Article 18
L'article L. 254-1 du code rural est modifié comme suit :
I. - Après les mots : « d'un agrément » sont ajoutés les mots : « et à la tenue d'un registre ».
II. - Il est ajouté l'alinéa suivant :
« Les agents habilités en vertu de l'article L. 215-1 du code de la consommation ont accès au registre prévu ci-dessus. » - (Adopté.)
Articles additionnels après l'article 18
Mme la présidente. L'amendement n° 556, présenté par M. Desessard et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 18, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. Dans le III de l'article L. 253-1 du code rural, après le mot : « agriculture » sont insérés les mots : « de l'environnement, de la santé ».
II. Dans le second alinéa de l'article L. 253-5 du code rural, après le mot : « agriculture » sont insérés les mots : « de la santé et de l'environnement ».
III. Dans la première phrase du premier alinéa de l'article L. 253-6 du code rural, après le mot : « accordée » sont insérés les mots : « par arrêté conjoint des ministres en charge de l'agriculture, de la santé et de l'environnement ».
IV. Dans la même phrase, les mots : « et des animaux » sont remplacés par les mots : « des animaux et des risques de dissémination dans l'environnement ».
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Cet amendement vise à élargir la compétence du ministère de l'environnement en matière d'autorisation de mise sur le marché de produits phytosanitaires.
Les produits phytosanitaires ne concernent pas uniquement le ministère de l'agriculture, mais également le ministère de l'environnement et le ministère de la santé. En effet, force est de constater que la qualité des eaux et du milieu aquatique concerne non seulement l'agriculture, mais aussi la santé, et qu'elle peut poser des problèmes graves d'environnement.
Certes, vous m'objecterez que, le Gouvernement étant uni et cohérent, si le ministre de l'agriculture donne un avis, ce dernier vaut pour les questions liées à l'environnement et à la santé. Pourtant, chacun sait très bien qu'il n'en est rien, que le ministre de l'agriculture est ministre des agriculteurs et qu'à ce titre il défend un certain type de production et les intérêts des agriculteurs, au détriment de l'environnement et de la santé. (M. Alain Vasselle proteste.)
Une concertation entre les trois ministres concernés est donc indispensable, afin de garantir la défense à la fois de l'agriculture, de la santé et de l'environnement.
M. Alain Vasselle. C'est un procès d'intention !
M. Jean Desessard. Monsieur Vasselle, soyons sérieux : si vous considérez que le ministre de l'agriculture n'est pas aujourd'hui le ministre des agriculteurs, vous remettez alors en cause, même si vous n'en avez pas conscience, la portée de vos propres analyses ! Il faut être lucide !
M. Alain Vasselle. Je suis objectif !
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bruno Sido, rapporteur. La commission a bien réfléchi à la proposition de M. Desessard.
Elle estime que les ingénieurs du ministère de l'agriculture sont largement compétents pour procéder à ces contrôles.
En outre, il ne lui appartient pas de soutenir une telle proposition dans la mesure où il revient au ministre de l'écologie et du développement durable de dire s'il souhaite élargir ses prérogatives.
Par conséquent, la commission sollicite le retrait de cet amendement, monsieur Desessard.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Serge Lepeltier, ministre. Je rejoins les préoccupations qui sont exprimées à travers cet amendement.
Au sein de l'Agence française de sécurité sanitaire environnementale, l'AFSSE, qui est chargée du lien entre la santé et l'environnement et des conséquences sur la santé des nuisances et de la détérioration de l'environnement, l'observatoire des pesticides relève déjà de ma compétence.
Cependant, il est tout à fait exact qu'il convient de renforcer la prise en compte de l'environnement dans la mise sur le marché des produits phytosanitaires, et donc de donner davantage de poids à l'avis du ministre en charge de l'écologie dans les décisions d'autorisation et de retrait du marché des produits phytosanitaires.
En outre, il est également nécessaire de renforcer l'indépendance du dispositif d'évaluation des risques sanitaires et environnementaux.
Telle est la position que je défendrai lors de l'examen du projet de loi d'orientation agricole, actuellement à l'étude au niveau interministériel. C'est un sujet qui mérite en effet d'être examiné dans ce cadre plus large.
Pour toutes ces raisons, je sollicite le retrait de cet amendement.
Mme la présidente. Monsieur Desessard, l'amendement est-il maintenu ?
M. Jean Desessard. Monsieur le ministre, je suis heureux que vous partagiez mes préoccupations sur le fond.
Cependant, permettez-moi une remarque : vous avez dit que le contrôle existait déjà, mais qu'il était limité. Si vous nous dites que tout fonctionne bien, que les pesticides et les nitrates ne posent pas de problèmes, cela signifie que les mesures actuelles sont bonnes et qu'il faut continuer comme avant !
Or, depuis le début de l'examen du présent projet de loi, chacun s'accorde à dire que la situation est très grave, que l'ensemble des cours d'eau sont pollués, que les mesures de contrôle sont insuffisantes, autrement dit qu'il y a un vrai problème Cela signifie donc bien que l'on considère qu'il faut prendre d'autres dispositions et renforcer celles qui existent !
Dans ces conditions, je maintiens mon amendement. S'il n'est pas adopté aujourd'hui, nous aurons le loisir, avec vous-même et M. le rapporteur, de rechercher les formules qui permettront de le faire adopter en deuxième lecture. Mais je préférerais qu'il soit adopté aujourd'hui !
Mme la présidente. La parole est à M. Claude Biwer, pour explication de vote.
M. Claude Biwer. J'ai l'impression que ce débat ne correspond pas à la situation d'aujourd'hui. En effet, s'il fut une époque où l'agriculture était encouragée à produire envers et contre tout, parfois dans des conditions qui ne nous satisfont pas aujourd'hui, les choses ont beaucoup évolué.
A l'heure actuelle, les agriculteurs savent ce qu'ils font et de quoi ils parlent. Ils peuvent prendre les mesures utiles et nécessaires. Je reviendrai d'ailleurs sur ce point tout à l'heure, à l'occasion de l'examen d'un autre amendement, pour bien préciser que les contrôles qui sont effectués en l'occurrence, en liaison et même en partenariat avec le secteur de l'agriculture, doivent permettre de trouver demain des solutions plus heureuses encore qu'aujourd'hui, à condition de faire appel à des contrôleurs possédant la compétence requise.
M. Alain Vasselle. Tout à fait !
Mme la présidente. La parole est à M. Paul Raoult, pour explication de vote
M. Paul Raoult. Nous touchons là un problème de fond.
Il n'est pas question de s'en prendre en permanence aux agriculteurs. Il reste que, dans une collectivité comme la nôtre, certains ne respectent pas la loi et la règle en vigueur. Notre rôle de législateur consiste donc à faire en sorte que ceux qui enfreignent ce que j'appellerai le code de l'environnement soient mis à l'index et replacés « dans les clous ». C'est là toute la difficulté de l'exercice.
M. Alain Vasselle. Ah !
M. Paul Raoult. Bien sûr, depuis une dizaine d'années, de nombreux agriculteurs appliquent les mesures agro-environnementales, les MAE, signent des contrats territoriaux d'exploitation, des CTE, ou participent aux comités d'aide au développement, les CAD. L'agriculture raisonnée est devenue un élément de réflexion largement répandu !
Pourtant, dans ma propre région, les taux de nitrates et de pesticides dans les champs captants continuent d'augmenter de façon inexorable.
Il importe donc de prendre conscience de ces évolutions négatives pour réagir collectivement, avec les agriculteurs, afin de les aider à mieux respecter notre environnement.
Mais les aider ne signifie pas les mettre en accusation ! Tel est bien le problème auquel nous devons faire face.
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Delfau, pour explication de vote.
M. Gérard Delfau. Nous sommes là, effectivement, au coeur d'une question difficile.
Ce débat devient facilement passionné dans nos communes au moment où nous votons le budget de l'eau et de l'assainissement. Le Sénat ne peut donc pas faire comme si le problème n'existait pas.
En même temps, comme le soulignait M. Raoult, il ne s'agit pas de se lancer dans une croisade : nous avons besoin de nos agriculteurs, et nous respectons leur travail.
Dans ces conditions, il nous faut imaginer les meilleures méthodes pour diminuer de plus en plus la présence des nitrates et des pesticides dans l'eau destinée à devenir potable.
Or, toutes les études le montrent, toutes les analyses des laboratoires agréés l'attestent, les déversements continuent de s'aggraver dans un certain nombre de territoires.
La question se pose donc de savoir comment résoudre ce problème : faut-il retenir la suggestion de notre collègue Jean Desessard ? Je n'en suis pas sûr, car je crains qu'une telle approche ne donne naissance à un début de guerre de religion, venant crisper, comme le disait notre collègue Claude Biwer à l'instant, le débat qui a commencé à s'instaurer.
Dans le même temps, monsieur le ministre, vous nous dites, avec une feinte naïveté, que le problème sera traité dans la cadre du débat sur le projet de loi d'orientation agricole. Or, vous le savez bien car vous êtes un fin politique, que le texte en question est le plus mauvais véhicule législatif possible pour régler le problème qui nous occupe en ce moment car, à l'évidence, lors de son examen, nous nous préoccuperons surtout de la défense des intérêts économiques des agriculteurs, et au-delà même, de l'identité de la profession agricole !
Tout en indiquant que, pour ma part, je ne voterai pas cet amendement, je veux insister sur l'urgence qu'il y a à trouver une solution et je demande à ceux de nos collègues qui se taisent soigneusement d'en tenir compte sans tarder.
Anticipons l'avenir : que se passera-t-il si nous ne faisons rien ? Un jour, éclatera alors certainement une guerre de religion - j'emploie l'expression à dessein - entre les urbains et ceux qui exercent la profession agricole. Et nous aurons, collectivement, tous perdu !
Voilà pourquoi, je pense que cet amendement mérite mieux que l'indifférence polie qui est manifestée.
Mme la présidente. La parole est à M. Charles Revet, pour explication de vote.
M. Charles Revet. Je partage les propos qui ont été tenus par Claude Biwer il y a un instant.
Effectivement, voilà vingt-cinq ou trente ans, les agriculteurs étaient incités à augmenter leur productivité en utilisant des produits tels que l'azote.
Mais des évolutions importantes sont intervenues depuis ! Les jeunes agriculteurs ont suivi des formations qui les ont préparés à utiliser les produits phytosanitaires et les engrais de façon plus rationnelle et plus respectueuse de l'environnement.
Aujourd'hui, les agriculteurs ont parfois du mal à gérer la situation.
Comme certains d'entre vous, j'ai été agriculteur. Il y a vingt-cinq ans, quelqu'un m'a dit - je ne révèlerai pas son nom - qu'il fallait que j'emploie deux cents unités d'azote pour produire plus. Or, aujourd'hui, cette même personne pourfend les agriculteurs, en les accusant notamment de polluer la nappe phréatique. Elle accuse donc ceux qui ont suivi ses conseils en oubliant qu'elle en est à l'origine...
M. Gérard Delfau. Des noms !
M. Charles Revet. Il faut donc être très prudent, et surtout éviter d'accuser en permanence les agriculteurs, qui veillent particulièrement aujourd'hui à respecter l'environnement. Nous en avons la preuve tous les jours, ils sont très soucieux de la qualité de la nappe phréatique.
M. Alain Vasselle. Bravo !
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Le Cam, pour explication de vote.
M. Gérard Le Cam. Nous sommes dans un débat important qui touche au coeur même du sujet : la distribution de biocides, de produits mortels pour la nature - et, à terme, pour l'homme - ainsi que la question des contrôles.
En la matière, nous devons poser les vrais problèmes et situer les vraies responsabilités. Nous nous interrogeons sur les molécules présentes dans les biocides, sur la course à la productivité, qui existe dans notre pays depuis plusieurs décennies, sur le rôle des coopératives en matière de distribution et de conseil, sur celui des conseillers techniques auprès des agriculteurs.
Depuis longtemps, des contrôles sont réalisés, mais ils n'ont pas permis d'améliorer la situation. Même si l'on a perfectionné les modes de dosage, accru la qualité des pulvérisateurs, on n'a pas réglé le problème de fond.
Demain, il faudra faire payer ceux qui sont en train de profiter de ce système, qui est, à terme, mortel pour la nature et donc pour l'homme : je veux parler des multinationales de l'agroalimentaire, de la grande distribution et des produits phytosanitaires. Il faut s'attaquer au système ! En effet, ce n'est pas le projet de loi d'orientation agricole, qui va sans doute encore favoriser l'implantation d'exploitations plus grandes, plus productives, moins familiales, moins tournées vers le bio, qui réglera demain le problème de l'eau en France.
Le débat ne fait donc que commencer. Il s'agit là de la conception même de l'agriculture, qui aura, demain, un impact positif ou négatif sur la qualité de l'eau dans notre pays.
Mme Evelyne Didier. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.
M. Alain Vasselle. Je ne sais pas si, après le débat auquel nous venons d'assister, l'opinion publique pourra se faire une idée juste des mesures à prendre.
Monsieur Delfau, il est inacceptable d'affirmer que, lorsque le Parlement examine un projet de loi relatif aux affaires agricoles, il ne fait que se soumettre aux lobbies des agriculteurs, en mettant de côté notamment les questions environnementales.
M. Gérard Delfau. Ce n'est pas le sujet !
M. Alain Vasselle. Vous savez bien, mon cher collègue, que cela ne se passe pas de cette manière-là. Nous avons une plus haute idée de notre rôle de législateurs, à moins que vous ne subissiez, vous, l'action des lobbies et que vous les suiviez d'une manière aveugle chaque fois que des amendements sont déposés sur votre bureau, quelle que soit leur origine...
.M. Gérard Delfau. Ah oui ! Surtout moi ! Je suis connu pour cela, monsieur Vasselle !
M. Alain Vasselle. Par ailleurs, je suis effaré d'entendre les propos de nos collègues de l'opposition : les agriculteurs pollueraient à tout va, sans considération aucune pour la protection de l'environnement, et les contrôles seraient insuffisants.
M. Gérard Delfau. Ils n'ont pas dit cela !
Mme Nicole Bricq. Nous n'avons rien dit de tel !
M. Paul Raoult. Vous caricaturez, comme d'habitude !
M. Alain Vasselle. Ils font là un procès à la profession, et nos collègues Claude Biwer et Charles Revet ont eu raison de réagir.
Vraiment, vous ignorez, mes chers collègues, le contexte dans lequel nous évoluons aujourd'hui ! Actuellement, avec l'application de la nouvelle politique agricole commune, les agriculteurs sont mis au banc des accusés. Or cette politique va être accompagnée d'un renforcement - ô combien démesuré selon vous - des contrôles.
Les agriculteurs ont reçu, voilà quelques semaines, les livrets I et II relatifs à la mise en oeuvre de la PAC. Et ils ont pu constater que le terme « contrôle » revient quarante ou cinquante fois dans les quelque trente pages qu'ils comportent. Des dispositions ont donc été prises pour veiller au respect de l'écoconditionnalité et pour que des mesures de contrôle soient mises en oeuvre. Trop, c'est trop !
Il importe que des mesures suffisamment dissuasives soient mises en place pour les quelques agriculteurs qui sont peu respectueux de l'environnement. Mais, mes chers collègues, reconnaissez tout de même que 99,8 % des agriculteurs respectent les mesures qui s'imposent à eux dans ce domaine !
L'écoconditionnalité est une épée de Damoclès suspendue au-dessus de la tête des agriculteurs : s'ils ne la respectent pas, ils perdront le bénéfice des aides de la PAC. Et, croyez-moi, les agriculteurs, qui éprouvent aujourd'hui beaucoup de difficultés à assurer le maintien de leur pouvoir d'achat, veilleront tout particulièrement à respecter l'écoconditionnalité !
C'est donc faire un mauvais procès à la profession agricole que de tenir les propos que vous avez tenus.
Enfin, si l'on peut se faire du souci s'agissant des nitrates, monsieur Le Cam, il n'en est pas de même s'agissant des produits phytosanitaires : j'imagine difficilement qu'un gouvernement responsable accepte la mise sur le marché de produits phytosanitaires qui ne respecteraient pas l'environnement.
M. Charles Revet. Tout à fait !
Mme Nicole Bricq. Nous en avons vu d'autres !
M. Paul Raoult. Et l'atrazine ?
M. Jean Desessard. Donc, tout va bien !
M. Alain Vasselle. A moins que le Gouvernement fasse appel à des scientifiques qui n'ont pas une bonne connaissance des produits ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Quand un produit est mis sur le marché - mais c'est également vrai pour les médicaments -, il doit respecter un minimum de normes !
M. Paul Raoult. Et l'atrazine ?
M. Alain Vasselle. Mes chers collègues, ne faites donc pas de mauvais procès aux agriculteurs ! (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. J'avoue avoir un peu de mal à suivre le débat : de quoi s'agit-il ? Nous sommes en train de débattre de l'agriculture, de ses bienfaits et de ses méfaits supposés, mais tel n'est pas l'objet de l'amendement qui nous est soumis !
L'amendement n° 556 vise à préciser que le ministre de l'environnement doit avoir son mot à dire en matière d'autorisation de mise sur le marché de produits phytosanitaires.
A cet égard, je reprendrai les propos de M. Vasselle : un ministre qui mettrait sur le marché des produits phytosanitaires nocifs ne serait pas un bon ministre. Mais alors, s'il n'y a pas de problème, pourquoi ne pas accepter cet amendement ?
Tous les ministres ont effectivement le souci de l'intérêt général, mais ils n'ont peut-être pas tous forcément la même hiérarchie des priorités.
M. Gérard Longuet. Il y a l'unité du Gouvernement !
M. Pierre-Yves Collombat. Que les ministres de l'agriculture et de l'environnement puissent se concerter et prendre collégialement des décisions me paraît plutôt être une mesure de bon sens. A moins précisément que, contrairement à ce que vous avez affirmez, monsieur Vasselle, au sein des ministères, certaines personnes défendent plutôt l'un que l'autre ! Mais, si ce n'est pas le cas, tout doit très bien se passer.
M. Alain Vasselle. Tout se passe très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Enfin, les masques tombent ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Jusqu'à présent, tout le monde a dit que nous devions nous occuper des cours d'eau, que la loi sur l'eau était importante... Mais là, monsieur Vasselle - on peut vous faire beaucoup de reproches, mais pas celui-ci -, vous êtes franc et direct : selon vous, tout se passe bien, 99 % des agriculteurs sont corrects. Mais alors, qui pollue ?
M. Claude Biwer. Les citoyens !
M. Jean Desessard. Qui pollue, monsieur Vasselle ?
Si je me réfère aux chiffres cités, 74 % des nitrates et 90 % des pesticides sont produits par l'agriculture ! Il y a donc bien un mode agricole qui pollue aujourd'hui, en particulier l'eau et les milieux aquatiques !
Après tous les discours qui ont été tenus depuis deux jours, certains sénateurs de l'UMP avouent enfin qu'ils n'ont pas envie de se préoccuper de ce problème. Merci, monsieur Vasselle !
M. Alain Vasselle. Ce ne sont pas les agriculteurs qui polluent ! Ils respectent les normes ! Il n'est pas acceptable de tenir de tels propos !
M. Jean Desessard. Pour répondre aux propos plus modérés de M. Revet et de M. Biwer, je tiens à dire que je ne critique pas tous les agriculteurs : il y a les petits et les grands agriculteurs.
M. Gérard Delfau. C'est vrai !
M. Claude Biwer. Mais non !
M. Jean Desessard. Mais si ! Je ne les mets pas tous dans une classe unique, il y a les agriculteurs vertueux et ceux qui le sont moins et, comme je l'ai dit dans la discussion générale, je vise ici un certain type d'agriculture.
Alors, monsieur Biwer, je vais vous expliquer la logique capitaliste ! (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Gérard Longuet. Vous êtes bien placé pour le faire !
M. Jean Desessard. Si un patron emploie des salariés sans payer de charges sociales, il sera évidemment plus compétitif qu'un autre patron ! C'est pour cette raison que l'Etat doit fixer des règles : tout le monde doit payer les charges salariales !
De la même façon, si un agriculteur utilise des produits permettant de produire davantage, il aura moins besoin d'embaucher et sera donc plus compétitif que les autres.
M. Alain Vasselle. N'importe quoi !
M. Jean Desessard. Même si un agriculteur veut être vertueux, il sera bloqué par la logique du profit : il utilisera plus d'engrais et de pesticides pour produire plus. Et, compte tenu du nombre important d'agriculteurs, celui qui sera plus vertueux ne pourra pas s'en sortir.
M. Alain Vasselle. Vraiment n'importe quoi !
M. Jean Desessard. Si, afin de rendre l'agriculture vertueuse plus rentable, nous n'imposons pas des règles aux termes desquelles celui qui pollue doit payer et doit donc reporter le prix de la pollution sur la production, alors le système que nous connaissons existera toujours. Si nous favorisons l'agriculture intensive, une agriculture qui ne se soucie pas des effets environnementaux, l'agriculteur vertueux ne pourra pas s'en sortir financièrement.
Donc, mes chers collègues, je ne condamne pas tous les agriculteurs, mais je condamne un mode de production agricole bien précis. Et, si tous les agriculteurs sont confrontés au marché, celui qui est vertueux a, je le répète, plus de mal à s'en sortir. Faisons donc en sorte que l'Etat aide les vertueux et fasse payer les moins vertueux !
M. Gérard Delfau. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Claude Bertaud, pour explication de vote.
M. Claude Bertaud. Loin de moi l'idée de jeter l'opprobre sur les agriculteurs, parce que l'immense majorité d'entre eux respecte parfaitement les règles fixées et les quantités de produits imposées.
M. Alain Vasselle. Très bien !
M. Claude Bertaud. Cependant, il faut bien admettre que nous rencontrons parfois des problèmes avec des molécules qui sont totalement interdites et qui sont d'ailleurs utilisées dans un cadre différent de celui pour lequel elles ont été produites. Je prendrai notamment l'exemple des produits utilisés pour les maïs, qui sont encore présents dans les exploitations et que l'on utilise aujourd'hui pour les moutons.
Nous connaissons ces utilisateurs dans nos régions, et il me semble que des sanctions plus exemplaires devraient être envisagées à leur encontre.
D'une manière générale, je confirme en tout cas que tous les agriculteurs sont aujourd'hui réellement responsables.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Bruno Sido, rapporteur. Je ne veux pas allonger inutilement la discussion, même si je ne méconnais pas la nécessité, voire l'utilité, du présent débat. Toutefois, je m'étonne que l'amendement qui nous est soumis en soit la cause. Ce débat a effectivement lieu un peu tôt.
Mme Nicole Bricq. Oui, mais nous y reviendrons par la suite !
M. Bruno Sido, rapporteur. Certes ! Et il ne sera alors peut-être pas utile de répéter une deuxième fois vos propos, mes chers collègues ! (Sourires.)
Mme Nicole Bricq. On le dira autrement !
M. Jean Desessard. Nous pourrons améliorer nos discours !
M. Jean-François Le Grand. Ils en ont bien besoin !
M. Bruno Sido, rapporteur. Personnellement, je souhaiterais que nous en revenions à un ton plus serein, au ton qui a présidé au début de nos travaux.
Par ailleurs, mes chers collègues, je vous rappelle qu'il nous reste près de 500 amendements à examiner et que nous n'en avons même pas examiné 200 jusqu'à présent ! Si nous voulons achever l'examen de ce texte dans un délai raisonnable, nous devons donc, tout en respectant l'esprit de démocratie qui nous anime, aller à l'essentiel. Je vous en remercie par avance.
M. Alain Vasselle. Il faut arrêter la provocation ! (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme Nicole Bricq. Nous sommes d'accord !
M. Jean Desessard. Prenez un miroir, monsieur Vasselle !
Mme la présidente. L'amendement n° 557, présenté par M. Desessard et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 18, insérer un article additionnel, ainsi rédigé :
Le premier alinéa de l'article L. 253-5 du code rural est ainsi rédigé :
« La publicité portant sur les produits mentionnés aux articles L. 253-1 et L. 253-4 ne comporte aucune mention pouvant donner une image exagérément sécurisante ou de nature à banaliser leur utilisation, ni aucune mention d'emplois ou de catégories d'emplois non indiqués par l'autorisation de mise sur le marché, sauf s'il s'agit d'usages assimilés à ces emplois ou catégories d'emplois dans des conditions déterminées conformément à l'article L. 253-11. »
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Cet amendement ne provoquera pas, je crois, autant de discussions que le précédent : comme l'a souligné M. le rapporteur, nous réservons nos arguments pour d'autres articles.
Nous proposons d'encadrer la publicité sur les produits phytosanitaires, afin d'éviter qu'elle soit exagérée sinon mensongère. Nous connaissons en effet les dommages que peuvent provoquer sur l'environnement certains de ces produits.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bruno Sido, rapporteur. La rédaction de cet amendement ne me paraît pas satisfaisante. En effet, comment définir une « image exagérément sécurisante » ?
Sans relancer le débat, je reviendrai un instant sur les progrès accomplis et les améliorations réalisées : avant, les gens mouraient parce que la carie ou l'ergot affectaient le blé ou le seigle... mais combien ont échappé à la faim et à la mort grâce aux produits phytosanitaires !
En réalité, les agriculteurs sont pris entre le marteau et l'enclume, et peut-être sont-ils un peu facilement désignés comme boucs émissaires.
Le marteau, c'est l'agropharmacie. Nous, les agriculteurs - je dis « nous » parce que j'en suis un -, nous utilisons ce qui est mis sur le marché. Mais les services du ministère de l'écologie ou ceux du ministère de l'agriculture peuvent certainement fournir la liste des produits dangereux qui ont été retirés du marché - le dichlorodiphényltrichloroéthane, le DDT, présent autrefois dans la graisse de phoque, en est un exemple dont chacun se souvient - et cette liste est impressionnante. Je ne suis agriculteur que depuis vingt-cinq ans, mais j'ai pu mesurer l'extraordinaire évolution qui s'est produite pendant cette période : il y a vingt-cinq ans, le productivisme dont a parlé notre ami Charles Revet était à son apogée. Depuis, les choses ont bien changé, et je ne reviens pas sur l'écoconditionnalité ou sur toutes les règles qui sont édictées aujourd'hui...
L'enclume, c'est le consommateur : après tout, ce que consommateur veut, Dieu le veut ! (Sourires.)
N'accablons pas les agriculteurs, qui se situent entre les deux.
Pour en revenir à votre amendement, monsieur Desessard, je rappelle que des contrôles relatifs à la mise sur le marché de ces produits et évaluant l'innocuité de ces derniers existent déjà.
La commission vous demande donc de bien vouloir retirer cet amendement, afin de trouver une meilleure formulation. Après tout, les paquets de cigarettes indiquent bien - ce qui n'est pas exempt d'hypocrisie, car l'Etat encaisse les taxes - que le tabac est dangereux et qu'il tue !
M. Jean Desessard. Vous proposez de faire figurer sur les sacs d'engrais : « A consommer avec modération » ? (Sourires.)
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Serge Lepeltier, ministre. M. Desessard aborde le sujet extrêmement important de la publicité en faveur de produits potentiellement dangereux.
Je commencerai par répondre au rapporteur : la liste des produits dangereux est connue, elle existe. Sans doute pourrait-elle être mieux diffusée, et je répercuterai cette requête auprès des services du ministère de l'agriculture. Il faut déterminer en tout cas si l'information parvient jusqu'à l'utilisateur et si elle est suffisamment précise ; sur ce point, des améliorations sont certainement possibles.
Au début des années quatre-vingt-dix, 900 produits étaient sur le marché. Après analyse de leur dangerosité, il n'en reste aujourd'hui plus que 500, soit un peu plus de la moitié : les produits les plus dangereux ont été éliminés.
Cela s'est fait, je le précise à l'intention de certaines travées de cette assemblée, à l'échelon européen. L'Europe est donc utile : je le dis souvent, l'écologie a besoin d'Europe ! (Mmes Nicole Bricq et Evelyne Didier s'exclament.)
Mais j'en reviens à l'amendement n° 557, qui tend à compléter le code rural en encadrant les publicités portant sur les produits phytosanitaires afin d'interdire toute mention pouvant donner « une image exagérément sécurisante ou de nature à banaliser leur utilisation ».
Cette proposition me semble intéressante et, sur le fond, j'y suis favorable, mais elle paraît compliquée à mettre en oeuvre, notamment dans le cadre de la réglementation actuelle, et elle pourrait poser des problèmes juridiques. Elle doit donc être étudiée avec attention.
C'est la raison pour laquelle, monsieur Desessard, je vous propose d'examiner avec vous, avant l'examen du projet de loi en deuxième lecture, comment peut être formulée plus précisément cette mesure. D'ici là, je vous prie de bien vouloir retirer votre amendement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Je remercie M. le ministre de son intervention et je voudrais convaincre M. le rapporteur de l'intérêt de la suggestion de notre collègue.
Le débat sur le précédent amendement était passionné, et cette passion se fera sans doute de plus en plus sentir au fur et à mesure que nous avancerons dans l'examen des articles du présent projet de loi.
Notre collègue Claude Bertaud a beaucoup insisté sur les problèmes liés à l'utilisation - surtout quand elle est mauvaise - de ces produits qui, de toute façon, sont dangereux.
Même si la rédaction actuelle de l'amendement n'est pas conforme à la réglementation actuelle et semble d'application délicate, je souhaite que nous obtenions l'assurance que cette proposition sera étudiée de manière sérieuse. Nous sommes au début de la navette parlementaire, et nous nous heurterons d'ailleurs sans doute à cette même difficulté lors de l'examen d'autres amendements.
Ce projet de loi tant attendu - cela a été dit plusieurs fois - n'a pas été déclaré d'urgence. Nous avons donc le temps de travailler de manière approfondie. Mais il n'est pas possible de s'opposer à une mesure qui vise à encadrer la publicité et l'information sur des produits dont les effets, on le sait, sont dangereux pour la santé publique et pour les sols.
Il se peut que cet amendement soit retiré, si notre collègue Jean Desessard, qui en est le premier signataire, l'accepte. Mais je tiens à avoir l'assurance formelle que ce point sera réexaminé au cours de la discussion.
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Delfau, pour explication de vote.
M. Gérard Delfau. Tout à l'heure, j'ai dit qu'il nous fallait approfondir nos capacités de maîtrise quant à l'entrée des pesticides et des engrais dans les eaux - j'ai notamment expliqué pourquoi la profession agricole me semblait concernée par ce problème - et j'ai expliqué pourquoi je ne voterais pas, malgré cela, l'amendement n° 556. Et je me suis effectivement abstenu au moment du vote.
C'est animé du même état d'esprit que, sur le sujet très délicat de la publicité - mais on sait bien qu'il est connexe au précédent -, je défends les mêmes arguments.
Lancer ce débat était très important, et je remercie très chaleureusement et très vivement Jean Desessard et son groupe de l'avoir permis. Pour autant, afin de progresser dans ce débat sans provoquer trop de cassures ou d'incompréhensions, il me semble, monsieur le rapporteur, que la bonne méthode serait de constituer - si M. le président de la commission des affaires économiques en était d'accord - un groupe de travail auprès du ministre de l'environnement pour que, lors de l'examen du texte en deuxième lecture, des mesures précises soient proposées.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Bruno Sido, rapporteur. Une telle décision ne dépend pas du modeste rapporteur que je suis...
M. Charles Revet. Modeste rapporteur ? Non : très bon rapporteur ! (Sourires.)
M. Bruno Sido, rapporteur. ...mais j'y suis, pour ma part, tout à fait favorable. J'en ai d'ailleurs donné des gages : le groupe d'études sur l'eau a commencé à travailler sur le sujet et a déjà procédé à des auditions.
Par conséquent, j'accepte d'apporter ma contribution sur ces problèmes très sérieux et très compliqués qui engagent l'avenir de notre société et la constitution d'un groupe de travail en vue de préparer dès maintenant la deuxième lecture de ce texte me paraît une très bonne idée.
Mme la présidente. Monsieur Desessard, l'amendement n° 557 est-il maintenu ?
M. Jean Desessard. Fort des appréciations du ministre et de la prise de position du rapporteur, je le retire, madame la présidente.
M. Alain Vasselle. La sagesse gagne !
Mme la présidente. L'amendement n° 557 est retiré.
Mes chers collègues, la conférence des présidents devant se réunir, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures dix, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Christian Poncelet.)