PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet
M. le président. La séance est reprise.
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Questions d'actualité au Gouvernement
M. le président. L'ordre du jour appelle les réponses à des questions d'actualité au Gouvernement.
Je salue la présence dans notre hémicycle de M. le Premier ministre, que je remercie d'être parmi nous pour cette séance de questions d'actualité au Gouvernement.
Je rappelle que l'auteur de la question, de même que le ministre pour sa réponse, disposent chacun de deux minutes trente.
refus des conseils régionaux de signer le transfert des personnels tos
M. le président. La parole est à M. Henri Revol.
M. Henri Revol. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.
M. Roland Muzeau. Et de la police, depuis ce matin !
M. Henri Revol. Monsieur le ministre, je souhaite attirer votre attention sur une situation d'une exceptionnelle gravité.
Mardi dernier, les présidents des conseils régionaux socialistes (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) ont refusé de signer avec l'Etat les conventions relatives au transfert aux régions des personnels non enseignants des lycées, c'est-à-dire des personnels techniciens, ouvriers et de service, couramment appelés TOS.
M. Yannick Bodin. Bravo !
M. Jacques Mahéas. Ils ont raison !
M. Henri Revol. De quoi s'agit-il ? La loi que le Parlement a votée prévoit, pour la prochaine rentrée scolaire, le transfert des personnels TOS des lycées aux régions, comme cela s'est fait, sans heurts, voilà longtemps, pour les écoles primaires avec les communes.
Aujourd'hui, des exécutifs locaux, alors que rien ne les y autorise, refusent de respecter la loi de République.
M. Yannick Bodin. Ils ont bien fait !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est un transfert de charges !
M. Raymond Courrière. Et que faites-vous de la démocratie ?
M. Henri Revol. Pendant des mois, nous avons entendu les socialistes expliquer que l'augmentation de la fiscalité régionale n'était que la conséquence des lois de décentralisation.
M. Raymond Courrière. C'est vrai !
M. Jacques Mahéas. C'est tout à fait exact !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Vous le savez bien !
M. Henri Revol. Or le transfert intégral des ressources aux collectivités est financé, vous le savez, à l'euro près, comme le veut la Constitution, et ce sous le contrôle du Conseil constitutionnel.
M. Raymond Courrière. C'est faux !
M. Henri Revol. Comment expliquer que la fiscalité régionale ait progressé, pour cette seule année, de 16 % à 60 % dans les vingt régions socialistes, contre moins de 4 % en Alsace et en Corse ?
M. Yannick Bodin. Ce n'est pas vrai !
M. Charles Revet. Si !
M. Henri Revol. Enfin, plus grave, comment peut-on admettre que des élus du suffrage universel refusent d'appliquer la loi ? Quel exemple pour nos concitoyens ! Comment demander aux jeunes de respecter les lois quand les élus donnent un exemple aussi scandaleux ?
M. Raymond Courrière. Vous êtes un provocateur !
M. le président. Veuillez poser votre question, monsieur Revol.
M. Jean-Pierre Sueur. Oui, la question !
M. Henri Revol. Monsieur le ministre, ma question est simple : quelles dispositions envisagez-vous pour faire appliquer la loi, garantir l'accueil de nos enfants dans les lycées à la rentrée prochaine et rassurer les personnels désorientés qui ne savent pas de quelle autorité ils dépendront ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Raymond Courrière. Il fallait les garder !
M. Jacques Mahéas. C'est vous qui posez la question ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. François Fillon, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le sénateur, le Parlement de la République a voté une loi...
M. Raymond Courrière. Mauvaise !
M. François Fillon, ministre. ... qui prévoit le transfert des personnels TOS aux régions et aux départements.
M. Raymond Courrière. Un transfert imposé !
M. François Fillon, ministre. M. le Premier ministre et moi-même avons d'ailleurs signé lundi, avec la région Alsace - et dans d'excellentes conditions pour elle -, la première convention de transfert des personnels TOS.
M. Raymond Courrière. Favoritisme !
M. François Fillon, ministre. Cette loi, comme les autres, s'applique sur l'ensemble du territoire de la République.
M. Jackie Pierre. Bien sûr !
M. François Fillon, ministre. Il n'est pas acceptable que l'ensemble d'un échelon territorial dirigé par l'opposition s'oppose à la mise en oeuvre d'une loi de la République. Je pense que ce n'est jamais arrivé dans l'histoire de la République française. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
J'ai moi-même présidé une région. J'aurais eu de nombreuses occasions de refuser d'appliquer des textes qui émanaient de la majorité de l'époque.
Ainsi, nous n'étions pas d'accord avec le dispositif des emplois-jeunes.
M. Raymond Courrière. Vous l'avez saboté !
M. François Fillon, ministre. Nous l'avons néanmoins mis en oeuvre parce qu'il s'agissait de la politique de la République.
M. Jacques Mahéas. Ils sont frappés d'amnésie !
M. François Fillon, ministre. Le transfert de responsabilité en matière de transports ferroviaires régionaux s'est fait dans des conditions qui, c'est le moins que l'on puisse dire, n'étaient pas transparentes. En outre, le coût de ce transfert était très élevé pour les régions. Pourtant, nous l'avons assumé parce que c'était l'intérêt des populations et parce que c'était la loi de la République.
M. Raymond Courrière. Provocateur !
M. Yannick Bodin. Surtout parce que cela fonctionnait bien !
M. François Fillon, ministre. L'attitude des conseils régionaux socialistes, qui prennent leurs instructions rue de Solferino, n'est conforme ni à l'esprit de la République ni au bon fonctionnement de nos institutions. (Applaudissements sur les mêmes travées.)
C'est une attitude - une de plus ! - qui donne une très mauvaise image de la décentralisation, alors que celle-ci a encore beaucoup de progrès à faire dans notre pays.
Monsieur Revol, vous nous demandez ce que le Gouvernement entend prendre comme dispositions.
M. Yannick Bodin. Rien !
M. François Fillon, ministre. C'est très simple, car nous ne ferons qu'appliquer la loi, qui a prévu que les régions refusant de signer les conventions se verront transférer les personnels TOS dans des conditions fixées par une commission nationale de conciliation paritaire. Cette commission, que le ministère de l'intérieur est en train de mettre en place, rendra ses premiers arbitrages à la fin du mois de juin. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.- Exclamations continues sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. Je vous invite à la sérénité, mes chers collègues !
crise dans les services d'urgence
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. Ma question s'adresse à M. le secrétaire d'Etat à l'assurance maladie.
Monsieur le secrétaire d'Etat, jusqu'à ce jour, le système français de santé passait pour être l'un des meilleurs du monde. Il est vrai qu'il garantit la permanence et la qualité des soins ainsi que l'universalité de l'accès aux soins : il n'y a de régulation ni par la pénurie, ni par la file d'attente, ni par l'argent.
On explique généralement cette situation par la coexistence organisée d'un secteur médical libéral et d'un service public hospitalier, par une bonne articulation entre médecins généralistes et médecins spécialistes.
La crise des urgences pourrait bien être, plus qu'un problème sectoriel, la partie visible d'une crise plus profonde de ce modèle. Faisant aujourd'hui l'actualité dans les villes, elle existe depuis longtemps dans les zones rurales dont les habitants n'ont même pas la possibilité de se retourner vers un service d'urgences, même saturé !
Voilà trois ans, après une grève des gardes qui dura six mois, les médecins généralistes - les seuls à avoir cette obligation - ont obtenu de M. Mattei la revalorisation des tarifs de leurs consultations et l'organisation des gardes sur la base du volontariat et non plus de l'obligation : heureux mortels !
Aujourd'hui, ce sont les urgentistes hospitaliers, à l'appel de l'Association des médecins urgentistes hospitaliers de France, qui sont en grève illimitée. Il faut saluer leur sens de l'intérêt général puisqu'ils assurent malgré tout leur service.
Monsieur le secrétaire d'Etat, où en est-on de l'application du plan d'urgence prévu en 2003, d'une « ambition jamais égalée », selon M. Mattei, mais visiblement d'une efficacité douteuse ?
Où en est-on de la généralisation des maisons médicales et autres maisons de gardes, dotées d'un médecin régulateur des appels ? On sait pourtant que de tels établissements permettent de supprimer entre 60 % et 75% des interventions immédiates, allégeant d'autant la charge de travail des généralistes et des urgentistes. Pourquoi avance-t-on si lentement ?
Où en est-on du développement des capacités d'accueil, aujourd'hui saturées, dans les filières situées en aval des urgences qui reçoivent les personnes âgées, notamment des courts et moyens séjours dans les hôpitaux et de la médicalisation des maisons de retraites ?
Où en est-on du décret définissant les modalités d'organisation de la permanence des soins ? Il vient, nous a-t-on dit, d'être transmis au Conseil d'Etat. Quand sera-t-il publié ? Pensez-vous, monsieur le ministre, maintenir le volontariat comme principe unique d'organisation, même si l'on en voit aujourd'hui les limites - c'est le moins que l'on puisse dire - ou prévoyez-vous un engagement plus fort de l'Etat ?
Enfin, ne croyez-vous pas qu'il serait temps de mettre à plat l'ensemble du dispositif et d'organiser, avec tous les acteurs, ce que certains appellent une « conférence nationale », et d'autres un « Grenelle des urgences » ? Si cela devait se terminer par un « Yalta », comme on a pu l'entendre, cela signifierait que le modèle français d'organisation du système de santé, fondé sur la coopération, aurait vécu et que ce qui aurait dû être fait ne l'aurait pas été ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Xavier Bertrand, secrétaire d'Etat à l'assurance maladie. Monsieur le sénateur, le dossier que vous évoquez constitue l'une des priorités de l'action que je conduis avec M. Philippe Douste-Blazy et nous sommes l'un et l'autre totalement mobilisés.
Quelle est la situation ?
Tout d'abord, je tiens à confirmer à la Haute Assemblée que le plan Urgences 2004 est appliqué. Aux 150 millions d'euros débloqués au titre de l'année 2004 ...
M. François Autain. Sur quel budget ?
M. Xavier Bertrand, secrétaire d'Etat. ... il faut ajouter la création de 2 700 postes et l'ouverture de 2 200 lits. Pour 2005, l'effort consenti représente 175 millions d'euros.
M. Philippe Douste-Blazy et moi-même, animés de la volonté de conduire une politique « sur mesure », veillerons à ce que les moyens, qui sont importants, correspondent bien aux besoins constatés dans chacune des différentes régions. D'où l'instruction du ministre de la santé, donnée vendredi dernier à toutes les agences régionales de l'hospitalisation, de mettre en place, au cours de la présente semaine, une commission régionale permanente sur les urgences afin d'évaluer les besoins avec précision.
Seize régions ont déjà réuni leur commission, les six autres le feront demain. Nous pourrons alors dresser un bilan.
Par ailleurs, nous réunirons demain au ministère de la santé les associations d'urgentistes et le directeur de l'hospitalisation et de l'organisation des soins pour faire avec eux le point sur la situation.
J'ajoute, pour apaiser votre inquiétude, monsieur le sénateur, que, au titre du plan Hôpital 2007, 674 millions d'euros ont déjà été débloqués pour financer 194 opérations réparties sur tout le territoire. Dans de nombreux établissements, les services d'urgences, qui ont longtemps été saturés, avaient besoin de nouveaux équipements et de nouveaux locaux. C'est chose faite grâce au plan Hôpital 2007.
Mme Hélène Luc. Je vous invite à visiter le service des urgences de Brunoy !
M. Xavier Bertrand, secrétaire d'Etat. Nous sommes donc mobilisés. Les moyens existent et nous nous assurons, nous, qu'ils correspondent bien aux besoins. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Jacques Mahéas. Et les généralistes ?
M. Yannick Bodin. Et pendant ce temps-là, les malades attendent dans les couloirs !
chiffres de l'assurance maladie
M. le président. La parole est à M. Claude Biwer.
M. Claude Biwer. Ma question s'adresse également à M. le secrétaire d'Etat à l'assurance maladie, qui pourra ainsi compléter sa réponse dans le domaine de l'assurance maladie.
Voilà quelques jours à peine nous parvenaient des chiffres alarmants relatifs aux comptes de la sécurité sociale. Une note d'analyse et de prévision de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale, l'ACOSS, indiquait que,'à la fin du mois de juin de cette année, le trou de la sécurité sociale pourrait dépasser de un milliard d'euros le déficit attendu par le Gouvernement.
Les dépenses de santé devraient augmenter de 6,6 % au deuxième trimestre de 2005, ce qui est bien supérieur à l'objectif national de dépenses d'assurance maladie, l'ONDAM, voté à la fin de l'année 2004.
Hier, M. Douste-Blazy a démenti avec éclat ces prévisions inquiétantes. Les comptes de la sécurité sociale en général, et ceux de l'assurance maladie en particulier, seraient, selon les services du ministère, bien meilleurs que prévu. Le régime général n'aurait accusé l'an dernier qu'un déficit de 12 milliards d'euros, contre 14 milliards d'euros prévus lors de la réunion de la commission des comptes de la sécurité sociale, en septembre.
Le solde négatif de la branche maladie serait ramené à 11,6 milliards d'euros au lieu des 13,2 milliards d'euros prévus.
M. Raymond Courrière. Ce n'est pas grâce à ce gouvernement !
M. Claude Biwer. L'augmentation des dépenses de remboursement aurait été limitée au second semestre 2004, ce qui ramènerait la croissance des dépenses de santé à 4,9 % pour l'année 2004. Vous préparez d'ailleurs une campagne de publicité dans les médias pour remercier nos concitoyens.
M. Raymond Courrière. Il se contente de peu !
M. Claude Biwer. Dans cette bataille de chiffres, monsieur le secrétaire d'Etat, à quel saint pouvons-nous nous vouer ? Tandis que vos bonnes nouvelles concernent l'année passée, les mauvais augures de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale, l'ACOSS, nous parlent, eux, du premier semestre 2005, c'est-à-dire de l'avenir. La confrontation de ces deux points de vue ne révèle-t-elle pas la fragilité de l'embellie observée ? N'est-il pas un peu tôt pour se réjouir ? (Marques d'assentiment sur les travées du groupe socialiste.)
Je souhaiterais, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous nous rassuriez sur ces différents points.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Et vous avez raison !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Xavier Bertrand, secrétaire d'Etat à l'assurance maladie. Monsieur le sénateur, il est certainement trop tôt pour crier victoire (Exclamations sur les travées du groupe socialiste), mais non pour regarder la réalité.
M. François Autain. Alors, regardons-la !
M. Xavier Bertrand, secrétaire d'Etat. Vous savez qu'il faut toujours se méfier des spéculations et des prévisions, aussi.
Moi, je crois à la vérité des chiffres !
M. François Autain. Allons-y !
M. Xavier Bertrand, secrétaire d'Etat. Faut-il le rappeler, l'ACOSS est avant tout le banquier, le trésorier de la sécurité sociale. Or, monsieur le sénateur, si, au cours d'une année, vous avez dépensé plus que vous n'avez gagné, il se peut qu'à un moment donné, vous soyez à découvert ! C'est ce que constate l'ACOSS aujourd'hui.
M. Jacques Mahéas. On est à découvert quand on a payé ses impôts !
M. Xavier Bertrand, secrétaire d'Etat. On peut aussi être à découvert à la rentrée, quand on a payé ses impôts locaux, dans certaines régions notamment. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Tout cela vole bien bas !
M. François Autain. Il n'a pas beaucoup d'arguments !
M. Xavier Bertrand, secrétaire d'Etat. Aujourd'hui, ces prévisions ne sont que des spéculations ! En revanche, regardons la réalité des chiffres, monsieur le sénateur. Les chiffres que nous avons annoncés hier avec M. Philippe Douste-Blazy ne sont pas sortis de nos services : ce sont les chiffres officiels.
En 2004, nous projetions qu'il y aurait un déficit de 13,2 milliards d'euros pour la seule assurance maladie, or il n'a été que de 11,6 milliards d'euros !
M. François Autain. En augmentation sur celui de 2003 !
M. Xavier Bertrand, secrétaire d'Etat. La première raison tient à la progression des recettes et la deuxième, essentielle, au très net ralentissement des dépenses d'assurance maladie.
M. François Autain. Il raconte n'importe quoi !
M. Xavier Bertrand, secrétaire d'Etat. La réforme - il est vrai - ne s'applique pleinement qu'à partir du premier janvier 2005, mais nous savons aujourd'hui que les Français, eux, ont commencé à modifier leur comportement avant même cette date.
M. François Autain. C'est la méthode Coué ! Il ne croit même pas à ce qu'il dit !
M. Xavier Bertrand, secrétaire d'Etat. En ce qui concerne ces différentes données, mesdames, messieurs les sénateurs, depuis le début de l'année, la tendance se confirme.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur le secrétaire d'Etat !
M. Xavier Bertrand, secrétaire d'Etat. Au cours des deux premiers mois de l'année 2005, les dépenses au titre des soins de ville ont augmenté de 1,6 % et les arrêts de travail ont baissé de 5 %.
M. Didier Boulaud. J'ai déjà entendu cela quelque part !
M. Xavier Bertrand, secrétaire d'Etat. Ce sont autant de bonnes nouvelles. Toutefois, nous restons très vigilants, et nous serons persévérants, car nous savons que nous ne sommes pas seuls. Nous avons, en effet, compris que les Français sont avec nous pour sauver la sécurité sociale. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau.
M. Roland Muzeau. Monsieur le Premier ministre, je tiens tout d'abord à vous faire part de notre plus vive indignation quant aux violences policières dont ont été victimes des centaines de lycéens, ce matin. Un gouvernement qui agresse la jeunesse de son pays est totalement discrédité. (Protestations sur les travées de l'UMP.)
J'en viens à ma question, qui s'adresse elle aussi à M. le secrétaire d'Etat à l'assurance maladie.
Partie du terrain depuis plus de quinze jours, la grève des SAMU et des services d'urgence de l'Ouest, s'est généralisée.
Le mardi 5 avril, 74 % des personnels urgentistes étaient en grève dans les centres hospitaliers universitaires, 92 % dans les centres hospitaliers, que ce soit ceux de Rennes, de Caen, de Bordeaux ou de Paris. Dans mon département, c'était le cas des hôpitaux Louis Mourier, Antoine Béclère et de bien d'autres encore.
Malgré l'autosatisfaction du Gouvernement et son affichage d'un plan de rénovation des urgences, le vécu concret, rural et urbain, c'est la pénurie : faire toujours plus avec moins de moyens, comme l'a mis en lumière le conflit à l'hôpital psychiatrique de Pau.
Les services d'urgence sont en permanence saturés ; les malades attendent un lit dans les couloirs. Les personnels dénoncent leurs conditions de travail, le sous-effectif et les non-remplacements. Ils s'inquiètent de l'agressivité résultant de cette situation explosive dont, pourtant, ils ne sont pas responsables.
Ce nouveau conflit révèle le dysfonctionnement général de notre système de soins. Il témoigne de la crise profonde qui agite l'hôpital public, étranglé financièrement, contraint de fonctionner comme une entreprise à cause de votre politique désastreuse et de votre réforme de l'assurance maladie. (M. Pierre Hérisson proteste.)
Si, aujourd'hui, les patients se pressent aux urgences, c'est avant tout parce que les autres portes d'accès aux soins se sont progressivement fermées.
M. François Autain. Très juste !
M. Roland Muzeau. Grâce à M. Mattei, les médecins libéraux ont récusé le caractère obligatoire des gardes, et le Gouvernement a désorganisé la permanence des soins.
M. François Autain. Absolument !
M. Raymond Courrière. C'est vrai !
M. Roland Muzeau. Si, aujourd'hui, les services d'urgence explosent, c'est surtout parce qu'il est impossible d'hospitaliser rapidement les patients dans les services adéquats, faute de lits en nombre suffisant. C'est, là encore, monsieur le secrétaire d'Etat, le résultat de vos choix.
A votre demande, l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris, l'AP-HP, poursuit son plan d'économies, programmant la suppression de deux mille emplois et la condamnation de six cents lits de long séjour.
Monsieur le secrétaire d'Etat, allez-vous, enfin, décider de sortir du carcan financier de l'Europe libérale, qui prive l'hôpital des moyens de ses missions de service public et qui remet en cause le droit à la santé et à la protection sociale ? (Protestations sur les travées de l'UMP.)
Que répondez-vous face à ce qui est unanimement considéré comme un impératif : réunir l'ensemble des acteurs libéraux et hospitaliers de la santé et décider d'un moratoire sur les fermetures de lits ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat, qui est décidément à l'ouvrage aujourd'hui !
M. Xavier Bertrand, secrétaire d'Etat à l'assurance maladie. Monsieur le sénateur, sachez que, si M. Philippe Douste-Blazy, ministre des solidarités, de la santé et de la famille ne peut pas être au Sénat cet après-midi pour répondre à vos questions, c'est parce qu'il est à l'hôpital de Roubaix, où il rencontre les urgentistes. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Monsieur le sénateur, vous ne pouvez pas dire que, aujourd'hui, toutes les portes d'accès aux soins se ferment. Nous sommes en effet mobilisés tant sur la question des urgences à l'hôpital, que sur celle de la permanence des soins pour les médecins libéraux.
Mme Hélène Luc. Le décret n'est pas paru !
M. François Autain. C'est gonflé !
M. Xavier Bertrand, secrétaire d'Etat. Il ne sert à rien, monsieur le sénateur, de chercher à opposer les uns aux autres, (Sourires sur les travées du groupe CRC), parce que la médecine est un tout.
M. François Autain. C'est vous qui opposez les uns aux autres !
M. Xavier Bertrand, secrétaire d'Etat. Il faut donc avant tout examiner le parcours du patient qui a besoin d'être pris en charge.
Laissez-moi vous apporter un certain nombre de précisions.
Un décret sur la permanence des soins a été étudié hier par le Conseil d'Etat ; il est, aujourd'hui, à la signature des ministres concernés ; il sera publié à la fin de cette semaine.
Mme Hélène Luc. Il aura mis le temps !
M. Xavier Bertrand, secrétaire d'Etat. Dès lundi prochain, avec M. Philippe Douste-Blazy, nous adresserons une circulaire et une lettre aux préfets ainsi qu'aux partenaires conventionnels pour leur indiquer très clairement quelles sont les modalités d'application de ce décret.
Mme Hélène Luc. Cela fait un an que l'on en a discuté !
M. Xavier Bertrand, secrétaire d'Etat. Nous voulons que les préfets - cela intéresse l'ensemble des sénateurs - puissent lancer la concertation dans les jours qui viennent et réunir les comités départementaux de l'aide médicale urgente et de la permanence des soins, les CODAMUPS, avant la fin du mois d'avril, afin que nous puissions avancer également sur ce dossier de la permanence des soins.
Entre une obligation qui ne marchait pas et un volontariat qui, lui, va donner des résultats, je n'hésite pas...
M. François Autain. Le volontariat ne marche pas et il ne marchera pas !
M. Jacques Mahéas. Avec nous, cela marchait !
M. Xavier Bertrand, secrétaire d'Etat. ..., car nous privilégions le pragmatisme et l'efficacité.
Vous avez lu aussi les déclarations des médecins libéraux : ils disent qu'ils sont prêts à s'engager. Nous mettons à leur disposition des moyens non seulement juridiques, mais aussi financiers,...
M. Jacques Mahéas. Vingt-cinq pour cent d'augmentation !
M. Xavier Bertrand, secrétaire d'Etat. ... pour obtenir des résultats partout, à l'échelon national, et pour que les Français bénéficient de l'égalité d'accès aux soins.
En la matière, nous avons besoin de pragmatisme et, avec le dispositif que nous mettons en place, la permanence des soins sera une réalité dans ce pays.
M. Roland Muzeau. Vous l'avez supprimée !
M. François Autain. On a vu ce que vous en avez fait !
M. Xavier Bertrand, secrétaire d'Etat. C'est pour nous une priorité ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. Jacques Mahéas. Cela ne sera jamais que la énième priorité !
Mme Hélène Luc. Il faut augmenter le nombre d'étudiants en médecine !
exonération de charges sociales pour l'emploi des apprentis
M. le président. La parole est à M. Nicolas Alfonsi.
M. Nicolas Alfonsi. Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s'adresse à M. le secrétaire d'Etat à l'insertion professionnelle des jeunes.
L'apprentissage est unanimement reconnu comme une voie de formation dont les résultats, au regard tant des examens de l'éducation nationale que de l'insertion sur le marché du travail, prouvent l'excellence.
La collectivité nationale, forte de cette conviction, s'est donné pour objectif, par la loi de programmation pour la cohésion sociale, de porter le nombre d'apprentis de 350 000 à 500 000 à l'échéance de 2009.
Ce texte prévoyait diverses dispositions d'origine fiscale : revenus salariés de l'apprenti exonérés de l'impôt sur le revenu, crédit d'impôt au bénéfice de l'employeur qui embauche un apprenti, exonération des charges sociales patronales pendant la durée de l'apprentissage.
Cependant, cette dernière disposition, contenue dans l'article 130 de la loi de finances pour 2005, prévoyait que cette exonération était en vigueur non jusqu'à la fin du contrat de travail signé par l'apprenti et son employeur, mais jusqu'à ce que le jeune apprenti ait obtenu un diplôme.
Cette restriction a suscité diverses réactions et a pu paraître pénalisante puisque les exonérations de charges sociales sont généralement attachées au contrat de travail et non à la réalisation d'un événement, même positif, lors du déroulement du contrat.
A contrario, l'exonération de l'impôt sur le revenu au bénéfice de l'apprenti et du foyer fiscal auquel il est rattaché est liée à l'apprentissage, et donc à la durée totale du contrat.
Par ailleurs, cette restriction aurait pu créer une sorte de discrimination entre le contrat de professionnalisation et le contrat d'apprentissage. En effet, la loi du 4 mai 2004 relative à la formation professionnelle et au dialogue social a prévu une exonération des charges patronales pour les moins de vingt-six ans, pendant la durée du contrat ou de la période de professionnalisation, sans que lui soient attachées des conditions supplémentaires.
Au demeurant, l'ancien dispositif d'exonération de charges ne prévoyait pas une telle limitation dans le domaine de l'apprentissage.
Avec les membres du groupe du RDSE, qui a déjà manifesté son intérêt pour l'apprentissage en déposant plusieurs amendements à l'occasion de l'examen de divers textes, je vous demande, monsieur le secrétaire d'Etat, quelles sont vos ambitions pour le développement de l'apprentissage, et si vous entendez rétablir et étendre une mesure indispensable, appliquée à la totalité du contrat. Je vous remercie de nous entendre. (Applaudissements sur les travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Laurent Hénart, secrétaire d'Etat à l'insertion professionnelle des jeunes. Monsieur le sénateur, je connais l'intérêt que le Sénat porte à l'apprentissage. J'étais à ce même banc quand le Gouvernement a défendu la loi de programmation pour la cohésion sociale. La carte nationale d'apprenti a été introduite dans le code du travail par un amendement sénatorial adopté, d'ailleurs, à l'unanimité des groupes du Sénat ; c'est aussi sur une initiative sénatoriale que la loi relance, avec vigueur et moyens, le préapprentissage.
Vous posez la question de l'article 130 de la loi de finances qui, en effet, arrête l'exonération de charges, couverte par l'Etat, à la date de l'obtention du diplôme par l'apprenti et non au terme du contrat de travail.
Je voudrais rappeler le fondement de cette mesure. Vous savez comme moi que l'Etat paye les charges sociales ; il le fait parce que, en réalité, jusqu'à l'obtention de son diplôme, l'apprenti étudie dans l'entreprise. D'une certaine manière, l'entreprise doit prendre en compte cette action de transmission de savoir, s'organiser en fonction d'elle. Il y a un coût pour elle, que l'exonération de charges compense.
Il a été estimé que, avec l'obtention du diplôme, l'oeuvre de formation était accomplie et qu'il convenait de faire cesser l'exonération.
Avec d'autres sénateurs du groupe RDSE, vous avez souligné les difficultés concrètes de mise en oeuvre de cette mesure. C'est à l'employeur de chercher l'obtention du diplôme, c'est à lui de prévenir l'URSSAF, c'est à lui de multiplier les démarches.
C'est la raison pour laquelle, soucieux, tout comme nous, de faire en sorte que l'apprentissage reste simple et efficace, M. le Premier ministre a lui-même arbitré cette question en décidant que nous prolongerions l'exonération de charges au profit des contrats d'apprentissage jusqu'au terme du contrat, au-delà de l'examen. Un amendement gouvernemental permettra de régulariser la situation avant l'été et, d'ici là, j'ai demandé par courrier du 24 mars dernier adressé à l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale, l'ACOSS, de veiller à ce que la suspension de la mise en oeuvre de cette mesure soit effective et que, donc, les URSSAF ne l'appliquent pas.
Nous avons le souci - vous l'avez compris - de faire en sorte que rien n'entrave le développement de l'apprentissage. Depuis le premier janvier, les revenus de l'apprenti sont nets d'impôt ; un crédit d'impôts de 1 600 euros à 2 200 euros est ouvert aux 200 000 employeurs d'apprentis.
L'ambition du Gouvernement est forte puisqu'il s'agit de faire passer le nombre d'apprentis de 350 000 à 500 000. Pour ce gouvernement, réussir dans les années à venir à introduire l'alternance dans la formation initiale est la condition d'une véritable chance d'accéder à un premier emploi pour tous les jeunes, quel que soit leur niveau de qualification, quel que soit le métier. C'est ce que nous permet l'apprentissage. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)