compte rendu intégral
PRÉSIDENCE DE M. Roland du Luart
vice-président
1
PROCÈS-VERBAL
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
Remplacement d'un sénateur DÉmissionnaire
M. le président. M. le Président a été informé, par lettre en date du 29 juin 2005, de M. le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, qu'à la suite de la démission, le 30 juin 2005 à minuit, de M. Georges Ginoux, sénateur du Cher, le siège détenu par ce dernier, sénateur d'un département soumis au scrutin majoritaire, sera pourvu, selon les termes de l'article L.O.322 du code électoral, par une élection partielle organisée à cet effet dans le délai légal.
3
Sauvegarde des entreprises
Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence
M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, de sauvegarde des entreprises (nos 235, 335, 337, 355).
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l'examen de l'article 7.
Article 7
Les articles L. 611-8, L. 611-9 et L. 611-10 sont ainsi rédigés :
« Art. L. 611-8. - I. - Le président du tribunal, sur la requête conjointe des parties, constate leur accord et donne à celui-ci force exécutoire. Il statue au vu d'une déclaration certifiée du débiteur attestant qu'il ne se trouvait pas en cessation des paiements lors de la signature de l'accord, ou que cette signature y met fin. La décision constatant l'accord n'est pas soumise à publication et n'est pas susceptible de recours. Elle met fin à la procédure de conciliation.
« II. - Toutefois, à la demande du débiteur, le tribunal homologue l'accord obtenu si les conditions suivantes sont réunies :
« 1° Le débiteur n'est pas en cessation des paiements ou l'accord conclu y met fin ;
« 2° Les termes de l'accord sont de nature à assurer la pérennité de l'activité de l'entreprise ;
« 3° L'accord ne porte pas atteinte aux intérêts des créanciers non signataires, sans préjudice de l'application qui peut être faite des articles 1244-1 à 1244-3 du code civil.
« Art. L. 611-9. - Le tribunal statue sur l'homologation après avoir entendu ou dûment appelé en chambre du conseil le débiteur, les créanciers parties à l'accord, les représentants du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel, le conciliateur et le ministère public. Il peut entendre toute autre personne dont l'audition lui paraît utile.
« L'ordre professionnel ou l'autorité compétente dont relève, le cas échéant, le débiteur qui exerce une profession libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire, ou dont le titre est protégé est entendu par le tribunal lorsqu'il est appelé à statuer sur l'homologation d'un accord amiable.
« Art. L. 611-10. - L'homologation de l'accord met fin à la procédure de conciliation.
« Lorsque le débiteur est soumis au contrôle légal de ses comptes, l'accord homologué est transmis à son commissaire aux comptes. Le jugement d'homologation est déposé au greffe où tout intéressé peut en prendre connaissance et fait l'objet d'une mesure de publicité. Il est susceptible de tierce-opposition dans un délai de dix jours à compter de cette publicité. Le jugement rejetant l'homologation ne fait pas l'objet d'une publication. Il est susceptible d'appel.
« L'accord homologué suspend, pendant la durée de son exécution, toute action en justice, toute poursuite individuelle tant sur les meubles que les immeubles du débiteur dans le but d'obtenir le paiement des créances qui en font l'objet. Il suspend, pour la même durée, les délais impartis aux créanciers parties à l'accord à peine de déchéance ou de résolution des droits afférents aux créances mentionnées par l'accord. Les personnes physiques coobligées, ayant consenti une caution personnelle ou une garantie autonome peuvent se prévaloir des dispositions de l'accord homologué.
« L'accord homologué entraîne la levée de plein droit de toute interdiction d'émettre des chèques conformément à l'article L. 131-73 du code monétaire et financier, mise en oeuvre à l'occasion du rejet d'un chèque émis avant l'ouverture de la procédure de conciliation.
« Saisi par l'une des parties à l'accord homologué, le tribunal, s'il constate l'inexécution des engagements résultant de cet accord, prononce la résolution de celui-ci ainsi que la déchéance de tout délai de paiement accordé. »
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 13 est présenté par M. Hyest, au nom de la commission des lois.
L'amendement n° 184 est présenté par M. C. Gaudin, au nom de la commission des affaires économiques.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
A la fin de la deuxième phrase du I du texte proposé par cet article pour l'article L. 611-8 du code de commerce, remplacer les mots :
la signature de l'accord, ou que cette signature y met fin
par les mots :
la conclusion de l'accord, ou que ce dernier y met fin
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 13.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, rapporteur. Juridiquement, c'est l'accord de conciliation lui-même qui met fin à la cessation des paiements du débiteur et non sa signature.
Il a paru utile à la commission des lois d'apporter cette précision.
M. le président. La parole est à M. Christian Gaudin, rapporteur pour avis, pour présenter l'amendement n° 184.
M. Christian Gaudin, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan. Il s'agit d'un amendement de précision. C'est non pas la signature mais plutôt l'accord qui est susceptible de mettre fin à l'état de cessation des paiements en comportant, notamment, des conditions suspensives qui, une fois levées, permettront de l'exécuter.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice. Le Gouvernement est favorable à ces amendements de précision. .
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 13 et 184.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. L'amendement n° 220, présenté par Mmes Assassi, Mathon, Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Dans l'avant-dernier alinéa (2°) du II du texte proposé par cet article pour l'article L. 611-8 du code de commerce, après les mots :
à assurer
insérer les mots :
le maintien de l'emploi et
La parole est à Mme Eliane Assassi.
Mme Eliane Assassi. L'article 7 est relatif à la constatation et à l'homologation de l'accord amiable. Le premier paragraphe de l'article L. 611-8 du code de commerce permet au débiteur et à ses créanciers de solliciter du président du tribunal qu'il constate l'accord intervenu.
Le second paragraphe vise à instituer une procédure d'homologation par le tribunal, mais qui ne pourrait intervenir qu'à la demande du débiteur.
Trois conditions cumulatives de fond sont imposées pour permettre l'homologation de l'accord : le débiteur n'est pas en cessation des paiements ou l'accord conclu y met fin ; les termes de l'accord sont de nature à assurer la pérennité de l'activité de l'entreprise ; enfin, l'accord ne porte pas atteinte aux intérêts des créanciers non signataires.
Alors que la sauvegarde de l'emploi faisait figure de cheval de bataille pour le Gouvernement, elle n'apparaît déjà plus, dans le projet de loi, au stade de la conciliation. Cette omission est regrettable, car le maintien de l'emploi doit être une priorité dans le traitement des difficultés des entreprises.
Même si, à l'article 6, il est fait mention de la mission du conciliateur en termes de maintien de l'emploi, le 2° du II de l'article 7 ne fait référence qu'à la pérennité de l'activité de l'entreprise. Or, si l'on considère l'activité de l'entreprise de manière uniquement comptable, comme c'est souvent le cas dans les tribunaux de commerce, le maintien n'apparaît pas comme une priorité, bien au contraire.
Nous n'oublions pas que la commission des lois de l'Assemblée nationale a voulu faire inscrire dans la sauvegarde la procédure des licenciements accélérés. Cela prouve bien que certains veulent faire des emplois - ou, plutôt, de leur suppression ! - la condition pour sauvegarder une entreprise.
C'est pourquoi nous voulons garantir, dans toutes les procédures, que le maintien de l'emploi sera assuré au même titre que celui de l'activité. En l'espèce, nous pensons que le rôle du conciliateur et des tribunaux de commerce est d'être désormais plus soucieux de l'emploi.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. L'objet de l'accord de conciliation doit être de pérenniser l'activité de l'entreprise, tout en assurant, dans la mesure du possible, le maintien des emplois.
En revanche, faire du maintien des emplois une condition de l'homologation de l'accord paraît une condition trop stricte et irréaliste.
L'avis de la commission est donc défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux. J'ai tenté, hier, madame Assassi, de faire un peu de pédagogie, mais j'ai le sentiment que la nuit n'a guère porté conseil !
Mme Eliane Assassi. Pour vous !
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Pour une entreprise, être en situation de plan de sauvegarde signifie que ses affaires ne vont pas très bien. Il lui faut donc avoir un projet pour se redresser, pour rétablir sa bonne marche.
Or, si vous interdisez, par avance, que ce projet prévoie le moindre licenciement - c'est bien de cela qu'il s'agit - vous risquez de n'avoir pas d'argent frais - vous disiez, hier, tout le mal que vous en pensiez ! - et aucune solution pour sortir de la difficulté.
Vous ne pouvez pas dire que, dans aucun cas, il n'y aura de licenciement.
Au moment de l'homologation, prendre en otage le personnel, qui devrait, en quelque sorte, se faire hara-kiri en acceptant des licenciements, n'est pas, à mon avis, une bonne idée, ni vis-à-vis de lui, parce que ce serait suicidaire pour lui, et ce serait vraiment trop lui demander, ni sur le fond, parce que vous ne parviendriez jamais à sauver ainsi une entreprise.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 14, présenté par M. Hyest, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le texte proposé par cet article pour l'article L. 611-9 du code de commerce :
« Art. L. 611-9.- Le tribunal statue sur l'homologation après avoir entendu ou dûment appelé en chambre du conseil le débiteur, les créanciers parties à l'accord, les représentants du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel, le conciliateur et le ministère public. L'ordre professionnel ou l'autorité compétente dont relève, le cas échéant, le débiteur qui exerce une profession libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire, ou dont le titre est protégé, est entendu ou appelé dans les mêmes conditions.
« Le tribunal peut entendre toute autre personne dont l'audition lui paraît utile.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Cet amendement a pour objet de prévoir l'intervention des représentants de l'ordre professionnel ou de l'autorité représentative de la profession dans les mêmes conditions que les autres personnes entendues ou appelées par le tribunal lors de l'homologation de l'accord de conciliation.
M. le président. L'amendement n° 221, présenté par Mmes Assassi, Mathon, Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Dans la première phrase du premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 611-9 du code de commerce, remplacer les mots :
, à défaut, des délégués du personnel,
par les mots :
des délégués du personnel s'ils existent ou, à défaut, les salariés,
La parole est à Mme Eliane Assassi.
Mme Eliane Assassi. J'espère que M. le garde des sceaux cessera de dire que je ne comprends pas !
Cet amendement, comme tous ceux que nous avons déposés sur les autres procédures collectives et qui ont le même objet, vise à garantir les droits des salariés lorsque ceux-ci ne disposent ni de délégués du personnel ni de comité d'entreprise.
Personne, je pense, ne me contredira lorsque j'affirme que, comme le chef d'entreprise, les salariés ont tout intérêt à ce que l'activité de l'entreprise soit maintenue, leur outil de travail préservé, leur salaire sauvegardé. C'est une évidence.
C'est pourquoi il importe de prévoir l'association des salariés à l'élaboration de chaque procédure.
Cet amendement vise à faire entendre la voix des salariés dans ces procédures de soutien aux entreprises en difficulté.
En effet, l'article 7 définit une étape du déroulement de la procédure de conciliation destinée à trouver une solution à l'amiable entre le débiteur et ses créanciers. Lorsque l'accord est trouvé, il est homologué par le tribunal. Dans cette perspective, le tribunal aura préalablement entendu le débiteur et ses créanciers, parties à l'accord, le conciliateur et le ministère public.
Il est prévu, dans le projet de loi - c'est une bonne chose - que « le tribunal statue sur l'homologation après avoir entendu ou dûment appelé en chambre du conseil le débiteur, les créanciers parties à l'accord, les représentants du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel, le conciliateur et le ministère public. »
Or, vous savez comme nous, monsieur le garde des sceaux, que, dans les plus petites structures, il n'y a pas de comité d'entreprise, et, dans certains cas, pas davantage de délégués du personnel : l'expression des salariés n'est donc pas assurée.
Je n'ignore pas que, aux termes de l'article L. 611-9 du code de commerce, le tribunal « peut entendre toute autre personne dont l'audition lui paraît utile. »
Toutefois, je crois nécessaire de bien préciser les personnes obligatoirement entendues. Tel est l'objet de cet amendement.
Il s'agit, là encore, d'un amendement simple, de bon sens, respectueux de tous, et qui pourrait, me semble-t-il, être adopté par le Sénat.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. L'amendement n° 221 est incompatible avec l'amendement n° 14 de la commission des lois sur la forme comme sur le fond, puisque l'expression « toute personne » permet déjà au tribunal d'entendre les salariés dans la situation visée par cet amendement.
L'avis de la commission est donc défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux. L'amendement n° 14, en prévoyant que l'ordre professionnel n'est pas systématiquement entendu, mais le cas échéant, apporte ainsi une précision de bon sens. Le Gouvernement y est, bien évidemment, favorable.
Madame Assassi, je n'ai jamais envisagé un seul instant que nous pouvions ne pas nous comprendre, mais j'ai pensé que nous n'étions pas dans la même logique !
Mme Eliane Assassi. C'est sûr !
M. Pascal Clément, garde des sceaux. J'aurais souhaité que nos logiques se rapprochent.
Ainsi, vous voulez que, dans les entreprises de moins de dix salariés - généralement, ce sont des artisans - à défaut de délégués du personnel, les salariés, ou un représentant peut-être syndical n'appartenant pas à cette petite entreprise, puissent être entendus par le président du tribunal de commerce chargé de l'homologation.
Très souvent, dans une entreprise artisanale de moins de dix personnes, chacun est au courant de ce qui se passe et le dialogue entre le patron et les compagnons est quotidien. S'il advenait que le climat soit mauvais, il est bien inscrit dans la loi que le président du tribunal peut recevoir les salariés, particulièrement ceux qui le demandent.
Vous avez donc déjà satisfaction, madame Assassi. En conséquence, l'avis du Gouvernement est défavorable.
M. le président. En conséquence, l'amendement n° 221 n'a plus d'objet.
L'amendement n° 15, présenté par M. Hyest, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Supprimer la dernière phrase du troisième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 611-10 du code de commerce.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. L'Assemblée nationale a souhaité permettre aux personnes physiques coobligées, ayant consenti une caution personnelle ou une garantie autonome, de se prévaloir des dispositions de l'accord homologué. Cette nouvelle disposition s'inspire d'une solution récemment dégagée par la chambre commerciale de la Cour de cassation, laquelle a jugé qu'une personne morale ayant souscrit un engagement de caution en faveur du débiteur pouvait se prévaloir des dispositions d'un accord amiable homologué. Cette jurisprudence découle d'une application pure et simple des articles 1287 et 2013 du code civil.
Toutefois, la présente disposition s'en distingue par deux éléments : d'une part, elle étend la jurisprudence aux engagements autonomes qui, en principe, sont indépendants par rapport à l'engagement du débiteur de l'obligation principale ; d'autre part, elle ne profiterait qu'aux personnes physiques, à l'exception des personnes morales.
La mesure proposée pourrait, par un raisonnement a contrario, conduire à renverser la jurisprudence permettant aux personnes morales ayant souscrit un engagement de caution de se prévaloir également des remises et délais consentis par le débiteur principal, alors que la distinction entre personnes physiques et morales n'apparaîtrait pas justifiée. En outre, l'accord demeurant avant tout un engagement contractuel, on peut se demander s'il est vraiment opportun de paralyser le jeu des garanties autonomes dans le cadre d'un accord amiable.
Cet amendement vise donc à supprimer ce dispositif pour laisser s'appliquer le droit commun des sûretés.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux. M. le rapporteur suggère de revenir à la version initiale du texte et de ne pas accepter les modifications introduites par l'Assemblée nationale, qui pourraient donner lieu à un renversement de jurisprudence. Cela me paraît en effet prudent.
J'émets donc un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l'article 7, modifié.
(L'article 7 est adopté.)
Article 8
L'article L. 611-11 est ainsi rédigé :
« Art. L. 611-11. - Les personnes qui consentent, dans l'accord homologué mentionné au II de l'article L. 611-8, un nouvel apport en trésorerie au débiteur en vue d'assurer la poursuite d'activité de l'entreprise et sa pérennité sont payées, pour le montant de cet apport, par privilège à toutes créances nées avant l'ouverture de la conciliation, dans les conditions prévues aux articles L. 622-15 et L. 641-13. Dans les mêmes conditions, les personnes qui fournissent, dans l'accord homologué, un nouveau bien ou service en vue d'assurer la poursuite d'activité de l'entreprise et sa pérennité, sont payées, pour le prix de ce bien ou de ce service, par privilège à toutes créances nées avant l'ouverture de la conciliation. Les créanciers signataires de l'accord ne peuvent bénéficier directement ou indirectement de cette disposition au titre de leurs concours antérieurs à l'ouverture de la conciliation. »
M. le président. L'amendement n° 16, présenté par M. Hyest, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le début de la première phrase du texte proposé par cet article pour l'article L. 611-11 du code de commerce :
En cas d'ouverture d'une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire subséquente, les personnes qui consentent...
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de précision.
Le bénéfice du privilège d'argent frais, dit new money, résultant de l'homologation de l'accord de conciliation ne trouvera à s'appliquer que dans l'hypothèse de l'ouverture ultérieure d'une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Je suis favorable à cet amendement. Les précisions qu'il tend à introduire me paraissent prudentes : de l'argent frais, oui, mais uniquement en cas de liquidation ou de redressement judiciaire. Il ne saurait en effet être question d'un privilège permanent.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 17, présenté par M. Hyest, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Après les mots :
par privilège
rédiger comme suit la fin de la première phrase du texte proposé par cet article pour l'article L. 611-11 du code de commerce:
avant toutes créances nées antérieurement à l'ouverture de la conciliation, selon le rang prévu au II de l'article L. 622-15 et au II de l'article L. 641-13.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Cet amendement tend à préciser que les nouveaux apports en trésorerie consentis au débiteur dans le cadre d'un accord homologué seront payés selon le rang de préférence prévu par le II de l'article L. 622-15 et le II de l'article L. 641-13.
Cette précision est nécessaire, car la rédaction actuelle pourrait être interprétée, à tort, comme faisant de ces apports des créances bénéficiant de la règle du paiement à l'échéance. Une telle interprétation aurait pour effet d'imposer le paiement de ces créances avant même celui du super-privilège des salariés.
Tel n'est pas l'objectif de cette disposition, qui ne vise aucunement à mettre en cause la suprématie du super-privilège.
M. le président. L'amendement n° 222, présenté par Mmes Assassi, Mathon, Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Dans la première phrase du texte proposé par cet article pour l'article L. 611-11 du code de commerce, après les mots :
avant l'ouverture de la conciliation,
insérer les mots :
exceptées celles consenties par la collectivité au titre des aides publiques
La parole est à Mme Josiane Mathon.
Mme Josiane Mathon. Cet amendement s'inscrit dans la logique de celui que j'ai déposé à l'article 6, qui visait à ce que les administrations fiscales et sociales ne puissent pas consentir, sans contrepartie, de remises de dettes dans le cadre de la recherche d'un accord entre débiteurs et créanciers.
De telles pratiques sont courantes, mais les inscrire dans la loi, c'est les pérenniser. Rappelez-vous, monsieur le garde des sceaux, les propos que vous avez tenus hier à propos de la petite entreprise de La Ricamarie, par exemple.
Des solutions peuvent être trouvées. Ainsi, une entreprise pourrait-elle, lorsque ses finances seront plus saines, reprendre ses remboursements. Il s'agirait alors non pas d'une remise de dette totale, mais d'une suspension. Il y a en effet une iniquité entre les administrations fiscales et les entreprises qui accordent de l'argent frais.
Nous contestons ce privilège, car ce sont bien évidemment les établissements financiers qui en bénéficieront au détriment de la collectivité publique, qui, elle, au contraire, se trouve parfois dans une situation financière critique.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. L'amendement n° 222 est incompatible avec l'amendement n° 17 de la commission.
Sur le fond, des aides publiques peuvent être considérées comme un apport de trésorerie, au sens du présent article. Elles bénéficieront aussi du privilège de l'apport d'argent frais.
En outre, lorsqu'elles auront été apportées avant l'ouverture de la conciliation, les aides publiques seront réglées en fonction du privilège qui les accompagne.
Cet amendement étant inutile, la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Monsieur le rapporteur, vous êtes extraordinairement prudent. Si votre amendement n'est pas inutile, il n'est pas non plus absolument nécessaire. Toutefois, on ne peut vous empêcher de vouloir sécuriser un dispositif. C'est vraiment ceinture et bretelles !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. La Cour de cassation, vous savez...
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Madame Mathon, nous prolongeons effectivement le débat que nous avons eu hier soir. De la même manière que vous ne voulez pas que l'Etat fasse des cadeaux, pour reprendre votre terminologie,...
Mme Josiane Mathon. Sans contrepartie !
M. Pascal Clément, garde des sceaux. ... aux entreprises, qu'il les aide financièrement, vous refusez qu'il leur apporte de l'argent frais sans contrepartie.
Mais soyez tranquille, madame Mathon. En effet, si c'est une banque qui prête de l'argent frais, il est certain qu'elle exigera une hypothèque, une caution, une sûreté. En revanche, si c'est le fisc, vous avez raison, l'Etat ne se lancera pas dans une opération hypothécaire, parce que c'est lourd et que ce n'est pas sa tradition. Toutefois, vous en conviendrez comme moi, le fisc fait tout de même assez rarement des cadeaux !
Ne chicanons pas ! Nous sommes ici pour aider les entreprises et ce que vous regrettez, c'est hélas ce qui ne se passe pas assez souvent.
Le Gouvernement émet évidemment un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Monsieur le rapporteur, l'amendement n° 17 est-il maintenu ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Oui, monsieur le président.
Monsieur le garde des sceaux, ceinture et bretelles, peut-être, mais je connais imagination dont peuvent faire preuve les hauts magistrats de la Cour de cassation !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Lorsque des textes sont susceptibles de faire l'objet d'une interprétation, ils peuvent évidemment donner lieu à jurisprudence. Et ce n'est pas faire injure à la qualité du travail des éminents magistrats de la Cour de cassation que de dire cela, au contraire !
Moins un texte comporte d'imprécisions, moins il peut donner lieu à des interprétations divergentes.
Monsieur le garde des sceaux, cette précision est, me semble-t-il, nécessaire !
M. le président. En conséquence, l'amendement n° 222 n'a plus d'objet.
L'amendement n° 347, présenté par MM. Badinter, C. Gautier, Yung, Frimat et Peyronnet, Mme Bricq, MM. Charasse et Guérini, Mme M. André, MM. Collombat, Courrière, Dreyfus-Schmidt, Mahéas, Sueur, Sutour et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Après la première phrase du texte proposé par cet article pour l'article L. 611-11 du code de commerce, insérer deux phrases ainsi rédigées :
Toutefois, les créances du présent article ne peuvent être prioritaires, en tout ou partie, par rapport à celles du trésor et des autres créanciers publics, si le Comité des chefs de service financiers n'a pas donné son aval. Les modalités de consultation de tous les créanciers publics seront déterminées par décret.
La parole est à M. Charles Gautier.
M. Charles Gautier. Cet amendement concerne également le privilège des banques, qui ne doit pas être automatique. Les créances ne peuvent être prioritaires si le comité des chefs de service financiers n'a pas donné son aval.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur cet amendement, pour les motifs que je viens d'indiquer s'agissant de l'amendement n° 222.
Contrairement à ce qui est indiqué dans l'objet de cet amendement, le privilège de l'argent frais pourrait bénéficier à tous types de créanciers, y compris à des créanciers publics. Si une personne publique apporte des fonds, par exemple une subvention, elle bénéficiera de ce privilège.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Monsieur Gautier, permettez-moi de faire remarquer que le premier signataire de cet amendement est M. Badinter. Très honnêtement, je ne suis pas sûr qu'il l'ait lu !
Cet amendement tend en fait à demander aux fonctionnaires de l'Etat de juger du bien-fondé d'un prêt bancaire. A ma connaissance, aucun pays, à part l'Union soviétique autrefois, ne procède ainsi. C'est assez prodigieux ! Vous êtes dans une autre société !
Certes, je l'admets volontiers, il est assez systématique de déposer des amendements pour signifier son désaccord. Mais je ne suis pas convaincu, monsieur le sénateur, que vous souteniez celui-ci, pris à la lettre, avec beaucoup de conviction.
J'émets donc non pas un avis défavorable sur cet amendement, mais un avis extrêmement défavorable.
M. Charles Gautier. Vous déformez mes propos !
M. le président. L'amendement n° 201, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
I. - Supprimer la dernière phrase du texte proposé par cet article pour l'article L. 611-11 du code de commerce.
II. - Compléter le texte proposé par cet article pour l'article L. 611-11 du code de commerce par deux alinéas ainsi rédigés :
« Cette disposition ne s'applique pas aux apports consentis par les actionnaires et associés du débiteur dans le cadre d'une augmentation de capital.
« Les créanciers signataires de l'accord ne peuvent bénéficier directement ou indirectement de cette disposition au titre de leurs concours antérieurs à l'ouverture de la conciliation ».
Cet amendement n'est pas soutenu.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Je le reprends, monsieur le président.
M. le président. Il s'agit donc de l'amendement n° 201 rectifié.
Je vous donne la parole pour le défendre, monsieur le rapporteur.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Cet amendement tend à exclure du privilège d'argent frais les apports en trésorerie consentis par les actionnaires et associés du débiteur dans le cadre d'une augmentation de capital.
Je rappelle que l'article L. 611-1 prévoit que seuls les nouveaux apports de trésorerie bénéficient de ce privilège. Cette formulation, semble-t-il, exclut les augmentations de capital.
Monsieur le garde des sceaux, cette précision me paraît utile. Je n'ai pas dit nécessaire ! (Sourires.)
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?