilleures performances environnementales sont réalisées par les véhicules hybrides, qui n'ont qu'un défaut : ils ne sont pas fabriqués par des constructeurs automobiles français. Et il est à craindre que cette situation dure plusieurs années.
Durant cette période, faut-il acheter des véhicules français fortement émetteurs de CO2 ou attendre du Gouvernement qu'il relève les quotas d'importation et de commercialisation des véhicules hybrides étrangers ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Serge Lepeltier, ministre. Monsieur Soulage, il est vrai que M. Marcel Deneux connaît particulièrement bien cette question : je n'oublie pas le rapport qu'il a rédigé sur le réchauffement climatique et la question des gaz à effet de serre.
Nous menons actuellement, monsieur le sénateur, une concertation étroite avec les différents acteurs de ce domaine, qu'ils soient producteurs de biocarburants, agriculteurs ou pétroliers, afin de déterminer les possibilités de débouchés économiques offertes par chacune des filières, diester ou éthanol.
Une politique volontariste est en cours d'élaboration, qui prévoit des critères de bonne pratique agricole sur le plan environnemental. J'y suis très attaché. Il est en effet nécessaire, comme on nous l'a souvent fait remarquer, que le biocarburant soit exploité lui-même dans le cadre de bonnes pratiques environnementales.
Un appel d'offres sera lancé d'ici au début de 2005 par le ministère de l'agriculture, en liaison avec le ministère de l'écologie. Il sera dimensionné pour correspondre aux objectifs de développement des biocarburants. Comme l'a indiqué le Premier ministre lorsqu'il a annoncé le lancement du plan biocarburant, il sera procédé à un triplement des capacités annuelles, sur la trajectoire de la recommandation européenne qui préconise 5,75 % de biocarburants en 2010.
Je puis vous assurer par ailleurs que le plan relatif aux quotas d'émission de gaz à effet de serre qui seront mis en place le 1er janvier 2005 a fait l'objet d'une très large concertation avec l'ensemble des fédérations industrielles.
Les hypothèses de croissance ont été prises en compte dans le calcul de ces quotas, afin de ne pas brider la croissance ou pénaliser certains secteurs industriels.
D'ultimes négociations sont en cours avec la Commission européenne, afin de parvenir à un accord qui satisfasse l'ensemble des parties concernées. Et, lors du dernier Conseil européen, j'ai eu un entretien approfondi avec la Commission européenne à ce sujet.
Enfin, vous avez raison, monsieur le sénateur, de souligner que la France doit absolument développer des véhicules propres. C'est un enjeu à la fois écologique et économique pour notre pays. Les constructeurs français ne produisent pas assez de véhicules hybrides, même si l'on voit poindre de nouvelles technologies : je pense en particulier à la voiture que j'avais promue à la demande de son constructeur et qui était pourvue du système stop and start.
Les constructeurs français, qui sont en pointe dans d'autres domaines de recherche technologiques, commencent à développer ce type de technologies, et n'oublions pas qu'ils ont été et qu'ils demeurent leaders dans le secteur des véhicules électriques.
Par ailleurs, Serge Dassault et Vincent Bolloré travaillent actuellement sur des batteries de véhicules électriques à très forte autonomie : il s'agirait de parvenir à une autonomie supérieure à 250 kilomètres, ce qui changerait complètement la donne, et peut-être même l'avenir des transports.
Enfin, le Gouvernement vient de débloquer 40 millions d'euros de crédits supplémentaires pour la recherche sur ces véhicules, qu'ils soient électriques, hybrides ou à hydrogène.
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Soulage.
M. Daniel Soulage. Au nom de M. Marcel Deneux et en mon nom, je remercie M. le ministre de tous les efforts qu'il fournit dans ce domaine et je le remercie de ses réponses.
Mme la présidente. La parole est à Mme Evelyne Didier.
Mme Evelyne Didier. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans un contexte de restrictions budgétaires et de rationalisation affichée, il n'est pas surprenant de noter la diminution des crédits alloués à l'écologie. Ce secteur n'a, de toute façon, jamais bénéficié de toute l'attention qu'il méritait.
Ce qui nous surprend davantage, c'est de constater que, si l'environnement est depuis longtemps considéré comme une politique transversale, on assiste aujourd'hui à la réduction généralisée des crédits qui lui sont consacrés au sein de tous les ministères qui menaient des actions en matière d'écologie.
Je pense particulièrement au ministère de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer, dont les moyens destinés à l'environnement baissent de 55,7 %.
Force est de constater que le désengagement de l'Etat, une fois de plus confirmé, vient radicalement contredire les grandes déclarations d'intentions de M. Chirac, qui laissait entendre que les problèmes écologiques seraient désormais au coeur des politiques publiques, nous en voulons pour preuve l'adoption récente de la Charte de l'environnement.
La mise en oeuvre de cette Charte et les grandes réformes qui vont être proposées d'ici peu - notamment la réforme de la politique de l'eau - donnaient à penser que les moyens mis à la disposition du ministère de l'écologie seraient renforcés pour mener à bien ces projets.
Il n'en est rien, bien au contraire. Les crédits consacrés à la politique de l'eau, par exemple, régressent de 12 %, même si l'on parle de décroisement des crédits. Cela laisse les agences de l'eau face à des charges qu'elles ne pourront supporter sans augmenter la redevance, alors même qu'elles ont dû subir des prélèvements sur leurs réserves depuis plusieurs années.
Selon vous, la baisse des crédits consacrés à la politique de l'eau serait due à une redistribution des rôles entre l'Etat et les agences de l'eau, l'Etat ayant vocation à se recentrer sur ses missions régaliennes.
La mission régalienne de l'Etat, selon nous, ne doit pas se limiter à la police de l'eau ou à la lutte contre les inondations : l'Etat doit veiller à la protection de la ressource, à travers un service public de l'eau qui aurait également en charge la gestion et la distribution de l'eau. Nous aurons sans doute l'occasion d'en reparler au moment de la discussion du projet de loi sur l'eau.
Quant aux agences, elles devront supporter de nouvelles charges financières, comme le transfert du passif du fonds national pour le développement des adductions d'eau, tandis que certaines de leurs ressources, telles que le fonds national de solidarité pour l'eau, le FNSE, seront absorbées par le budget général de l'Etat.
A titre d'exemple, j'évoquerai le cas de l'agence de l'eau Rhin-Meuse, qui regrette de devoir assumer une partie de la charge de l'après-mines. A ce propos, monsieur le ministre, j'attire votre attention sur la question des eaux d'exhaure. J'espère que ce sujet sera abordé dans la prochaine loi sur l'eau. Peut-être pourrez-vous nous en dire quelques mots...
L'autre grand perdant, dans ce projet de budget pour 2005, est l'agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, l'ADEME, qui voit ses attributions diminuer de 37 millions d'euros par rapport à 2004.
Certes, vous nous avez d'ores et déjà annoncé un abondement de crédits dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 2004. On peut cependant se demander s'il ne s'agit pas seulement ici d'un moyen de faire taire les critiques : nous avons encore à l'esprit le projet de loi de loi de finances rectificative précédent, qui prévoyait l'octroi de crédits supplémentaires qui ont finalement été gelés.
Vous avez déjà répondu en partie à cette question, monsieur le ministre, mais peut-être pourrez-vous nous dire comment vous comptez aider davantage les communes.
Par ailleurs, non content de se décharger de ses responsabilités sur les associations qui relaient la politique de l'écologie, l'Etat se désengage de cette mission fondamentale qu'est la protection de notre environnement. En effet, l'Etat n'accorde pas à ces associations les moyens d'agir.
C'est précisément le cas des réserves naturelles, qui ont subi de plein fouet la suppression des dispositifs emploi-jeunes et qui, à l'heure actuelle, malgré l'annonce d'une hausse de crédits, vont être confrontées à des difficultés tenant au nombre croissant de territoires concernés alors que les crédits dont elles disposent sont insuffisants pour couvrir tous leurs besoins, et que leurs charges sont sans cesse en augmentation.
C'est toute la politique de l'Etat en matière de protection de la biodiversité qui est en cause.
Au-delà des réactions émotionnelles suscitées par la mort de la dernière ourse du Béarn, on doit se poser un certain nombre de questions concernant la politique du Gouvernement en matière de réimplantation des espèces et, plus largement, en matière de défense de la biodiversité.
Il paraît aujourd'hui essentiel de renforcer les partenariats entre l'Etat, les collectivités territoriales et les associations, afin d'accompagner les politiques de protection de l'environnement dans nos territoires, mais cela suppose un véritable engagement de l'Etat sur la durée.
Quels moyens seront accordés aux politiques de mise aux normes dans les petites fermes ? Quels moyens seront accordés aux petites communes pour les aider à satisfaire à la réglementation en matière d'assainissement ? Quels moyens inciteront les communautés de communes à investir dans la mise en place d'une politique de traitement des déchets qui soit digne de ce nom ?
Vous parliez tout à l'heure d'injustice, monsieur le ministre. Vous parliez d'aider les retardataires. Lorsque de toutes petites communes doivent mettre en place des politiques d'assainissement, d'eau, de déchets, elles n'en ont pas la force. Peut-être ont-elles tardé à conformer aux règles qu'on leur imposait, mais tout de même !...
Il reste encore beaucoup à faire. Pouvez-vous nous éclairer, monsieur le ministre, sur l'aide que vous apporterez à ces collectivités ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Serge Lepeltier, ministre. Madame la sénatrice, vous m'avez d'abord interrogé sur les moyens d'action de mon ministère. C'est une question que j'ai abordée longuement en répondant à MM. les rapporteurs. Sans revenir sur l'intégralité de ma réponse, je vous confirme qu'en combinant le projet de loi de finances et la loi de finances rectificative le montant de mon budget pour 2005 est légèrement supérieur à celui de 2004.
Concernant la politique des autres ministères - votre intervention sur ce sujet est importante -, je vous signale que l'Agence de financement des infrastructures de France, qui vient d'être mise en place, permettra de faire en sorte que la route finance, en particulier, le ferroviaire. C'est fondamental et cela va dans le sens de ce que nous souhaitions.
S'agissant de la structure administrative, le délégué interministériel au développement durable qui a été nommé lancera la politique de développement durable au sein des autres ministères.
Vous m'avez également interrogé sur la politique de l'eau. Le travail de révision du VIIIe programme des agences de l'eau l'a effectivement montré, le nombre des demandes de subvention augmente, notamment en provenance des collectivités locales et de leurs groupements. Cette évolution est due, pour l'essentiel, aux conséquences de la directive relative au traitement des eaux urbaines résiduaires pour les villes moyennes et, évidemment, à la montée en puissance des communes rurales en matière d'assainissement.
La France, qui a fait l'objet d'une condamnation, le 23 septembre dernier, sur le fondement de cette directive, doit présenter les moyens à mettre en oeuvre pour rattraper son retard.
Malgré un contexte budgétaire et fiscal tendu, les révisions des programmes qui viennent d'être adoptées montrent que les agences auront des marges de manoeuvre supplémentaires en 2005 et en 2006. En effet, les autorisations de programmes seront augmentées de 150 millions d'euros pour financer les contrats de rivière, hors volets inondations, les zones humides, les pollutions diffuses et des dossiers ponctuels comme le Mont-Saint-Michel ou l'étang de Berre, pour 40 millions d'euros, sans oublier, naturellement, les actions habituelles des agences de l'eau, pour 110 millions d'euros.
S'agissant de l'exhaure des mines, ce difficile problème, c'est vrai, sera étudié dans le cadre du projet de loi sur l'eau.
Vous m'avez interrogé, enfin, sur l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, l'ADEME, au sujet de laquelle j'ai également répondu longuement.
Je voudrais cependant revenir sur deux points. Tout d'abord, nous avons à rembourser des dettes concernant des dépenses qui ont été engagées entre 2000 et 2002, à hauteur de 300 millions d'euros. Notre politique consiste aujourd'hui à sauver l'ADEME, en la sortant d'une situation extrêmement difficile. Ensuite, entre 1992 et 2002, l'ADEME a permis la montée en puissance de la politique des déchets par les collectivités territoriales. Il apparaîtrait tout de même paradoxal de favoriser aujourd'hui celles qui sont en retard parce qu'elles n'ont pas mis en place cette politique au moment voulu !
Mme la présidente. La parole est à Mme Evelyne Didier.
Mme Evelyne Didier. Monsieur le ministre, je vous remercie de ces précisions.
Je maintiens que nos collectivités vont avoir beaucoup de mal à faire face à tout en même temps. Si certaines collectivités ont tardé, ce n'était pas toujours par mauvaise volonté, c'est tout simplement parce que certaines n'ont pas les moyens suffisants et ne disposent pas, dans leur budget, de la « masse critique » pour faire face à tout. Je tenais à le souligner.
Mme la présidente. La parole est à M. Yvon Collin.
M. Yvon Collin. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, alors que nos concitoyens ont, à juste titre, des exigences croissantes en matière d'écologie, le budget que nous examinons ce matin diminue de 3,6 %.
Certes, vous avez annoncé un abondement de 141 millions d'euros en loi de finances rectificative, mais, en réalité, monsieur le ministre, cet apport provient de moyens qui avaient été gelés en 2004.
Même si l'on peut se féliciter de la volonté du ministère de l'écologie et du développement durable de mieux consommer ces crédits, nous sommes encore loin d'une véritable sincérité budgétaire.
En attendant, parmi les cinq priorités que vous avez annoncées, monsieur le ministre, je souhaiterais m'attarder sur celle qui concerne la prévention des risques technologiques. Ce volet devrait connaître une augmentation de moyens, avec 3,32 millions d'euros en 2005 au lieu de 2,2 millions en 2004.
S'agissant des effectifs destinés à la prévention des risques, monsieur le ministre, il vous faudra apporter des éclaircissements. En effet, comme nos rapporteurs l'ont souligné, on ne retrouve pas, dans ce budget, la trace de l'augmentation du nombre de postes de l'inspection des installations classées. Or, après la catastrophe de l'usine AZF, le 21 avril 2002, qui a bouleversé la région toulousaine, rien ne doit être négligé en ce domaine et la prévention doit faire l'objet d'une attention particulière et de moyens à la hauteur des dangers.
Sans doute pourrez-vous nous livrer des éléments d'information sur ce point ? Quels sont, notamment, les moyens humains existants et programmés pour le contrôle des risques technologiques et industriels ?
L'adoption, l'année dernière, de la loi du 30 juillet 2003 relative à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages a posé les jalons d'une meilleure évaluation des dangers potentiels. La loi de finances ne devrait-elle pas conforter ce texte par l'inscription de crédits plus significatifs ?
Je voudrais d'ailleurs revenir, monsieur le ministre, sur l'article 1er de cette loi. Cela me permettra non pas de vous poser une question, mais de vous faire une suggestion.
Cet article rend obligatoire l'organisation d'une réunion publique d'information dans le cadre de l'enquête publique. Cette disposition ne soulève en elle-même aucune difficulté ; la transparence est en effet tout à fait nécessaire et indispensable. Mais les enquêtes publiques sur les installations à risques tournent très vite au débat passionnel et les entreprises classées « Seveso », sans doute parce que ce qualificatif fait peur, sont de plus en plus malvenues.
Naturellement, je ne conteste pas l'utilité de l'enquête publique, ce n'est pas mon propos ; mais c'est l'appellation « Seveso » que je souhaite remettre en cause. Ce nom est, à l'origine, celui de la ville d'Italie où a eu lieu une immense catastrophe. Et, en réaction, le Conseil de l'Union européenne a élaboré deux directives.
La première, la directive concernant les risques d'accidents majeurs de certaines activités industrielles, dite « directive Seveso I », en date du 24 juin 1982, impose aux industriels d'évaluer les risques de leurs installations et de les réduire par des mesures techniques et organisationnelles globales.
La seconde, la directive concernant la maîtrise des dangers liés aux accidents majeurs impliquant des substances dangereuses, dite « Seveso II », en date du 9 décembre 1996, renforce les dispositifs de prévention et d'inspection.
Les stations-service, par exemple, sont classées « Seveso » ; beaucoup de nos concitoyens l'ignorent ! L'implantation de ces stations ne serait toutefois pas remise en cause, je pense, s'ils en étaient informés. En revanche, en tant qu'élu local, j'ai pu mesurer l'hostilité immédiate de nos concitoyens à l'annonce de l'implantation d'une usine classée « Seveso ».
Imaginons, un instant, l'effet produit par l'installation d'une activité de norme « Bhopal » - pourquoi pas ? -, d'une industrie classée « Tchernobyl », ou l'arrivée dans un port d'un pétrolier classé « Erika » ! Ne peut-on trouver une autre terminologie, afin que les a priori de nos concitoyens - que l'on peut comprendre, bien sûr - ne perturbent pas inutilement l'enquête publique ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Serge Lepeltier, ministre. Monsieur Collin, comme vous le soulignez à juste titre, la prévention des risques technologiques est une grande priorité de l'action de mon ministère.
A ce titre - vous le soulignez aussi -, les moyens qui y sont associés sont en croissance importante. Comme j'ai eu l'occasion de le préciser tout à l'heure à M. Demuynck, cela se traduit notamment par une augmentation de 400 postes des effectifs de l'inspection des installations classées et par un programme de modernisation visant à améliorer la productivité de ces actions de contrôle et le service rendu aux entreprises.
Même si, entre 2004 et 2005, le nombre d'inspections passera de 27 000 à 29 000 et le nombre d'arrêtés complémentaires de 3 800 à 3 900, il est vrai que nous sommes encore bien en deçà de l'objectif optimal, qui est de 45 000 inspections annuelles.
Vous suggérez également, monsieur le sénateur, de remettre en cause, en quelque sorte, l'appellation « Seveso » pour les industries classées à risque selon les directives européennes.
Tout d'abord, il faut noter que cette appellation n'est pas utilisée dans la réglementation française. Toutefois, il est vrai qu'il s'agit d'un vocable couramment utilisé dans le milieu du contrôle des industries à risque, non seulement en France d'ailleurs, mais aussi dans tous les pays européens, et les médias l'identifient également très bien.
Je comprends que cette dénomination, qui fait référence à un accident technologique majeur, fasse peur ; je le constate moi-même en temps qu'élu local dans ma ville, où se trouvent quelques établissements classés « Seveso ».
Il convient toutefois de se poser la question, car son utilisation permet de rappeler à nos concitoyens - et, encore une fois, ce n'est qu'une appellation d'usage - que les risques technologiques existent et doivent être maîtrisés ; il ne faut pas l'oublier. Je le rappelais d'ailleurs cette semaine dans ma communication au conseil des ministres sur les risques sismiques. Le temps faisant son oeuvre, on a tendance à oublier très vite ce qui peut se reproduire.
Certaines installations ainsi classées sont parfois considérées comme anodines ou banales : les stations-service, par exemple. Pourtant, elles comportent des risques potentiels lourds.
M. Yvon Collin. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse complète et argumentée.
Mme la présidente. La parole est à M. Paul Raoult.
M. Paul Raoult. Monsieur le ministre, m'exprimant au nom du groupe socialiste, je dois vous dire que je suis extrêmement déçu par le budget que vous nous présentez aujourd'hui.
Au-delà des artifices de présentation, on voit bien qu'il s'agit d'un budget fortement en baisse, de 3 % à 4 %. Au nom de l'austérité budgétaire, Bercy vous a imposé, malgré votre bonne volonté personnelle - dont je ne doute pas - une « cure d'amaigrissement » qui est en contradiction avec les propos tenus à Johannesburg par le président de la République sur la nécessité absolue de prendre en compte les problèmes environnementaux. Manifestement, ce n'est pas une priorité de votre Gouvernement, et je trouve cela extrêmement dommage.
Mon premier souhait, monsieur le ministre, est qu'à l'avenir vous nous présentiez un budget plus lisible : dans votre propre camp politique, certains ont même pu parler d'absence de sincérité budgétaire. J'avoue que j'ai eu bien du mal à m'y retrouver dans le maquis des chiffres ! Les modifications apportées chaque année à la présentation du budget nuisent à la bonne lisibilité de sa progression et ne permettent pas de suivre la continuité des politiques budgétaires engagées d'une année sur l'autre.
Entre les crédits reportés, gelés puis reportés à nouveau - les concours exceptionnels des agences de l'eau, par exemple -, le décroisement des crédits entre l'Etat et l'Agence, ou encore la disparition du Fonds national pour le développement des adductions d'eau, dont les missions sont transférées aux agences de l'eau, c'est un budget confus qui nous est présenté et qui donne le sentiment que l'on a voulu nous cacher des baisses de crédit.
Par conséquent, je souhaite que soit fixé, à l'avenir, un cadre budgétaire fixe, intangible, permettant aux parlementaires que nous sommes de comprendre et d'interpréter votre budget correctement et objectivement.
J'exprimerai ce matin deux inquiétudes fortes.
La première concerne la politique de gestion des espaces naturels, qui regroupent les parcs naturels régionaux, les sites Natura 2000 et les conservatoires d'espaces naturels.
Je souhaiterais qu'une ligne spécifique, par exemple pour les parcs naturels régionaux, permette de suivre l'évolution des crédits qui nous sont accordés d'une année sur l'autre. En effet, l'actuelle façon de procéder nous rend aujourd'hui tributaires des relations existantes entre le secrétariat général aux affaires régionale, le SGAR, les directions régionales de l'environnement, les DIREN, les directions régionales de l'industrie, de la recherche et de l'environnement, les DRIRE, et les Parcs.
A priori, ces crédits seraient en progression - si c'est le cas, je m'en réjouis -, mais je constate un décalage croissant entre les autorisations de programme, qui sont en augmentation, et les crédits de paiement, qui ne suivent pas. De fait, on nous pousse à voter de nouveaux engagements de programme, alors que les crédits de paiement engagés depuis plusieurs années ne sont pas encore débloqués. Nos parcs naturels régionaux sont fragilisés par ces retards et l'engagement des actions prévues risque d'être différé.
Par conséquent, je demande que soient payés en priorité les engagements de programme des années écoulées. Et j'espère que d'autres régulations budgétaires ne viendront pas déstabiliser en cours d'année les crédits de fonctionnement affectés aux parcs, à Natura 2000 ou aux conservatoires.
Monsieur le ministre, vous avez pu vous rendre compte, à l'occasion des Journées nationales des parcs naturels régionaux en Guyane, de la grande importance de ces parcs - au nombre de quarante-quatre dans notre pays - dans la politique d'aménagement du territoire.
Quant à Natura 2000, après une période de mise en place difficile, les esprits se sont calmés et les attentes, sur le plan financier, sont très fortes pour mettre concrètement en oeuvre cette politique nécessaire à la préservation de la biodiversité dans notre pays.
Ma seconde inquiétude pour l'avenir concerne la politique de l'eau dans notre pays.
Alors que la France est mise au banc des accusés par l'Europe, alors qu'elle est en retard dans l'amélioration de son bilan écologique, on a le sentiment que l'Etat se désengage pour les différentes actions liées à l'eau et, au surplus, que les redevances, taxes et impôts divers qui s'appuient sur la consommation d'eau potable deviennent insidieusement un moyen de prélever des ressources fiscales destinées à combler le déficit budgétaire de l'Etat et des organismes para-étatiques, en particulier l'ADEME et le Conseil supérieur de la pêche. On veut nous faire croire que ces transferts de crédits des agences de l'eau vers ces deux institutions sont liés à la résolution de problèmes liés à l'eau. En réalité, on résout des difficultés par des expédients !
Il faut véritablement que le Gouvernement trouve à l'avenir des ressources pérennes stables pour l'ADEME et pour le Conseil supérieur de la pêche.
Par ailleurs, la suppression du FNDAE est aussi un moyen pour l'Etat de se désengager, au détriment des agences de l'eau, qui connaîtront, pour certaines, des difficultés budgétaires.
Je peux convenir que le fonctionnement du FNDAE n'était pas tout à fait satisfaisant, du fait de la lenteur de la consommation des crédits. Cela dit, dans le domaine de la politique de l'eau, il y a structurellement un très grand décalage entre la décision et sa mise en oeuvre. La preuve en est que le fonds de roulement de certaines agences de l'eau est souvent trop important.
Monsieur le ministre, si la disparition du FNDAE est effective, il nous faudra être extrêmement vigilants à l'égard des agences de l'eau et vérifier qu'elles appliquent bien le principe de solidarité entre le monde rural et le monde urbain.
En tant que vice-président du conseil d'administration de l'agence de l'eau Artois-Picardie, je peux vous dire que la pression par rapport à la demande urbaine est extrêmement forte et qu'il est parfois difficile de mettre en oeuvre la solidarité entre les territoires. Il faudra donc s'assurer de la pérennité des crédits en faveur du monde rural après la disparition du FNDAE.
J'espère, monsieur le ministre, que vous autoriserez les agences de l'eau à procéder à une augmentation des redevances, conséquence inévitable d'un tel transfert de charges. En d'autres termes, le dispositif sera financé non plus par des recettes fiscales, mais par une contribution supplémentaire supportée par le consommateur d'eau, c'est-à-dire l'usager.
De plus, les agences de l'eau devront prendre en compte non seulement le transfert de la charge du FNDAE, mais également le passif des décisions prises par le fonds, c'est-à-dire les arrêtés de subvention pris au cours des années précédentes.
Dans ce domaine, nous devons vraiment redoubler de vigilance pour nous assurer, je le répète, que le monde rural reçoive la part qui lui revient.
A ce propos, je voudrais aussi, monsieur le ministre, vous sensibiliser à la difficulté de mise en oeuvre des SPANC, les services publics d'assainissement non collectif, qui doivent permettre de faire face aux problèmes rencontrés en la matière. En effet, les coûts réels sont difficiles à évaluer et les propriétaires de maison individuelle sont encore peu sensibilisés à la nécessité de subir des contrôles répétés et payants. Sur ce point également, des moyens financiers devront être dégagés, selon des procédures simples et efficaces, pour résoudre ce problème particulièrement ardu en milieu rural.
En conclusion, monsieur le ministre, en raison d'un manque de crédits sur des enjeux environnementaux forts, le groupe socialiste ne votera pas votre budget, malgré les quelques éléments positifs qu'il contient. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Serge Lepeltier, ministre. Monsieur le sénateur, je vous répondrai par deux « non » et par un « oui ».
Non, le budget n'est pas à la baisse. Comme je l'ai démontré tout à l'heure, si les crédits diminuent en loi de finances initiale, les moyens d'engagement sont en légère augmentation.
Non, il n'y a pas de manque de transparence. Je n'ai rien voulu cacher ! Dès la première présentation de ce projet de budget devant la commission des finances de l'Assemblée nationale, j'ai très clairement précisé les montants qui seraient proposés et inscrits en loi de finances rectificative.
Oui, il faut parvenir à une meilleure lisibilité sur le plan budgétaire, la mécanique actuelle étant si complexe qu'il est difficile de s'y retrouver. D'ailleurs, les rapporteurs, comme le président de la commission des finances, ont insisté sur la nécessité de revoir certains éléments de présentation de ce budget.
Par ailleurs, sur les parcs naturels régionaux, l'objectif est de préserver ces territoires, dont le patrimoine naturel, culturel et paysager est tout à fait remarquable. Actuellement, quarante-quatre parcs naturels régionaux couvrent plus de 12 % du territoire français. En 2004, trois nouveaux parcs ont vu le jour, et une dizaine de projets sont en cours d'élaboration, à divers stades d'avancement.
Les parcs jouent un rôle important, au côté de l'Etat, pour la préservation de la biodiversité. Les projets mis en oeuvre permettent notamment une animation de leur territoire, fondée sur un partage des connaissances et une gestion concertée de l'espace. Ils contribuent à la valorisation de l'expérience française sur la scène internationale, comme j'ai pu le constater au cours de nombreuses discussions avec mes interlocuteurs étrangers.
Je confirme notre engagement, au côté des collectivités, dans la démarche exemplaire que celles-ci poursuivent dans leur politique de chartes. Le Gouvernement contribue en effet à l'animation du réseau des parcs, en soutenant la fédération des parcs naturels régionaux.
Je confirme l'augmentation de 12 % des crédits de paiement en faveur des parcs naturels régionaux et de l'ensemble des espaces naturels.
En outre, la politique de l'eau a pour objectif d'obtenir, en France, un bon état écologique de l'eau en 2015, conformément à la directive-cadre sur l'eau.
A cet égard, le FNDAE, qui finançait les travaux d'adduction d'eau et d'assainissement dans les communes rurales, a été supprimé dans le projet de loi de finances. Pour autant, monsieur le sénateur, la solidarité à l'égard des communes rurales, sur laquelle vous avez insisté, reste un principe intangible de la politique de l'Etat dans le domaine de l'eau. Quelles que soient les modalités arrêtées pour le transfert de l'ex-FNDAE - en concertation, d'ailleurs, avec l'ensemble des parlementaires -, ce principe sera respecté.
Naturellement, sur tous ces sujets, les efforts de gestion sont réels. Je citerai l'exemple du Conseil supérieur de la pêche, qui a réalisé d'importants efforts puisque la subvention de l'Etat est passée de 20 millions d'euros en 2003 à 10,5 millions d'euros en 2005.
Mme la présidente. La parole est à M. Paul Raoult.
M. Paul Raoult. Je vous remercie, monsieur le ministre, de la qualité de votre réponse, même si je n'y trouve aucun motif pour me faire changer d'avis sur le vote de votre budget !
Toutefois, je reconnais que vous nous avez donné des encouragements, en particulier sur la question des parcs naturels régionaux, à laquelle, vous le savez, je suis extrêmement sensible.
S'agissant de la politique de l'eau, dans le cadre de la préparation du projet de loi sur l'eau, il nous faudra être vraiment très vigilants sur la simplification de la méthode de calcul des redevances, afin d'obtenir un système clair pour tous les usagers.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Je ferai d'abord observer que le Sénat de la République est sans doute l'institution qui est la plus portée au changement dans notre pays. Elle est emblématique des progrès de notre société : c'est ainsi, madame la présidente, qu'à plusieurs reprises ce matin, sous votre présidence, nos collègues sénatrices ont été majoritaires dans l'hémicycle ! (Sourires.)
M. Jean Bizet, rapporteur pour avis. Il faut le noter !
Mme Evelyne Didier. Ce n'est pas forcément bon signe !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C'est un événement emblématique de ce potentiel de changement qu'incarne le Sénat de la République.
Cela étant dit, monsieur le ministre, je souhaite revenir sur le devenir du FNDAE et sur l'amendement que le Gouvernement va sans doute déposer devant le Parlement lors de l'examen du projet de loi de finances rectificative pour 2004.
A cet égard, le collectif budgétaire est toujours un véhicule commode, une sorte de « voiture-balai ». En l'espèce, le Gouvernement souhaite faire adopter une disposition qui conférerait aux agences de l'eau le soin de se substituer au FNDAE et d'attribuer les subventions en capital aux communes, tout en prévoyant des mesures de solidarité envers les communes rurales.
Monsieur le ministre, il existerait pourtant une autre solution possible puisque les départements ont été, jusqu'à maintenant, les collectivités d'impulsion et de solidarité, en complétant souvent les financements de l'Etat. Par conséquent, si le Gouvernement préfère confier cette mission aux agences de l'eau, cela risque de mettre en difficulté un certain nombre de départements qui jouaient un rôle de régulation dans la répartition du financement.
Si les députés adoptent un tel amendement lors de l'examen du projet de loi de finances rectificative, nous serons donc amenés, à notre tour, à débattre du sujet, mais ce n'est pas vous, monsieur le ministre, qui serez présent au banc du Gouvernement. Bien que votre collègue chargé du budget ait, à l'évidence, de multiples compétences - il est par ailleurs porte-parole du Gouvernement -, il ne sera sans doute pas le mieux placé pour faire vivre ce débat.
Or il s'agit là d'un choix fondamental. En ce qui me concerne, ma religion n'est pas faite, mais je ne serais pas étonné que nous fassions rebondir le débat lorsque cette disposition viendra en discussion...
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Serge Lepeltier, ministre. Monsieur Arthuis, le devenir du FNDAE et de la solidarité entre les territoires en matière de politique de l'eau est évidemment un sujet extrêmement important.
C'était le FNDAE qui, dans le passé, « portait » cette politique. Le transfert de la gestion du FNDAE aux agences de l'eau est une mesure qui a été décidée dans l'urgence, puisque le ministère de l'agriculture a souhaité ne plus gérer ce fonds, pour des raisons compréhensibles au demeurant.
Naturellement, cela n'empêche pas de débattre sur le niveau de solidarité à mettre en oeuvre. Toutefois, nous avons à gérer dans l'urgence non seulement les politiques actuelles, mais également les encours financiers correspondants.
Le projet de loi sur l'eau actuellement en préparation devrait être adopté en conseil des ministres en janvier prochain et soumis au Parlement au cours du premier semestre 2005. Je vous propose donc d'aborder ce problème essentiel dans le cadre de ce texte, afin de déterminer ensemble le niveau adéquat de gestion de la solidarité entre les territoires.
En tant que ministre de l'écologie, je souhaite avoir ce débat avec l'Assemblée nationale et avec le Sénat, qui représente plus particulièrement les territoires, pour aboutir à la solution la plus efficace possible, mais dans un cadre plus global qu'aujourd'hui et non au détour de la discussion d'un éventuel amendement du Gouvernement.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Il ne s'agit pas pour moi d'entamer ce débat ce matin. Mais verriez-vous, monsieur le ministre, un inconvénient à donner aux départements la mission d'affecter les fonds du FNDAE plutôt que de passer par les agences de l'eau, qui, à mon avis, ne sont pas prêtes ?
Si un tel amendement était déposé devant le Sénat - mais je ne vous en demande pas la confirmation aujourd'hui -, je ne serais pas étonné que la commission des finances vous propose un amendement alternatif aux termes duquel cette fonction serait dévolue non pas aux agences mais aux départements.
Mme la présidente. La parole est à Mme Adeline Gousseau.
Mme Adeline Gousseau. Le budget du ministère de l'écologie et du développement durable pour 2005 nous a été parfaitement détaillé, tant par vous-même, monsieur le ministre, que par nos excellents collègues rapporteurs.
Nous en avons désormais une vision précise qui s'inscrit, ne perdons pas de vue cet aspect, dans un contexte budgétaire général contraint, ce qui doit naturellement nous inciter à redoubler de vigilance pour que les crédits du ministère restent pérennes et clairement présentés.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, pour ma part, je souhaiterais, avec mon collègue Dominique Braye, qui devait initialement poser cette question, intervenir sur un sujet spécifique important, à savoir le traitement des déchets dangereux.
Il s'avère que cette question ne concerne pas uniquement la France, mais qu'elle relève bien d'une approche plus large à l'échelon européen.
Il apparaît, en effet, que, après sa réunification, l'Allemagne s'est trouvée confrontée à de nombreux problèmes techniques et environnementaux liés à l'héritage d'un outil industriel vétuste, inadapté et souvent dangereux, celui de l'ex-Allemagne de l'Est.
Entre autres problèmes, les industries extractives, qui se trouvaient dans un état déplorable, détenaient un parc minier dangereux, comportant de nombreuses mines menaçant de s'effondrer, avec tous les risques que cela induit pour les populations concernées.
Pour pallier ces risques, le remblaiement des anciennes mines de sel et de charbon avec des déchets a été autorisé par le Gouvernement.
L'Allemagne a alors engagé une politique d'importation à grande échelle, notamment de déchets dangereux, au titre de leur valorisation ou de leur élimination.
Selon la Cour de justice des Communautés européennes, dans son arrêt « Abfall Service AG » du 27 février 2002, la qualification de l'opération doit s'apprécier au cas par cas. Or cette pratique a pour effet de déséquilibrer totalement, à l'échelon européen, les conditions de traitement des déchets spéciaux, engendrant, à l'échelon national, des répercussions très importantes.
Ces déchets industriels étant dirigés de façon massive vers l'Allemagne, les capacités de traitement des autres pays de l'Union européenne sont en train de disparaître. Ainsi, les Pays-Bas viennent de décider la fermeture de leur dernier four tournant utilisé pour le traitement des déchets dangereux.
Les principes d'autosuffisance, de proximité et de gestion responsable des déchets établis par la convention de Bâle et la directive européenne 75/442 ne sont plus respectés.
Vous savez certainement, mes chers collègues, que le traitement des déchets dangereux est strictement encadré, à l'échelon national, par une réglementation spécifique.
C'est ainsi qu'ont été créés les centres d'enfouissement techniques de classe I, qui permettent le traitement et l'enfouissement des déchets dangereux stabilisés dans des conditions de sécurité optimale.
Cette filière, aujourd'hui unique en Europe, est exemplaire de l'engagement de la France dans l'élimination sécurisée des déchets dangereux.
Or, dans un tel contexte d'exemplarité, nos exportations de déchets dangereux vers l'Allemagne apparaissent contradictoires avec notre souci environnemental et nos plans d'élimination des déchets industriels spéciaux.
Ces exportations posent également de réelles interrogations sur les conditions de traitement de ces déchets au regard de la préservation de l'environnement.
C'est pourquoi je vous demande, monsieur le ministre, de bien vouloir préciser les dispositions que vous envisagez de prendre dans ce domaine, qui est capital non seulement pour l'avenir économique de la filière française de traitement des déchets dangereux, mais aussi pour la préservation de l'environnement national et européen ainsi que pour le respect des principes du développement durable et la sécurité de nos concitoyens.
M. Charles Revet. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Serge Lepeltier, ministre. Madame la sénatrice, vous posez une question très importante, que connaît bien, je le sais, Dominique Braye, et dont l'acuité est particulière du fait de l'actualité.
En effet, certains exploitants d'incinérateurs ont passé des contrats pour envoyer leurs déchets dans les anciennes mines de sel allemandes, à des coûts nettement inférieurs à leur mise en décharge en France. Une telle solution est fortement contestée par les associations de protection de l'environnement, et les professionnels des déchets soulignent, comme vous l'avez dit, le risque de disparition des décharges de classe I en France.
Vous avez à juste titre rappelé qu'un arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes du 27 février 2002 a remis en cause, pour un Etat membre, la possibilité de s'opposer systématiquement à un transfert de déchets en vue de combler des mines de sel. A la suite à cet arrêt, les instructions en vigueur ont été rapportées le 8 août 2002.
Le ministère examine actuellement la situation, qui n'est pas simple, en liaison, notamment, avec les professionnels. Une rencontre a eu lieu la semaine dernière. Je souhaite en effet disposer d'une analyse de l'ensemble des solutions possibles avant de prendre une décision, car les enjeux et les conséquences sont très importants.
Je vous propose donc, madame la sénatrice, de rester en contact avec mes services, afin que nous puissions vous tenir étroitement informée de l'évolution de ce dossier.
Mme la présidente. La parole est à Mme Adeline Gousseau.
Mme Adeline Gousseau. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse, dont je ferai part à mon collègue Dominique Braye. Nous prendrons bientôt contact avec vous.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Bricq.
Mme Nicole Bricq. La procédure des questions suivies d'une réponse immédiate du ministre est censée permettre une plus grande interactivité de nos échanges.
Par conséquent, monsieur le ministre, je ne vous interrogerai pas sur le montant des crédits de votre budget. Je serais cependant en droit de souligner, comme d'autres avant moi, que ce projet de budget prévoit une diminution ou une stagnation - tout dépend du point de vue adopté ! - des crédits affectés à votre ministère. Vous me répondriez que ces crédits seront consommés, ce qui n'était pas le cas auparavant. Ce serait donc un match nul stérile.
Je préfère donc m'attacher aux propos que vous avez tenus en répondant à M. le président de la commission des finances. Vous avez en effet affiché l'ambition que la France soit « armée » pour affronter les défis planétaires. Ici, chacun, quel que soit le groupe politique auquel il appartient, partage cette ambition.
MM. les rapporteurs ont fait référence à la convention des Nations unies qui se tient depuis lundi à Buenos Aires et dont l'un des enjeux cruciaux est de clarifier les mécanismes nécessaires à la lutte contre les variations climatiques et leurs conséquences. Les pays participant à cette convention sont déjà dans « l'après-Kyoto », alors que le protocole de Kyoto n'entrera en vigueur en France qu'en 2005.
Après un premier raté, la France a adopté le PNAQ, le plan national d'allocations de quotas, qui devrait permettre à une dizaine de secteurs industriels et de producteurs d'énergie, qui figurent parmi les plus polluants et qui sont responsables d'un quart des émissions totales de gaz à effet de serre, de réguler ces dernières à partir du 1er janvier 2005.
Ce plan qui, à mes yeux, n'est pas très ambitieux, semble avoir été conçu à partir d'une hypothèse de croissance durablement faible. Si l'activité économique reprenait, il ne serait probablement pas réalisable.
Je prendrai l'exemple de deux secteurs, le verre et la cimenterie, qui sont soumis actuellement à une très forte demande. D'ores et déjà, il est clair qu'ils ne pourront pas respecter les quotas, ce qui pose le problème de l'efficacité du PNAQ et de ses vertus incitatives.
De façon plus générale, si l'allocation de quotas est trop généreuse - et je pense qu'elle l'a été -, nous connaîtrons les mêmes difficultés que celles que nous avions connues dans le cadre de simples accords volontaires.
Par ailleurs, ce dispositif ne concerne qu'un quart des émissions nationales puisqu'il exclut les secteurs du transport et du logement.
Les mécanismes de marché introduits par le système des quotas ont la vertu de mobiliser des capacités financières en provenance du secteur privé. Cependant, ce système n'exonère pas la France de mener une politique volontariste et efficace en matière de maîtrise de l'énergie et de réduction des émissions.
C'est sur ce point que j'attends une réponse de votre part, monsieur le ministre, bien que je sache que la tâche du ministre de l'environnement n'est pas forcément facile. Vous n'êtes, hélas, pas tout seul !
La fiscalité et les mécanismes incitatifs ou dissuasifs peuvent toutefois orienter des politiques vertueuses dans ce domaine. Or les différents gouvernements de M. Raffarin semblent avoir renoncé à toute réforme fiscale. Le budget du ministère a été réduit, en particulier les crédits affectés à l'ADEME et à tous les organismes qui concourent à la politique environnementale, dans le domaine, notamment, des transports collectifs et de la recherche.
On a vraiment l'impression, je le dis sans esprit polémique, que la vigilance du MEDEF fait toujours pencher les arbitrages de Matignon en votre défaveur, monsieur le ministre.
Je conseille donc aux représentants du patronat de lire le rapport du Conseil d'analyse économique rédigé par MM. Bureau et Mougeot, intitulé Politiques environnementales et compétitivité, qui a été remis au Premier ministre le 30 novembre dernier. En effet, il y est bien démontré qu'une politique environnementale incitative ou contraignante en faveur de l'environnement n'obère absolument pas la compétitivité.
A cet égard, permettez-moi de citer l'exemple du gouvernement de Tony Blair - je le fais de temps en temps et je sais que personne ne m'en fera le reproche ! -, qui a su prendre des mesures variées et intelligentes.
A partir du moment où les arbitrages vous sont défavorables, monsieur le ministre, que vous reste-t-il ? Un discours général sur le développement durable, que chacun partage ; une protection juridique, à savoir la Charte de l'environnement ; et, enfin, l'amélioration des comportements individuels.
A ce sujet, j'ai bien entendu les propos de Mme Pappalardo, la présidente de l'ADEME, selon lesquels le Gouvernement mise sur un relèvement durable des prix du pétrole pour faire prendre conscience à nos concitoyens qu'il est temps d'agir. Effectivement, il faudra mener une telle bataille auprès de l'opinion en soulevant la question du prix de l'énergie, pour préparer notre pays à son inexorable augmentation et, donc, à la répartition des coûts en fonction des niveaux de pollution et de leur acceptabilité sociale.
Monsieur le ministre, vous avez déclaré récemment, dans un grand journal du matin, que « les produits polluants doivent être plus chers que les non polluants » et que vous n'aviez pas renoncé à ouvrir la grande question de la fiscalité et des instruments nécessaires pour que l'augmentation des coûts pèse le moins possible sur l'économie et la compétitivité. Pensez-vous sincèrement être dans la capacité de le faire, au moment où la conjoncture économique pèse sur la croissance ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Serge Lepeltier, ministre. Madame la sénatrice, vous venez d'évoquer des sujets très importants, qui dépassent largement le cadre de la discussion du projet de budget de mon ministère. Mais vous avez raison : nous devons ouvrir - je l'ai fait moi-même tout à l'heure - le débat sur la politique de l'écologie.
Vous avez évoqué la lutte contre les changements climatiques, à laquelle est consacrée la convention des Nations unies qui se tient à Buenos Aires.
Par ailleurs, vous avez semblé dire que le plan national d'allocation de quotas, le PNAQ, pourrait être moins efficace que les accords volontaires. Or l'adjectif « volontaire » est explicite : bien que les industriels se soient beaucoup impliqués dans ces accords, aucune sanction n'est prévue si les engagements pris ne sont pas respectés.
A l'inverse, dans le cadre du PNAQ, les allocations de quotas qui sont maintenant mises en place à l'échelon européen et, plus largement, dans tous les pays qui ont ratifié le protocole de Kyoto sont accompagnées de sanctions en cas de non-respect des quotas.
Selon vous, madame la sénatrice, le PNAQ aurait été élaboré en prenant l'hypothèse d'une croissance faible. Or nous avons tenté de fonder notre étude sur une analyse équilibrée qui prenne en compte la croissance.
Cependant, si certains secteurs connaissent une croissance supérieure à celle que nous avons envisagée et que leurs émissions de gaz à effet de serre sont plus importantes que prévu, ils seront obligés soit de mettre en place des technologies propices à diminuer les émissions par unité produite, c'est-à-dire des technologies performantes en matière d'efficience énergétique, soit d'acheter des quotas sur le marché, ce qui les pénalisera financièrement.
Ce principe est bon puisque la réduction des émissions de gaz à effet de serre sera réalisée lorsqu'elle pénalise le moins l'économie.
Madame la sénatrice, vous avez également affirmé que le PNAQ n'exonère pas la France de mener une véritable politique dans ce domaine. Vous avez raison ! Le PNAQ n'est pas le seul élément de notre action, dont je vous souhaite vous rappeler quelques aspects.
D'abord, le plan « climat », que j'ai annoncé au mois de juillet dernier, permettra d'économiser 72 millions de tonnes d'émissions de gaz carbonique. Or, à ce titre, le plan national de lutte contre le changement climatique qui avait été présenté par Mme Voynet, ancienne ministre de l'environnement qui siège aujourd'hui à vos côtés, ne permettait d'économiser que 17 millions à 18 millions de tonnes. L'échelle était donc tout à fait différente ! De plus, ce plan a échoué parce sa mesure phare, la taxe « carbone », qui en constituait quasiment la seule disposition efficace, a été annulée par le Conseil constitutionnel.
A l'inverse, le plan que nous vous présentons va réellement aboutir à des résultats : économiser 72 millions de tonnes de gaz à effet de serre par an, c'est plus que ce qui nous est demandé par le protocole de Kyoto, et cela représente environ 13 % de nos émissions actuelles. Nous prévoyons ainsi le triplement de la production de biocarburants dans les trois prochaines années, et je rappelle que, quand nous consommons une tonne de biocarburants, nous émettons trois fois moins de gaz à effet de serre que lorsque nous consommons une tonne de pétrole.
Ensuite, la loi d'orientation sur l'énergie contient un grand nombre de mesures, dont les certificats d'économie d'énergie.
J'ai aussi évoqué tout à l'heure le crédit d'impôt de 40 % pour l'achat d'équipements utilisant des énergies renouvelables, ce qui est considérable.
Toutes ces mesures correspondent, dans la loi de finances, à environ 300 millions d'euros.
Vous avez évoqué la fiscalité écologique. Il s'agit d'un sujet essentiel et nous devons faire en sorte que, à moyen ou à long terme, les produits moins polluants soient moins chers que les autres produits plus polluants. Ainsi, nous réconcilierons économie et écologie.
Le débat sur la fiscalité écologique, je l'ai dit tout à l'heure à M. Demuynck, doit avoir pour objectif de changer les comportements de nos concitoyens. Cela doit aboutir non pas à un accroissement des charges qui pèsent déjà beaucoup trop lourdement sur les entreprises, mais au contraire à des incitations sous forme d'allégements, à budgets globalement constants.
Cela passe par une refonte progressive de la TGAP. A ce sujet, vous le savez, sur l'initiative du Parlement, une TGAP sur les imprimés non sollicités sera créée à compter du 1er janvier 2005, et une réflexion sur l'évolution des taux de TGAP « air » et de TGAP « installations classées » est engagée.
Quant à la mise en place d'exonérations ciblées, les crédits correspondants ont été inscrits dans la loi de finances.
Nous devons en tout cas, je le répète, engager avec le Parlement une vraie réflexion sur la modulation environnementale des taxes existantes pour rendre les produits écologiques moins chers que les produits non écologiques.
Il existe d'autres outils, dont le PNAQ, mais sachez que la France ne s'exonère pas de mener, au-delà de ce plan, une véritable politique écologique.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Bricq.
Mme Nicole Bricq. Monsieur le ministre, la première partie de votre réponse n'est pas intellectuellement satisfaisante.
Mme Nicole Bricq. En effet, vous faites référence au passé en opposant les quelque 70 millions de tonnes d'émissions de gaz à effet de serre que vous économiserez aux 18 millions de tonnes prévues par le plan Voynet, mais vous ne dites pas que ces 18 millions de tonnes correspondaient non pas au plan national d'allocation de quotas - il n'était pas prêt à l'époque -, mais à la mise en place de l'écotaxe.
Quant à la mise en place de cette écotaxe, j'assume collectivement son échec. Mais ce n'est pas parce que l'on a échoué une fois que l'on ne doit pas se remettre à la tâche, éventuellement de façon plus intelligente.
J'insiste - mais il ne s'agit pas pour moi de se renvoyer la balle, car là n'est pas le sujet - sur le fait qu'une politique intelligente doit manier tous les outils. C'est pour cela que j'ai cité le Royaume-Uni : en effet, il manie l'outil de la fiscalité, l'outil de la réglementation, l'outil du plan national d'allocation de quotas et des outils incitatifs. En effet, quand on appuie sur une seule pédale, on peut provoquer des inerties, des blocages, et c'est ce qui nous est arrivé au cours de la législature précédente.
Ce que je reproche à la France, c'est de ne pas rendre les arbitrages nécessaires en faveur du développement durable, donc de ne pas avoir cette volonté combinée, qui n'obère absolument pas la compétitivité de nos entreprises, bien au contraire. En effet, comme cela a été dit tout à l'heure très justement à propos des objectifs de Lisbonne par le rapporteur M. Bizet - et je partage totalement sont point de vue -, les Etats-Unis ont « mis le paquet » sur la recherche privée, publique et technologique. Nous, nous ne le faisons pas, et nous ne menons pas une politique incitative ou dissuasive par rapport à l'environnement. (M. Jean Desessard applaudit.)
Mme la présidente. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits figurant aux états B et C concernant le ministère de l'écologie et du développement durable.
État B
Titre III : moins 13 780 489 €.
Mme Dominique Voynet. Pour avoir été à votre place, monsieur le ministre, pour avoir défendu quatre budgets du ministère de l'environnement, je connais, pour le titulaire du poste, la difficulté de l'exercice.
Pour avoir appris à vous connaître alors, je sais que votre intérêt pour le sujet - la cause, allais-je dire - n'est ni récent ni superficiel. J'ai d'ailleurs eu l'occasion de dire publiquement et à plusieurs reprises mon estime, réelle, pour votre engagement.
M. Charles Revet. C'est un beau compliment !
Mme Dominique Voynet. Je suis donc d'autant plus peinée d'avoir à vous le dire, le budget que vous nous présentez aujourd'hui marque une régression sans précédent des politiques publiques en la matière.
M. Charles Revet. Cela, c'est moins bon !
Mme Dominique Voynet. La presse spécialisée, les réseaux associatifs, les parlementaires - à l'Assemblée nationale comme ici - et jusqu'à vos amis de la majorité ont souligné la triste réalité des chiffres : moins 3,63 % au total, et encore, il est probable que la diminution soit plus importante, comme l'a démontré M. Arthuis, qui a été beaucoup sévère que je ne saurais l'être.
Les faits sont là : des emplois en moins, quand on fait les comptes sérieusement, avec la suppression prévisible de postes à l'Office national de la chasse et de la faune sauvage et au Conseil supérieur de la pêche ; de terribles coupes dans le budget de l'ADEME, menacée aujourd'hui d'asphyxie ; une baisse de 12 % des crédits pour la politique de l'eau, dont le report vers les agences n'inquiète pas seulement à gauche ; une diminution supérieure à 40 % des crédits pour les déchets... sans oublier la déprime des chiffres pour la prévention des risques et de la pollution, l'enlisement des crédits pour la gestion des milieux et de la biodiversité - l'augmentation de 14 % qui est annoncée ne permet même pas de rattraper le niveau de 2002 - , les moyens misérables de l'Agence française de sécurité sanitaire environnementale, inférieurs à ceux qui sont alloués à un établissement scolaire moyen de 500 élèves et ce au moment où l'augmentation des pathologies liées à l'environnement est enfin admise par tous, ou encore l'absence de soutien budgétaire à une politique climatique digne de ce nom.
Vous le savez, monsieur le ministre, personne n'est dupe - même pas vous ! - des rallonges que vous annoncez dans la loi de finances rectificative. Il n'y a là que de l'habillage et du cache-misère. Budget d'affichage, gels, annulations, reports, colmatage en loi de finances rectificative, vous connaissez la musique aussi bien que nous.
Ce qui m'inquiète le plus, au-delà même des crédits budgétaires qui sont évidemment de bons indicateurs, c'est la perte de crédit politique de ce ministère, que je voudrais illustrer dans trois directions : le travail interministériel, la place du ministère en tant qu'administration de l'Etat et le travail législatif.
Je ne vais pas vous raconter ou me raconter des histoires, la tâche du ministre de l'environnement en interministériel n'a jamais été facile. Mais quand même !
Concernant les questions énergétiques, votre silence sur la décision de construire l'EPR est assourdissant. Et la hâte avec laquelle votre judicieux projet de bonus-malus pour les véhicules automobiles a été enterré montre que c'est plus que jamais le ministère de l'industrie qui pèse sur la politique environnementale de notre pays.
S'agissant de l'agriculture, avec les arbitrages en cours sur des programmes d'expérimentation d'OGM en plein champ, avec l'abandon de la taxe sur l'azote, c'est aujourd'hui encore le ministère de l'industrie qui donne le « la ».
En ce qui concerne la politique autoroutière, la capacité du ministère de l'écologie à peser sur les grands choix en termes de déplacement et de mobilité paraît vous avoir échappé définitivement au profit du ministère des transports, atteint par une frénésie de privatisation.
Nous assistons désolés à la perte de substance accélérée de votre administration, à la décrédibilisation des services extérieurs du ministère, à l'expérimentation hasardeuse d'une dilution - et même d'un rapt - des DIREN dans les DRIRE, suscitant une démobilisation de certains de vos directeurs en région.
Vos services ont perdu leur capacité d'influer sur la renégociation des contrats de plan Etat-région ; ils sont absents du débat sur la recherche.
Je note au passage que nous sommes de plus en plus souvent pointés au dernier rang de la classe par les organismes de l'Union, comme récemment encore pour la mise en oeuvre de Natura 2000, et que les amendes pour non-transcription des directives pèsent de plus en plus lourd.
Si encore votre politique se traduisait par un renforcement des moyens attribués à la contre-expertise des acteurs de terrain, en particulier des structures associatives, vous pourriez cacher la misère derrière l'alibi de l'intervention de la société civile.
En réalité, ces moyens régressent et chaque jour des responsables associatifs nous sollicitent parce que leur structure est menacée de disparition pure et simple.
Cette perte de poids se traduit enfin par les reculs législatifs que vous concédez jour après jour à une majorité parlementaire qui en veut « toujours plus », c'est-à-dire qui veut toujours moins d'environnement.
La loi Montagne, la loi Littoral, pourtant adoptées par des gouvernements de droite, sont remises en cause de façon plus ou moins ouverte. La loi relative aux territoires ruraux tente de faire passer en contrebande de graves reculs sur la chasse ou la protection des espèces menacées.
Vous connaissez aussi la force des symboles : on a recommencé à tirer des loups dans les Alpes...
Mme Nicole Bricq. Et cela, c'est nul !
Mme Dominique Voynet. ...et on a abattu la dernière ourse des Pyrénées.
Monsieur le ministre, comme tous vos prédécesseurs, vous subissez la pression des lobbies et la pesanteur des grands corps de l'Etat. Mais je suis choquée d'apprendre que vous prêtez la main à des entreprises privées qui viennent promouvoir leurs produits lors de conférences de presse au ministère - que vous cautionnez de votre présence -,...
M. Jean Bizet, rapporteur pour avis. Le saut technologique sera à ce prix-là !
Mme Dominique Voynet. ... tout comme je suis choquée de vous entendre les citer ici. En effet, il y a des salons professionnels pour cela : Pollutec ou le Salon de l'automobile. Alors résistez, monsieur le ministre, ne baissez pas les bras, ne vous résignez pas à ce que vos propositions soient systématiquement « retoquées » par les arbitrages de Matignon.
Nous espérions que votre amitié avec le chef de l'Etat permettrait d'inverser la tendance constatée avec votre prédécesseur. Hélas ! nous devons constater qu'il y a un discours sur la rive droite, à l'Elysée, et une pratique, hélas ! bien différente sur la rive gauche.
C'est pourquoi nous ne voterons pas les crédits de votre ministère et nous vous invitons à redresser la barre avant que le capital de combativité mis en mouvement par les ministres successifs de l'environnement ne soit totalement ramené par la majorité en dessous du seuil de tolérance. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Serge Lepeltier, ministre. Madame Voynet, si par certains côtés certains éléments de vos critiques peuvent être non pas retenus mais étudiés attentivement, le tableau que vous avez dressé est tout de même trop exagéré par rapport à la réalité.
Je souhaite simplement vous apporter quelques éléments de réponse.
S'agissant des emplois, je ne peux pas vous suivre : mon ministère est l'un des seuls où les emplois augmentent en net, avec un solde positif de vingt emplois. Donc, il n'y a pas de diminution d'emplois et, encore une fois, en regard des autres ministères, s'il est un point sur lequel j'ai obtenu satisfaction, c'est bien celui-là.
Concernant l'ADEME, je l'ai dit tout à l'heure, je rembourse vos dettes. (Mme Dominique Voynet s'exclame.) En effet, à l'époque, vous avez mis en place une politique - qui n'était pas forcément mauvaise - en inscrivant des autorisations de programme à des niveaux très élevés mais sans prévoir les crédits de paiement correspondants.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Effectivement !
M. Serge Lepeltier, ministre. C'est pourquoi L'ADEME est complètement asphyxiée : elle n'a pas disposé des crédits de paiement nécessaires au moment où vous mettiez en place cette politique. Je suis donc obligé de rembourser la différence, soit environ 300 millions d'euros, ce qui est considérable.
En ce qui concerne les déchets, vous avez raison, madame Voynet : lorsque vous étiez au pouvoir, il fallait absolument aider les collectivités locales qui s'engageaient dans ce domaine. Aujourd'hui, dix ans plus tard, cette politique est devenue obligatoire, et nous devons mettre en oeuvre d'autres mesures. Mais les engagements qui ont été pris seront tenus !
Par ailleurs, nous avons considérablement augmenté les crédits affectés à la prévention des risques. Vous me dites que les crédits de l'Agence française de sécurité sanitaire environnementale sont dérisoires. Certes, ils ne sont peut-être pas suffisants, mais ils sont largement augmentés et la contribution de mon ministère à l'AFSSE est substantiellement accrue cette année.
J'ai en tout cas l'impression, en présentant ce budget, de répondre quasiment à l'ensemble de vos critiques.
Je sais bien que vous étiez à l'époque ministre de l'environnement et de l'aménagement du territoire, et donc que vous meniez, dans le cadre de votre fonction de ministre de l'aménagement du territoire, la négociation des contrats de plan. Cependant, il ne faut pas confondre la politique de l'écologie et celle de l'aménagement du territoire !
Nous venons de mettre en place une agence de financement pour que la route puisse financer le ferroviaire, nous venons de mettre en place des moyens considérables en direction des transports, du fret et des transports publics. Et je vous rappelle que vous ne l'aviez pas fait, que vous n'arriviez pas à le faire, quand vous étiez ministre de l'aménagement du territoire.
Enfin, nous avons créé une délégation interministérielle à l'aménagement du territoire avec, dans chaque ministère, un haut fonctionnaire chargé de coordonner les actions de développement durable. Il faut que cette institution se mette en place, mais cela amorce la mise en place d'une vraie politique.
Par ailleurs, lorsque le Président de la République convoquera le Parlement ou organisera un référendum pour inscrire la Charte de l'environnement dans notre Constitution, cela constituera aussi un événement essentiel pour le droit de notre pays ! Or permettez-moi de vous dire, madame Voynet, que, à l'Assemblée nationale, lors du débat sur la Charte de l'environnement, pas un seul représentant du mouvement auquel vous appartenez n'était présent dans l'hémicycle. C'est pourtant un sujet essentiel, qui va inscrire l'environnement au plus haut niveau dans notre droit.
Vous avez bien voulu dire que j'étais sensible aux questions d'environnement et que j'y travaillais depuis longtemps. C'est vrai ! Et c'est bien parce que nous nous connaissons depuis longtemps que j'ai été très déçu qu'aucun membres du mouvement des Verts ne participe à la discussion parlementaire sur la Charte de l'environnement, sujet essentiel pour l'avenir.
M. Jean Bizet, rapporteur pour avis. C'est très juste !
M. Serge Lepeltier, ministre. Enfin, je serai le 14 décembre dans les Pyrénées et je puis vous répondre, au sujet de l'ours, que la situation que nous subissons aujourd'hui est due, en particulier, au fait que le gouvernement de Lionel Jospin, auquel vous avez appartenu, n'a pas assuré la réintroduction d'un seul ours sur place depuis 1997.
Mme la présidente. La parole est à Mme Dominique Voynet, pour explication de vote sur les crédits du titre III.
Mme Dominique Voynet. Monsieur le ministre, soyez rassuré : les sénateurs Verts voteront la Charte de l'environnement le moment venu, lorsque le Président de la République les sollicitera.
En ce qui concerne certains des sujets qui ont été évoqués aujourd'hui, nous pouvons sans doute nous renvoyer la balle très longtemps, mais convenons que si la disponibilité environnementale de la majorité à laquelle j'ai appartenu n'était pas suffisante, bien des dossiers ont été encalminés durablement en raison de l'efficace travail d'obstruction qui a été mené par ceux qui étaient dans l'opposition d'alors. Je pense notamment à la saisine du Conseil constitutionnel par les parlementaires de l'UMP pour remettre en cause la taxe sur le carbone.
Je me réjouis que les esprits aient évolué depuis lors et que l'on puisse désormais parler plus sereinement de fiscalité écologique...
Par ailleurs, en ce qui concerne l'ours, le président de l'Institution patrimoniale du Haut-Béarn, devenu député de l'actuelle majorité, ne nous a, à l'époque, pas facilité la tâche.
Enfin, s'agissant de l'ADEME, je crois qu'il faudra que nous rediscutions de façon approfondie, parce que mon expérience en la matière est très différente de celle dont vous venez de rendre compte. Je ne veux pas polémiquer, mais j'ai eu le sentiment de vivre une période au cours de laquelle nous manquions d'autorisations de programme, et il m'a fallu souvent revenir à la charge tant étaient nombreux les projets des collectivités qui justifiaient l'investissement de l'Agence.
A l'époque nous disposions d'autorisations de programme insuffisantes, mais d'une trésorerie abondante qu'il nous fallait régulièrement défendre des tentations de Bercy. Dans ces conditions, c'est vrai, certains crédits étaient consommés avec retard et il y avait une vraie distorsion, un vrai effet de ciseau, qui était lié aux difficultés des collectivités à monter des projets respectant à la fois la lettre et l'esprit de la loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. Je mets aux voix les crédits figurant au titre III.
(Ces crédits sont adoptés.)
Titre IV : moins 31 348 857 €.
Mme la présidente. Je mets aux voix les crédits figurant au titre IV.
(Ces crédits sont adoptés.)
État C
Titre V. - Autorisations de programme : 98 428 000 € ;
Crédits de paiement : 43 918 000 €.
Mme la présidente. Je mets aux voix les autorisations de programme et les crédits de paiement figurant au titre V.
(Ces crédits sont adoptés.)
Titre VI. - Autorisations de programme : 325 045 000 € ;
Crédits de paiement : 49 189 000 €.
Mme la présidente. Je mets aux voix les autorisations de programme et les crédits de paiement figurant au titre VI.
(Ces crédits sont adoptés.)
Mme la présidente. Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant le ministère de l'écologie et du développement durable.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures quinze.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à treize heures cinq, est reprise à quinze heures quinze.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
4
DÉPÔT DE RAPPORTS du Gouvernement
Mme la présidente. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le rapport sur la protection et le contrôle des matières nucléaires, établi en application de l'article 10 de la loi n° 80- 572 du 25 juillet 1980 sur la protection et le contrôle des matières nucléaires, et le rapport sur le contrôle a posteriori des actes des collectivités locales et des établissements publics locaux, établi en application des articles L. 2131-7, L. 3132-2 et L. 4142-2 du code général des collectivités territoriales.
Acte est donné du dépôt de ces rapports.
5
Loi de finances pour 2005
Suite de la discussion d'un projet de loi
Mme la présidente. Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2005, adopté par l'Assemblée nationale.
Equipement, transports, aménagement du territoire, tourisme et mer (suite)
V. - MER
Mme la présidente. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant l'équipement, les transports, l'aménagement du territoire, le tourisme et la mer : V. - Mer.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Claude Haut, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, c'est la dernière fois que nous examinons le budget de la mer. En effet, conformément aux dispositions de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances, le budget sera, l'année prochaine, scindé en trois blocs, dont deux programmes qui s'intégreront dans la mission « transports » du ministère de l'équipement, des transports et du logement, le troisième programme ayant vocation à figurer dans la mission « régimes sociaux et de retraite » du même ministère.
Cette nouvelle présentation des crédits affectés à la politique maritime aura, certes, le mérite de mettre fin à l'illusion d'optique qui a toujours caractérisé ce budget puisque, comme vous le savez, les deux tiers du montant global des crédits servent à financer le régime social et de retraite des marins, il serait cependant souhaitable que l'ensemble des crédits de la mer restent bien identifiés, dès lors que la subvention de l'Etat à l'Etablissement national des invalides de la marine, l'ENIM, sera incluse dans le programme « régimes sociaux et de retraite ». Il serait ainsi plus facile d'appréhender les efforts consentis par l'Etat au titre de sa politique maritime.
En effet, pour 2005, si l'on excepte les crédits de l'ENIM, on obtient une image plus fidèle de la progression des moyens affectés à la mer, qui augmentent cette année d'un peu moins de 1 %.
La sécurité maritime est la première priorité, ce qui inclut la sûreté des ports français, le soutien à la flotte de commerce française et la formation des marins.
Depuis 1999, en effet, la France a dû faire face à d'importantes catastrophes écologiques : l'Erika, l'Ievoli Sun et le Prestige. Depuis, les autorités nationales et internationales, notamment l'Organisation maritime internationale, se sont mobilisées pour essayer de renforcer la protection des routes maritimes.
En France, des efforts budgétaires notables ont été consentis en faveur des acteurs maritimes de la sécurité que sont les centres régionaux opérationnels de surveillance et de sauvetage, les CROSS, les centres de sécurité des navires, les CSN, le bureau des phares et balises, chargé de la signalisation maritime, ou encore les unités littorales des affaires maritimes, les ULAM.
Lors du comité interministériel de la mer du 28 février 2000, il a notamment été décidé de renforcer la sécurité en augmentant, conformément aux engagements souscrits par la France dans le cadre du Mémorandum de Paris, le nombre de navires contrôlés en escale dans nos ports.
A cette fin, il a fallu créer des postes d'inspecteur de la sécurité des navires, à défaut desquels on ne pouvait pas effectuer un nombre suffisant de contrôles. N'aurait-il pas fallu poursuivre dans cette voie en 2005 ?
Par ailleurs, le dispositif introduit en loi de finances pour 2003 permettant de recruter d'anciens officiers de la marine marchande en tant que vacataires est reconduit. Grâce à ce dispositif, depuis 2003, la France remplit ses engagements puisque, conformément au Mémorandum de Paris, elle contrôle plus de 25 % des navires en escale dans ses ports. Il faut saluer ce progrès.
Les CROSS ont également fait l'objet d'un programme de modernisation qui concerne en particulier le renouvellement des radars. L'exécution en sera accélérée cette année grâce une hausse notable des investissements, qui augmenteront de 124 %. Cette hausse compensera, espérons-le, la faiblesse des moyens qui leur ont été consentis lors des deux dernières lois de finances.
Les ULAM ne sont malheureusement pas aussi bien loties. Leurs moyens sont fortement revus à la baisse cette année. Il est vrai qu'elles avaient connu une forte augmentation en 2003 afin de financer l'acquisition d'un second patrouilleur de haute mer, qui a été mis en service au cours de l'année 2004. La fin de cette opération d'acquisition justifie-t-elle cependant une baisse des crédits de paiement de 62 % dans le projet de loi de finances pour 2005 ? Dans ces conditions, comment le plan de généralisation des ULAM peut-il s'effectuer correctement ?
De même, la signalisation maritime, qui est la tâche du bureau des phares et balises, ne pourra guère faire plus qu'assurer les capacités opérationnelles du dispositif.
Un effort a cependant pu être réalisé en faveur de la sécurité portuaire, puisque quinze emplois d'officier de port seront créés en 2005.
Les investissements en faveur des ports augmenteront cette année, et l'on peut se réjouir du lancement de l'opération Fos 2 XL dans le port de Marseille, même si celle-ci ne figure pas dans le budget de la mer, car elle sera financée par la future Agence de financement des infrastructures de transport de France, l'AFITF. A ce titre, 9 millions d'euros sont prévus en 2005.
La décentralisation des ports d'intérêt national se poursuit. Qu'en est-il aujourd'hui de l'ordonnance qui doit adapter le code des ports maritimes aux dispositions de la loi relative aux libertés et responsabilités locales ?
Enfin, le projet de directive européenne sur l'accès aux services portuaires a été abandonné. Un nouveau texte a été présenté à la Commission européenne le 13 octobre dernier, mais les nouveaux Etats membres de la Communauté n'ont pas été consultés. C'est pourquoi l'avenir de ce texte semble aujourd'hui incertain.
Il semble que le Gouvernement n'ait pas d'inquiétude particulière à ce sujet - peut-être nous le confirmerez-vous tout à l'heure, monsieur le secrétaire d'Etat -, à condition que ce texte permette le respect des normes sociales en vigueur dans notre pays.
Telles sont, mes chers collègues, les remarques que je souhaitais formuler en ce qui concerne la sécurité maritime et les ports maritimes.
La deuxième priorité de ce budget reste le maintien d'un système d'aides à la flotte de commerce, dont le soutien s'avère nécessaire compte tenu du handicap naturel de compétitivité dont souffre le pavillon français, en raison des garanties sociales qu'il offre. Le dispositif de soutien sera donc maintenu cette année, dans des conditions équivalant à celles des années précédentes.
Le projet de création d'un registre international français, ou RIF, qui s'inspire des registres bis créés par nos voisins européens, pourrait par ailleurs aboutir dans les mois qui viennent. Quelles suites le Gouvernement compte-t-il donner à la proposition de loi de notre collègue sénateur Henri de Richemont, adoptée le 11 décembre 2003 ?
Autre question : le projet d'autoroutes de la mer devrait faire l'objet d'une proposition du Gouvernement à la Commission européenne. Est-ce envisageable en 2005 ?
La formation maritime est la troisième priorité de ce budget. Depuis 2002, l'enseignement maritime fait l'objet d'une réforme qui doit contribuer à renforcer son attractivité. Les moyens seront maintenus cette année, et renforcés pour l'enseignement secondaire, alors que l'enseignement supérieur voit ses dotations stabilisées en attente du transfert aux régions des quatre écoles nationales de la marine marchande, les ENMM, conformément aux dispositions de la loi relative aux libertés et responsabilités locales.
Enfin, concernant le volet « littoral »de ce budget, on note une stabilité des dotations budgétaires, qu'il s'agisse des moyens dévolus au plan POLMAR ou à l'élaboration des schémas de mise en valeur de la mer.
Ces observations faites et ces questions posées, la commission des finances a proposé l'adoption du budget de la mer. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste ainsi que sur les travées de l'UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Charles Revet, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, l'importance du secteur maritime pour notre pays tient en quelques chiffres : la France compte plus de 10 000 kilomètres de littoral au total et pas moins de 72 % de ses importations et exportations s'effectuent par le mode maritime.
Depuis quelques années, les mesures prises par le Gouvernement attestent sa volonté de mener une politique maritime ambitieuse, et le budget de la mer pour 2005 est cohérent avec cette volonté de redonner à la France son statut de puissance maritime.
Après une hausse de 6 % en 2004, dans un contexte budgétaire difficile, les crédits affectés à la mer sont en hausse de 4,4 % pour 2005.
Ce budget connaît de fortes augmentations dans des secteurs importants. Je relève ainsi la hausse de 8,3 % des crédits d'investissement des ports maritimes, et celle de 124 % des crédits affectés aux CROSS, cette augmentation devant permettre de mener à bien leur programme de modernisation
S'agissant de la sécurité maritime, il convient également de saluer les efforts faits en matière de recrutement d'inspecteurs des affaires maritimes, dont le doublement de l'effectif sera atteint en 2006. Grâce à ces efforts, la France devrait atteindre, en 2004, le taux de 25 % de contrôles des navires au titre de l'Etat du port, taux fixé par le Mémorandum de Paris.
C'est donc sur fond de satisfaction que je voudrais vous soumettre, monsieur le secrétaire d'Etat, quelques interrogations.
La première porte sur les aides à la flotte. Des incertitudes pèsent actuellement sur l'attitude de la Commission européenne vis-à-vis du dispositif du GIE fiscal.
Cela a amené le Gouvernement à demander aux armateurs un engagement à rembourser les aides en cas de remise en cause. Or cette demande a, semble-t-il, entraîné une chute importante du nombre de dossiers déposés sur les dix premiers mois de 2004 par rapport aux dix premiers mois de 2003. Pourriez-vous nous indiquer, monsieur le secrétaire d'Etat, à quelle échéance pourrait être levée l'hypothèque qui pèse actuellement sur un dispositif primordial pour le maintien d'une flotte sous pavillon français ?
Ma deuxième préoccupation concerne les ports français, qui souffrent d'un déficit de compétitivité par rapport aux grands ports européens.
Ce déficit concerne notamment le trafic de conteneurs et l'hinterland ferroviaire. Ainsi, le port d'Anvers et celui de Rotterdam représentent chacun près du double des trafics conteneurisés français. La part des ports français dans le trafic conteneurs est, quant à elle, passée de 13 % à 9 % entre 1990 et 1999.
S'agissant de l'hinterland ferroviaire, la France est en retard, puisque beaucoup de ports, s'agissant de leur desserte terrestre, n'atteignent pas 10 % de part modale ferroviaire. Nous souhaiterions donc savoir quelles mesures peuvent être envisagées pour remédier à ce déficit de compétitivité.
Enfin, s'agissant des ports, j'avais notamment préconisé, dans mon précédent rapport, que l'on clarifie les responsabilités en matière de lutte contre les sinistres dont ils sont le lieu. Comme je l'avais indiqué, les textes sont trop complexes, la coordination des secours est mal assurée et les responsabilités sont confuses. A cet égard, pouvez-vous nous indiquer, monsieur le secrétaire d'Etat, si des mesures de clarification seront prises dans ce domaine en 2005, notamment par le biais de l'ordonnance prévue par la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales ?
Ma troisième interrogation porte sur les autoroutes de la mer. Vous voyez que nous avons des références communes avec la commission des finances. (Sourires.)
Il convient, à cet égard, de saluer la création de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France, l'AFITF, qui devrait affecter 200 millions d'euros au financement des autoroutes de la mer dans les années à venir. Mais force est de constater que ce chantier en est encore à ses balbutiements. Pouvez-vous nous faire part, monsieur le secrétaire d'Etat, de son état d'avancement et des obstacles auxquels il se heurte ?
Ma dernière interrogation porte sur la situation préoccupante du pavillon français. Détenteur de la cinquième place mondiale dans les années 1960, notre pavillon occupe désormais la vingt-neuvième place. La flotte française a encore perdu, en 2003, cinq navires, et ne comptait plus, le 1er janvier 2004, que 207 navires.
Dans ce contexte, la création d'un registre compétitif, sur le modèle des registres créés par nos principaux partenaires européens, s'impose comme une nécessité. Pouvez-vous nous indiquer précisément, monsieur le secrétaire d'Etat, quand la proposition de loi relative à la création du registre international français pourra être examinée par l'Assemblée nationale et quelles sont les modifications de son contenu qui vous paraissent envisageables ?
Sous le bénéfice de ces quelques observations, la commission des affaires économiques a émis un avis très favorable sur l'adoption des crédits relatifs aux ports et à la marine marchande inscrits dans le projet de loi de finances pour 2005. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
Mme la présidente. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe Union pour un mouvement populaire, 21 minutes ;
Groupe socialiste, 13 minutes ;
Groupe de l'Union Centriste, 5 minutes ;
Groupe communiste, républicain et citoyen, 5minutes ;
Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Anne-Marie Payet.
Mme Anne-Marie Payet. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la France est une nation géographiquement tournée vers la mer, avec ses 5 500 kilomètres de côtes. Grâce aux départements et territoires d'outre-mer, elle possède une zone économique exclusive de 11 millions de kilomètres carrés, ce qui en fait la troisième puissance maritime mondiale. La France est-elle suffisamment consciente de cette richesse ?
Les échanges maritimes connaissent des perspectives de croissance annuelle de 8 % pour les vingt prochaines années. C'est un formidable moteur dont la France capte insuffisamment les bénéfices.
Le budget que vous nous présentez pour 2005 ne répond que partiellement à ces attentes. Certes, le montant global des crédits relatifs à la mer s'élève cette année à 1,141 milliard d'euros, ce qui représente, par rapport à la loi de finances initiale pour 2004, une hausse de 4,4 %. Toutefois, cette progression reflète surtout la hausse des charges prévisible de l'ENIM. En dehors de cette subvention, qui constitue plus de 77 % des crédits de la mer, les dotations prévues pour 2005 atteignent 320 millions d'euros.
Les dépenses ordinaires, considérées dans ces limites, s'établissent à 248 millions d'euros, soit une somme sensiblement égale aux dotations correspondantes de la loi de finances pour 2004.
Ainsi, le montant des crédits relatifs de la mer permet difficilement de faire face au maintien de nos équipements et aux besoins nés du renforcement des règles de sécurité maritime. J'insiste, monsieur le secrétaire d'Etat, sur la faible marge de manoeuvre dont disposent vos services. Cela les oblige à faire des choix qui, parfois, conduisent à laisser s'accélérer la détérioration de certains équipements.
Concernant la sécurité maritime, la consolidation des moyens de fonctionnement prévue par le budget 2005 a été concentrée sur la requalification du personnel des CROSS et des centres de surveillance des navires, qui doivent assumer, sans création de postes, de nouvelles missions. Quant aux investissements, ils ont dû, eux aussi, être concentrés sur la modernisation des CROSS, en particulier sur le renouvellement et l'extension de la couverture radar en Manche et en mer du Nord, ainsi que sur la mise en place des stations d'identification automatique des navires et du système d'information sur le trafic, dit « Trafic 2 000 ».
Parallèlement, il a été nécessaire de revoir à la baisse les programmes de mise à niveau de la signalisation maritime, mise à niveau pourtant elle aussi nécessaire à la sécurité. A l'exception de l'installation des stations GPS, dont l'équipement des côtes métropolitaines a été achevé en juin 2002, tous les programmes de modernisation ont pris du retard, que ce soient les mises en service de bouées de nouvelle génération, le renouvellement de la flottille ou la remise à niveau des phares. En ce qui concerne les phares, ces retards entraînent une poursuite de leur détérioration, avec, à la clé, des surcoûts évalués à 28 millions d'euros. Si l'on a cru, par ce biais, réaliser des économies, elles ne sont que de courte durée et la dépense est, au total, bien supérieure !
Cette situation, sur le fil du rasoir, ne permet donc pas de faire évoluer de façon cohérente le dispositif de sécurité et peut même s'avérer périlleuse lorsque des mesures de régulation budgétaire viennent limiter encore ces moyens fixés au plus juste. C'est ce qu'a justement souligné la Cour des comptes dans son rapport sur les résultats de la gestion budgétaire pour 2003. Elle a en effet constaté que la pratique des gels avait « conduit à des reports de projets dans des domaines qui engagent la sécurité ».
Les crédits consacrés aux ports s'inscrivent dans la poursuite des actions entreprises antérieurement. A ce titre, il faut citer le renforcement de la sécurité et de la sûreté, avec la création de deux postes d'officier de port et de treize postes d'officier de port adjoint, et la reconduction des crédits informatiques destinés au suivi du trafic maritime.
À cet égard, monsieur le secrétaire d'Etat, plusieurs pistes ont été évoquées pour leur financement, à la suite de l'étude que vous avez fait réaliser sur le coût des mesures de sûreté dans les ports. Il s'agit en effet de sommes très élevées, puisqu'il est question de 80 millions d'euros à partir de 2005. Pouvez-vous nous apporter des précisions sur les mesures qui seront prises dans ce domaine ?
Quant aux investissements portuaires, les crédits proposés sont en progression de 11,8 %. Cependant, sur le terrain, la réalisation des programmes inscrits aux contrats de plan Etat-région 2000-2006 a pris beaucoup de retard, le taux d'exécution prévu à la fin de cette année n'étant que de 43 %.
Enfin, je souhaiterais insister sur la revitalisation de notre flotte de commerce. Sur la base des GIE fiscaux, système efficace qu'il faut absolument conforter en obtenant l'aval communautaire, nous avons dès 2002 voté le dispositif de la taxe au tonnage, qui permet aux armateurs d'avoir la meilleure lisibilité possible de leur investissement. Aujourd'hui, sous votre impulsion, nous approchons du moment où sera adopté par le Parlement le registre international français, le « pavillon français bis », correspondant à ce que tous les pays européens ont développé avec succès depuis plusieurs années. En tant qu'élue ultramarine, je ne peux que me féliciter de l'avancée de ce dossier.
En conclusion, monsieur le secrétaire d'Etat, en dépit des remarques que j'ai formulées, le groupe de l'Union centriste votera ce budget.
Il me reste à féliciter de leur excellent travail les rapporteurs, M. Haut et M. Revet, ainsi que les commissions des finances et des affaires économiques. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.)
M. Charles Revet, rapporteur pour avis. Merci, ma chère collègue !
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Le Cam.
M. Gérard Le Cam. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, comme pour l'ensemble des autres budgets, le budget de la mer n'échappe pas à la politique de restriction budgétaire engagée par le Gouvernement.
A l'exception de l'ENIM, dont la hausse des charges était prévisible, les crédits relatifs à ce budget ne progressent que très faiblement. Sur fond de coupes dans certaines lignes budgétaires, cette faible progression ne permettra ni de renforcer les efforts en matière de sécurité - bien que, par exemple, de nouveaux emplois soient nécessaires dans les CROSS, dans le cadre du nouveau plan de sécurité - ni d'engager de nouvelles actions pour 2005.
Globalement - et malheureusement -, ce budget n'est pas à la hauteur des défis posés par le développement durable.
C'est une politique plus volontariste qu'il faudrait mener, afin de procurer à l'ensemble de la filière du transport maritime les soutiens nécessaires à son développement, dans la perspective d'un rééquilibrage intermodal.
D'après le rapport de la DATAR, Construire ensemble un développement équilibré du littoral, le transport maritime ne représente que 2 % des émissions mondiales de dioxyde de carbone, contre 17 % pour la route.
Les communistes ont été les premiers à mettre l'accent sur la nécessité du développement du cabotage. Mon collègue et ami François Liberti y a d'ailleurs consacré un rapport en montrant tout l'intérêt. Une telle option, qui participe du rééquilibrage intermodal, requiert cependant des infrastructures spécifiques, notamment en matière ferroviaire, afin de permettre des connexions avec les hinterlands, connexions indispensables à l'acheminement des marchandises.
En ce domaine, les efforts tardent toujours et les parts de marché de la route continuent de grimper.
Par ailleurs, vous soulignez, monsieur le rapporteur pour avis, que les ports français souffrent d'un déficit de compétitivité criant face aux grands ports européens, en raison notamment du fait d'une desserte ferroviaire insuffisante et d'encombrement des conteneurs.
Ceci, au fond, révèle l'absence d'une véritable politique portuaire globale et est la conséquence directe des choix restrictifs en matière budgétaire.
Le retard important pris dans l'exécution des contrats de plan Etat-région est tout à fait symptomatique de cette logique de restriction budgétaire, qui se manifeste aussi à travers des reports, des gels et des annulations de crédits.
Dans ma propre région, la Bretagne, le conseil économique et social a manifesté une vive inquiétude en raison de l'incertitude qui pèse sur l'achèvement des programmes prévus pour la fin de l'année 2006. Le taux de réalisation du volet portuaire, qui concerne quatre ports d'intérêt national - Brest, Concarneau, Lorient et Saint-Malo -, n'est que de 19 %, alors qu'il devrait atteindre 57,2 %. En 2003, la sous-consommation des crédits en matière portuaire atteint plus de 26 millions d'euros. Où en sont exactement les dossiers d'exécution des projets dans les ports d'intérêt national ? Ne risque-t-on pas de perdre les financements européens ? Dans ces conditions, d'autres choix en faveur de ports régionaux ne sont-ils pas préférables ?
Où en est-on du volet portuaire, concernant la convention additionnelle « marée noire et intempéries » qui porte sur près de 75 millions d'euros de crédits supplémentaires, dont 40 millions provenant de l'Etat ?
Le conseil économique et social de Bretagne constate aussi que, à plusieurs reprises, la région a financé des programmes au-delà de ce qui était prévu, et ce afin de pallier la défaillance de l'Etat. Le taux actuel d'exécution de la région, soit 53,3 %, est nettement supérieur à celui de l'Etat, qui n'atteint que 42,6 %. Doit-on craindre, monsieur le secrétaire d'Etat, que de telles avances se transforment de fait en véritables dépenses supplémentaires ? Comment, dès lors, envisager des redéploiements de crédits dans le cadre, par exemple, des engagements pris lors du comité interministériel pour l'aménagement et le développement du territoire, le CIADT, du 18 décembre 2003 ?
Au final, on a de bonnes raisons de croire que les contrats de plan Etat-région sont devenus des variables d'ajustement de la politique budgétaire de l'Etat. Cela compromet le dynamisme économique régional. Dans le même temps, les charges des collectivités territoriales s'alourdissent.
Nous ressentons ici clairement, à travers l'exemple des contrats de plan, les effets d'une politique de décentralisation qui a été menée dans la précipitation et qui n'est rien d'autre que la mise en oeuvre du désengagement budgétaire de l'Etat. Un tel empressement pose de multiples problèmes. Je voudrais vous faire part de l'un d'entre eux. Il s'agit de la propriété des voies ferrées des ports. A qui sera-t-elle transférée ? N'y a-t-il pas, dans le cadre de la décentralisation, un risque de rupture de la continuité du réseau ferré ? En dernière instance, Réseau ferré de France, RFF, ne devrait-il pas en récupérer la propriété ?
Pour terminer, je vous serais reconnaissant de nous informer de l'évolution du dossier relatif à la libéralisation des services portuaires, qui avait été bloqué, à la fin de l'année 2003, par le Parlement européen. La nouvelle mouture répond-elle mieux, notamment en matière de sûreté et de sécurité portuaires, aux soucis exprimés par les professionnels du secteur ?
Et avons-nous la garantie que la proposition de loi relative à la création du registre international français, qui sera finalement débattue en janvier à l'Assemblée nationale, préservera l'emploi ? L'effectif d'exploitation réellement embarqué sera-t-il composé obligatoirement d'un minimum de 35 % de Français ?
Au-delà de ces interrogations, et pour les raisons que nous venons de développer, vous comprendrez que le groupe communiste républicain et citoyen vote contre ce budget.
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Yvon Trémel.
M. Pierre-Yvon Trémel. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le débat budgétaire qui nous mobilise autour des crédits consacrés à la mer nous donne l'opportunité d'observer une situation paradoxale.
Avec ses 5 500 kilomètres de littoral, avec un domaine public maritime de 11 millions de kilomètres carrés qui en fait la seconde superficie maritime du monde, avec une tradition et une histoire maritimes remarquables, avec un patrimoine maritime de grand intérêt, la France réunit, à coup sûr, de nombreux « ingrédients » lui permettant de valoriser une vocation maritime bien établie.
Force est pourtant de constater que notre pays, ses élus, ses institutions et sa population, manifestent à l'égard de la mer un intérêt relatif et semblent trop souvent tourner le dos à d'exceptionnels atouts.
Il convient dès lors de saisir chaque occasion, et la discussion budgétaire en est une, et même excellente - l'aurons-nous encore dans l'avenir ? -, pour dire combien cette situation paradoxale est regrettable. Le petit nombre de parlementaires convaincus, motivés et libres qui « chérissent » la mer, affirmera cette année, à nouveau, monsieur le secrétaire d'Etat, son attente depuis si longtemps insatisfaite d'une politique volontariste de la mer dans notre pays.
Notre débat doit porter à la fois sur le projet de budget et sur les leviers qui jouent un rôle influent sur l'économie de la mer, dont il faut rappeler le poids : 20 milliards d'euros, hors tourisme, et 450 000 emplois à la clé.
Le projet de budget consacré à la mer respecte un scénario annuel désormais bien rôdé.
Les crédits inscrits, 1 141 millions d'euros, sont affectés pour une très large part - 77 % - au financement de l'ENIM.
Hors ENIM, les dotations prévues atteignent 319 millions d'euros et connaissent une progression de 0,9 %. C'est dire la faible marge de manoeuvre dont vous disposez, monsieur le secrétaire d'Etat, pour donner une réalité à des priorités sur lesquelles nous pouvons nous retrouver : la solidarité à l'égard des gens de mer, la sécurité, la formation, le soutien à la flotte de commerce, la modernisation des ports, la protection et la valorisation du littoral.
La subvention de l'Etat à l'ENIM, destinée équilibrer son budget, est en progression. Elle ne permet pas pour autant de répondre complètement aux attentes des pensionnés ressortissants du régime, soucieux du maintien de leur pouvoir d'achat et constants, quel que soit le Gouvernement en place, dans leurs revendications à caractère social.
La sécurité maritime est affichée comme une priorité absolue. Or l'analyse des crédits qui lui sont affectés révèle une évolution contrastée.
Le plan de modernisation des CROSS se poursuit et il faut se féliciter de la forte croissance des crédits de paiement, qui va permettre de réaliser le renforcement de la couverture radar en Manche.
Les moyens consacrés à la signalisation maritime sont, en revanche, en forte diminution, tant en fonctionnement qu'en investissement. Le plan de modernisation lancé en 1998, et qui doit durer huit années, semble vraiment en panne.
A quand, monsieur le secrétaire d'Etat, l'acquisition d'un baliseur neuf pour le Verdon ? A quand la réfection du phare de Cordouan ?
Il serait grave à mon sens d'abandonner ces deux missions de l'Etat : la sécurisation de nos côtes et la nécessaire remise à niveau de ce patrimoine maritime exceptionnel que constituent nos phares.
La sécurité des navires et de la navigation repose aussi pour une large part sur l'activité des centres de sécurité des navires. S'il convient de se réjouir du taux d'inspection des navires étrangers en 2003, et sans doute aussi en 2004, l'absence de création de postes d'inspecteur en 2005 est difficilement compréhensible.
Un plan pluriannuel 2000-2006 fixe comme objectif un effectif de 130 inspecteurs habilités à inspecter l'ensemble des navires. Sur les 125 inspecteurs actuellement recensés, 89 seulement seront habilités à effectuer les contrôles des navires étrangers, alors même que les missions confiées à ce corps continuent à s'élargir avec, par exemple, la mise en oeuvre du code international pour la sûreté des navires et des installations portuaires, le code ISPS.
A propos de l'entrée en vigueur de ce code, qui entraînerait, dit-on, des dépenses nouvelles s'élevant à plusieurs dizaines de millions d'euros par an, il serait intéressant, monsieur le secrétaire d'Etat, de connaître les suites que vous entendez donner aux conclusions de la mission interministérielle, en particulier à la suggestion de créer une taxe de sûreté sur le transport des passagers.
En ce qui concerne la formation, qui est une autre priorité affichée, on observe également une évolution contrastée des crédits : dotation en augmentation pour l'enseignement secondaire, reconduction des moyens pour l'enseignement supérieur et réduction des moyens consacrés à la formation continue des enseignants.
Au moment où nous entrons dans une période nouvelle, avec le transfert aux régions de la responsabilité des bâtiments de nos quatre écoles nationales de la marine marchande, deux questions méritent d'être posées.
Premièrement, pourquoi ce projet de budget ne prévoit-il pas de plan de formation continue pour les enseignants, alors même que la navigation maritime connaît des évolutions technologiques permanentes ?
Deuxièmement, quelles mesures nouvelles l'Etat entend-il prendre face à la situation préoccupante entraînée par la pénurie d'officiers, le manque de candidatures aux concours de recrutement et une pyramide des âges des cadres défavorable ? Il est bon de rappeler en effet qu'il faut douze ans pour former un capitaine au long cours.
L'Etat apporte un soutien financier à la flotte de commerce. Ce soutien revêt différentes formes.
Les crédits affectés à l'allègement des charges jouent un rôle clé, mais ils sont souvent considérés comme insuffisants pour tenir les engagements concernant les cotisations d'allocations familiales et d'assurance chômage.
La taxe au tonnage est un dispositif récent. L'observation de pratiques similaires en Grande-Bretagne et en Allemagne suscite cependant des inquiétudes, puisque les emplois promis en contrepartie de l'allègement fiscal n'ont pas été créés dans ces pays.
Il est encore trop tôt pour avoir un aperçu de ce qui se passera en France. Il nous faut donc prendre date, monsieur le secrétaire d'Etat. Mais nous voudrions d'ores et déjà connaître les premières initiatives prises par les armateurs à la suite de l'ouverture de ce dispositif.
Le GIE fiscal a fait la preuve de son attractivité. Je souhaite quant à moi connaître les conclusions de la Commission européenne sur la compatibilité du dispositif avec les règles relatives aux aides d'Etat. A-t-on une idée du calendrier de remise de ces conclusions ?
L'Union européenne place le cabotage parmi les orientations majeures de sa politique des transports.
Deux parlementaires, MM. François Liberti et Henri de Richemont, le nouveau président du groupe d'étude de la mer du Sénat, ont publié des rapports très intéressants démontrant l'intérêt du cabotage sur les plans économique, écologique et de l'aménagement du territoire.
Une ligne budgétaire a été ouverte, instaurant une aide au démarrage de nouvelles lignes de cabotage. Or les crédits ne sont pas consommés. Le simple constat d'inefficacité doit donc être dépassé et certaines suggestions contenues dans ces rapports méritent de connaître une suite.
Au moment où l'on parle des autoroutes de la mer, au demeurant sans voir venir grand-chose depuis les annonces du CIADT de décembre 2003 - un bilan a eu lieu cette semaine -, il vous appartient, monsieur le secrétaire d'Etat, de faire des propositions permettant de « transformer une bonne idée en réalité politique et économique ».
Le développement des ports est un enjeu économique et stratégique majeur.
Avec l'adoption de la loi du 13 août 2004, les actuels ports d'intérêt national ont vocation à être décentralisés au profit des collectivités territoriales et de leurs groupements.
Nous assistons à un réel mouvement d'intérêt, en particulier de la part des conseils régionaux, qui correspond au développement de « consciences maritimes régionales », ce dont nous nous réjouissons. Dans quelques mois, il sera possible d'observer les résultats de cette évolution importante.
Deux questions concernant les ports retiennent pour l'heure notre attention : la chute continue des crédits de fonctionnement accordés aux ports autonomes, qui rend leur entretien de plus en plus difficile, et le retard constaté dans la desserte ferroviaire des espaces portuaires.
La + «Mer » de ce projet de budget consacre des crédits à la protection et à l'aménagement du littoral. Un rapport demandé à la Cour des comptes par la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale nous renseignera sur le niveau et la pertinence des moyens mis en oeuvre pour lutter contre les pollutions maritimes accidentelles.
Dans l'attente des conclusions de ce rapport, nous souhaitons, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous nous fassiez le point sur le projet de zone maritime particulièrement vulnérable, sur la transposition des directives européennes et sur l'Agence européenne de sécurité maritime.
S'agissant de l'aménagement du littoral, nous ne pouvons rester insensibles au fait qu'aucun schéma de mise en valeur de la mer, ou SMVM, n'a été approuvé depuis huit ans. Deux SMVM devraient, paraît-il, être bientôt finalisés : celui du Trégor-Goëlo, en Côtes-d'Armor, et celui du golfe du Morbihan. Peut-être ai-je encore toutes mes chances, grâce à vous, monsieur le secrétaire d'Etat !
Le SMVM du Trégor-Goëlo, initié en 1993, devait être finalisé en 2003. Pouvez-vous me donner, monsieur le secrétaire d'Etat, un calendrier fiable sur sa date d'approbation ?
Je souhaite à présent sortir du cadre strictement budgétaire pour aborder quelques grandes questions maritimes d'actualité.
Comment ne pas parler du registre international français ? En effet, nous sommes tous ici préoccupés par le recul du pavillon français.
La chute des effectifs des personnels navigants français est un problème majeur pour certaines régions qui ont longtemps vécu de l'emploi maritime. Nous le savons bien, en Côtes-d'Armor. La proposition de loi déposée par M. Henri de Richemont a fait se lever des « vents contraires » violents. Nous attendons des informations de votre part, monsieur le secrétaire d'Etat, sur les résultats de la médiation organisée, sur votre initiative, par M. Scemama, et sur le calendrier envisagé pour la poursuite du débat autour d'un texte, je l'espère, amendé.
Il est impossible de ne pas vous interroger sur l'état des lieux concernant le nouveau projet de directive européenne relative à l'accès au marché des services portuaires. Le débat autour de l'auto-assistance reste passionné. Où en sommes-nous exactement ?
Les riverains de l'Atlantique et de la Manche restent très vigilants sur les pollutions à répétition. Il ne se passe guère de mois sans qu'un navire laissant derrière lui un sillage suspect ne soit surpris en Manche ou dans le golfe de Gascogne. Mais nous disposons désormais d'un pouvoir de sanction. Dans les milieux maritimes, on commence ainsi à connaître les « mardis de Brest ».
Vous serait-il possible, monsieur le secrétaire d'Etat, de nous faire parvenir, même plus tard, un état descriptif des affaires traitées par trois tribunaux, ceux de Brest, du Havre et de Marseille, retraçant le nombre de dossiers traités, l'immatriculation des navires concernés et les sanctions prononcées ?
Enfin, il faudrait évoquer la question de la plaisance. Mais je ne peux éviter de vous interroger sur la Société nationale de sauvetage en mer, la SNSM. J'ai été très frappé par l'observation formulée en commission des finances de l'Assemblée nationale à propos de la sous-évaluation annuelle, constatée depuis plusieurs années, des besoins réels de financement de la SNCM, qui joue pourtant un rôle essentiel pour la sécurité des plaisanciers.
Avant de conclure, monsieur le secrétaire d'Etat, je vous poserai deux questions.
La première concerne le lien entre la mer et la production d'énergie. La France n'a pas encore expérimenté, pour l'instant, les technologies utilisant l'énergie des courants et de la houle. L'Etat a cependant lancé un appel d'offres concernant la mise en chantier de centrales éoliennes marines. Pourriez-vous nous donner quelques informations sur les résultats de cet appel d'offres ?
La seconde question est liée au lancement récent du concept de « pôle de compétitivité ». La mer recèle bien des potentialités en matière de recherche et d'innovation. Peut-on envisager le dépôt de projets de pôles de compétitivité sur la thématique Mer ?
Monsieur le secrétaire d'Etat, j'ai suivi avec attention le récent colloque organisé par le Conseil économique et social, qui avait pour thème : « La mer, richesse exploitée ou richesse gâchée ? », et au cours duquel vous avez affirmé votre volonté de passer « de la richesse gâchée à la richesse créée ».
Ambition, volonté, lisibilité, continuité : nous nous retrouvons autour de principes communs. Mais une politique de la mer ne peut réussir que si les moyens financiers, matériels et humains sont au rendez-vous. Il n'y a pas de politique de la mer sans politique publique globale.
Une approche trop sectorielle, trop cloisonnée et des crédits publics trop modestes, vraiment, monsieur le secrétaire d'Etat, beaucoup de milles marins restent encore à parcourir avant de pouvoir parler d'une véritable politique de la mer dans notre pays ! Nous ne pouvons donc pas nous satisfaire de ce projet de budget qui ne vous permet pas, monsieur le secrétaire d'Etat, de prendre le bon cap que vous souhaiteriez atteindre. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. François Goulard, secrétaire d'Etat aux transports et à la mer. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, j'ai écouté avec beaucoup d'intérêt les différentes interventions, et notamment les exposés de MM. les rapporteurs. La tâche de celui qui s'exprime au nom du Gouvernement est singulièrement allégée quand les rapports des commissions sont d'une telle qualité !
Vous l'avez dit, mesdames, messieurs les sénateurs, les crédits de la section « Mer » sont en augmentation de 4,6 % par rapport à l'année précédente, et ce n'est pas le président Arthuis qui me démentira si je dis qu'on ne lit pas forcément une politique dans le taux d'augmentation ou de régression de ses crédits.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. C'est très bien dit !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Bien sûr !
M. François Goulard, secrétaire d'Etat. Nos priorités sont les suivantes.
La première priorité est une formation professionnelle maritime de qualité, tournée vers le professionnalisme : nous croyons en effet à l'essor des professions maritimes et nous tenons à ce que cette formation y prépare correctement.
La deuxième priorité, qui a été évoquée à plusieurs reprises, est l'aide à l'emploi maritime, dans le contexte de concurrence internationale extrêmement sévère que nous connaissons.
La troisième priorité est relative au maintien du soutien au régime social spécifique des gens de mer.
Enfin, quatrième priorité, l'accent est mis sur la sécurité maritime avec, pour objectif, de faire de notre pays le mieux-disant européen en la matière.
Permettez-moi, mesdames, messieurs les sénateurs, de reprendre plus en détail certaines de ces priorités.
Nous voulons une formation maritime de qualité. Très attachés au maintien des spécificités de la formation maritime, nous avons souhaité que les lycées maritimes restent rattachés au secrétariat d'Etat à la mer.
Les crédits de vacation augmentent sensiblement pour faire face principalement à un changement statutaire lié à une intégration dans le cadre de la fonction publique d'enseignants qui relevaient autrefois d'une association. Pendant une période de transition, il est nécessaire de pallier un certain manque de disponibilité de ces professeurs en augmentant le nombre des vacations.
Notre objectif est de pérenniser et de moderniser les lycées maritimes professionnels. Dans le même temps, les écoles de la marine marchande doivent évoluer dans un contexte de décentralisation, probablement dans le sens d'une spécialisation, en intégrant le besoin de formation continue.
Il est vrai que les carrières maritimes attirent moins qu'autrefois. Nous continuons à penser que le fait de disposer d'un système de formation maritime de très grande qualité est un atout pour notre pays, pour l'emploi maritime, comme pour le développement de la pêche et de la marine marchande.
S'agissant maintenant de l'emploi maritime, il existe un certain nombre de mécanismes d'aides à la marine marchande qui contribuent à aider ce secteur, soutenu d'ailleurs dans tous les pays développés, notamment pour compenser des coûts salariaux et des charges infiniment plus faibles que ceux que nous connaissons et qui jouent tout leur rôle dans la compétition internationale.
C'est ainsi que, d'une part, nous avons réduit les taux de cotisations ENIM pour les navires inscrits au registre des Terres australes et antarctiques françaises et que, d'autre part, nous remboursons à 100 % les contributions patronales ENIM et partiellement les cotisations d'allocations familiales et d'assurance chômage. Cette seconde action est inscrite dans ce projet de loi de finances au même niveau que dans le projet de loi de finances initiale pour 2004, soit 44 millions d'euros.
Notre objectif est de pérenniser ce système d'aides, aujourd'hui soumis aux aléas de la discussion budgétaire, qui pourrait être opportunément remplacé par un système d'exonérations très avantageux en termes de lisibilité pour les entreprises maritimes françaises.
Le GIE fiscal a été évoqué à plusieurs reprises, notamment par M. le rapporteur pour avis. Nous attendons les conclusions de la Commission qui a demandé à l'administration française des précisions sur ce dispositif.
Des aides spécifiques à la marine marchande et à l'investissement existent dans plusieurs pays européens. On imagine mal que le dispositif français soit fondamentalement remis en cause par les observations de la Commission. En tout état de cause, le Gouvernement a l'intention de maintenir un régime d'aides à l'investissement maritime, faute de quoi nous n'aurions tout simplement plus de navires neufs battant pavillon français.
J'en viens aux autoroutes de la mer, enjeu d'importance pour notre marine marchande.
A propos du transfert intermodal évoqué par MM. Revet et Trémel, nous avons l'intention de lancer un appel à projets, qui pourrait avoir lieu au cours du second semestre 2005.
D'une part, l'Europe a décidé d'y affecter des crédits. D'autre part, le comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire du 18 décembre 2003 a retenu les autoroutes de la mer parmi les grandes infrastructures de transport financées par des ressources spécialement affectées.
Nous avons des financements possibles. Il s'agit de détecter les bons projets, les projets économiquement viables qui, après une période d'amorçage, apporteront des possibilités de transfert modal qui déchargeront le transport routier sur notre réseau.
S'agissant de l'ENIM, c'est, vous l'avez dit, la majeure partie de la section « Mer », soit 822 millions d'euros, lui est attribuée. C'est l'occasion de rappeler que la décision a été prise - et réaffirmée - de maintenir un régime spécifique pour les gens de mer. Vous le savez, l'ENIM est le plus ancien régime de sécurité sociale français, le premier créé dans notre pays. Il n'est pas question de revenir sur les spécificités de ce régime.
Quant à la lisibilité budgétaire, monsieur Haut, nous aurons désormais, conformément à la nouvelle loi organique, deux programmes, celui du régime de protection sociale et le programme « sécurité maritime », gages d'une bonne lisibilité de notre politique maritime.
J'en viens à la sécurité maritime. La France renforce également le budget alloué à la sécurité et à la sûreté maritimes, qui s'élève à 46,6 millions d'euros, conformément à ses engagements internationaux.
Je citerai également l'accélération du plan de modernisation des équipements techniques, avec, en particulier, la couverture radar des CROSS de la Manche et l'amélioration de la qualification des personnels pour tirer les conséquences, en termes d'effectifs, de la fin du service national.
A l'heure où notre pays commence à se saisir de l'idée d'une Constitution européenne, je me dois de rappeler que l'Europe a joué un rôle moteur en matière de sécurité maritime pour les Etats de l'Union européenne. Elle a été le lieu adéquat pour l'édiction de réglementations qui, par essence, doivent s'appliquer à l'ensemble des Etats membres, tant il est vrai que les accidents maritimes peuvent concerner certains d'entre eux - la France, au premier chef-, pour des transports maritimes susceptibles d'en intéresser d'autres au sein de l'Union.
Après les défaillances de 1999 et de 2000 qui ont donné lieu à des condamnations de la France pour manquement à ses obligations communautaires, nous avons désormais des taux de contrôle supérieurs, et qui resteront supérieurs, aux exigences de la réglementation européenne.
De la même façon, nous avons de manière totalement satisfaisante assumé nos nouvelles obligations au titre cette fois de l'Etat du pavillon, avec l'entrée en vigueur, le 1er juillet 2004, du code ISPS. Nous sommes, là également, de bons élèves, dans le respect des règles de sûreté et de sécurité. Je crois que c'est pour nous un réel motif de satisfaction.
C'est d'ailleurs pour moi l'occasion de rendre hommage aux personnels concernés, des personnels de grande qualification qui nous assurent un degré de sécurité et de sûreté particulièrement élevé.
S'agissant des unités littorales des affaires maritimes, les ULAM, sachez, monsieur Haut, que, si les crédits diminuent, c'est tout simplement parce que le plan d'équipement, notamment avec l'acquisition du deuxième patrouilleur, le Themis, est aujourd'hui arrivé à son terme. Au surplus, ces unités bénéficient aujourd'hui des moyens de leur fonctionnement.
Là encore, la qualification des personnels est un facteur essentiel de l'efficacité de nos services qui, vous le savez, sont très largement occupés par la police des pêches.
Il a été beaucoup question des ports. Je crois pouvoir dire, avec M. le rapporteur pour avis, et sous le contrôle de Gilles de Robien, que l'amélioration de la compétitivité portuaire est une priorité de notre gouvernement, tant il est vrai que, au-delà des ports, c'est l'ensemble de la chaîne du transport qui est en jeu. Il est vrai que nous avions pris du retard en particulier pour ce qui est des dessertes ferroviaires et fluviales de nos grands ports. Or notre compétitivité et l'efficacité de nos ports en dépendent, sinon totalement, du moins dans une large mesure.
M. Charles Revet, rapporteur pour avis. Je pensais au Havre en particulier !
M. François Goulard, secrétaire d'Etat. En ce qui concerne Le Havre, monsieur le rapporteur pour avis, vous savez que le Gouvernement a retenu, en 2004 et pour 2005, la desserte Motteville-Montérolier-Buchy, à laquelle l'Etat participera à hauteur de 22 millions d'euros, ainsi que la desserte de Port 2000, avec environ 32 millions d'euros.
De la même façon et s'agissant de la réalisation du barreau de Saint-Georges au port de Dunkerque, l'Etat, pour 2005, inscrit des crédits à la section « Transports terrestres », crédits essentiels pour nos ports.
Mesdames, messieurs les sénateurs, oui, il y a eu du retard, oui il y a une volonté de le combler, parce que les ports sont un outil de développement économique absolument essentiel.
Le projet de Fos 2XL, au port de Marseille, est aussi éligible aux crédits de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France. Les crédits d'investissement consacrés aux ports maritimes connaissent, pour 2005, une forte augmentation, de 8,5 %, et atteignent 42,6 millions d'euros.
Je crois que ce sont là autant de motifs de satisfaction pour ceux qui savent - et vous êtes de ceux-là - l'importance des ports pour notre économie et pour nos régions.
Plusieurs questions m'ont été posées concernant la directive sur l'accès au marché des services portuaires, dont le contenu a considérablement changé par rapport au projet qui avait été repoussé par le Parlement européen.
Je dirai brièvement que ce texte introduit, pour les Etats, une obligation d'agrément des intervenants portuaires, ce qui doit être plutôt rassurant, et qu'il limite l'auto-assistance aux travaux à terre, alors que le projet de directive était au contraire centré sur l'auto-assistance à bord. C'est un changement considérable, et nous estimons, pour l'instant, que ce projet de directive mérite d'être examiné et de suivre son cours au sein des instances européennes.
On ne peut pas ne pas mentionner la décentralisation, qui est une priorité après le vote de la loi du 13 août 2004. Monsieur le rapporteur pour avis, vous avez parlé, à juste titre, du besoin de clarification en matière de police portuaire. L'ordonnance prévue l'intègre totalement en s'inspirant notamment des réflexions qui figurent dans votre rapport de l'année dernière et que vous avez renouvelées cette année. Nous avons notamment pris bonne note de la question, au demeurant très importante, du droit applicable aux sinistres dans les ports.
Madame Payet, vous soulignez la faiblesse de la marge en matière de sécurité maritime. Il s'agit en effet de services à effectifs relativement faibles, mais dont la qualité nous permet d'assumer aujourd'hui totalement nos responsabilités.
J'en viens aux contrats de plan portuaires, évoqués par M. Le Cam. Au regard de l'exécution, les ports sont plutôt bien situés, puisque, à la fin de 2004, le taux d'exécution est de 43 % au niveau national.
Ce taux n'est, certes, pas encore satisfaisant, mais le Gouvernement tiendra ses engagements et honorera sa signature. Nous rattraperons le retard dans l'exécution des contrats de plan, retard qui a commencé, permettez-moi de le rappeler, dès le début de ces contrats, c'est-à-dire dès l'année 2000.
Monsieur Le Cam, il est certain - et nous l'évoquions à propos des connexions ferroviaires - que le transport maritime est un mode particulièrement louable du point de vue environnemental. C'est la raison pour laquelle nous souhaitons le développer.
Vous avez évoqué la propriété des voies ferrées dans les enceintes portuaires. Il y avait, en effet, un vide juridique que nous nous employons à combler. Nous sommes en réflexion sur ce sujet. Un texte était nécessaire ; il sera rapidement publié.
Je reviens, après plusieurs d'entre vous, sur le registre international français. Vous avez approuvé la proposition de loi déposée par votre collègue M. de Richemont. Les milieux maritimes ont émis un certain nombre d'objections, faisant valoir notamment qu'il était nécessaire que ce texte fasse explicitement mention d'un objectif d'emploi maritime, alors que cet objectif n'est encore que sous-jacent dans la rédaction actuelle. Ce sera fait par voie d'amendement, au début de l'année prochaine, quand l'Assemblée nationale examinera le texte que vous avez adopté.
En entourant ce dispositif d'un certain nombre de garanties pour l'emploi maritime, nous avons la possibilité de disposer d'un outil nouveau pour relancer le développement de notre marine marchande. D'autres pays l'ont expérimenté avec succès ; il fallait que nous nous dotions d'un système équivalent, mais qui soit protecteur en matière sociale. Il l'est pour les marins non communautaires.
Cela a des incidences aussi en termes de sécurité maritime, puisque, dans la mesure où un navire bat pavillon français, il respecte l'ensemble des règles de sécurité édictées par notre pays, ce qui est une garantie forte.
C'est donc un texte utile, qui sera prochainement soumis aux députés.
Monsieur Trémel, dans le temps qui m'est imparti, je ne pourrai certainement pas répondre aux très nombreuses questions que vous avez posées.
En ce qui concerne les phares, nous partageons votre souci de protéger ce patrimoine, qui est en même temps un outil utile à la navigation. Je puis vous indiquer que les travaux du phare de Cordouan commenceront l'année prochaine. Quant à l'acquisition d'un baliseur neuf pour le Verdon, il n'est pas exclu que nous puissions conclure un marché dans le courant de l'année prochaine ; nous recherchons un matériel adapté aux besoins.
S'agissant du financement des coûts liés à l'entrée en vigueur du code ISPS, l'instauration d'une taxe de sûreté sur le transport de passagers se heurte à des obstacles qui ne sont pas minces, dans la mesure où des déséquilibres assez forts entre les charges et les recettes apparaîtraient pour les petits ports de passagers, qui se trouveraient pénalisés. C'est là un vrai problème, et il n'est pas exclu que nous choisissions de ne pas instaurer de taxe pour cette raison technique. Cependant, le dossier n'a pas encore fait l'objet d'une décision définitive.
En ce qui concerne les schémas de mise en valeur de la mer, celui d'Arcachon, qui fera suite à celui de l'étang de Thau, devrait être adopté très prochainement. Il a reçu un avis favorable du Conseil d'Etat, et le décret visant à l'approuver est à la signature.
Quant au schéma de mise en valeur de la mer du Trégor-Goëlo, qui vous tient particulièrement à coeur, monsieur Trémel, son élaboration est très avancée, puisque, là aussi, nous en sommes au stade de la prise d'un décret en Conseil d'Etat. Sachez que, dès que celui-ci aura été transmis aux administrations centrales, nous nous attacherons à ce que le schéma soit approuvé le plus rapidement possible. En tout état de cause, je peux d'ores et déjà vous dire que le travail préalable accompli par les instances locales est de très grande qualité.
Par ailleurs, l'Agence européenne de sécurité maritime est aujourd'hui installée et contrôle les inspections de navires dans de nombreux pays européens. Ainsi, un contrôle de notre propre centre de sécurité des navires de Marseille a été effectué.
Il est vrai, monsieur Trémel, que les crédits affectés à la SNSM, chère au coeur de tous les marins, ne sont pas très élevés. Cependant, ils font l'objet d'un traitement exceptionnel en ce qu'ils ne subissent pas de régulation budgétaire, ce qui est une bonne chose.
A cet égard, il faut souligner que tous les plaisanciers devraient avoir à coeur de verser une cotisation à la Société nationale de sauvetage en mer. C'est la pratique dans de grands pays maritimes, et nous pouvons souhaiter qu'un tel civisme maritime se développe en France.
En ce qui concerne les éoliennes, j'indiquerai que onze projets ont été déposés et sont aujourd'hui examinés par la Commission de régulation de l'électricité.
Enfin, les statistiques concernant le tribunal spécialisé dans les infractions maritimes de Brest vous seront bien entendu communiquées.
Telles sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les observations qu'appelaient de ma part vos intéressantes contributions au débat. Je remercie vivement les deux commissions de la qualité de leurs rapports, ainsi que de leur recommandation dans le sens de l'approbation des crédits. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
Mme la présidente. Je rappelle au Sénat que les crédits concernant la mer inscrits à la ligne « Equipement, transports, aménagement du territoire, tourisme et mer » seront mis aux voix aujourd'hui même, à la suite de l'examen des crédits affectés à l'aménagement du territoire.
État b
Titre III : moins 213 670 056 €.
Mme la présidente. Le vote sur les crédits figurant au titre III est réservé.
Titre IV : 48 468 979 €.
Mme la présidente. Le vote sur les crédits figurant au titre IV est réservé.
État c
Titre V. - Autorisations de programme : 1 726 814 000 € ;
Crédits de paiement : 972 258 000 €.
Mme la présidente. Le vote sur les crédits figurant au titre V est réservé.
Titre VI. - Autorisations de programme : 1 592 741 000 € ;
Crédits de paiement : 888 790 000 €.
Mme la présidente. Le vote sur les crédits figurant au titre VI est réservé.
Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant la mer.
La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Je voudrais souligner, à l'adresse de nos collègues, que le programme de nos travaux est tel pour cet après-midi et ce soir que nous devrions achever la discussion du dernier fascicule budgétaire, relatif à la jeunesse, aux sports et à la vie associative, vers quatre heures et demie, demain matin...
Par conséquent, tous les efforts de concision seront bienvenus. Il serait souhaitable, mes chers collègues, de n'exprimer que ce qui est original et constitue un apport véritablement nouveau au débat, afin que nous ne levions pas la séance à une heure trop avancée demain matin.
Je vous remercie par avance, mes chers collègues, des efforts que vous voudrez bien accomplir en ce sens.
Mme la présidente. Je m'associe à votre appel à la concision, monsieur le président de la commission des finances.
M. Charles Revet, rapporteur pour avis. Nous avons montré l'exemple !
Mme la présidente. Le Sénat va donc poursuivre dans cette voie exemplaire en continuant l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant l'équipement, les transports, l'aménagement du territoire, le tourisme et la mer.
II. - transports et sécurité routière
Aviation et aéronautique civiles
Budget annexe de l'aviation civile
Mme la présidente. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant l'équipement, les transports, l'aménagement du territoire, le tourisme et la mer : II. - Transports et sécurité routière : aviation et aéronautique civiles, budget annexe de l'aviation civile.
M. le rapporteur spécial étant momentanément retenu, je donne la parole à M. Yannick Texier, en remplacement de M. Jean-François Le Grand, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, pour l'aviation civile et le transport aérien.
M. Yannick Texier, en remplacement de M. Jean-François Le Grand, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan, pour l'aviation civile et le transport aérien. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, M. Jean-François Le Grand étant empêché, il m'a demandé de bien vouloir vous présenter le projet de budget de l'aviation civile et du transport aérien.
Je n'évoquerai pas longuement les crédits, que notre collègue Yvon Collin présentera tout à l'heure au nom de la commission des finances, me bornant, pour ma part, à insister sur quelques points.
Monsieur le ministre, le Gouvernement vient de présenter, à l'Assemblée nationale, un amendement au collectif budgétaire portant sur les redevances aériennes. La commission des affaires économiques du Sénat est pour la vérité des prix, et il est tout à fait justifié que les compagnies aériennes paient pour les services dont elles bénéficient.
De ce fait, monsieur le ministre, après la budgétisation du FIATA, le Fonds d'intervention pour les aéroports et le transport aérien, il me semble que la TAC, la taxe de l'aviation civile, n'a plus lieu d'être. Nous en reparlerons dans quelques jours, mais je voulais d'ores et déjà vous faire part de mon intérêt pour cette question, qui rejoint celle de la budgétisation du FIATA.
Concernant la conjoncture dans le secteur du transport aérien, après une année 2003 médiocre, 2004 devait être l'année du redressement. Le premier semestre a pu conforter ces anticipations, puisqu'il a été marqué par un véritable rattrapage. Toutefois, le renchérissement du coût du pétrole a un effet très négatif, et le bilan du second semestre devrait donc être nettement moins bon que celui du premier.
Plus généralement, la question est de savoir si l'évolution des charges d'exploitation des compagnies aériennes est soutenable. Nous avons eu, voilà un mois, un débat très intéressant sur les redevances aéroportuaires : il me semble que ces redevances, que leur produit revienne aux exploitants d'aérodromes ou aux services de navigation aérienne, doivent rester à des niveaux économiquement raisonnables.
Malgré ce contexte difficile, la situation d'Air France-KLM est bonne. Son chiffre d'affaires pour le premier semestre de 2004 marque une progression de plus de 9 %, pour atteindre 9,59 milliards d'euros. On ne peut donc que se féliciter de ce que le Gouvernement et le Parlement aient donné à l'entreprise les moyens de son développement.
Par ailleurs, les crédits inscrits au projet de budget annexe de l'aviation civile sont en augmentation de 2,9 % par rapport à 2004. Le BAAC est en effet fondé sur une prévision de progression modérée du trafic en 2005. On peut se féliciter de cette prudence. En même temps, j'ai bien conscience que plus l'estimation de l'évolution du trafic est prudente, plus les taux des taxes sont élevés, afin que puisse être atteint un objectif de produit déterminé.
Enfin, vous avez choisi, monsieur le ministre, d'intégrer les crédits du FIATA au budget général de l'Etat. Le Gouvernement a en effet considéré que la mission que constitue l'aménagement du territoire devait concerner l'ensemble de la collectivité nationale, et non les seuls usagers du transport aérien.
J'ai également entendu votre argument selon lequel le financement du FIATA par la taxe de l'aviation civile est source d'effets procycliques : quand le transport aérien va mal, la TAC baisse, alors même que les compagnies aériennes ont besoin de davantage de soutien.
J'entends bien tous ces arguments, monsieur le ministre, même si je regrette la perte d'un outil financier spécifique à une politique précise, si importante aux yeux de la commission des affaires économiques du Sénat, je veux parler du soutien aux dessertes aériennes régionales.
Bien entendu, je partage l'idée que l'aménagement du territoire, mission régalienne, doit être financé par l'ensemble de la collectivité, et non par les seuls usagers du transport aérien. Mai, dans ce cas, monsieur le ministre - nous y revenons ! -, pourquoi maintenir la TAC ? Il me semblerait souhaitable de poursuivre votre démarche jusqu'à son terme logique.
Je saisis l'occasion de ce débat pour vous demander, monsieur le ministre, quelques éléments d'information sur l'état d'avancement du dossier de l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes. Pouvez-vous nous dire comment évolue le calendrier de ce grand chantier, et nous préciser les modalités de la concertation mise en place ?
Afin de ne pas dépasser le temps de parole qui m'est imparti, je terminerai maintenant mon intervention en signalant que M. Jean-François Le Grand a consacré le volet thématique de son rapport pour avis à la question délicate de la formation des pilotes de ligne. La situation du marché du travail est, en effet, très difficile dans ce secteur professionnel, un nombre record de pilotes étant à la recherche d'un emploi. Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous indiquer quelles perspectives se dessinent dans ce domaine ?
En conclusion, je vous indique que la commission des affaires économiques du Sénat est favorable à l'adoption des crédits de l'aviation civile et du transport aérien.
Mme la présidente. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe Union pour un mouvement populaire, 19 minutes ;
Groupe socialiste, 11 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 5 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 5 minutes.
Je rappelle qu'en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Yves Krattinger.
M. Yves Krattinger. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, dans le climat de crise qu'il connaît depuis le 11 septembre 2001, le secteur des transports aériens poursuit sa mutation : cette année, on a assisté, notamment, au rapprochement entre Air France et KLM, à la liquidation d'Air Littoral, aux difficultés d'Alitalia et aux remous occasionnés par les arrivées et les départs mouvementés des compagnies low cost dans les aéroports.
Notre pays participe, plus ou moins efficacement, à ces évolutions, au travers du projet de loi relatif aux aéroports et, particulièrement, du changement de statut d'Aéroports de Paris, et par le biais de la loi de décentralisation, qui prévoit le transfert de nombreux aéroports aux collectivités territoriales ou à leurs groupements d'ici au 1er janvier 2007.
Dans ce contexte, la modification profonde de la présentation des crédits des transports aériens appelle toute l'attention de notre assemblée.
Jusqu'à présent, ces crédits étaient répartis entre trois supports : le BAAC, ou budget annexe de l'aviation civile, le FIATA et les crédits inscrits au budget général à la section « Transports », au titre du soutien à la recherche aéronautique.
La manière dont le Gouvernement met en oeuvre les dispositions de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances entraîne une modification majeure pour ce projet de budget. En effet, les crédits du transport aérien sont désormais regroupés selon trois missions : le budget annexe, la recherche et l'enseignement supérieur, le contrôle et l'exploitation aériens.
La difficulté de la lecture du budget et la difficulté du contrôle parlementaire vont de pair. C'est pourquoi je vous propose, mes chers collègues, de considérer plus particulièrement la décision de budgétiser les crédits du FIATA, qui avait jusqu'alors pour vocation de financer la mise en oeuvre de deux politiques, d'une part, les subventions d'investissement à certains aéroports et à des lignes jugées vitales pour le développement économique d'une région, d'autre part, la sécurité et la sûreté des aéroports.
Dans l'optique de l'introduction progressive des règles et principes posés par la loi organique relative aux lois de finances, le Gouvernement a décidé la suppression du FIATA à compter du 1er janvier 2005. Les crédits du budget général prendront alors le relais.
Cela soulève évidemment la question de la bonne affectation du produit de la taxe de l'aviation civile et de la taxe d'aéroport au financement des missions constituant la destination normale de celui-ci : sécurité, incendie, sauvetage et sûreté, aménagement du territoire.
Ainsi, le produit de la taxe de l'aviation civile étant affecté à hauteur de 65,6 % au BAAC, la quote-part qui était jusqu'à présent attribuée au FIATA et qui sera désormais versée au budget général s'élèvera à 34,4 %. Cette part correspond à un montant prévisionnel de 83,78 millions d'euros, soit une baisse de 31 % par rapport à 2004.
De fait, la mission du FIATA, qui est d'assurer une péréquation au profit des aéroports et pour le maintien des lignes dont l'équilibre budgétaire est précaire, sera désormais reprise au travers de l'action « régulation économique ». Je rappelle que cette péréquation et cette mission d'aménagement du territoire étaient la vocation principale du fonds lors de sa création.
Dans ces conditions, on peut s'étonner, sans contester son importance, que seul le secteur « sécurité et sûreté aéroportuaires » constitue une action à part entière dans votre projet de budget, monsieur le ministre.
Cela nous paraît d'autant plus regrettable que les crédits alloués à la péréquation et à l'aménagement du territoire connaîtront apparemment une baisse importante, à concurrence de 23 % par rapport à 2004, soit 21,5 millions d'euros au lieu de 28 millions d'euros l'an passé. Cette évolution, si elle devait être confirmée, serait particulièrement inquiétante.
Dorénavant, il s'agira d'isoler, au sein du budget général, ce qui sera dévolu aux anciennes missions du fonds. Les moyens budgétaires consacrés aux politiques qui étaient jusqu'alors financées par le FIATA seront imputés au futur programme « Transports aériens » du budget général.
De la même façon, la taxe d'aviation civile avait été relevée en 2004, pour créer une dotation de continuité territoriale destinée à favoriser les déplacements des résidents des collectivités d'outre-mer entre celles-ci et la métropole, conformément à l'article 60 de la loi de programme pour l'outre-mer, la LOPOM. Cela avait eu pour conséquence un élargissement du périmètre du FIATA, ressenti comme un poids fiscal supplémentaire par les usagers, et ce à un moment particulièrement inopportun pour les compagnies aériennes.
Malgré l'inscription de la politique de continuité territoriale au budget 2005 du ministère de l'outre-mer pour 31 millions d'euros, le taux unitaire de la TAC restera inchangé avec 4,48 euros par passager sur un vol intracommunautaire, et 7,60 euros par passager sur un vol extracommunautaire, ce qui ne manque pas d'étonner.
Devons-nous conclure de cette analyse que la budgétisation du FIATA ne simplifie pas le budget ni ne permet une meilleure lecture ou un contrôle plus efficace de la part du Parlement ?
L'article 21-1 de la loi organique relative aux lois de finances ne compromettait pourtant pas l'affectation de la TAC au Fonds d'intervention pour les aéroports et le transport aérien puisqu'il stipule : « Les comptes d'affectation spéciale retracent, dans les conditions prévues par une loi de finances, des opérations budgétaires »- par exemple, une péréquation entre aéroports - « financées au moyen de recettes particulières »- dans le cas présent, la taxe de l'aviation civile - « qui sont, par nature, en relation directe avec les dépenses concernées. » Cela semblait vraiment être le cas.
Cette budgétisation ne contribue donc pas, monsieur le ministre, à simplifier le contrôle. En revanche, elle permettrait apparemment à l'Etat de faire des économies. Il y aura moins de péréquation au profit des « petits » aéroports, dont les difficultés iront croissant. Il s'agit donc de la dégradation d'un instrument d'aménagement du territoire auquel nous sommes tous extrêmement attachés.
Avec la suppression du fonds affecté et 23 % de baisse des crédits de péréquation, les collectivités territoriales seront très rapidement appelées à contribuer davantage au maintien des aéroports de province. C'est pourquoi nous considérons aussi la budgétisation du FIATA comme une menace pour les finances des régions, des communes, des agglomérations et des départements.
Nous souhaitons que le Gouvernement rassure la Haute Assemblée sur ces questions essentielles.
Les évolutions importantes du cadre juridique, tant en droit communautaire, avec l'entrée en vigueur des règlements sur le « ciel unique », qu'en droit national, avec la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, et le projet de loi sur le changement de statut d'Aéroports de Paris, adopté par la majorité du Sénat le 9 novembre dernier, concourent aux bouleversements du secteur et attisent de nombreuses inquiétudes.
Enfin, si la reprise du trafic aérien est réelle, le secteur connaît encore de graves incertitudes, liées, par exemple, à la concurrence du TGV sur certains itinéraires ou à l'absence de stabilité des compagnies aériennes à coût réduit qui fragilisent les équilibres des aéroports de province en particulier.
II est clair que le budget présenté par le Gouvernement n'apaise pas l'ensemble des inquiétudes exprimées par le secteur des transports aériens, d'une part, et par les élus locaux prochainement sollicités, d'autre part. C'est pourquoi nous nous y opposerons. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Fouché.
M. Alain Fouché. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le transport aérien constitue un secteur économique stratégique - cela a été dit - dont l'évolution récente justifie l'optimisme prudent que traduisent les propositions budgétaires du Gouvernement pour 2005.
Je ne reviendrai pas, monsieur le ministre, sur les crédits. Ils ont été très bien commentés par nos collègues MM. les rapporteurs. Je voudrais simplement profiter de cette discussion budgétaire pour aborder l'avenir de l'aviation sportive et de loisirs dans notre pays.
En effet, définie par rapport à l'aviation commerciale, l'aviation sportive et de loisirs rassemble toutes les activités exercées à titre non professionnel avec des aéronefs de moins de 2,7 tonnes, quel qu'en soit le type : avions, hélicoptères, planeurs, ultra-légers motorisés, ballons, deltaplanes ou même modèles réduits téléguidés.
On compte en France, et c'est important, environ 2 500 aéro-clubs - il s'agit d'une densité très forte, par rapport à d'autres pays - rassemblant actuellement quelque 200 000 pratiquants. Autant dire que l'aviation sportive et de loisirs contribue tout autant à la formation des jeunes qu'à l'aménagement du territoire.
Et les résultats sportifs sont excellents. La France se situe, dans toutes les disciplines, au tout premier rang mondial. Trente-quatre médailles ont été remportées en 2003 aux championnats du monde et d'Europe, dans la quasi-totalité des disciplines : vol à voile, voltige, parachutisme, aéromodélisme.
Il n'en demeure pas moins que le secteur est en crise s'agissant, en particulier, de la construction aéronautique industrielle d'aéronefs légers qui connaît, en France, un véritable effondrement. Cela ne date d'ailleurs pas d'aujourd'hui. Il faut reconnaître que ces entreprises ont connu, au fil des années, un certain nombre de tracasseries administratives propres à la France.
Les contraintes administratives imposées aux usagers ainsi que les multiples entraves à la circulation des aéronefs ont conduit nombre d'adeptes à délaisser les disciplines traditionnelles telles que l'avion et le planeur, et les nouveaux venus à se porter vers l'ultra-léger motorisé et le vol libre.
Cette évolution, monsieur le ministre, n'aurait certes rien d'alarmant, si elle ne se produisait au détriment du pavillon français.
Il est un fait certain que la sécurité est toujours le premier argument invoqué par l'administration pour justifier l'édiction de nouvelles règles. Or, si le haut niveau de sécurité atteint par l'aviation civile correspond à la réalité pour le transport aérien commercial, la situation est plus contrastée s'agissant de l'aviation sportive et de loisirs. Avec 314 accidents et 80 morts en 2003, le niveau de sécurité ne s'améliore pas, en effet ! Pour l'avion, le nombre d'accidents et de tués est, depuis près de trente ans, en étroite corrélation avec celui des heures de vol. Et la diminution du nombre d'accidents constatée ces dernières années reflète seulement la baisse de l'activité.
Les statistiques des organisations internationales, bien que difficiles à exploiter, semblent indiquer que le nombre d'accidents en France est supérieur, à activité comparable, à celui qui est enregistré dans d'autres pays, tels que le Royaume-Uni et l'Allemagne.
Notre collègue Claude Belot a fait un excellent rapport qu'il conclut ainsi : « En trente ans, la réglementation s'est alourdie et complexifiée. Le nombre de personnels chargés de la sécurité de l'aviation légère a augmenté. Il n'en est résulté globalement aucun résultat positif ».
Dans ces conditions, monsieur le ministre, il est urgent de permettre aux pilotes de voler plus facilement, plus librement, en desserrant certaines des contraintes administratives actuelles, coûteuses et excessives, sans apport concomitant à la sécurité des vols.
Dès lors, les procédures de délivrance et de renouvellement des licences méritent d'être largement facilitées. Il en va de même du dépôt du plan de vol et de l'information des pilotes.
Force est de constater que personne ne peut sérieusement prétendre naviguer de Paris vers Strasbourg sans risquer une infraction ! Espaces impossibles et manque de fluidité dans le contrôle caractérisent notre pays. Seuls les vols sans visibilité sont considérés comme sérieux par les contrôleurs, contrairement à ce qui prévaut chez nos voisins allemands ou anglais, par exemple.
Une des solutions pourrait alors consister à faciliter l'accès des pilotes privés à la qualification de vol aux instruments.
En outre, les textes européens relatifs à la navigabilité et à l'entretien sont souvent interprétés de manière restrictive par les autorités françaises. Cette rigueur excessive, que tout le monde connaît et dénonce depuis des années, a pour conséquence immédiate la fuite vers des pavillons plus souples, pas seulement américains, mais allemands, anglais, grecs, belges ou luxembourgeois.
Par conséquent, il est essentiel de simplifier, dans toute la mesure du possible, l'exercice d'une activité aérienne tout comme l'espace aérien lui-même.
A titre d'exemple, il est difficilement compréhensible que la réglementation actuelle ne considère le GPS que comme un moyen secondaire d'aide au pilotage, alors que son apport à la sécurité et à la navigation est significatif pour le vol.
Aussi je vous remercie de nous dire, monsieur le ministre, quelles suites vous entendez donner aux propositions excellentes de notre collègue Claude Belot, selon quelles modalités et quel calendrier, pour que souffle enfin, sur l'aviation légère française, un vent de liberté ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Soulage.
M. Daniel Soulage. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, après une année 2002 marquée par les contrecoups des attentats du 11 septembre et un exercice 2003 qui a pâti de la guerre en Irak et de l'épidémie de pneumopathie atypique, 2004 devait être l'année du redressement pour le transport aérien. En effet, le trafic a progressé de quelque 10 % entre le premier semestre 2003 et le premier semestre 2004. Pour autant, la situation des compagnies ne s'est pas véritablement redressée.
Les compagnies aériennes attendaient un bénéfice d'au moins 4 milliards de dollars. Au lieu de cela, elles prévoient dorénavant un déficit d'un montant équivalent, car elles n'ont pas pu répercuter intégralement la hausse du prix du pétrole sur le prix du billet d'avion. Par exemple, Air France n'a pu le faire que dans la proportion de 40 %, soit une somme de 200 millions d'euros par rapport à un surcoût de 500 millions.
Parallèlement, les charges aéroportuaires ne cessent de s'alourdir. Aéroports de Paris, dont nous avons récemment voté le changement de statut, a proposé récemment un relèvement de 6 % pour chacune des années 2005, 2006 et 2007. En somme, les sociétés aériennes sont actuellement confrontées à un environnement financier dégradé.
J'en viens à un autre chamboulement du paysage aérien national : l'émergence des compagnies à bas coûts, qui sont les seules à avoir vu leurs résultats progresser en 2002 et 2003. Je tiens à souligner qu'il n'y a aucune compagnie française parmi elles. Air France, qui refuse de se doter d'une filiale de ce genre ne serait-elle pas bien avisée de revoir sa stratégie ? Après la condamnation d'une partie des aides accordées à Ryanair, quelles sont les perspectives de réglementation pour rétablir une concurrence plus saine ?
Si ces deux évolutions de fond posent le cadre général de l'évolution du budget annexe de l'aviation civile, il est un point sur lequel je souhaiterais revenir plus longuement. Cette année le Fonds d'intervention pour les aéroports et le transport aérien, le FIATA, est intégré au budget de l'aviation civile. Permettez-moi de regretter, comme Jean-François Le Grand, cette mesure dont nous n'avons pas compris la nécessité.
Ce fonds, financé depuis 1999 par une quote-part, déterminée chaque année en loi de finances initiale, de la taxe de l'aviation civile, avait notamment pour objectif de mettre en oeuvre une péréquation au profit des aéroports dont le trafic est fragile et de les aider à financer leur mission. Les subventions pour les lignes d'aménagement représentaient ainsi 28 millions d'euros en 2004.
Je voudrais également souligner que la budgétisation du FIATA entraîne des conséquences dommageables pour les dessertes de ces lignes d'aménagement du territoire. En effet, les articles 38 et 39 du projet de loi de finances pour 2005 organisent la clôture du FIATA. Or, en ce qui concerne l'exercice 2005, il est prévu une recette de 83,78 millions d'euros pour ce nouveau chapitre, contre 118 millions d'euros en 2004, soit une baisse de 31 %. De plus, les dépenses de ce chapitre consacrées aux subventions aux entreprises de transport, connaissent une baisse sensible de 23,21 %, passant de 28 millions d'euros en 2004 à 21,5 millions d'euros.
Je suis tout à fait conscient, monsieur le ministre, que l'année 2004 a été atypique, puisque cette ligne budgétaire était seulement de 16 millions d'euros en 2003. J'espère cependant que cette diminution ne remettra pas en cause les engagements qui ont été pris pour les lignes d'aménagement du territoire.
Je souhaite aborder plus spécialement le cas de la ligne Agen-Paris, ligne qui me tient particulièrement à coeur et qui ne fonctionne plus depuis le 17 février 2004, date de la faillite d'Air Littoral. Dernièrement et après beaucoup de recherches, car la concurrence est faible dans ce secteur, un contrat a été signé entre le syndicat mixte de l'aéroport départemental d'Agen, le SMAD, et la société portugaise Aero Condor, pour le redécollage - si je puis dire - de la ligne, prévu pour le 15 décembre. Or il semblerait que cette date ne puisse être maintenue. Cette ligne, structurellement déficitaire, était soutenue par le FIATA à hauteur de 77,5 %. Mais, avec la réforme prévue du FIATA, seulement 67,5 % du déficit pourraient être pris en charge. Avec l'application de ce nouveau taux de 67,5 %, le SMAD devrait alors débourser 200 000 euros supplémentaires, ce qui est une charge insupportable pour le département.
Je tiens à rappeler qu'Agen est loin de Toulouse et de Bordeaux, que les liaisons routières avec Paris sont très mauvaises et que la ligne à grande vitesse, selon les prévisions les plus optimistes, se profile seulement à l'horizon de 2025. Nous avons absolument besoin, monsieur le ministre, de ce désenclavement aérien. Pourriez-vous me confirmer le pourcentage de prise en charge du déficit par le FIATA ?
D'autre part, les lignes d'aménagement du territoire sont aujourd'hui confrontées au manque d'opérateurs. Une seule compagnie française est capable de répondre aux appels d'offres concernant un avion supérieur à trente places. Cette situation a pour conséquence une hausse des demandes de subventions supportées par l'Etat dans le cadre du FIATA. Quelles sont les dispositions et améliorations que compte décider le Gouvernement pour développer la concurrence indispensable parmi les opérateurs aériens ?
Je voudrais enfin aborder un dernier point, monsieur le ministre. Serait-il possible d'avoir quelques éclaircissements sur la situation d'Air Bourbon ? Son certificat de transporteur aérien a été suspendu vendredi dernier, ce qui signifie que la compagnie réunionnaise « ne peut ni effectuer, ni affréter de vol, ni vendre de titres de transport ».
Pourtant, dans la journée, la compagnie avait été placée en redressement judiciaire par le tribunal mixte de commerce de Saint-Denis pour une période de huit mois. Quelle évolution les Réunionnais et les passagers d'Air Bourbon peuvent-ils espérer ? Le certificat de transporteur aérien pourra-t-il être restitué à la compagnie ?
Monsieur le ministre, avec mes collègues de l'Union centriste, je voterai ce budget. Nous avons conscience de vos efforts et de votre travail en faveur du développement du transport aérien. La fusion avec KLM, qui fait d'Air France le premier transporteur aérien mondial, en est le meilleur exemple.
Depuis votre arrivée, vous avez permis aussi bien à Air France qu'à ADP ainsi qu'aux concessionnaires d'aéroports de s'adapter aux nouvelles exigences du transport aérien. Sachez que nous vous soutenons dans cette voie. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Billout.
M. Michel Billout. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, après avoir connu une crise majeure, à la suite des événements tragiques du 11 septembre, le secteur aérien, malgré des prévisions de croissance du trafic passager en hausse, demeure extrêmement fragile.
Aujourd'hui, les difficultés que rencontrent les compagnies aériennes sont encore renforcées par l'augmentation du prix du pétrole.
En outre, le développement des compagnies low cost soumet à une concurrence de plus en plus importante l'ensemble du secteur.
Je sais, monsieur le ministre, puisque vous nous l'avez déclaré ici même, que vous considérez ces compagnies comme le principal outil de démocratisation du transport aérien. D'autres pensent que ce type de concurrence ne touche pas directement les grandes compagnies aériennes, qui exploitent des créneaux différents.
Quant à moi, je crois qu'il faut rester prudent face à un mouvement qui n'en est qu'à ses débuts, et qui, quoi que l'on en dise, tire l'ensemble des coûts vers le bas.
A cela s'ajoute une exacerbation de la concurrence intermodale entre les compagnies aériennes et le rail, entre Air France et la SNCF, qui, à l'exemple de iDTGV, multiplie les offres concurrentielles susceptibles de capter des parts de marché au secteur aérien.
Nous sommes là, je le répète, dans une logique où c'est l'ensemble des coûts qui est tiré vers le bas.
Face à une concurrence qui porte essentiellement sur la rationalisation des coûts, il n'y a a priori aucune raison que les compagnies classiques demeurent à l'écart d'un tel mouvement. Celui-ci ne risque-t-il pas, à terme, de remettre en cause la qualité de notre service public et la sécurité même de nos avions ? En tout cas, il y a tout lieu de s'en inquiéter, d'autant que les compagnies low cost, parce qu'elles bénéficient souvent de subventions publiques ou parapubliques, exercent une concurrence déloyale vis-à-vis des compagnies aériennes classiques et les fragilisent fortement.
Monsieur le ministre, votre laisser-faire nuit à l'aménagement de notre territoire et renforce les déséquilibres de l'ensemble de la filière, aéroports compris, avec la tendance à la hausse de la redevance payée par les grandes compagnies.
Dans vos propres rangs, certains pensent que la concurrence exercée par les compagnies à bas coûts mériterait d'être réglementée. C'est le cas de Charles de Courson, rapporteur spécial à l'Assemblée nationale du budget des transports aériens, qui, le 15 novembre 2004, insistait sur la nécessité, après la condamnation d'une partie des aides accordées à Ryanair, de rétablir une concurrence plus saine entre les compagnies aériennes.
Je demeure perplexe face à ce concept de « saine concurrence », alors que c'est une véritable politique des transports qu'il faudrait mettre en place afin d'éviter la disparition de certaines de nos lignes régionales.
Notre collègue de Courson vous a d'ailleurs interpellé : « Dès l'année dernière, j'avais dit au Gouvernement qu'il ne pouvait persister dans sa passivité. Quelle sera sa politique en matière de respect des règles de concurrence à l'égard des low cost ? »
Il est urgent de réagir aux conséquences de l'explosion des compagnies à bas coûts. En pratiquant dans bien des cas le dumping social, déréglementant de fait les règles de notre droit du travail, en utilisant les aides des acteurs locaux, et en disparaissant au moindre problème, elles agissent en véritables prédateurs.
Le transport aérien occupe une place extrêmement importante en matière d'aménagement de notre territoire, de développement durable et d'emploi. Or, c'est précisément ce rôle qui risque d'être sacrifié par pur dogmatisme libéral. La privatisation d'Air France et sa fusion avec KLM en sont le signe le plus évident, car elles privent notre pays de cet instrument de maîtrise publique du secteur des transports.
Monsieur le ministre, pouvez-vous confirmer ou infirmer le projet d'une nouvelle cession du capital d'Air France de la part de l'Etat ? Certains médias annoncent une cession de plus de 18 %, ce qui serait un nouvel abandon de notre patrimoine national.
Ce budget ne répond pas aux défis d'un secteur encore très fragilisé par le contexte géopolitique actuel. Il est pour le moins décevant.
La dilution des crédits du FIATA dans le budget général est très regrettable, comme l'ont fait remarquer certains de mes collègues. La pérennité de ses crédits et son rôle en matière de péréquation au profit des aéroports, de l'équilibre des dessertes et, donc, in fine, de l'aménagement de notre territoire, ne sont-ils pas fortement compromis par une telle décision ?
Quelles garanties avons-nous que les missions financées par le produit des taxes de l'aviation civile et d'aéroports, comme celles qui sont relatives aux missions de sûreté, de contrôles environnementaux ou de lutte contre les incendies d'aéronefs, seront préservées ? Dans le cadre de la décentralisation, de la privatisation - du moins, de la première ouverture du capital d'ADP - et du changement de statut des grands aéroports régionaux, n'est-il pas question de transférer certaines missions de sûreté aux gestionnaires d'aéroports ?
Bref, sur fond de programme de privatisation des grands acteurs de ce secteur, de nombreuses questions demeurent, et elles ne cessent d'inquiéter les élus que nous sommes.
Parce qu'il refuse cette politique d'abandon des services publics, le groupe CRC votera contre ce budget. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Reiner.
M. Daniel Reiner. Monsieur le ministre, vous avez le mérite d'être cohérent !
M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer. Ah !
M. Daniel Reiner. Force est de constater que la faiblesse des crédits dévolus à l'aviation civile est presque proportionnelle aux efforts entrepris par le Gouvernement cette année pour désengager l'Etat du transport aérien.
A cet égard, je rappelle la loi entérinant le changement de statut de la société Air France, le projet de loi relatif aux aéroports, organisant le changement de statut d'Aéroports de Paris - vous connaissez notre opposition sur ce texte -, et la loi dite « de décentralisation », qui organise le transfert de très nombreux aéroports et aérodromes aux collectivités locales à l'horizon de 2007.
Cette attitude de l'Etat se traduit par l'abandon d'une politique volontariste d'aménagement du territoire.
Par exemple, sous couvert d'orthodoxie budgétaire, la re-budgétisation du FIATA pose la question de la bonne affectation des taxes de l'aviation civile et d'aéroports aux missions de sécurité et d'environnement auxquelles elles étaient normalement destinées.
De même, nombreux sont ceux qui ont vu leurs crédits de paiement baisser de manière très sensible cette année ; peut-être des crédits de report viendront-ils abonder cette ligne. Mais j'attends que vous infirmiez la baisse importante des crédits destinés au soutien des lignes déficitaires.
Je veux également souligner - c'est presque plus grave - la baisse, dans le budget général, des dotations à la recherche consacrées à la construction aéronautique civile. Selon les chiffres dont je dispose, les dotations passent de 61 millions d'euros à 51 millions d'euros, alors que ces subventions soutiennent des travaux destinés à préparer l'avenir : renforcer la sécurité et la sûreté des appareils, réduire leur impact sur l'environnement - sujet hautement sensible - et améliorer leur efficacité économique.
N'oublions pas non plus que la construction aéronautique, concentrée dans le sud-ouest de la France, participe pleinement à notre économie, en général, et à l'aménagement du territoire, en particulier. Elle mérite donc d'être soutenue.
Enfin, j'espère que le Gouvernement saura, comme nous l'y avons invité à plusieurs reprises au cours du débat sur le projet de loi relatif aux aéroports, limiter l'augmentation des redevances aéroportuaires. Le nécessaire financement des investissements des aéroports ne doit pas aboutir à étrangler des compagnies aériennes déjà mises à mal par la crise internationale et le cours du pétrole. Comme vous pouvez le constater, nous nous faisons les défenseurs des compagnies aériennes.
Je souhaiterais appeler plus particulièrement l'attention du Sénat sur l'ex-compagnie nationale Air France et sur les conséquences de la décentralisation.
En ce qui concerne Air France, je souhaite poser trois questions au Gouvernement, même si, depuis hier matin, j'en sais un peu plus par la presse sur la troisième.
Ma première question est d'ordre social.
Une disposition particulière de la loi relative à la réforme des retraites permet, sous certaines conditions - principalement le nombre d'années de cotisation -, le départ anticipé avant soixante ans pour les salariés ayant eu une carrière longue. Cette mesure permet la liquidation de la retraite de base ou des retraites complémentaires sans abattement.
Jusqu'au 1er janvier 1993, Air France disposait d'une caisse complémentaire autonome. Par conséquent, lors de l'adhésion au régime général des caisses complémentaires ARRCO et AGIRC, la caisse de retraite du personnel d'Air France, la CRAF, a cessé d'être une caisse complémentaire active. Son existence a pourtant été maintenue pour le versement des compléments de pension, sur la base des droits anciens.
Mais le règlement de la caisse ne prévoit pas le cas des départs anticipés avec versement de rente sans abattement. J'ai été sollicité par les organisations syndicales sur cette question, raison pour laquelle j'aimerais qu'elle reçoive aujourd'hui une réponse.
En effet, devant l'évolution récente de la législation sur les retraites, les organisations syndicales ont sollicité la direction d'Air France afin de faire modifier le règlement de la CRAF. Or il semble qu'aucune modification ne soit possible en vertu d'un arrêté ancien. Je tiens les documents à votre disposition, monsieur le ministre.
Il me semblerait donc justifié que vos services examinent ce point précis et proposent des dispositions réglementaires propres au moins à aligner le système de retraite d'Air France sur le système général, en permettant aux salariés les plus anciens de faire valoir leurs droits.
Deuxième question : après la création d'une filiale d'Air France, qui reprend le personnel, la loi dispose qu'une convention collective doit être négociée dans un délai de deux ans. Ce délai a commencé à courir le 6 mai dernier. Où en est cette négociation ? Nous avons cru comprendre qu'elle rencontrait quelques difficultés.
Enfin, monsieur le ministre, j'avais l'intention de vous demander, dans une troisième question, si l'Etat avait l'intention de céder de nouveau de ses participations au capital d'Air France. Depuis hier matin, je sais que 18 % seront mis sur le marché. Mais jusqu'où descendrez-vous ? Bien que ce ne soit écrit nulle part, il semblerait que le Gouvernement souhaite descendre la participation de l'Etat sous la barre des 20 %. Aujourd'hui, l'Etat ne détient plus guère que 25 %.
J'en viens à la décentralisation des aéroports régionaux.
La loi du 13 août 2004 prévoit le transfert aux collectivités territoriales de tous les aéroports appartenant à l'Etat, qui ne seront pas reconnus d'intérêt national au plus tard le 1er janvier 2007. Pour l'instant, il semblerait qu'il y en ait une douzaine.
Après un appel à candidature de ces collectivités, et au cas où un aéroport n'aurait pas trouvé preneur au 1er janvier 2006, le préfet devra désigner un bénéficiaire. Ce sera un exercice difficile ! Comment comptez-vous régler cette question ?
Je souhaite appeler votre attention sur les difficultés qui attendent ces collectivités au regard des pressions exercées par les compagnies à bas coûts.
Ces compagnies bénéficient de subventions publiques, et, devant cette concurrence, des compagnies traditionnelles finissent par abandonner des aéroports ou réduire leurs liaisons. Quand ces compagnies décident à leur tour de quitter l'aéroport, la situation devient critique.
A titre d'exemple, à Bergerac, la chambre de commerce et d'industrie, la CCI, a dû lancer une souscription publique pour financer les travaux d'agrandissement de l'aéroport exigés par l'une de ces compagnies que je ne citerai pas. Ce genre d'exemple n'est pas rare ! On le retrouve à Strasbourg, à Clermont-Ferrand ou à Bordeaux.
Les grands aéroports pourront, eux, résister à de telles pressions, mais les petits, qui seront désormais transférés aux collectivités locales, n'en auront pas les moyens. Le contribuable local, une fois de plus, est tout désigné pour en faire les frais.
Je voudrais particulièrement appeler votre attention sur le cas de l'aéroport de Beauvais.
Le conseil régional, le conseil général et la CCI souhaiteraient que Beauvais soit inclus dans le décret fixant la liste des aéroports, qui, en vertu du projet de loi que le Sénat a adopté récemment, pourront être classés parmi les aéroports régionaux d'intérêt national. A ce titre, ces aéroports ne seront pas transférés aux collectivités locales et pourront être administrés par des sociétés de gestion aéroportuaires.
Cet aéroport a vu son trafic passagers passer en quelques années de 200 000 à un million et demi de voyageurs. Reliant la Picardie, que vous connaissez bien, monsieur le ministre, à quinze destinations européennes, il est désormais au dixième rang des aéroports métropolitains, et même devant certains aéroports dont nous avons des raisons de penser, sans en avoir de confirmation officielle, qu'ils figureront sur la liste prévue par le projet de décret.
Il serait bon que cette liste soit établie dans une certaine transparence, comme je l'avais déjà demandé. Il n'y a pas d'évolution sur ce point, mais peut-être pourrez-vous nous répondre à propos de l'aéroport de Beauvais, ce qui nous donnerait une idée des critères retenus pour le choix de ceux qui verraient leur statut transformé.
Nous le disons une fois de plus, nous souhaitons maintenir une très forte présence publique dans le capital des sociétés de gestion aéroportuaires, conformément à l'engagement que vous avez pris.
Monsieur le ministre, comme vous l'a indiqué mon estimé collègue Yves Krattinger, ces multiples remises en question du système aéronautique français et l'insuffisance des crédits qui en découle ne nous permettront naturellement pas d'approuver votre budget ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Yvon Collin, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je vous prie tout d'abord de bien vouloir excuser mon retard, dû à des transports défaillants. Soyez néanmoins rassurés, il ne s'agissait pas de transport aérien. (Sourires.)
Trois ans après les attentats du 11 septembre 2001, le trafic aérien retrouve à peine le niveau qu'il avait atteint en 2000 ; c'est dire l'ampleur du sinistre et le coup d'arrêt extrêmement violent qu'il a constitué pour le secteur.
Certes, les premiers chiffres dont nous disposons pour l'année 2004 témoignent d'une reprise, mais celle-ci reste fragile. Le trafic en direction du Moyen-Orient, notamment, après une baisse de plus de 20 % à la même époque l'année dernière, retrouve des niveaux plus conformes à la réalité, sans que l'on puisse pour autant parler d'autre chose que de normalisation.
Cette situation critique est due à toutes les raisons que vous connaissez : le ralentissement économique généralisé, l'instabilité géopolitique globale, notamment. A ces raisons « logiques », si l'on peut dire, semble s'ajouter une composante psychologique forte, liée à la peur persistante des attentats.
En ce qui concerne plus spécifiquement le marché français, je voudrais revenir, d'une part, sur la constitution du groupe Air France - KLM et, d'autre part, sur l'expansion des compagnies low cost.
Ainsi, la loi du 26 juillet 2004 modifiant la loi du 9 avril 2003 relative aux entreprises de transport aérien et notamment à la société Air France a permis la constitution du premier groupe aérien mondial en termes de chiffre d'affaires, avec 19,2 milliards d'euros, et le quatrième pour les passagers transportés. Ce résultat est d'autant plus remarquable que beaucoup décrivaient Air France comme une compagnie « moribonde » il n'y a pas si longtemps, c'est-à-dire incapable de faire face à la concurrence des grandes compagnies européennes comme British Airways.
Aujourd'hui, les chiffres parlent d'eux-mêmes : parmi les vingt premières compagnies aériennes mondiales, huit présentent des résultats d'exploitation négatifs, dont six compagnies nord-américaines. Il faut maintenant laisser le temps au nouvel ensemble de résoudre les inévitables difficultés qui se poseront ; mais, je dois le dire, nous avons tout lieu d'être satisfaits, à la fois par « fierté nationale », si j'ose m'exprimer ainsi, mais également pour l'Europe, le nouveau groupe étant résolument européen.
J'en viens au développement des compagnies low cost qui constitue, il faut le reconnaître, une interrogation qu'il est difficile de trancher. Doit-on se réjouir de voir des destinations plus nombreuses proposées à des prix toujours plus bas, ou bien s'alarmer des conséquences sur la sécurité et sur la compagnie nationale ?
Sur ces points, mes chers collègues, il faut faire la part des choses : les compagnies low cost ont trouvé leur place sur le marché français, en hausse de 86 % en 2002 et de 50 % en 2003. On peut remarquer qu'elles desservent souvent des aéroports peu utilisés, ce qui est positif, et participent ainsi à l'aménagement du territoire.
De plus, et j'ai interrogé l'année dernière M. Spinetta sur ce sujet, elles ne posent pas de problèmes majeurs à la compagnie nationale généraliste, puisqu'elles s'adressent clairement à un autre type de clientèle, prêt à sacrifier un peu de confort et d'accessibilité.
En conséquence, ce développement semble somme toute positif et il convient peut-être de l'encourager.
J'interviendrai sur un troisième et dernier point concernant plus spécifiquement le marché français. Nous avons débattu le mois dernier du projet de loi relatif aux aéroports. Je tiens à saisir cette occasion pour remercier notre collègue Jean-François Le Grand du travail extrêmement approfondi et de très grande qualité qu'il a fourni sur ce sujet comme rapporteur de la commission saisie au fond ; notre collaboration a permis de parvenir, notamment sur l'épineuse question de la régulation, à des solutions somme toute équilibrées. En tout état de cause, cela montre la volonté du ministre d'aller de l'avant dans ce secteur.
J'en viens maintenant à l'analyse des crédits du transport aérien. Il était composé, en 2004, de trois « supports » : le budget annexe de l'aviation civile, le compte d'affectation spéciale « FIATA » et une partie consacrée aux crédits des programmes de recherche d'aéronautique civile.
Le budget de l'aviation civile est dépendant de l'évolution du trafic, son mode de financement par des redevances et des taxes impliquant une grande sensibilité à la conjoncture.
Je vous rappelle à ce propos que l'article 18 de la loi organique relative aux lois de finances imposera, à l'horizon 2006, une redéfinition des missions du budget annexe ; ces évolutions ne sont pas présentées dans le projet de loi de finances puisque la « préfiguration » de 2005 ne concerne pas les budgets annexes. Cela dit, les services de la direction générale de l'aviation civile ont bien avancé dans la définition des indicateurs.
La principale difficulté consiste de fait à séparer les activités d'intérêt général, qui seront « budgétisées » dans un programme « aviation civile », inscrit dans une mission « déplacement et transport » du ministère de l'équipement pour les actions régaliennes de la DGAC, et la partie « commerciale », qui restera dans le budget annexe. Il faudra donc, pour l'année prochaine, établir un système de redevance pertinent, et je crois savoir que la loi de finances rectificative pour 2004 sera l'occasion de régler ce point.
Pour le présent projet de loi de finances, la DGAC fait l'hypothèse d'une reprise modérée du trafic, ce qui semble raisonnable, avec une hausse des recettes de 2,5 %. Le projet de budget qui nous est soumis vise à concilier trois objectifs : ne pas faire peser sur les compagnies aériennes des charges excessives, poursuivre les investissements nécessaires pour assurer notamment la sécurité dans le transport aérien, et éviter de tomber dans un endettement massif, risque qui a été relevé par la Cour des comptes.
Si la situation du budget annexe n'appelle, pour cette année, aucune remarque particulière, il n'en est pas de même du fonds d'intervention pour les aéroports et le transport aérien, le FIATA.
En effet, les articles 38 et 39 du projet de loi de finances suppriment ce compte d'affectation spéciale. Il faut y voir une simplification et une clarification bienvenues. Cependant, des craintes pourraient être émises. Le fait de « budgétiser » les missions du FIATA, notamment la péréquation aérienne, ne fait-il pas planer le risque de voir les sommes afférentes réduites ? Sur ce point, il faudra être attentif aux évolutions des prochaines années. Cette politique est importante et la LOLF ne doit pas être l'occasion de réaliser ce type d'économies.
Vous noterez par ailleurs, et cela est d'un grand intérêt, que la politique de « continuité territoriale en outre-mer », qui avait rejoint le FIATA en 2004, pour 30 millions d'euros, disparaît du nouveau chapitre budgétaire qui reprend ses missions.
M. le rapporteur général s'était interrogé l'année dernière, lors de la discussion des articles du projet de loi de finances, sur la pertinence du financement d'une politique de ce type par une hausse de la taxe de l'aviation civile et de sa place dans un compte d'affectation spéciale où elle n'avait pas grand-chose à faire. Je souscris pleinement à ce diagnostic et je suis donc heureux de vous annoncer que c'est dorénavant le ministère de l'outre-mer qui gérera ces crédits.
Cela dit, le diable est dans les détails, et ils ne sont pas négligeables en la matière ! En effet, comme vous le savez, c'est la taxe de l'aviation civile qui finance le FIATA. A partir de 2005, une fraction de cette taxe sera versée au budget général, pour un montant correspondant aux missions assurées par le FIATA.
Or, si l'on regarde bien, les besoins pour l'ancien FIATA sont de 83,78 millions d'euros pour 2005 et le produit de la taxe d'environ 114 millions d'euros, soit 30 millions de plus, ce qui correspond exactement au montant de la continuité territoriale. (Sourires.) En conséquence, même si la règle de non-affectation interdit naturellement de tirer des conséquences hâtives, la continuité territoriale reste financée en partie par la taxe de l'aviation civile. Contrairement au souhait exprimé par M. le rapporteur général, la taxe ne devrait donc pas baisser en 2005.
De plus, se surajoutent à ce complexe édifice juridique des subtilités intervenues en cours d'année. Ainsi, vous vous rappelez que la continuité territoriale devait être en partie financée par une hausse de la redevance pour services terminaux en outre-mer de 75 %. Je rappelle à ce propos que, même avec cette hausse, cette redevance n'en est pas vraiment une, puisqu'elle ne couvre qu'imparfaitement les coûts. En cours d'année, il a été décidé « d'étaler » cette hausse pour la rendre plus supportable, soit une augmentation de 25 % par an.
En conséquence, on observe une perte de recettes pour le budget annexe. Dès lors, un décret d'avance de 12 millions d'euros pour la continuité territoriale a été pris en cours d'année et un article de loi de finances rectificative attribue a posteriori au budget annexe une fraction plus importante de la taxe de l'aviation civile afin de compenser ces pertes de recettes.
Comme vous pouvez le constater, monsieur le ministre, mes chers collègues, tout cela est fort simple ! Il serait en conséquence bienvenu que M. le ministre veuille bien nous apporter des éclaircissements sur ce point.
Enfin, en ce qui concerne les crédits de la construction aéronautique, le système est conçu autour d'avances remboursables versées aux industriels de l'aéronautique, notamment Airbus, afin de financer des projets de développement lourds, comme celui de l'Airbus A380, pour environ 160 millions d'euros.
En conclusion, madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, sur l'ensemble des crédits, je note les efforts engagés par la DGAC afin de contenir son endettement sans nuire à ses missions traditionnelles, le niveau modéré de la progression des crédits et les estimations réalistes de la reprise du trafic.
Il serait cependant souhaitable que M. le ministre nous précise son opinion sur le devenir des missions du FIATA et nous donne des éclaircissements sur ce qui est envisagé dans le collectif pour redéfinir le système des redevances du budget annexe.
Je voudrais enfin féliciter M. le ministre et l'ensemble des services de la DGAC pour la très grande qualité de leurs réponses aux questionnaires budgétaires, pour la rapidité avec laquelle ils nous ont transmis ces réponses et, d'une manière générale, pour leur totale disponibilité et leur grand professionnalisme. Et ce ne sont pas mes collègues de la commission des finances qui me démentiront.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C'est en effet tout à fait remarquable et exemplaire !
M. Yvon Collin, rapporteur spécial. Il nous arrive souvent, à cette tribune, de formuler des remarques plutôt négatives sur ces points, et je suis heureux de pouvoir décerner une forme de « prix d'excellence » à la DGAC ! (M. le président de la commission des finances applaudit.) Le travail du Parlement s'en trouve fortement amélioré.
Je remercierai pour conclure M. Yannick Texier, qui a remplacé excellemment M. Jean-François Le Grand, et féliciterai le président de la commission des finances, M. Jean Arthuis, pour la qualité du travail que nous réalisons au sein de la commission des finances et l'excellent esprit qu'il y fait régner. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer. Monsieur le rapporteur spécial, je suis heureux de monter à cette tribune, alors que vous venez de tresser des couronnes de laurier à mes services, en particulier à la DGAC. Ces éloges sont mérités et, bien entendu, je les transmettrai à qui de droit.
Je tiens, en retour, à saluer le formidable travail que vous avez réalisé en tant que rapporteur. Cette semaine a été très marquée par l'actualité aéronautique, vous le savez, et nous allons essayer, avec François Goulard, de répondre à vos questions dans le temps qui nous est imparti en intégrant, si vous le voulez bien, quelques éléments de cette actualité.
J'insisterai d'abord sur la construction aéronautique, qui est au coeur de l'actualité. Les signes annonciateurs d'une reprise mondiale se multiplient, malgré les cours élevés du pétrole et la fragilité de plusieurs compagnies étrangères ou françaises ; l'augmentation du trafic en 2004 et les excellents résultats d'Air France - KLM sont la manifestation de cette reprise.
En matière de construction aéronautique, les entreprises françaises enregistrent d'excellentes performances, de même que les entreprises européennes installées en France, en particulier Airbus. En 2003 déjà, pour la première fois de son histoire, Airbus a réussi à faire au moins jeu égal avec son concurrent américain. Ces résultats confortent l'entreprise, évidemment, mais aussi la politique du Gouvernement à l'égard de ce secteur industriel.
Actuellement, vous le savez, la construction aéronautique civile génère un chiffre d'affaires de près de 15 milliards d'euros, dont près de 16 % sont consacrés à la recherche et au développement. Le secteur aéronautique et spatial emploie directement 100 000 personnes, dont 60 % d'ingénieurs ou de techniciens très qualifiés. Cette haute technicité et ce fonctionnement en réseau sont deux de nos meilleurs atouts pour créer et conforter des emplois de haut niveau en France.
Le projet de loi de finances pour 2005 traduit de nouveau la volonté du Gouvernement de maintenir au meilleur niveau les budgets consacrés à cette politique de soutien à l'innovation. Il prévoit, comme les années précédentes, des moyens pour aider les actions de recherche et le développement de produits, qu'il s'agisse d'avions, de moteurs ou d'équipements ; 64 millions d'euros sont destinés à la recherche et aux études.
Ces travaux visent à préparer l'avenir en favorisant les innovations technologiques, notamment pour renforcer l'efficacité économique et la productivité des aéronefs, pour améliorer toujours leur sécurité et leur sûreté et, naturellement, pour réduire l'impact de l'exploitation sur l'environnement.
En aval, 196 millions d'euros sont destinés au développement, et les moyens de 2005 se situent dans la continuité des actions déjà initiées. Et d'autres projets voient le jour, comme le projet franco-russe associant la société Sukhoi, qui développe le RJJ, le jet régional russe, au motoriste russe NPO Saturn ainsi qu'à la SNECMA, qui assureront la motorisation.
Le séminaire, très constructif, que nous avons tenu ce matin avec M. Raffarin et des membres du gouvernement russe, a permis de confirmer l'attachement des deux Etats à ce projet et, notamment, leur intention de lui apporter un soutien financier. Cette décision est évidemment trop récente pour que ses conséquences soient inscrites dans le projet de loi de finances. En revanche, je vous indique dès à présent, comme je l'ai annoncé ce matin devant le Premier ministre russe, qu'un plan pluriannuel d'avance remboursable est prévu en faveur de la SNECMA à hauteur de 140 millions d'euros. Cela répond peut-être à l'une des préoccupations exprimées par M. Reiner.
Concernant la fusion d'Air France et de KLM, je vous avais fait savoir, monsieur Billout, lors de la présentation du projet de loi modifiant la loi relative aux entreprises de transport aérien et notamment Air France, que le but du Gouvernement était de permettre cette fusion, créatrice de valeurs et d'emplois, dont l'une des conditions était une réduction de la part de l'Etat dans le capital de l'entreprise.
La fusion a conduit mécaniquement à la privatisation et la réduction de notre part est en cours. A la fin de cette semaine, l'Etat devrait détenir environ 26 % des parts et ensuite - comme cela a été voté au Sénat - les dispositions en faveur des salariés seront mises en oeuvre. Il s'agit, vous le savez bien, de l'offre réservée aux salariés, l'ORS, et de l'échange salaire contre actions qui est proposé, cette fois, à tous les salariés. Auparavant, je vous le rappelle, lorsque le capital d'Air France avait été ouvert, les actions n'avaient pas été réservées à l'ensemble des salariés. C'est donc un vrai progrès social dont cette majorité peut être fière.
A l'issue de ces deux opérations, la participation de l'Etat devrait effectivement avoisiner 20 %.
C'est parce que nous avons fait voter cette loi l'année dernière, pour faciliter l'élargissement, l'ouverture du capital, puis la privatisation d'Air France, que la fusion a pu avoir lieu. Sans cette loi, qui était la confirmation de la volonté du Gouvernement de privatiser, c'est-à-dire passer en dessous des 50 % de participation, jamais Air France n'aurait pu espérer cet accord avec KLM. KLM a osé s'associer avec Air France parce que cette dernière n'était plus, potentiellement, une entreprise étatique. Voyez combien elle est utile, cette formidable liberté donnée aux entreprises ! Cela a créé une véritable synergie et ce groupe est maintenant l'une des premières sinon la première entreprise de transport aérien au monde ! La majorité peut être fière d'avoir su voter les textes qu'il fallait à ce moment-là.
A l'issue de ces opérations, l'Etat détiendra 20 % des parts. Cette fusion est un succès. Les synergies sont importantes, plus importantes encore que prévues. Le groupe est en pleine croissance. J'ai rencontré les deux présidents mercredi soir et je vous assure qu'ils faisaient plaisir à entendre quand ils commentaient leurs premiers succès, bien sûr, mais aussi quand ils disaient leurs espérances dans un environnement aérien on ne peut plus morose.
Cette fusion a permis d'améliorer l'offre aux clients en conjuguant les facilités offertes par les deux réseaux, grâce aux lois votées par la majorité. Nous avons construit, comme l'a très bien souligné M. le rapporteur spécial, un géant mondial qui a résisté à la conjoncture, à la différence de beaucoup d'autres compagnies. Et ce géant continue à créer de la valeur, ce géant continue à créer des emplois et il contribue à l'attractivité et au rayonnement de la France et de l'Europe.
Rassurez-vous, monsieur Krattinger, le projet de loi sur les aéroports vise, dans le même esprit, à adapter notre outil à ces évolutions et aux nouvelles attentes des clients. Vous le voyez, ce n'est pas un bouleversement pour Aéroports de Paris, c'est une adaptation indispensable, en particulier pour favoriser les investissements.
J'ajoute que, dans ce cadre, le Gouvernement a inscrit dans le projet de loi, déjà voté au Sénat, que l'Etat restera majoritaire dans ADP. Donc, si le projet de loi est voté à l'Assemblée nationale dans les mêmes termes, l'Etat restera le principal actionnaire d'ADP...
M. Daniel Reiner. Jusqu'à quand ?
M. Gilles de Robien, ministre. Jusqu'à ce qu'une autre loi soit votée, monsieur le sénateur ! Et un républicain tel que vous ne saurait s'étonner que la loi fasse autorité en ce domaine. Il n'est pas dit d'ailleurs, que, si un jour la majorité basculait à gauche - le plus tard possible, espérons-le ! -, vous ne seriez pas le premier, sous la force des événements et la contrainte de la réalité, à faire voter cette loi ! (Sourires sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.) Vous en avez fait adopter bien d'autres, et dans le même esprit, d'ailleurs, mais en vous cachant et sans vous en vanter, ...
Mme Nicole Bricq. Nous ne nous en sommes pas cachés !
M. Gilles de Robien, ministre. ...alors, aujourd'hui, vous ne manquez pas d'audace de venir nous reprocher cette adaptation !
Concernant l'aviation civile, l'évolution rapide du secteur, les orientations communautaires et la loi organique relative aux lois de finances nous ont conduits à engager une vaste réorganisation de la DGAC qui sera mise en place en 2005. Pour les structures, on distinguera clairement les fonctions d'opérateur de celle de contrôle et de régulation.
Sur le financement, le FIATA est budgétisé dans le présent projet de loi de finances et nous vous proposerons, en loi de finances rectificative, de financer les prestations de contrôle technique par des redevances versées au budget annexe plutôt que par la taxe actuelle.
Cette évolution, prévue en loi de finances rectificative, s'inscrit dans une logique de vérité des prix, comme a très bien su le dire M. Texier. Elle s'accompagnera d'une baisse de la taxe de l'aviation civile.
Par ailleurs, dans le domaine de la sécurité, de la qualité et de la transparence, le label sera opérationnel en 2005. D'autres initiatives ont également porté leurs fruits au niveau européen pour multiplier et coordonner des contrôles inopinés des avions de tous les pays. Nous avons enregistré des progrès au niveau international, en particulier en actant le principe de la diffusion à tous les Etats des audits détaillés réalisés par l'Organisation de l'aviation civile internationale, l'OACI. C'est un grand progrès.
En matière de sûreté, nous maintenons les efforts, mais nous allons pouvoir baisser le taux de la taxe correspondante à Paris en 2005. Outre la stabilité des redevances de contrôle aérien, cette baisse devrait aller dans le bon sens pour un secteur qui reste fragile.
Monsieur Billout, vous craignez les compagnies à bas coûts, vous craignez la démocratisation du transport. Mais en fait, vous craignez peut-être la démocratisation tout court ! (Rires sur les travées de l'UMP.) Rassurez-vous. Vous redoutez que ces compagnies ne mettent en péril la sécurité et les grandes entreprises du transport aérien. Je ne partage évidemment pas du tout votre analyse et j'épouse plutôt l'avis de M. le rapporteur spécial.
Je vous donne deux exemples. Les plus grandes compagnies à bas coûts sont celles qui ont les flottes les plus modernes, CQFD ! Et je voudrais vous rappeler que, sur le trajet Paris-Marseille, c'est la SNCF qui a chassé les compagnies à bas coûts. Il n'y a donc pas de vérité unique dans ce domaine et la SNCF sait aussi être compétitive.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Grâce aux subventions de l'Etat !
M. Gilles de Robien, ministre. Vous avez raison, la SNCF a bénéficié de fonds de l'Etat, monsieur le président de la commission des finances, mais on ne peut pas dire qu'Air France n'en a jamais reçu de son côté ! Si Air France se porte bien, c'est parce que la majorité actuelle lui a autorisé une recapitalisation qui lui a permis de « re-décoller » sur de bonnes bases.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Ce n'est pas demain la veille que nous saurons à combien se montaient ces sommes...
M. Gilles de Robien, ministre. Un mot enfin sur la décentralisation des aéroports. M. Reiner craint que les aéroports aient moins de moyens demain. L'Etat ne les a jamais financés, contrairement aux collectivités. C'est un constat. Dans ces conditions, il me semble juste que, dans chaque région, le préfet recherche les collectivités qui, déjà mobilisées pour ces outils d'aménagement, souhaitent devenir concédantes demain.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie de vos questions et laisse à François Goulard le soin de vous apporter d'autres réponses. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. François Goulard, secrétaire d'Etat aux transports et à la mer. Mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais apporter quelques précisions complémentaires à celles que vous a déjà communiquées M. Gilles de Robien.
A propos du FIATA, permettez-moi quelques rappels. Créé en 1995, le FIATA succédait à un fonds de péréquation pour le transport aérien. Il est financé, vous le savez, par une quote-part de la taxe de l'aviation civile, soit 106 millions d'euros en 2004.
Il finance deux politiques distinctes : d'une part, les dessertes aériennes dans l'intérêt de l'aménagement du territoire pour celles d'entre elles qui sont structurellement déficitaires ; d'autre part, la politique en matière de sécurité, de sûreté en faveur des petits et moyens aéroports, par une politique de péréquation. S'y est ajouté, cette année, en loi de finances initiale pour 2004, le financement de la continuité territoriale en outre-mer pour 30 millions d'euros.
La budgétisation du FIATA est née de la volonté de supprimer des comptes d'affectation spéciale, dans la perspective d'entrée en vigueur de la nouvelle organisation financière de l'Etat. Elle est prévue par les articles 39 et 40 du projet de loi de finances rectificative pour 2005. La politique de continuité territoriale pour l'outre-mer sera également imputée sur le budget général, précisément sur le budget de l'outre-mer en 2005.
Ce soir, nous voulons vous dire de manière très claire que les missions précédemment dévolues au FIATA, et financées par ce compte d'affectation spéciale, ne deviennent pas, pour autant, caduques. Elles seront financées directement par le budget général des transports, pour une part, et par le budget de l'outre-mer, pour l'autre.
Pour les deux premières missions du FIATA, c'est-à-dire l'intervention pour les dessertes aériennes et la politique de sûreté et de sécurité sur les aéroports, 83,78 millions d'euros ont été attribués. Il convient d'y ajouter les 31 millions d'euros pour la continuité territoriale en 2005. Contrairement à ce que nous avons entendu tout à l'heure, cela signifie que les montants consacrés à ces politiques d'aménagement du territoire au sens large et de desserte de l'outre-mer ne diminuent pas. Je fais le calcul devant vous : 83,78 millions d'euros plus 31 millions d'euros font 114,78 millions d'euros, soit un montant supérieur à celui qui est affecté aux mêmes politiques cette année, c'est-à-dire 106 millions d'euros. Nous constatons donc une progression des crédits pour ce budget, une fois les redressements effectués en raison des changements d'affectation.
Bien sûr, rien n'échappe à un rapporteur subtil et M. Collin a remarqué qu'il y avait coïncidence d'affectation de la TAC au budget général et du total que je viens d'obtenir à l'instant. Pour le FIATA, il y a donc un changement de présentation, mais aucune rupture dans la politique conduite.
Gilles de Robien l'a évoqué à l'instant, nous avons aussi de bonnes nouvelles concernant les recettes, puisque les taux sont inchangés pour la taxe de l'aviation civile - 4,48 euros pour les vols intracommunautaires et 7,60 euros pour les passagers extracommunautaires - ; la taxe à la tonne pour le fret est, elle aussi, inchangée et nous aurons, en 2005, une baisse de 1,61 % de la redevance de route, et de 1,54 % de la redevance pour services terminaux de la circulation aérienne pour les redevances d'approche. Autrement dit, le coût de la navigation aérienne est diminué cette année.
Monsieur Texier, vous avez remplacé avec brio l'extraordinaire connaisseur du monde aérien qu'est Jean-François Le Grand et je voudrais vous apporter quelques précisions sur le grand projet aéroportuaire de l'ouest de la France, je veux dire Notre-Dame-des Landes. Le débat public a eu lieu en 2003 et le calendrier annoncé sera tenu : les travaux débuteront en 2008 pour un achèvement au début de l'année 2012.
Ce projet majeur a été confirmé et il sera réalisé de manière concomitante, en quelque sorte, avec l'autre projet d'infrastructure de transport pour l'ouest de la France, à savoir la ligne à grande vitesse Bretagne. Le rapprochement des deux projets n'est pas innocent tant il est vrai que les deux régions, Bretagne et Pays-de-la-Loire, ont été d'accord pour appuyer ces deux grands dossiers de leurs efforts communs.
Je voulais dire également à M. Fouché que le rapport remis par M. Belot au Premier ministre a retenu toute l'attention du Gouvernement. En effet, l'aviation légère est une force de notre pays : avec 200 000 pratiquants, elle permet à des sportifs de très haut niveau d'exceller dans toutes les disciplines. Le Premier ministre a trouvé les conclusions du rapport de M. Belot particulièrement pertinentes et il a demandé que les ministres concernés fassent une communication en conseil des ministres au cours du premier semestre 2005, de telle sorte que nous puissions examiner attentivement toutes les propositions d'ordre très pratique contenues dans ce rapport.
Monsieur Soulage, la participation de l'Etat à la ligne Agen-Paris sera bien maintenue à 77,5 % dans la limite, comme le veulent les règles du FIATA, de 50 % des recettes commerciales. Nous souhaitons vivement - et, selon toute probabilité, ce sera le cas après la signature d'une nouvelle convention par la DGAC - que les vols entre Agen et Paris reprennent avant le 31 décembre de cette année.
J'en viens à la compagnie aérienne Air Bourbon ; sa situation est dramatique, chacun en a bien conscience. Malheureusement, sa liquidation a été prononcée mercredi dernier ; il n'y a donc plus d'espoir pour cette compagnie qui avait fort peu d'actifs, comme vous le savez.
Il s'agit aujourd'hui d'organiser une cellule de reclassement pour les personnels concernés. L'Etat et les collectivités territoriales ont assisté les clients, qui étaient désemparés, en assurant leur transport vers la métropole et en leur accordant une aide financière destinée à compenser les dépenses liées à l'achat d'un nouveau billet.
Nous comptons demander au Conseil national des clients aériens une réflexion sur les mécanismes d'assurance et de garantie, afin d'éviter que de telles catastrophes - hélas ! trop courantes dans le domaine aérien - ne se multiplient. Car les faillites ont touché des compagnies aussi bien françaises qu'étrangères. Il est important que, dans de pareilles circonstances, les clients soient mieux protégés qu'ils ne le sont aujourd'hui.
Monsieur Reiner, vous parlez de désengagement de l'Etat. Permettez-moi de vous dire que le budget de l'aviation civile augmente cette année de 5,8 %, avec un total de crédits de 1 546 millions d'euros, et qu'il est prévu la création de 215 emplois pour le contrôle de la navigation aérienne. C'est dire si nous nous préoccupons de sujets aussi sensibles et sérieux que la sécurité dans le domaine aérien !
Comme l'a rappelé Gilles de Robien, l'Etat reste majoritaire dans le capital d'ADP et dans les sociétés aéroportuaires. Il manifeste donc une réelle préoccupation pour la bonne marche du secteur aérien, même s'il envisage des adaptations - c'est également chose courante dans ce secteur d'activités important - tenant compte des réalités économiques internationales.
Concernant l'aéroport de Beauvais, nous pouvons vous indiquer que le décret fixant la liste des aéroports d'intérêt national n'est pas aujourd'hui paru mais qu'il est en voie de finalisation.
Tout en étant importants, certains aéroports présentent, vous l'avez dit, des caractéristiques particulières. L'aéroport de Beauvais, par exemple, est voué, pour l'essentiel, aux compagnies à bas coûts. Nous avons donc souhaité, avant de prendre une décision définitive, établir un contact avec les collectivités locales pour connaître leur point de vue.
Telles sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les quelques précisions que je voulais vous apporter. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. Je rappelle au Sénat que les crédits concernant l'aviation et l'aéronautique civiles, inscrits à la ligne « Equipement, transports, aménagement du territoire, tourisme et mer », seront mis aux voix aujourd'hui même, à la suite de l'examen des crédits affectés à l'aménagement du territoire.
État B
Titre III : moins 213 670 056 €.
Mme la présidente. Le vote sur les crédits figurant au titre III est réservé.
Titre IV : 48 468 979 €.
Mme la présidente. Le vote sur les crédits figurant au titre IV est réservé.
État C
Titre V. -Autorisations de programme:1 726 814 000 € ;
Crédits de paiement : 972 258 000 €.
Mme la présidente. Le vote sur les crédits figurant au titre V est réservé.
Titre VI. - Autorisations de programme : 1 592 741 000 € ;
Crédits de paiement : 888 790 000 €.
Mme la présidente. Le vote sur les crédits figurant au titre VI est réservé.
Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant le budget annexe de l'aviation civile et figurant aux articles 50 et 51.
Services votés
Crédits : 1 413 350 110 €.
Mme la présidente. Je mets aux voix les crédits ouverts à l'article 50, au titre des services votés.
(Ces crédits sont adoptés.)
Mesures nouvelles
I. - Autorisations de programme : 272 967 000 €.
II. - Crédits : 143 231 245 €.
Mme la présidente. Je mets aux voix les crédits inscrits à l'article 51, au titre des mesures nouvelles.
(Ces crédits sont adoptés.)
Mme la présidente. J'appelle en discussion l'article 73 octies, qui est rattaché pour son examen aux crédits affectés à l'aviation et à l'aéronautique civiles.
Equipement, transports, aménagement du territoire, tourisme et mer
II. - Transports et sécurité routière
Article 73 octies
I. - L'article 6-1 de la loi n° 89-1007 du 31 décembre 1989 relative au corps des ingénieurs du contrôle de la navigation aérienne est ainsi modifié :
1° Dans la première phrase du premier alinéa, après les mots : « cessation d'activité », sont insérés les mots : « ou pendant une durée de treize ans pour ceux d'entre eux radiés dans ces conditions à compter du 1er janvier 2004 » ;
2° La même phrase est complétée par les mots : « ou, pour ceux d'entre eux qui la perçoivent, pendant treize ans à 108 % du montant de l'indemnité spéciale de qualification pendant les huit premières années puis 54 % de cette même indemnité pendant les cinq dernières années » ;
3° Dans la dernière phrase du premier alinéa, les mots : « au deuxième alinéa de l'article L. 86 » sont remplacés par les mots : « au I de l'article L. 86 » ;
4° Dans la première phrase du dernier alinéa, après les mots : « cessation d'activité », sont insérés les mots : « ou moins de treize ans en cas de perception pendant cette durée ».
II. - Dans l'article 6-2 de la même loi, les mots : « A compter du 1er janvier 1998 » sont remplacés par les mots : « A compter du 1er janvier 2004 » et le taux : « 13 % » est remplacé par le taux : « 24,6 % ».
Mme la présidente. Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant l'aviation et l'aéronautique civiles.
iii. - transports et sécurité routière
Transports terrestres et intermodalité
Routes et sécurité routière
Mme la présidente. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant l'équipement, les transports, l'aménagement du territoire, le tourisme et la mer : III. - Transports et sécurité routière : transports terrestres et intermodalité, routes et sécurité routière.
J'indique au Sénat que, pour cette discussion, la conférence des présidents a opté pour la formule fondée sur le principe d'une réponse immédiate du Gouvernement aux différents intervenants, rapporteurs ou orateurs des groupes.
Ainsi, M. le ministre répondra immédiatement et successivement aux deux rapporteurs spéciaux, puis aux deux rapporteurs pour avis, et, enfin, à chaque orateur des groupes.
Ces réponses successives se substitueront à la réponse unique en fin de discussion.
Chacune des questions des orateurs des groupes ne devant pas dépasser cinq minutes, le Gouvernement répondra en trois minutes à chaque orateur, ce dernier disposant d'un droit de réplique de deux minutes maximum.
J'invite chaque intervenant à respecter l'esprit de la procédure, qui repose sur des questions précises et en nombre limité, et les temps de parole impartis.
La parole est à M. Alain Lambert, rapporteur spécial.
M. Alain Lambert, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation, pour les transports terrestres et l'intermodalité. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, pour être à l'origine de la modernisation de la discussion budgétaire de la deuxième partie du projet de loi de finances, j'ai le devoir, plus que d'autres encore, de respecter les règles qui ont été fixées.
Monsieur le ministre, nous sommes tous censés, dans cet hémicycle, avoir lu l'ensemble des documents que vous avez remis au Parlement pour l'examen du budget, ainsi que les différents rapports afférents.
Je m'efforcerai de vous poser des questions suffisamment précises pour que les réponses que vous donnerez au Sénat ne vous obligent pas à de trop longs développements.
Je ne commencerai pas cette présentation sans rendre hommage à Jacques Oudin, ancien rapporteur spécial des crédits des transports terrestres. Vous vous souvenez de son expertise et de la passion qu'il a mise au service de cette question stratégique des transports.
Puisque je lui succède, et qu'il avait déjà beaucoup travaillé sur ces questions, j'ai préféré cette année me contenter de faire un point d'étape, une sorte de photographie de la situation en ce domaine.
La création de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France, l'AFITF, mérite d'être soulignée. Elle mobilisera, grâce notamment aux dividendes des sociétés d'autoroutes, un volume global d'intervention de 7,5 milliards d'euros sur la période 2004-2012, pour permettre de soutenir un programme de travaux de l'ordre de 20 milliards d'euros.
La création de cette agence est la vraie nouveauté de ce budget, avec un volet législatif et un volet réglementaire.
Le volet législatif consiste en une affectation de ressources, réalisée par l'article 41 du projet de loi de finances. En 2005, les ressources de l'agence doivent s'élever à 635 millions d'euros, dont 280 millions d'euros de dividendes de sociétés autoroutières.
Le volet réglementaire consiste en un décret du 26 novembre 2004, récemment paru au Journal officiel, qui crée l'établissement public administratif.
Ma première question, monsieur le ministre, porte sur l'AFITF, qui va être autorisée à emprunter. Le décret récemment publié précise que le conseil d'administration « autorise les emprunts dans la limite d'un plafond fixé en loi de finances », mais que « ce plafond n'est pas applicable aux emprunts contractés pour couvrir les besoins de trésorerie en cours d'année liés aux décalages entre les encaissements et les décaissements ».
Prenons l'exemple de cette année : le plafond est fixé à 635 millions d'euros. Qu'adviendrait-il si la prévision de dividendes des sociétés d'autoroute n'était pas tenue ? L'agence serait-elle alors autorisée à emprunter au-delà du plafond, ou bien le plafond serait-il réactualisé ?
Pouvez-vous nous confirmer, et ce sera ma deuxième question, que cette dette sera bien comptabilisée comme dette publique, et nous préciser comment elle sera gérée ? S'agira-t-il, par exemple, de l'Agence France-Trésor ?
J'en viens maintenant au secteur ferroviaire.
Notre rapport retrace le bilan des relations financières entre l'Etat, la SNCF, et Réseau ferré de France, RFF, ainsi qu'une description précise de la situation de chacun des acteurs.
Il en résulte, pour simplifier, que les contributions de l'Etat au transport ferroviaire représenteront près de 6,5 milliards d'euros en 2005, soit 85 % du budget des transports terrestres. Naturellement, la création de l'AFITF témoigne de la priorité donnée par le Gouvernement à l'investissement ; il faut s'en réjouir. Mais c'est l'occasion de rappeler que la contribution de l'Etat au secteur ferroviaire est affectée au régime de retraite de la SNCF pour 39 %, au désendettement de RFF et de la SNCF pour 23 %, et à l'investissement pour seulement 18 %. Peu de Français - et même de parlementaires - le savent.
L'endettement total de la SNCF est de 16 milliards d'euros, répartis dans ses comptes pour 7,3 milliards d'euros et dans le service annexe d'amortissement de la dette, le SAAD, pour 8,8 milliards d'euros. La dette initialement transférée à RFF en 1997 a, quant à elle, augmenté rapidement : 26 milliards d'euros en 2004. La contribution du budget de l'Etat au désendettement du secteur ferroviaire s'élève à 800 millions d'euros en faveur de RFF et à 677 millions d'euros pour le SAAD. Or cette dette du SAAD n'est pas comptabilisée comme dette publique, vous le savez, puisque le SAAD n'a pas la personnalité morale. Cette dette n'est pas non plus consolidée dans les comptes de la SNCF.
Ma troisième question, monsieur le ministre, concerne la dette du SAAD : le Gouvernement envisage-t-il sa reprise par l'Etat ou bien sa réintégration dans les comptes de la SNCF ? En l'absence de reprise par l'Etat, la mise en oeuvre des normes comptables internationales impliquera en effet une réintégration de la dette du SAAD dans les comptes de la SNCF, ce qui pourrait être préjudiciable à l'entreprise.
Ma quatrième question porte sur les performances obtenues en matière de gestion de la dette ferroviaire : quel est le spread, c'est-à-dire l'écart de coût entre cette dette et celle de l'Etat ?
Monsieur le ministre, la commission des finances souhaite vous poser deux autres questions sur le secteur ferroviaire.
J'ai qualifié le plan de redressement du fret ferroviaire de « plan de la dernière chance », compte tenu de la situation de ce secteur, dont le déficit d'exploitation est de plus de 400 millions d'euros en 2003. Monsieur le ministre, êtes-vous confiant au regard des premiers résultats et des perspectives du plan « Fret 2006 » ?
Enfin, monsieur le ministre, ma dernière question concernera le partage des actifs entre la SNCF et RFF. M. Vigouroux, dans son rapport, a suggéré des solutions. Le Gouvernement avait demandé aux deux entreprises de finaliser le partage de leurs actifs avant le 31 octobre 2004. Or ce travail n'est toujours pas achevé. La réforme ferroviaire a eu lieu il y a presque huit ans maintenant. Peut-on espérer le règlement rapide de cette question du partage des actifs ?
Je ne m'étendrai pas sur la question des transports collectifs parce que certains de mes collègues ne manqueront certainement pas de vous interpeller sur ce sujet.
J'en termine par la LOLF. Ce budget des transports terrestres s'articulera donc désormais autour de trois programmes : « transports terrestres et maritimes », « passifs financiers ferroviaires » et « régimes sociaux et de retraite des transports terrestres ».
Ces programmes nous semblent tout à fait cohérents. Ils ont l'immense mérite de nous faire découvrir que ce budget des transports est massivement consacré à la dette et au régime de retraite, les investissements devenant, hélas ! la variable d'ajustement. Compte tenu du regroupement des transports terrestres, de la route et de la mer, nous souhaiterions, monsieur le ministre, disposer d'une déclinaison par mode pour avoir une vue parfaite du sujet.
Les indicateurs de performance, pour bien intentionnés qu'ils soient, s'orientent vers des calculs de taux de réalisation des investissements, certes, très intéressants, mais dont il faut souligner qu'ils sont largement dépendants des crédits ouverts par le Parlement. Ces indicateurs de performance ne sont donc guère convaincants.
En revanche, ne pourrait-on pas, monsieur le ministre, renforcer les indicateurs de productivité, d'efficacité et de comparaison avec nos voisins, et les critères de satisfaction des usagers ? Cela pourrait être une façon moderne d'aborder cette question des indicateurs de performance.
Pour conclure, je dirai que ce budget des transports terrestres est un budget de clarification, de transition qui traduit tout à la fois une nouvelle politique de financement des infrastructures par la création de l'AFITF, gage de la priorité donnée à l'investissement - il en a bien besoin -, une clarification - qu'il faudra poursuivre - du financement du secteur ferroviaire, ainsi qu'une mise en oeuvre de la LOLF satisfaisante, mais qui reste à parfaire en ce qui concerne les indicateurs de performance.
Pour l'ensemble de ces raisons, la commission des finances propose l'adoption de cette partie du budget des transports. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Miquel, rapporteur spécial.
M. Gérard Miquel, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation, pour les routes et la sécurité routière. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget des routes et de la sécurité routière est marqué, cette année, par de profondes modifications.
Il se caractérise, en effet, comme tous les budgets, par la perspective de mise en application de la loi organique relative aux lois de finances. Mais il connaît, par ailleurs, des facteurs d'évolution propres, avec, d'une part, la création de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France, l'AFITF, et, d'autre part, la décentralisation d'une partie du réseau routier national, en application de la loi du 13 août 2004, qui suscite un certain nombre d'inquiétudes.
Les moyens disponibles du budget des routes et de la sécurité routière sont en baisse de 2,4 % en moyens de paiement et en progression de 13,5 % en moyens d'engagement.
En réalité, ces chiffres incluent, au titre de 2005, le montant d'un report de crédits. Hors report, les moyens de paiement sont en baisse, non pas de 2,4 %, mais de 13,4 %.
Il est vrai, toutefois, monsieur le ministre, que les moyens susceptibles d'être alloués aux routes et à la sécurité routière seront augmentés, non seulement de 144 millions d'euros au titre du report que je viens de mentionner, mais également de 150 millions d'euros de crédits de paiement ainsi que 300 millions d'euros d'autorisations de programme, figurant au projet de loi de finances rectificative.
Je voudrais néanmoins souligner que ce budget a fait l'objet, comme l'année dernière, de mesures de régulation infra-annuelles particulièrement sévères, qui réduisent la portée des évolutions observées de loi de finances à loi de finances. Les crédits destinés à l'entretien des routes ont été épargnés par la régulation, car jugés prioritaires en raison de leurs effets sur la sécurité routière. En revanche, les trois chapitres concourant à l'investissement routier ont fait l'objet de gels significatifs affectant, notamment, la réalisation des contrats de plan Etat-région.
En ayant terminé avec ces propos de présentation générale, je souhaiterais maintenant, monsieur le ministre, vous poser quatre questions.
Ma première observation et ma première question concerneront l'investissement routier.
La baisse des crédits du budget des routes tient, tout d'abord, à une diminution de l'enveloppe en faveur de l'investissement routier. Les crédits qui y sont relatifs diminuent de 53 % en moyens de paiement et de 33 % en moyens d'engagement, ce qui est, mais seulement pour partie, la conséquence de la création de l'AFITF.
Celle-ci sera essentiellement alimentée par des produits liés à la route, mais consacrera plus des deux tiers de ses moyens aux autres modes de transport, ce qui correspond à une volonté de péréquation intermodale et de rééquilibrage en faveur des modes alternatifs, considérés comme plus sûrs et moins polluants.
S'agissant des routes, l'AFITF disposera de 187 millions d'euros de crédits de paiement et de 445 millions d'euros d'autorisations de programme, ce qui correspond à 30 % des moyens de l'Agence.
La création de l'AFITF n'explique pas en totalité la baisse des crédits budgétaires en faveur de l'investissement routier. Ces crédits baissent encore de 25 % à structure constante, même si la comparaison de loi de finances initiale à loi de finances initiale n'est pas forcément très significative, comme je l'ai déjà dit.
Je parlais, à l'instant, des gels de crédits qui ont affecté le budget des routes : dans le domaine de l'investissement, ceux-ci furent particulièrement préjudiciables à la réalisation des contrats de plan. En effet, la dotation de la loi de finances initiale pour 2004 en matière d'investissements routiers contractualisés a été ramenée à 44 % de son montant initial : ainsi, à la fin 2004, le taux d'exécution des contrats de plan Etat-région dans le domaine routier est de 52,1 %, pour un taux d'exécution théorique de 71,4 %.
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous préciser les conséquences du retard des financements sur les chantiers en cours d'étude ou de réalisation ? Dans quelle mesure la relance des contrats de plan récemment annoncée par le Gouvernement permettra-t-elle de combler le retard accumulé depuis plusieurs années ?
Ma deuxième question concerne l'avenir des contrats de plan Etat-région.
La loi relative aux libertés et responsabilités locales prévoit la décentralisation d'une partie, environ les deux tiers, du réseau routier national.
Au cours de cette année, j'ai interrogé le ministère de l'équipement au sujet des enjeux financiers d'une telle décentralisation. Vous trouverez, mes chers collègues, le détail des réponses qui m'ont été transmises dans le rapport de la commission des finances.
S'agissant de l'investissement, le principe retenu consiste, après achèvement des contrats de plan Etat-région actuels, à décroiser les financements entre l'Etat et les départements. L'Etat ne participerait plus au financement sur le réseau transféré ; les départements ne participeraient plus au financement sur le réseau structurant demeurant national. Le ministère estime que, pour une large majorité de départements, les comptes seront proches de l'équilibre. Seuls six départements seraient en situation défavorable.
A l'issue des contrats de plan actuels, que deviendront les contrats de plan Etat-région dans la perspective du décroisement des financements ? Comment l'Etat et les départements pourront-ils, dans ce nouveau contexte, s'inciter mutuellement à investir ?
Ma troisième question concerne les modalités de la compensation du transfert de compétence au profit des départements.
La loi du 13 août 2004 prévoit, pour les crédits d'investissement, une compensation fondée sur une moyenne quinquennale actualisée. Pour les routes, cette compensation sera fondée sur les dépenses qui étaient consacrées à l'« entretien, préventif et curatif », à la réhabilitation, à l'exploitation, aux aménagements de sécurité et à la prise en compte des risques naturels. Ces notions doivent être précisée par un décret en Conseil d'Etat.
Monsieur le ministre, ces modalités de compensation ne risquent-elles pas de favoriser les départements dont les routes ont déjà bénéficié d'investissements élevés au cours des dernières années et, au contraire, de pénaliser les départements dont les routes étaient déjà les plus dégradées ?
Enfin, ma dernière question touche à la procédure, mais elle n'en est pas moins importante.
Un décret en Conseil d'Etat doit venir préciser la consistance du nouveau domaine public routier national. Un autre décret, que je mentionnais à l'instant, concernera la compensation financière des charges nouvelles qui incomberont aux départements.
Monsieur le ministre, une concertation avec les départements a été annoncée. Pouvez-vous nous en préciser le calendrier et les modalités ?
Avant de conclure, je souhaiterais dire quelques mots sur la sécurité routière.
Les progrès accomplis en 2003 ont été spectaculaires : une diminution de 20 % du nombre de tués sur la route, ce qui ne s'était jamais vu auparavant. En 2004, cette tendance favorable se confirme, ce qui signifie qu'une nouvelle culture de l'usage de la route semble se mettre en place.
D'un point de vue budgétaire, toutefois, 2005 se caractérise par une légère baisse des crédits consacrés par l'Etat à la sécurité routière. Le « jaune » budgétaire, annexé au projet de loi de finances, fait apparaître un effort global de l'Etat de 1,7 milliard d'euros, en baisse de 4,4 % par rapport à la loi de finances pour 2004. Les dépenses du ministère de l'équipement en matière de sécurité routière s'élèvent, quant à elles, à 658 millions d'euros, en baisse de 3,2 %.
Enfin, je terminerai par quelques remarques sur l'application de loi organique du 1er août 2001 au budget des routes, qui s'articulera, l'année prochaine, autour de deux programmes de la mission « transports » : le programme « réseau routier national », qui représente 2,4 milliards d'euros en 2005, et le programme « sécurité routière », qui représente, quant à lui, 247 millions d'euros. La dimension interministérielle de la sécurité routière sera traitée à travers un document de politique transversale.
S'agissant des indicateurs, le ministère a effectué un travail de grande qualité ; cependant, beaucoup d'entre eux sont assez complexes et certains ne seront pas disponibles l'année prochaine, mais seulement en 2007, voire en 2008. De façon générale, je crains que l'interprétation de certains indicateurs ne soit réservée à quelques spécialistes. Or ils doivent, avant tout, avoir pour fonction d'informer non seulement le Parlement, mais aussi les citoyens. Peut-être pourra-t-on réexaminer ces indicateurs à l'usage.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, telles sont les remarques que je souhaitais formuler sur le budget des routes et de la sécurité routière, que la majorité des membres de la commission des finances vous propose d'adopter. (Applaudissements.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer. Monsieur Miquel, la décentralisation consiste à rapprocher les décisions locales des usagers.
Le Gouvernement a engagé la phase de consultation des départements sur la consistance du futur réseau routier national ; à l'issue du délai de trois mois prévu par la loi, les avis seront émis, avis que le Gouvernement prendra ensuite en compte pour définir le réseau national par décret ; enfin, s'engagera la phase du transfert proprement dit, qui devrait prendre effet au 1er janvier 2006.
Quant au principe des financements, il n'est pas moins simple : l'Etat ne finance plus les routes départementales et les départements ne financent plus les routes nationales ; c'est ce qu'on appelle le décroisement. Les simulations que nous avons effectuées montrent qu'avec cette méthode, en prenant en compte la TVA, la situation des départements est globalement équilibrée. S'il y a lieu, nous procéderons, en toute équité, à des ajustements.
Alain Lambert a posé une question très importante sur l'AFITF.
Cette agence est la réponse au problème le plus grave auquel j'ai été confronté lorsque j'ai pris mes fonctions : 15 milliards d'infrastructures annoncées, mais non financées. Comment y faire face dans une situation budgétaire en très grande difficulté ?
Nous avons eu des débats très riches au cours de l'année 2003, qui ont donné l'occasion de formuler une série d'hypothèses, toutes plus intéressantes les unes que les autres. Le Parlement s'est exprimé, notamment le Sénat, en faveur d'une politique d'équipement toujours ambitieuse, dans une Europe qui s'élargit, même si certains pouvaient avoir des avis différents.
En tout cas, ces débats ont largement inspiré la décision du Gouvernement qui a été prise lors du CIADT du 18 décembre 2003 : la création de l'AFITF.
Celle-ci bénéficiera de ressources affectées, directement issues des autoroutes. Cela signifie le transport finance le transport ; on peut même dire que le transport routier finance l'ensemble des transports.
La mission de l'AFITF consiste à apporter la part de l'Etat dans le financement des grands projets d'infrastructures de transport.
L'Agence est maintenant créée et sera opérationnelle dès le début de l'année 2005, le décret d'application ayant été publié le 1er décembre dernier.
Il s'agit d'un établissement public, placé sous la tutelle de mon ministère. Toutefois, l'AFITF reste conçue comme un outil collectif de la politique des transports.
Elle sera dotée d'un conseil d'administration paritaire, composé pour moitié de représentants de l'Etat et pour moitié d'élus nationaux et locaux ainsi que de personnalités qualifiées, dont la nomination aura lieu d'ici à la fin du mois de décembre.
L'importance de la contribution de cette agence au développement de notre infrastructure de transport dépendra en partie des décisions du Parlement. En effet, le Gouvernement a tenu à ce que le plafond des emprunts à mobiliser par l'AFITF soit fixé en loi de finances. Ayant la haute main sur le dimensionnement de la dette de l'AFITF, vous tiendrez, mesdames, messieurs les sénateurs, avec les députés, le levier essentiel permettant d'accélérer ou de freiner son rythme d'engagement, c'est-à-dire la cadence de mise en oeuvre de nos projets.
Je répondrai maintenant à trois questions plus précises d'Alain Lambert.
Premièrement, les emprunts de trésorerie obéissent à des règles de gouvernance adaptées, la capacité d'emprunt étant proportionnée à des prévisions de ressources réalistes, qu'il faut évidemment surveiller de manière continue, le trafic pouvant évoluer d'une année sur l'autre.
L'action de l'AFITF par la nature même des opérations à financer s'inscrira nécessairement dans une vision pluriannuelle.
Ainsi que je le disais à l'instant, il reviendra au Parlement, dès l'examen du projet de loi de finances pour 2006, de fixer un plafond d'emprunt. Pour 2005, une dotation exceptionnelle en capital - de 200 millions d'euros, me semble-t-il - permettra à l'agence d'oeuvrer sans recours à l'emprunt.
D'ici à la fin 2005, monsieur le rapporteur spécial, je suis prêt à discuter avec vous de cette question de la gouvernance de l'AFITF et de ses modalités.
Deuxièmement, s'agissant de la nature de la dette, elle est bien « maastrichtienne » et sera comptabilisée comme dette publique.
Troisièmement, l'article 6 du décret portant statut de l'AFITF confie à l'Agence France Trésor la réalisation et le suivi des opérations d'emprunt de l'établissement.
En 2005, l'AFITF bénéficiera de 635 millions d'euros, dont 435 millions d'euros issus des ressources autoroutières, complétés par une dotation en capital de 200 millions d'euros. Ainsi, l'agence n'aura pas besoin d'emprunter la première année.
Ces moyens nouveaux vont nous permettre de poursuivre sans attendre la mise en oeuvre des projets annoncés lors du CIADT du 18 décembre 2003, sachant que nous avons bien évidemment veillé au bon avancement de ces projets en 2004.
Ainsi, pour la première fois, nous sortons de la logique où l'Etat ne pouvait financer, par exemple, qu'une ligne à grande vitesse à la fois. En un an, le Gouvernement a traduit concrètement la décision du CIADT du 18 décembre 2003.
Avec une agence opérationnelle dès 2005, les plus grandes espérances sont permises pour les dix ou vingt prochaines années pour ce qui est de l'équipement de notre pays, nonobstant une gestion rigoureuse.
En ce qui concerne les contrats de plan Etat-région, les CPER, le taux d'avancement à la fin 2003 était d'un peu plus de 45 % pour l'ensemble des ministères, proche de 44 % pour les routes, un peu moins pour le ferroviaire : 27 %. Ce retard s'explique en particulier par un démarrage très lent en 2000 et 2001 - 4,4 %, puis 5,6 % -, et la conjoncture n'a pas permis de rattraper ce retard.
A la fin de l'année 2003, les crédits délégués par l'ensemble des ministères portent le taux de mise en oeuvre des crédits d'Etat à 45,70 %, à comparer avec un taux théorique de 57,14 %. Fin 2004, selon la programmation projetée par les ministères, le taux de mise en oeuvre des crédits d'Etat devrait atteindre 55 %.
La question de l'avancement des contrats de plan n'est bien évidemment pas une question partisane. En effet, à la fin de l'année 2002, le niveau d'engagement ne s'élevait qu'à 35 % pour un avancement théorique de 42 %, soit déjà la moitié du retard.
Après la mise en place de l'agence, les contrats de plan constituent pour Frédéric de Saint-Sernin et moi-même un sujet majeur, d'autant que ce ministère recouvre, depuis quelques mois, le champ de l'aménagement du territoire.
La première réponse, vous la connaissez : c'est le plan de relance qui vient d'être décidé par M. le Premier ministre sur le volet routier, avec 300 millions d'euros d'autorisations de programme et 150 millions d'euros de crédits de paiement supplémentaires pour 2005. Ces crédits sont inscrits au projet de loi de finances rectificative pour 2004.
Merci, monsieur Miquel, d'avoir évoqué la sécurité routière.
Vous avez évoqué la réduction des crédits, mais je rappelle que la formation à la conduite et à la sécurité routière se traduira par de nouveaux recrutements d'inspecteurs du permis de conduire, avec la création de 65 postes en 2005, en liaison avec le déploiement sur l'ensemble du territoire des nouvelles modalités de l'examen. Cet objectif sera également accompagné d'investissements pour l'installation de centres d'examen dignes de ce nom.
En ce qui concerne la communication, l'augmentation des moyens de la sécurité routière permettra des actions spécifiques en direction des catégories jusqu'alors moins touchées par les campagnes de sensibilisation.
S'agissant du déploiement des radars automatiques, il se poursuivra pour atteindre l'objectif de 1 000 appareils d'ici à la fin de l'année prochaine. A ce jour, plus de 300 radars automatiques sont installés et nous allons nous efforcer de porter ce nombre à 400 à la fin de l'année.
J'ajoute que le premier rapport annuel sur le produit des amendes, notamment celles qui sont liées aux radars automatiques, vous sera remis dans les prochains jours. De cette façon, vous pourrez savoir quelle utilisation sera faite du produit des amendes lorsque ce dernier aura dépassé le coût d'installation des radars automatiques.
Je compléterai mon propos par quelques réponses à des points très précis soulevés par Alain Lambert, qui maîtrise évidemment parfaitement les chiffres, concernant les grands équilibres budgétaires et la LOLF.
D'abord, l'écart entre le taux de la dette de RFF et le taux supporté par l'Etat est évalué à 10 points de base environ, soit 0,1 %. C'est ce que M. Mariton, député, avait indiqué dans un récent rapport, et je confirme ces chiffres. Dans le cas de la dette de la SNCF, cet écart est de l'ordre de 15 points de base, soit 0,15 %.
Ensuite, les indicateurs de performance des programmes ne sont pas figés. Ils doivent être consolidés d'ici au projet de loi de finances pour 2006, et il nous faudra encore les améliorer. Vos remarques, monsieur Lambert, nous rappellent les bonnes questions que nous devons nous poser.
Enfin, en ce qui concerne le SAAD, le service annexe d'amortissement de la dette, qui représente 8,1 milliards d'euros, l'année 2005 sera consacrée à l'analyse de son traitement, qui est fort complexe. J'ai noté votre intérêt pour le sujet et je puis vous assurer que, avec le ministère des finances, nous vous tiendrons régulièrement informé de nos travaux sur ce sujet majeur.
Telles sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les remarques que je tenais à faire à ce stade du débat. Je laisse le soin à M. Goulard de répondre aux autres questions. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. François Goulard, secrétaire d'Etat aux transports et à la mer. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je m'attarderai un instant sur le partage des actifs entre Réseau ferré de France et la SNCF, car il s'agit là d'une question qui est en suspens depuis sept ans.
Alors que les principes sont fixés par la loi, alors que la commission nationale de répartition des actifs a rendu soixante-cinq avis sur le sujet, permettant de fixer des règles de partage, et alors que les conclusions du rapport Vigouroux relatives à des points précis tels que les cours de marchandises, les bâtiments et les logements ont été rendues, nous avons, Gilles de Robien et moi-même, constaté, l'été dernier, que ce dossier n'avançait pas.
Nous avons alors clairement fait savoir aux présidents des deux établissements publics que cette situation était inadmissible, d'une part, parce qu'elle est source de désordre, et, d'autre part, parce que l'absence de répartition des actifs a pour effet de geler des opérations dont les collectivités territoriales attendent souvent beaucoup.
Ainsi, au sein des villes, autour des gares, des terrains appartenant aux entreprises ferroviaires sont parfois gelés ou ne font l'objet que d'une utilisation très réduite, alors que la commune concernée souhaite réaliser des opérations d'urbanisme. Or l'absence de partage des actifs a pour effet d'empêcher la réalisation de ces opérations. Se trouvent ainsi pénalisés, non seulement les deux entreprises, mais aussi les collectivités territoriales et leurs habitants.
Aujourd'hui, après plusieurs mois de travail, nous sommes réellement sur le point d'aboutir. En effet, une commission d'arbitrage a été constituée, un cabinet a été missionné pour mettre au point une procédure d'automatisation du partage en fonction des règles arrêtées. Nous attendons maintenant le feu vert de la commission arbitrale, qui devrait intervenir dans quelques jours, pour passer à la phase opérationnelle. Nous pouvons d'ores et déjà affirmer que, dans quelques mois, ce partage des actifs sera effectif. Cette mesure était très attendue et une impulsion politique, pour parler en termes mesurés, était nécessaire pour que, enfin, nous aboutissions.
M. Alain Lambert, rapporteur spécial. Donc, au premier trimestre de 2005 ?
M. François Goulard, secrétaire d'Etat. Tout à fait !
S'agissant du plan « fret », il convient de rappeler quelques données.
Le chiffre d'affaires de la SNCF sur le fret baisse d'environ 1 % par an depuis 1990, à telle enseigne qu'en 2003 ou 2004 il était sensiblement inférieur, de plus de 10 points, à celui qui avait été atteint en 1998.
Le résultat du fret ferroviaire connaît donc une dégradation absolument impressionnante : en 1998, il représentait une perte de près de 84 millions d'euros ; en 2003, cette perte a atteint 450 millions d'euros, avec un rythme d'accroissement de l'ordre de 100 millions d'euros par an ! Autrement dit, il s'agit d'une véritable catastrophe financière.
Par ailleurs, en douze ans, le fret a perdu, cinq points de parts de marché, passant de plus de 25 % à quelque 20 % à peine.
Pour ce qui est des tonnages, qui devaient doubler à en croire les promesses de M. Gayssot en 1998, c'est l'inverse qui s'est produit : il se réduit année après année, passant de 55,4 gigatonnes par kilomètre en 2000, à 4,68 gigatonnes par kilomètre en 2003 !
C'est dire si le fret ferroviaire était en danger. C'est dire aussi combien le plan de redressement s'imposait. Certes, ce plan comporte des mesures qui ne sont pas agréables, car il est toujours regrettable d'abandonner des trafics de fret, mais c'est une nécessité absolue si nous voulons sauver cette activité, qui est vitale. Nous devons impérativement concentrer les efforts de la SNCF sur les trafics les plus massifs, de telle sorte que le transfert modal, c'est-à-dire le fait de faire passer du fret de la route vers le rail, soit significatif. En effet, ce n'est pas en transférant un wagon par-ci par-là dans une gare qui voit passer quelques trains par an que nous obtiendrons des résultats. C'est, au contraire, en constituant des trains entiers, cadencés, que nous obtiendrons un effet sensible sur l'environnement et que nous redresserons le fret ferroviaire.
Pour ce faire, le Gouvernement a prévu des moyens massifs : 800 millions d'euros sont consacrés à ce plan, auxquels s'ajoutent 700 millions d'euros d'actifs cédés par la SNCF et affectés au fret, le tout, naturellement, sous le contrôle de la Commission européenne ; nous attendons le résultat des travaux que celle-ci mène actuellement. Dès qu'elle aura approuvé le plan de restructuration, une première tranche de 250 millions d'euros sera débloquée.
Les tranches suivantes ne le seront que si les résultats correspondent aux attentes, car il convient que le Gouvernement, appuyé naturellement par le Parlement, surveille de près les résultats obtenus. Notre objectif n'est pas seulement de parvenir à un redressement financier ; nous voulons susciter un regain d'intérêt, un nouvel essor du fret ferroviaire. C'est là un impératif tant pour l'entreprise, dans la perspective de la concurrence qui s'ouvrira bientôt, qu'au regard de l'émission des gaz à effet de serre. Il s'agit bien d'un enjeu national.
J'ajouterai à ce qu'a dit Gilles de Robien concernant les crédits des CPER que, sur le plan strictement ferroviaire, pour les années 2000, 2001 et 2002, un total de 211 millions d'euros avait été inscrit par la majorité d'alors dans les trois lois de finances initiales, alors que, pour la seule année 2005, c'est pratiquement le même montant - 210,5 millions d'euros exactement - qui vous est proposé. C'est dire que l'accélération est tout à fait significative en ce qui concerne l'exécution des contrats de plan Etat-région ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Daniel Soulage, rapporteur pour avis de la commission des affaires économique et du Plan, pour les transports terrestres, et, en remplacement de M. Georges Gruillot, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan, pour les routes et les voies navigables. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le budget des transports terrestres inscrit dans le projet de loi de finances pour 2005 s'élèvera à 7,6 milliards d'euros en moyens de paiements, soit une augmentation d'un peu plus de 1 % par rapport à 2004.
Le budget « actif » des transports terrestres représente environ un tiers du montant total de ce budget, les deux autres tiers étant constitués de dotations que je qualifierai de « captives » puisqu'un tiers est consacré au régime de retraite de la SNCF et un autre tiers aux charges d'exploitation et de désendettement du ferroviaire.
L'innovation, en 2005, réside dans la nouvelle ressource « débudgétisée », constituée par l'Agence de financement des infrastructures de transport en France, qui devrait être recevoir 635 millions d'euros. La création de l'AFITF témoigne de la priorité que le Gouvernement entend donner à l'investissement dans le domaine des transports terrestres.
La France a retenu, on le sait, une série de projets routiers et ferroviaires représentant un programme de travaux d'environ 20 milliards d'euros, à réaliser d'ici à 2012.
L'agence est un établissement public qui sera chargé de financer les contributions publiques de l'Etat pour un certain nombre d'opérations, notamment celles qui ont été prévues par le CIADT du 18 décembre 2003.
Dans le domaine ferroviaire, ce CIADT a confirmé plusieurs projets : la deuxième phase du TGV-Est ainsi que les lignes à grande vitesse Nîmes-Montpellier, Rhin-Rhône, Sud-Europe-Atlantique et Bretagne, auxquelles il convient d'ajouter des études concernant la liaison Lyon-Turin.
L'article 41 du projet de loi de finances prévoit pour l'Agence, au titre de 2005 : une dotation en capital de 200 millions d'euros, un montant de dividendes versés par les sociétés d'autoroutes à hauteur de 280 millions d'euros, un montant de redevance domaniale versée par les sociétés d'autoroutes à hauteur de 155 millions d'euros.
A l'évidence, la création de l'AFITF, qui fut particulièrement appréciée au Sénat, tendra à sécuriser les dotations de l'Etat affectées aux grandes infrastructures.
On se rappelle que la commission des affaires économiques s'était élevée avec vigueur contre la suppression, par la loi de finances de 2001, du Fonds d'investissement des transports terrestres et des voies navigables, le FITTVN, qui avait une finalité comparable.
J'en viens au plan « fret » de la SNCF.
Lors de son audition devant la commission, le président de la SNCF, M. Louis Gallois, a insisté sur l'importance de ce programme dans la stratégie de l'entreprise.
Le volume d'activité du fret de la SNCF a baissé de 6,4 % entre 2002 et 2003, passant de 50 milliards à 46,8 milliards de tonnes par kilomètre. Pour 2005, l'opérateur prévoit 44 milliards de tonnes par kilomètre, soit, au fil des années, une baisse en valeur absolue du tonnage transporté.
Le plan « fret » comporte quatre orientations : la refonte de l'outil de production, qui serait désormais centré sur cinq axes seulement ; une amélioration de la productivité grâce à des investissements d'un montant de l'ordre de 600 millions d'euros ; une politique commerciale plus stricte, tendant à mieux rentabiliser les trafics avec des majorations des tarifs ; une offre élargie sur le plan international, en coopération avec d'autres opérateurs.
Le coût du plan « fret » serait de 1,5 milliard d'euros, dont 800 millions d'euros supportés par l'Etat et 700 millions d'euros à la charge de la SNCF.
Le volet financier du plan fait actuellement l'objet d'une enquête de la part des services de la concurrence de la Commission européenne.
Nous attendons une réponse pour les semaines qui viennent. Si le blocage devait perdurer, il en coûterait environ 40 millions d'euros de frais financiers à la SNCF.
S'agissant du financement du secteur ferroviaire, je tiens tout d'abord à apporter quelques précisions sur la contribution de l'Etat, en 2005, à la SNCF et à Réseau ferré de France, RFF.
La dotation de 3,3 milliards d'euros de l'Etat à la SNCF se décomposera de la manière suivante : 109 millions d'euros au titre des tarifs sociaux, 677 millions d'euros au titre du service annexe d'amortissement de la dette et 2,5 milliards d'euros au titre des charges de retraite.
La dotation de 3,2 milliards d'euros à Réseau ferré de France se décomposera de la manière suivante : 1,2 milliard d'euros au titre de la contribution aux charges d'infrastructures ferroviaires, 244 millions d'euros en subventions d'investissement, 800 millions d'euros au titre de la contribution au désendettement et 900 millions au titre des investissements de régénération du réseau.
Par ailleurs, on observe deux flux financiers de sens contraire et d'un montant comparable : le financement de RFF par la SNCF, d'une part, avec les péages d'infrastructures, soit 3 milliards d'euros prévus en 2005, et le financement la SNCF par RFF, d'autre part, au titre de la « convention de gestion » qui finance la gestion déléguée du réseau par la SNCF, pour un montant de 2,5 milliards d'euros en 2005.
La contribution de l'Etat au désendettement de RFF - 800 millions d'euros - a remplacé en 2004 les dotations annuelles en capital, dont le montant cumulé s'élevait à 8,9 milliards d'euros au 31 décembre 2002.
La subvention à la régénération du réseau de RFF - 900 millions d'euros - permet, quant à elle, la prise en charge d'investissements qui, jusqu'à présent, étaient financés par la seule augmentation de l'endettement de RFF !
Il convient de toujours garder à l'esprit quelques données structurelles.
Tout d'abord, le seul pôle rentable de la SNCF est celui des trains à grande vitesse.
Ensuite, le pôle des trains classiques, dits « Corail », que la SNCF souhaite baptiser « trains interrégionaux », ou TIR, perd chaque année de l'argent : environ 150 millions d'euros en 2004, dont 50 millions pour les seules lignes Bordeaux-Lyon, Nantes-Lyon, Quimper-Bordeaux et Lille-Strasbourg.
Enfin, le fret pouvait être considéré, avant le lancement du plan « fret », comme en quasi-faillite, puisque, en 2003, par exemple, il a enregistré une perte de 451 millions d'euros, soit 20 % du chiffre d'affaires global du fret.
Ces constats montrent l'importance des deux orientations stratégiques de l'opérateur ferroviaire dans les années à venir.
La première est la réorganisation du pôle fret. A cet égard, il faut rappeler que, dès 2007, le transport de fret devrait être « libre » sur les réseaux de l'Union européenne. Mon rapport contient toutes les précisions utiles sur la mise en oeuvre des différentes directives ferroviaires.
La seconde orientation réside dans une demande de prise en charge partielle des lignes interrégionales classiques par les régions.
En ce qui concerne la RATP, mon rapport écrit apporte des précisions sur les trafics et sur la situation financière de l'entreprise. Je tiens toutefois à indiquer que la RATP a enregistré, en 2003, un résultat courant bénéficiaire de 10,2 millions d'euros, en baisse de 10 millions d'euros par rapport à 2002, en raison des grèves des mois de mai et juin 2003, qui ont provoqué une réduction importante des recettes voyageurs.
En 2003, les recettes de la RATP se sont établies à 3,6 milliards d'euros, dont plus de la moitié au titre de la subvention versée par le Syndicat des transports d'Ile-de-France, le STIF, qui exerce une responsabilité directe dans l'exploitation des transports collectifs en Ile-de-France.
On rappellera que le contrat signé le 12 juillet 2000, entre le STIF et la RATP, visait à améliorer la qualité du service rendu aux voyageurs et à assurer une meilleure responsabilisation de l'entreprise quant à la maîtrise de ses charges.
En conclusion, je dirai que l'effort accompli par les pouvoirs publics dans le domaine des investissements me paraît devoir être salué eu égard à l'actuel contexte de rigueur budgétaire.
Les choix effectués par le CIADT du 18 décembre 2003, tout comme la création de l'AFITF, qui vise à sécuriser et à pérenniser le financement d'un certain nombre de grands projets, constituent des orientations qui vont dans le sens des souhaits que la commission des affaires économiques a maintes fois formulés.
Pour ces raisons, elle a émis un avis favorable quant à l'adoption des crédits du budget des transports terrestres dans le projet de loi de finances pour 2005.
Je vous poserai toutefois deux questions, monsieur le ministre.
En premier lieu, la SNCF souhaite manifestement que l'Etat, et surtout les régions, participent au financement des liaisons dites interrégionales, assurées par des trains Corail. Quelle est la position officielle du Gouvernement sur ce sujet ?
En second lieu, lors de la manifestation du jeudi 25 novembre dernier, les représentants d'une organisation syndicale de cheminots - la CGT - ont clairement laissé entendre que l'accord sur le dialogue social et la prévention des conflits, signé le 28 octobre, ne devait en aucun cas remettre en cause le droit de grève des cheminots, tel qu'il est habituellement exercé. Y aurait-il plusieurs lectures de l'accord ? Quelle est, en tout cas, celle du Gouvernement ?
M. Bernard Murat. Très bien !
M. Daniel Soulage, rapporteur pour avis. J'en viens au rapport de mon collègue Georges Gruillot pour les routes et les voies navigables.
Le projet de budget des routes et voies navigables pour 2005 est marqué par deux innovations : la mise en place de l'AFITF et la conduite d'expérimentations dans le cadre budgétaire de la LOLF.
Tout d'abord, l'AFITF permettra à l'Etat d'apporter sa part dans le financement des nouvelles infrastructures de transport. Une grande partie des fonds de cet établissement, dont les ressources pourraient représenter jusqu'à 7,5 milliards d'euros sur la période 2004-2012, devrait être consacrée aux infrastructures ferroviaires.
Dès 2005, l'agence devrait verser des fonds en vue de la poursuite de l'équipement routier et fluvial du territoire, ce qui justifie la diminution de certains crédits d'investissement dans les lignes budgétaires examinées par le rapport de M. Gruillot.
Par ailleurs, 2005 est la dernière année de présentation du projet de loi de finances selon les règles de l'ordonnance de 1959. Néanmoins, la LOLF permet d'expérimenter dès cette année le cadre budgétaire qui s'appliquera à l'avenir.
S'agissant du budget des transports pour 2005, deux expérimentations affectent les crédits des routes : l'une concerne le programme « réseau routier national », dans les régions Nord-Pas-de-Calais et Pays de la Loire, l'autre le programme « sécurité routière », dans les régions Nord-Pas-de-Calais et Picardie.
Normalement éclatés entre différentes lignes budgétaires, les crédits destinés à ces régions sont regroupés sur un même chapitre créé spécialement à cet effet, en vue d'être confiés aux gestionnaires du budget routier à l'échelle régionale.
En outre, une autre expérimentation est conduite s'agissant des subventions allouées à Voies navigables de France.
Celles-ci sont inscrites dans un nouveau chapitre correspondant au programme « Transports terrestres et maritimes », qui a vocation à intégrer, notamment, les financements destinés aux infrastructures fluviales.
Ces expérimentations donnent lieu à des suppressions de crédits dans les chapitres composant traditionnellement le budget des routes et des voies navigables. Elles en perturbent d'autant plus la lecture que le champ des nouveaux programmes ne recouvre pas celui des agrégats du « bleu » budgétaire des transports.
Ainsi, il faut l'avouer, les changements induits tant par la création de l'AFITF que par les expérimentations conduites au titre de la LOLF rendent difficiles des comparaisons avec le budget de l'année dernière.
Il est toutefois possible de mettre en évidence quelques données financières.
Tout d'abord, si les dotations budgétaires destinées au développement du réseau routier national enregistrent une baisse de 270 millions d'euros en autorisations de programme et de 370 millions d'euros en crédits de paiements, les financements dont bénéficiera la route au titre de l'AFITF devraient atteindre 445 millions d'euros en autorisations de programme et 190 millions d'euros en crédits de paiement.
Les crédits destinés aux infrastructures routières permettront notamment la poursuite des travaux de l'autoroute A75, entre Clermont-Ferrand et Béziers, l'aménagement en route express à deux fois deux voies de la route Centre-Europe-Atlantique, la RCEA, et le démarrage de la construction du deuxième tube dans le tunnel de Toulon.
Ensuite, l'entretien et la réhabilitation du réseau national se voient attribuer une enveloppe de 558 millions d'euros, à laquelle il convient d'ajouter les 117 millions d'euros destinés l'expérimentation du programme « réseau routier national », soit un total de 675 millions d'euros, en hausse de plus de 10 %.
Une partie de ces crédits est destinée à financer l'entretien courant du réseau, la part principale - 390 millions d'euros - étant consacrée aux réparations importantes et au gros entretien préventif.
Les crédits relatifs au renforcement des ouvrages d'art sont augmentés de 3,7 millions d'euros en autorisations de programme.
Les crédits destinés aux aménagements de sécurité sont en hausse de 6 millions d'euros en autorisations de programme et de 8 millions d'euros en crédits de paiement.
Les crédits directement affectés à la sécurité routière et à l'exploitation de la route sont en augmentation de 14 % en autorisations de programme et de 4 % en crédits de paiements, si l'on intègre l'expérimentation du programme « sécurité routière » dans les régions Nord-Pas-de-Calais et Picardie.
Les résultats de la politique conduite dans ce domaine sont, on le sait, particulièrement encourageants puisque, en 2003, le nombre d'accidents corporels sur les routes françaises a reculé de presque 15 % et le nombre de tués de près de 21 %.
Les fameux radars automatiques devraient être au nombre de 550 à la fin de l'année 2004, et l'installation de 450 unités supplémentaires est programmée pour 2005.
Dans ce domaine, les améliorations envisagées concernent la reconnaissance des plaques étrangères, la prise en compte des poids lourds et la conduite d'études en vue d'une extension du dispositif à d'autres infractions que celles qui sont liées à la vitesse, telles que le non-respect des feux rouges et des distances de sécurité.
J'en viens aux crédits destinés aux voies navigables.
Ceux-ci devraient s'élever à 56 millions d'euros en autorisations de programme et à un montant analogue en crédits de paiements, en hausse 17,6 %.
Les crédits des voies navigables serviront à financer : des interventions en faveur de la batellerie, à hauteur de 1 million d'euros ; des actions de restauration du réseau restant géré par l'Etat, à hauteur de 2 millions d'euros en autorisations de programme ; les crédits consacrés au développement des voies navigables dans les contrats de plan Etat-région.
Je souligne que les crédits d'investissement alloués à Voies navigables de France, qui étaient traditionnellement inscrits sur la ligne 63-44/50, devraient transiter en 2005 par d'autres créneaux : l'AFITF, d'une part, la dotation expérimentale du programme « Transports terrestres et maritimes », dotée en tout de 72 millions d'euros, d'autre part.
Monsieur le ministre, je souhaite maintenant vous poser trois questions.
Premièrement, quel est aujourd'hui le calendrier de réalisation de la fameuse liaison routière Centre-Europe-Atlantique ?
Deuxièmement, pouvez-vous faire le point sur les difficultés actuelles que rencontrent les transporteurs routiers ? Quelles mesures, à court et à moyen terme, seraient selon vous de nature à soulager des professionnels dont de nombreuses doléances nous paraissent parfaitement fondées, qu'il s'agisse du coût excessif des carburants ou de la concurrence déloyale de la part d'entreprises étrangères pratiquant le dumping social ?
Troisièmement, où en est le dossier de la liaison fluviale Saône-Rhin ? En 2002, le Gouvernement a laissé entendre qu'il n'était pas, à l'inverse de son prédécesseur, complètement « fermé » sur le sujet, ce qui a allumé quelques lueurs d'espoir. Malheureusement, pour le moment, rien de concret n'est venu les raviver. Quelle est aujourd'hui l'approche du Gouvernement ?
En tout état de cause, la commission des affaires économiques a émis un avis favorable quant à l'adoption du budget des routes et des voies navigables dans le projet de loi de finances pour 2005. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Gilles de Robien, ministre. Monsieur Soulage, vous avez d'abord évoqué la question de la continuité du service public.
Je voudrais souligner combien est historique l'accord qui a été signé à la SNCF le 28 octobre 2004 entre la direction et six fédérations de cheminots représentant près de 80 % des salariés : la CGT, la FGAAC, la CFDT, la CFTC, l'UNSA et la CFE-CGC.
Cette très forte représentativité est un élément très positif, mais surtout très encourageant et de bon augure pour les discussions qui se dérouleront au cours du premier trimestre de 2005 sur la prévisibilité et sur l'optimisation du service en période de conflit.
Un bonheur ne venant jamais seul, voilà que, parallèlement à cette réussite à la SNCF, les partenaires sociaux de la branche du transport urbain de voyageurs, sur l'initiative de l'UTP, l'Union des transports publics, ont ouvert mardi dernier une négociation sur la prévention des conflits, qui se poursuivra dès le mois de janvier.
Enfin, autre élément favorable, la présidente de la RATP m'a présenté la semaine dernière les résultats obtenus par son entreprise en matière de réduction de la conflictualité grâce au dispositif d'alarme sociale. Elle s'est engagée à améliorer encore la prévisibilité du trafic et à rechercher, dans le dialogue avec les organisations syndicales, la garantie d'un niveau de service beaucoup plus élevé en période de conflit.
Vous constatez donc, mesdames, messieurs les sénateurs, que la voie contractuelle paraît aujourd'hui la plus fructueuse, et j'aurai l'occasion mercredi d'en débattre ici même plus en détail avec vous.
Mme Nicole Bricq. C'est la voie la meilleure !
M. Gilles de Robien, ministre. Tant qu'elle peut prospérer, c'est en tout cas celle que préconise la majorité ! Nous sommes pour le contrat plutôt que pour la loi, qui impose. Il en va d'ailleurs de même en matière de temps de travail !
M. Daniel Reiner. Non ! Pas de provocation !
M. Gilles de Robien, ministre. En ce qui concerne les transports routiers, monsieur Soulage, la lutte contre le dumping social est au coeur de l'action de la France à l'échelon européen : il faut évidemment harmoniser les données sociales dans le transport routier.
Des progrès importants ont été obtenus avec l'adoption en mars 2002 de la directive sur le temps de travail des conducteurs routiers. La transposition de ce texte, qui doit intervenir d'ici à mars 2005, obligera un certain nombre d'Etats européens à limiter le temps de travail de leurs conducteurs : il ne sera plus possible de travailler, comme c'est le cas actuellement, soixante heures et plus sur les routes. Cela représente, en outre, un progrès pour la sécurité.
En France, cette transposition est l'occasion d'assouplir certaines règles applicables en matière de durée de travail des conducteurs routiers. L'ordonnance du 12 novembre 2004, qui transpose les directives communautaires et modifie le code du travail en matière d'aménagement du temps de travail, en constitue la première étape. Le décret d'application concernant le transport routier de marchandises a été rédigé et sera présenté aux partenaires sociaux dès la semaine prochaine.
J'en viens à la hausse des prix des produits pétroliers, qui, c'est évident, a une forte incidence pour les professions, puisque leurs coûts, vous le savez bien, dépendent dans une forte proportion du prix des carburants. Très conscient de ces difficultés, le Gouvernement a agi immédiatement en faveur de ces professions.
J'ai annoncé, le 14 octobre, des mesures fiscales venant renforcer les mesures structurelles du 8 septembre. Je vous les rappelle : le dégrèvement spécifique de la taxe professionnelle est doublé ; il est élargi à tous les camions d'un poids supérieur à 7,5 tonnes et sera appliqué de façon rétroactive pour l'ensemble de l'année 2004 ; au 1er janvier 2005, il sera triplé, passant de 244 euros à 366 euros par véhicule de plus de 7,5 tonnes ; enfin, le remboursement de la TIPP est accéléré et sa base déplafonnée.
J'ai aussi élaboré, en collaboration avec les donneurs d'ordres et les transporteurs, un guide des bonnes pratiques, qui vaudra pour le secteur fluvial comme pour le secteur routier, qui doit permettre que soit mieux prise en compte dans les contrats la hausse du prix du gazole. Ce guide est aujourd'hui achevé. Il a été relu avec les professionnels et pourra donc être distribué incessamment dans les entreprises.
François Goulard a, par ailleurs, annoncé le 21 octobre 2004 une série de mesures en faveur des transporteurs fluviaux de marchandises et de passagers : un dégrèvement de la taxe professionnelle au même niveau que pour les entreprises de transport routier, soit 244 euros par bateau en 2004 et 366 euros en 2005 ; une aide exceptionnelle correspondant au remboursement des péages payés par les professionnels pendant un mois ; le remboursement de trois mois de la taxe payée spécifiquement par les artisans.
Enfin, monsieur Soulage, je terminerai mon propos en évoquant la RCEA, la route Centre-Europe-Atlantique, et je sais tout l'intérêt que M. Emorine lui porte. Son achèvement est important à deux titres : d'abord, pour l'avenir des territoires qu'elle traverse, mais aussi parce qu'elle est une liaison est-ouest de premier plan. Son aménagement à deux fois deux voies est donc une priorité.
C'est pour cette raison que le Gouvernement a souhaité, au cours du CIADT de décembre 2003, que l'AFITF puisse apporter un financement complémentaire à celui des contrats de plan afin d'accélérer les travaux des grands programmes routiers. Ainsi, sur l'enveloppe de 7,5 milliards d'euros d'investissements qu'apportera l'Agence entre 2005 et 2012, environ 500 millions d'euros sont réservés à des axes d'aménagement du territoire, parmi lesquels figure naturellement la RCEA.
Par ailleurs, la RCEA bénéficiera de la relance exceptionnelle des contrats de plan qu'a décidée et annoncée le Premier ministre et qui mobilisera 300 millions d'euros.
Ces deux mesures contribueront très positivement à l'aménagement de la RCEA, notamment en Saône-et-Loire, département particulièrement concerné par cet axe majeur.
Tels sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les éléments de réponse que je souhaitais vous apporter et, si Mme la présidente le permet, je laisse maintenant à M. Goulard le soin de répondre aux autres questions. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. François Goulard, secrétaire d'Etat aux transports et à la mer. Mesdames, messieurs les sénateurs, j'apporterai quelques compléments rapides au sujet des lignes interrégionales, dites liaisons « Corail ».
Vous l'avez indiqué, monsieur le rapporteur, certaines lignes sont très déficitaires : Nantes-Lyon connaît des pertes de 14 millions d'euros ; Bordeaux-Lyon, de 11 millions d'euros ; Lille-Strasbourg, de 6 millions d'euros ; Nantes-Bordeaux, de 14 millions d'euros. La fréquentation de leurs trains est faible : une centaine de passagers en moyenne.
Cette situation appelle de la part de la SNCF, de notre part, une réflexion qui ne néglige ni le rôle que jouent ces liaisons ferroviaires dans l'aménagement du territoire - tous les élus y sont sensibles - ni leur rôle social. Car, ne l'oublions pas, certains de nos compatriotes n'ont d'autres moyens de transport que les transports collectifs, et nous devons être attentifs à cette préoccupation : la SNCF exerce une mission de service public !
Quelle est la bonne façon d'aborder ce problème ?
Il n'est certainement pas question de se placer dans une alternative brutale, de vouloir choisir entre fermeture ou financement par les régions. Une telle réponse, pour les raisons que je viens d'évoquer, serait inadaptée.
La circulation de certains trains express régionaux, les TER, dépend partiellement du trafic des trains Corail sur certaines parties de ces liaisons. Les régions sont donc concernées. C'est pourquoi, au cours de l'année 2005, nous devons, en étroite concertation avec leurs élus, examiner comment adapter la fréquence des trains, organiser le service, assurer sa meilleure coordination avec les TER. Car nous pensons que ces liaisons doivent être maintenues et que des solutions existent.
A propos du transport fluvial, vous avez très justement rappelé, monsieur le rapporteur pour avis, le récent changement de méthode. Nous devons en souligner un élément important : l'Etat et Voies navigables de France ont passé un contrat qui, pendant quatre ans, permettra de consacrer des moyens nouveaux, d'un montant de 50 millions d'euros par an, à la modernisation de notre réseau fluvial.
Le transport fluvial est, aujourd'hui, en très nette croissance. Il est évidemment intéressant à de nombreux points de vue, notamment au point de vue environnemental, car il est particulièrement économe en énergie et minimise les nuisances que d'autres modes de transport peuvent comporter.
Nous nous attachons à sécuriser le réseau magistral, à le moderniser et à mieux organiser son interconnexion avec les grands réseaux européens.
Les grands investissements, ce sont bien sûr les liaisons portuaires, avec le projet d'écluse de Port 2000, qui a été retenu par la décision du CIADT du 18 décembre 2003. C'est également le grand projet de liaison Seine-Nord Europe, également éligible à l'AFITF, dont la pertinence économique est extrêmement forte et la réalisation certainement moins coûteuse que celle d'autres projets auxquels il a été fait allusion.
J'en viens donc à la liaison fluviale à grand gabarit entre la Saône et le Rhin. Ce projet est ancien puisque la déclaration d'utilité publique remonte à 1978. Un décret du 30 octobre 1997, pris par le gouvernement précédent, avait ensuite marqué son abandon officiel. Le principal motif avancé, à l'époque, était que la réalisation du projet porterait des atteintes jugées insupportables à l'environnement. Avait également été invoqué, à juste titre, le coût très élevé du projet.
Aujourd'hui, le temps a passé. D'autres projets se sont imposés, en particulier celui du canal Seine-Nord Europe, qui nous connectera avec le réseau fluvial le plus dense de notre continent et mettra en relation le grand port du Havre avec l'est de la France et l'Europe. La construction de la ligne à grande vitesse Rhin-Rhône a également été décidée. Elle permettra de transférer vers le fret ferroviaire des transports qui se font aujourd'hui par la route. La remise à l'étude de la liaison fluviale à grand gabarit Saône-Rhin n'est donc pas d'actualité.
Cela étant, l'avenir dure longtemps ! Le transport fluvial a retrouvé une modernité, connaît de véritables perspectives, et il est possible que ce que nous disons et pensons aujourd'hui soit appelé à évoluer au fil du temps. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
Mme la présidente. Nous passons aux questions des orateurs des groupes.
Je rappelle que chaque intervenant dispose de cinq minutes maximum pour poser sa question, que le ministre dispose de trois minutes pour répondre et que l'orateur dispose d'un droit de réplique de deux minutes maximum.
La parole est à M. Michel Billout.
M. Michel Billout. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi de revenir quelques instants sur la création de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France, la future AFITF.
Monsieur le ministre, vous avez déjà apporté certains éclaircissements, mais je souhaiterais obtenir quelques précisions supplémentaires sur les questions de financement. Et, puisque la parole m'est donnée, je ne manquerai pas de vous présenter mon point de vue sur le sujet.
Je tiens, tout d'abord, à faire remarquer que la création d'une telle agence, destinée à financer de grands projets d'infrastructures de transport, ne va pas de soi, car sont concernés de véritables grands travaux qui, par leurs retombées potentielles et prévisibles, dépassent de fait le strict cadre de notre territoire national.
Vous l'avez indiqué tout à l'heure, d'autres choix étaient possibles et, en tous les cas, avaient été examinés à l'échelon gouvernemental.
Pour ma part, j'aurais préféré la création d'un véritable pôle public de financement autour de la Caisse des dépôts et consignations, de La Poste, de la Caisse d'épargne, de la Banque de développement des PME et d'autres institutions bancaires. Il était tout à fait possible de procéder ainsi, et cela aurait sans doute contribué à une meilleure maîtrise publique à la fois des besoins de financement et de la mobilisation des moyens existants, au service de l'aménagement équilibré de notre territoire.
La CDC ne dispose-t-elle pas dans ses réserves de 100 milliards d'euros, qui, au lieu d'alimenter les marchés financiers, pourraient être utilement employés au financement de nos infrastructures de transport ?
La mobilisation de tels fonds d'origine publique aurait aussi permis d'éviter que les projets ne soient soumis à des taux de retour sur investissement extrêmement courts et à des taux de rendement élevés, de l'ordre de 7 % à 15 %, alignés sur les taux des marchés financiers.
Enfin, l'intervention d'un pôle bancaire public aurait mieux permis d'assurer la pérennité des financements nécessaires.
D'autres ressources auraient également pu être obtenues pour répondre à la perte de parts de marché du fret ferroviaire, par exemple en recourant à une taxation sur les chargeurs ou sur les gros transporteurs routiers, dans le cadre d'une politique de rééquilibrage intermodal.
Bref, il était possible de faire de tout autres choix, qui auraient à tout le moins mérité un débat : vous me permettrez d'en faire l'observation, monsieur le ministre ! Or tel n'a pas été le cas, puisque la création de cette nouvelle agence de financement, décidée lors du CIADT de décembre 2003, a fait l'objet d'un décret, ce qui a privé le Parlement d'un débat sur sa nature, son fonctionnement et ses ressources.
Nous découvrons donc un organisme, qui plus est assez difficile à qualifier, dont les principales ressources seront, aux termes de l'article 5, les dotations de l'Etat, le produit des dividendes des sociétés d'autoroutes, le produit de placements, des emprunts et, sans plus de précision, « toute autre ressource directement affectée à l'établissement ».
Pour l'instant, le projet de loi de finances pour 2005 permet de lui allouer 635 millions d'euros de crédits de paiement, dont 435 millions provenant des prévisions de dividendes des sociétés d'autoroutes, le reste étant issu des dotations de l'Etat. Ce montant est particulièrement faible compte tenu des énormes besoins de financement !
D'après le Gouvernement, le niveau de financement de l'agence pourrait atteindre 7,5 milliards d'euros, ce qui, selon vous, monsieur le ministre, permettrait de faire face à environ 20 milliards d'euros de dépenses. Cela montre bien le niveau de l'investissement de l'Etat par rapport aux besoins !
J'ai de sérieux doutes sur le fait que les moyens de l'agence puissent être abondés à cette hauteur, et ce pour plusieurs raisons.
D'abord, une partie de ses ressources est loin d'être pérenne puisqu'elle proviendra des dividendes des sociétés d'autoroutes ; or certaines sont en voie de privatisation. En témoignent par exemple l'ouverture, déjà engagée, du capital de la société des autoroutes Paris-Rhin-Rhône, la SAPRR, et celle, prévue, du capital de la société des autoroutes du nord et de l'est de la France, la SANEF.
Pourquoi le Gouvernement, qui privatise abondamment, renoncerait-il à ces privatisations de sociétés autoroutières ?
Ensuite, les ressources provenant de placements sont, par définition, incertaines et elles sont aujourd'hui pratiquement nulles si l'on en croit l'affectation actuelle de 635 millions d'euros.
Enfin, l'ultime solution consistera à faire appel à des partenariats public- privé, ce qui suppose des exigences de rentabilité et un certain taux de retour sur investissement à court terme. Le groupe Bouygues, par exemple, pourrait-il se satisfaire de taux de rentabilité inférieurs à ceux qui se pratiquent sur les marchés ?
De nombreux projets sont concernés, monsieur le ministre, vous l'avez vous-même souligné : la poursuite de la réalisation du TGV -Est, la modernisation de la ligne Paris-Limoges-Toulouse, la modernisation de la ligne Dijon-Modane. Vous me permettrez d'y ajouter l'indispensable et urgente électrification de la ligne Paris-Provins-Troyes-Bâle ; à cet égard, l'Etat doit tenir tous ses engagements, et je sais que M. François Baroin, notamment, partage cette opinion.
En bref, monsieur le ministre, l'agence doit faire face à d'énormes besoins de financement. Or ceux-ci ne peuvent être soumis aux critères de rentabilité exigés par les marchés financiers, dans la mesure où l'agence remplit une mission de service public et d'intérêt général, et où certains de ses objectifs nécessitent des actions à long terme.
Dès lors, comment cette agence sera-t-elle abondée in fine, de quels moyens disposera-t-elle exactement, sur quels mécanismes financiers s'appuiera-t-elle ?
De tout cela dépend la réussite de ce programme de développement d'infrastructures dont les ambitions, à la suite d'un audit financier d'ailleurs tout à fait contestable, ont été largement revues à la baisse.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Gilles de Robien, ministre. Monsieur Billout, je suis étonné que vous puissiez poser cette question. .
D'une part, je vous le rappelle, durant la précédente législature, vous avez supprimé le FITTVN, qui était un bon outil de financement, même s'il n'était pas aussi performant que l'AFITF.
Quand je suis entré en fonction au ministère de l'équipement et des transports, j'ai découvert qu'un grand nombre de promesses avait été faites, que même des décisions avaient été prises au niveau du CIADT, tout cela pour un montant de 15 milliards d'euros, mais que rien n'était financé.
Cela signifiait un ralentissement de l'équipement de notre pays, au moment où l'Europe s'élargissait. La France, qui est la première destination touristique, qui a un rôle de plaque tournante, de pays de transit, aurait perdu cette vocation s'il n'y avait pas eu d'alternance ! Restaient à financer ces 15 milliards d'euros d'équipements promis.
Eh bien, monsieur Billout, nous avons pris des décisions, parce que gouverner, c'est décider.
Mais, avant d'arrêter nos décisions, nous avons organisé un débat, à l'Assemblée nationale et au Sénat. Ici même, il a duré au moins huit heures et quatre-vingts questions ont été posées. Je m'étonne donc que vous disiez qu'il n'y a pas eu concertation ni débat ! Ce fut d'ailleurs un débat de grande qualité, où chacun s'est efforcé d'oublier un moment son petit bout de route, sa petite rocade, pour se prononcer sur ce que devrait être la France dans vingt ans, sur les méthodes de financement, sur les types de transport qu'il fallait privilégier, sur l'intermodalité. Ce fut un débat magnifique !
A la suite de ce débat, le Gouvernement a décidé de continuer à équiper le pays et recherché le moyen d'assurer les investissements nécessaires à un moment où le budget n'en pouvait mais parce que la croissance était faible.
Nous avons donc créé une agence. J'espère que, celle-là, il n'y aura pas d'alternance pour la supprimer ! Nos ressources proprement budgétaires étant limitées, nous avons choisi d'alimenter cette agence grâce aux produits apportés par les transports eux-mêmes.
Vous parliez de « produits financiers » : il s'agit en fait des péages ! Quand vous réglez votre péage à une société autoroutière non privatisée, vous participez à ce financement !
A ce propos, je vous précise qu'ouvrir le capital, ce n'est pas privatiser ! Cessez donc de prétendre le contraire, car vous pourriez tromper des personnes éventuellement mal informées. Ouvrir 10 %, 20 % 30 %, et jusqu'à 49 % du capital, ce n'est pas privatiser, c'est faire appel à des partenaires susceptibles d'apporter des capitaux. C'est ce qui est fait pour la SAPRR : nous demandons à des partenaires privés de rembourser la dette plus rapidement, afin de pouvoir distribuer davantage de dividendes.
Si l'on additionne le produit des autoroutes jusqu'à 2030, avec une prévision de croissance du trafic de l'ordre de 2 % à 4 % par an, on arrive à une somme de 30 milliards d'euros. Pourquoi donc cette somme n'alimenterait-elle pas l'agence de financement ? Avec, en outre, les redevances domaniales, on pourra financer les infrastructures dont notre pays a besoin.
De 2005 à 2012, il y aura ainsi 7,5 milliards au titre de la part de l'Etat, mais, sachant que des fonds européens et des financements venus des collectivités locales - pour les canaux, par exemple, ou le TGV - viennent s'y ajouter, la capacité de financement s'élèvera, dans les prochaines années, à 20 milliards d'euros.
Equiper en faisant appel à l'usager et non au contribuable constitue, me semble-t-il, un bon système. Je le rappelle, celui-ci sera géré par deux parlementaires - un sénateur et un député -, par deux autres élus, deux personnalités qualifiées et six représentants de l'administration.
Je vous invite donc, monsieur le sénateur, à réviser votre position : vous vous réjouirez probablement, dans votre région ou ailleurs, de voir davantage d'infrastructures.
J'ajoute que soixante-quinze des infrastructures décidées par le CIADT de décembre 2003 seront des infrastructures « propres » puisque la route va financer des canaux, des autoroutes maritimes et le transport ferroviaire, ce qui correspond à une politique de transport véritablement respectueuse du développement durable
Mme la présidente. Ma parole est à M. Michel Billout.
M. Michel Billout. Je voudrais simplement remercier M. le ministre de ces précisions. Je reviendrai sur ce dossier lors de mon explication de vote.
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Reiner.
M. Daniel Reiner. Monsieur le ministre, je voudrais tout d'abord, monsieur le ministre, vous décerner deux satisfecit.
M. Daniel Reiner. C'est suffisamment rare pour qu'ils ouvrent mon propos !
Il s'agit, d'une part, de l'indiscutable amélioration de la sécurité routière, à laquelle nous sommes évidemment tous extrêmement sensibles.
Il s'agit, d'autre part, de l'opiniâtreté dont vous avez fait preuve et qui a abouti à la création de l'AFITF, agence que nous appelions de nos voeux.
J'avoue ma perplexité quant au reste de votre politique. J'ai l'impression que nous n'avons pas les mêmes yeux pour regarder la même réalité !
Une politique de transport est un enjeu de développement économique, social, et environnemental extraordinaire. Dans le cadre d'une politique de transport très volontaire, un objectif majeur doit être d'encourager le développement des modes de transport alternatifs à la route.
Toutes les déclarations portent le sceau du développement durable et rappellent nos engagements internationaux. Toutes les études montrent qu'il faut s'attendre à un développement considérable de la demande en transports dans les vingt années à venir. Tous les rapports sur la compétitivité de notre pays insistent sur la nécessaire qualité de ses infrastructures.
Hélas, à l'évidence, le budget qui nous est proposé ne répond pas à ces exigences. Il ne permet pas de faire face à ces enjeux. Il ne traduit pas cet engagement en faveur d'un véritable report modal.
Or, sans un engagement politique clair, il est impossible de rompre avec la logique des entreprises demandeuses de transport, pour lesquelles seuls comptent les coûts. Si l'on tient à cette logique, c'est toujours la route qui gagnera !
Aussi ma question, monsieur le ministre, est-elle simple : le Gouvernement a-t-il encore une véritable politique de rééquilibrage modal et de développement des transports alternatifs à la route ?
Pour illustrer cette question, je prendrai l'exemple du volet ferroviaire du projet de budget que nous examinons aujourd'hui.
Je commencerai par examiner le problème de la dette ferroviaire
La France a adopté en 1997 une nouvelle organisation de son système ferroviaire, en séparant le réseau, confié à RFF, de l'exploitation, confiée à la SNCF. Cette séparation, voulue par le gouvernement de droite de l'époque, allait au-delà de la simple obligation de séparation comptable issue de nos engagements européens.
Ce choix de création de deux établissements publics avait été présenté comme un moyen de maîtriser la dette ferroviaire, en allégeant la dette de la SNCF.
Plus de sept ans après la mise en place de ce dispositif, le moins que l'on puisse dire est que cet objectif est loin d'être atteint.
Nous sommes en présence de trois partenaires : l'Etat, RFF et la SNCF. Le système reste cependant « plombé », et pour longtemps. La dette ferroviaire est passée de 15 milliards d'euros en 1990 à 41 milliards d'euros en 2004. RFF supporte 25 milliards d'euros, la SNCF 7,5 milliards, et le service annexe d'amortissement de la dette, 8 milliards.
M. Lambert a posé d'importantes questions concernant l'impact du basculement aux normes comptables internationales sur cet « objet financier non identifié ». Faut-il rattacher cette dette aux comptes de la SNCF ou à la dette de l'Etat ? Chacun a compris qu'il n'était pas possible de rattacher la dette à la SNCF, à moins de vouloir « plomber » cette entreprise.
De plus, c'est bien à la demande de l'Etat que la SNCF s'est endettée lorsqu'elle a créé l'ensemble des infrastructures, en particulier les lignes de TGV.
Les seuls frais financiers supportés par l'ensemble du système ferroviaire en 2003 représentaient environ 2,5 milliards d'euros. Or les dotations d'Etat pour le désendettement n'ont pas augmenté depuis l'année dernière et représentent toujours 1,5 milliard d'euros. Ce décalage nous conduit immanquablement « dans le mur ».
Face à ce système qui se dégrade gravement, le Gouvernement va-t-il se résoudre à prendre des mesures qui seraient à la hauteur réelle du problème ?
Nous avions eu un temps l'espoir que d'autres sources de financement seraient trouvées. Je songe en particulier à la taxation des poids lourds. Qu'en est-il de cette mesure ?
La création de l'AFITF est un progrès. Le décret a été publié le 26 novembre au Journal officiel.
Cela étant, j'ai été surpris, à la lecture de l'article 1er de ce décret, de constater que la liste des infrastructures s'ouvraient sur les routes, mises sur le même plan que le chemin de fer, les voies d'eau et les ports. Où est, dans ces conditions, l'affirmation de l'objectif d'un réel transfert modal ? On nous annonçait que 70 % des moyens de l'agence seraient consacrés aux modes de transport alternatifs à la route. J'espère que cela reste vrai, mais le décret est muet sur ce point.
La création de l'agence, d'autre part, ne règle pas le problème de la dette ferroviaire actuelle, qui va continuer à grandir.
Ajoutons que l'AFITF sera elle-même amenée à s'endetter, sans doute même dès le début, car les dividendes des sociétés autoroutières seront insuffisants dans les premières années.
On nous dit qu'un plafond d'emprunt sera fixé chaque année en loi de finances : le rapporteur de la commission des finances évoque dans son rapport un plafond d'un montant de 635 millions d'euros pour 2005. Quelles seront les règles d'évolution de ce plafond dans les années à venir ?
Quand les 200 millions d'euros de dotation en capital promis par l'Etat en 2005 seront-ils versés à l'agence ?
Le Gouvernement prépare l'entrée en bourse de deux sociétés autoroutières via une augmentation de capital : quelle sera la part de l'Etat à l'issue de cette opération ? Cela aura nécessairement des implications sur la perception des dividendes, ce qu'on appelait la « rente autoroutière ».
On entend que l'agence pourrait injecter 400 millions d'euros par an dans des investissements ferroviaires. Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous confirmer cette information ?
Quant aux relations entre l'Etat et RFF, j'ai déjà évoqué l'insuffisance de l'aide au désendettement de cet organisme. La dette atteint 800 millions d'euros comme l'an passé, alors que les frais financiers seuls atteignent 1 milliard d'euro.
Par ailleurs, la dotation pour travaux de régénération pour 2005 est de 900 millions d'euros. On est encore très loin du compte.
Je sais qu'il y a, à l'heure actuelle, un débat à propos des trains qui doivent ralentir sur près de 1 500 kilomètres de voies, mais il n'y a guère que ceux qui ne prennent pas le train pour tenter de mettre en doute ce qui est, hélas, bien réel.
On constate, certes, un léger effort pour 2005, mais les dotations 2004 ont-elles bien été effectivement versées : le doute subsiste. On connaît l'ampleur de la régulation budgétaire de ces deux dernières années ! Il semble qu'elle ait atteint des proportions sans précédent en 2004 : 270 millions d'euros de crédits d'investissement annulés, après 317 millions d'euros en 2003. Voilà qui relativise un peu nos débats sur les chiffres.
Bien entendu, cela contribue au retard colossal des contrats de plan.
Mme la présidente. Monsieur Reiner, veuillez conclure, s'il vous plaît.
M. Daniel Reiner. Il me semble tout de même utile de préciser que l'on se situera, à la fin de cette année, à 33 % de la réalisation des contrats de plan, quand on devrait se situer à 71 %.
Voilà quelques questions, monsieur le ministre, auxquelles j'attends que vous répondiez.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Gilles de Robien, ministre. Madame la présidente, je ne peux pas répondre à dix-sept questions en trois minutes ! Je vais donc aller à l'essentiel.
Monsieur Reiner, je vous remercie de saluer la politique de sécurité routière. On peut féliciter l'ensemble des Français du résultat obtenu. Le Gouvernement a suivi une instruction du président de la République ; il s'est mobilisé dans une action interministérielle. Les Français ont écouté les messages, suivi les mesures. Certes, ils ont parfois « rouspété » à cause des contraventions ! Mais les résultats sont là : 3 000 vies sauvées et plusieurs dizaines de milliers de blessés en moins ! J'espère, nous espérons tous, que cela va continuer.
Vous vous êtes réjoui de la création de l'AFITF ; tant mieux ! Vous aviez supprimé le FITTVN. A tout péché miséricorde !
Selon vous, le Gouvernement ne consacre pas assez d'argent au chemin de fer. Rien que pour la période 2005-2012, sur les 7,5 milliards d'euros de ressources de l'agence pour le financement des infrastructures, plus de 5 milliards, c'est-à-dire les deux tiers, y sont consacrés ; on n'avait jamais vu cela !
J'ai entendu des discours sur le fret ferroviaire, sur le ferroutage, sur l'écologie et le transport propre, etc. Maintenant, il y a l'argent nécessaire ! Les chiffres sont là et c'est quand même autre chose que les discours !
J'ai l'honneur de vous faire aujourd'hui un discours sur les transports propres, mais avec un gage, celui de l'Agence de financement des infrastructures de transport en France, qui apportera les moyens nécessaires !
Pour 2005, les ressources totales s'élèvent à 635 millions d'euros, dont 425 millions sont consacrés aux opérations ferroviaires. Voilà la réalité ! Vous ne pouvez donc pas dire que nous ne faisons rien contre la pollution, que nous ne remplissons pas les obligations du Protocole de Kyoto, etc. C'est faux !
S'agissant de la pérennité des financements, nous accordons, par an, 800 millions d'euros à RFF et 677 millions d'euros à la SNCF. Je l'ai écrit - j'ai signé la lettre hier matin - aux organisations syndicales qui se posaient la question : 1,477 milliard d'euros pour RFF et la SNCF. On n'avait jamais vu un tel effort dans le passé ! Nous avons également budgétisé 900 millions d'euros l'an passé pour les grosses réparations ; cela, on ne l'avait jamais vu non plus !
Vous m'avez demandé comment était fixé le plafond d'endettement de l'AFITF. Il est tout simplement voté par le Parlement. On ne peut pas trouver plus démocratique !
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Reiner.
M. Daniel Reiner. Monsieur le ministre, je vous l'avais bien dit, nous n'avons pas le même regard sur les réalités !
Vous m'opposez des chiffres qui ont été budgétés l'année dernière, mais moi, je vous parle de régulation budgétaire. On n'avait jamais vu de tels gels de crédits !
MM. Gilles de Robien, ministre, et François Goulard, secrétaire d'Etat. Ces crédits-là n'ont pas été régulés !
M. Daniel Reiner. Ah bon ?
M. Daniel Reiner. J'ai sous les yeux des chiffres de la régulation sur le ministère des transports. Vous allez me dire s'ils sont mauvais : 270 millions d'euros de crédits d'investissements annulés en 2004.
M. Daniel Reiner. Vous nous avez dit, monsieur le ministre, que les 15 milliards d'euros de travaux d'infrastructures annoncés lors de la signature des contrats de plan n'étaient pas financés. Bien sûr, qu'ils n'étaient pas financés en 1999 et 2000 puisque, dans notre pays, le budget est annuel ! Mais cela valait engagement de l'Etat à financer chaque année la part nécessaire pour compléter les financements des régions, des départements et des grandes collectivités. Vous ne pouvez donc pas dire qu'ils n'étaient pas financés !
S'agissant du FITTVN, vous savez bien que ce ne sont pas les parlementaires qui l'ont supprimé !
M. Daniel Reiner. En la circonstance, je ne vais pas faire la différence entre les deux, mais, si vous avez pu obtenir la création de l'AFITF, c'est bien parce que l'unanimité des deux assemblées a pesé lourd dans votre discussion avec le ministère des finances ; il faut le reconnaître !
Un mot sur le transport combiné : c'est une question essentielle. Je suis surpris que vous ayez demandé, une étude au Comité national des transports, alors que le transport combiné est à l'ordre du jour depuis des années et que les rapports sont déjà multiples.
Donnez-nous plutôt les résultats de l'autoroute ferroviaire qui a été mise en place à titre expérimental en direction de l'Italie. Examinons objectivement ce qu'il est possible de faire dans ce domaine.
En conclusion, il y a deux façons de voir les choses : l'une avec les yeux, l'autre avec des lunettes roses. Mais, pour une fois, ce n'est pas nous qui portons ces lunettes-là ! (Sourires.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Gilles de Robien, ministre. Puisque vous parlez de lunettes roses, je vous renvoie le compliment, car c'est vous qui vous trompez : le FITTVN a bien été supprimé par la majorité parlementaire de l'époque, donc par vous !
M. Daniel Reiner. Absolument, mais poussée par le Gouvernement ! (Sourires.)
M. Daniel Reiner. Vous savez bien comment les choses se passent !
M. Gilles de Robien, ministre. Alors, nous sommes d'accord !
L'expérimentation de la première autoroute ferroviaire française entre Aiton et Or Bassano se poursuit et monte en puissance. Nous nous rendrons sur place, François Goulard et moi, au cours du printemps.
Par ailleurs, avec d'autres pays voisins, nous commençons à imaginer - les négociations viennent juste de commencer - la réalisation d'un grand corridor nord-sud pour le ferroutage.
Enfin, s'agissant des 15 milliards d'euros, bien sûr qu'il fallait en budgéter une partie chaque année ! Mais, avec 1 000 milliards de dette et presque 3 % de déficit, comment trouver une telle somme, même sur trois, cinq ou sept ans ? C'était impossible ! Il fallait donc garder les sociétés d'autoroute et « flécher » le produit des dividendes pour abonder soit le budget de l'Etat, soit le financement des infrastructures. Nous avons choisi de créer l'AFITF pour recueillir cette « ressource nouvelle ».
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Procaccia.
Mme Catherine Procaccia. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, en février 2003, le Premier ministre recevait les résultats d'un audit qu'il avait commandé sur les grands projets d'infrastructures et qui établissait la liste des équipements pour lesquels un investissement de la part de l'Etat était nécessaire d'ici à 2020. Les besoins sont évalués à 23 milliards d'euros à la charge de l'Etat sur cette période.
La réflexion a abouti aujourd'hui à la création de l'AFITF, ce dont je me félicite. Je voterai les crédits inscrits dans la loi de finances et destinés à cette agence.
Ce nouvel établissement a pour but de rendre plus visibles les efforts du Gouvernement en matière d'infrastructures. Je m'en réjouis, car il m'était difficile, en tant qu'élue et parlementaire, de répondre aux attentes des élus locaux comme des citoyens lorsqu'ils m'interpellaient sur les projets d'équipements qui leur tiennent à coeur parce qu'ils amélioreraient leur vie quotidienne et la sécurité, mais qui n'aboutissent pas toujours !
A ce titre, je rappelle que, parmi les équipements préconisés par l'audit de 2003, figure le bouclage de l'autoroute A 86 à l'est, reconnue d'utilité publique, comme l'a rappelé récemment François Goulard.
C'est une erreur des services de l'Etat qui, voilà vingt ans, a fait converger l'A 86 et l'A 4 sur un seul et même tronçon, à la hauteur de Joinville-le-Pont et de Nogent-sur-Marne, comme vous l'a rappelé par lettre Marie-Anne Montchamp et mon collègue Christian Cambon.
La coexistence, sur ce même tronçon autoroutier, d'un axe radial est-ouest, l'A 4, et d'une rocade qui relie tous les départements autour de Paris, l'A 86, provoque un bouchon reconnu par tous comme étant non seulement le plus grand bouchon de France, mais aussi l'un des plus importants points noirs d'Europe.
Ce sont 260 000 véhicules, dont 25 000 poids lourds, qui empruntent chaque jour cet itinéraire, utilisé pour le trafic nord-sud de l'Europe qui transite par Paris.
En outre, nous sommes au coeur du triangle : Roissy Charles-de-Gaulle-Orly-MIN de Rungis.
Il faut compter, en moyenne, six heures de bouchons, et encore n'est-ce vrai que les bons jours !
Ces bouchons se répercutent sur les axes de circulation contigus - voiries départementales et communales -, sur les autoroutes A l et A 3 vers le nord et sur la N 104 vers l'est. La paralysie est maintenant régionale et nationale ; on pourrait même dire qu'elle est européenne !
Les conséquences sur la qualité de vie des Franciliens sont énormes : le temps de trajet travail-domicile ne cesse de s'allonger pour tous ; les entrepreneurs estiment même qu'ils perdent quasiment deux heures d'activité chaque jour sur ce tronçon ; la pollution atmosphérique atteint des niveaux alarmants.
Sur le plan du développement économique, ce bouchon nuit considérablement à l'image du Val-de-Marne, que je représente. Malgré les atouts de ce département - l'aéroport d'Orly et le MIN de Rungis -, de plus en plus d'entreprises partent s'installer dans des lieux où la circulation est plus facile.
Ce problème perdure maintenant depuis une vingtaine d'années. Cela ne veut pas dire que rien n'a été tenté. En 1998, le projet de réalisation du maillon manquant de l'A 86 par voie souterraine et sous-fluviale a été déclaré d'utilité publique. Mais seuls des crédits d'étude ont été inscrits au contrat de plan Etat-région 2000-2006. En attendant, une solution temporaire a été imaginée, mais elle n'est pas encore mise en oeuvre. Elle consisterait à aménager la bande d'arrêt d'urgence. Nous sommes quelques-uns à nous interroger sur une telle hypothèse.
Des millions de Franciliens sont concernés au premier chef, mais, comme le rappelait à M. Bussereau, en 2002, notre collègue Gérard Longuet, « c'est tout l'est de la France qui ne cesse de s'éloigner de Paris » à cause de ce bouchon.
Nous sommes là au coeur du problème. L'audit de 2003 a qualifié ce projet d'infrastructure de « prioritaire pour l'Ile-de-France ». Mais les financements nécessaires à cette opération ne sont pas mobilisés. Ce problème dépasse le cadre régional : faute d'une intervention et d'un financement de l'Etat, rien ne sera possible.
La création de l'AFITF et la relance annoncée dans le collectif budgétaire des contrats de plan Etat-région peuvent-elles redonner quelque espoir à cet égard ?
J'attire également votre attention sur un autre point mis en exergue par l'audit de 2003, mais qui ne requiert pas une mobilisation de fonds aussi considérable ; je veux parler de la déviation et de la mise en sécurité de la RN 19.
Lors de sa visite sur le site en septembre 2003, le préfet de région, Bertrand Landrieu, avait confirmé l'engagement de l'Etat de financer à 70 % les 230 millions d'euros nécessaires à la réalisation de la déviation, le reste étant pris en charge par la région d'Ile-de-France. Si le chantier a commencé, son importance ne permet malheureusement pas d'en espérer le terme avant 2011.
Au-delà de l'aspect environnemental de la déviation, c'est surtout le souci de la sécurité routière qui anime les élus locaux. On déplore en effet, sur cet axe à très fort trafic, de trop nombreux accidents mortels.
Je vous remercie, monsieur le ministre, de m'indiquer vos intentions concernant ces deux projets. Je profite de l'occasion qui m'est donnée pour vous féliciter de l'action menée par le Gouvernement dans le domaine de la sécurité routière, qui est l'une de nos préoccupations fondamentales, y compris s'agissant des deux projets que je viens d'évoquer. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Gilles de Robien, ministre. Madame Procaccia, il est vrai que, lorsqu'on habite Alençon ou Amiens, par exemple, on « rouspète » quand on passe deux ou cinq minutes dans un bouchon ! Il faut avoir été bloqué pendant deux, trois, voire quatre heures sur le tronçon commun de l'A 4 et de l'A 86, d'une longueur de trois kilomètres environ, pour comprendre ce qu'est véritablement un bouchon routier !
Nous sommes bien conscients des difficultés que rencontrent, pour venir travailler, les automobilistes qui habitent à l'est de Paris. Ce tronçon commun, sur lequel 250 000 véhicules circulent quotidiennement, est vraiment le point le plus difficile de la région d'Ile-de-France.
La réalisation d'une traversée sous la Marne, qui pourrait améliorer la situation, est estimée à 660 millions d'euros en 2003 ; elle n'a pu être incluse dans le contrat de plan actuel, comme vous le savez.
Ce coût si important devrait conduire tous les responsables, sinon à trouver des solutions consensuelles, du moins à s'interroger sur le financement d'infrastructures hors péage en Ile-de-France. Cela peut-il durer indéfiniment ? C'est une question qu'on est amené à se poser.
Des projets sont aujourd'hui éligibles au financement de l'AFITF parce que cette dernière tire ses ressources des péages autoroutiers situés en dehors de l'Ile-de-France. Par conséquent, une réflexion d'ensemble s'impose ; la révision du schéma directeur de la région doit être l'occasion, me semble-t-il, de l'engager de manière globale, cohérente et non partisane.
Sans attendre, on a pris certaines mesures. Vous avez cité celle de 1998. On a aussi offert, ce qui coûte évidemment moins cher, une voie supplémentaire aux usagers pendant les heures de pointe,...
Mme Catherine Procaccia. Pas encore !
M. Gilles de Robien, ministre. Cela va venir, la décision est prise.
Pendant les heures de pointe, en effet, la circulation est tellement lente que l'on peut, sans mettre à mal la sécurité, ouvrir une voie de droite « additionnelle », neutralisée par des barrières mobiles lorsque la circulation est fluide. Cette voie, qui pourra servir de refuge en cas de besoin, sera mise en service dès 2005 et offrira 20 % de « bande roulante »supplémentaires, ce qui représente une amélioration substantielle.
M. Jean Desessard. C'est à voir !
M. Gilles de Robien, ministre. En tout cas, il est indispensable de mener une réflexion d'ensemble sur les grandes infrastructures d'Ile-de-France et sur leur financement. Nous avons su le faire pour toutes les grandes infrastructures de France en mettant en place l'AFITF. Ne faudrait-il pas suivre une telle « voie » pour la région parisienne ?
Par ailleurs, les travaux sur la RN 19 seront lancés prochainement, grâce à la mise en oeuvre du plan de relance annoncé il y a peu par le Premier ministre, et qui prévoit, je le rappelle, des crédits supplémentaires à hauteur de 300 millions d'euros en autorisations de programme et de 150 millions d'euros en crédits de paiement.
Mme la présidente. La parole est à M. Claude Biwer.
M. Claude Biwer. Comme pour illustrer le propos de Mme Procaccia, je dirai que la Lorraine souhaiterait, elle aussi, se rapprocher de Paris. (Sourires.)
Sans aller jusqu'à faire totalement mienne l'analyse de mon ami Daniel Reiner, monsieur le ministre, je ne peux que rappeler combien est préoccupante, et depuis longtemps, la situation lorraine, que vous connaissez particulièrement bien, tant sur le plan routier que sur le plan ferroviaire.
Nous avons souvent des difficultés pour nous mettre d'accord sur le périmètre à prendre en compte : faut-il le réduire à un seul sillon, fût-il mosellan, ou envisager une Lorraine élargie.
A cet égard, le doublement de l'autoroute A 31 pose incontestablement un très important problème d'aménagement du territoire. Soit on s'oriente vers une A 32 parallèle à l'autoroute existante et, il est vrai, très largement saturée par un trafic international, interrégional et interurbain particulièrement dense aujourd'hui, ce qui aurait pour conséquence de concentrer tous les équipements autoroutiers dans le seul sillon mosellan. Soit on privilégie l'aménagement du territoire, par la création nécessaire d'une voie reliant la Belgique à Toul, puis se prolongeant au sud, en prenant appui sur les routes nationales existantes, notamment la RN 18.
S'agissant d'infrastructures routières, je sais, monsieur le ministre, que vous avez l'habitude de trancher et de prendre les décisions qui s'imposent.
Or trop de temps a déjà été perdu sur ce dossier du doublement de l'A 31, pour lequel trois solutions sont possibles.
Nous pourrions, d'abord, envisager la construction d'une nouvelle autoroute dans le sillon mosellan, mais cette idée est, si j'ai bien compris, désormais combattue par la nouvelle majorité régionale. (M. Daniel Reiner fait un signe de dénégation.) Disons qu'elle est pour le moins discutée, mon cher collègue !
Nous pourrions, ensuite, prévoir des aménagements ponctuels sur l'A 31, mais cela ne suffira probablement pas pour permettre au trafic de s'écouler normalement.
Nous pourrions, enfin, opter pour la création d'une voie, qui transiterait, comme je viens de le dire, par les routes nationales existantes. A l'instar de ce que fait la SNCF pour le fret ou le ferroutage, on utiliserait les voies existantes.
Quant au nord de la Meuse, il souffre d'un éloignement encore plus important. Or, dans le cadre de la décentralisation et du transfert aux départements de certaines routes nationales, l'Etat abandonnerait la RN 43, qui couvre la Meuse et une partie des Ardennes et de la Meurthe-et-Moselle, de Sedan à Longwy. Cela aurait pour conséquence une rupture de l'axe Calais-Bâle, plus connu sous le nom de « rocade nord-Lorraine » du temps où notre regretté collègue Jacques Sourdille était président du conseil général des Ardennes. Cette rupture entre Sedan et Longwy représenterait une cinquantaine de kilomètres.
Les élus concernés s'accordent pour dire qu'il s'agit d'un axe économique important puisqu'il longe la frontière et assure une continuité. Monsieur le ministre, nous devrions pouvoir réfléchir, ensemble, aux moyens d'éviter une telle rupture.
Ma question est donc double : l'Etat va-t-il enfin privilégier l'aménagement du territoire dans la réalisation des infrastructures en question ? Une réflexion commune est-elle encore envisageable entre vos services et les élus concernés, dont je fait partie, afin d'éviter la rupture de la continuité d'un axe majeur sur le plan économique ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Gilles de Robien, ministre. Monsieur Biwer, si l'A 31 est saturée, c'est parce qu'elle assure des fonctions très importantes. Comme vous venez de le souligner, cette saturation crée un handicap important pour l'économie régionale et nationale.
A l'évidence, il faut remédier à ce problème. Le débat public a eu lieu en 1999. Le tracé ouest a été abandonné, au double motif qu'il ne permettait pas un délestage suffisant de l'autoroute actuelle et qu'il traversait le parc naturel régional de Lorraine. Or vous savez combien les questions d'environnement sont de plus en plus aigues.
Par conséquent, il faut concentrer notre attention soit sur le tracé est, soit sur un tracé qui combine des sections existantes de l'A 31, notamment entre Dieulouard et Fey, et des tronçons nouveaux. Tel est le sens du mandat que j'ai confié au préfet. Nous attendons les résultats des études opérationnelles qui ont été lancées.
Par ailleurs, vous avez exprimé le souhait que la RN 43 et la RN 18 demeurent dans le réseau national. Or les usagers de grand transit entre le nord et le nord-est ont déjà deux possibilités. Ils peuvent ainsi emprunter l'A 26 ou l'A 4, voire le réseau autoroutier belge. La RN 43 et la RN 18 représentent donc un itinéraire parallèle et assurent naturellement, il faut le reconnaître, des fonctions de desserte locale, avec une moyenne inférieure à 5 000 véhicules par jour sur les sections interurbaines.
Le transfert de ces routes aux départements correspond bien à la logique de subsidiarité qui est inhérente à la loi de décentralisation. Leur exploitation sera probablement beaucoup mieux assurée par une gestion de proximité. Néanmoins, la consultation des départements sera lancée officiellement le 1er janvier, et ce pour une durée de trois mois, c'est-à-dire jusqu'au 31 mars.
Cette concertation permettra aux conseils généraux de discuter avec le Gouvernement. A l'issue de cette concertation, le Gouvernement rédigera le décret, qui sera ensuite soumis au Conseil d'Etat.
Mme la présidente. La parole est à M. Claude Biwer.
M. Claude Biwer. Monsieur le ministre, si j'ai bien compris, on laisse les routes dans l'état où elles sont, c'est-à-dire en mauvais état, pour s'assurer que personne ne les emprunte, et l'on tire argument du fait qu'elles sont peu empruntées pour dire qu'il n'est pas nécessaire de les améliorer ! (Sourires.)
On raconte souvent des « histoires belges », mais, en l'occurrence, ils peuvent nous donner quelques leçons : pendant que nous nous amusons sur nos petits chemins, eux développent l'économie ! En effet, monsieur le ministre, l'économie en général passe bien souvent par la route, et le tracé d'aujourd'hui, c'est l'axe de développement de demain.
C'est là une forme essentielle d'aménagement du territoire. Au-delà de la route, si je puis dire, il y a les activités économiques, et l'on ne peut pas laisser des pans importants de notre territoire trop à l'écart.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Gilles de Robien, ministre. Je suis très sensible à cet argument d'aménagement du territoire. Pour autant, il ne faut pas tout confondre : le réseau départemental n'est pas forcément mauvais et le réseau national n'est pas obligatoirement magnifique !
Le transfert aux départements des routes actuellement gérées par l'Etat va s'accompagner d'un transfert des moyens correspondants, à l'euro près.
MM. Daniel Reiner et Michel Teston. Non!
M. Gilles de Robien, ministre. Par conséquent, les départements pourront entretenir ces routes au moins aussi bien que l'Etat.
Tantôt on estime que c'est l'Etat qui entretiendra le mieux telle ou telle route, tantôt on affirme que la gestion de proximité assurée par le département sera beaucoup plus efficace.
En tout cas, les départements disposeront des mêmes moyens financiers. S'ils veulent faire aussi bien que l'Etat, ils le pourront. S'ils veulent faire mieux, à eux de faire les choix les plus judicieux : c'est toute le responsabilité des élus parce que, comme chacun sait, gouverner, c'est choisir !
Monsieur le sénateur, je ne veux pas pour autant préjuger de la concertation qui aura lieu au cours des trois prochains mois.
Si le débat démontre qu'il faut privilégier la logique d'un réseau structurant à l'échelon national, il en sera ainsi. Sinon, ne craignez pas le transfert aux départements, car ceux-ci ont tout de même prouvé leur capacité à améliorer une partie du réseau routier de notre pays.
Mme la présidente. La parole est à M. Yves Krattinger.
M. Yves Krattinger. Monsieur le ministre, lors d'un récent débat, vous avez indiqué que, à structure constante, le budget des routes était « en progression de 13,5 % en moyens d'engagement et en baisse de 2,4 % en moyens de paiement ».
Il s'agit toutefois de l'évolution des moyens disponibles et non de l'évolution des crédits d'une loi de finances à une autre loi de finances.
Or force est de constater qu'un report de crédits de 144 millions d'euros vient, opportunément, augmenter les moyens disponibles au 1er janvier, ce qui permet d'afficher une baisse « supportable » de 2,4 %, au lieu d'une réelle reculade de 13,4 %.
Alors, monsieur le ministre, et c'est ma première question, après les épisodes 2003 et 2004 et les gels de crédits successifs, pouvez-vous nous affirmer qu'il n'y aura aucun gel budgétaire en 2005 ? (M. le ministre s'esclaffe.)
M. Daniel Reiner. Ce serait une surprise !
M. Yves Krattinger. Ensuite, je m'attacherai aux investissements et à l'entretien dans le domaine routier, en tenant compte, de la création de l'AFITF - vous en avez abondamment parlé - et de la préparation du transfert des deux tiers du réseau national aux départements au 1er janvier 2006.
Dans le budget de l'Etat, les crédits inscrits au titre des investissements routiers sont en baisse en 2005. La programmation s'élève à 332 millions d'euros, soit une baisse de 53 %, tandis que les moyens d'engagement sont fixés à 541 millions d'euros, soit une baisse de 33 %.
Par ailleurs, l'AFITF bénéficiera de 635 millions d'euros en 2005, sachant que 30 % de ces crédits devraient être globalement affectés aux routes, comme vous en avez donné l'assurance tout à l'heure, lesquelles bénéficieront de 187millions d'euros de crédits de paiement et de 445 millions d'euros d'autorisations de programme.
Ainsi, malgré la création de l'AFITF, le total des crédits en faveur de l'investissement routier est en baisse. En effet, la diminution des crédits de paiement en faveur du développement du réseau routier national est encore de 25 %, hors tout gel de crédit, en additionnant aux sommes inscrites au budget celles qui seront probablement affectées par l'agence.
Or, monsieur le ministre, ces crédits font, pour une grande partie, l'objet d'une contractualisation dans le cadre des contrats de plan Etat-région, dont les départements, en général, sont co-financeurs.
L'enveloppe du volet routier de ces contrats, hors exploitation financée sur le budget de la sécurité routière, s'élève sur la durée du XIIe Plan 2000-2006, en ce qui concerne la part de l'Etat, à 5,1 milliards d'euros.
Globalement, les participations des collectivités territoriales atteignent 8 milliards d'euros.
Dans ce projet de budget pour 2005, la part de l'Etat s'élèvera à 465,5 millions d'euros. Au regard du volume financier engagé actuellement, il faudrait, à ce rythme, au moins onze années pour exécuter les contrats de plan !
La dotation de la loi de finances initiale pour 2004, en matière d'investissements routiers contractualisés, était de 647,7 millions d'euros. Après régulation, cette dotation a été ramenée à 287,88 millions d'euros, soit 44 % du montant initialement prévu. La conséquence est imparable : à la fin de l'année 2004, le taux d'exécution des contrats de plan Etat-région ne sera que de 52,1 % - vous avez parlé de 55 % tout à l'heure, et je m'en réjouis si c'est bien le cas -, alors que le taux d'exécution théoriquement attendu à cette échéance aurait dû atteindre 71,4 %.
Au passage, je déplore vivement que la région Franche-Comté, que je connais un peu mieux que les autres, soit encore au-dessous de la moyenne nationale, avec un taux d'exécution de 47,1 %.
Au nom de tous ceux qui ont signé ces contrats, je souhaiterais, monsieur le ministre, que vous apportiez des informations : le retard accumulé sera-t-il rattrapé ? Dans quels délais l'Etat tiendra-t-il ses engagements ? Je serais très heureux, monsieur le ministre, d'entendre de votre part des propos rassurants sur ce point particulier des contrats de plan, dans le contexte du transfert des deux tiers des routes nationales aux conseils généraux.
Il est vrai que ce transfert s'effectue dans un contexte de dialogue entre les présidents de conseils généraux et votre administration, monsieur le ministre. Je souhaite donc vous féliciter de l'état d'esprit qui a régné jusqu'à présent lors de ces discussions.
Cependant, un doute doit être levé. En effet, les crédits consacrés à l'entretien et à la réhabilitation du réseau routier national, qui s'élèvent à 611,1 millions d'euros, sont stables, à structure constante. Vous nous avez dit, monsieur le ministre, en avoir fait une priorité forte du Gouvernement, ce dont nous vous félicitons.
Les grands travaux à entreprendre concernent prioritairement la réhabilitation du réseau autoroutier non concédé. Les niveaux de dégradation relevés montrent que certaines chaussées ont atteint la limite de leur durée de vie. L'entretien courant et préventif ne suffit pas à enrayer cette détérioration ; ces voies nécessitent des interventions lourdes, spécifiques et programmées sur plusieurs années.
Si les moyens ont effectivement progressé depuis 1997, il faut toutefois noter - c'est une estimation que nous a livrée M. le rapporteur spécial - que 75 % à 80 % des investissements et dépenses de fonctionnement réalisées ces dernières années l'ont été sur le réseau qui devrait rester dans le réseau routier national. En conséquence, ce serait donc le réseau le moins bien entretenu qui serait transféré aux départements. Cette information, bien entendu, mérite d'être infirmée ou confirmée.
Quoi qu'il en soit, les conseils généraux sont évidemment très inquiets en ce qui concerne les compensations financières, calculées sur la moyenne des dernières années, qui seront versées par l'Etat pour l'entretien et le développement des routes. Cette situation très préoccupante doit absolument être prise en compte et les présidents des conseils généraux doivent être informés au sujet de la consommation réelle des crédits. Ils sont en effet extrêmement soucieux de l'état du réseau qui leur est proposé et des conditions financières du transfert. Certains d'entre eux savent d'ores et déjà qu'il leur sera très difficile, voire impossible de faire face aux dépenses indispensables imposées par ce transfert pour l'entretien et l'aménagement des voies de communication.
Telles sont les raisons pour lesquelles, monsieur le ministre, je vous demande de bien vouloir nous préciser la façon dont le ministère entend répondre à toutes ces interrogations et, surtout, la façon dont il interprète la loi relative aux libertés et responsabilités locales, dont l'un des articles précise : « Il est établi, dans les douze mois de l'entrée en vigueur de la présente loi, une étude exhaustive portant sur l'état de l'infrastructure, au moment de son transfert, ainsi que sur les investissements prévisibles à court, moyen et long termes, liés à la gestion de ce domaine routier. » Il est très important que vous nous donniez, monsieur le ministre, votre interprétation de cet article, qui a été rédigé à la suite des interventions des parlementaires.
Mme la présidente. Monsieur Krattinger, il est temps de conclure.
M. Yves Krattinger. Une telle étude doit permettre de recenser les investissements et l'entretien qui auraient dû ou devraient être réalisés sur le réseau transféré, pour les chiffrer et permettre ainsi à l'Etat de corriger, ici ou là, les difficultés qui pourraient apparaître.
Nous attendons de votre part, monsieur le ministre, des engagements clairs sur les relations entre les conseils généraux, qui vont hériter des routes, et l'Etat, engagements qui permettront aux conseils généraux de se prononcer en toute connaissance de cause.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Gilles de Robien, ministre. Monsieur le sénateur, vous ne m'en voudrez pas si j'ai du mal à répondre en trois minutes à une question qui en a pris dix !
Tout d'abord, le réseau qui serait transféré - je parle au conditionnel puisque le décret ne sera pris qu'après concertation - est plutôt celui qui est dans le meilleur état. (M. Michel Teston proteste.) Nous disposons aujourd'hui d'indicateurs qui me permettent de vous le dire. Vous pouvez donc être rassuré sur ce point.
Ensuite, je vous remercie d'avoir souligné la qualité des relations entre les préfets et les présidents de conseils généraux lors de cette concertation. J'ai rencontré le président de l'Assemblée des départements de France, et j'ai pu constater qu'il était dans cet état d'esprit tout à fait positif, ce dont je me réjouis.
Par ailleurs, à la fin de l'année 2004, les contrats de plan Etat-région auront été financés à hauteur d'un peu plus de 50 %. Grâce au plan de relance décidé par le Premier ministre, 65 % à 66 %, soit les deux tiers, auront été financés à la fin de l'année 2005. Il s'agit d'un effort exceptionnel, qui permettra d'accélérer les opérations routières prévues dans ces contrats.
Enfin, nous sommes évidemment des personnes responsables et vous savez bien, mesdames, messieurs les sénateurs que, lorsque la conjoncture ralentit, les recettes des collectivités locales, lissées dans le temps, continuent bon an mal an de croître, alors que l'Etat, lui, subit de plein de fouet des taux de croissance déprimés parce que ses recettes sont très élastiques, à la hausse comme à la baisse, par rapport à l'activité.
Et pourtant, l'Etat continue, à travers la DGF, les DGE et les DSU, à faire son devoir à l'égard des collectivités locales, personne ne peut le nier !
En tant qu'élu local, je vois bien que les recettes propres de ma collectivité et les différentes dotations continuent de croître raisonnablement. L'Etat fait son devoir, et c'est là l'essentiel.
Dans ces conditions, il ne me paraît ni anormal ni immoral que l'Etat module l'exécution des contrats de plan en fonction de la conjoncture. Cela vaut mieux que d'endetter le pays ! Si nous sommes des citoyens locaux, nous sommes aussi des citoyens nationaux. En réalité, nous sommes des citoyens tout court. Faisons donc preuve d'un peu de souplesse : ce n'est pas la première fois que les contrats de plan sont adaptés en fonction de la conjoncture. Dès que celle-ci repartira, leur financement sera de nouveau réexaminé.
A ce titre, permettez-moi de saluer le geste du Premier ministre, qui, dès que cela a été possible, a décider de relancer, avec 300 millions d'euros d'autorisations de programme et 150 millions de crédits de paiement, le volet routier des contrats de plan, lequel, c'est vrai, avait pris un peu de retard. Mais ce retard était, reconnaissez-le, également imputable aux premières années de ces contrats de plan.
Mme la présidente. La parole est à M. Yves Krattinger.
M. Yves Krattinger. Monsieur le ministre, vous avez répondu à la plus grande partie de mes questions. Vous avez cependant oublié - c'était sûrement involontaire - la première d'entre elles : y aura-t-il des gels de crédits durant l'année 2005 ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Gilles de Robien, ministre. Je veux bien que l'on fasse des routes « hors gel » ! (Sourires.)
Vous savez que personne n'est prophète en son pays. Nous ne pouvons pas connaître exactement la conjoncture qui sera celle de l'année 2005. Certes, nous avons prévu un taux de croissance de 2,5 %. Mais supposez qu'il y ait un trou d'air durant l'année ou une croissance plus forte que prévue : nous adapterions alors le budget, comme le fait quotidiennement un ménage ou un bon élu local. Vous ne pouvez tout de même pas en vouloir à un gouvernement de faire son devoir : s'il s'aperçoit qu'il risque d'être amené à dépenser plus que les recettes constatées ne le lui permettent, il doit adapter son budget !
Bien évidemment, aucun ministre des transports ni, d'ailleurs, aucun ministre du budget ne peut prendre l'engagement qu'il n'y aura pas de gel de crédits. On fait des prévisions, mais on ne connaît pas exactement, un an à l'avance, les recettes dont disposera l'Etat pour alimenter, par exemple, le budget des routes. Dire le contraire ne serait pas sérieux !
Mme la présidente. La parole est à M. Charles Revet.
M. Charles Revet. Les crédits affectés au budget des transports viennent de nous être parfaitement détaillés, tant par vous-mêmes, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, que par nos collègues rapporteurs.
C'est pourquoi, pour ma part, dans le cadre de la procédure des questions-réponses qui régit notre débat, je souhaiterais vous interroger sur le secteur ferroviaire, dont le financement reste préoccupant.
La situation financière de la SNCF s'améliore. Ainsi, le résultat net de l'entreprise a été positif en fin d'année, mais son niveau d'endettement demeure élevé et le secteur du fret doit être impérativement redressé.
Les enjeux actuels sont, en effet, très importants. Il s'agit, pour la SNCF, d'être un acteur compétitif dans un marché européen où les frontières sont amenées à disparaître.
Nous sommes également très vigilants quant à l'évolution des relations entre la SNCF et RFF et à la capacité de financement de RFF.
Par ailleurs, la mise en place de l'Agence de financement des infrastructures de transport en France devrait permettre une vraie lisibilité en matière d'investissements.
Enfin, les régions sont aujourd'hui fortement mobilisées dans le cadre de la réalisation de notre politique ferroviaire.
Dans ce tableau rapidement brossé, l'engagement de l'Etat est important, que ce soit pour le régime spécial des retraites, la compensation des tarifs sociaux, qui est tout de même en baisse cette année, l'investissement, la compensation au titre des charges transférées, la gestion de la dette, et le transport combiné, dont la dotation est également en diminution.
C'est pourquoi, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, je souhaiterais que vous puissiez détailler l'effort financier de l'Etat en faveur du secteur ferroviaire pour 2005.
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. François Goulard, secrétaire d'Etat. Je vous remercie, monsieur le sénateur, de votre question, qui me permet d'informer complètement la Haute Assemblée sur un point fondamental.
En effet, les chiffres ne sont pas toujours connus avec précision.
La SNCF bénéficiera, pour 2005, au titre de la contribution à l'exploitation et à l'entretien, la CCI, et à la régénération ferroviaire, d'un montant de 2,144 milliards d'euros, ce qui représente une augmentation de 7 % par rapport à 2004.
Pour la maîtrise de l'endettement du système ferroviaire, les crédits sont de 1,477 milliard d'euros.
Par ailleurs, les crédits consacrés à l'équilibre du régime social augmentent de 3 %, pour atteindre 2,5 milliards d'euros.
Au total, ces contributions au système ferroviaire représentent 6 milliards d'euros.
Il convient d'y ajouter les financements attribués aux infrastructures ferroviaires : les 450 millions d'euros affectés au transport ferroviaire dans le budget de l'AFITF, soit les deux tiers du montant total de ses ressources ; les 186 millions d'euros destinés aux CPER ferroviaires ; les 1 830 millions d'euros que représentent les dotations versées en 2004 aux régions pour les services régionaux de voyageurs, en compensation de leurs propres dépenses, et qui sont inscrits au budget du ministère de l'intérieur au titre de la décentralisation ; les 250 millions d'euros destinés à la réalisation de la première tranche du plan « fret » ; la compensation de certains surplus de dépenses liées aux services régionaux ; enfin, des versements affectés au STIF au titre des services ferroviaires.
Pour avoir un ordre de grandeur significatif et facile à retenir, considérons, mesdames, messieurs les sénateurs, que l'Etat consacre actuellement 10 milliards d'euros au système ferroviaire dans son ensemble. Il s'agit d'un effort qui est considérable et délibéré. Nous avons fait le choix, en France, d'avoir un réseau ferroviaire performant et, très récemment, nous avons décidé d'accroître sa performance, notamment par la construction de lignes à grande vitesse qui vont irriguer une grande partie de notre territoire national.
Mais les contributions d'argent public ne permettent pas de tout résoudre. Il faut aussi, et vous l'avez souligné à juste titre, que la SNCF gomme de ses comptes les sources de pertes les plus flagrantes, celles qui relèvent en réalité d'une gestion insuffisamment rigoureuse. C'est toute la logique du plan « fret » que nous développons grâce à l'aide de l'Etat, à des cessions d'actifs de la part de la SNCF et à des efforts commerciaux et de gestion, afin de faire disparaître les 450 millions d'euros de pertes enregistrés.
Tels sont les grands chiffres et les réalités. Notre système ferroviaire est globalement performant. L'effort que la collectivité y consacre est sensiblement plus élevé en France que dans les autres pays européens. Il faut savoir que l'Europe a fait le choix du rail et a décidé de soutenir les grandes infrastructures ferroviaires. Il faut savoir aussi que, compte tenu de l'argent public consacré au transport ferroviaire, les entreprises de ce secteur doivent avoir une gestion rigoureuse, pour que tous nos compatriotes bénéficient de services qu'ils financent largement.
Mme la présidente. La parole est à M. Charles Revet.
M. Charles Revet. Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous remercie des précisions que vous venez de me fournir, qui intéressent, je crois, tous nos collègues sénateurs et, au-delà de cette enceinte, l'ensemble de nos concitoyens.
Mme la présidente. La parole est à Mme Gisèle Gautier.
Mme Gisèle Gautier. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, l'une des principales innovations du budget des transports pour 2005 est bien, on l'a vu au travers des interventions, la création de l'AFITF. La vocation de cette agence, on le sait, sera exclusivement financière.
Le décret de création de cet établissement public est paru le 1er décembre au Journal officiel, comme l'a rappelé M. Reiner. En outre, les députés et les sénateurs ont déjà approuvé l'article 41 du présent projet de loi de finances, qui fixe les ressources dont disposera l'AFITF. Je voudrais m'arrêter sur ce dernier aspect.
Ces ressources sont constituées par une dotation en capital de 200 millions d'euros, qui sera prélevée sur le compte d'affectation spéciale n° 902-24, au bénéfice de l'AFITF. S'y ajoute le montant de la redevance domaniale versée par les sociétés autoroutières en contrepartie de l'occupation du domaine public ; on en a parlé tout à l'heure. Cette redevance est calculée en fonction, d'une part, du nombre de kilomètres de voies autoroutières exploitées par le concessionnaire et, d'autre part, du chiffre d'affaires réalisé par la société au titre de son activité sur le domaine public national. Cette ressource présente l'avantage d'être stable et est en augmentation continue depuis 1998, passant de 122 millions d'euros à 155 millions pour 2005.
Enfin, dernière ressource affectée à l'AFITF, les dividendes perçus directement ou indirectement par l'Etat, au titre des participations détenues dans les sociétés d'autoroutes, pour un montant estimé à 280 millions d'euros. A ce titre, je souhaite souligner que le montant des dividendes des sociétés d'autoroutes n'était que de 133 millions d'euros. La croissance supposée de ces dividendes est liée aux augmentations de capital de la Société des autoroutes Paris-Rhin-Rhône et de la Société d'autoroutes du Nord et de l'Est de la France. Il semble donc légitime de s'interroger sur le risque de surévaluation de cette ressource pour 2005, puisque celle-ci fait plus que doubler d'une année sur l'autre !
Comme nous tous, ici, je ne peux que me féliciter de la création de cette agence, qui rendra plus visible l'effort de l'Etat en matière d'infrastructures, mais - et je mets un bémol à mes propos - je crains fort que les 635 millions d'euros de crédits annoncés pour cette année ne soient pas, finalement, au rendez-vous.
En outre, comme MM. les rapporteurs Alain Lambert, Gérard Miquel, Georges Gruillot, sans oublier Daniel Soulage, le soulignent dans leurs excellents rapports, la création de l'AFITF ne compense qu'en partie la diminution des crédits que le ministère consacre aux investissements dans les infrastructures. Cela est particulièrement vrai pour les investissements routiers et fluviaux, puisque l'essentiel des subventions de l'AFITF ira au transport par rail, conformément au souhait qui a été exprimé par les parlementaires lors du débat sur les infrastructures de transport.
Face à cette contraction des crédits disponibles, je me fais l'écho, monsieur le ministre, des inquiétudes d'un certain nombre de professionnels quant à la pérennité des ressources de l'AFITF. En effet, les fonds consacrés aux infrastructures ont tous été plus ou moins supprimés. Ainsi, le fonds d'investissement des transports terrestres et des voies navigables, le FITTVN, a été supprimé par la loi de finances pour 2001.
MM Bécot, Besse et Leroy ont déposé un amendement à l'article 41 du présent projet de loi de finances, visant à transférer à l'AFITF la propriété des participations détenues par l'Etat et l'établissement public Autoroutes de France dans le capital des sociétés concessionnaires d'autoroutes. Malheureusement, force est de constater que cet amendement qui, en assurant en partie l'autonomie financière de l'AFITF, garantissait l'affectation durable de ressources aux infrastructures et la pérennité de l'Agence n'a pas été adopté.
C'est pourquoi je souhaiterais savoir, monsieur le ministre, s'il est envisagé de transférer en propre des ressources à l'AFITF, alors qu'un ambitieux programme de construction d'infrastructures de transport a été décidé sur plusieurs décennies et qu'il est, bien sûr, nécessaire de garantir aux professionnels un financement pérenne.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Gilles de Robien, ministre. Madame la sénatrice, je connais votre attachement au débat sur les transports, vous y avez participé l'année dernière. Vous appelez de vos voeux un système de financement pérenne et alimenté de façon directe : l'AFITF correspond exactement à l'outil souhaité par tous les parlementaires qui se sont exprimés sur ce sujet. Cette agence est créée depuis le 26 novembre 2004.
La structure des ressources de l'AFITF, que j'ai décrite précédemment, repose sur des recettes affectées - cela ne passe donc pas par le budget et va directement à l'agence -, pérennes et suffisamment prévisibles. Ces recettes sont, d'une part, les redevances domaniales et, d'autre part, les dividendes émanant des concessionnaires autoroutiers. En outre, des emprunts peuvent être mobilisés, qui lui permettront d'anticiper sur ses recettes, moyennant le respect de règles de gouvernance rigoureuses. Son budget devrait être de l'ordre de 1 milliard d'euros par an, afin d'atteindre en 2012 l'objectif fixé, que j'ai déjà rappelé ici, de 7,5 milliards.
Sur dix ans, le trafic autoroutier croît en moyenne de 2 à 4 % par an, ce que me confirme le directeur des routes. A moins que le trafic sur les autoroutes ne s'effondre -mais si tel était le cas, cela signifierait que toute l'économie s'est effondrée -, les chiffres seront les suivants. Pour 2005, on escompte 280 millions d'euros de dividendes et 155 millions d'euros de redevances, soit les 435 millions d'euros que nous avons prévus, auxquels s'ajoutent les 200 millions d'euros inscrits dans le budget, ce qui fait bien un total de 635 millions d'euros.
On connaît à peu près les chiffres pour 2006 : 320 millions d'euros de dividendes et 160 millions d'euros de redevances, ce qui fera 480 millions d'euros, soit beaucoup plus que la progression de 2% à 3 %.
De plus, grâce à toutes les études qui ont été faites, on connaît les ressources tirées des sociétés d'autoroutes non privatisées. Elles sont exponentielles : en quatre, cinq ou six ans, on arrive à un montant de l'ordre de 800 millions d'euros, sans compter la capacité d'emprunts, compte tenu des recettes prévisibles.
Sur ce point, à moins d'un effondrement de tous les transports et de toutes les autoroutes françaises et probablement européennes, vous n'avez rien à craindre. D'ailleurs, observez ce qui s'est passé pour l'ouverture du capital de la SAPRR : si cette opération a eu autant de succès, c'est parce que les gens ont confiance non seulement dans le système autoroutier français, mais aussi dans la pérennité des ressources qui sont procurées par les usagers.
Ce qui est intéressant dans ce système, c'est que le transport paie le transport et - mon point de vue est partagé, bien sûr, par tous les membres du Gouvernement et certainement de la majorité, et même au-delà sans doute - que le transport routier paie pour les autres modes de transport : ferroviaire, fluvial et autoroutes maritimes. Il me paraît très intéressant que, lors CIADT du 18 décembre dernier, seulement un quart des mesures concerne les transports routiers. C'est vous dire à quel point, grâce à l'AFITF, le transport pourra s'inscrire dans le cadre du développement durable.
Voilà les quelques chiffres que je pouvais vous fournir. Je tiens à votre disposition les calculs prévisionnels portant sur les cinq, dix, quinze, vingt prochaines années, qui montrent que, dans tous les cas de figure, sauf événement exceptionnel bien sûr, à l'horizon 2030, l'AFITF aura probablement reçu 30 milliards d'euros.
M. Jean Desessard. Hors gels !
M. Gilles de Robien, ministre. Il s'agit d'une somme considérable, que nous pouvons conserver précisément parce que les autoroutes sont maintenues dans le giron de l'Etat.
Mme la présidente. La parole est à Mme Gisèle Gautier.
Mme Gisèle Gautier. Monsieur le ministre, j'ai bien entendu votre réponse, qui se veut raisonnablement optimiste et rassurante.
Si j'ai posé cette question, c'est tout simplement pour être sûre que nous serons en mesure de respecter les engagements que nous avons pris ensemble et d'honorer cette grande ambition que nous affichons concernant les infrastructures routières, qui engagent l'avenir sur plusieurs décennies. J'espère que nous aurons effectivement les moyens de tenir nos promesses.
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures, est reprise à vingt-deux heures cinq.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
Nous poursuivons l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant l'équipement, les transports, l'aménagement du territoire, le tourisme et la mer : II. - Transports et sécurité routière : transports terrestres et intermodalité, routes et sécurité routière.
Je rappelle au Sénat que les crédits concernant les transports terrestres, les routes et la sécurité routière, inscrits à la ligne « Equipement, transports, aménagement du territoire, tourisme et mer » seront mis aux voix aujourd'hui même à la suite de l'examen des crédits affectés à l'aménagement du territoire.
État b
Titre III : moins 213 670 056 €.
Mme la présidente. Le vote sur les crédits figurant au titre III est réservé.
Titre IV : 48 468 979 €.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Billout, sur les crédits du titre IV.
M. Michel Billout. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon intervention sera brève : elle portera en premier lieu sur le syndicat des transports parisiens et de la région d'Ile-de-France, le STIF, et, en second lieu, sur la suppression du fonds pour l'aménagement de la région d'Ile-de-France, le FARIF.
D'un côté comme de l'autre, il s'agit de coupes qui mettent à mal les finances locales et la politique des transports dans la région d'Ile-de-France.
En ce qui concerne le STIF, sa présidence va être transférée au conseil régional dans le cadre de la loi relative aux libertés et responsabilités locales au plus tard le 1er juillet 2005. Le conseil régional de la région d'Ile-de-France a donné mandat au président pour négocier avec l'Etat et, notamment, pour chercher à faire évoluer les recettes du versement de transports, qui représente plus de 2 milliards d'euros de financement sur les 7 milliards d'euros du coût annuel des transports collectifs en Ile-de-France.
Un bilan d'étape du contrat de plan Etat-région établi au 1er juillet 2004 a fait apparaître des besoins importants.
L'augmentation du versement de transport pourrait constituer à cet égard un levier de financement utile. Les représentants du groupement des autorités responsables de transport, le GART, ont adopté une motion demandant, entre autres, l'engagement rapide d'une réflexion sur les perspectives d'évolution du versement « transports ». Un relèvement du taux de versement de transports prévu aux articles 2531-3 et 2531-4 du code général des collectivités territoriales serait bien évidemment la solution pour débloquer cette source de financement.
J'en profite pour indiquer que nous voterons l'amendement déposé à ce sujet par le groupe socialiste.
J'en viens à la suppression du FARIF, qui s'inscrit dans une politique de désengagement de l'Etat, notamment en ce qui concerne les transports.
Les choix opérés par le projet de loi de finances pour 2005 entraîneront sans doute un retard supplémentaire de projets prévus par le contrat de plan Etat-région en ce qui concerne les infrastructures de transport.
Pourtant, pour répondre aux besoins, assurer le droit au transport, dans une logique d'aménagement durable et équilibré, l'Ile-de-France doit non pas « jouer petit bras », mais au contraire rattraper, voire dépasser les niveaux d'investissement des métropoles les plus dynamiques en ce domaine, ce qui signifie investir plus de 2 milliards d'euros par an, dont plus de 1 milliard d'euros pour les extensions de réseaux.
Il conviendrait d'augmenter les financements et les ressources appuyés sur les richesses créées. La récupération du FARIF fait donc également partie des mesures nécessaires. Je vous rappelle que les ressources de ce fonds consistent en une taxe sur les surfaces des bureaux, les centres commerciaux et les entrepôts, modulée géographiquement en trois circonscriptions.
Cette taxe a été instituée pour des motifs d'aménagement du territoire correspondant à la volonté des pouvoirs publics de corriger les déséquilibres les plus graves que connaît cette région en matière d'accès de nombre de ses habitants à des logements locatifs, d'éloignement entre leur lieu de travail et leur lieu d'habitation et de saturation des infrastructures de transports.
En quelques années, cette taxe a fait l'objet de modifications législatives successives, dont celles qui sont énoncées dans la loi de finances de 2000, qui a réintégré les dépenses et les recettes correspondant au FARIF dans le budget général de l'Etat.
Pourtant, au vu de la situation de l'Ile-de-France et de l'importance des besoins en matière de transport ou de logement des Franciliens, ces moyens sont indispensables à cette région.
Les recettes de cette taxe, qui représentent entre 400 millions et 500 millions d'euros par an, sont intégrées dans le budget de l'Etat, comme toutes les autres recettes, sans fléchage spécifique de leur utilisation pour l'Ile-de-France. Cet état de fait s'inscrit dans le désengagement général de l'Etat, qui s'est encore aggravé ces dernières années.
Face à cette injustice, la majorité du conseil régional, sur l'initiative des élus communistes, souhaite au contraire que, s'agissant du FARIF, les recettes de cet impôt aillent au budget de la région.
Je me fais donc l'écho de leur souhait et je vous demande, monsieur le ministre, si vous comptez rouvrir le débat.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Bricq.
Mme Nicole Bricq. Il est dit que ce début de soirée sera consacré à l'Ile-de-France. Le titre IV prévoit, dans le « bleu » budgétaire, un certain nombre de financements concernant le STIF.
En préambule aux amendements que nous avons déposés, je voudrais évoquer la question délicate du transfert, au 1er juillet 2005, de la totalité de la compétence des transports collectifs à la région d'Ile-de-France.
Le Gouvernement a trois problèmes à résoudre : le transfert du patrimoine, point qui n'est pas clarifié ; la soulte qui doit être versée par l'Etat ; le mode de compensation et le montant de celle-ci, qui font toujours l'objet d'un différend entre la région et l'Etat.
S'agissant du patrimoine, une expertise a été menée par l'Inspection générale des finances et le Conseil général des ponts et chaussées et un rapport a été remis au Gouvernement au printemps de cette année. Malheureusement, il ne clarifie pas la situation du patrimoine, notamment en ce qui concerne la RATP. Et nous ne connaissons pas la suite qui sera donnée à ce rapport dans les ministères.
La loi du 13 août 2004 prévoit que la compensation de l'Etat à la région fera l'objet d'un décret spécifique qui précisera la nature du patrimoine transmis.
Un rapport de la Cour des comptes de l'été 2004 précise que la question du patrimoine transmis peut compromettre la capacité d'emprunt du STIF.
S'agissant de la dotation de l'Etat, la Cour des comptes confirme que la dotation actuellement prévue est sous-dimensionnée par rapport aux besoins et affirme la nécessité, pour le STIF, de disposer d'un fonds de roulement.
Il s'agit d'appliquer les mêmes dispositions, ni plus ni moins, que celles qui ont été prévues pour les autres régions en 2000, lors du transfert des TER : ces régions ont obtenu une dotation d'autant plus substantielle que l'état de vétusté des équipements et des matériels transférés était grand.
Dans un quotidien gratuit paru cette semaine, le directeur régional de la SNCF a déclaré que les matériels de la région d'Ile-de-France avait vingt ans de retard, qu'il fallait changer les wagons, que l'on n'arrivait même plus à entretenir le matériel roulant. Tout le monde connaît donc l'état de vétusté des matériels, causé par le défaut d'investissement de l'Etat dans cette région depuis de nombreuses années.
Il s'agit d'un problème crucial, qui ne sera pas résolu ce soir. Il sera donc évoqué de nouveau lors de l'examen de la deuxième partie du projet de loi de finances.
Je conviens que tout cela représente beaucoup d'argent : 315 millions d'euros de fonds de roulement, 200 millions d'euros par an pour le renouvellement du matériel et 200 millions d'euros supplémentaires de compensation.
Je comprends que ce soit difficile pour ce Gouvernement compte tenu de la situation budgétaire dans laquelle il s'est placé, avec sa politique bornée de baisse des impôts. Il faut pourtant bien qu'une solution soit trouvée avant le 1er juillet 2005. Sinon - et je ne doute pas que l'on s'active dans les ministères - je ne vois pas pourquoi la région d'Ile-de-France accepterait cette nouvelle compétence et siégerait dans la majorité qui lui est désormais donnée par la loi au sein du syndicat des transports d'Ile-de-France.
Mme la présidente. Le vote sur les crédits figurant au titre IV est réservé.
État C
Titre V. - Autorisations de programme : 1 726 814 000 €;
Crédits de paiement : 972 258 000 €.
M. Michel Teston. Dans son rapport présenté en avril 2003, la DATAR affirmait qu'un territoire mal desservi verra presque toujours son avenir compromis. Qui pourrait ne pas souscrire à cette affirmation ?
En conséquence, il est indispensable de doter tout le territoire d'infrastructures de bonne qualité. Dans cette perspective, la création d'un organisme comme l'Agence de financement des infrastructures de transport de France, l'AFITF, va dans le bon sens. Je m'étais d'ailleurs prononcé pour la mise en place d'un fonds dédié, alimenté par la rente autoroutière, lors de la séance du 12 novembre 2003.
L'article 41 du projet de loi de finances pour 2005 précise l'affectation des recettes au profit de l'AFITF : le produit de la redevance domaniale due par les sociétés concessionnaires d'autoroutes - 155 millions d'euros sont attendus en 2005 - le produit des participations directes et indirectes de l'Etat dans les sociétés concessionnaires d'autoroutes - 280 millions d'euros sont attendus en 2005. Même si celle-ci ne figure pas dans le texte, il semble aussi que l'agence doive recevoir une dotation de l'Etat de l'ordre de 200 millions d'euros.
Les choix opérés en matière de financement d'opérations par l'AFITF font logiquement une large part au ferroviaire. Mais, dans une logique d'équité entre les territoires, il convient de ne pas perdre de vue que l'Etat entend transférer des routes aux départements sans crédits d'investissement et alors qu'il n'a pas effectué au préalable les aménagements indispensables.
La question se pose avec une acuité particulière dans une vingtaine de départements, dont les douze qui ont été fléchés par la DATAR comme connaissant des difficultés d'accessibilité. II me paraît donc nécessaire de prévoir un préciput en faveur des départements enclavés sur la part des crédits de l'AFITF consacrés à la voirie.
Pour étayer cette proposition, je prendrai l'exemple du département que je représente au Sénat. Premièrement, les besoins en financement y demeurent importants, y compris sur les routes nationales « transférables » ; j'emploie volontairement ce terme. Deuxièmement, la part de l'Etat pour l'investissement sur ces seules routes est de 24 millions d'euros pour la durée du XIIe plan, somme que l'Etat n'apportera plus à l'avenir du fait du décroisement des financements, laissant le conseil général se débrouiller seul, au détriment de la solidarité nationale la plus élémentaire.
Au-delà de la question des infrastructures financées par l'agence, je souhaite aussi souligner mes interrogations quant au financement de l'AFITF.
Un fonds dédié aux infrastructures de transport financé par la rente autoroutière est une bonne solution dès lors que la pérennité de ce financement est certaine. Or tel n'est pas le cas. Après celui de la Société des autoroutes du Sud de la France, le capital de la Société des autoroutes Paris-Rhin-Rhône a été ouvert, et d'autres sociétés concessionnaires suivront.
C'est mathématique, monsieur le président de la commission des finances ! L'ouverture du capital entraîne une augmentation du nombre des actionnaires, donc un partage des dividendes. De ce fait, la part de l'Etat va mécaniquement baisser. Dans cette perspective, comment croire que les ressources de l'agence seront suffisantes et pérennes ?
Affirmer que les transports sont une priorité et créer un fonds dédié est une chose, mais, outre des doutes sur le niveau des recettes de l'AFITF, comment ne pas s'étonner des choix budgétaires du Gouvernement ?
Le titre V est exemplaire à cet égard : le chapitre 53-46 « crédits d'entretien, de réhabilitation, d'aménagement et d'exploitation des infrastructures » connaît une évolution particulièrement inquiétante. Les autorisations de programme, qui s'élevaient à 453,7 millions d'euros en 2004, sont fixées à 432,6 millions d'euros pour 2005 ; les crédits de paiement qui étaient de 445,7 millions d'euros en 2004 passent à 412,3 millions d'euros pour 2005.
Plus encore, le chapitre 53-47, article 30, « Investissements sur le réseau routier national hors Ile-de-France », voit ses crédits réduits de manière importante, même si l'on tient compte de la diminution de 108 millions d'euros en autorisations de programme et en crédits de paiement, liée à la création de l'AFITF : 689,6 millions d'euros en 2004 et seulement 433 millions d'euros pour 2005 en autorisations de programme ; 599 millions d'euros en 2004 et seulement 254 millions d'euros pour 2005 en crédits de paiement.
Ce n'est pas ainsi que seront compensés les très importants gels de crédits intervenus en 2003 et en 2004 sur la voirie, ainsi que vous l'avez confirmé tout à l'heure, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, bien au contraire !
En définitive, les doutes raisonnables que l'on peut avoir sur la pérennité du financement de l'AFITF, l'absence de solidarité nationale vis-à-vis des territoires souffrant d'un déficit d'accessibilité, ainsi que la ligne générale retenue pour la construction de ce budget ne nous permettent pas de voter les crédits inscrits à ce titre.
Mme la présidente. Le vote sur les crédits figurant au titre V est réservé.
Titre VI. - Autorisations de programme : 1 592 741 000 € ;
Crédits de paiement : 888 790 000 €.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Demerliat, sur les crédits du titre VI.
M. Jean-Pierre Demerliat. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la liaison ferroviaire à grande vitesse entre Paris et Toulouse via Orléans et Limoges a été inscrite au schéma directeur national en 1991.
Cette inscription a été confirmée le 9 juillet 2001, lors du CIADT de Limoges, présidé par Lionel Jospin, alors Premier ministre.
Le 13 novembre 2001, est signée une convention-cadre financière entre les régions Centre, Limousin et Midi-Pyrénées, l'Etat, Réseau Ferré de France et la SNCF pour la réalisation d'un train pendulaire à grande vitesse qui circulerait sur les voies existantes après, bien entendu, que celles-ci eurent été améliorées.
La liaison POLT, Paris-Orléans-Limoges-Toulouse, dans des conditions de vitesse et de confort des plus convenables, semblait donc, si je puis me permettre cette expression, sur la bonne voie. Sa réalisation ne devait, à un coût raisonnable, prendre que très peu de temps.
Mais, à la fin de 2003, le gouvernement auquel vous appartenez, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, décide brutalement, sans concertation, d'abandonner ce projet qui faisait l'unanimité des élus de toutes tendances, des socioprofessionnels et des usagers. L'Etat a trahi sa parole !
Vous proposez alors de remplacer le POLT par un train Corail « relooké » : le Teoz. Un parlementaire de vos amis, dont la région a été dotée de ce matériel, a dit : « la qualité des nouveaux Corail Teoz (...) ne nous satisfait pas ». Sans commentaire !
Au printemps 2004, coup de théâtre : une candidate corrézienne aux cantonales - pas n'importe laquelle - ...
Mme Nicole Bricq. De qui peut-il bien s'agir ? ..
M. Jean-Pierre Demerliat. ... reçoit un courrier du Premier ministre lui indiquant qu'un barreau TGV Limoges-Poitiers sera mis à l'étude.
II y a douze ans, vos amis corréziens n'avaient pas de mots assez durs pour s'opposer à ce projet, soutenu notamment par le maire de Limoges, Alain Rodet, appuyé en cela par le maire de Brive-la-Gaillarde, à l'époque Jean Charbonnel. Il est curieux de voir que vous adorez aujourd'hui ce que vous avez brûlé hier ! De qui se moque-t-on ?
Le barreau Limoges-Poitiers, s'il devait être réalisé un jour, ne pourrait être opérationnel que dans vingt ou vingt-cinq ans. J'ajoute qu'il en coûterait plus de 3 milliards d'euros, alors que le coût du POLT ne serait, lui, que de 400 millions d'euros.
Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, les habitants des régions Centre, Limousin et Midi-Pyrénées n'auront pas, de par la faute du gouvernement auquel vous appartenez, les possibilités de déplacements rapides et confortables auxquels ils peuvent légitimement prétendre en ce début de xxie siècle. Existerait-il aujourd'hui, dans notre pays, des citoyens de second plan ?
Cependant une lueur d'espoir subsiste : nombreux sont ceux qui espèrent, ou qui sont certains, messieurs les ministres, que les conditions politiques seront bientôt réunies pour que soit rapidement réparé ce que vous avez cassé !
Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, c'est l'une des raisons - on pourrait en trouver bien d'autres - pour lesquelles le groupe socialiste ne votera pas les crédits prévus à ce titre. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Murat.
M. Bernard Murat. Après avoir entendu les propos de mon excellent collègue Jean-Pierre Demerliat, je voudrais quand même, en tant que maire de Brive-la-Gaillarde, apporter quelques précisions.
Tout d'abord, le POLT, c'est la ligne Paris-Orléans-Limoges-Toulouse, qui part de la gare d'Austerlitz. Et Brive-la-Gaillarde ne fait pas partie du POLT.
Il est vrai qu'à une époque il a été envisagé de faire circuler un train pendulaire sur la ligne POLT qui, aujourd'hui, a été remplacé par le train Teoz. M. le ministre a annoncé que des wagons TGV seraient prévus entre Cahors et la gare d'Austerlitz, sur la ligne Cahors-Brive-Limoges et qu'en même temps la ligne Paris-Orléans-Limoges-Toulouse allait bénéficier de travaux, en particulier en ce qui concerne certains passages à niveau.
M. Bernard Murat. Cela signifie que ce train Teoz, puis TGV, mettra pratiquement le même temps que le train pendulaire.
M. Bernard Murat. Cette nouveauté que nous a annoncée M. le ministre il y a quelques jours représente donc une avancée très positive et, en tant que maire de Brive-la-Gaillarde, je m'en réjouis.
Parallèlement, un barreau TGV est prévu entre Limoges et Poitiers. A une certaine époque, nous étions inquiets, car, apparemment, partant de Brive-la-Gaillarde, nous devions changer de train à Limoges pour emprunter le TGV qui rallie la gare Montparnasse et, éventuellement, rejoindre, via Roissy, les TGV Nord, Est et Sud.
Personnellement, je demandais des réponses précises, concrètes et pragmatiques à ces questions. Elles nous ont été apportées la semaine dernière ; le maire de Limoges, M. Rodet, était à nos côtés.
. J'ajoute, car cela me paraît très important, qu'un comité de pilotage, présidé par le préfet de la région Limousin, va être mis en place, auquel tous les élus, notamment les parlementaires que nous sommes, pourront participer afin de suivre l'évolution de ce projet.
Les propos de mon collègue me paraissent donc un peu alarmistes.
Pour ma part, j'estime qu'une avancée a été réalisée. Il est vrai que j'aurais aimé qu'il y ait une vraie liaison TGV entre Toulouse et Paris. Pour des raisons économiques, ce projet n'est plus à l'ordre du jour, mais les propositions qui nous sont faites vont dans la bonne direction.
C'est la raison pour laquelle tous les élus et surtout les usagers considèrent cette avancée comme une réponse à la question du désenclavement ferroviaire. Je veux rendre hommage à M. le ministre, qui a enfin apporté des réponses claires aux questions précises de certains élus qui se sentaient un peu ignorés, voire tenus à l'écart de ces décisions.
Je pense que, maintenant, tout le monde a compris que le maire de Brive-la-Gaillarde, sénateur de la Corrèze, et bien d'autres élus veulent absolument être impliqués dans cette décision et dans le suivi de ce dossier. (Très bien ! sur les travées de l'UMP.)
Mme la présidente. Le vote sur les crédits figurant au titre VI est réservé.
J'appelle en discussion l'article 73 nonies, qui est rattaché pour son examen aux crédits affectés aux routes et à la sécurité routière.
Article 73 nonies
Le Gouvernement dépose, chaque année, sur le bureau de l'Assemblée nationale et sur celui du Sénat, un rapport sur le financement et le fonctionnement de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France.
Ce rapport précise notamment le montant des recettes, les conditions du recours à l'emprunt et la nature des dépenses engagées dans l'année.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 73 nonies.
(L'article 73 nonies est adopté.)
Articles additionnels après l'article 73 nonies
Mme la présidente. J'appelle en discussion les amendements n°s II-8, II-50, II-51, II-52, II-83, II-84, II-85 et II-86 tendant à insérer des articles additionnels après l'article 73 nonies et qui sont rattachés pour leur examen aux crédits affectés aux transports et à la sécurité routière.
L'amendement n° II-8, présenté par M. Lambert, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Après l'article 73 nonies, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement dépose, avant le 30 juin 2005, sur le bureau de l'Assemblée nationale et sur celui du Sénat, un rapport définissant les modalités d'intégration de la dette du service annexe d'amortissement de la dette de la SNCF à la dette publique ou à la dette de l'établissement public précité.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Alain Lambert, rapporteur spécial. Compte tenu du long labeur qui nous attend, je ne reviendrai pas sur les propos que j'ai tenus lors de la discussion générale. Il s'agit, en effet, de définir les modalités d'intégration de la dette du service annexe d'amortissement de la dette de la SNCF, le SAAD, à la dette publique ou à la dette de l'établissement public précité. La commission des finances se demande s'il ne serait pas utile qu'un rapport soit déposé pour connaître l'état d'avancement du travail du Gouvernement à ce sujet.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gilles de Robien, ministre. Monsieur le rapporteur spécial, je vous accorde qu'il s'agit d'un sujet majeur puisque la somme en jeu s'élève à 7 ou 8 milliards d'euros. J'ai bien compris en tout cas le sens de votre interpellation.
Le Gouvernement partage pleinement votre préoccupation. Je peux vous assurer que nous y travaillerons tout au long de cette année 2005. Je m'engage à ce que nous ayons des échanges réguliers sur ce sujet complexe à mesure que nous progresserons dans notre réflexion au cours de l'année. J'espère que cette proposition vous conviendra. C'est un dossier que vous connaissez bien et sur lequel vous allez pouvoir nous apporter votre éclairage, certainement très positif, pour trouver la meilleure solution possible.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le ministre, la LOLF a pour objectif de tendre vers la sincérité. Or, s'il faut sans doute saluer la créativité, l'imagination, la capacité à présenter des comptes publics apaisants, il n'en demeure pas moins que le SAAD, conception du début des années quatre-vingt-dix, est une offense à la sincérité de ces comptes. Un peu plus de 8 milliards d'euros, en quelque sorte en « apesanteur », n'apparaissent ni dans la dette de l'Etat, ni dans celle de la SNCF, ni dans celle de Réseau ferré de France, RFF.
Convenons que ce mystère appelle des solutions appropriées.
Si le Gouvernement n'était pas au rendez-vous et ne répondait pas à nos attentes, peut-être faudrait-il que la commission des finances - et je ne doute pas qu'Alain Lambert pourra y contribuer - trouve une solution. On m'objectera que les Européens ou d'autres encore ont recours à de tels mécanismes. Mais je tiens à dire que cela reviendrait à perpétuer une pratique d'illusionnisme. Il est urgent d'employer un langage de vérité et de faire confiance à l'intelligence de nos compatriotes.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Gilles de Robien, ministre. Comme le président de la commission des finances et le rapporteur spécial, le Gouvernement ne se satisfait pas de la situation actuelle, qui est en contradiction avec la sincérité que nous attendons d'un budget. Nous voulons absolument résoudre ce problème pour remettre de l'ordre dans les comptes, ce à quoi nous nous employons depuis deux ans et demi. Croyez bien que nous avons la ferme volonté qu'une solution soit trouvée pour le SAAD en 2005.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Alain Lambert, rapporteur spécial. Si nous essayons de synthétiser l'échange au sommet qui vient d'avoir lieu entre le ministre et le président de la commission de finances, nous pouvons dire que deux engagements décisifs ont été pris. D'une part, cette question sera réglée au plus tard à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances pour 2006 ; d'autre part, notre commission des finances sera associée au travail que vous voulez effectuer, monsieur le ministre, pour clarifier cette situation.
Sur la base de ces engagements, et parlant sous le contrôle du président Jean Arthuis, qui me semble avoir été clair et sans ambiguïté, notre commission des finances peut retirer son amendement.
M. Jean Desessard. Il pourra toujours prendre le même engagement pour 2006 !
Mme la présidente. L'amendement n° II-8 est retiré.
Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° II-50, présenté par MM. Karoutchi, Béteille et Cambon, Mme Debré, MM. Goujon et Houel, est ainsi libellé :
Après l'article 73 nonies, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le montant du déficit des charges de retraites de la RATP à déduire de la compensation versée par l'Etat au Syndicat des transports d'Ile-de-France, dans le cadre de la décentralisation des transports collectifs franciliens, correspond à la moyenne de ce déficit sur les années 2002-2004, conformément au principe retenu dans la loi 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales pour le calcul de la compensation sur la base de la moyenne triennale des dépenses constatées par l'Etat.
La parole est à M. Roger Karoutchi.
M. Roger Karoutchi. Le sujet que je vais maintenant aborder ne porte pas sur 8 milliards d'euros. Aussi, il sera peut-être possible de trouver une solution.
La loi du 13 août 2003 relative aux libertés et responsabilités locales dispose que le syndicat des transports d'Ile-de-France, le STIF, passera sous le contrôle des élus le 1er juillet 2005.
Or j'entends trop souvent dire que la région Ile-de-France est riche.
M. Bernard Murat. C'est vrai !
M. Roger Karoutchi. Par conséquent, la région pourrait payer, notamment les transferts qui ne seraient pas compensés.
Je tiens à dire que les parlementaires et élus franciliens de tous bords ne demandent pas plus que ce que les autres régions ont perçu lors du transfert des activités relevant des transports ferroviaires.
M. Philippe Goujon. Absolument !
M. Roger Karoutchi. Nous ne demandons pas d'avantages particuliers.
Le président de la SNCF nous a déclaré avant-hier que la SNCF n'avait pas un centime à mettre dans le renouvellement du matériel roulant d'ici à 2009 en Ile-de-France. Alors, monsieur le ministre, il faudra bien que quelqu'un le prenne en charge !
Je suis de ceux qui considèrent que non seulement la région doit faire un effort financier en faveur des transports publics, mais encore qu'elle doit en faire sa priorité même. Nous demandons que les engagements qui ont été pris à notre égard soient tenus et que la loi relative aux libertés et responsabilités locales soit respectée.
Nous ne demandons pas plus, nous demandons que ce ne soit pas moins.
Nous avons été reçus par Jean-François Copé, le ministre délégué au budget, avec qui nous avons déjà engagé des discussions. Il a fait un certain nombre d'ouvertures sur ce que pourraient être les négociations après le décret de transfert.
Cependant, nous avons quelques inquiétudes que nous avons exprimées dans les trois amendements que je vais présenter.
Le premier d'entre eux est simple et clair. Le Gouvernement et nous-mêmes sommes convenus que la compensation serait calculée sur la base de la moyenne des dépenses actualisées constatées au cours des trois dernières années précédant le transfert, soit les années 2002, 2003 et 2004. Nous avons accepté que soit retiré de cette compensation le déficit des retraites de la RATP. Or nous apprenons maintenant que le montant sera calculé sur la seule année 2005, l'année du transfert.
D'un côté, la compensation financière est calculée sur la moyenne des trois dernières années ; de l'autre, le montant du déficit des retraites de la RATP, qui vient amputer le montant de cette compensation, est calculé pour l'année 2005, année où il est bien évidemment plus élevé qu'en 2002.
Nous demandons par cet amendement que soit respecté le principe défini dans la loi d'un calcul des compensations sur la moyenne des trois dernières années et, par conséquent, que ce même principe soit appliqué dans le calcul de la charge représentée par les retraites RATP. (Applaudissements sur certaines travées de l'UMP.)
Mme la présidente. L'amendement n° II-83, présenté par Mme Bricq, M. Reiner et les membres du groupe Socialiste, est ainsi libellé :
Après l'article 73 nonies, insérer un article additionnel ainsi rédigé:
I - Le montant du déficit des charges de retraites de la RATP à déduire de la compensation versée par l'Etat au Syndicat des Transports d'Ile-de-France, dans le cadre de la décentralisation des transports collectifs franciliens, correspond à la moyenne de ce déficit sur les années 2002-2004, conformément au principe retenu dans la loi 2004-809 du 13 août 2004 relatives aux libertés et responsabilités locales pour le calcul de la compensation sur la base de la moyenne triennale des dépenses constatées par l'Etat.
II - Les pertes de recettes résultant pour l'Etat de l'application du I sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Nicole Bricq.
Mme Nicole Bricq. Il s'agit d'un amendement similaire. Pour ma part, j'ai meilleur espoir qu'il soit adopté. En effet, je pense que le Gouvernement peut souscrire à cette mesure d'équité. De surcroît, cet amendement est conforme à la loi puisqu'il est gagé, contrairement à celui qui est présenté par M. Karoutchi.
M. Roger Karoutchi. Il n'a pas à l'être !
Mme Nicole Bricq. Il vise à retenir les années 2002 à 2004, plus représentatives des dépenses que la seule année 2004, pour le calcul du déficit des charges de retraite de la RATP venant en déduction de la compensation versée par l'Etat.
Je pense que cette mesure d'équité en faveur de la région d'Ile-de-France est une mesure de bon sens, qui recueillera non seulement l'assentiment du ministre, mais encore celui du président de la commission de finances.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Lambert, rapporteur spécial. La commission souhaiterait connaître l'avis du Gouvernement, madame la présidente.
Mme la présidente. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
M. Gilles de Robien, ministre. Monsieur Karoutchi, jamais je ne dirai que Paris et la région d'Ile-de-France sont riches. Quelques-uns peuvent avoir cette illusion. Cela vient du fait qu'il y a forcément plus de richesses dans un endroit où vivent 3, 5 ou 10 millions de personnes que dans le milieu rural, où l'impression dominante est celle d'une richesse plus dispersée.
Je connais ce genre de propos. Vous y êtes sensible, comme moi. On me dit souvent qu'Amiens - permettez-moi de la citer - est riche, et que, par conséquent, elle peut donc payer, le cas échéant à la place des autres. C'est un argument que je n'accepte pas, ni pour ma commune ni pour Paris.
Nous avons recherché, notamment à travers la loi relative aux libertés et responsabilités locales, à aboutir à un résultat équitable et opérationnel.
Cette loi a bien défini les modalités de calcul des compensations consécutives aux transferts de compétences qu'elle organise. Je voudrais vous rappeler que l'article 119 a prévu que la compensation des charges transférées aux collectivités locales correspondait aux dépenses consacrées à la date du transfert par l'Etat à l'exercice des compétences, déduction faite des réductions brutes de charges à intervenir.
C'est une disposition législative favorable à la région d'Ile-de-France, à égalité des autres régions, parce que la compensation qui en résultera sera supérieure de près de 40 millions d'euros à la subvention versée par l'Etat au STIF, au titre de 2004.
Ce chiffre doit pouvoir retenir votre attention.
La demande des auteurs de l'amendement, si elle était acceptée, conduirait à modifier profondément les modalités de calcul des compensations, créant ainsi une inégalité flagrante dans le processus de décentralisation. Je pense que vous ne pourriez l'accepter, dans quelque sens que ce soit. Par ailleurs, cela aurait pour conséquence de mettre à mal le processus de décentralisation.
En effet, le législateur a tout simplement voulu que le montant de la compensation à verser à la région soit égal à la moyenne actualisée des versements de l'Etat au STIF au titre des trois dernières années, diminué du déficit des retraites pour 2005 et dont l'estimation est de 475 millions d'euros.
Je pense que ce chiffre peut nous aider à avancer dans notre réflexion.
Si cela peut vous rassurer, le comité des finances locales sera saisi de toutes les compensations et pourra vérifier que ce mode de calcul est juste et équitable.
Mme Nicole Bricq. Cela ne nous rassure pas nécessairement !
M. Gilles de Robien, ministre. J'insiste sur cette notion d'équité, car il ne faudrait pas que, dans le processus de décentralisation, quiconque se sente défavorisé ou en situation d'être pénalisé par des transferts de compétences qui ne seraient pas compensés à l'euro près.
J'émets donc un avis défavorable sur l'amendement de Mme Bricq. Par ailleurs, je demande à M. Karoutchi, compte tenu des précisions chiffrées que je lui ai données et compte tenu de la garantie qu'apportera le comité des finances locales, d'accepter de revoir sa position - non sur le fond mais sur la forme - et de bien vouloir retirer son amendement.
Mme la présidente. Monsieur Karoutchi, l'amendement n° II-50 est-il maintenu ?
M. Roger Karoutchi. Je comprends bien la position difficile dans laquelle se trouve M. le ministre. Au vu des éléments chiffrés qu'il vient d'indiquer, si je maintenais mon amendement, il pourrait invoquer l'article 40 de la Constitution. A moins que M. le rapporteur spécial de la commission des finances ne s'apprête à le faire, ...
M. Alain Lambert, rapporteur spécial. Non !
M. Roger Karoutchi. Dès lors, mon amendement ne serait plus recevable.
Comme vous l'avez dit, monsieur le ministre, outre le problème spécifique de la charge que représentent les retraites des agents de la RATP, la région d'Ile-de-France entre actuellement dans une période sensible et pénible. En effet, elle doit faire face à des expertises contradictoires et aux nombreuses difficultés rencontrées par les usagers.
En outre, nous ne savons pas exactement où nous allons sur le plan financier. Mais nous sommes tout à fait disposés à appliquer le décret qui est en cours de préparation.
Pour bien négocier le transfert du STIF, il faut que s'instaure un climat de confiance entre le Gouvernement, le Parlement, mais aussi toutes les composantes du conseil régional d'Ile-de-France.
Cela dit, je préfère retirer mon amendement plutôt que me voir opposer l'article 40. J'ai pris note, monsieur le ministre, que vous alliez saisir le comité des finances locales de ce problème spécifique des charges des retraites.
Mme la présidente. L'amendement n° II-50 est retiré.
Madame Bricq, l'amendement n° II-83 est-il maintenu ?
Mme Nicole Bricq. Je le maintiens, madame la présidente.
M. le président. Quel est donc l'avis de la commission ?
M. Alain Lambert, rapporteur spécial. La commission a souhaité entendre préalablement l'avis du Gouvernement, afin de vérifier si celui-ci corroborait sa propre analyse.
Premièrement, il ne s'agit en aucune façon de jeter la suspicion sur une région, au motif que celle-ci aurait la réputation d'être « riche » et de pouvoir assumer des charges indues. Le Gouvernement vient de le dire clairement : une telle prise de position ne saurait être retenue, car elle ne respecte pas le principe d'équité. La commission partage tout à fait ce point de vue.
Deuxièmement, il est essentiel que le Gouvernement accepte de travailler en toute transparence en saisissant le comité des finances locales. Cette instance doit en effet vérifier que toutes les compensations ont été prévues selon un mode de calcul respectueux de l'équité.
M. Karoutchi a eu raison d'insister sur l'importance du climat de confiance qui doit régner entre les partenaires, afin que les modalités du transfert puissent être mises en oeuvre dans les meilleures conditions.
M. Karoutchi ne doit pas regretter de ne pas avoir gagé son amendement.
Je dirai en revanche à Mme Bricq, avec tout le respect que j'ai pour elle, que le gage dont est assorti son amendement est totalement inopérant. Je veux souligner, madame la sénatrice, vos grandes compétences en matière de finances publiques et j'espère que vous ne serez pas froissée par ce jugement. Mais vous avez trop d'expérience pour ignorer la très grande fragilité de ce gage. En effet, la compensation se fait sous forme de charges budgétaires, donc non compensables.
Par conséquent, même si votre amendement a sans doute du mérite, c'est sans aucun regret que j'émets un avis défavorable.
Mme Nicole Bricq. Merci pour la leçon, mais elle ne change pas mon avis sur le fond !
Mme la présidente. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° II-51, présenté par MM. Karoutchi, Béteille et Cambon, Mme Debré, MM. Goujon et Houel, est ainsi libellé :
Après l'article 73 nonies, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article 1-3 de l'ordonnance n° 59-151 du 7 janvier 1959 relative à l'organisation des transports de voyageurs en Ile-de-France, il est inséré un article rédigé comme suit :
« Art. ... - Toute augmentation des péages de Réseau Ferré de France donne lieu à compensation par l'Etat au bénéfice des collectivités territoriales intéressées de manière à couvrir intégralement la charge supplémentaire née de cette augmentation. »
La parole est à M. Roger Karoutchi.
M. Roger Karoutchi. La région d'Ile-de-France acquitte des péages à RFF au titre des sillons qu'elle possède sur ce réseau.
Or nous ne savons pas de quoi sera fait l'avenir : nous apprenons incidemment, ici ou là, notamment par le président de RFF, que les péages vont probablement augmenter à brève échéance ; on nous parle d'une augmentation au 1er janvier 2006. Ainsi, nous recevrons le STIF au 1er juillet 2005 et, six mois après, nous subirions une augmentation significative des péages de RFF. La compensation financière, qui aurait été calculée sur la base de la moyenne des années 2002, 2003 et 2004, ne serait donc pas assez importante par rapport à cette augmentation des péages de RFF.
Le présent amendement a pour objet de prémunir la région d'Ile-de-France contre une éventuelle hausse des péages de RFF, qui pourrait avoir lieu dans les mois ou dans l'année suivant le transfert. du STIF.
Cela étant dit, le Gouvernement vient de déposer un amendement sur ce sujet. Je vais donc l'examiner pendant que Mme Bricq présente son amendement.
Mme la présidente. L'amendement n° II-84, présenté par Mme Bricq, M. Reiner et les membres du groupe socialiste, est ainsi libellé :
Après l'article 73 nonies, insérer un article additionnel ainsi rédigé:
I - Après l'article 1er-3 de l'ordonnance n° 59-151 du 7 janvier 1959 relative à l'organisation des transports de voyageurs en Ile-de-France, il est inséré un article rédigé comme suit :
« Art. ... . - Toute augmentation des péages de Réseau Ferré de France donne lieu à compensation par l'Etat au bénéfice des collectivités territoriales intéressées de manière à couvrir intégralement la charge supplémentaire née de cette augmentation. »
II - Les pertes de recettes résultant pour l'Etat de l'application du I sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code générale des impôts.
La parole est à Mme Nicole Bricq.
Mme Nicole Bricq. Cet amendement concerne toujours le principe d'égalité de traitement en ce qui concerne la région d'Ile-de-France.
Je veux bien accepter toutes les leçons d'orthodoxie budgétaire du monde, mais il n'est pas sérieux de répondre aux auteurs d'amendements comme vous l'avez fait tout à l'heure, monsieur le ministre. En effet, vous vous êtes adressé à un seul auteur d'amendement, M. Karoutchi, ce qui est fort peu élégant, car j'avais également déposé un amendement, certes similaire.
Il vous faudra de toute façon négocier avec la région d'Ile-de-France, avec son président, et avec une majorité de gauche, et ce avant le 1er juillet prochain.
Vous avez dit à M. Karoutchi que la mesure proposée aurait pour conséquence de créer une distorsion entre la région d'Ile-de-France et les autres régions. Il n'est pas possible de tenir de pareils propos !
Ce que nous demandons, c'est l'application de l'égalité de traitement qui a été accordée par un gouvernement de gauche à des régions qui, à l'époque, n'étaient pas toutes de gauche. Certes, je politise le sujet, mais c'est aussi le sens de ces amendements.
Nous réclamons la compensation intégrale des hausses de péage qui pourraient être décidées par Réseau Ferré de France. Le fait que vous ayez, vous aussi, déposé un amendement, monsieur le ministre, ...
Mme Nicole Bricq. Je l'ai lu rapidement !
...signifie bien que le débat que nous avons ce soir n'est pas nul. En déposant ces amendements, en accord avec la région d'Ile-de-France, je fais avancer le débat !
En conclusion, il est possible que l'amendement du Gouvernement réponde en partie à la préoccupation que M. Karoutchi et moi-même avons exprimée.
Mme la présidente. L'amendement n° II-167, présenté par le Gouvernement, est ici libellé :
Après l'article 73 nonies, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article 1-3 de l'ordonnance n° 59?151 du 7 janvier 1959 relative à l'organisation des transports de voyageurs en Ile-de?France, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. 1er-4 - L'incidence financière des modifications de structure du barème des redevances d'infrastructures dues par la Société nationale des chemins de fer français à Réseau ferré de France au titre des services régionaux de voyageurs en Ile-de-France organisés en 2004 par le Syndicat des transports d'Ile-de-France est compensée par l'Etat aux collectivités territoriales intéressées à proportion de leur participation respective au Syndicat des transports d'Ile-de-France. »
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. François Goulard, secrétaire d'Etat aux transports et à la mer. Madame la présidente, je me permettrai de donner l'avis du Gouvernement sur les amendements présentés par M. Karoutchi et par Mme Bricq avant de défendre l'amendement du Gouvernement.
Nous le savons, les uns et les autres, que les relations financières entre l'Etat, le STIF et les collectivités territoriales sont difficiles.
Le changement important opéré par la décentralisation est, sur le plan technique, d'une très grande complexité. Il s'agit de définir à ce stade des principes d'équité. Les discussions se poursuivent sous l'égide du préfet de la région d'Ile-de-France pour mettre au point des mécanismes qui répondent à ces principes d'équité et, ce soir, nous tentons de préciser devant vous et sur votre initiative les principes auxquels nous devons nous référer.
Rien ne nous sépare, sur ce plan-là, des propos de Mme Bricq et de M. Roger Karoutchi. Vous avez dit notamment, monsieur le sénateur, en parlant au nom de la région d'Ile-de-France, que vous ne réclamiez pas d'avantages particuliers. Vous plaidez en effet pour l'équité, et c'est précisément l'équité que nous cherchons à inscrire dans les textes.
Sur ce point, pour prendre une référence voisine de celle des transports ferroviaires en Ile-de-France, le code général des collectivités territoriales prévoit la compensation des coûts d'exploitation des TER existants à la date du transfert, ni plus ni moins.
En revanche, et chacun peut le comprendre, l'Etat ne compense pas les nouveaux services créés après la date du transfert. Il s'agit, là aussi, d'une question d'équité.
Le mécanisme de réévaluation de la compensation renvoie aux articles L. 1614-1 à L. 1614-3 du même code, qui disposent que toute modification règlementaire ayant une incidence sur les charges transférées sera compensée. C'est à ce titre que les évolutions des péages sur les trafics existants sont compensées.
Dans le cas du STIF, l'Etat verse une compensation aux collectivités pour sa part des coûts d'exploitation du Transilien. Le calcul est explicité à l'article 119 de la loi du 13 août 2004 et le même article renvoie, pour le mécanisme de réévaluation, aux articles que je viens de citer du code général des collectivités territoriales.
Dans ces conditions, la loi prévoit que les charges d'exploitation de la SNCF, donc les péages, seront compensées suivant les mêmes mécanismes pour la région d'Ile-de-France, d'une part, et pour les autres régions, d'autre part.
La rédaction prévue par l'amendement gouvernemental, plus proche des mécanismes que je viens d'expliciter, me paraît donc préférable, en raison précisément de cet objectif d'égalité de traitement entre les régions dans le domaine des transports collectifs de voyageurs.
Aussi, je souhaiterais, madame la sénatrice, monsieur le sénateur, que vous retiriez vos amendements au profit de celui du Gouvernement.
Mme la présidente. Monsieur Karoutchi, l'amendement n° II-51 est-il maintenu ?
M. Roger Karoutchi. Il n'était pas dans notre intention de faire en sorte que la région d'Ile-de-France bénéficie d'un régime de faveur et obtienne des avantages sur de nouveaux sillons ou des accroissements de trafic.
Pour nous, il était très clair que les péages supplémentaires devaient être pris en compte dans la compensation.
Si la région crée elle-même des éléments nouveaux en modifiant son circuit ou en augmentant le trafic sur les sillons, il est normal qu'elle prenne en charge les péages.
Mon objectif était d'obtenir la prise en compte, au titre de la compensation, de l'éventuelle modification des tarifs de péage par rapport à l'existant.
L'amendement du Gouvernement permet d'atteindre cet objectif. En conséquence, je retire le mien.
Mme la présidente. L'amendement n° II-51 est retiré.
Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s II-84 et II-167 ?
M. Alain Lambert, rapporteur spécial. La commission des finances fonde son point de vue non pas sur une prétendue richesse, non pas en fonction des rapports de force politiques que vous avez évoqués tout à l'heure, madame Bricq,...
M. Roger Karoutchi. Ce serait une erreur de raisonner ainsi !
M. Alain Lambert, rapporteur spécial. mais sur des principes d'équité.
Or, s'agissant des mécanismes de réévaluation, sans vouloir heurter leur susceptibilité d'auteur, je dirai à M. Karoutchi et Mme Bricq que la rédaction du Gouvernement est nettement meilleure que la leur. Je n'ose évoquer Portalis...
A dire vrai, j'ai gommé la complication en surlignant les mots essentiels : L'incidence financière est compensée à proportion de leur participation. Cette rédaction est quasiment celle du code civil quand il traite de la répartition des charges du mariage entre les époux.
C'est la raison pour laquelle la commission des finances émet un avis favorable sur l'amendement du Gouvernement et suggère chaleureusement à Mme Bricq de bien vouloir retirer le sien.
Mme la présidente. Madame Bricq, l'amendement n° II-84 est-il maintenu ?
Mme Nicole Bricq. Je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° II-84 est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° II-167.
(L'amendement est adopté.)
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 73 nonies.
Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° II-52, présenté par MM. Karoutchi, Béteille et Cambon, Mme Debré, MM. Goujon et Houel, est ainsi libellé :
Après l'article 73 nonies, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article 1-3 de l'ordonnance n° 59-151 du 7 janvier 1959 relative à l'organisation des transports de voyageurs en Ile-de-France, il est inséré un article rédigé comme suit :
« Art. ... - Toute disposition législative et réglementaire ayant une incidence sur les charges transférées en application des articles 37 à 43 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales donne lieu à compensation intégrale de la charge supplémentaire résultant de ces dispositions. »
La parole est à M. Karoutchi.
M. Roger Karoutchi. Nous recherchons à nouveau une clarté rédactionnelle par rapport au texte de loi lui-même. Il s'agit de préciser que toute disposition législative ou réglementaire que le Gouvernement serait amené à prendre et ayant une incidence sur le financement du STIF fera l'objet d'une compensation.
Supposons que, dans un ou deux ans, le Gouvernement décide d'établir une tarification spéciale pour une catégorie entière de population. Il devrait naturellement compenser la baisse de recettes qui s'ensuivrait pour le STIF.
Mme la présidente. L'amendement n° II-85, présenté par Mme Bricq, M. Reiner et les membres du groupe Socialiste, est ainsi libellé :
Après l'article 73 nonies, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I - Après l'article 1er-3 de l'ordonnance n° 59-151 du 7 janvier 1959 relative à l'organisation des transports de voyageurs en Ile-de-France, il est inséré un article rédigé comme suit :
Art. ... - Toute disposition législative et réglementaire ayant une incidence sur les charges transférées en application des articles 37 à 43 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales donne lieu à compensation intégrale de la charge supplémentaire résultant de ces dispositions.
II - Les pertes de recettes résultant pour l'Etat de l'application du I sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Nicole Bricq.
Mme Nicole Bricq. Cet amendement est défendu.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Lambert, rapporteur spécial. Pour les raisons qui ont été évoquées depuis la reprise de nos travaux, la commission n'est pas favorable à ces amendements.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gilles de Robien, ministre. L'avis du Gouvernement est également défavorable.
Pardonnez-moi, madame Bricq, si je vous ai donné l'impression de m'adresser plutôt à M. Karoutchi qu'à vous-même : dans mon esprit, je répondais évidemment aux deux auteurs des amendements.
Afin de vous rassurer tous les deux, je citerai l'article L. 1614-2 du code général des collectivités territoriales : « Toute charge nouvelle incombant aux collectivités territoriales du fait de la modification par l'Etat, par voie réglementaire, des règles relatives à l'exercice des compétences transférées est compensée dans les conditions prévues .. ».
L'adoption de ces amendements ne ferait que surcharger la loi, alors que nous essayons, dans toute la mesure du possible, de simplifier les textes pour les rendre lisibles.
Mme la présidente. Monsieur Karoutchi, l'amendement n° II-52 est-il maintenu ?
M. Roger Karoutchi. Monsieur le ministre, j'accepte d'autant plus volontiers votre démonstration qu'à mon sens la loi prévoit déjà cet élément.
Je voudrais néanmoins obtenir une précision. Dans l'hypothèse d'une décision gouvernementale allant dans le sens de ce que j'ai indiqué tout à l'heure, pourriez-vous prendre l'engagement que le comité d'évaluation ou le comité des finances locales sera automatiquement saisi pour se prononcer sur la compensation ?
Si vous nous donnez cette garantie, je considérerais que l'amendement est superfétatoire.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Gilles de Robien, ministre. Monsieur Karoutchi, votre demande est tout à fait justifiée. Je prends l'engagement, au nom du Gouvernement, que le comité des finances locales sera saisi.
M. Roger Karoutchi. Dans ces conditions, je retire l'amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° II-52 est retiré.
Madame Bricq, maintenez-vous l'amendement n° II-85 ?
Mme Nicole Bricq. Pour avoir eu quelques expériences malheureuses, je ne crois pas que la saisine du comité des finances locales ait un caractère totalement rassurant.
Monsieur le ministre, je voudrais vous poser deux questions. Premièrement, la mesure s'applique-t-elle au transport ferroviaire ? Deuxièmement, l'équité par rapport aux autres régions est-elle garantie ?
En fonction de vos réponses, je déciderai de maintenir ou non cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Gilles de Robien, ministre. Madame le sénateur, à l'évidence, cette disposition s'applique au transport ferroviaire.
Par ailleurs, le comité des finances locales peut procéder à une analyse plus fine, et, bien sûr, le Gouvernement en tient compte. Je ne peux donc pas vous apporter autre chose qu'un engagement du Gouvernement.
M. Daniel Reiner. Cela place-t-il l'Ile-de-France au même niveau que les autres régions ?
M. Gilles de Robien, ministre. Bien entendu, l'Ile-de-France doit être mise au même niveau que les autres régions. Il n'est pas question de créer une distorsion. Ce serait contraire à l'équité !
Mme la présidente. Madame Bricq, êtes-vous satisfaite des réponses de M. le ministre ?
Mme Nicole Bricq. Oui, madame la présidente, et je retire donc l'amendement.
Mme la présidente. L'amendement n° II-85 est retiré.
L'amendement n° II-86, présenté par Mme Bricq et les membres du groupe Socialiste, est ainsi libellé :
Après l'article 73 nonies, insérer un article additionnel ainsi rédigé:
I - L'article L. 2531-4 du code général des collectivités territoriales est modifié comme suit :
a) Au deuxième alinéa, le taux : « 2,6 % » est remplacé par le taux : « 2,8 % »
b) Au troisième alinéa, le taux : « 1,7 % » est remplacé par le taux : « 1,9 % »
c) Au quatrième alinéa, le taux : « 1,4 % » est remplacé par le taux : « 1,6 % »
II - Les modifications de taux mentionnés au I entrent vigueur le 1er janvier 2005.
La parole est à Mme Nicole Bricq.
Mme Nicole Bricq. Si les sommes que j'ai évoquées au sujet du titre IV peuvent paraître assez faramineuses aux élus des autres régions, c'est parce que le retard est immense en Ile-de-France.
Je vous propose une solution simple, voire simpliste aux yeux de certains. J'imagine que le président de la commission des finances, par exemple, est trop soucieux de l'orthodoxie budgétaire, des finances publiques en général, et de l'accroissement des prélèvements, pour apprécier cet amendement.
Quoi qu'il en soit, la solution que je vous suggère permettrait de régler tous les problèmes financiers encore en suspens, notamment en comblant les déficits que j'évoquais tout à l'heure.
L'augmentation des taux plafonds du versement transport contribuerait, pour partie, à dégager les ressources nouvelles indispensables que nous évoquons depuis la reprise de nos travaux.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Lambert, rapporteur spécial. Défavorable.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Goulard, secrétaire d'Etat. L'avis du Gouvernement est défavorable, madame la sénatrice, pour une raison d'ordre pratique.
Il se trouve que les contrats actuels entre le syndicat des transports d'Ile-de-France et les entreprises de transport, principalement la RATP et la SNCF, sont bâtis sur une hypothèse de stabilité de la contribution des entreprises sous forme de versement transport et des impôts, locaux et nationaux.
Les contrats ont des objectifs ambitieux en termes de qualité et d'augmentation de l'offre. Et ils sont parfaitement financés avec les règles actuelles.
Aujourd'hui, via ces contrats, les besoins financiers du STIF sont connus à l'horizon 2007 et les ressources nécessaires sont mises en place. Par conséquent, c'est un débat qui pourra se dérouler ultérieurement.
Mais, aujourd'hui, nous ne voyons pas la nécessité d'augmenter ce prélèvement, ce qui ne manquerait pas de peser sur l'économie de l'Ile-de-France, dont on connaît l'importance pour l'ensemble de notre pays.
Pour souscrire à ce que disait fort justement tout à l'heure Roger Karoutchi, il n'y a pas une sorte de richesse inépuisable de la région d'Ile-de-France. C'est une région comme une autre, qui a ses soucis de compétitivité à l'échelle européenne et internationale.
Donc, dans l'état actuel des choses, avec des informations fiables sur l'avenir des transports en commun de l'Ile-de-France, cette augmentation nous paraît inopportune.
Mme la présidente. La parole est à M. Roger Karoutchi.
M. Roger Karoutchi. Madame Bricq, il ne faudrait pas confondre, dans la discussion qui s'engage avec le Gouvernement, pression, discussion et précipitation.
Vouloir augmenter de 0,2 % le versement de transport en Ile-de-France revient à faire supporter 240 millions d'euros supplémentaires par des entreprises franciliennes qui, déjà, ne vont pas bien.
On demande aux régions d'aider les entreprises. Et nous le faisons, madame Bricq, au-delà de la majorité de gauche, toutes tendances politiques confondues. Sur bien des sujets, en effet, nous sommes d'accord lorsque l'intérêt général est en cause.
Nous avons voté, et nous voterons au cours de la séance plénière de la semaine prochaine, des aides pour soutenir un certain nombre d'entreprises franciliennes. Ces aides sont limitées à 10 ou 15 millions d'euros parce que la région n'a pas les moyens d'aller au-delà.
Comment pourrions-nous, d'un côté, proposer aux entreprises franciliennes une aide de 15 millions d'euros et, de l'autre, leur annoncer que nous allons leur prendre 240 millions d'euros au titre du versement transport ? Je ne suis pas convaincu qu'elles apprécieraient !
Dans la discussion qui a commencé avec le ministère du budget, ce doit être la variable d'ajustement. Nous sommes d'accord pour négocier. Dans une telle affaire, Madame Bricq, il n'y a pas une majorité de gauche ou une minorité de droite. Tous les élus d'Ile-de-France - présidents de conseil régional, présidents de conseil général, membres des groupes - sont, directement ou indirectement, impliqués dans cette négociation car, le jour venu, les départements, les régions, les collectivités locales, tout le monde paiera.
Nous devons mener une négociation ferme avec le ministère du budget, afin d'obtenir un maximum de compensations publiques pour remettre à niveau l'ensemble des transports publics en Ile-de-France, avant que la région ne déploie elle-même son propre programme de transport.
A ce moment-là - et à ce moment-là seulement - au terme de la négociation, nous dirons au Gouvernement - nous l'avons dit à Jean-François Copé, qui en a été d'accord - que la variable d'ajustement peut être le versement de transport.
Autrement dit, commençons par négocier. Ensuite, si nous ne parvenons vraiment pas au résultat souhaité, nous dirons que, pour pouvoir opérer le transfert, il faudrait, par exemple, relever le versement de transport de 0,1 %.
Mais ne faisons pas, dès aujourd'hui, avant même le début de la négociation, porter d'ores et déjà ce poids nouveau sur les entreprises.
En même temps, cela exonérerait le Gouvernement de la nécessité de négocier avec nous : il lui serait facile de s'abriter derrière les 240 millions d'euros obtenus grâce aux 0,2 % de versement de transport, supposés largement suffire au titre de la compensation.
Moi, je dis non ! Ce n'est pas aux entreprises, dans l'immédiat, de payer ce transfert. Il faut d'abord engager une négociation publique avec le Gouvernement, le versement de transport servira ensuite de variable d'ajustement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Ce débat concerne plus de 11 millions de personnes, soit presque le cinquième de la population française. Cela justifie donc que, de temps en temps, on s'intéresse, au Sénat, à la question que j'ai soulevée.
Je voudrais souligner que nous n'en sommes pas au début de la négociation avec l'Etat. Voilà des mois que cette négociation a commencé et que l'on ne progresse pas. Nous allons continuer à discuter la semaine prochaine avec le ministre délégué au budget, mais il faut savoir accélérer. C'est pourquoi j'ai présenté cet amendement ce soir.
Cela étant dit, je suis très sensible à l'argument selon lequel nous risquons d'obérer la compétitivité des entreprises, notamment en Ile-de-France. C'est un argument que je reçois, monsieur le secrétaire d'Etat, mais quand on interroge sérieusement les entreprises par le biais d'enquêtes et de sondages réalisés annuellement, comme cela se pratique partout en France, on apprend que ce qui favorise leur implantation dans une région - et ce ne sont pas mes collègues du Limousin qui me démentiront -, c'est la qualité des infrastructures qu'on leur offre.
Mme Nicole Bricq. En effet, les entreprises sont prêtes à payer à partir du moment où elles savent qu'elles trouveront des travailleurs de qualité, formés, et les infrastructures nécessaires à leur développement. Si l'on ne peut pas leur garantir cela, en Ile-de-France comme ailleurs, nos régions ne seront pas compétitives.
Par conséquent, je pense que la proposition que j'ai faite, qui est peut-être a priori, alors que celle de M. Karoutchi est a posteriori, a tout de même le mérite de susciter un débat qui concerne, je le répète, presque un cinquième de la population française.
Mme la présidente. Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant les transports et la sécurité routière.
La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Je voudrais rappeler au Sénat que nous devons encore examiner, cette nuit, les crédits des services communs et de l'urbanisme, les crédits de l'aménagement du territoire et ceux de la jeunesse, des sports et de la vie associative, soit, en principe, cinq heures et demie de débat.
Dans ces conditions, on peut prévoir que nos travaux s'achèveront vers cinq heures du matin. Je demande donc instamment à tous les membres de la Haute Assemblée, notamment à nos amis franciliens qui nous ont offert voilà quelques instants un débat tout à fait passionnant, de faire preuve de concision. Chacun y trouvera son compte, en particulier les personnels des comptes rendus et du service de la séance, dont le travail se poursuivra encore plusieurs heures après la levée de la séance.
Je souhaite donc, je le répète, que chacun se montre particulièrement concis, au banc du Gouvernement comme sur les travées de notre assemblée.
Mme la présidente. Je vous remercie, monsieur le président de la commission des finances, de l'attention que vous manifestez à tous, qu'il s'agisse des personnels des services du Sénat, des représentants du Gouvernement ou des membres de notre assemblée. Je suis sûre que votre appel à la concision sera entendu.
I. - services communs et urbanisme
Mme la présidente. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant l'équipement, les transports, l'aménagement du territoire, le tourisme et la mer : I. - Services communs et urbanisme.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Jean-Pierre Masseret, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, s'agissant des crédits du fascicule I « services communs et urbanisme » du ministère de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer, je formulerai rapidement quatre observations concernant respectivement les effectifs du ministère, ses dépenses de fonctionnement, la décentralisation et, enfin, la mise en oeuvre des dispositions de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances.
Ma première observation portera donc sur les effectifs.
Le projet de budget des services communs prévoit, pour 2005, 1 725 suppressions d'emploi et 322 créations d'emploi, soit 1 403 suppressions nettes d'emploi. Le ministère de l'équipement supporte donc, à lui seul, 20 % de l'ensemble des suppressions nettes d'emploi. Il s'agit là de la plus importante réduction d'effectifs de ces dernières années. La « règle » de la non-compensation d'un départ à la retraite sur deux a été appliquée par ce ministère.
Les créations d'emploi dont je parlais à l'instant concernent notamment les inspecteurs du permis de conduire, afin de tirer les conséquences de la réforme de cet examen.
On observe, parallèlement à cette réduction des effectifs, une faible progression de la masse salariale. Les dépenses de personnel augmentent néanmoins d'un peu moins de 1 %, alors qu'elles avaient diminué en 2004.
En raison de sa nature de budget de personnel et de fonctionnement, le budget des services communs est extrêmement rigide. Le poids des services votés, en matière de dépenses de personnel, est impressionnant, puisqu'ils représentent 99,14 % des crédits, et la marge de manoeuvre est réduite, sauf à revoir le montant des services votés et donc à réformer l'organisation du ministère.
Ma deuxième observation portera sur les dépenses de fonctionnement du ministère de l'équipement. Ces dépenses font l'objet, depuis plusieurs années déjà, de mesures d'économies.
D'une part, le ministère mène une politique de rationalisation des dépenses et de réorganisation de son administration centrale : gestion centralisée des dépenses de fonctionnement, mises en concurrence, dotations sous enveloppes fongibles, maîtrise des dépenses d'informatique et de téléphonie.
D'autre part, entre 1997 et 2002, les dotations budgétaires de fonctionnement des services déconcentrés ont été réduites de 10 % hors inflation. En 2003, les mesures de régulation ont conduit à une réduction de 13 % des moyens de fonctionnement des services déconcentrés. Pour 2004, les crédits inscrits dans la loi de finances initiale, déjà en diminution de 0,6 % par rapport à 2003, subissent un gel à hauteur de 2,4 %. Cette mesure est aggravée par le gel de 43 % du montant des reports.
Monsieur le ministre, ces diminutions successives des moyens conduisent à un niveau de fonctionnement des services déconcentrés jamais atteint. Les gains de productivité obtenus par la maîtrise des dépenses et la politique de contrôle de gestion et de conseil aux services ne permettent plus raisonnablement de compenser cette baisse des moyens. Certains services sont en grande difficulté. Peut-être pourrez-vous, monsieur le ministre, nous apporter quelques précisions sur ce constat.
Ma troisième observation portera sur l'application de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et aux responsabilités locales.
Cette loi prévoit des transferts de compétences qui affecteront le périmètre d'activité du ministère de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer. Les domaines concernés, visés respectivement aux articles 18, 28, 30 et au chapitre III de la loi, sont les routes nationales - les premiers éléments d'information donnés aux conseils généraux suscitent de nombreuses inquiétudes, notamment en Lorraine et particulièrement dans le département de la Meuse -, les aérodromes civils, les ports, le logement social et la construction. La loi prévoit, pour son application, des mises à disposition et des transferts de services et d'agents.
A cet égard, le ministère a procédé à une évaluation des effectifs transférés par domaine, qui indique qu'environ 30 000 emplois sont concernés par les transferts. Il s'agit notamment de 24 000 emplois dans des services actuellement mis à disposition des départements dans le cadre de l'accomplissement de leurs missions relatives aux routes départementales, et de quelque 5 000 emplois affectés aux routes nationales qui seront transférées au domaine départemental en application de la loi.
L'article 104 de la loi exclut les parcs de l'équipement, qui ne sont donc pas transférés dans l'immédiat. Le Gouvernement doit remettre au Parlement, dans un délai de trois ans, un rapport sur le fonctionnement et l'évolution de ces parcs.
On peut donc s'attendre, au cours des prochaines années, à de profondes modifications de structures du ministère, sous les effets conjugués de la décentralisation et de l'application de la loi organique relative aux lois de finances.
Cela m'amène à ma quatrième et dernière observation.
Le budget des services communs et de l'urbanisme regroupe des crédits qui, en réalité, sont de nature très diverse.
En 2001, dans son rapport sur l'exécution des lois de finances pour l'année 2000, la Cour des comptes estimait que l'évolution des crédits de l'équipement était peu lisible, en raison, d'une part, de la variété des supports budgétaires, et, d'autre part, de multiples variations de périmètre. Ce constat est, plus que jamais, valable pour 2005.
En 2006, l'application pleine et entière de la loi organique relative aux lois de finances devrait rendre les évolutions plus transparentes et plus lisibles. Le budget des services communs et de l'urbanisme a vocation à être redistribué entre plusieurs programmes des missions « transports », « politique des territoires » et « ville et logement ».
Cette redistribution thématique des crédits de la section « services communs et urbanisme » permettra une analyse des moyens mis en oeuvre au regard des politiques menées et des résultats obtenus. Ce dispositif sera plus satisfaisant que l'actuelle « logique de moyens » sous-tendant le budget des services communs.
Enfin, peut-être pourrez-vous nous en dire davantage, monsieur le ministre, sur la mise en oeuvre de la « stratégie ministérielle de réforme », qui est la conséquence des évolutions que je viens de mentionner.
Au nombre des mesures envisagées dans le cadre de cette « stratégie ministérielle de réforme » figurent, à l'échelon de l'administration centrale, la mise en place d'un secrétariat général et la réduction du nombre de directions et de directions générales.
A l'échelon local, des expérimentations sont envisagées concernant l'organisation des directions régionales de l'équipement et le repositionnement des services déconcentrés.
Telles sont les remarques que je souhaitais formuler sur ce projet de budget des services communs et de l'urbanisme, que la majorité des membres de la commission des finances propose au Sénat d'adopter. (M. le président de la commission des finances applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Bernard Piras, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, les crédits consacrés à l'urbanisme ne représentent pas, vous le savez, une masse financière très importante dans le budget de l'Etat, mais ils revêtent, pour les collectivités territoriales, une importance fondamentale, puisque ces dernières sont les premiers acteurs de la politique de l'urbanisme.
Le projet de budget pour 2005 comporte, de ce point de vue, des éléments positifs, comme la hausse de 22,17 % des crédits destinés aux agences d'urbanisme ou l'augmentation de la dotation allouée aux actions foncières. Malheureusement, il ne nous rassure pas totalement quant au soutien effectif de l'Etat aux collectivités territoriales, dans la mesure où plane sur lui la menace de la régulation budgétaire.
Cette régulation a en effet été de grande ampleur en 2004, puisque le total des crédits annulés ne représente pas moins de 31 % de la dotation qui avait été inscrite dans la loi de finances. Les contrats de plan Etat-région sont particulièrement touchés par ces mesures. A titre d'exemple, pour l'Ile-de-France, le taux d'exécution de la convention est très en deçà de ce qu'il devrait être, puisqu'il s'élève à environ 29 %, pour un taux théorique de 71 %. Pouvez-vous nous donner, monsieur le ministre, quelques assurances s'agissant de l'exécution de votre budget pour l'année à venir ?
J'en viens maintenant au sujet qui préoccupe aujourd'hui tous les responsables locaux de l'urbanisme que nous sommes, à savoir le problème de la crise foncière. Les acteurs du logement le soulignent : la construction de logements se heurte à la rareté et surtout à la cherté des terrains. Le prix du foncier représente en effet de 20 % à 30 % du coût global d'une construction.
M. Charles Revet. Voire davantage !
M. Bernard Piras, rapporteur pour avis. En effet, mon cher collègue !
L'interaction entre les marchés foncier et immobilier engendre un cercle vicieux : l'accroissement de la demande de logements entraîne un renchérissement du foncier, qui accentue à son tour la cherté des logements.
Or la volonté des maires, compétents en matière d'urbanisme, d'agir sur le marché foncier se heurte à la complexité des procédures d'urbanisme opérationnel et à la nécessité de trouver des moyens financiers suffisants.
La crise foncière se manifeste de trois façons.
On observe d'abord un phénomène de spéculation foncière dans les grandes agglomérations, dans les régions frontalières et sur les façades maritimes. A titre d'exemple, les prix moyens du terrain à bâtir dans la communauté de Strasbourg ont crû de près de 60 % entre 1998 et 2001.
Ensuite, la rareté et la cherté des terrains conduisent à un deuxième phénomène, celui de l'étalement périurbain. Cet étalement induit une pression considérable sur les terres agricoles périurbaines : ainsi, depuis 1998, la réduction de la superficie des terres agricoles a atteint 12,3 % dans les pôles urbains, contre 3 % seulement pour le reste du territoire.
Enfin, un troisième phénomène consiste en la multiplication d'espaces dégradés, parfois pollués, et de quartiers urbains déshérités, dont l'aménagement nécessite une intervention publique très forte et coûteuse.
La grave crise du logement que nous connaissons le démontre : nous devons, notamment dans la perspective de l'élaboration du projet de loi « habitat pour tous », réfléchir à la mise en place d'outils de régulation du marché foncier.
Cela étant dit, je souhaiterais recueillir votre avis, monsieur le ministre, sur quelques propositions.
En premier lieu, s'agissant de la construction, il pourrait être envisagé de rendre la fiscalité plus incitative, en taxant plus lourdement les terrains non bâtis qui ne font pas l'objet d'une interdiction de construire et qui sont situés dans les zones urbaines délimitées par un plan d'occupation des sols ou par un plan local d'urbanisme. Une telle mesure inciterait les propriétaires à davantage valoriser les terrains non bâtis.
En second lieu, il est frappant que le constat de la crise foncière, effectué de façon unanime par tous les acteurs concernés, ne puisse pourtant être étayé par aucune observation d'ensemble précise et exhaustive du marché foncier urbain. Or une plus grande transparence du marché foncier, condition indispensable d'une intervention efficace des collectivités territoriales, serait de nature à freiner la spéculation.
Quelles mesures pourraient être prises, monsieur le ministre, pour mettre à disposition de tous des données précises et globales sur l'évolution du marché foncier ? Ne pourrait-on pas prévoir, par exemple, lors du dépôt d'un acte à la conservation des hypothèques, sa transmission simultanée au maire de la commune dans laquelle est situé le terrain ou l'immeuble ?
Enfin, le travail engagé par la délégation à l'action foncière doit se concrétiser par des cessions de terrains en vue de la construction de logements sociaux. Pouvez-vous à ce sujet nous indiquer, monsieur le ministre, les prochaines étapes du travail mené par cette délégation ?
Pour conclure, je dirai que j'avais, à titre personnel, émis un avis défavorable à l'adoption des crédits de l'urbanisme, principalement en raison des mesures de régulation budgétaire qui les affectent. La commission des affaires économiques a, quant à elle, porté un jugement différent et émis un avis favorable à son adoption.
Mme la présidente. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe Union pour un mouvement populaire, 14 minutes ;
Groupe socialiste, 9 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 5 minutes.
Je vous rappelle qu'en application des décisions de la conférence des présidents aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Anne-Marie Payet.
Mme Anne-Marie Payet. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne reviendrai pas sur les différents aspects budgétaires de ce fascicule, nos collègues rapporteurs les ayant d'ores et déjà fort bien exposés à notre Haute Assemblée.
Je tiens toutefois à insister sur la complexité singulière de la présentation des crédits affectés aux services communs et urbanisme tant ils recouvrent des domaines divers et variés. C'est pourquoi je salue les efforts entrepris par le Gouvernement pour restructurer la présentation de ces crédits. En outre, j'espère que la mise en oeuvre de la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF, permettra de poursuivre l'effort de lisibilité de ce fascicule budgétaire bien qu'il faille regretter quelques retards d'expérimentation.
Mon intervention tournera autour de deux grands thèmes sans lien direct, mais qui ont comme point commun de faire l'objet de vives inquiétudes chez les élus locaux. Il s'agit, dans un premier temps, de la gestion des effectifs du ministère de l'équipement et, dans un deuxième temps, de la politique envisagée par le Gouvernement pour aider les collectivités dans le cadre du programme de construction de logements sociaux.
Premier axe : la gestion des effectifs du ministère de l'équipement.
Pour 2005, les effectifs des services communs sont ceux qui subissent la plus importante diminution : 1 403 suppressions nettes d'emplois sont prévues. Dans un contexte général de modernisation de l'Etat, le ministère de l'équipement agit ainsi dans le respect de la règle de non-remplacement d'un départ à la retraite sur deux.
Si la volonté de rationaliser la gestion des services, notamment des services déconcentrés de l'Etat, est à saluer, je m'interroge toutefois, s'agissant des directions départementales de l'équipement, les DDE, sur le maintien de la qualité et de l'efficacité de leurs prestations, ainsi que de la disponibilité du personnel.
Si, s'agissant des domaines tels que l'entretien des routes, les services de l'Etat se situent dans un champ d'activité hautement concurrentiel, nécessitant une restructuration et une meilleure productivité des services, cette suppression importante des effectifs ne doit pas nuire à la qualité des services offerts en matière d'urbanisme aux élus locaux, notamment aux élus ruraux.
En effet, dans la plupart des cas, les petites communes ne disposent pas des services juridiques adaptés. Si les services déconcentrés de l'Etat ne sont pas en mesure de répondre à leurs interrogations, ces communes se retrouveront dans une situation particulièrement inquiétante d'autant qu'elles n'ont pas les moyens de faire appel à des conseils privés.
Surtout en outre-mer où les communes ont encore davantage besoin des services de l'Etat, et où les missions traitées par les services de l'équipement sont plus importantes en raison de la croissance démographique et des besoins de rattrapage, il importe que ces mesures de réduction d'effectifs ne soient pas entreprises avec la même ampleur qu'en métropole.
J'avais déjà attiré votre attention sur ce sujet, monsieur le ministre, mais je tenais, dans ce contexte budgétaire, à vous interroger à nouveau sur cette question majeure.
Continuant sur le thème de la gestion des effectifs et de la restructuration des services, je voudrais vous faire part de quelques remarques.
Tout d'abord, je tenais à saluer l'initiative du Premier ministre qui, à la mi-novembre, a annoncé un programme de fusion des directions départementales de l'agriculture et de la forêt, les DDAF, et des DDE, quand le représentant de l'Etat dans le département le juge opportun, au sein d'une même direction départementale de l'aménagement et de l'agriculture. En effet, dans certains cas, ces deux directions sont amenées à se prononcer sur des sujets connexes. Par ailleurs, cette restructuration permettrait d'avoir un interlocuteur unique. L'UDF a toujours encouragé toutes les initiatives favorisant la simplification des démarches administratives. C'est pourquoi nous souscrivons pleinement à la mesure du Premier ministre qui correspond tout à fait à cette exigence de modernisation du fonctionnement de l'Etat.
Ensuite, je souhaiterais vous interroger, monsieur le ministre, sur le transfert des personnels de l'Etat aux départements dans le cadre de la décentralisation du domaine public routier de l'Etat. Mon inquiétude est double. D'une part, comment comptez-vous évaluer les effectifs, sachant que d'importantes différences peuvent exister entre les postes budgétés et les postes pourvus ? D'autre part, quelles seront les conséquences de cette réduction d'effectifs pour les collectivités ? En d'autres termes, l'Etat ne recherche-t-il pas à faire des économies en procédant à une réduction drastique des effectifs pour, indirectement, réduire sa participation au titre de la compensation des transferts de compétences ?
Deuxième axe : les mesures d'urbanisme accompagnant le programme de construction de logements sociaux.
L'Etat comme les collectivités territoriales et les bailleurs sociaux sont fortement sollicités pour relancer la construction de logements sociaux. Les objectifs sont ambitieux ; l'avenir nous dira s'ils ne le sont pas trop. Mais, en attendant, l'ensemble des acteurs intéressés doit tout mettre en oeuvre pour mener à bien cette politique.
Toutefois, je ne suis pas convaincue que l'Etat ait pris la mesure de la tâche qui incombe aux collectivités tant du point de vue financier que de celui des moyens. Je n'insisterai pas sur l'aspect financier de la question, le débat sur le budget du logement ayant déjà eu lieu hier. Je m'en tiendrai donc aux aspects techniques de la mise en oeuvre du programme.
Les communes sont très souvent contraintes par des problèmes de procédures administratives, de règles d'urbanisme, ainsi que par d'importants problèmes de disponibilité du foncier. Notre collègue Bernard Piras a d'ores et déjà exposé ses inquiétudes, mais je souhaitais à mon tour faire part de celles du groupe de l'Union centriste.
Nous souhaitons, en effet, que l'Etat accompagne doublement les collectivités, d'une part, en cédant une partie importante de son parc immobilier qui pourrait être destiné au logement social et, d'autre part, en permettant aux collectivités soumises à des contraintes géographiques d'adapter les prescriptions d'urbanisme aux contraintes locales.
Vous me permettrez de prendre l'exemple de la Réunion dont la spécificité insulaire ne permet pas de construire un nombre suffisant de logements sociaux.
Le 4 novembre dernier, vous avez dévoilé une liste de bâtiments dont l'Etat comptait se séparer. Je souhaiterais à ce sujet vous poser différentes questions, dont la première est personnelle. Est-il prévu une cession particulière de bâtiments sur le territoire de la Réunion ? Par ailleurs, l'Etat compte-t-il réserver un quota pour le logement social ?
Je me répète, mais le Gouvernement doit tout mettre en oeuvre et pas seulement d'un point de vue purement budgétaire, pour accompagner les élus et l'ensemble des acteurs locaux dans la mise en oeuvre du programme de construction.
Enfin, permettez-moi, monsieur le ministre, de sortir quelques secondes du cadre budgétaire afin de vous faire part de l'inquiétude des Réunionnais à l'annonce d'une baisse éventuelle des crédits destinés à la pose des filets de protection le long de la falaise de la route du littoral qui est souvent considérée, peut-être à tort, comme l'une des plus dangereuses de France, mais qui est un axe vital pour mon département. Pouvez-vous dissiper cette inquiétude ?
Voilà, monsieur le ministre, les quelques sujets sur lesquels je souhaitais intervenir.
Mme la présidente. La parole est à M. Charles Revet.
M. Charles Revet. Madame la présidente, monsieur le ministre, j'ai réduit mon intervention de moitié. Je vous en livrerai le reste sous forme de questions écrites.
Monsieur le ministre, dès votre arrivée au Gouvernement et en parfait accord avec M. le Premier ministre, vous avez indiqué vouloir faire du logement une priorité dans le domaine tant du locatif social que de l'accession à la propriété.
Afin de faciliter la mise en oeuvre de cette démarche, vous nous avez proposé un projet de loi sur l'urbanisme qui avait pour objet de faciliter les modifications à apporter aux documents d'urbanisme existants pour dégager des emprises foncières nouvelles.
Malheureusement, à ce jour, les résultats ne sont pas à la hauteur des espérances. Mais il y a plus grave. L'augmentation importante des prix du foncier, comme l'ont souligné plusieurs de nos collègues, rend difficile, voire impossible l'accession à la propriété pour de nombreuses familles.
Pour les mêmes raisons, afin de pouvoir équilibrer les programmes de construction de logements locatifs sociaux, les bailleurs sociaux sollicitent dans des proportions de plus en plus importantes, l'intervention des collectivités locales, ce qui a bien sûr un effet limitatif.
Si l'esprit des procédures de révision simplifiée permettait d'envisager la mise sur le marché de surfaces nouvelles permettant d'espérer une réduction du foncier, force est de constater que le résultat n'est pas là, probablement faute de structures suffisantes pour élaborer les documents de révision.
Compte tenu de l'enjeu que représente le logement, des besoins recensés tant dans le domaine locatif que dans celui de l'accession à la propriété, de la répercussion sur l'emploi et, pour de nombreuses années, du développement d'une telle politique, des possibilités qu'offrent les niveaux actuels des taux d'intérêt, ne pensez-vous pas, monsieur le ministre, qu'il serait souhaitable de réfléchir à des mesures dérogatoires limitées et rapides à mettre en oeuvre qui permettraient de répondre aux attentes ?
La mise en place d'une révision simplifiée fait-elle, comme le pensent la plupart des responsables de collectivités, obligation à la collectivité concernée de faire appel à des services extérieurs ou la collectivité peut-elle l'engager par ses propres services ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer. Madame la présidente, mesdames et messieurs les sénateurs, je voudrais tout d'abord vous dire que l'on s'inscrit dans une double logique, de maîtrise de la dépense publique et d'adaptation de nos moyens pour répondre de façon toujours plus efficace aux priorités de nos concitoyens.
Concrètement, la productivité et l'adaptation de mon ministère aux attentes de nos concitoyens s'illustrent, par exemple, avec les personnels. Les gains de productivité que nous réalisons nous permettent de contribuer durablement à la maîtrise de la dépense publique et nous l'assumons. Ces efforts substantiels nous donnent aussi des marges de manoeuvre pour nous adapter avec des emplois encore plus qualifiés et pour renforcer les moyens là où les Français ont des attentes. Je pense en particulier à la sécurité routière pour laquelle nous continuons à créer des emplois d'inspecteurs en liaison avec le déploiement sur l'ensemble du territoire des nouvelles épreuves du permis de conduire.
En 2005, nous créons soixante-cinq postes d'inspecteurs de permis de conduire, sept postes d'inspecteurs du travail des transports, cinq postes de contrôleurs des transports terrestres ou encore quinze postes d'officiers et officiers adjoints de port. Nos efforts nous permettent ainsi de renforcer le service public dans les domaines de la sécurité. La modernisation du ministère, c'est aussi la création de cent postes de catégorie A et de cent trente postes de catégorie B.
Nos gains de productivité nous donnent des marges de manoeuvre pour agir sur les moyens de fonctionnement qui, comme l'a souligné Jean-Paul Masseret, sont raisonnables dans mon ministère ; ils ont même été trop contraints depuis plusieurs années. Le sujet des moyens de fonctionnement des services déconcentrés est, en effet, une vraie préoccupation.
La baisse des moyens de fonctionnement depuis plusieurs années, ainsi que quelques régulations ont obligé, en effet, les services à reporter, voire annuler un certain nombre de prestations envisagées, comme le renouvellement informatique, les déplacements ou les fournitures.
Cette situation n'était pas satisfaisante, d'autant que les besoins en 2005 resteront importants du fait, notamment, des nécessaires réorganisations des services en préparation de la LOLF et de la décentralisation.
Non seulement le projet de budget prévoit une augmentation modérée de ces crédits, mais aussi ils ne devraient pas être touchés par d'éventuelles mesures de régulation qui pourraient être décidées en cours d'exercice. Monsieur Piras, je tiens à vous dire qu'il s'agit d'un engagement très important pris par le Premier ministre.
J'insisterai sur nos grandes priorités que vous retrouvez dans la nouvelle présentation de notre budget au format « LOLF » avec une mission Transports, une mission Politique des territoires, un programme Recherche dans la mission interministérielle et, naturellement, dans le champ de compétence du ministère, deux programmes au sein de la mission interministérielle Régimes sociaux et de retraite.
Cette nouvelle maquette budgétaire offre une meilleure lisibilité des politiques que nous menons. Dans le même temps, c'est toute l'organisation de l'administration centrale du ministère que nous adaptons et que nous regroupons autour de quelques directions dans le cadre de la stratégie ministérielle de réforme que vous avez évoquée.
Par ailleurs, compte tenu de la décentralisation, j'ai lancé une réflexion sur les services déconcentrés. La décentralisation est, en effet, l'une des principales réformes destinées à améliorer le service public en rapprochant les décisions de nos concitoyens lorsqu'il s'agit d'enjeux locaux.
Notre ministère a déjà connu d'importants changements liés à la décentralisation. L'urbanisme est décentralisé depuis plus de vingt ans. L'Etat garde néanmoins un certain nombre de responsabilités importantes. Il lui appartient de fixer le cadre normatif dans lequel s'exerce l'action des collectivités locales. La loi urbanisme et habitat avait pour objet principal de résoudre les difficultés nées du volet d'urbanisme de la loi SRU. Un an après sa mise en oeuvre, il apparaît clairement que cet objectif est atteint. J'en veux pour preuve le nombre de logements qui sont déjà ou qui seront mis en chantier en 2004 : 364 000 ..
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Mille par jour ! C'est considérable !
M. Gilles de Robien, ministre. .. à comparer aux à peine 305 000 logements mis en chantier en 2001 et en 2002. En deux ans, nous avons fait un bond considérable. Et je crois que 364 000 est un nombre qui n'a jamais été atteint depuis vingt ans !
En réponse à la question de M. Piras sur la fiscalité des terrains non bâtis urbanisables, je dirai qu'il existe déjà une possibilité de majorer la taxe foncière pour de tels terrains. Le Gouvernement est ouvert et disposé à examiner comment rendre ce dispositif plus incitatif.
Un rapport que vient de me remettre le Conseil général des ponts et chaussées sur l'application de la participation pour voierie et réseaux, la fameuse PVR qui remplace la PVNR, participation pour voies nouvelles et réseaux, confirme le bilan très positif de la loi. Il convient néanmoins de poursuivre cet effort de rénovation du droit de l'urbanisme pour faciliter et simplifier l'action de chacun. C'est l'objet de la réforme des régimes d'autorisation d'urbanisme que j'ai récemment engagée et qui débouchera en 2005 ; c'est également l'objet de la réflexion sur le contentieux de l'urbanisme qu'avec mon collègue garde des sceaux nous avons confiée à Philippe Pelletier ; il nous remettra ses conclusions au début de 2005.
II appartient aussi à l'Etat d'être présent dans l'élaboration des documents de planification, soit directement par le biais des directives territoriales d'aménagement - là où elles avaient été initiées, ces directives sont maintenant dans leur phase finale d'approbation - soit en l'associant aux documents élaborés sous la responsabilité des élus locaux, à savoir les schémas de cohérence territoriale, les SCOT, et les plans locaux d'urbanisme, les PLU. Cette mission est celle des DDE qui jouent en outre un rôle de conseil et d'appui auprès des communes.
Par ailleurs, notre ministère concourt à la qualité des études urbaines, notamment en soutenant les professions et en aidant les agences d'urbanisme par des crédits qui sont en augmentation et qui permettront d'accompagner la création de nouvelles agences.
Enfin, mon ministère intervient directement en soutenant quelques grandes opérations d'urbanisme d'intérêt national, parmi lesquelles les villes nouvelles, qui rentrent progressivement dans le droit commun en fonction de leur avancement.
Pour répondre aux interrogations de M. Piras et de Mme Payet, je mentionnerai la création d'une délégation à l'action foncière, chargée de mobiliser, pour les mettre sur le marché, les terrains propriété du ministère ou des établissements publics et des entreprises dont il a la tutelle.
L'action de cette toute récente délégation m'a permis de signer dernièrement les premières et importantes conventions. Cette action, indispensable à la relance de la production de logements, notamment en lle-de-France, sera poursuivie avec vigueur en 2005.
Dans les dix ans à venir, neuf millions de mètres carrés seront ainsi remis sur le marché. Cela pourrait représenter, en considérant que la moitié de ces terrains accueilleront des logements, la réalisation d'environ 40 000 logements susceptibles d'accueillir 100 000 personnes. II s'agit là des seuls terrains que notre nouvelle démarche permettra de mobiliser dans les dix ans à venir.
Si l'on y ajoute les 2 500 logements réalisés annuellement sur les terrains que l'Etat a acquis dans les deux villes nouvelles d'Ile-de-France - Marne-la-Vallée et Sénart -, et qui sont aménagés par les EPA, la mobilisation des terrains de l'équipement représentera 65 000 logements, c'est-à-dire deux ans de production au rythme actuel et, surtout, seize mois de besoin de construction de nouveaux logements en Ile-de-France.
D'ici à 2007, j'ai fixé comme objectif à la délégation à l'action foncière la mobilisation de 1,3 million de mètres carrés de terrains, qui permettront de réaliser environ 5 000 logements.
Au vu de ces résultats, j'ai décidé que la délégation fera le même travail dans d'autres régions de France en commençant, dans un premier temps, par l'Aquitaine, l'Alsace, la Bretagne, la Picardie et Rhône-Alpes.
Madame Payet, si vous avez connaissance de terrains de mon ministère qui seraient inutilisés ou sous-utilisés, et pouvant accueillir des programmes de logement, mes collaborateurs sont à votre disposition pour examiner ce sujet en détail et pour trouver une solution. Nous aurons ainsi agi ensemble pour le bien commun.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Très bien !
M. Gilles de Robien, ministre. Enfin, madame Payet, le Gouvernement a récemment fait adopter par le Parlement une disposition législative qui lui permet de céder des terrains de son domaine privé en dessous de l'estimation des domaines si ces terrains ont vocation à accueillir des logements. II s'agit d'une contribution importante de l'Etat à la relance de la construction de logements dans notre pays.
En revanche, pour répondre à votre question, je ne crois pas qu'il appartienne à l'Etat d'imposer aux collectivités locales le programme à réaliser sur les terrains vendus. Celui-ci doit être discuté et négocié avec la collectivité locale, afin de répondre à son projet d'aménagement tout en prenant en compte les intérêts patrimoniaux de l'Etat.
Par exemple, nous sommes allés repérer un terrain à Drancy. Il est en déshérence à côté des voies de chemin de fer. Le maire a l'intention d'y installer ses services techniques. Pourquoi pas ? Nous allons donc répondre positivement à sa demande, son but étant de libérer des terrains en centre-ville pour y construire des logements. Vous voyez tout l'intérêt des opérations tiroirs comme celle-ci.
L'urbanisme et une partie des routes ont été décentralisés. Maintenant, une nouvelle étape va être franchie. Dans cette nouvelle étape, quel que soit le domaine, les transferts liés à la décentralisation s'opéreront en trois temps : transfert de compétences, transfert de services, transfert d'emplois.
Les fonctionnaires occupant ces emplois auront la possibilité d'opter pour la fonction publique territoriale ou de rester agents de l'Etat dans le cadre d'un détachement sans limitation de durée auprès des collectivités. Les agents non titulaires de droit public de l'Etat deviendront automatiquement agents non titulaires de droit public de la fonction publique territoriale.
Les agents seront concernés par ces transferts à des dates variables en fonction de l'avancement des différentes étapes du processus. Les estimations fixent à environ 30 000 le nombre d'emplois transférés du ministère de l'équipement.
Il est à noter qu'à l'exception des services aujourd'hui mis à disposition des départements pour l'exercice de leurs missions l'ensemble des autres domaines nécessite une évaluation plus précise des emplois concernés. Cette évaluation fait l'objet d'enquêtes nationales, et elle donnera lieu à des constats élaborés localement entre le préfet et le président de l'exécutif de la collectivité bénéficiaire du transfert.
Dans le domaine routier, les premiers agents concernés seront ceux qui interviennent dans les parties de directions départementales de l'équipement travaillant exclusivement pour le compte du conseil général, dans le cadre de l'article 7 de la loi de 1992. Il s'agit de plus de 7 000 emplois. Il est envisagé que le transfert de ces services intervienne dans le courant de l'année 2005.
En revanche, les parties de DDE intervenant sur les routes départementales en application de l'article 6 de ladite loi seront transférées en même temps que celles qui interviennent sur les routes nationales d'intérêt local transférées.
Le transfert de ces routes nationales devrait se faire dans de nombreux départements - si possible tous - dès le 1er janvier 2006, et, au plus tard, au 1er janvier 2008 en fonction de l'avancement des procédures. Ces transferts concerneront près de 22 000 emplois, dont 17 000 environ sur les actuelles routes départementales.
S'agissant des canaux, quelque 200 emplois des DDE pourront être transférés dans les régions Bretagne, Pays-de-la-Loire et Picardie, qui bénéficient déjà de compétences en matière de gestion des voies d'eau en application de la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983, dès lors que ces régions auront accepté le transfert de propriété.
Pour ce qui concerne les autres grandes infrastructures, les transferts de compétences sont prévus à des échéances plus lointaines : 1er janvier 2007 au plus tard pour les ports et les aéroports. Une première estimation évalue à près de 800 les emplois concernés par ces transferts.
Enfin, le ministère de l'équipement devra transférer un peu plus de 200 emplois de TOS affectés dans les lycées professionnels maritimes et les écoles de la marine marchandes.
Les transferts de compétences nécessiteront des réorganisations de services, afin de permettre les transferts des parties de services concernées et la constitution d'une dizaine de services routiers dédiés au réseau national structurant. Les personnels ne pourront être identifiés qu'à l'issue de ces réorganisations locales, ce qui conduit à un échelonnement des droits d'option des personnels concernés pouvant aller jusqu'à la fin de l'année 2009.
Afin de tenir compte des contraintes imposées aux agents lors des réorganisations, il est prévu de créer une indemnité exceptionnelle de mobilité accompagnant le changement de leur lieu de travail. Le nombre total de bénéficiaires a été estimé à 8 000. Pour bénéficier de cette indemnité, la réorganisation du service devra avoir été approuvée par un arrêté du préfet territorialement compétent. Les changements de lieu de travail les plus nombreux devraient avoir lieu entre 2006 et 2007.
Pour tenir compte des réorganisations de services, qui pourraient intervenir dès 2005, une provision de 100 000 euros a été inscrite dans le projet de loi de finances pour 2005, en attendant un chiffrage plus précis.
Monsieur Revet, la procédure de révision simplifiée des plans locaux d'urbanisme et des anciens plans d'occupation des sols, qui a été instituée par la loi portant diverses dispositions relatives à l'urbanisme, à l'habitat et à la construction de juillet 2003, à laquelle vous avez tant contribué, est, pour l'essentiel, comparable à la procédure très simple de modification. Il n'y a aucune raison pour que cette procédure dure plus longtemps qu'une modification, c'est-à-dire quelques mois.
La commune peut parfaitement préparer elle-même le dossier ; elle n'est pas tenue d'avoir recours à un professionnel si le projet est simple. Bien évidemment, les agents de l'équipement sont à sa disposition pour l'aider dans cette démarche.
Telles sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les quelques réponses que je voulais apporter aux nombreuses questions que vous avez posées. J'ai essayé d'être bref et complet, mais le ministère dont j'ai la charge est tellement vaste ...
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C'est vrai !
M. Gilles de Robien, ministre. ... que je vous devais ces réponses. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Très bien !
Mme la présidente. Je rappelle au Sénat que les crédits concernant les services communs et l'urbanisme inscrits à la ligne « Equipement, transports, aménagement du territoire, tourisme et mer » seront mis aux voix aujourd'hui même à la suite de l'examen des crédits affectés à l'aménagement du territoire.
État B
Titre III : moins 213 670 056 €.
M. Michel Billout. Je vais essayer d'être bref, mais, comme vient de le dire M. le ministre, son ministère est vaste et traite de nombreuses questions importantes.
Le moins que l'on puisse dire, sans mauvais jeu de mots, c'est que les services de l'équipement sont aujourd'hui à la croisée des chemins. Les agents des directions départementales et des subdivisions de l'équipement sont en effet aux premières loges de la politique de régulation budgétaire et de transfert aux collectivités locales découlant de la mise en oeuvre de la loi relative aux libertés et responsabilités locales.
A l'instar du personnel administratif, technicien, ouvrier et de service de I'éducation nationale, une grande partie des salariés de l'équipement est appelée, dans les années à venir, à quitter la fonction publique d'Etat pour la fonction publique territoriale.
Selon les estimations figurant dans le rapport spécial de notre collègue Jean-Pierre Masseret, ce sont, au total, 29 000 agents des DDE qui entrent dans le périmètre des transferts de compétences. Et les directions de l'équipement ont fortement contribué, ces dernières années, à l'effort de maîtrise de la dépense publique, avec un total de 1 403 suppressions d'emplois nettes en 2005, faisant suite à 1 021 suppressions d'emplois en 2004 et 774 en 2003 !
Le mouvement de réduction des effectifs du ministère ne s'est d'ailleurs interrompu que durant deux exercices budgétaires, pendant les lois de finances de 2001 et de 2002, où 250 emplois ont été créés.
Dans le même temps, les opérations du compte de commerce 904-21 « opérations commerciales et industrielles des directions départementales et régionales de l'équipement » ne connaissant pas de progression significative, c'est donc à un service public de plus en plus rabougri, réduit à sa plus simple expression - à l'entretien le plus immédiat et courant - que nous sommes confrontés.
Finalement, près de 6 000 emplois auront disparu dans les DDE en dix exercices budgétaires. Les perspectives sont de même nature, puisqu'il semble bien qu'il y ait exemplarité, dans la gestion des personnels du ministère, dans l'application des principes de non-remplacement des départs à la retraite des agents.
Comme nous l'avions souligné au cours du débat sur le projet de loi relatif aux libertés et responsabilités locales, nous ne pouvons pas approuver cette situation. Tout se passe en effet comme si l'on essayait, coûte que coûte - et, ici, il y va de l'entretien de la voirie départementale et d'une part importante de la voirie nationale destinée à être transférée aux départements - de compresser au maximum les effectifs budgétaires pour compenser au minimum le transfert de compétences de l'Etat vers les collectivités locales.
Les départements récupérant la gestion de la voirie nationale et des personnels chargés de son entretien vont se retrouver dans une situation financière difficile à gérer, car, pour l'essentiel, ce seront des départements ruraux, comptant peu d'agents en titre, qui se retrouveront avec la charge transférée la plus importante.
J'en veux pour preuve l'article L 121-1 du code de la voirie routière, tel que modifié par le II de l'article 18 de la loi relative aux libertés et responsabilités locales : « Le domaine public routier national est constitué d'un réseau cohérent d'autoroutes et de routes d'intérêt national ou européen Des décrets en Conseil d'État, actualisés tous les dix ans, fixent, parmi les itinéraires, ceux qui répondent aux critères précités. »
Et l'article 18 de la loi relative aux libertés et responsabilités locales enfonce le clou : « A l'exception des routes répondant au critère prévu par l'article L 121-1 du code de la voirie routière, les routes classées dans le domaine public routier national à la date de la publication de la présente loi, ainsi que leurs dépendances et accessoires, sont transférées dans le domaine public routier départemental.
« Ce transfert intervient après avis des départements intéressés sur le projet de décret prévu à l'article L. 121-1 du code de la voirie routière. Cet avis est réputé donné en l'absence de délibération du conseil général dans le délai de trois mois à compter de sa saisine par le représentant de l'Etat dans le département. (...)
« En l'absence de décision constatant le transfert dans le délai précité, celui-ci intervient de plein droit au 1er janvier 2008. »
Les départements n'ont donc absolument pas le choix.
Pour cette raison, mais également pour celles que j'ai évoquées auparavant, nous ne pourrons, bien évidemment, voter les crédits du titre III.
Mme la présidente. Le vote sur les crédits figurant au titre III est réservé.
Titre IV : 48 468 979 €.
Mme la présidente. Le vote sur les crédits figurant au titre IV est réservé.
État C
Titre V. - Autorisations de programme : 1 726 814 000 €.
Crédits de paiement : 972 258 000 €.
Mme la présidente. Le vote sur les crédits figurant au titre V est réservé.
Titre VI. - Autorisations de programme : 1 592 741 000 :€.
Crédits de paiement : 888 790 000 €.
Mme la présidente. Le vote sur les crédits figurant au titre VI est réservé.
Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant les services communs et l'urbanisme.
III. - Aménagement du territoire
Mme la présidente. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant l'équipement, les transports, l'aménagement du territoire, le tourisme et la mer : III. - Aménagement du territoire.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Roger Besse, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, au cours de cette brève intervention, je souhaite vous présenter les principales observations que m'a inspirées le budget de l'aménagement du territoire pour l'année 2005.
S'agissant de la présentation exhaustive de ces crédits, je vous demande de bien vouloir vous reporter à mon rapport spécial, qui, je l'espère, à travers les différents graphiques, permet d'appréhender la stagnation, voire la régression de certains crédits.
Succinctement, j'indiquerai que le budget de l'aménagement du territoire s'élève à un peu moins de 300 millions d'euros.
Afin de fixer les idées, je rappelle que, si l'on en croit le « jaune » budgétaire, l'ensemble des crédits de paiement relatifs à la politique d'aménagement du territoire s'élèverait à près de 9 milliards d'euros, dont le quart correspond à des crédits du ministère de l'équipement. Au total, le budget de l'aménagement du territoire ne correspondrait donc qu'à environ 3 % des crédits qui lui sont globalement consacrés.
S'agissant de la présentation des grandes masses de ce budget, je me permets de vous renvoyer aux premières pages de mon rapport spécial.
En un mot, le budget de l'aménagement du territoire rassemble les crédits gérés par la Délégation à l'aménagement du territoire et à l'action régionale, la DATAR, c'est-à-dire le budget de fonctionnement de la DATAR, la prime d'aménagement du territoire, ou PAT, et le fonds national d'aménagement et de développement du territoire, ou FNADT.
Le présent projet de loi de finances prévoit un budget de 265 millions d'euros, en diminution de 2,8 %.
Cette évolution des crédits s'explique par un double phénomène : d'une part, les crédits de la prime d'aménagement du territoire diminueraient de un million d'euros et, surtout, les crédits du FNADT diminueraient, quant à eux, de 6 millions d'euros.
Cette diminution des crédits du FNADT s'explique essentiellement par deux évolutions inverses : d'un côté, l'augmentation des crédits d'intervention destinés à financer les contrats de plan Etat-région, majorés de 6 millions d'euros ; de l'autre, la diminution des crédits d'intervention non contractualisés - moins 6 millions d'euros - et celle des crédits d'investissement - moins 7 millions d'euros.
A ce sujet, je souhaite vous demander, monsieur le ministre, de bien vouloir faire le point sur l'exécution des contrats de plan Etat-région, mais également de veiller à ce que les crédits d'intervention non contractualisés soient si possible exclus, en 2005, des gels budgétaires, comme ce fut le cas en 2004, les préfets de régions ayant été dans l'impossibilité d'honorer leurs engagements en faveur de certaines structures locales qui furent ainsi privées de tout crédit jusqu'en juillet 2005, avec les conséquences que l'on peut imaginer.
M. Jean-Pierre Sueur. Hélas !
M. Roger Besse, rapporteur spécial. Il convient également d'indiquer que les moyens des services diminueraient de quelque 500 000 euros.
Cette diminution s'explique essentiellement par celle des crédits consacrés aux études, qui sont notoirement sous-consommés. Ainsi, en 2003, seuls 2,6 millions d'euros ont été consommés, sur des crédits ouverts à hauteur de 3,7 millions d'euros.
Les crédits relatifs aux études seraient de 2,9 millions d'euros en 2005, contre 3,3 millions d'euros en 2004, soit une diminution de l'ordre de 400 000 euros. Je souhaiterais donc savoir, monsieur le ministre, quelles sont les perspectives de consommation des crédits destinés aux études, en 2005.
Je concentrerai à présent mon propos sur les observations que j'ai été conduit à faire dans l'examen de ce budget. Ma première observation concerne la mise en oeuvre de la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF, par la DATAR.
Le Gouvernement propose que l'actuel budget de l'aménagement du territoire devienne, à partir de 2006, un programme dénommé « aménagement du territoire », inclus dans la mission « politique des territoires ».
Cela est conforme aux préconisations faites par le président et par le rapporteur général de la commission des finances dans leur rapport d'information, déposé le 5 mai dernier, relatif à la mise en oeuvre de la LOLF.
Le Gouvernement envisageait alors d'inclure le programme « aménagement du territoire » dans une mission réunissant l'ensemble des services du Premier ministre. Cette idée est aujourd'hui abandonnée. En effet, la mission interministérielle « politique des territoires » regrouperait 20 % de l'ensemble des crédits consacrés à l'aménagement du territoire, soit environ 2 milliards d'euros sur 9 milliards d'euros.
Le programme « aménagement du territoire » serait quant à lui structuré en trois actions : premièrement, l'action « attractivité et développement économique », soit 81 millions d'euros, réunissant les crédits relatifs à la PAT et à l'Agence française pour les investissements internationaux, l'AFII, et une partie des crédits non contractualisés du FNADT ; deuxièmement, l'action « développement territorial et solidarité », soit 168 millions d'euros, réunissant la majeure partie des crédits du FNADT et les deux tiers des crédits relatifs aux programmes interrégionaux ; troisièmement, une action correspondant à des crédits modestes, de 16 millions d'euros, dénommée « grands programmes interministériels d'aménagement du territoire », consistant essentiellement en crédits du FNADT non contractualisés.
Je m'interroge sur les objectifs et les indicateurs qui nous sont proposés.
Voilà un an, je vous indiquais, à cette tribune, qu'il serait à mes yeux souhaitable que les actions du programme « aménagement du territoire » soient proches des objectifs que la loi dite « Voynet » du 25 juin 1999 fixe en matière d'aménagement du territoire. Je les rappelle succinctement : le soutien des territoires en difficulté, le développement local organisé dans le cadre des bassins d'emploi, la solidarité des territoires ruraux et urbains, l'organisation d'agglomérations favorisant leur développement économique, la solidarité dans la répartition des activités, des services et de la fiscalité locale.
Nous aurions pu penser que ces actions seraient regroupées autour de deux principaux axes : l'équité et l'efficacité économique, qui me semblent bien traduire les deux objectifs essentiels de la politique d'aménagement du territoire. Or les actions proposées pour le présent programme ne correspondent ni aux objectifs définis par la loi du 25 juin 1999 précitée ni aux deux concepts d'équité et d'efficacité. Ce point fait d'ailleurs l'objet d'un développement détaillé dans mon rapport spécial.
En outre, je me demande si la structuration du programme « aménagement du territoire » répond autant que nous pourrions le souhaiter à la logique d'objectifs de la LOLF. La structuration de ce programme n'est guère différente de celle du budget actuel.
Le budget de l'aménagement du territoire est essentiellement constitué, je le rappelle, du FNADT. Or le FNADT correspond à une action dénommée « développement territorial et solidarité », qui regroupe la quasi-totalité des crédits du FNADT et constitue la principale des trois actions proposées.
Mais, ne l'oublions pas, le budget de l'aménagement du territoire, c'est également la PAT et l'AFII. Ces deux catégories de crédits ont été réunies dans une action unique, intitulée « attractivité et développement économique ». Il me semble que la PAT et l'AFII poursuivent pourtant des objectifs différents : la PAT concerne les zones les plus défavorisées, alors que l'AFII cherche à attirer les entreprises étrangères, que ce soit ou non en zone défavorisée.
Dans ces conditions, je m'interroge sur la cohérence de l'action qui réunit curieusement sous une même rubrique la PAT et l'AFII. Pourriez-vous, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, me faire connaître les raisons du regroupement de ces crédits dans une action unique ?
Ma deuxième remarque concerne les mesures législatives récemment adoptées, ou actuellement en cours de discussion, concernant le développement des territoires ruraux.
On peut bien sûr se féliciter de l'éligibilité au fonds de compensation de la TVA, le FCTVA, des investissements réalisés par les collectivités territoriales sur la période 2004-2005 au titre de leur participation au plan d'action relatif à l'extension de la couverture du territoire par les réseaux de téléphonie mobile. On peut aussi se réjouir de la réussite de cette politique, par bien des côtés exemplaire en termes d'efficacité.
J'en viens maintenant aux importantes mesures figurant dans le projet de loi relatif au développement des territoires ruraux, actuellement en cours de discussion. Je ne m'attarderai pas sur ce point, afin de ne pas empiéter sur les compétences de nos collègues Jean-Paul Emorine, rapporteur au fond de ce projet de loi, et Joël Bourdin, rapporteur pour avis, au nom de la commission des finances. Toutefois, j'évoquerai brièvement les mesures relatives aux services publics en zone rurale, sujet qui me tient particulièrement à coeur.
Tout d'abord, sur l'initiative de notre collègue Jean-Paul Emorine, le rôle de l'Etat et du préfet de département a été renforcé en matière de suppression de services publics en zone rurale. Ensuite, le projet de loi propose d'adapter le régime juridique des maisons de services publics, afin de permettre à celles-ci d'accueillir des services privés et d'autoriser des cadres non fonctionnaires à les diriger. Ce sont deux mesures particulièrement pertinentes.
Enfin, je vous rappelle, mes chers collègues, que le Gouvernement prévoit de réformer les contrats de plan Etat-région. Il a consulté pour cela les délégations à l'aménagement du territoire des deux assemblées.
Dans son rapport d'information pour la délégation à l'aménagement du territoire du Sénat, notre collègue François Gerbaud propose en particulier de réduire le périmètre des contrats de plan Etat-région et de ramener leur durée à quatre ou à cinq ans. Le Gouvernement devrait prochainement faire des propositions précises à ce sujet. J'aimerais donc savoir, monsieur le ministre, où en sont vos réflexions à cet égard.
Au terme de ce rapport technique, je souhaiterais, au-delà de la sécheresse des chiffres, profiter de cette tribune pour vous rendre particulièrement attentifs à des situations qui illustrent, par certains côtés, les insuffisances criantes de la politique d'aménagement du territoire, et ce depuis plus de vingt ans.
Je veux parler du rural profond, isolé, en voie de désertification, dépourvu de poids économique, démographique et donc politique : on pourrait l'appeler « l'autre France ». Il s'agit de vastes espaces, souvent très beaux, situés pour la plupart en zone de montagne, et qui ne peuvent espérer vivre, voire survivre, que dans la mesure où l'on voudra bien s'intéresser à eux.
Les élus de ces territoires sont souvent courageux, imaginatifs, très attachés à leurs communes, mais ils se battent depuis trop d'années le dos au mur. Confrontés au cumul des difficultés de tous ordres, ils s'interrogent sur l'avenir de leur territoire.
Vous le savez, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, je suis des leurs. Permettez-moi de vous citer quatre exemples pris dans mon département, le Cantal, dont la population s'élève à 150 000 habitants.
Sur le plan sanitaire, tout d'abord, il n'y a plus de gynécologue dans les hôpitaux des deux sous-préfectures, Mauriac et Saint-Flour, ni de radiologue, ni même de médecin dans un hôpital local de 70 lits. On compte un médecin pour 740 habitants, contre une moyenne nationale d'un médecin pour 360 habitants.
Sur le plan scolaire, ensuite, on déplore la suppression de 61 postes en quatre ans, et un accès aux grandes écoles et aux universités cinq fois inférieur à la moyenne nationale.
Au niveau des transports, Aurillac, la préfecture du Cantal, reste historiquement la plus enclavée de l'hexagone, sur le plan tant ferroviaire que routier, et ce, sans perspective d'amélioration notable.
Sur le plan économique, enfin, monsieur le ministre, comment pourrions-nous espérer conserver et, plus encore, attirer les entreprises devant la force d'attraction exercée par certaines zones mieux pourvues ?
Hier, dans le TGV, au hasard de mes lectures, j'ai appris que le technopôle de Savoie Technolac, situé en zone de montagne, près de Chambéry, propose aux investisseurs l'accès à Genève en cinquante minutes, à Lyon en quarante-cinq minutes et à Grenoble en trente minutes par l'autoroute, à Paris en moins de trois heures en TGV et en moins d'une heure en avion.
En écho, le Cantal - et bien d'autres départements - sonne le glas de son développement en affichant l'autoroute la plus proche à une heure quinze minutes - nous sommes loin de l'application de la loi Pasqua - , Aurillac-Clermont-Ferrand en deux heures par la route, et encore en été, Aurillac-Paris en six heures quarante-cinq minutes par le train, avec un changement, et Aurillac-Lyon en cinq heures quarante minutes par le train, également avec un changement.
Voilà la France à deux vitesses ! Or, vous le savez, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, l'égalité des chances passe par l'inégalité des traitements. Le trop des uns, c'est le rien des autres ! Je ne veux pas multiplier ces exemples, car ils me font mal, mais ils font également mal à la France.
Le diagnostic est sombre, le pronostic l'est encore plus. Nous vous savons, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, dynamiques et courageux.
M. Roger Besse, rapporteur spécial. Hommes de terrain et d'expérience,...
M. Roger Besse, rapporteur spécial. ...puissiez-vous, malgré les difficultés du moment, que je n'ignore pas, nous apporter des raisons d'espérer et, surtout, de ne pas désespérer !
Je vous en prie, entendez notre supplique et, au nom de l'égalité, aidez-nous, par des mesures rapides, efficaces et adaptées, à mettre un terme à cette spirale du déclin qui frappe encore trop de nos territoires. Soyez-en assurés, nous ne baisserons pas les bras et nous serons toujours là pour relayer vos efforts. Personnellement, j'ai confiance en vous !
C'est pourquoi, mes chers collègues, en raison notamment de l'ambition affichée par la politique de développement rural qui nous est proposée, compte tenu des nouveaux espoirs qu'elle fait naître, la commission des finances du Sénat vous recommande d'adopter le budget de l'aménagement du territoire. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jean Pépin, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, monsieur le délégué à l'aménagement du territoire, mesdames, messieurs les sénateurs, l'aménagement du territoire et la décentralisation ont des enjeux communs.
A la mi-janvier, le Sénat va examiner, en deuxième lecture, le projet de loi relatif au développement des territoires ruraux. Il va sans dire que de nombreux volets de cette réforme, en particulier celui qui touche à la présence et au maintien des services publics dans les petites communes, ou encore celui qui améliore la situation des zones rurales les plus fragiles, intéressent directement l'aménagement du territoire, qui reste donc au coeur des préoccupations et des débats publics.
Ainsi, depuis 2003, la commission des affaires économiques a souhaité traiter de façon thématique un certain nombre de ses avis budgétaires. C'est le cas pour le budget de l'aménagement du territoire. J'examinerai donc ce dernier en abordant quatre thèmes : l'avenir des contrats de plan Etat-région, le budget pour 2005, les pays, et l'avenir de la politique régionale européenne.
S'agissant tout d'abord de l'avenir des contrats de plan Etat-région, le Premier ministre, par une lettre en date du 1er mars 2004, a demandé à la délégation du Sénat à l'aménagement et au développement durable du territoire de donner son point de vue sur un certain nombre d'orientations envisagées : le resserrement du périmètre de la contractualisation, la réduction de la durée des contrats de plan Etat-région, l'éventualité d'une contractualisation séparée avec des groupes de régions ou les métropoles, etc.
Sur le rapport de M. François Gerbaud, la délégation a remis un avis sur tous les points qui lui ont été soumis. De nombreuses critiques ont été émises à l'encontre des actuels contrats de plan Etat-région : périmètre trop étendu, manque de lisibilité et dilution des responsabilités, partenariat déséquilibré, mise en oeuvre aléatoire, absence d'évaluation systématique des actions programmées et impécuniosité de l'Etat. La rareté des crédits de l'Etat commande, à l'évidence, un recentrage de l'objet des contrats de plan.
A l'issue de son étude, la délégation du Sénat a abouti aux conclusions suivantes : les contrats de plan Etat-région doivent conserver une place dans le dispositif contractuel liant l'Etat et les collectivités territoriales ; il convient toutefois d'en restreindre le périmètre à un nombre limité de projets susceptibles d'exercer un impact structurant pour l'aménagement du territoire, tels que les infrastructures de transport et de communication, la recherche ou encore l'enseignement supérieur.
Ces contrats doivent être davantage adossés à un cadre stratégique, à l'échelon national comme au niveau régional. Si le volet territorial - pays, agglomérations - peut demeurer dans les contrats de plan Etat-région, il n'est pas forcément opportun d'imposer à l'Etat d'être partie prenante aux contrats qui en découlent. Il convient, en revanche, de permettre et d'encourager une contractualisation séparée de l'Etat avec des groupes de régions ou des métropoles, en vue de faire avancer des projets particuliers.
La durée des futurs contrats de plan Etat-région devrait être proche de celle qui prévalait à l'origine de la contractualisation, soit quatre ou cinq ans. Il importe de renforcer la dimension péréquatrice des contrats de plan Etat-région.
Enfin, en vue d'améliorer le pilotage des contrats, il faudrait accorder une plus grande visibilité aux crédits des contrats, dans les lois de finances, permettre une meilleure fongibilité de ceux-ci au niveau local, et procéder à une évaluation systématique des actions ainsi financées.
S'agissant du budget pour 2005, comme l'année dernière, le Gouvernement présente un budget de l'aménagement du territoire équilibré entre la participation à l'effort national de maîtrise de la dépense publique et la mise en place des moyens destinés à respecter les engagements contractuels de l'Etat et les programmes approuvés par les comités interministériels d'aménagement et de développement du territoire, les CIADT.
L'objectif recherché demeure la présentation d'un budget garantissant la couverture financière des engagements de l'Etat clairement identifiés au titre de l'année 2005. C'est en 2003, rappelons-le, que de nouveaux outils de gestion ont permis de mesurer avec plus de précision le montant des engagements financiers à couvrir en fonction de l'état d'avancement réel des projets. En améliorant le pilotage de la dépense publique, on aboutit à une diminution sensible du montant des reports.
Les dépenses ordinaires et les crédits de paiement proposés pour 2005 s'établissent à 265,2 millions d'euros, soit une baisse de 2,8 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2004. Les autorisations de programme proposées s'élèvent à 255 millions d'euros, soit une baisse de 8,5 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2004, en tenant compte du transfert sur le budget du ministère de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales de 2,98 millions d'euros pour le programme exceptionnel d'investissement en faveur de la Corse.
Le projet de loi de finances prévoit pour le FNADT, en crédits d'intervention, une dotation de 74,8 millions d'euros, soit 1 million d'euros de moins par rapport à 2004. Mais il est vrai qu'en 2004 5 millions d'euros de crédits de report de 2003 étaient inclus dans la dotation globale.
S'agissant des crédits d'investissement, l'enveloppe de l'aménagement du territoire se compose principalement de deux types de crédits : la PAT et le FNADT, dans son volet « investissement ».
Le Gouvernement reconnaît que le contexte budgétaire est tendu ; il n'en considère pas moins que les autorisations de programme ont été préservées, ce qui est vrai.
En ce qui concerne la PAT, les autorisations de programme seront prioritairement centrées sur les grands projets dans les territoires les plus en difficulté et dans les pôles de compétitivité qui, comme on le verra, font l'objet d'une nouvelle stratégie de développement dans le dernier CIADT du 14 septembre 2004.
Comme l'année dernière, le Gouvernement fait valoir que les crédits de paiement ont été calculés en prenant en considération les engagements devant être couverts en 2005, et notamment, en ce qui concerne le FNADT, la nécessité de réduire le décalage entre autorisations de programme et crédits de paiement.
J'en viens au thème des pays. Dans mon rapport écrit, j'évoque plus en détail la situation des pays et des agglomérations.
S'agissant des pays, rappelons simplement que les dispositions concernées ont été modifiées par l'article 95 de la loi du 2 juillet 2003 « urbanisme et habitat ». La distinction entre périmètre d'étude et périmètre définitif a été supprimée, de même que l'obligation de recueillir l'avis conforme de la conférence régionale d'aménagement et de développement du territoire, la CRADT, et l'avis simple de la commission départementale de coopération intercommunale sur le projet de périmètre du pays. C'est donc une simplification.
La réforme a aussi prévu que les communes ou les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre d'un territoire présentant une cohésion géographique, culturelle, économique ou sociale à l'échelle d'un bassin de vie ou d'emploi, élaboreront, en association avec le conseil de développement, un projet commun de développement durable, qui prendra la forme d'une charte. Ces communes ou leurs groupements approuveront ensuite le projet de charte et le périmètre du pays, sur lesquels les conseils régionaux et généraux concernés auront été consultés pour avis simple. Au vu des délibérations des communes ou des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre concernés et des avis recueillis, le préfet publiera le périmètre du pays par arrêté.
J'aborderai enfin le thème de l'avenir de la politique régionale européenne. Cette dernière devra être nécessairement refondue à l'occasion du renouvellement des règlements européens qui expirent le 31 décembre 2006, accompagnant la définition de nouvelles perspectives financières pour la période 2006 à 2013 dans l'Union européenne élargie.
Des orientations de la Commission européenne ont d'ores et déjà été présentées dans un troisième rapport sur la cohésion économique et sociale adopté le 18 février 2004.
Le montant proposé pour le budget de la politique régionale s'élèverait à 336,3 milliards d'euros, ce qui représente 0,41 % du revenu national brut de l'Union européenne élargie contre 215 milliards d'euros sur la période allant de 2000 à 2006. C'est une forte progression, mais il y aura bien sûr des besoins.
Plus des trois quarts des crédits seraient affectés au financement d'un objectif de convergence, l'ancien objectif 1, en faveur des Etats et des régions dont le PIB par habitant est inférieur à 75 % de la moyenne communautaire.
Un objectif 1 bis, doté de 10 milliards d'euros, serait temporairement maintenu au profit des régions, qui sont actuellement éligibles à l'objectif 1 et qui devraient en sortir mécaniquement du fait de l'entrée des dix nouveaux pays.
Un objectif de compétitivité régionale et d'emploi, constituant un objectif 2 rénové qui se substitue aux précédents objectifs 2 et 3, serait doté de 18 % des crédits de cohésion, soit 60,5 milliards d'euros, desquels seraient soustraits les 10 milliards d'euros destinés transitoirement à l'objectif 1 bis. Ces crédits seraient répartis à parts égales entre des programmes nationaux consacrés au soutien de l'emploi et des programmes régionaux destinés à mettre l'accent sur la compétitivité ; j'espère pour ma part que cela pourra concerner des secteurs tels que ceux qu'a évoqués notre excellent collègue et ami M. Roger Besse.
Un objectif de coopération territoriale, doté de 4 % de l'enveloppe financière, serait enfin destiné à soutenir la coopération transfrontalière dans des domaines tels que la mise en réseau des PME et la recherche.
J'en viens à ma conclusion.
Les moyens budgétaires stricto sensu de l'aménagement du territoire, c'est-à-dire les crédits de la DATAR, de la PAT et du FNADT, seront au mieux stabilisés en 2005 subissant, à cet égard, les effets de la contrainte budgétaire pesant sur de nombreux ministères.
Toutefois, il ne faut pas oublier qu'un effort financier quelque dix fois supérieur en dépenses d'investissement et quelque vingt fois supérieur en dépenses de fonctionnement et d'intervention est globalement consenti, en matière d'aménagement du territoire, par d'autres administrations, et notamment, par ordre décroissant, par le ministère de l'équipement, le ministère de l'agriculture, le ministère de l'industrie et le ministère l'éducation nationale. Pour 2005, le Gouvernement évalue cet effort à 4,662 milliards d'euros en dotations ordinaires et crédits de paiement et à 3,930 milliards d'euros en autorisations de programme, soit une progression d'environ 22,6 % par rapport à 2004, année au cours de laquelle les autorisations de programme s'élevaient à 3,203 milliards d'euros.
En définitive, il est difficile, dans ces conditions, de considérer l'aménagement du territoire comme sacrifié dans le projet de loi de finances, puisqu'il jouit de tous les compléments que je viens d'évoquer.
Par ailleurs, comme cela a été dit, la nouvelle étape de la décentralisation de même que l'attention portée au développement prioritaire des territoires ruraux les plus fragiles dénotent, de la part des pouvoirs publics, un intérêt soutenu et bienvenu pour des orientations caractéristiques d'une véritable politique d'aménagement et de développement du territoire.
Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, pour ces raisons, et après avoir écouté avec attention l'excellent et émouvant rapport de M. Roger Besse, je vous invite, au nom de la commission des affaires économiques, à émettre un avis favorable sur les crédits de l'aménagement du territoire dans le projet de budget pour 2005. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
Mme la présidente. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe Union pour un mouvement populaire, 29 minutes ;
Groupe socialiste, 21 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 14 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 13 minutes.
Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Yolande Boyer.
Mme Yolande Boyer. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, monsieur le délégué, mes chers collègues, j'interviens une nouvelle fois sur les crédits concernant l'aménagement du territoire. Mais, cette année, la déception est encore plus grande que d'habitude !
Jugez vous-mêmes : baisse globale des crédits de 2,5 %, soit moins 7,72 millions d'euros ; baisse des autorisations de programmes de 8,5 %, soit moins 23,8 millions d'euros ; baisse de 500 000 euros sur les crédits de fonctionnement - cela concerne la DATAR, et j'y reviendrai - ; baisse de 1 million d'euros sur le FNADT, soit moins 3,58 % en crédits de paiement.
Quant aux autres budgets qui contribuent à l'aménagement du territoire, ce n'est pas brillant non plus. On passe de 6 milliards d'euros en 2003 à 5,3 milliards d'euros en 2004, alors que 7,4 milliards d'euros étaient prévus.
Après cette entrée en matière peu réjouissante, j'aborderai différents aspects qui contribuent à la politique d'aménagement du territoire.
Je commencerai par la DATAR, dont le budget de fonctionnement est en baisse de 3,85 %. D'année en année, ses crédits se sont restreints : déjà moins 2,27 % en 2003. C'est pourtant un outil important par sa politique d'animation reposant sur le réseau d'associations qu'elle soutient sur l'ensemble de notre territoire. Au regard de son rôle déterminant en matière d'expertise, notamment en zones rurales fragiles, ce budget est bien faible.
On nous parle de création d'un observatoire en son sein pour le début de l'année 2005. Mais à moyens constants, quels seront ses objectifs ? Quel sera son rôle ? Que fera-t-il de plus ? Quelles sont les ambitions du Gouvernement pour cet outil ? Je compte sur vos explications, monsieur le ministre.
En revanche, je me réjouis de la nomination d'un nouveau délégué à la tête de cet organisme. Je lui souhaite bonne chance, mais je dois dire que nous avons attendu un certain temps après le départ de son prédécesseur.
Mme Yolande Boyer. J'en arrive à un deuxième dossier, et pas des moindres : les contrats de plan Etat-région. La délégation à l'aménagement du territoire du Sénat, sollicitée par le Premier ministre, émet un certain nombre de remarques à ce sujet, et souligne « l'impécuniosité de l'Etat qui commande à l'évidence un recentrage de l'objet des contrats ».
La délégation de l'Assemblée nationale, quant à elle, insiste sur la nécessité pour l'Etat d'assurer des cadres budgétaires plus stables aux contrats de plan et demande que celui-ci respecte, à l'occasion de chaque loi de finances annuelle, l'échéancier des dépenses.
Le rapport de M. Bonrepaux fait un bilan très préoccupant de l'exécution budgétaire des contrats de plan Etat-région. Voici quelques chiffres : gel de crédits en 2002, 13 % ; en 2003, 15 %, gel de crédit prévu pour 2004, 27 %. Le rapport précise que ce sont bien les gels et annulations de crédits qui sont les causes du retard de l'Etat, et non la complexité des procédures, la multiplicité des acteurs ou les retards dans les délais de paiement. Le taux d'exécution des contrats de plan Etat-Région risque fort de n'atteindre que 55 % à la fin de l'année 2004 alors que le taux d'exécution théorique est de l'ordre de 71 %.
On peut donc considérer le retard dans l'exécution des contrats de plan Etat-région à trois ans fin 2004.
Je sais que les estimations de la DATAR sont plus optimistes, réduisant ce retard à un an. Sont-elles pour autant plus réalistes ? Nous verrons. Mais bien plus qu'un simple problème d'exécution budgétaire, j'y vois la remise en cause de la politique d'investissement de l'Etat. En conséquence, les régions doivent assumer. Je citerai l'exemple de ma région, la Bretagne, qui a assuré le préfinancement de 9 millions d'euros.
Les autres conséquences sont une remise en cause de la politique d'aménagement du territoire, notamment dans ses volets ferroviaire et routier.
J'insisterai plus particulièrement sur le volet ferroviaire, qui est très en retard. Si l'exécution des crédits se poursuit au même rythme qu'en 2004, le contrat de plan accusera en 2006 sept ans de retard ! De plus, cela est en contradiction avec la volonté de politique de développement durable.
Prenons l'exemple de ce qui se passe dans mon département.
J'ai récemment appelé l'attention de M. le ministre de l'équipement sur la situation de la gare de Carhaix-Plouguer, dans le centre Bretagne : des décisions prises par la SNCF ont eu pour effet immédiat de réduire de moitié le trafic de fret vers cette gare, favorisant au passage le transport par la route. Les trafics « fret » et « passagers » étant étroitement liés, de telles décisions risquent fort d'aboutir, à terme, à une remise en question de l'existence même de cette infrastructure.
La mobilisation immédiate des élus, des syndicats, des citoyens et des usagers du centre Bretagne démontre l'attachement profond au maintien d'une desserte ferroviaire pour cette région enclavée. L'incompréhension et la plus vive inquiétude habitent aujourd'hui l'ensemble de ces acteurs.
J'évoquerai rapidement les comités interministériels pour l'aménagement et le développement du territoire, les CIADT.
Les deux plus récents - décembre 2003 et septembre 2004 - semblent être des inventaires sans priorité ni calendrier précis. Le premier a été consacré aux grands projets d'infrastructures, le second à l'avenir et à la préservation des zones littorales dont j'ai eu l'occasion de parler au cours du débat sur l'application de la loi « littoral ». Dans les deux cas, les crédits envisagés ne correspondent pas aux enjeux.
Au cours du dernier CIADT ont été définis les pôles de compétitivité. Ce dispositif est présenté comme le moyen de résoudre les problèmes d'attractivité du territoire et de délocalisation. Il peut paraître intéressant et suscite beaucoup d'intérêt de la part des régions. Mais il peut aussi être dangereux, si on laisse de côté toute une partie du territoire. Quid des petites et moyennes communes ? Sans maillage du territoire permettant d'avoir autour de ces pôles de compétitivité des pôles de développement, il est à craindre qu'ils ne concentrent l'ensemble de l'activité au détriment des zones défavorisées.
Je terminerai par ce qui est indispensable, de mon point de vue, à une vie équilibrée sur nos territoires : les services publics.
Je vous renvoie au congrès des maires, voilà quelques semaines, et à la grogne de ces derniers, pour protester contre la suppression d'un bureau de poste ici, d'une perception là, d'une gendarmerie, et j'en passe... Ecoles, collèges, lycées, subdivisions de l'équipement, bon réseau postal : à mon avis, tout cela contribue aussi à l'attractivité du territoire.
Je donnerai deux exemples qui me touchent de près puisqu'ils concernent le Finistère, mon département : alertée régulièrement par des représentants syndicaux, des élus de communes rurales, j'ai récemment appelé l'attention du ministre sur la situation de La Poste dans le Finistère, cette dernière procédant, comme elle le fait ailleurs en France, à des restructurations et à des suppressions de tournées, de bureaux, etc. Les mesures déclinées par La Poste semblent grignoter chaque fois un peu plus la qualité du service public.
Les premiers éléments de réponse qui me sont parvenus évoquent une « adaptation normale des moyens au trafic ». On me dit également que « toute évolution se fera en négociant avec les élus, la commission départementale de présence postale, la CDPTT, et le préfet étant les garants de cet engagement ». J'ai récemment évoqué ces éléments d'explication avec des élus locaux, mais rien n'a semblé les rassurer.
Je donnerai un autre exemple de coup porté à l'aménagement du territoire et au service public : la présence de l'enseignement public professionnel. Je citerai à cet égard un nouvel exemple finistérien : le lycée professionnel de Pont-de-Buis-lès-Quimerch, commune voisine de la mienne. Cet établissement rural fait preuve d'une réelle performance s'agissant de la qualité des formations qui y sont dispensées et de la réussite aux examens. Il se situe géographiquement dans un secteur rural vaste, est éloigné des pôles urbains et constitue un véritable maillon de l'aménagement du territoire dans le domaine de la formation. Le danger, pour cet établissement, est l'étouffement progressif par le transfert insidieux de formations vers les lycées de la ville de Brest.
Ces deux exemples illustrent le désenchantement d'élus, qui, poussés à bout - comme dans la Creuse -, finissent par rendre leur écharpe. Mais quels équilibres voulez-vous pour nos territoires et pour leurs habitants ? Comment rendre attractifs pour les citoyens, mais aussi pour les entreprises, des territoires que l'on vide peu à peu des services contribuant en grande partie au maintien de la population ? Une chose est sûre, la mission confiée aux élus locaux est de plus en plus difficile ; à ce rythme, nous serons peut-être bientôt forcés de constater qu'elle est devenue impossible.
En conclusion, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, je pense que nous sommes bien loin des objectifs fixés, à savoir, d'une part, l'équité entre les territoires, et, d'autre part, la possibilité pour chaque citoyen, où qu'il se trouve sur notre territoire, de bénéficier des mêmes chances, des mêmes atouts.
C'est pourquoi le groupe socialiste votera contre votre projet de budget. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Murat.
M. Bernard Murat. Monsieur le ministre, le budget que vous nous présentez n'échappe pas à la logique générale de maîtrise des déficits publics qui a guidé l'ensemble du projet de loi de finances pour 2005.
En baisse de 2,83 % par rapport à 2004, les crédits inscrits dans ce budget ne retracent cependant qu'une partie de l'effort financier en faveur de la politique d'aménagement du territoire national. En effet, d'autres ministères, tels que l'équipement ou l'éducation nationale, et les fonds structurels européens contribuent aussi à la mise en valeur du territoire français. Cela participe peut-être au manque de lisibilité de ce budget et brouille un peu l'image positive de l'action gouvernementale en la matière, que je salue.
Au total, l'effort financier en faveur de l'aménagement des territoires devrait représenter l'an prochain 8,664 milliards d'euros. Cette nouvelle donne budgétaire est satisfaisante au regard des trois priorités clairement fixées par le Gouvernement : renforcement de la compétitivité des territoires, consolidation de la solidarité inter-territoriale et, enfin, développement de l'attractivité des territoires.
En tant que sénateur de la Corrèze, département rural s'il en est, je me permettrai, malgré l'heure tardive, de formuler quelques remarques, reflétant celles que M. Mouly et moi-même avons pu recueillir auprès des maires et élus que nous rencontrons régulièrement sur le terrain.
S'agissant du volet relatif à l'attractivité des territoires, je voudrais souligner, à l'instar de mon voisin et ami Roger Besse, que la question du maintien des services publics en milieu rural reste primordiale et préoccupe tous les maires ruraux, toutes tendances politiques confondues.
En effet, le maintien d'un maillage de services publics de qualité est un élément déterminant d'une ruralité vivante. Il ne peut y avoir maintien de vie ni continuité des activités en zone rurale sans la présence de ces services. Ils sont le gage de l'équité territoriale et représentent le vrai lien entre le citoyen et l'Etat. C'est aussi le meilleur signe d'encouragement, la meilleure leçon de civisme et de citoyenneté pour les jeunes qui souhaitent fonder une famille dans ces zones rurales.
Je ne saurais vous dire combien la disparition de ces services publics est difficile à accepter pour les maires, lorsqu'elle est le résultat de décisions arbitraires, technocratiques, loin des réalités de leur mandat au quotidien.
Comme j'ai déjà eu l'occasion de le souligner dans l'hémicycle, il me semble important que soient enfin reconnus les droits des collectivités territoriales, dont le Sénat est le représentant. Les élus, de toutes tendances, sont conscients de la nécessité de procéder à certaines réformes afin de moderniser notre service public. Ils sont prêts à vous aider à les mettre en oeuvre, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, à condition, d'une part, qu'ils soient les acteurs de la réforme et que celle-ci soit inscrite dans le temps et dans l'espace, et, d'autre part, que l'Etat adresse une communication pertinente et transparente aux citoyens qui sont - ne vous y trompez pas ! - de plus en plus avertis.
Je pense que nous avons avancé sur ce dossier puisque, sur l'initiative du Sénat, l'objectif de maintien du service public a été réaffirmé et précisé dans le projet de loi relatif au développement des territoires ruraux que nous serons amenés à réexaminer prochainement en deuxième lecture.
Toute décision devra dorénavant faire l'objet d'une concertation préalable avec les élus locaux et les usagers, afin d'être non seulement la plus pertinente possible, mais aussi parfaitement comprise. Aujourd'hui, nous manquons essentiellement de pédagogie. Il s'agit d'une avancée indéniable, bien qu'elle ne soit peut-être pas encore parfaitement assimilée par des élus locaux qui ont souvent été frustrés, voire trompés, du fait d'annonces maladroites. De fait, il me semble opportun que ces dispositions entrent maintenant en vigueur suivant un rythme maîtrisé.
Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, il convient de mettre un terme à la désinformation politicienne. Mais il ne faut pas sous-estimer la colère légitime, le désarroi réel des maires et des élus confrontés à une réalité qui ne grandit pas l'image de notre République. Par vocation, un maire est un élu courageux et responsable, qui ne renonce jamais. Lors de la tempête de 1999, par exemple, les maires se sont vraiment comportés, sur le terrain et à l'égard de leurs concitoyens, en dignes représentants de la République ; ne l'oublions pas ! Donnons-leur des raisons d'espérer et les moyens pour se battre à armes égales avec leurs homologues des zones plus favorisées.
A ce sujet, lors du dernier congrès des maires de France, le Premier ministre a annoncé la création d'une conférence nationale des services publics en milieu rural. Avez-vous, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, des précisions à nous apporter sur ce sujet ? Il faut accélérer ce processus de concertation, d'écoute, et généraliser les solutions concrètes qui devraient rapidement émerger des expérimentations annoncées dans certains départements, comme la Corrèze.
Je voudrais ensuite attirer votre attention sur l'attachement que manifestent les élus locaux à la mise en oeuvre et au respect de la programmation des contrats de plan Etat-région. A la fin de l'année 2003, le taux de mise en oeuvre des crédits délégués était de 45,7 % pour un taux théorique de 55,4 %. Le retard est donc désormais à moitié comblé, mais il reste encore beaucoup à faire, sachant que l'échéance de l'actuelle génération de contrats de plan doit intervenir à la fin de l'année 2006.
Le Gouvernement a envisagé une réforme de la contractualisation entre l'Etat et les régions, en se fondant sur le rapport de notre excellent collègue François Gerbaud fait au nom de la délégation du Sénat à l'aménagement et au développement durable du territoire. En tant que président du club national des réseaux de ville, il me paraît essentiel de recentrer ces contrats sur les grands projets structurants, et d'améliorer les outils de pilotage mis à la disposition des collectivités.
Il importe tout autant de renforcer la dimension péréquatrice des contrats de plan. C'est une évidence, les territoires les plus fragiles ont besoin d'un soutien particulier, d'une solidarité qui ne peut qu'être inégalitaire en leur faveur. Si j'osais reprendre votre expression, monsieur le ministre, je parlerais de la nécessité d'établir une discrimination équitable ; voilà ce dont nous avons besoin. Ne vous y trompez pas, les clés de péréquation entre les territoires dits riches et ceux qui doivent se battre tous les jours pour assurer leur développement durable feront le succès ou l'échec des lois de décentralisation.
Enfin, je souhaite aborder le problème des fonds structurels européens qui permettent de financer la politique régionale et qui visent à réduire les disparités économiques et sociales entre les différentes régions d'Europe. Ainsi, une grande partie du territoire métropolitain bénéficie actuellement des programmes régionaux européens, tel est le cas du Limousin. Or chacun s'interroge aujourd'hui sur le devenir de la politique européenne puisque l'enveloppe augmentera très peu, et ce malgré l'élargissement.
Au vu des orientations de la Commission européenne, les nouveaux Etats membres seront favorisés au détriment des anciens. Il est ainsi prévu que, après 2006, la métropole cesse de recevoir des aides structurelles, ce qui représente une perte de 2,5 milliards par an. Se pose alors le problème de la pérennité des aides perçues actuellement par nos territoires ruraux, qui connaissaient déjà des difficultés parfois ubuesques pour leur consommation. Malheureusement trop peu discuté, l'avenir des fonds structurels européens constitue un enjeu primordial.
Je tenais à le signaler ce soir car, dans nos campagnes, bien loin de Paris et encore plus de Bruxelles, nous nous inquiétons ; je ne parle ici que des investissements et non du fonctionnement. Monsieur le ministre, nous comptons sur votre vigilance.
Je sais que vous allez bientôt venir nous rendre visite en Corrèze. Nous serons là pour vous accueillir.
M. Jean-Pierre Sueur. Avec François Hollande !
M. Bernard Murat. Bien évidemment ! La Corrèze est une et indivisible, cher ami !
Monsieur le ministre, nous comptons sur vous pour mener des négociations et défendre les intérêts de nos territoires avec âpreté. Connaissant les efforts très importants consentis pour l'aménagement du territoire et les actions qui seront menées en 2005 en faveur des zones rurales, je soutiendrai ce budget qui, du fait des choix stratégiques affichés, contribue à affirmer une ligne directrice.
Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes remarques ne sont que l'expression des attentes des maires de la Corrèze et de tous les territoires ruraux, qui souhaitent comme vous une France équitable. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Claude Biwer.
M. Claude Biwer. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, comme l'a justement souligné M. Pépin, le budget que nous examinons aujourd'hui ne constitue qu'une infime partie de l'effort financier global réalisé par l'Etat et par les collectivités territoriales en faveur de l'aménagement du territoire. Il est donc difficile de se prononcer sur la seule baisse des crédits de ce budget par rapport à 2004.
Je sais, monsieur le ministre, que vous avez parfaitement conscience de cette situation, que vous ne maîtrisez pas la régulation budgétaire de vos crédits et que vous avez obtenu une rallonge de 200 millions d'euros à cet effet dans le projet de loi de finances rectificative.
Une politique d'aménagement du territoire se mesure à la volonté des pouvoirs publics de développer ou de maintenir différentes infrastructures. J'ai déjà eu l'occasion d'insister tout à l'heure sur l'absence de services, notamment en matière routière, qui touche parfois les milieux ruraux les plus lointains, déjà en difficultés. Le même phénomène existe pour la SNCF, qu'il s'agisse du fret ou des passagers.
Tout cela est préjudiciable à un véritable aménagement du territoire, qui passe également par le développement économique et industriel. Dans les territoires ruraux, nous tentons de réaliser, grâce à un maximum d'efforts, un certain nombre d'actions pour attirer des entreprises. Cependant, nous nous heurtons bien souvent à l'extraordinaire longueur des procédures administratives, ce qui est très décourageant.
Une politique d'aménagement du territoire se mesure également à l'aune de la défense des services publics sur le territoire.
Cela fait de longs mois que certains de mes collègues et moi-même tirons la sonnette d'alarme à ce sujet. Prenant très tôt conscience de la vive inquiétude des élus locaux, nous avions, dès janvier 2004, déposé sur le bureau du Sénat une proposition de loi visant à élaborer un moratoire sur les fermetures de services publics en milieu rural.
Le Gouvernement n'a pas souhaité nous écouter. Pourtant, cela aurait peut-être évité les différentes réactions qui se sont manifestées, notamment lors du dernier congrès de l'Association des maires de France.
Nos collègues maires et nos concitoyens sont en effet très inquiets devant la disparition progressive de tous les services publics de proximité : perceptions, gendarmeries, centres EDF-GDF, hôpitaux ruraux, gares, fret, écoles et, bien sûr, bureaux de poste. Une telle disparition condamne nos concitoyens à faire de longs trajets pour effectuer leurs démarches administratives et dissuade les jeunes familles de s'installer dans nos communes.
La suppression des services publics constitue, monsieur le ministre, le plus sûr moyen de favoriser la désertification des territoires ruraux en provoquant une mort lente mais certaine de nos communes. Certes, le chef-lieu de canton apparaît souvent comme un lieu idéal pour recentrer ces différents services ; mais n'oublions pas que, à travers leur dynamisme, d'autres communes, qui ne sont pas chef-lieu de canton,...
M. Gérard Longuet. A Marville, par exemple !
M. Claude Biwer. ...méritent peut-être que l'on étoffe leurs services et qu'enfin on les aide à atteindre la dimension qu'elles souhaitent atteindre, ce pour quoi elles ont consenti de gros efforts.
Quant à la Poste, la perspective de voir supprimer 6 000 bureaux en milieu rural a mis le feu aux poudres ; depuis lors, il n'est plus question, semble-t-il, d'arriver à une telle extrémité, des points-postes pouvant être ouverts chez des commerçants. Néanmoins, le doute s'est installé, suscitant une très grande méfiance chez les élus, qui sont, désormais, plutôt insensibles aux promesses qui peuvent leur être faites.
Monsieur le ministre, pour rétablir la confiance et redonner espoir aux élus locaux, il faut très clairement afficher une volonté politique et mettre fin aux atermoiements.
Le moratoire qui était une possibilité a été rejeté. J'ose espérer que d'autres solutions interviendront.
S'il est vrai que la concertation est souvent un élément qui favorise les équilibres financiers, il convient peut-être aussi d'arrêter de minimiser les actions menées au sein des services publics qui, au bout d'un certain temps, parce que ils ne sont plus économiquement rentables, sont voués à une disparition totale.
Je crois au contraire qu'il faut répartir sur le territoire les possibilités qui nous sont offertes. Ce sera la meilleure manière de réaliser un bon aménagement du territoire.
J'ose espérer que mon appel sera entendu et je vous en remercie par avance, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat. Confiant dans l'action que vous menez au sein du Gouvernement, le groupe de l'Union centriste votera ce budget. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Evelyne Didier.
Mme Evelyne Didier. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, j'ai l'impression de répéter ce que je viens d'entendre à plusieurs reprises et j'en suis très étonnée. En effet, j'évoquerai les mêmes éléments mais je n'en tirerai pas les mêmes conclusions.
L'examen du budget de l'aménagement du territoire intervient au moment où le mécontentement des élus locaux à l'égard de la politique du Gouvernement en matière de décentralisation prend de l'ampleur.
En effet, permettez-moi de vous rappeler, monsieur le ministre, que lors du dernier congrès des maires, les élus locaux ont dénoncé avec force le décalage entre le discours sur la décentralisation et la réalité des faits, c'est-à-dire le désengagement financier de l'Etat et le démantèlement des services publics, en particulier dans les zones rurales et périurbaines.
Malheureusement, cette année encore, le projet de budget de votre ministère manque cruellement d'ambitions. En effet, avec plus de 265 millions d'euros, il diminue, en 2005, de 2,8 % par rapport à 2004 et pratiquement toutes les lignes budgétaires sont en diminution.
Les objectifs affichés lors du dernier CIADT, qui visent à renforcer « l'attractivité, la compétitivité et la solidarité des territoires » ne semblent pas crédibles au regard du projet de budget pour 2005 et surtout de l'ampleur des désengagements de l'Etat de ses missions d'aménagement.
Tout d'abord, comment peut-on légitimement espérer renforcer l'attractivité et la solidarité en laissant les services publics disparaître les uns après les autres ?
L'affaiblissement des services publics, qui touche aujourd'hui tous les secteurs - postes, trésoreries, services d'urgences, maternité, gendarmeries... - montre clairement que l'Etat ne se donne plus les moyens d'organiser l'égalité des chances sur l'ensemble du territoire, ce qui pourtant devrait être son premier objectif.
Et ce n'est pas parce que les directeurs des différents services départementaux rencontrent les élus sur le terrain afin de leur expliquer leurs intentions que l'on doit véritablement parler de concertation ! On peut tout au plus parler d'information !
Nous ne pouvons accepter que les collectivités locales soient obligées de mettre la main à la poche pour maintenir la présence des services publics.
A cet égard, je citerai l'exemple d'un élu de mon département qui s'est vu proposer par des responsables de La Poste une indemnité royale de 215 euros par mois pour faire fonctionner un guichet communal, somme ridicule au regard des frais engendrés par cette activité.
Le désengagement progressif de l'Etat et la participation financière accrue des collectivités locales constituent les deux piliers de votre politique en la matière.
On retrouve, par exemple, cette approche dans la politique que vous menez pour réduire la fracture numérique. En effet, là encore, les collectivités locales sont réduites à prendre en charge une part croissante du financement de nouvelles infrastructures si elles veulent que leurs administrés aient accès aux moyens modernes de communication et d'information.
Dans le domaine des technologies des communications, 16 000 communes n'ont toujours pas accès au haut débit et plus de 3 000 n'ont pas de couverture correcte en termes de téléphonie mobile, le plan « zones blanches » ayant pris un an et demi de retard.
A cet égard, rappelons l'engagement de nombreux départements qui tentent de pallier maintenant les carences de l'Etat.
Par ailleurs, comment pouvez-vous mettre l'accent sur la solidarité tout en diminuant les crédits affectés à la prime de l'aménagement du territoire, la PAT, prime qui doit permettre d'accompagner les créations ou les extensions d'entreprises génératrices d'emplois dans les zones les plus fragiles ? Pourquoi n'avez-vous prévu que 39 millions d'euros pour 2005 alors que 50 millions d'euros ont été dépensés en 2004 ?
S'agissant de la compétitivité, je voudrais évoquer brièvement les pôles du même nom mis en place par le CIADT du 14 septembre dernier et dont l'objectif est de rapprocher sur un même territoire les entreprises, les centres de formation et les unités de recherche. Il s'agit, en soi, d'une bonne idée. Mais affirmer que ce nouvel instrument résoudra les problèmes de délocalisation relève, selon nous, de l'affichage politico-médiatique.
En réalité, de tels pôles vont permettre aux entreprises de faire prendre en charge, par les conseils régionaux et les universités, les dépenses en recherche et développement nécessaires à l'activité économique.
Nous savons tous que la recherche privée est insuffisante. A nouveau se pose la question de l'utilisation des fonds publics et du contrôle de leur utilisation. En outre, avec ce système, nous assisterons, encore une fois, à une mise en concurrence des territoires pour le moins-disant fiscal.
Je souhaiterais maintenant, monsieur le ministre, saisir l'occasion qui m'est donnée ici pour vous faire part de mes inquiétudes concernant les outils d'investissement de l'Etat dans les régions, à savoir les contrats de plan Etat-régions et les fonds structurels européens.
Tout d'abord, l'exécution locale des contrats de plan Etat-régions 2000-2006 traduit le désengagement de l'Etat en matière d'aménagement du territoire. Après avoir gelé 20 % des crédits affectés à de tels contrats ces trois dernières années, vous affichez une hausse de cette ligne budgétaire pour 2005.
Vous conviendrez qu'entre gels, annulations et reports intervenus, depuis quelques années, l'exercice manque de lisibilité. Aujourd'hui, la philosophie même des contrats de plan est remise en cause, l'Etat ne respectant pas l'échéancier des dépenses résultant des contrats qu'il a signés.
D'après la DATAR, le retard de l'Etat dans la mise en oeuvre des contrats de plan serait de plus d'un an à la fin de 2004, ce que conteste d'ailleurs le député Augustin Bonrepaux. Tous les secteurs sont concernés : santé, social, environnement, routes nationales, réseaux ferrés.
J'aimerais évoquer plus particulièrement le volet territorial des contrats de plan Etat-régions.
Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous apporter quelques éclaircissements sur le retard pris par l'Etat dans la signature des contrats territoriaux ? A titre d'exemple, en Lorraine, l'Etat ne dégage plus les moyens nécessaires à la signature des contrats de pays. La politique de création des pays serait-elle remise en cause ?
Toujours dans son rapport, le député Augustin Bonrepaux montre que le problème majeur des contrats de plan est conjoncturel et non structurel, et que le décrochage s'est opéré en 2002-2003 et non pas dans les premières années, comme cela a été affirmé par ailleurs. Désormais, en raison de l'ampleur des annulations de crédits, les contrats sont exécutés à la carte.
Les conséquences de ce désengagement sont connues : les présidents de région, face aux nombreux chantiers menacés, n'ont, en fait, pas d'autre choix que de suppléer financièrement l'Etat et, donc, d'augmenter leur fiscalité.
Enfin, pouvez-vous nous indiquer, monsieur le ministre, ce que vont devenir ces contrats, sachant que les fonds structurels européens, qui constituent actuellement un tiers de leur financement, vont fortement diminuer après 2006, en raison de la réorientation profonde de la politique régionale, d'une part, et sachant qu'ils compensent, de fait, les carences de l'Etat, d'autre part ?
L'enquête menée par le député Jean-Louis Dumont auprès des préfectures de région et des conseils régionaux révèle que les substitutions de crédits communautaires aux crédits d'Etat sont fréquentes.
Par ailleurs, soulignons que, malgré l'amélioration du taux de programmation des fonds structurels européens, le montant des dégagements d'office pourrait représenter 1,3 fois le budget de l'aménagement du territoire en 2005. Les annulations de financements communautaires prévues en cas de retards importants dans les programmations risquent de mettre les collectivités locales dans de graves difficultés. Et, comme le souligne ce même rapporteur, « ce sont bien des dysfonctionnements de l'Etat, et non pas seulement l'insuffisance des projets locaux, qui semblent être à l'origine de ces retards très dommageables ».
Monsieur le ministre, comment comptez-vous remédier à ces dysfonctionnements ?
En conclusion, j'évoquerai brièvement les moyens affectés à la DATAR, dont le budget de fonctionnement diminuera, en 2005, de 3,85 %, après une baisse de 2,2 % en 2004 et de 4,27 % en 2003. Jusqu'où irez-vous dans la rationalisation de cet outil de prospective ?
Vous comprendrez, monsieur le ministre, que j'aie quelques raisons d'être sceptique quant à la volonté de l'Etat de mener une politique d'aménagement du territoire cohérente, porteuse d'ambitions et soucieuse d'un développement harmonieux de tous les territoires.
Pour toutes ces raisons, vous l'aurez compris, le groupe communiste républicain et citoyen ne votera pas le projet de budget que vous nous présentez. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, monsieur le délégué à l'aménagement du territoire, mes chers collègues, à cette heure tardive, je voudrais aborder deux points. Le premier, qui a déjà fait l'objet de nombreuses interventions, concerne les contrats de plan Etat-régions.
Je me souviens de l'époque où Michel Rocard les a créés. Ils constituent, à mes yeux, une innovation tout à fait majeure. En effet, je considère que la seule planification valable dans notre pays passe par les contrats de plan, qui offrent un tableau à double entrée, avec, d'une part, l'engagement de l'Etat, celui des collectivités locales, et, au premier chef, la région, et, d'autre part, des opérations clairement définies de telle sorte que l'on peut vérifier, année après année, qui respecte sa parole et qui, le cas échéant, ne la respecte pas.
Il s'agit donc d'un outil très précieux. Or je crains que ce dernier ne soit mis à mal. A cet égard, nos rapporteurs ont fait preuve d'une certaine prudence. Ainsi, j'ai pu lire à la page 7 de votre rapport, monsieur Pépin, que vous parliez de ces crédits « sous réserve d'éventuelles annulations d'autorisations de programme ». Il est tout à fait sympathique de nous prévenir, mais je ne suis pas sûr que le résultat le soit également !
Par ailleurs, j'ai été, comme ma collègue Mme Yolande Boyer, extrêmement frappé par le rapport de M. Gerbaud. Ce dernier parle de « l'incapacité de l'Etat de respecter ses engagements financiers » - en tant qu'élu de l'Indre, il connaît bien ces problèmes - et de « la forte contrainte budgétaire » qui a pour effet de faire des contrats de plan « une variable d'ajustement privilégiée » pour l'Etat. Un peu plus loin, il affirme que « sur le terrain, l'impécuniosité de l'Etat a des conséquences douloureuses ».
Vous pourriez inscrire, monsieur le délégué, en lettres d'or sur la cheminée de la DATAR, cette maxime : « l'impécuniosité de l'Etat a des conséquences douloureuses » !
M. Jean-Pierre Sueur. D'ailleurs, notre collègue député M. Augustin Bonrepaux, dont parlait à l'instant Mme Didier, a rédigé un rapport tout à fait remarquable dans lequel il avance des données chiffrées.
Ainsi montre-t-il, par exemple - et cela me paraît peu contestable - que les crédits engagés par l'Etat au titre des contrats de plan en 2003 comme en 2004 sont inférieurs aux crédits qui étaient engagés en l'an 2000. On ne peut pas dire que cela soit très réconfortant !
M. Jean-Pierre Sueur. Nous vous écouterons avec attention sur ce point, monsieur le ministre.
M. Bonrepaux ajoute que le ministère de l'équipement connaîtra, en l'an 2006, trois années et demie de retard. Peut-être sera-ce un peu moins, si j'en crois la DATAR, mais cela reste important. Ce matin encore, je relisais le contrat de plan concernant la région Centre, et je me rendais compte que le retard était considérable.
En outre, quand on constate que, s'agissant d'enjeux aussi importants que l'enseignement supérieur, le gel des crédits de l'Etat atteint 30 % en 2003 et 40 % en 2004, on peut véritablement être inquiet.
Dès lors, que pouvez-vous nous dire à ce sujet ?
Je tiens aussi à vous faire part de l'inquiétude de très nombreuses régions, pour lesquelles ces contrats de plan sont véritablement des contrats de progrès, des contrats d'investissement, des contrats pour l'avenir. Or quand une région prévoit le développement universitaire ou des actions en matière de recherche et qu'elle se trouve dans l'incapacité de mettre en oeuvre ce qu'elle a décidé, ce n'est pas bon pour notre pays.
Le second point de mon intervention a trait aux transports. Des décisions ont été prises par le CIAT, décisions que vous connaissez parfaitement, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, et qui concernent certaines priorités en matière de transports publics.
Je veux, cette année encore, aborder la question de la liaison ferroviaire Paris-Orléans-Châteauroux-Limoges-Brive-Toulouse. Il s'agit là d'un problème très important, du point de vue tant symbolique que pratique. Je sais, monsieur le ministre, que vous avez reçu les trois présidents des régions concernées et que vous leur avez expliqué que la décision était prise et qu'elle s'appliquerait. Sachez que nous ne sommes pas résignés sur ce dossier. Surtout, nous ne comprenons pas, et ce pour plusieurs raisons.
D'abord, l'Etat et trois régions se sont engagés. Cet engagement a été signé et un échéancier a été fixé. Or ce dernier a été annulé : il n'est jamais bon, pour l'Etat, de ne pas respecter sa parole !
Ensuite, nous avons le sentiment que tout est fait pour que les liaisons ferroviaires rapides soient concentrées autour d'un certain nombre d'axes. Concrètement, il existe un axe Paris-Bordeaux et un axe Paris-Lyon-Marseille. Entre les deux, c'est le vide ! Pourquoi ?
Il serait essentiel, précisément pour l'aménagement du territoire, que soit implanté un axe à grande vitesse intermédiaire, desservant trois ou quatre régions et une vingtaine de départements. Pourquoi ne pas le faire ? Pourquoi avoir relégué cette question à la dernière ligne du CIAT et nous avoir expliqué qu'on pourrait peut-être en reparler dans vingt ans ? Quel mépris, excusez-moi d'employer ce terme ! Mais pourquoi donc nous dire qu'il faut attendre vingt ans ?
Dans le même temps, on nous explique que, par exemple, il faudra relier Limoges à Poitiers afin que l'on se retrouve sur l'un ou l'autre de ces deux grands axes. Je ne comprends pas la pertinence de cette orientation eu égard à l'aménagement du territoire.
J'ai assisté mardi matin, au Sénat, à la réunion de l'association qui milite pour la réalisation rapide du barreau sud d'interconnexion des TGV. Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, je voudrais vous interroger sur ce point, qui est essentiel en termes d'aménagement du territoire.
Faire que toutes les grandes agglomérations de ce pays, toutes les régions puissent être reliées au réseau européen à grande vitesse, voilà qui est absolument décisif ! Pourtant, lors de cette réunion, nous avons appris qu'il y aurait au moins une nouvelle année de retard, ce qui n'est guère satisfaisant, et l'on ne nous a pas apporté de réponses très précises. Je voulais donc vous demander si cela figure bien dans vos priorités.
Enfin, je ferai observer qu'il existe forcément un lien - ou, du moins, il devrait y en avoir un - entre cette interconnexion et l'axe dont je parlais tout à l'heure depuis Toulouse jusqu'à Paris, en passant par Brive, Limoges, Châteauroux et Orléans.
On a pu constater, au cours de cette réunion, que les projets d'aménagement qui sont actuellement décidés, et qui vont se traduire dans un premier temps par des rames Teoz, ne sont finalement pas d'un coût très différent de celui du pendulaire, si telle avait été la solution choisie.
Par ailleurs, on ne nous a pas donné de réponses très précises - et quand je dis « on », je veux parler des représentants de vos ministères, de ceux de la SNCF et de RFF - quant à la capacité de relier les villes que j'ai citées avec l'ensemble du réseau TGV, Orly et Roissy, y compris dans l'hypothèse, que nous jugeons tout à fait négative, où l'on renonce au pendulaire. Or cela est très important pour l'aménagement du territoire. Ainsi, l'un de nos collègues de la Corrèze parlait tout à l'heure du temps nécessaire pour venir à Paris.
Je tenais, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, à vous interroger sur ce point. Prévoyez-vous, quelle que soit l'hypothèse, - j'ai dit le choix qui était le mien et qui est celui de beaucoup d'élus - qu'il existe un lien entre cette ligne ferroviaire dont j'ai parlé et au moins une partie du barreau d'interconnexion de telle manière que l'on soit en liaison avec les aéroports et avec le réseau à grande vitesse ?
Ce sont des questions très concrètes, mais l'on voit bien finalement quel est l'enjeu essentiel de ce débat : veut-on, oui ou non, une France à plusieurs vitesses, au sens propre comme au sens figuré ? Nous, nous n'en voulons pas. Si l'on s'y résigne, alors il faut fermer le ministère et même la délégation à l'aménagement du territoire ! Ce serait dommage et vous voyez bien que la perspective à laquelle nous voudrions pouvoir croire est tout autre ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer. Madame la présidente, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, M. de Saint-Sernin et moi-même allons répondre brièvement aux différentes interventions.
Tout d'abord, madame Boyer, je puis vous confirmer que la DATAR, dont M. Pierre Mirabaud vient d'être nommé délégué, est une administration stratégique pour le Gouvernement, notamment pour le Premier ministre, pour le ministre et pour le secrétaire d'Etat à l'aménagement du territoire.
Si nous demandons à la DATAR, comme nous le faisons pour tous les services de l'Etat, de réaliser des gains de productivité, nous veillons aussi à préserver ses capacités d'intervention et d'études. Ainsi, la consommation des crédits d'études est passée de 80 % en 2003 à 90 % en 2004, soit environ 2,7 millions d'euros sur un total de 3 millions d'euros.
Comme M. Sueur l'a souligné à juste titre, les contrats de plan sont des outils indispensables d'accompagnement de la décentralisation. C'est probablement l'un des rares sujets sur lesquels il a raison !
M. Jean-Pierre Sueur. Quel dommage !
M. Gilles de Robien, ministre. Monsieur Besse, madame Boyer, à la fin de l'année 2003, les crédits délégués par l'ensemble des ministères portent le taux de mise en oeuvre des crédits d'Etat à 45,70 %, à comparer avec le taux théorique de 57,14 %, correspondant au quatre septième de la réalisation du contrat de plan.
A la fin de 2004, selon la programmation projetée par les ministères, le taux de mise en oeuvre des crédits d'Etat devrait atteindre 55 %. Certes, ce n'est pas satisfaisant, mais cela correspond exactement au retard qui a été pris au cours des deux premières années et à celui, cumulé, des deux années suivantes.
Pourtant, je le rappelle, au cours des années 2002 et 2003, la croissance n'était pas au rendez-vous alors que, en 2000 et en 2001, vous aviez les instruments financiers pour réaliser le contrat de plan selon le taux prévu, c'est-à-dire un septième tous les ans. Mais vous n'avez pas su le faire !
Madame Didier, vous avez déclaré que le retard pris dans la réalisation des contrats de plan traduisait le désengagement de l'Etat. Je ne vous ai pas entendu, ni en 2000 ni en 2001, parler ainsi, alors que, pour chacune de ces années, vous avez pris 7 % de retard.
On peut parfois tenir des propos généreux, en théorie, mais sélectifs, pour ne pas dire partisans.
M. Jean-Pierre Sueur. Il y a le démarrage, puis l'investissement augmente !
M. Gilles de Robien, ministre. Monsieur Sueur, on peut regarder qui respecte sa parole !
Ainsi, dans le secteur du ferroviaire, pour lequel vous avez longuement prêché, vous avez réalisé 2 % du contrat de plan en 2000 et 5 % en 2001, soit un taux cumulé de 7 %, au lieu de 14 %.
Vous voyez qu'il faut faire preuve de modestie lorsque l'on monte à cette tribune. Vous accusez le Gouvernement de ne pas réaliser tel ou tel projet, mais il fait son possible avec les moyens dont il dispose, compte tenu de la croissance du moment.
Vous, vous aviez des moyens, mais n'avez pas fait ce que vous auriez pu faire. Nous allons, nous, en dépit de la conjoncture, nous efforcer de rattraper les retards pris au cours des années passées. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Monsieur Sueur, les engagements de l'Etat au titre des contrats de plan pour l'enseignement supérieur représentent 2,775 milliards d'euros. A la fin de l'année 2003, les crédits délégués pour le ministère de l'éducation nationale, pour la partie enseignement supérieur des contrats de plan, s'élevaient à 1,562 milliard d'euros. Cela correspond à 56,30 % des engagements globaux du contrat de plan, soit un niveau d'avancement relativement proche du niveau théorique, qui est de 57 %.
Avouez que, en dépit des difficultés auxquelles nous avons été confrontés, nous avons su privilégier l'éducation nationale. Cela répond à la priorité que vous souhaitiez. Dans la mesure où vous disposez maintenant des vrais chiffres, je pense que vous allez pouvoir réviser votre jugement ! (Sourires.)
Les contrats de plan sont aujourd'hui signés. Ils engagent le Gouvernement, même s'ils ont été signés par un précédent gouvernement qui, peut-être, avec une pointe de démagogie, y a inscrit plus de projets que le nombre qu'il savait réalisable. On pourrait dire, en s'inspirant de la langue anglaise, que ces contrats de plan ont été « surbookés ». Cela s'est fait, reconnaissons-le, dans un climat de complicité générale. Mais lorsque l'on veut trop bien faire la première année, on s'expose à des déceptions ensuite.
M. Jean-Pierre Sueur. Et les 50 opérations du CIADT ?
M. Gilles de Robien, ministre. Dans le domaine routier, le Gouvernement vient de décider un plan exceptionnel de relance des travaux publics en inscrivant, dans le projet de loi de finances rectificative, une dotation de 300 millions d'euros. Il s'agit à ce jour du plan de relance le plus important jamais réalisé dans le domaine des infrastructures routières.
Avec Frédéric de Saint-Sernin et François Goulard, nous nous rendrons, la semaine prochaine, dans chacune des régions pour présenter localement ce plan de relance et les infrastructures qui pourront être réalisées. Nous contribuerons ainsi, dans une certaine mesure, à rétablir la pédagogie que M. Murat a souhaitée, à juste titre, dans son intervention.
Pour la prochaine génération des contrats de plan, le Premier ministre a demandé au Parlement, au Conseil économique et social et aux grandes associations d'élus de lui faire part de leurs analyses sur le dispositif en cours et de leurs propositions d'orientations.
D'abord, je retiens de ces rapports, de grande qualité d'ailleurs, un fort attachement à la logique contractuelle entre l'Etat et les territoires pour donner de la visibilité.
Ensuite, je constate un souhait partagé de recentrer ces contrats sur quelques thèmes essentiels, correspondant à des investissements lourds qui représentent des enjeux majeurs en termes d'aménagement du territoire et à des compétences partagées entre l'Etat et les collectivités locales.
La réalisation des actuels contrats de plan pâtit du saupoudrage des crédits. Nous pouvons bien l'avouer : nous y avons eu trop souvent recours Nous voulons, pour les prochains contrats de plan, nous concentrer sur les projets les plus structurants.
En tout cas, c'est sur ces bases que, avec Frédéric de Saint-Sernin et l'ensemble des membres du Gouvernement, nous allons désormais travailler, afin, comme nous l'avions annoncé, de présenter les orientations du Gouvernement lors d'un prochain CIADT.
Enfin, madame Didier, je vous le confirme, le Premier ministre a décidé de reporter de six mois la date limite des signatures des contrats de pays.
Dans toutes vos interventions, en particulier dans la vôtre, monsieur Besse, j'ai perçu la sourde inquiétude des élus locaux de terrain et, d'une manière générale, de nos concitoyens qui se croient abandonnés, laissés au bord du chemin de la mondialisation. Je puis vous dire que les membres du Gouvernement en ont conscience. En effet, ils effectuent de nombreux déplacements et ils entendent ces appels, ces SOS.
Aujourd'hui, force est de constater qu'une partie de notre territoire national ne peut pas vraiment participer au défi formidable de l'ouverture de notre pays à l'Europe, à la mondialisation, et cela parce que les infrastructures de transports ou de télécommunications, qu'il s'agisse de l'Internet à haut débit ou de la téléphonie mobile, ne le lui permettent pas.
Avec Jean-Pierre Raffarin, nous considérons qu'il est du devoir de la solidarité nationale de donner à tous les territoires, y compris et surtout aux plus faibles, le droit à la compétitivité, le droit de vivre dans le xxiè siècle, de mettre en valeur leurs atouts, d'avoir les mêmes chances que les autres.
Le comité interministériel pour l'aménagement durable du territoire, le 18 décembre 2003, a décidé de mettre en place les outils nécessaires au financement des grands projets d'infrastructures de transport, en créant l'Agence de financement des infrastructures de transport en France, l'AFITF. On en a beaucoup parlé.
. L'Agence va constituer, à partir du 1er janvier 2005, un formidable outil au service des territoires. Nous allons - enfin ! - pouvoir financer les projets annoncés, promis, et qui représentent 15 milliards d'euros.
Maintenant, on donne le gage du financement. Et il ne s'agit pas d'une coquille vide ! Cette coquille va se remplir, année après année, du dividende, des redevances des sociétés d'autoroutes qui, vous le savez, pour l'année 2005, représentent 465 millions d'euros.
Ces fonds seront abondés, dans le budget, de 200 millions d'euros, pour éviter d'avoir à emprunter dès la première année. Au cours des exercices suivants, les redevances et les dividendes vont augmenter de façon exponentielle. En effet, la dette des sociétés d'autoroutes fond avec le temps et le trafic autoroutier a tendance à croître. A terme, c'est une manne fantastique qui sera uniquement destinée aux infrastructures de notre pays. Or, les infrastructures constituent l'une des conditions d'un bon aménagement du territoire.
Les sommes qui seront mobilisées au profit de cette agence - 7,5 milliards d'euros en sept ans, je le rappelle - seront intégralement consacrées à l'aménagement du territoire.
Monsieur Sueur, le barreau d'interconnexion sud des TGV est une des priorités du Gouvernement. Toutefois, nous ne pouvons pas agir avant de connaître la décision de la région d'Ile-de-France, laquelle se fait attendre. Peut-être pourriez-vous nous aider à l'obtenir, ce qui nous permettrait de réaliser cette infrastructure au plus tôt.
Il nous reste à constituer le conseil d'administration de l'AFITF qui, je le rappelle, sera opérationnelle le 1er janvier prochain. Le CIADT du 18 décembre 2003 a prévu, vous le savez, monsieur Sueur, la modernisation de la liaison Paris-Orléans-Limoges-Toulouse, la réalisation de la ligne à grande vitesse Sud-Europe-Atlantique, son prolongement vers Toulouse - le débat public aura lieu l'an prochain - et la ligne à grande vitesse entre Poitiers et Limoges.
Il faut cesser de faire des promesses, de faire rêver les habitants de certaines régions avec des outils qui ne sont pas performants, comme le train pendulaire ! En effet, celui-ci est au ferroviaire ce que le troisième aéroport fut à l'aérien, c'est-à-dire un leurre.
Pendant une période électorale, on a fait croire que le POLT, c'est-à-dire la liaison par train pendulaire entre Paris, Orléans, Limoges et Toulouse, était la solution pour Châteauroux, Brive et Toulouse. Or, nous le savons, le train pendulaire est coûteux. En outre, il ne fonctionne pas très bien et, s'agissant du confort, 12,5 % des gens s'y sentent mal à l'aise contre 5 à 6 % dans les trains normaux.
Il faut donc, une fois pour toute, dire aux habitants de ces régions qui, voilà une dizaine d'années, ont cru au train pendulaire, comme nous y avons d'ailleurs cru nous- mêmes, que ce n'est pas la bonne solution. La bonne solution, c'est le Teoz, qui est plus confortable.
M. Jean-Pierre Sueur. Ce n'est pas un train à grande vitesse !
M. Gilles de Robien, ministre. Les efforts de modernisation de cette ligne, dans le cadre du contrat de plan, seront plus intéressants en termes de gains de temps - vingt minutes, voire une demi-heure - que le serait le POLT.
Dans le même temps, nous commençons à combler le grand vide en lignes à grande vitesse du centre de la France, en créant la liaison Poitiers-Limoges. Dès lors, non seulement les lignes à grande vitesse pourront aller jusqu'à Limoges, mais des rames TGV en provenance de Brive pourront emprunter la ligne classique, passer par Orléans, puis utiliser l'interconnexion pour aller jusqu'à Roissy, et ensuite vers Strasbourg ou vers le nord de l'Europe.
Cette solution est beaucoup plus intelligente, plus performante, probablement moins chère, et elle peut être mise en oeuvre plus rapidement.
M. Jean-Pierre Sueur. Pendant dix ans, vos amis ont dit le contraire !
M. Gilles de Robien, ministre. Alors, ne vivez pas dans la nostalgie. Nous voulons être concrets, ce qui signifie, pendant les dix prochaines années, moderniser la ligne existante pour que le Teoz roule plus vite, dans de meilleures conditions de sécurité. Cela, c'est une vraie réponse ; ce n'est pas une réponse électorale.
M. Jean-Pierre Sueur. Cela reste un train classique, cela ne change pas beaucoup la durée des trajets !
M. Gilles de Robien, ministre. J'ai demandé au préfet de la région Limousin de mettre en place un comité de pilotage pour suivre la mise en oeuvre de ces décisions, indispensables pour répondre aux besoins des populations concernées.
Mercredi dernier, avec mes collègues, j'ai fait le point sur chacun des trente-cinq grands projets d'infrastructures inscrits au CIADT. Ils progressent tous à la vitesse que nous avions prévue et annoncée l'année dernière.
Je m'engage à ce que, chaque année, nous présentions l'état d'avancement de chacun de ces projets, indispensables pour l'ouverture de nos territoires au monde.
Mais, aujourd'hui, la circulation des idées est aussi importante, si ce n'est plus, que le déplacement des biens et des hommes. Aussi, avec Frédéric de Saint-Sernin, nous souhaitons que l'accès au haut débit se généralise le plus rapidement possible, conformément aux souhaits du Président de la République.
Depuis deux ans, monsieur Sueur, notre pays a rattrapé l'essentiel de son retard et, comme vient de le confirmer la Commission européenne, il est désormais au-dessus de la moyenne des pays européens, avec un des meilleurs taux de croissance de toute l'Union.
Toutefois, malgré l'effort de rattrapage de tous les opérateurs, notamment de l'opérateur historique, certains territoires n'ont toujours pas accès à l'Internet ni au haut débit. Comme le Premier ministre l'a récemment rappelé, s'il le faut, l'Etat fera son devoir de solidarité nationale sur ce sujet essentiel, parce que l'accès au haut débit est devenu une condition indispensable, élémentaire, du droit à la compétitivité que j'évoquais au début de mon propos, au même titre que les autoroutes ou le TGV.
De même, alors que la troisième génération de téléphonie mobile vient d'entrer dans sa phase commerciale, il n'est pas acceptable que certains de nos villages ne puissent encore y avoir accès. Avec Frédéric de Saint-Sernin, nous avons signé, au mois de juillet, un avenant au protocole de juillet 2003, pour assurer le financement de l'ensemble de la couverture mobile de nos centres bourgs. Et pour rendre effectif ce plan de déploiement, nous avons décidé de mobiliser les services du ministère de l'équipement afin qu'ils aident les élus à trouver où et comment installer les relais nécessaires. Nous présenterons au début de l'année prochaine- cela viendra très vite - l'état d'avancement du plan de couverture des zones blanches.
Enfin, j'ai bien entendu votre interrogation sur les services publics en milieu rural, sujet effectivement essentiel pour la cohésion de nos territoires. Nous venons de signer une convention avec quinze réseaux de services publics pour améliorer les services rendus aux populations. Mais je laisse à Frédéric de Saint-Sernin le soin de vous présenter en détail le plan d'action du Gouvernement. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Frédéric de Saint-Sernin, secrétaire d'Etat à l'aménagement du territoire. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je concentrerai mon intervention sur les services publics afin de répondre aux rapporteurs, M. Besse et M. Pépin, ainsi qu'à Mme Boyer, à Mme Didier, à M. Biwer et à M. Murat.
L'accessibilité des services publics en milieu rural est essentielle à la vitalité des territoires.
Le Premier ministre, vous le savez, a récemment rappelé une évidence : les entreprises qui assument une mission de service public doivent s'adapter aux réalités nouvelles tout en satisfaisant les besoins de l'usager.
Afin de conduire une démarche pragmatique, le Gouvernement s'est appuyé sur les expérimentations qui ont été menées dans quatre départements et que nous venons de relancer en les élargissant à une dizaine de nouveaux départements.
Le projet de loi relatif au développement des territoires ruraux nous permet de capitaliser un certain nombre d'enseignements tirés de ces expérimentations, et je me félicite de l'excellent travail qui a pu être réalisé avec votre assemblée sur ces questions, particulièrement avec la commission des affaires économiques.
Ce projet de loi fait le pari de la souplesse et de la polyvalence pour parvenir à une adaptation concertée avec les élus et les usagers de nos services publics.
Tout d'abord, il met en place une méthode qui est beaucoup plus qu'une simple procédure : la concertation locale.
Avec le projet de loi relatif au développement des territoires ruraux, la concertation locale est renforcée, sous l'égide du préfet et dans le cadre de la commission départementale des services publics. Cette concertation avec les acteurs de terrains, notamment avec les élus locaux - certains d'entre vous ont rappelé qu'elle n'avait pas toujours eu lieu dans le passé, ou qu'elle ne s'était pas déroulée dans de bonnes conditions -, doit précéder toute décision de réorganisation des services publics. Elle ne doit pas servir à entériner des décisions ; elle doit au contraire ouvrir la possibilité d'un débat qui débouche sur des solutions réalistes et adaptées à nos territoires prenant en compte la diversité de nos territoires.
A l'issue de cette concertation, le préfet peut saisir le ministre de tutelle ou le ministre de l'aménagement du territoire pour remettre en cause le projet de réorganisation.
Ensuite, le projet de loi relatif au développement des territoires ruraux insiste sur des initiatives et des moyens techniques innovants.
Comme l'a rappelé le rapporteur spécial, M. Besse, en évoquant la polyvalence de l'accueil, le régime des maisons de services publics a été assoupli pour faciliter leur fonctionnement.
Ainsi, le projet de loi prévoit que des opérateurs privés puissent s'associer aux opérateurs publics dans une maison de services publics. Il permet aussi aux personnes publiques de confier leurs missions à des personnes privées, par convention. Dans le même esprit, les agents de la fonction publique territoriale de communes de moins de 3 500 habitants pourront cumuler un emploi public et un emploi privé.
Au-delà des mesures législatives, il convient d'encourager le rapprochement des réseaux lorsque cela peut se faire. A ce titre, je me réjouis de l'accord national signé la semaine dernière par les présidents de La Poste et de la SNCF, en présence de Gilles de Robien et de moi-même, pour permettre à des bureaux de poste de vendre des billets de la SNCF.
Quelques chantiers concrets ont également été ouverts.
L'amélioration de la démographie médicale, que Roger Besse a également évoquée, est très attendue en milieu rural, nous le savons. Des mesures spécifiques ont été prises dans le projet de loi relatif au développement des territoires ruraux ; nous en débattrons au mois de janvier, lors de la deuxième lecture.
Ainsi, les collectivités pourront attribuer des aides pour financer des maisons médicales. Dans les zones de revitalisation rurale, les médecins installés à compter du 1er janvier 2004 pourront bénéficier, après délibération des conseils municipaux, d'une exonération de la taxe professionnelle pour leur installation ou pour leur regroupement.
S'agissant du traitement des dossiers à distance, vous le savez, le programme ADELE qu'a lancé le Gouvernement en matière d'administration électronique facilite l'accès aux services publics de manière extrêmement spectaculaire.
Nous pouvons prendre l'exemple du numéro de renseignements administratifs, le 3939, qui, après une expérimentation en Rhône-Alpes, puis en Aquitaine, est maintenant déployé sur l'ensemble du territoire.
L'action importante que nous menons pour développer l'accès à Internet à haut débit dans les territoires ruraux ouvre de nouvelles possibilités d'accès aux services publics.
Pour donner à l'organisation des services publics un cadre national, le projet de loi relatif au développement des territoires ruraux prévoit que seront fixés aux grands opérateurs de services publics, d'ici à décembre 2005, des objectifs d'aménagement du territoire que les projets de réorganisation devront respecter. Le Premier ministre a par ailleurs annoncé - certains d'entre vous y sont sensibles et l'ont rappelé - une conférence nationale des services publics en milieu rural qui sera l'occasion de trouver par le dialogue, sur un sujet aussi important en matière de cohésion nationale, des orientations précises. Cette conférence, monsieur Murat, sera installée à la fin du mois de janvier 2005 et formulera ses premières propositions avant l'été.
Enfin, des moyens sont prévus dans le projet de loi : au-delà des nouveaux outils, cette question ne doit bien évidemment pas être éludée.
Ainsi, nous avons demandé aux préfets de région que l'attribution du FNADT libre d'emploi soit réservée en priorité aux projets favorisant la mutualisation des moyens pour un meilleur service aux usagers, les études de faisabilité de maisons de services publics et, plus généralement, l'amélioration et la modernisation de l'organisation et du fonctionnement des services publics locaux. Les mêmes orientations ont été retenues par le ministère de l'intérieur pour la dotation générale d'équipement et pour la dotation de développement rural.
Par ailleurs, l'augmentation très importante - elle est de 20 % - de la dotation de solidarité rurale pour 2005 pourra également contribuer à mettre ces projets en oeuvre. La conférence nationale se saisira probablement de cette question.
J'en viens, madame Boyer, aux pôles de compétitivité. Vous le savez, ces pôles ont été annoncés lors du CIADT de septembre dernier. La semaine dernière, au cours d'une conférence de presse, Gilles de Robien et moi-même en avons présenté le cahier des charges. Je vous rappelle très brièvement l'agenda. Ce sont les préfets de région, que l'on pourrait en l'occurrence qualifier de « guichets uniques », qui seront en possession des cahiers des charges. Rapidement, un comité d'experts examinera les propositions qui seront faites. Ensuite, un cadre interministériel se mettra au travail afin que, avant l'été 2005, nous puissions retenir les premiers pôles de compétitivité.
Bien sûr, nous avons conscience que les pôles de compétitivité relèvent d'une dynamique internationale, je dirai même mondiale, et ne doivent surtout pas occulter ce qui est fait à l'échelon régional : nous avons besoin de bâtir de véritables dynamiques régionales, que l'on pourrait appeler des « pôles d'excellence régionaux ». Le CIADT de septembre a commencé à y réfléchir et, lors du prochain CIADT, au printemps 2005, nous serons prêts à vous présenter un cadre beaucoup plus précis qui montrera que, au-delà des pôles de compétitivité et de leur dimension internationale, nous souhaitons mutualiser les moyens de ceux qui veulent travailler à l'échelon régional. Je crois que le maillage de notre territoire sera alors parfaitement en place.
Vous savez que les systèmes productifs localisés, les SPL, existent depuis quelque temps et que notre territoire en compte plus d'une centaine. Certains « marchent », d'autres non. Nous allons tirer profit de ces expériences déjà engagées sur le terrain pour élaborer une proposition qui, je pense, conviendra à tout le monde. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
Mme la présidente. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits figurant aux états B et C concernant l'équipement, les transports, l'aménagement du territoire, le tourisme et la mer.
Je vous rappelle que le Sénat a déjà examiné les crédits affectés au tourisme le jeudi 9 décembre dernier et, aujourd'hui même, ceux affectés aux services communs et à l'urbanisme, aux transports terrestres, à l'aviation et l'aéronautique civiles et à la mer.
État B
Titre III : moins 213 670 056 €.
Mme la présidente. L'amendement n° II-49, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Minorer cette réduction de : 800 000 euros
En conséquence, porter le montant des mesures nouvelles à moins 212 870 056 euros.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Frédéric de Saint-Sernin, secrétaire d'Etat. Cet amendement très important se justifie pour quatre raisons majeures.
D'abord, l'évaluation est désormais devenue l'un des volets primordiaux de la modernisation des administrations. A ce titre, la DATAR doit pouvoir évaluer les politiques qu'elle coordonne.
Ensuite, la DATAR, comme toutes les autorités gestionnaires d'un « programme » au sens de la LOLF, est conduite à organiser un suivi de la performance de son action rapportée à une dizaine d'objectifs et d'indicateurs de résultats, dont certains sont issus des contrats de plan Etat-régions, en particulier de leur volet territorial.
En outre, le recours à un outil commun, le « programme régional et européen de suivi, d'analyse, de gestion et d'évaluation », ou PRESAGE, permettrait d'effectuer un suivi conjoint des crédits Etat-régions et des crédits européens, de mettre ainsi en évidence leurs objectifs et leurs points d'application communs et d'en apprécier la réalisation sur la base de critères partagés. La DATAR pilote d'ores et déjà un travail interministériel pour mettre au point cet outil.
Enfin, la DATAR a fait de l'évaluation des politiques territoriales l'une des sept priorités de son programme de prospective « territoires 2030 » et a constitué à cet effet un groupe de travail, animé par le professeur Vigneron, qui est chargé de procéder à la rédaction d'un manuel de méthode à ce sujet.
La décision de confier l'évaluation des contrats de plan au secrétariat général du ministère de l'intérieur pourrait faire obstacle à la rationalisation suggérée par la LOLF, qui a clairement fait de l'évaluation un outil d'aide à la décision et non un contrôle a posteriori.
Voilà pourquoi il me paraît important, mesdames, messieurs les sénateurs, que vous adoptiez cet amendement, qui a pour objet de majorer de 800 000 euros, en faveur du budget de l'aménagement du territoire, les crédits du chapitre 34-98, article 30.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Roger Besse, rapporteur spécial. La commission des finances n'a pas pu examiner cet amendement. Cependant, en accord avec le président de la commission, je donne un avis très favorable.
Mme la présidente. Je mets aux voix, modifiés, les crédits figurant au titre III.
(Ces crédits sont adoptés.)
Titre IV : 48 468 979 €.
Mme la présidente. Je mets aux voix les crédits figurant au titre IV.
(Ces crédits sont adoptés.)
État c
Titre V. - Autorisations de programme : 1 726 814 000 € ;
Crédits de paiement : 972 258 000 €.
Mme la présidente. Je mets aux voix les autorisations de programme et les crédits du titre V.
(Ces crédits sont adoptés.)
Titre VI. - Autorisations de programme : 1 592 741 000 € ;
Crédits de paiement : 888 790 000 €.
Mme la présidente. Je mets aux voix les autorisations de programme et les crédits du titre VI.
(Ces crédits sont adoptés.)
Article additionnel après l'article 73 nonies
Mme la présidente. J'appelle en discussion l'amendement n° II-44 rectifié tendant à insérer un article additionnel après l'article 73 nonies et qui est rattaché pour son examen aux crédits affectés à l'aménagement du territoire.
Cet amendement, présenté par Mmes David, Demessine et Didier, MM. Billout, Coquelle, Le Cam et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
I. - Après l'article 73 nonies, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Avant le 1er octobre 2005, le Gouvernement remet au Parlement un rapport d'évaluation de la politique de soutien au développement de territoires ruraux.
Il porte notamment sur :
- l'analyse de l'efficacité des outils financiers et fiscaux incitatifs existants ;
- l'évaluation des évolutions en matière de maintien et de création d'activités économiques, notamment dans le domaine agro-pastoral et l'activité touristique ;
- les corrections et améliorations à apporter aux systèmes de répartition des aides budgétaires et fiscales mises en oeuvre.
II. - En conséquence, faire précéder cet article d'une division ainsi rédigée :
III. - Aménagement du territoire
III. - Les taux prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts sont relevés à due concurrence.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Dès qu'il s'agit du développement des territoires ruraux, on se trouve confronté à de multiples dispositions qui évoquent un peu un millefeuille plus ou moins cohérent : ce sont des dispositions de caractère fiscal, sous forme d'incitations diverses ; ce sont des concours budgétaires directs ; c'est aussi une sollicitation de fonds de concours, notamment des fonds structurels européens ou des fonds résultant de l'intervention des collectivités locales ; ce sont encore des aides au paiement des cotisations sociales. L'ensemble souffre d'un certain manque de visibilité et d'évaluation.
Ce sont pourtant des sommes non négligeables qui sont ainsi mobilisées pour favoriser le développement de l'activité économique et sociale des territoires ruraux sans qu'il nous soit tout à fait possible de procéder à une évaluation des effets réels des différentes mesures et de l'engagement public.
Si l'on devait examiner l'efficacité au regard de l'évolution démographique des territoires, force serait de constater que, dans de nombreuses régions de notre pays, le déclin de la population ne s'est toujours pas interrompu, comme l'illustrent les données du recensement de la population de 1999.
Aujourd'hui, force est donc de se demander comment les politiques publiques, quelles que soient les formes qu'elles peuvent recouvrir, jouent un rôle dans la localisation et le développement des activités économiques et de la vie sociale.
La présence des services publics de proximité, le maintien ou le développement de l'activité agricole, la valorisation des produits de l'agriculture, la réponse apportée par le tourisme au maintien d'une certaine activité sont autant de questions qui transparaissent derrière les choix qui peuvent être opérés.
Notre amendement vise donc à faire en sorte qu'avant la discussion de la loi de finances pour 2006 le Parlement soit en mesure de disposer de tous les éléments d'appréciation des politiques publiques en direction des territoires à travers cette évaluation, et, par voie de conséquence, qu'il soit mis en situation de les transformer, de les améliorer.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Roger Besse, rapporteur spécial. La commission des finances ne s'étant pas réunie pour examiner cet amendement, je sollicite l'avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Frédéric de Saint-Sernin, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement émettra un avis défavorable, pour trois raisons.
Tout d'abord, le calendrier est inopportun : le projet de loi relatif au développement des territoires ruraux que le Parlement examinera en deuxième lecture au mois de janvier prévoit des dispositions fiscales réellement innovantes.
Ce projet de loi comprend des mesures fiscales qui seront très importantes. Je ne les détaillerai pas car nous en reparlerons le moment venu.
La promulgation de la loi n'interviendra qu'au cours du premier trimestre 2005 : il me paraît donc difficile et prématuré de lancer d'ores et déjà une évaluation.
Ensuite, le dispositif de suivi est déjà en place. Le décret du 7 septembre 2004, publié au Journal officiel le 14 septembre, a en effet confirmé l'installation auprès de la DATAR de l'observatoire des territoires. L'article 2 du décret prévoit que l'observatoire remette au Premier ministre un rapport destiné aux parlementaires sur l'état des territoires en France.
Le rapport devrait être rendu au cours du premier semestre 2005. Il fera un point précis de la situation des territoires ruraux.
De surcroît, un transfert à la DATAR de la mission d'évaluation des politiques territoriales confortera notre capacité d'analyse et notre capacité de suivi.
Enfin, une structure de gouvernance est prévue. Les parlementaires ont souhaité, dans le cadre du projet de loi dont je viens de parler, installer une conférence nationale de la ruralité. Les missions de cette conférence correspondent exactement à celles qui sont visées par votre amendement, madame David.
Mme la présidente. Finalement, monsieur le rapporteur, quel est l'avis de la commission.
M. Roger Besse, rapporteur spécial. Il est conforme à celui du Gouvernement.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Je voudrais souligner l'intérêt de cet amendement.
M. le ministre vient de nous dire que la loi sur les territoires ruraux allait induire des effets fiscaux considérables et très positifs. Je ne vois donc pas pourquoi le Gouvernement refuse une évaluation. Elle démontrerait justement le caractère positif des mesures dont vous avez parlé, monsieur le ministre.
D'une manière générale, il est toujours sage d'évaluer. Cela permet souvent d'examiner les choses avec objectivité. D'ailleurs, l'amendement qui vient d'être adopté renforce notablement les outils d'évaluation de la DATAR.
Monsieur de Robien, j'ai été tout à l'heure quelque peu troublé. Je vous ai entendu employer un argument étrange, au sujet d'un mode de transport : vous nous avez dit que l'on avait découvert que les trains pendulaires rendaient les gens malades.
C'est un argument nouveau : apparemment, vos amis de l'UDF et de l'UMP, qui soutenaient le projet au cours des dix dernières années n'avaient pas perçu le risque que présentait ce mode de transport pour la santé publique.
En Italie d'ailleurs, de nombreuses personnes utilisent ce mode de transport et elles ne souffrent à ma connaissance d'aucune maladie aiguë.
M. Jean-Pierre Sueur. On dit quelquefois que « qui veut noyer son chien...
M. Gérard Longuet. ...l'accuse de socialisme !
M. Jean-Pierre Sueur. ...l'accuse de la rage », monsieur Longuet. Ne dites pas de choses blessantes pour une partie de l'opinion !
Bref, l'évaluation est toujours utile, car elle évite que l'on ne mobilise parfois des arguments circonstanciels pour justifier des décisions à propos desquelles il est normal de s'interroger, comme nous le faisons.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Messieurs les ministres, j'ai noté que le projet de loi relatif au développement rural comporterait des dispositions fiscales.
Je voudrais rappeler au Gouvernement que le moment privilégié pour discuter les dispositions fiscales est l'examen des lois de finances.
M. Gérard Longuet. C'est d'ailleurs le seul moment !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. J'exprime à nouveau le souhait que le Gouvernement évite de multiplier les initiatives fiscales en dehors des lois de finances. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° II-44 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Gilles de Robien, ministre. Madame la présidente, j'aimerais juste ajouter quelques mots pour vous remercier d'avoir assuré la présidence depuis ce matin, avec une douce autorité.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C'est une vraie performance !
M. Gilles de Robien, ministre. Je voudrais également remercier la majorité du Sénat d'avoir voté ces budgets. Grâce à elle, nous disposerons des crédits nécessaires pour nous mobiliser en 2005 et exécuter les actions qui nous ont été confiées.
Je remercie également tous les intervenants de leurs suggestions, de leurs propositions et de leurs critiques, qui font toujours progresser les choses, et je félicite les commissions de l'excellent travail qu'elles ont fourni. Nous en ferons le meilleur usage, sachez-le.
Mme la présidente. Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant le ministère de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer.
Jeunesse, Sports et vie associative
Mme la présidente. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant le ministère de la jeunesse, des sports et de la vie associative.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Michel Sergent, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le ministère des sports a vécu.
Il retrouve aujourd'hui son périmètre d'avant mai 2002 en intégrant la jeunesse et la vie associative. Cette évolution me paraît logique compte tenu du périmètre des services déconcentrés, des synergies évidentes entre ces trois politiques et de la nouvelle mission budgétaire « jeunesse, sports et vie associative », qui est ainsi désormais d'échelon ministériel.
Les crédits budgétaires du ministère s'élèvent à 527,2 millions d'euros dans le projet de loi de finances pour 2005, soit une baisse de près de 3 % à périmètre constant.
A cet instant, monsieur le ministre, je ne peux m'empêcher de comparer ces quelque 527 millions d'euros au résultat connu hier soir de l'appel d'offre concernant la retransmission des matchs de ligue 1 : 600 millions d'euros par an.
Le niveau du championnat de ligue 1 serait-il tel que les droits de retransmission soient supérieurs au montant des crédits d'Etat destinés à tous les sports ?
Voilà qui me laisse pour le moins perplexe, monsieur le ministre.
Heureusement, comme en 2004, le dynamisme des recettes du fonds national pour le développement du sport, le FNDS, permet d'atténuer cette évolution, et les moyens consolidés sont ainsi en légère hausse - 0,8 % -, avec près de 800 millions d'euros. Je rappelle toutefois que le FNDS est appelé à disparaître et qu'un établissement public lui succédera en 2006. Il serait bon, monsieur le ministre, que vous nous en précisiez le périmètre et les moyens de financement.
Vous contribuez donc, monsieur le ministre, dans la mesure de vos faibles moyens, à la politique gouvernementale de diminution des déficits publics. La suppression nette de 80 emplois en 2005 participe de ce même mouvement de réduction de la voilure.
Mais, compte tenu de la modestie de votre budget, peut-on être sûr que vos priorités, aux motivations desquelles je souscris dans la plupart des cas, disposeront des moyens adéquats ?
Il m'est permis d'en douter, en particulier si l'on considère que la baisse de votre budget repose essentiellement sur celle des crédits d'intervention, qui diminuent de plus de 15 %.
La réduction des services votés sur le titre IV est proche de 27 millions d'euros et porte surtout sur les contrats éducatifs locaux « jeunesse » et sur les actions sportives menées en partenariat, ce qui signifie que l'impulsion que vous donnez à la tête du ministère risque de ne pas trouver de relais suffisants au niveau local, dans les associations et les collectivités territoriales.
L'ampleur de la régulation budgétaire sur le titre IV au cours des deux derniers exercices ne fait que renforcer mes inquiétudes.
Je me réjouis toutefois que les dépenses d'investissement ne soient pas sacrifiées, après avoir été réduites en 2004.
Il faut espérer que ces dotations seront réalistes, compte tenu du taux de consommation encore insuffisant et de la multiplication des opérations de faible montant. Je reconnais toutefois que des progrès ont été réalisés depuis deux ans dans ce domaine.
J'aborderai à présent les trois domaines d'action de votre ministère avant de terminer par quelques mots sur la mise en place de la LOLF.
La France a montré à Athènes qu'elle était une grande nation sportive. Il faudra pourtant faire encore mieux lors de la coupe du monde de rugby en 2007, et j'espère que le match contre les All blacks, monsieur le rapporteur pour avis, n'aura pas été un mauvais présage...
M. Bernard Murat, rapporteur pour avis. Ils nous ont montré ce qu'il fallait faire !
M. Michel Sergent, rapporteur spécial. C'est vrai. Il faudra donc faire mieux lors des jeux Olympiques de 2012, s'ils se déroulent sur notre sol comme nous l'espérons tous.
La rénovation enfin engagée de l'institut national du sport et de l'éducation physique, l'INSEP, et les nouveaux contrats de préparation olympique renforceront les filières de haut niveau.
Le recensement des équipements sportifs sur le territoire fournira également un outil adapté pour structurer les implantations et éviter la dispersion des installations.
Vous affirmez avec constance, monsieur le ministre, votre volonté d'améliorer l'accès au sport pour certains publics spécifiques et de promouvoir la place des femmes dans les instances sportives, mais les moyens dont vous disposez paraissent minces.
Certes, les crédits du FNDS consacrés à l'accessibilité des handicapés devraient quintupler par rapport à 2002, mais avec moins d'un million d'euros, les investissements seront nécessairement réduits.
Vous avez également annoncé une évolution des modalités d'octroi des « coupons sport », afin de mettre fin à certaines dérives et de les recentrer sur les familles défavorisées. Pouvez-nous nous donner quelques précisions à ce sujet ?
Je m'interroge surtout sur le traitement de l'emploi dans le domaine du sport.
Il est clair que la fin des emplois jeunes ne trouve aujourd'hui guère de relais dans les nouveaux contrats d'insertion dans la vie sociale, les CIVIS, qui n'ont permis de créer que 110 emplois entre janvier et juillet de cette année. Quelles sont vos orientations, monsieur le ministre, pour faire évoluer ce dispositif ?
Je m'inquiète également de l'ampleur que prend aujourd'hui dans les stades la violence, verbale et physique, comme de l'écho médiatique qui lui est donné. Il s'agit bien d'un phénomène européen. Le contraste avec les objectifs de l'année européenne de l'éducation par le sport est, à cet égard, saisissant. Il faut aujourd'hui renforcer la coordination entre les ministères impliqués, agir au niveau des associations et médiatiser des sanctions sévères.
La lutte contre le dopage est l'un des axes structurants de la politique du ministère en matière de sports, et les moyens affectés en 2005 devraient augmenter de 7 %.
Je salue aussi, monsieur le ministre, votre volonté d'accroître les contrôles inopinés. Le laboratoire de Châtenay-Malabry doit, en outre, disposer des moyens nécessaires pour maintenir sa crédibilité internationale s'agissant du dépistage des nouveaux produits.
Les efforts français doivent maintenant être relayés aux niveaux européen et international. Les obstacles ne manquent pas, malgré une meilleure prise de conscience du phénomène aux Etats-Unis.
Votre action en faveur d'une convention internationale et d'un code mondial antidopage, sous l'égide de l'Agence mondiale antidopage, l'AMA, doit être reconnue, monsieur le ministre. J'ai toutefois une crainte : la prochaine adaptation de notre législation permettra-t-elle de maintenir notre niveau de rigueur et de sévérité sans menacer la candidature aux Jeux olympiques de 2012 ? Comment seront traités les cas de dopage de sportifs étrangers découverts sur notre territoire ?
Cette exigence de coordination européenne doit également se concrétiser au niveau du contrôle de gestion des clubs. Je considère aussi que la responsabilisation des fédérations peut encore progresser, dans la continuité de la contractualisation des relations financières avec l'Etat.
J'en viens à présent à la jeunesse et à la vie associative.
Vous avez la rude tache de donner le goût de l'initiative, de l'engagement et de l'ouverture aux forces vives de notre pays, monsieur le ministre. C'est un vaste programme ! Les opérations que le ministère pérennisera en 2005, telles que « Solidar'été », le concours « Envie d'agir » ou les bourses « Défis jeunes » participent de cette démarche.
Le ministère entend également soutenir le bénévolat et la professionnalisation des associations, qui sont aujourd'hui plus d'un million en France.
Vous proposez, en particulier, la création de trois nouveaux centres de ressources et d'information des bénévoles, l'affectation de nouveaux postes FONJEP, ou fonds de coopération de la jeunesse et de l'éducation populaire, et la création d'un passeport du bénévole.
Vous avez également annoncé un projet de loi sur le volontariat pour 2005. Je partage votre avis sur le fait qu'un statut du bénévole, assorti notamment d'incitations fiscales, ne serait guère opportun, le bénévolat devant conserver son caractère spontané et désintéressé.
Mais ces mesures ponctuelles ou d'affichage paraissent encore insuffisantes, faute de moyens financiers adéquats, pour mener une politique structurelle de motivation et d'insertion des jeunes.
Je terminerai par quelques observations sur la mise en oeuvre de deux réformes importantes : la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF, et la stratégie ministérielle de réforme, la SMR.
La définition de la nouvelle mission « Jeunesse, sports et vie associative » a été tardive et a révélé un état d'avancement inégal entre les volets « Sports » et « Jeunesse et vie associative ». Mais vous n'y étiez pour rien, monsieur le ministre, puisque, de votre côté, les choses avaient été bien avancées.
La maquette finale se révèle toutefois plutôt satisfaisante. Le volume du programme de soutien, sur lequel j'avais émis de fortes réserves au début de 2004, a, en particulier, été réduit de moitié, de telle sorte qu'il est à présent plus centré sur les fonctions polyvalentes et transversales. Les objectifs et indicateurs qui lui sont associés reflètent néanmoins les ambiguïtés de ce type de programme support et sont parfois trop anecdotiques. Les objectifs indicateurs des deux programmes opérationnels « Sport » et « Jeunesse et vie associative » sont, en revanche, mieux construits.
Enfin, s'agissant de la stratégie ministérielle de réforme, le ministère a identifié six axes, qui témoignent d'une réelle volonté de modernisation du fonctionnement du ministère et qui portent, par exemple, sur la gestion des ressources humaines, l'externalisation de certaines fonctions logistiques dans les centres régionaux d'éducation populaire et de sport, les CREPS, ou le développement de démarches qualité.
Mais j'ai le sentiment que cette stratégie ministérielle de réforme se situe encore à mi-chemin de la gestion interne et du véritable projet stratégique. Elle ne comprend pas de véritable remise en cause de l'organisation du ministère ni des procédures internes, et manque d'objectifs chiffrés. J'aurais souhaité que la stratégie ministérielle de réformes intégrât mieux les conclusions des Etats généraux du sport, qui se sont tenus à la fin de 2002.
Pour conclure, je dirai que le ministère parvient, malgré tout, à maintenir certaines priorités, en dépit de la forte baisse de ses moyens d'intervention. Sous le bénéfice de ces observations, la commission des finances vous propose, mes chers collègues, d'adopter les crédits du ministère de la jeunesse, des sports et de la vie associative pour 2005. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Bernard Murat, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne vais pas revenir sur les chiffres qui viennent de vous être donnés : 797,18 millions d'euros, soit une légère hausse de 0,76 % par rapport au budget 2004. En réalité, si les crédits budgétaires stricto sensu enregistrent une légère baisse, les ressources extra-budgétaires provenant du Fonds national pour le développement du sport, le FNDS, augmentent de 8,87 %.
En 2005, c'est donc à nouveau le concours du FNDS qui permet de financer les actions du ministère de la jeunesse, des sports et de la vie associative.
Je ne peux que m'en inquiéter, sachant que ce fonds est voué à disparaître en 2006 et que le périmètre du futur centre national de développement du sport, le CNDS, établissement public appelé à le remplacer, n'est pas encore défini. De quelle garantie disposez-vous à ce sujet, monsieur le ministre ?
L'année 2005, année du choix de la ville hôte de la 30e olympiade, sera aussi l'année qui devrait voir s'achever la cartographie des équipements sportifs français, dans la suite du rapport de notre collègue Pierre Martin.
En ce qui me concerne, j'estime que ces deux événements ne sont pas étrangers l'un à l'autre. Véritable moteur pour la pratique sportive des Français, le symbole des jeux Olympiques restera vain si l'on ne permet pas à chacun de trouver, à une distance raisonnable de son lieu de vie, un site où pratiquer la discipline sportive qui lui convient.
La réhabilitation des quartiers par des opérations de démolition/reconstruction ne peut se concevoir sans des installations sportives nouvelles pour assurer la réussite de la politique d'insertion voulue par le Gouvernement.
Etant donné l'ampleur du retard français en termes d'accessibilité, notamment des personnes handicapées aux équipements sportifs, cette question constitue un véritable enjeu pour l'année à venir.
Je ne peux ensuite que me réjouir, monsieur le ministre, de voir le secteur associatif bénéficier enfin d'une structure ministérielle à part entière, puisque, depuis avril 2004, le périmètre de votre ministère a été élargi à la jeunesse et à la vie associative.
Je sais que cette modification n'est pas de pure forme, puisque vous avez déjà annoncé le lancement d'une conférence nationale de la vie associative, qui devrait se dérouler sur les six premiers mois de l'année 2005.
Alors que nous allons franchir le cap du million d'associations vivantes en 2005, après une nouvelle année record en 2004, qui a vu la création de plus de 70 000 associations sur l'ensemble du territoire, les responsables associatifs et les 10 millions de bénévoles qui les font vivre ont besoin d'être soutenus.
Il faut dépasser les simples gestes. C'est la raison pour laquelle la commission des affaires culturelles du Sénat m'a confié une mission d'information sur le bénévolat associatif, à l'issue de laquelle je tâcherai de faire des propositions concrètes pour soutenir et encourager le bénévolat en France.
J'en viens maintenant aux jeunes ; ils sont l'avenir de notre pays. Les protéger, leur donner confiance en eux et les accompagner dans leur projet, c'est aussi l'une des lourdes responsabilités de votre ministère.
Le renouvellement, en 2005, de l'opération « Solidar'été », qui a permis, en 2004, à 4 500 enfants ne partant pas en vacances de bénéficier, dans les établissements du ministère, d'activités ludiques et éducatives de grande qualité, tout en valorisant les actions de solidarité concrètes engagées sur l'initiative des jeunes, l'amplification du concours « Envie d'agir » et l'augmentation du nombre des bourses « Défi-jeunes » vont dans le bon sens.
Parce qu'il faut, en permanence, inventer de nouvelles méthodes pour être à la hauteur de la puissance d'imagination des jeunes, nous attendons de l'équipe de travail que vous venez de mettre en place sous la direction de Jean-Pierre Cottet qu'elle propose encore d'autres dispositifs innovants.
Les jeunes ont besoin de modèles : emblèmes de l'excellence sportive et des vertus de l'effort, les sportifs de haut niveau doivent être les premiers ambassadeurs de la valeur sociale et éducative du sport.
Les dernières et très graves « affaires » de dopage touchant des médaillés olympiques ou des champions du monde posent un problème de fond : n'est-il pas temps de réhabiliter l'olympisme comme un combat entre athlètes et non comme une lutte contre des chronomètres ou des centimètres, qui sont l'objet de tous les mercantilismes ?
Le renforcement des actions de lutte contre le dopage dans le projet de budget contribuera, je l'espère, à réhabiliter l'image de certains sports sur lesquels l'opprobre a été malheureusement jeté du fait des agissements irresponsables de quelques-uns.
Le renforcement des contrôles, évidemment nécessaires, ne suffira pas, et vous le savez, monsieur le ministre ; il faut aussi combattre la violence dans les stades et moraliser certaines pratiques douteuses à l'intérieur des clubs ; je pense en particulier à la pratique des agents dans le football professionnel.
Nous nous attacherons à ce que cette entreprise difficile soit également menée, ou au moins impulsée, en 2005. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
Mme la présidente. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe Union pour un mouvement populaire, 38 minutes ;
Groupe socialiste, 23 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 8 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 5 minutes ;
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Alain Dufaut.
M. Alain Dufaut. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, année après année, je regrette publiquement que le sport soit symboliquement relégué à un rang subalterne dans cette discussion budgétaire, les débats relatifs aux crédits de ce secteur étant systématiquement renvoyés en fin de semaine, à un moment où, par définition, la présence de nos collègues est très limitée. Et ce sont toujours les mêmes qui, croyant aux vertus du sport et à son rôle prépondérant dans notre société, se retrouvent chaque année dans cet hémicycle !
Monsieur le ministre, j'espérais beaucoup, en cette année olympique, que nous pourrions nous réjouir d'une programmation horaire plus favorable. Hélas ! Une fois de plus, nous examinons le budget des sports une nuit, celle du vendredi 10 au samedi 11 décembre, à deux heures du matin !
Heureusement, les bons résultats de certains de nos athlètes aux jeux Olympiques d'Athènes, notamment les nageurs, les escrimeurs et certains gymnastes, compensent quelque peu cette légitime déception. J'espère que 2005 nous apportera également une grande satisfaction avec le succès de la candidature de Paris pour les Jeux de 2012.
Mais le sport ne se résume pas aux jeux Olympiques ; j'en reviens donc au débat budgétaire.
Une nouvelle fois, et après Michel Sergent, je vais être obligé de regretter que la légère progression des crédits alloués au sport repose essentiellement sur la hausse des ressources provenant du FNDS et que les moyens consolidés du ministère représentent, hélas ! une part si faible du budget général de l'Etat.
Là encore, force est de constater que le sport n'occupe pas la place qu'il mérite, en particulier si l'on se réfère aux douze millions de licenciés et aux quelque 30 millions de personnes qui pratiquent un sport.
Pourtant, sans revenir sur les bienfaits de la pratique sportive en matière d'épanouissement de la personne, d'intégration ou de santé, ni sur la nécessité, pour un pays comme la France, d'entretenir une véritable culture de résultats pour ses sportifs de haut niveau, il suffit de rappeler que le sport occupe dans notre pays une place de plus en plus importante dans les médias et que les retransmissions des grands événements sportifs, comme les derniers jeux Olympiques, ont rassemblé plus de 44 millions de téléspectateurs en dix-sept jours.
Ce qui s'est passé aujourd'hui et qu'évoquait Michel Sergent tout à l'heure en est encore un exemple. Le fait qu'une société de télévision comme Canal Plus verse une somme de 600 millions d'euros pour les droits de retransmission télévisée du championnat de France de football de Ligue 1 dénote bien l'importance que revêt aujourd'hui le sport dans notre pays.
J'en reviens au budget : l'année dernière, à la même époque - c'était le 29 novembre très exactement -, je m'étonnais, moi aussi, de la séparation introduite en 2003 entre le secteur de la jeunesse et celui des sports, et je vous faisais part, monsieur le ministre, de mon scepticisme face à une telle mesure.
Au regard du fonctionnement des services déconcentrés, qui, eux, n'étaient pas séparés, je peux donc, désormais, me réjouir de ce retour des compétences jeunesse et vie associative dans le giron de vos attributions, ce qui me semble beaucoup plus logique et, surtout, permettra de limiter les conséquences négatives d'une telle séparation sur les coûts de fonctionnement du ministère, au détriment de ses capacités d'intervention.
Cela étant dit, permettez-moi, monsieur le ministre, de profiter de cette discussion pour attirer votre attention sur certains points, quelquefois de détail, qui sont pour moi autant de sujets d'inquiétude ou de satisfaction.
Au rayon des inquiétudes ou des déceptions, je regrette que la création d'un « volet sport » dans les contrats d'insertion des jeunes dans la vie sociale, les CIVIS, n'ait pas rencontré, alors que c'était certainement une très bonne formule, le succès escompté ; la raison tient sans doute, comme je le craignais l'an dernier, au fait que ce programme n'a pas fait l'objet d'une communication adaptée.
Je tiens, ensuite, à aborder un aspect important du sport, lequel ne doit pas être uniquement évoqué par le biais des affaires de dopage très médiatisées ; je veux parler, bien entendu, de la politique médicale du sport.
En effet, l'absence d'un véritable statut des médecins exerçant au sein des établissements dépendant du ministère, l'INSEP par exemple, que ce soit en termes de cadre d'emploi, de rémunération ou d'évolution de carrière, est une question sur laquelle il convient de se pencher car elle débouche, au-delà, sur un débat beaucoup plus général quant à la place de la médecine dans le sport, au moment même où l'actualité nous renvoie sans cesse aux problèmes de dopage.
Cela m'amène à aborder un sujet qui me tient à coeur, à savoir la moralisation du sport, qu'il soit amateur ou professionnel. En réalité, cette question touche non seulement au dopage, mais également à la violence - ce sujet requiert, à mon sens, une véritable initiative législative visant à renforcer la répression - ou encore aux pratiques financières douteuses, s'agissant notamment des agents de sportifs professionnels.
Je vous sais gré, monsieur le ministre, d'avoir pris ces problèmes à bras-le-corps et de continuer à vous battre avec beaucoup d'énergie sur ces dossiers si sensibles, si complexes et, je le reconnais, si difficiles à résoudre.
En ce qui concerne le dopage, il faut noter la récente condamnation en première instance à une peine de prison avec sursis du médecin-chef du club de la Juventus de Turin, pour des faits commis entre 1994 et 1998. Celui-ci a en effet été reconnu coupable de fraude sportive et d'administration d'EPO aux joueurs du club. Cela démontre, si besoin en était, que ce phénomène, qui dépasse largement les frontières nationales et met en jeu des intérêts financiers considérables, doit déboucher sur une mobilisation générale, d'autant plus difficile à mettre en oeuvre que son succès repose, bien évidemment, sur une coopération parfaite entre les gouvernements.
S'agissant de la violence dans les stades, les dérives récentes qui ont été constatées à l'occasion des deux rencontres de football entre l'OM et le Paris-Saint-Germain, ou les inadmissibles agressions racistes qu'ont subies deux joueurs de couleur lors du match entre Bastia et Saint-Etienne attestent de la gravité de la situation.
Comme beaucoup, j'étais au Parc des Princes pour assister au match entre le Paris-Saint-Germain et l'OM. Voir Fabrice Fiorèse tirer les corners sous la protection des boucliers des CRS est une image...
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Odieuse !
M. Alain Dufaut. ... qui ne peut que révolter les sportifs que nous sommes.
Je vous le disais l'autre jour, monsieur le ministre, il faut absolument suivre l'exemple de l'Italie en la matière et parvenir à un système de repérage des spectateurs les plus violents ou récidivistes pour leur interdire l'accès des stades.
M. Alain Dufaut. Je sais que le garde des sceaux, en liaison avec votre ministère, examine sérieusement ces solutions, et j'ai constaté avec satisfaction qu'à l'occasion du dernier match européen de Sochaux des lanceurs de fumigènes, filmés par les CRS, avaient été interpellés à la mi-temps.
Toutefois, la moralisation de la pratique sportive passe aussi par une action vigoureuse au niveau de la pratique de masse, que ce soit dans les écoles ou dans les clubs.
Monsieur le ministre, vous avez bien compris tous ces enjeux, et nous nous réjouissons que le renforcement des fonctions éducatives et sociales fasse partie de vos priorités. Ainsi, la présentation en 2005 d'un projet de loi qui sera spécifiquement consacré à la lutte contre le dopage participe de cette politique volontariste. Il s'agira, notamment, de renforcer l'efficacité de la législation française et de la mettre en cohérence avec les textes adoptés au niveau international.
Il n'en demeure pas moins qu'un gros travail reste encore à fournir pour limiter les dérives éventuelles du sport spectacle. Nous sommes tous conscients, ici, des effets dévastateurs de celles-ci, dans une société surmédiatisée où l'impact des grands champions sur les jeunes est de plus en plus fort. Nous comptons sur vous, monsieur le ministre.
Puisque j'ai basculé progressivement vers les motifs de satisfaction qui émanent de ce budget ou de votre action, monsieur le ministre, je vais continuer en soulignant les efforts réalisés en matière d'accès au sport des personnes handicapés.
De la même manière, je ne peux que me réjouir - je n'ai jamais manqué une occasion de m'exprimer sur ce sujet - de ce que les suggestions contenues dans le rapport du groupe de travail « Femmes et sport » remis en 2004 débouchent sur la mise en oeuvre de mesures concrètes. Cela permettra de favoriser la pratique sportive chez les jeunes filles, en particulier dans les quartiers à forte concentration de populations d'origine étrangère ; je pense notamment aux jeunes filles d'origine maghrébine, qui sont actuellement très défavorisées en matière d'accès à une pratique sportive.
La promotion des métiers du sport, autre axe important de votre programme, me semble être particulièrement judicieuse, alors même que de nombreux jeunes, passionnés de sport et soucieux de faire de cette passion une activité professionnelle, se trouvent confrontés aux difficultés d'accès à la filière sportive, et ce malgré une formation adaptée.
Enfin, dernier sujet que je souhaiterais évoquer : la nécessaire amélioration de la couverture du monde rural en équipements sportifs.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, vous vous en souvenez, j'avais regretté, l'année dernière, que le sport n'occupe pas une place plus importante dans les nouvelles lois de décentralisation. Je souhaite ardemment qu'à l'avenir, après, bien sûr, le recensement des équipements sportifs qui fera l'objet du rapport de notre collègue Pierre Martin, des possibilités budgétaires soient offertes aux collectivités territoriales pour améliorer le maillage de notre pays en équipements sportifs de qualité.
A cet égard, l'échelon intercommunal - autrement dit les EPCI - me semble être parfaitement adapté pour assurer un développement cohérent et équilibré de ces équipements dans nos territoires ruraux.
Je sais bien que le ministère aura besoin de moyens supplémentaires, mais je pense que tous mes collègues ici présents partagent mon sentiment. Au demeurant, ces moyens me paraissent tout à fait nécessaires pour assurer la vitalité sportive de notre ruralité.
En conclusion, monsieur le ministre, je peux vous assurer du soutien du groupe UMP. Il votera ce budget, bien évidemment pour les raisons que je viens d'évoquer et pour celles qu'a évoquées notre collègue Bernard Murat, mais aussi pour rendre hommage à votre action à la tête de ce ministère. Depuis trois ans, en effet, vous démontrez qu'un ministre des sports peut obtenir d'excellents résultats dans un contexte budgétaire très difficile.
Que vous soyez en visite sur le terrain, auprès de nos champions dans les grandes manifestations internationales ou, ce qui se produit fréquemment, à nos côtés en commission des affaires culturelles, votre sens de l'écoute, votre compétence et votre efficacité sont reconnus et appréciés de tous. Soyez-en très sincèrement remercié. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-François Voguet.
M. Jean-François Voguet. Monsieur le ministre, les deux petites heures de débat que nous consacrons au budget du ministère de la jeunesse, des sports et de la vie associative sont d'une durée inversement proportionnelle à l'importance que devrait avoir ce ministère, mais correspondent en fait à l'importance du budget que le Gouvernement a décidé d'allouer à votre action.
Il ne doit pas être facile d'être ministre d'une priorité nationale, avec un budget aussi réduit, que vous qualifiez vous-même de « resserré ».
Certes, ce ministère a rarement eu beaucoup de moyens, mais, monsieur le ministre reconnaissez que c'est de pire en pire depuis deux ans.
En diminution de près de 3 % pour 2005, après une baisse sensiblement de même niveau l'an passé, les moyens de votre ministère sont, en fait, réduits de plus de 5 % sur deux ans.
Heureusement, nos concitoyens continuent à « taquiner » le sort, en misant sur divers jeux de hasard car, sans eux et leurs pertes aux jeux, l'Etat n'investirait pas dans le sport.
En réalité, l'essentiel de l'effort public pour construire, rénover et entretenir les équipements sportifs, ainsi que pour soutenir les clubs repose, vous le savez bien, sur les collectivités locales.
Mais qu'en sera-t-il demain avec l'application de la loi de décentralisation que vous venez de faire voter et qui va mettre à mal les finances de ces collectivités ?
Face à ces nouvelles obligations, je crains que leurs investissements et leurs dépenses en faveur des activités sportives ne diminuent. En outre, les inégalités territoriales vont encore se creuser.
Monsieur le ministre, le compétiteur que vous êtes doit être malheureux au fond de lui-même, surtout en cette année au cours de laquelle nous saurons si notre pays accueillera ou non les jeux Olympiques de 2012.
A cet égard, si vous pouvez être assuré de notre soutien dans cette compétition planétaire, je me demande, à la veille de cette importante décision, si la baisse de votre budget est un signe favorable.
Vous êtes heureusement un maître dans l'art de l'esquive ! (M. le ministre sourit.) Cela vous permet de défendre aujourd'hui un budget dont vos amis ne peuvent cacher la modicité.
Pourtant, vous animez le travail gouvernemental de l'un des principaux Etats de notre planète et intervenez dans des secteurs essentiels à la vie de nos concitoyens et dont l'importance sociétale n'échappe à personne.
Il s'agit du sport d'abord, qui représente le principal poste budgétaire dont vous avez la charge.
L'importance sociale de cette activité n'est plus à démontrer : elle interpelle le sens même de notre société et concerne l'immense majorité de notre peuple. Tous les Français aiment le sport et attendent de l'Etat une plus grande implication.
Il s'agit de la jeunesse ensuite, qui constitue le deuxième poste de votre budget, mais dont la modicité devient presque caricaturale. C'est pourtant un vaste domaine d'intervention, essentiel à notre société, à son présent comme à son avenir, et à sa cohésion.
Malheureusement, dans votre gouvernement, on parle plus de notre jeunesse à propos du budget du ministère de l'intérieur. En effet, celle-ci est le plus souvent mise à l'index et décrite comme devant être contenue, plutôt que soutenue dans ses efforts, valorisée dans ses actions et accompagnée dans sa vie, alors que 3 millions de jeunes et d'enfants ne partent pas en vacances.
Il s'agit de la vie associative enfin, dont le budget est microscopique. C'est pourtant l'un des principaux piliers de notre République en tant que traduction d'une liberté fondamentale, la liberté reconnue à tout citoyen de s'unir et de se regrouper pour débattre et défendre ses idées, pour intervenir et mettre en oeuvre les actions de son choix.
Vous le voyez, monsieur le ministre, je ne méconnais pas l'importance de vos missions : je déplore seulement le peu d'intérêt que le Gouvernement y porte.
En réalité, votre budget ne porte aucune ambition, vous ne faites qu'ajuster vos moyens étriqués à la gestion des affaires courantes.
Vous arrivez pourtant, et je vous en félicite, à tenir un discours volontaire. Malheureusement, derrière ces paroles souvent sensées, se cache une action a minima.
Cela dit, vos choix sont tout de même éloquents. Permettez que je m'y arrête un instant, en particulier à propos des nouvelles suppressions de postes dans votre ministère.
Vous parlez de recentrage en éliminant des personnels chargés de la logistique et de l'entretien, et vous allez plus loin que la plupart des autres ministres qui, pour réduire les effectifs, s'appuient sur les départs à la retraite. En ce qui vous concerne, vous allez obliger des agents à changer d'emploi.
Après les ATOS, les personnels administratifs, techniciens, ouvriers et de service de l'éducation nationale, votre gouvernement s'attaque donc aux personnels techniques des ministères, alors que leurs fonctions sont pourtant essentielles.
Votre gouvernement ne doit vraiment pas aimer les personnels ouvriers, pour vouloir, ainsi, les éliminer de la fonction publique d'Etat ! Vous préférez dépenser plus d'argent pour transférer leurs missions à des entreprises privées qui, depuis de nombreuses années, réduisent les salaires, flexibilisent le travail et précarisent ce type d'emplois. Vous ne serez donc pas étonné que je conteste ce choix.
Par ailleurs, j'espère que, en ces temps de restrictions budgétaires, vous vous êtes assuré de construire le budget minimum qui permette à la France, avec ses athlètes de haut niveau, de tenir son rang international. Si tel est le cas, je ne conteste évidemment pas ce choix.
Cependant, monsieur le ministre, d'un côté, vous disposez de 126 millions d'euros pour soutenir les efforts de 950 sportifs de haut niveau alors que, de l'autre, vous ne disposez que de 290 millions d'euros pour soutenir l'activité de 12 millions, voire plus, de licenciés. Il y a là, vous en conviendrez, un grand déséquilibre, qui illustre parfaitement, à notre sens, l'étroitesse de votre budget.
A l'évidence, bien d'autres points mériteraient d'être soulevés, mais mon temps de parole est très limité. Permettez-moi tout de même de vous dire que, en tant que maire, je suis déçu du manque de mobilisation autour du « coupon sport » et du ralentissement des contrats éducatifs locaux.
En fait, le Premier ministre et le ministre de l'économie et des finances de l'époque, en un mot le staff de l'équipe gouvernementale, ne vous ont pas octroyé les moyens nécessaires à votre action ; ils vous utilisent à contre-emploi en vous obligeant à une course de demi-fond, parsemée d'obstacles.
Monsieur le ministre, malgré certains efforts positifs que nous soutenons, s'agissant notamment de la lutte contre le dopage et de la candidature de Paris aux jeux Olympiques de 2012, le groupe communiste républicain et citoyen votera contre ce budget. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Serge Lagauche.
M. Serge Lagauche. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le montant global des ressources du ministère de la jeunesse, des sports et de la vie associative s'élèvera, en 2005, à 797,18 millions d'euros.
Le regroupement des budgets du sport, de la jeunesse et de la vie associative sous la même bannière nous avait fait espérer une nouvelle impulsion en direction des acteurs du sport et de l'éducation populaire de notre pays.
En réalité, les crédits budgétaires au sens strict sont estimés à 527,18 millions d'euros, en baisse de près de 3 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2004. Il faut y ajouter les crédits extrabudgétaires du Fonds national pour le développement du sport, qui s'élèvent à 270 millions d'euros.
Pour la première fois depuis cinq ans, les crédits du ministère de la jeunesse, des sports et de la vie associative passent donc sous la barre symbolique des 0,2 % du budget général, la dotation dévolue au sport représentant 0,12 %, soit une baisse de plus de 4 % par rapport à 2004.
Le budget que vous nous présentez, monsieur le ministre, est le plus petit budget de l'Etat et il ne parvient à se maintenir au niveau des moyens qui lui étaient alloués en 2004 que par l'importance du concours du Fonds national pour le développement du sport, qui alimente plus de la moitié des crédits affectés au programme « sport ».
L'entrée en vigueur, le 1er janvier 2006, de l'ensemble des dispositions de la loi organique relative aux lois de finances entraînera d'ailleurs la disparition de ce compte d'affectation spéciale.
Lors de votre audition devant la commission des affaires culturelles, vous nous avez annoncé la mise en place d'un établissement public administratif dénommé Conseil national pour le développement du sport, CNDS, qui sera destiné à reprendre tout ou partie de l'enveloppe actuelle du Fonds national de développement du sport.
Même si nous notons vos efforts pour éviter les écueils de la budgétisation du Fonds national pour le développement de la vie associative, qui se traduira cette année par une baisse de près de 15 % des moyens qui lui étaient alloués en 2004, nous ne pouvons que constater les incertitudes qui planent quant au financement du CNDS et qui nous font craindre une nouvelle baisse de l'enveloppe affectée au sport.
Les crédits destinés au programme « sport » s'élèvent précisément en 2005 à 497 millions d'euros, contre 647 millions d'euros en 2004, soit une baisse vertigineuse de 23 % !
Les moyens déconcentrés de promotion et de développement du sport, de formation des animateurs et d'accompagnement de l'emploi sportif régressent, quant à eux, de 19 millions d'euros, alors que les crédits directement gérés par le ministère pour des actions nationales ou versés aux fédérations nationales sont en hausse de 5,5 millions d'euros.
Monsieur le ministre, vous avez donc fait le choix de privilégier le développement du sport de haut niveau, au détriment du sport de proximité, qui est pourtant pratiqué par le plus grand nombre.
L'enveloppe budgétaire consacrée à la promotion du sport pour tous n'est d'ailleurs pas satisfaisante et témoigne du trop peu d'attention que vous prêtez à ce secteur.
Avec 67,84 millions d'euros, soit seulement 13 % des dépenses du budget de la jeunesse et des sports, les crédits destinés au soutien du sport de masse accusent ainsi une baisse de 21,5 % par rapport à 2004.
Concernant le soutien accordé par l'Etat à la pratique sportive des jeunes, les contrats éducatifs locaux ont d'ores et déjà permis à plus de 4 millions d'élèves de bénéficier d'actions éducatives dans les domaines culturels et sportifs. Fort du succès rencontré par ce dispositif, on aurait pu en espérer le renforcement par votre ministère, mais il n'en est rien.
D'un côté, vous entendez valoriser la dimension éducative et sociale du sport, mais, de l'autre, vous ne soutenez pas les principales initiatives élaborées pour remplir cet objectif. Nous nous interrogeons donc sur la cohérence d'une telle politique.
Par ailleurs, l'ensemble des moyens affectés à l'accès au sport des personnes en situation de handicap est, certes, en hausse de 4 %, mais l'examen du projet de loi relatif à l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, qui se poursuit, n'est-il pas l'occasion d'accroître de manière plus significative les actions de votre ministère en direction de ces personnes ?
Vous avez également voulu renforcer la place des femmes dans le sport. Dans cette optique, vous entendez favoriser l'accès des femmes aux fonctions dirigeantes du mouvement sportif, créer dans chaque région un « trophée femmes et sport » et financer la formation d'éducateurs sportifs destinés à intervenir dans les quartiers sensibles auprès des femmes et des jeunes filles.
Bien entendu, nous souscrivons pleinement à ces objectifs, tant il est vrai que le rôle joué par les femmes dans le domaine sportif n'est pas suffisamment reconnu.
Nous aurions simplement espéré des efforts budgétaires plus importants, qui dépassent le cadre des 100 000 euros supplémentaires que vous affectez à l'implication des femmes dans le secteur sportif.
J'en arrive aux actions engagées par votre ministère pour soutenir le sport de haut niveau.
Ces actions seront dotées d'une enveloppe budgétaire de 78 millions d'euros, qui sera complétée par des moyens provenant du Fonds national pour le développement du sport. Nous nous réjouissons de l'importance des crédits que vous allouez à ce secteur.
En effet, l'année 2005 sera celle du choix de la ville qui accueillera les jeux Olympiques et Paralympiques de 2012.
Nous ne doutons pas que les efforts que vous engagez pour redynamiser les structures de promotion du sport de haut niveau, notamment ceux qui visent à la rénovation de l'INSEP, seront un atout significatif pour la candidature de Paris, à propos de laquelle vous pouvez être assuré de tout notre soutien.
Les moyens que vous voulez affecter à la lutte contre le dopage sont en hausse de 1,3 million d'euros par rapport à 2004, et les crédits affectés au Conseil national de prévention et de lutte contre le dopage augmentent de 7 %.
Le taux des contrôles inopinés effectués par le laboratoire national de dépistage du dopage de Châtenay-Malabry demeure cependant insuffisant, bien que votre intention de porter à 65 % le pourcentage de ces contrôles aille, bien entendu, dans le bon sens.
Nous ne pouvons, monsieur le ministre, que vous encourager à poursuivre votre politique de lutte contre le dopage à l'échelon tant national qu'international, en particulier au sein du comité exécutif de l'Agence mondiale antidopage.
Concernant les emplois relevant de votre administration, si 16 emplois doivent être créés, votre budget prévoit 96 suppressions de postes, dont 90 emplois de personnels techniciens, ouvriers et de service dépendant d'établissements publics placés sous la tutelle de votre ministère.
Cette mesure venant s'ajouter aux 80 emplois supprimés l'année dernière, ce sont 170 postes qui auront été liquidés au nom de la rationalisation des dépenses budgétaires. Il ne me semble pas, monsieur le ministre, que ces mesures successives soient conformes aux grands objectifs que vous nous avez présentés, parmi lesquels figurent notamment la « mobilisation de moyens préservés et la conduite de politiques ambitieuses au service de la jeunesse, des sports et de la vie associative ».
Les seuls crédits d'intervention du programme « jeunesse et vie associative » de votre budget pour 2005 accusent une baisse de 64 %.
Ces coupes sévères affecteront aussi bien les actions partenariales déconcentrées, pour les initiatives, les loisirs, l'information, l'insertion et les échanges des jeunes, que celles qui sont destinées à la formation des animateurs et à l'accompagnement de l'emploi.
Vous espérez vraisemblablement un soutien des collectivités territoriales pour financer l'ensemble de ces missions importantes pour la vie locale, notamment celles des centres régionaux d'information de la jeunesse, qui permettent chaque année à près de 5 millions de jeunes d'accéder à toutes sortes d'informations pratiques.
Les seules dispositions significatives de votre projet de budget en faveur de la jeunesse et de l'éducation populaire sont le rétablissement de 90 postes FONGEP qui avaient été précédemment gelés, et la création de 50 nouveaux postes.
Malheureusement, monsieur le ministre, de notre point de vue, cette mesure ne vous permettra pas de faire face à la perte que représente, pour le secteur associatif, la suppression des emplois jeunes.
Les emplois CIVIS élaborés par le Gouvernement pour pallier les difficultés rencontrées par les associations n'ont pas suscité l'engouement attendu. A titre d'exemple, les nouveaux contrats « CIVIS sport » affichent pour 2004 le médiocre bilan de 110 emplois créés.
Finalement, vous semblez, monsieur le ministre, avoir abandonné la mission sociale et éducative de votre ministère.
Le soutien que vous accordez au sport professionnel et au sport spectacle est sans commune mesure avec la faiblesse des moyens que vous consentez pour le sport de masse. Ces deux secteurs sont pourtant indissociables l'un de l'autre et nous aurions souhaité que leur interaction se traduise financièrement par un rééquilibrage des moyens accordés au sport de masse.
Les collectivités territoriales ne pourront pas supporter longtemps le désengagement de l'Etat, compte tenu des charges insupportables que la fausse décentralisation de votre gouvernement fait peser sur elles.
Par sa politique, le Gouvernement n'apporte pas de réponse satisfaisante au désir de reconnaissance et d'engagement au sein de la société civile de la jeunesse.
Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste votera contre ce projet de budget pour 2005.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-François Humbert.
M. Jean-François Humbert. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tenterai de respecter les consignes amicales qui m'ont été données lors de l'examen d'un budget précédent par M. le président de la commission des finances et d'aller à l'essentiel le plus rapidement possible.
Les crédits soumis ce soir à notre approbation concernent, pour la première fois, les secteurs de la jeunesse, des sports et de la vie associative.
A mon tour, monsieur le ministre, je voudrais saluer l'extension de bon sens du périmètre de votre ministère.
Je fais miennes les appréciations portées par notre excellent rapporteur M. Bernard Murat sur les volets relatifs à la jeunesse et à la vie associative.
Comme lui, je souhaite vivement que la candidature de Paris pour l'organisation des jeux Olympiques de 2012 soit retenue.
Les axes que vous avez définis, monsieur le ministre, et qui visent à la promotion du sport pour le plus grand nombre, qu'il s'agisse du soutien à la pratique sportive des jeunes, de l'accès au sport des personnes en situation de handicap ou de la place des femmes dans le sport, me semblent devoir être soutenus.
Comme vous, j'attends beaucoup de l'achèvement en 2005 du recensement national des équipements sportifs publics et fédéraux et du projet de loi en cours d'élaboration destiné à renforcer la lutte contre le dopage.
Lorsque l'on évoque le sport dans notre pays, on doit bien entendu évoquer le sport amateur, mais aussi le sport professionnel, qui lui est étroitement lié.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, nous le savons bien, il n'y aura pas de sport de haut niveau, c'est-à-dire de sportifs de haut niveau capables d'obtenir des résultats brillants dans les grandes compétitions internationales, sans le développement préalable de la pratique du sport par le plus grand nombre.
Ce sont les résultats liés au développement de la pratique amateur qui fournissent et qui fourniront demain les champions que notre pays attend.
A cet égard, la méthode que vous avez retenue pour assurer le développement conjoint du sport amateur et du sport professionnel me semble aller dans le bon sens.
Tout en garantissant l'unité du sport français, vous avez donné au mouvement sportif la possibilité de s'exprimer à maintes reprises, par exemple à l'occasion des états généraux du sport et des comités de suivi qui en ont résulté.
Après cette concertation indispensable, vous lui avez donné des moyens légaux et réglementaires nouveaux permettant de régler nombre de difficultés. Je pense en particulier à la loi sur le sport de juillet 2003 et à ses décrets d'application.
Il y a quelques jours, la Haute Assemblée a adopté une proposition de loi portant diverses dispositions relatives au sport professionnel. J'ai eu l'honneur d'en être désigné rapporteur par la commission des affaires culturelles.
Dans le délai prévu, un recours a été introduit devant le Conseil constitutionnel, qui a validé très récemment l'ensemble du dispositif, en estimant que les articles 1er, 3 et 4 de ce texte n'étaient pas contraires à la Constitution.
Cette initiative parlementaire est une réponse supplémentaire apportée aux préoccupations du sport professionnel français.
Ces dispositions nouvelles permettront en effet de lutter contre la concurrence exacerbée à laquelle nos clubs sont confrontés sur la scène internationale.
La reconnaissance d'un droit à l'image collective et la suppression du 1 % sur les contrats à durée déterminée, qui constituent la norme dans le sport professionnel, sont des mesures qui permettront de renforcer l'attractivité et la compétitivité des clubs français en Europe.
Pour autant, d'autres chantiers importants s'ouvrent devant nous ; la lutte contre le dopage, à laquelle vous travaillez efficacement, le statut des agents de joueurs, la transparence des transferts et la vigilance à apporter aux sources de financement des clubs, constituent, entre autres, des dossiers pour lesquels un travail essentiel de réflexion et de propositions reste à conduire.
Soyez convaincu, monsieur le ministre, que de nombreux parlementaires, toutes tendances politiques confondues, sont disponibles pour apporter leur modeste pierre à cette nécessaire construction législative.
Ils sont prêts à participer, avec les représentants du monde sportif, aux travaux qui pourraient être lancés et à prendre des initiatives pour apporter des réponses aux questions posées. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Madame la présidente, nous l'avons tous constaté, vous conduisez nos débats depuis vendredi matin sans interruption, exerçant votre souriante autorité afin de permettre le bon déroulement de nos travaux. Soyez-en très chaleureusement remerciée. (Applaudissements.)
Cela étant, je souhaiterais poser à M. le ministre une question qui s'inscrit bien dans notre débat budgétaire : nous avons appris aujourd'hui la conclusion d'une convention entre la Ligue de football professionnel et une chaîne de télévision. C'est une bonne nouvelle pour le FNDS, qui empochera probablement une dizaine de millions d'euros supplémentaires par rapport à ce qui était prévu dans son budget.
Mais ces lieux de spectacle extrêmement populaires que sont les stades sont aussi - plusieurs orateurs ont évoqué ce point - des lieux de violence, qui obligent les services de police à mobiliser des moyens humains et matériels considérables. Or je ne suis pas sûr que l'Etat facture aux organisateurs de ces manifestations ce que coûte cette mobilisation.
Je pense donc que le Sénat pourrait vous demander ce soir - il ne s'agit pas bien évidemment d'une d'injonction à l'endroit du Gouvernement - d'être extrêmement ferme à l'égard de la Ligue, en faisant en sorte que l'Etat puisse mettre à la charge des organisateurs de ces spectacles l'intégralité du coût de la mobilisation des forces de police et de sécurité pour assurer le bon déroulement de ces manifestations.
C'est dans l'intérêt et de l'Etat et du budget, car, je vous le rappelle, mes chers collègues, nous voterons la semaine prochaine un projet de budget qui se solde par un déficit de 45 milliards d'euros.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-François Lamour, ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, si le budget que je vous présente tient effectivement compte de la volonté de maîtrise des dépenses publiques engagée par le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin, les moyens budgétaires - c'est-à-dire le budget stricto sensu et le FNDS - ont augmenté de 25 millions d'euros depuis 2002. Certes, en termes de visibilité, le budget a baissé de 3 %, mais les moyens destinés au développement de la pratique sportive, à l'engagement de notre jeunesse et à la volonté d'accompagner la vie associative sont en augmentation constante depuis mon arrivée, au sein du Gouvernement, à la tête de ce ministère.
Aujourd'hui, nous avons appris le choix du titulaire des droits de retransmission télévisée pour le championnat de France de football de Ligue 1. Un unique diffuseur a obtenu l'exclusivité des droits, pour 600 millions d'euros. S'agit-il d'un montant excessif ? En tout cas, c'est certainement un montant très élevé, qui peut effectivement poser un certain nombre de questions. Mais, vous l'avez dit, monsieur le président Arthuis, 5 % de cette somme iront abonder le FNDS, soit environ 11,5 millions d'euros supplémentaires, qui permettront de valoriser les initiatives dans lesquelles les valeurs sociales et éducatives du sport sont rappelées.
Dans le cadre de la commission de gestion du FNDS, qui sera réunie à la fin du mois de janvier prochain, je proposerai d'allouer une part significative de ce surplus à l'accessibilité et au développement de la pratique handisport.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Très bien !
M. Jean-François Lamour, ministre. Et pourquoi pas aller, par exemple, jusqu'à 50 % de ce surplus ? Je rappelle d'ailleurs que j'ai quintuplé l'enveloppe destinée à la pratique handisport depuis mon arrivée au ministère !
Certes, ce n'est qu'une proposition que je fais là, car, je le rappelle, le FNDS est cogéré par le mouvement sportif. Mais je pense que le président Sérandour, l'ensemble des présidents de fédérations françaises et, bien sûr, les fédérations les plus concernées - handisport et sport adapté - sauront la prendre en considération.
Il me paraît en tout cas important, sur le plan symbolique, qu'un sport médiatique et populaire de très haut niveau vienne abonder ainsi le développement de la pratique handisport et l'accès de tous à la pratique du sport.
Monsieur Arthuis, vous avez évoqué le coût de la sécurité dans les stades et, surtout, hors des stades. Je citerai à cet égard un chiffre qui est tout de même assez significatif : pour le dernier match PSG-OM, 1 500 policiers ont été mobilisés, pour une facture de 400 000 euros.
A l'heure actuelle, les clubs paient une participation forfaitaire pour la mise en place des forces de police. S'agissant du Paris Saint-Germain, un contrat local de sécurité existe aujourd'hui pour le Parc des princes, qui permet de coordonner l'ensemble des forces de police.
Je rencontrerai par ailleurs MM. Dominique Perben et Dominique de Villepin le 17 décembre prochain pour étudier la mise en oeuvre de deux décrets importants : le décret relatif à la palpation, qui permet de fouiller véritablement l'ensemble des supporters avant qu'ils entrent dans les stades, et le dispositif obligeant un supporter jugé pour un fait de violence dans un stade à pointer dans un commissariat, ce qui n'est pas encore réellement le cas. En effet, bien que cette possibilité existe, elle n'est malheureusement pas encore réellement appliquée par les services du ministère de la justice. Je me permettrai, à cette occasion, de rappeler votre question à mes collègues Dominique Perben et Dominique de Villepin.
Monsieur Lagauche, vous avez évoqué la disproportion entre l'aide à l'accès au sport pour le plus grand nombre et les moyens dégagés pour le développement du sport de haut niveau, mais je ne vous suivrai pas sur les chiffres que vous avez cités.
Selon la présentation prévue par la LOLF , 290 millions d'euros sont consacrés à la promotion du sport pour le plus grand nombre, soit 58,35 % du budget, alors que le développement du sport de haut niveau n'en représente, avec 126 millions d'euros, que 25 %. Un véritable effort est donc fait en direction du sport pour tous, étant entendu, monsieur Lagauche - et vous en conviendrez certainement -, que, lorsque l'Etat met un euro dans le développement de la pratique sportive, les collectivités, en particulier les communes, en mettent dix fois plus.
A nous de concentrer les moyens distribués par le ministère sur un certain nombre de politiques importantes, qu'il s'agisse de « femmes et sport », du handisport, du développement de la pratique de haut niveau ou de la protection des sportifs. C'est un élément important de notre politique.
Le FNDS, outil majeur du développement du sport, sera transformé à la fin 2005 en CNDS, centre national pour le développement du sport. Je vous l'ai dit, ce sera un établissement public, cela a été acté avec Bercy. Il aura déjà dans son périmètre le chapitre 3, qui est destiné au sport pour tous, tant dans sa part nationale que dans sa part régionale, et le chapitre 12, c'est-à-dire en particulier les équipements sportifs. Il nous reste maintenant à définir d'autres ajustements, en particulier avec le mouvement sportif, pour déterminer le périmètre définitif du CNDS.
MM. Humbert et Dufaut ont évoqué la cartographie, qui est très importante pour le développement du sport. Bien évidemment, installation du CNDS et cartographie des équipements vont de pair. Nous ne pouvons nous engager dans l'élaboration d'un véritable aménagement du territoire en matière d'équipements sportifs que si nous disposons de cet élément.
Plusieurs questions m'ont été posées concernant le CIVIS, qui a effectivement rencontré un succès mesuré cette année. Je rappelle simplement que, dans le cadre du plan de cohésion sociale présenté par Jean-Louis Borloo, les contrats d'avenir et les contrats d'accompagnement permettront aux jeunes d'accéder à des emplois associatifs, notamment dans le domaine du sport.
J'ai déjà évoqué ce sujet avec mon collègue Jean-Louis Borloo et, dès le premier trimestre 2005, le contrat d'avenir pourra profiter en particulier à l'emploi sportif en milieu associatif, avec un véritable progrès par rapport au dispositif nouveaux emplois - nouveaux services, le fameux dispositif emplois-jeunes. En effet, une vraie formation sera associée au contrat d'avenir, ce qui, vous en conviendrez, n'existait pas ou existait très peu dans le dispositif emplois-jeunes.
Quant au « coupon sport », je vous l'ai déjà dit, il ne me satisfait pas car il amplifie l'inégalité dans la pratique sportive, en particulier entre jeunes garçons et jeunes filles. En effet, lorsque ces coupons sont distribués au niveau local, quand une famille doit choisir entre le garçon et la fille, c'est la plupart du temps le garçon qui bénéficie du coupon, les filles restant à la maison. C'est ce qui ressort d'une étude qui a été effectuée en 2001-2002 sur l'ensemble des politiques menées en direction de l'accès au sport des jeunes les plus défavorisés.
Il faut donc avoir une approche beaucoup plus globale, en utilisant notamment les contrats éducatifs locaux. Ce dispositif, qui fonctionne bien, concerne près de 9 000 communes, et je souhaite son extension à l'ensemble du territoire car il répond parfaitement à la priorité de l'accès au sport des plus défavorisés.
A travers une aide directe aux clubs ou, quand c'est possible, à travers le maintien du « coupon sport » - mais en relation particulièrement étroite avec l'Agence nationale pour les chèques-vacances, qui est le support technique de diffusion de ces coupons -, je ferai en sorte que les coupons soient plus attribués aux jeunes filles qu'aux jeunes garçons, car il y a une véritable disparité quant à l'allocation de ces moyens.
Je ferai également en sorte de développer les fonds départementaux d'aide à la pratique sportive des jeunes. Ce dispositif, qui répond aux préoccupations des clubs locaux et des jeunes, permet en effet aux familles les plus démunies d'inscrire leurs jeunes dans les clubs sportifs.
S'agissant du problème du dopage, que vous avez été plusieurs à évoquer, je me suis engagé dans une logique de coordination et de cohérence à l'échelon international, avec une augmentation, là aussi sensible, du budget pour 2005 en matière de préservation de la santé des sportifs.
On ne met pas 18 millions d'euros dans la lutte contre le dopage sans obtenir des résultats probants. Or il est clair, aujourd'hui, que nos résultats dans la lutte contre le dopage et contre le trafic des produits dopants ne sont pas assez efficaces. La seule façon de la rendre plus efficace, c'est d'être cohérents à l'échelon international. Et, vous l'avez rappelé, monsieur Lagauche, nous avons intégré la commission exécutive de l'Agence mondiale antidopage pour retrouver cette cohérence. Nous sommes donc totalement intégrés dans le concert international en matière de lutte antidopage.
C'est un point très constructif pour la candidature de Paris aux jeux Olympiques de 2012. A nous maintenant de modifier, au travers de la loi sur le sport, notre système législatif afin d'adopter le code mondial antidopage avant la date limite de février 2006 qui est fixée par l'Agence mondiale antidopage.
Monsieur Dufaut, vous avez évoqué la situation des médecins de l'Institut national du sport et de l'éducation physique, l'INSEP. Dans le cadre de la rénovation de cet institut, j'ai décidé d'engager un examen attentif du statut de son département médical, dont le personnel souffre d'un statut assez précaire. Dès 2005, trois créations d'emploi sont prévues : un kinésithérapeute et deux manipulateurs radio, afin d'utiliser un scanner qui, installé depuis quelque temps à l'INSEP, permet d'assurer le meilleur suivi médical possible aux sportifs.
J'ai demandé également à la direction des sports de veiller, dans le cadre des conventions d'objectif passées avec les fédérations, à mieux structurer la médecine fédérale et à établir des relais entre le département médical de l'INSEP et les médecins fédéraux.
J'ai évoqué tout à l'heure le coût de la sécurité dans les stades. Nous avons engagé une vraie campagne de sensibilisation et nous avons accordé des moyens aux fédérations sportives. La lutte contre les violences et les incivilités dans le sport a d'ailleurs été le premier chantier auquel je me suis attelé à mon arrivée au ministère de la jeunesse et des sports.
Nous allons maintenant travailler aux deux décrets d'application dont j'ai parlé tout à l'heure et nous allons faire en sorte de sensibiliser plus encore la Ligue de football professionnel.
M. Dufaut a rappelé les violences qui ont gangrené le dernier match entre le PSG et l'OM. J'ai demandé il y a quelques jours au président de la Ligue de football professionnel, M. Frédéric Thiriez, de faire en sorte que les arbitres, lorsqu'ils assistent à de tels actes, sifflent la fin du match et fassent rentrer les joueurs dans les vestiaires. Laisser un match se poursuivre alors que sont perpétrés de tels actes est en effet contraire à l'esprit du sport.
Certes, si le match est retransmis à la télévision, cela pose un problème à la Ligue en raison du coût de la retransmission. Cependant, pour éradiquer la violence dans les stades, il ne suffit pas de poster des milliers de policiers autour des stades ou des centaines de stadiers dans les stades : lorsque la violence s'installe et que le spectacle tourne à la pantomime, il faut l'arrêter.
Vous avez évoqué le soutien à la vie associative. Pour la première fois, le ministère dispose d'un budget identifié de 13 millions d'euros destiné à la vie associative. Mais je ne pense pas, monsieur Voguet, qu'il s'agisse seulement d'un problème de moyens. En effet, le fonctionnement des associations est lié aux relations de proximité qu'elles entretiennent avec les collectivités locales. En revanche, ces 13 millions d'euros vont nous permettre de développer un vrai programme de formation pour les bénévoles et de mieux structurer les réseaux d'associations. Or, aujourd'hui, ce qui pénalise vraiment la vie associative, c'est son incapacité à trouver une donnée, une référence, une expertise, un conseil.
J'ai mis en place les CRIB, les centres de ressources et d'information pour les bénévoles, et je vais les évaluer dans le courant du deuxième semestre de 2005. S'ils fonctionnent bien, je déciderai de les étendre à l'ensemble du secteur associatif dans chaque département.
A la demande du Premier ministre, je mettrai en place, M. Murat l'a annoncé tout à l'heure, la conférence nationale du développement associatif, qui rendra ses conclusions en juin 2005 et qui nous permettra de travailler sur un certain nombre de thématiques comme la responsabilité civile - c'est-à-dire la couverture des bénévoles -, la notion d'intérêt général pour les associations, ou encore l'accès à un certain nombre de produits financiers pour les associations afin de garantir leur activité et de leur permettre de développer leurs actions dans un secteur qui est de plus en plus présent dans la vie de notre pays.
Les associations ont besoin d'être accompagnées, mais nous ne devons pas leur laisser penser, comme cela a été le cas avec le dispositif emplois-jeunes, que l'Etat est là pour subvenir à leurs besoins en matière de création d'emplois : nous savons dans quelle impasse se trouve le monde associatif, rien n'ayant été prévu pour la pérennisation de ces emplois-jeunes. (M. Jean-François Voguet proteste.) Non, monsieur Voguet, rien n'a été prévu, vous le savez très bien, et les associations sont aujourd'hui dans l'impasse. Mais cette situation sera corrigée grâce aux contrats d'avenir proposés par Jean-Louis Borloo.
J'ai également décidé de mettre en place un carnet de vie du bénévole, qui va permettre de concentrer l'ensemble de ces actions en direction du bénévolat et de les valoriser.
Enfin, je vous proposerai prochainement un projet de loi concernant le volontariat, cette forme la plus aboutie du bénévolat qui permettra, répondant ainsi à la demande du secteur associatif, de trouver de nouvelles ressources humaines afin de faire aboutir les projets associatifs. Il s'agira notamment que des jeunes aient, pour la première fois, accès à l'engagement bénévole et qu'ils remplacent une génération vieillissante afin de redonner du dynamisme à un secteur qui a dépassé le million d'associations.
Nous avons enfin engagé la restructuration des dispositifs « Envie d'agir » et « Défis jeunes », qui permettent d'accompagner un jeune à partir du moment où il souhaite s'engager et lui offrent l'opportunité du dialogue par le biais du Conseil national de la jeunesse. Ce dernier était en sommeil à mon arrivée, et il va retrouver le chemin du dialogue sur des thèmes comme celui de l'Europe, pour que les jeunes participent activement à la vie démocratique de notre société. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant le ministère des sports et figurant aux états B et C.
État b
Titre III : 63 176 373 €.
Mme la présidente. Je mets aux voix les crédits figurant au titre III.
(Ces crédits sont adoptés.)
Titre IV : moins 77 800 043 €.
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie David, sur les crédits du titre IV.
Mme Annie David. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, malgré l'heure tardive j'aimerais vous faire part de notre attachement aux activités physiques et sportives pour toutes et tous et dans toutes les disciplines.
Parmi toutes les disciplines sportives, la plus difficile pour les femmes est bien celle de l'accession même au sport.
Tout au long du XXe siècle, elles ont dû - et elles doivent encore au XXIe siècle - lutter contre les stéréotypes sexistes et la domination des hommes au sein des structures sportives. Aussi, on peut se réjouir que, sur l'initiative de Geneviève Fraisse, le Parlement européen ait adopté, le 5 juin 2003, une résolution sur la place des femmes dans le sport engageant l'Union européenne à agir en faveur de l'effectivité de l'égalité d'accès au sport scolaire, de loisir et de haut niveau. Mais la France, quant à elle, accuse un sérieux retard !
Monsieur le ministre, vous nous avez parlé du rapport de Mme Deydier, qui est riche de propositions destinées à renforcer le rôle des femmes dans l'activité sportive ; mais, à la lecture de votre budget, je n'ai pas vraiment vu comment vous permettrez leur réalisation.
Pourtant, la tâche est immense, tant pour développer la place des femmes dans les instances dirigeantes que pour leur permettre la pratique sportive, notamment dans les quartiers sensibles, comme l'a souligné Alain Dufaut.
Le poids des mentalités, la présence historiquement masculine dans les structures, la saturation dans l'utilisation des équipements et, depuis ces dernières années, le développement d'un certain communautarisme excluent davantage l'accès des filles et des femmes aux activités sportives.
II me semble fondamental, dans le même temps, de travailler en profondeur sur le thème de l'éducation à l'égalité pour tenter d'annihiler la reproduction des stéréotypes qui conditionnent les modes de fonctionnement des deux sexes. Et l'enseignement des activités physiques et sportives participe grandement à cette éducation de la citoyenneté.
Aussi, je partage pleinement la proposition de Mme Deydier d'aider davantage le sport scolaire en zone urbaine sensible. Or, si l'éducation physique et sportive a acquis une place dans le système éducatif, elle est encore bien en deçà du souhaitable, notamment chez les filles. Ainsi, Annick Davisse montre, dans son article « Elles papotent, ils gigotent. L'indésirable différence des sexes », comment on assiste à une évolution des comportements des adolescents. Les garçons se désintéressent de la lecture, favorisant leurs activités sportives ; en revanche, les filles procèdent de manière inverse. C'est là toute la question du contenu de la culture commune. Pour ma part, je souhaite oeuvrer pour que filles et garçons acquièrent ces deux enseignements fondamentaux.
En lycée professionnel l'écart est encore plus grand puisque, selon les indications de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale, L'INSERM, seules 27 % des filles contre 60 % des garçons affirment faire du sport en dehors de l'école.
Plus que jamais, nous devons mettre l'accent sur l'importance de la pratique sportive à l'école et sur la nécessité de placer les filles et les garçons en situation de mixité sportive dès la maternelle et le primaire.
Sur ce point quels sont les moyens que vous allez allouer, quelle concertation avez-vous eu avec votre collègue en charge de l'éducation nationale ?
Les annonces faites par M. Fillon ces dernières semaines vont dans le sens d'un recul considérable pour l'éducation physique et sportive. Dois-je vous rappeler, monsieur le ministre, la bataille des étudiants en sciences et techniques des activités physiques et sportives de l'an dernier ?
Ce renoncement se fait pourtant au moment où bien des forces s'évertuent à promouvoir Paris comme lieu d'implantation des jeux Olympiques de 2012, où l'Europe a déclaré 2004 « année européenne de l'éducation par le sport » et où l'ONU a déclaré 2005 « année internationale du sport et de l'éducation physique ».
J'espère, monsieur le ministre, que vous aurez à coeur de défendre auprès de votre collègue cette discipline qui vous est chère.
En attendant, monsieur le ministre, l'entreprise pour faire de la parité en sport une réalité est titanesque et les moyens que vous y consentez sont inversement proportionnels, pour ne pas dire inexistants.
Mme la présidente. Monsieur le ministre, je vous donne la parole pour répondre à cette profession de foi en faveur de l'égalité des femmes. Elles le méritent ! M. le président de la commission des finances a d'ailleurs salué leur présence dans l'hémicycle.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Une présence majoritaire !
Mme la présidente. Elles étaient en effet majoritaires ce matin, je remercie le président de la commission des finances de le rappeler.
Vous avez la parole, monsieur le ministre.
M. Jean-François Lamour, ministre. Madame David, vous me faites vraiment un mauvais procès.
Vous savez très bien que, dès mon arrivée à la tête du ministère, je me suis effectivement préoccupé de la place de la femme dans le sport, et je ne l'ai pas fait simplement au travers de la mission de Mme Deydier et du colloque EWS qui s'est déroulé en avril dernier !
Nous faisons beaucoup et je peux vous assurer, par exemple, que, dans le cadre des conventions d'objectifs qui vont être négociés avec les fédérations, il sera tenu compte de l'effort qu'elles auront fourni pour que, à l'occasion de leurs élections, la proportionnalité soit respectée ou, tout du moins, pour que les femmes soient davantage présentes dans leurs instances dirigeantes. Vous en jugerez par vous-même au regard des conventions qui seront signées avec les fédérations. Cela risque d'ailleurs de faire grincer les dents de certains présidents de fédérations.
Par ailleurs, j'ai décidé de mettre en place un centre de ressource national qui sera installé au sein du CREPS de la région PACA dès cette année. Ce centre, qui sera le premier des deux ou trois centres de ressource nationaux qui seront installés cette année, sera donc le centre « femmes et sport ». Il sera doté des moyens nécessaires pour valoriser les initiatives allant dans le sens de l'accueil des jeunes filles, en particulier dans les clubs sportifs, partout dans notre pays.
Je travaille également, en liaison avec mon collègue François Fillon, à la préservation de la pratique sportive à l'école.
Vous vous souvenez par ailleurs que, lorsque ont été invoqués les problèmes de créneaux horaires pour limiter l'accès aux piscines, je m'étais totalement opposé à cette attitude. Mais vous savez aussi que les jeunes filles, pour différentes raisons, rechignent parfois à effectuer leurs heures d'éducation physique et sportive dans les collèges et les lycées. Je travaille également sur ces questions avec mon collègue François Fillon.
Mme Annie David. Cela méritait d'être dit !
Mme la présidente. En effet.
Je mets aux voix les crédits figurant au titre IV.
(Ces crédits sont adoptés.)
État C
Titre V. - Autorisations de programme : 6 950 000 € ;
Crédits de paiement : 2 066 000 €.
Mme la présidente. Je mets aux voix les autorisations de programme et les crédits de paiement figurant au titre V.
(Ces crédits sont adoptés.)
Titre VI. - Autorisations de programme : 8 730 000 € ;
Crédits de paiement : 4 290 000 €.
Mme la présidente. Je mets aux voix les autorisations de programme et les crédits de paiement figurant au titre VI.
(Ces crédits sont adoptés.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-François Lamour, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, comme l'a fait mon collègue Gilles de Robien tout à l'heure, je voudrais - très brièvement car il est tard - vous remercier d'avoir bien voulu débattre de ce budget du ministère de la jeunesse, des sports et de la vie associative.
Ce budget est certes raisonnable, mais il permet néanmoins de développer en France une forte activité dans ces trois domaines.
L'objectif principalement visé et qui sera, vous le constaterez, un formidable accélérateur pour le développement du sport dans notre pays - en particulier pour les jeunes - et, surtout, un révélateur du dynamisme de la vie associative, est bien évidemment la candidature de Paris, et de la France, aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2012. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. Monsieur le ministre, nous souhaitons tous que cette candidature aboutisse !
Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant le ministère de la jeunesse, des sports et de la vie associative.
6
TRANSMISSION D'UN PROJET DE LOI
Mme la présidente. J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi de finances rectificative pour 2004, adopté par l'Assemblée nationale.
Le projet de loi sera imprimé sous le n° 112, distribué et renvoyé à la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
7
transmission D'UNE PROPOSITION DE LOI
Mme la présidente. J'ai reçu de M. le président de l'Assemblée nationale une proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale, relative aux compétences du tribunal d'instance, de la juridiction de proximité et du tribunal de grande instance.
La proposition de loi sera imprimée sous le n° 111, distribuée et renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
8
TEXTES SOUMIS AU SÉNAT EN APPLICATION DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION
Mme la présidente. J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de règlement du Conseil instituant certaines mesures restrictives spécifiques à l'encontre de certaines personnes et entités au regard de la situation en Côte d'Ivoire.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-2786 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de règlement du Conseil imposant des mesures de restriction à l'égard de l'assistance en rapport avec des activités militaires en Côte d'Ivoire.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-2787 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Projet de décision du Conseil en vue de rendre la procédure visée à l'article 251 du traité instituant la Communauté européenne applicable à certains domaines couverts par le titre IV de la troisième partie dudit traité.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-2788 et distribué.
9
ordre du jour
Mme la présidente. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au lundi 13 décembre 2004 à neuf heures trente, seize heures et le soir :
Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2005, adopté par l'Assemblée nationale (nos 73 et 74, 2004-2005) (M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation).
Deuxième partie. - Moyens des services et dispositions spéciales :
- Budgets annexes de l'Ordre de la Légion d'Honneur et de l'Ordre de la Libération :
M. Jean-Pierre Demerliat, rapporteur spécial (rapport n° 74, annexe n° 39).
- Justice :
M. Roland du Luart, rapporteur spécial (rapport n° 74, annexe n° 27) ;
M. Yves Détraigne, rapporteur, pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale (services généraux, avis n° 79, tome IV) ;
M. Philippe Goujon, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale (administration pénitentiaire, avis n° 79, tome V) ;
M. Nicolas Alfonsi, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale (protection judiciaire de la jeunesse, avis n° 79, tome VI).
(Procédure de questions et de réponses avec un droit de réplique des sénateurs)
- Articles de la deuxième partie non rattachés à l'examen des crédits :
Aucun amendement aux articles de la deuxième partie n'est plus recevable.
Scrutin public à la tribune
En application de l'article 60 bis, troisième alinéa du règlement, le vote sur l'ensemble du projet de loi de finances pour 2005 aura lieu, de droit, par scrutin public à la tribune, à la fin de la séance du mardi 14 décembre 2004.
Délai limite pour les inscriptions de parole et pour le dépôt des amendements
Question orale avec débat (n° 6) de M. Jean-Paul Emorine à M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer sur le service garanti dans les transports publics de voyageurs ;
Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mardi 14 décembre 2004, à dix-sept heures.
Question orale avec débat (n° 9) de M. Robert Bret à M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer sur le devenir de la Société Nationale Corse Méditerranée (SNCM) ;
Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mardi 14 décembre 2004, à dix-sept heures.
Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés (n° 356, 2003-2004) ;
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 15 décembre 2004, à dix-sept heures ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 15 décembre 2004, à douze heures.
Projet de loi organique, adopté par l'Assemblée nationale, modifiant la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (n° 69, 2004-2005) ;
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 15 décembre 2004, à dix-sept heures ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 15 décembre 2004, à seize heures.
Projet de loi de finances rectificative pour 2004 (A.N., n° 1921) ;
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : jeudi 16 décembre 2004, à dix-sept heures ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : jeudi 16 décembre 2004, à seize heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée le samedi 11 décembre 2004, à trois heures quinze.)
La Directrice
du service du compte rendu intégral,
MONIQUE MUYARD