M. le président. L'amendement n° 20 rectifié, présenté par MM. Assouline, Lagauche et Domeizel, Mme Blandin, MM. Bodin et Sueur, Mmes Printz et Demontes, M. Madec et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Toute association disposant de l'agrément « Jeunesse-éducation populaire » dispensé par le ministère de la jeunesse, des sports et de la vie associative dont l'activité consiste en l'accueil collectif de mineurs lors de vacances scolaires, de congés professionnels ou de loisirs, ainsi que toute personne physique ou morale bénéficiant de l'agrément « Vacances adaptées organisées » tel que prévu à l'article 48 de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, à des fonctions d'animation ou de direction peut, pour des missions d'animation ou de direction de ces activités, dans les conditions prévues à l'article 1er, conclure, avec une personne physique, un contrat de volontariat éducatif.
La parole est à M. David Assouline.
M. David Assouline. Il s'agit d'un amendement très important, qui vise à résoudre un problème de fond relatif au statut unique de volontaire associatif, que j'ai soulevé lors de la discussion générale.
Je vous rappelle que le CNVA a demandé que les différents statuts de volontariat associatif soient intégrés dans une seule loi-cadre et qu'ils soient distingués du salariat. Or, afin de régler le problème des personnels d'encadrement des centres de vacances, qui est tout à fait différent et sur lequel nous reviendrons tout à l'heure, vous avez jugé bon, monsieur le ministre, de faire valoir leur valeur d'éducation, d'engagement, voire d'exercice de la citoyenneté, pour justifier leur insertion dans ce projet de loi. De la sorte, il ne s'agit pas d'un salariat classique, mais d'un salariat dérogatoire, qui n'entre même plus dans le cadre dérogatoire de l'annexe II de la convention collective.
Vous avez donc reconnu, monsieur le ministre, que l'engagement éducatif s'apparentait à du volontariat associatif.
Il vous était alors encore possible de faire de l'engagement éducatif, dans la définition que vous en donnez, une spécificité du volontariat associatif, afin de ne pas créer une nouvelle catégorie. Nous venons de le dire : il faut distinguer le bénévolat du salariat classique, lequel repose sur le code du travail.
Ce projet de loi instaure le volontariat associatif. Il s'agit d'un exercice difficile, voire complexe, car il ne faut pas que ce nouveau statut empiète sur le bénévolat ni qu'il puisse être assimilé à du salariat. Or le titre II prévoit la création de l'engagement éducatif, nouveau statut qui s'apparente au volontariat mais déroge au code du travail. Il est donc source d'une nouvelle confusion.
Il serait plus clair d'intégrer le titre II dans le titre Ier, ce qui permettrait de conserver la philosophie du texte. Le droit nouveau, universel, porteur, dynamique, que le titre II crée ne doit pas être amputé, interprété ou dévoyé à foison.
L'article additionnel que tend à insérer cet amendement permet d'intégrer dans le titre Ier les organismes d'éducation populaire, les centres de vacances, etc. En d'autres termes, ces organismes peuvent conclure un contrat de volontariat associatif et prévoir une rémunération particulière et un nombre de jours spécifique, sur le modèle des dispositions du titre II.
Une telle mesure permettrait de clarifier le débat et d'adhérer pleinement au volontariat associatif, à son esprit, à sa philosophie et à la façon dont il a été porté par le mouvement associatif.
Vous avez déjà eu ce débat, monsieur le ministre, et je sais que le Conseil national de la vie associative vous a suggéré cette direction. Et ce n'est peut-être que par facilité et précipitation que le projet de loi a été ainsi rédigé ! Mais le travail parlementaire peut permettre, par l'échange et la réflexion, de revenir à un dispositif plus cohérent.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Murat, rapporteur. Nous voilà plongés dans un autre débat.
Je partage votre analyse, monsieur Assouline : s'il n'y avait pas eu urgence - et cette urgence est le fait de la demande des associations, en particulier des organismes de colonies de vacances -, sans doute aurions-nous pu envisager deux projets de loi distincts.
Vous parlez de clarté, mais il me semble que c'est vous, mon cher collègue, qui brouillez ce soir un peu les cartes, sinon les esprits, en tentant de fondre les deux volets de ce projet de loi !
Le titre II consacre l'engagement éducatif. Il fixe le statut des animateurs et des directeurs occasionnels des centres de vacances et de loisirs, tout en les gardant dans le champ du code du travail. Par conséquent, et j'attire votre attention sur ce point, toute les dispositions qui ne seraient pas dérogatoires au code du travail leur seront applicables. Vouloir intégrer les dispositions relatives à ces personnels dans le dispositif de volontariat associatif, tel qu'il est actuellement défini, revient à les priver de ces garanties.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-François Lamour, ministre. Monsieur le sénateur, s'il y a confusion, c'est bien dans vos propos !
Vous le savez, les inspecteurs du travail qui se rendent dans les centres de vacances requalifient les personnels encadrants. En outre, le volontariat ne décolle pas dans notre pays : on ne dénombre que 400 volontaires civils depuis l'entrée en vigueur de la loi du 14 mars 2000 relative aux volontariats civils. Il faut voir les choses en face : un tel dispositif ne fonctionne pas, ni sur le premier volet ni sur le second !
J'avoue que votre proposition me surprend quelque peu, monsieur Assouline. Vous souhaitez faire sortir du champ du code du travail 200 000 animateurs-éducateurs qui travaillent en centres de loisirs et de vacances. Je m'étonne que vous vous fassiez le chantre d'une telle mesure !
Je le répète à la suite de M. le rapporteur : même si ce texte nécessite, pour que sa cohérence apparaisse, de faire preuve de pédagogie et d'y consacrer le temps nécessaire, les résultats qu'il produira seront, eux, cohérents. Il faudra certainement les évaluer, à moyen et à long terme, en ce qui concerne tant le volontariat associatif - cela sera d'ailleurs fait pour le volontariat de coopération internationale - que l'engagement éducatif.
En ce qui concerne l'engagement éducatif, puisque c'est le sujet qui nous occupe, je puis vous assurer que ce nouveau statut stabilisera et rassurera les organisateurs de séjours et de centres de loisirs et de vacances. Vous le savez très bien, ils l'attendaient !
Lorsque j'ai été nommé au ministère de la jeunesse en mai 2004, l'un de mes premières missions a été de débloquer la situation, parce que toute solution semblait impossible. Il a fallu trouver un moyen rapide et efficace permettant d'assurer la stabilité de l'encadrement des centres de loisirs et de vacances.
La confusion apparaît aujourd'hui au travers de vos propos. Mais je suis convaincu, même si cela nécessitera très certainement une évaluation dans deux ans ou quatre ans, que la distinction qu'opère le projet de loi apportera lisibilité et clarté.
Par conséquent, j'émets un avis défavorable sur l'amendement n° 20 rectifié.
M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. Monsieur le ministre, c'est vous qui avez fait ce choix ! Il reflète, au demeurant, la tradition en la matière.
Pour ma part, je ne veux sortir personne du code du travail. Lorsque sont apparus les travailleurs occasionnels, voilà plus de cinquante ans, le contexte était différent. L'annexe II de la convention collective instaurait une formule spécifique, dérogatoire au code du travail, qui permettait de répondre à une situation qui ne relevait pas du salariat classique, mais presque du militantisme, pourrait-on dire, et qui était rémunéré de façon relativement modeste.
Aujourd'hui, notamment depuis la loi Aubry II, ce dispositif ne peut perdurer. C'est pourquoi le projet de loi prévoit un nouveau statut dans lequel la rémunération n'est pas l'objet premier du travail.
Le secteur de l'animation se professionnalise : pour être salarié, il faut devenir professionnel, c'est-à-dire ne pas être concerné par le nouveau statut. En revanche, le militantisme, que connaissent bien les mouvements d'éducation populaire, entre dans le cadre de ce nouveau projet de loi relatif au volontariat associatif et à l'engagement éducatif, mais de façon spécifique.
Je ne veux pas exclure les personnes concernées du champ d'application du code du travail et rendre leur situation incertaine !
M. David Assouline. C'est pourquoi j'ai repris, par voie d'amendement, les garanties prévues par le code afin que ces personnes bénéficient des mêmes protections. J'ai même prévu un niveau de rémunération plus important, vous pourrez le constater tout à l'heure.
Ainsi, il y aura les salariés, les professionnels de l'animation, et ceux qui exercent une activité qui peut s'apparenter à du volontariat, parce qu'ils ne sont pas là pour la rémunération. Ces derniers ne sont pas des professionnels, ce sont des volontaires ayant un statut associatif spécifique.
Pour ma part, j'y vois beaucoup de cohérence. Sur le plan philosophique, cela n'est d'ailleurs pas éloigné de ce que vous a proposé le mouvement associatif dans ce domaine.
Un tel dispositif nécessitait, certes, une réflexion plus approfondie. Mais, comme vous souhaitiez agir dans la précipitation, vous avez décidé d'inclure ces dispositions, qui existent déjà, dans un titre II. Ce faisant, vous avez dénaturé l'ensemble de la loi et créé cette confusion, que nous constatons depuis le début de nos travaux, entre contrat de travail, salariat, bénévolat et volontariat.
Nous aurions préféré deux lois distinctes, une sur le volontariat l'autre sur le salariat. Mais, comme vous avez agi différemment, je vous propose un certain nombre d'amendements afin d'éviter cette confusion.
M. le président. L'amendement n° 21, présenté par MM. Assouline, Lagauche et Domeizel, Mme Blandin, MM. Bodin et Sueur, Mmes Printz et Demontes, M. Madec et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. Après l'article 9-2 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. ... - La condition de ressources n'est pas exigée pour les personnes physiques titulaires d'un contrat de volontariat dans les différends professionnels qui les opposent à l'organisme qui les emploie. »
II. Les conséquences financières entraînées par l'application de la présente loi sont compensées par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Claude Domeizel.
M. Claude Domeizel. Cet amendement se situe dans le droit-fil de celui qui a été présenté brillamment par notre collègue David Assouline et que le Sénat a adopté tout à l'heure.
Il a été très bien dit que les volontaires n'étaient pas soumis au code du travail et que le contentieux éventuel relevait non pas des conseils de prud'hommes mais de la juridiction de droit civil. Cependant, dans tous les cas, le volontaire aura éventuellement besoin de l'assistance d'un avocat.
La loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique a prévu que les personnes physiques dont les ressources sont insuffisantes pour faire valoir leurs droits en justice peuvent bénéficier d'une aide juridictionnelle et que cette aide est totale ou partielle.
L'article 65 de la loi du 9 septembre 2002, dite « loi Perben I », a inséré, au sein de cette loi, un article 9-2 aux termes duquel la condition de ressources pour l'accès à l'aide juridictionnelle n'est pas exigée sous certaines conditions.
Compte tenu de la précarité de leur statut et de la modicité de leur indemnité, qui s'élèvera, je le rappelle à quelque 400 euros mensuels, nous souhaitons qu'il soit bien précisé dans la loi que les titulaires d'un contrat de volontariat associatif bénéficieront de droit de l'aide juridictionnelle sans condition de ressources dans le cadre des litiges les opposant à l'organisme avec lequel ils ont signé leur contrat.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Murat, rapporteur. Mon cher collègue, vous dites que cet amendement se situe dans le droit-fil de l'amendement précédemment adopté par le Sénat. Or je ne vois pas où est le lien ! Et cela me gêne, parce que j'étais tout à fait prêt à émettre un avis favorable sur le présent amendement, alors que la commission avait émis un avis défavorable sur l'amendement précédent.
M. Yannick Bodin. M. Domeizel visait non pas l'amendement précédent, mais l'amendement n° 38 !
M. Bernard Murat, rapporteur. Même si, parfois, comme M. David Assouline l'a dit, on ne réfléchit pas assez - il n'a pas voulu dire que l'on n'était pas capable de réfléchir -, on peut tout de même faire la part des choses.
Quoi qu'il en soit, j'émets un avis favorable sur le présent amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-François Lamour, ministre. Monsieur Assouline, j'ai eu la curiosité de me reporter aux articles que vous visez dans votre amendement, et notamment aux articles 221-1 et 221-5 du code pénal. Votre dispositif me paraît un peu dangereux car, en résumé, vous assimilez les associations à des réunions de malfaiteurs, voire de criminels.
M. Claude Domeizel. Oh !
M. Jean-François Lamour, ministre. Je m'explique : concernant la prise en charge de ces frais, il s'agit, par exemple, de tout ce qui concerne l'atteinte à l'intégrité physique des personnes, à savoir les homicides, les viols, la barbarie, la torture. Cela ne me semble absolument pas en adéquation avec le sujet que nous abordons !
C'est pourquoi le Gouvernement émet un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Domeizel, l'amendement est-il maintenu ?
M. Claude Domeizel. Monsieur le ministre, je n'ai jamais parlé d'association de malfaiteurs, ni de quoi que ce soit de cette nature. Je vous renvoie au texte de l'amendement que je propose !
J'ai expliqué pourquoi ma proposition était utile, compte tenu de la modicité de l'indemnité que ces personnes perçoivent.
Cet amendement vise à insérer, après l'article 9-2 de la loi du 10 juillet 1991, un article disposant que la condition de ressources n'est pas exigée pour les personnes physiques titulaires d'un contrat de volontariat dans les différends professionnels qui les opposent à l'organisme qui les emploie. Il ne s'agit pas d'association de malfaiteurs ! Il s'agit de protéger tout volontaire qui aura un litige avec son « employeur », en l'occurrence une association.
Je ne vois pas pourquoi vous vous opposeriez à cette disposition, et je remercie la commission d'avoir émis un avis favorable.
Aussi, je maintiens mon amendement.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 1er.
Article 2
Un organisme agréé ne peut conclure de contrat de volontariat s'il a procédé à un licenciement économique dans les six mois précédant la date d'effet du contrat, ou si les missions confiées à la personne volontaire ont été précédemment exercées par un de ses salariés licencié ou ayant démissionné dans les six mois précédant la date d'effet du contrat.
M. le président. Je suis saisi de six amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 62, présenté par MM. Mouly et Seillier, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
Un organisme agréé ne peut conclure de contrat de volontariat si les missions confiées à une personne volontaire ont été précédemment exercées par un de ses salariés licenciés.
La parole est à M. Georges Mouly.
M. Georges Mouly. Le projet de loi interdit à une association qui a procédé à un licenciement pour des raisons économiques dans les six mois précédant la date d'effet du contrat de volontariat de conclure un tel contrat.
Le Conseil national de la vie associative s'était opposé à cette disposition dans son avis du 15 novembre 2004. Comme il l'a souligné, une association peut, pour des raisons diverses - perte de subvention, non renouvellement d'une convention - être contrainte de procéder à des compressions d'effectifs touchant sa structure administrative sans que ses actions sociales ou culturelles disparaissent.
M. le président. L'amendement n° 7, présenté par Mme Desmarescaux, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Dans cet article, supprimer les mots :
s'il a procédé à un licenciement économique dans les six mois précédant la date d'effet du contrat, ou
La parole est à Mme le rapporteur pour avis.
Mme Sylvie Desmarescaux, rapporteur pour avis. Cet amendement tend à supprimer l'interdiction de recourir au volontariat associatif lorsque l'organisme a procédé à un licenciement économique dans les six mois précédant la date d'effet du contrat.
L'article 2 serait donc ainsi rédigé : « Un organisme agréé ne peut conclure de contrat de volontariat si les missions confiées à la personne volontaire ont été précédemment exercées par un de ses salariés licenciés ou ayant démissionné dans les six mois précédant la date d'effet du contrat. »
M. le président. L'amendement n° 39, présenté par MM. Assouline, Lagauche et Domeizel, Mme Blandin, MM. Bodin et Sueur, Mmes Printz et Demontes, M. Madec et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans cet article, après les mots :
à la personne volontaire
insérer les mots :
dans le département où a eu lieu le licenciement
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Par cet amendement, il s'agit - et c'est une proposition réaliste - d'éviter que des salariés de l'association soient licenciés et remplacés par des volontaires pour accomplir, en réalité, les tâches fonctionnelles liées à la gestion de l'association.
Il nous semble qu'en apportant cette précision les choses seraient beaucoup plus claires.
M. le président. L'amendement n° 114 rectifié, présenté par MM. Legendre et Demuynck, est ainsi libellé :
Après les mots :
précédemment exercées par un de ses salariés
rédiger ainsi la fin de cet article :
dont le contrat de travail a été rompu dans les six mois précédant la date d'effet du contrat de volontariat.
La parole est à M. Christian Demuynck.
M. Christian Demuynck. Un contrat de travail ne prend pas fin uniquement par licenciement ou par démission, il peut aussi cesser par accord amiable ou par départ à la retraite.
M. le président. L'amendement n° 88, présenté par Mmes Férat, Létard et les membres du groupe Union centriste-UDF, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
Toutefois, par dérogation au précédent alinéa, les services chargés de délivrer l'agrément peuvent exceptionnellement autoriser la conclusion du contrat de volontariat, si le licenciement ou la démission résulte d'événements contraires à la volonté de l'organisme agréé.
La parole est à Mme Françoise Férat.
Mme Françoise Férat. Pour éviter un effet d'aubaine, cet article fixe des conditions restrictives pour la conclusion des contrats de volontariat. Or, en certaines circonstances, étrangères à la volonté de l'organisme agréé - perte ou baisse de subventions publiques ou d'aides privées, par exemple -, ce dernier peut être amené à rompre un contrat de travail. Dès lors, l'interdiction visée à l'article 2 pénalise doublement l'organisme, qui doit attendre un certain délai pour conclure un nouveau contrat de volontariat.
Par cet amendement, il vous est proposé de conserver ce garde-fou tout en l'assortissant d'une certaine souplesse. Comme je le disais tout à l'heure lors de la discussion générale, et même si j'ai bien conscience de complexifier les procédures d'agrément, les services de l'Etat chargés de délivrer l'agrément pourraient analyser les dossiers de création de contrat de volontariat et autoriser des dérogations au cas par cas si les éléments apportés par l'association attestent de sa bonne foi.
M. le président. L'amendement n° 94 rectifié, présenté par M. Voguet, Mme David, MM. Renar, Ralite et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
Le champ d'activité couvert par le volontariat ne saurait se substituer à une activité professionnelle qualifiée pouvant exister au sein d'une association ou d'une fondation à vocation sociale.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Nous le savons tous, et plusieurs d'entre nous l'ont déjà dit, le risque est grand, avec ce projet de loi, de voir certaines associations se servir de ce dispositif pour remédier aux difficultés qu'elles rencontrent pour financer leurs activités. Elles pourraient ainsi utiliser ce type de contrat pour couvrir des activités qui devraient normalement relever d'emplois salariés à temps plein ou à temps partiel. Or cet article prévoit des restrictions qui ne nous semblent pas suffisantes.
C'est pourquoi nous vous proposons cet amendement, plus clair et plus précis.
Nous considérons cependant que ce risque demeure parce qu'il est intrinsèquement contenu dans ce projet de loi. Du fait de la situation financière actuelle des associations, le fait même de développer des activités de volontariat aura pour conséquence directe de créer des besoins en postes supplémentaires pour gérer les missions de ces volontaires. Les associations, ne disposant pas des moyens de recruter ces personnels, seront donc dans l'obligation d'intégrer aux missions du volontaire des actes de gestion et d'organisation inhérents à sa propre activité.
C'est pour éviter de telles dérives que nous vous proposons cet amendement, tout en étant bien conscients des limites mêmes de cette précision puisque ces missions de gestion ne seront sans doute pas définies dans les projets. Néanmoins je vous demande, mes chers collègues, d'adopter cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Murat, rapporteur. La commission est défavorable à l'amendement n° 62, ainsi qu'à l'amendement n° 7... auquel, toutefois - je tiens à le préciser -, j'étais, à titre personnel, plutôt favorable.
En ce qui concerne l'amendement n° 39, la commission souhaite entendre l'avis du Gouvernement.
La commission est favorable à l'amendement n° 114 rectifié, ainsi qu'à l'amendement n° 88.
Enfin, la commission est défavorable à l'amendement n° 94 rectifié.
Mme Annie David. Cela marche à tous les coups !
M. Jean-François Voguet. Encore faudrait-il nous expliquer pourquoi !
M. Bernard Murat, rapporteur. Cet amendement, qui tend à dissocier le champ d'activité volontaire et le champ d'activité salariée, fait abstraction des missions au sein desquelles peuvent cohabiter des volontaires et des salariés. Il ne nous paraît, par conséquent, pas applicable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-François Lamour, ministre. Le Gouvernement est défavorable l'amendement n° 62, car le texte doit permettre de cadrer l'activité du volontaire par rapport à celle du salarié.
Sur l'amendement n° 7, j'émets un avis favorable, car Mme le rapporteur pour avis propose une bonne solution au problème soulevé.
Je suis également favorable à l'amendement n° 114 rectifié, sa rédaction étant complémentaire de celle de l'amendement précédent.
J'en viens à l'amendement n° 94 rectifié : grâce aux procédures d'agrément prévues à l'article 10, ses auteurs trouveront une réponse à leur préoccupation, et les conditions inscrites à l'article 2 permettent, justement, d'éviter que la loi soit contournée.
J'ai souvent l'impression, à vous entendre, madame David, que les associations veulent en permanence contourner la loi.
Mme Annie David. Ce n'est pas du tout ce que j'ai dit ! Vous interprétez !
M. Jean-François Lamour, ministre. J'interprète ? Peut-être ! Quoi qu'il en soit, pour ma part, je fais fondamentalement confiance aux associations.
Nous prévoyons d'encadrer leur activité par la notion d'agrément, lequel pourrait leur être retiré à partir du moment où elles ne rempliraient plus leur contrat.
Sur l'amendement n° 39, je souhaiterais obtenir, si c'était possible, quelques précisions, n'en ayant pas encore très bien compris ni le sens ni l'articulation avec le projet de loi. Je crains que cet amendement ne vise à donner, sous couvert du volontariat, une prime aux associations nationales, au détriment des petites associations.
Enfin, le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 88, puisque l'article 2 précise les conditions de recours au volontariat afin d'éviter tout détournement de la loi. Il s'agit donc non pas de pénaliser les associations, mais de préserver l'emploi au sein des associations.
M. le président. Monsieur Assouline, pouvez-vous apporter les précisions souhaitées par M. le ministre ?
M. David Assouline. L'amendement n° 39 nous a été inspiré par notre volonté, que nous n'avons de cesse de réaffirmer depuis tout à l'heure, de bien distinguer salariat et volontariat et d'empêcher tout effet pervers.
Vous, monsieur le ministre, qui ne créditez les associations d'aucune intention perverse, vous prévoyez, dans votre texte, un verrou. Permettez-moi, en effet, de relire le début de l'article 2 : « Un organisme agréé ne peut conclure de contrat de volontariat s'il a procédé à un licenciement économique dans les six mois précédant la date d'effet du contrat... »
Paradoxalement, les responsables des associations, que nous avons consultés, estiment qu'il s'agit d'une injustice. Ainsi, une association nationale ayant un comptable à Paris et qui, suite à une baisse d'activité ou parce qu'elle n'aura pas perçu la subvention européenne escomptée, sera contrainte de licencier, ne pourra pas recruter un volontaire à Marseille pour assurer une mission totalement différente.
Cette pénalité est absolument insupportable, notamment pour les associations qui emploient des volontaires sur l'ensemble du territoire et qui sont d'ores et déjà persuadées que cette mesure causera la fin du volontariat.
Cela étant, monsieur le ministre, je comprends votre volonté d'encadrer et, même si j'estime qu'elle va entraîner quelques injustices, je vous approuve. En revanche, nous entendons, par notre amendement, limiter ces injustices, en précisant que l'encadrement ne sera effectif que « dans le département où a eu lieu le licenciement ». Ainsi seraient évitées des injustices flagrantes du type de celle que je viens de citer, et qui ne sont pas admissibles.
Ce compromis permettrait de concilier le verrouillage que vous souhaitez mettre en place et une nécessaire souplesse.
Vous voyez, monsieur le ministre, que nous ne sommes pas systématiquement soupçonneux envers les associations, au contraire !
Notre engagement, aux uns et aux autres, dans le mouvement associatif, fait que, non seulement nous ne nourrissons aucun soupçon envers les associations qui souhaitaient cette loi - et toutes sont d'une totale bonne foi - mais que, de plus, nous avons le souci qu'elles ne soient pas pénalisées, ce qui va, bien entendu, dans le sens de leurs préoccupations.
Comme cela a été dit précédemment et comme cela sera certainement répété au cours de ce débat, des associations peuvent se créer parce qu'une brèche aura été perçue quelque part. Je ne soupçonne pas celles qui existent, mais vous en connaissez certainement, vous aussi, de ces associations qui se créent de façon peu sérieuse : le mouvement associatif honnête lui-même s'en plaint, car elles vont parfois jusqu'à le mettre en danger.
Bien qu'approuvant la volonté du Gouvernement de verrouiller un peu le dispositif, nous trouvons le système proposé trop dur et, par notre amendement, nous voulons l'assouplir.
M. le président. Quel est, dans ces conditions, l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 39 ?
M. Jean-François Lamour, ministre. Puis-je me permettre, monsieur le président, d'indiquer à M. Assouline que, si l'amendement n° 7, auquel le Gouvernement est favorable, est adopté, le bout de phrase qui l'ennuie disparaîtra, puisque cet amendement n° 7 vise, je le rappelle, à supprimer les mots « s'il a procédé à un licenciement économique dans les six mois précédant la date d'effet du contrat, ou » ?
M. Jean-Pierre Sueur. Là, vous tombez dans le laxisme !
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur pour avis.
Mme Sylvie Desmarescaux, rapporteur pour avis. Permettez-moi de revenir quelques instant sur l'amendement n° 7.
Nous sommes tous d'accord sur le fait qu'il faut éviter le développement d'un sous-salariat.
A cette fin, le projet de loi vise à interdire de substituer une personne volontaire à un salarié ayant été licencié ou ayant démissionné durant les six derniers mois et de conclure un contrat de volontariat lorsqu'un licenciement économique a eu lieu dans les six mois précédant la date d'effet du contrat.
Cette dernière interdiction est susceptible de paralyser le dispositif, ainsi que l'ont souligné toutes les personnes auditionnées, toutes les associations étant amenées, pour cause de restructuration ou de difficultés financières, à supprimer des postes salariés, par exemple lorsqu'un budget disparaît faute de subvention.
Le contrat de volontariat associatif risquerait donc d'être circonscrit aux associations fonctionnant sans salariés, qui n'ont souvent pas la structure nécessaire pour proposer des contrats de volontariat associatif et assurer l'encadrement des volontaires.
Cet amendement tend, par conséquent, à supprimer l'interdiction de recourir au volontariat associatif lorsque l'organisme a procédé dans les six mois précédents à un licenciement économique.
Il s'agit là d'une solution tout à fait adaptée et claire, l'intérêt de la loi - personne, je pense, ne me contredira sur ce point ! - étant d'être simple et sans ambiguïté. M. le ministre l'a d'ailleurs bien compris, puisqu'il a donné un avis favorable à cet amendement.
M. le président. Monsieur Mouly, l'amendement n° 62 est-il maintenu ?
M. Georges Mouly. Je retire d'autant plus allègrement cet amendement que celui de Mme le rapporteur pour avis, qui répond aux mêmes préoccupations, a reçu un avis favorable.
Ce que je ne comprends pas - mais tel n'est pas le problème, l'essentiel étant le fond et, là, je suis satisfait - c'est qu'à teneur identique l'un des amendements - le mien ! - ait reçu un avis défavorable et l'autre - le sien ! - un avis favorable. Mais je dis cela avec le sourire, parce que cela ne mérite pas de plus profonde réaction.
M. le président. En conséquence, l'amendement n° 39 n'a plus d'objet.
Je mets aux voix l'amendement n° 114 rectifié.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote sur l'amendement n° 94 rectifié.
M. Jean-Pierre Sueur. Mes chers collègues, sur la question du licenciement intervenu dans les six mois précédant la date d'effet du contrat, vous avez adopté, suivant en cela Mme le rapporteur pour avis, une position qui allait plus loin que celle que nous avions proposée, qui consistait à limiter cette mesure au département où a eu lieu le licenciement.
Nous sommes très sensibles, bien sûr, à la position des associations, et nous sommes favorables au développement du volontariat, mais sur des bases saines et claires.
Or on ne peut pas méconnaître, monsieur le ministre, que nombre de nos concitoyens sont touchés par le chômage, et que la politique du Gouvernement, en ce domaine, se solde par un échec ressenti douloureusement par toutes celles et tous ceux qui ont perdu leur emploi.
M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Restons dans le sujet !
M. Jean-Pierre Sueur. Dans ce contexte, nous estimons qu'il importe d'être vigilants. Pourquoi ? Parce qu'il est déjà arrivé, dans le passé, que certains trouvent au volontariat ou au bénévolat des vertus un peu faciles : il y a trop de préretraites ? Ce n'est pas grave, les préretraités vont s'engager dans les associations, et en seront heureux. Quant aux jeunes au chômage, ils peuvent devenir volontaires, et ainsi de suite... De fil en aiguille, on détricote ainsi le droit du travail.
Mais, surtout, les emplois-jeunes, créés par le précédent gouvernement, avaient une définition précise. Puis vous êtes arrivés, vous avez considéré que ce système était mauvais, qu'il ne s'agissait pas de vrais emplois. Et, ensuite, nous avons vu apparaître M. Borloo, nous expliquant qu'il fallait revenir sur ce que l'on avait dénoncé hier. Voilà la vérité !
Dans ce contexte, nous sommes, avec les associations, pour le développement du volontariat, mais nous considérons que ce serait faire tort et aux associations et au volontariat que d'accepter des dérives dans lesquelles un volontaire viendrait exercer une activité effectuée ou susceptible d'être effectuée par un salarié.
Mme David et M. Voguet nous proposent de l'écrire noir sur blanc : je n'y vois pas d'inconvénient ! Si vous acceptiez, mes chers collègues, d'adopter cet amendement, vous feriez toute la clarté, en permettant le développement du volontariat sur des bases saines, et en aucun cas contre l'emploi.