sommaire
PRÉSIDENCE DE M. Guy Fischer
2. Catastrophes naturelles et mouvements de terrain. - Adoption des conclusions modifiées du rapport d'une commission (Ordre du jour réservé.)
Discussion générale : MM. Claude Biwer, rapporteur de la commission des affaires économiques ; Brice Hortefeux, ministre délégué aux collectivités territoriales ; Michel Houel, Mme Evelyne Didier, M. Aymeri de Montesquiou, Mme Nicole Bricq, MM. Jean-Pierre Sueur, Daniel Reiner.
Clôture de la discussion générale.
M. le ministre délégué.
Article additionnel avant l'article 1er
Amendement no 1 de Mme Nicole Bricq. - MM. Jean-Pierre Sueur, le rapporteur, le ministre délégué, Jean-Pierre Fourcade. - Rejet.
MM. Yannick Bodin, Roland Courteau.
Amendement no 16 du Gouvernement et sous-amendements nos 17 et 18 de la commission ; amendements identiques nos 3 de Mme Nicole Bricq et 11 de Mme Evelyne Didier ; amendements nos 4 et 5 de Mme Nicole Bricq. - MM. le ministre délégué, le rapporteur, Daniel Reiner, Mme Evelyne Didier, M. Jean-Pierre Sueur. - Adoption des sous-amendements nos 17, 18 et de l'amendement no 16 modifié, les autres amendements devenant sans objet.
Adoption de l'article modifié.
Article additionnel après l'article 1er
Amendement no 13 de Mme Evelyne Didier. - Mme Evelyne Didier, MM. le rapporteur, le ministre délégué. - Rejet.
Amendements nos 6 de Mme Nicole Bricq et 12 de Mme Evelyne Didier. - MM. Yannick Bodin, Michel Billout, le rapporteur, le ministre délégué, Mme Nicole Bricq, M. Jean-Pierre Sueur. - Rejet des deux amendements.
Amendements nos 7, 9 et 10 de Mme Nicole Bricq. - Devenus sans objet.
Amendements nos 14 et 15 de Mme Evelyne Didier. - Mme Evelyne Didier, MM. Michel Billout, le rapporteur, le ministre délégué, Daniel Reiner, Jean-Pierre Fourcade. - Rejet de l'amendement no 14 ; adoption de l'amendement no 15.
Adoption de l'article modifié.
Intitulé de la proposition de loi
M. le président, Mme Nicole Bricq, M. Yannick Bodin.
Mme Anne-Marie Payet, MM. Michel Houel, Michel Billout, Mme Nicole Bricq.
Adoption de la proposition de loi.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet
3. Questions d'actualité au Gouvernement
M. le président.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement.
MM. Aymeri de Montesquiou, Brice Hortefeux, ministre délégué aux collectivités territoriales.
libération de florence aubenas
MM. Ambroise Dupont, Dominique de Villepin, Premier ministre.
MM. David Assouline, Gilles de Robien, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.
modification du financement des soins à domicile
Mme Valérie Létard, M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités.
Mme Catherine Procaccia, M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement.
plan d'urgence pour l'emploi du gouvernement
Mme Claire-Lise Campion, M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement.
problèmes budgétaires de la caisse nationale d'allocations familiales (cnaf)
Mme Adeline Gousseau, M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités.
fermetures de classes et carte scolaire, notamment à paris
MM. Roger Madec, Gilles de Robien, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.
importations de textile chinois
M. Christian Demuynck, Mme Christine Lagarde, ministre déléguée au commerce extérieur.
Suspension et reprise de la séance
présidence de Mme Michèle André
4. Demande d'autorisation d'une mission d'information
5. Equilibre entre les différentes formes de commerce. - Adoption des conclusions modifiées du rapport d'une commission (Ordre du jour réservé.)
Discussion générale : MM. Alain Fouché, rapporteur de la commission des affaires économiques ; Renaud Dutreil, ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et des professions libérales ; Yannick Texier, Mme Françoise Férat, MM. Gérard Le Cam, Jean Desessard.
Clôture de la discussion générale.
Amendement no 21 du Gouvernement. - MM. le ministre, le rapporteur. - Adoption.
Amendement no 22 du Gouvernement. - MM. le ministre, le rapporteur. - Adoption.
Amendement no 10 rectifié de Mme Anne-Marie Payet. - Mme Anne-Marie Payet, MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Amendement no 23 du Gouvernement. - MM. le ministre, le rapporteur. - Adoption.
Amendement no 11 de Mme Anne-Marie Payet. - Mme Anne-Marie Payet, le rapporteur, le ministre. - Retrait.
Adoption de l'article modifié.
M. Dominique Braye.
Amendements nos 24 du Gouvernement et 4 rectifié bis de M. Jean-Paul Alduy. - MM. le ministre, Paul Girod, le rapporteur, Gérard Cornu, Dominique Braye. - Adoption de l'amendement no 24, l'amendement no 4 rectifié bis devenant sans objet.
Amendements nos 9 de M. Paul Girod, 19 et 20 rectifié bis de M. Dominique Braye. - MM. Paul Girod, le rapporteur, Dominique Braye, le ministre. - Retrait des amendements nos 9 et 19 ; adoption de l'amendement no 20 rectifié bis.
Amendement no 25 du Gouvernement. - MM. le ministre, le rapporteur, Dominique Braye.
Suspension et reprise de la séance
Amendement no 25 rectifié du Gouvernement. - MM. le ministre, le rapporteur. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Amendements nos 5 rectifié de M. Jean-Paul Alduy et 17 de Mme Anne-Marie Payet. - M. Paul Girod, Mme Anne-Marie Payet, MM. le rapporteur, le ministre, Dominique Braye. - Rejet de l'amendement no 5 rectifié ; retrait de l'amendement no 17.
Adoption de l'article.
Amendement no 26 du Gouvernement. - MM. le ministre, le rapporteur. - Adoption de l'amendement supprimant l'article.
Amendement no 27 rectifié du Gouvernement. - MM. le ministre, le rapporteur. - Adoption.
Amendement no 28 du Gouvernement. - MM. le ministre, le rapporteur. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Amendement no 6 rectifié bis de M. Jean-Paul Alduy. - MM. Paul Girod, le rapporteur, le ministre, Gérard Cornu. - Rejet.
Amendement no 29 du Gouvernement. - MM. le ministre, le rapporteur, Paul Girod. - Rejet.
Amendement no 30 du Gouvernement. - MM. le ministre, le rapporteur. - Adoption.
Amendement no 2 rectifié de M. Philippe Dominati, repris par le Gouvernement. - MM. le ministre, le rapporteur. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Amendement no 7 rectifié de M. Jean-Paul Alduy. - MM. Paul Girod, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Adoption de l'article.
Amendements nos 31 du Gouvernement et 8 rectifié de M. Jean-Paul Alduy. - MM. le ministre, le rapporteur, Dominique Braye, Paul Girod. - Retrait de l'amendement no 8 rectifié ; rejet de l'amendement no 31.
Adoption de l'article.
Amendement no 14 de M. Yannick Texier. - MM. Yannick Texier, le rapporteur, le ministre. - Adoption.
Amendement no 32 du Gouvernement. - MM. le ministre, le rapporteur. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Article additionnel après l'article 11
Amendement no 13 de M. Yannick Texier. - MM. Yannick Texier, le rapporteur, le ministre. - Retrait.
Amendements nos 15 rectifié de M. Yannick Texier et 18 de Mme Anne-Marie Payet. - M. Yannick Texier, Mme Anne-Marie Payet, MM. le rapporteur, le ministre, Gérard Cornu, Dominique Braye. - Adoption de l'amendement no 15 rectifié, l'amendement no 18 devenant sans objet.
Amendement no 33 du Gouvernement. - MM. le ministre, le rapporteur. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.
présidence de M. Guy Fischer
Article additionnel après l'article 12
Amendement no 16 rectifié de M. Yannick Texier. - MM. Yannick Texier, le rapporteur, le ministre, Gérard Cornu. - Retrait.
MM. Jacques Pelletier, Jean Desessard, Dominique Braye, le rapporteur, le ministre.
Adoption de la proposition de loi.
Suspension et reprise de la séance
6. Petites et moyennes entreprises. - Suite de la discussion et adoption d'un projet de loi déclaré d'urgence
Articles additionnels avant l'article 45
Amendement no 88 de la commission et sous-amendement no 137 rectifié bis de M. Dominique Mortemousque. - MM. Gérard Cornu, rapporteur de la commission des affaires économiques ; Yannick Texier, Renaud Dutreil, ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et des professions libérales. - Adoption du sous-amendement et de l'amendement modifié insérant un article additionnel.
Amendement no 274 de M. Jean-Pierre Godefroy. - MM. Bernard Dussaut, le rapporteur, le ministre, Mme Michelle Demessine. - Rejet.
Amendement no 342 rectifié bis de M. Gérard Longuet, repris par la commission. - MM. le rapporteur, Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois, en remplacement de M. Christian Cambon, rapporteur pour avis ; le ministre. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement no 179 de M. Christian Cambon, rapporteur pour avis, et sous-amendement no 243 rectifié bis de M. Francis Grignon. - MM. Jean-Jacques Hyest, rapporteur pour avis ; Dominique Leclerc, le ministre. - Retrait du sous-amendement ; adoption de l'amendement.
Amendement no 242 rectifié bis de M. Francis Grignon. - MM. Dominique Leclerc, Jean-Jacques Hyest, rapporteur pour avis. - Retrait.
Adoption de l'article modifié.
Articles additionnels après l'article 45
Amendement no 322 de M. Dominique Leclerc. - Mme Catherine Procaccia, MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement no 341 de M. Dominique Leclerc. - Mme Catherine Procaccia, MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
M. Bernard Dussaut.
Article additionnel après l'article 46 ou après l'article 47
Amendements identiques nos 91 de la commission et 218 de Mme Catherine Procaccia, rapporteur pour avis ; amendement no 277 de M. Jean-Pierre Godefroy. - MM. le rapporteur, Mme Catherine Procaccia, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales ; MM. Bernard Dussaut, le ministre. - Retrait de l'amendement no 277 ; adoption des amendements nos 91 et 218 insérant un article additionnel après l'article 46.
Article additionne après l'article 46
Amendement no 345 de M. Jean Desessard. - MM. Jean Desessard, le rapporteur, le ministre. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Suspension et reprise de la séance
Article additionnel après l'article 47
Amendement no 314 de M. Daniel Raoul. - MM. Bernard Dussaut, le rapporteur, le ministre, Jean Desessard. - Rejet.
Articles additionnels avant l'article 48
Amendement no 404 de Mme Michelle Demessine. - Mme Michelle Demessine, MM. le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement no 405 de Mme Michelle Demessine. - Mme Michelle Demessine, MM. le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement no 406 de Mme Michelle Demessine. - Mme Michelle Demessine, MM. le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement no 222 de Mme Catherine Procaccia, rapporteur pour avis - Mme Catherine Procaccia, rapporteur pour avis ; le rapporteur, le ministre. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Articles additionnels après l'article 48
Amendement no 279 de M. Jean-Pierre Godefroy. - MM. Bernard Dussaut, le rapporteur, le ministre. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement no 407 de Mme Michelle Demessine. - Mme Michelle Demessine, MM. le rapporteur, le ministre, Jean Desessard. - Rejet.
Amendement no 408 de Mme Michelle Demessine. - Mme Michelle Demessine, MM. le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Demande de renvoi à la commission des articles 49 et 52
Motion no 446 de Mme Michelle Demessine. - MM. Michel Billout, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement no 94 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.
Mme Nicole Bricq.
Adoption de l'article modifié.
Article additionnel après l'article 50
Amendement no 436 du Gouvernement et sous-amendements nos 444 et 445 rectifié de M. Jean-Pierre Godefroy. - MM. le ministre, Bernard Dussaut, le rapporteur, Mme Michelle Demessine, M. Jean Desessard. - Retrait des amendements nos 444 et 445 rectifié ; adoption de l'amendement no 436 insérant un article additionnel.
Amendement no 440 du Gouvernement. - MM. le ministre, le rapporteur, Jean Desessard, Jean Bizet. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Articles additionnels avant l'article 51
Amendement no 409 de Mme Michelle Demessine. - Mme Michelle Demessine, MM. le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement no 410 de Mme Michelle Demessine. - Mme Michelle Demessine, MM. le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendements identiques nos 280 de M. Jean-Pierre Godefroy et 411 de Mme Michelle Demessine ; amendements nos 223 de Mme Catherine Procaccia, rapporteur pour avis et 416 de M. Jacques Pelletier. - M. Bernard Dussaut, Mmes Michelle Demessine, Catherine Procaccia, rapporteur pour avis ; MM. Jacques Pelletier, le rapporteur, le ministre. - Retrait de l'amendement no 416 ; rejet des amendements nos 280 et 411 ; adoption de l'amendement no 223.
Adoption de l'article modifié.
Articles additionnels après l'article 51
Amendement no 235 rectifié de Mme Elisabeth Lamure. - Mme Elisabeth Lamure, MM. le rapporteur, le ministre, Jean Desessard, Mme Michelle Demessine. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement no 95 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Articles additionnels après l'article 52
Amendement no 224 rectifié bis de M. Jean-François Le Grand. - MM. Jean Bizet, le rapporteur, le ministre. - Retrait.
Amendement no 225 rectifié bis de M. Jean-Claude Etienne. - MM. Yannick Texier, le rapporteur, le ministre. - Retrait.
Articles additionnels après l'article 53
Amendement no 346 de M. Jean Desessard. - MM. Jean Desessard, le rapporteur, le ministre. - Retrait.
Amendements nos 362 et 363 de M. Jean Desessard. - MM. Jean Desessard, le rapporteur, le ministre. - Rejet des deux amendements.
M. Bernard Dussaut, Mmes Michelle Demessine, Anne-Marie Payet, MM. Yannick Texier, Jacques Pelletier, Jean Desessard, Mme Catherine Procaccia,rapporteur pour avis ; le rapporteur,
Adoption, par scrutin public, du projet de loi.
M. le ministre.
7. Transmission de propositions de loi
8. Dépôt d'un rapport d'information
compte rendu intégral
PRÉSIDENCE DE M. Guy Fischer
vice-président
1
PROCÈS-VERBAL
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
Catastrophes naturelles et mouvements de terrain
Adoption des conclusions modifiées du rapport d'une commission
(Ordre du jour réservé)
M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions du rapport (n° 381) de la commission des affaires des affaires économiques sur :
- la proposition de loi (n° 441) de MM. Claude Biwer, Philippe Arnaud, Marcel Deneux, Jean-Léonce Dupont, Mmes Gisèle Gautier, Anne-Marie Payet, MM. François Zocchetto, Laurent Béteille, et Michel Houel, tendant à considérer comme les effets d'une catastrophe naturelle les mouvements de terrain différentiels consécutifs à la sécheresse ou à la réhydratation des sols quelle que soit leur intensité,
- et la proposition de loi (n° 302) de Mme Nicole Bricq, MM. Jean-Pierre Sueur, Daniel Reiner, Yannick Bodin, Bernard Piras, Bertrand Auban, Jean Besson, Mme Claire-Lise Campion, MM. Jean-Noël Guérini, Claude Haut, Mme Sandrine Hurel, MM. Alain Journet, Serge Lagauche, Jacques Mahéas, François Marc, Mme Gisèle Printz, M. René-Pierre Signé, Mme Catherine Tasca, MM. Jean-Marc Todeschini, Richard Yung, Roland Courteau et des membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, tendant à assurer la transparence du régime de l'assurance des risques de catastrophes naturelles.
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.
M. Claude Biwer, rapporteur de la commission des affaires économiques et du Plan. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi tout d'abord de vous dire ma satisfaction de voir le Sénat débattre d'un sujet qui touche directement plusieurs millions de nos concitoyens, je veux bien sûr parler des catastrophes naturelles.
Pour Léon Gambetta, le Sénat devait être le « grand conseil des communes de France ». Je crois que la Haute Assemblée est fidèle à sa vocation lorsqu'elle permet de porter au niveau national les difficultés et les attentes rencontrées dans nos communes, en particulier par les maires.
Les maires sont, en effet, en première ligne lorsque survient un événement naturel anormal. Dans le système mis en place par la loi du 13 juillet 1982, relative à l'indemnisation des victimes de catastrophes naturelles, ce sont eux qui adressent à la préfecture les demandes de reconnaissance de leurs communes. Ces demandes sont ensuite transmises par le préfet au ministère de l'intérieur, qui peut, après avis d'une commission, cosigner avec le ministre des finances et le ministre du budget un arrêté de reconnaissance de la commune en état de catastrophe naturelle.
Une fois publié, cet arrêté permet aux habitants de la commune concernée d'adresser une déclaration de sinistre à leur compagnie d'assurances, qui mandate un expert chargé de vérifier si l'événement catastrophique est bien la cause déterminante des dégâts constatés. Si c'est le cas, l'assurance indemnise les dommages. Le système français est, en effet, un système assurantiel, puisque les compagnies d'assurances collectent les surprimes catastrophes naturelles, - elles représentent 12 % de la prime multirisques habitation et 6 % sur les assurances de véhicules - et procèdent aux indemnisations.
Toutefois, ce n'est pas un système assurantiel comme les autres puisqu'il repose sur la solidarité nationale. En effet, tout le monde paie la même prime et tout le monde est couvert pour tous les risques quel que soit l'endroit où il habite. Par exemple, les habitants de la Meuse paient pour le risque d'avalanche. Quel bel exemple de mutualisation !
Au titre de cette solidarité, l'Etat assure la garantie financière du système, indirectement par la caisse centrale de réassurance et, directement, en faisant intervenir le trésor public in fine si nécessaire. Ce système original dans le monde a permis à la France de manifester depuis vingt ans une solidarité effective vis-à-vis de nos concitoyens touchés par les catastrophes, et ce pour un montant de cotisation raisonnable.
Nous pouvons être fiers de ce système. Raison de plus pour l'améliorer s'il présente des insuffisances.
De ce point de vue, la sécheresse de 2003 a été un véritable détonateur. Elle a mis en lumière les limites du système actuel et a été le point de départ de nos réflexions.
Que s'est-il passé ?
Cette sécheresse et les pluies qui ont suivi ont causé des mouvements de terrains dans les régions argileuses qui ont, à leur tour, entraîné des fissures, parfois importantes, sur de nombreux bâtiments, surtout des maisons individuelles.
Ce phénomène n'est pas nouveau, même s'il est moins facile à observer que les inondations. Or, depuis dix ans, notre système a su déterminer des critères permettant d'indemniser les victimes. Pourtant, la sécheresse de 2003 ne correspond pas à ces critères, car il s'agit d'une sécheresse caniculaire, inédite en France, où nous connaissons traditionnellement des sécheresses dites d'hiver.
Face à cette situation, le Gouvernement a peiné à rechercher des critères pour définir et mesurer le phénomène de 2003, ce qui s'est traduit par des arrêtés de reconnaissance publiés au compte-gouttes, le dernier datant du 30 mai dernier. Les victimes ont donc dû subir une attente insupportable, qui l'est d'autant plus que cette affaire n'est toujours pas réglée aujourd'hui !
Ces événements ont créé un grand malaise, une exaspération que nous ressentons dans nos communes. Aussi, même si nous légiférons pour l'avenir et non pour le passé, force est de constater, monsieur le ministre, que l'ombre de 2003 plane sur nos débats.
J'espère que vous serez en mesure de nous confirmer que les travaux du Sénat ont accéléré les décisions ministérielles et qu'une réponse globale, et peut-être définitive, au problème de 2003 sera apportée très bientôt.
M. Jean-Pierre Sueur. Nous l'espérons très fort !
M. Claude Biwer, rapporteur. Cette catastrophe marque aussi notre débat d'aujourd'hui, car elle a mis en évidence les limites du système en termes de transparence et d'équité. Ce constat est, en partie, à l'origine des propositions de loi nos 302 et 441 que la commission des affaires économiques a examinées.
La proposition de loi n° 441, dont je suis l'un des signataires, est surtout centrée sur la préoccupation d'équité. A cette fin, elle prévoyait de supprimer le critère de l'intensité anormale des mouvements de terrains. Elle s'inscrivait dans une logique d'indemnisation fondée sur les dommages effectivement constatés. La prise en compte de la réalité des dommages constatés a été reprise sous une autre forme dans la proposition de loi finalement adoptée par la commission des affaires économiques. Cette prise en compte passe désormais par l'avis rendu par des commissions consultatives départementales des catastrophes naturelles, prévues à l'article 1er de la proposition qui vous est soumise. Une telle instance permet la participation des élus locaux, des assurés et des assureurs. Elle est indispensable quand il existe un décalage entre les dégâts constatés sur le terrain et les critères de reconnaissance appliqués au niveau national. C'est le cas des mouvements de terrains liés à la sécheresse ; c'est évidemment beaucoup moins vrai pour les inondations qui causent des dommages immédiats et faciles à constater à l'oeil nu.
La proposition de loi qui vous est soumise aujourd'hui améliore également l'équité du système, dans la mesure où elle rend possible la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle sur une portion de commune, et non obligatoirement sur l'ensemble de la commune, afin d'éviter les injustices que nous constatons tous les jours. En effet, il arrive souvent que des petits dégâts soient indemnisés dans des communes reconnues alors que de gros dégâts ne le sont pas dans des communes non reconnues, où il s'est pourtant passé quelque chose.
Dans le système actuel du « tout ou rien », la commission interministérielle hésite à proposer aux ministres de reconnaître une commune où il y a seulement deux ou trois maisons fissurées à cause de la sécheresse, car elle sait qu'une fois l'arrêté de reconnaissance publié les assurés multiplieront les déclarations, appelant à la visite des experts d'assurances. Compte tenu de l'effet psychologique de l'arrêté de reconnaissance, les experts ont du mal à dire non aux demandeurs, même lorsque c'est justifié.
Pour éviter ces comportements, l'article 3 de la proposition de loi adoptée par la commission vise aussi à ajouter un rappel des obligations des experts des compagnies d'assurances, qui ne doivent pas appliquer de présomption d'indemnisation au seul prétexte que la commune a été reconnue en état de catastrophe naturelle, car cela finit par nuire à l'équité du système.
Voilà donc comment la commission des affaires économiques a traduit l'objectif d'équité qui sous-tendait la proposition de loi n° 441.
La proposition de loi adoptée par la commission s'est aussi inscrite dans la recherche de transparence, qui était à la base de la proposition de loi initiale n° 302, déposée par nos collègues socialistes.
Cette proposition de loi tendait à améliorer la transparence de la procédure en faisant intervenir des commissions départementales et un conseil national.
Si la commission a repris l'idée de nos collègues pour la commission départementale, elle ne les a pas suivis, en revanche, au sujet du conseil national. La raison principale est qu'il ne convient pas d'alourdir la procédure et que la participation des élus, des assurés et des assureurs est plus utile sur le terrain qu'au plan national.
S'agissant de la fonction de suivi général des problèmes de catastrophes naturelles que nos collègues socialistes souhaitaient voir assurée par ce conseil national, je leur rappelle que la loi de sécurité civile du 30 juillet 2004 a prévu la création d'un conseil national de la sécurité civile qui se met en place et qui remplira cette fonction de suivi.
M. Jean-Pierre Sueur. Il a un autre objet !
M. Claude Biwer, rapporteur. La commission des affaires économiques n'a pas non plus repris une autre disposition de la proposition de loi n° 302 qui visait à exclure le ministre des finances de la décision, en remplaçant l'actuel arrêté interministériel de reconnaissance par un arrêté du seul ministre de l'intérieur.
M. Jean-Pierre Sueur. C'est un ministre important !
M. Claude Biwer, rapporteur. Les deux ministres sont importants, monsieur Sueur.
Ce maintien de Bercy dans la décision est important dans la mesure où l'Etat est le financeur en dernier ressort du système, comme le rappelait déjà M. Jacques Delors, ministre des finances lors de la discussion de la loi de 1982.
M. Jean-Pierre Sueur. Bonne référence !
M. Claude Biwer, rapporteur. Le ministère des finances est aussi le garant de l'équilibre du système assurantiel et des primes payées par nos concitoyens.
M. Jean-Pierre Sueur. Le Gouvernement est un !
M. Claude Biwer, rapporteur. En revanche, en se fixant un objectif de transparence, la commission des affaires économiques a estimé nécessaire d'ajouter, en amont de la catastrophe, un volet consacré à l'information et à la prévention des risques liés à la sécheresse. Par rapport aux inondations et à d'autres phénomènes, la sécheresse est, en effet, le parent pauvre de notre système de prévention. L'exemple de 2003 a montré que cela ne pouvait plus durer.
C'est pourquoi l'article 2 de la proposition de loi prévoit le financement d'un programme de prévention à hauteur de 13 millions d'euros en provenance du fonds Barnier. D'ici à deux ans, la cartographie ainsi établie par le bureau de recherches géologiques et minières permettra d'identifier le risque de mouvements de terrains sur tout le territoire national. Cela représentera environ 9 millions d'euros sur les 13 millions d'euros prévus.
De plus, les élus, les professionnels de la construction et les particuliers auront été informés des mesures à prendre tant pour les édifices futurs que pour les bâtiments existants. La généralisation des démarches d'information existantes devrait coûter environ 2 millions d'euros. En outre, 2 millions d'euros seront consacrés à la recherche du phénomène très spécifique de la sécheresse d'été.
Les 13 millions d'euros prévus sont à rapporter aux 120 millions d'euros de réserve accumulés par le fonds Barnier et aux 3 milliards d'euros d'indemnisation des catastrophes naturelles liées à la sécheresse depuis quinze ans.
En résumé, votre commission des affaires économiques vous propose d'adopter un texte comprenant trois articles.
L'article 1er met en place les commissions consultatives départementales des catastrophes naturelles composées de onze membres, à savoir trois représentants des services de l'Etat désignés par le représentant de l'Etat, le président du conseil général ou son représentant, trois représentants des communes désignés par l'association départementale des maires, deux représentants des assurés désignés par les représentants des associations de consommateurs du comité départemental de la consommation et deux représentants des assureurs nommés sur proposition des organisations professionnelles.
Le rôle de ces commissions est de faire état au préfet des dégâts constatés, en les affinant si nécessaire au niveau de la section de commune, et d'émettre un avis consultatif sur les demandes de reconnaissance.
L'article 2 assure le financement du programme de prévention des risques de mouvements de terrains différentiels dus à la sécheresse à hauteur de 13 millions d'euros, dans les conditions déjà indiquées.
Enfin, l'article 3 prévoit la possibilité de reconnaître en état de catastrophe naturelle des portions de communes afin d'éviter les traitements inéquitables dont nous avons parlé. Cet article indique également de façon explicite que la reconnaissance d'une commune ou d'une portion de commune en état de catastrophe naturelle ne doit pas constituer une présomption de droit à indemnisation.
En conclusion, je crois que le travail de la commission sur les propositions de loi nos 302 et 441, ainsi que le texte auquel elle a abouti présentent un double intérêt.
Le premier est de vous présenter un texte qui améliore la transparence et l'équité de notre système pour l'avenir sans l'alourdir ni le déstabiliser.
Le deuxième intérêt est d'envoyer un signal fort au Gouvernement afin de régler définitivement le cas de la sécheresse de 2003, dans le respect de nos deux principes que sont la transparence et l'équité. J'espère, monsieur le ministre, que vous pourrez nous confirmer un certain nombre d'informations. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF, de l'UMP, du RDSE et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Brice Hortefeux, ministre délégué aux collectivités territoriales. Monsieur le rapporteur, vous avez situé le problème de la sécheresse de l'été 2003 au coeur de vos préoccupations. Vous avez eu parfaitement raison, car ce fut un phénomène exceptionnel auquel, en ce qui concerne les dommages aux bâtiments, le système assurantiel a eu à répondre.
En effet, vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, depuis une loi de 1982, codifiée à l'article L. 125-1 du code des assurances, un système d'indemnisation est prévu en cas de phénomène naturel d'une intensité anormale. Il s'agit d'un dispositif assurantiel qui s'applique dès lors que le maire sollicite et obtient de l'Etat la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle. Ensuite, chaque assuré voit les dommages pris en charge, si le lien avec la catastrophe est établi.
Ce système a, pour l'instant, bien fonctionné, comme le rapport de votre commission le fait observer. Son fonctionnement sur une base assurantielle, ainsi que la rigueur de mise en oeuvre qui en découle, lui confère la solidité indispensable pour absorber les chocs que constituent les grandes catastrophes et garantit en même temps une équité de traitement, qui est, à mes yeux, tout aussi importante.
Le régime français des catastrophes naturelles, qui, faut-il le rappeler, est unique en Europe, a permis, grâce à la doctrine élaborée par les pouvoirs publics, la prise en compte de phénomènes variés comme les inondations, les coulées de boues, les séismes, les avalanches, les vents cycloniques, etc.
La sécheresse fait partie des événements qui peuvent être indemnisés, si l'intensité anormale est avérée. Mais l'ampleur du phénomène survenu en 2003 a été telle, et sur une si courte durée, que les critères habituels retenus pour les épisodes antérieurs se seraient trouvés sans effet si on les avait appliqués tels quels.
Ainsi, seules quelque 200 communes auraient pu bénéficier du régime des catastrophes naturelles si les critères de la sécheresse de 2002 avaient été strictement respectés.
Or, à ce jour, les services du ministère de l'intérieur, plus précisément la direction de la défense et de la sécurité civiles, ont reçu 7 600 dossiers communaux, étant entendu - c'est très souvent le cas - qu'un seul dossier communal recouvre plusieurs situations individuelles.
La nécessité était donc de trouver des critères adaptés qui permettent de traiter équitablement la sécheresse de 2003 par rapport aux épisodes antérieurs, c'est-à-dire de retrouver un taux de demandes indemnisées comparable au taux pratiqué pour les autres types de sécheresse. C'est ce qu'a fait le Gouvernement en demandant à Météo France de proposer, dès l'automne 2004, une nouvelle méthodologie.
C'est ainsi que le bilan hydrique fourni par Météo France a été retenu en février 2004. Le niveau d'éligibilité a ainsi été élargi à deux reprises.
Certes, j'en ai bien conscience, cette évolution peut donner le sentiment de l'hésitation.
M. Jean-Pierre Sueur. En effet !
M. Brice Hortefeux, ministre délégué. Il faut surtout y voir le souci des pouvoirs publics d'être réactifs et plus à l'écoute des besoins.
M. Aymeri de Montesquiou. Très bien !
M. Brice Hortefeux, ministre délégué. De fait, de nombreux dossiers de demande de reconnaissance ne nous sont parvenus que très progressivement, pour l'essentiel au cours de l'année 2004, car les mouvements de sols sont lents et les dégâts qu'ils occasionnent souvent tardifs.
Quoi qu'il en soit, pendant cette période, l'ensemble des acteurs publics a fourni un gros travail, même si le mécontentement des particuliers s'est exprimé, ce qui est bien normal compte tenu de la longueur de la procédure. Je veux d'ailleurs ici remercier les parlementaires et les maires qui se sont mobilisés pour éclairer le Gouvernement sur les situations individuelles, parfois les injustices ou les incompréhensions que cela pouvait engendrer.
Je tiens cependant à vous dire que les dossiers qui sont remontés par l'intermédiaire des préfets au ministère de l'intérieur ont été examinés un à un par une commission interministérielle. Celle-ci est composée de trois représentants appartenant aux ministères de l'intérieur, de l'économie et du budget. Pour sa part, le ministère en charge de l'environnement y siège en tant qu'expert ainsi que la caisse centrale de réassurance, qui est l'opérateur du système. C'est le ministère de l'intérieur qui joue le rôle de rapporteur.
La commission interministérielle s'est réunie six fois en 2004 et quatre fois en 2005. Je vais d'ailleurs vous en présenter le bilan de manière précise et transparente.
La commission a reçu 7 600 dossiers communaux. Elle en a examiné 7 500.
A ce jour, elle a rendu 2 625 avis favorables, suivis par les ministres concernés, qui les ont transformés en décision de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle ; 725 dossiers ont été ajournés pour complément d'informations, mais ils devraient également donner lieu à un avis favorable, dont, pour être tout à fait complet, 86 sont sur le point d'être publiés.
Par conséquent, 3 350 communes ont donc été reconnues au titre des catastrophes naturelles, ou sont sur le point de l'être, sur la base des critères proposés en 2003 par Météo France et qui ont été progressivement élargis.
Bien que le taux de reconnaissance ainsi atteint, qui tourne autour de 45 %, soit déjà voisin, voire aille au-delà, des normes habituellement constatées pour la reconnaissance des phénomènes de sécheresse, le Gouvernement considère que son ampleur en 2003 justifiait une réponse à la fois plus complète et plus proche du terrain.
Ainsi, au début de l'année 2005, M. le Premier ministre a mandaté l'inspection générale des finances, l'inspection générale de l'administration, l'inspection générale de l'environnement et le conseil général des Ponts et Chaussées en vue, dans un premier temps, de proposer une solution pour le traitement de la sécheresse de 2003 et, dans un second temps, de dégager des pistes de réforme du régime des catastrophes naturelles et de son environnement réglementaire afin de renforcer, ce qui me paraît là aussi légitime, tous les aspects de prévention.
Le rapport d'étape a éclairé la décision du Gouvernement, et je suis heureux de pouvoir réserver à la Haute Assemblée la primeur des décisions retenues.
Pourquoi tenter de le masquer, la recherche d'une solution passait par un exercice difficile ?
D'une part, il fallait respecter l'équilibre d'un régime qui a su jusqu'à présent efficacement réunir l'assurance et la solidarité nationale et auquel le Sénat tout comme le Gouvernement sont attachés. En effet, sa pérennité est un gage de saine gestion et de vraie protection en contrepartie d'une charge raisonnable pour l'assuré et le contribuable. Je le rappelle, ce régime est financé par un prélèvement obligatoire sous la forme d'une cotisation de 12 % sur les contrats d'assurance dommages.
D'autre part, il fallait trouver des solutions individuelles équitables afin de répondre le plus efficacement possible aux cas les plus sensibles, que chacun d'entre vous connaît bien sur le terrain.
Aussi, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis en mesure de vous annoncer l'ultime évolution de ce dossier concernant la sécheresse de 2003, qui permettra, j'en suis convaincu, de le clore dans des conditions financières équilibrées et acceptables pour nos concitoyens.
La décision du Gouvernement s'appuie sur deux volets bien distincts.
Premièrement, la procédure menée sur le fondement de la loi de 1982 sur les catastrophes naturelles se soldera par un dernier élargissement des critères, au terme duquel environ 925 communes supplémentaires seront rendues rapidement éligibles.
M. Jean-Pierre Sueur. En plus des 3 350 communes, monsieur le ministre ?
M. Brice Hortefeux, ministre délégué. Oui, en plus !
Le Gouvernement suit ainsi la proposition des inspections générales à partir de laquelle Météo France a identifié une liste de communes pour lesquelles le caractère exceptionnel de la situation de 2003 s'apprécie sur une période de vingt-cinq ans.
Au total, 4 275 communes seraient donc reconnues au titre des catastrophes naturelles, soit un taux de reconnaissance de près de 60 %. Vous en conviendrez, cela représente un effort exceptionnel du régime.
J'ajoute que, sur ces 925 communes supplémentaires, 300 peuvent même être reconnues immédiatement, puisque la commission interministérielle connaît, grâce à ses archives, leur situation au regard de l'étude des sols. En effet, ces communes ont déjà, par le passé, bénéficié d'une reconnaissance d'état de catastrophe naturelle au titre de la sécheresse.
Cette proposition solde ainsi la procédure au titre des catastrophes naturelles.
Pour ce qui est du deuxième volet, le Gouvernement a tenu à procéder à un réexamen individuel de la situation de toutes les communes qui ne seront pas reconnues à ce titre, parce qu'elles ne répondent pas aux critères météorologiques et hydriques. Ce réexamen s'effectuera dans un cadre distinct de celui du régime créé par la loi de 1982. En effet, il ne répond pas aux principes assurantiels « statistiques » imposés par la loi sur les catastrophes naturelles. Celle-ci s'appuie sur l'intensité anormale de l'agent naturel, qui fait l'objet d'une mesure météorologique et qui fonctionne bien en temps normal. Il est à nos yeux essentiel de ne pas fragiliser ce régime assurantiel, dont nous avons besoin pour l'avenir.
Le Gouvernement prépare donc, en complément, une mesure d'indemnisation exceptionnelle, comprise dans une enveloppe totale de 150 millions d'euros et financée pour l'essentiel par le reliquat du fonds de compensation de l'assurance construction.
M. Jean-Paul Emorine, président de la commission des affaires économiques et du Plan. Très bien !
M. Brice Hortefeux, ministre délégué. Cette indemnisation doit permettre de répondre aux préoccupations qui ont été exprimées et dont, mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez été un relais actif auprès du Gouvernement.
Ainsi, les personnes dont les maisons individuelles à usage d'habitation principale ont subi des désordres dus à des mouvements différentiels de sols causés par la sécheresse de l'été 2003 pourront immédiatement bénéficier de cette initiative.
M. Aymeri de Montesquiou. Très bien !
M. Brice Hortefeux, ministre délégué. Notre souhait est d'aider principalement les personnes dont les habitations présentent des risques pour la structure du bâtiment. S'agissant d'une procédure exceptionnelle d'indemnisation, vous comprendrez que celle-ci réponde d'abord aux cas les plus critiques. Cela implique de la réserver aux communes les plus touchées et, au sein de ces communes, aux habitations présentant les désordres les plus importants. Les bénéficiaires devront, comme en matière de catastrophe naturelle, être assurés et avoir ainsi manifesté le souhait de se prémunir d'un dommage. Enfin, l'aide apportée ne concernera pas les habitations de moins de dix ans, puisque ces dernières bénéficient de la garantie décennale.
Pour ces communes, le Gouvernement va demander aux assureurs de lui prêter leur concours pour évaluer les dommages en dépêchant leurs experts et en aidant ainsi à traiter les dossiers des personnes devant être indemnisées.
A partir des éléments recueillis par les entreprises d'assurances et du montant disponible, le Gouvernement envisage de confier à une mission administrative nationale le soin de proposer aux ministres chargés de la sécurité civile, de l'économie et du budget la liste des personnes pouvant bénéficier des indemnisations, ainsi que les montants qui pourraient leur être attribués. Les assureurs pourront alors procéder à l'indemnisation des assurés pour le compte de l'Etat, ce qui est un gage d'efficacité.
Les personnes dont les habitations ont été dégradées par des mouvements différentiels de sol - mais qui n'ont pas été pris en compte au titre des catastrophes naturelles - devraient ainsi voir leur dossier examiné dans les six mois qui suivront le vote des dispositions législatives nécessaires pour engager cette procédure exceptionnelle. Je crois très sincèrement que cette initiative répond concrètement à une préoccupation forte, exprimée à juste titre par les victimes les plus gravement touchées.
Le Gouvernement envisage de saisir l'occasion de cette proposition de loi, monsieur le rapporteur, pour soumettre au législateur ce dispositif de règlement de la sécheresse de l'été 2003, avec la volonté de statuer sur l'ensemble des situations avant la fin de l'année. Bien entendu, nous aurons l'occasion d'en reparler de façon approfondie lors de la deuxième lecture.
Votre proposition de loi prévoit parallèlement l'institution d'une commission départementale des catastrophes naturelles. L'idée d'équité et de transparence des procédures qui la sous-tend est totalement partagée par le ministre d'Etat et par moi-même. D'ailleurs, je vous rappelle que cette notion avait été abordée lors de la loi du 13 août 2004 de modernisation de la sécurité civile.
Le Parlement a décidé que la motivation de l'arrêté interministériel sera dorénavant explicitement portée à la connaissance des maires, et ce, quel que soit le type de catastrophe naturelle. Il appartiendra au préfet d'expliquer le motif de la décision au moment où il la notifie. Votre proposition complète cette information, en instituant un procédé de transparence dès l'amont de la décision.
Sur le fond, vous le comprendrez, cette commission ne peut naturellement se substituer à la commission interministérielle qui a compétence au niveau national, mais elle peut, en revanche, parfaitement éclairer le préfet sur les dommages ressentis, leur ampleur et leur localisation. Très concrètement, elle doit être conçue comme un élément d'amélioration de l'instruction et de sécurisation des sinistrés, avant que le préfet ne transmette le dossier communal au ministère de l'intérieur.
L'article 2 vise à accélérer les études géotechniques et les actions d'études et de recherche nécessaires à la prévention des risques de mouvements de terrains différentiels liés au retrait et au gonflement des argiles. Les résultats permettront, là où cela s'avère nécessaire, de mettre en oeuvre une politique de prévention plus active, en utilisant notamment des techniques de construction mieux adaptées à la nature des sols.
Enfin, vous rappelez à juste titre dans l'article 3 que la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle ne préjuge pas un droit à indemnisation, afin d'inciter les assureurs à faire leur métier et de réduire les effets d'aubaine qui alourdissent le coût de la procédure. Je ne peux naturellement qu'abonder dans votre sens.
Au total, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement vous a écoutés, il vous a entendus, il a retenu plusieurs de vos propositions. Je suis donc heureux, au nom du ministre d'Etat, de pouvoir répondre favorablement à des préoccupations qu'ensemble nous jugeons légitimes. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Michel Houel.
M. Michel Houel. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi déposée par notre collègue Claude Biwer dont nous débattons aujourd'hui cache, derrière son aspect technique, de véritables drames humains dans certains départements dont nous sommes les élus.
Nous nous souvenons tous de la terrible sécheresse qui a touché notre pays durant l'été 2003. Ses premières conséquences, dramatiques au plan humain, ont foudroyé les plus fragiles de nos concitoyens. Mais il en est d'autres, qui peuvent paraître moins spectaculaires et qui, depuis deux ans, plongent certains habitants de nos communes dans un profond désarroi, à tel point qu'ils se considèrent comme « les oubliés de la sécheresse ». Leurs maisons ont subi les effets catastrophiques de mouvements de terrains provoquant fissures, éboulements et autres dégâts qui rendent ces logements parfois inhabitables.
Dans mon département, la Seine-et-Marne, qui compte 514 communes, 194 ont déposé un dossier de reconnaissance de catastrophe naturelle. A ce jour, 57 d'entre elles ont été retenues, soit 50 % de la population touchée. Je vous citerai également le cas du département de mon collègue Laurent Béteille, l'Essonne, voisin de la Seine-et-Marne, où, sur 196 communes, 93 ont déposé un dossier, seulement 42 ont été retenues. Que répondre alors aux 51 qui s'interrogent toujours sur le sort qui leur est réservé ?
Depuis deux ans, presque quotidiennement, les maires se tournent vers nous, désemparés, afin que nous trouvions une solution à leurs problèmes.
La loi, nous la connaissons, elle impose un délai de dix jours aux assurés pour faire leur déclaration et de deux mois au Gouvernement pour prendre les arrêtés de catastrophe naturelle suivant le dépôt de la demande de reconnaissance à la préfecture par les communes. Deux années se sont écoulées et le problème n'est toujours pas résolu, deux années d'angoisse et d'incertitude pour les victimes !
Selon la Caisse centrale de réassurance, la sécheresse de l'année 2003 devait coûter 1,25 milliard d'euros à la nation, mais cette estimation a été calculée pour 3 500 communes. Or, comme vous venez de nous le rappeler, monsieur le ministre, 7 600 ont déposé une demande. Le coût pourrait alors atteindre 3,5 milliards d'euros. Pour l'heure, seules 2 625 communes ont été retenues, et je note avec une très grande satisfaction que 725 dossiers ajournés devraient également faire l'objet d'un avis favorable.
Certes, le Gouvernement nous a redonné espoir avec un nouveau chantier lancé en février 2005 par le Premier ministre afin de définir une méthode nouvelle de mesure de la gravité des dommages subis par les habitations et de leurs liens précis avec la sécheresse. Esprit de générosité, d'équité, de responsabilité, critères plus souples tout en restant dans un cadre juridique sécurisé devaient permettre de répondre aux situations les plus critiques. Mais, à ce jour, rien n'est réglé.
A mon sens, compte tenu de l'évolution du climat de la planète, avec un réchauffement constaté depuis la fin des années quatre-vingt, la canicule qui a frappé l'Europe en 2003 pourrait se reproduire et devenir la norme d'ici à une cinquantaine d'années.
M. Roland Courteau. C'est évident !
M. Michel Houel. Nous avons donc aujourd'hui la responsabilité, non seulement de régler la douloureuse question de l'été 2003, mais aussi d'anticiper afin d'éviter qu'une telle situation ne se reproduise.
Les élus locaux attendent de leur Parlement d'être rassurés grâce à un texte clair qui réponde à leurs attentes.
L'objectif de la proposition de loi déposée par notre collègue Claude Biwer, que Laurent Béteille et moi-même soutenons avec conviction, est d'assurer une reconnaissance plus rapide et objective de l'état de catastrophe naturelle, de réaliser une cartographie nationale des zones difficiles, mais également de mettre l'accent sur la prévention ; et ce dernier point me semble fondamental.
Certains dommages constatés auraient, en effet, pu être évités si des règles de construction plus rigoureuses avaient été suivies, notamment en ce qui concerne les fondations. Il s'agit de la responsabilité des constructeurs qui, parfois, font preuve de négligence. Cessons de construire n'importe où et dans n'importe quelles conditions ! Une sensibilisation des professionnels comme des particuliers s'avère indispensable. Les particuliers pourraient ainsi obtenir des garanties de qualité de construction.
Une autre difficulté consiste à prendre systématiquement la commune comme échelon de référence. Nombre d'habitants de mon département, la Seine-et-Marne, m'ont interpellé en me faisant remarquer que leurs plus proches voisins, résidant dans la commune voisine, étaient indemnisés pour des dégâts mineurs comparés à ceux de leur habitation. Aucune tentative d'explication n'est alors recevable. Il faut changer ce système parfaitement injuste. La commission départementale prévue dans la proposition de loi sera mieux à même de donner un avis éclairé.
Un programme de prévention des risques liés à la sécheresse s'impose donc.
N'étant pas rétroactive, cette loi ne réglera pas les problèmes issus de la sécheresse de 2003, mais elle représente un signal fort pour un règlement rapide. Nous ne pouvons accepter de laisser nos concitoyens vivre encore un été dans ces conditions ! Un fonds spécial, alimenté par l'Etat, pourrait être mis en place.
Mes chers collègues, je vous invite donc à voter cette proposition de loi que je considère comme une véritable avancée vers le règlement d'une situation dont nous souhaitons tous une issue favorable et rapide.
Un thème aussi douloureux pour nos concitoyens mérite d'ailleurs que nous dépassions nos clivages politiques, afin d'être bientôt porteurs de bonnes nouvelles dans nos départements. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Evelyne Didier.
Mme Evelyne Didier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous débattons aujourd'hui de la proposition de loi issue des conclusions de la commission des affaires économiques et du Plan concernant la procédure de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle et du régime d'indemnisation qui lui est attaché.
Préalablement à tout débat, je souhaiterais remercier les sénateurs Claude Biwer, Nicole Bricq et leurs collègues, qui, dans leurs propositions de loi respectives, se sont attachés à faire évoluer la législation concernant un sujet qui touche nombre de nos concitoyens.
En effet, la première proposition de loi concerne la définition des critères de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle et la seconde vise à encadrer la procédure de cette reconnaissance pour permettre une meilleure transparence et une plus grande équité dans le traitement des demandes.
Par le contenu même de leurs propositions, ils nous offraient la possibilité de faire de réels progrès dans ce domaine. Malheureusement, le résultat est décevant.
En effet, la proposition de loi soumise à notre discussion aujourd'hui ne reprend pas l'ensemble des dispositions des deux textes. Elle ne permettra sans doute pas une meilleure définition des critères retenus pour caractériser cet état ni une amélioration significative de la transparence de la procédure.
Les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen le regrettent et souhaitent par leur intervention que le débat se concentre sur les questions essentielles posées sur ce sujet.
Revenons, tout d'abord, sur le contexte dans lequel nous travaillons.
Dès 1992, la conférence de Rio en appelait à la responsabilité internationale pour sauvegarder la planète menacée par la rupture des grands équilibres naturels.
Plus particulièrement, la communauté scientifique s'accorde aujourd'hui sur une certitude : en cent ans, les températures augmenteront plus vite qu'au cours des dix mille dernières années !
Mme Nicole Bricq. Tout à fait !
Mme Evelyne Didier. Autant dire qu'il faut effectivement nous préparer à vivre des sécheresses comme celle de l'été 2003. Certes, jusqu'à maintenant, il s'agissait d'une situation exceptionnelle. A l'avenir, nous devrons être vigilants.
M. Roland Courteau. Vous avez raison !
Mme Evelyne Didier. L'origine du réchauffement de la planète ne fait plus de doute : il s'agit bien d'une conséquence de l'activité humaine. Nous sommes donc tous concernés et nous pouvons agir.
Si l'on se rappelle, par exemple, que le transport par camion est responsable de 84 % des émissions de gaz à effet de serre en France, on comprend mal la politique des transports menée aujourd'hui par le Gouvernement français.
M. Roland Courteau. Très bien !
Mme Evelyne Didier. Développer le fret ferroviaire et le transport combiné, véritables alternatives au tout routier, apparaît pourtant comme la seule voie raisonnable. Ce n'est pas celle que le Gouvernement a choisie.
Je vous pose une question : devrons-nous attendre que les catastrophes naturelles se multiplient avant d'en rechercher les causes profondes et de prendre vraiment les mesures qui s'imposent ?
Dans ce sens, les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen avaient, en 2000, déposé une proposition de loi tendant à conférer à la lutte contre l'effet de serre et à la prévention des risques liés au réchauffement climatique la qualité de priorité nationale. Ils n'ont malheureusement pas été entendus.
Revenons plus précisément sur la procédure de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle et sur le régime d'assurance de ces risques, notamment en ce qui concerne les mouvements de terrains consécutifs à la sécheresse et à la réhydratation des sols, sujets qui nous occupent aujourd'hui.
La loi du 13 juillet 1982 a retenu deux critères pour la reconnaissance de cet état : l'existence de dommages matériels dus à l'intensité anormale d'un agent naturel et l'impossibilité de prévenir les dommages par les mesures habituelles.
Concernant particulièrement le phénomène de retrait et de gonflement des argiles, la vague de sécheresse des années 1989 à 1991 a rendu nécessaire son intégration dans le champ d'application de la loi de 1982.
L'Etat, jugeant sans doute que ces dispositifs coûteraient trop cher à l'avenir, a, dans une circulaire du 28 avril 2000, précisé de manière limitative les critères de la loi de 1982 en introduisant la notion de déficit hydrique des sols.
Conséquence immédiate : en 2003, les critères en vigueur ne permettent pas la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle des 6 800 communes sinistrées, malgré une sécheresse exceptionnelle et malgré les dégâts constatés !
L'incompréhension est alors très forte dans de nombreux départements, notamment en Lorraine et en Ile-de-France où s'est développé un sentiment d'injustice lorsque les premières listes ont été publiées.
Aussitôt la question des critères utilisés est posée. A la suite de nombreuses interventions, protestations, questions écrites et autres, le Gouvernement est revenu sur ce sujet.
Il s'agit en fait, ici, d'une rupture contrevenant au principe constitutionnel de solidarité et d'égalité des citoyens devant les charges résultant des calamités nationales.
L'Etat doit demeurer le garant de l'intérêt général, de l'intérêt des populations et il ne doit pas être le garant des intérêts sectoriels des entreprises privées.
A ce sujet, nous ne pouvons accepter la dernière phrase de l'article 3, qui fait peser la charge de la preuve sur les sinistrés, en stipulant que la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle ne crée pas de présomption de droit à indemnisation. On se demande pourquoi !
D'ailleurs, lorsque j'entends parler d'effet d'aubaine, j'ai toujours l'impression que l'on cherche à transformer les victimes en coupables, à l'instar de ce que l'on fait actuellement à propos du chômage !
Cette précision dans la loi rendra nécessairement plus difficile la démarche individuelle des administrés envers leur compagnie d'assurances en vue d'être indemnisés, même si l'état de catastrophe naturelle est reconnu et s'ils en sont les principales victimes. Parler d'effet d'aubaine dans ces circonstances me semble totalement excessif. C'est en tout cas essayer de transformer les victimes en coupables !
A l'issue de la canicule de l'été 2003, une réflexion approfondie aurait dû être engagée ainsi que le proposait l'Association des maires d'Ile-de-France.
En effet, ils avaient encouragé le Gouvernement à nommer un expert pour qu'une enquête sérieuse soit menée afin de définir de nouveaux critères plus adaptés pour caractériser la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle.
Il aurait également été souhaitable d'accéder à la proposition des sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen qui demandaient la création d'une commission d'enquête sur les conséquences de la sécheresse et la gestion de ses effets.
Le Gouvernement et sa majorité parlementaire n'ont pas souhaité mener ce travail de fond.
Il nous faudra pourtant bien répondre concrètement aux questions qui nous sont posées sur les procédures permettant la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle et sur les critères retenus par la commission interministérielle.
Le Fonds de prévention des risques naturels majeurs, créé par la loi du 2 février 1995, ne permettra pas de régler ces questions pour la simple et bonne raison que sa mission est uniquement préventive.
Lui donner pour mission de réaliser des études en aval des catastrophes naturelles est une bonne chose. Lui permettre de faire de la prévention l'est également. Pour autant, cela n'est pas suffisant.
Nous proposerons des amendements qui visent à préciser les dispositions de la loi de 1982 et à définir plus clairement les critères caractérisant l'état de catastrophe naturelle, notamment celui de la composition géologique des sous-sols.
Si ce projet de loi n'était pas amendé, il ne permettrait sans doute pas d'aller au fond du problème ni de satisfaire les besoins des collectivités et des sinistrés.
Pour conclure, je précise que, dans tous les cas, ce texte ne réglera pas la situation de détresse des sinistrés, victimes de la sécheresse de 2003.
D'ailleurs, monsieur le ministre, je ne suis pas certaine en fin de compte que tout le monde soit satisfait. Vous nous avez dit qu'un certain nombre de communes supplémentaires pourraient être éligibles. Quoi qu'il en soit, nous n'arriverons pas à satisfaire les 6 800 communes !
Je fais appel une nouvelle fois au Gouvernement afin que, dans un esprit de responsabilité, il permette la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle à l'ensemble des collectivités qui en ont fait la demande.
En effet, je suis persuadée que ces collectivités n'ont pas déposé des dossiers uniquement pour le plaisir. Elles ont mieux à faire ! Les dégâts sont réels et il faudra bien que nous prenions en compte toutes les situations. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, deux années se sont écoulées depuis la sécheresse caniculaire, et la question du classement des communes en état de catastrophe naturelle n'est toujours pas réglée.
Il était donc grand temps de modifier le cadre législatif de la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle pour l'avenir, mais également d'apporter des réponses satisfaisantes aux communes et de clore ce regrettable épisode.
Dans le traitement de ce dossier, deux problèmes majeurs subsistent : des délais inacceptables et un fort sentiment d'injustice lié à l'application de critères inadaptés.
Les délais de traitement sont incompréhensibles pour les victimes, en attente du bon vouloir de l'Etat. Elles ont le sentiment que cet Etat tout-puissant attend un an pour prendre le premier arrêté - alors qu'il dispose théoriquement de deux mois pour le faire -, tergiverse encore, et exige, en revanche, que les victimes fassent leur déclaration aux compagnies d'assurances dans un délai de dix jours après la publication dudit arrêté !
Aujourd'hui, avec les derniers arrêtés du 27 mai 2005, le taux de demandes satisfaites est équivalent aux taux qui ont été observés pour les précédentes sécheresses, soit 50 %.
Pour mon département, le Gers, je regrette qu'elle soit inférieure à ce taux, 128 communes sur 317 ayant obtenu le classement à ce jour.
De surcroît, la carte des communes reconnues en état de catastrophe naturelle ne coïncide pas avec celle des communes qui connaissent les plus forts dommages.
Il existe donc un fort sentiment d'injustice au regard de critères totalement inadaptés et de choix non motivés.
Le caractère nouveau de cette catastrophe naturelle nous a largement échappé. Jusqu'alors, les sécheresses étaient liées à une insuffisance de pluies en hiver, tandis que la sécheresse de l'été 2003 a été causée par une chaleur caniculaire.
De ce fait, l'application du critère du double réservoir hydrique définissant la catastrophe naturelle en fonction des nappes au printemps était donc totalement inopérante !
Certes, le Gouvernement a fait des efforts d'adaptation et a assoupli ces critères puisque aucune commune n'aurait pu être reconnue sur la base des critères définis en 2000.
Cependant, localement, les critères adoptés sont encore considérés comme peu fiables. Dans le Gers, l'association départementale des maires que j'ai l'honneur de présider a créé une commission sécheresse ad hoc composée de trois maires particulièrement respectés. Expliquant les procédures aux élus concernés, ils ont travaillé sur les critères et n'en reviennent toujours pas : le délégué départemental de Météo France leur a expliqué que la recevabilité se déterminait à partir des réserves hydriques des sols, qui n'étaient pas mesurées mais calculées à partir des données recueillies dans des stations météo de référence à Auch, Agen et Toulouse !
Il est évident que les modalités de recueil des données ne pouvaient qu'engendrer une très grande fragilité de la fiabilité des résultats ! Pourtant, c'est sur ce fondement que cent vingt-trois communes gersoises ne figuraient pas dans l'arrêté de février !
Qui plus est, les variétés d'argiles et leurs réactions aléatoires n'étaient pas un paramètre pris en compte dans le calcul des réserves hydriques, alors qu'un expert en géologie leur confirmait que la teneur des argiles en minéraux gonflants était très variable et pouvait expliquer, à l'intérieur d'une même commune, les différences de comportement des constructions en cas d'inondation ou de sécheresse !
On comprend le désarroi, voire la colère, de certains maires dont les communes ont été écartées jusqu'alors sur la base de ces critères.
Que proposer ? Des critères plus proches de la réalité, mais surtout une meilleure prise en compte du terrain et une confiance renouvelée dans les élus locaux.
La difficulté d'élaborer des critères pertinents a été maintes fois soulevée. Monsieur le ministre, des travaux ont été remis à votre prédécesseur le 15 février 2005 et soumis, depuis, à l'analyse de quatre corps d'inspection. Pouvez-vous nous préciser la date à laquelle les conclusions des quatre corps d'inspection mobilisés seront rendues publics ?
M. Jean-Pierre Sueur. Oui, parfaitement !
M. Aymeri de Montesquiou. Plus que sur des critères, c'est sur la base du terrain, c'est-à-dire sur la base de ce qui s'est passé réellement, qu'il faut classer les communes.
Premièrement, la création d'une commission consultative de catastrophe naturelle dans chaque département me paraît essentielle dans le nouveau dispositif de décision. Je me réjouis que cette commission compte trois maires sur onze membres, car ils ont le sens du concret. Ils pourront être auditionnés. L'obligation de motiver les conclusions de chaque dossier permettra de rompre avec le sentiment d'iniquité existant actuellement.
Deuxièmement, il faut permettre que des arrêtés soient pris à l'échelon infra-communal. Jusqu'alors, pour éviter les effets d'aubaine, la commission nationale hésitait à proposer le classement d'une commune lorsque les dommages ne concernaient que quelques bâtiments, et ce alors même qu'une commune voisine était classée pour des dommages moins importants mais plus nombreux.
Face à la spécificité de ce type de catastrophe, le Gouvernement devra s'appuyer sur les dommages constatés, c'est-à-dire sur les dommages réels et non virtuels, comme vous l'avez d'ailleurs suggéré tout à l'heure, monsieur le ministre.
Je ne nie pas que cette logique soit complémentaire de la logique actuelle, pour ne pas dire qu'elle lui est contraire, mais elle est plus claire et plus juste.
Par définition, les mouvements dus à la sécheresse sont souterrains et donc seuls les dommages peuvent être constatés. Il est pragmatique de raisonner sur les conséquences visibles et non sur des causes incertaines.
Pour l'avenir, les dispositions proposées par la commission sont satisfaisantes, d'autant qu'un volet prévention, particulièrement complet, permettra de dégager des moyens financiers pour la cartographie des sous-sols, pour l'information des constructeurs et pour la recherche.
Cependant, il est important qu'aujourd'hui, les critères fiables n'étant pas établis et les cartographies des sous-sols n'étant achevées que pour vingt et un départements, le dossier de chaque commune soit reconsidéré au regard des preuves objectives apportées par les maires. A cette occasion, nous devons leur montrer notre confiance. Y a-t-il un seul représentant de l'Etat qui puisse affirmer à un maire, devant une maison fissurée en raison de la sécheresse, que les réserves hydriques indiquent que la maison ne peut être fissurée ?
M. Jean-Pierre Sueur. Aucun !
M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le ministre, les attentes des élus et des victimes sont très fortes. Ils restent mobilisés. Je souhaite que le traitement au cas par cas de chaque commune puisse se dérouler avec rigueur, clarté et conformément à l'aspiration de chacun à la justice. Si vous choisissez d'appliquer des critères plus adaptés, n'excluez pas certaines communes de l'indemnisation alors que les dommages sont visibles : une fois encore, ce ne serait pas compris. Fondez-vous simplement sur ce qui est constaté.
On ne peut imaginer que le Premier ministre renie ce qu'il avait répondu lors d'une question d'actualité en tant que ministre de l'intérieur, en affirmant que les dossiers devaient être examinés au cas par cas.
Nous comptons sur vous pour faire preuve de pragmatisme et d'équité. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq.
Mme Nicole Bricq. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, si j'ai bien compris l'ensemble des orateurs qui m'ont précédée, ce débat s'inscrit dans la continuité de l'histoire du régime d'indemnisation des catastrophes naturelles. Telle est, en tout cas, notre volonté commune.
En 1982, le système français d'assurance contre les catastrophes naturelles, alors inédit - je crois qu'il l'est encore à ce jour en Europe - est né d'une proposition de loi d'origine socialiste. Aujourd'hui, c'est une initiative parlementaire qui entend l'améliorer. Je n'aurais garde d'oublier la proposition de loi de M. Biwer, qui a eu le mérite, en son temps, de réagir dans l'urgence. Le groupe socialiste a pris utilement sa part, dès lors qu'il a constaté que le Gouvernement n'était pas en mesure de répondre à l'interrogation des familles, et je remercie mon groupe de nous avoir autorisés, mes collègues Daniel Reiner, Jean-Pierre Sueur et moi, à déposer cette proposition de loi dans les délais les plus rapides.
En conformité avec la philosophie qui avait présidé à l'élaboration de la loi de 1982, je tiens à souligner notre attachement au principe de solidarité nationale. Ce principe de solidarité est d'ailleurs solennellement affirmé dans le préambule de la Constitution de 1946 : « la Nation proclame la solidarité et l'égalité de tous les Français devant les charges qui résultent des calamités nationales. » Il n'est donc pas question de remettre en cause l'organisation de ce régime, qui repose à la fois sur la solidarité nationale de l'Etat et sur un mécanisme assurantiel. Il est question aujourd'hui de modifier la procédure de reconnaissance par l'Etat de l'état de catastrophe naturelle qui - c'est peu de le dire - a été inopérante à la suite de la canicule de l'été 2003.
La proposition de loi que nous avons déposée est en partie reprise dans le texte soumis aujourd'hui à notre examen. J'en remercie notre rapporteur. Je rappelle les trois objectifs assignés à cette proposition de loi : la transparence, l'équité et la responsabilisation des acteurs.
Il faut savoir que 7600 communes ont déposé un dossier en préfecture et que trois arrêtés successifs ont été nécessaires pour que, à ce jour, 2939 d'entre elles voient leur dossier accepté. Pour les 4661 autres communes, notre devoir de sénateurs, en tant que représentants des collectivités territoriales, est de veiller à ce qu'elles soient informées sur l'élaboration de décisions qui les concernent. Je remercie le ministre de l'intérieur qui, sous notre aimable pression collective et nos demandes répétées lors de nombreuses séances de questions d'actualité au Gouvernement, a bien voulu nous donner aujourd'hui le détail des mesures qu'il compte prendre, même si, in fine, le compte n'y sera pas.
Les victimes des catastrophes naturelles qui, de bonne foi, souscrivent une assurance découvrent en effet qu'elles n'ont aucune garantie quant à la prise en compte de leurs intérêts, quant aux critères en fonction desquels sont pris les arrêtés interministériels et quant aux délais d'attente.
Précisément pour que les décisions prennent en compte les intérêts de tous les acteurs, nous avons voulu créer un conseil national et des commissions départementales, composés de représentants de l'Etat, mais aussi de représentants des élus, des sinistrés et des assureurs. Dans ce système, la décision finale, si elle continue d'appartenir à l'Etat, ne sera plus prise sans concertation, loin de la réalité que vivent ou plutôt que subissent les sinistrés.
Le rapporteur de la commission des affaires économiques a repris une partie de ces propositions, ce dont je le remercie. Cependant, nous présenterons des amendements visant à rétablir le conseil national.
Venons-en aux critères. La poésie revenant à la mode en politique, « critères », jusqu'à présent, a rimé avec « mystères ». Ces critères existent, mais personne ne les connaît. J'en veux pour preuve que le ministre nous annonce que 925 communes seront à nouveau reconnues en état de catastrophe naturelle grâce à une extension des critères. Mais, dans la mesure où nous ne connaissions pas les anciens critères, le flou demeure. C'est pour cette raison que nous avons voulu que ceux-ci apparaissent clairement dans l'avis motivé rendu pas le conseil national dont nous demandons la création.
Enfin, concernant les délais, la loi de 1982 est claire : un délai encadre la procédure. Le quatrième alinéa de l'article L. 125-1 du code des assurances dispose en effet que l'arrêté interministériel doit être publié dans un délai de trois mois à compter du dépôt des demandes en préfecture. Or les arrêtés de reconnaissance ont été publiés le 25 août 2004, le 1er février 2005 et le 30 mai 2005. Ainsi, deux ans d'attente auront été imposés aux victimes, au mépris de la loi. Cet écart n'est pas acceptable. Ainsi que vous l'avez écrit dans votre rapport, monsieur Biwer, « il doit être dénoncé ». Notre proposition de loi vise donc à supprimer tout délai supplémentaire accordé au Gouvernement dès lors que la durée des enquêtes diligentées par le représentant de l'Etat dépasse deux mois.
Au demeurant, nous avons remarqué que, pour la sécheresse de 2003, le Gouvernement n'a pas invoqué cette exception pour justifier sa décision tardive. Force est de constater qu'il a purement et simplement violé la loi. Maintes fois interrogé par les parlementaires durant ces deux années, le ministre de l'intérieur a beau jeu de répondre que, s'il avait respecté le délai de trois mois, cela l'aurait conduit à ne reconnaître aucune des communes demanderesses. Mais, dans un Etat de droit, les lois doivent être respectées par tous et, en premier lieu, par celui qui en est le garant, à savoir l'Etat.
Si ces lois s'avèrent imparfaites, changeons-les ! C'est ce que nous avons voulu faire. Nous pensons qu'il vaut mieux modifier la loi sans tarder plutôt que de laisser ouvrir une brèche judiciaire. Dans mon département, la Seine-et-Marne, les maires, regroupés en collectifs, attaquent l'Etat devant le tribunal administratif.
Nous attendons de vous, monsieur le ministre, que vous entendiez les parlementaires, qui sont certes motivés par l'amélioration du droit, mais qui ont aussi écouté les sinistrés, aujourd'hui regroupés en associations. Certaines familles vivent douloureusement cet état d'incertitude et la dégradation de leur bien, laquelle ne s'est pas arrêtée au mois d'août 2003. Ce bien représentant souvent le fruit de toute une vie de travail, elles ressentent une profonde injustice devant le sort qui lui est fait. Quant aux maires, ils sont désemparés devant une procédure qui leur échappe, devant l'opacité des décisions- quand elles interviennent -, qui leur apparaissent souvent incohérentes d'une commune à l'autre.
Il faudra sans doute renforcer la responsabilité des acteurs - nous évoquerons cette question au cours du débat -, celle des constructeurs, de même que les responsabilités individuelles. La proposition du rapporteur de dresser rapidement une cartographie nationale visant à prévenir les risques est une très bonne chose.
Je voudrais dire un mot sur la responsabilité de l'Etat. Le Commissariat général du plan a publié en juin les conclusions provisoires d'un exercice prospectif réalisé sous la responsabilité de MM. Jean-Paul Betbèze et Guilhem Bentoglio et consacré au risque assurantiel. Il y est écrit - ce à quoi je souscris - que l'Etat doit mieux gérer les risques liés aux catastrophes. Au demeurant, Mme Didier a eu raison d'y adjoindre le risque climatique, avéré à ce jour.
En 2004, le seuil prévisionnel d'intervention de l'Etat pour les catastrophes naturelles se montait à 654 millions d'euros. Certes, le risque est par définition difficile à évaluer, mais la nouvelle comptabilité de l'Etat et la réforme budgétaire qui est intervenue avec la loi organique relative aux lois de finances devraient faciliter cette évaluation. Il y va de l'intérêt des finances publiques, de l'intérêt du système assurantiel, auquel nous sommes attachés.
Nous attendons du Gouvernement qu'il s'engage à inscrire le texte qui sortira de nos travaux à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale et que le débat aille à son terme.
M. Jean-Pierre Sueur. Absolument !
Mme Nicole Bricq. Nous avons connu trop de propositions de loi qui restaient engluées dans la procédure parlementaire, le Gouvernement étant maître de l'ordre du jour. Non seulement c'est possible, mais nous considérons que c'est hautement souhaitable. Aussi, nous vous en faisons la demande expresse, monsieur le ministre. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC. - M. Jean-Pierre Fourcade applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la question qui nous réunit ce matin est importante. Elle préoccupe beaucoup d'élus locaux et un grand nombre de nos concitoyens.
Finalement, la question principale qui est aujourd'hui posée est celle de la bonne application du principe d'égalité. Je ne prendrai qu'un exemple pour illustrer mon propos.
J'ai l'honneur de représenter ici le Loiret, lequel compte 334 communes ; 198 d'entre elles ont demandé que leur soit reconnu l'état de catastrophe naturelle en vertu de la loi de 1982. A ce jour, seules treize communes ont bénéficié de cette reconnaissance. J'espère vivement que beaucoup d'autres seront inscrites sur les listes complémentaires dont vous nous avez annoncé l'établissement il y quelques minutes.
Nous savons ce qu'a été la météorologie au cours de l'été 2003. Il est difficile d'imaginer que, dans tel canton, elle ait été plus rude que dans le canton voisin. Nous connaissons aussi quelque peu l'état du sol et la géologie. Aussi, je serais très heureux que vous veniez dans notre département pour nous expliquer pourquoi la commune de Dammarie-sur-Loing fait partie des treize communes qui ont eu l'honneur de bénéficier de la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle, contrairement à la commune de Beauchamp-sur-Huillard. Nous entendrions avec intérêt vos explications.
En tout cas, si vous vous trouviez devant les représentants des 198 communes qui ont fait la même demande, vous auriez bien du mal à justifier le fait de n'en retenir que treize.
Si Mme Nicole Bricq, M. Daniel Reiner et moi-même ainsi que plusieurs autres de nos collègues avons déposé une proposition de loi et si M. Biwer, de son côté, en a déposé une autre, c'est, d'abord, pour que l'on aborde le sujet des catastrophes naturelles et les circonstances particulières de l'année 2003.
Bien des questions ont été posées et vous êtes, je crois, le quatrième ministre qui s'exprime devant nous sur ce sujet.
Répondant à M. Mortemousque, M. de Villepin, qui était alors ministre de l'intérieur, a déclaré, le 20 janvier 2005 : « A ma demande, M. le Premier ministre a accepté de prendre en compte les situations personnelles. Nous allons donc d'ici au 15 février définir de nouveaux critères. »
Je me suis permis, le 3 mars dernier, dans cette enceinte, d'interroger le ministre. C'est Mme Marie-Josée Roig qui m'a répondu en disant qu'en fait nous avions mal compris, que le 15 février était la date à laquelle un premier rapport devait être remis au ministre, ce qui fut fait. Elle concluait sa réponse en disant : « Soyez assuré, monsieur le sénateur, de notre vigilance pour apporter la réponse la plus rapide possible. »
Insistant de nouveau le 8 mars, à l'occasion d'une question orale, M Biwer entendait Mme Marie-Josée Roig lui répondre : « Nous analysons actuellement les conclusions du rapport qui nous permettront de définir une méthode totalement nouvelle de mesure de la gravité des dommages subis par les habitations et de leur lien précis avec la sécheresse de l'été 2003. Ce travail est aujourd'hui prêt d'aboutir. »
Nous sommes au mois de juin et vous venez, monsieur le ministre, de nous faire un certain nombre d'annonces.
Il est bien sûr positif que le dossier avance et que le nombre des communes déclarées sinistrées en vertu de la loi de 1982 soit aujourd'hui passé de 2 939 à 4 275, si j'ai bien compris. Cela dit, nous sommes très attachés au respect du principe d'égalité. Or, malheureusement, comme l'a excellemment dit Mme Bricq, nous ne connaissons pas les critères retenus pour le classement.
Vous nous avez dit tout à l'heure, monsieur le ministre, que, si l'on avait appliqué les critères de 2002, seules 200 communes auraient été reconnues. Mais comme nous ignorons tout des critères de 2002, comme d'ailleurs de ceux de 2003, nous ne sommes pas en mesure de contredire vos déclarations. Nous resterons donc sceptiques tant que nous n'aurons pas connaissance de ces critères.
M. de Montesquiou a, quant à lui, demandé communication des rapports des inspections et il me semble que, dans une démocratie au sein de laquelle la transparence est une qualité importante, nous devrions bénéficier de la lecture de ces rapports.
D'où une première interrogation : êtes-vous sûr, monsieur le ministre - et comment pouvez-vous l'être ? -, que les nouvelles communes qui s'ajouteront aux 2 939 communes déjà déclarées seront retenues sur des critères objectifs et qu'elles méritent davantage de l'être que celles, également très nombreuses, que vous allez écarter ? C'est une question importante eu égard au principe d'égalité.
Une seconde interrogation se pose quant à la procédure d'examen individuel : elle ne sera pas simple à mettre en oeuvre. La encore, nous serons très attentifs au respect du principe d'égalité entre nos concitoyens. En tout cas, il faudra prendre beaucoup de précautions si l'on veut éviter de susciter un grand nombre de recours et beaucoup de frustrations.
Ces considérations justifient amplement, me semble-t-il, le dépôt de la proposition de loi du groupe socialiste, qui repose sur une analyse de ce qui s'est passé en 2003 et se fonde sur quatre principes, que je vais rapidement développer.
Premier principe : la durée s'écoulant entre la constatation du sinistre et son indemnisation doit être raisonnable.
C'est pourquoi notre proposition de loi prévoit des délais les plus rapides possibles. Certes, comme je l'ai déjà dit, la procédure doit être équitable, ce qui implique de prendre le temps d'analyser les choses, mais des délais trop longs décourageraient nos concitoyens et ne seraient pas compris.
Deuxième principe : la déconcentration.
Vous nous avez déclaré tout à l'heure, monsieur le ministre, que chacune des 7 600 demandes déposées avait été examinée par une commission au plan national et que celle-ci s'était réunie à dix reprises. Donc, cette commission aurait examiné 760 dossiers lors de chacune de ses réunions. Je doute que les choses se soient passées de cette manière ou alors les réunions ont été très longues : ce furent des sessions de plusieurs jours !
En fait, dès lors qu'il y a 7 600 dossiers à examiner au plan national, il semblerait tout à fait raisonnable d'en déconcentrer l'analyse. Nous proposons donc qu'une commission départementale recueille les demandes des communes, qu'elle procède à leur examen avec l'aide des services de l'Etat, de la direction départementale de l'équipement, ce qui conduira le préfet à faire des propositions au ministre. Ce dernier travaillera ainsi à partir de la centaine de rapports, au maximum, qui auront été établis par les préfets.
Troisième principe : l'association de l'ensemble des personnes concernées.
Nous préconisons que soient mises en place des commissions départementales et une commission nationale.
Ces commissions comprendraient : premièrement, des représentants de l'Etat ; deuxièmement, des représentants des élus, tout particulièrement des maires ; troisièmement, des représentants des associations de sinistrés ; quatrièmement, des représentants des assureurs, puisque les assureurs jouent à l'évidence un rôle important en la matière.
Il nous paraît très utile que les quatre partenaires se retrouvent au niveau départemental mais aussi au niveau national. En effet, cette commission nationale, qui, bien entendu, recevra les procès-verbaux des réunions départementales ainsi que les propositions des préfets, pourra tout à fait sur la base de l'ensemble des considérations qui auront été émises au niveau départemental élaborer des critères.
Nous avons bien constaté, à propos du traitement de la situation de 2003, l'incapacité dans laquelle nous nous trouvions d'énoncer de manière claire et explicite les critères qui ont été retenus, si tant est que des critères aient été retenus avec une cohérence manifeste.
Nous avons donc prévu très précisément que cette commission nationale, qui, comme la commission départementale, sera compétente pour toute forme de catastrophe naturelle, émette un avis auprès du ministre compétent. Bien entendu, il n'est pas question de revenir sur la responsabilité de décision qui incombe à l'Etat.
Dans ces conditions, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, nous ne comprenons pas pourquoi vous souhaitez supprimer du dispositif cette commission nationale qui pourra largement contribuer à la définition des critères et qui aura pour mission d'émettre un avis.
Enfin, dernier principe : la transparence.
Que les conclusions des commissions départementales et de la commission nationale soient rendues publiques nous semble constituer une très bonne garantie de transparence démocratique.
Transparence, déconcentration, durée raisonnable, association de l'ensemble des personnes concernées : tels sont les éléments qu'il faut mettre en oeuvre de manière qu'à l'avenir le principe d'égalité, si important s'agissant des catastrophes de l'année 2003, soit toujours respecté. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Reiner.
M. Daniel Reiner. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il me semble tout à fait opportun d'évoquer aujourd'hui, à l'occasion de l'examen de ces deux propositions de loi, la procédure de prise en charge des catastrophes naturelles. Intervenant en fin de discussion, je vais élargir le champ de la réflexion afin d'éviter les redites.
En 2004, lors de la discussion de la loi relative aux libertés et responsabilités locales, j'avais, par le biais d'un amendement, tenté d'introduire un peu de transparence dans le dispositif en souhaitant que les refus soient motivés. Cet amendement n'avait pas eu l'heur de plaire au Sénat, mais ayant été repris dans les mêmes termes par l'Assemblée nationale, il avait finalement été adopté. Cela a permis un progrès en matière de transparence.
La question de la sécheresse, plus particulièrement du traitement de ses conséquences à travers la procédure de gestion des catastrophes naturelles, est très présente dans ce débat, mais je voudrais qu'on évoque aussi les autres catastrophes.
Le département de Meurthe-et-Moselle, que j'ai l'honneur de représenter avec ma collègue Evelyne Didier, a été sévèrement touché par la tempête de 1999 ; il a ensuite connu des coulées de boue en 2001, puis un séisme en février 2003 et enfin la sécheresse, cumulant ainsi toutes les difficultés.
En ces circonstances, j'ai pu mesurer la difficulté dans laquelle se trouvent les maires, qui, pris entre le marteau et l'enclume ne savent pas quel est exactement leur rôle. Il nous revient de les aider, de les accompagner dans cette procédure.
Le rôle des maires est de demander la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle. Ensuite, ils deviennent étrangers au système, ils n'ont plus qu'à attendre une décision venue d'en haut.
Après le séisme dont j'ai parlé, alors qu'une centaine de communes avaient déposé un dossier, seule une trentaine d'entre elles ont obtenu la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle, sur des critères, comme cela a déjà été dit plusieurs fois, totalement mystérieux.
Le laboratoire de Strasbourg a été saisi pour expertise et l'on a pu mesurer l'inefficacité du système, puisque, sur deux communes voisines, totalement imbriquées, l'une a obtenu la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle - et je sais de quoi je parle, puisque c'est la commune dont j'étais maire - et l'autre non alors qu'elle avait subi des dégâts identiques.
Les critiques ont été tellement fortes qu'il est devenu nécessaire de réagir.
Nous nous trouvons dans une situation quelque peu paradoxale. Si l'on s'en tient aux rapports qui ont été établis, il faut admettre que le système d'indemnisation des catastrophes naturelles qui a cours dans notre pays est à la fois original et tout à fait efficace. En effet, les deux tiers des demandes sont satisfaites et les sinistrés bénéficient de conditions d'indemnisation convenable.
Il est étrange que ce système globalement efficace fasse l'objet de critiques si sévères de la part des élus locaux. En fait, ceux-ci supportent les récriminations de leurs concitoyens sinistrés, parfois jusqu'à un point difficilement imaginable. Dans les villages qui n'ont pas fait l'objet d'une reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle, certains administrés adressent de virulents reproches au maire : « Tu t'es débrouillé comme un manche, le maire de la commune voisine, lui, a obtenu la reconnaissance ! ».
Mme Evelyne Didier. C'est ainsi que cela se passe !
Mme Nicole Bricq et M. Roland Courteau. C'est exact !
M. Daniel Reiner. Ce n'est pas très agréable pour le maire concerné qui s'estime étranger au système.
Il n'est pas question de remettre en cause la législation sur les catastrophes naturelles, même si elle est un peu brève ! Les textes législatifs concernés n'occupent que quelques lignes dans l'ensemble du corpus juridique, tout le reste étant du domaine règlementaire et donc entre les mains de l'administration : c'est le secret qui prévaut en la matière.
Dans un système démocratique qui, globalement, s'autofinance, même si l'Etat fait en quelque sorte figure de garant, cette situation n'est pas acceptable.
C'est la raison pour laquelle nous avons fait une proposition dont j'ai la faiblesse de penser qu'elle est meilleure que celle qui est issue des travaux de la commission, tendant à rendre le système résolument plus transparent, ce qui mettrait un terme aux critiques et permettrait surtout de traiter de façon équitable les dossiers de catastrophe naturelle.
Pour rendre le système plus transparent, il faut faire en sorte que l'administration ne prenne pas seule la décision ; il faut donner aux maires la possibilité d'intervenir à nouveau, une fois leur demande envoyée, il faut leur donner la possibilité de se faire aider dans la phase d'élaboration de la décision.
Cette volonté de transparence justifie la création d'une commission départementale, dont le rôle consisterait, d'une part, à accompagner les maires dans leurs demandes, y compris lors de l'élaboration du dossier et, d'autre part, à aider le préfet. Je rappelle que les textes en vigueur confèrent aux préfets le droit d'adresser ou non les dossiers à la commission interministérielle, ce qui est une lourde responsabilité. Cette commission ne donnerait qu'un avis.
La commission des affaires économiques a repris cette idée et nous avons souscrit largement à ses réflexions. Cependant, si le Gouvernement approuve cette proposition, il en a réduit très largement l'application en ne la retenant que pour les cas de sècheresse.
Or, si l'on veut vraiment apporter de la transparence, il faut mettre en place cette commission départementale de manière permanente, afin qu'elle examine tous les cas de catastrophe naturelle et pas seulement les situations de sècheresse. Pourquoi cette commission serait-elle compétente et efficace dans ce seul cas et non dans les autres ? Si je me réfère aux exemples passés, je constate qu'elle aurait été utile dans toutes les circonstances.
Quant au Conseil national, son but était clair : mettre fin au secret et ôter la décision à la seule administration.
S'agissant de la prise de décision par un seul ministre, que nous appelons de nos voeux, elle a pour but d'accélérer la procédure. Ce ministre s'entourerait d'experts pour définir les critères de reconnaissance, critères qui seraient publiés.
Les sinistrés doivent savoir pourquoi leur demande n'a pas été retenue, alors qu'actuellement, comme je l'ai vérifié en préparant ce texte il y a deux ans, les critères varient d'un sinistre à l'autre, y compris pour les mêmes phénomènes. Ainsi, le traitement des dossiers peut être différent non seulement d'un lieu géographique à l'autre mais aussi d'une époque à l'autre.
Bref, nous disposons d'un système que chacun s'accorde à vouloir conserver et qui, s'il était fondé sur la mutualité, pourrait s'autofinancer. Rien n'exclut en effet que les surtaxes que vous avez évoquées tout à l'heure - 12 % sur les assurances multirisques habitation et 6 % sur les assurances automobiles - évoluent au fil des temps.
Nous devons donc conserver ce système tout en le rendant absolument transparent. C'est à ce prix que l'équité, qui nous est chère, pourra être garantie.
Comme l'ont dit Nicole Bricq et Jean-Pierre Sueur, nous défendrons des amendements en ce sens, tendant à pérenniser le système tout en mettant en place une procédure plus juste et plus équitable dans toutes les situations de catastrophe naturelle, sans s'attacher au seul cas de sécheresse. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Brice Hortefeux, ministre. Je ne répondrai pas en détail à chacun des intervenants, je me bornerai à évoquer certains points particuliers qui ont été soulevés.
Michel Houel a indiqué que 50 % des sinistrés de Seine-et-Marne avaient obtenu satisfaction : ce chiffre correspond à l'ordre de grandeur en vigueur au plan national.
En ce qui concerne l'autre moitié des dossiers, c'est-à-dire ceux qui n'ont pas été réglés, le dispositif exceptionnel que j'ai annoncé tout à l'heure apportera, je crois, un espoir très sérieux, tout au moins s'agissant des dégâts les plus graves. Je ne doute pas un seul instant, monsieur le sénateur, que vous approuverez cette disposition législative nécessaire lorsqu'elle vous sera soumise.
Enfin, j'ai bien noté votre soutien à la politique de prévention que, grâce à votre proposition, nous allons développer. Je vous en remercie.
Mme Evelyne Didier a mis l'accent sur le réchauffement du climat. Il s'agit là d'un défi collectif, qui interpelle le Gouvernement, les collectivités et les citoyens.
Le Gouvernement ne prétend pas maîtriser le climat. Plus modestement, il cherche à informer les maires et les candidats à la construction afin que ceux-ci évitent de construire sur l'argile. Il s'agit d'une action très concrète et très précise. Vous avez exprimé, madame la sénatrice, le souhait d'être informée : voilà une réponse de proximité à votre préoccupation.
Je n'ai pas tout à fait compris votre propos concernant le manque de considération dont souffriraient les sinistrés. Je ne vois pas où est le défaut de considération alors que nous rappelons l'exigence de contrôle dans le domaine des assurances. En effet, la rigueur de l'instruction est la condition de la solidarité.
M. de Montesquiou a dénoncé la durée des délais de décision pour l'année 2003, ce qui ne m'a pas étonné, car il m'en avait entretenu à plusieurs reprises et que c'est l'une de ses préoccupations.
Je vous rappelle, monsieur le sénateur, que des décisions rapides fondées sur des critères « plus adaptés » - je reviendrai sur cette notion de critères ultérieurement - n'auraient en définitive profité qu'à 200 communes au lieu de 4 275. M. Sueur a lui-même rappelé ce chiffre.
La difficulté de trouver des critères météorologiques pertinents a par ailleurs été confirmée par les quatre inspections dans leur rapport d'étape du mois d'avril. Nous attendons le rapport définitif de ces inspections pour le mois de juillet.
Je retiens votre remarque concernant l'examen des dommages, qui pourra compléter assez utilement les données scientifiques concernant l'agent naturel.
Ce sera en définitive le rôle de la commission départementale que de permettre la concertation, et cela devrait répondre à votre préoccupation.
Mme Bricq a inscrit sa réflexion dans la continuité des régimes d'assurance des catastrophes naturelles ; c'est une bonne nouvelle et je m'en réjouis très sincèrement !
S'agissant des principes de transparence, d'équité et de responsabilité, il y a, je crois, une réelle convergence de vues entre nous. En revanche, nous avons des conceptions différentes sur un point : en ce qui nous concerne, nous ne souhaitons pas superposer deux niveaux de commission. Entre le niveau central et le niveau local, nous choisissons le dernier, qui permet davantage de proximité et de dialogue.
Vous avez évoqué aussi, madame la sénatrice, la question des délais, je n'y reviendrai pas. Mais, étant donné le caractère inédit de la situation, il fallait apporter une réponse nouvelle. S'agissant des sinistrés de Seine-et-Marne, je crois avoir répondu aux inquiétudes que vous avez exprimées et que je partage.
Monsieur Sueur, vous avez également évoqué les délais et brocardé non sans humour les propos des ministres qui m'ont précédé, mais c'est de règle en démocratie ! Vous avez néanmoins souligné, et je tiens à vous en remercier, que les dossiers avançaient.
Je vous le confirme, le principe d'égalité est respecté. Il est vrai que les critères sont complexes et qu'ils mériteraient d'être clarifiés. Comme je vous l'ai indiqué, sur les 900 communes susceptibles de bénéficier du dispositif, les travaux de Météo France permettront de fournir des critères plus fiables et plus concrets.
Cette clarification a été proposée dans un rapport d'étape des quatre inspections, dont l'impartialité ne peut être mise en cause.
Monsieur Reiner, vous avez évoqué la situation de la Meurthe-et-Moselle. Il est vrai que ce département a été très régulièrement touché par des catastrophes variées. Attentif à vos propos concernant cette situation précise, j'ai bien retenu votre interrogation sur le caractère des critères de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle.
La réponse apparaît sans doute dans la loi de modernisation de la sécurité civile du 13 août 2004, qui prévoit concrètement que les préfets, lors des notifications, expliquent les motifs de leurs décisions. Il s'agit là, je crois, d'un véritable progrès.
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Article additionnel avant l'article 1er
M. le président. L'amendement n° 1, présenté par Mme Bricq, MM. Sueur, Reiner, Piras, Bodin et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Le quatrième alinéa de l'article L. 125-1 du code des assurances est ainsi rédigé :
« L'état de catastrophe naturelle est constaté par arrêté du ministre chargé de la sécurité civile qui détermine les zones et les périodes où s'est située la catastrophe ainsi que la nature des dommages résultant de celle-ci couverts par la garantie visée au premier alinéa du présent article. Cet arrêté précise, pour chaque commune ayant demandé la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle, la décision du ministre. Cette décision est ensuite notifiée à chaque commune concernée par le représentant de l'État dans le département, assortie d'une motivation. L'arrêté doit être publié au Journal officiel dans un délai de trois mois à compter du dépôt des demandes à la préfecture. »
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Nous proposons par cet amendement de substituer à l'arrêté interministériel actuellement prévu un arrêté du ministre de l'intérieur.
Cette proposition a provoqué quelques émotions, ici ou là, et je tiens à en préciser les termes.
Tout d'abord, monsieur le ministre, je constate que c'est vous qui représentez ce matin le Gouvernement, en votre qualité de ministre délégué auprès du ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire. Le Gouvernement n'a pas jugé utile d'envoyer M. Thierry Breton, ministre de l'économie et des finances. Il a pensé qu'il y avait une justification toute particulière à ce que vous fussiez là, vous, monsieur le ministre. Donc, je pense que votre seule présence au banc du Gouvernement justifierait votre soutien à cet amendement.
En outre, il me paraît naturel que le ministère de l'intérieur, qui a de grandes responsabilités, notamment la charge de la sécurité civile, soit au premier chef concerné par cette question.
On m'objecte que sont également en cause les assurances, lesquelles dépendent du ministère de l'économie et des finances. Certes, mais nous avons vu tout à l'heure que ce sujet concerne l'Etat, les citoyens, les sinistrés, les maires, les collectivités locales, dont vous avez, monsieur le ministre, au sein du Gouvernement, la charge éminente.
Dire qu'il reviendrait au ministre de l'économie et des finances d'intervenir dans ce débat équivaudrait donc à reconnaître une primauté de considération à l'égard des assureurs. Certes, nous avons beaucoup de considération pour les assureurs mais il y a un ensemble de personnes physiques et morales à prendre en compte. Et il semble bon à ce titre que le ministre de l'intérieur soit représenté au banc du Gouvernement. Jusque-là, monsieur le ministre, je pense recueillir votre accord.
Et je suis certain que je recueillerai encore plus votre accord quand j'énoncerai cette grande évidence : le Gouvernement est un. Tous les ministres tirent dans le même sens, si je puis dire. (Sourires.) Par conséquent, cette querelle un peu subalterne ne nous paraît pas avoir lieu d'être. En effet, dès lors que le ministre de l'intérieur ou le ministre délégué auprès de lui prendra une décision, comment imaginer qu'il le fera autrement qu'en parfait accord avec M. le Premier ministre, avec M. le ministre de l'économie et des finances et, évidemment, avec Mme la ministre de l'environnement, dont on voit mal comment elle serait absente de ce débat puisqu'il s'agit de catastrophes naturelles ?
Je pense avoir justifié notre amendement et j'espère, monsieur le ministre, avoir recueilli votre assentiment par mon argumentation.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Claude Biwer, rapporteur. Cet amendement vise un double objet : d'abord, remplacer l'actuel arrêté interministériel par un arrêté du seul ministre chargé de l'intérieur, ensuite, supprimer toute possibilité d'allongement du délai de trois mois entre le dépôt de la demande de la commune à la préfecture et l'arrêté de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle.
S'agissant du premier point, la commission ne pense pas souhaitable d'exclure le ministère des finances de la décision, car c'est le budget de l'Etat qui assure en dernier ressort la garantie financière du système.
Sur la question des délais, il faut rappeler le dispositif en vigueur, même si, comme M. ministre vient de le rappeler, à situation exceptionnelle - la canicule de 2003, par exemple - mesures exceptionnelles.
La loi impose à l'Etat un délai de trois mois entre le dépôt de la demande en préfecture et la prise de l'arrêté interministériel de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle. Elle prévoit toutefois un allongement de ce délai lorsque les enquêtes diligentées par le préfet durent plus de deux mois.
Supprimer cette possibilité d'allongement ne me paraît pas une bonne idée, car il ne faut pas exclure qu'un phénomène météorologique ou géologique nécessite des expertises approfondies sur le terrain. Si l'on estime que tout doit être décidé dans un délai de trois mois, cela signifie que le préfet aura au maximum un mois pour faire procéder aux études sur le terrain, ce qui peut s'avérer trop court.
J'ai du mal à comprendre cet amendement, car le délai d'enquête nécessaire au préfet n'a jamais posé un problème en France. Dans le cas de la canicule de 2003, c'est le temps de décision à Paris qui a été le plus long.
Mais attention, le remède pourrait s'avérer pire que le mal ! En effet, si l'on avait imposé un délai ferme de trois mois au Gouvernement pour prendre ses décisions sur la canicule de 2003, on sait ce qui se serait passé : il s'en serait tenu à ses critères habituels et n'aurait pas pris le temps de chercher à comprendre le phénomène. Comme vient de le rappeler M. le ministre, sur les 7000 communes concernées, 200 seulement environ auraient été indemnisées ! Je ne crois pas que c'est ce que nous souhaitons.
Pour ces raisons, la commission est défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Brice Hortefeux, ministre délégué. M. Sueur a évoqué avec beaucoup de légèreté la cohésion du Gouvernement.
M. Jean-Pierre Sueur. Avec gravité !
M. Brice Hortefeux, ministre délégué. Je lui confirme que celle-ci est tout à fait évidente, flagrante, confirmée et vécue au quotidien. (Exclamations sur les travées socialistes.) Je serais tenté de penser que sa préoccupation de cohésion est inspirée de l'histoire électorale récente (Sourires sur les travées de l'UMP.), mais je ne reviendrai pas sur le sujet.
Cela étant dit, monsieur Sueur, je tiens à vous remercier de rendre ainsi hommage aux qualités d'écoute, d'attention et de réactivité du ministère de l'intérieur. C'est en tout cas ainsi que j'ai compris vos propos.
Toutefois, nous nous occupons, en l'occurrence, d'une matière revêtant à l'évidence un caractère interministériel, impliquant également le budget de l'Etat et la tutelle des assurances.
J'ajouterai que la commission interministérielle travaille dans un esprit très collégial, les expériences de chacun étant utiles aux autres. Il nous semble normal que cette collégialité se traduise très concrètement dans la signature de l'arrêté. Chacun est ainsi partie prenante et responsable. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade, contre l'amendement.
M. Jean-Pierre Fourcade. Le groupe UMP est hostile à cet amendement pour plusieurs raisons.
Il remercie d'abord la commission et son rapporteur de faire progresser la législation en mettant en place une proposition de loi qui va permettre d'améliorer l'indemnisation et de mieux préciser les critères selon lesquels sont décidées tant la déclaration des sinistres que l'indemnisation.
M. Jean-Pierre Sueur. Cela figure aussi dans notre proposition de loi !
M. Jean-Pierre Fourcade. Absolument !
M. Jean-Pierre Sueur. Je vous remercie.
M. Jean-Pierre Fourcade. Ensuite, s'il peut paraître intéressant de modifier le système actuel en donnant le pouvoir de décision au seul ministre de l'intérieur, que je salue respectueusement, dans le cas qui nous occupe, comme l'a dit très justement M. le ministre délégué aux collectivités territoriales, il s'agit d'une opération de nature interministérielle. J'en veux pour preuve à la fois l'implication dans cette affaire des compagnies d'assurance, lesquelles vont finalement payer quelque chose, et la charge budgétaire notoire que va provoquer la modification de la réglementation.
Dans la mesure où la proposition présentée par la commission des affaires économiques nous donne satisfaction et où va être mise en place, à partir d'un amendement du Gouvernement, une commission départementale composée d'un certain nombre de maires, élément essentiel pour se rattacher au terrain, nous estimons qu'il n'est pas nécessaire de modifier le mécanisme général, et l'amendement de Mme Bricq est inutile.
Pour les mêmes raisons que celles que vient d'exposer M. le rapporteur, le groupe UMP est hostile à cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 1er -
Commissions consultatives départementales des catastrophes naturelles
Après l'article L. 125-1 du code des assurances, il est inséré un article L. 125-1-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 125-1-1 - Dans le cadre des enquêtes diligentées par le représentant de l'Etat dans le département mentionnées à l'article L 125-1, celui-ci recueille, le cas échéant, l'avis d'une commission consultative départementale des catastrophes naturelles réunie à l'initiative du président du Conseil général ou du président de l'association départementale des maires.
Cette commission est composée de onze membres :
« - trois représentants des services de l'État désignés par le représentant de l'État,
« - le Président du Conseil général ou son représentant,
« - trois représentants des communes désignés par l'Association départementale des maires,
« - deux représentants des assurés désignés par les représentants des associations de consommateurs du comité départemental de la consommation,
« - deux représentants des assureurs nommés sur proposition des organisations professionnelles.
« Le représentant de l'État dans le département transmet à la commission un rapport qui précise la nature et l'intensité de l'événement, la liste des communes atteintes, une carte de la zone touchée, et tous éléments susceptibles de l'aider à statuer.
« La commission départementale peut entendre les maires des communes concernées avant de rendre son avis. Toutefois, elle est tenue de rendre cet avis dans le mois du dépôt des demandes à la préfecture.
« Les avis de la commission départementale sont motivés. Ils sont rendus publics et notifiés à chaque commune concernée. ».
M. le président. La parole est à M. Yannick Bodin, sur l'article.
M. Yannick Bodin. Je me réjouis que le texte qui nous est soumis aujourd'hui ait repris le principe d'une commission départementale que nous avions nous-mêmes posé dans notre proposition de loi.
L'instauration d'une commission départementale chargée de donner un avis sur les demandes de reconnaissance de catastrophe naturelle améliore sensiblement la transparence du dispositif puisqu'elle permet la participation des élus locaux, ainsi que des représentants des assurés et des assureurs.
Dès lors, chacun des acteurs participera à la procédure de reconnaissance. Il n'est en effet pas légitime et nécessaire que la décision soit prise exclusivement à Paris, par les seuls représentants des ministères concernés, sans considération aucune et sans connaissance concrète de la réalité du terrain et de l'ampleur des dommages subis par les sinistrés.
N'oublions pas que derrière les dossiers transférés aux ministères, il y a des familles qui voient tous les jours leur seul bien, souvent le fruit de toute une vie de travail, se détériorer et qui attendent souvent dans l'angoisse, des mois durant, voire des années, que jaillisse un arrêté interministériel pris dans l'opacité la plus totale.
Et quel est leur désarroi lorsque le verdict tombe : elles ne pourront pas être indemnisées parce que leur commune n'a pas été reconnue en état de catastrophe naturelle, tandis qu'une commune limitrophe, elle, est retenue !
En Seine-et-Marne, par exemple, pourquoi y a-t-il une différence entre Villeparisis et Claye-Souilly, distantes de quelques kilomètres l'une de l'autre ? Cette différence de traitement ouvre la voie, vous l'imaginez, monsieur le ministre, à toutes les interprétations, y compris les plus désagréables puisque ces communes sont de couleurs politiques différentes. Ce n'est pas ce que nous souhaitons les uns et les autres, c'est évident.
Je souhaiterais revenir sur les chiffres qui ont été cités tout à l'heure. On nous a dit qu'en Seine-et-Marne 50 % des sinistrés auraient obtenu une réponse favorable. Tel n'est pas le sentiment des maires de Seine-et-Marne. Sur les 195 communes qui ont fait une demande, 136 n'ont toujours pas obtenu la reconnaissance. Bref, 59 l'ont obtenu, ce qui représente 30 %.
Monsieur le ministre, ce n'est pas un hasard si ce matin, dans cet hémicycle, sont présents quatre parlementaires de Seine-et-Marne de trois groupes politiques différents. Cela signifie que nous avons eu l'occasion de nous mobiliser avec les maires de Seine-et-Marne, dont les attentes et la mobilisation sont très fortes. Je crois pouvoir dire que c'est tous ensemble que nous attendons de vous une réponse favorable.
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau.
M. Roland Courteau. A la suite de la canicule de l'été 2003, je veux, à mon tour, porter témoignage des graves dommages engendrés par la sécheresse, puis par la réhydratation des sols dans les départements du Midi : l'Aude, l'Hérault, le Gard, les Pyrénées-Orientales.
Monsieur le ministre, le mécontentement est profond, l'impatience réelle et les attentes très fortes de la part des populations qui ne comprennent pas ces délais extrêmement longs, cette incertitude et la menace toujours présente de ne pas bénéficier de la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle, tandis que les dégâts, eux, n'en finissent pas de s'aggraver jour après jour.
Dans l'Aude, par exemple, d'innombrables familles dans de nombreuses communes attendent depuis deux ans une réponse.
Sur les 200 communes sinistrées, 170 ont demandé le classement, et seulement un tiers d'entre elles, sauf erreur de ma part, ont obtenu satisfaction.
Voilà qui met en évidence la nécessité d'améliorer le fonctionnement du régime, d'autant que, dans l'avenir, de telles catastrophes ne vont pas manquer de se multiplier, en raison des changements climatiques annoncés, conséquence - chacun le sait maintenant et les experts eux-mêmes le reconnaissent - des émissions de gaz à effets de serre.
Vous avez eu raison, ma chère collègue, de rappeler que le premier responsable d'émissions de gaz à effets de serre est bien le secteur des transports. Je tiens d'ailleurs à souligner ici que le projet de loi d'orientation sur l'énergie, qui est en navette actuellement, a fait l'impasse sur cette question pourtant essentielle. Le Gouvernement a refusé notre amendement qui visait à doubler le trafic du fret ferroviaire d'ici à 2015.
Je reviens au sujet de mon intervention. Nous devons sortir d'un système qui pèche par manque de transparence, d'équité et de rapidité. Nicole Bricq l'a souligné justement, et la formule qu'elle a utilisée correspond à la triste réalité : « critère rime avec mystère ». M. Sueur a lui aussi évoqué ce problème.
Les délais, quant à eux, sont en effet excessivement longs par rapport à ceux fixés par la loi ; cela n'est pas acceptable.
Et que penser des décisions favorables - comme l'a répété Yannick Bodin - prises en faveur de certaines communes tandis que d'autres, ayant subi le même dommage, survenu le même jour, à la même heure, reçoivent un avis défavorable ? Daniel Reiner a eu raison d'insister sur la coexistence de telles situations.
Il est donc devenu très urgent de remédier aux difficultés apparues ces dernières années et de faire progresser enfin la législation.
Je veux espérer que les amendements de notre groupe recevront de votre part, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, les avis favorables indispensables pour instaurer transparence, équité et rapidité.
M. le président. Je suis saisi de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 16, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi le texte proposé par cet article pour l'article L. 125-1-1 du code des assurances :
« Art. L. 125-1-1 - En cas de mouvements de terrains différentiels consécutifs à la sécheresse et à la réhydratation des sols, le représentant de l'État dans le département, réunit une commission départementale chargée de recueillir tous éléments d'information sur les dommages justifiant les demandes de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle.
« Cette commission comprend :
« - le président de l'association des maires du département,
« - trois représentants des communes désignés par l'association départementale des maires,
« - deux représentants des assurés désignés par les représentants des associations de consommateurs du comité départemental de la consommation,
« - deux représentants des assureurs nommés sur proposition des organisations professionnelles.
« Elle est présidée par le représentant de l'État dans le département. »
La parole est à M. le ministre.
M. Brice Hortefeux, ministre délégué. L'article L. 125-1 du code des assurances évoque les enquêtes diligentées par le préfet à l'appui des demandes de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle présentées par les maires. Les représentants de l'État ne sont soumis à aucune obligation particulière pour réunir les éléments d'information utiles à l'appréciation de la commission interministérielle et des ministres.
L'amendement n° 16 vise à imposer un formalisme dans le seul cas des mouvements différentiels des sols consécutifs à la sécheresse. En effet, ce phénomène - vous le savez - est difficile à apprécier par la seule mesure d'intensité de l'agent naturel et nécessite une évaluation des dommages pour éclairer la décision.
Pour assurer la transparence et le caractère contradictoire de cette évaluation, il est proposé de la confier à une commission ad hoc, présidée par le préfet puisque c'est lui qui a la responsabilité de diligenter des enquêtes, mais comportant - j'imagine que cela répond à une préoccupation de la Haute assemblée - au moins un représentant des maires, des assureurs et des consommateurs, ces derniers devant être compris comme étant des représentants des sinistrés.
Il s'agit donc d'améliorer la qualité des dossiers transmis à l'échelon national en répondant à cette aspiration d'équité et de confiance dans la procédure qui s'est fait jour sur toutes les travées depuis le début de la matinée.
Toutefois, pour ne pas contrarier l'effort de simplification des commissions départementales, cette commission d'information sur les dommages des sécheresses serait replacée dans le cadre du conseil départemental de la sécurité civile en projet, dès lors que celui-ci sera créé.
M. le président. Le sous-amendement n° 17, présenté par M. Biwer, est ainsi libellé :
Dans le premier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 16 pour l'article L. 125-1-1 du code des assurances, après les mots :
le représentant de l'Etat dans le département,
insérer les mots :
soit de sa propre initiative, soit à la demande du président de l'association des maires du département,
La parole est à M. le rapporteur.
M. Claude Biwer, rapporteur. M. le ministre nous propose de réduire le champ de compétences de la commission départementale chargée de recueillir tous les éléments d'information sur les dommages justifiant les demandes de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle, pour le restreindre aux opérations qui concernent les catastrophes naturelles liées à la sécheresse. Lorsque des difficultés surgiront, le préfet aura toujours la faculté de réunir la commission s'il le souhaite, je n'en doute pas.
Le sous-amendement n° 17 tend à rétablir le pouvoir d'initiative du président de l'association des maires. Je souhaiterais, en effet, que les associations des maires de départements, souvent sollicitées à travers leurs membres, puissent demander au préfet la réunion de la commission en question.
M. le président. Le sous-amendement n° 18, présenté par M. Biwer, est ainsi libellé :
Compléter le premier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 16 pour l'article L. 125-1-1 du code des assurances par les mots :
et de proposer une liste des communes ou des sections des communes susceptibles de bénéficier de la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle
La parole est à M. le rapporteur.
M. Claude Biwer, rapporteur. Ce sous-amendement vise à rétablir la compétence de la commission départementale pour proposer une liste des communes ou des sections de communes susceptibles de bénéficier de la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle.
Notre commission a souhaité - et je l'ai évoqué lors de la discussion générale - que les commissions départementales donnent un avis consultatif.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 3 est présenté par Mme Bricq, MM. Sueur, Reiner, Piras, Bodin et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 11 est présenté par Mme Didier, MM. Billout, Coquelle et Le Cam, Mme Demessine et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Dans le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 125-1-1 du code des assurances, supprimer les mots :
le cas échéant
La parole est à M. Daniel Reiner.
M. Daniel Reiner. L'amendement n° 3 reprend une partie de la proposition de loi que nous avons déposée et qui traite justement de la création d'une commission consultative départementale.
Dans la proposition de loi issue des travaux de la commission, il est précisé que le représentant de l'État recueille l'avis, le cas échéant, d'une commission consultative départementale. Les mots sont clairs. Le cas échéant, cela signifie que le représentant de l'Etat n'est pas obligé de le faire. Nous proposons de supprimer les mots « le cas échéant » afin que, en toutes circonstances et quelle que soit la catastrophe naturelle, la commission départementale soit consultée par le préfet.
M. le président. La parole est à Mme Evelyne Didier, pour présenter l'amendement n° 11.
Mme Evelyne Didier. Notre proposition va dans le même sens. Nous sommes tout à fait favorables à la création d'une commission consultative départementale qui traite de toutes les catastrophes naturelles. Nous souhaitons, nous aussi, que les mots « le cas échéant » soient supprimés de telle sorte que la consultation soit systématique.
M. le président. L'amendement n° 4, présenté par Mme Bricq, MM. Sueur, Reiner, Piras, Bodin et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Au début de l'avant-dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 125-1-1 du code des assurances, après les mots :
La commission départementale peut
insérer les mots :
diligenter des enquêtes, s'assurer le concours d'experts et
La parole est à M. Daniel Reiner.
M. Daniel Reiner. Dans notre proposition de loi, nous avions donné à la commission la possibilité de diligenter des enquêtes et de s'assurer éventuellement du concours d'experts au-delà de ceux qui sont désignés par le préfet pour présenter le rapport. Ce pouvoir que nous lui accordions a été supprimé dans la proposition de loi issue des travaux de la commission ; nous souhaitons le réintégrer.
M. le président. L'amendement n° 5, présenté par Mme Bricq, MM. Sueur, Reiner, Piras, Bodin et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par cet article pour l'article L. 125-1-1 du code des assurances par un alinéa ainsi rédigé :
« Dans les huit jours qui suivent l'avis de la commission départementale, le représentant de l'État dans le département transmet au conseil national visé à l'article additionnel après l'article L. 125-1 (cf. amendement n° 6) sa proposition, assortie du dossier de la commune, de son rapport et de l'avis de la commission départementale. »
La parole est à M. Daniel Reiner.
M. Daniel Reiner. Il n'est plus question de délai dans la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui. Or nous avons constaté au cours de la discussion que cette question des délais est essentielle. Il faut aller vite ; il faut donc encadrer la procédure dans le temps.
Dans notre proposition de loi, nous avions écrit : « Dans les huit jours qui suivent l'avis de la commission départementale, le représentant de l'État dans le département transmet au conseil national. » L'amendement n° 5 vise à réinsérer dans la proposition de loi que nous examinons les notions de délais et d'obligation de transmission qui, actuellement, n'y figurent pas. Selon le texte actuel, le préfet n'est pas obligé de transmettre un dossier. Il apprécie lui-même l'opportunité de le transmettre à la commission interministérielle.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Claude Biwer, rapporteur. La commission est favorable à l'amendement n° 16, sous réserve de l'adoption des sous-amendements n° s17 et 18.
J'en viens aux amendements nos 3 et 11. La proposition de loi qui vous est soumise prévoit que la commission est réunie, le cas échéant. La réunion de la commission se justifie, en effet, quand il est difficile d'établir le constat de ce qui s'est passé. Or ce n'est pas toujours le cas. Un besoin d'échange local surgit, par exemple, pour les mouvements de terrain liés à la sécheresse, qui sont difficiles à identifier, mais c'est moins vrai pour les inondations.
C'est pourquoi je ne suis pas favorable à ce que la commission soit réunie dès que se produit une catastrophe naturelle, c'est-à-dire même lorsque ne se posent pas de difficultés. Cela aurait l'inconvénient d'alourdir la procédure sans réellement apporter d'avantages. Rien n'empêche que, exceptionnellement - comme je le soulignais tout à l'heure -, à l'initiative du préfet, cette commission soit réunie.
En conséquence, j'émets un avis défavorable sur ces amendements identiques.
Par ailleurs, la commission départementale doit rester une instance consultative qui s'exprime dans une phase préparatoire de l'instruction technique des demandes par le préfet mais qui ne se substitue pas à l'instruction technique. L'intérêt de cette commission est d'apporter un témoignage fondé sur les dégâts constatés et non de remplacer l'État.
La commission émet donc aussi un avis défavorable sur l'amendement n° 4.
Comme cela a déjà été indiqué, la commission s'est déclarée défavorable à la création d'un conseil national venant s'ajouter à la commission départementale. Cela alourdirait et donc allongerait la procédure actuelle.
La commission émet donc un avis défavorable sur l'amendement n° 5.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Brice Hortefeux, ministre. Le Gouvernement émet un avis favorable sur les sous-amendements n° s17 et 18.
En revanche, il émet un avis défavorable sur les amendements n° s 3, 11, 4 et 5.
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 17.
(Le sous-amendement est adopté.)
Je mets aux voix le sous-amendement n° 18.
(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Reiner, pour explication de vote sur l'amendement n° 16.
M. Daniel Reiner. L'amendement n° 16 pose un véritable problème. Notre proposition de loi engageait une réforme profonde de la procédure pour la rendre plus transparente en créant cette commission départementale.
La commission des affaires économiques avait retenu cette option. La proposition issue de ses travaux prévoit donc une commission consultative pour aider le préfet et accompagner les maires.
Le Gouvernement nous propose, au travers de l'amendement n° 16, de restreindre très fortement la portée de ce dispositif, puisque la commission consultative départementale n'interviendrait qu'en cas de mouvements de terrains différentiels consécutifs à la sécheresse et à la réhydratation des sols, à l'exclusion de tous les autres cas de catastrophes naturelles, pour lesquels on s'en tiendrait alors à la procédure actuellement en vigueur.
M. Roland Courteau. Oui !
M. Daniel Reiner. Par conséquent, la commission consultative départementale ne serait pas saisie dans tous les exemples que j'ai cités précédemment, qu'il s'agisse de séismes, d'inondations, de tempêtes.
Pourquoi rompre avec l'esprit de la loi de 1982, selon lequel, en cas de calamité, la solidarité s'exerce quelle que soit la nature de cette dernière, sans discrimination ?
Je crois vraiment qu'il n'est pas raisonnable de vouloir prendre en compte de manière privilégiée un type particulier de catastrophe naturelle. Nos collègues maires seront nécessairement déçus d'une telle évolution du dispositif, dès lors que la commission consultative départementale, que nous voulions permanente et qui aurait pu jouer auprès d'eux un rôle fort utile en toutes circonstances, ne se réunira qu'en cas de sécheresse, même si l'on peut craindre que ce phénomène ne survienne à de nombreuses reprises dans l'avenir.
Par ailleurs, monsieur le ministre, vous voulez supprimer un certain nombre des missions qu'il était prévu de confier à la commission consultative départementale, notamment entendre les maires avant de rendre son avis, comme le proposait la commission des affaires économiques, motiver celui-ci, le rendre public et le notifier à chacune des communes concernées.
Dans ces conditions, l'adoption de l'amendement du Gouvernement videra d'une très grande partie de sa substance l'article 1er, élément essentiel de la proposition de loi. Cela est très ennuyeux, car tous les acteurs espèrent un dispositif utile, efficace en toutes circonstances. Or, très honnêtement, ce débat ne débouchera que sur une amorce de solution très insuffisante. En ce qui concerne la sécheresse, certes, un progrès aura été obtenu - encore que les dispositions, ne pouvant avoir d'effet rétroactif, ne vaudront que pour l'avenir -, mais la commission des affaires économiques ne pourra guère, à mon sens, retrouver dans le texte final l'esprit de transparence et d'équité qui l'inspirait.
M. le président. La parole est à Mme Evelyne Didier, pour explication de vote.
Mme Evelyne Didier. Nous nous trouvons tout à fait dans le même état d'esprit que M. Reiner : j'ai l'impression aujourd'hui d'un rendez-vous manqué.
En effet, alors que déjà la commission des affaires économiques avait élaboré une troisième mouture du texte qui ne reprenait pas l'ensemble des dispositions que nous voulions y voir inscrire, mais qui représentait tout de même un progrès et que nous aurions pu accepter, le Gouvernement affiche la volonté, au travers de cet amendement, de réduire considérablement la portée du dispositif initial.
Nous ne sommes plus ici dans une démarche visant à rendre transparente la prise des décisions de l'Etat concernant les catastrophes naturelles. Comme l'a indiqué M. Reiner, la Meurthe-et-Moselle est un département particulièrement touché par celles-ci, et, pour avoir souvent eu l'occasion de côtoyer dans de telles circonstances des élus et des personnes concernés, je puis vous dire que nos concitoyens attachent une importance majeure à l'égalité de traitement.
Par conséquent, nous aurions tort de ne pas saisir cette occasion de rendre les procédures transparentes et de mettre en place des mécanismes dont le fonctionnement soit clair pour tous. Dans les cas simples, la commission consultative départementale ne sera pas longue à se prononcer ; dans les cas plus difficiles, c'est-à-dire dans la grande majorité des cas, elle trouvera sa pleine utilité. Je ne comprends donc vraiment pas pourquoi l'on revient aujourd'hui sur ce qui avait été proposé.
M. Daniel Reiner. Tout à fait !
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. N'ayant pas du tout été convaincu par ses explications, je voudrais interroger M. le ministre sur deux points.
Premièrement, pourquoi refuse-t-il les mesures de transparence qui avaient été adoptées par la commission des affaires économiques et que M. le rapporteur a présentées ? J'aimerais bien savoir quelles raisons il pourrait avancer pour expliquer une telle attitude, qui me semble incompréhensible.
Deuxièmement, pourquoi n'accepte-t-il pas que la commission consultative départementale se réunisse dans tous les cas de catastrophe naturelle ? Comment peut-il justifier qu'une telle instance déconcentrée soit fondée à intervenir en cas de mouvements de terrain différentiels consécutifs à la sécheresse et à la réhydratation des sols, mais qu'il ne soit pas utile de la réunir dans tous les autres cas de figure ?
M. Roland Courteau. C'est étrange !
M. Jean-Pierre Sueur. J'avoue ne pas comprendre votre position, monsieur le ministre, et je vous pose donc ces deux questions précises afin d'essayer de vous convaincre de renoncer à vouloir restreindre le champ du dispositif au seul cas des mouvements de terrain liés à la sécheresse et à refuser la transparence.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Brice Hortefeux, ministre délégué. Les raisons qui m'ont amené à souhaiter restreindre le champ d'intervention des commissions consultatives départementales au seul cas des mouvements de terrain différentiels liés à la sécheresse sont assez simples, monsieur Sueur, et je ne m'explique pas que vous ne les ayez pas comprises.
M. Roland Courteau. Il n'est pas le seul !
M. Brice Hortefeux, ministre. Sans doute me suis-je mal exprimé.
Si vous considérez l'ensemble des phénomènes naturels auxquels nous pouvons être confrontés, vous constaterez que la sécheresse est le seul dont les conséquences prêtent à discussion.
M. Daniel Reiner. Mais non !
M. Brice Hortefeux, ministre. En cas de séisme, d'inondation ou de cyclone, les conséquences sont immédiatement observables. C'est là une grande différence avec la sécheresse,...
M. Jean-Pierre Sueur. Pas du tout !
M. Brice Hortefeux, ministre. ... et cela explique que les deux catégories de phénomènes ne soient pas prises en considération de la même manière. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Pierre Sueur. On connaît des centaines d'exemples qui contredisent vos propos ! Nous ne sommes pas du tout convaincus !
M. le président. En conséquence, les amendements nos 3, 11, 4 et 5 n'ont plus d'objet.
Je mets aux voix l'article 1er, modifié.
(L'article 1er est adopté.)
Articles additionnels après l'article 1er
M. le président. L'amendement n° 13, présenté par Mme Didier, MM. Billout, Coquelle et Le Cam, Mme Demessine et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le troisième alinéa de l'article L. 125-1 du code des assurances, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« La nature géologique des sous-sols est un critère déterminant pour caractériser l'état de catastrophe naturelle.
« L'analyse du déficit hydrique des sols ne peut en aucun cas constituer un critère limitatif pour caractériser l'état de catastrophe naturelle. »
La parole est à Mme Evelyne Didier.
Mme Evelyne Didier. Par cet amendement, les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen souhaitent clarifier les critères retenus pour caractériser l'état de catastrophe naturelle.
Cette précision est nécessaire, comme l'a montré la gestion des conséquences de la sécheresse de 2003, le processus de caractérisation de l'intensité anormale d'un agent naturel ayant alors manqué de transparence.
En effet, depuis la parution d'une circulaire du 28 avril 2000, le critère déterminant pour caractériser l'intensité anormale d'un agent naturel permettant la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle est l'analyse du déficit hydrique des sols.
Or ce critère est extrêmement limitatif, ce qui amène le rejet de bon nombre de dossiers pourtant recevables.
De fait, si ce critère avait été utilisé pour la sécheresse de 2003, dont le moins que l'on puisse en dire est qu'elle a été d'une ampleur exceptionnelle, aucun dossier n'aurait été accepté par la commission interministérielle compétente. Il a donc fallu que d'autres critères soient définis, afin de prendre en compte dans un premier temps les critères de Météo France, puis la composition géologique des sous-sols.
Par cet amendement, dans un souci de rapidité et de transparence des procédures, nous entendons donc définir les critères qualifiant l'intensité anormale de l'agent naturel.
Dans cette perspective, nous souhaitons que la composition géologique des sous-sols soit un critère déterminant, puisqu'il a permis que soit reconnu l'état de catastrophe naturelle pour des collectivités qui avaient effectivement été sinistrées en 2003.
A contrario, on a pu constater que l'analyse du déficit hydrique des sols ne suffisait pas à qualifier cet état et ne pouvait donc constituer un critère déterminant.
Par conséquent, nous pensons que l'adoption de cet amendement permettrait, en précisant les critères retenus, de rendre la procédure plus transparente et plus équitable.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Claude Biwer, rapporteur. Le remède proposé par les auteurs de l'amendement serait peut-être pire que le mal, puisque la difficulté mise en lumière par la canicule de 2003 a été non pas le manque de critères fixés à l'avance pour caractériser l'état de catastrophe naturelle, mais l'impossibilité d'adapter à une situation nouvelle les critères déjà existants. En effet, si l'on avait appliqué ceux-ci en la circonstance, bien peu de communes auraient été indemnisées, comme cela a été souligné.
En tout état de cause, retenir la nature géologique des sous-sols comme critère déterminant ne serait pas pertinent, car l'on sait bien que si la présence d'argile est une condition nécessaire à la survenue d'un glissement de terrain, elle n'en est jamais une condition suffisante. En effet, une maison construite sur un terrain très argileux selon les règles de l'art ne sera pas affectée par des fissures.
Par ailleurs, s'il est vrai que le critère du double réservoir hydrique ne s'est pas révélé satisfaisant lors de la sécheresse de l'été de 2003, ce qui a amené le Gouvernement à chercher à définir des critères plus adéquats, il ne faut pas oublier que, à lui seul, ce critère a permis de qualifier et d'indemniser toutes les sécheresses classiques, dites sécheresses d'hiver, intervenues jusqu'à aujourd'hui. Or l'adoption de l'amendement présenté empêcherait de le reprendre pour les prochaines sécheresses d'hiver, alors que ces dernières sont de très loin les plus fréquentes.
En conséquence, la commission émet un avis défavorable sur l'amendement n° 13.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Brice Hortefeux, ministre. La géologie n'est pas le seul paramètre d'une catastrophe naturelle : j'ai évoqué, voilà quelques instants, les inondations et les cyclones.
Cela étant, les critères servant de fondement à la décision des ministres doivent naturellement être adaptés en permanence à l'évolution des connaissances scientifiques et techniques. C'est d'ailleurs l'un des principaux enseignements de la sécheresse de 2003.
Par conséquent, il est à mon avis maladroit, madame la sénatrice, de vouloir figer dans la loi des critères qui, nous le savons, devront évoluer.
Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 6, présenté par Mme Bricq, MM. Sueur, Reiner, Piras, Bodin et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article L. 125-1 du code des assurances, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. L. ... - L'arrêté mentionné à l'article L. 125-1 est pris après avis d'un conseil national composé de douze membres :
« - Quatre représentants de l'État désignés respectivement par les ministres chargés de la sécurité civile, de l'économie et des finances, du budget et de l'environnement,
« - Quatre représentants des communes désignés par l'Association des maires de France,
« - Deux représentants des assurés nommés sur proposition du collège des consommateurs du Conseil national de la consommation,
« - Deux représentants des assureurs nommés sur proposition des organismes professionnels. »
La parole est à M. Yannick Bodin.
M. Yannick Bodin. Cet amendement revêt à nos yeux une importance cruciale pour assurer la transparence de la procédure, objet principal du texte soumis à notre examen. Je rappelle d'ailleurs que le mot « transparence » figure dans l'intitulé même de la proposition de loi.
Nous suggérons de substituer à l'actuelle commission interministérielle, composée exclusivement de représentants des ministères - je n'aurai pas de propos désobligeants à leur encontre, mais nous savons pertinemment que c'est dans ce genre d'instances que les risques de secret et d'opacité sont les plus forts, la démonstration en est faite quotidiennement ! - un conseil national comprenant des représentants de l'Etat, bien entendu, mais aussi des représentants d'élus, de sinistrés et d'assureurs. Bref, cette proposition a été élaborée dans le même esprit que la composition des commissions consultatives départementales.
Ce conseil national aurait vocation à rendre un avis, à valeur évidemment consultative, afin de rendre plus facile la décision finale. En effet, c'est aux ministres, notamment au ministre des finances qu'il appartiendra de statuer en dernier ressort. Il serait donc vain de nous opposer ici l'article 40 de la Constitution en arguant que l'adoption de cet amendement aurait pour conséquence l'aggravation d'une charge publique.
Si l'avis du conseil national ne doit pas lier la décision, il doit en revanche être public et motivé. Nous souhaitons que figurent dans l'avis motivé les critères physiques et les seuils retenus, qui n'apparaissent nulle part dans la procédure actuelle. Pourtant, c'est bien sur le fondement de ces critères qu'est prise la décision de reconnaître l'état de catastrophe naturelle pour telle ou telle commune. J'ai rappelé tout à l'heure que certaines communes ne savaient pas pourquoi cet état leur était ou non reconnu. Je n'y reviens pas. Il est donc légitime que ces critères soient portés à la connaissance des communes.
Vous me rétorquerez, monsieur le ministre, que si, en 2003, les critères de définition de la sécheresse avaient été connus à l'avance, l'état de catastrophe naturelle n'aurait été reconnu pour aucune des communes demanderesses. Certes, mais si ces critères ne peuvent être connus a priori ? et j'en comprends parfaitement la raison ?, qu'ils le soient au moins a posteriori, par égard pour les communes pour lesquelles cet état n'est pas reconnu et, surtout, pour les sinistrés qui ne pourront être indemnisés !
Enfin, ce conseil national constituerait un progrès essentiel en matière d'indemnisation des catastrophes naturelles. Il serait en effet chargé de veiller au bon fonctionnement du régime d'indemnisation et de publier un rapport annuel. De plus, il aurait la possibilité d'émettre des recommandations aux commissions départementales.
Ce n'est pas une usine à gaz que nous vous proposons, mais un ensemble simple s'articulant entre les deux niveaux, local et national.
M. le président. L'amendement n° 12, présenté par Mme Didier, MM. Billout, Coquelle et Le Cam, Mme Demessine et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article L. 125-1 du code des assurances, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. L. ... - L'arrêté mentionné à l'article L. 125-1 est pris après avis d'un conseil national composé de treize membres :
« - Quatre représentants de l'Etat désignés respectivement par les ministres chargés de la sécurité civile, de l'économie et des finances, du budget et de l'environnement ;
« - Cinq représentants des communes désignés par l'Association des Maires de France ;
« - Deux représentants des assurés nommés sur proposition du collège des consommateurs du Conseil National de la Consommation ;
« - Deux représentants des assureurs nommés sur proposition des organismes professionnels. »
La parole est à M. Michel Billout.
M. Michel Billout. Cet amendement vise à créer un conseil national des catastrophes naturelles, qui se substituerait à la commission interministérielle. Cette disposition figurait dans la proposition de loi de nos collègues socialistes, mais elle a été écartée.
Selon nous, l'actuelle commission interministérielle n'a pas permis un bon examen de la situation des communes sinistrées lors de la sécheresse de l'année 2003. Les critères qu'elle a définis pour caractériser l'intensité anormale du phénomène naturel l'ont été essentiellement sur le fondement de considérations d'ordre budgétaire.
Aussi nous semble-t-il important d'associer les collectivités locales, les assureurs et les assurés à cette procédure.
Nous souhaitons que ce conseil soit composé d'un nombre impair de membres - c'est en cela que notre amendement diffère de celui de nos collègues socialistes - afin de faciliter le processus de vote. Nous proposons donc qu'il soit composé de treize membres représentant l'Etat, les collectivités locales, les assurés et les assureurs. Une telle composition permettrait de garantir que l'ensemble des intérêts en cause seront bien pris en compte.
L'arrêté de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle devra être pris après consultation de ce conseil.
La création de ce conseil serait le gage d'une meilleure transparence dans la procédure de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle, puisque les personnes concernées, à différents titres, seraient toutes consultées.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Claude Biwer, rapporteur. Comme cela a déjà été dit, monsieur le président, il est nécessaire d'associer, sur le terrain, les élus et les victimes au sein des commissions départementales, pour des raisons de clarté et, me semble-t-il, de proximité de l'information.
M. Daniel Reiner. Ce n'est pas là que les décisions doivent être prises !
M. Claude Biwer, rapporteur. Mais il convient de ne pas alourdir le dispositif national.
La commission émet donc un avis défavorable sur les amendements n°s 6 et 12.
M. Roland Courteau. C'est un peu court comme explication !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Brice Hortefeux, ministre délégué. Je rappelle, afin que cela soit clair, que nous sommes favorables à une commission départementale, car nous nous plaçons dans une logique de proximité.
Concrètement, nous pensons que la superposition de commissions n'apporterait rien, ni en termes de clarté ni en termes de rapidité. Cela risquerait au contraire de multiplier les doublons.
En revanche, monsieur Bodin, je vous le confirme, les critères physiques retenus figureront dans l'avis motivé de la décision.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur les amendements nos 6 et 12.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Il ne s'agit pas d'instituer une superposition. Nous sommes, nous aussi, sensibles à la notion de proximité, puisque c'est nous qui l'avons introduite dans le débat, mais, monsieur le ministre, vous l'avez tellement amoindrie que nous avons été contraints de voter contre votre amendement.
Ce que voulions en instituant ce conseil national, c'est garantir le caractère de pérennité. Il nous paraît nécessaire que, lorsque survient une crise comme celle que nous avons vécue, elle soit analysée et donne lieu à un retour d'expérience. Seule une commission pérenne permet une telle expertise dans le temps.
M. Roland Courteau. Effectivement.
Mme Nicole Bricq. Madame Didier et moi-même avons insisté, lors de la discussion générale, sur la notion de risque climatique. L'Etat doit, me semble-t-il, jouer un rôle de « veilleur ». Non seulement il doit pouvoir bénéficier d'un retour d'expérience sur les critères - à ce sujet, vous avez revendiqué une certaine plasticité, monsieur le ministre, et nous n'y sommes d'ailleurs pas opposés - mais il doit également être en mesure de fournir un certain nombre d'expertises et d'explications.
Si vous n'acceptiez pas la création de ce conseil, comme cela semble être le cas, monsieur le ministre, vous empêcheriez l'Etat de jouer un rôle essentiel en matière de prévention des risques.
Mme Evelyne Didier. C'est très vrai !
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Ce que vient de dire Mme Nicole Bricq est tellement clair et évident que je ne comprendrais pas qu'on ne la suive pas !
Tout à l'heure, on nous a dit qu'il fallait prendre en considération les différents ministères. Cela va de soi. On a rarement vu le ministre de l'intérieur prendre une décision aussi importante et lourde de conséquences sans qu'il se fût assuré au préalable de l'accord du ministère des finances !
Ici, nous proposons d'associer, à l'échelon local, à l'échelon départemental, mais aussi à l'échelon national, l'ensemble des personnes concernées : l'Etat, les maires, les représentants des collectivités locales, des associations de sinistrés et des assureurs, dans un souci de transparence, d'expertise et de lisibilité.
Finalement, monsieur le ministre, ce que nous proposons c'est de venir en aide aux ministres, aux ministres actuels comme aux futurs !
M. Roland Courteau. Bien sûr !
M. Jean-Pierre Sueur. Ainsi, le ministre concerné ne se serait pas trouvé dans la situation absurde d'avoir à prendre des décisions, inévitablement jugées arbitraires, sur les 7 600 dossiers qu'il a reçus...
M. Michel Billout. Très bien !
M. Jean-Pierre Sueur. ...si ces dossiers avaient au préalable fait l'objet d'un examen départemental, si les préfets avaient réalisé un rapport et si une commission, compétente à l'échelon national, avait veillé à l'homogénéité des critères et formulé des propositions.
Bref, nous vous offrons l'aide d'une instance qui aurait compétence et autorité, et vous la refusez ! Nous le regrettons vivement.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Brice Hortefeux, ministre délégué. Monsieur Sueur, vous dites vouloir aider les ministres, mais, en réalité, ce que vous proposez, c'est de les contrôler, ...
Mme Nicole Bricq. C'est bien le rôle du Parlement !
M. Brice Hortefeux, ministre délégué. ... ce qui n'a rien à voir !
Fournir un retour d'expérience, ce sera le rôle du conseil national de la sécurité civile, qui, vous le savez, est en cours de création. Voilà qui répond très précisément à votre préoccupation.
M. Daniel Reiner. Mais contrôler le ministre, c'est notre travail !
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. M. le ministre ne peut nous reprocher de vouloir contrôler le Gouvernement. En effet, il revient au Parlement, en vertu de la Constitution, de veiller au bon contrôle du Gouvernement.
Par ailleurs, je rappelle qu'il s'agit non pas d'organiser un soviet qui pèserait sur l'action du Gouvernement, mais simplement de créer une commission qui formulerait un avis que les ministres concernés pourraient tout à fait ne pas suivre.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements présentés par Mme Bricq, MM. Sueur, Reiner, Piras, Bodin et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 7 est ainsi libellé :
Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article L. 125-1 du code des assurances, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. L. ... - L'avis motivé du conseil national est rendu public au Journal officiel et notifié par les préfets aux communes concernées dans les trois jours de sa publication.
« La motivation de l'avis devra comporter les critères physiques et les seuils retenus, ainsi que, le cas échéant, les enjeux économiques et sociaux pris en compte. »
L'amendement n° 9 est ainsi libellé :
Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article L. 125-1 du code des assurances, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. L. ... - Avant de rendre son avis, le conseil national peut diligenter des enquêtes et s'assurer le concours d'experts. Toutefois, le conseil est tenu de rendre son avis dans le mois de la réception de la proposition du représentant de l'État dans le département. »
L'amendement n° 10 est ainsi libellé :
Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article L. 125-1 du code des assurances, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. L. ... - Le conseil national assure l'évaluation de l'efficacité du régime d'indemnisation des catastrophes naturelles. A cet effet, il publie chaque année un rapport d'activité.
« Il peut formuler tous avis ou suggestions sur la réforme des textes législatifs ou réglementaires relatifs à cette indemnisation et établir, à destination notamment des commissions départementales, des recommandations sur sa mise en oeuvre. »
Du fait des votes précédemment intervenus, ces trois amendements n'ont plus d'objet.
M. Jean-Pierre Sueur. Hélas ! Trois fois hélas !
Article 2
Programme de prévention des risques liés à la sécheresse
Dans la limite de 6,5 millions d'euros par an, jusqu'au 31 décembre 2007, le fonds de prévention des risques naturels majeurs mentionné à l'article L. 561-3 du code de l'environnement finance les dépenses de l'Etat afférentes aux études géotechniques et aux actions d'études et de recherche, d'information et de communication nécessaires à la prévention des risques de mouvement de terrain différentiels liés au retrait et au gonflement des argiles. - (Adopté.)
Article 3
Principes applicables à la reconnaissance et à l'indemnisation des catastrophes naturelles
Après le quatrième alinéa de l'article L. 125-1 du code des assurances, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« La reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle peut concerner des communes entières ou des parties de communes.
« Cette reconnaissance ne constitue pas une présomption de droit à indemnisation. ».
M. le président. L'amendement n° 14, présenté par Mme Didier, MM. Billout, Coquelle et Le Cam, Mme Demessine et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer le second alinéa du texte proposé par cet article pour insérer deux alinéas après le quatrième alinéa de l'article L. 125-1 du code des assurances.
La parole est à Mme Evelyne Didier.
Mme Evelyne Didier. Cet amendement vise à supprimer la phrase suivante : « Cette reconnaissance ne constitue pas une présomption de droit à indemnisation ».
En fait, mes chers collègues, les choses se sont toujours déroulées de la même manière : la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle intervient, puis viennent les négociations entre l'assureur et le particulier. Arguer du fait que certaines personnes ne respectent pas la loi pour faire figurer cette phrase dans le texte me paraît totalement inopportun. J'ai du mal à accepter que l'on utilise le faible pourcentage de personnes qui ne respectent pas la loi. Il en existe malheureusement dans tous les domaines, qu'il s'agisse de conduite automobile ou de fraude fiscale. Heureusement, la grande majorité de nos concitoyens respectent la loi. En fait, en ne voulant pas donner un blanc-seing aux tricheurs et aux fraudeurs, vous mettez en avant l'exception pour essayer de réduire les indemnisations de façon générale.
Cela me fait penser à la chasse aux faux chômeurs que vous cherchez à mener : vous vous fondez sur des exceptions pour essayer de contraindre la grande majorité des personnes qui, en réalité, sont des victimes. Je n'apprécie vraiment pas ce genre d'argument.
M. le président. L'amendement n° 15, présenté par Mme Didier, MM. Billout, Coquelle et Le Cam, Mme Demessine et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par cet article pour modifier l'article L. 125-1 du code des assurances par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque l'état de catastrophe naturelle a été reconnu par les autorités compétentes, l'Etat, par la voie de ses représentants dans les départements, met à disposition des sinistrés, une permanence juridique pour les aider dans leurs démarches administratives. »
La parole est à M. Michel Billout.
M. Michel Billout. Cet amendement découle directement de notre refus de voir les sinistrés toujours plus démunis face au parcours du combattant que représentent les démarches qu'ils doivent effectuer auprès des assurances, une fois l'état de catastrophe naturelle reconnu. Nous souhaitons que le représentant de l'Etat dans le département, en charge de l'instruction des dossiers de son secteur, soit en mesure de faciliter ces démarches.
Pour ce faire, nous souhaitons qu'une permanence juridique soit mise en oeuvre dans chaque département pour répondre aux questions des sinistrés et, notamment, pour les alerter sur les délais de recours, qui restent souvent limités.
Face aux services juridiques expérimentés des sociétés d'assurance, les particuliers doivent recevoir une aide pour les aider à faire reconnaître leurs préjudices.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Claude Biwer, rapporteur. Evidemment, il appartient, comme après tout accident, à chaque personne qui souhaite être indemnisée de justifier qu'elle rencontre des difficultés et qu'elle doit assumer la réparation de dégâts. La commission émet donc un avis défavorable sur l'amendement n° 14.
S'agissant de l'amendement n° 15, elle souhaiterait connaître l'avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Brice Hortefeux, ministre délégué. Le Gouvernement souscrit à la position de la commission en ce qui concerne l'amendement n° 14. Il émet donc un avis défavorable.
En revanche, la proposition formulée dans l'amendement n° 15 lui semble partir d'une bonne intention : il s'agit de mieux informer les sinistrés, même si une information est déjà délivrée par un certain nombre de services, notamment les services préfectoraux. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement s'en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.
M. le président. La parole est à M. Daniel Reiner, pour explication de vote sur l'amendement n° 14.
M. Daniel Reiner. Cet amendement est justifié par la véritable provocation que constitue le troisième alinéa de l'article 3. En quoi est-il utile d'indiquer dans ce texte que la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle ne constitue pas une présomption de droit à indemnisation ? Une telle reconnaissance ne vaut pas, pour une commune, indemnisation automatique. Cela découle déjà de la loi de 1982.
On a le sentiment que les auteurs de la proposition de loi ont répondu en quelque sorte à la demande des sociétés d'assurance. Or, c'est bien à l'expert de l'assurance d'apporter la preuve que les dommages sont causés par la catastrophe naturelle qui s'est produite.
Mme Evelyne Didier. Tout à fait !
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 15 ?
M. Claude Biwer, rapporteur. La commission s'en remet à l'avis du Gouvernement : sagesse !
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Fourcade. Monsieur le ministre, je vous remercie de vous en être remis à la sagesse de la Haute Assemblée. Au cours de la discussion, nous avons beaucoup parlé de structures, de ministères, de commissions. Il est important de s'occuper également des sinistrés.
M. Jean-Pierre Sueur. On ne fait que cela !
M. Jean-Pierre Fourcade. Très souvent, ils sont dans l'incapacité de constituer leur dossier. Un certain nombre de communes ont mis en place des permanences et des associations d'aide aux victimes, mais toutes ne l'ont pas fait. Par conséquent, je voterai l'amendement n° 15.
M. le président. Je constate que cet amendement a été adopté à l'unanimité des présents.
Je mets aux voix l'article 3, modifié.
(L'article 3 est adopté.)
Intitulé de la proposition de loi
M. le président. J'indique au Sénat que la commission propose de rédiger comme suit l'intitulé de la proposition de loi : « Proposition de loi visant à améliorer la transparence et l'équité du régime d'assurance contre les catastrophes naturelles ».
M. Daniel Reiner. C'est dithyrambique au regard du contenu du texte !
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq.
Mme Nicole Bricq. La proposition de loi avait toute sa valeur avant le débat qui vient de se dérouler. En raison de l'adoption de l'amendement n° 16, déposé par le Gouvernement, l'intitulé qui nous est proposé ne correspond plus au texte.
M. le président. La parole est à M. Yannick Bodin.
M. Yannick Bodin. Si vous voulez que le titre corresponde au contenu de la proposition de loi, rédigez-le en fonction de l'article 1er.
M. le président. Je mets aux voix l'intitulé de la proposition de loi dans la rédaction de la commission.
(L'intitulé de la proposition de loi est adopté.)
Vote sur l'ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix les conclusions du rapport de la commission des affaires économiques sur les propositions de loi nos 441 et 302, je donne la parole à Mme Anne-Marie Payet, pour explication de vote.
Mme Anne-Marie Payet. Le traitement des conséquences de la sécheresse de 2003 a souvent fait l'objet de mécontentements et d'incompréhensions. La législation actuelle sur les catastrophes naturelles a en effet montré ses limites face aux situations exceptionnelles.
Si la loi de 1982 permet de traiter les conséquences de phénomènes que l'on pourrait qualifier de classiques, la canicule de 2003 a été d'une telle intensité que les dégâts matériels ont été considérables. Pourtant, le dispositif actuel n'a pas permis de rembourser tous les sinistrés, particulièrement les plus touchés, alimentant ainsi ce sentiment d'injustice selon lequel la loi ne traite pas l'ensemble des citoyens de manière égale.
Les deux propositions de loi et les conclusions du rapport de la commission des affaires économiques ont eu le double avantage, d'une part, de modifier notre législation pour en pallier les lacunes et, d'autre part, de lancer un signal fort au Gouvernement pour que celui-ci règle définitivement le cas de la sécheresse intervenue en 2003.
Plus de transparence, plus d'équité, voilà ce à quoi nous tendons en votant les trois articles de la proposition de loi qui nous est soumise. En effet, la création de la commission départementale conduira à avoir une approche plus réaliste, plus proche des problèmes et à établir des critères de remboursement permettant un traitement plus juste des situations.
Par ailleurs, je voudrais saluer les dispositions de la proposition de loi encourageant les opérations de prévention et d'information. L'établissement d'une cartographie permettra d'évaluer les risques selon les zones, ce qui assurera très certainement un meilleur traitement des aléas météorologiques.
Enfin, permettez-moi de saluer tout particulièrement l'initiative de notre excellent collègue rapporteur, Claude Biwer. J'avais moi-même, ainsi que plusieurs de mes collègues, été sensible à cette question majeure en cosignant sa proposition de loi. Le travail qu'il a conduit en tant que rapporteur a permis d'obtenir un texte qui est équilibré et, surtout, qui propose des solutions offrant plus de transparence et d'équité.
J'espère, monsieur le ministre, que vous tiendrez vos engagements. Nombre de Français, tant en métropole que dans les territoires d'outre-mer, comptent sur vous pour que notre mécanisme de prise en charge des catastrophes naturelles soit le plus efficace et surtout le plus juste possible. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Michel Houel.
M. Michel Houel. Nous allons adopter, dans quelques instants, la proposition de loi de notre excellent collègue Claude Biwer sur les conséquences des catastrophes naturelles.
La canicule et la sécheresse de 2003 sont encore très présentes non seulement dans nos mémoires mais aussi dans la vie de nos concitoyens qui ont dû y faire face, car de nombreuses victimes n'ont pas reçu une indemnisation à la hauteur de leurs espérances compte tenu des graves dégâts que leurs biens ont subis.
Sur ce point particulier, monsieur le ministre, nous souhaitions que toutes les dispositions utiles soient prises pour répondre aux attentes des personnes qui ont connu de graves préjudices et pour lesquelles, nous ne pouvons que le comprendre, le temps paraît très long.
Dans votre intervention, vous nous avez réservé la primeur des nouvelles mesures que le Gouvernement va engager pour répondre à la sécheresse exceptionnelle de 2003. Nous vous en remercions très sincèrement et nous espérons maintenant que ces dispositions seront mises en oeuvre rapidement.
Nous pouvons dire que la sécheresse de 2003, parce qu'elle avait des causes différentes des sécheresses précédentes, a révélé certaines limites de notre dispositif pour ce qui concerne le classement en zone de catastrophe naturelle, donc la reconnaissance de la catastrophe, et, par voie de conséquence, l'indemnisation des sinistrés.
C'est à partir de ce constat que notre collègue Claude Biwer a cherché de nouvelles solutions pour l'avenir.
M. Roland Courteau. Mme Bricq aussi !
M. Daniel Reiner. C'est du sectarisme !
Mme Nicole Bricq. Nous en avons l'habitude !
M. Michel Houel. Sans remettre en cause notre dispositif général d'assurance qui a fait ses preuves depuis plusieurs années, ces nouvelles dispositions permettent d'apporter des améliorations sur trois points : la création d'une commission départementale qui garantira une meilleure circulation de l'information, ce qui ne peut que favoriser l'instruction des dossiers, la mobilisation du fonds Barnier afin d'accélérer la mise en oeuvre de mesures de prévention des catastrophes liées à la sécheresse, la possibilité de considérer des parties de communes pour la détermination de l'état de catastrophe naturelle, ce qui devrait permettre de mieux prendre en compte la réalité des situations.
Le groupe UMP apportera son soutien à ces dispositions car elles devraient permettre, à l'avenir, d'améliorer notre dispositif d'assurance des catastrophes naturelles. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Michel Billout.
M. Michel Billout. La proposition de loi qui nous est soumise aujourd'hui permet quelques avancées : la création de commissions consultatives départementales pluralistes - dont je regrette profondément que la portée ait été réduite à l'initiative du Gouvernement - et la possibilité que soit reconnu l'état de catastrophe naturelle sur des secteurs précis des communes.
Pour autant, avec l'abandon de propositions importantes de nos collègues socialistes et le refus de prendre en compte l'essentiel de nos amendements, cette proposition de loi ne répond pas complètement aux attentes des sinistrés et des collectivités locales.
En effet, nous retrouvons dans cette proposition le souci prédominant du Gouvernement de « préserver le nécessaire équilibre financier du régime des catastrophes naturelles », invoqué par exemple lors de la sécheresse de 2003 par le précédent gouvernement, avec la volonté très nette de réduire les dépenses du régime.
Cette orientation a abouti au refus de classer en zone sinistrée la majorité des communes concernées et a provoqué la consternation, l'incompréhension et la colère légitime de milliers de familles.
Je rappelle, même si cela a déjà été évoqué lors du débat, qu'en Ile-de-France, par exemple, plus de 500 communes sont concernées, alors qu'un peu moins de 70 d'entre elles ont bénéficié, selon un mode de sélection des plus opaques - comme cela a également été souligné par de nombreux participants -, de l'arrêté de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle.
En Seine-et-Marne - j'insiste compte tenu du nombre de sénateurs de mon département présents dans cet hémicycle - 136 communes sur 194 n'ont toujours pas été déclarées sinistrées. Le cas des communes limitrophes comme Claye-Souilly et Villeparisis a été évoqué, mais il y a bien d'autres exemples de cet ordre.
Un collectif réunissant plus de la moitié des maires des communes laissées pour compte en Seine-et-Marne a constaté, sur les territoires concernés, des fissures en façade, des décollements entre différents corps d'ouvrage, des affaissements de dalles, des dislocations de cloisons, des distorsions de portes et de fenêtres. Et, malgré cela, selon la commission interministérielle, l'intensité anormale de la sécheresse 2003 ne serait pas démontrée.
M. Roland Courteau. Scandaleux !
M. Michel Billout. C'est pourquoi les nombreuses communes de Seine-et-Marne réunies dans ce collectif attaquent l'Etat devant le tribunal administratif.
En fait, ce qui détermine la position de la commission interministérielle, c'est la difficulté budgétaire pour l'Etat d'assumer ses engagements.
Ainsi, la presse s'est fait l'écho le mois dernier d'une note d'étape de la mission interministérielle. Il y apparaît que la prise en charge des dommages constatés dans les 7 600 dossiers déposés par les communes demandant le classement en zone sinistrée pourrait être supportée à 60%, voire à 70% par la Caisse centrale de réassurance, l'Etat ayant à supporter le complément.
Cette situation amène la commission interministérielle à privilégier la défense des assureurs plutôt que celle des assurés.
J'ai bien noté, monsieur le ministre, de nouvelles avancées sur le traitement de la sécheresse de 2003 ; vous êtes bien obligé de tenir compte de la forte mobilisation des sinistrés et des élus. Nous jugerons aux actes, mais je crains que beaucoup trop de victimes ne soient pas secourues.
Face à cette injustice, la proposition de loi n'apporte pas de solution permettant de faire réellement face aux risques climatiques que nous allons devoir supporter à l'avenir.
L'Etat se réserve toujours le privilège de définir seul les critères caractérisant l'état de catastrophe naturelle au regard de la loi de 1982 et de faire évoluer ces critères selon la volonté de reconnaître ou non l'ensemble des zones sinistrées.
L'actuelle proposition de loi conforte le rôle du fonds de prévention des risques - c'est une bonne chose - mais n'améliore pas les mécanismes financiers d'indemnisation. De ce fait, le principe de solidarité nationale risque de ne pas être mieux appliqué.
S'agissant de la prévention, les collectifs d'élus et de propriétaires privés réclamaient des mesures drastiques à l'encontre des constructeurs non respectueux des règles de construction, notamment celles liées à la prise en compte des conditions géologiques locales. La proposition de loi ne propose pas de réponse à ces demandes.
Enfin, l'actuel parcours du combattant pour les victimes de sinistres est maintenu, voire renforcé par la disposition de l'article 3 qui dispose que la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle ne constitue pas une présomption de droit à indemnisation. Cette mesure va ravir les assureurs mais elle reste inacceptable pour les assurés.
M. Roland Courteau. Effectivement !
M. Michel Billout. Nous ne pouvons malheureusement pas soutenir une proposition de loi dont l'ambition reste insuffisante face aux besoins des sinistrés. C'est pourquoi, et je le regrette, le groupe CRC ne pourra que s'abstenir. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq.
Mme Nicole Bricq. Nous sommes déçus des conditions dans lesquelles s'est déroulé l'examen de ce texte en séance, et ce pour trois raisons.
La première raison tient au dépôt par le Gouvernement d'un amendement remettant en cause le travail législatif.
En effet, dans notre proposition de loi initiale, nous avions apporté un élément décisif en prévoyant la création d'un facteur de proximité : la commission départementale. La commission des affaires économiques, compétente sur le fond, avait déjà apporté des restrictions par rapport à nos propositions. Nous les aurions toutefois acceptées. Mais l'intervention du Gouvernement a complètement vidé de son sens le travail législatif qui avait été fait en concertation.
Notre deuxième déception porte sur la faible prise en compte de notre proposition elle-même. Je profite de l'occasion pour rappeler gentiment à M. Houel que, s'il est intervenu dans ce débat, aucune proposition de loi émanant des sénateurs du groupe UMP n'est venue en discussion ; nous aurions été contents d'en voir la forme et le fond.
Nous avons fait un travail important, et notre déception est d'autant plus grande que ce travail répondait à la volonté unanime des sinistrés et des maires de voir réformée en profondeur la procédure de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle, et ce dans le droit fil de la loi de 1982, qui repose sur un système mixte original : une solidarité nationale, d'une part, une responsabilité des assureurs et, partant, des assurés, d'autre part.
Nous ne sommes pas des irresponsables ! Notre collègue Daniel Reiner a bien pris soin de préciser que les assurés sont prêts à accepter que la surtaxe qu'ils payent au titre des catastrophes naturelles augmente dès lors que le mécanisme joue à plein. C'est la procédure elle-même qui pose problème, et aujourd'hui elle n'a pas fait de progrès.
Notre troisième déception - elle est habituelle sous la Ve République - tient à l'interprétation de la Constitution.
Monsieur le ministre, vous nous reprochez de vouloir, en proposant la création d'un conseil national, que le Parlement contrôle le Gouvernement. Ce faisant, vous commettez une faute grave à l'égard de nos institutions. Si le Parlement a une mission, c'est bien celle-là. En présence de M. le président de la commission des finances, j'affirme que nous entendons bien contrôler le Gouvernement, et ce notamment en matière budgétaire. Il n'y a aucune raison pour que nous abandonnions cette prérogative qui nous est accordée par la Constitution.
M. Roland Courteau. Eh oui !
Mme Nicole Bricq. Malgré la triple déception que nous éprouvons, étant à l'initiative de ce texte, même s'il ne reste vraiment pas grand-chose de ce que nous avions proposé, nous souhaitons qu'il poursuive son parcours parlementaire. Nous n'en sommes après tout qu'au début de la navette. Aussi, nous voterons ce premier pas dans la réforme de la procédure.
Le poids du groupe socialiste n'est pas négligeable au Sénat et nous pourrons compter sur le poids des députés du groupe socialiste...
M. Jean-Pierre Sueur. Pour le deuxième pas !
Mme Nicole Bricq. ... à l'Assemblée nationale. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les conclusions modifiées du rapport de la commission des affaires économiques sur les propositions de loi nos 441 et 302.
(La proposition de loi est adoptée.)
M. le président. Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à treize heures sept, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Christian Poncelet.)
PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet
M. le président. La séance est reprise.
3
Questions d'actualité au Gouvernement
M. le président. L'ordre du jour appelle les réponses à des questions d'actualité au Gouvernement.
Monsieur le Premier ministre, au nom de toutes et de tous, je vous remercie de votre présence à cette première séance de questions d'actualité au Sénat depuis la constitution de votre gouvernement.
Nous sommes très sensibles à votre participation à ce temps fort du dialogue entre le Gouvernement et les sénateurs, de la majorité comme de l'opposition.
Je remercie par ailleurs tout particulièrement France Télévisions d'avoir accepté, à ma demande, cette programmation de dernière minute qui s'inscrit en temps supplémentaire pour la retransmission des travaux du Sénat. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Je rappelle que l'auteur de la question dispose, de même que le ministre pour sa réponse, de deux minutes trente.
Fermeture de la Samaritaine
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement.
Quelle mauvaise surprise ! Au moment même où le Gouvernement s'efforçait de convaincre l'opinion que l'emploi était sa priorité, les 1 500 salariés de la Samaritaine apprenaient par la presse que leur patron, le groupe LVMH, leader mondial de l'industrie du luxe, une des premières entreprises du CAC 40 - 2,5 milliards d'euros de bénéfices en 2004 ! -, fermait le magasin de la Samaritaine.
Le motif : la mise en sécurité des bâtiments.
Effectivement, depuis 2000, la commission préfectorale de sécurité exige une mise en conformité du site prestigieux du Pont-Neuf, classé à l'inventaire des monuments historiques.
Cette situation était connue du groupe LVMH, qui a acheté le magasin en 2001. Aussi, la précipitation actuelle ne peut qu'inquiéter les personnels et les Parisiens sur les intentions réelles du groupe. N'est-ce pas la mort annoncée du grand magasin au profit de quelque opération spéculative hautement rentable ?
La crainte est d'autant plus persistante qu'aucune réponse crédible n'a été fournie aux salariés, y compris lors du comité d'entreprise qui se tenait hier. La façon dont sont traitées 1 500 personnes, qui, pour certains et surtout pour certaines, sont depuis vingt ou trente ans employées dans le mythique magasin parisien, est une honte.
Pour la mise en conformité du site, des experts indépendants proposent deux solutions : des travaux par tranches étalés sur dix ans avec ouverture partielle du magasin ou la fermeture totale pendant plusieurs années.
Les salariés se sont prononcés en faveur de la première solution, avec maintien des emplois et congés formation.
Monsieur le ministre, l'Etat doit prendre ses responsabilités. Fera-t-il respecter les procédures d'information et de consultation des organismes représentatifs des salariés ? Prendra-t-il les dispositions nécessaires pour que la garantie d'emploi soit assurée, tant aux 800 salariés relevant directement de la Samaritaine qu'aux 800 démonstratrices et démonstrateurs, dont certains sont, comme par hasard, des salariés de prestigieuses marques, par exemple Dior ou Givenchy, qui appartiennent au groupe LVMH ?
Les salariés demandent l'organisation d'une table ronde réunissant, outre leurs représentants et leurs organisations syndicales, les élus parisiens, les dirigeants de l'entreprise, ainsi que la direction départementale du travail et de l'emploi et les représentants de la préfecture.
Pour ma part, avec les élus de mon groupe au Conseil de Paris, je soutiens cette proposition. De votre côté, monsieur le ministre, qu'entendez-vous faire pour favoriser la tenue de cette table ronde ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste.)
M. Jacques Mahéas. M. Borloo va faire du logement social à la Samaritaine !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement. Madame Borvo Cohen-Seat, c'est en février dernier que la préfecture de police de Paris a émis un avis défavorable sur la poursuite de l'exploitation du magasin en l'état. Vous le savez, d'importants problèmes de sécurité se posent : organisation des secours en cas d'incendie, résistance au feu des structures métalliques, des planchers de verre et des ascenseurs, absence de système de désenfumage.
A la suite de cet avis, la direction de la Samaritaine a mené un audit de sécurité qui a confirmé ces risques - l'avis de la préfecture de police était suffisamment alarmant, mais la Samaritaine a tenu à avoir un avis technique indépendant -, et qui a conclu à l'impossibilité du maintien de l'activité en l'état.
Face aux risques encourus, le principe de précaution doit être mis en oeuvre : les conséquences douloureuses des graves incendies qui se sont produits voilà quelques semaines sont là pour nous le rappeler.
Néanmoins, les questions que vous posez sont tout à fait fondées, madame Borvo Cohen-Seat.
La direction a décidé de suspendre l'activité du 15 au 28 juin, pour des raisons de sécurité ; dont acte ! Nous avons évidemment pris contact avec elle. Trois sujets de préoccupations ont été abordés.
Le premier est, clairement, l'information normale du personnel : la direction s'est engagée à l'assurer.
Deuxième point, quelle que soit l'option retenue, et donc la durée de la fermeture, il ne doit évidemment pas y avoir de licenciement et un programme d'accompagnement, de formation et de qualification digne d'une entreprise telle que LVMH doit être mis en oeuvre.
Troisième point plus préoccupant et que vous avez d'ailleurs évoqué, madame Borvo Cohen-Seat, nous avons demandé que le nécessaire soit fait pour que les salariés qui travaillent « autour » de la Samaritaine, notamment les démonstrateurs, soient inclus dans le soutien indispensable que LVMH doit aux personnels.
J'indique que la direction a annoncé un investissement de 100 millions d'euros et, pour nous assurer du parfait traitement de ce dossier difficile, Gérard Larcher et moi-même l'avons convoquée le 20 juin.
Je peux donc vous garantir, madame Borvo Cohen-Seat, que le Gouvernement prend cette affaire avec le plus grand sérieux, en termes de sécurité comme en termes de soutien aux personnels. (Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées de l'UC-UDF et du RDSE.)
Catastrophes naturelles
M. le président. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou. Ma question s'adresse à M. le ministre délégué aux collectivités territoriales.
La terrible canicule de l'été 2003 a décimé les plus fragiles de nos anciens.
Elle a aussi été la cause de catastrophes considérables dans notre patrimoine immobilier. C'est pourquoi de très nombreux maires, se fondant sur le caractère tout à fait exceptionnel de cette canicule, ont déposé des dossiers de demande de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle afin de permettre aux compagnies d'assurances de traiter les sinistres.
Cependant, ces dossiers ont été examinés en fonction des critères mis en place en l'an 2000. Or chacun a pu constater que, même assouplis, ces critères ne pouvaient traduire la réalité des dommages subis et qu'en conséquence ils étaient inapplicables.
Le 7 avril, M. de Villepin, alors ministre de l'intérieur, en réponse à une question d'actualité, reconnaissait ces faits ; il admettait que lesdits critères étaient inopérants et que les dossiers devaient être traités au cas par cas.
Le 20 mai, M. Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, me confirmait par lettre cette décision.
Monsieur le ministre, nous devons et vous devez beaucoup de considération aux maires. Ils attendent depuis deux ans.
M. Jean-Pierre Bel. Eh oui !
M. Aymeri de Montesquiou. C'est long, très long !
M. Jean-Marc Todeschini. C'est un scandale !
M. Jean-Pierre Sueur. Absolument !
M. Aymeri de Montesquiou. Je rappelle que l'administration est tenue de répondre à toute demande dans un délai de deux mois.
Monsieur le ministre, quand signerez-vous les arrêtés officialisant le traitement au cas par cas de ces dossiers de catastrophe naturelle ? (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'UC-UDF et de l'UMP.)
Mme Nicole Bricq. On connaît la réponse !
M. Jean-Pierre Sueur. M. le ministre a déjà répondu ce matin !
M. Jean-Marc Todeschini. C'est de la mise en scène permanente !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Brice Hortefeux, ministre délégué aux collectivités territoriales. Monsieur le sénateur, vous le savez puisque vous étiez présent, j'ai en effet, ce matin, en séance, annoncé en primeur à la Haute Assemblée une nouvelle initiative d'indemnisation exceptionnelle,...
M. Jean-Pierre Sueur. Grâce à la proposition de loi socialiste !
M. Brice Hortefeux, ministre. ... dotée d'une enveloppe de 150 millions d'euros financée, pour l'essentiel, par le reliquat du fonds de compensation de l'assurance construction.
Vous l'avez observé, cette décision a été approuvée sur l'ensemble des travées de cette assemblée.
M. Paul Raoult. Eh oui ! Les socialistes sont intelligents !
M. Brice Hortefeux, ministre. Elle permet de répondre aux préoccupations de nos concitoyens dont vous vous faites régulièrement l'écho, de même d'ailleurs que votre collègue du Gers, le sénateur Yves Rispat.
Pour votre département, 261 dossiers ont été examinés à ce jour par la commission interministérielle chargée d'émettre un avis sur la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle au titre de la sécheresse de 2003.
Très précisément, deux arrêtés interministériels, l'un du 11 janvier 2004, l'autre, tout récent, du 27 mai, ont permis la reconnaissance de 124 communes.
M. Jean-Pierre Sueur. Il en reste près de 3 000 !
M. Brice Hortefeux, ministre. Comme je l'ai annoncé ce matin au nom du Gouvernement et du ministre d'Etat, les dossiers des 137 communes restantes seront examinés dans le cadre soit de l'ultime élargissement des critères de la loi de 1982, soit d'une nouvelle procédure complémentaire hors catastrophe naturelle.
Statistiquement, le département du Gers se situe au deuxième rang des départements métropolitains avec 1 153 reconnaissances.
Mme Nicole Bricq. Le Gers n'est pas toute la France !
M. Brice Hortefeux, ministre. Au-delà, je veux préciser à la Haute Assemblée que, mardi prochain, 300 communes supplémentaires se verront reconnaître l'état de catastrophe naturelle tandis que 600 autres communes vont bénéficier d'une étude géologique des sols.
Le nouveau dispositif permettra de régler la situation des victimes les plus gravement touchées.
Le Gouvernement envisage d'ailleurs de se saisir de l'occasion que lui donne la proposition de loi...
M. Jean-Pierre Sueur. Du groupe socialiste !
M. Brice Hortefeux, ministre. ...que le Sénat a examinée ce matin pour soumettre au législateur ce dispositif de règlement de la sécheresse de 2003. Il le fera avec une volonté simple, claire et nette : statuer sur l'ensemble des situations et les régler avant la fin de l'année.
Monsieur le sénateur, vous pouvez constater que les engagements antérieurs sont confirmés et qu'ils seront respectés, mais je sais que vous n'en doutiez pas. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
libération de florence aubenas
M. le président. La parole est à M. Ambroise Dupont.
M. Ambroise Dupont. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
Monsieur le Premier ministre, après cent cinquante-sept jours de détention en Irak, Florence Aubenas et Hussein Hanoun ont été libérés dimanche dernier. C'est, pour nous, à la fois un immense soulagement et une très grande joie.
Au nom du groupe UMP du Sénat, je tiens aujourd'hui à saluer avec une particulière solennité l'action courageuse et déterminée de Jean-Pierre Raffarin, de Michel Barnier...
M. Paul Raoult. C'est pour cette raison qu'ils ont été virés !
M. Jean-Marc Todeschini. Ils ont été punis !
M. Ambroise Dupont. ...et de l'ensemble des services officiels de la République française qui, dans la continuité de l'Etat, ont permis de mettre un terme heureux à cet acte barbare et inhumain. Je pense notamment aux membres de la diplomatie française ainsi qu'à ceux du ministère de la défense qui ont oeuvré dans l'ombre, avec une efficacité remarquable.
II faut redire avec fermeté et constance que cet austère combat fut mené jour après jour, dans des conditions extrêmement difficiles, avec beaucoup de sang-froid et un grand sens des responsabilités, sans céder à la polémique ou à la division.
Toute prise d'otage est une question délicate qui exige la discrétion, le sérieux et, souvent, le secret. Cela est valable en toute circonstance, pendant et après la détention. Nous devons nous y tenir, au risque de tomber dans la controverse stérile et oiseuse et sous peine de porter irrémédiablement atteinte au crédit de la France.
Après ce dénouement heureux, monsieur le Premier ministre, une question reste posée à laquelle il faut essayer d'apporter sinon une réponse immédiate, du moins les fruits d'une réflexion sérieuse : comment est-il possible, aujourd'hui, en Irak ou ailleurs, de conjuguer la défense de la liberté d'informer et notre responsabilité à l'égard de l'ensemble de nos compatriotes ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Dominique de Villepin, Premier ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi d'abord de vous dire tout le plaisir que j'éprouve à me présenter devant vous à l'occasion de cette première séance de questions d'actualité au nouveau gouvernement.
C'est aussi une grande joie que cette libération de Florence Aubenas et de Hussein Hanoun. Je veux une nouvelle fois remercier, comme vous l'avez fait, l'ensemble des services de l'Etat qui ont permis cette libération, ceux du ministère de la défense comme ceux du ministère des affaires étrangères. Nous savons tout ce que nous devons à leur sang-froid et à leur détermination tout au long de ces cent cinquante-sept jours.
Nous devons également examiner lucidement la situation en Irak : elle est très dangereuse pour l'ensemble de la presse et, tout particulièrement, pour les envoyés de la presse française. Nous disposons aujourd'hui d'informations très précises sur les risques qu'ils encourent.
Cette situation est d'autant plus sérieuse que se développe actuellement un véritable marché des otages en Irak.
Il nous faut donc - vous l'avez dit, monsieur le sénateur - conjuguer la liberté d'informer avec la responsabilité de chacun. C'est pourquoi, d'ici à la fin de la semaine, j'aurai l'occasion de réunir l'ensemble des directeurs de l'information des grands groupes de presse français, pour rechercher avec eux des solutions adaptées permettant de répondre à cette double exigence. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
MANIFESTATIONS DE LYCEENS
M. le président. La parole est à M. David Assouline.
M. David Assouline. Monsieur le Premier ministre, en janvier dernier, le chef de l'Etat s'engageait à ce que le projet de loi, qui allait devenir la loi « Fillon », mobilisât « l'ensemble de la communauté éducative, mais aussi les parents et l'Etat tout entier, parce que c'est l'avenir de notre pays qui est en jeu ».
Cette loi a, en effet, mobilisé un grand nombre de nos concitoyens, mais contre elle ! Le projet de loi a été délibéré dans l'urgence, y compris parlementaire, ce dont votre gouvernement est apparemment conscient, puisque, à peine installé rue de Grenelle, M. de Robien annonçait le report de l'examen des textes d'application pour permettre « un deuxième tour de concertation ».
Mais, monsieur le Premier ministre, si second tour il doit y avoir, quand a eu lieu le premier ?
Certainement pas dans les prétoires des tribunaux correctionnels de ce pays, qui ont vu et voient encore défiler des jeunes gens comme Samuel Morville...
M. Josselin de Rohan. C'est un voyou ! Il crache à la figure des commissaires !
M. Jean-Marc Todeschini. Ecoutez l'orateur !
M. David Assouline. ...qui ont manifesté publiquement leur désapprobation à l'égard d'un texte que le Gouvernement se refusait d'amender dans le dialogue !
Vous pouvez me répondre que certains ont été trop loin, oubliant que d'autres peuvent saccager le bureau d'une ministre sans être vraiment inquiétés !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il y a d'autres voyous !
M. David Assouline. Mais, souvenez-vous ! Vous étiez ministre de l'intérieur lorsque ces lycéens ont choisi la manifestation de masse, pacifique et bon enfant, le 8 mars à Paris, et qu'ils ont été agressés avec une extrême violence par des bandes de plusieurs centaines de « cogneurs », sans que les forces de l'ordre, présentes en nombre, aient su les protéger et garantir leur droit républicain de manifester. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Jean-Marc Todeschini. On va faire du bruit, nous aussi, tout à l'heure !
M. David Assouline. Qu'avez-vous fait pour arrêter et punir ces « cogneurs » ? Votre majorité n'est-elle pas prête à étouffer la vérité et à empêcher la transparence en bloquant notre demande de commission d'enquête parlementaire, invoquant, quatre mois après, des informations judiciaires inexistantes ? (M. Josselin de Rohan proteste.)
Ces jeunes lycéens ont été poussés à choisir d'autres moyens d'action, pour rester visibles...
M. Jean-Marc Todeschini. Et voilà !
M. David Assouline. ...et pour amener le Gouvernement à la négociation que vous reconnaissez utile aujourd'hui. Ils ne doivent donc pas faire les frais d'une situation dans laquelle vous admettez avoir une part de responsabilité.
Etes-vous prêt, et ce serait à votre honneur, à vous déclarer solennellement, sans interférer sur le cours indépendant de la justice, contre la « criminalisation » de ces jeunes ?
M. Josselin de Rohan. Ce sont des voyous, des casseurs !
M. David Assouline. C'est un message fort que je vous demande d'adresser à un jeune lycéen de ce pays...
M. le président. Concluez, monsieur Assouline !
M. David Assouline. ...qui, pour la première fois s'est occupé des affaires de la cité en participant à un mouvement collectif, ... (Vives protestations sur les travées de l'UMP.)
M. Josselin de Rohan. C'est un voyou !
M. David Assouline. ...animé de générosité mais aussi d'angoisse pour son avenir, quand d'autres ne s'occupent trop souvent que de leurs petits « business ».
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Retirez les plaintes !
M. David Assouline. Il a été cogné par des voyous alors qu'il manifestait pacifiquement, ... (Brouhaha sur les travées de l'UMP.)
M. le président. C'est terminé, monsieur Assouline !
M. Josselin de Rohan. Assis !
M. David Assouline. ...devant des forces de l'ordre inertes !
M. le président. C'est terminé, monsieur Assouline ! M. Gilles de Robien va vous répondre.
M. David Assouline. J'ai été interrompu ; il me reste dix secondes !
M. le président. Vous vous êtes exprimé pendant trois minutes, monsieur Assouline, alors que vous ne disposiez que de deux minutes trente !
M. Jean-Marc Todeschini. Laissez-le formuler sa question !
M. David Assouline. Il me reste une phrase !
M. le président. Une phrase !
M. David Assouline. Dites-lui que l'Etat et la société ne lui claquent pas la porte au nez ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Gilles de Robien, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le sénateur, depuis que l'on m'a confié la charge du ministère de l'éducation nationale, de la recherche et de l'enseignement supérieur, je me suis efforcé d'organiser la concertation la meilleure, le dialogue et l'échange avec les représentants de la communauté éducative, ainsi que l'a demandé le Premier ministre lors de son discours de politique générale.
Je me suis déjà entretenu avec les fédérations de parents d'élèves et je recevrai les représentants et les syndicats de lycéens dès la semaine prochaine.
Cette concertation est, à mes yeux, la seule méthode pour permettre à l'école d'évoluer au profit de la société tout entière et, en premier lieu, des jeunes, qui sont les meilleurs investissements de la nation.
Des manifestations ont eu lieu, au cours desquelles des messages très importants ont été envoyés, des revendications ont été exprimées, des propositions même ont été faites.
Mme Hélène Luc. Absolument !
M. Gilles de Robien, ministre. Certaines d'entre elles sont à l'étude et d'autres pourront être mises en oeuvre dès la rentrée prochaine.
Mais il s'est également produit, hélas ! des voies de fait sur des personnes et des dégradations de biens publics.
M. Ladislas Poniatowski. Bien sûr !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et M. Guy Fischer. Et les paysans ?
Mme Hélène Luc. En d'autres occasions, les agriculteurs ont fait beaucoup plus !
M. Josselin de Rohan. Taisez-vous !
M. le président. On écoute le ministre !
M. Gilles de Robien, ministre. Des poursuites ont été engagées et des décisions judiciaires sont intervenues, qu'il n'appartient pas au ministre de l'éducation nationale de commenter.
En revanche, je peux vous dire que je me suis montré très attentif au fait que les lycéens poursuivis...
M. Guy Fischer. Il faut retirer les plaintes !
M. Gilles de Robien, ministre. ... qui avaient à passer les épreuves du baccalauréat puissent le faire dans des conditions normales, comme les autres candidats.
Maintenant, le temps du dialogue se poursuit. Croyez-le bien, monsieur le sénateur, je suis déterminé à le faire fructifier. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)
M. Guy Fischer. Il faut apaiser les choses !
Mme Hélène Luc. Pour apaiser le climat, il faut retirer les plaintes !
MODIFICATION DU FINANCEMENT DES SOINS A DOMICILE
M. le président. La parole est à Mme Valérie Létard.
Mme Valérie Létard. Ma question s'adresse à M. le ministre de la santé et des solidarités.
La polémique sur le lundi de Pentecôte a relancé à juste titre la question de la nécessaire contribution de la solidarité nationale...
Mme Valérie Létard. ...pour prendre en charge une population vieillissante.
Dans cet enjeu majeur, chacun des acteurs impliqués a un rôle à jouer : en effet, l'allocation personnalisée d'autonomie, l'APA, ne prend en charge que la dépendance la plus sévère. En deçà, la caisse nationale d'assurance vieillesse assure, en association avec les services d'aide à domicile, le financement du maintien à domicile des personnes âgées valides dont le seul désir est de pouvoir continuer à vivre chez elles.
Or, monsieur le ministre, la décision récente de la caisse nationale d'assurance vieillesse de diminuer sensiblement la dotation accordée, pour 2005, aux différentes caisses régionales pour financer les quotas d'heures d'aide ménagère apparaît en complète contradiction avec les orientations de sa convention d'objectifs et de gestion.
Pour la période 2005-2008, la convention prévoit, notamment, de prévenir la perte d'autonomie. Or, le meilleur moyen d'arriver à cette fin n'est-il pas de laisser aussi longtemps que possible les personnes âgées chez elles ? Dès lors, comment comprendre la décision de diminuer de 25 % les dotations du fonds d'action sociale pour 2005 ?
M. François Autain. Eh oui !
Mme Valérie Létard. Sur le terrain, l'annonce de ces mesures met tous les acteurs de l'aide à domicile dans une situation impossible et les oblige à diminuer drastiquement le nombre d'heures d'aide ménagère qu'ils assuraient jusqu'à présent.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est vrai !
Mme Valérie Létard. Pour les seules régions Nord-Pas-de-Calais et Picardie, la dotation pour 2005 accuse un différentiel négatif de 611 802 heures par rapport à 2004, avec en perspective des craintes pour les emplois correspondants.
Dans la pratique, s'ils en ont la capacité financière, les services d'aide à domicile se verront dans l'obligation de combler en partie ce désengagement, alors même que l'été arrive et que les leçons de la canicule ne doivent pas être oubliées.
Ma question est simple, monsieur le ministre : comptez-vous rétablir, en 2005, un volant d'heures d'aides ménagères à la hauteur des besoins ?
M. Jacques Mahéas. Très bien !
Mme Valérie Létard. Peut-on envisager un avenant à la convention d'objectifs pour revenir sur la décision de diminution de la dotation ? Sinon, quelle est la cohérence de l'action gouvernementale, à l'heure où Jean-Louis Borloo défend, à juste titre, un projet de loi pour développer les services à la personne et atteindre le fameux objectif de 500 000 emplois, si, dans le même temps, les moyens correspondants de votre ministère sont réduits ? (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées de l'UMP.)
M. Jean-Pierre Sueur. C'est intéressant !
M. Guy Fischer. Que de contradictions !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités. Madame la sénatrice, s'agissant de la caisse nationale d'assurance vieillesse, la CNAV, je vous indique, en premier lieu, que la convention d'orientation et de gestion qui a été signée prévoit bien que les moyens alloués à l'aide au maintien à domicile seront maintenus.
Mme Michelle Demessine. Il n'y en avait déjà pas assez !
M. Xavier Bertrand, ministre. Or, sur le terrain, chez vous probablement comme dans la ville dont je suis l'élu, un certain nombre de personnes ont vu diminuer leur nombre d'heures d'aide ménagère depuis le 1er juin dernier.
Il importe donc de savoir exactement ce qui s'est passé, afin de prendre les mesures nécessaires.
Je vais essayer, dans le temps qui m'est imparti, de vous donner les précisions qui ressortent des entretiens que j'ai eus personnellement avec le directeur de la caisse régionale d'assurance maladie du Nord-Pas-de-Calais et de Picardie, ainsi qu'avec le directeur général de la caisse nationale d'assurance vieillesse. (Ah ! sur les travées du groupe socialiste.)
Les moyens qui ont été attribués, en 2005, correspondent exactement, à l'euro près, aux moyens qui ont été nécessaires en 2004.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il n'y a pas assez d'heures !
M. Xavier Bertrand, ministre. Or les directeurs des caisses régionales ont diffusé des notifications indiquant que le nombre d'heures serait diminué. Ce n'est ni normal ni acceptable.
Dans la mesure où les crédits sont disponibles, il ne doit pas y avoir de diminution des services sur le terrain pour les personnes âgées et j'ai demandé à ces deux directeurs d'apporter des solutions avant la fin du mois de juin. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Si besoin est, des transferts de crédits au sein des budgets de la CNAV pourront se faire sans aucune difficulté et le Gouvernement veillera à délivrer les autorisations correspondantes.
Le problème devra être résolu, je le répète, avant la fin du mois de juin.
M. Guy Fischer. Paroles !
M. Xavier Bertrand, ministre. Je suis prêt à revenir devant vous et à m'en expliquer, monsieur Fischer, vous le savez pertinemment !
En second lieu, je souligne que non seulement les moyens sont maintenus, mais que le Gouvernement compte même aller au-delà.
En effet, outre les heures d'aide ménagère, nous avons voulu offrir davantage de services aux personnes âgées qui demandent parfois aussi du « sur-mesure », par exemple le portage de repas à domicile ou des aides importantes pour leur sécurité, notamment la mise à leur disposition de téléalarmes.
Des moyens nouveaux seront consacrés à ce volet qui bénéficiera, en 2005, de 42,8 millions d'euros de crédits supplémentaires.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. N'en jetez plus !
M. Xavier Bertrand, ministre. Madame la sénatrice, votre question montre bien que si nous avons l'ambition et la volonté de faire encore mieux pour les personnes âgées, nous devons nous montrer particulièrement vigilants afin que les décisions que nous prenons s'appliquent bel et bien aux bénéficiaires sur le terrain.
Le soutien aux personnes âgées est, pour le Gouvernement, une priorité. Soyez assurée de ma vigilance et de ma détermination. (Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur quelques travées de l'UC-UDF.)
M. Jacques Mahéas. Les Français d'en haut disent une chose, mais les Français d'en bas en disent une autre !
politique de l'emploi
M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia.
Mme Catherine Procaccia. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement.
Lors de son discours de politique générale, le Premier ministre, M. Dominique de Villepin, s'est engagé à gagner « la bataille de l'emploi ». Pour relever ce défi, il a annoncé les grandes lignes d'un plan d'urgence, pragmatique : « affecter nos moyens à tous ceux qui en ont un besoin réel et immédiat, agir sur les vrais blocages, dans un esprit d'efficacité et de justice. »
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ceux qui sont licenciés ont des besoins immédiats !
Mme Catherine Procaccia. Il a précisé que l'Etat y consacrera 4,5 milliards d'euros supplémentaires en 2006.
Il faut effectivement consacrer toute notre énergie à combattre le chômage qui, touchant plus de 10 % de la population active, a atteint un niveau « inacceptable ». Il est indispensable d'agir en faveur des plus fragilisés, c'est-à-dire les jeunes et les seniors.
Nous savons, sur toutes les travées de cette assemblée, que les marges de manoeuvre sont étroites. C'est pourquoi toutes les solutions doivent être envisagées : aller chercher les emplois là où ils se trouvent, mobiliser les services publics de l'emploi et leurs partenaires pour assurer l'accompagnement et le reclassement des chômeurs.
A cet égard, plusieurs dispositions ont été évoquées pour les très petites entreprises, afin de favoriser l'emploi des jeunes et celui des seniors, et une consultation approfondie avec les partenaires sociaux sera engagée.
Pouvez-vous nous indiquer aujourd'hui, monsieur le ministre, les principales mesures que vous entendez mettre en oeuvre, et selon quel calendrier ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement. Madame la sénatrice, ce matin même, comme tous les jeudis matin d'ailleurs, avec de nombreux autres ministres, j'étais au rapport dans le bureau du Premier ministre pour faire le point sur ce combat que nous menons sur tous les fronts.
S'agissant de la simplification de l'acte d'embauche dans les très petites entreprises, l'idée évoquée par M. le Premier ministre lors de sa déclaration de politique générale est simple : favoriser l'acte d'embauche, ...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Et pour combien de temps ?
M. Jean-Louis Borloo, ministre. ... et, si une difficulté se présente, améliorer les conditions des salariés, afin de parvenir à un équilibre. Dès cet après-midi et jusqu'à mardi prochain, nous consulterons l'ensemble des partenaires sociaux sur ce sujet.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Combien de temps votre essai va-t-il durer ?
M. Jean-Louis Borloo, ministre. Par ailleurs, vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi relatif au développement des services à la personne et à diverses mesures en faveur de la cohésion sociale est actuellement examiné par l'Assemblée nationale. Ce grand programme dont Valérie Létard a parlé tout à l'heure, un des plus grands gisements d'emplois pour notre pays, sera discuté par la Haute Assemblée dans une dizaine de jours.
En outre, une prime de 1 000 euros sera accordée aux jeunes acceptant un emploi dans les secteurs sous tension que nous allons définir, tels les maçons ou les serveurs, par exemple. Il faut vraiment que cette mesure soit appliquée pour de tels métiers. Par ailleurs, une prime de 1 000 euros également sera versée aux demandeurs d'emploi de longue durée bénéficiant des minima sociaux.
De plus, les 57 000 jeunes au chômage depuis plus d'un an commencent à être reçus par l'ANPE, l'Agence nationale pour l'emploi. La machine est lancée ; les rendez-vous seront terminés avant la fin du mois de septembre. Des solutions leur seront proposés : la prime de 1 000 euros, bien entendu la signature de contrats d'accompagnement vers l'emploi annoncée par M. le Premier ministre, et des CIVIS, les contrats d'insertion dans la vie sociale. Actuellement, nous comptons 52 000 CIVIS ; notre objectif est d'atteindre, d'ici à la fin de l'année, les 100 000 CIVIS.
Pour résumer rapidement ce combat mené sur tous les fronts, je vous indique que les services publics de l'emploi seront mobilisés. Je ne cèderai pas sur le rapprochement des moyens de traitement dont dispose l'ensemble des partenaires UNEDIC-ANPE : dossier unique, système informatique unique, prévision des besoins, déclenchement de la formation. Les premières maisons de l'emploi ont été labellisées cette semaine. Ce n'est pas suffisant et nous allons accélérer les procédures.
Enfin, pour ce qui concerne l'industrie, les fameux pôles de compétitivité seront mis en place au cours du mois de juillet.
Vous pouvez le constater, madame la sénatrice, nous sommes en ordre de marche sur tous les fronts et, je le répète, nous faisons le point tous les jeudis. (Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur quelques travées de l'UC-UDF.)
plan d'urgence pour l'emploi du gouvernement
M. le président. La parole est à Mme Claire-Lise Campion.
Mme Claire-Lise Campion. Monsieur le président, je tiens à dire en préambule que nous regrettons vivement que M. le Premier ministre n'ait pas répondu à notre collègue. Espérons que cette attitude - son prédécesseur avait la même - ne devienne pas une coutume ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Ladislas Poniatowski. C'est gratuit !
M. Alain Fouché. Et comment c'était avec Jospin ?
Mme Claire-Lise Campion. Ma question s'adresse donc à M. le Premier ministre.
Face à la situation économique de la France, nous ne pouvons que nous accorder sur le fait qu'il est urgent d'engager une véritable politique de l'emploi capable de relancer la croissance, de lutter contre l'exclusion, la pauvreté et la précarité.
Il aura fallu attendre trois ans, 230 000 chômeurs supplémentaires et un vote négatif sur le traité constitutionnel européen pour que le Gouvernement prenne enfin conscience du désespoir dans lequel se trouve un grand nombre de nos concitoyens.
A situation d'urgence, mesures d'urgence. Vous avez donc choisi, comme la Constitution vous en donne la possibilité, monsieur le Premier ministre, de recourir aux ordonnances.
C'est toujours avec beaucoup de réserve que le Parlement se voit dessaisi de son pouvoir d'amender et de contrôler l'action gouvernementale. Le recours aux ordonnances porte également atteinte aux prérogatives des partenaires sociaux et à la démocratie sociale. Elles ne peuvent se justifier que s'il s'agit de répondre à des attentes fortes exprimées par nos concitoyens.
M. Jean-Jacques Hyest. C'est le cas !
Mme Claire-Lise Campion. Cependant, en aucune manière, cette parenthèse dans la séparation des pouvoirs ne peut avoir pour objet de faire passer en force une politique qui porterait atteinte aux droits des citoyens et, en l'espèce, aux droits des salariés.
Or nul ne connaît l'objet des ordonnances que vous entendez prendre pendant la période estivale, monsieur le Premier ministre !
S'agit-il de la mise en place d'un « contrat nouvelle embauche », dont la période d'essai dure deux ans et qui permet à l'employeur de se séparer d'un salarié, pendant ces deux ans, sans avoir à payer les indemnités compensatrices de précarité ?
S'agit-il de l'instauration d'un chèque-emploi entreprises, qui fait disparaître l'obligation de signer un contrat de travail ?
S'agit-il de la modification des seuils retenus dans les très petites entreprises, qui est une manière détournée de remettre en cause le droit syndical ?
Toutes ces mesures sont autant de brèches dans notre code du droit du travail et introduisent la flexibilité que les Français rejettent. Nous ne pouvons cautionner le recours aux ordonnances pour ces fins détournées.
Vous avez prôné dans votre discours de politique générale, monsieur le Premier ministre, l'écoute, la concertation et la réflexion. Mais vous vous passez de l'avis des parlementaires et restez sourd aux commentaires des organisations syndicales que vous avez reçues.
C'est pourquoi je vous demande de bien vouloir nous indiquer la façon dont vous envisagez d'associer et d'informer les forces vives de la nation, notamment le Parlement, sur les ordonnances que vous comptez prendre cet été. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Pierre Sueur. C'est un one man show !
M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement. Madame la sénatrice, imaginer une seconde que, dans notre grand pays, des contacts permanents avec les forces vives de la nation ne soient pas nécessaires est une illusion grave.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Et le Parlement ?
M. Jacques Mahéas. Pourtant les syndicats se plaignent !
M. Jean-Louis Borloo, ministre. En 1982, sur des questions de fond, combien d'ordonnances avez-vous prises ? Dois-je vous le rappeler ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP.) Plus de cinquante !
En ce qui nous concerne, nous prenons des dispositions d'application immédiate : 1 000 euros de plus par-ci, 1 000 euros de plus par-là, ...
M. Jean-Marc Todeschini. Où les prenez-vous ces 1 000 euros ? Et à qui ?
M. Jean-Louis Borloo, ministre. ... des mesures de simplification.
Chère madame Campion, à partir de cet après-midi, nous allons de nouveau recevoir, et ce pendant quatre jours, l'ensemble des forces vives de la nation. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Pour être certains de n'en oublier aucune, nous rencontrerons également l'ensemble du bureau du Conseil économique et social, afin d'aller au fond de cette discussion.
M. Jacques Mahéas. Ah oui ! Et le patronat aussi ?
M. Jean-Louis Borloo, ministre. Quant au Parlement, dans le cadre du vote du projet de loi d'habilitation, il sera naturellement associé aux discussions. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ils applaudissent poliment !
problèmes budgétaires de la caisse nationale d'allocations familiales (cnaf)
Mme Adeline Gousseau. Ma question s'adresse à M. le ministre de la santé et des solidarités.
Dans son discours de politique générale, le Premier ministre a annoncé la création de 15 000 places de crèches supplémentaires, en plus des « plans crèches » qui sont déjà mis en oeuvre. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Marc Todeschini. Payées par qui ? Par les communes ?
Mme Adeline Gousseau. Il veut ainsi aider les femmes à garder la liberté de choix entre vie familiale et vie professionnelle. II a souligné que « l'un des atouts de notre pays, c'est le nombre important de femmes qui travaillent, malgré les contraintes de la vie quotidienne et familiale ».
Cette annonce démontre bien l'intérêt que le Gouvernement porte à notre politique familiale et à l'une des principales préoccupations des Français : l'accompagnement du désir d'enfant. Nous nous en félicitons.
Or, monsieur le ministre, nous nous inscrivons dans un contexte particulier, celui de la négociation de la COG, la nouvelle convention d'objectifs et de gestion 2005-2008 entre la Caisse nationale des allocations familiales, la CNAF, et l'Etat.
Comme dans toute négociation, un dialogue s'instaure entre les deux parties, afin de trouver un consensus. Il semble que deux points d'achoppement demeurent.
Concernant les emplois, la CNAF s'inquiète du non-remplacement possible de la totalité des personnels partant à la retraite.
Concernant les ressources financières, les deux parties ne semblent pas en accord sur leur progression, ce qui a pour conséquence d'inquiéter les élus locaux qui se sont d'ores et déjà impliqués dans des projets visant à créer de nouvelles places de crèches.
M. Jean-Marc Todeschini. C'est ce que nous avons dit !
Mme Adeline Gousseau. Pour ces raisons, je souhaiterais, monsieur le ministre, que vous puissiez rassurer ces élus locaux quant à la participation des pouvoirs publics au financement des projets engagés. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités. Madame la sénatrice, au coeur de notre pacte social se trouve la politique familiale. C'est une priorité que nous partageons et, avec Philippe Bas, nous y travaillons depuis notre prise de fonction.
M. François Autain. Et avant ?
M. Xavier Bertrand, ministre. La préoccupation que vous avez exprimée, madame la sénatrice, porte, d'abord, sur le niveau de remplacement des départs à la retraite dans la branche famille au cours des années à venir.
Il faut savoir que, durant la période 2005 à 2008, près de 3 000 personnes vont être amenées à partir à la retraite. La même situation s'est déjà produite par le passé dans d'autres branches de la sécurité sociale.
Des discussions vont prochainement s'engager entre l'Etat et les partenaires sociaux, sans oublier les associations familiales. Je peux d'ores et déjà vous indiquer que si tous les départs à la retraite ne seront pas remplacés, une grande partie d'entre eux le seront. Autrement dit, il n'est pas question de geler les embauches dans la branche famille.
En effet, nous devons tenir compte de la qualité du service apporté aux usagers : le maintien, le développement de la qualité de ce service sont, à nos yeux, prioritaires. Il nous faut également tenir compte des conditions et de la charge de travail des agents, sachant notamment que la gestion des allocations familiales versées aux fonctionnaires a été transférée à la CNAF depuis le 1er janvier 2005.
Par ailleurs, dans le cadre de la négociation de la convention d'objectifs et de gestion qui est à l'heure actuelle en cours entre l'Etat et la CNAF, vous voulez savoir ce que seront, au titre de la branche famille, les crédits d'action sociale dans les années à venir.
Je sais que certains élus locaux s'interrogent aujourd'hui sur le fait de savoir si, oui ou non, les moyens dont ils disposeront leur permettront de mener à bien leurs projets.
Je puis d'ores et déjà vous dire que Philippe Bas contactera dans les jours qui viennent les interlocuteurs que je viens de nommer, pour prendre les premiers rendez-vous dès la semaine prochaine, afin de déterminer les besoins et de savoir quels moyens nous devrons leur accorder.
Je m'engage devant vous, mesdames, messieurs les sénateurs : la COG qui sera signée prochainement répondra pleinement aux objectifs que nous nous sommes fixés en matière de développement de l'offre de garde. Je veux rappeler que, outre les 26 000 places qui ont déjà été créées depuis 2002, 31 000 places supplémentaires seront réalisées sur la période 2005-2008. M. le Premier ministre a voulu aller plus loin encore dans son discours de politique générale et faire mieux, puisque 15 000 places complémentaires, qui correspondent à un réel besoin de la population, viendront encore s'ajouter à celles que je viens de citer.
Tous ces projets, qu'ils soient engagés ou à venir, seront bel et bien financés, madame la sénatrice, je m'en porte garant.
M. Yannick Bodin. Par qui ?
M. Jacques Mahéas. Essentiellement par les communes et les départements !
M. Xavier Bertrand, ministre. Nous voulons permettre à la femme de pouvoir concilier vie familiale et vie professionnelle. Les moyens seront au rendez-vous de cette ambition ...
M. Jean-Marc Todeschini. Où les prenez-vous ?
M. Xavier Bertrand, ministre. ... et, surtout, les résultats seront là ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et sur quelques travées de l'UC-UDF.)
fermeture de classes et carte scolaire, notamment à paris
M. le président. La parole est à M. Roger Madec.
M. Roger Madec. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Monsieur le ministre, depuis les manifestations des personnels enseignants, des lycéens et la mobilisation des parents d'élève au cours de l'hiver dernier et au printemps, nous savions que l'ensemble de la communauté éducative était inquiète, voire indignée des conséquences de votre politique en matière de service public de l'enseignement.
La loi de finances de 2005 prévoit en effet de supprimer 3 500 postes dans le second degré, au motif que le nombre d'élèves diminuerait de 45 000.
Pour notre part, nous considérons, monsieur le ministre, que l'avenir de nos adolescents ne se résume pas à des moyennes par classe. Les effectifs des établissements devraient, selon nous, être examinés au cas par cas, en tenant compte du contexte local.
Dans le même temps, l'augmentation de 51 000 élèves dans le premier degré n'est accompagnée, hors Mayotte, que par la création de 700 postes d'enseignants supplémentaires. Pour une même variation d'effectifs, cela revient à supprimer les postes cinq fois plus vite qu'ils ne sont créés. Dans de nombreuses villes, les effectifs des classes n'en seront que plus surchargés et les conditions de remplacement des personnels absents se dégraderont encore.
Alors que le Président de la République vient de nommer un ministre délégué à la promotion de l'égalité des chances, vous portez gravement atteinte, monsieur le ministre, à l'école de la République, qui est le véritable creuset de l'égalité des chances.
En effet, vous organisez l'injustice avec la carte scolaire pour la rentrée de 2005. Si nous ne contestons pas le principe de fermeture des classes lorsque les effectifs sont en baisse significative, nous contestons en revanche le fait que, en septembre prochain, les suppressions de classes frapperont, de manière brutale et sans distinction, des établissements parfois en grande difficulté.
Ainsi, les académies de Nancy-Metz et de Lille connaîtront respectivement 600 et 1 000 suppressions de postes, alors qu'elles subissent de plein fouet les effets de la désindustrialisation et de leurs conséquences pour les familles.
A Paris, les quartiers populaires que sont les XIIIe et XIXe arrondissements concentrent plus de la moitié des fermetures de classe. Je m'attarderai un instant sur le cas de cette ville, que je connais bien. Comment expliquez-vous, monsieur le ministre, que soient fermées des classes dans des secteurs très populaires, où l'on dénombre parfois jusqu'à trente nationalités dans les écoles et où la crise sociale fait des ravages, et que, dans le même temps, vous mainteniez des classes dans les Ier et Ve arrondissements où les effectifs parfois n'atteignent péniblement que vingt élèves par classe ? (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme Raymonde Le Texier. Pas de mauvais esprit !
M. Roger Madec. Enfin, des académies dont les effectifs scolaires sont en augmentation connaîtront des suppressions de postes : c'est le cas de celle d'Aix-Marseille, où 200 postes seront supprimés.
L'ancien ministre de l'éducation nationale, M. François Fillon, nous avait expliqué que le nombre de postes d'enseignants n'était pas une réponse aux difficultés de l'école : la solution résidait, selon lui, dans les innovations pédagogiques.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Roger Madec. Nous le contestons, à l'instar de l'ensemble de la communauté scolaire.
En conclusion, monsieur le ministre, nous vous demandons de revoir la carte scolaire pour la rentrée de 2005 et de rétablir les moyens supprimés par la loi de finances rectificative. Nous considérons, en effet, que l'école de la République doit bénéficier des moyens dont elle a besoin, car il s'agit là d'un investissement pour l'avenir. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Gilles de Robien, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le sénateur, je suis d'accord avec vous : le meilleur des investissements, c'est l'investissement humain. Cela se vérifie notamment dans l'éducation nationale.
Tout d'abord, dès ma prise de fonction, je me suis assuré que la rentrée de 2005 pourrait se dérouler dans des conditions satisfaisantes. C'est le cas du point de vue technique comme du point de vue du nombre des enseignants et des personnels encadrant. (Mme Nicole Bricq et M. Jean-Marc Todeschini s'exclament.)
M. Jacques Mahéas. C'est catastrophique !
M. Gilles de Robien, ministre. En ce qui concerne Paris, monsieur le sénateur, depuis 1996, les effectifs d'élèves ne cessent de décroître.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est faux ! Les postes sont supprimés dans les quartiers où les effectifs augmentent, non dans les quartiers où ils baissent !
M. Gilles de Robien, ministre. Parallèlement, le taux d'encadrement ne cesse de s'améliorer.
Je puis vous assurer que, pour la rentrée de 2005, aucun poste ne sera supprimé.
Par ailleurs, on nous annonce, comme vous venez de le faire, des augmentations d'effectifs d'élèves. Je n'en crois rien, mais c'est toujours possible et il faut être prudent. C'est pourquoi l'éducation nationale est en état de veille. Elle a les moyens de répondre à de telles augmentations qui sont aujourd'hui imprévues, mais qui pourraient se révéler au moment de la rentrée. Elle se prépare à cette éventualité.
M. Jean-Marc Todeschini. Chiche !
Mme Hélène Luc. Il faut un collectif budgétaire !
M. Gilles de Robien, ministre. Enfin, s'agissant de votre remarque concernant les quartiers favorisés et les quartiers défavorisés, monsieur le sénateur, ...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ah, voilà !
M. Gilles de Robien, ministre. ...sachez qu'elle n'est pas exacte. Depuis longtemps, notamment à travers la politique des zones d'éducation prioritaire, un effort considérable est accompli.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est faux !
M. Gilles de Robien, ministre. Entre les établissements de centre-ville et les établissements périphériques, on note un taux d'encadrement supplémentaire, de l'ordre de 18 % à 20 %. C'est encore plus vrai à Paris qu'ailleurs.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est archifaux !
M. Gilles de Robien, ministre. Je terminerai par un exemple. Alors que, mathématiquement, quinze classes pourraient être fermées dans les quartiers périphériques, notamment en zone d'éducation prioritaire, elles sont maintenues ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP. - Protestations sur les travées du groupe CRC.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Les effectifs baissent dans le Ve et les postes sont supprimés dans le XIIIe !
M. le président. La parole est à M. Christian Demuynck.
M. Christian Demuynck. Ma question s'adresse à Mme la ministre déléguée au commerce extérieur.
La très forte progression des importations textiles en provenance de Chine depuis le début de l'année constitue une menace pour notre industrie et est particulièrement mal vécue dans les bassins d'emploi en difficulté.
Le commissaire européen au commerce extérieur a signé, voilà quelques jours, un accord temporaire à Shanghai. Pouvez-vous m'assurer, madame la ministre, que celui-ci constitue une protection suffisante pour l'emploi en France ?
Par ailleurs, nous constatons une aggravation constante du déficit commercial français à l'égard de la Chine. Que comptez-vous faire, madame la ministre, pour inverser cette tendance ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée. (Applaudissements sur les mêmes travées.)
Mme Christine Lagarde, ministre déléguée au commerce extérieur. Monsieur le sénateur, comme vous l'indiquez, la Commission européenne a trouvé un accord sur les importations chinoises de vêtements et de textiles dans la nuit de vendredi à samedi dernier, à Shanghai.
Permettez-moi de faire deux rappels.
Premier rappel : la France a été à l'origine de la mobilisation de la Commission européenne, tant pour fixer la liste des produits concernés, après enquête auprès des professionnels, que pour déclarer une procédure d'urgence permettant la mise en oeuvre de sauvegardes, comme nous y autorisent les accords internationaux.
La fin des accords multifibres intervenue le 1er janvier dernier a, en effet, entraîné une progression spectaculaire des importations chinoises, ce qui a contribué à déstabiliser l'industrie textile dans notre pays comme dans des pays du sud de la Méditerranée. Cette augmentation brutale a également provoqué une diminution considérable des prix, dommageable pour notre industrie.
Les autorités européennes ont engagé des négociations avec les autorités chinoises en vue de trouver un accord d'autolimitation sur dix catégories de produits et un engagement d'autolimitation jusqu'à la fin de l'année 2007, ainsi qu'un accord pour une période transitoire en 2008. Cet accord donnera plus de visibilité et plus de temps à nos industries pour se restructurer et pour se spécialiser dans des produits à haute valeur ajoutée.
La France et l'Union européenne resteront vigilantes et utiliseront tous les instruments de politique commerciale nous permettant de nous assurer que ces accords seront effectivement appliqués.
Second rappel : l'entrée de la Chine dans l'Organisation mondiale du commerce commence à se traduire par une progression de nos exportations. Au cours de l'année 2004, nos exportations à destination de la Chine ont augmenté de 15 % et se portent bien pour le premier trimestre de l'année 2005. L'augmentation du niveau de vie des consommateurs chinois ainsi que les considérables besoins de ce pays dans les domaines des infrastructures, du nucléaire et de l'environnement offriront des opportunités nouvelles à ceux qui sauront les saisir.
Au début du mois de juillet prochain, j'inaugurerai à Pékin l'exposition française sur l'habitat « France, des maisons à vivre ». Au mois de novembre, j'accompagnerai 600 PME françaises qui iront à la rencontre de leurs homologues chinois pour explorer les perspectives d'exportation de l'industrie et des services français.
Le Gouvernement a l'ambition d'engager chaque année 1 000 nouvelles PME à venir prospecter le marché chinois. A cet effet, des instruments sont à notre disposition et UBIFRANCE, l'Agence française pour le développement international des entreprises, encouragera ces entreprises et participera au financement des différents salons qui se tiendront dans les pays cibles, notamment en Chine.
Notre réussite sur le marché chinois passe non seulement par les grands projets que le Gouvernement soutient, mais également par l'activité intense de l'ensemble des PME qui sont désireuses d'exporter. Je les y encouragerai. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d'actualité au Gouvernement.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures cinq.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à quinze heures cinquante-cinq, est reprise à seize heures cinq, sous la présidence de Mme Michèle André.)
PRÉSIDENCE DE Mme Michèle André
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
4
DEMANDE D'AUTORISATION D'UNE MISSION D'INFORMATION
Mme la présidente. M. le président du Sénat a été saisi par M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales, d'une demande tendant à obtenir du Sénat l'autorisation de désigner une mission d'information portant sur les conditions de mise sur le marché et de suivi des médicaments.
Le Sénat sera appelé à statuer sur cette demande dans les formes fixées par l'article 21 du règlement.
5
EQUILIBRE ENTRE LES DIFFERENTES FORMES DE Commerce
Adoption des conclusions modifiées du rapport d'une commission
(Ordre du jour réservé)
Mme la présidente. L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions du rapport de M. Alain Fouché, fait au nom de la commission des affaires économiques et du Plan, sur la proposition de loi de MM. Alain Fouché, Pierre André, Philippe Arnaud, Gérard Bailly, José Balarello, Bernard Barraux, René Beaumont, Claude Belot, Claude Bertaud, Roger Besse, Joël Billard, Jean Bizet, Dominique Braye, François-Noël Buffet, Christian Cambon, Jean-Pierre Cantegrit, Jean-Claude Carle, Auguste Cazalet, Gérard César, Marcel Pierre Cléach, Christian Cointat, Mme Isabelle Debré, MM. Robert del Picchia, Christian Demuynck, Marcel Deneux, Mme Sylvie Desmarescaux, MM. Michel Doublet, André Dulait, Jean-Paul Émin, Michel Esneu, Mme Françoise Férat, MM. André Ferrand, Bernard Fournier, Christian Gaudin, Mme Gisèle Gautier, MM. François Gerbaud, Georges Ginoux, Philippe Goujon, Daniel Goulet, Mme Adeline Gousseau, MM. Louis Grillot, Michel Guerry, Hubert Haenel, Mme Françoise Henneron, M. Michel Houel, Mmes Christiane Hummel, Elisabeth Lamure, M. André Lardeux, Mme Colette Melot, MM. Michel Mercier, Dominique Mortemousque, Philippe Nogrix, Mmes Anne-Marie Payet, Catherine Procaccia, MM. Henri Revol, Henri de Raincourt, Henri de Richemont, Bernard Saugey, Daniel Soulage, Yannick Texier, André Vallet, François Zocchetto, Louis de Broissia, Mme Valérie Létard, MM. Philippe Darniche et Georges Mouly, tendant à garantir l'équilibre entre les différentes formes de commerce (n°s 382, 174.).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Fouché, rapporteur de la commission des affaires économiques et du Plan. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui est née d'un double constat : d'une part, la France est l'un des pays d'Europe où la surface commerciale par habitant est la plus importante ; d'autre part, les procédures d'autorisation de l'équipement commercial débouchent sur des réponses favorables dans 66 % des cas pour les grandes surfaces alimentaires et dans près de 90 % des cas pour les grandes surfaces non alimentaires.
L'équipement commercial fait l'objet d'un encadrement législatif depuis la loi Royer de 1973. Cette loi a mis en place les commissions départementales d'équipement commercial, les CDEC ; le vote était secret, ce qui ne manquait pas de créer des difficultés. Ce texte a été modernisé par la loi Raffarin de 1996, qui a instauré le seuil des trois cents mètres carrés et a rendu public le vote des commissions départementales d'équipement commercial.
La législation en vigueur a permis que le développement des grandes surfaces, qui était considérable, se fasse de façon plus progressive et rende possible la modernisation et la conversion d'une partie des commerces de proximité.
Le double constat que j'évoquais en préambule prouve néanmoins la nécessité d'adapter ce dispositif. En effet, le taux d'autorisations délivrées à l'heure actuelle par les commissions départementales d'équipement commercial conduira inéluctablement à la disparition du commerce de proximité, aussi bien dans les centres urbains que dans les zones rurales, sachant que, dans ces dernières, la situation est alarmante.
Le prix des produits et le pouvoir d'achat des consommateurs sont incontestablement des éléments auxquels nous devons être très attentifs, mais il faut aussi mesurer le coût exact de l'élimination progressive et continue du commerce de proximité.
A cet égard, je suis convaincu qu'un avenir est possible pour le commerce de proximité, que l'on voit parfois réapparaître dans les zones rurales ou les centres urbains à la faveur d'un renouveau démographique ou d'une opération d'aménagement urbain. Du reste, dans de nombreux départements, se dessine une véritable tendance de migration des villes vers les campagnes.
Un article paru voilà quelques jours dans Le Monde évoquait le cas du Gers : dans ce département, de 1999 à 2004, 500 000 personnes ont quitté les villes pour habiter la campagne et un tiers des habitants interrogés lors d'un sondage ont dit qu'ils feront sans doute de même. Dans de nombreux départements, en particulier celui de la Vienne, que je représente, un certain nombre de villes se vident - cela est dû, notamment, au prix du foncier - et les campagnes se repeuplent, et pas nécessairement dans un rayon proche. Jamais nous n'avons autant financé de constructions, d'agrandissements en milieu rural, ce qui est un signe.
J'en reviens au texte : son objet est non pas de lutter contre les grandes surfaces ou de geler des situations, mais tout simplement de préserver un équilibre qui permette la survie, dans certaines zones, du commerce de proximité.
Je vous présenterai rapidement les conclusions de la commission.
L'article 1er définit cinq grandes exigences que doivent respecter les projets d'équipement commercial. Ces exigences sont volontairement classées par ordre alphabétique, de façon à bien exprimer qu'elles se situent sur un pied d'égalité, ce qui clarifiera beaucoup l'appréciation du juge administratif dans les contentieux.
Première exigence : le maintien d'une concurrence effective. Cela signifie, naturellement, la préservation de la diversité des formes de commerce, mais aussi, au sein même de la grande distribution, le respect des équilibres concurrentiels, aspect qui est de moins en moins bien contrôlé par les CDEC, ce qui a naturellement des conséquences fâcheuses pour les consommateurs.
Les quatre points suivants existent déjà dans le droit en vigueur. Je les rappelle : l'emploi et les conditions de travail des salariés ; l'aménagement du territoire au sens large, ce qui inclut la présence des commerces de proximité et l'animation des centres-villes ; la protection de l'environnement et la qualité de l'urbanisme. Je précise que ce dernier point comprend la protection de l'environnement paysager, si souvent affecté avec l'implantation de grandes surfaces aux entrées de villes, et la qualité architecturale, longtemps ignorée dans les projets d'équipement commercial.
M. Renaud Dutreil, ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et des professions libérales. Très juste !
M. Alain Fouché, rapporteur. C'est ce que l'on appelle les « boites à chaussures », qui sont construites à l'identique aux entrées de villes.
Il conviendra du reste de revenir sur ce point, monsieur le ministre, car je suis convaincu qu'il nous faut définir une réelle prise en compte des préoccupations architecturales.
M. Alain Fouché, rapporteur. Il serait utile que nous puissions en débattre.
Plusieurs solutions sont possibles : soit définir cette prise en compte dans le cadre d'un équipement commercial lorsqu'il existe, soit la confier peut-être pas à l'architecte des Bâtiments de France, parce que cela me semble un peu fort, mais tout au moins à l'architecte conseil de la direction départementale de l'équipement - de nombreux dossiers de particuliers lui sont soumis -, ce qui permettrait un véritable contrôle.
Enfin, le dernier point concerne la satisfaction des besoins des consommateurs.
L'article 2 décline ces grands principes en précisant les éléments concrets sur lesquels est fondé l'examen des projets d'équipement commercial.
L'article 3 précise le rôle des observatoires départementaux de l'équipement commercial, les ODEC, c'est-à-dire essentiellement l'élaboration des schémas départementaux d'équipement commercial. Ceux-ci se mettent en place progressivement, mais ils n'existent pas dans tous les départements : dans certains, les préfets n'arrivent pas à les instaurer ; ils convoquent les personnes concernées, mais elles ne viennent pas. Je crois que ces observatoires ont un rôle important à jouer.
L'article 4 modifie le champ de compétences des CDEC, à savoir les commerces dont la surface commerciale est comprise entre trois cents et six mille mètres carrés.
Toutefois, le préfet pourra, si la zone de chalandise du projet dépasse le territoire départemental - dans le cas, par exemple, d'un magasin de marques de 2 000 mètres carrés - renvoyer le dossier à la toute nouvelle commission interdépartementale d'équipement commercial, la CIEC, qui, loin d'être une usine à gaz, fonctionnera facilement.
Cette question de seuils a suscité le dépôt de plusieurs amendements, que nous examinerons tout à l'heure.
La commission propose une autre modification de cet article 4, à savoir l'abaissement du seuil de passage en CDEC pour un changement de secteur d'activité - l'actuel est jugé trop large - de 2 000 mètres carrés à 1 000 mètres carrés. Sur ce point également, vous avez été, mes chers collègues, très attentifs.
Enfin, cet article vise à supprimer la dispense de passage en CDEC pour les grands magasins implantés dans les gares. Il importe, en effet, pour la commission, que, dans une gare, les voyageurs trouvent, certes, de petits commerces, mais pas de grands surfaces, car si celles-ci y sont trop nombreuses, ils feront leurs achats là et pas ailleurs.
L'article 5 tend à créer les commissions interdépartementales d'équipement commercial, les CIEC, que je viens d'évoquer.
Au cours de leur réflexion, les membres de la commission avaient envisagé la création de commissions régionales, mais il leur a semblé, en définitive, que des commissions interdépartementales seraient plus appropriées, la zone de chalandise concernant des départements et non pas forcément la totalité d'une région.
Comment accepter qu'une commission départementale d'équipement commercial composée de six personnes puisse décider de l'implantation d'un magasin d'usine de 30 000, 40 000 ou 50 000 mètres carrés sans avoir étudié l'impact de la zone de chalandise sur les autres départements ? Cela paraît inconcevable ! Pourtant, il en va ainsi aujourd'hui.
Il conviendrait aussi de définir plus précisément la notion de magasin d'usine. De vrais magasins d'usine, il en existe peu, en fait. Il s'agit essentiellement de faux magasins d'usine.
Un vrai magasin d'usine, selon moi, est contigu à cette dernière et vend des marchandises fabriquées sur place, alors que nombre de ces établissements n'ont de magasins d'usine que le nom, et, même s'ils sont parfois situés près des ateliers, ils vendent des produits élaborés à trois cents ou quatre cents kilomètres de là !
Il en va de même, d'ailleurs, pour les magasins de marques.
Le dispositif est très largement inspiré de celui des CDEC, mais les CIEC auront vocation à s'occuper des plus gros projets, c'est-à-dire essentiellement de ceux de plus de 6 000 mètres carrés.
S'ajouteront, en outre, quelques projets d'une surface moindre, mais dont le préfet du département d'implantation aura jugé utile, comme nous l'avons vu, de les faire examiner par les CIEC du fait de leur caractère interdépartemental. Ainsi, l'impact d'une grande surface implantée à la limite de deux départements se fait sentir, bien sûr, sur ces deux départements.
Je tiens, monsieur le ministre, mes chers collègues, à réaffirmer ma conviction très forte que des projets très importants ayant un impact direct sur le tissu économique du ou des départements voisins ne peuvent être autorisés sans qu'aucune concertation avec ces départements n'ait eu lieu, comme c'est le cas aujourd'hui.
L'article 6 a pour objet de supprimer la dérogation relative aux règles d'assimilation à un même ensemble commercial dans les zones d'aménagement concerté, les ZAC, en centre urbain. La règle est, en effet, qu'un commerce de moins de 300 mètres carrés mais rattachable à un ensemble commercial déjà existant doit obtenir une autorisation en CDEC.
Une dérogation à cette règle avait été prévue pour les zones d'aménagement concerté, mais elle permet, en réalité, des extensions non maîtrisées : c'est pourquoi la commission en propose la suppression.
L'article 7 vise à créer un dispositif de sanction administrative pour réprimer les infractions aux règles d'autorisation des projets par les commissions d'équipement commercial.
Que se passe-t-il aujourd'hui ? Lorsque des agents de la direction régionale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes remarquent que, pour un certain supermarché, l'autorisation a été accordée à tort, ils envoient le dossier au parquet. Que fait ce dernier ? Il garde le dossier jusqu'à ce qu'une nouvelle commission départementale d'équipement commercial statue et décide d'accorder l'autorisation : il n'y a donc pas de poursuites.
C'est inadmissible ! Des sanctions administratives doivent être prises. La commission, qui a estimé qu'il n'était pas possible d'accepter éternellement la multiplication des infractions à ce dispositif, a déposé des amendements en ce sens.
L'article 8 traite de la composition de la CDEC, en ajoutant un représentant du conseil général.
La commission a largement débattu sur ce point. Fallait-il que ses membres restent au nombre de six ? Fallait-il supprimer un maire ? Elle a finalement donné son accord pour que le membre supplémentaire soit un représentant du conseil général.
Le conseil général est, en effet, la collectivité territoriale la plus proche des communes et a, par nature, une mission essentielle d'aménagement du territoire. La vision du conseil général s'exerce sur l'ensemble du territoire et son souci premier est de veiller à l'équilibre entres les zones urbaines et rurales, sans les opposer - il n'en est pas question - mais en les rendant complémentaires.
L'article 9 traite, lui, de la composition de la CIEC. Celle-ci comprendra les membres de la CDEC d'implantation et quatre représentants du ou des autres départements concernés par la zone de chalandise à raison, par département, de deux membres du conseil général aménageur du territoire et d'un représentant de la chambre de commerce et d'industrie, la CCI, et d'un représentant de la chambre de métiers et de l'artisanat.
Cela fera donc onze membres pour deux départements et quinze membres dans le cas de trois départements. Le calcul est aisé à effectuer quand il s'agit de quatre ou cinq départements.
Dans l'article 10 sont précisées les règles de majorité dans les commissions d'équipement commercial : cinq voix en CDEC, huit voix dans une CIEC à deux départements et deux tiers des voix dans les CIEC à plus de deux départements.
Ces questions de seuil sont très importantes pour que soit corrigée la situation actuelle d'autorisation quasi systématique des dossiers, accordée aussi bien par les commissions départementales que par la commission nationale.
L'article 11 est de coordination juridique.
L'article 12 traite de la composition de la commission nationale d'équipement commercial, la CNEC, dans laquelle s'impliqueront davantage celles et ceux qui connaissent le fonctionnement de l'économie commerciale.
L'article 13, enfin, contient des dispositions transitoires relatives à la CNEC en attendant le renouvellement de ses membres.
Afin de ne pas être trop long, je ne suis pas entré dans tous les détails. Je tiens cependant, monsieur le ministre, mes chers collègues, à vous faire part une nouvelle fois de ma conviction qu'il nous faut faire, à un moment donné, des choix.
Ce jour est venu : nous ne pouvons pas à la fois demander un rééquilibrage des forces entre les producteurs et les distributeurs dans l'alimentaire, déplorer la désertification de nos zones rurales ou la mort de nos centres urbains et accepter que s'aggravent les évolutions actuelles qui conduisent à un développement toujours plus rapide des surfaces commerciales.
Quels commerces voulons-nous pour notre pays ? Les taux actuels d'acceptation des demandes d'autorisation condamnent, à court terme, le commerce de proximité.
La commission estime donc qu'il est temps de rééquilibrer les choses entre grande distribution et commerce de proximité. Nous contribuerons ainsi, tous, à redynamiser nos campagnes et nos centres urbains. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Renaud Dutreil, ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et des professions libérales. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, le sujet que nous évoquons n'est pas nouveau.
Depuis plus de trente ans, la progression de la grande distribution a fait l'objet de plusieurs lois, mais il convient, aujourd'hui, de revoir les dispositifs d'autorisation mis en place au fil des temps, afin que soit atteint un objectif : l'harmonie et l'équilibre du développement commercial.
Cette harmonie a, en effet, été quelque peu mise à mal au cours des dernières décennies. Tandis que la France est devenue le premier pays européen pour la densité de grandes surfaces, avec un hypermarché pour 46 000 habitants et un supermarché pour 10 000 habitants, des phénomènes de désertification des territoires et de dévitalisation des pôles urbains sont observés.
Pour retrouver l'harmonie, il faut conjuguer diversité et complémentarité : diversité et complémentarité des différents types de commerce, diversité et complémentarité de l'offre, diversité et complémentarité des zones périurbaines et des centres-villes, qui ne doivent pas devenir des déserts commerciaux, diversité et complémentarité, enfin, des villes et des campagnes, sans oublier, car ce n'est pas un sujet secondaire, l'harmonie esthétique des abords de nos villes, souvent bien détériorée.
A cette fin, il est proposé, dans ce texte, une réforme du régime des autorisations d'exploitation commerciale issu de la loi Royer du 27 décembre 1973, réforme qui vise à rendre le dispositif actuel plus clair et plus moderne, et à prendre en considération certaines critiques formulées par la Commission européenne.
Elle constitue le premier élément d'une politique plus audacieuse visant à dynamiser le commerce et à mieux l'intégrer au coeur de notre vie quotidienne.
Ce faisant, cette proposition de loi rejoint mon souci de diversifier l'offre commerciale et de maintenir dans nos villes et nos villages un certain commerce traditionnel, qui non seulement entretient une concurrence vivace, mais, de plus, assure des fonctions sociales, humaines, voire culturelles, auxquelles nos concitoyens attachent un très grand prix.
Je veux redonner vie au commerce traditionnel, mais pas nécessairement par des voies traditionnelles : je veux que le commerce revivifie nos centres-villes avec des halles et des marchés, vecteurs de convivialité et de mixité sociale.
J'organiserai, d'ailleurs, dans les prochains jours, une réflexion, d'une part, sur les marchés forains, à l'existence desquels je tiens, et, d'autre part, sur le maintien d'une distribution diversifiée pour les produits frais, qui, dans nos villes, dans nos bourgs, font, bien souvent, la couleur du commerce de détail.
Je serai particulièrement sensible à une solution équilibrée permettant de ne pas trop entraver le développement des surfaces spécialisées, qui se sont beaucoup développées dans les secteurs du bricolage, du jardin, du mobilier, notamment, car ces nouveaux distributeurs favorisent le développement d'une consommation plus importante en volume, mais aussi plus qualitative.
M. le rapporteur a des préoccupations légitimes : les magasins d'usine qui n'ont d'usine que le nom et qui nécessitent une approche moins locale, de même que les très grandes surfaces non spécialisées, et l'esthétique, sur laquelle je compte travailler en proposant une commission élargie, associant, en particulier, des architectes, des urbanistes et des paysagistes, afin de mieux prendre en compte la globalité de l'approche urbaine.
Cette proposition de loi s'inscrit aussi dans le cadre de notre politique de l'emploi, car les simplifications apportées permettront au processus des décisions d'implantations ou d'agrandissement des commerces d'être plus efficace.
J'en viens maintenant, brièvement, aux articles eux-mêmes.
A l'article 1er, les cinq principes retenus pour décider de l'implantation des commerces - situation de la concurrence, développement de l'emploi, aménagement équilibré du territoire, protection de l'environnement et qualité de l'urbanisme, satisfaction des besoins des consommateurs - sont pertinents. Il convient de les placer sur un pied d'égalité. Les prendre en compte permettra non seulement de respecter les critères communautaires, mais aussi d'améliorer le cadre de vie des Français et de favoriser la création de nouveaux emplois.
Au regard des deux critères de base que sont l'état de la concurrence et la présence d'enseignes et de petits commerces, la politique que je défendrai devant la Commission nationale d'équipement commercial, la CNEC, sera très claire : je resterai très attentif au maintien du petit commerce et aux critères de qualité de l'urbanisme et de satisfaction du consommateur.
L'article 2 vise à insister tout particulièrement sur les critères esthétiques, qui sont trop souvent oubliés ; il suffit pour s'en convaincre de regarder les entrées d'un grand nombre de nos villes. Ces critères constituent pourtant un sujet de préoccupation croissant chez nos concitoyens, car avec l'élévation du niveau d'éducation, les Français sont plus sensibles à cet aspect du commerce. Le commerce doit participer à l'amélioration du cadre de vie urbain dans le respect des traditions de chaque terroir.
Sur l'article 3, je veux souligner l'importance des missions des observatoires départementaux d'équipement commercial. En élaborant des schémas de développement commercial, qui contiendront après l'entrée en vigueur de la présente loi des critères qualitatifs d'urbanisme et d'environnement, ces observatoires auront un rôle essentiel à jouer dans la préservation de notre cadre de vie.
Le schéma de développement commercial permet d'organiser une véritable réflexion d'ensemble sur les différents aspects de la vie quotidienne. La France est réputée pour son cadre de vie, elle doit le rester.
En ce qui concerne l'article 5, je crois qu'il faut des critères simples pour définir la compétence respective des commissions départementales et des commissions interdépartementales. C'est un sujet délicat. Définir la compétence des commissions interdépartementales à partir des zones de chalandise risquerait fort d'entraîner de très nombreux contentieux. Aussi, il me semble que le critère de surface - les commissions interdépartementales d'équipement commercial, les CIEC, statuant au-dessus de 6 000 mètres carrés - est un critère objectif et suffisant.
L'article 6 vise à supprimer la dérogation accordée jusque-là aux zones d'aménagement concerté, qui n'étaient pas concernées par les dispositions relatives aux ensembles commerciaux.
Nous risquons, avec cet article, de rompre la relation équilibrée entre la ville et ses commerces, en pénalisant les opérations de restructuration urbaine et de revitalisation des centres-villes qui profitent au commerce indépendant de proximité.
La procédure de zone d'aménagement concerté, la ZAC, prend en compte l'ensemble des aspects et correspond à un objectif de revitalisation des secteurs commerciaux ; il faut donc éviter de la ralentir ou de la dénaturer en lui imposant des contraintes nouvelles. C'est la raison pour laquelle j'ai déposé l'amendement n° 26, qui tend à retirer cet article 6 de la proposition de loi.
Sur l'article 7, qui prévoit la pénalisation des personnes morales en cas de non-exécution des mesures de fermeture des surfaces exploitées illicitement, j'ai présenté un amendement visant à dépénaliser les infractions, car je suis convaincu qu'une astreinte journalière forte est beaucoup plus dissuasive et qu'elle respecte davantage la logique économique.
L'article 10, quant à lui, détermine les règles de vote au sein des CDEC et des CIEC. Pour les CDEC, cinq votes favorables sont nécessaires à l'autorisation d'un projet. Quant aux CIEC, huit votes favorables sont nécessaires pour les CIEC à deux départements, et pour ceux qui réunissent les représentants de plus de deux départements, les votes favorables des deux tiers des membres sont requis.
Cette procédure me semble trop lourde, compte tenu des enjeux économiques et politiques des dossiers débattus au sein de ces commissions. L'exigence d'une forte majorité pouvant aller jusqu'à deux tiers des membres risque de ralentir, voire parfois de paralyser complètement le fonctionnement des commissions et de compromettre ainsi le dynamisme commercial. Je vous proposerai donc un amendement permettant de simplifier cette procédure de vote et j'entends que nous puissions ensemble, d'ici à la prochaine lecture à l'Assemblée nationale, réexaminer cette question.
L'article 12 vise à modifier la composition de la Commission nationale d'équipement commercial, qui passe de huit membres à neuf membres. Elle est désormais composée de six personnalités qualifiées, désignées par les présidents de l'Assemblée nationale, du Sénat, du Conseil économique et social, et par trois ministres, ainsi que de trois membres issus des corps d'inspection et de contrôle.
Cette représentation élargie de la Commission nationale correspond au souci du Gouvernement d'avoir la garantie, par le choix de représentants jouissant d'une compétence, d'une notoriété et d'une neutralité certaines, que l'intérêt général primera les intérêts particuliers.
Encore une fois, je vous remercie, monsieur le sénateur, d'avoir travaillé sur ce sujet difficile, d'avoir mené à bien de nombreuses consultations en prenant le temps nécessaire à la réflexion, et de nous avoir réunis aujourd'hui par l'examen de votre proposition de loi sur un sujet qui méritera d'être approfondi. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
Mme la présidente. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe Union pour un mouvement populaire, 47 minutes ;
Groupe socialiste, 32 minutes ;
Groupe Union centriste-UDF, 14 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 11 minutes ;
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Yannick Texier.
M. Yannick Texier. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, parallèlement au débat sur le projet de loi en faveur des petites et moyennes entreprises et sur son volet relatif à la réforme du code de commerce, le Sénat examine cet après-midi la proposition de loi de notre collègue Alain Fouché, tendant à garantir l'équilibre entre les différentes formes de commerce.
Ce texte tend à préciser les critères indispensables à l'autorisation de tout nouveau projet, à créer une commission interdépartementale et à renforcer les contrôles et les sanctions.
Dans la droite ligne de son rapport remis au Premier ministre en octobre dernier, notre collègue propose un toilettage de la loi Raffarin du 5 juillet 1996, relative au développement et à la promotion du commerce et de l'artisanat.
Cette réforme a pour objet, d'une part de veiller à la diversité des formes de commerce, et, d'autre part, de prendre en compte les éléments esthétiques et environnementaux des projets, donnée tout à fait nouvelle en la matière.
L'introduction dans la loi de critères esthétiques parmi ceux qu'il appartient aux commissions d'équipement commercial de prendre en compte dans l'instruction des demandes d'autorisation qui leur sont soumises est un élément qu'il faut saluer, car il doit permettre de lutter contre l'implantation de grandes surfaces qui n'ont fait l'objet d'aucun effort architectural.
Cette disposition vise donc à une amélioration de l'urbanisme, en particulier aux entrées de villes et d'agglomérations. Il faut, en effet, déplorer la très forte détérioration esthétique de nos entrées de villes qui s'est produite en quelques années seulement. Il n'est que temps de prendre enfin conscience de l'importance de l'exigence architecturale et paysagère en ce domaine.
Par ailleurs, notre collègue Alain Fouché nous fait observer que la politique défensive visant à stabiliser le nombre de grandes surfaces n'a pas atteint ses objectifs. Sa proposition de loi tend donc vers un équilibre des différentes formes de commerce pour lutter, notamment, contre la disparition des petits commerces. Ce sujet nous préoccupe tout particulièrement, et nous en avons longuement débattu dans le cadre de l'élaboration de la loi relative au développement des territoires ruraux.
Une approche nouvelle, à la fois plus précise et plus globale, est aujourd'hui nécessaire. La grande distribution « grignote » du terrain chaque jour dans notre pays et cela prend des proportions inquiétantes. Où cela va-t-il s'arrêter ?
Alain Fouché souhaite une meilleure prise en compte des effets du développement des équipements commerciaux sur leur environnement urbanistique, social et économique. Il nous fait observer que la France dispose d'un nombre de supermarchés par habitant parmi les plus élevés d'Europe, et du nombre le plus élevé pour les hypermarchés. On apprenait encore, lundi dernier, qu'un grand distributeur s'apprête à ouvrir 1 000 nouvelles grandes surfaces de hard discount.
Le constat global de l'accélération du développement des grandes surfaces appelle donc une nouvelle réponse du législateur. C'est la raison pour laquelle nous ne pouvons qu'approuver la proposition de notre collègue Alain Fouché d'une redéfinition du contrôle de l'équipement commercial et d'un encadrement plus sévère de l'urbanisme commercial. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Férat.
Mme Françoise Férat. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, avec cette proposition de loi, l'occasion nous est donnée de rééquilibrer l'offre commerciale par un infléchissement du développement exponentiel des grandes surfaces.
Je reprends vos chiffres, monsieur le ministre : en trente ans, la France, il est vrai, est devenue le premier pays européen en termes de densité de grandes surfaces, avec un hypermarché pour 46 000 habitants et un supermarché pour 10 000 habitants.
D'aucuns perçoivent ces statistiques comme un élément propice à la concurrence et un atout dans la lutte contre l'inflation. De récentes études réalisées après le passage à l'euro démontrent au contraire que la grande distribution s'est quelque peu « laissée aller » dans ce domaine, ouvrant par là même une brèche dans laquelle les hard discounters se sont engouffrés.
Bien évidemment, je ne souhaite pas remettre en cause l'évolution générale de ces modèles de distribution, qui jouent un rôle économique et social important. Mais je considère ces données comme inquiétantes parce qu'elles contribuent au phénomène de désertification des territoires ruraux, de dévitalisation des pôles urbains, et représentent un frein à l'instauration d'un véritable marché concurrentiel.
Ces ratios traduisent, en outre, les difficultés des pouvoirs publics à enrayer l'expansionnisme commercial, mené à la fin des années soixante pour répondre aux mutations de l'époque que constituaient l'urbanisation galopante, la croissance démographique, l'expansion économique et l'avènement de la société de consommation.
Or, aujourd'hui, cette ambition politique représente une véritable menace pour une économie de proximité qui joue un rôle essentiel.
Ainsi que le révèle l'exposé des motifs de cette proposition de loi, « depuis 1994, le nombre de charcuteries a baissé de 40 %, celui des boucheries de 20 %, celui des poissonneries de 30 %, celui des crèmeries de 38 % et celui des quincailleries de 31 % ». Ces fermetures ont un impact sur l'emploi national certes plus diffus que les délocalisations, mais tout aussi dangereux.
En plus de la multiplication des mètres carrés dédiés à la grande distribution, c'est aussi la modification de son offre promotionnelle qui inquiète. En effet, si les hypermarchés et les supermarchés poursuivent leur activité originelle - l'alimentation et les produits de première nécessité - ces grands magasins occupent désormais des niches de commerces indépendants comme l'habillement, l'outillage ou l'ameublement. Il en résulte une fragilisation de l'offre commerciale traditionnelle qui nuit à l'attractivité et à l'animation des centres-villes et qui met en péril les actions visant à revitaliser le milieu rural.
Cette évolution est inquiétante. En milieu rural, en effet, le maintien d'un commerce de proximité est essentiel à l'animation des bourgs et des villages, et assure parfois le maintien d'un certain nombre d'activités de services comme la présence postale, les points de livraison, etc. Il constitue, par conséquent, un facteur prépondérant dans le choix de résidence des familles.
En milieu urbain, cette dimension sociale et humaine est tout aussi importante. Ainsi, les supérettes, les commerces de bouche, les artisans et les magasins d'équipement à la personne représentent une véritable réponse pour certaines populations, telles que les personnes âgées, qui peuvent rencontrer des difficultés importantes pour se déplacer dans des zones commerciales situées à la périphérie.
Comment ne pas évoquer également l'impact du développement de ces zones périphériques sur l'évolution des déplacements urbains, ou bien encore sur celle des entrées de ville ou d'agglomération ? Force est de reconnaître, mes chers collègues, que ce phénomène a largement contribué à l'enlaidissement du paysage urbain ou périurbain.
Comment passer sous silence le risque que fait courir ce développement incontrôlé de la grande distribution sur la diversité et sur la qualité de l'offre commerciale ? La diminution dramatique du nombre de magasins indépendants fragilise des milliers de petits producteurs qui n'ont aucune chance d'être distribués un jour dans les rayons de la grande distribution. Elle limite également le choix du consommateur.
Une question mérite donc d'être posée : à quelle société de consommation aspirons-nous ?
Pour inverser cette tendance, l'Etat a créé le Fonds d'intervention pour la sauvegarde, la transmission et la restructuration des activités commerciales et artisanales, le FISAC, qui soutient les communes et les commerçants dans leurs projets de promotion, de réhabilitation ou de restructuration du commerce de proximité. Nous avons tous à l'esprit plusieurs illustrations de cette politique. De programmes de requalification urbaine en inaugurations de foires dédiées à l'artisanat et à la gastronomie, de l'élaboration d'outils de communication à la création de labels de qualité, l'Etat, les élus locaux, les chambres consulaires et les commerçants tentent d'enrayer cette spirale infernale.
Mais le problème majeur se situe ailleurs. Si un soutien doit, de toute évidence, être témoigné aux commerçants indépendants, il est aussi important de limiter l'expansion de la grande distribution. Telle est l'ambition de ce texte qui vise à adapter les dispositions législatives à l'évolution de la société de consommation, en essayant « de faire respecter l'équilibre entre les différentes formes de commerce ». Comme l'a dit M. le rapporteur, il s'agit bien de complémentarité.
Des dispositifs existent. La loi Royer de 1973, la loi Raffarin de 1996 ou, plus récemment, la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains ont contribué à durcir la politique de maîtrise des grandes surfaces par un renforcement du régime des autorisations et une prise en considération plus large des effets du développement commercial.
Pour autant, ce cadre n'a pas inversé la tendance. Cette difficulté récurrente rencontrée par les pouvoirs publics incite donc, me semble-t-il, à faire preuve de volonté et d'humilité.
C'est dans cet état d'esprit que le groupe Union centriste-UDF aborde l'examen de la proposition de loi présentée par M. Fouché. Je lui adresse d'ailleurs mes sincères félicitations pour la qualité de son travail et, surtout, mes remerciements pour son souci d'associer ses collègues à la signature du texte. C'est assez rare et c'est pourquoi je tenais à le souligner !
D'abord, je pense à la volonté affirmée d'autoriser les ouvertures d'équipements qui répondent aux exigences découlant d'un aménagement harmonieux du territoire, fondé sur le respect d'un certain équilibre entre les diverses formes de commerce.
Ensuite, il y a la volonté affirmée de permettre à la commission départementale d'équipement commercial de statuer en fonction de l'offre et de la demande globale sur un bassin de vie ainsi que sur la base d'une enquête préalable sur l'évolution de l'emploi commercial.
Enfin, il y a la volonté de stopper le contournement régulier de la loi en soumettant désormais à autorisation tout changement de secteur d'activité ou d'enseigne d'un commerce ayant une surface de vente supérieure à 1 000 mètres carrés.
En outre, il faut faire preuve d'humilité, car trente années de développement commercial ont souligné les difficultés éprouvées pour enrayer l'hégémonie de la grande distribution.
Ces mesures ne produiront les effets escomptés qu'à la seule condition que les communes et/ou les intercommunalités abordent l'aménagement des zones commerciales en considérant l'offre commerçante présente sur l'ensemble du bassin de vie concerné et non par le seul prisme des recettes fiscales attendues. C'est donc aussi aux responsabilités individuelle et collective des élus locaux que cette proposition de loi fait appel. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Le Cam.
M. Gérard Le Cam. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd'hui la proposition de loi de M. Fouché relative à l'équilibre entre les différentes formes de commerce. Le texte annonce, dès l'exposé des motifs, son intention de « protéger le commerce indépendant de petite surface, en particulier de centre-ville ».
Si le propos est louable, la démarche pourrait s'avérer difficile à mettre en oeuvre. En effet, la maîtrise du développement commercial des villes peut se faire de deux manières, soit par une protection du petit commerce, soit par une limitation de la grande distribution.
Traditionnellement, depuis la loi Royer, c'est la seconde solution qui est mise en oeuvre. Or cette démarche n'a pas permis de maîtriser le développement des centres commerciaux périphériques, et ce malgré l'accumulation des textes législatifs en ce sens. D'ailleurs, la proposition en question ne répond pas aux attentes du petit commerce, qui vit aujourd'hui une véritable situation de crise.
Nous aborderons donc, dans un premier point, les insuffisances des mesures annoncées. En effet, le texte présenté n'apporte pas de vision stratégique globale de développement et d'aménagement du territoire concerné. Or appliquer des orientations en termes de développement commercial implique d'avoir déployé une vision prospective préalable.
Face à l'insuffisance de ces mesures, une autre solution pourrait être d'encourager et d'aider le petit commerce. C'est ce que nous développerons dans un second point.
Dans un premier temps, nous vous proposons donc d'examiner les aspects lacunaires de la proposition de loi.
Après son passage en commission, le texte est passé de trente-six articles à treize articles. Il est devenu plus dense, mais sans apporter d'amélioration sur le fond.
Ainsi, l'un de ses objectifs principaux est de soumettre à des autorisations plus strictes les implantations de grandes surfaces. Ces autorisations sont étendues aux extensions ainsi qu'aux transferts d'activités existantes. Elles sont délivrées par les CDEC sur la base de cinq critères, à savoir, dans l'ordre : le maintien d'une concurrence effective, le développement de l'emploi et l'amélioration des conditions de travail des salariés, la promotion d'un aménagement équilibré du territoire à la faveur des services de proximité, la protection de l'environnement et du paysage urbain ainsi que la satisfaction des besoins des consommateurs en termes de diversité d'accès aux commerces et aux services.
Alors que vous affichez la volonté de protéger le petit commerce contre le poids écrasant de la grande distribution, on s'étonne que la première préoccupation des CDEC doive être de garantir et de favoriser une concurrence effective, pourtant première cause de l'extinction des commerces de proximité. Et cela, alors même que, à l'origine, les CDEC, anciennement CDUC, avaient été conçues dans l'optique de maintenir ce commerce de proximité !
De plus, le flou des critères retenus et leur caractère non obligatoire constituent davantage un affichage de bonnes intentions qu'une garantie de la prise en compte du petit commerce dans la formation de la décision d'autorisation.
Venons-en maintenant aux dispositions relatives aux seuils, qui conditionnent les modalités d'attribution d'une autorisation de l'organisme compétent.
Vous vous contentez de redistribuer les compétences entre les CDEC et les nouvelles CIEC, sans tirer de leçons de l'inefficacité des seuils instaurés par les précédentes législations.
Il faut bien avouer que, sur ce plan, le mal est déjà fait. En effet, trente ans après la loi Royer, la France est aujourd'hui le pays européen qui dispose de la plus grande surface commerciale de grande distribution en mètres carrés par habitant.
De plus, les effets pervers de cette loi ont favorisé le développement de grandes zones commerciales à la périphérie des villes. Ces implantations ont lourdement touché les commerces de proximité, dont plus d'un tiers ont dû cesser toute activité au cours des dix dernières années.
A l'inverse, sur la période 1997-2004, le nombre de magasins maxi discount a augmenté de 87 %. Or, comme on le sait, ces magasins s'implantent directement en centre-ville, sur des surfaces qui sont d'ailleurs souvent inférieures à 300 mètres carrés, exacerbant la concurrence avec le commerce de proximité.
Cette forme de commerce échappe à tout contrôle d'implantation eu égard à sa surface unitaire limitée. Pourtant, ces magasins se multiplient et recouvrent, en réalité, des surfaces globales bien plus importantes. Il serait donc plus efficace de contrôler les surfaces globales de chaque enseigne.
Monsieur le rapporteur, votre proposition de loi élude complètement ce problème, préférant se réfugier derrière des mesures secondaires. Ainsi, une grande partie de vos dispositions est consacrée à un remaniement des compétences entre les différents organismes de contrôle. A ce titre, la CIEC risque fort, dans bien des cas, de se contenter de constater l'existant.
Enfin, le dispositif juridictionnel prévu à l'article 7 reste largement insuffisant pour dissuader les grands groupes de la distribution de continuer à contourner la loi. En effet, que représente une astreinte journalière de 150 euros ou une amende de 15 000 euros au regard du chiffre d'affaires quotidien d'une grande surface ?
Face à tous ces éléments, force est de constater que votre texte ne répond en aucune manière à la détresse et à la disparition progressive du commerce de proximité.
Vous avez vous-même rappelé que ses perspectives d'avenir étaient désastreuses. Ainsi, vous avez souligné à juste titre que, pour les deux années à venir, la carte de la grande distribution sera profondément modifiée par l'arrivée massive de magasins hard discount et de grandes enseignes étrangères. D'ailleurs, ce phénomène est renforcé par la diversification des marchandises vendues et des services proposés.
Dans ce contexte, croyez-vous vraiment que votre projet réponde réellement aux questions posées ?
Dans un second temps, voyons les propositions susceptibles de résoudre la crise qui frappe le petit commerce. En effet, le problème de l'expansion incontrôlée de la grande distribution peut être abordé d'une autre manière.
A notre sens, il est nécessaire de créer les conditions favorables au maintien et au développement de toutes les formes commerciales de proximité et de services dans le cadre d'une égalité de traitement des citoyens et d'un aménagement harmonieux du territoire.
C'est bien la grande distribution qui, depuis plus de trente-cinq ans, a façonné petit à petit les nouvelles habitudes de la clientèle, créé de nouvelles envies, amplifié la société de consommation et facilité l'endettement, voire le surendettement. C'est encore elle qui participe à la précarisation de l'emploi et à la désertification d'un certain nombre de nos régions.
Le Sénat a-t-il la réelle volonté de restructurer un tissu commercial local ou préfère-t-il se satisfaire d'une présence commerciale concentrée dans nos chefs-lieux de canton et nos bourgs-centre ?
La conception de notre groupe s'oriente davantage vers une réelle présence commerciale au sein de nos collectivités locales, point d'appui d'une réponse aux besoins locaux, de la réapparition des services publics disparus et élément incontestable de lien social.
Compenser les handicaps naturels du milieu rural et de certains quartiers urbains défavorisés relève non pas de la distorsion de concurrence, mais bien d'un aménagement harmonieux et équilibré du territoire. Ces handicaps sont nombreux pour le petit commerce local, qui doit s'approvisionner au prix fort, cumuler les heures de travail au-delà du raisonnable et qui dispose d'une clientèle clairsemée, le plus souvent modeste.
Si notre assemblée avait la réelle volonté de revitaliser le petit commerce, elle s'en donnerait les moyens, car ceux-ci existent. En effet, l'agrégat 25 du projet de loi de finances pour 2005 laissait apparaître un engagement de 168 millions d'euros au service de l'initiative économique dans les secteurs du commerce, de l'artisanat, des services et des professions libérales, et autres actions de solidarité économique.
Est intervenue, en 2003, la budgétisation de la TACA, la taxe d'aide au commerce et à l'artisanat, qui, je le rappelle, est prélevée sur les surfaces commerciales de plus de 400 mètres carrés. Or, il faut savoir que le FISAC, les aides au départ et le comité professionnel de la distribution des carburants consomment environ 115 millions d'euros pour 2005, alors que la TACA rapporte 600 millions d'euros.
Plus de 480 millions d'euros sont donc détournés de leur destination initiale. C'est purement scandaleux, surtout quant on sait qu'un dixième de cette somme suffirait à redonner un élan salvateur au commerce local de nos collectivités ! Nous avions en effet montré, en 2003, que, avec moins de 30 millions d'euros, il était possible de soutenir et de faire vivre 8 000 commerces, ce qui concerne près du quart des communes du pays.
Nous proposons donc, car il s'agit là d'une responsabilité du Sénat, que toutes les collectivités locales qui souhaitent maintenir leur dernier commerce ou en créer un quand celui-ci a disparu sollicitent « qui de droit », c'est-à-dire l'Etat. Nous proposons également que soit créée une dotation spécifique « petit commerce » dans la DGF, financée par la TACA. Les moyens existent, nous venons de le montrer.
Ces mesures, dont les modalités d'attribution pourraient résulter d'un décret ou d'une proposition de loi que je suis disposé à vous soumettre, mes chers collègues, permettraient aux collectivités locales d'aider directement leurs commerces par des allègements de loyers et de taxes locales ou par diverses mesures facilitant le fonctionnement.
Sans aides réelles, la majeure partie des petits commerces des zones rurales et des quartiers défavorisés n'est pas viable. Il est de notre responsabilité qu'ils le deviennent. Ils seront demain l'un des principaux points d'appui pour le retour de très nombreux urbains vers le milieu rural, retour qui a d'ailleurs été évoqué tout à l'heure par l'un de nos collègues.
Monsieur Fouché, vous aviez émis de sérieuses réserves, en janvier 2003, sur ma proposition de loi. Mais je suis beau joueur. (Sourires.) Aujourd'hui, je continue de penser que ce problème vital ne se résoudra pas sans actionner les deux volets indispensables que sont la régulation de la grande distribution, comme vous le proposez, et une aide importante au fonctionnement du petit commerce local, que nous appelons de nos voeux.
Nous n'amenderons pas votre texte. En effet, nous ne croyons pas à son efficacité. Nous sommes surtout convaincus, comme je viens de l'expliquer, qu'il lui manque l'essentiel : une volonté politique et des moyens financiers en faveur du petit commerce de proximité.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. L'objectif de la proposition de loi est de « protéger le commerce indépendant de petite surface, en particulier de centre-ville, d'un développement anarchique de la grande distribution ».
La loi du 27 décembre 1973, dite loi Royer, a soumis l'ouverture de grandes surfaces à un régime d'autorisation, en fonction de certains seuils. Ces autorisations étaient délivrées par des commissions départementales et accordaient au préfet la possibilité de faire appel d'une décision devant le ministre.
Quelle est la situation aujourd'hui ?
Si l'on se réfère au nombre de mètres carrés par habitant, c'est en France que l'on compte le plus de grandes surfaces commerciales. M. Fouché a d'ailleurs très bien dit que l'on n'avait pas pu contrôler leur progression.
Ainsi, nous assistons de façon inexorable à la disparition progressive du commerce de proximité ; la puissance financière des grands distributeurs influe sur le prix de vente des producteurs et tire leurs revenus vers le bas, en particulier dans le secteur agricole ; l'environnement des abords des grandes villes est particulièrement dégradé et il dévalue l'intérêt touristique de ces villes.
Je rappelle les objectifs de la proposition de loi.
Premièrement, elle vise à maintenir ou à favoriser une concurrence effective. Je comprends le souci de M. le rapporteur qui estime que le commerce de proximité doit pouvoir se développer. Mais ce n'est pas avec une telle formule que ce sera possible. En effet, s'il y a égalité de concurrence, la grande distribution sera forcément gagnante, car elle possède des moyens financiers et commerciaux pour ce faire !
Deuxièmement, la proposition de loi vise à promouvoir un aménagement équilibré du territoire, ce qui est un souci louable.
Troisièmement, elle tend à protéger l'environnement et à favoriser la qualité de l'urbanisme. J'ajouterai même qu'elle contribue à lutter contre le réchauffement climatique. En effet, une étude montre que le mode de transport le moins polluant est lié au commerce de proximité ; vient ensuite la livraison à domicile. Le plus polluant, c'est l'ensemble des voitures qui se rendent le samedi ou le soir vers les grandes surfaces. Par conséquent, même en matière de la lutte contre le réchauffement climatique, le commerce de proximité est le plus efficace.
Quatrièmement, elle vise à satisfaire les besoins des consommateurs par une offre diversifiée, en particulier dans les zones rurales et de montagne.
Ce sont des objectifs très louables, monsieur le rapporteur. Mais, comme l'a signalé M. Le Cam, se pose aussi la question des moyens.
Dans cette proposition de loi, vous prévoyez de changer la composition des commissions départementales. Vous êtes même très pointu, puisque vous précisez que cette question doit être abordée sur le plan régional, voire interrégional. Vous évoquez également la modification du seuil, le nombre de voix pour l'adoption d'une autorisation. Tout cela est très bien pensé, mais croyez-vous que durcir les conditions sera suffisant ? La loi Royer, elle, n'y est pas parvenue.
M. Alain Fouché, rapporteur. C'est un important progrès !
M. Jean Desessard. Vous serez confronté au lobby des grandes surfaces, à la recherche de taxe professionnelle, mais également au choix de la grande distribution par les clients qui veulent bénéficier de prix avantageux - nous savons que le pouvoir d'achat se dégrade - et à l'attirance que génèrent les zones multiples de chalandise et de consommation.
Par conséquent, monsieur le rapporteur, vos mesures ne sont pas suffisantes : des autorisations seront encore données, la concentration commerciale existera toujours, et nous pourrons certainement revenir dans quelques années pour le déplorer...Certes, nous ne serons peut-être pas le premier pays concerné, puisque le développement des grandes surfaces et de la distribution est un mouvement européen, mais il n'en reste pas moins que vos mesures sont insuffisantes.
Il aurait fallu faire des choix : soit fixer de façon coercitive au niveau national un nombre d'autorisations par région ; soit favoriser, par des moyens financiers structurels, publics ou locaux, la concurrence de proximité ; soit opter pour une solution mixte, c'est-à-dire taxer les grandes surfaces commerciales pour développer le petit commerce.
Monsieur le ministre, ces propositions vous laissent dubitatif, puisque, même sur les mesures que je qualifierai de « non audacieuses » envisagées par M. Fouché, vous avez émis des réserves, en indiquant qu'il ne fallait pas freiner le dynamisme commercial.
En tant qu'écologiste, je suis habitué à ce genre d'arguments. Les objectifs en matière de lutte contre la pollution, de lutte pour l'environnement, sont toujours formidables, mais on se heurte constamment à la barrière du dynamisme économique. Vous êtes confronté à cette situation, monsieur Fouché.
M. Alain Fouché, rapporteur. Nous verrons le résultat !
M. Jean Desessard. A partir de l'analyse de la situation, qui est déplorable, les soucis sont louables, mais on ne touche à presque rien pour, je le répète, ne pas freiner le dynamisme commercial !
Donc, pour le groupe socialiste, Verts, apparentés et rattachés, cette proposition de loi n'aura que des effets mineurs, voire nuls. Il aurait fallu adopter une autre politique. Les objectifs sont louables, mais les moyens ne sont pas à la hauteur.
Or, en politique, il ne suffit pas d'avoir de bonnes intentions - certes, il vaut mieux en avoir de bonnes que de mauvaises ! - il faut aussi avoir les moyens de les réaliser. Selon nous, cette proposition de loi n'est pas à la hauteur des objectifs avancés et c'est pourquoi le groupe socialiste, Verts, apparentés et rattachés s'abstiendra. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Article 1er
L'article L. 720-1 du code de commerce est ainsi rédigé :
« Art. L. 720-1. - Les implantations, extensions, transferts d'activités existantes et changements de secteur d'activité d'entreprises commerciales doivent répondre aux exigences suivantes :
« 1° Maintenir ou favoriser une concurrence effective ;
« 2° Participer au développement de l'emploi et contribuer à l'amélioration des conditions de travail des salariés ;
« 3° Promouvoir un aménagement équilibré du territoire fondé sur la présence de commerces, d'entreprises artisanales et de services de proximité, l'animation des centres-villes, le rééquilibrage des agglomérations ainsi que sur l'économie des équipements publics ;
« 4° Protéger l'environnement et favoriser la qualité de l'urbanisme ;
« 5° Satisfaire les besoins des consommateurs par une offre diversifiée, par la modernisation des équipements commerciaux, le développement des nouvelles formes de services et le maintien des activités dans les zones rurales et de montagne. »
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 1er.
(L'article 1er est adopté.)
Article 2
L'article L. 720-2 du code de commerce est ainsi rédigé :
« Art. L. 720-2 - I. - Dans le cadre des procédures visées aux articles L. 720-5 à L. 720-6, les commissions d'équipement commercial statuent après avoir examiné :
« - les caractéristiques du projet au regard des principes d'orientation posés par l'article 1er de la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973 et de ceux définis par l'article L. 720-1 ;
« - lorsqu'il existe, le schéma départemental d'équipement commercial visé à l'article L. 720-3 ;
« - les éléments suivants :
« 1° La conformité du projet au schéma départemental de développement commercial et, le cas échéant, aux critères d'esthétique, d'urbanisme et d'environnement qu'il définit ;
« 2° L'offre et la demande globales pour chaque secteur d'activité dans la zone de chalandise concernée ;
« 3° L'effet potentiel du projet sur l'appareil commercial et artisanal de la zone de chalandise, en particulier sur la diversité des formes de commerce et sur l'emploi. Lorsque le projet concerne la création ou l'extension d'un ensemble commercial, majoritairement composé de magasins spécialisés dans la commercialisation d'articles de marques à prix réduit, l'effet potentiel dudit projet est également apprécié indépendamment de la spécificité de la politique commerciale de ce type de magasins ;
« 4° Les engagements des demandeurs de création de magasins de détail à prédominance alimentaire d'implanter dans les zones de dynamisation urbaine ou les territoires ruraux de développement prioritaire des magasins de même type, d'une surface de vente inférieure à 300 mètres carrés, pour au moins 10 % des surfaces demandées ;
« 5° L'impact global du projet sur les flux de voitures particulières et de véhicules de livraison, la qualité de la desserte en transport public et les capacités d'accueil pour le chargement et le déchargement des marchandises.
« Au delà d'un seuil de surface fixé par décret, ne sont soumis à l'examen des commissions que les projets accompagnés de l'indication de l'enseigne du ou des futurs exploitants des établissements.
« II. - Lorsque l'opération envisagée concerne une agglomération dans laquelle sont mises en oeuvre les procédures prévues aux articles L. 303-1 du code de la construction et de l'habitation et L. 123-11 du code de l'urbanisme, la commission prend en compte les actions destinées à y assurer le maintien ou l'implantation de commerces de proximité, d'artisans ou d'activités artisanales.
« III. - Le rapport de la commission d'évaluation des pratiques commerciales sur le comportement des enseignes de distribution vis-à-vis des petites et moyennes entreprises est transmis pour information à chaque commission d'équipement commercial ».
Mme la présidente. L'amendement n° 21, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I - Dans le troisième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 720-2 du code de commerce, remplacer les mots :
départemental d'équipement
par les mots :
de développement
II - En conséquence, dans le cinquième alinéa (1°) du texte proposé par cet article pour l'article L. 720-2 du code de commerce, supprimer le mot :
départemental
La parole est à M. le ministre.
M. Renaud Dutreil, ministre. Il s'agit, par cet amendement de pure forme, d'harmoniser l'appellation des schémas de développement commercial résultant des travaux de l'observatoire départemental d'équipement commercial, tel que prévu par l'article L. 720-3 du code de commerce.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Fouché, rapporteur. Il s'agit effectivement d'une modification de coordination juridique ; la commission y est donc favorable.
Mme la présidente. L'amendement n° 22, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Dans le sixième alinéa (2°) du texte proposé par cet article pour l'article L. 720-2 du code de commerce, après les mots :
la demande globales
insérer les mots :
ainsi que les conditions d'exercice de la concurrence
La parole est à M. le ministre.
M. Renaud Dutreil, ministre. Cet amendement vise à répondre à l'un des objectifs de l'article 1er de la loi du 27 décembre 1973, selon lequel « les activités commerciales et artisanales s'exercent dans le cadre d'une concurrence claire et loyale », comme l'on disait alors.
La rédaction proposée permettra tout à la fois l'analyse de l'offre et de la demande dans la zone de chalandise et l'examen des modalités d'exercice effectif de la concurrence pour mieux apprécier les risques de perturbation de cette dernière dans l'hypothèse où la diversité des formes de commerce serait affectée, voire anéantie.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Fouché, rapporteur. Le Gouvernement souhaite reprendre, dans cet article, la référence aux conditions de concurrence que nous avons déjà fait figurer à l'article 1er.
Il s'agit d'une mise en cohérence logique et la commission a donc émis un avis favorable.
Mme la présidente. L'amendement n° 10, présenté par Mme Payet et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :
Après les mots :
de chalandise
rédiger ainsi la fin de la première phrase du septième alinéa (3°) du I du texte proposé par cet article pour l'article L. 720-2 du code de commerce :
ou dans le bassin de vie concerné, en particulier sur la diversité des formes de commerce et l'impact en terme d'emploi salarié et non salarié
La parole est à Mme Anne-Marie Payet.
Mme Anne-Marie Payet. Compte tenu de l'ampleur préoccupante du chômage, il convient que tous les projets à caractère économique puissent s'analyser à partir du critère de l'emploi. Les projets de type commercial soumis à autorisation ne doivent pas déroger à cette règle. Tel est l'objet de cet amendement.
Il paraît important d'avoir une appréciation dynamique de l'exigence formulée à l'article L. 720-1 du code de commerce de « participer au développement de l'emploi ». Il s'agit d'être en mesure d'établir un rapport entre les emplois générés par un projet et ceux qu'il fait disparaître. Il convient également de pouvoir évaluer ces emplois de manière qualitative, d'autant que la référence à la prise en compte de l'amélioration des conditions de travail des salariés figurait dans la proposition de loi initiale.
Cette évaluation doit également porter sur l'emploi non salarié, qui est par nature bien développé dans le commerce de détail. Ce faisant, cette précision préserve la rédaction actuelle de l'article L. 720-3 du code de commerce.
De même, il apparaît intéressant de rétablir la référence au bassin de vie qui figurait, elle aussi, dans la proposition de loi initiale.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Fouché, rapporteur. Cet amendement comporte deux aspects. Le premier est la référence au bassin de vie.
Dans la proposition de loi que j'ai déposée voilà quelques semaines, je faisais référence à cette notion qui me paraissait porteuse d'une réalité socio-économique plus large que celle de zone de chalandise.
J'ai évolué sur ce point, car je dois bien constater que l'on peine à donner une définition précise du bassin de vie. Je ne voudrais pas que la clarté de la procédure soit brouillée par le renvoi à la notion de « bassin de vie », alors même que celle de « zone de chalandise » est plus connue et bien définie par la jurisprudence. C'est pourquoi je souhaiterais que nos collègues de l'Union centriste-UDF rectifient leur amendement sur ce point.
Le second aspect concerne la précision selon laquelle les dossiers doivent faire référence à l'incidence sur l'emploi aussi bien salarié que non salarié. Elle est intéressante.
La commission serait donc favorable à cet amendement, dès lors qu'il serait rectifié afin de supprimer les mots : « ou dans le bassin de vie concerné », difficiles à définir.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Renaud Dutreil, ministre. Comme l'a souligné M. le rapporteur, la notion de bassin de vie est sociologiquement intéressante, mais juridiquement imprécise. Elle ne peut donc servir de base à une étude économique rigoureuse, à la différence de la notion de zone de chalandise, qui répond à une définition beaucoup plus efficace.
Concernant l'effet potentiel du projet en termes d'emplois, il est clairement affirmé à l'article L. 720-1 du code de commerce, modifié à l'article 1er, que les projets de commerce de vente de détail doivent « participer au développement de l'emploi ».
En outre, on peut rappeler que l'impact du projet sur l'emploi, notamment le solde des emplois créés par rapport aux emplois détruits, qu'ils soient salariés ou non salariés, est déjà pris en compte dans le cadre des dispositions réglementaires actuellement en vigueur.
Le Gouvernement estime donc que l'amendement est redondant par rapport aux dispositions législatives ou réglementaires existantes. Il en souhaite le retrait.
Mme la présidente. Madame Payet, l'amendement n° 10 est-il maintenu ?
Mme Anne-Marie Payet. Je souhaite modifier l'amendement, conformément à la demande formulée par la commission.
Mme la présidente. Je suis donc saisie de l'amendement n° 10 rectifié, présenté par Mme Payet et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :
Après les mots :
de chalandise
rédiger ainsi la fin de la première phrase du septième alinéa (3°) du I du texte proposé par cet article pour l'article L. 720-2 du code de commerce :
, en particulier sur la diversité des formes de commerce et l'impact en termes d'emploi salarié et non salarié
Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Fouché, rapporteur. Tout à fait favorable !
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Renaud Dutreil, ministre. Le Gouvernement maintient sa position, compte tenu du caractère redondant de l'amendement.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 2, modifié.
(L'article 2 est adopté.)
Article 3
L'article L. 720-3 du code de commerce est ainsi rédigé :
« Art. L. 720-3 - L'observatoire départemental d'équipement commercial élabore un schéma de développement commercial.
« Les schémas adoptés ou révisés après l'entrée en vigueur de la loi n° du définissent des critères qualitatifs d'urbanisme et d'environnement.
« Un décret précise les modalités d'élaboration et de publicité, ainsi que le contenu du schéma départemental d'équipement commercial. »
Mme la présidente. L'amendement n° 23, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Dans le dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 720-3 du code de commerce, remplacer les mots :
départemental d'équipement
par les mots :
de développement
La parole est à M. le ministre.
M. Renaud Dutreil, ministre. Cet amendement, de pure forme, vise à harmoniser l'appellation des schémas de développement commercial résultant des travaux de l'observatoire départemental d'équipement commercial, tel que prévu par l'article L. 720-3 du code de commerce.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Fouché, rapporteur. La commission est favorable à cet amendement rédactionnel.
Mme la présidente. L'amendement n° 11, présenté par Mme Payet et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :
Compléter le dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 720-3 du code de commerce par une phrase ainsi rédigée :
Il présente des informations précises et détaillées sur la densité des petites, moyennes et grandes surfaces dans la zone déterminée, ainsi que sur l'impact des implantations déjà décidées en matière d'emploi.
La parole est à Mme Anne-Marie Payet.
Mme Anne-Marie Payet. Compte tenu du niveau et de la nature du chômage dans notre pays, tous les projets économiques soumis à des autorisations administratives doivent être jugés à partir de leurs conséquences sur le front de l'emploi. Il convient d'en faire un critère aussi pertinent que possible. Aussi la rédaction proposée entend-elle renforcer la portée du schéma de développement commercial en inscrivant dans la loi les éléments d'information essentiels qu'il doit fournir en ce domaine.
De même, le schéma de développement commercial doit pouvoir faire état de la densité des petites, moyennes et grandes surfaces dans la zone déterminée. Cet élément d'information justifie l'existence même de cette proposition de loi qui vise à garantir l'équilibre entre les différentes formes de commerce. Or, nulle part il n'est fait état de dispositions permettant, sinon de garantir cet équilibre, du moins d'en évaluer la réalité.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Fouché, rapporteur. Nous comprenons bien la logique de cet amendement. Toutefois, la mesure qu'il préconise se heurte à une réalité concrète, à savoir la difficulté d'élaboration des schémas de développement commercial.
Il convient de rappeler que, dans certains départements, le préfet n'arrive pas à réunir l'ODEC pour élaborer le schéma départemental ! Dans ces conditions, je crains qu'il ne soit pas très réaliste d'exiger que ce dernier contienne des données précises et détaillées sur la densité commerciale. Je rappelle que ces éléments seront de toute façon examinés par la commission d'équipement commercial, au vu des informations fournies par la direction de la concurrence et des prix, quand elle étudiera chaque demande d'autorisation.
Je prierai donc les auteurs de cet amendement de bien vouloir le retirer, car je crains qu'il n'alourdisse le dispositif plutôt qu'il ne le renforce. Il existe, par ailleurs, des garanties.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Renaud Dutreil, ministre. Le Gouvernement partage l'avis de la commission. Il considère en effet que, si le schéma est pris en considération lors de l'examen des demandes d'autorisation d'exploitation commerciale, il ne saurait se substituer à l'analyse de l'offre et de la demande prévue à l'article L. 520-2 du code de commerce.
Ainsi, les commissions d'équipement commercial statuent sur les projets en analysant notamment l'effet potentiel de la demande sur l'appareil commercial et artisanal de la zone de chalandise, en particulier sur la diversité des formes de commerce et sur l'emploi.
Dans ces conditions, il ne paraît pas nécessaire de renforcer la portée du schéma de développement commercial, qui a pour mission de définir des orientations sur une période pluriannuelle, alors que l'équilibre concurrentiel, qui est par définition instable, doit être apprécié et analysé chaque fois qu'une demande est déposée.
C'est la raison pour laquelle le Gouvernement demande le retrait de cet amendement.
Mme la présidente. Madame Payet, l'amendement n° 11 est-il maintenu ?
Mme Anne-Marie Payet. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 11 est retiré.
Je mets aux voix l'article 3, modifié.
(L'article 3 est adopté.)
Article 4
I - Le paragraphe I de l'article L. 720-5 du code de commerce est ainsi modifié :
1° Les deux premiers alinéas sont ainsi rédigés :
« I. - Sont soumis à une autorisation des commissions départementales d'équipement commercial les projets prévoyant une surface commerciale de superficie inférieure à 6 000 mètres carrés et ayant pour objet :
« 1° La création d'un magasin de commerce de détail d'une surface de vente supérieure à 300 mètres carrés, résultant soit d'une construction nouvelle, soit de la transformation d'un immeuble existant. Pour les pépiniéristes et horticulteurs, la surface considérée est celle qu'ils consacrent à la vente au détail de produits ne provenant pas de leur exploitation, dans des conditions fixées par décret.
2° La première phrase du onzième alinéa (8°) est ainsi rédigée :
« 8° Tout changement de secteur d'activité d'un commerce d'une surface de vente supérieure à 1 000 mètres carrés. »
3° Le douzième alinéa est ainsi rédigé :
« Lorsqu'il estime que la zone de chalandise des projets visés aux alinéas précédents dépasse le territoire du département, le préfet peut décider l'examen de la demande d'autorisation par la commission visée à l'article L. 720-5-1 ».
II. - Au IV de ce même article, les mots « ainsi que les parties du domaine public affecté aux gares ferroviaires » sont supprimés.
III. - Au VII de ce même article, la référence « II » est remplacée par la référence « I ».
Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Braye, sur l'article.
M. Dominique Braye. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous ne devons pas nous y tromper : au travers de la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui, sont en jeu non seulement un meilleur équilibre entre les différentes formes de commerce, mais également la vision que nous voulons avoir de la société. L'enjeu est donc véritablement sociétal.
Allons-nous laisser la grande distribution proliférer de façon sauvage autour de nos centres urbains, sacrifiant ainsi nos commerces dans les centres-villes et les zones rurales, ou devons-nous, au contraire, veiller à réguler cette grande distribution pour préserver l'animation et la vitalité dans ces lieux ?
Nous sommes tous convaincus, dans cet hémicycle, quelles que soient nos sensibilités, qu'il est urgent et vital de redresser la barre pour faire face à certaines dérives mettant en péril ce qu'il est convenu d'appeler le commerce de proximité ou le commerce traditionnel. Il en va non seulement de la vie de ces commerces mais aussi, voire surtout, de celle de nos quartiers, de nos villages et de nos villes.
M. Alain Fouché, rapporteur. C'est vrai !
M. Dominique Braye. Je veux donc féliciter chaleureusement l'auteur et rapporteur de la présente proposition de loi, Alain Fouché, qui a pris toute la mesure du déséquilibre entre ces différentes formes de commerce. En effet, au lieu d'être complémentaires, comme elles devraient l'être, elles sont devenues trop souvent antagonistes, et ce au détriment du commerce traditionnel, qui ne peut lutter à armes égales contre son adversaire, la grande distribution.
Les différentes avancées contenues dans ce texte abordent de façon pragmatique et quasi exhaustive l'ensemble des problèmes qui font aujourd'hui débat en matière d'équilibre entre le commerce traditionnel et la grande distribution, à savoir créer les conditions d'une concurrence effective et loyale, mais aussi prendre en compte les préoccupations liées à l'aménagement du territoire, à l'emploi ainsi qu'à l'environnement.
Reprenant les constats effectués par M. le rapporteur, je rappellerai qu'en 1993 la grande majorité des demandes d'autorisation déposées par les pétitionnaires concernaient des surfaces à dominante alimentaire. Aujourd'hui, elles ne représentent plus que 20 % des demandes, tout simplement parce que la grande distribution a déjà fait son travail dans ce secteur !
Un mouvement de bascule s'est donc opéré et les demandes des grandes surfaces spécialisées dans le secteur non alimentaire sont devenues largement dominantes, puisqu'elles représentent aujourd'hui 80 % des demandes. Nous assistons ainsi à une offensive en règle des grandes et moyennes surfaces spécialisées, qui risque de détruire l'essentiel des commerces de proximité exerçant dans les mêmes secteurs d'activité.
M. Alain Fouché, rapporteur. C'est très vrai !
M. Dominique Braye. Voilà pourquoi il importe de répondre concrètement et rapidement à ce nouveau phénomène commercial par des mesures volontaristes. J'aurai l'occasion de revenir sur ce sujet lorsque que je présenterai l'amendement n° 19, qui vise les moyennes surfaces, le plus souvent spécialisées.
La grande distribution, mes chers collègues, a déjà détruit une grande partie du commerce traditionnel de bouche et vidé nos centres urbains et nos campagnes de nombre de commerces traditionnels : boucheries, petites surfaces alimentaires, charcuteries, magasins de fruits et légumes ! Qui a encore une crémerie dans sa ville ? Bref, c'était autant de commerces qui contribuaient activement à l'animation, à la vitalité et à 1'attractivité des centres-villes et des campagnes.
En s'attaquant maintenant à de nouveaux secteurs d'activité susceptibles de s'implanter dans le centre des villes et des villages, la grande distribution risque fort, nous le savons bien, de faire péricliter et disparaître à leur tour les commerces de proximité spécialisés. Cela équivaudrait, à plus ou moins long terme, à la fin totale du commerce traditionnel.
Le risque est grand de voir ainsi nos centres urbains devenir le champ clos des seules agences bancaires, d'assurance ou d'intérim, sans oublier les fast food et autres chiches-kébabs !
Le constat est donc clair : il est urgent de réagir. La responsabilité des élus nationaux que nous sommes est aujourd'hui fortement engagée face à ce nouveau défi qui est avant tout un problème de déséquilibre en termes d'aménagement du territoire. Certes, beaucoup de retard a été pris pour corriger ce déséquilibre, mais mieux vaut tard que jamais, à condition que nous ayons la volonté d'agir rapidement et justement.
Notre éminent collègue Alain Fouché a largement souligné cette urgence et cette nécessité de réagir fortement. Nous avons trop longtemps laissé faire la grande distribution. Pour autant, ses responsables ne sont pas fautifs ; ils ont agi en entrepreneurs actifs et efficaces, sur un terrain où nous les avons laissés totalement libres.
La faute en incombe donc à ceux qui ont laissé faire. Le résultat est que, de tous les pays de l'Union européenne, la France est aujourd'hui celui qui possède la plus grande superficie de grandes et moyennes surfaces par habitant.
Par ailleurs, nous devons être prudents. En effet, si la grande distribution crée indubitablement des emplois - beaucoup d'emplois ! - peu de statistiques établissent le lien entre le nombre d'emplois qu'elle crée de façon immédiate, à l'ouverture d'un magasin, et le nombre d'emplois qu'elle détruit, à terme, dans le commerce traditionnel.
Certaines études évaluent à trois ou à quatre le nombre d'emplois détruits dans le commerce traditionnel pour un emploi créé dans la grande distribution. Ces chiffres peuvent être contestés, mais il n'en demeure pas moins que toutes les études s'accordent sur un point : le solde net en termes d'emplois est toujours négatif !
Ce point, dans le contexte actuel de mobilisation nationale en faveur de l'emploi, donne certainement à réfléchir. Il nous faut donc, de toute urgence, agir sur le frein de la création de nouvelles moyennes et grandes surfaces. Tel est l'esprit de ce texte.
Evidemment, l'un des meilleurs leviers pour actionner ce frein est de durcir le régime de création de nouvelles surfaces. Cependant, si nombre de dossiers de pétitionnaires sont refusés par les commissions d'équipement commercial, ces derniers ont bien compris que notre système législatif comportait des failles dans lesquelles ils ont déjà prévu de s'engouffrer.
Monsieur le rapporteur, c'est sur ces failles, au nombre desquelles figure le transfert, que nous devons agir. En effet, si nous voulons que le nouveau dispositif d'équilibre élaboré aujourd'hui soit pleinement efficace, il nous faut être vigilants et ne laisser apparaître aucune faille qui puisse être exploitée dans un sens contraire à l'esprit de cet excellent texte. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 24, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Dans le premier alinéa du texte proposé par le 1° du I de cet article pour les deux premiers alinéas du I de l'article L. 720-5 du code de commerce, remplacer les mots :
prévoyant une surface commerciale de superficie inférieure à 6000 mètres carrés
par les mots :
autres que ceux relevant de la compétence de la commission visée à l'article L. 720-5-1
La parole est à M. le ministre.
M. Renaud Dutreil, ministre. Il convient d'éviter qu'un projet relève à la fois de la compétence d'une commission départementale et d'une commission interdépartementale d'équipement commercial, et que ces deux commissions soient conduites l'une après l'autre à examiner le même projet.
Or, tel qu'il est rédigé, le texte de la commission des affaires économiques n'exclut pas une telle hypothèse.
Je prends l'exemple d'un projet d'extension de 3 000 mètres carrés d'un magasin actuellement exploité sur 4 000 mètres carrés. Ce projet relève indubitablement de la compétence de la commission interdépartementale d'équipement commercial, puisque l'extension de plus de 1 000 mètres carrés donne un magasin de plus de 6 000 mètres carrés. Mais il pourrait également relever de la compétence de la commission départementale d'équipement commercial, puisque le projet prévoit 3 000 mètres carrés de surface commerciale supplémentaires, soit une surface inférieure à 6 000 mètres carrés.
Le présent amendement vise à lever toute ambiguïté en ce qui concerne la commission saisie.
Mme la présidente. L'amendement n° 4 rectifié bis, présenté par MM. Alduy, Girod et Cornu, est ainsi libellé :
Dans le premier alinéa du I du texte proposé par le 1° du I de cet article pour modifier l'article L. 720-5 du code de commerce, remplacer le chiffre :
6 000
par le chiffre :
10 000
La parole est à M. Paul Girod.
M. Paul Girod. Je suis probablement à contre-courant, mais je pense, avec d'autres, que tout ce qui est excessif est probablement mal fondé. C'est la raison pour laquelle, avec un certain nombre de collègues, j'ai déposé cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Fouché, rapporteur. En présentant l'amendement n° 24, le Gouvernement souhaite lever toute ambiguïté. L'élément qu'il introduit me paraît être déjà contenu dans le texte, mais la précision n'est peut-être pas inutile. En conséquence, la commission émet un avis favorable.
Quant à l'amendement n° 4 rectifié bis, je ne peux être d'accord avec la proposition de M. Girod, qui vise à relever à 10 000 mètres carrés le seuil de compétence des commissions interdépartementales.
Il faut rappeler qu'avec le seuil de 6 000 mètres carrés - cela a été évalué - moins d'une centaine de projets devraient relever, chaque année, en France, des commissions interdépartementales d'équipement commercial, ce qui n'est pas énorme. Avec un seuil de 10 000 mètres carrés, le dispositif serait véritablement marginalisé.
En outre, ce seuil de 6 000 mètres carrés est déjà connu dans le cadre de l'enquête publique qui est conduite à l'heure actuelle. Si nous relevons le seuil à 10 000 mètres carrés, nous vidons le dispositif d'une grande partie de sa portée. Or nous savons que, souvent, un projet de 6 000 à 7 000 mètres carrés a bien un caractère interdépartemental.
Je demande donc à M. Girod de bien vouloir retirer son amendement.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Cornu, pour explication de vote.
M. Gérard Cornu. Je voudrais réagir aux propos de M. le rapporteur.
Votre texte, monsieur Fouché, dans sa philosophie générale, témoigne d'une rigueur accrue et d'un souci de simplification. Personnellement, j'approuve tout à fait votre méthode. Vous avez eu raison d'être animé à la fois de ce souci de simplification et de rigueur décidée au plus près du terrain par les élus locaux.
Vous avez voulu renforcer globalement le rôle du département. Or, curieusement, on le constate à la lecture de cet article comme à celle de l'article suivant, avec la création de cette commission interdépartementale, le département sur lequel pourrait s'implanter une grande surface est partiellement dessaisi.
Pour ma part, il me paraît quelque peu dangereux de partager ce pouvoir. Le seuil de 6 000 mètres carrés est peut-être un peu trop bas. C'est la raison pour laquelle, avec MM. Alduy et Girod, il nous a paru plus prudent de réserver à cette commission interdépartementale les gros dossiers.
M. Paul Girod. Très bien !
M. Gérard Cornu. Notre amendement vise à fixer le seuil à 10 000 mètres carrés, mais peut-être pourrions-nous nous entendre avec vous sur un autre seuil, monsieur le rapporteur.
Cela étant, je suis gêné que cet amendement soit en discussion commune avec l'amendement n° 24 du Gouvernement, car les deux ne sont pas incompatibles. Si l'amendement du Gouvernement était adopté, le nôtre pourrait peut-être lui tenir lieu de sous-amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Renaud Dutreil, ministre. Je n'ai rien contre une modification de mon amendement dans le sens proposé par M. Cornu, et je pourrais fort bien accepter de remplacer le seuil de 6 000 mètres carrés par celui de 10 000 mètres carrés
Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Braye, pour explication de vote.
M. Dominique Braye. Je voudrais attirer l'attention d'un certain nombre de mes collègues sur le problème des commissions interdépartementales.
J'ai l'impression que la sphère d'action de tous mes collègues qui se sont exprimés ce soir doit se situer au milieu de leur département. La mienne, au contraire, se situe dans une zone départementale frontalière.
Dans mon agglomération, un projet bien inférieur à 6 000 mètres carrés peut suffire à déséquilibrer le commerce local.
Il est quelque peu incohérent que l'on sollicite l'avis des élus de deux départements pour l'implantation d'une structure dont la zone d'influence est manifestement non pas le département concerné, mais le département voisin, qui sera davantage touché. Seuls les élus de la zone de chalandise, c'est-à-dire de la zone d'influence du commerce en question, devraient pouvoir se prononcer dans les CIEC. J'aimerais savoir qui prend l'initiative de la formation de ces commissions interdépartementales. Est-ce le préfet ? Ces commissions sont-elles de droit ?
M. Alain Fouché, rapporteur. Monsieur Braye, me permettez-vous de vous interrompre ?
M. Dominique Braye. Je vous en prie.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur, avec l'autorisation de l'orateur.
M. Alain Fouché, rapporteur. La commission interdépartementale est mise en place par le préfet du département. Les départements concernés ne sont en rien dessaisis puisque leurs représentants y siègent, au côté de ceux de la commission départementale d'équipement commercial. Ce ne peut être plus clair.
Mme la présidente. Veuillez poursuivre, monsieur Dominique Braye.
M. Dominique Braye. Je souhaite pouvoir me prononcer sur l'implantation d'une surface commerciale qui, bien qu'étant envisagée dans le département limitrophe du mien, ne s'en trouverait pas moins à deux kilomètres de chez moi. Les personnes habitant mon département, mais situées à cinquante kilomètres du lieu d'implantation envisagé, ne sont manifestement pas concernées par le projet en question.
Soyons pragmatiques : il faut considérer la zone de chalandise. Nous reconnaissons tous que les limites départementales, dans un grand nombre de cas, ne sont pas cohérentes - je pense notamment aux établissements publics de coopération intercommunale, les EPCI. Aussi, ne nous arrêtons pas à ces limites. C'est manifestement un combat d'arrière-garde ! Considérons les zones d'influence des projets. C'est bien plus cohérent et bien plus pertinent.
M. Paul Girod. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Fouché, rapporteur. Je m'en tiens à la surface de 6 000 mètres carrés. Notre collègue Dominique Braye s'en est très bien expliqué : un certain nombre d'installations sont situées à la limite d'un département, tout près du département limitrophe. Par ailleurs, la zone d'influence d'un magasin d'une surface de 6 000 mètres carrés dépasse les limites de son département d'implantation. Il ne serait donc pas cohérent de retenir le seuil de 10 000 mètres carrés.
Mme la présidente. Peut-être cette discussion aurait-elle pu avoir lieu en commission !
M. Dominique Braye. Elle a eu lieu, et la commission a tranché ! Moi, je m'en tiens à la position de la commission !
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Cornu.
M. Gérard Cornu. Ce texte tend à renforcer le pouvoir du président du conseil général : il est normal qu'un parlementaire puisse s'exprimer en séance ! Cela étant, je n'en suis pas moins solidaire de la commission.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Renaud Dutreil, ministre. Il faut clarifier le débat. Nous sommes en présence de deux questions distinctes : l'une est posée par l'amendement du Gouvernement ; l'autre, très différente, porte sur la surface à partir de laquelle la commission interdépartementale est saisie, et cette question a fait l'objet des échanges précédents.
Mme la présidente. La parole est à M. Paul Girod, pour explication de vote.
M. Paul Girod. Je maintiens que le chiffre de 6 000 mètres carrés est aberrant, parce que trop restreint. Il en résultera des blocages.
Je comprends bien les arguments de notre ami Dominique Braye. Cependant, il est élu d'une région dont l'urbanisation est continue. Le problème est bien différent dans 95 % des départements français. Par conséquent, je maintiens mon amendement, qui n'aura d'ailleurs probablement plus d'objet si l'amendement du Gouvernement est adopté. Cela dit, nous verrons bien ce qu'il en adviendra par la suite.
Mme la présidente. En conséquence, l'amendement n° 4 rectifié bis n'a plus d'objet.
Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 9, présenté par M. Girod, est ainsi libellé :
Supprimer le 2° du I de cet article.
La parole est à M. Paul Girod.
M. Paul Girod. Je souhaiterais que la commission me donne une explication. Dans son esprit, le texte qu'elle a soumis à l'examen du Sénat prévoit-il qu'un changement d'enseigne dans le même secteur d'activité - par exemple, Adidas remplaçant Décathlon - sera soumis à autorisation ? Si la réponse est négative et si seul un changement de secteur d'activité est soumis à autorisation, je retirerai mon amendement. Mais je voudrais être sûr qu'un magasin de 2 000 mètres carrés qui voudrait changer d'enseigne tout en restant dans le même secteur d'activité n'aura pas besoin d'une autorisation.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Fouché, rapporteur. Je vous confirme qu'une telle autorisation n'est pas nécessaire. C'est ainsi qu'il en a été décidé.
M. Paul Girod. Dans ces conditions, je retire mon amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 9 est retiré.
L'amendement n° 19, présenté par MM. Braye, Beaumont, César, Texier, Huré, Grillot, Doublet, Gerbaud, Ginoux, Houel, Bailly et Gruillot, Mmes Gousseau et Lamure, est ainsi libellé :
Dans le texte proposé par le 2° du I de cet article pour la première phrase du onzième alinéa (8°) de l'article L.720-5 du code de commerce, remplacer le nombre :
1000
par le nombre :
300
La parole est à M. Dominique Braye.
M. Dominique Braye. Cet amendement vise à faire passer de 1 000 à 300 mètres carrés le seuil de surface de vente au-delà duquel une autorisation de la commission d'équipement commercial compétente est requise en cas de changement de secteur d'activité du commerce. Je vois mon collègue Paul Girod soupirer à l'écoute de mes propos. Mais je suis aussi libéral que lui, à condition qu'il n'en résulte pas des catastrophes !
M. Jean Desessard. Ah !
M. Dominique Braye. Le commerce de centre-ville est actuellement, dans notre pays, dans un état absolument catastrophique. Les centres-villes ne sont plus animés. On n'y trouve plus que des agences bancaires, des agences d'intérim, etc.
Nous avons le devoir, pour autant qu'on accorde de l'importance à l'animation des centres-villes, de faire des propositions. Si les élus veulent que certaines activités s'implantent en centre-ville, ils doivent pouvoir le dire, et ils en seront comptables vis-à-vis de leurs électeurs. C'est pourquoi je souhaite que le seuil à compter duquel une autorisation d'exploitation commerciale est requise en cas de changement de secteur d'activité soit abaissé à 300 mètres carrés.
En effet, la grande distribution, sachant qu'elle va être quelque peu bridée s'agissant des créations de surfaces commerciales, peut utiliser les transferts pour parvenir à ses fins : elle sollicite une autorisation pour créer un magasin de 1 000 mètres carrés dans un certain secteur d'activité, et l'obtient ; quatre mois plus tard, le magasin en question change d'activité, activité pour laquelle les élus n'auraient pas donné leur accord si on le leur avait demandé ! Tout cela est possible puisque, dès lors que l'autorisation a été accordée pour une surface commerciale, il peut y avoir changement de secteur d'activité. C'est ce qui va se passer !
Tous les élus de ma commune s'accordent à vouloir implanter des activités culturelles dans notre centre-ville, que nous avons réussi à grand-peine à préserver des grands groupes. Quand nous avons posé comme condition à l'implantation d'un multiplexe que celle-ci se fasse en centre-ville, il nous a été répondu que ce n'était absolument pas possible. Devant notre refus de tout autre lieu d'implantation, ses promoteurs, subitement, sont revenus sur leur décision.
Actuellement, une surface d'équipement de la personne est en train de se transformer en surface culturelle. Or nous estimons que la culture peut participer à l'animation des centres-villes, et nous nous opposons donc au projet. Comme l'autorisation en CDEC n'a pas été accordée, les promoteurs du projet, pour obtenir satisfaction, effectuent un transfert d'activité, contre la volonté unanimement exprimée par les élus, lesquels souhaitent avoir leur mot à dire dans l'aménagement du territoire communal. Et ce sont vers les élus que se retournent les électeurs et les habitants pour se plaindre.
Je demande donc que les modalités d'un transfert soient identiques à celles d'une création, en abaissant de 1 000 à 300 mètres carrés le seuil au-delà duquel tout changement de secteur d'activité - par exemple, le passage de l'équipement de la personne à la culture - est soumis à l'autorisation de la CDEC. Les élus doivent pouvoir se prononcer.
Cet amendement, qui a été présenté à la commission, n'a rencontré l'opposition d'aucun de ses membres. Si certains se sont abstenus « positivement », les membres de la majorité sénatoriale l'ont unanimement approuvé.
M. Jean Desessard. Nous vous trouvons très bien, monsieur Braye, quand vous n'êtes pas libéral ! (Sourires.)
M. Bernard Dussaut. Pour une fois, nous sommes d'accord avec vous !
Mme la présidente. L'amendement n° 20 rectifié, présenté par MM. Braye, Beaumont, César, Texier, Huré, Grillot, Doublet, Gerbaud, Ginoux, Houel, Bailly et Gruillot, Mmes Gousseau et Lamure et M. Bizet, est ainsi libellé :
Le 2° du I de cet article est ainsi rédigé :
2° Le onzième alinéa (8°) est ainsi rédigé :
« 8° tout changement de secteur d'activité d'un commerce d'une surface de vente supérieure à 1 000 mètres carrés. Ce seuil est ramené à 300 mètres carrés lorsque l'activité nouvelle du magasin est à prédominance alimentaire ou concerne les secteurs d'activité de la culture, des loisirs, du jouet, de l'habillement et de l'équipement de la personne ».
La parole est à M. Dominique Braye.
M. Dominique Braye. C'est un amendement de repli pour le cas où le précédent amendement ne serait pas adopté.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Fouché, rapporteur. Nos collègues auteurs de l'amendement veulent aller plus loin que la commission s'agissant du seuil au-delà duquel le passage en CDEC est obligatoire en cas de changement d'activité.
Je partage la philosophie de cet amendement. Il amplifie la modification proposée par la commission. Toutefois, cet abaissement général du seuil actuel de 2 000 mètres carrés à 300 mètres carrés me paraît difficile à atteindre d'un coup. C'est pourquoi l'amendement de repli me paraît intéressant.
Je demande donc à M. Braye de retirer l'amendement n° 19 au profit de l'amendement n° 20 rectifié, pour lequel la commission émet un avis favorable, sous réserve de quelques petites modifications rédactionnelles.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Renaud Dutreil, ministre. Le Gouvernement est très sensible au problème qu'a évoqué M. Braye, à savoir l'éviction des centres-villes d'un certain nombre de commerces de détail, voire d'artisans, notamment dans le secteur du commerce de bouche, qui abandonnent certains secteurs, chassés de leurs emplacements habituels en raison de l'augmentation des prix des fonds de commerce. On sait bien quelles activités les remplacent : la plupart du temps, ce sont des succursales de grands réseaux du secteur des services - je mets à part les chiches-kébabs contre lesquels je n'ai aucun préjugé.
M. Dominique Braye. Moi non plus !
M. Renaud Dutreil, ministre. En revanche, je ne suis pas convaincu que la solution visée à l'amendement n° 19 soit la bonne. Je vous propose, monsieur le sénateur, ainsi que je l'ai indiqué hier au cours de la discussion que nous avons eue sur la réforme de la loi Galland, que nous puissions travailler à de nouveaux modes d'intervention sur le tissu foncier affecté au commerce dans nos centres-villes. Diverses propositions sont actuellement formulées : quoique intéressantes, elles posent des problèmes juridiques délicats. Par exemple, l'une d'entre elles consiste à autoriser un maire à user d'un droit de préemption lors de la cession de fonds de commerce afin de remettre ces derniers sur le marché. Ce droit s'exercerait en vertu d'un objectif d'intérêt général, à savoir la diversité commerciale.
Cela implique qu'il y ait des modes d'intervention sur le foncier et qu'il puisse être fait usage de la puissance publique -c'est le droit de préemption - lorsque cette diversité commerciale est en cause.
Différentes solutions sont possibles, sur lesquelles je vous propose de travailler afin que nous puissions y revenir lors d'une lecture ultérieure de ce texte, comme je l'ai indiqué hier et dans la discussion générale, tout à l'heure.
En ce qui concerne l'amendement n° 19, je considère que ramener le seuil de 2 000 mètres carrés à 300 mètres carrés, c'est alourdir la procédure d'autorisation d'exploitation commerciale et nuire à la réactivité que nous attendons des professionnels et qui est indispensable face aux évolutions économiques.
Je préfère donc l'amendement n° 20 rectifié, sur lequel le Gouvernement s'en remettra à la sagesse du Sénat.
Toutefois, monsieur Braye, toujours pour aller dans votre sens et essayer de répondre à vos préoccupations, je propose de définir les secteurs d'activités de façon plus pertinente afin qu'ils soient mieux circonscrits.
Ainsi, par voie réglementaire, nous pourrions faire passer de trois à six le nombre de secteurs d'activités. Ces six secteurs seraient les suivants : le commerce à prédominance alimentaire, les activités liées à l'automobile, l'équipement du foyer, l'équipement de la personne, les activités ayant trait à la culture, au sport et aux loisirs, et, enfin, les autres activités commerciales.
Cette mesure permettrait de mieux prendre en compte les spécificités des activités liées à la culture, aux loisirs, aux jouets, à l'habillement, à l'équipement de la personne. Cette segmentation plus fine permettrait d'atteindre l'objectif tout à fait légitime que vous visez, monsieur le sénateur.
C'est la raison pour laquelle je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement n° 19 ; de mon côté, je m'en remets à la sagesse du Sénat sur l'amendement n° 20 rectifié.
Mme la présidente. Monsieur Braye, l'amendement n° 19 est-il maintenu ?
M. Dominique Braye. Je retire cet amendement.
Je voudrais simplement indiquer qu'en termes de réactivité de la grande distribution, monsieur le ministre, nous n'avons rien à enseigner aux moyennes ou aux grandes surfaces, mais qu'en revanche celles-ci ont beaucoup à nous apprendre !
En tant que maire, j'ai été, malheureusement, le champion de la CDEC du département des Yvelines. C'est donc un sujet qui m'est familier. Je connais tous les grands groupes ainsi que leur manière de fonctionner. A ce titre, je peux vous affirmer que votre incitation à user de notre droit de préempter sera manifestement très insuffisante.
Les grandes surfaces ont développé des concepts qui sont adaptés aux périphéries des villes. Elles ont bien compris que, de toute façon, le client réagit toujours de la même façon : pour des raisons de stationnement ou autres, il va à la facilité et préfère se rendre en périphérie des centres urbains, tout en reprochant à ses élus d'être responsables de la disparition du commerce et de l'animation en centre-ville alors qu'il en est le principal acteur. Mais, de grâce, ne favorisons pas justement cette dualité au niveau de l'habitant. Faisons en sorte que la ville soit agréable et animée.
Dans le domaine de la culture, l'ensemble des grands groupes travaillent uniquement sur un concept de périphérie parce qu'ils savent que cela va fonctionner. Ils ne veulent pas se donner la peine de travailler sur un concept de centre-ville parce que c'est plus compliqué et qu'ils préfèrent privilégier la rentabilité plutôt que la difficulté, c'est-à-dire l'animation des centres-villes, malgré tous les discours rassurants qu'ils font aux élus.
Mme la présidente. L'amendement n° 19 est retiré.
La parole est à M. Paul Girod, contre l'amendement n° 20 rectifié.
M. Paul Girod. J'entends bien le raisonnement de notre ami Dominique Braye, dont je connais le tempérament fougueux. Par conséquent, je ne me formaliserai pas de certains mots qu'il a eus tout à l'heure à mon égard.
Cela étant dit, je ne suis pas de ceux qui encouragent la chasse à la grande surface par principe. La grande distribution a aussi ses qualités. C'est pourquoi je ne comprends pas très bien le double discours qui consiste à dire qu'il faut faire progresser le pouvoir d'achat en exerçant une pression sur les prix tout en encourageant la chasse à la grande surface, ainsi qu'on est en train de le faire dans cet hémicycle. Par conséquent, il me paraît nécessaire de nuancer les discours des deux côtés.
J'ai d'ailleurs relevé dans les exposés des motifs des amendements certains éléments un peu étonnants. A ma connaissance, les magasins du type FNAC sont spécifiquement implantés en centre-ville pour des raisons que tout le monde connaît et qui répondent à des préoccupations assez proches de celles que vous mettez en avant, monsieur Braye.
Si je prends la parole contre l'amendement n° 20 rectifié, c'est d'ailleurs à cause de l'exposé des motifs qui y figure. On peut en effet y lire ceci : « L'autorisation d'exploitation commerciale pour un changement de secteur d'activité ou d'enseigne... ». La même idée est d'ailleurs contenue dans l'exposé des motifs de l'amendement n° 19 qui vient d'être retiré. J'ai demandé tout à l'heure à M. le rapporteur si les changements d'enseigne étaient exclus de son dispositif, et il m'a répondu par l'affirmative. Or nous nous apprêtons peut-être à adopter un amendement dans lequel le changement d'enseigne réapparaît par le biais de l'exposé des motifs.
Je ne peux absolument pas m'associer à cette démarche. C'est pourquoi j'ai pris la parole contre l'amendement, me réservant la possibilité d'intervenir pour explication de vote après la réponse de M. le rapporteur.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Fouché, rapporteur. Monsieur Girod, soyons clairs, le mot « enseigne » ne figure pas dans l'amendement,...
M. Paul Girod. Il est dans l'exposé des motifs !
M. Alain Fouché, rapporteur. ... pas plus que ne s'y trouve de chasse aux grandes surfaces. Il est demandé plus de rigueur.
La commission est tout à fait favorable à cet amendement n° 20 rectifié, sous réserve d'une modification de cohérence qui porterait essentiellement sur la rédaction du texte proposé pour le onzième alinéa (8°) de l'article L.720-5 du code de commerce, lequel se lirait ainsi : « Tout changement de secteur d'activité d'un commerce d'une surface de vente supérieure à 1 000 mètres carrés. Ce seuil est ramené à 300 mètres carrés lorsque l'activité nouvelle du magasin est à prédominance alimentaire ou concerne les secteurs d'activités de la culture, des loisirs, du jouet, de l'habillement, de l'équipement de la personne et du secteur de l'automobile ». Cela rejoint d'ailleurs le propos que tenait tout à l'heure M. le ministre.
Mme la présidente. Monsieur Braye, que pensez-vous de la suggestion de M. le rapporteur ?
M. Dominique Braye. Je l'accepte, madame la présidente, et je rectifie mon amendement en ce sens.
Mme la présidente. Je suis donc saisie d'un amendement n° 20 rectifié bis, présenté par MM. Braye, Beaumont, César, Texier, Huré, Grillot, Doublet, Gerbaud, Ginoux, Houel, Bailly et Gruillot, Mmes Gousseau et Lamure et M. Bizet, et ainsi libellé :
Le 2° du I de cet article est ainsi rédigé :
2° Le onzième alinéa (8°) est ainsi rédigé :
« Tout changement de secteur d'activité d'un commerce d'une surface de vente supérieure à 1 000 mètres carrés. Ce seuil est ramené à 300 mètres carrés lorsque l'activité nouvelle du magasin est à prédominance alimentaire ou concerne les secteurs d'activités de la culture, des loisirs, du jouet, de l'habillement, de l'équipement de la personne et du secteur de l'automobile ».
La parole est à M. Paul Girod, pour explication de vote.
M. Paul Girod. Je ne voterai pas cet amendement qui aurait selon moi pour conséquence de freiner un certain nombre d'évolutions. Cela étant dit, je prends acte du fait que M. le rapporteur a bien confirmé qu'il n'était nullement question de viser les changements d'enseigne. Pour moi, c'est extrêmement important.
Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Braye, pour explication de vote.
M. Dominique Braye. Je voudrais rappeler à mon excellent collègue et ami M. Girod qu'il n'est nullement question d'empêcher. Il s'agit simplement de permettre aux élus de se prononcer. L'amendement ne concerne que les secteurs d'activités. Les élus pourront se prononcer, c'est-à-dire que, en cas de changement de secteur d'activité, cela passera en commission départementale d'équipement commercial.
Je tiens à préciser que cet amendement n'ouvre nullement une chasse à la grande surface. J'ai bien dit, lors de mon intervention sur l'article 4, que les responsables des grandes surfaces avaient fait leur travail et s'étaient comportés comme des entrepreneurs actifs et performants, tandis que certains responsables avaient laissé le champ libre et permis que l'on fasse tout et n'importe quoi sur notre territoire.
Ce n'est pas Paul Girod qui pourra me contredire s'il fait le parallèle entre la ville qu'il a connue il y a simplement quinze ans et celle d'aujourd'hui, ou les villes, villages et centres de villages tels que nous les connaissons actuellement. Connaît-il aujourd'hui beaucoup de centres de villages où existent une crèmerie, une quincaillerie ou encore une boucherie ? Tous ces commerces de bouche participaient à l'animation et à la qualité de vie des centres-villes. C'est vraiment un problème de société auquel nous sommes confrontés.
Ce n'est pas une guerre à la grande distribution, c'est tout simplement un plaidoyer très fort en faveur d'un équilibre entre la grande distribution, dont la France est le champion au niveau européen, et d'autres modes de consommation que l'on peut retrouver dans d'autres pays. Chaque fois qu'ils se rendent à l'étranger, nos collègues trouvent qu'il y fait bon vivre. Peut-être faut-il se demander pourquoi on est moins bien chez nous et pourquoi on vit quelquefois mieux dans les centres-villes étrangers. Eh bien, l'animation et le commerce participent au moins à 80 % à la qualité de vie dans les centres-villes !
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Renaud Dutreil, ministre. Je veux préciser, comme l'a indiqué Paul Girod voilà un instant, que l'amendement n° 20 rectifié bis porte bien sur les changements de secteur d'activité, à l'exclusion des changements d'enseigne.
Mme la présidente. L'amendement n° 25, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi le II de cet article :
II. Le IV du même article est ainsi rédigé :
« IV. - Ne sont pas soumis à autorisation d'exploitation commerciale :
« - les halles et marchés d'approvisionnement au détail, couverts ou non, établis sur les dépendances du domaine public et dont la création est décidée par le conseil municipal ;
« - les parties du domaine public affecté aux gares ferroviaires dont la surface de vente globale des magasins de commerce de détail n'excède pas 1 000 mètres carrés ;
« - les magasins accessibles aux seuls voyageurs munis de billets et situés dans l'enceinte des aéroports. ».
La parole est à M. le ministre.
M. Renaud Dutreil, ministre. Cet amendement vise à conserver le régime dérogatoire applicable aux halles et marchés, ainsi qu'aux commerces implantés dans les gares ferroviaires.
Ainsi, tout commerce de vente au détail ou ensemble commercial implanté dans une gare n'est pas soumis à autorisation préalable d'exploitation commerciale. Cette disposition permet de prendre en compte la spécificité du commerce de gare où la clientèle est une clientèle de passage, tout en maintenant un régime d'autorisation pour les magasins ou les centres commerciaux disposant d'une surface de vente imposante.
Il est proposé de dispenser d'autorisation d'exploitation les commerces des aéroports accessibles aux seuls voyageurs munis de billet. Ces commerces, en raison de leur implantation et de leur clientèle spécifiques, sont en effet en concurrence non pas avec des commerces locaux, mais avec ceux des autres aéroports internationaux.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Fouché, rapporteur. Cet amendement contient trois éléments : les deux premiers me semblent négatifs et le troisième plus positif.
Premièrement, il a pour objet de dispenser tous les marchés et halles, quelle qu'en soit la taille, du passage devant la commission départementale d'équipement commercial. Il est à mon sens préférable d'en rester au droit existant qui ne prévoit cette dérogation que pour les halles et marchés dont la surface est inférieure à 1 000 mètres carrés, ce qui est déjà important.
Deuxièmement, l'amendement rétablit la dérogation pour les commerces de gare dont la surface globale n'excède pas 1 000 mètres carrés.
Comme je l'ai expliqué tout à l'heure, de grands projets concernent les gares. Nous souhaitons que le voyageur puisse faire quelques achats dans les petits commerces de gare, mais qu'il fasse l'essentiel de ses courses en arrivant chez lui. Il y a trop de magasins dans les gares, et des magasins trop grands. Si la clientèle de passage y fait ses courses, elle ne les fera plus sur son lieu d'habitation. Je rejoins ainsi le souci d'animation des centres-villes qu'a exprimé Dominique Braye.
Enfin, troisièmement, cet amendement prévoit une dérogation pour les zones des aéroports accessibles aux seuls voyageurs munis de billets, ce qui exclut naturellement les commerces non compris dans cette zone. Cette disposition paraît intéressante.
La commission serait donc favorable à cet amendement sous réserve qu'il soit rectifié afin de ne conserver que ce troisième aspect, en abandonnant, monsieur le ministre, les deux premiers.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Renaud Dutreil, ministre. Le Gouvernement maintient son amendement.
Je rappelle que le premier alinéa porte sur des halles et des marchés d'approvisionnement au détail qui sont créés sur l'initiative du conseil municipal. Il s'agit donc bien d'un projet public.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Fouché, rapporteur. Défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Braye, pour explication de vote.
M. Dominique Braye. Je comprends tout à fait le point de vue de M. le rapporteur, puisque nous partageons, comme il l'a rappelé, la même philosophie. Mais mon souci est que les élus prennent toutes leurs responsabilités dans l'aménagement du territoire et qu'ils les assument.
La création des halles et marchés d'approvisionnement relève de la décision du conseil municipal. Nous avons tous dans nos communes des marchés couverts qui ont été autorisés par le conseil municipal. Il est difficile de s'opposer au fait qu'ils ne soient pas soumis à l'autorisation de la commission départementale d'équipement commercial, la CDEC. De toute façon, cette procédure serait redondante, étant donné que la CDEC rendrait systématiquement une décision favorable puisqu'on trouve essentiellement en son sein des petits commerçants. Ainsi, le représentant de la chambre de métiers se déclarerait favorable, tout comme le représentant de la chambre de commerce et d'industrie ou le représentant de la ville concernée.
On pourrait donc éviter à cette commission de se réunir pour se prononcer sur des projets que le conseil municipal a d'ores et déjà souhaité voir émerger.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Fouché, rapporteur. Je parlais pour ma part du droit en vigueur, monsieur Braye. Mais si vous souhaitez qu'il en aille différemment s'agissant des halles construites par les municipalités, je suis d'accord pour vous suivre. Il faudrait alors que M. le ministre accepte de rectifier l'amendement n° 25.
M. Jean Desessard. Vous allez ajouter que, s'il y a une crèmerie, vous êtes d'accord ? (Sourires.)
Mme la présidente. Monsieur le ministre, rectifiez-vous l'amendement n°25 ?
M. Renaud Dutreil, ministre. Je remercie M. le rapporteur de sa suggestion, mais je préfère maintenir cet amendement dans sa rédaction initiale.
M. Alain Fouché, rapporteur. Madame la présidente, je demande une suspension de séance de cinq minutes.
Mme la présidente. Nous allons donc interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures, est reprise à dix-huit heures cinq.)
M. Renaud Dutreil, ministre. Madame la présidente, je rectifie l'amendement n° 25 en supprimant le quatrième alinéa du texte proposé pour le II de l'article 4 : « les parties du domaine public affecté aux gares ferroviaires dont la surface de vente globale des magasins de commerce de détail n'excède pas 1 000 carrés, ».
Mme la présidente. Je suis donc saisie d'un amendement n° 25 rectifié, présenté par le Gouvernement, et ainsi libellé :
Rédiger ainsi le II de cet article :
II. Le IV du même article est ainsi rédigé :
« IV. - Ne sont pas soumis à autorisation d'exploitation commerciale :
« - les halles et marchés d'approvisionnement au détail, couverts ou non, établis sur les dépendances du domaine public et dont la création est décidée par le conseil municipal ;
« - les magasins accessibles aux seuls voyageurs munis de billets et situés dans l'enceinte des aéroports. ».
Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Fouché, rapporteur. Favorable.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 4, modifié.
(L'article 4 est adopté.)
Article 5
Après l'article L. 720-5 du code de commerce, il est inséré un article L. 720-5-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 720-5-1. - I. - Outre ceux visés au douzième alinéa du I de l'article L. 720-5, sont soumis à une autorisation des commissions interdépartementales d'équipement commercial les projets ayant pour objet :
« 1° La création d'un magasin de commerce de détail d'une surface de vente supérieure ou égale à 6 000 mètres carrés, résultant soit d'une construction nouvelle, soit de la transformation d'un immeuble existant ;
« 2° L'extension de la surface de vente d'un magasin de commerce de détail ayant déjà atteint le seuil des 6 000 mètres carrés ou devant le dépasser par la réalisation du projet, à condition que cette extension soit supérieure à 1 000 mètres carrés. Est considérée comme une extension l'utilisation supplémentaire de tout espace couvert ou non, fixe ou mobile, et qui n'entrerait pas dans le cadre de l'article L. 310-2 ;
« 3° La création ou l'extension d'un ensemble commercial tel que défini à l'article L. 720-6 d'une surface de vente totale supérieure ou égale à 6 000 mètres carrés ou devant dépasser ce seuil par la réalisation du projet, à condition que cette extension soit supérieure à 1 000 mètres carrés ;
« 4° La réutilisation à usage de commerce de détail d'une surface de vente supérieure ou égale à 6 000 mètres carrés libérée à la suite d'une autorisation de création de magasin par transfert d'activités existantes, quelle que soit la date à laquelle a été autorisé ce transfert ;
« 5° La réouverture au public, sur le même emplacement, d'un magasin de commerce de détail d'une surface de vente supérieure ou égale à 6 000 mètres carrés dont les locaux ont cessé d'être exploités pendant deux ans, ce délai ne courant, en cas de procédure de redressement judiciaire de l'exploitant, que du jour où le propriétaire a recouvré la pleine et entière disposition des locaux ;
« 6° Tout changement de secteur d'activité d'un commerce dont le projet porte sur une surface de vente supérieure ou égale à 6 000 mètres carrés.
« II. - L'autorisation d'exploitation commerciale doit être délivrée préalablement à l'octroi du permis de construire s'il y a lieu, ou avant la réalisation du projet si le permis de construire n'est pas exigé.
« Elle est accordée par mètre carré de surface de vente.
« Une nouvelle demande est nécessaire lorsque le projet, en cours d'instruction ou dans sa réalisation, subit des modifications substantielles dans la nature du commerce ou des surfaces de vente. Il en est de même en cas de modification de la ou des enseignes désignées par le pétitionnaire.
« L'autorisation préalable requise pour la création de magasins de commerce de détail n'est ni cessible ni transmissible. »
Mme la présidente. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 5 rectifié, présenté par MM. Alduy et Girod, est ainsi libellé :
Dans le 1° (deuxième alinéa), 2° (troisième alinéa), 3° (quatrième alinéa), 4° (cinquième alinéa), 5° (sixième alinéa), 6° (septième alinéa) du I du texte proposé par cet article pour l'article L. 720-5-1 du code de commerce, remplacer le chiffre :
6 000
par le chiffre :
10 000
La parole est à M. Paul Girod.
M. Paul Girod. Il n'est pas nécessaire de réussir pour persévérer. Je maintiens donc mon appel au bon sens.
Mme la présidente. L'amendement n° 17, présenté par Mme Payet et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :
Dans le deuxième alinéa (1°) du I du texte proposé par cet article pour l'article L. 720-5-1 du code de commerce, remplacer les mots :
à 6 000 mètres carrés
par les mots :
à 4 500 mètres carrés
II - En conséquence, procéder à la même modification dans les 2°, 3°, 4°, 5° et 6° du I du même texte.
La parole est à Mme Anne-Marie Payet.
Mme Anne-Marie Payet. Cet amendement est à l'opposé du précédent.
Dans sa version initiale, la proposition de loi retenait le seuil de 4 500 mètres carrés. Cette superficie répond mieux au souci de garantir l'équilibre entre les différentes formes de commerce. Alors que la France dispose déjà du plus vaste réseau de grandes surfaces, il convient de s'interroger sur l'intérêt que représenterait le développement en nombre de projets incluant une surface supérieure à 6 000 mètres carrés ; un tel développement risque en effet d'amplifier le déséquilibre actuel.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Fouché, rapporteur. L'amendement n° 5 rectifié est un texte de cohérence par rapport à l'amendement n° 4 rectifié. La commission demande donc à ses auteurs de bien vouloir le retirer.
L'amendement n° 17 tend à abaisser à 4 500 mètres carrés le seuil nécessaire au passage devant la commission interdépartementale d'équipement commercial. Je partageais également cette idée au début de nos travaux, puis j'ai légèrement changé d'opinion.
En effet, dans une grande ville, des projets reposant sur une surface de 4 500 mètres carrés peuvent n'intéresser que le département d'implantation et non d'autres départements. Comment le préfet pourra-t-il alors déterminer le département susceptible d'être associé à l'examen de ce dossier dans le cadre d'une commission intercommunale d'équipement commercial ?
C'est la raison pour laquelle la commission des affaires économiques a retenu un seuil de 6 000 mètres carrés tout en prévoyant, je le rappelle, la possibilité pour le préfet de renvoyer le dossier en commission interdépartementale d'équipement commercial, quelle que soit la surface commerciale en cause, s'il juge que ce dossier possède une dimension intercommunale.
Cette disposition donnant satisfaction sur le fond aux auteurs de cet amendement, la commission leur demande donc de bien vouloir le retirer au profit du dispositif préconisé par la commission.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Renaud Dutreil, ministre. S'agissant de l'amendement n° 5 rectifié, le Gouvernement, dans un souci de cohérence, s'en remet à la sagesse du Sénat.
Par voie de conséquence, il demande à Mme Payet de bien vouloir retirer l'amendement n° 17.
Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Braye, pour explication de vote sur l'amendement n° 5 rectifié.
M. Dominique Braye. Je souhaite féliciter M. le rapporteur qui a manifesté, là encore, son souci de l'équilibre, attesté par ces deux amendements !
Je suis certain que le Sénat, dans sa sagesse, choisira une voie moyenne, qu'il est d'ailleurs difficile de trouver...
Je voterai pour ma part contre ces amendements.
Mme la présidente. Madame Payet, l'amendement n° 17 est-il maintenu ?
Mme Anne-Marie Payet. Non, madame la présidente, je le retire.
Mme la présidente. L'amendement n° 17 est retiré.
Je mets aux voix l'article 5.
(L'article 5 est adopté.)
Article 6
Le II de l'article L. 720-6 du code de commerce est supprimé.
Mme la présidente. L'amendement n° 26, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. le ministre.
M. Renaud Dutreil, ministre. L'article L. 720-6 II du code de commerce prévoit actuellement un régime dérogatoire à l'application de la notion d'ensemble commercial pour les commerces de détail implantés dans une zone d'aménagement concerté, une ZAC, créée dans un centre urbain.
L'article 6 vise à supprimer ce régime dérogatoire. Or cette disposition est destinée à ne pas pénaliser des opérations de restructuration commerciale ou de revitalisation des centres-villes au profit du commerce indépendant de proximité. C'est pourquoi cet apport de la loi en vigueur doit être conservé.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Fouché, rapporteur. La commission s'est interrogée sur le bien fondé de la dérogation accordée aux règles d'assimilation à un ensemble commercial dans les ZAC, non pas tant sur le fond que s'agissant de ses modalités concrètes. En effet, cette dérogation s'applique en fonction de la définition par le maire du centre urbain.
Or la circulaire du 16 janvier 1997 a permis des définitions très larges - parfois trop - du centre urbain, qui ont conduit à des abus, en l'occurrence au fait que des projets importants ne passent plus en CDEC.
Le Gouvernement, qui n'a pas été convaincu par cet argument, propose de rétablir cette dérogation. La commission, quant à elle, s'en tenant à sa position initiale, s'est prononcée contre cet amendement.
Toutefois, compte tenu des explications fournies par M. le ministre et si celui-ci peut s'engager à examiner en détail les conditions d'application de la circulaire du 16 janvier 1997 afin de prévenir les abus constatés dans certaines ZAC, je suis prêt à émettre à titre personnel un avis favorable sur cet amendement. J'aurais d'ailleurs défendu cette position devant la commission si j'avais disposé des éléments d'information que M. le ministre vient de nous communiquer.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Renaud Dutreil, ministre. Le Gouvernement s'engage bien entendu à ce que la circulaire du 16 janvier 1997 fasse l'objet d'un examen attentif et d'une évaluation, afin que les éventuels abus commis sur la base de cette dernière soient supprimés.
Mme la présidente. En conséquence, l'article 6 est supprimé.
Article 7
I. Après l'article L. 720-6 du code de commerce, il est inséré un article L. 720-6-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 720-6-1. - Les agents habilités à rechercher et constater les infractions aux articles L.720-5 et L. 720-5-1 en vertu de l'article 9 de la loi n° 89-1008 du 31 décembre 1989, constatant l'exploitation illicite d'une surface de vente ou d'un établissement hôtelier au regard des dispositions prévues au présent titre, établissent un rapport qu'ils transmettent au préfet du département d'implantation du magasin ou de l'établissement hôtelier.
« Le préfet peut mettre en demeure l'exploitant concerné de ramener sa surface commerciale ou le nombre de chambres à l'autorisation d'exploitation commerciale accordée par la commission d'équipement commercial compétente, dans un délai d'un mois. Sans préjudice de l'application de sanctions pénales, il peut à défaut prendre un arrêté ordonnant, dans le délai de 15 jours, la fermeture au public des surfaces de vente ou chambres exploitées illicitement, jusqu'à régularisation effective. Ces mesures sont assorties d'une astreinte journalière de 150 euros.
« Est puni d'une amende de 15 000 euros le fait de ne pas exécuter les mesures prises par le préfet et prévues à l'alinéa précédent. Les personnes morales peuvent être déclarées responsables pénalement, dans les conditions prévues par l'article 121-2 du code pénal. La peine encourue par les personnes morales est l'amende suivant les modalités prévues par l'article 131-38 du code pénal.
« Les modalités d'application du présent article sont déterminées par décret en Conseil d'Etat. »
II. En conséquence :
1° Le début du premier alinéa de l'article 9 de la loi n° 89-1008 du 31 décembre 1989 est ainsi rédigé :
« Les infractions aux dispositions des articles L. 310-1 à L. 310-4, L. 720-5 et L. 720-5-1 du code de commerce et aux textes pris pour leur application et celles définies à l'article L. 121-15 du code de la consommation... (le reste sans changement) ».
2° Au deuxième alinéa (1°) de l'article L. 121-15 du code de la consommation, la référence « L. 720-5-1, » est ajoutée après la référence « L. 720-5, ».
Mme la présidente. L'amendement n° 27, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit les deux dernières phrases du deuxième alinéa du texte proposé par le I de cet article pour insérer un article L. 720-6-1 dans le code de commerce.
A l'expiration de ce délai, il peut prendre un arrêté ordonnant, dans le délai de 15 jours, la fermeture au public des surfaces de vente ou chambres exploitées illicitement, jusqu'à régularisation effective. Ces mesures sont assorties d'une astreinte de 50 euros par jour et par mètre carré ou par chambre exploitée illicitement.
La parole est à M. le ministre.
M. Renaud Dutreil, ministre. L'exploitation de surfaces commerciales non autorisées constitue, nous le savons, un acte de concurrence déloyale à l'égard des commerçants qui ont respecté les obligations en matière d'autorisation d'équipement commercial. Il est donc légitime de sanctionner de tels abus.
Toutefois, le Gouvernement n'est pas persuadé que la création de sanctions pénales dont notre droit économique regorge déjà permette de répondre de manière adaptée à de telles situations.
En effet, une réaction rapide assortie de sanctions financières lourdes, dissuasives semble plus appropriée. Dans ces conditions, le Gouvernement souhaite relever fortement le niveau de l'astreinte qui pourrait être prononcée par le préfet dans de telles circonstances : au lieu de 150 euros par jour et par magasin concerné, il propose une astreinte de 50 euros par jour et par mètre carré ou par chambre exploitée illicite.
En faisant disparaître l'intérêt financier de l'exploitation illicite, les préfets auront ainsi à leur disposition, pour rétablir l'ordre économique, un dispositif d'usage simple mais ô combien plus efficace.
Je voudrais toutefois, dans un souci de lisibilité, rectifier cet amendement afin que les termes : « dans le délai de quinze jours » soient déplacés après les mots : « la fermeture au public ».
Mme la présidente. Je suis donc saisie d'un amendement n° 27 rectifié, présenté par le Gouvernement, et ainsi libellé :
Rédiger comme suit les deux dernières phrases du deuxième alinéa du texte proposé par le I de cet article pour insérer un article L. 720-6-1 dans le code de commerce.
A l'expiration de ce délai, il peut prendre un arrêté ordonnant la fermeture au public, dans le délai de 15 jours, des surfaces de vente ou chambres exploitées illicitement, jusqu'à régularisation effective. Ces mesures sont assorties d'une astreinte de 50 euros par jour et par mètre carré ou par chambre exploitée illicitement.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Fouché, rapporteur. Actuellement, le dispositif pénal est inopérant : les plaintes sont en effet bloquées par les parquets en attendant l'accord des commissions départementales d'équipement commercial.
La commission a donc proposé un dispositif de sanctions administratives. Souhaitant que ces sanctions aient une portée réelle, elle est favorable à cet amendement qui les rend plus efficaces et plus simples.
Mme la présidente. L'amendement n° 28, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Supprimer le troisième alinéa du texte proposé par le I de cet article pour insérer un article L. 720-6-1 dans le code de commerce.
La parole est à M. le ministre.
M. Renaud Dutreil, ministre. Par coordination avec l'amendement n° 27 rectifié, il est proposé de supprimer l'amende pénale et les autres dispositions pénales de cet alinéa.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Fouché, rapporteur. Favorable.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 7, modifié.
(L'article 7 est adopté.)
Article 8
L'article L. 720-8 du code de commerce est ainsi rédigé :
« Art. L. 720-8. - I. - La commission départementale d'équipement commercial est présidée par le préfet ou par son représentant qui, sans prendre part au vote, informe la commission sur le schéma de développement commercial mentionné à l'article L. 720-3.
« II. - Dans les départements autres que Paris, elle est composée :
« 1° Des quatre élus suivants :
« a) Le maire de la commune d'implantation ou un élu le représentant ;
« b) Le président de l'établissement public de coopération intercommunale compétent en matière d'aménagement de l'espace et de développement dont est membre la commune d'implantation ou un élu le représentant ou, à défaut, le conseiller général du canton d'implantation.
« c) Le maire de la commune la plus peuplée de l'arrondissement autre que la commune d'implantation, ou un élu le représentant. En dehors des départements des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis, du Val-de-Marne et des communes de l'Essonne, du Val-d'Oise, des Yvelines et de Seine-et-Marne appartenant à l'agglomération parisienne, dans le cas où la commune d'implantation appartient à une agglomération multicommunale comportant au moins cinq communes, celui-ci est désigné parmi les maires de cette agglomération ;
« d) Le président du conseil général ou un élu le représentant , qui ne doit pas être élu dans l'arrondissement d'implantation ni, le cas échéant, sur le territoire de l'établissement public de coopération intercommunale concerné.
« 2° Des trois personnalités suivantes :
« a) Le président de la chambre de commerce et d'industrie dont la circonscription territoriale comprend la commune d'implantation, ou son représentant ;
« b) Le président de la chambre de métiers et de l'artisanat dont la circonscription territoriale comprend la commune d'implantation, ou son représentant ;
« c) Un représentant des associations de consommateurs du département, désigné par le préfet.
« III. - A Paris, elle est composée :
« 1° Des quatre élus suivants :
« a) Le Maire de Paris ou un élu le représentant ;
« b) Le maire de l'arrondissement du lieu d'implantation ou un élu le représentant ;
« c) Un conseiller d'arrondissement, en charge du commerce, désigné par le conseil de Paris ;
« d) Un conseiller d'arrondissement, en charge de l'urbanisme, désigné par le conseil de Paris. »
« 2° Des trois personnalités suivantes :
« a) Le président de la chambre de commerce et d'industrie de Paris ou son représentant ;
« b) Le président de la chambre de métiers et de l'artisanat de Paris ou son représentant ;
« c) Un représentant des associations de consommateurs du département, désigné par le préfet.
« IV. - Le représentant des associations de consommateurs mentionné au c) des paragraphes II et III bénéficie d'un droit à une formation spécifique.
« V. - Tout membre de la commission départementale d'équipement commercial doit informer le préfet des intérêts qu'il détient et de la fonction qu'il exerce dans une activité économique.
« Aucun membre de la commission ne peut délibérer dans une affaire où il a un intérêt personnel et direct, s'il représente ou a représenté une des parties intéressées ou s'il a été salarié de l'entreprise concernée ou d'une entreprise concurrente.
« VI. - Les responsables des services déconcentrés de l'Etat chargés de l'équipement, de la concurrence, de la consommation et de l'emploi assistent aux séances.
« L'instruction des demandes d'autorisation est faite par ces services.
« VII. - Dans la région d'Ile-de-France, un représentant du préfet de région assiste aux séances.
« VIII. - Les modalités d'application du présent article sont définies par décret en Conseil d'Etat.
« Celui-ci précise les conditions du droit à la formation défini au IV, les règles d'instruction et de procédure devant la commission ainsi que les possibilités de procédure simplifiée.
« Il précise également les modalités de désignation des membres de la commission. »
Mme la présidente. L'amendement n° 6 rectifié bis, présenté par MM. Alduy, Girod et Cornu, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le 1° du II du texte proposé par cet article pour l'article L. 720-8 du code de commerce :
« 1° Des quatre élus suivants :
« a) Le maire de la commune d'implantation ou son représentant choisi parmi les élus ;
« b) Le président de l'organisme chargé de l'élaboration du schéma de cohérence territoriale, ou à défaut le président du Conseil général ou son représentant choisi parmi les élus, qui ne doivent pas être élus conseillers généraux dans l'arrondissement d'implantation et dans l'éventuelle intercommunalité concernée.
« c) Le président de l'établissement public de coopération intercommunale compétent en matière d'aménagement de l'espace et de développement dont est membre la commune d'implantation ou leurs représentants choisis parmi les élus ou, à défaut, le conseiller général du canton d'implantation.
« d) Le maire de la commune la plus peuplée de l'arrondissement, autre que la commune d'implantation ou son représentant choisi parmi les élus ; en dehors des départements des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis, du Val-de-Marne et des communes de l'Essonne, du Val-d'Oise, des Yvelines et de Seine-et-Marne appartenant à l'agglomération parisienne, dans le cas où la commune d'implantation appartient à une agglomération multicommunale comportant au moins cinq communes, le maire de la commune la plus peuplée ou son représentant choisi parmi les élus est désigné parmi les maires de ladite agglomération. »
La parole est à M. Paul Girod.
M. Paul Girod. Cet amendement vise à ce que le responsable du SCOT, le schéma de cohérence territoriale, siège parmi les élus composant cette commission. Cela serait d'ailleurs cohérent avec les objectifs de la proposition de loi.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Fouché, rapporteur. La commission a jugé utile d'ajouter à la vision indispensable des élus locaux les plus proches du terrain, c'est-à-dire les maires les plus concernés, le regard du conseil général dont je disais tout à l'heure qu'il a une compétence pour l'aménagement du territoire.
Hier, lors de l'examen des amendements en commission, notre collègue M. Alduy estimait que les conseils généraux n'ont pas de compétence économique. Entre nous, chacun sait qu'aujourd'hui, comme depuis toujours, les conseils généraux exercent un certain nombre de compétences économiques. C'est ainsi que les ateliers-relais sont de la compétence non des conseils régionaux, mais des conseils généraux. Les compétences sont donc transversales.
La commission ne partage pas le point de vue des auteurs de l'amendement, car les conseils généraux s'impliquent vraiment dans la réalité et dans le développement économique.
En outre, la modification apportée par cet amendement reviendrait à faire siéger bien souvent comme quatrième élu un représentant de la même zone géographique que les trois élus déjà prévus.
Hier, en commission, notre collègue estimait que le président du SCOT a plus de légitimité pour siéger dans la commission départementale d'équipement commercial dans la mesure où sa présence permettrait une dépolitisation de cette instance.
Selon lui, les présidents des SCOT ne sont pas les principaux leaders politiques du territoire. J'ai demandé à voir la liste des présidents de SCOT en France. Je tiens cette liste, longue de plusieurs pages, à votre disposition. A titre d'exemple, le président du SCOT d'Evreux n'est autre que Jean-Louis Debré. On retrouve Martine Aubry à Lille, Gérard Collomb à Lyon et Georges Frêche à Montpellier. A la présidence, voire à la vice-présidence de quantité de SCOT, on trouve ainsi non des responsables politiques de second ordre, mais des élus du plus haut niveau.
La commission souhaite donc le retrait de cet amendement. A défaut, elle émettra un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Renaud Dutreil, ministre. Le Gouvernement est intéressé par cette suggestion. Il considère que les SCOT sont certainement un lieu dans lequel on prend en considération, d'une façon plus motivée, le développement économique et social du territoire concerné.
Mais faute d'avoir pu étudier la faisabilité pratique de cet amendement, il s'en remet à la sagesse du Sénat.
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Cornu, pour explication de vote.
M. Gérard Cornu. Cosignataire de cet amendement, j'essaie, dans le même esprit que tout à l'heure, d'appliquer le plus possible le principe de subsidiarité : après avoir défendu la compétence départementale pour les gros dossiers, je souligne que le SCOT est un espace de projets, une entité au sein de laquelle on peut réfléchir à la fois sur les transports, l'urbanisme, le logement et l'ensemble des équipements. Parce qu'il est un espace de projets, il arrive parfois, d'ailleurs, que le SCOT aille dans le sens de votre préoccupation et devienne interdépartemental.
Entendez bien que, dans notre proposition, le président de l'organisme chargé de l'élaboration du schéma de cohérence territoriale n'intervient que s'il y a un SCOT. A défaut, le département reprend son rôle plein au travers du président du conseil général.
Il serait dommage de se priver de notre proposition qui permettrait certainement de régler les problèmes au plus près du terrain, ce qui est toujours préférable.
Mme la présidente. La parole est à M. Paul Girod, pour explication de vote.
M. Paul Girod. Mon argumentation est la même que celle de notre collègue Gérard Cornu. Nous sommes en train d'essayer de faire travailler de concert, à l'échelon des pays, un certain nombre de communes qui, jusqu'ici, avaient tendance à s'ignorer les unes les autres. Notre but est de faire mieux reconnaître le rôle de la commune-centre par l'ensemble de la ruralité qui l'entoure ou par la partie suburbaine qui l'enserre.
Doit-on vraiment écarter le SCOT au motif qu'il arrive que son président soit, à l'instar de Jean-Louis Debré, une personnalité politique importante ? Dans 80 % des cas, le président du SCOT est un élu local qui essaie d'entraîner les autres dans une réflexion de projet quelquefois difficile dans laquelle la politique commerciale a un rôle majeur.
Très honnêtement, je ne vois pas pourquoi la commission veut absolument imposer le président du conseil général plutôt qu'une personne plus proche du terrain. S'il n'y a pas de président de SCOT, cette place revient au président du conseil général.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Fouché, rapporteur. Hier, en commission, j'ai entendu parler d'élus présidents de SCOT dépolitisés. Quand je consulte la liste, je vois que ce n'est pas tout à fait le cas.
Si on ajoute aux trois élus concernés par le projet le président du SCOT, on arrive à quatre élus sur le même terrain. Cela fait un politique supplémentaire sur le secteur.
Comme en a décidé la commission, je pense utile d'ajouter un point de vue départemental sans faire aucune référence au SCOT, et je maintiens la rédaction proposée.
M. Paul Girod. Et moi, je maintiens mon amendement !
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 6 rectifié bis.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. L'amendement n° 1, présenté par M. P. Dominati, est ainsi libellé :
I. - Dans le a) et le b) du III du texte proposé par cet article pour l'article L. 720-8 du code de commerce, remplacer les mots :
un élu le représentant
par les mots :
son représentant choisi parmi les élus
II. - Au début du c) et du d) du 1° du III du même texte,ajouter les mots :
Un conseiller de Paris ou
L'amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° 29, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. Supprimer le IV du texte proposé par cet article pour l'article L. 720-8 du code de commerce.
II. En conséquence, dans le deuxième alinéa du VIII du texte proposé par cet article pour l'article L. 720-8 du code de commerce, supprimer les mots :
les conditions du droit à la formation défini au IV,
La parole est à M. le ministre.
M. Renaud Dutreil, ministre. Cet amendement vise à supprimer la disposition selon laquelle le représentant des consommateurs au sein des commissions départementales bénéficie d'un droit à une formation spécifique.
Bien entendu, il ne s'agit pas, pour le Gouvernement, de contester la possibilité de bénéficier, pour les représentants des consommateurs au sein des CDEC, d'une formation leur permettant d'assurer leur mission dans de meilleures conditions. C'est d'ailleurs dans ce sens que des actions de formation ont déjà été réalisées dans un cadre conventionnel associant les associations de consommateurs et les services de l'Etat.
Cet amendement se justifie par le fait qu'un texte de nature législative n'est pas nécessaire pour asseoir ce droit.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Fouché, rapporteur. Le Gouvernement estime que la référence au droit à la formation des représentants des consommateurs est de niveau non législatif, mais réglementaire. Sans insister sur ce point, je dirai qu'il faut prévoir des formations.
La commission est défavorable à cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Paul Girod, pour explication de vote.
M. Paul Girod. Depuis des années, nous dénonçons, les uns et les autres, l'introduction dans les textes législatifs de dispositions réglementaires qui, quelquefois, sont d'ailleurs malheureusement mises en place par les parlementaires eux-mêmes. S'il arrive que le Gouvernement donne le mauvais exemple, dans le cas présent, ce n'est pas le cas. Je crois vraiment qu'il faut nous en tenir au domaine législatif.
Je me souviens qu'il nous est arrivé, alors que j'avais l'honneur de siéger au banc de la commission, de débattre dans cet hémicycle de la distance entre le bord d'une rivière et l'implantation de mélèzes ! Est-ce vraiment au Parlement d'en traiter ? Dans le cas présent, nous sommes clairement confrontés à une déviation du droit. Je ne voudrais pas nous exposer à des commentaires désagréables de la part du président du Conseil constitutionnel sur ce texte important par ailleurs, même si je suis en désaccord sur certains points.
Mme la présidente. L'amendement n° 30, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le premier alinéa du V du texte proposé par cet article pour l'article L. 720-8 du code de commerce :
Chaque membre de la commission départementale d'équipement commercial informe le préfet du département d'implantation du magasin des intérêts qu'il détient et de la fonction qu'il exerce dans une activité économique.
La parole est à M. le ministre.
M. Renaud Dutreil, ministre. Il s'agit d'un amendement rédactionnel visant à harmoniser le contenu de cet alinéa avec celui du premier alinéa du III de l'article 9 qui prévoit une disposition équivalente pour les membres de la commission interdépartementale d'équipement commercial, ou CIEC.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Fouché, rapporteur. Favorable.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 2, présenté par M. P. Dominati, est ainsi libellé :
Supprimer le VII du texte proposé par cet article pour l'article L.720-8 du code de commerce.
Cet amendement n'est pas soutenu.
Mme la présidente. Il s'agit donc de l'amendement n° 2 rectifié.
La parole est à M. le ministre, pour le défendre.
M. Renaud Dutreil, ministre. La présence du préfet de région d'Ile-de-France ou de son représentant permettait jusqu'alors de prendre en compte la spécificité du département de Paris et, plus généralement, de la région d'Ile-de-France en matière d'équipement commercial.
L'expérience montre, en effet, que l'impact d'un projet d'équipement commercial à Paris s'analyse, le plus souvent, à l'échelle de la région.
De fait, la zone de chalandise, lorsqu'elle concerne un projet parisien, émane fréquemment de départements franciliens. C'est d'ailleurs pour cette raison qu'il existe un observatoire d'équipement commercial d'Ile-de-France dont l'une des missions consiste à mettre au point un schéma récapitulatif de développement commercial de la région.
Pour autant, le 3° du I de l'article 4 introduit une mesure nouvelle qui permet, plus généralement et sur l'ensemble du territoire national, au préfet du département d'implantation de saisir la commission interdépartementale d'équipement commercial lorsqu'il considère que l'attrait commercial des projets dépasse le territoire du département d'implantation.
Dans ces conditions, le préfet de Paris pourra saisir la CIEC lorsqu'il estimera que la zone de chalandise concernée par les projets dépasse le territoire de Paris. Par ce biais, il sera possible d'appréhender l'impact de ces projets à un niveau adapté, et de les justifier.
Mme la présidente. L'amendement n° 3, présenté par M. P. Dominati, est ainsi libellé :
Dans le VII du texte proposé par cet article pour l'article L.720-8 du code de commerce, supprimer les mots :
Dans la région d' Ile-de-France
Cet amendement n'est pas soutenu.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 2rectifié ?
M. Alain Fouché, rapporteur. Notre collègue Philippe Dominati souhaitait supprimer la disposition spécifique à la région d'Ile-de-France. Permettez-moi de rappeler que, sur ce point, la commission a seulement repris le droit en vigueur. Toutefois elle est sensible aux arguments mettant en avant le caractère peu évident de l'intérêt de ce paragraphe.
La commission émet donc un avis favorable sur l'amendement n° 2 rectifié.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 8, modifié.
(L'article 8 est adopté.)
Article 9
I. Après l'article L. 720-8 du code du commerce, il est inséré un article L. 720-8-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 720-8-1 - I. - Saisie par le préfet du département d'implantation du magasin, la commission interdépartementale d'équipement commercial est présidée par celui-ci ou son représentant.
« II. - Elle est composée :
« 1° Des membres de la commission départementale d'équipement commercial du lieu d'implantation du magasin ;
« 2° Des représentants des départements dont le préfet du département d'implantation estime qu'ils sont concernés par le projet. Ces représentants sont au nombre de quatre pour chaque département concerné, selon la répartition suivante :
« a) Le président du conseil général ou un élu le représentant ;
« b) Un conseiller général désigné par le président du conseil général ;
« c) Le président de la chambre de commerce et d'industrie territorialement compétente ou son représentant ;
« d) Le président de la chambre de métiers et de l'artisanat territorialement compétente ou son représentant.
« III. - Chaque membre de la commission interdépartementale d'équipement commercial informe le préfet du département d'implantation du magasin des intérêts qu'il détient et de la fonction qu'il exerce dans une activité économique.
« Aucun membre de la commission ne peut délibérer dans une affaire où il a un intérêt personnel et direct, s'il représente ou a représenté une des parties intéressées ou s'il a été salarié de l'entreprise concernée ou d'une entreprise concurrente.
« IV. - Les conditions de désignation des membres de la commission et les modalités du fonctionnement de la commission sont fixées par décret en Conseil d'Etat. »
Mme la présidente. L'amendement n° 7 rectifié, présenté par MM. Alduy et Girod, est ainsi libellé :
I - Remplacer les deuxième (a) et troisième (b) alinéas du 2° du II du texte proposé par cet article pour l'article L.720-8-1 du code de commerce par un alinéa ainsi rédigé
« ...) Le président de l'organisme chargé de l'élaboration du schéma de cohérence territoriale concerné, ou à défaut le président du Conseil général ou son représentant choisi parmi les élus, qui ne doivent pas être élus conseillers généraux dans l'arrondissement d'implantation et dans l'éventuelle intercommunalité concernée ;
II - En conséquence, dans le premier alinéa du 2° du II du même texte, remplacer le mot :
quatre
par le mot :
trois
La parole est à M. Paul Girod.
M. Paul Girod. Cet amendement est défendu... sans illusion sur son sort !
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Fouché, rapporteur. Cet amendement s'inscrit dans la même logique que le précédent. La commission souhaite donc son retrait.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 9.
(L'article 9 est adopté.)
Article 10
L'article L. 720-9 du code de commerce est ainsi rédigé :
« Art. L. 720-9. - Les commissions d'équipement commercial autorisent les projets par un vote favorable :
« - de cinq membres dans les commissions départementales ;
« - de huit membres dans les commissions interdépartementales réunissant les représentants de deux départements ;
« - des deux tiers des membres dans les commissions interdépartementales réunissant les représentants de plus de deux départements.
« Le procès-verbal indique le sens du vote émis par chacun des membres de la commission. »
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 31, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le texte proposé par cet article pour l'article L. 720-9 du code de commerce :
« Art. L. 720-9 - Les commissions d'équipement commercial autorisent les projets par le vote favorable de plus de la moitié des membres présents.».
La parole est à M. le ministre.
M. Renaud Dutreil, ministre. La liberté et la volonté d'entreprendre sont les fondements des activités commerciales et artisanales. Il apparaît donc souhaitable - et c'est l'objet de cet amendement - que, lors du vote auquel procèdent les commissions d'équipement commercial, une autorisation soit acquise selon les modalités de droit commun, à savoir la majorité des membres présents, suivant une règle démocratique habituelle..
Cette solution plus simple permettrait également de lutter contre l'absentéisme parfois constaté dans certaines commissions : une absence équivalant, dans le système actuel, à un vote défavorable.
Concrètement, l'obligation d'obtenir une majorité de cinq voix sur sept pour la commission départementale d'équipement commercial, voire de deux tiers des membres d'une commission interdépartementale, rendrait plus difficile l'obtention d'un vote favorable alors que le Gouvernement recherche un fonctionnement plus harmonieux, faisant appel à davantage d'avis autorisés et pesés. En effet, la plupart des opérations seraient bloquées et devraient être évoquées devant la commission nationale, ce qui ne manquerait pas d'en provoquer l'engorgement.
Monsieur le rapporteur, le Gouvernement a déposé cet amendement pour montrer qu'une position commune entre les assemblées et lui-même devra être trouvée avant le dépôt du texte à l'Assemblée nationale, afin que les règles de quorum des commissions d'équipement commercial prennent en compte l'intérêt légitime de toutes les formes de commerce et facilitent un fonctionnement simple du dispositif.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Fouché, rapporteur. En tendant à fixer le seuil à la majorité simple des membres présents dans les commissions d'équipement commercial, le Gouvernement propose de ramener à quatre voix sur sept la majorité dans les commissions départementales et à six voix sur onze dans les commissions interdépartementales réunissant les représentants de deux départements. Cela signifie que tous les dossiers seraient acceptés plus facilement qu'aujourd'hui.
Permettez-moi de vous indiquer que, actuellement, 66 % des dossiers en matière alimentaire et 90 % des dossiers hors alimentaire sont déjà acceptés, et qu'il existe aussi des majorités qualifiées dans les démocraties.
L'amendement n° 31 ne correspond pas du tout à l'orientation retenue par la commission. Cette dernière ne peut donc émettre qu'un avis défavorable sur cet amendement, qui vise à faciliter l'obtention des autorisations d'équipement commercial.
La commission émet par conséquent un avis défavorable sur l'amendement n° 31.
Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Braye, pour explication de vote.
M. Dominique Braye. Je partage tout à fait l'avis de M. le rapporteur. Avec une majorité de quatre voix sur sept, et compte tenu du changement de composition de la commission départementale d'équipement commercial, tous les projets seraient quasiment sûrs d'être acceptés.
D'ailleurs, notre collègue ici présent Henri de Raincourt, président d'un conseil général, n'était pas très favorable, me semble-t-il, à l'introduction des représentants du conseil général dans les commissions, tel que cela a été proposé dans le texte.
Je le répète, compte tenu de la composition des commissions, tous les projets seraient acceptés.
Mme la présidente. L'amendement n° 8 rectifié, présenté par MM. Alduy et Girod, est ainsi libellé :
Dans le troisième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 720-9 du code de commerce, remplacer le mot :
huit
par le mot :
six
La parole est à M. Paul Girod.
M. Paul Girod. Je suis tout à fait navré de n'être en accord ni avec M. le rapporteur ni avec mon excellent collègue M. Braye. En effet, dans un pays de libre entreprise, on ne peut pas dire qu'une loi est faite pour interdire. Il faut tout de même se rappeler qu'il s'agit du fondement même du fonctionnement de nos sociétés. Or si j'entends bien, on n'érige des règles de majorité que pour aboutir à des interdictions. Excusez-moi, mais le libéral que je suis ne peut en aucun cas approuver a priori une position de ce genre.
Par ailleurs, depuis le début de cette discussion, j'entends des orateurs faire appel à la responsabilité des élus, au fait qu'il leur faut se pencher sur les dossiers, s'en occuper, prendre leurs responsabilités ; et au moment où est mise en place une disposition qui amènerait les élus à être effectivement présents, renseignés, décidés et à exercer pleinement leurs responsabilités, j'entends dire : « Non, dans ce cas-là, la majorité simple ne suffit pas, il faut aller plus loin parce qu'il faut pouvoir interdire ! »
Sur cette question, je suis de l'avis du Gouvernement. Il n'est en effet pas possible de continuer à brider en permanence le fonctionnement normal d'une assemblée d'élus, en ayant des visées d'interdiction.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Fouché, rapporteur. La commission émet un avis défavorable. Je rappellerai, à l'intention de notre collègue Paul Girod, que la loi est là pour protéger et équilibrer, et aussi pour protéger le commerce de proximité.
M. Paul Girod. Soyons sérieux ! Les élus sont des personnes responsables !
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 8 rectifié ?
Mme la présidente. Monsieur Girod, l'amendement n° 8 rectifié est-il maintenu ?
M. Paul Girod. Non, je le retire, madame la présidente. Je ne veux pas gêner le Gouvernement.
Mme la présidente. L'amendement n° 8 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 31.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas l'amendement.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 10.
(L'article 10 est adopté.)
Article 11
I. - Le début de la première phrase du premier alinéa de l'article L. 720-10 du code de commerce est ainsi rédigée :
« La commission d'équipement commercial compétente statue sur les demandes d'autorisation visées aux articles L. 720-5 et L. 720-5-1 dans un délai de quatre mois, à compter du dépôt... (le reste sans changement) ».
II. - Au deuxième alinéa du même article, le mot « départementale » est supprimé.
Mme la présidente. L'amendement n° 14, présenté par M. Texier, est ainsi libellé :
Après le I de cet article, insérer un paragraphe ainsi rédigé :
... - Au deuxième alinéa du même article, les mots : « dont l'un est élu » sont supprimés
La parole est à M. Yannick Texier.
M. Yannick Texier. Cet amendement tend à supprimer l'exigence de la présence d'un élu parmi les deux membres d'une commission introduisant un recours devant la commission nationale d'équipement commercial, la CNEC.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Fouché, rapporteur. Le droit en vigueur prévoit que les décisions des commissions d'équipement commercial peuvent faire l'objet d'un recours à la CNEC par demande de deux membres de la commission dont l'un est élu.
En supprimant l'exigence que l'un des membres soit élu, notre collègue propose de rendre plus facile le recours à la CNEC. Cela pose des questions concrètes en particulier celle de savoir si la CNEC est capable de traiter plus de dossiers qu'elle ne le fait aujourd'hui.
Toutefois, ne pouvant qu'être d'accord avec le principe de cet amendement, la commission émet un avis favorable, sachant qu'il faudra affiner ce point en deuxième lecture.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Renaud Dutreil, ministre. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
En effet, l'obligation de la présence d'un élu parmi les deux membres d'une commission locale d'équipement commercial déposant un recours devant la CNEC s'explique par la nécessité de s'assurer que le recours est bien inspiré par la défense de l'intérêt général et non pas seulement d'intérêts particuliers. En outre, il convient de se prémunir contre des actions contentieuses visant exclusivement à freiner un projet, le recours ayant en fait comme principal objectif de retarder le début des travaux correspondants.
Mme la présidente. L'amendement n° 32, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - Au quatrième alinéa de l'article L. 720-10 du code de commerce, le mot : « départementale » est supprimé.
La parole est à M. le ministre.
M. Renaud Dutreil, ministre. Cet amendement de pure forme vise à prendre en compte la création de la commission interdépartementale d'équipement commercial.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Fouché, rapporteur. La commission émet un avis favorable.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 11, modifié.
(L'article 11 est adopté.)
Article additionnel après l'article 11
Mme la présidente. L'amendement n° 13, présenté par M. Texier, est ainsi libellé :
Après l'article 11, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article L. 720-10 du code de commerce, Il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. L. ... - Les chambres consulaires et les organisations professionnelles concernées peuvent exercer toutes actions devant les juridictions administratives, civiles ou pénales en cas de non-respect de leurs engagements par les bénéficiaires de décisions des commissions d'équipement commercial. »
La parole est à M. Yannick Texier.
M. Yannick Texier. Il est nécessaire d'assurer un contrôle de l'exécution loyale des décisions des commissions d'équipement commercial. Les consommateurs et les professionnels n'ont pas les moyens de le faire.
Conférer cette mission aux organes institutionnellement chargés de défendre les ressortissants victimes de ces pratiques permet d'assurer l'effectivité des prescriptions des dispositions du code de commerce relatives à l'équipement commercial, en évitant parallèlement une mise en oeuvre inconsidérée de poursuites.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Fouché, rapporteur. Les sanctions pénales actuellement prévues pour réprimer les infractions aux autorisations accordées par les CDEC ne sont pas appliquées, ainsi que je l'ai expliqué. C'est pourquoi un nouveau dispositif de sanctions administratives me semblant répondre à la préoccupation de notre collègue a été adopté.
Dans la mesure où notre collège a satisfaction sur le fond, je lui demande de bien vouloir retirer son amendement pour soutenir la proposition faite précédemment.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Monsieur Texier, l'amendement n° 13 est-il maintenu ?
M. Yannick Texier. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 13 est retiré.
Article 12
I. - Les sept premiers alinéas de l'article L. 720-11 du code de commerce sont ainsi rédigés :
« I. - La Commission nationale d'équipement commercial comprend neuf membres nommés, pour une durée de six ans non renouvelable, par décret pris sur le rapport du ministre chargé du commerce. La commission est renouvelée par tiers tous les deux ans.
« II - Elle se compose de :
« 1° Trois personnalités désignées pour leur compétence en matière de distribution, de consommation, d'aménagement du territoire ou d'emploi par le président de l'Assemblée nationale, le président du Sénat et le président du Conseil économique et social ;
« 2° Trois personnalités qualifiées qui ne soient pas des agents publics, désignées par le ministre chargé du commerce, celui chargé de l'équipement et celui chargé de la consommation ;
« 3° Un membre du corps de l'inspection générale des finances désigné par le chef de ce service ;
« 4° Un membre du corps de l'inspection générale de l'équipement désigné par le chef de ce service ;
« 5° Un membre du corps de contrôle général économique et financier désigné par le chef de ce service. »
II. - Le huitième alinéa de cet article est ainsi rédigé :
« III. - Le président de la commission est choisi parmi ses membres par le ministre chargé du commerce. Il a voix prépondérante en cas de partage des voix. »
III. - Le dernier paragraphe de cet article (VII) est remplacé par les deux paragraphes suivants :
« VIII. - Le rapport annuel d'activité de la commission nationale d'équipement commercial est transmis au Parlement.
« IX. - Les modalités d'application du présent article sont déterminées par décret en Conseil d'Etat. »
IV. - En conséquence, les six derniers paragraphes de cet article sont numérotés de IV à IX.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 15 rectifié, présenté par MM. Texier, Cornu et Poniatowski, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le 1° et le 2° du II proposé par le I de cet article pour modifier l'article L. 720-11 du code de commerce :
« 1° Trois personnalités désignées pour leur compétence en matière de distribution, de consommation, d'aménagement du territoire ou d'emploi par le président du Conseil économique et social, le président de l'Assemblée des chambres françaises de commerce et d'industrie et le président de l'Assemblée permanente des chambres de métiers ;
« 2° Trois personnalités qualifiées désignées par le président de l'Assemblée nationale, le président du Sénat et le ministre chargé du commerce ; ».
La parole est à M. Yannick Texier.
M. Yannick Texier. Cet amendement vise à rééquilibrer la composition actuelle de la commission nationale d'équipement commercial pour prendre directement en considération l'expression des intérêts du commerce et de l'artisanat.
Il tend en outre à permettre de modifier la composition de la CNEC sans augmenter le nombre de ses membres.
Mme la présidente. L'amendement n° 18, présenté par Mme Payet et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :
Compléter le deuxième alinéa (1°) du II du texte proposé par cet article pour les sept premiers alinéas de l'article L. 720-11 du code de commerce par une phrase ainsi rédigée :
Ces nominations visent à établir une représentation équilibrée de toutes les formes de commerce.
La parole est à Mme Anne-Marie Payet.
Mme Anne-Marie Payet. Les changements institués par la présente proposition de loi doivent tenir compte des problèmes posés par la composition de la CNEC, telle qu'elle découle de la loi actuelle. Aujourd'hui, au sein de la CNEC, ne siègent que des représentants du grand commerce et de la grande distribution. Si une telle situation était amenée à se reproduire, c'est l'indépendance de la CNEC qui pourrait être remise en question, et par là même la légitimité de ses décisions.
Cet amendement vise à apporter une précision rédactionnelle qui permettrait, par la force de la loi, de prévenir cette éventualité.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Fouché, rapporteur. Après rectification, cet amendement tend à proposer une modification importante de la composition de la CNEC.
Je comprends la préoccupation de nos collègues, concernant la prise en compte des intérêts des chambres de commerce et d'industrie et des chambres de métiers au sein de la CNEC.
Toutefois, attribuer des sièges aux présidents de leurs instances nationales conduirait sans doute à susciter une demande symétrique de la part de la grande distribution. A terme, les différents points de vue se neutraliseraient, et le fonctionnement de la CNEC se trouverait alourdi, voire paralysé.
La commission avait demandé le retrait de cet amendement lorsqu'il lui avait été soumis dans sa version initiale. Elle n'a pu l'examiner depuis sa rectification, et je souhaiterais donc entendre l'avis du Gouvernement.
En ce qui concerne l'amendement n° 18, la commission y est favorable.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Renaud Dutreil, ministre. Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 15 rectifié.
En effet, la CNEC est une autorité administrative indépendante. Ses membres doivent assurer la mission qui leur est confiée en veillant exclusivement à la prise en compte de l'intérêt général et en évitant donc tout conflit d'intérêts, notamment au regard des activités qu'ils peuvent exercer ou avoir exercées.
Dans cette perspective, la nomination au sein de la CNEC des présidents de l'ACFCI, l'Assemblée des chambres françaises de commerce et d'industrie, et de l'APCM, l'Assemblée permanente des chambres de métiers, pourrait susciter pour ces personnalités elles-mêmes des difficultés non négligeables, en les plaçant dans des situations où elles risqueraient de se trouver en conflit avec des intérêts catégoriels ou avec ceux d'organismes consulaires locaux.
C'est la raison pour laquelle cette proposition ne me paraît pas devoir être adoptée.
En ce qui concerne l'amendement n° 18, le Gouvernement y est également défavorable.
En effet, la CNEC est composée de membres qui sont choisis à titre personnel, et non pas en fonction de leur représentativité de tel ou tel groupe de pression qui pourrait être intéressé aux décisions prises au sein de cette instance. Il faut donc bien conserver à la composition de la CNEC sa nature, en veillant à ce que ses membres ne soient pas désignés en fonction d'intérêts particuliers.
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Cornu, pour explication de vote sur l'amendement n° 15 rectifié.
M. Gérard Cornu. Je voudrais tout d'abord remercier M. le rapporteur de son ouverture d'esprit. Comme il l'a très justement indiqué, MM. Texier, Poniatowski et moi-même avons rectifié notre amendement parce qu'il nous a semblé que le texte présenté pouvait être amélioré.
Je regrette, dans ces conditions, que M. le ministre n'ait pas émis un avis favorable ou tout au moins ne s'en soit pas remis à la sagesse du Sénat, même si, finalement, je peux comprendre sa position à la lecture de la rédaction actuelle de l'article 12.
En effet, cet article prévoit que la CNEC se compose notamment de trois personnalités qualifiées qui ne sont pas des agents publics mais sont « désignées par le ministre chargé du commerce, celui chargé de l'équipement et celui chargé de la consommation ». Or, comme la consommation relève parfois du ministre chargé du commerce, ce dernier peut être amené à désigner deux membres de la CNEC. Il est donc normal que M. le ministre ne souhaite pas se faire hara-kiri en modifiant ce point !
De surcroît, il est prévu que la CNEC comprenne un membre du corps de l'inspection générale des finances, un membre du corps de l'inspection générale de l'équipement et un membre du corps de contrôle général économique et financier, chacun d'entre eux étant désigné par son chef de service.
M. Dominique Braye. Ils obéissent à leurs ministres !
M. Gérard Cornu. Bien sûr !
M. Gérard Cornu. Par conséquent, sur neuf membres de la CNEC, six seront désignés par les pouvoirs publics et leur devront obéissance.
Enfin, trois autres personnalités - que feront-elles dans cette galère, les pauvres ! - seront « désignées pour leur compétence en matière de distribution, de consommation, d'aménagement du territoire ou d'emploi par le président de l'Assemblée nationale, le président du Sénat et le président du Conseil économique et social ». Il est certain que ces trois membres-là sauront de quoi ils parlent, mais ils seront minoritaires, ce qui est tout de même un peu dommage.
A cet égard, comment peut-on exclure de la composition de la CNEC le président de l'Assemblée des chambres françaises de commerce et d'industrie et celui de l'Assemblée permanente des chambres de métiers ? Cela paraît quelque peu extraordinaire, alors que, comme l'a d'ailleurs montré l'examen du projet de loi en faveur des petites et moyennes entreprises que j'ai l'honneur de rapporter actuellement, les chambres de commerce et d'industrie et les chambres de métiers sont les représentants d'acteurs économiques essentiels.
Dans ces conditions, nous avons pensé qu'il était nécessaire de revoir notre amendement, dont la nouvelle rédaction vise à instaurer une composition équilibrée de la CNEC, de manière que les différents points de vue puissent y être défendus. M. le rapporteur a souvent souligné l'importance de cette notion d'équilibre.
Nous proposons donc que soient désignées, pour siéger au sein de la CNEC, trois personnalités choisies pour leur compétence en matière de distribution, de consommation, d'aménagement du territoire ou d'emploi par le président du Conseil économique et social, le président de l'Assemblée des chambres françaises de commerce et d'industrie et le président de l'Assemblée permanente des chambres de métiers. Ces trois personnes formeraient en quelque sorte un pôle économique.
Ensuite, trois autres membres constitueraient un pôle politique. Il s'agirait de personnalités qualifiées désignées par le président de l'Assemblée nationale, le président du Sénat et, cela va de soi, le ministre chargé du commerce.
Enfin, les trois derniers membres de la CNEC seraient des hauts fonctionnaires désignés par leur corps, car il s'agit non pas de tout changer, mais de rééquilibrer les choses.
Je vous remercie, monsieur le rapporteur, d'avoir sollicité l'avis du Gouvernement sur la version rectifiée de notre amendement, mais je ne suis pas sûr qu'il vous ait beaucoup éclairé ! Quoi qu'il en soit, j'espère, pour ma part, vous avoir apporté quelques lueurs supplémentaires !
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Renaud Dutreil, ministre. Je vais essayer d'éclairer un peu mieux M. Cornu, en lui rappelant qu'il faut bien distinguer deux concepts : la compétence des membres de la CNEC et leur impartialité. Les membres de la CNEC peuvent être choisis par un ministre pour leur compétence, mais, en tout état de cause, ils doivent se prononcer intuitu personae au sein de cette commission, c'est-à-dire en tant que personnes et non pas en tant que représentants de tel ou tel groupe économique ou institution.
M. Dominique Braye. Cela n'arrive jamais !
M. Renaud Dutreil, ministre. Au cas où cela pourrait arriver, je rappellerai maintenant les dispositions suivantes de l'actuel article L. 720-11 du code de commerce :
« III. Tout membre de la commission doit informer le président des intérêts qu'il détient et de la fonction qu'il exerce dans une activité économique.
« IV. Aucun membre de la commission ne peut délibérer dans une affaire où il a un intérêt personnel et direct ou s'il représente ou a représenté une des parties intéressées. »
Certes, encore faut-il, bien entendu, que ces prescriptions soient respectées, mais elles ont bien été inscrites dans le code de commerce, qui prévoit donc l'impartialité des membres de la CNEC, institution à part dans le dispositif d'autorisation en matière d'équipement commercial.
Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Braye, pour explication de vote.
M. Dominique Braye. Je remercie M. le ministre de nous avoir rappelé la teneur d'un texte que nous étions tout de même ici un certain nombre à connaître déjà. Cela étant, je ne sais pas s'il a souvent eu l'occasion de siéger à la CNEC ou de défendre des dossiers devant cette instance.
Certes, les membres de cette commission s'engagent par écrit à respecter les principes de désintéressement qui ont été évoqués. Néanmoins, ma connaissance du processus de traitement des dossiers par la CNEC m'amène à vous dire que certaines choses doivent manifestement être modifiées, la situation actuelle étant très loin d'être satisfaisante, pour le dire en termes mesurés...
En effet, pour avoir fréquenté cette noble institution à plusieurs reprises, je puis vous dire que le scénario est manifestement souvent écrit à l'avance. Je voterai donc, pour ma part, cet amendement, précisément parce qu'il tend à changer certaines choses.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Fouché, rapporteur. M. Cornu m'a davantage convaincu que M. le ministre. Par conséquent, à titre personnel, je m'en remets à la sagesse du Sénat.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Renaud Dutreil, ministre. Je voudrais, avec toutes les précautions d'usage, m'adresser à M. Braye pour défendre l'honorabilité des membres de la CNEC.
M. Dominique Braye. C'est votre rôle !
M. Renaud Dutreil, ministre. En effet !
Je rappellerai que les membres de la CNEC ne sont les représentants d'aucun intérêt particulier et qu'ils exercent leurs fonctions en leur nom personnel, avec l'intérêt général pour seul objectif. Je voudrais donc mettre en garde contre tout propos qui pourrait constituer une diffamation à leur encontre.
Mme la présidente. En conséquence, l'amendement n° 18 n'a plus d'objet.
L'amendement n° 33, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après le III de cet article, insérer un paragraphe ainsi rédigé :
... - Dans le V de l'article L. 720-11 du code de commerce, le mot : « départementale » est supprimé.
La parole est à M. le ministre.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Fouché, rapporteur. Favorable.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 12, modifié.
(L'article 12 est adopté.)
(M. Guy Fischer remplace Mme Michèle André au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. Guy Fischer
vice-président
Article additionnel après l'article 12
M. le président. L'amendement n° 16 rectifié, présenté par MM. Texier et Cornu, est ainsi libellé :
Après l'article 12, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article L. 720-11 du code de commerce, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. L. ... - Lorsque la Commission nationale d'équipement commercial infirme une décision de rejet qui lui est déférée, elle doit motiver explicitement sa décision par référence à chacun des motifs qui soutiennent celle de la commission départementale ou interdépartementale. »
La parole est à M. Yannick Texier.
M. Yannick Texier. Les motifs qui conduisent la CNEC à infirmer des décisions de refus d'autorisation doivent permettre de comprendre les raisons qui conduisent à une modification, à l'échelon national, d'une décision qui s'appuyait sur les éléments appréciés à l'échelon local.
Cet amendement a par conséquent pour objet d'imposer, en cas de recours devant la Commission nationale d'équipement commercial, que cette dernière, lorsqu'elle infirme une décision de rejet, motive explicitement sa décision, par référence aux motifs donnés par la commission départementale ou interdépartementale d'équipement commercial.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Fouché, rapporteur. Il s'agit d'imposer la motivation explicite des décisions de la CNEC.
Je comprends bien quel esprit sous-tend cet amendement, toutefois je redoute que le fait d'inscrire une exigence légale de référence de la décision de la CNEC aux décisions de la CDEC ou de la commission interdépartementale d'équipement commercial ne conduise à fragiliser le dispositif, en ouvrant la voie à de très nombreux contentieux. Je crains donc que, in fine, la portée de l'action de la CNEC ne soit amoindrie.
Par conséquent, la commission souhaite le retrait de cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Renaud Dutreil, ministre. Le Gouvernement partage l'avis de la commission.
Je préciserai en outre que toutes les décisions de la CNEC sont dûment motivées. Ce point fait d'ailleurs l'objet d'un contrôle très vigilant de la part du Conseil d'Etat. Cet amendement est donc sans objet.
Toutefois, je suis sensible à l'intention et au sens de la pédagogie que manifeste cet amendement. Il s'agit de rappeler aux préfets que l'obligation de motivation vaut bien entendu pour les décisions des CDEC, cette obligation n'étant, il est vrai, pas toujours suffisamment respectée par ces dernières.
M. le président. La parole est à M. Gérard Cornu, pour explication de vote.
M. Gérard Cornu. J'ai voulu cosigner cet amendement parce que l'on est parfois un peu surpris que des décisions motivées de la CDEC, qu'elles soient d'ailleurs favorables ou défavorables, soient infirmées par la CNEC sans le moindre commentaire.
Cependant, il est vrai que, dans l'esprit, cette dernière est finalement une commission d'appel, qui ne doit pas mettre en porte-à-faux les CDEC. Je comprends donc la position de la commission et du Gouvernement, et je pense que M. Texier sera d'accord avec moi pour retirer l'amendement. (M. Yannick Texier acquiesce.)
M. le président. L'amendement n° 16 rectifié est retiré.
Article 13
A titre transitoire, la commission nationale d'équipement commercial en activité à la date de publication de la présente loi continue d'exercer ses missions jusqu'à ce qu'une nouvelle commission soit instituée conformément aux dispositions de l'article 12.
Les dossiers de recours déposés auprès d'elle avant la date de publication de la présente loi sont examinés conformément aux dispositions législatives en vigueur à la date d'enregistrement du recours. - (Adopté.)
Vote sur l'ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Jacques Pelletier, pour explication de vote.
M. Jacques Pelletier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Sénat accorde toujours une place centrale à la défense de la vitalité des collectivités locales. C'est pourquoi je félicite notre collègue Alain Fouché d'avoir pris l'initiative de cette proposition de loi et de ce débat.
L'évolution démographique et socio-économique qui touche la France depuis plus de vingt ans a transformé le visage de ce que l'on appelle encore les centres-bourgs.
Le moteur de la vie économique des petites et moyennes communes, outre les activités agricoles, est naturellement le commerce de proximité.
Ces commerces, souvent uniques et parfois multifonctionnels, constituent un élément indispensable du lien social local. Lieux de rassemblement et de rencontre de la population, ils sont parfois les seuls vecteurs de transmission des informations. Je songe aussi aux commerçants itinérants qui sillonnent nos campagnes.
Le taux de concentration des grandes surfaces à la périphérie des villes est aujourd'hui, en France, particulièrement important ; c'est l'un des plus élevés d'Europe. Laisser libre cours à ce phénomène, c'est acter la lente mais irrésistible mort du lien social et, finalement, des centres-bourgs.
L'implantation d'une grande surface induit une perte de revenus plus que substantielle pour les petits fournisseurs locaux, qui se retrouvent alors dans une position de négociation très peu favorable face aux grandes centrales d'achat.
Le groupe du RDSE souhaite encourager tout ce qui peut contribuer à la revitalisation du tissu économique et social, qui est, hélas ! de plus en plus faible dans les milieux ruraux. Il votera donc ce texte, malgré ses imperfections, gageant que ce dernier sera très certainement amélioré au cours de la navette.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Je serai bref, l'analyse étant partagée par tous : la situation des commerces de proximité est grave. Ces commerces sont en effet soumis à la concurrence des grandes surfaces, à tel point d'ailleurs que M. Braye a déclaré qu'il était prêt à mettre en berne ses options libérales !
M. Dominique Braye. Je n'ai jamais dit cela !
M. Jean Desessard. Si ! Vous avez dit que, en cas de catastrophe, ...
M. Dominique Braye. J'ai dit que j'étais libéral, mais que j'étais favorable à un équilibre !
M. Jean Desessard. Toujours est-il que je confirme votre propos : il est aujourd'hui difficile de trouver une crèmerie dans un centre-ville !
Les objectifs de M. le rapporteur, des sénateurs de la majorité, et de M. Braye en particulier, sont honorables. Il est en effet louable de vouloir réhabiliter le petit commerce et limiter de façon drastique le nombre de grandes surfaces.
M. le rapporteur et les sénateurs de la majorité ont fait preuve de finesse dans cette proposition de loi.
M. Jean Desessard. Ils ont choisi, s'agissant des autorisations, d'instaurer un seuil assez rigide. Ce sera désormais aux élus de prendre leurs responsabilités. Ce sont eux qui auront à rendre des comptes.
Malheureusement, la logique commerciale et économique actuelle est telle que les élus, en tout cas certains d'entre eux, ou au final la CNEC, la commission nationale d'équipement commercial, accorderont les autorisations. Dans quelques années, la situation sera la même. Elle aura même peut-être empiré. Aujourd'hui, si les intentions sont louables, les moyens sont insuffisants. La logique économique fait que les élus finiront par plier devant les intérêts commerciaux.
Jugeant que les mesures prévues dans cette proposition de loi sont insuffisantes pour lutter contre cette logique économique, les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, s'abstiendront.
Malgré tout, ils souhaitent bonne chance au projet de loi à l'Assemblée nationale. Il est apparu au cours de la discussion que le Gouvernement était très dubitatif sur certaines mesures coercitives prévues dans la proposition de loi. Je crains fort que la logique du dynamisme commercial qu'il a développé ne finisse par s'imposer.
M. le président. La parole est à M. Dominique Braye.
M. Dominique Braye. Mon explication de vote sera brève. Je souhaite simplement appeler les uns et les autres à leurs responsabilités s'agissant de la question importante de la vitalité du commerce de centre-ville.
La France est aujourd'hui le premier pays européen en termes de grandes et moyennes surfaces. Dans certains endroits, des extensions sont difficilement envisageables.
Selon notre collègue Paul Girod, il faut faire confiance aux élus. Or les élus sont tous dans une logique de territoire. Un maire défend avant tout sa commune. Si cette dernière se situe à la périphérie d'une grande ville, il y défendra l'installation des commerces au détriment du centre de la grande ville.
Président de la communauté d'agglomération de Mantes en Yvelines, je suis parvenu à imposer aux élus que toutes les décisions soient prises à l'unanimité à l'échelon de l'agglomération et non pas du centre-ville. Mais je fais exception !
Certes, il est bien tard, et nous ne pouvons pas reprocher à la grande distribution de jouer le rôle qui est le sien. Ses dirigeants se comportent en chefs d'entreprise dynamiques et efficaces. C'est à nous, les politiques, de leur donner les règles du jeu et de faire en sorte qu'ils ne fassent pas définitivement disparaître le commerce de centre-ville.
Voilà dix ans, 80 % des demandes étaient d'origine alimentaire. Celles-ci représentent aujourd'hui moins de 20 % des demandes, le commerce alimentaire, à part quelques commerces spécifiques, ayant disparu du centre-ville. Seuls certains commerçants, dont le magasin d'alimentation est ouvert jusqu'à vingt-deux heures, arrivent, eux, à survivre, mais au prix d'une présence de douze à quinze heures par jour !
Je vous demande donc, monsieur le ministre, de bien mesurer la responsabilité qui est la vôtre aujourd'hui : il s'agit d'encadrer la grande distribution de façon à ne pas rompre définitivement l'équilibre existant. Même s'il est tard, peut-être est-il encore temps de faire quelque chose ? Cela dépendra du sort que vous réserverez à cette proposition de loi.
Nous sommes tous conscients, sur les travées de notre assemblée, que ce texte est loin d'être parfait, et qu'il devra donc être amélioré au cours de la navette parlementaire. Mais tel est bien l'objet de cette dernière.
Monsieur le ministre, votre responsabilité est donc de faire en sorte que cette proposition de loi permette de s'attaquer à ce qui constitue véritablement un problème de société en France. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Fouché, rapporteur. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous avons traité d'un dossier difficile. Une modernisation des textes existants est en effet nécessaire, dans le souci de veiller à l'équilibre sur le territoire. Tel est le but de cette proposition de loi.
Je tiens à remercier les présidents de séance, M. le ministre, qui a pris un certain nombre d'engagements, les membres de la commission des affaires économiques, et l'ensemble de nos collègues, avec une mention particulière pour MM. Braye, Cornu, Texier et Mme Payet, avec lesquels le dialogue a été extrêmement fructueux.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Renaud Dutreil, ministre. A mon tour, j'adresserai mes remerciements à l'auteur de la proposition de loi, aux membres de la commission des affaires économiques, ainsi que, bien entendu, aux sénateurs qui ont pris part à cet important débat.
La matière est ardue, et il y a parfois des surprises entre les intentions et leurs conséquences.
La commission Canivet a souligné, par exemple, que, en dépit de ses lois sur l'urbanisme commercial, la France est l'un des pays où la concentration des grandes surfaces est la plus importante, alors que toutes ses lois, depuis la loi Royer, visaient initialement à préserver la diversité et la multiplicité des commerces. Par conséquent, les dispositifs très contraignants mis en place ont produit les effets inverses de ceux qui étaient recherchés lors des réécritures successives des textes.
Monsieur Braye, il nous faut prendre garde à ne pas donner à l'opinion publique l'idée que le petit commerce serait une activité en déclin. Pour ma part, je crois profondément à l'avenir du commerce de proximité et du commerce de centre-ville.
Dans de très nombreux secteurs en France, ce commerce, parce qu'il répond aux attentes nouvelles des consommateurs, parce qu'il apporte du conseil et un service personnalisé, parce qu'il permet d'offrir des produits différents, défend ses parts de marché et en conquiert parfois de nouvelles.
L'une des plus belles réussites de l'artisanat français est la manière dont les boulangers, menacés pendant de nombreuses années par les grandes surfaces, ont réussi à conserver leurs parts de marché et, bien souvent, à en gagner sur la grande distribution.
Pour cela, ils n'ont pas cédé à la tentation bien française du protectionnisme et du corporatisme. Au contraire, ils ont innové, se sont adaptés à la demande des consommateurs, en jouant le jeu du client, qui, au fond, est celui qui décide.
C'est vers ce type d'exemple qu'il nous faut nous tourner. Si nous donnons aux commerçants le sentiment que l'Etat va garantir le fruit de leur travail et leurs parts de marché, nous risquons de provoquer de graves désillusions. En revanche, si nous motivons les commerçants de détail, si nous croyons en eux, si nous leur apportons les outils de leur développement et de leur modernisation, les jeunes, notamment, embrasseront ces nouveaux métiers. Mais si nous donnons l'image d'un commerce en déclin irréversible, il est peu probable que nous suscitions des vocations chez les jeunes.
Il est important que nous pariions sur un commerce de proximité dynamique. Le Gouvernement se battra pour que le commerce de proximité conserve toute sa place et son rayonnement dans une économie moderne. La consommation a besoin de ce type de commerce, demain probablement plus qu'hier. Il faut considérer avec optimisme et détermination le commerce de proximité, auquel, me semble-t-il, nous sommes tous attachés sur ces travées.
Enfin, je remercie M. le rapporteur d'avoir contribué au rayonnement de ce commerce. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix, modifiées, les conclusions du rapport de la commission des affaires économiques sur la proposition de loi n° 174.
Mme Michelle Demessine. Le groupe CRC s'abstient !
M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures dix, est reprise à dix-neuf heures quinze.)
M. le président. La séance est reprise.
6
Petites et moyennes entreprises
Suite de la discussion et adoption d'un projet de loi déclaré d'urgence
M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi en faveur des petites et moyennes entreprises (nos 297, 333, 362, 363, 364).
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus au titre VIII.
TITRE VIII
AUTRES DISPOSITIONS
Articles additionnels avant l'article 45
M. le président. L'amendement n° 88, présenté par M. Cornu, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Avant l'article 45, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les chambres de métiers et de l'artisanat contribuent au développement économique du territoire. Pour la réalisation d'équipements commerciaux ou artisanaux, elles peuvent se voir déléguer le droit de préemption urbain et être titulaires ou délégataires du droit de préemption institué dans les zones d'aménagement différé.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Gérard Cornu, rapporteur de la commission des affaires économiques et du Plan. Cet amendement vise à réparer une omission involontaire survenue à l'occasion de la modernisation des dispositions du code de commerce relatives aux chambres de commerce et d'industrie, les CCI, réalisée par le titre VII du projet de loi.
Les pouvoirs reconnus aux chambres de métiers et de l'artisanat en matière de droit de préemption, qui sont identiques à ceux des CCI, seraient tout bonnement supprimés.
L'amendement de la commission vise donc à éviter que ce droit de préemption ne disparaisse. La disposition ainsi maintenue a vocation à être intégrée dans le futur code des métiers et de l'artisanat en cours de rédaction.
M. le président. Le sous-amendement n° 137 rectifié bis, présenté par MM. Mortemousque, Poniatowski, Braye, Hérisson et Carle, Mme Lamure, MM. Revet, Faure, Barraux, Leroy, Texier et Fouché, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par l'amendement n° 88 pour insérer un article additionnel avant l'article 45 par un alinéa ainsi rédigé :
Elles peuvent également recevoir délégation de l'Etat, des collectivités territoriales et de leurs établissements publics pour créer ou gérer tout équipement ou service qui intéresse l'exercice de leurs missions.
La parole est à M. Yannick Texier.
M. Yannick Texier. Le code de commerce confère aux chambres de métiers et de l'artisanat les mêmes compétences qu'aux chambres de commerce et d'industrie en matière d'opérations de développement économique et d'aménagement urbain.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Gérard Cornu, rapporteur. La commission émet un avis favorable sur ce sous-amendement qui s'inscrit dans la même logique que l'amendement n° 88. Il s'agit de conserver pour les chambres de métiers et de l'artisanat la même possibilité de délégation que celle qui est prévue pour les CCI par l'article 711-5 du code de commerce, que nous avons modifié par l'article 39 du projet de loi.
Je souhaite saisir l'occasion qui m'est donnée de rendre hommage à l'extrême attention portée à nos travaux par notre collègue et ami Yannick Texier. Ce dernier, depuis le début de l'examen de ce projet de loi, est présent en permanence dans cet hémicycle, parfois à des heures tardives. Je tiens à souligner sa grande assiduité ainsi que sa perspicacité qui lui ont permis de réagir avec plus de vivacité encore que la commission pour tenir compte du vote intervenu cette nuit sur les CCI. En témoigne la très opportune rectification de son sous-amendement effectuée ce matin. Grâce à celle-ci, les CCI et les chambres de métiers et de l'artisanat disposeront de compétences reconnues légalement dans des termes semblables pour ce qui concerne le droit de préemption et celui de délégation. Que notre collègue soit remercié de son initiative.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Renaud Dutreil, ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et des professions libérales. Monsieur le président, je tiens à m'associer aux lauriers qui ont été tressés à M. Texier.
Le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 88 ainsi qu'au sous-amendement n° 137 rectifié bis.
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 137 rectifié bis.
(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, avant l'article 45.
L'amendement n° 274, présenté par MM. Godefroy, Madec, Dussaut, Raoul et Courteau, Mme Schillinger, M. Desessard et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 45, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le chapitre X du titre III du livre IV du code du travail, il est inséré un chapitre intitulé : « Comité des activités sociales et culturelles » et comprenant un article ainsi rédigé :
« Art. ... - Un comité des activités sociales et culturelles peut être constitué au bénéfice des salariés des entreprises dont l'effectif est inférieur à cinquante salariés et qui n'ont pas de comité d'entreprise, ainsi que de leur famille. Il est chargé d'assurer ou de contrôler la gestion collective des activités sociales et culturelles.
« Le comité exerce les attributions dévolues au comité d'entreprise par l'article L. 432-8.
« Sa création résulte d'un accord interentreprises ou d'un accord collectif en application de l'article L 133-1.
« Cet accord détermine notamment :
« 1° les entreprises et groupements d'employeurs qui y sont parties ;
« 2° les modalités de fonctionnement du comité des activités sociales et culturelles ;
« 3° les activités sociales et culturelles proposées ;
« 4° la composition des organes de gestion du comité des activités sociales et culturelles, les modalités de désignation des représentants des employeurs et des salariés, les modalités d'exercice et la durée de leur mandat et les modalités de représentation des entreprises dotées de délégués du personnel ;
« 5° le taux, l'assiette et les modalités de recouvrement de la contribution versée par l'employeur ;
« 6° la destination des fonds recouvrés et les modalités de leur utilisation.
« Le comité des activités sociales et culturelles est doté de la personnalité civile et gère son patrimoine. Un règlement intérieur précise les conditions d'application de l'accord.
« Les contributions versées et les avantages servis suivent, en matière de cotisations sociales et de fiscalité, le régime applicable aux activités sociales et culturelles des comités d'entreprises.
« Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas aux exploitations et entreprises visées par l'article L. 718-1 du code rural. »
La parole est à M. Bernard Dussaut.
M. Bernard Dussaut. Cet amendement a pour objet d'améliorer la diffusion d'avantages sociaux aux salariés des entreprises de moins de cinquante salariés qui ne bénéficient pas, par définition, des activités sociales et culturelles des comités d'entreprise.
Certains de ces avantages sont ouverts aux entreprises de moins de cinquante salariés ; il en est ainsi du chèque-vacances créé par notre collègue Michelle Demessine, qui a connu un succès considérable.
Malheureusement, la très grande majorité des 5,5 millions de salariés de ces entreprises de moins de cinquante salariés ne bénéficient pas d'avantages sociaux et culturels. Dans un contexte marqué par des difficultés de recrutement, la création d'un comité des activités sociales et culturelles apparaît comme un moyen de renforcer l'attractivité des petites entreprises.
Certes - et M. Larcher ne nous contredira pas si nous nous référons à ses dernières déclarations -, nous savons que les salaires, les horaires et les conditions de travail sont la cause majeure de la désaffection dont souffrent, par exemple, les secteurs des métiers de bouche et du bâtiment.
Mais les activités sociales et culturelles qui peuvent être réalisées à coût réduit pour des salariés modestes constituent un avantage qui ne peut pas être laissé de côté.
Dans notre esprit, il ne s'agit absolument pas d'octroyer à ces comités des activités sociales et culturelles les compétences dévolues aux comités d'entreprise en matière d'information et de consultation des salariés. On observe d'ailleurs dans les grandes entreprises, au sein des comités et des comités centraux d'entreprise, une stricte séparation des tâches entre les personnels qui se consacrent à des activités de représentation des salariés et ceux qui s'attachent aux aspects culturels et de loisirs.
La création des comités des activités sociales et culturelles nécessiterait un accord collectif étendu ou un accord interentreprises au sein de la même branche ou d'un bassin d'emplois.
Les comités disposeraient de la personnalité civile et gèreraient leur patrimoine dans le respect de leur règlement intérieur. Ils pourraient assurer directement ou contrôler la gestion des activités sociales et culturelles de leur ressort.
L'amendement n° 274 prévoit qu'un certain nombre de mentions devront figurer dans les accords portant création de ces comités. Devront être spécifiés les entreprises et groupements d'employeurs qui adhèrent à de tels accords, les taux, l'assiette et les modalités de recouvrement des cotisations, les modalités de fonctionnement, notamment des organes de gestion, les activités proposées afin que les gestionnaires et les employeurs ne soient pas débordés par des demandes excessives, ainsi que la destination des fonds recouvrés et leur possible utilisation.
Je veux enfin attirer votre attention, mes chers collègues, sur le fait que la création d'un comité des activités sociales et culturelles est facultative. En effet, l'amendement n° 274 précise qu'un tel comité « peut être constitué ». Il ne s'agit donc pas, comme on va sans doute nous le rétorquer, d'une charge imposée aux employeurs qui bénéficient déjà de nombreuses exonérations de cotisations sociales, surtout sur les bas salaires.
En fait, il s'agit d'une ouverture en direction à la fois des employeurs et des salariés. Nous souhaitons rééquilibrer les relations au quotidien dans l'entreprise et favoriser la fidélisation des salariés qui, bien souvent, cherchent à quitter les petites entreprises où les salaires sont faibles, la réduction du temps de travail inexistante et les avantages sociaux inconnus.
Telles sont les raisons qui ont motivé le dépôt de l'amendement n° 274.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Gérard Cornu, rapporteur. Je suis étonné ! J'étais très inquiet en vous écoutant, monsieur Dussaut. Heureusement, vous avez précisé que la création d'un comité des activités sociales et culturelles prévue par votre amendement serait non pas une obligation, mais une simple possibilité.
Alors que tout au long de l'examen de ce projet de loi, nous avons toujours essayé de simplifier, vous proposez la constitution d'un comité des activités sociales et culturelles qui paraît bien lourd en termes de gestion, de finances et de temps consacré pour des entreprises de moins de cinquante salariés.
Mme Michelle Demessine. Et le progrès social ?
M. Gérard Cornu, rapporteur. Essayons de ne pas imposer toutes ces structures aux petites entreprises de façon qu'elles puissent se consacrer entièrement à la tâche pour laquelle elles ont été créées et qu'elles soient dynamiques de façon à être performantes pour le bonheur des Françaises et des Français. Par conséquent, la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Renaud Dutreil, ministre. Le Gouvernement partage les arguments défendus avec conviction par M. le rapporteur et émet également un avis défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Michelle Demessine, pour explication de vote.
Mme Michelle Demessine. Je ne suis pas du tout d'accord avec les remarques formulées tant par M. le rapporteur que par M. le ministre, et je voterai cet amendement.
Cette disposition est une mesure de progrès social très fortement souhaitée par les salariés des petites et moyennes entreprises. Certes, elle induit peut-être une certaine complication et engendrera sûrement un coût supplémentaire, mais elle constitue un facteur d'attractivité extrêmement important pour que de plus nombreux salariés se tournent vers les petites et moyennes entreprises.
En effet, l'absence de comité d'entreprise, d'activités sociales détourne les salariés, en particulier les meilleurs d'entre eux, des petites et moyennes entreprises et des très petites entreprises.
Par conséquent, la disposition présentée dans l'amendement n° 274, loin de constituer un handicap, représente plutôt un atout. Mais il faut savoir se projeter dans l'avenir pour s'en rendre compte !
M. le président. L'amendement n° 342 rectifié, présenté par MM. Longuet et Zocchetto, est ainsi libellé :
Avant l'article 45, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans le quatrième alinéa (2°) de l'article 87 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, après les mots : « Que le complément du capital et des droits de vote soit détenu » sont insérés les mots : « par des personnes exerçant la profession d'avocat, sous le titre d'avocat ou sous l'un des titres figurant sur la liste prévue à l'article 83, ou »
Cet amendement n'est pas soutenu.
M. Gérard Cornu, rapporteur. Je le reprends, au nom de la commission, monsieur le président.
M. le président. Il s'agit donc de l'amendement n° 342 rectifié bis.
Vous avez la parole pour le défendre, monsieur le rapporteur.
M. Gérard Cornu, rapporteur. Cet amendement tend à réparer utilement un oubli du législateur au moment de la transposition, par la loi du 11 février 2004, de la directive 98/5/CE du 16 février 1998 visant à faciliter l'exercice permanent de la profession d'avocat dans un Etat membre autre que celui où la qualification a été acquise.
Je tiens à indiquer que, en vertu d'une délégation de la commission des affaires économiques, la commission des lois est compétente s'agissant de l'article 45. C'est donc son rapporteur pour avis qui s'exprimera maintenant.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, en remplacement de M. Christian Cambon, rapporteur pour avis. On ne peut qu'être favorable à cet amendement qui tend à apporter une précision sur les modalités d'établissement en France d'une succursale d'un groupement étranger. Il vise une hypothèse qui avait été omise lors d'une précédente réforme relative à la détention de la minorité du capital par d'autres avocats n'exerçant pas forcément au sein de la structure. Une telle situation mérite d'être envisagée. Cette correction des dispositions que nous avions votées précédemment est utile. Par conséquent, la commission des lois émet un avis favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, avant l'article 45.
Article 45
La loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 relative à l'exercice sous forme de sociétés des professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé et aux sociétés de participations financières de professions libérales est modifiée dans les conditions suivantes :
1° L'article 5-1 est complété par les deux alinéas suivants :
« Pour chaque profession, des décrets en Conseil d'État pourront prévoir que, compte tenu de ses caractéristiques propres, les dispositions du présent article ne lui sont pas applicables.
« Les sociétés constituées avant l'entrée en vigueur des décrets prévus à l'alinéa précédent doivent, dans un délai de deux ans à compter de cette date, se mettre en conformité avec les dispositions de ces décrets. À l'expiration de ce délai, si un ou plusieurs associés ne satisfaisant pas aux conditions fixées par ces décrets n'ont pas cédé les parts ou actions qu'ils détiennent, la société peut, nonobstant leur opposition, décider de réduire son capital du montant de la valeur nominale des parts ou actions de ceux-ci et de les racheter à un prix fixé, sauf accord entre les parties, dans les conditions prévues à l'article 1843-4 du code civil. À défaut, tout intéressé peut demander en justice la dissolution de la société. Le tribunal peut accorder à la société un délai maximal de six mois pour régulariser la situation. La dissolution ne peut être prononcée si, au jour où il est statué sur le fond, cette régularisation a eu lieu. » ;
2° Il est inséré à l'article 6 un deuxième et un troisième alinéas ainsi rédigés :
« Ces mêmes décrets pourront, pour chaque profession, limiter le nombre de sociétés d'exercice libéral constituées pour l'exercice de cette profession dans lesquelles une même personne morale exerçant celle-ci ou une même société de participations financières de professions libérales peut détenir des participations directes ou indirectes.
« Les sociétés constituées avant l'entrée en application des décrets prévus à l'alinéa précédent doivent se mettre en conformité avec les dispositions de ces décrets selon les modalités prévues au troisième alinéa de l'article 5-1. » ;
3° L'article 9 est remplacé par les dispositions suivantes :
« Les actions à dividende prioritaire sans droit de vote existantes au jour de l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2004-604 du 24 juin 2004 portant réforme du régime des valeurs mobilières émises par les sociétés commerciales et extension à l'outre-mer de dispositions ayant modifié la législation commerciale ou créées en application de l'article L. 228-29-8 du code de commerce ne peuvent être détenues par des professionnels exerçant leur activité au sein de la société.
« Les droits particuliers attachés aux actions de préférence mentionnées à l'article L. 228-11 du code de commerce ne peuvent faire obstacle ni à l'application des règles de répartition du capital et des droits de vote, ni aux dispositions de l'article 12 de la présente loi. »
M. le président. L'amendement n° 424, présenté par MM. Darniche et Retailleau, est ainsi libellé :
Après le premier alinéa de cet article, insérer deux alinéas ainsi rédigés :
... ° - L'article 5 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Toutes les parts ou actions de la société doivent être possédées en pleine propriété, à l'exception, le cas échéant, de celles détenues par des personnes mentionnées aux 2° et 3° ci-dessus. »
Cet amendement n'est pas soutenu.
Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 179, présenté par M. Cambon, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le 1° et le 2° de cet article :
1°- L'article 5-1 est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Des décrets en Conseil d'Etat pourront prévoir, compte tenu des nécessités propres à chaque profession autre que les professions juridiques et judiciaires, que le premier alinéa ne s'applique pas, lorsque cette dérogation serait de nature à porter atteinte à l'exercice de la profession concernée, au respect de l'indépendance de ses membres ou de ses règles déontologiques propres.
« Sauf pour les professions juridiques et judiciaires, le nombre de sociétés d'exercice libéral constituées pour l'exercice d'une même profession dans lesquelles une même personne physique ou morale exerçant cette profession ou une même société de participations financières de professions libérales peut détenir des participations directes ou indirectes peut être limité dans des conditions prévues par décret en Conseil d'Etat selon les nécessités propres de chaque profession. »
2° Après l'article 33, il est ajouté un article 34 ainsi rédigé :
« Art. 34 - Les sociétés constituées avant l'entrée en vigueur des décrets prévus aux deuxième et troisième alinéas de l'article 5-1 doivent, dans un délai de deux ans à compter de cette date, se mettre en conformité avec les dispositions de ces décrets. A l'expiration de ce délai, si un ou plusieurs associés ne satisfaisant pas aux conditions fixées par ces décrets n'ont pas cédé les parts ou actions qu'ils détiennent, la société peut, nonobstant leur opposition, décider de réduire son capital du montant de la valeur nominale des parts ou actions de ceux-ci et de les racheter à un prix fixé, sauf accord entre les parties, dans les conditions prévues à l'article 1843-4 du code civil. A défaut, tout intéressé peut demander en justice la dissolution de la société. Le tribunal peut accorder à la société un délai maximal de six mois pour régulariser la situation. La dissolution ne peut être prononcée si, au jour où il est statué sur le fond, cette régularisation a eu lieu. »
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur pour avis. Cet article a suscité beaucoup d'émoi en dehors de l'hémicycle. De quoi s'agit-il ? L'amendement a, en fait,un double objet.
Il vise, tout d'abord, à encadrer plus rigoureusement la dérogation prévue par l'article 5-1 de la loi du 31 décembre 1990 tendant à ouvrir le capital majoritaire soit à des personnes physiques ou morales exerçant la profession, soit à des sociétés de participation financière de professions libérales.
Le projet de loi prévoit de renvoyer à un décret en Conseil d'Etat le soin de définir les professions auxquelles l'article 5-1 précité n'aurait pas vocation à s'appliquer. Ce dispositif, qui place le pouvoir réglementaire et le pouvoir législatif sur un pied d'égalité, paraît contraire à la hiérarchie des normes. Une telle dérogation ne semble envisageable que sous réserve que le législateur en fixe les conditions. A défaut, le Conseil constitutionnel pourrait censurer le législateur pour incompétence négative.
C'est la raison pour laquelle l'amendement n° 179 vise à encadrer plus strictement la dérogation accordée au pouvoir réglementaire en précisant les critères permettant d'exclure certaines professions en faisant référence aux nécessités propres à chaque profession, aux atteintes à l'indépendance et aux règles déontologiques d'une profession concernée.
En outre, et toujours dans le souci de mieux encadrer la dérogation prévue au premier alinéa, il vous est proposé d'apporter une importante précision pour indiquer expressément que les professions juridiques et judiciaires ne sont pas visées par cette dérogation. En effet, le projet de loi initial n'indique pas quelles professions seraient susceptibles de bénéficier de la dérogation qu'il instaure, et il paraît nécessaire de cibler au mieux son champ d'application afin d'éviter que les innovations introduites par la loi portant mesures urgentes de réformes à caractère économique et financier, ou loi MURCEF, ne soient vidées de leur contenu.
L'amendement n° 179 tend par ailleurs à encadrer plus strictement l'ouverture du contrôle majoritaire des sociétés d'exercice libérale à des personnes extérieures aux professionnels en exercice au sein de la société en permettant, dans des conditions fixées par un décret en Conseil d'Etat, une limitation du nombre de sociétés d'exercice libéral dans lesquelles une même personne physique peut prendre des participations. C'est le second alinéa du 1° de l'amendement.
Enfin, ce même amendement opère des corrections de pure forme tendant à expurger des règles de détention du capital des sociétés d'exercice libéral les dispositions transitoires vouées à épuiser leurs effets pour les faire figurer sous un article distinct de la loi du 31 décembre 1990, et à déplacer la disposition relative à la limitation du nombre de sociétés d'exercice libérale de l'article 6, qui concerne les modalités d'intention de la fraction minoritaire du capital, à l'article 5-1, auquel la disposition se rapporte.
Je vous remercie, mes chers collègues, d'avoir été patients, et j'espère que mon explication a été parfaitement limpide. (Sourires.)
M. le président. Le sous-amendement n° 243 rectifié bis, présenté par MM. Grignon et Richert, Mme Sittler, M. Leclerc et Mme Keller, est ainsi libellé :
Dans le dernier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 179 pour le 1° de cet article, supprimer les mots :
exerçant cette profession ou une même société de participations financières de professions libérales
La parole est à M. Dominique Leclerc.
M. Dominique Leclerc. J'essaierai de présenter cet amendement avec la même limpidité que M. Hyest.
La limitation du nombre de prises de participations a pour but, dans certaines professions, de garantir l'indépendance des sociétés d'exercice libéral en préservant ces dernières contre le risque de constitution de groupes diffus par le biais de participations croisées ou en cascade.
En effet, certaines personnes physiques ou morales qui n'exercent pas la profession concernée ou qui l'exercent ailleurs que dans la société d'exercice libéral peuvent détenir jusqu'à 25 % du capital, et même jusqu'à 49,99 %, sous certaines formes, éventuellement sous forme d'actions de préférence.
Ces personnes physiques ou morales extérieures pourraient ainsi, avec une minorité du capital, recevoir la quasi-totalité des bénéfices de la société.
Cela n'est pas conforme à l'esprit des sociétés d'exercice libéral, qui sont des sociétés constituées entre professionnels libéraux pour exercer leur profession en toute indépendance, y compris financière.
M. le président. L'amendement n° 425, présenté par MM. Darniche et Retailleau, est ainsi libellé :
Dans le premier alinéa du texte proposé par le 2° de cet article pour modifier l'article 6 de la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990, remplacer les mots :
une même personne morale exerçant celle-ci ou une même société de participations financières de professions libérales
par les mots :
une même personne physique ou morale
Cet amendement n'est pas soutenu.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur pour avis. Le sous-amendement n° 243 rectifié bis vise à étendre le champ de la limitation du nombre de prises de participation au sein des sociétés d'exercice libéral par une même personne à toutes les personnes morales, et non aux seules personnes morales exerçant la profession ou aux sociétés de participation financière de professions libérales.
Cette modification est inutile dans la mesure où la situation visée au présent article a trait à la détention majoritaire du capital des sociétés d'exercice libéral qui n'est ouverte qu'aux sociétés visées dans l'amendement adopté par la commission des lois.
Il n'y a donc pas lieu de viser d'autres sociétés que celles qui sont mentionnées dans l'amendement de la commission des lois dès lors que celles-ci ne sont pas autorisées à entrer dans le capital majoritaire des sociétés d'exercice libéral.
Compte tenu de ces explications, j'invite notre collègue à retirer son sous-amendement. Sinon, je serai contraint d'émettre un avis défavorable sur ce dernier.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Renaud Dutreil, ministre. Avant de répondre de manière spécifique aux propositions du rapporteur pour avis contenues dans l'amendement n° 179, je voudrais rappeler le contexte dans lequel s'inscrit cet article.
Nous devons trouver un équilibre délicat entre deux impératifs.
Il faut, d'une part, préserver les conditions nécessaires à la déontologie des professions libérales ; ces dernières sont soumises à un statut particulier, et leur déontologie peut être compromise par une dépendance capitalistique.
Il faut, d'autre part, permettre le développement de nos entreprises libérales, dans un contexte de concurrence européenne et internationale, ce qui exige des moyens financiers et donc des capitaux.
La modernisation de notre économie est indispensable si nous voulons que nos entreprises puissent rivaliser avec leurs concurrentes étrangères dans de nombreux secteurs. Dans certains secteurs, et dans des conditions qui doivent bien entendu être encadrées, il est donc nécessaire de permettre à nos entreprises de regrouper leurs forces.
Face à ces contraintes complexes et parfois même contradictoires - nous le voyons bien dans ce débat -, nous devons faire preuve de prudence avant toute modification des règles du jeu.
Votre amendement, monsieur Hyest, permet notamment de clarifier les conditions dans lesquelles le pouvoir réglementaire pourra interdire la détention majoritaire du capital par des personnes extérieures aux professionnels en exercice au sein de la société d'exercice libéral. Par ailleurs, il exclut les professions juridiques et judiciaires du dispositif mis en place, ce qui paraît légitime au regard de leurs caractéristiques propres.
Le Gouvernement est donc favorable à cet amendement.
Il est, en revanche, défavorable au sous-amendement n° 243 rectifié bis, partageant les arguments limpides qui ont été présentés par M. le rapporteur pour avis.
M. le président. Monsieur Leclerc, le sous-amendement n° 243 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Dominique Leclerc. Tout cela est la conséquence de la loi MURCEF qui « chapeaute » l'ensemble des professions libérales.
J'ai bien écouté M. le ministre nous dire qu'il faut aujourd'hui favoriser le développement des activités.
Mais le fait que des personnes ayant une participation dans la société d'exercice libéral n'excédant pas 25 % disposent de 60 % à 75 % des bénéfices est contraire à l'esprit des sociétés d'exercice libéral. On voit déjà, sur le terrain, se constituer des chaînes. Si nous sommes en train de changer les règles, il faut que les choses soient claires, qu'on le dise et qu'on prévienne les professionnels.
Ma perspective étant différente de celle que l'on veut nous imposer ce soir, je maintiens ce sous-amendement.
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur pour avis.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur pour avis. Cher collègue, votre sous-amendement est inutile.
L'article du projet de loi, amendé par la commission des lois, donne satisfaction à votre inquiétude. Je ne comprends dès lors pas pourquoi vous désirez maintenir ce sous-amendement.
Une telle disposition est dangereuse pour la clarté du texte. Si votre sous-amendement était adopté, cela troublerait ce que nous avons essayé de mettre en place et qui répond à vos préoccupations.
M. le président. La parole est à M. Dominique Leclerc.
M. Dominique Leclerc. Ayant totalement confiance en M. le ministre et M. le rapporteur pour avis, et fort des assurances qu'ils me donnent l'un comme l'autre, je retire mon sous-amendement.
M. le président. Le sous-amendement n° 243 rectifié bis est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 179.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 242 rectifié bis est présenté par MM. Grignon et Richert, Mme Sittler, M. Leclerc et Mme Keller.
L'amendement n° 426 est présenté par MM. Darniche et Retailleau.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Rédiger comme suit le second alinéa du texte proposé par le 3° de cet article pour l'article 9 de la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 :
« Les actions de préférence mentionnées à l'article L. 228-11 du code du commerce ne sont pas autorisées dans les sociétés d'exercice libéral. »
La parole est à M. Dominique Leclerc, pour défendre l'amendement n° 242 rectifié bis.
M. Dominique Leclerc. Les actions de préférence peuvent conférer à leurs détenteurs des droits particuliers de toute nature leur assurant, au sein de la société, une position prépondérante. Le second alinéa proposé par le Gouvernement fixerait des limites à cet égard en ce qui concerne la quotité du capital, les droits de vote et les fonctions dirigeantes au sein de la société d'exercice libéral.
Cependant, le risque subsisterait de voir des associés, personnes physiques ou morales, n'exerçant pas la profession ou l'exerçant en dehors de la société, se partager l'essentiel des dividendes, quelle que soit leur part dans le capital. Une telle situation serait inacceptable dans des sociétés spécialement conçues pour permettre à des professionnels libéraux l'exercice en commun et en toute indépendance de leur profession.
Les actions de préférence n'ont donc pas leur place dans les sociétés d'exercice libéral.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur pour avis. Le dernier alinéa du texte proposé par le 3° de l'article 45 du projet de loi pour l'article 9 de la loi du 31 décembre 1990 prévoit déjà d'encadrer l'usage des droits particuliers conférés aux actions de préférence. Ces dernières ne doivent en effet pas servir à contourner les règles destinées à garantir l'indépendance des professionnels exerçant au sein des sociétés d'exercice libéral. C'est là l'une des préoccupations de notre collègue.
En conséquence, le projet de loi prévoit déjà que les droits conférés à ces actions ne pourraient faire obstacle ni à l'application des règles de répartition du capital et des droits de vote ni aux dispositions de la loi du 31 décembre 1990 qui imposent notamment que certaines fonctions de dirigeants sociaux soient réservées aux seuls professionnels exerçant dans la société.
Tous ces éléments me conduisent à penser que le dispositif initial du projet de loi constitue une protection suffisante et qu'il n'y a pas lieu de supprimer complètement l'usage des actions de préférence au sein des sociétés d'exercice libéral.
Vous en aurez déduit, mon cher collègue, que je demande le retrait de cet amendement.
M. le président. Monsieur Leclerc, l'amendement n° 242 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Dominique Leclerc. Non, monsieur le président, je le retire.
M. le président. L'amendement n° 242 rectifié bis est retiré.
Je mets aux voix l'article 45, modifié.
(L'article 45 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 45
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 322 est présenté par M. Leclerc et Mme Procaccia.
L'amendement n° 428 est présenté par MM. Darniche et Retailleau.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l'article 45, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La première phrase du troisième alinéa de l'article L. 5125-7 du code de la santé publique est remplacée par trois phrases ainsi rédigées :
« Sauf le cas de force majeure constaté par le représentant de l'Etat dans le département, une officine créée ou transférée depuis moins de cinq ans ne peut faire l'objet d'une cession totale ou partielle ni être transférée ou faire l'objet d'un regroupement. Une officine issue d'un regroupement ne peut être transférée avant l'expiration du même délai. Celui-ci court à partir de la notification de l'arrêté de licence. »
La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour défendre l'amendement n° 322.
Mme Catherine Procaccia. Cet amendement concerne le maillage territorial des officines de pharmacie. Le magazine L'Expansion du mois de juin, qui est consacré aux professions libérales, souligne d'ailleurs les nombreuses difficultés rencontrées par ces officines.
Cet amendement vise à aider les petites officines, en particulier en territoire rural, qui ne trouvent plus d'acquéreurs et pourraient donc être conduites à fermer et, ainsi, à ne plus pouvoir assurer le service de proximité, pourtant essentiel.
Cet amendement ainsi que l'amendement n° 341 présentent plusieurs solutions pour garantir le maillage : permettre le regroupement de plus de deux officines lorsque les conditions locales le requièrent, et ce quelle que soit la taille de la commune considérée ; supprimer l'obligation de conserver pendant cinq ans un nombre de pharmaciens équivalent à celui des officines regroupées, obligation qui rend l'opération économiquement dissuasive ; lever l'interdiction de revente avant cinq ans de l'officine regroupée, afin notamment de favoriser sa reprise par de jeunes pharmaciens au moment du départ en retraite des précédents titulaires.
Mais, pour éviter les opérations spéculatives, la revente d'une officine nouvellement créée ou le transfert d'une officine nouvellement créée ou regroupée resteraient interdits avant la fin d'une période de cinq ans.
Cet amendement vise donc à modifier, par le biais de l'article L.51-25-7 du code de la santé publique, ces dispositions.
M. le président. L'amendement n° 428 n'est pas soutenu.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 322 ?
M. Gérard Cornu, rapporteur. La commission a été sensible aux difficultés des officines pharmaceutiques exposées par notre éminente collègue Catherine Procaccia, coauteur, avec M. Leclerc, de cet amendement n° 322.
La commission a estimé que le dispositif suggéré par Mme Procaccia pouvait être de nature à stabiliser la situation sans pour autant être contraire ni aux intérêts de la population ni aux intérêts collectifs d'aménagement du territoire et d'équipement des communes. C'est pourquoi elle a émis un avis favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean Desessard. Et nous aussi !
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 45.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 341 est présenté par M. Leclerc et Mme Procaccia.
L'amendement n° 429 est présenté par MM. Darniche et Retailleau.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l'article 45, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les quatre premiers alinéas de l'article L. 5125-15 du code de la santé publique sont remplacés par deux alinéas ainsi rédigés :
« Plusieurs officines situées dans une même commune peuvent, sous les conditions fixées à l'article L. 5125-3, être regroupées en un lieu unique, à la demande de leurs titulaires.
« Le lieu de regroupement de ces officines est l'emplacement de l'une d'elles, ou un lieu nouveau situé dans la même commune. »
La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour présenter l'amendement n° 341.
Mme Catherine Procaccia. Je ne reviendrai pas sur les arguments que j'ai développés à l'instant, puisque cet amendement n° 341 entre dans le cadre du dispositif que je viens de présenter, l'objectif étant toujours d'assurer le maillage territorial et la proximité des services.
M. le président. L'amendement n° 429 n'est pas soutenu.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 341 ?
M. Gérard Cornu, rapporteur. Cet amendement apporte une précision complémentaire essentielle. La commission a donc émis un avis favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 45.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 349 rectifié est présenté par MM. Grignon et Richert, Mmes Sittler et Keller.
L'amendement n° 427 est présenté par MM. Darniche et Retailleau.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l'article 45, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Avant le dernier alinéa de l'article L. 5125-17 du code de la santé publique sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :
« Tout pharmacien associé dans une société exploitant une officine et qui y exerce son activité doit détenir au moins cinq pour cent du capital social et des droits de vote qui y sont attachés.
« Dans une société en nom collectif ou à responsabilité limitée, ou une société d'exercice libéral à responsabilité limitée, il peut, en outre, si les statuts le prévoient, se voir attribuer des parts d'industrie. Le délai de cinq ans mentionné au troisième alinéa de l'article L. 5125-7 ne fait pas obstacle à cette faculté.
« La qualité d'associé en industrie est prévue pour une durée maximale de cinq ans, éventuellement renouvelable une fois pour trois ans. »
Ces deux amendements ne sont pas soutenus.
Article 46
M. le président. Je rappelle que l'article 46 a été retiré par le Gouvernement.
M. le président. La parole est à M. Dussaut.
M. Bernard Dussaut. Il n'y a pas lieu de se réjouir du retrait, annoncé après la discussion générale par M. le ministre, de cet article relatif au chèque emploi pour les très petites entreprises. En effet, ce n'est pas parce que le Gouvernement a entendu les critiques suscitées par l'article 46 qu'il retire ce texte.
Lors de l'examen du projet de loi pour l'initiative économique comme à l'occasion de la publication de l'ordonnance n° 2003-1213 du 18 décembre 2003, tant les opérateurs économiques que les organisations syndicales et les parlementaires avaient déjà exprimé leur scepticisme à l'égard de ce type de dispositif.
Rien n'a changé aujourd'hui : pour preuve, mes chers collègues, je vous renvoie au rapport pour avis de la commission des affaires sociales...
Si l'article 46 disparaît du présent projet de loi, c'est pour mieux réapparaître dans les très prochaines ordonnances. Une fois de plus, le Gouvernement prive le Sénat d'un débat au fond sur la question. Cela avait déjà été le cas avec le TEE, le titre emploi-entreprise, et la loi pour l'initiative économique.
Si le groupe socialiste souhaitait la suppression de cet article 46 tendant à transformer le TEE en chèque emploi TPE, c'est parce que, sous la forme actuelle comme sous la forme envisagée pour le futur, ce type de dispositif peine à convaincre.
Il y a d'abord un problème d'efficacité, et j'en veux pour preuve l'échec du dispositif du TEE, mis en place par l'ordonnance de décembre 2003.
A l'époque, le TEE était déjà présenté comme un moyen de simplification administrative, indispensable pour les entreprises et qui allait permettre de lever moult obstacles à l'embauche. Quel est le résultat un an et demi plus tard ? C'est un échec ! Alors que le lancement du TEE a été financé à hauteur de 4,5 millions d'euros par l'ACOSS, l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale, en 2004 et en 2005, on estimait à la fin du mois de février 2005 qu'à peine 11 000 salariés étaient rémunérés par le biais du TEE.
Le Conseil de la concurrence tire lui aussi un bilan sévère pointant la complexité du TEE, dans son avis du 12 juillet 2004.
En plus de son inefficacité, l'élargissement de ce type de dispositif pose un problème de fond : incontestablement, la formule éloigne les salariés du code du travail et de l'application des conventions collectives. Sans contrat de travail ni fiche de paye, quelles garanties le salarié a-t-il que l'employeur respectera sa parole quant à la durée de sa présence dans l'entreprise ou quant au montant de sa rémunération ? Comment s'assurer que toutes les heures effectuées seront rémunérées ?
Ne perdons pas de vue que les salariés embauchés dans ce cadre sont particulièrement isolés, voire précarisés. Pour eux, la question de l'accès aux mêmes droits que la majorité des salariés se pose donc.
On peut aussi avoir des inquiétudes quant au périmètre d'application du chèque emploi TPE. Pour le Premier ministre, ce chèque emploi devait être réservé aux TPE, mais, tel qu'il était rédigé, l'article 46, ou, plus précisément, le texte proposé pour le 1° de l'article L. 133-5-3 du code de la sécurité sociale, ne prévoyait aucune limite. En effet, il était précisé que le chèque emploi TPE serait utilisable par les entreprises « dont l'effectif n'excède pas un seuil fixé par décret » sans aucune référence à un texte actuel. C'était la porte ouverte à toute augmentation des seuils et à toute déréglementation !
Un autre effet de ce chèque que l'on peut craindre est ce que les organisations syndicales auditionnées ont appelé à juste titre une « opération de blanchiment du travail illégal ».
On ne peut douter que ce chèque permettra de faire surgir du néant de nombreux emplois aujourd'hui « au noir », ce qui allégera d'ailleurs d'autant les statistiques du chômage. Mais est-on sûr que tous les salariés concernés et toutes les heures effectuées seront dorénavant déclarés ? On peut légitimement craindre la mise en place d'un système double, par exemple dix heures déclarées pour cinq heures non déclarées. Comment éviter ces dérapages ?
Enfin, une dernière question subsiste quant à l'articulation entre le futur chèque emploi TPE et le dispositif du même genre proposé par Jean-Louis Borloo, à savoir le chèque emploi-service universel pour les services à la personne. N'y aura-t-il pas de redondances ou de contradictions entre les deux dispositifs ?
On ne peut donc pas se réjouir du retrait de cet article 46 tant les interrogations sont nombreuses sur les intentions du Gouvernement !
Article additionnel après l'article 46 ou après l'article 47
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 91 est présenté par M. Cornu, au nom de la commission des affaires économiques.
L'amendement n° 218 est présenté par Mme Procaccia, au nom de la commission des affaires sociales.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l'article 46, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La seconde phrase du premier alinéa de l'article L. 118-6 du code du travail, le second alinéa de l'article 18 de la loi n° 87-572 du 23 juillet 1987 modifiant le titre Ier du livre Ier du code du travail et relative à l'apprentissage, ainsi que le second alinéa du VI de l'article 20 de la loi n° 92-675 du 17 juillet 1992 portant diverses dispositions relatives à l'apprentissage, à la formation professionnelle et modifiant le code du travail, sont supprimés.
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 91.
M. Gérard Cornu, rapporteur. L'article 130 de la loi de finances pour 2005 a modifié les conditions de la prise en charge par l'Etat des cotisations sociales patronales dues au titre des salaires versés aux apprentis ou aux élèves de l'enseignement technologique lors de leur stage.
Jusqu'alors, la prise en charge était acquise pendant toute la durée du contrat d'apprentissage, soit deux ans à compter, en général, de la rentrée scolaire, c'est-à-dire de septembre.
Curieusement, la loi de finances a limité cette aide à la période courant entre le début du stage et « la date de l'obtention du diplôme ou du titre de l'enseignement technique préparé ». Tout cela pour récupérer trois mois de cotisations ! C'est bien mal récompenser les maîtres d'apprentissage animés de la volonté de bien former leurs apprentis. En somme, dès que ces derniers obtiennent leur diplôme, on sanctionne leur maître d'apprentissage !
Cette mesure, que je qualifierai de « mesquine », monsieur le ministre, a été très mal ressentie par les maîtres d'apprentissage, qui l'ont subie comme un camouflet et un déni de leur rôle en matière de formation : en poussant, certes, le trait, on pourrait dire que, mieux un jeune est formé et plus vite il obtient son diplôme, moins son maître d'apprentissage est bien traité ! Beau remerciement pour l'engagement des maîtres d'apprentissage à former des apprentis !
Il est donc tout à fait essentiel d'abroger la mesure introduite par l'article 130 de la loi de finances pour 2005.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, rapporteur pour avis, pour défendre l'amendement n° 218.
Mme Catherine Procaccia, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Les arguments avancés par M. le rapporteur en faveur de la suppression de cette mesure, qui, en effet, ne témoigne pas d'une grande confiance envers les entreprises et les maîtres d'apprentissage, ayant été fort bien présentés, je ne les reprendrai pas mais j'en apporterai quelques autres.
D'abord, cette mesure a en outre un coût administratif pour l'entreprise, puisque celle-ci doit informer l'URSSAF de la date d'obtention du diplôme par le jeune, en même temps qu'un coût pour l'administration, puisque celle-ci va devoir gérer ces informations. Or je ne crois pas que l'heure soit à l'accroissement des coûts !
Ensuite, elle ajoute des incertitudes dans la gestion des entreprises, puisque ces dernières ignorent à quel moment elles perdront le bénéfice de l'exonération.
Enfin, comme l'a si bien dit Gérard Cornu, c'est une sanction à l'encontre de ceux qui sont efficaces, qu'il s'agisse des élèves ou des maîtres d'apprentissage.
La position de la commission des affaires sociales, position que son rapporteur pour avis sur le budget de la formation professionnelle, Mme Janine Rozier, avait d'ailleurs déjà défendue lors du vote de la loi de finances, rejoint donc totalement celle de la commission des affaires économiques, et nous espérons que, ce soir, il sera possible de revenir sur cette disposition.
M. le président. L'amendement n° 277, présenté par MM. Godefroy, Madec, Dussaut, Raoul et Courteau, Mme Schillinger, M. Desessard et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 47, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 130 de la loi n° 2004-1484 du 30 décembre 2004 de finances pour 2005 est abrogé.
La parole est à M. Bernard Dussaut.
M. Bernard Dussaut. L'article 130 de la loi de finances a en effet abouti, d'une part, à pénaliser indûment l'entreprise, qui n'a pas la possibilité de mettre fin par anticipation au contrat d'apprentissage en cas de succès de l'apprenti à son examen, et, d'autre part, à sanctionner les maîtres d'apprentissage efficaces, capables de conduire rapidement leurs apprentis au succès.
Nous souhaitons donc nous aussi l'abrogation de cette disposition.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Gérard Cornu, rapporteur. Je remercie la commission des affaires sociales d'appuyer la commission des affaires économiques et de défendre avec elle la bonne cause des maîtres d'apprentissage.
Quant à l'amendement n° 277, s'il a une rédaction légèrement différente, il a le même fond : cet amendement étant satisfait par les amendements identiques nos 91 et 218, j'en demande le retrait afin que nous votions dans un même élan l'abrogation de cette petite mesquinerie.
M. le président. Monsieur Dussaut, l'amendement n° 277 est-il maintenu ?
M. Bernard Dussaut. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 277 est retiré.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements nos 91 et 218 ?
M. Renaud Dutreil, ministre. Le Gouvernement est favorable à ces amendements qui permettent de revenir à un régime d'exonération des cotisations sociales couvrant l'intégralité du contrat d'apprentissage jusqu'à son expiration, et cela même après que l'apprenti a obtenu son diplôme ou le titre qu'il préparait et quitté l'entreprise.
Cela paraît tout à fait juste et souhaitable.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 91 et 218.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 46.
Article additionnel après l'article 46
M. le président. L'amendement n° 345, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :
Après l'article 46, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa de l'article L. 128-1 du code du travail est complété par une phrase ainsi rédigée : « Les associations visées à l'article L. 52-5 du code électoral peuvent utiliser le chèque-emploi associatif quel que soit le nombre de leurs salariés. »
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Je regrette moi aussi que le Sénat n'examine pas l'article 46, qui aurait mérité un vrai débat.
En outre, le journal du Sénat ayant présenté mes amendements sur cet article, je risque d'être accusé de publicité mensongère, sachant qu'ils ont disparu avec l'article ! (Sourires.) Il me faudra les déposer à nouveau à l'occasion de l'examen du texte relatif au développement des services à la personne !
S'agissant de l'amendement n° 345, il tend à permettre aux associations visées à l'article L. 52-5 du code électoral d'utiliser le chèque-emploi associatif quel que soit le nombre de leurs salariés.
A l'heure actuelle, les associations employant trois salariés au plus peuvent déjà recourir au chèque-emploi associatif, en vertu de l'article L. 128-1 dont je rappelle les termes des trois premiers alinéas :
« Un chèque-emploi associatif peut être utilisé par les associations à but non lucratif employant trois salariés au plus, pour rémunérer des salariés et pour simplifier les déclarations et paiements afférents aux cotisations et contributions dues au régime de sécurité sociale ou au régime obligatoire de protection sociale des salariés agricoles, au régime d'assurance chômage et aux institutions de retraite complémentaire et de prévoyance.
« Le chèque-emploi associatif ne peut être utilisé qu'avec l'accord du salarié. Il se substitue à la remise du bulletin de paie prévue par l'article L. 143-3.
« Les associations utilisant le chèque-emploi associatif sont réputées satisfaire à l'ensemble des formalités liées à l'embauche et à l'emploi de leurs salariés, notamment celles prévues aux articles L. 122-3-1, L. 212-4-3 et L. 320, aux déclarations au titre de la médecine du travail et du régime des prestations mentionnées à l'article L. 351-2, ainsi qu'à l'obligation prévue à l'article L. 620-3. »
Le présent amendement vise donc à donner aux associations de financement des campagnes électorales, qui ont une durée limitée à un an au plus, la possibilité de bénéficier du chèque-emploi associatif quel que soit le nombre de leurs salariés.
On pourrait s'interroger sur l'utilité de cette disposition pour les associations de financement des campagnes présidentielles, qui sont très organisées et peuvent donc établir de multiples bulletins de salaire.
Il demeure que, dans leur ensemble, les associations de financement des campagnes électorales, tant législatives que cantonales, ne savent jamais à l'avance si elles seront susceptibles d'embaucher un, deux, trois, quatre ou cinq salariés.
C'est pour leur éviter de se poser ce problème que je propose d'étendre la disposition à toutes les associations de financement de campagnes électorales, quel que soit le nombre de leurs salariés.
Cette souplesse ne contrevient pas au droit du travail puisque le chèque-emploi associatif ne peut être utilisé qu'avec l'accord du salarié.
Pourquoi donner un caractère d'urgence à cette disposition ? Si j'ai bien compris, le Gouvernement se donne cent jours pour réussir... et il n'en reste plus que quatre-vingt-dix ! Mieux vaut que les associations de financement de campagnes puissent bénéficier dès maintenant de cette disposition, car on ne sait jamais ce qui peut se passer s'il ne réussit pas ! (Sourires.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Gérard Cornu, rapporteur. Monsieur Desessard, vous connaissez ma ténacité et ma volonté farouche quant à la simplification : je souhaite simplifier toujours et encore. C'est une exigence que j'ai souvent rappelée au cours de ce débat. En l'occurrence, votre proposition va dans le sens de la simplification. Il me paraît donc naturel d'émettre un avis favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Renaud Dutreil, ministre. Le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
Je tiens à rappeler la nécessité pour les gestionnaires des associations de financement des campagnes électorales de provisionner les charges sociales et de les intégrer dans les comptes de campagnes, afin d'éviter des situations où, une fois l'association dissoute, ces charges resteraient impayées et sans provision comptable.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 46.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures quinze.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures cinq, est reprise à vingt-deux heures quinze.)
M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi, après déclaration d'urgence, du projet de loi en faveur des petites et moyennes entreprises.
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l'article 47.
Article 47
I. - Après l'article 231 bis Q du code général des impôts, il est inséré un article 231 bis R ainsi rédigé :
« Art. 231 bis R. - Les rémunérations versées aux enseignants des centres de formation d'apprentis sont exonérées de la taxe sur les salaires. »
II. - Les dispositions du I s'appliquent à la taxe sur les salaires due à raison des rémunérations versées à compter du 1er janvier 2006. - (Adopté.)
Article additionnel après l'article 47
M. le président. L'amendement n° 314, présenté par M. Raoul, Mme Bricq, MM. Dussaut, Courteau, Desessard et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 47, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Après l'article 231 bis Q du code général des impôts, il est inséré un article additionnel ainsi rédigé :
« Art. ... - Les rémunérations versées aux salariés employés par des personnes ou organismes visés à l'article 231 du présent code aux fins d'accompagner la création d'entreprise sont exonérées de la taxe sur les salaires.
« Les conditions d'application du présent article sont définies par décret. »
II. - Les dispositions du I s'appliquent à la taxe sur les salaires due à raison des rémunérations versées à compter du 1er janvier 2006.
La parole est à M. Bernard Dussaut.
M. Bernard Dussaut. Afin de promouvoir toutes les actions destinées à favoriser la valorisation de la recherche dans la sphère économique et qui sont de nature à dynamiser le tissu économique sur le terrain de l'innovation, nous proposons de donner un coup de pouce aux structures associatives, tels les incubateurs d'entreprise, qui contribuent à accompagner les créateurs d'entreprises innovantes.
Le présent amendement vise donc à étendre l'exonération de la taxe sur les salaires aux accompagnateurs de création d'entreprise, employés dans des structures sous forme associative - les autres sont soumis à la TVA -, afin d'inciter au développement de ces emplois, qui contribuent largement à la valorisation de la recherche fondamentale dans la sphère économique.
Mme Nicole Bricq et M. Jean Desessard. Très bien !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Gérard Cornu, rapporteur. Comme je vous l'ai déjà dit, monsieur Dussaut, on a déjà beaucoup fait avec la loi Dutreil I, et on fait encore beaucoup avec ce projet de loi.
M. Gérard Cornu, rapporteur. Mais, plus on en fait, plus vous en demandez, et ce n'est en effet jamais assez !
M. Bernard Dussaut. Nous vous donnons des idées !
M. Gérard Cornu, rapporteur. Or je crois que cette majorité, ce gouvernement, n'ont jamais autant fait pour les entreprises. Ils ont beaucoup plus fait que par le passé, d'ailleurs, mais je n'y reviendrai pas !
Mme Nicole Bricq. Non, parce que vous auriez tort !
M. Gérard Cornu, rapporteur. Toutefois, à chaque fois, vous en rajoutez une couche, comme on dit !
Vous l'aurez compris, la commission ne peut qu'émettre un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Renaud Dutreil, ministre. Le Gouvernement est également défavorable à cet amendement, mais je veux rappeler l'origine de l'exonération prévue par l'article 47.
Un grand nombre d'établissements publics assurant des fonctions de formation bénéficient d'une exonération de la taxe sur les salaires. C'est le cas de l'Etat pour ce qui concerne les rémunérations qu'il verse aux enseignants ; c'est aussi le cas des centres de formation des personnels communaux. Toutefois, s'agissant des enseignants qu'ils emploient, les centres de formation d'apprentis constituent une exception à cette règle : ils sont soumis à cet impôt.
Cet article vise donc à rétablir l'équité entre les différentes formes de formation, afin que, comme le souhaite le Gouvernement, l'apprentissage ne souffre d'aucun obstacle dans le déploiement qui est envisagé au cours de l'année qui vient.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Selon M. le rapporteur, nous en voudrions toujours plus. Ce n'est pas vrai !
Si nous n'acceptons pas cette mesure, c'est parce qu'elle aurait pour conséquence de baisser les salaires, puisque les entreprises embaucheraient d'autres personnes pour bénéficier d'exonérations.
M. Jean Desessard. On pourrait très bien changer de politique ! Ce n'est pas que nous voulons toujours plus, monsieur le rapporteur, c'est que nos choix sont différents, même si nous reconnaissons que les mesures visant à favoriser la création d'entreprises sont ciblées et significatives.
Quoi qu'il en soit, nous sommes prêts à refuser l'exonération des charges sociales sur les bas salaires que le Premier ministre du gouvernement des Cent-Jours a annoncée.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 314.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Articles additionnels avant l'article 48
M. le président. L'amendement n° 404, présenté par Mme Demessine, MM. Coquelle, Billout et Le Cam, Mme Didier et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article 48, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. Après le quatrième alinéa (3°) de l'article L. 241-2 du code de la sécurité sociale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« ... ° - Le produit de la majoration forfaitaire fixée par arrêté ministériel appliquée aux cotisations dues par les entreprises ayant commis une infraction constitutive de travail illégal, définie aux articles L. 125-1, L. 125-3, L. 324-1 à 324-3, L. 324-9 et L. 324-10, L. 341-6 et L. 365-1 du code du travail.
II - Après le troisième alinéa de l'article L. 241-3 du même code, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le produit de la majoration forfaitaire fixée par arrêté ministériel appliqué aux cotisations dues par les entreprises ayant commis une infraction constitutive du travail illégal, définie aux articles L. 125-1, L. 125-3, L. 324-1 à 324-3, L. 324-9 et L. 324-10, L. 341-6 et L. 365-1 du code du travail. »
III -L'article L. 241-5 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les cotisations sont soumises à une majoration forfaitaire pour les entreprises ayant commis une infraction constitutive du travail illégal, définie aux articles L. 125-1, L. 125-3, L. 324-1 à 324-3, L. 324-9 et L. 324-10, L. 341-6 et L. 365-1 du code du travail. »
IV - Le troisième alinéa (1°) de l'article L. 241-6 du code de la sécurité sociale est complété par les mots : « ces cotisations sont forfaitairement majorées par arrêté ministériel pour les entreprises ayant commis une infraction constitutive du travail illégal, définie aux articles L. 125-1, L. 125-3, L. 324-1 à 324-3, L. 324-9 et L. 324-10, L. 341-6 et L. 365-1 du code du travail. »
La parole est à Mme Michelle Demessine.
Mme Michelle Demessine. Le travail illégal coûte chaque année 55 milliards d'euros à l'Etat. Nous savons tous que ces pratiques antisociales visent toutes le même objectif : se soustraire aux règles protectrices accordées par la loi et par les accords collectifs en faveur des travailleurs salariés.
Ces règles de droit portent aussi bien sur les conditions de travail - durée de travail, repos hebdomadaire, congés, rémunération, etc. - que sur la sécurité sociale.
Le travail illégal participe considérablement à l'accroissement du chômage et affecte le financement de la protection sociale. Lutter contre le travail illégal est donc plus que jamais une priorité. Or les mesures que vous avez prises, monsieur le ministre, n'ont jusqu'à présent pas permis d'endiguer ce problème majeur.
C'est pourquoi nous proposons cet amendement, qui vise à faire payer aux entreprises ayant commis une infraction constitutive du travail illégal une cotisation majorée directement affectée aux cotisations assurant les ressources des assurances maladie, maternité, invalidité et décès ainsi qu'à la couverture des charges de l'assurance vieillesse et aux cotisations dues au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles.
Il faut tout de même préciser que de telles dispositions ne peuvent qu'aller de pair avec une revalorisation des métiers de l'inspection du travail. En effet, leurs conditions d'intervention se dégradent, tout comme les moyens dont ils disposent, alors que les violations du droit du travail sont plus nombreuses et plus graves. Les agressions verbales et physiques à l'encontre des agents des inspections du travail sont de plus en plus fréquentes et sont très rarement suivies d'une réaction ferme des pouvoirs publics, lesquels doivent pourtant assistance et protection aux fonctionnaires dans l'exercice de leurs missions.
Un corps de fonctionnaires indépendants, disposant d'effectifs et de moyens suffisants, est donc indispensable à la défense des droits, de la dignité et de la santé des salariés dans leur travail.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Gérard Cornu, rapporteur. Cet amendement n° 404 est le premier d'une série de mesures proposées par nos collègues du groupe CRC visant à renforcer la lutte contre le travail illégal.
Certes, l'objectif est louable, et il partagé par tous les sénateurs, quelles que soient les travées sur lesquelles ils siègent. Mais, à l'évidence, des divergences existent quant aux moyens d'y parvenir.
Pour m'en tenir à l'exemple cité par notre collègue Mme Demessine, on peut considérer que le système d'amendes pénales qui sanctionne les contrevenants est plus logique que celui de la sanction administrative qu'elle propose.
Mais ce n'est pas tant pour une question de fond que pour une question de forme que la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement, comme, du reste, sur un certain nombre d'autres amendements qui vont venir en discussion.
Si vous me le permettez, monsieur le président, je m'attarderai quelques minutes sur cet amendement, afin de gagner du temps ultérieurement.
Sur le plan strictement juridique, on ne peut prétendre que cet amendement est étranger au contenu du projet de loi ou, à tout le moins, de son titre VIII. En effet, plusieurs des articles de ce titre visent à améliorer les conditions d'échange d'informations entre les services chargés de l'application de la législation du travail, de manière à améliorer la lutte contre le travail clandestin. L'amendement n° 404 n'est donc pas, stricto sensu, je vous l'accorde, madame Demessine, un cavalier.
Cependant, les articles 48 à 50 ne tendent à proposer que des réformes de procédure qui, vous en conviendrez, ne posent guère de problème, ni sur le plan technique ni sur le plan politique.
Que la commission des affaires économiques en discute n'est donc pas surprenant, d'autant que la commission des affaires sociales, saisie pour avis, a également pu les examiner.
En revanche, il n'en est pas de même s'agissant du contenu de l'amendement n° 404 et des suivants, lesquels tendent à faire des propositions, très lourdes de conséquences, qui méritent une analyse et des débats approfondis.
Or, pour être efficaces et utiles, cette analyse et ces débats devraient être menés par la commission des affaires sociales, puisque les questions que soulèvent ces amendements relèvent du coeur même de ses compétences. Il ne faut donc pas se tromper de support ni de débat, et la commission des affaires économiques ne souhaite nullement empiéter sur les attributions de la commission des affaires sociales.
En effet, il serait inconvenant de priver nos collègues membres de cette dernière commission d'un débat qui les concerne au premier chef.
C'est pourquoi la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 405, présenté par Mme Demessine, MM. Coquelle, Billout et Le Cam, Mme Didier et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article 48, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le premier alinéa de l'article L. 125-1 du code du travail, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsqu'une entreprise est déjà sous-traitante d'un marché, elle ne peut sous-traiter à son tour ce marché ou une partie du marché à un tiers ».
La parole est à Mme Michelle Demessine.
Mme Michelle Demessine. Alors que l'article 48 de ce projet de loi est censé éradiquer le travail illégal, nous nous étonnons de constater qu'aucune disposition ne concerne l'interdiction du dumping social.
Les partisans progressistes du « non » n'ont cessé de se faire traiter de xénophobes ces dernières semaines. Mais quel sentiment faut-il avoir à l'égard des travailleurs étrangers que l'on fait venir travailler en France, en profitant des conditions souvent misérables qu'ils connaissent dans leur pays ?
Or, sans même qu'il soit question de la directive Bolkestein, les traités de l'Union européenne permettent déjà d'appliquer légalement le dumping social. En effet, la dimension sociale de l'Europe a été sacrifiée sur l'autel du Marché commun.
L'Union économique et monétaire a accentué le parti pris ultra-libéral, a entraîné la refonte des structures sociales européennes sur le modèle anglo-saxon et renforcé les effets les plus nocifs de la concurrence, ceux du dumping social notamment.
Or, avec 18 millions de sans-emploi et plus de 50 millions de pauvres, la situation sociale de l'Europe n'avait pas besoin de cela.
Ainsi, nous avons appris il y a peu de temps que, en sous-traitant - en toute légalité - à une entreprise française qui elle même sous-traitait au Portugal, l'entreprise France Télécom a pu confier la pose de poteaux et de lignes téléphoniques dans le centre et le sud-est de la France à des salariés portugais aux conditions sociales portugaises.
Il en va de même dans le secteur des transports. Les chauffeurs du groupe Norbert Dentresangle viennent ainsi d'apprendre que leur employeur avait commencé à recruter des routiers en Pologne et dans d'autres pays de l'Est, à des salaires trois ou quatre fois inférieurs à ceux qui sont pratiqués en France. Les cheminots ont les mêmes craintes. Le premier train de fret privé, qui n'était donc pas conduit par un agent de la SNCF, a circulé lundi en France. Qui était aux commandes ? Avec quel salaire ?
En fait, ce sont les pratiques de dumping social qui sont xénophobes ! Au mépris des conditions de travail et de la rémunération des salariés, elles recherchent le même double effet que la politique de délocalisation : la baisse globale des coûts de personnel et la pression sur le personnel bénéficiant d'acquis.
C'est pourquoi nous vous demandons d'adopter cet amendement, qui vise à réduire la chaîne des sous-traitances afin d'éviter les pratiques de dumping social.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Gérard Cornu, rapporteur. Pour les mêmes raisons que pour l'amendement précédent, avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 406, présenté par Mme Demessine, MM. Coquelle, Billout et Le Cam, Mme Didier et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article 48 insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 212-1-1 du code du travail est complété par trois alinéas ainsi rédigés :
« Lorsque l'horaire de travail est commun au personnel d'un établissement, d'un atelier ou service ou à une équipe, l'horaire de travail doit être affiché sur les lieux de travail et un double transmis à l'inspecteur du travail. Toute modification de l'horaire doit être précédée des mêmes formalités.
« Lorsque les horaires sont individualisés le décompte des heures de travail effectuées doit être assuré par un moyen d'enregistrement automatique fiable et infalsifiable.
« En cas de litige portant sur le nombre d'heures effectuées l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. »
La parole est à Mme Michelle Demessine.
Mme Michelle Demessine. La dissimulation partielle du temps de travail est devenue ces dernières années l'expression la plus répandue du travail « mal déclaré ». Or, comme l'indique le bilan pour 2001 des commissions départementales compétentes en la matière, la dissimulation partielle des temps de travail a été observée dans la quasi-totalité des secteurs d'activité professionnelle.
Les fraudeurs utilisent généralement des procédés qui visent à faire disparaître les heures effectuées au-delà du contrat : non-tenue des relevés d'heures, absence d'enregistrement des horaires, défaut d'affichage des horaires de travail, falsification ou manipulation des instruments de pointage, destruction des systèmes de calcul de la durée du travail, etc. Autant de méthodes qui rendent plus difficiles, voire impossibles, les enquêtes menées par les agents de contrôle lorsqu'ils tentent de mettre à jour cette dissimulation partielle du temps de travail.
Ces heures occultées échappent ainsi à la masse salariale déclarée aux organismes sociaux et fiscaux pour le prélèvement des cotisations salariales et patronales.
Le Gouvernement affiche sa volonté de combattre les causes du chômage. Or l'expansion des pratiques de dissimulation partielle du temps de travail en est une, et non des moindres.
En effet, non seulement elles génèrent un manque à gagner cruel pour les organismes sociaux qui dépendent des cotisations sociales, mais encore ces méthodes illicites empêchent la création de nouveaux emplois dans les entreprises qui les pratiquent. Il est donc plus que nécessaire de renforcer le contrôle de la durée du temps de travail effectivement réalisée par les salariés, afin que les heures effectuées en plus de la durée initialement prévue dans le contrat soient réellement prises en compte.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Gérard Cornu, rapporteur. Avis défavorable.
Le Sénat a examiné la question du contrôle des horaires de travail lors de la longue et très approfondie discussion de la proposition de loi portant réforme de l'organisation du temps de travail dans l'entreprise, voilà trois mois.
La commission des affaires économiques est catégoriquement opposée à ce que l'on revienne ainsi, de manière quasi subreptice, sur des dispositions adoptées si récemment par le Parlement que l'encre en est à peine sèche.
J'ai d'ailleurs tenu hier soir un raisonnement identique à l'intention de M. Dussaut - qui est décidément très présent dans ce débat - lors de l'examen de l'un de ses amendements. Il faut attendre la mise en oeuvre des mesures que nous adoptons. En effet, entre leur adoption et leur application, un délai de trois ou quatre mois peut s'écouler. Et il n'est pas possible de proposer, à chaque fois, des mesures nouvelles : il faut d'abord attendre les premiers effets de leur mise en place. Sinon, nous perdons notre temps.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 406.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 48
I. - Il est créé au titre II du livre III du code du travail un chapitre V ainsi rédigé :
« CHAPITRE V
« RÉPRESSION DU TRAVAIL ILLÉGAL
« Art. L. 325-1. - Le présent chapitre s'applique aux infractions constitutives du travail illégal définies aux articles L. 125-1, L. 125-3, L. 324-1 à L. 324-3, L. 324-9 et L. 324-10, L. 341-6 et L. 365-1. Ces infractions sont recherchées et constatées par les agents de contrôle énumérés aux articles L. 324-12, L. 611-1, L. 611-15 et L. 611-15-1, dans la limite de leurs compétences respectives en matière de travail illégal.
« Art. L. 325-2. - Les agents de contrôle mentionnés à l'article L. 325-1 se communiquent réciproquement tous renseignements et tous documents utiles à l'accomplissement de leur mission de lutte contre le travail illégal. Les agents de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes sont habilités à leur transmettre tous renseignements et documents nécessaires à cette mission.
« Art. L. 325-3. - Lorsque l'autorité compétente a connaissance d'un procès-verbal relevant une des infractions mentionnées à l'article L. 325-1, elle peut, eu égard à la gravité des faits constatés, à la nature des aides sollicitées et à l'avantage qu'elles procurent à l'employeur, refuser d'accorder, pendant une durée maximale de cinq ans, les aides publiques à l'emploi et à la formation professionnelle mentionnées par décret à la personne physique ou morale ayant fait l'objet de cette verbalisation. Il en est de même pour les subventions et les aides à caractère public attribuées par le Centre national de la cinématographie, les directions régionales des affaires culturelles, l'Agence nationale pour l'emploi et les institutions gestionnaires de l'assurance chômage. Cette décision de refus est prise sans préjudice des poursuites judiciaires qui pourraient être engagées.
« Art. L. 325-4. - Les agents de contrôle mentionnés à l'article L. 325-1 transmettent sur demande écrite aux agents du Centre national de la cinématographie des directions régionales des affaires culturelles, de l'Agence nationale pour l'emploi, des institutions gestionnaires du régime d'assurance chômage et des collectivités territoriales, tous renseignements et tous documents nécessaires à l'appréciation des droits ou à l'exécution d'obligations qui entrent dans le champ de leurs compétences respectives. Ils disposent en tant que de besoin dans l'exercice de leur mission de lutte contre le travail illégal d'un droit de communication sur tous renseignements et documents nécessaires auprès de ces services.
« Art. L. 325-5. - Les agents de contrôle mentionnés à l'article L. 325-1 peuvent, sur demande écrite, obtenir des organismes chargés d'un régime de protection sociale ou des caisses assurant le service des congés payés mentionnées au livre VII du présent code, tous renseignements ou tous documents utiles à l'accomplissement de leurs missions en matière de travail illégal. Ils transmettent à ces organismes, qui doivent en faire la demande par écrit, tous renseignements et tous documents permettant à ces derniers de recouvrer les sommes impayées ou d'obtenir le remboursement de sommes indûment versées.
« Art. L. 325-6. - Les agents de contrôle mentionnés à l'article L. 325-1 ainsi que les autorités chargées de la coordination de leurs actions, peuvent échanger tous renseignements et tous documents nécessaires à l'accomplissement de leur mission de lutte contre le travail illégal avec les fonctionnaires et agents investis des mêmes compétences et les autorités chargées de la coordination de leurs actions dans les États étrangers. Lorsque des accords sont conclus avec les autorités de ces États, ils prévoient les modalités de mise en oeuvre de ces échanges. »
II. - Les premier et deuxième alinéas de l'article L. 324-13, et les articles L. 324-13-2 et L. 341-6-5 du code du travail sont abrogés.
Au troisième alinéa de l'article L. 324-13, les mots : « ci-dessus » sont remplacés par les mots : « mentionnés à l'article L. 324-12 ».
M. le président. L'amendement n° 222, présenté par Mme Procaccia, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
I. - Dans la première phrase du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 325-3 du code du travail, supprimer les mots :
mentionnées par décret
II. - Dans la deuxième phrase du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 325-3 du code du travail, après les mots :
attribuées par
insérer les mots :
le ministère de la culture et de la communication, y compris les directions régionales des affaires culturelles,
et supprimer les mots :
les directions régionales des affaires culturelles,
III. - Compléter le texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 325-3 du code du travail par un alinéa ainsi rédigé :
« Un décret fixe la nature des aides concernées et les modalités de la prise de décision relative au refus d'attribution des aides. »
La parole est à Mme Catherine Procaccia, rapporteur pour avis.
Mme Catherine Procaccia, rapporteur pour avis. Cet amendement vise à remédier aux difficultés constatées dans l'application du décret du 31 mai 1997 mentionnant les aides à l'emploi et à la formation professionnelle que l'administration peut refuser en cas d'infraction à la législation sur le travail illégal.
Certes, l'article 48 du projet de loi tire les leçons des difficultés d'application de ce décret en autorisant l'adoption d'un autre décret plus adapté. Toutefois, des interrogations subsistent. Ainsi, concernant la durée du refus d'attribution des aides publiques aux entreprises, la durée de cinq années retenue se rapporte-t-elle à la durée pendant laquelle les services de l'Etat peuvent décider d'un refus ou bien s'agit-il de la durée même du refus ? Par ailleurs, existe-t-il une durée au-delà de laquelle les faits sont prescrits ? Si le refus doit être prononcé à partir du moment où l'aide est sollicitée, peut-il pour autant s'appliquer pendant cinq ans, même si l'aide est sollicitée quatre ans après l'établissement du procès-verbal ?
De la même façon, les modalités de la prise de décision et la procédure qui l'accompagne ne sont pas plus claires.
Par ailleurs, parmi les subventions visées par la décision de refus en cas d'infraction, il conviendrait d'ajouter celles qui sont accordées par les services centraux du ministère de la culture et de la communication.
Cet amendement a donc pour objet d'indiquer que le nouveau décret d'application répondra bien à l'ensemble de ces interrogations.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Gérard Cornu, rapporteur. Avis favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 48, modifié.
(L'article 48 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 48
M. le président. L'amendement n° 279, présenté par MM. Godefroy, Madec, Dussaut, Raoul et Courteau, Mme Schillinger, M. Desessard et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 48, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans le premier alinéa de l'article L. 362-3 du code du travail, la somme : « 45 000 euros » est remplacée par la somme : « 100 000 euros ».
La parole est à M. Bernard Dussaut.
M. Bernard Dussaut. Cet amendement a pour objet de renforcer les sanctions financières en matière de travail dissimulé.
Chaque année, le travail illégal se traduit pour l'Etat par une perte de 55 milliards d'euros, soit 4 % du PIB. Sur le plan humain, il conduit à une précarisation absolue des salariés qui en sont victimes, à la fois dans le présent et dans l'avenir, puisqu'ils ne cotisent pas pour assurer leur retraite.
Les salaires - si l'on peut appeler cela ainsi ! - qui sont octroyés sont dérisoires. Les personnes ne bénéficient d'aucune couverture spécifique en cas d'accident ou de maladie professionnelle. Elles ne cotisent pas à l'assurance chômage, ou bien pour une durée inférieure à leurs horaires réels. L'irresponsabilité des employeurs est ici totale et les personnes exploitées par ce biais sont en fait abandonnées à l'effort de solidarité de tous les Français en cas de difficulté.
Dans ces conditions, on comprend qu'il y ait unanimité des responsables publics pour lutter contre ce fléau. Un travail important a déjà été accompli par les fonctionnaires des services concernés, mais il n'a permis de récupérer que 15 millions d'euros. Or la fraude, surtout transnationale, se développe de manière exponentielle.
La lutte contre le travail illégal est un véritable travail de Sisyphe, puisqu'il s'agit, par définition, d'une activité clandestine ou semi clandestine en cas de sous-déclaration.
Les mesures proposées à l'article 48 rencontrent notre assentiment : la mise en synergie des efforts des différents services concernés sera facilitée par la levée du secret professionnel, ce qui constitue un gage de meilleure efficacité. Pour autant, monsieur le ministre, et vous n'en serez pas surpris, nous estimons que la mise en synergie des moyens ne remplace pas leur augmentation.
M. Bernard Dussaut. C'est en réalité à cette aune que se vérifiera sur le terrain la réalité des intentions affichées. A cet égard, nous ne pouvons que réitérer notre inquiétude.
En ce qui concerne les services de l'inspection du travail, nous attirons chaque année l'attention du ministre concerné sur le problème des effectifs. A la fin de l'année 2002, grâce au doublement des postes mis au concours par Martine Aubry, on comptait 1 291 inspecteurs et contrôleurs pour 1 504 950 établissements et 15 millions de salariés. De 1998 à 2002, 82 postes d'inspecteurs et 416 postes de contrôleurs avaient été créés. Or, en 2003, aucun poste n'a été créé, le gouvernement préférant absorber les doubles concours des années précédentes, et, en 2004, le concours a été reporté d'une année, ce qui, compte tenu du temps de formation, a totalement fait disparaître le bénéfice des augmentations qui avaient été réalisées.
La répression du travail illégal ne se fait pas seulement par croisement des fichiers. Elle exige une présence sur le terrain, même si cela déplaît à certains employeurs, qui ne sont évidemment pas les plus honnêtes. Là encore, dans les faits, cela ne se traduira pas par un renforcement des moyens, mais par l'affectation d'une trentaine d'inspecteurs, qui manqueront donc dans d'autres secteurs.
Le développement du « titre-emploi service », que le Gouvernement veut généraliser par voie d'ordonnances, nous fait également douter de la véracité des intentions affichées. Or, nous le savons, ce dispositif facilite la sous-déclaration des heures effectuées, ce qui est une forme très répandue de travail illégal. La précarisation organisée est à l'origine de nombreuses formes de travail illégal. En d'autres termes, le Gouvernement prétend combattre ce qu'il facilite par ailleurs.
J'en viens à un autre aspect de l'article 48 : le renforcement des sanctions administratives. Le nouvel article L. 325-3 prévoit de supprimer les aides publiques à l'emploi et à la formation professionnelle à toute personne physique ou morale ayant fait l'objet d'une verbalisation en matière de travail illégal.
C'est bien, mais encore insuffisant. Que faire, en outre, lorsque l'employeur - mais ce cas est sans doute rare - ne bénéficie pas d'aide publique ?
J'ai ouvert mon propos sur ce chiffre : chaque année, 55 milliards d'euros n'entrent pas dans les caisses de l'Etat. Quel est donc le chiffre d'affaires de ce fléau qu'est le travail illégal ? Quels sont les bénéfices générés ?
Selon nous, pour être efficace, la peine encourue par l'employeur doit être telle qu'elle s'avère dissuasive. En d'autres termes, le jeu ne doit plus en valoir la chandelle si l'on se fait prendre.
C'est pourquoi cet amendement vise à porter le montant de l'amende prévue à l'article L. 362-3 du code du travail de 45 000 euros à 100 000 euros.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Gérard Cornu, rapporteur. Monsieur Dussaut, cet amendement relève de la même problématique que celle qui a été soulevée à l'occasion de l'examen des amendements nos 404, 405 et 406. Il ne touche pas aux grands principes, il ne remet pas en cause une politique, il ne propose pas de dispositif nouveau. Il se borne à aggraver les sanctions pesant sur les entreprises qui recourent au travail illégal, en faisant plus que doubler le montant de l'amende maximale, qui passerait de 45 000 euros à 100 000 euros. Comme on dit, vous n'y allez pas avec le dos de la cuillère !
M. Jean Desessard. Toujours plus !
M. Gérard Cornu, rapporteur. Non, je n'ai pas dit cela ! Mais attendez la suite...
Dès lors, en raison du caractère circonscrit de cet amendement, la commission des affaires économiques, considérant qu'il n'était pas anormal de sanctionner des entreprises qui faussent les conditions de la concurrence en utilisant des pratiques illicites, a émis un avis de sagesse. (Mmes Nicole Bricq et Michelle Demessine s'exclament.)
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Renaud Dutreil, ministre. Le Gouvernement, lui, est défavorable à cet amendement, pour deux raisons.
D'une part, le niveau des sanctions pénales applicables à ce type de comportement a déjà été relevé de manière très importante, d'abord par la loi du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure, ensuite par la loi du 2 janvier 2004 relative à l'accueil et à la protection de l'enfance. On peut évidemment, chaque année, profiter d'une loi pour aggraver encore les sanctions pénales,...
Mme Michelle Demessine. C'est ce que fait Sarkozy !
M. Renaud Dutreil, ministre. ...mais il semble normal que le législateur, lorsqu'il se saisit d'un sujet, cherche à en traiter tous les aspects. Cela a été le cas pour ces deux lois, qui ont toutes deux aggravé la répression pénale.
D'autre part, le texte que nous examinons aujourd'hui vise principalement à renforcer le volet des sanctions administratives, afin de donner à l'administration un levier d'action beaucoup plus souple et plus rapide à manier que les sanctions pénales.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 48.
L'amendement n° 407, présenté par Mme Demessine, MM. Coquelle, Billout et Le Cam, Mme Didier et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 48, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I - A compter de la promulgation de la loi n° du en faveur des petites et moyennes entreprises, est mis en oeuvre un plan pluriannuel de recrutement d'agents du corps de l'inspection du travail, en vue de renforcer les moyens d'action contre le travail illégal.
II - Les droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts sont relevés à due concurrence.
La parole est à Mme Michelle Demessine.
Mme Michelle Demessine. Cet amendement a pour objet de mettre en oeuvre un plan pluriannuel de recrutement d'agents du corps de l'inspection du travail, en vue de renforcer les moyens d'action contre le travail illégal.
Les missions qui sont aujourd'hui confiées aux agents de l'inspection du travail sont extrêmement vastes. Elles regroupent des attributions de contrôle de l'ensemble de la réglementation du travail, de conseil aux employeurs et aux salariés, ainsi que de conciliation entre les parties en cas de conflits collectifs.
Pourtant, malgré ces vastes tâches, le nombre des agents de l'inspection du travail reste dérisoire. En effet, ils sont 3 700 sur l'ensemble du territoire, pour un total de plus de 2,8 millions d'entreprises, ce qui représente un taux d'un agent de contrôle pour plus de 750 entreprises.
Ce ratio ridiculement faible pose de nombreux problèmes aux agents de l'Etat. Ils ne sont pas à même de mener à bien les missions qui leur sont confiées. En effet, ils font face à une perte d'autorité. Incapables de réaliser un nombre de contrôles suffisants, de nombreux abus et autres infractions restent impunis.
Devant cette situation très préoccupante, on s'étonne que le projet de loi ne prévoie aucun moyen humain ou financier supplémentaire pour lutter contre le travail illégal.
Pour toutes ces raisons, nous vous demandons d'adopter cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Gérard Cornu, rapporteur. La jurisprudence de l'amendement n° 404, que j'ai largement développée, s'applique au présent amendement, d'autant que le ministre du travail a déjà entrepris récemment une action vigoureuse en matière de recrutement de nouveaux inspecteurs du travail.
J'émets donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Renaud Dutreil, ministre. Le Gouvernement émet également un avis défavorable sur cet amendement, qui aggrave en outre les charges de l'Etat.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Je souhaite obtenir une précision de M. le ministre.
Ces dispositions sont-elles gênantes parce qu'elles aggraveraient aujourd'hui les charges de l'Etat, et qu'elles doivent donc faire l'objet d'un texte ultérieur, ou bien sont-elles gênantes parce qu'il est prévu que le Gouvernement n'embauchera de toute façon pas de contrôleurs, car cela aggraverait les dépenses de l'Etat ? Autrement dit, s'agit-il de la forme ou du fond ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Renaud Dutreil, ministre. Je crois, monsieur le sénateur, que vous aurez bientôt l'occasion de débattre des effectifs de l'Etat, et je ne doute pas que vous pourrez alors évoquer à nouveau la question des effectifs de l'inspection du travail.
M. le président. L'amendement n° 408, présenté par Mme Demessine, MM. Coquelle, Billout et Le Cam, Mme Didier et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 48, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I - Le premier alinéa de l'article L. 412-11 du code du travail est ainsi rédigé :
« Chaque syndicat représentatif peut désigner, dans les limites fixées à l'article L. 412-13, dans les entreprises et organismes visés par l'article L. 421-1, un ou plusieurs délégués syndicaux pour le représenter auprès du chef d'entreprise. »
II - Le deuxième alinéa de l'article L. 412-11 du même code est supprimé.
III - Dans la deuxième phrase du premier alinéa de l'article L. 412-20 du même code, après les mots : « ce temps est au moins égal » sont insérés les mots : « à quatre heures par mois dans les entreprises ou établissements occupant un à quarante-neuf salariés, »
IV - Dans le quatrième alinéa de l'article L. 412-20 du même code, les mots : « au moins cinq cents salariés » sont remplacés par les mots : « moins de mille salariés »
La parole est à Mme Michelle Demessine.
Mme Michelle Demessine. A l'heure actuelle, l'exercice de la négociation collective relève de la seule responsabilité des organisations syndicales. Les délégués syndicaux sont donc, en principe, les interlocuteurs obligatoires de l'employeur dans la négociation d'entreprise. Or l'implantation des délégués syndicaux dans les petites entreprises reste très faible : en moyenne, seuls 20 % des établissements de dix salariés et plus sont effectivement couverts par un délégué syndical.
Cette situation entrave le développement de la négociation collective dans les petites entreprises. Cette faible possibilité d'y conclure des accords collectifs est d'autant plus préoccupante que celles-ci constituent la cellule de base de notre tissu économique et que la tendance actuelle favorise plutôt, comme vous le souhaitez, l'essor de ces TPE.
Pourtant, certains dispositifs visant à développer le dialogue social dans les petites entreprises ont été mis en place. Ainsi, la loi du 12 novembre 1996 transposant l'accord national interprofessionnel du 31 octobre 1995 a institué, à titre expérimental, la possibilité pour des accords de branche d'organiser, en l'absence de délégués syndicaux, des procédures de négociation dérogatoires au droit commun impliquant des représentants élus des salariés ou un salarié mandaté par une organisation syndicale représentative.
De même, les lois du 13 juin 1998 et du 17 janvier 2000 ont repris la procédure de mandatement ou de négociation avec les représentants du personnel pour conclure des accords de réduction du temps de travail. Une telle procédure était d'ailleurs inévitable dans la mesure où ces lois subordonnaient le bénéfice des aides liées à la réduction du temps de travail à la conclusion d'un accord collectif.
Toutefois, ces deux dispositifs ne sont aujourd'hui plus applicables. C'est bien dommage !
Le développement de la négociation collective dans les TPE est donc totalement bloqué et les salariés des PME ne peuvent pas jouir des mêmes représentations et protections que les salariés des grandes entreprises.
C'est pour mettre fin à cette injustice et favoriser le dialogue social, thème auquel vous prétendez avoir un fort attachement, que nous présentons cet amendement, qui vise à faciliter l'implantation de délégués syndicaux dans les PME.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Gérard Cornu, rapporteur. Même position que précédemment, madame Demessine !
La question de la représentation syndicale dans les plus petites des PME est bien trop complexe pour être abordée au détour de cet amendement et sans que nos éminents collègues de la commission des affaires sociales s'en soient saisis.
La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 408.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Demande de renvoi à la commission des articles 49 et 52
M. le président. Je suis saisi, par Mme Demessine, MM. Coquelle, Billout et Le Cam, Mme Didier, MM. Ralite, Renar, Voguet et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, d'une motion n° 446, tendant au renvoi à la commission.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l'article 44, alinéa 5, du règlement, le Sénat décide qu'il y a lieu de renvoyer à la commission des Affaires économiques et du plan, les articles 49 et 52 du projet de loi en faveur des petites et moyennes entreprises (n° 297, 2004-2005).
Je rappelle que, en application de l'article 44, alinéa 8 du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur la motion ou son représentant, pour cinq minutes, un orateur d'opinion contraire, pour cinq minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
Aucune explication de vote n'est admise.
La parole est à M. Michel Billout, auteur de la motion.
M. Michel Billout. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe CRC demande le renvoi à la commission des articles 49 et 52, qui visent à réprimer la fraude aux contrats de travail dans le secteur de l'intermittence du spectacle. En effet, les dispositions prévues dans ces articles constituent une réponse partielle très insuffisante à la profonde crise que traversent les intermittents du spectacle.
En outre, le traitement de l'intermittence n'a pas sa place dans un texte censé relancer l'activité économique des PME.
L'article 49 doit permettre de mieux repérer les fraudes et pratiques malhonnêtes liées à la conclusion de CDD d'usage par les croisements de fichiers.
L'article 52 prévoit la possibilité, pour le Centre national de la cinématographie, d'appliquer des sanctions spécifiques si les bénéficiaires du compte de soutien cinématographique ou audiovisuel ne respectent pas le droit du travail.
Ces dispositions ont donc pour objet de lutter contre les abus liés aux contrats de travail dans le spectacle. Nous n'en contestons pas la nature : il s'agit ni plus ni moins de faire respecter le code du travail.
Mais ces mesures doivent être lues dans le contexte de la crise des intermittents, qui dure depuis le 26 juin 2003, et de la signature du protocole d'accord sur les annexes 8 et 10 de l'assurance chômage, qui concernent les artistes et techniciens du spectacle. Or ces derniers contestent le régime d'assurance chômage qui leur est imposé, le considérant comme profondément injuste et inefficace.
Mon collègue Jack Ralite, avec Marie-Christine Blandin, Catherine Tasca, Serge Lagauche et Catherine Morin-Desailly, fait partie du comité de suivi pour la réforme de l'assurance chômage des intermittents du spectacle. Tous travaillent avec des représentants de la profession et négocient avec le ministère.
Ce travail a eu notamment pour résultat une lecture concordante du problème.
Une moralisation des pratiques est nécessaire, et le comité de suivi n'a eu de cesse de la réclamer. Il faut de vrais contrôles. Toutefois, la politique répressive seule est une impasse. La possibilité de croiser les fichiers, ouverte par l'article 49, est une revendication ancienne des professionnels. Mais, ici, le croisement des fichiers vise à repérer les utilisations abusives de contrats d'intermittents et la nécessité de mieux connaître la situation de l'emploi intermittent n'est pas mentionnée.
Pourtant, la difficulté à résoudre la crise a été considérablement accrue par l'incapacité des institutions, et singulièrement de l'UNEDIC, à fournir des données fiables concernant l'emploi dans le spectacle.
Une meilleure compréhension du secteur permettrait de mener une réelle politique de l'emploi culturel, qui implique tous les intéressés : intermittents, employeurs, collectivités locales, Etat.
La fraude vient en grande partie du sous-financement indécent de la production culturelle dans notre pays.
Ainsi, les collectivités territoriales ont refusé de signer la charte pour l'emploi culturel proposée par le ministère de la culture, sans doute parce que l'objectif de n'aider que les projets culturels respectueux du droit du travail leur semblait irréaliste.
C'est pourquoi il aurait fallu aussi prévoir des modalités permettant aux employeurs et aux employés de se mettre en conformité avec la législation, tout en conservant leur volume d'emploi et leur qualité artistique.
Au contraire, ici, par ces deux articles coincés à la fin d'un projet de loi sans rapport avec la politique culturelle, le renforcement des contrôles est mis en place isolément, et risque donc de se transformer en gigantesque plan social au niveau national.
Ces articles reprennent uniquement l'aspect répressif du projet de charte sur l'emploi dans le spectacle préparé par le ministère de la culture. En revanche, les contreparties censées conforter le volume d'emploi et permettre le respect du droit du travail sont absentes : ainsi, rien n'est proposé pour sortir les conventions collectives de leur état embryonnaire.
Enfin, ces dispositions ne répondent pas à la question posée par la crise profonde du monde artistique et culturel français : comment assurer aux intermittents du spectacle un système d'assurance chômage pérenne et spécifique dans le cadre de la solidarité interprofessionnelle ? Pour cela, les groupes CRC, socialiste et UC-UDF ont déposé une proposition de loi relative à la pérennisation du régime d'assurance chômage des professions du spectacle, de l'audiovisuel et du cinéma. Nous demandons aujourd'hui au Gouvernement qu'il inscrive cette proposition de loi à l'ordre du jour prioritaire.
J'espère vous avoir démontré par ce court exposé que la question de l'intermittence du spectacle ne saurait être traitée ainsi, de manière partielle et par le biais de deux cavaliers législatifs qui interdisent toute réelle discussion.
C'est pourquoi nous demandons le renvoi à la commission des articles 49 et 52, afin d'entamer une véritable réflexion dans cette assemblée sur le traitement que notre société réserve aux artistes et techniciens du spectacle.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Gérard Cornu, rapporteur. Je suis très surpris par le dépôt de cette motion, et ce pour trois raisons.
Tout d'abord, sur le fond, prétendre que ces deux articles sont des cavaliers n'est pas sérieux.
En effet, l'article 49 s'inscrit parfaitement dans le cadre du dispositif d'échange d'informations entre services administratifs chargés de la lutte contre le travail illégal, institué par l'article 48, en l'étendant au secteur des activités culturelles, qui est couvert par des textes spéciaux.
Par ailleurs, l'article 52 tire les conséquences de cette extension en proposant de renforcer et d'élargir le pouvoir de sanction du directeur général du Centre national de la cinématographie à l'encontre des entreprises du spectacle qui ne respectent pas la législation en vigueur. Il me semble que c'est plutôt de nature à conforter le droit des intermittents du spectacle, puisque les entreprises coupables de pratiques répréhensibles vont être plus durement punies.
Ensuite, sur la forme, suggérer que la commission n'a pas correctement effectué son travail d'analyse n'est pas seulement désobligeant, c'est également erroné. Contrairement à des situations dans lesquelles les impératifs de l'ordre du jour prioritaire rendent parfois, on doit le concéder, la demande de renvoi d'un texte à la commission plus compréhensible, là, nous avons disposé, avec nos collègues de la commission, de deux mois pour travailler, forger notre opinion, proposer des amendements.
J'ajoute que, sur l'article 52, précisément, j'ai pu bénéficier du soutien technique de la commission des affaires culturelles pour forger mon analyse. A cet égard - et je sais gré à nos collègues du groupe CRC de m'en donner l'occasion - je tiens à en remercier publiquement le président de cette commission, notre collègue Jacques Valade.
Enfin et surtout, mes chers collègues, quelle est cette manière de procéder ? Plus d'un mois après la publication du rapport, le matin même de la discussion de l'article 49 en séance publique, vous déposez une motion en jugeant indispensable son renvoi à la commission ?
Dois-je vous rappeler que le projet de loi a été déposé le 13 avril 2005, voilà plus de deux mois, que le rapport a été adopté en commission le 10 mai suivant, voilà un mois, que le délai limite de dépôt des amendements a été fixé au 10 juin et que la commission a examiné les amendements portant sur les articles du titre VIII le 14 juin ?
Il vous aurait fallu tout ce temps pour estimer qu'il y avait un problème ? Je n'ose le croire !
Et ce problème est-il si profond ? Sauf erreur de ma part, pas une seule fois vous ne l'avez évoqué dans les termes que vous retenez pour justifier votre motion. En particulier, vous n'avez jamais soulevé cette question lors de nos réunions de commission, auxquelles - je dois vous le concéder - vous êtes souvent présents. Pourquoi ne l'avez-vous pas fait à ce moment-là ? Pourtant, c'est bien lors de l'un de ces rendez-vous réguliers et faits pour en discuter que nous aurions pu l'examiner.
Ainsi, mes chers collègues, je regrette de vous le dire, votre demande de renvoi en commission ne semblant pas étayée par les faits, je demande au Sénat de ne point y donner satisfaction.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Renaud Dutreil, ministre. Après cette série d'arguments implacables, le Gouvernement tient à rassurer immédiatement les sénateurs de l'opposition quant à la politique menée par le Gouvernement sur la question de l'assurance chômage des artistes et techniciens.
Aujourd'hui même - vous le savez peut-être, madame Demessine - s'est tenue, rue de Valois, une réunion de travail sur l'initiative de mes collègues Renaud Donnedieu de Vabres et Gérard Larcher, mais aussi en présence du président de votre commission des affaires culturelles, Jacques Valade.
Cette séance de travail solennelle, qui réunissait pour la première fois des confédérations signataires ou non de l'accord de 2003, trace le cadre de la négociation à venir pour construire un nouveau système d'assurance chômage des artistes et techniciens, qui devra être opérationnel au 1er janvier 2006.
Ainsi, le Gouvernement agit et il respecte ses engagements.
Par ailleurs, permettez-moi deux remarques : je vous rappelle, d'une part, que le fonds transitoire mis en place et financé par le Gouvernement a réintégré dans leurs droits plus de 2 400 artistes et techniciens exclus en 2004, et, d'autre part, que votre groupe a signé le rapport de la commission des affaires culturelles du Sénat qui préconisait une intensification de la lutte contre les abus.
Enfin, c'est justement pour obtenir une légitimité totale d'un régime spécifique pour les artistes et techniciens aux yeux de nos concitoyens que nous devons, effectivement, nous donner les moyens de traquer les abus.
J'en viens au fond des mesures contenues dans le projet de loi.
Ce dispositif s'inscrit dans le plan gouvernemental visant au respect du droit du travail et à la lutte contre l'emploi dissimulé. Ce plan comprend un important volet consacré à la lutte contre les abus constatés dans l'emploi de personnels intermittents par les entreprises du spectacle vivant et du spectacle enregistré.
La disposition législative que nous vous proposons a pour objet de permettre au CNC de tirer les conséquences du non-respect du droit du travail, tel que constaté à l'occasion de ses propres contrôles sur pièces, ou des contrôles sur place des organismes habilités en prenant des sanctions financières contre les entreprises ayant fait l'objet de décisions de justice ou de procès-verbaux d'infraction. Jusqu'à présent en effet, ce n'était pas possible : il n'était pas prévu explicitement dans les textes régissant le CNC que de telles sanctions puissent être prises à l'occasion du non-respect du droit du travail, celles-ci étant réservées à des cas particuliers liés au prélèvement des taxes affectées et à la remontée des droits à destination des ayants droit.
La possibilité de prendre des sanctions financières pour non-respect du droit du travail de façon proportionnée aux infractions constatées permettra au Gouvernement d'assurer de manière plus crédible et plus efficace le respect du droit du travail dans le secteur du cinéma et de l'audiovisuel, droit auquel vous êtes certainement très attachés.
Dans ce processus, les droits de la défense seront préservés grâce à la saisine et à l'avis préalable de la commission centrale de contrôle des recettes, dont la composition sera modifiée pour assurer la représentation des secteurs du cinéma, de l'audiovisuel et de la vidéo, les trois secteurs étant concernés par ce dispositif.
M. le président. Je mets aux voix la motion n° 446, tendant au renvoi à la commission des articles 49 et 52.
(La motion n'est pas adoptée.)
M. le président. En conséquence, nous poursuivons la discussion des articles.
Article 49
Il est créé dans le code du travail un article L. 122-1-1 bis rédigé comme suit :
« Art. L. 122-1-1 bis. - Dans les secteurs des spectacles, de l'action culturelle, de l'audiovisuel, de la production cinématographique et de l'édition phonographique, les agents de contrôle visés à l'article L. 611-1 du présent code ainsi que les agents du Centre national de la cinématographie, des directions régionales des affaires culturelles, de l'Agence nationale pour l'emploi et des institutions gestionnaires de l'assurance chômage se communiquent réciproquement sur demande écrite tous renseignements et tous documents nécessaires à la recherche et à la constatation des infractions aux dispositions du 3° de l'article L. 122-1-1 du présent code ainsi que, le cas échéant, à la mise en oeuvre de l'article 13-1 du code de l'industrie cinématographique.
M. le président. L'amendement n° 94, présenté par M. Cornu, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Dans le texte proposé par cet article pour l'article L. 122-1-1 bis du code du travail, remplacer les mots :
aux dispositions du 3° de l'article L. 122-1-1 du présent code ainsi que, le cas échéant, à la mise en oeuvre de
par les mots :
visées par le premier alinéa de
La parole est à M. le rapporteur.
M. Gérard Cornu, rapporteur. Il s'agit d'un amendement rédactionnel.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote sur l'article 49.
Mme Nicole Bricq. Notre collègue Catherine Tasca s'est déjà exprimée, lors de la discussion générale, sur cet article ; elle a dit quelles étaient nos réserves sur le dispositif proposé.
Permettez-moi de rappeler notre position.
Cet article est emblématique des reculades successives du Gouvernement dans la gestion de la crise des intermittents du spectacle, qui perdure depuis bientôt deux ans.
L'article 49 vise en effet à transcrire en termes législatifs la seule proposition de nature coercitive qui figurait dans le projet de charte pour l'emploi dans le secteur du spectacle vivant, présenté il y a quelques mois par M. Renaud Donnedieu de Vabres en guise de mauvaise réponse au dépôt par l'ensemble des groupes parlementaires des deux assemblées - à l'exception du groupe UMP du Sénat - de propositions de loi « relatives à la pérennisation du régime d'assurance-chômage des professions du spectacle, de l'audiovisuel et du cinéma dans le cadre de la solidarité interprofessionnelle ». Celle qui avait été déposée par les sénateurs socialistes portait, je le rappelle, le numéro 212.
Je rappelle que ces propositions de loi reprenaient toutes le même texte, qui avait été élaboré par le comité de suivi - dont Mme Tasca fait partie -, et qu'elles tendaient à rétablir dans leurs droits acquis à indemnisation du chômage les intermittents du spectacle.
Or le dispositif de l'article 49 va permettre aux agents de l'inspection du travail, du CNC, des DRAC, de l'ANPE, de croiser leurs fichiers afin de vérifier si les contrats d'usage délivrés aux intermittents dans les « secteurs des spectacles, de l'action culturelle, de l'audiovisuel, de la production cinématographique et de l'édition phonographique » présentent les caractéristiques propres à ces contrats ou s'ils constituent des CDD abusifs.
Les sénateurs socialistes sont favorables, je le dis pour qu'il n'y ait pas d'ambiguïté, à la lutte contre l'emploi précaire abusif ; nous avons nous-mêmes préconisé par le passé un meilleur contrôle des entreprises employant abusivement des intermittents du spectacle, notamment par le biais du croisement des fichiers.
Cependant, la priorité, dans le secteur du spectacle vivant et de l'industrie de programmes, se situe d'abord, pour nous, ailleurs et le petit morceau de charte que le Gouvernement rend, par cet article, normatif ne répond aucunement à un an et demi de crise dans le secteur du spectacle vivant, car il ne traite pas la seule question essentielle pour les intermittents, celle du rétablissement d'un régime d'indemnisation chômage sur des bases saines et équitables.
La seule manière de régler cette crise consisterait à inscrire à l'ordre du jour la proposition de loi que je viens d'évoquer. Le Gouvernement, monsieur le ministre, le sait bien, mais il préfère donner satisfaction au MEDEF, qui, depuis des années, préconise l'abolition des annexes 8 et 10 de la convention UNEDIC qui fixent le régime d'indemnisation chômage propre aux intermittents, comme il préfère éviter le débat épineux, pourtant préconisé par le ministre de la culture dans son projet de charte, de financement diversifié du secteur du spectacle vivant et de soutien à la création.
II est, certes, bien plus facile de légiférer pour réprimer que pour créer....
Le dispositif répressif proposé dans l'article 49 est, en lui-même, par ailleurs, insatisfaisant à plusieurs titres.
Tout d'abord, il n'a vraisemblablement pas sa place dans un projet de loi sur les PME ; certaines chaînes de télévision, TF1, M6 ou même France 2, auxquelles on a beaucoup reproché l'emploi abusif d'intermittents, ne répondent en effet pas à la définition d'une PME.
Il tend, ensuite, à créer un précédent dangereux, en termes de droit du travail, en autorisant les agents d'un secteur d'activité à effectuer leur propre police interne et à devenir, de fait, juge et partie.
Si, par ailleurs, il vise à ce que puisse être contrôlé l'ensemble des entreprises du secteur employant des intermittents du spectacle, seules les entreprises concourant à l'industrie de programmes, à savoir les entreprises cinématographiques et audiovisuelles, seront sanctionnées en vertu de l'article 52. En effet, ne sont prévues dans cet article que des sanctions diminuant l'accès au compte de soutien à l'industrie de programmes : ainsi, un entrepreneur de spectacles, un producteur de disques ayant abusivement recours à des contrats d'usage ne se verraient opposer aucune sanction ?
Enfin, il conditionne l'accès à ce compte de soutien au respect de certaines règles du droit social.
Compte tenu de ces réserves et, surtout, dans l'attente de l'adoption de la proposition de loi permettant de renvoyer, sur des bases précises et saines, les partenaires sociaux à la négociation d'un régime d'indemnisation du chômage, le groupe socialiste préfère ne pas participer au vote sur cet article.
M. le président. Je mets aux voix l'article 49, modifié.
Mme Michelle Demessine. Le groupe CRC s'abstient.
(L'article 49 est adopté.)
Article 50
L'article L. 324-12 du code du travail est modifié comme suit :
Après le sixième alinéa, il est inséré l'alinéa suivant :
« Les agents cités au premier alinéa peuvent, sur demande écrite, obtenir des services préfectoraux tous renseignements ou tous documents relatifs à l'autorisation d'exercice ou à l'agrément d'une profession réglementée. » - (Adopté.)
Article additionnel après l'article 50
M. le président. L'amendement n° 436, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l'article 50, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I - Le titre IV du Livre III du code du travail, ainsi que le chapitre IV du titre VI du même livre, sont intitulés comme suit : « Main-d'oeuvre étrangère et détachement transnational de travailleurs »
II - Il est créé au titre IV du Livre III du code du travail un chapitre II ainsi rédigé :
« Chapitre II
« Détachement transnational de travailleurs
« Art. L. 342-1- I - Un employeur établi hors de France peut détacher temporairement des salariés sur le territoire national, à condition qu'il existe un contrat de travail entre cet employeur et le salarié et que leur relation de travail subsiste pendant la période de détachement.
« Le détachement s'effectue :
« a)- soit pour le compte de l'employeur et sous sa direction, dans le cadre d'un contrat conclu entre celui-ci et un destinataire établi ou exerçant en France ;
« b)- soit entre établissements d'une même entreprise ou entre entreprises d'un même groupe.
« II - Une entreprise exerçant une activité de travail temporaire établie hors du territoire français peut détacher temporairement des salariés auprès d'une entreprise utilisatrice établie ou exerçant sur le territoire national, à condition qu'il existe un contrat de travail entre l'entreprise étrangère et le salarié et que leur relation de travail subsiste pendant la période de détachement.
« III - Un employeur établi hors de France peut également détacher temporairement des salariés sur le territoire national pour réaliser une opération pour son propre compte, sans qu'il existe un contrat entre celui-ci et un destinataire.
« Art. L. 342-2 - Est un salarié détaché au sens du présent chapitre tout salarié d'un employeur régulièrement établi et exerçant son activité hors de France, et qui, travaillant habituellement pour le compte de celui-ci, exécute son travail à la demande de cet employeur pendant une durée limitée sur le sol français dans les conditions définies à l'article L. 342-1.
« Art. L. 342-3 - Les employeurs mentionnés à l'article L. 342-1 sont soumis aux dispositions législatives, réglementaires et conventionnelles applicables aux salariés employés par les entreprises de la même branche d'activité, établies en France, en matière de législation du travail pour ce qui concerne les matières suivantes :
« - libertés individuelles et collectives dans la relation de travail, exercice du droit de grève ;
« - durée du travail, repos compensateurs, jours fériés, congés annuels payés, congés pour événements familiaux, congés de maternité, congés de paternité, conditions d'assujettissement aux caisses de congés et intempéries ;
« - salaire minimum, paiement du salaire, y compris les majorations pour les heures supplémentaires;
« - conditions de mise à disposition des travailleurs par les entreprises exerçant une activité de travail temporaire, et les garanties dues à ceux-ci;
« - règles relatives à la sécurité, la santé, l'hygiène au travail et la surveillance médicale ;
« - discrimination et égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, protection de la maternité, âge d'admission au travail, emploi des enfants, durée du travail et travail de nuit des jeunes travailleurs ;
« - travail illégal.
« Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions et modalités d'application des dispositions relevant des matières énumérées aux alinéas précédents, les conditions dans lesquelles des formalités déclaratives sont exigées des prestataires étrangers, ainsi que les formalités dont ceux-ci sont dispensés.
« Art. L. 342-4 - Un employeur ne peut se prévaloir des dispositions applicables au détachement de salariés lorsque son activité est entièrement orientée vers le territoire national ou lorsqu'elle est réalisée dans des locaux ou avec des infrastructures à partir desquels elle est exercée de façon habituelle, stable et continue, notamment par la recherche et la prospection d'une clientèle ou le recrutement de salariés sur ce territoire.
« Dans les situations visées à l'alinéa précédent, l'employeur est assujetti aux dispositions du code du travail applicables aux entreprises établies sur le territoire français.
« Art. L. 342-5 - Les obligations et interdictions qui s'imposent aux entreprises françaises lorsqu'elles font appel à des prestataires de services, notamment celles prévues par l'article L. 325-1 du code du travail relatif au travail illégal, s'appliquent dans les mêmes conditions lorsque les prestations de services sont réalisées par des entreprises établies hors de France détachant du personnel sur le sol français, selon des modalités définies par décret en Conseil d'Etat.
« Art. L. 342-6 - Les agents de contrôle visés au titre premier du livre VI du code du travail et les autorités chargées de la coordination de leurs actions sont habilités à se communiquer réciproquement tous les renseignements et tous les documents nécessaires pour faire appliquer les dispositions du présent chapitre. Ils peuvent également communiquer ces renseignements et documents aux agents investis des mêmes pouvoirs dans les pays étrangers et aux autorités chargées de la coordination de leurs actions dans ces pays.
« La nature des informations communicables et les conditions dans lesquelles est assurée la protection des données à caractère personnel sont précisées par décret en Conseil d'Etat. »
III - L'article L. 341-5 du code du travail est abrogé.
IV - Les dispositions du présent article entrent en vigueur à partir de la publication du décret en Conseil d'Etat prévu à l'article L. 342-3.
La parole est à M. le ministre.
M. Renaud Dutreil, ministre. Cet amendement vise à transposer la directive européenne de 1996 sur les salariés détachés.
M. le président. C'est donc un amendement très important !
M. Renaud Dutreil, ministre. Le principe de liberté de prestation de services, inscrit dans le traité de Rome, a contribué, nous le savons tous, au formidable développement des échanges des pays membres de la Communauté européenne, puis de l'Union européenne.
Cette liberté des échanges entre partenaires européens s'est, notamment, traduite par une forte croissance des détachements de salariés employés par des entreprises étrangères sur le sol français et, inversement, des détachements de salariés français dans les pays étrangers.
En 1996, une directive européenne a fixé les règles du jeu en la matière.
L'amendement que vous propose le Gouvernement a pour objet de parachever la transposition de cette directive et de renforcer la législation, afin que soient mieux encadrées les conditions d'application du droit du travail français par les prestataires de services étrangers.
Ce dispositif s'applique tant aux entreprises de l'Union européenne qu'aux entreprises situées hors de l'Union. Il permet ainsi de sécuriser les relations entre les employeurs et leurs salariés et de lutter plus efficacement contre les fraudes.
A l'instar d'autres dispositions figurant dans ce texte, il permettra de protéger les entreprises françaises contre une concurrence déloyale, représentant ce que l'on appelle du dumping social.
Ce texte protégera également les salariés français et les entreprises.
Pour toutes ces raisons, je vous demande, mesdames, messieurs les sénateurs, de bien vouloir adopter cet amendement.
M. le président. Le sous-amendement n° 444, présenté par MM. Godefroy, Madec, Dussaut, Raoul, Desessard et Courteau, Mme Schillinger et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans le texte proposé par le II de l'amendement n° 436 pour insérer un article L. 342-2 dans le code du travail, supprimer les mots :
pendant une durée limitée
La parole est à M. Bernard Dussaut.
M. Bernard Dussaut. Ce sous-amendement tend à préciser que le salarié d'un employeur établi hors de France est considéré comme détaché dès qu'il commence à travailler sur le territoire national.
L'amendement du Gouvernement est manifestement la conséquence directe de la mobilisation des Français autour du redoutable projet de directive Bolkestein. Il nous permet au moins de constater que la mobilisation de nos concitoyens n'aura pas été inutile : en effet, cet amendement vient se nicher au milieu d'une avalanche de mesures de précarisation et de recul social.
Mais il faut aller au-delà des apparences.
M. le ministre se répand dans la presse depuis deux jours en annonçant qu'avec cette mesure ce funeste projet de directive sera définitivement enterré. Mais il n'en est rien ! En effet, ce que nous lisons dans cet amendement nous montre plutôt un énième effet d'annonce et un bricolage hâtif de vos collaborateurs, monsieur le ministre, à partir de l'article L. 341-5 du code du travail.
Comme le fait si bien dire Lampedusa au prince Salina, en conclusion du Guépard : « Il faut que tout change pour que rien ne change. »
L'article L. 342-2 qu'il nous est proposé d'adopter prévoit que : « Est un salarié détaché au sens du présent chapitre tout salarié d'un employeur régulièrement établi et exerçant son activité hors de France, et qui, travaillant habituellement pour le compte de celui-ci, exécute son travail à la demande de cet employeur pendant une durée limitée sur le sol français dans les conditions définies à l'article L. 342-1 ».
Qu'est-ce, monsieur le ministre, qu'une durée limitée ? Une semaine, quinze jours, un mois, deux mois, un trimestre, un an ? Ou peut-être plus encore...
Ce que la publicité dont votre amendement est entouré ne dit pas, c'est que cette durée limitée n'est pas définie. Dès lors, trois questions se posent. Quelle sera-t-elle ? Qui va la fixer ? Cette décision sera-t-elle laissée à l'appréciation française ou sera-t-elle prise à Bruxelles par un émule ultralibéral de M. Bolkestein ?
Et que se passera-t-il en dessous de cette durée limitée ? Quel sera le statut du salarié ?
En dessous de cette durée limitée, nous craignons fort que le salarié ne bénéficie pas des garanties de notre droit du travail et de notre protection sociale, et qu'il ne reste soumis au droit du pays d'origine. En l'état actuel de la rédaction de ce texte, rien ne lui garantit, rien ne garantit aux entreprises concurrentes en France, rien ne garantit au monde du travail français que ce n'est pas le droit du pays d'origine qui s'appliquera.
Permettez-nous de faire allusion au grave problème que l'on rencontre aujourd'hui dans le secteur des transports routiers avec le cabotage, pratique qui consiste à faire travailler des conducteurs originaires de l'Est sous-payés, avec des horaires et des conditions de travail scandaleux, pour effectuer des transports intérieurs en France. Rien ne vient clairement limiter cette pratique, parce qu'il n'existe pas de durée limite nettement fixée.
Il est donc absolument nécessaire de fixer cette durée dans la loi. C'est pour obtenir une réponse, et même un engagement précis de votre part, monsieur le ministre, que nous avons déposé ce sous-amendement.
Nous aurions pu - et nous y avons songé - opter pour la durée de huit jours qui est déjà mentionnée dans l'article D. 341-5 du code du travail, pour les travaux de montage initial ou de première installation d'un bien. Mais, là aussi, nous avons relevé un problème fâcheux : cette durée ne concerne pas la construction. Devons-nous alors imaginer que la durée envisagée pourrait varier selon les branches ?
En réalité, tout est possible et, avec ce petit morceau de phrase, vous prétendez résoudre une question grave alors que vous ne résolvez rien.
Nous vous posons donc clairement la question : comment envisagez-vous de définir la « durée limitée » ? Avez-vous encore la capacité de prendre cette décision ?
M. le président. Le sous-amendement n° 445 rectifié, présenté par MM. Godefroy, Madec, Dussaut, Raoul, Desessard et Courteau, Mme Schillinger et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par le II de l'amendement n° 436 pour insérer un article L. 342-2 dans le code du travail par une phrase ainsi rédigée :
Le délai compris entre deux périodes de mise à disposition d'une durée inférieure au seuil de détachement de salariés par un employeur établi hors de France, pour le compte d'une même entreprise utilisatrice, ne peut être inférieur à un mois.
La parole est à M. Bernard Dussaut.
M. Bernard Dussaut. Notre second sous-amendement est, en quelque sorte, subsidiaire du premier. En effet, nous sommes partis du principe qu'il était possible que le sous-amendement n° 444 ne soit pas adopté, comme cela arrive parfois. (Sourires.)
Si, d'aventure, une durée plancher assez longue était fixée pour que le salarié détaché entre dans le dispositif de détachement, on pourrait imaginer que certains employeurs établis hors de France fassent effectuer à leurs salariés des missions de courte durée mais répétées.
II suffirait que le salarié quitte le sol français quelques jours, peut-être même quelques heures, et il serait possible de le faire revenir, éventuellement dans la même entreprise utilisatrice. II ne serait alors pas soumis à la nouvelle législation sur le détachement, mais resterait soumis à la législation du pays d'origine, ce qui ne serait pas à son avantage.
Afin de limiter les pratiques frauduleuses de contournement de la loi, auxquelles nous pouvons nous attendre, nous proposons d'interdire que les salariés d'une même entreprise établie hors de France puissent être détachés à répétition pour de courtes périodes dans une même entreprise utilisatrice en France.
Il s'agit d'une position de principe qui doit être affinée, mais chacun comprend bien quel est notre souci, fondé sur l'expérience dont nous disposons déjà.
Je rappelle que l'on dénombre, en France, presque trois millions de chômeurs et que, si l'on compte les travailleurs pauvres, les salariés précaires et les exclus, nous constatons que sept millions de personnes sont frappées par la pauvreté.
C'est un considérable réservoir de main-d'oeuvre qui ne demande qu'à travailler, mais qui a le droit de le faire dans des conditions décentes.
Les entreprises doivent être mises devant un choix clair quant aux conditions d'emploi de leurs salariés. C'est notre responsabilité collective. Prendre en compte la mondialisation ne doit pas signifier abandonner les Français au dumping social et se contenter de suivre la pente de l'ultralibéralisme.
Je rappelle aussi que le dumping social auquel se livrent déjà certaines entreprises, y compris des entreprises françaises établies dans les anciens pays de l'Est, ravage notre économie. Vous avez d'ailleurs fort justement parlé, monsieur le ministre, de la nécessaire protection des entreprises françaises qui perdent des marchés en raison de ce fléau.
II est donc indispensable de disposer, dans l'intérêt de nos entreprises comme dans celui de notre population tout entière, d'une législation claire qui ne soit pas une passoire.
Faute de telles mesures, outre les dégâts pour notre économie que cela pourrait entraîner, ce n'est pas être démesurément pessimiste que de craindre des réactions violentes.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Gérard Cornu, rapporteur. L'amendement n° 436 vise à renforcer la lutte contre les détachements transfrontaliers illégaux de travailleurs en améliorant la définition et les conditions du détachement de travailleurs salariés, en précisant les obligations auxquelles sont soumises les entreprises concernées en matière de respect de la législation du travail et en renforçant les contrôles.
Déposé bien tardivement, le jour même de notre seconde séance d'examen des amendements « extérieurs »,...
M. Gérard Cornu, rapporteur. ... il pourrait se voir appliquer la jurisprudence de l'amendement n° 404 - ne suis-je pas également président du groupe sénatorial d'études sur l'automobile... (Sourires) - mais il m'a toutefois semblé, mes chers collègues, que les problèmes auxquels il entend répondre sont suffisamment connus et inquiétants pour nos concitoyens, cela nous a été rappelé voilà deux semaines, pour que je propose à la commission d'y donner un avis favorable.
De plus, si la rédaction du texte mérite quelques améliorations formelles, il m'a paru préférable de permettre à nos collègues députés de l'examiner avec beaucoup d'attention et dans la sérénité.
Quant aux sous-amendements nos 444 et 445 rectifié, ils n'ont pas été étudiés par la commission. En application de la « jurisprudence 404 » et à titre personnel, je suggère donc à leurs auteurs de les retirer. En effet, il semble bien que ces deux sous-amendements vident de sens le dispositif proposé par le Gouvernement, et je n'ose croire que tel soit l'objectif de nos collègues du groupe socialiste.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les deux sous-amendements ?
M. Renaud Dutreil, ministre. Avec ces deux sous-amendements, les sénateurs socialistes tendent à faire croire que l'amendement du Gouvernement ne réglerait pas les problèmes qui ont été au coeur de nos débats.
Il n'en est rien !
L'amendement n° 436 vise en effet à étendre la portée des dispositions relatives au détachement des salariés à toutes les situations de détachement, à toutes les situations de travail, quelle que soit la durée de détachement, et dès le premier jour. On ne peut pas être plus clair : toutes les situations sont prises en compte par cet amendement.
Je pense qu'il y a méprise sur la notion de durée limitée. (M. Jean Desessard fait un signe d'assentiment.) En effet, reprise de la directive communautaire de 1996, elle vise, au contraire, à encadrer ces pratiques en empêchant que puissent être qualifiées sous cette notion des prestations donnant lieu à des détachements de longue durée, qui relèvent de la fraude à la prestation de service transnational et de l'obligation pour l'employeur étranger de s'établir en France. De la sorte, quand il s'agit d'une installation de longue durée, c'est l'intégralité du droit du travail qui s'applique et non seulement les règles impératives qui figurent dans l'amendement.
Les deux sous-amendements n'ont donc pour effet ni d'améliorer la protection des salariés ni de rendre plus clair les règles de droit que nous avons souhaité introduire dans le code du travail.
M. le président. Les sous-amendements nos 444 et 445 rectifié sont-ils maintenus, monsieur Dussaut ?
M. Bernard Dussaut. Je pensais que ces sous-amendements avaient été examinés par la commission des affaires sociales. Or, apparemment, il n'en est rien.
Mme Catherine Procaccia, rapporteur pour avis. La commission des affaires sociales n'étant pas saisie sur le fond, elle n'a pas pu examiner les amendements « extérieurs » !
M. Bernard Dussaut. Quoi qu'il en soit, si nous nous sommes trompés - ce qui est possible -, et si nous avons mal interprété la notion de durée, si de plus nos sous-amendements vont à l'encontre de ce que nous souhaitons, alors nous les retirons.
M. le président. Les sous-amendements nos 444 et 445 rectifié sont retirés.
La parole est à Mme Michelle Demessine, pour explication de vote sur l'amendement n° 436.
Mme Michelle Demessine. Il aura fallu que les Français s'expriment avec une certaine vigueur à l'occasion du référendum du 29 mai pour que le Gouvernement prenne conscience des dérives d'une construction européenne dominée par le libéralisme...
Mme Michelle Demessine. ...et agisse enfin pour que les droits et la justice s'exercent dans notre pays.
L'amendement du Gouvernement vise à achever de transposer la directive européenne 96/71 du 16 décembre 1996 concernant le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d'une prestation de services et tente de renforcer l'encadrement des conditions d'application du droit du travail français à ces salariés étrangers.
En ce qui concerne l'achèvement de la transposition de la directive de 1996, monsieur le ministre, vous créez dans le code du travail un chapitre concernant le « détachement transnational des travailleurs ». Ce faisant, vous semblez donner une portée plus large au principe du pays destinataire vis-à-vis du droit français, mais il nous faudra attendre le contenu de vos décrets pour pouvoir en juger.
De plus, des insuffisances demeurent, en particulier l'inexistence des moyens de défense collective, mais également la question des cotisations sociales, qui continuent à être soumises au droit du pays d'origine.
S'agissant de vos propositions relatives à l'encadrement des fraudes au droit du travail - hormis le manque de moyens humains dont nous disposons pour effectuer les contrôles, que j'ai déjà souligné à l'occasion de la défense de nos amendements sur le travail illégal -, nous voyons bien que le Gouvernement essaie de répondre à un cas de plus en plus fréquent qui a été illustré par l'affaire Constructel. Ce sous-traitant de France Télécom avait en effet fait appel à des travailleurs portugais, traités dans des conditions bien inférieures au droit social français. Cette affaire a d'ailleurs été rappelée au bon souvenir de M. Breton, ancien P-DG de France Télécom, par Marie-George Buffet lors d'une émission télévisée, et les députés et sénateurs communistes l'avaient largement dénoncée au Parlement.
Votre amendement intervient, monsieur le ministre, alors que les Français ont fait entendre leurs craintes au sujet de la directive Bolkestein. Or, on le sait, la procédure communautaire se poursuit.
Après la discussion des amendements proposés par le Parlement européen, puis le débat qui aura lieu en octobre, ce sera au tour du Conseil des ministres européen d'examiner la directive. Or, si elle était adoptée en l'état, elle permettrait d'appliquer largement le droit du pays d'origine et, du même coup, cela ferait tomber toutes vos bonnes intentions.
Mme Michelle Demessine. Chaque Etat ne serait plus libre d'imposer sa législation.
En outre, la directive Bolkestein confie le contrôle de l'application du régime des salariés détachés aux autorités du pays d'origine, ce qui pose le problème de l'efficacité de ce contrôle.
Nos doutes quant à la volonté du Gouvernement se renforcent lorsque nous constatons que M. Marini a déposé une proposition de loi visant à transposer en droit français le statut de la société européenne, ce qui facilitera la mobilité des entreprises, même unipersonnelles, et donc de leurs salariés.
Ces deux textes combinés mettraient, dans une large mesure, un terme à l'application du code du travail français et permettraient toutes les dérives attachées à l'application du droit du pays d'origine.
Vous ne pouvez en effet pas ignorer le principe de supériorité du droit communautaire sur la loi nationale, posé, je le rappelle, dès 1964 par la Cour de justice des Communautés européennes dans l'affaire « Costa contre Enel » et étendu en France en 1992 par le Conseil d'Etat dans la célèbre affaire dite « des tabacs ».
Les sénateurs du groupe CRC, soucieux de la garantie d'une protection sociale effective des travailleurs, vous demandent de respecter la volonté du peuple en exigeant le retrait de la directive Bolkestein - comme nous l'avons réclamé à plusieurs reprises - et en revenant sur votre politique sociale, qui instaure un nivellement par le bas pour les salariés.
Considérant que nous n'en avons pas fini avec ces graves menaces qui inquiètent encore beaucoup les Français, nous nous abstiendrons sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Monsieur le ministre, j'ai plutôt une attitude positive à l'égard de votre amendement, mais j'ai besoin de vérifier un certain nombre de points.
Tout d'abord, un salarié d'une entreprise étrangère détaché en France sera-t-il véritablement soumis aux mêmes conditions qu'un salarié français ? Sera-t-il soumis au code du travail ?
M. Jean Desessard. C'est bien ce que j'avais cru comprendre. Votre texte va donc à l'encontre de la directive Bolkestein,...
Mme Nicole Bricq. Mais, dans le cas de France Télécom, c'était illégal !
M. Jean Desessard. ... qui prévoit que les entreprises européennes peuvent travailler en France, mais aux conditions sociales du pays d'origine. C'est donc positif par rapport au dumping social. De cette façon, les conditions de travail et de salaires seront les mêmes.
Mais j'ai quand même relevé des insuffisances dans votre proposition. Ainsi, même si, ce qui est très bien, le salarié est soumis aux mêmes conditions que le salarié français, cela n'empêche pas le dumping fiscal, les entreprises visées bénéficiant d'un taux d'imposition sur les sociétés différents.
Il faudra aussi que vous soyez plus clair pour ce qui concerne le montant des charges sociales car, pour l'instant, ce sont celles du pays d'origine.
De plus, un autre problème va se poser, celui des entreprises qui ont leur siège social en France et qui fournissent des prestations transnationales. Votre amendement encadre les détachements sur le territoire national. Mais une société ayant son siège social en France peut très bien avoir des salariés détachés à l'étranger ! Il est donc difficile de dire que le salarié qui fournit des prestations dans différents pays travaille en France. Il manque donc, là aussi, une précision.
Quoi qu'il en soit, je veux saluer votre geste, mais je suis sûr que vous aurez du mal à vous faire entendre sur le plan européen.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 436.
Mme Nicole Bricq. Le groupe socialiste s'abstient !
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 50.
L'amendement n° 440, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l'article 50, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I - Au Chapitre Ier du Titre Ier du Livre Ier du code de la sécurité sociale, après l'article L. 111-2-1, est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. L. 111-2-2. - Sous réserve des traités et accords internationaux, sont affiliées à un régime obligatoire de sécurité sociale dans le cadre du présent code, quel que soit leur âge, leur sexe, leur nationalité ou leur lieu de résidence, toutes les personnes exerçant sur le territoire français, à titre temporaire ou permanent, à temps plein ou à temps partiel :
« - une activité pour le compte d'un ou plusieurs employeurs, ayant ou non un établissement en France, et quels que soient le montant et la nature de leur rémunération, la forme, la nature ou la validité de leur contrat ;
« - une activité professionnelle non salariée. »
II - Dans la section 4 du Chapitre 3 du Titre IV du Livre II du code de la sécurité sociale, après l'article L. 243-7, est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. L. 243-7-1. - Les agents chargés du contrôle visés à l'article L. 243-7 peuvent échanger, avec les agents investis de pouvoirs analogues dans les États étrangers, sous réserve de réciprocité, tous renseignements et tous documents nécessaires à l'appréciation des droits et à l'exécution d'obligations résultant du présent code et des dispositions équivalentes dans l'Etat concerné. »
La parole est à M. le ministre.
M. Renaud Dutreil, ministre. Voilà un amendement qui va parachever la satisfaction de M. Desessard et de Mme Demessine, puisqu'il vise à compléter l'amendement n° 436 en insérant dans le code de la sécurité sociale des dispositions qui, relatives à l'affiliation des travailleurs détachés, figuraient précédemment dans le code du travail.
L'amendement n° 440 précise les conditions de leur affiliation au régime obligatoire de sécurité sociale, ce qui implique donc le paiement des charges sociales. Il organise en outre les conditions d'un contrôle efficace en relation avec le pays d'origine de ces salariés.
Vous le voyez donc, mesdames, messieurs les sénateurs, ces dispositions s'attaquent également à un éventuel dumping social lié à des écarts de charges sociales en affiliant à la sécurité sociale française les salariés travaillant sur notre territoire.
Voilà pourquoi je vous demande également d'adopter cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Gérard Cornu, rapporteur. La commission n'a pas examiné cet amendement.
A titre personnel, je le voterai, puisqu'il ne fait que compléter le dispositif proposé par l'amendement n° 436 en matière de droit de la sécurité sociale.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. M. le ministre a raison de dire que ce dispositif va dans le bon sens, puisque son amendement tend à harmoniser les charges sociales en fonction des normes françaises.
Mais il est prudent, car il écrit : « sous réserve des traités et accords internationaux ». Et c'est là qu'il risque d'y avoir un problème ! Je pense en effet que, dans le contexte des directives européennes, il sera très difficile de faire respecter cet amendement.
Cela étant, c'est une idée intéressante, et j'attends avec impatience de voir la réaction de l'Europe face à ce projet.
M. le président. La parole est à M. Jean Bizet, pour explication de vote.
M. Jean Bizet. Cet article additionnel me paraît particulièrement bienvenu, et ce pour trois raisons.
La première est que cet article inscrit pour la première fois dans notre droit de manière claire et précise les dispositions qui résultent de la directive de 1996. Il faut en effet garder à l'esprit que, après son adoption par les institutions communautaires, cette directive n'a pas donné lieu à une transposition en droit français.
Cela peut surprendre, mais c'est tout à fait normal et conforme aux exigences communautaires. Il n'est en effet aucunement nécessaire de transposer une directive si le droit national est déjà en accord avec les dispositions qu'elle contient. Or tel était le cas pour la directive de 1996, puisque notre code du travail avait, dès 1993, régi le détachement des salariés d'une manière qui n'était pas en contradiction avec ladite directive.
Toutefois, les dispositions du droit français ne reprenaient pas exactement les termes de la directive. C'est logique, puisque le droit français avait été adopté avant l'adoption même de cette directive à Bruxelles. Grâce à l'amendement que le Gouvernement nous propose aujourd'hui, le droit français coïncidera parfaitement avec la directive de 1996.
La deuxième raison de ma satisfaction tient au fait que ce nouvel article prend en compte l'expérience acquise. Les interventions d'entreprises étrangères en France se sont multipliées au cours des dernières années. Et, dans certains cas, ces interventions ont tiré profit des failles qui pouvaient exister dans notre dispositif législatif national.
Faut-il pour autant critiquer les entreprises qui ont agi ainsi ? Je ne le crois pas. Chacun est dans son rôle, et il revient ensuite au législateur de constater les failles et d'y remédier. C'est ce que propose le Gouvernement dans son amendement, en définissant, par exemple, le détachement pour compte propre, c'est-à-dire le détachement qui se fait sans qu'il y ait de destinataire national. C'est ce qu'il fait également en attirant l'attention des entreprises françaises qui recourent à des prestataires étrangers sur les responsabilités qu'elles peuvent encourir.
La troisième raison de ma satisfaction est la plus importante. C'est celle qui explique que j'aie cru utile de prendre la parole. J'ai en effet le sentiment que, en déposant cet amendement, le Gouvernement a voulu répondre à l'appel de la Haute Assemblée.
Dois-je rappeler que, le 23 mars dernier, le Sénat a adopté, en séance publique, une résolution sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative aux services dans le marché intérieur, ce qu'on appelle souvent la directive Bolkestein ? J'avais l'honneur d'en être le rapporteur.
Dans cette résolution, nous demandions solennellement au Gouvernement la confirmation de l'application de la seule directive de 1996 pour le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d'une prestation de services. Nous demandions également le maintien de la déclaration préalable au détachement des travailleurs.
Je suis sûr que le Gouvernement, en présentant aujourd'hui cet amendement au Sénat, n'a pas seulement pour objectif de permettre une meilleure application de la directive de 1996, mais qu'il veut également répondre à l'appel de la Haute Assemblée.
M. Jean Bizet. Il veut réaffirmer son attachement à l'application de la directive de 1996 et au maintien - c'est très important ! - de la déclaration préalable.
Pour moi, cet amendement n'est pas seulement un amendement de codification et de précision, c'est aussi un geste politique dans le contexte de la négociation à Bruxelles de la directive relative aux services dans le marché intérieur. Il est le signe de l'attitude que prendra le Gouvernement dans cette négociation. Mais je ne sais pas si c'est de nature à rassurer notre collègue Desessard...
C'est donc également pour cette raison que je voterai cet amendement.
Je ne regrette qu'une chose - mais on ne peut pas tout avoir ! - c'est que ce débat n'ait lieu qu'aujourd'hui. Pourtant, en tant que rapporteur, j'avais été très clair sur la directive Bolkestein. Si ce débat avait pu avoir lieu avant le 29 mai - et je ne vise pas là spécialement Mme Demessine -, nous aurions entendu beaucoup moins de contrevérités, de propos démagogiques et nous aurions contribué à moins inquiéter nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées de l'UMP. - Mme Nicole Bricq applaudit également.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 50.
Articles additionnels avant l'article 51
M. le président. L'amendement n° 409, présenté par Mme Demessine, MM. Coquelle, Billout et Le Cam, Mme Didier et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article 51, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La seconde phrase du premier alinéa de l'article L. 212-4 bis du code du travail est supprimée.
La parole est à Mme Michelle Demessine.
Mme Michelle Demessine. Le comité de la Charte sociale du Conseil de l'Europe a lui aussi censuré une disposition de la loi Fillon du 17 janvier 2003. Cette condamnation concerne l'atteinte au droit au repos et vise l'article 3 de cette loi, qui assimile le temps d'astreinte, hors intervention, au temps de repos minimal obligatoire entre deux journées de travail.
Pour le comité, cette assimilation constitue une violation des articles de la Charte qui garantissent le « droit à des conditions de travail équitables ». En outre, cette décision rappelle que « les dispositions de la Charte sur le temps de travail ont pour finalité de protéger de façon efficace la sécurité et la santé des travailleurs ».
Toutefois, du fait même de la valeur juridique de la Charte sociale européenne, la portée de cette décision reste encore limitée. Contrairement au droit communautaire, la Charte ne dispose pas de la menace de sanctions financières contre les Etats pour faire appliquer ses principes. Elle ne peut que soumettre un Etat reconnu fautif à une pression internationale, certes symbolique mais diplomatiquement pénible.
Cependant, les résultats du référendum ont révélé qu'une grande partie de nos concitoyens exigeaient une Europe sociale.
Ce serait alors bafouer le suffrage universel que de considérer cette condamnation comme une simple réprimande et de ne pas appliquer immédiatement les décisions du comité de la Charte sociale européenne.
C'est pourquoi nous présentons cet amendement visant à supprimer de l'article L. 212-4 bis du code du travail les dispositions issues de la loi Fillon qui assimilent le temps d'astreinte au temps obligatoire de repos entre deux journées de travail.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Gérard Cornu, rapporteur. L'amendement n° 409 vise à modifier le code du travail pour satisfaire à la Charte sociale européenne.
Il s'est également vu appliquer la « jurisprudence 404 » par la commission des affaires économiques : celle-ci souhaite en effet que cette question soit, le cas échéant, débattue au sein de la commission des affaires sociales.
La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 410, présenté par Mme Demessine, MM. Coquelle, Billout et Le Cam, Mme Didier et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article 51, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I - Le III de l'article L. 212-15-3 du code du travail est abrogé
II - Le second alinéa de l'article L. 212-15-4 du code du travail est supprimé.
La parole est à Mme Michelle Demessine.
Mme Michelle Demessine. C'est maintenant la troisième fois que la France est montrée du doigt par le Comité européen des droits sociaux pour ses lois sur le temps de travail.
Ce comité d'experts, qui, je vous le rappelle, est chargé de vérifier l'application de la Charte sociale européenne, a rendu publique dimanche une décision dans laquelle il estimait que deux dispositions de la loi Fillon du 17 janvier 2003 sur le temps de travail violaient certaines dispositions de la Charte sociale européenne, à savoir la définition des périodes d'astreinte et le forfait en jours des cadres.
C'est le second grief qui retient particulièrement notre attention ici : il s'agit du « forfait en jours » pour les cadres, un dispositif plébiscité par les entreprises, qui y ont trouvé un moyen de faire travailler leurs cadres sans avoir à mesurer leur temps de travail.
Les experts du comité ont noté « qu'aucune limite spécifique n'est prévue pour la durée hebdomadaire du travail dans le système de forfait en jours ». Ce système autorise donc les entreprises à faire travailler leurs salariés jusqu'à 78 heures hebdomadaires, sans autre limite que le repos minimal légal de 11 heures par jour et de 24 heures par semaine.
La situation des cadres avec forfait en jours constitue donc « une violation de l'article 2-1 de la charte » en raison de « la durée excessive du travail hebdomadaire autorisé et de l'absence de garanties suffisantes » offertes par la négociation collective.
Face à cette nouvelle condamnation, permettez-moi de remettre en cause votre adhésion aux « valeurs de l'Europe ». J'ai plutôt l'impression que votre vision des institutions européennes est « consumériste » : prendre ce qu'il y'a de plus libéral et délaisser les quelques aspects sociaux...
Il nous paraît plus qu'urgent de se conformer à la Charte sociale européenne, ratifiée par la France, et de supprimer dans le code du travail les articles ou les alinéas qui ne s'y conforment pas.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Gérard Cornu, rapporteur. Même jurisprudence, monsieur le président : la commission émet un avis défavorable !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 410.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 51
Après le deuxième alinéa du III de l'article L. 212-15-3 du code du travail est inséré un nouvel alinéa ainsi rédigé :
« La convention ou l'accord peut également préciser que les conventions de forfait en jours sont applicables aux salariés itinérants non cadres dont la durée du temps de travail ne peut être prédéterminée et qui disposent d'une réelle autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps pour l'exercice des responsabilités qui leur sont confiées. »
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 280 est présenté par MM. Godefroy, Madec, Dussaut, Raoul et Courteau, Mme Schillinger, M. Desessard et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 411 est présenté par Mme Demessine, MM. Coquelle, Billout et Le Cam, Mme Didier et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Bernard Dussaut, pour présenter l'amendement n° 280.
M. Bernard Dussaut. L'article 51 n'a, selon nous, rien à faire dans ce texte. Il s'agit d'un cavalier que le Gouvernement présente subrepticement et, contrairement à l'article 50, sans aucune publicité. Cela se comprend, puisque l'on peut difficilement prétendre que cet article va améliorer la condition des salariés !
Avec ce texte, les conventions de forfait en jours vont pouvoir être appliquées « aux salariés itinérants non cadres dont la durée du temps de travail ne peut être prédéterminée et qui disposent d'une réelle autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps ».
Déjà, la loi du 17 janvier 2003 avait élargi le champ d'application des conventions de forfaits en heures sur l'année aux itinérants non cadres, et les conditions d'indétermination du temps de travail et d'autonomie, auparavant cumulatives, étaient devenues alternatives. Ce n'était pas encore assez !
Avec cet article 51, vous sonnez définitivement le glas de la réduction du temps de travail. Les salariés dont il s'agit, agents d'exécution dont les salaires sont modestes, se voient traités comme la loi du 19 janvier 2000 le faisait pour les cadres autonomes, responsables de leur travail et dotés d'un salaire décent. C'est une dérive que nous avions crainte à l'époque et qui, malheureusement, se réalise.
On est bien loin des refrains sur le thème : « travailler plus pour gagner plus » ! Dans le cas présent, ces salariés modestes vont devoir travailler beaucoup plus longtemps dans la journée pour ne rien gagner de plus. Rapporté au nombre d'heures, cela signifie qu'ils vont gagner moins pour un temps de travail plus long.
Il est vrai qu'encore une fois le Gouvernement s'emploie, par ce biais, à légaliser les pratiques des entreprises qui utilisent des salariés itinérants. On sait en effet que les réparateurs et les livreurs, qui sont par définition sans cesse en déplacement, réalisent un nombre d'heures qui excède souvent largement le nombre d'heures supplémentaires autorisé.
La meilleure solution pour les employeurs, dans une telle situation, est d'obtenir que le verrou saute : le Gouvernement accède à cette demande.
Evidemment, le préjudice est total pour les salariés, qui sont spoliés financièrement et obligés de réaliser des heures de travail excessives, au péril de leur santé et de leur sécurité.
J'ajoute que, s'agissant de salariés itinérants, le fait de devoir conduire dans un état de fatigue excessive est un facteur supplémentaire de dangerosité, pour eux-mêmes comme pour les autres.
Nous considérons que ce texte est tout à fait scandaleux et nous en demandons la suppression.
M. le président. La parole est à Mme Michelle Demessine, pour présenter l'amendement n° 411.
Mme Michelle Demessine. Avec l'article 51, le Gouvernement propose de modifier le code du travail pour étendre les forfaits en jours sans limite horaire aux salariés itinérants non cadres.
Une fois de plus, c'est au hasard d'une loi sans lien avec le temps de travail qu'une nouvelle mesure de régression est introduite, sans consultation des syndicats de salariés.
L'article 51 est en effet sans relation avec l'objet du texte qui nous est soumis. Le but est de faire valider par voie législative une disposition qui fait l'objet d'un contentieux en droit du travail.
Il faut rappeler que ces forfaits en jours ont été combattus par les cadres puisque, dans les faits, ils permettent de travailler dans la limite de 218 jours par an, 6 jours par semaine et jusqu'à 13 heures quotidiennement, soit un total de 78 heures par semaine.
L'extension d'une telle mesure à des non-cadres est pour le moins inopportune, alors que tous les syndicats européens luttent pour une directive sur le temps de travail limitant la durée maximale hebdomadaire à 48 heures, d'autant que le Comité européen des droits sociaux du Conseil de l'Europe vient de décider, pour la deuxième fois, que le principe du forfait en jours violait la Charte sociale.
Il nous paraît donc logique de refuser le traitement prévu par cet article pour les salariés itinérants non cadres, alors que le même traitement est sanctionné par la Charte sociale européenne en ce qui concerne les cadres.
Nous vous invitons donc à voter cet amendement de suppression.
M. le président. L'amendement n° 223, présenté par Mme Procaccia, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Dans le texte proposé par cet article pour insérer un alinéa après le deuxième alinéa du III de l'article L. 212-15-3 du code du travail, après les mots :
sont applicables
insérer les mots :
, à condition qu'ils aient individuellement donné leur accord par écrit,
La parole est à Mme Catherine Procaccia, rapporteur pour avis.
Mme Catherine Procaccia, rapporteur pour avis. Je voudrais préalablement répondre à nos collègues qui viennent de déclarer que cet article n'avait rien à faire dans un chapitre consacré à la répression du travail illégal.
Je ne partage absolument pas cet avis. En effet, un salarié itinérant non cadre qui est à 200 kilomètres de chez lui et qui doit rendre visite à plusieurs clients ne va pas revenir le lendemain et refaire le trajet pour rencontrer le dernier client qui était absent : il va immanquablement rester, dépasser son temps de travail, et il se trouvera, ainsi que l'entreprise qui l'emploie, en situation de travail illégal. Cet article est donc parfaitement intégré au contexte.
Je suis, pour plusieurs raisons, intimement persuadée de la justesse de cet article. Pour avoir travaillé dans de tels secteurs, je peux vous dire que bon nombre de salariés itinérants ayant une complète autonomie souhaitent pouvoir bénéficier du forfait en jours.
Un commercial, qu'il exerce dans le domaine de l'assurance ou des professions médicales, doit réaliser un chiffre d'affaires déterminé, rencontrer un certain nombre de clients. Actuellement, il est contraint de rentrer chez lui, de travailler cinq jours, alors que, s'il a atteint son objectif en termes de chiffre d'affaires ou de clients - et ces salariés perçoivent souvent des rémunérations supérieures à celles des cadres - il pourrait très bien se reposer le cinquième, voire le troisième jour s'il n'a pas envie de faire à nouveau plusieurs kilomètres.
Je suis donc persuadée que ce système est adapté pour certains salariés. La commission des affaires sociales avait elle-même défendu cette mesure voilà deux ans - élue sénatrice depuis lors, je ne faisais pas encore partie de cette commission -, lors de la discussion du projet de loi relatif aux salaires, au temps de travail et au développement de l'emploi. J'ai en outre déposé un amendement de même nature voilà quelques mois à l'occasion de l'examen de la loi Larcher sur la réforme de l'organisation du temps de travail dans l'entreprise.
L'amendement que je vous présente aujourd'hui tient compte de cette réalité que je connais bien puisque, jusqu'au 31 décembre dernier, je faisais partie des salariés qui bénéficiaient des 35 heures et je gérais moi-même une équipe de cinquante personnes, composée de cadres et de non-cadres. Nous ne sommes d'ailleurs sans doute peut-être pas si nombreux, dans cette assemblée, à être ainsi des praticiens des 35 heures ! Quoi qu'il en soit, j'en connais tout le bénéfice : j'ai ainsi pu remplir, en organisant mes jours de travail, mes fonctions d'élue.
C'est dans ces conditions que j'ai souhaité limiter la portée de cet article en en conditionnant l'application à l'accord, formulé par écrit, des salariés concernés, de sorte que ceux qui préfèrent bénéficier du système horaire plutôt que du forfait en jours puissent continuer à le faire.
Ainsi, nous répondrons au problème que peuvent rencontrer tant les salariés que les entreprises, tout en laissant à chaque salarié sa liberté individuelle. Il faut, je crois, que le salarié puisse choisir et gérer son système d'organisation du temps de travail sans qu'on lui impose.
M. le président. L'amendement n° 416, présenté par MM. Pelletier, Laffitte et de Montesquiou, est ainsi libellé :
Dans le texte proposé par cet article pour insérer un alinéa après le deuxième alinéa du III de l'article L. 212-15-3 du code de commerce, supprimer le mot :
itinérants
La parole est à M. Jacques Pelletier.
M. Jacques Pelletier. L'article 51 a pour objet d'étendre le champ d'application des forfaits en jours sur l'année aux salariés itinérants non cadres dont la durée du temps de travail ne peut être prédéterminée.
Cette situation se rencontre avec tous les salariés qui ont une grande autonomie pour organiser leur emploi du temps dans la mesure où ils exercent leur activité en dehors des locaux de l'entreprise, tels les monteurs sur chantiers, par exemple, même s'ils ne se déplacent pas tout au long de leur journée de travail et qu'ils ne peuvent être qualifiés véritablement d'itinérants.
Aussi cette possibilité de gérer le temps de travail en jours devrait-elle être étendue à tous les salariés dont la durée de travail ne peut être prédéterminée ou qui disposent d'une réelle autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps.
Plusieurs d'entre nous avaient déjà présenté des amendements similaires lors de l'examen de la proposition de loi portant réforme de l'organisation du temps de travail dans l'entreprise, au mois de mars 2005. M. Gérard Larcher, au nom du Gouvernement, nous avait alors indiqué qu'il s'agissait d'un sujet important mais délicat, sur lequel toute évolution des règles devait être réfléchie. Il avait toutefois prévu d'engager rapidement cette réflexion et il souhaitait, par conséquent, que leurs auteurs retirent les amendements qu'ils avaient déposés à l'époque.
Nous avons certes suspendu nos travaux pendant quelques semaines en vue du référendum, mais, trois mois et demi après, la réflexion engagée devrait avoir abouti ! Le Gouvernement pourrait, dans ces conditions, accepter nos amendements.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Gérard Cornu, rapporteur. Les amendements nos 280 et 411 de suppression de l'article 51 sont contraires à la position de la commission. Elle y est donc défavorable.
La commission est, en revanche, résolument favorable à l'amendement n° 223, défendu avec brio par Mme Procaccia, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Il est toujours extrêmement agréable d'entendre un sénateur qui a une parfaite connaissance, acquise sur le terrain, du sujet qu'il défend !
L'amendement n° 416, excellemment défendu par M Pelletier, vise à élargir considérablement le dispositif de l'article 51. Il s'est vu appliquer, dans son principe, la fameuse « jurisprudence 404 ».
Ainsi que l'a rappelé Mme Procaccia, la mesure proposée à l'article 51 est présentée par le Gouvernement conformément à un engagement pris par Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, lors de la discussion de la proposition de loi sur les 35 heures. Il avait alors en effet affirmé qu'une réponse serait apportée à la situation des salariés itinérants non-cadres. Tel est l'objet de cet article.
En revanche, étendre à tous les salariés non-cadres le dispositif du forfait en jours participe d'une logique totalement différente. Cette proposition mérite, j'en suis convaincu, d'être examinée avec attention, non par la commission des affaires économiques, mais par la commission des affaires sociales. Nous en serions d'autant plus contents que la commission des affaires sociales dispose, en son sein, d'une experte en cette matière.
Monsieur Pelletier, vous aviez déjà présenté la même demande lors de notre débat du 2 mars dernier. Le rapporteur de la commission des affaires sociales, M. Louis Souvet, vous avait alors indiqué que la commission était « attentive aux conséquences d'une telle mesure sur la durée du travail ». Quand au Gouvernement, il vous avait demandé de bien vouloir retirer votre amendement.
En conséquence, j'espère que vous ne vous formaliserez pas de ce que la commission des affaires économiques, ce soir, vous fasse la même demande, en souhaitant que vous y accédiez de nouveau.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Renaud Dutreil, ministre. Je suis défavorable aux amendements identiques nos 280 et 411.
S'agissant de l'amendement n° 223, présenté par Mme Procaccia, je m'en remets à la sagesse du Sénat.
Quant à l'amendement n° 416, je demande à M. Pelletier de bien vouloir le retirer, pour les raisons qui ont été indiquées par M. le rapporteur, tout en reconnaissant que la réflexion mérite d'être poursuivie. Je suis certain que Gérard Larcher pourra de nouveau vous fournir des éléments de réponse, peut-être plus satisfaisants que ceux que je vous apporte aujourd'hui.
M. le président. Monsieur Pelletier, l'amendement n° 416 est-il maintenu ?
M. Jacques Pelletier. Non, monsieur le président, je le retire Néanmoins, je ne suis pas très heureux de constater que les deux commissions se renvoient la balle, car je ne sais pas si l'on en sortira ! Il y a tout de même un réel problème. Je propose d'étendre la mesure non pas à tous les salariés, mais à ceux dont la durée de travail ne peut être prédéterminée ou qui disposent d'une réelle autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps.
En tout état de cause, c'est une question qui mériterait d'être discutée avec partenaires sociaux. Je souhaite donc vivement, comme vous l'avez dit, monsieur le ministre, que M. Larcher se saisisse rapidement du problème. Je vous demande de lui faire part de mon sentiment, pour que soit enfin trouvée une solution à ce problème difficile pour un certain nombre de salariés.
M. le président. L'amendement n° 416 est retiré.
Je mets aux voix les amendements identiques nos 280 et 411.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 51, modifié.
(L'article 51 est adopté.)
Article additionnel après l'article 51
M. le président. L'amendement n° 235, présenté par Mme Lamure, est ainsi libellé :
Après l'article 51, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code du travail est modifié comme suit :
I. Dans la seconde phrase du premier alinéa de l'article L. 236-10, le chiffre : « quatre » est remplacé par le chiffre : « huit ».
II. 1° Au premier alinéa de l'article L. 423-16, le chiffre : « deux » est remplacé par le chiffre : « quatre ».
2° Le même article est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Des élections partielles sont organisées à l'initiative de l'employeur si un collège électoral n'est plus représenté ou si le nombre des délégués titulaires est réduit de moitié ou plus, sauf si le fait générateur intervient moins de six mois avant le terme du mandat des délégués du personnel. »
III. Dans la première phrase du premier alinéa de l'article L. 423-18, le chiffre : « deux » est remplacé par le chiffre : « quatre ».
IV. 1° Au premier alinéa de l'article L. 433-12, le chiffre : « deux » est remplacé par le chiffre : « quatre ».
2° Le septième alinéa du même article est ainsi rédigé :
« Des élections partielles sont organisées à l'initiative de l'employeur si un collège électoral n'est plus représenté ou si le nombre des membres titulaires de la délégation du personnel est réduit de moitié ou plus, sauf si le fait générateur intervient moins de six mois avant le terme du mandat des délégués du personnel. »
V. Dans la première phrase du premier alinéa de l'article L. 433-13, le chiffre : « deux » est remplacé par le chiffre : « quatre ».
VI. Le premier alinéa de l'article L. 435-4 est complété par une phrase ainsi rédigée : « L'élection a lieu tous les quatre ans, après l'élection générale des membres des comités d'établissement. »
VII. Au sixième alinéa de l'article L. 439-3, le chiffre : « deux » est remplacé par le chiffre : « quatre ».
La parole est à Mme Elisabeth Lamure.
Mme Elisabeth Lamure. Les PME, qui sont au coeur de nos débats, ne cessent de nous appeler à la simplification administrative.
Monsieur le ministre, vous m'aviez d'ailleurs confié, il y a quelques mois, un comité d'information et de mobilisation pour l'emploi, un CIME, celui des grandes PME, pour étudier avec ces entreprises tout ce qui pourrait alléger leurs charges administratives, afin qu'elles consacrent toute leur énergie à la pratique de leurs métiers et à leur développement.
Cet amendement va dans le sens de l'allégement des contraintes dans la vie sociale de l'entreprise.
En effet, il concerne la durée du mandat des délégués du personnel et des représentants du personnel au sein des institutions représentatives : comité d'entreprise, comité d'établissement, etc.
Ces mandats sont actuellement de deux ans. Cette courte durée est à l'évidence pénalisante pour le bon fonctionnement de ces institutions, et ce pour plusieurs raisons.
Tout d'abord, l'évolution permanente et complexe du droit du travail ainsi que l'élargissement des missions et des attributions confiées aux institutions rendent de plus en plus difficile l'exercice des mandats des représentants du personnel. Pour qu'ils puissent pleinement assumer leurs responsabilités, se former correctement, il faut leur garantir une plus grande stabilité de leur mandat.
Ensuite, l'organisation des élections est un processus lourd et complexe, qui génère une mise en oeuvre matérielle importante, et crée parfois des contentieux. J'ajouterai que la préparation de chaque élection - précampagne, campagne, élection, mise en place des nouveaux élus - couvre une période de six à neuf mois sur un mandat de deux ans. Des échéances aussi rapprochées portent préjudice à la sérénité du travail des élus et elles sont lourdes matériellement et financièrement pour les entreprises.
Enfin, il arrive souvent que, dans certaines entreprises, la recherche de candidatures soit difficile, parfois vaine. Dans ce cas, la courte durée des mandats est un facteur aggravant.
Pour toutes ces raisons, cet amendement vise à porter de deux à quatre ans la durée des mandats des délégués et des représentants du personnel. Si vous l'adoptez, mes chers collègues, la nouvelle organisation sera un élément stabilisateur de la vie sociale des entreprises.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Michelle Demessine. Même jurisprudence, monsieur le rapporteur ?
M. Gérard Cornu, rapporteur. Pas tout à fait, madame Demessine !
Mme Michelle Demessine. Il y a donc deux poids deux mesures !
M. Gérard Cornu, rapporteur. Il s'agit d'un amendement technique et limité, qui vise à simplifier le fonctionnement des instances représentatives du personnel en évitant le renouvellement des élections professionnelles à terme trop rapproché - deux ans actuellement.
Mme Lamure a parfaitement expliqué les multiples avantages de sa proposition, tant pour alléger l'organisation interne et les charges des entreprises - tout particulièrement pour les PME - que pour faciliter l'animation de la vie syndicale.
Du reste, je me suis moi-même renseigné et j'ai constaté que, apparemment, chacun trouve un intérêt à cette proposition.
Evidemment, la commission des affaires sociales aurait pu souhaiter examiner cette suggestion.
M. Jean Desessard. Ah !
M. Gérard Cornu, rapporteur. Néanmoins, la commission des affaires économiques a estimé qu'il s'agissait exclusivement, au fond, d'une mesure de simplification. Or, dès qu'il est question de mesures de simplification, la commission des affaires économiques est tout ouïe. Elle est donc encline à donner un avis favorable sur cet amendement. Vous avez pu constater que ce projet de loi comportait des mesures de simplification dont le Gouvernement ne voulait pas : elles ont tout de même été adoptées. Mme Lamure propose une mesure de simplification. Comment la refuserions-nous ?
Mme Michelle Demessine. C'est ça !
M. Gérard Cornu, rapporteur. Il s'agit d'une mesure tout à fait opportune pour les petites et moyennes entreprises, qui entre parfaitement dans le cadre du projet de loi et des objectifs visés. La commission y est donc favorable.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Michelle Demessine. Il va être obligé de dire qu'il y est défavorable !
M. Renaud Dutreil, ministre. Cet amendement prévoit un nouvel équilibre qui peut sembler raisonnable, mais qui n'a pas fait l'objet de concertations spécifiques avec les partenaires sociaux.
Mme Michelle Demessine. Et voilà !
M. Renaud Dutreil, ministre. Dans ces conditions, le Gouvernement s'en remet à la sagesse de la Haute Assemblée, sous réserve de la suppression du I, qui vise à porter de quatre à huit ans le renouvellement de la formation des membres du Comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, le CHSCT. En effet, ce paragraphe soulève d'importantes difficultés au regard de la politique de santé qui est aujourd'hui relancée.
M. le président. Madame Lamure, acceptez-vous de rectifier votre amendement dans le sens souhaité par M. le ministre ?
Mme Elisabeth Lamure. Monsieur le président, la rectification proposée n'affectant pas le fond et la durée des mandats restant à quatre ans, je souscris à la demande de M. le ministre.
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 235 rectifié, présenté par Mme Lamure, et ainsi libellé :
Après l'article 51, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code du travail est modifié comme suit :
I. 1° Au premier alinéa de l'article L. 423-16, le chiffre : « deux » est remplacé par le chiffre : « quatre ».
2° Le même article est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Des élections partielles sont organisées à l'initiative de l'employeur si un collège électoral n'est plus représenté ou si le nombre des délégués titulaires est réduit de moitié ou plus, sauf si le fait générateur intervient moins de six mois avant le terme du mandat des délégués du personnel. »
II. Dans la première phrase du premier alinéa de l'article L. 423-18, le chiffre : « deux » est remplacé par le chiffre : « quatre ».
III. 1° Au premier alinéa de l'article L. 433-12, le chiffre : « deux » est remplacé par le chiffre : « quatre ».
2° Le septième alinéa du même article est ainsi rédigé :
« Des élections partielles sont organisées à l'initiative de l'employeur si un collège électoral n'est plus représenté ou si le nombre des membres titulaires de la délégation du personnel est réduit de moitié ou plus, sauf si le fait générateur intervient moins de six mois avant le terme du mandat des délégués du personnel. »
IV. Dans la première phrase du premier alinéa de l'article L. 433-13, le chiffre : « deux » est remplacé par le chiffre : « quatre ».
V. Le premier alinéa de l'article L. 435-4 est complété par une phrase ainsi rédigée : « L'élection a lieu tous les quatre ans, après l'élection générale des membres des comités d'établissement. »
VI. Au sixième alinéa de l'article L. 439-3, le chiffre : « deux » est remplacé par le chiffre : « quatre ».
La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Monsieur le rapporteur, nous comprenons votre élan en faveur de la simplification. Nous comprenons bien que des élections trop fréquentes pose un problème d'organisation à l'entreprise. Vous invoquez la stabilité des délégués salariés. Soit ! Mais présenter un tel amendement sous le seul angle de la simplification administrative, ce n'est pas sérieux !
Mme Michelle Demessine. C'est une provocation !
M. Jean Desessard. Ayant compris qu'il s'est passé quelque chose dans le pays et qu'il y a un grand malaise dont il faut tenir compte, Le Premier ministre du gouvernement des cent jours a dit qu'il consulterait l'ensemble des syndicats, qu'il nouerait de vraies relations. Or, aujourd'hui, par la voie de cet amendement, on nous demande d'adopter une modification sans avoir pris l'avis des organisations syndicales.
Voilà quelques instants, monsieur le rapporteur, vous nous avez demandé de reporter l'adoption d'un amendement au motif qu'il ressortissait davantage à la compétence de la commission des affaires sociales. Pourquoi n'adoptez-vous pas maintenant la même attitude ? Que vous soyez favorable à cet amendement, nous pouvons le comprendre. Mais pourquoi ne maintenez-vous pas la même ligne de conduite ? Car il s'agit d'un amendement ! Si cette proposition figurait dans le projet de loi, on pourrait dire qu'on a eu le temps de consulter les organisations syndicales pour savoir ce qu'elles en pensent. Procéder ainsi, ce n'est pas sérieux.
Aussi, je vous demande de retirer cet amendement. A défaut, je serais obligé d'émettre un avis défavorable. (Rires.)
Mme Michelle Demessine. Moi, cela ne me fait absolument pas rire !
M. le président. La parole est à Mme Michelle Demessine, pour explication de vote.
Mme Michelle Demessine. Si j'apprécie beaucoup le débat, et le fait qu'il soit dur et vif, j'apprécie beaucoup moins l'hypocrisie, et, en l'occurrence, il y en a une petite dose.
En effet, alors qu'un certain nombre d'amendements sont renvoyés, à juste titre d'ailleurs, devant la commission des affaires sociales, puisqu'ils relèvent de sa compétence, il nous est proposé d'adopter un texte qui est une véritable provocation. Et vous, monsieur le ministre, vous vous en remettez à la sagesse du Sénat !
M. Jean Desessard. Ce n'est pas sage !
Mme Michelle Demessine. Je vous demande de bien mesurer votre attitude. On ne peut adopter en pleine nuit, en dernière minute, lors de l'examen d'un projet de loi sur les PME, un texte qui bouscule l'équilibre des rapports sociaux, en arguant de la simplification. En agissant ainsi, vous ne respectez pas nos concitoyens. J'en appelle à votre sens des responsabilités !
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 51.
Article 52
Il est inséré dans le code de l'industrie cinématographique un article 13-1 ainsi rédigé :
« Art. 13-1. - En cas d'infraction aux textes pris pour l'application des dispositions de l'article 57 modifié de la loi de finances n° 95-1346 du 30 décembre 1995 ou relevant des dispositions des articles L. 122-1-1-3° et L. 325-1 du code du travail, le directeur général du Centre national de la cinématographie peut prononcer à l'encontre des entreprises concernées les sanctions suivantes :
« 1° Un avertissement ;
« 2° Une réduction ou le remboursement du soutien financier automatique et sélectif accordé ;
« 3° Une exclusion des versements du soutien financier automatique et sélectif pendant une durée de six mois à cinq ans ;
« 4° Une exclusion du calcul des sommes représentant le soutien financier automatique pendant une durée de six mois à cinq ans.
« Ces sanctions sont prononcées sur proposition de la commission prévue à l'article 13 et dans les conditions prévues à ce même article. »
M. le président. L'amendement n° 95, présenté par M. Cornu, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
I. - Rédiger comme suit le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 13-1 du code de l'industrie cinématographique :
« Art. 13-1. - En cas d'infraction aux textes pris pour l'application des dispositions de l'article 57 de la loi de finances n° 95-1346 du 30 décembre 1995 ou aux dispositions du 3° de l'article L. 122-1-1 et de l'article L. 325-1 du code du travail, le directeur général du Centre national de la cinématographie peut prononcer à l'encontre des entreprises concernées, sur proposition de la commission instituée par l'article 13 et dans les conditions fixées par le même article, une ou plusieurs des sanctions suivantes : »
II. - En conséquence, supprimer le dernier alinéa du même texte.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Gérard Cornu, rapporteur. Outre son caractère essentiellement rédactionnel, cet amendement permet logiquement au directeur général du Centre national de la cinématographie de cumuler plusieurs des sanctions prévues, comme le remboursement du soutien déjà accordé et l'exclusion des versements pendant une période qui peut aller de quelques mois à plusieurs années.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 52, modifié.
(L'article 52 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 52
M. le président. L'amendement n° 224 rectifié bis, présenté par MM. Le Grand, Bizet, Godefroy et J. Blanc, est ainsi libellé :
Après l'article 52, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 1519 A du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Pour les pylônes implantés à partir du 1er janvier 2006, cette imposition forfaitaire annuelle peut être établie au profit de l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre auquel appartient la commune bénéficiaire de l'imposition, par délibérations concordantes de la commune et de l'établissement public. »
La parole est à M. Jean Bizet.
M. Jean Bizet. Le code général des impôts prévoit une taxe annuelle consécutivement à l'implantation d'un pylône électrique très haute tension. En l'état actuel de la législation, c'est la commune d'implantation qui en perçoit le produit.
Dans la mesure où, depuis la loi du 12 juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale, la communauté de communes exerce obligatoirement des compétences en matière d'actions de développement économique intéressant l'ensemble du territoire, et afin d'accroître éventuellement son action, le reversement de la taxe sur les pylônes, ainsi que je le propose dans cet amendement, peut constituer une ressource supplémentaire.
Le produit de la taxe en question serait utilisé ou, à tout le moins, réaffecté à des projets de travaux structurants au niveau intercommunal, au lieu de simplement alimenter le budget communal. Le tissu économique local serait ainsi renforcé, en offrant notamment aux entreprises un cadre propice à leur création et à leur développement.
Parallèlement, il est à noter qu'en tout état de cause les communes traversées resteraient obligatoirement bénéficiaires des programmes dits « d'accompagnement » que réalise systématiquement RTE, Réseau de transport électrique, lors de l'élaboration d'une nouvelle ligne haute tension.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Gérard Cornu, rapporteur. Comme c'est bizarre ! Cet amendement est signé par trois sénateurs du même département...
A cette heure tardive, et comme j'ai voulu quelque peu « pimenter » ma réponse, je vous demanderai de m'écouter attentivement.
M. Gérard Cornu, rapporteur. Vous comprendrez la raison pour laquelle j'ai souligné l'appartenance géographique de ces trois sénateurs.
Avec le premier de ces articles additionnels, nous sommes entrés dans la dernière manche de nos débats. Votre commission n'a vraisemblablement rien contre le principe de cet amendement « pylônes » et peut-être y serait-elle même favorable, mais elle n'en a pas discuté sur le fond. On peut parfois être amené à adopter des cavaliers dans certains textes, mais là, c'est quand même une autre paire de manches ! (Sourires.)
Toutefois, mes chers collègues, ne jetez pas le manche après la cognée : j'ai un atout dans la manche, qui est le prochain examen du projet de loi pour la confiance et la modernisation de l'économie. Votre amendement trouverait mieux sa place dans ce texte car son objet comme ses conséquences concernent bien, pour l'essentiel, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Certes, je ne suis pas dans sa manche (Sourires), mais peut-être son collègue chargé des PME voudra-t-il bien dès ce soir nous confirmer que cet amendement serait alors examiné avec toute l'attention positive qu'il requiert.
Aussi, je demanderai à ses auteurs, tout simplement et sans effet de manches, de bien vouloir le retirer. (Sourires.)
M. Jean Desessard. Bravo !
M. le président. Monsieur le ministre, un effet de manches ? Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Renaud Dutreil, ministre. Le rapporteur vient de montrer qu'il n'est pas manchot dès lors qu'il s'agit de faire passer le courant entre lui et l'auteur de l'amendement. (Sourires.) Le Gouvernement va essayer de rester sur la même longueur d'ondes. (Nouveaux sourires.)
La modification qui est proposée permettrait sans aucun doute de valoriser les nouvelles compétences des structures intercommunales en matière d'actions de développement économique par l'attribution de ressources supplémentaires. Toutefois, je crains que la cohabitation de deux régimes de taxation selon la date d'implantation du pylône ne crée une certaine complexité.
Quoi qu'il en soit, c'est une proposition très intéressante, qui mérite une réflexion approfondie et qui pourrait très utilement trouver place dans un débat ultérieur, peut-être - c'est une simple suggestion de ma part - dans un débat porté par mon collègue Thierry Breton.
Pour ces motifs, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement.
M. le président. M. le ministre garde cet amendement dans sa manche. (Sourires.) Monsieur Bizet, l'amendement n° 224 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Jean Bizet. J'ai bien compris qu'il m'aurait fallu retrousser très largement mes manches pour réussir à faire adopter cet amendement. (Sourires.) Je conçois qu'il n'a peut-être pas tout à fait sa place dans ce projet de loi. Ainsi que l'a dit le rapporteur, les trois sénateurs de la Manche se sont accordés sur cet amendement. Je vous fais part de mon inquiétude et de mon empressement à trouver un véhicule législatif, tout simplement parce que nous sommes à la veille du débat public qui sera organisé par la Commission nationale du débat public sur le projet d'implantation d'une nouvelle centrale électronucléaire dans la Manche. L'acceptation sociétale du tracé de la ligne à très haute tension n'est pas aussi simple que cela. Cet amendement visait à faciliter le rôle des élus dans la définition de ce tracé.
Je saisis la balle au bond et prends note de la proposition du ministre des PME de faire passer le message au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. J'aimerais qu'il soit notre porte-parole auprès de son collègue pour faire passer cet amendement. Au-delà des questions de coopération intercommunale, cet amendement serait de nature à faciliter grandement l'implantation du tracé de la ligne à très haute tension.
Je retire donc cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 224 rectifié bis est retiré.
L'amendement n° 225 rectifié bis, présenté par MM. Etienne, Dériot et Lardeux, Mme B. Dupont, MM. Esneu, César, de Broissia, Huré, Texier et Buffet, est ainsi libellé :
Après l'article 52, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les distributeurs présents dans les établissements scolaires ne peuvent mettre à disposition des élèves que les seuls produits dont la liste aura été arrêtée conjointement par les ministères de l'Education nationale et de la Santé, après consultation des instances concernées.
La parole est à M. Yannick Texier.
M. Yannick Texier. L'article 30 de la loi n° 2004-806 du 9 août 2004 dispose que les distributeurs automatiques de boissons et de produits alimentaires payants et accessibles aux élèves sont interdits dans les établissements scolaires à compter du 1er septembre 2005.
Cette interdiction s'inscrit dans le cadre de la lutte contre l'obésité des jeunes, en cohérence avec les recommandations du programme national nutrition santé, le PNNS, qui prône la diminution de la consommation de sucres simples de 25 % dans un délai de cinq ans. L'obésité touche en effet désormais 15 % des enfants en France.
Toutefois, cette interdiction s'avère trop étendue dans la mesure où elle s'applique également aux eaux minérales. C'est la raison pour laquelle, dès le mois de septembre dernier, le ministre de la santé déclarait sur RMC-Info : « Je souhaite que la loi concerne uniquement les boissons sucrées. »
De même, dans un communiqué de septembre 2004, l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments, l'AFSSA, estimait que cette interdiction ne devait pas porter sur les bouteilles d'eau et les fruits, rappelant que ses recommandations avaient toujours porté sur les distributeurs de boissons sucrées et de produits alimentaires manufacturés.
De plus, quel effet une telle interdiction aura-t-elle sur l'obésité des jeunes, alors qu'ils peuvent facilement sortir des établissements scolaires pour acheter à l'extérieur ou consommer chez eux devant la télévision tous les produits caloriques qu'ils souhaitent ?
Cette mesure n'a que peu d'effet réel en matière d'amélioration de la santé publique. A contrario, elle pénalise lourdement le tissu des PME qui gèrent des distributeurs automatiques.
La distribution automatique en France représente 11 900 salariés, dont 23 % de femmes, un chiffre d'affaires de 2 milliards d'euros et 589 000 distributeurs implantés. La majorité des gestionnaires de distributeurs automatiques sont des entreprises artisanales de moins de vingt salariés.
L'application de la loi relative à la politique de santé publique a eu pour effet immédiat le retrait de 22 650 distributeurs dans les écoles, la baisse d'au moins 8 % du chiffre d'affaires et la suppression de 1 000 emplois directs.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Gérard Cornu, rapporteur. La question que vous soulevez, mon cher collègue, a d'indiscutables implications économiques, notamment pour les PME qui produisent les appareils distributeurs et pour les sociétés de services qui en assurent le réassortiment régulier. Mais elle relève au premier chef de la politique de santé publique. C'est d'ailleurs pour cette raison que le dispositif de prohibition, que vous souhaitez assouplir, a été institué par l'article 30 de la loi du 9 août 2004, relative à la politique de santé publique.
Je rappelle cette situation afin que chacun comprenne bien qu'une fois de plus ce n'est pas tant le contenu du dispositif qui pose problème à la commission que le contexte dans lequel il s'inscrit.
En effet, nous voici avec un amendement qui vise à revenir sur une disposition adoptée par le Parlement il y a moins d'un an - et ce que j'ai dit tout à l'heure aux collègues du groupe socialiste et du groupe CRC vaut également pour ceux du groupe de l'UMP. Sur le fond, cet amendement relève, pour l'essentiel, du domaine de compétence de la commission des affaires sociales. Madame Demessine, c'est donc la jurisprudence...
Mme Michelle Demessine. Demessine !
M. Gérard Cornu, rapporteur. Pour ma part, je l'ai appelée « jurisprudence 404 » (Sourires.)
M. Gérard Cornu, rapporteur. Par ailleurs, cet amendement suscite des controverses dépassant si largement le cadre de notre enceinte parlementaire qu'il paraîtrait plus sage, s'il s'avérait réellement nécessaire de l'adopter, qu'il le soit dans des conditions d'examen préalable et de publicité des débats qui permettent au Sénat d'expliquer sereinement sa position et, surtout, de convaincre de son opportunité, de manière que le problème soit définitivement réglé et de façon certaine.
Or, mon cher collègue, tout semble indiquer que ces conditions ne sont pas réunies, ne serait-ce que parce que nos collègues de la commission des affaires sociales n'ont pas été en mesure d'examiner votre amendement.
Aussi, votre commission estime qu'il serait préférable de le retirer.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Michelle Demessine. Pas la sagesse !
M. Gérard Cornu, rapporteur. Il est déjà convaincu par mes arguments ! (Sourires.)
M. le président. Monsieur Texier, l'amendement n° 225 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Yannick Texier. Monsieur le rapporteur, j'ai bien saisi le sens de votre intervention. Je remarque que, s'agissant de votre jurisprudence, vous préférez les références automobiles à certaines autres références. (Sourires.)
L'obésité et, plus communément, la surcharge pondérale sont, en France, un problème majeur de santé publique qui concerne plus de 40 % des plus de quinze ans, soit presque un Français sur deux.
Pour lutter contre ce véritable fléau de nos sociétés contemporaines, l'école et l'éducation sont les meilleurs éléments de prévention d'un mal qui ne cesse de se répandre et, avec lui, son cortège de pathologies connexes, vasculaires et métaboliques notamment.
En matière d'obésité, tout se joue le plus souvent avant quinze ans. A ce moment de la vie, il nous faut nous mobiliser pour agir au mieux afin d'assurer la prévention.
Les distributeurs automatiques dans les lycées ne peuvent être acceptés que s'ils offrent des produits pauvres en calories et peu ou pas sucrés, à l'exclusion de tout autre produit susceptible, par sa richesse énergétique, d'induire à des comportements alimentaires à risques.
La disparition des distributeurs automatiques ne permettra plus une éducation concrète aux bonnes pratiques nécessaires pour prévenir l'obésité, sauf à autoriser, notamment dans les lycées, les distributeurs automatiques uniquement pour des produits allégés figurant sur une liste agréée par le ministère de l'éducation nationale et par le ministère de la santé.
En complément, une charte fondamentale constituant une véritable initiation à la prévention de l'obésité doit être rapidement arrêtée. A partir de cette charte, il appartiendra aux ministères concernés de décliner concrètement les actions et les programmes d'information incitant les jeunes à se conformer aux bonnes pratiques nutritionnelles.
Il convient de déployer dans les meilleurs délais une vaste campagne d'information et de prévention de l'obésité auprès des jeunes.
Ayant reçu des engagements en ce sens de la part du Gouvernement, les signataires de cet amendement le retirent.
M. le président. L'amendement n° 225 rectifié bis est retiré.
Article 53
Dans les conditions prévues par l'article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre, par ordonnances, dans un délai expirant le dernier jour du douzième mois suivant la publication de la présente loi, les mesures de nature législative permettant de rendre applicables, avec les adaptations nécessaires, les dispositions de la présente loi en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, dans les îles Wallis et Futuna et à Mayotte.
Le projet de loi portant ratification de ces ordonnances sera déposé devant le Parlement, au plus tard, le dernier jour du dix-huitième mois suivant la publication de la présente loi. - (Adopté.)
Articles additionnels après l'article 53
M. le président. L'amendement n° 346, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :
Après l'article 53, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Les chauffeurs de taxi sont salariés, sociétaires d'une société coopérative ouvrière de production ou artisans. Les sociétés loueuses de taxis disposent d'un délai de 2 ans à compter du 1er janvier 2006 pour salarier les chauffeurs de taxi locataires ou vendre les licences de taxi qu'elles ne souhaitent pas utiliser pour salarier des chauffeurs.
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. J'espère que M. le rapporteur interprétera ces trois amendements portant articles additionnels après l'article 53 comme allant dans le sens de la simplification administrative.
L'amendement n° 346 pose le problème des fausses entreprises. Il ne s'agit pas de travail illégal. L'objet de ces entreprises, qui, en réalité, n'en sont pas, est de pouvoir s'affranchir de la réglementation sociale liée au salariat. L'employeur préfère que ceux qui travaillent pour lui, et qui devraient bénéficier d'un statut de salarié, constituent une société ou se déclarent en profession libérale.
On retrouve cette pratique dans un certain nombre de secteurs : les taxis, les transports routiers, les sociétés de gardiennage et certains sous-traitants. En obligeant le travailleur à créer une société ou à se déclarer en profession libérale, on lui donne l'impression qu'il est chef d'entreprise ou qu'il est indépendant, mais, en réalité, il est soumis, de la même façon qu'un salarié, au pouvoir d'un donneur d'ordre unique.
Je suis quand même surpris, monsieur le ministre, que, dans le projet de loi, il ne soit pas question du secteur des taxis, où se pose ce problème des fausses sociétés et de l'exploitation de personnes qui, en raison d'un contournement du droit du travail, ne bénéficient pas du statut de salarié.
S'agissant des chauffeurs de taxi, je ne parle pas bien sûr des artisans qui possèdent la licence. Je parle de ceux qui recourent aux services d'un loueur de taxis. Il n'y a aucun problème en ce qui concerne les sociétés de taxis organisées en SCOP, sociétés coopératives ouvrières de production, les regroupements d'artisans, ou les sociétés de taxis qui emploient des salariés. Le problème, ce sont les loueurs.
Ces sociétés loueuses de taxis achètent la licence, le véhicule, et le chauffeur est obligé de verser 3 300 euros par mois pour la location, montant qui excède parfois ses revenus.
J'aimerais que l'on m'explique à quel modèle économique il faut rattacher ce système. On a en effet évoqué les différents modes de capitalisme, l'économie de marché. Moi, j'avais cru comprendre que, lorsque l'on créait une entreprise, c'était, si l'on travaillait bien, dans l'idée de s'enrichir et de pouvoir la développer.
Mais, dans le cas des sociétés propriétaires, celui qui achète la licence et le véhicule ne prend aucun risque puisqu'il est sûr de percevoir chaque mois un loyer de 3 300 euros. Par contre, le locataire, lui, prend tous les risques puisqu'il doit verser tous les mois 3 300 euros. S'il n'y a pas de clients et qu'il gagne moins, le prix de la location reste le même puisqu'il est toujours calculé en fonction de ce qu'il gagnerait en moyenne s'il était salarié. Et avec l'augmentation du chômage, les candidats ne manquent pas ; le turn over parmi les chauffeurs de taxi est important et favorise une véritable exploitation.
Mme Michelle Demessine. C'est un scandale !
M. Jean Desessard. C'est pourquoi j'ai déposé cet amendement qui prévoit que les chauffeurs de taxi ne peuvent qu'être salariés ou sociétaires d'une société coopérative ouvrière de production ou artisans et que les sociétés loueuses de taxis disposent d'un délai de deux ans à compter du 1er janvier 2006 pour salarier les chauffeurs de taxi locataires ou vendre les licences de taxi qu'elles ne souhaitent pas utiliser pour salarier des chauffeurs.
Il y a aussi un important problème en ce qui concerne la licence de taxi, qui coûte aujourd'hui 125 000 euros. Les conditions d'installation, compte tenu de l'achat du véhicule et de celui de la licence, sont très difficiles. C'est un autre problème qu'il faudra également résoudre.
En l'occurrence, le problème dont traite mon amendement concerne les chauffeurs de taxi qui sont obligés de louer la licence et le véhicule.
Mes chers collègues, lorsque vous prenez un taxi, ce qui vous arrive assez souvent, demandez au chauffeur s'il est artisan, salarié ou s'il loue une licence. S'il vous répond qu'il est locataire, demandez-lui s'il est satisfait de son sort et ce qu'il pense de l'esprit d'entreprise. Il vous dira certainement qu'il a du mal à s'en sortir, même en travaillant soixante heures par semaine, et que, s'il est contraint de s'arrêter, cela devient impossible. S'il est en congé maladie, il n'est même pas sûr de retrouver un véhicule disponible à son retour. N'hésitez pas, mes chers collègues, à les interroger, cela vous permettra de vérifier la véracité de ces faits !
Je vous demande donc d'adopter cet amendement pour empêcher l'exploitation de ceux qui sont obligés de louer les taxis parce qu'ils n'ont pas les moyens d'investir dans l'achat d'une licence et d'un véhicule. Ils devraient être salariés car le risque doit être pris par le chef d'entreprise, et non par de « faux salariés ».
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Gérard Cornu, rapporteur. M. Desessard, qui connaît apparemment très bien la situation qu'il vient de décrire, a bien fait de déposer cet amendement, qui soulève un problème réel. Toutefois, il n'est pas possible de résoudre la très complexe question du statut des chauffeurs de taxi au détour de cet amendement, à cette heure avancée de la nuit,...
Mme Michelle Demessine. Il y en a d'autres que l'on a pu résoudre !
M. Gérard Cornu, rapporteur. ... sans une concertation préalable entre les professionnels et les administrations concernées.
C'est pourquoi la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement. Pour autant, elle considère qu'il s'agit d'un très sérieux problème, qui devra être étudié plus amplement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Renaud Dutreil, ministre. C'est une question effectivement sensible, mais qui ne pourra trouver de solution ce soir dans le cadre de ce projet de loi sur les PME. Elle mérite un débat approfondi, comme ce fut le cas lors du vote de la loi de 1995 sur les taxis.
C'est la raison pour laquelle le Gouvernement demande le retrait de cet amendement.
M. le président. Monsieur Desessard, l'amendement n° 346 est-il maintenu ?
M. Jean Desessard. Ayant considéré qu'un délai était nécessaire avant d'adopter les dispositions sur l'élection des délégués dans les entreprises et qu'il était légitime de consulter les organisations syndicales, je ne peux, en toute logique avec mon raisonnement précédent, que trouver normal que d'autres prennent le temps de consulter les organisations professionnelles et syndicales.
Je retire donc mon amendement, mais j'aurais aimé que d'autres adoptent la même démarche pour certains amendements précédents.
M. le président. L'amendement n° 346 est retiré.
L'amendement n° 362, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :
Après l'article 53, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Dans le domaine du transport routier de marchandise, un conducteur routier travaillant pour son compte propre pour un donneur d'ordre unique, dépendant de ce champ d'activité, peut, en cas de difficultés financières de son entreprise, exiger son intégration en tant que salarié dans l'entreprise du donneur d'ordre. Ce dernier a l'obligation de lui proposer un contrat de travail à durée indéterminée prenant en compte son ancienneté depuis qu'il travaille pour lui ainsi qu'un coefficient en rapport avec la grille de classification de la convention collective du transport routier et auxiliaires de transports.
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. La logique qui sous-tend cet amendement comme l'amendement suivant, qui portent tous deux sur le secteur du transport routier de marchandises, est la même que précédemment.
Il existe un donneur d'ordre unique, qui devrait salarier le conducteur du camion, mais qui, pour ne pas être responsable devant la loi et ne pas avoir à respecter le code du travail, demande à cette personne de se déclarer en profession libérale ou de créer son entreprise. J'ai déposé deux amendements différents selon que la personne travaille seule en profession libérale ou qu'elle a créé une société constituée de deux ou trois salariés.
En réalité, toutes ces personnes sont des salariés sans en avoir les droits. Elles créent une entreprise mais c'est le donneur d'ordre qui détermine le prix en fonction du salaire que la personne aurait perçu en tant que salarié. Elle organise elle-même son travail, donc travaille davantage et prend plus de risques.
Il s'agit, là encore, d'un contournement du code du travail. C'est donc pour mettre fin à ces pratiques que j'ai proposé les amendements nos 362 et 363.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Gérard Cornu, rapporteur. La question soulevée par nos collègues rencontre un écho particulier en ce moment, la concurrence dans le secteur européen du transport de marchandises étant en effet particulièrement rude. Mais cette question est extrêmement complexe puisqu'elle se trouve à la croisée de l'économie, du droit du travail, du droit fiscal, du droit commercial, etc.
Je crains, à cet égard, que la solution proposée ne soit bien insuffisante pour permettre de régler les difficultés. En outre, elle se heurterait à des obstacles techniques rendant probablement impossible sa mise en oeuvre.
C'est pourquoi la commission souhaiterait, monsieur Desessard, que vous retiriez ces amendements. Sinon, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Desessard, l'amendement n° 362 est-il maintenu ?
M. Jean Desessard. Je le maintiens, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 363, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :
Après l'article 53, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Dans le domaine du transport routier de marchandise, les salariés d'une petite et moyenne entreprise travaillant pour un donneur d'ordre unique, dépendant de ce champ d'activité, peuvent, en cas de difficultés financières de cette petite et moyenne entreprise entraînant sa cessation d'activité, exiger leur intégration dans l'entreprise du donneur d'ordre. Ce dernier a l'obligation de leur proposer un contrat de travail à durée indéterminée, si ils étaient employés auparavant en contrat à durée indéterminé, prenant en compte leur ancienneté depuis qu'il travaille pour lui ainsi qu'un coefficient en rapport avec la grille de classification de la convention collective du transport routier et auxiliaires de transports.
Cet amendement a été présenté. La commission et le Gouvernement se sont déjà exprimés.
Je mets aux voix l'amendement n° 363.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Vote sur l'ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole est à M. Bernard Dussaut, pour explication de vote.
M. Bernard Dussaut. Nous arrivons au terme de ce texte, dont la discussion s'est déroulée à un rythme extrêmement soutenu, dans des conditions difficiles, puisque, pour la moitié du temps, nous avons siégé en séance de nuit, c'est-à-dire entre 21 heures 30 et une heure du matin.
Par ailleurs, aucun respect des conventions admises pour permettre l'élaboration d'un travail parlementaire digne de ce nom n'a été observé, puisque, après avoir commencé la discussion de ce texte lundi 13 juin, nous avons ensuite examiné les amendements en commission, après la discussion générale.
Qui plus est, et contre toute attente, ce projet de loi a été déclaré d'urgence, ce qui nous prive d'une deuxième lecture, pourtant nécessaire tant les questions traitées sont importantes et risquent d'avoir des conséquences sur le quotidien de nombre de nos concitoyens. Je pense notamment aux jeunes apprentis : vous les contraignez à travailler le dimanche.
Vous avez obligé Mme Procaccia, rapporteure pour la commission des affaires sociales, à retirer l'amendement qui visait à encadrer le travail des apprentis mineurs et à en restreindre le champ d'application. Nous avions le même type d'approche lorsque nous insistions sur la nécessité de renvoyer à un accord collectif de branche et de restreindre la liste des professions concernées.
De tels garde-fous nous semblaient essentiels, mais vous les avez balayés au prétexte qu'il faut faire vite pour ne pas pénaliser les apprentis qui pourraient être embauchés dès la rentrée prochaine ! Autrement dit, mais ce n'est peut-être là qu'un raccourci que m'autorisent certains des propos tenus, on les embauche pour les faire travailler le dimanche !
Par ailleurs, nous avons abordé des sujets très complexes et si diversifiés que plusieurs d'entre eux auraient pu faire l'objet d'un projet de loi.
Certains auront, je le crois, des répercussions douloureuses sur la cohésion économique et sociale de notre pays.
Je pense tout particulièrement à la réforme de la loi Galland et à ses incidences sur l'organisation du secteur de la distribution. Je redoute aussi des conséquences négatives pour les petites entreprises qui fournissent les grandes et moyennes surfaces.
Cette question de la coopération commerciale et des marges arrière est si compliquée qu'il nous aurait fallu beaucoup plus de temps pour en apprécier les implications.
Elle est même si compliquée que le rapporteur a préféré retirer, en commission, soit quelques heures avant son examen en séance publique, un amendement modifiant le calcul du seuil de revente à perte : l'article 31 aura donc été voté sans modification, comme le Gouvernement l'avait souhaité.
Quant à l'article 46 relatif au chèque emploi dans les TPE, le Gouvernement a décidé de le retirer pour l'intégrer dans les prochains textes d'ordonnances en préparation. Ce n'est pas la première fois que le Gouvernement nous prive d'un débat sur des questions aussi fondamentales.
Pendant ce temps, on nous concocte le fameux « contrat nouvelle embauche » qui ne concernerait que les très petites entreprises, mais qui n'a même pas été évoqué lors du débat, et qui ouvre la porte à une remise en cause fondamentale de notre droit du travail en matière de licenciements et de contrats à durée déterminée.
Toutes ces remarques, malgré certains points positifs que je vais évoquer, suffisent déjà pour que nous votions contre ce projet de loi.
Le statut du conjoint collaborateur est incontestablement une avancée.
L'encadrement des enchères électroniques était indispensable, mais votre refus de prendre en considération la question des enchères salariales est une grave erreur, car ce type de recrutement va très probablement se généraliser : il existe déjà en Allemagne et pourrait franchir la frontière sans tarder.
Une fois de plus, vous refusez de réglementer alors que certaines barrières sont indispensables si l'on veut éviter le creusement des inégalités, conséquence d'un libéralisme débridé. Une telle proposition doit au contraire être portée au niveau européen.
La réforme des chambres de commerce et d'industrie s'imposait, mais vous leur accordez des prérogatives qui risquent de les placer en situation de confrontation, voire de concurrence avec les collectivités territoriales, au lieu de mettre en place une réelle synergie entre les différentes instances participant au développement local.
Votre texte visait à répondre à un problème réel : assurer la transmission des PME et des très petites entreprises dans les dix prochaines années. Le dispositif que vous avez envisagé est insuffisant.
Vous avez refusé nos propositions tendant à faciliter la transmission au collaborateur principal de l'entreprise, qui est très souvent l'unique salarié. Or c'est ce principal compagnon qui est souvent le repreneur potentiel, plus que le conjoint ou les enfants.
On retrouve ici beaucoup d'aspects d'une vision un peu trop « paternaliste » et insuffisamment dynamique, qui vous fait rater l'un des maillons essentiel de la transmission.
Quant au tutorat, c'est une demi-mesure, et je demeure réservé quant à son efficacité pour les raisons que j'ai soulignées lors du débat.
Nous voterons donc contre ce projet de loi.
M. le président. La parole est à Mme Michelle Demessine.
Mme Michelle Demessine. Je m'associe aux remarques de notre collègue Bernard Dussaut sur les conditions particulièrement difficiles dans lesquelles nous avons examiné ce projet de loi. Je pense aux réunions de commission entre les séances et au fait que nous ayons surtout siégé en séances de nuit, ce qui est tout à fait ahurissant.
Ce projet de loi en faveur des PME comporte des mesures qui nous paraissent insuffisantes pour faire face aux difficultés rencontrées par ces entreprises, et notamment pour lutter contre la déferlante commerciale de la grande distribution.
Les dispositions financières du texte constituent une amélioration à la marge, qui ne suffira ni à dynamiser ce secteur économique ni à assurer la vie et la pérennité des entreprises, sans un accompagnement beaucoup plus fort du secteur bancaire.
En ce qui concerne les relations commerciales avec la grande distribution, les débats au fond nous confortent dans l'idée que ce projet de loi n'apporte aucune solution à la concurrence sauvage dont sont victimes les PME et les consommateurs. En effet, rien n'est fait pour garantir un prix rémunérateur aux petits producteurs et aux petits fournisseurs.
La baisse des prix est présentée comme un argument de prise en compte des intérêts du consommateur, mais nous savons bien que seule l'augmentation du pouvoir d'achat des salariés permettra de relancer la consommation et l'économie.
Enfin, s'agissant des dispositions modifiant le code du travail, je rappelle avec force notre opposition au travail du dimanche des apprentis mineurs.
Les mesures relatives au travail illégal recueillent bien entendu notre assentiment. Cependant, nous regrettons que des moyens supplémentaires importants ne soient pas prévus pour mettre en oeuvre de manière efficace cette politique.
Nous déplorons surtout le manque de transparence dont a fait preuve le Gouvernement en ce domaine.
En effet, l'article 46 instituant le chèque emploi entreprise a été retiré, privant ainsi les parlementaires de tout débat sur la question. Il s'agit pourtant d'une mesure lourde de conséquences pour les salariés, qui sont de plus en plus confrontés à la précarisation du droit du travail.
Enfin, je souhaite protester à nouveau contre l'attitude de la majorité et de M. le ministre s'agissant de l'amendement sur les délégués du personnel, qui sont relégués à la procédure de simplification. Alors que nos concitoyens réclament plus d'écoute, de dialogue et de considération, vous ne leur opposez que du mépris, ce qui prouve que vous n'avez rien compris à leur message.
Nous pensons que les dispositions de ce texte ne sont pas de nature et de portée suffisante pour assurer le développement et la pérennité des PME, et qu'elles ne présentent pas la dynamique nécessaire aux promesses d'emplois que vous leur faites.
Les sénateurs du groupe CRC voteront donc contre ce projet de loi.
M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Payet.
Mme Anne-Marie Payet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la conjoncture industrielle continue à se dégrader, les déficits publics se sont aggravés et le moral des Français est au plus bas.
Face à cette situation, il y a un seul remède, toujours le même : l'emploi, devenu une énième fois, mais à juste titre, la grande priorité nationale. Or la bataille de l'emploi passe d'abord par la bonne santé de nos entreprises, et notamment de nos PME.
Au regard de notre politique industrielle des trente dernières années, l'intérêt porté aux PME est récent. Contrairement aux grands groupes industriels, l'emploi dans les PME s'accroît. Ainsi, nous en avons tous conscience, si l'on favorise leur création et leur développement, ces entreprises peuvent constituer un vivier d'emplois non négligeable.
Dans sa déclaration de politique générale, le Premier ministre a notamment et légitimement choisi de s'appuyer sur les deux millions de PME et de TPE pour relancer l'emploi.
Même si ce texte sur les PME était déjà inscrit à l'ordre du jour depuis plusieurs semaines, son objet correspond bien aux priorités gouvernementales. Ce projet de loi, issu des travaux de deux groupes de travail, contient un certain nombre de mesures intéressantes, qui répondent tout à fait à l'attente des chefs d'entreprise, comme le titre III consacré au statut du conjoint de l'entrepreneur et aux nouvelles formes d'activité, et comme le statut de gérance-mandat, qui comble un vide juridique.
Les mesures du titre IV, qui visent à encourager l'accompagnement de la transmission et de la reprise d'entreprise, vont également dans le bon sens, même si elles demeurent insuffisantes.
En effet, la transmission d'entreprise constitue l'une des faiblesses notables de notre tissu de PME. Non seulement le taux de reprise est insuffisant, mais nous n'arrivons pas à endiguer la baisse des reprises depuis dix ans. Pourtant, on le sait, six entreprises sur dix passent le cap des cinq ans d'existence, contre une entreprise nouvellement créée sur deux.
La transmission présente donc de nombreux avantages. Elle est moins risquée, assure la pérennisation de l'entreprise et sauvegarde souvent un savoir-faire précieux. N'oublions pas qu'il faudra également remplacer les 500 000 chefs d'entreprise qui partiront à la retraite d'ici à 2010.
Je ne peux, bien entendu, qu'être très favorable à l'article 18, qui autorise le chef d'entreprise cédant et retraité à assurer gracieusement ou de manière rémunérée une prestation de tutorat au bénéfice du repreneur. Cette mesure est en effet déjà expérimentée aux Pays-Bas et elle a fait ses preuves.
S'agissant des actions de formation et d'accompagnement des créateurs et des repreneurs d'entreprises, le groupe Union Centriste-UDF était opposé à ce que leur financement soit assuré par les fonds d'assurance formation. Nous sommes donc très favorables, monsieur le ministre, à votre proposition de création d'un groupe de travail relatif à ces fonds, auquel devrait participer mon collègue Christian Gaudin.
J'en viens à la réforme de la loi Galland. Ce projet de loi comporte des avancées intéressantes, notamment en matière d'accords de gamme et d'enchères électroniques inversées, utilement enrichies par notre Haute Assemblée.
Toutefois, nous nous interrogeons sur la pertinence de la définition du seuil de revente à perte que nous avons adoptée. Certes, le groupe Union Centriste-UDF n'avait pas déposé d'amendement sur l'article 31, mais cela ne signifie pas qu'il se désintéresse de cette question.
Monsieur le ministre, vous avez défendu hier avec beaucoup de conviction l'article proposé par le Gouvernement. Toutefois, s'il devait y avoir une meilleure solution en la matière, il me semble que les principaux acteurs concernés seraient les acteurs économiques, c'est-à-dire les fournisseurs et les distributeurs, tous décriant de façon unanime la mesure que nous avons adoptée.
J'espère, monsieur le ministre, que la réflexion sur ce point précis pourra être encore enrichie dans la suite de la navette parlementaire.
Enfin, je tenais à vous remercier, monsieur le ministre, ainsi que vous-même, monsieur le rapporteur, d'avoir accueilli favorablement plusieurs des amendements présentés par le groupe Union Centriste-UDF.
Malgré ces remarques, mon groupe votera ce projet de loi, qui, outre son caractère très hétérogène, comporte des mesures intéressantes, permettant de conforter les entrepreneurs et les artisans et d'assurer la pérennité des PME.
Il me reste à féliciter Mme et MM. les rapporteurs, ainsi que les commissions saisies sur ce texte, pour leur excellent travail.
M. le président. La parole est à M. Yannick Texier.
M. Yannick Texier. Nous sommes réunis aujourd'hui pour adopter un texte important qui parle de l'entreprise. Ce projet de loi reconnaît, en effet, la place centrale et éminente qu'occupent les entreprises et les entrepreneurs dans la société et dans la bonne marche de l'économie.
Il offre à ceux de nos concitoyens qui souhaitent créer, développer ou reprendre une entreprise la faculté de le faire, car la création d'entreprises est le moteur de la création d'emplois.
La loi pour l'initiative économique a donné une nouvelle impulsion à notre pays, qui a retrouvé le goût et l'envie d'entreprendre. La politique menée pendant trois ans par le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin a permis d'obtenir des résultats tangibles, en l'occurrence les meilleurs chiffres de la création d'entreprises depuis plus de quinze ans, au-dessus de l'objectif fixé en 2002 par le Président de la République de créer un million d'entreprises nouvelles en cinq ans.
Ce renouveau de l'entreprise entrepreneuriale est un signal très encourageant. Cependant, les défis subsistent et il faut redoubler d'efforts pour assurer la pérennité des entreprises existantes ainsi que leur développement.
Ce projet de loi contient bon nombre de mesures positives, notamment pour améliorer le statut de l'entrepreneur et de son conjoint, pour faciliter encore la transmission, la pérennité des entreprises ainsi que leur développement, et pour revaloriser l'apprentissage.
Les dispositions de ce texte vont donc aider au renouvellement de l'image du secteur des métiers et inciter de jeunes couples à se lancer dans un projet d'entreprise. Ce projet de loi constitue donc un nouvel encouragement pour les entrepreneurs de ce pays. Il s'agit du premier texte du gouvernement Villepin inscrit à l'ordre du jour des travaux du Sénat : c'est dire l'importance que le Gouvernement attache à la création d'entreprises dans notre pays ainsi qu'à la pérennité des entreprises existantes, qui ne doivent plus être pénalisées dans la compétition européenne et internationale.
Le souci du Gouvernement de relancer l'activité économique par une revalorisation du pouvoir d'achat des consommateurs a montré à nouveau l'intérêt de modifier le cadre réglementaire, afin de permettre aux distributeurs de baisser leurs prix de vente aux consommateurs.
Votre texte, monsieur le ministre, tend vers un encadrement plus juste des conditions de vente, une meilleure fixation des prix de revente et un contrôle plus efficace de l'application de la loi. Ces objectifs sont tout à fait louables.
Le groupe de l'UMP apportera, en conséquence, son entier soutien à ce texte, parce qu'il est important de redonner aux Français, et en particulier aux jeunes, le goût d'entreprendre et le droit de réussir.
La reprise, la transmission, la création et le développement des entreprises sont des actions concrètes et ce texte leur donne corps et force. Il est destiné à l'ensemble des PME de notre pays, tout particulièrement aux plus petites, qui jouent un rôle essentiel et majeur dans le développement et la pérennité de l'emploi, contribuant ainsi au développement rural et à l'aménagement du territoire.
Je terminerai en affirmant qu'il s'agit d'un très bon projet de loi, très attendu par les PME et les professions libérales.
Sa qualité est assurément due à l'excellent travail de préparation mené, largement en amont, par notre excellent rapporteur Gérard Cornu, au cours de très nombreuses auditions regroupant, notamment chaque mercredi matin, plusieurs dizaines de futurs utilisateurs de ce texte.
Je remercie enfin tout particulièrement M. le ministre Renaud Dutreil, pour sa grande capacité d'écoute sur ce sujet qu'il connaît très bien, gage d'efficacité du texte que nous allons adopter.
M. le président. La parole est à M. Jacques Pelletier.
M. Jacques Pelletier. Nous sommes parvenus au terme de l'examen de ce projet de loi important, tant par la qualité des débats et la diversité des opinions qui se sont exprimées tout au long de la semaine que par l'apport de mesures nouvelles et originales en faveur de nos PME.
Ce texte représentait une véritable opportunité pour mettre en avant les difficultés rencontrées par nos chefs d'entreprise et y apporter des solutions concrètes.
Après avoir soutenu la création d'entreprises avec la loi sur l'initiative économique de 2003, le Sénat a participé à la mise en place de toute une série de mesures tendant à mieux accompagner leur développement, à faciliter les procédures de transmission et à assurer la pérennité des entreprises existantes.
On comprend mieux pourquoi ce texte était particulièrement attendu par l'ensemble de nos PME, notamment les plus petites.
De plus, pour mieux soutenir la croissance et le pouvoir d'achat de nos concitoyens, notre assemblée s'est efforcée d'améliorer et de clarifier les relations commerciales entre fournisseurs et distributeurs par de substantielles modifications de la loi Galland.
Je tiens à saluer le travail de la commission des affaires économiques et de son rapporteur qui se sont montrés particulièrement sensibles à la situation des entreprises les plus fragiles. Que ce soit pour les artisans ou pour les commerçants, toutes ces nouvelles mesures reflètent notre souhait de vaincre de nombreuses difficultés administratives et fiscales.
Enfin, nous avons mis sur pied un véritable et indispensable toilettage des dispositions du code de commerce relatives aux chambres de commerce et d'industrie. Du fait notamment de la décentralisation, ces dernières ont vu leurs missions s'accroître ces dernières années. Il convenait de rendre plus efficaces leurs actions d'aménagement et de développement des territoires.
Je remercie M. le ministre pour l'esprit d'ouverture dont il a fait preuve au cours de nos débats. J'ai, en effet, entendu plusieurs fois le mot « sagesse », que nous aimons beaucoup dans cette assemblée.
A l'instar du Gouvernement et de la commission des affaires économiques, le groupe que je préside souhaite encourager tout ce qui peut contribuer à la revitalisation du tissu économique et à la création d'emplois. C'est pourquoi sa majorité votera ce projet de loi.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'avais déjà préparé mon explication de vote, m'apprêtant à remercier et à féliciter tout le monde pour ce débat intéressant et qui s'est bien passé, ce qui, globalement, est vrai.
J'ai, certes, toujours envie de remercier les gens. Mais je n'en ai pas moins été choqué que le Sénat ait décidé de réformer les modalités d'élection des représentants des salariés par la voie d'un amendement sans en référer à la commission des affaires sociales et sans concertation avec les organisations syndicales.
Si j'ai été choqué, c'est parce que, sous prétexte de simplification ou d'efficacité, on a bradé des éléments de la démocratie sociale. Alors, on peut faire la même chose en politique et invoquer l'efficacité pour élire le Président de la République à vie, les députés tous les quinze ans et les sénateurs tous les trente ans ; pourquoi donc avons-nous ramené le mandat à six ans ?
Telle est bien la logique si, effectivement, on considère que les élections sont chose compliquée et qui font perdre du temps. Bien sûr que c'est compliqué la démocratie ! Mais de là à passer des simplifications administratives à la suppression d'éléments de démocratie, il y a problème. Peut-être étions-nous sous le coup de la fatigue et n'avons-nous pas vu tout cela. J'espère que l'Assemblée nationale reviendra sur ces amendements.
Mme Michelle Demessine. A mon avis, oui, car il y aura du tam-tam !
M. Jean Desessard. Par ailleurs, ce texte balaie de très nombreux champs de paysage entrepreneurial français. Il apporte un certain nombre de compléments au texte existant, voire présente de véritables innovations. Ainsi, sur le thème très attendu du conjoint collaborateur, le texte confère enfin au conjoint un véritable statut, qui permet de clarifier la situation et de consacrer juridiquement un état existant depuis très longtemps. Le droit à la formation pour ce conjoint collaborateur vient confirmer cette reconnaissance.
Les dispositifs de reprise d'entreprise montrent, quant à eux, une réelle volonté de faciliter cette démarche, notamment en accompagnant le repreneur qui pourra réaliser des provisions sur investissements ou avec l'extension du prêt participatif.
La possibilité pour les seniors d'effectuer du tutorat en entreprise correspond tout à fait à l'esprit dans lequel les Verts conçoivent l'avenir de la société : entraide et mutualisation des compétences. Les plus âgés font bénéficier les plus jeunes de leur expérience et de leur savoir-faire et bénéficient en retour d'une transition entre le monde actif et le monde de la retraite, virage souvent très difficile à négocier pour les salariés.
Je me réjouis également du vote d'un de mes amendements.
Je serai plus mesuré sur d'autres points. Je regrette, en effet, que vous ayez supprimé, monsieur le ministre, l'article 46 concernant le chèque-emploi pour les très petites entreprises. Est-ce pour le faire passer par ordonnance ?
Mme Michelle Demessine. Oui ! C'est écrit dans la presse !
M. Jean Desessard. La réponse est oui. Donc, je regrette la méthode.
De même, les mesures concernant les travailleurs indépendants manquent d'ambition et auraient pu traiter le sujet de manière plus globale. Pour commencer, malgré les améliorations apportées par ce texte, aucun parachute n'est prévu pour les travailleurs indépendants qui font faillite. Indépendant n'implique pas que la solidarité ne puisse s'exercer. Les travailleurs indépendants devraient pouvoir cotiser au régime chômage. D'ailleurs, n'est-ce pas dans le même esprit de solidarité qu'ils cotisent au régime de la sécurité sociale pour la maladie et la vieillesse ?
Je regrette que ce projet de loi n'ait pas abordé la fausse création d'entreprise, c'est-à-dire une fonction de salarié déguisée en profession libérale, avec client unique et imposé.
En conclusion, ce projet de loi marque quelques avancées, dont il faut se réjouir. Cependant, ce texte aurait dû impérativement mettre les travailleurs, qu'ils soient salariés, demandeurs d'emploi, créateurs d'entreprise ou indépendants, au coeur du système et leur garantir un niveau de protection élevé et durable.
Je ne vous le cache pas, le vote sur les amendements concernant la démocratie dans l'entreprise pose problème. En conséquence, le sénateur et les sénatrices Verts ne voteront pas ce texte.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, rapporteur pour avis.
Mme Catherine Procaccia, rapporteur pour avis. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, rapporteur pour avis pour la première fois, j'estime avoir eu une grande chance de travailler sur un texte intéressant et dont les dispositions qui étaient soumises à la commission des affaires sociales étaient vraiment sociales, alors que ce texte aurait pu se contenter d'être purement économique et financier.
En tant que femme, je suis fière d'avoir participé au vote et d'avoir été à l'origine d'amendements grâce auxquels vont sortir de l'ombre ces femmes qui concourent quotidiennement à la réussite de l'entreprise et dont chacun reconnaît la part importante. Dorénavant, elles auront un statut, elles seront reconnues et elles auront enfin des droits sociaux.
Par cette loi, nous espérons faire avancer l'apprentissage, lutter contre le travail illégal et, vous l'avez compris, j'apprécie que les salariés itinérants puissent retrouver la liberté d'organiser leur temps de travail et leur choix.
Je veux particulièrement remercier Gérard Cornu, avec lequel j'ai travaillé cordialement, efficacement et en totale complémentarité, et qui m'a apporté son soutien sur des amendements parfois inattendus pour lui.
Je veux aussi remercier M. le ministre qui, dans la majorité des cas, a émis un avis favorable ou de sagesse, ainsi que chacun des collègues sans lesquels ces amendements n'auraient pas pu être adoptés.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Gérard Cornu, rapporteur. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes parvenus au bout du chemin, au terme d'une quatrième nuit de travail. Ce texte globalement assez compliqué, qui faisait appel au droit commercial, au droit social et au droit fiscal, a mobilisé un rapporteur au fond mais aussi trois rapporteurs pour avis, que je tiens à remercier pour leur complémentarité et, surtout, pour m'avoir éclairé sur des dossiers aussi difficiles.
Il a également mobilisé une dizaine d'administrateurs, auxquels je voudrais rendre hommage, même si ce n'est pas conforme à l'usage. En tout cas, moi, j'y tiens parce qu'ils ont planché sur ce texte et que, sans eux, nous aurions eu quelques difficultés.
De ce projet de loi, je retiendrai qu'il était à la fois économique et social et que nous n'avons pas hésité à y aborder un aspect difficile de la transparence commerciale, « difficile » étant presque un euphémisme.
Parmi les points délicats, j'en retiendrai d'abord un, qui me paraît essentiel pour l'avenir de nos entreprises et de ceux qui veulent entreprendre. Notre démarche concernant la transmission d'entreprise est extraordinaire. Jamais un Gouvernement et une assemblée n'auront fait autant pour permettre de régler un problème qui sera majeur dans les dix ans à venir. On le sait, c'est la loi de la nature, 500 000 chefs d'entreprise prendront leur retraite dans cette période. Je crois que nous sommes allés jusqu'au bout de la logique pour accompagner et favoriser, au niveau législatif, cette transmission d'entreprise.
Je voudrais ensuite mettre l'accent sur le caractère social de ce texte. Nous étions, là aussi, en présence d'une revendication fort ancienne. De ce problème du statut du conjoint collaborateur, on parlait depuis tellement longtemps, se promettant toujours d'agir sans jamais le faire. Eh bien, nous l'avons fait ! Et je crois que nous pouvons tous être fiers d'avoir légiféré dans ce domaine.
Le point qui a peut-être été le plus dur pour moi était pourtant l'un de ceux que je connaissais parfaitement. Mais, en la matière, les forces contraires ont parfois agi avec efficacité, mais aussi avec une violence, sinon physique, du moins verbale. La presse m'a attribué des propos que je n'avais pas tenus.
Sur ce dossier extrêmement difficile, j'ai toujours privilégié l'intérêt général, ce qui n'est pas facile en présence d'interlocuteurs habiles et qui, sous le prétexte de défendre l'intérêt général, essaient, par moments, de faire passer un intérêt particulier. Et quand on adhère à une idée, très vite, on voit parfois l'idée contraire surgir.
Ce que je retiendrai peut-être le plus, c'est l'effort pour arriver au point d'équilibre, là où se trouve l'intérêt général. Mais tout texte équilibré fait toujours des mécontents, car l'équilibre ne satisfait personne - mais c'est le rôle du politique de prendre ses responsabilités, et je l'ai fait en privilégiant l'intérêt général.
Je me tourne vers les membres de la majorité du Sénat, qu'ils appartiennent au groupe de l'UMP, de l'UC-UDF ou du RDSE. Merci du fond du coeur de m'avoir accompagné et apporté la confiance sans laquelle un rapporteur ne peut rien faire. Vraiment, vous avez été formidables. J'ai parfois eu presque honte à m'entendre vous demander de retirer des amendements sur lesquels vous aviez durement travaillé. Vous l'avez fait, j'en suis sûr, à titre amical, mais je n'en tiens pas moins à vous demander de me pardonner d'avoir été parfois sévère. Je vous remercie d'avoir été aussi disponibles et attentifs.
Je tiens aussi à remercier la minorité. Même si nous ne partageons pas toujours les mêmes idées, nos échanges ont été d'une grande correction. Vous avez été, vous aussi, très attentifs. C'est effectivement cela aussi le débat : exposer son point de vue et se respecter, même si on n'est pas d'accord. Nous nous sommes parfois rejoints : nous avons accepté certains de vos amendements. Vous estimez que cela n'a pas été suffisant : c'est normal, chacun joue son rôle.
Concernant le groupe communiste, républicain et citoyen, sa demande de renvoi à la commission m'a paru injuste vis-à-vis du rapporteur.
Mme Michelle Demessine. Ce n'était pas du tout contre le rapporteur !
M. Gérard Cornu, rapporteur. Je me suis en effet totalement mobilisé et j'ai travaillé pendant tant d'heures afin de pouvoir être à l'écoute des uns et des autres. Cette demande m'a affecté car j'avais à coeur d'effectuer un travail complet. Il faut parfois surmonter les affrontements politiques
Je suis, me semble-t-il, d'un caractère sympathique, mais, vous l'avez certainement remarqué, quand une démarche me semble injuste, je le dis franchement, comme je le pense. C'est peut-être le seul moment où j'ai été un peu sévère, mais pourquoi pas ! Après tout, il faut savoir dire les choses.
En conclusion, je voudrais remercier le Gouvernement, en particulier M. le ministre car, même si c'était pour lui un retour au bercail, il s'est rapidement attelé à la tâche. Certes, nous lui avons parfois fait des misères - tous ensemble, mes chers collègues, et c'est peut-être ce qui caractérise notre assemblée.
En effet, c'est la loi du genre au Sénat que de se rassembler, au-delà des clivages politiques, sur les questions d'intérêt public que l'on considère nécessaire de défendre. Nous avons ainsi su nous rassembler pour voter des amendements sur lesquels vous aviez émis un avis défavorable, monsieur le ministre.
Mais, là encore, c'est la loi du genre : nous ne pouvons pas toujours accepter tous les amendements du Gouvernement ; le Gouvernement ne peut pas non plus accepter tous les amendements de la commission. Chacun a travaillé, suivant la mission qui était la sienne, efficacement pour le bien public, pour l'ensemble des entreprises qui étaient très concernées par ce texte.
Monsieur le ministre, vous avez défendu ce projet de loi avec un tel brio que, sur le dossier de l'interdiction des accords de gamme, qui me tenait à coeur comme à l'ensemble de cette assemblée, vous avez failli me faire flancher. Mais, je peux vous le dire maintenant, les sénateurs se sont si bien défendus qu'ils méritaient que leur amendement soit adopté.
Nous avons fait un bout du chemin, et à présent l'Assemblée nationale va prendre le relais. L'urgence ayant été déclarée sur ce texte, nous devrons aussi parvenir à un accord en commission mixte paritaire.
Nous serons bien sûr attentifs aux dispositions qui ont été adoptées par notre assemblée, mais là aussi, vous le savez, mes chers collègues, c'est la loi du genre, le Sénat n'a pas toujours totalement raison, l'Assemblée nationale n'a pas forcément raison, il nous faudra faire un bout du chemin pour que la commission mixte paritaire puisse aboutir à l'adoption d'un texte efficace. Ce projet de loi sera examiné à l'Assemblée nationale début juillet. D'ici au 14 juillet, date avant laquelle la commission mixte paritaire doit se réunir, nous avons encore beaucoup de travail à accomplir, et j'espère le faire en totale concertation avec nos collègues de l'Assemblée nationale.
Du fond du coeur, merci à vous toutes et à vous tous d'avoir produit cet effort considérable.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission des affaires économiques.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 182 :
Nombre de votants | 328 |
Nombre de suffrages exprimés | 325 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 163 |
Pour l'adoption | 201 |
Contre | 124 |
Le Sénat a adopté.
La parole est à M. le ministre.
M. Renaud Dutreil, ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, à un moment important de la vie du Gouvernement, à un moment où Dominique de Villepin a fait des PME, des très petites entreprises, le fer de lance du combat de la France contre le chômage, le Gouvernement remercie le Sénat d'avoir pris ce texte à bras-le-corps et d'avoir mené son examen à son terme, c'est-à-dire au vote.
Je voudrais adresser tout particulièrement mes remerciements au rapporteur au fond, qui a été à certains moments coriace, à d'autres pugnace, mais toujours d'une immense compétence et d'une parfaite loyauté. Sa clairvoyance a permis à ce projet de loi d'être amélioré, amendé, éclairé, grâce aux explications très nombreuses qu'il a fournies, mais également aux amendements qu'avec beaucoup de tact et de volonté il a réussi à faire adopter.
Mes félicitations et mes remerciements vont également aux rapporteurs pour avis des commissions qui se sont associés à ce long travail, aux groupes qui ont voté ce texte ainsi que les sénateurs qui ont passé de nombreuses heures de nuit à l'améliorer et à le discuter ainsi qu'aux sénateurs de l'opposition qui ont été constamment à la fois vigilants - c'était leur rôle - et capables de discerner ce qui, dans ce texte, répondait à l'intérêt général et à leurs propres convictions.
Ce débat sérieux, solide et passionné a permis à notre pays d'avoir aujourd'hui, à l'issue d'une première lecture, un texte utile, pragmatique, concret qui apportera à un très grand nombre d'entrepreneurs, mais également à tous leurs salariés et aux consommateurs à travers le texte important que nous avons voté sur la réforme de la loi Galland, des dispositions plus claires, plus lisibles et susceptibles de redonner des outils pour la croissance.
Je suis donc un ministre heureux d'avoir conduit ce débat au Sénat.
Je terminerai en adressant mes remerciements à Christian Jacob, mon prédécesseur, qui a engagé une longue concertation sur ce projet de loi et qui a donc permis qu'il soit aujourd'hui adopté. Il a aimé ce texte, il l'a beaucoup amélioré : il sera donc, lui aussi, très heureux d'apprendre que le texte a été voté cette nuit. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
7
Transmission DE PROPOSITIONS DE LOI
M. le président. J'ai reçu de M. le président de l'Assemblée nationale une proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, relative au droit de préemption et à la protection des locataires en cas de vente d'un immeuble.
La proposition de loi sera imprimée sous le n° 406, distribuée et renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
J'ai reçu de M. le président de l'Assemblée nationale une proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, tendant à instaurer une journée nationale des fondations.
La proposition de loi sera imprimée sous le n° 407, distribuée et renvoyée à la commission des affaires culturelles, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
8
DÉPÔT D'UN RAPPORT D'INFORMATION
M. le président. J'ai reçu de M. Yves Fréville un rapport d'information fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation sur le rapport de la Cour des comptes relatif aux comptes de DCN-SA.
Le rapport d'information sera imprimé sous le n° 405 et distribué.
9
ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 21 juin 2005 à seize heures et le soir :
Discussion en deuxième lecture du projet de loi organique (n° 391, 2004-2005), modifié par l'Assemblée nationale, relatif aux lois de financement de la sécurité sociale.
Rapport (n° 399, 2004-2005) de M. Alain Vasselle, fait au nom de la commission des affaires sociales.
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 20 juin 2005 à seize heures ;
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 20 juin 2005 avant dix-sept heures.
Scrutin public ordinaire de droit sur l'ensemble du projet de loi organique.
Délai limite pour les inscriptions de parole et pour le dépôt des amendements
Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, portant réforme de l'adoption (n° 300, 2004 2005) :
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 21 juin 2005, à dix-sept heures ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 21 juin 2005, à dix-sept heures.
Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la justice (n° 330, 2004 2005) :
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 22 juin 2005, à dix-sept heures ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 22 juin 2005, à seize heures.
Proposition de loi de M. Laurent Béteille précisant le déroulement de l'audience d'homologation de la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (n° 358, 2004 2005) :
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 22 juin 2005, à dix-sept heures ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 22 juin 2005, à seize heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée le vendredi 17 juin 2005, à une heure trente.)
La Directrice
du service du compte rendu intégral,
MONIQUE MUYARD