sommaire
Présidence de M. Guy Fischer
1. Ouverture de la première session extraordinaire de 2004-2005
3. Contestation de l'élection d'un sénateur
4. Dépôt de rapports du Gouvernement
5. Organismes extraparlementaires
6. Modification de la loi organique relative aux lois de finances. - Adoption définitive d'un projet de loi organique en deuxième lecture
Discussion générale : MM. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l'Etat ; MM. Jean Arthuis, président de la commission des finances, rapporteur ; Jean-Jacques Jégou, Thierry Foucaud, Marc Massion.
Clôture de la discussion générale.
M. le ministre délégué.
Mme Hélène Luc, M. le rapporteur.
Adoption de l'article.
Article additionnel après l'article 6
Amendement no 1 rectifié de M. Alex Türk. - MM. Philippe Dominati, le rapporteur, le ministre délégué, Robert Del Picchia. - Retrait.
M. le ministre délégué.
M. Paul Girod.
Adoption définitive, par scrutin public, du projet de loi organique.
M. le ministre délégué.
7. Confiance et modernisation de l'économie. - Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence
Discussion générale : MM. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ; Philippe Marini, rapporteur de la commission des finances ; Mme Isabelle Debré, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales ; MM. François-Noël Buffet, rapporteur pour avis de la commission des lois ; Aymeri de Montesquiou, François Marc, Roger Karoutchi, Jean-Jacques Jégou, Richard Yung, Serge Dassault, Mme Nicole Bricq, M. Jean-Guy Branger.
Clôture de la discussion générale.
M. le ministre.
Motion no 134 de M. Bernard Vera. - MM. Bernard Vera, le rapporteur, le ministre. - Rejet par scrutin public.
Suspension et reprise de la séance
Article additionnel avant l'article 1er A
Amendement no 59 de M. Bernard Vera. - MM. Thierry Foucaud, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement no 132 rectifié de M. Michel Mercier. - MM. Jean-Jacques Jégou, le rapporteur, le ministre. - Retrait.
Adoption de l'article.
Amendement no 60 de M. Bernard Vera. - MM. Bernard Vera, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Adoption de l'article.
Amendement no 61 de M. Bernard Vera. - MM. Bernard Vera, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Adoption de l'article.
Amendements identiques nos 1 de la commission et 62 de M. Bernard Vera. - MM. le rapporteur, Thierry Foucaud, le ministre. - Adoption des deux amendements supprimant l'article.
Article additionnel après l'article 1er D
Amendement no 125 de M. Michel Mercier. - MM. Jean-Jacques Jégou, le rapporteur, le ministre. - Retrait.
Article additionnel avant l'article 1er
Amendement no 88 de M. François Marc. - MM. François Marc, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement no 89 de M. François Marc. - Mme Nicole Bricq, MM. le rapporteur, le ministre, Mme Marie-France Beaufils. - Rejet.
Amendement no 90 de M. François Marc. - MM. François Marc, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement no 87 de M. François Marc. - MM. François Marc, le rapporteur, le ministre, Jean Arthuis, président de la commission des finances. - Rejet.
Mme Marie-France Beaufils.
Amendements nos 2 de la commission, 32 de M. François-Noël Buffet, rapporteur pour avis ; et 91 de M. François Marc. - MM. le rapporteur, François-Noël Buffet, rapporteur pour avis ; François Marc, le ministre. - Retrait de l'amendement no 2 ; adoption de l'amendement no 32 rédigeant l'article, l'amendement no 91 devenant sans objet.
Amendements identiques nos 63 de M. Bernard Vera et 92 de M. François Marc ; amendement no 3 de la commission. - MM. Bernard Vera, Richard Yung, le rapporteur, le ministre, Robert Del Picchia, Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. - Rejet des amendements nos 63 et 92 ; retrait de l'amendement no 3.
Adoption de l'article.
Article additionnel après l'article 2 ou après l'article 3
Amendements identiques nos 122 rectifié de M. Michel Mercier et 142 de la commission. - MM. Jean-Jacques Jégou, le rapporteur, le ministre, le président de la commission des lois, le président de la commission des finances. - Adoption des deux amendements insérant un article additionnel après l'article 3.
Articles additionnels après l'article 2
Amendement no 64 de M. Bernard Vera. - MM. Bernard Vera, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement no 55 rectifié de M. Gérard Longuet. - MM. Gérard Longuet, le rapporteur, le ministre. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement no 93 de M. François Marc. - Mme Nicole Bricq, MM. le rapporteur, le ministre. - Retrait.
Amendement no 97 de M. François Marc. - Mme Nicole Bricq, MM. le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement no 65 de M. Bernard Vera. - Mme Marie-France Beaufils, MM. le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement no 66 de M. Bernard Vera. - MM. Bernard Vera, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Mme Marie-France Beaufils.
Amendements nos 94 de M. François Marc et 33 à 35 de M. François-Noël Buffet, rapporteur pour avis. - MM. Richard Yung, François-Noël Buffet, rapporteur pour avis ; le rapporteur, le ministre, Mme Nicole Bricq. - Rejet de l'amendement no 94 ; adoption des amendements nos 33 à 35.
Adoption de l'article modifié.
Articles additionnels après l'article 2 bis
Amendement no 96 de M. François Marc. - MM. Richard Yung, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement no 95 de M. François Marc. - MM. Richard Yung, le rapporteur, le ministre, François Marc. - Rejet.
M. Bernard Vera.
Amendement no 36 de M. François-Noël Buffet, rapporteur pour avis. - MM. François-Noël Buffet, rapporteur pour avis ; le rapporteur, le ministre. - Adoption.
Amendement no 4 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre. - Retrait.
Adoption de l'article modifié.
Article additionnel après l'article 2 ter
Amendement no 141 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre, le président de la commission des lois. - Retrait.
Renvoi de la suite de la discussion.
9. Dépôt de propositions de loi
10. Texte soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution
11. Ordre du jour
compte rendu intégral
PRÉSIDENCE DE M. Guy Fischer
vice-président
1
OUVERTURE DE LA premiere SESSION EXTRAORDINAIRE de 2004-2005
M. le président. Mes chers collègues, je rappelle qu'au cours de la séance du lundi 27 juin 2005 il a été donné connaissance au Sénat du décret de M. le Président de la République portant convocation du Parlement en session extraordinaire à compter du vendredi 1er juillet 2005.
Je constate que la session extraordinaire est ouverte.
2
PROCÈS-VERBAL
M. le président. Le compte rendu analytique de la séance du jeudi 30 juin 2005 a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
3
CONtestation de l'élection d'un sénateur
M. le président. En application de l'article 34 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, M. le Président du Sénat a été informé que le Conseil constitutionnel a été saisi d'une requête contestant les opérations électorales auxquelles il a été procédé le 19 juin 2005 dans le département de la Haute-Corse pour l'élection d'un sénateur.
Acte est donné de cette communication.
4
DÉPÔT DE RAPPORTS Du Gouvernement
M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le rapport relatif à l'autonomie financière des collectivités territoriales, établi en application de l'article 5 de la loi organique du 29 juillet 2004, ainsi que le rapport sur l'évolution de l'économie nationale et des finances publiques, établi en application de l'article 48, premier alinéa, de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances.
Acte est donné du dépôt de ces rapports.
5
ORGANISMES EXTRAPARLEMENTAIRES
M. le président. J'informe le Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation de sénateurs appelés à siéger au sein :
- de la commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations, en raison de l'échéance du mandat de M. Philippe Marini ;
- du conseil d'orientation de l'Observatoire national sur les effets du réchauffement climatique, en raison de l'échéance des mandats de MM. Marcel Deneux et Gérard Le Cam.
Conformément à l'article 9 du règlement, j'invite les commissions des finances et des affaires économiques à présenter des candidatures.
Les nominations au sein de ces organismes extraparlementaires auront lieu ultérieurement, dans les conditions prévues par l'article 9 du règlement.
6
Modification de la loi organique relative aux lois de finances
Adoption définitive d'un projet de loi organique en deuxième lecture
M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi organique, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, modifiant la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (nos 412, 445).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre délégué.
M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l'Etat. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, mesdames, messieurs les sénateurs, tout d'abord, je me réjouis de revenir devant vous aujourd'hui pour discuter en deuxième lecture de ce projet de loi organique.
La loi organique relative aux lois de finances, la LOLF, est, depuis son origine, le fruit d'un travail consensuel, collectif, et de la bonne volonté de parlementaires issus de la majorité comme de l'opposition. Je veux, de ce point de vue, rendre tout particulièrement hommage à Alain Lambert, qui ne peut malheureusement être présent aujourd'hui : il a été l'un des inspirateurs de cette réforme de notre constitution financière. Celle-ci ouvre une voie nouvelle vers une administration plus lisible, un Etat plus efficace, plus transparent, et elle représente pour les Français une réponse forte en matière de démocratie et de bonne gestion des deniers publics.
Les contributions d'Alain Lambert et de Didier Migaud, tous deux parlementaires en mission auprès de moi, me sont absolument indispensables dans cette dernière phase avant la mise en application effective de la LOLF.
Ma reconnaissance va aussi au président Jean Arthuis, rapporteur de ce texte, qui, je le sais, ne ménage pas ses efforts pour faire de la LOLF et de sa mise en oeuvre un vrai succès.
Cet esprit de consensus, le Gouvernement s'est attaché à le préserver depuis 2002, à chaque étape, d'abord en associant systématiquement le Parlement, que ce soit sur la maquette ou sur le choix des objectifs et des indicateurs, ensuite en tenant le plus grand compte des propositions du Parlement et de la Cour des comptes, en particulier à propos des 650 objectifs et des 1 300 indicateurs du projet de loi de finances pour 2006, dont la liste a été publiée à l'occasion du débat d'orientation budgétaire qui aura lieu dans votre assemblée mercredi prochain.
C'est tout à l'honneur de notre démocratie d'avoir su se rassembler sur un sujet aussi constructif et innovant ; c'est suffisamment rare pour être salué. Nous avons travaillé dans cette logique de consensus avec l'ensemble des membres de cette assemblée. C'est dans ce même esprit que je vous propose d'aborder la seconde lecture de ce projet de loi organique.
C'est désormais dans moins de six mois que se fera, dans l'ensemble de notre pays, le passage au nouveau mode de constitution financière.
Ne nous y trompons pas : il s'agit d'une révolution majeure pour l'ensemble de notre administration. A certains égards, c'est un événement beaucoup plus important que le passage à l'an 2000, où l'on craignait un bug informatique, ou même que le passage à l'euro. Car à l'époque, ce qui comptait, c'était que tout soit terminé au 1er janvier. Là, tout commence au 1er janvier : c'est un point de départ et non un point d'arrivée.
Toute mon énergie est concentrée sur la réussite de cette réforme ; c'est ma priorité absolue comme ministre délégué au budget et comme ministre en charge de la réforme de l'Etat. En effet, la LOLF « nouvelle manière » combine ces deux aspects de ma mission : elle est donc au coeur de mon activité ministérielle.
Je crois d'ailleurs que le rapprochement de ces deux missions - le budget et la réforme de l'Etat - offre une occasion historique d'avancer dans le sens de la performance, de la qualité et d'une dépense publique plus efficace.
Pour moi, c'est non pas le budget qui a absorbé la réforme de l'Etat, mais la réforme de l'Etat qui a absorbé le budget, d'où la nécessité pour Bercy de sortir d'une logique purement comptable et de se placer résolument dans une logique de qualité.
Nous devons rendre des comptes aux Français sur la bonne gestion des deniers publics et leur donner des rendez-vous réguliers sur l'évaluation, la performance et la productivité, mots qui prennent tout leur sens cette année avec la préparation du budget dans ce nouveau cadre comptable.
L'année 2005 est donc capitale. Beaucoup a déjà été fait depuis le début de cette année ; quelques données illustrent l'ampleur de la mobilisation.
Le cadre du budget est connu : 34 missions, 133 programmes et près de 600 actions.
La chaîne de responsabilités est définie : 80 responsables de programme et 950 responsables de budgets opérationnels de programme.
A tous les niveaux, les agents se mobilisent et se forment : en 2003, 80 services ont été formés, en 2005, ils sont 500, ce qui représente 600 000 fonctionnaires formés, ou en voie de l'être, pour la mise en oeuvre de la nouvelle constitution budgétaire.
De ce mouvement, nous percevons déjà les premiers effets : la réflexion sur les missions et le sens de l'action conduite sur la gestion des ressources humaines, sur le dialogue social, gagne naturellement en contenu.
C'est tout un esprit nouveau, une culture nouvelle qui irrigue chaque niveau de l'administration de notre pays. De ce point de vue, il s'agit du plus formidable levier de réforme de l'Etat que l'on puisse imaginer.
Je profite d'ailleurs de ma présence à cette tribune pour saluer le travail accompli par les fonctionnaires de l'administration française : leur mobilisation et leurs efforts vont permettre, le 1er janvier, d'atteindre les objectifs fixés par la représentation nationale. Il n'est pas si fréquent de pouvoir mesurer de manière concrète le travail réalisé, et j'en remercie au premier chef la direction de la réforme budgétaire et son directeur, M. Frank Mordacq, qui a piloté l'ensemble de ce dispositif.
Ce projet de loi organique répond à trois objectifs.
Tout d'abord, il tend à éviter de répéter les erreurs du passé concernant d'éventuelles plus-values fiscales. Ce texte s'inscrit en effet dans un contexte précis, celui d'un pays qui a accumulé 1 000 milliards de dettes. Face à ce constat, nous avons une obligation : une gestion responsable et rigoureuse de nos finances publiques.
D'ailleurs, les Français ne demandent rien d'autre : ils attendent de leurs dirigeants qu'ils disent la vérité et qu'ils assument leurs responsabilités. L'objet du texte que je vous propose est que l'on puisse désormais veiller à ce que les fruits de la croissance ne puissent être dilapidés dans la plus grande opacité.
La LOLF, ainsi modifiée, obligera le Gouvernement à annoncer à l'avance devant le Parlement ce qu'il entend faire des recettes supplémentaires, en toute transparence. C'est le moins que l'on puisse attendre d'une démocratie moderne !
Ensuite, ce texte vise à renforcer les droits du Parlement.
Je pense, en particulier, à l'heureuse initiative du président Jean Arthuis sur les partenariats public-privé. Cette disposition tend à éviter que les engagements financiers de l'Etat au titre de ces contrats de long terme n'échappent à la comptabilité publique, donc à votre contrôle. Cela va tout à fait dans le sens de ce que l'on peut souhaiter.
Votre assemblée a eu parfaitement raison de soulever ce sujet : dès lors que l'on veut développer ces nouvelles techniques de gestion, il faut trouver un dispositif qui permette leur traitement budgétaire et leur appréhension comptable. De ce point de vue, la contribution de l'Assemblée nationale, en liaison étroite avec le Sénat et avec vous-même, monsieur le président de la commission, a permis de parvenir à une rédaction qui devrait convenir à tout le monde.
La discussion entre vos assemblées a permis également de parvenir à un compromis à propos du rapport annuel de la Cour des comptes. Le Gouvernement a laissé la représentation nationale convenir de la meilleure formule. Le plus important me paraît être de s'assurer que les travaux de la Cour soient suivis d'effet. A cet égard, je veux saluer le travail en profondeur réalisé par votre commission.
Enfin, ce projet de loi organique a pour objet de donner les moyens de mieux maîtriser la dépense publique.
Vous connaissez l'engagement que j'ai pris devant vous de tenir la dépense publique. Voilà pour le principe ! Encore faut-il avoir les instruments pour tenir cet engagement. C'est dans cet esprit que le Gouvernement a proposé un dispositif destiné à améliorer nos procédures de maîtrise de la dépense publique. Vous le savez, cet amendement est le fruit d'une intense concertation et de la collaboration très précieuse des deux assemblées. Je veux, là encore, remercier MM. Lambert, Arthuis et Marini de leur aide et de leur travail.
Le système que je vous soumets aujourd'hui est centré sur la notion de régulation.
La régulation a mauvaise presse ; elle fait l'objet de critiques récurrentes et justifiées : réputée injuste, déresponsabilisante, elle désorganise l'activité des services en arrivant souvent trop tard dans l'année. On sait comment tout cela fonctionne : des décisions arbitraires conduisent à mettre en réserve ou à geler des crédits dans des conditions qui ne sont pas satisfaisantes.
C'est tout le sens de l'amendement proposé par le Gouvernement.
Il prévoit, d'abord, une information obligatoire du Parlement, dès le projet de loi de finances initial, sur les mesures envisagées par le Gouvernement pour maîtriser l'exécution, c'est-à-dire respecter l'autorisation fixée par le Parlement. Il s'agit d'une annexe obligatoire, au même titre que le rapport économique, social et financier.
Il prévoit, ensuite, une mise en réserve systématique, au sein de chaque programme, d'une part des crédits. Il s'agira de taux forfaitaires, mais on prendra soin de distinguer un taux pour les dépenses de personnel et un taux pour les autres dépenses eu égard à la nature profondément différente des deux types de crédits.
Enfin, ces crédits constitueront une tranche « conditionnelle » s'ajoutant à la tranche ferme sur laquelle chaque gestionnaire pourra compter. C'est un élément très important, car les conditions d'utilisation éventuelle de ces crédits devront être définies en amont et en toute transparence. Je suis très soucieux de limiter le plus possible les conséquences négatives de la régulation pour les gestionnaires. De ce point de vue, la mise en perspective de ce dispositif en amont sera évidemment très importante.
L'objet de ce dispositif est d'instaurer une procédure à la fois plus efficace, plus transparente vis-à-vis de la représentation nationale, et plus responsable, puisque les gestionnaires sauront le 1er janvier de chaque année sur quels crédits ils peuvent compter à coup sûr.
Voilà, mesdames et messieurs les sénateurs, toute une série de raisons qui justifient pleinement l'existence de ces nouvelles dispositions venant améliorer notre loi organique. Ce sont des éléments importants qui renforcent la lisibilité, l'efficacité et la crédibilité du dispositif, autant de principes qui nous rassemblent dans un esprit de démocratie et de vérité.
A la veille de notre débat d'orientation budgétaire, qui prend naturellement une tout autre dimension, il me semble que ce texte a trouvé sa forme définitive. Il convient donc d'en permettre une adoption rapide, si vous le voulez bien. Il pourra ainsi entrer en application, après l'intervention du Conseil Constitutionnel nous donnant tous les instruments nécessaires à l'examen du projet de loi de finances pour 2006.
A six mois de la gestion 2006, qui nous permettra de voir fonctionner notre nouvel outil, je crois que la LOLF ne doit plus être modifiée.
Mme Hélène Luc. J'espère que si !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Nous verrons bien ce que cela donnera dans les mois et les années à venir. L'attention est désormais tout entière tournée vers le succès de sa mise en oeuvre : à nous de faire en sorte que cet instrument soit le fer de lance de la modernisation de l'Etat.
Sur ce point, mesdames, messieurs les sénateurs, au-delà des divergences politiques qui peuvent bien souvent nous opposer, il y a - en tout cas je le souhaite- matière à tous nous retrouver. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation, rapporteur. Je pense comme vous, monsieur le ministre, que le projet de loi organique qui nous est soumis est sans doute dans sa forme définitive.
Je souhaite d'abord évoquer l'historique de la navette de ce texte, engagée à l'automne dernier.
Le projet de loi organique était initialement composé d'un article unique, pour prévoir que la première partie de la loi de finances de l'année devra arrêter les modalités d'utilisation des éventuels surplus, par rapport aux évaluations, du produit des impositions de toute nature établies au profit de l'Etat. Cet article a été adopté dans les mêmes termes par les deux assemblées.
En première lecture, l'Assemblée nationale a ajouté cinq articles à ce texte, dont quatre ont été adoptés sans modification par le Sénat.
L'article 2 fixe au 10 octobre la date limite des réponses ministérielles aux questionnaires budgétaires.
L'article 3 ajoute à la liste des documents joints au projet de loi de finances de l'année une présentation indicative des emplois rémunérés par les organismes bénéficiaires d'une subvention pour charges de service public, avec la justification des variations par rapport à la situation existante. Les emplois dont il s'agit se situent en dehors du champ des plafonds d'emploi.
L'article 4 prévoit, symétriquement, que la présentation des emplois effectivement rémunérés par les organismes bénéficiaires d'une subvention pour charges de service public fera l'objet d'un document joint au projet de loi de règlement.
Selon l'article 5, sans préjudice des pouvoirs de contrôle déjà dévolus au président, au rapporteur général et aux rapporteurs spéciaux, la commission des finances de chaque assemblée accordera des pouvoirs de contrôle, chaque année, pour un objet et une durée déterminés, à un ou plusieurs de ses membres.
Cet article, comme les précédents, a été adopté sans modification par le Sénat. La commission des finances a interprété ce texte comme confortant, pour une large part, des pratiques déjà mises en place en son sein. Celui-ci semble plutôt destiné à l'usage de l'Assemblée nationale, dont la commission des finances, contrairement à celle du Sénat, ne confie pas un rapport budgétaire à chaque commissaire. Il s'agit de permettre aux membres de l'opposition de se saisir de rapports de contrôle.
L'article 6 prévoyait la possibilité d'organiser des débats parlementaires à l'occasion de la présentation du rapport annuel de la Cour des comptes ou de ses autres rapports publics. Il étendait à la préparation de ces débats la mission d'assistance au Parlement de la Cour des comptes.
Cet article, inséré par l'Assemblée nationale en première lecture, a été supprimé par le Sénat en première lecture, sur proposition de la commission des finances, qui, tout en comprenant et en partageant totalement les objectifs poursuivis, a considéré que, sur un plan normatif, la disposition était superfétatoire.
L'Assemblée nationale n'a pas rétabli cet article, du moins sur un plan formel, les dispositions ayant toutefois été, partiellement il est vrai, reprises dans l'article 11 ; j'y reviendrai.
En première lecture au Sénat, sur amendements de la commission des finances, deux articles additionnels ont été adoptés au sujet des partenariats public-privé.
L'article 7 prévoit que ceux-ci devront faire l'objet d'une autorisation d'engagement couvrant la totalité de la dépense, qu'il s'agisse d'investissements, de maintenance, de frais d'exploitation ou de gestion. Cette disposition a été adoptée avec l'accord du Gouvernement.
L'article 8 dispose que les dépenses correspondantes figureront au sein de la dette des administrations publiques lorsque l'Etat supportera la plupart des risques liés à la propriété des actifs. Sur cet article, le Gouvernement avait exprimé un avis pour le moins réservé, pour ne pas dire défavorable.
Ces deux articles avaient pour objet d'éviter que l'on n'utilise les partenariats public-privé comme une simple commodité budgétaire.
J'ai encore en mémoire les propos d'un ministre éminent vantant à cette tribune les partenariats public-privé, formidables, selon lui, parce qu'il n'y a pas de régulation budgétaire. J'ajouterai : c'est encore mieux s'il n'y a pas d'autorisation d'engagement. (Sourires.)
En deuxième lecture, l'Assemblée nationale, tout en partageant les préoccupations à l'origine de ces deux articles, a adopté une nouvelle rédaction apportant aux dispositions proposées des modifications qui apparaissent bienvenues.
Par ailleurs, l'Assemblée nationale a, en deuxième lecture, inséré quatre nouveaux articles.
L'article 1er bis prévoit que les lois de finances rectificatives pourront modifier les modalités d'utilisation des surplus de recettes fiscales qui auront été définies en loi de finances initiale conformément à l'article 1er du présent projet de loi organique.
L'article 9 organise l'information du Parlement dans le projet de loi de finances de l'année sur les mises en réserve prévues de crédits.
L'article 10 prévoit que le compte général de l'Etat, joint au projet de loi de règlement, comportera une présentation du traitement comptable des partenariats public-privé.
Enfin, l'article 11 autorise l'organisation d'un débat dans chaque assemblée parlementaire sur le rapport annuel de la Cour des comptes. Cet article reprend, partiellement, les dispositions de l'article 6 du présent projet de loi organique, dont la suppression, votée par le Sénat en première lecture, a été maintenue par l'Assemblée nationale en deuxième lecture.
Examinons maintenant, un par un, les articles restant en discussion.
L'Assemblée nationale a inséré un article 1er bis au projet de loi organique pour prévoir que le « collectif » pourra modifier les modalités d'utilisation des éventuels surplus de rentrées fiscales, telles qu'elles auront été arrêtées par la loi de finances de l'année selon l'article 1er du présent projet de loi organique.
Ainsi, une loi de finances rectificative pourrait modifier, à la fin du printemps, par exemple, les modalités d'utilisation des surplus arrêtées dans la loi de finances de l'année votée à l'automne précédent. Cette modification pourrait intervenir trois mois seulement avant la présentation du prochain projet de loi de finances de l'année comprenant la « constatation » de l'éventuel surplus.
Le présent article semble donc accroître la marge de manoeuvre du Gouvernement en lui accordant plus de souplesse et limiter parallèlement le caractère « volontariste » de l'article 1er, à l'origine du présent projet de loi organique.
D'une certaine manière, cet article pourrait être considéré comme « relativisant » la portée de l'article 1er. Toutefois, la disposition proposée paraît incontestable dans son principe, les circonstances pouvant en effet conduire le Gouvernement à « moduler » les décisions initiales en cours d'exercice.
La commission des finances vous propose donc l'adoption sans modification de l'article 1er bis.
L'origine de l'article 7 revient au Sénat, qui, en première lecture et sur proposition de la commission des finances, a souhaité que « pour les opérations menées en partenariat pour lesquelles l'Etat confie à un tiers une mission globale relative au financement d'investissements ainsi qu'à leur maintenance, leur exploitation ou leur gestion, l'autorisation d'engagement couvre la totalité de l'engagement financier ».
En d'autres termes, le texte du Sénat rendrait obligatoire une autorisation parlementaire sous la forme d'autorisation d'engagement- pour le lancement des partenariats public-privé, l'autorisation devant couvrir aussi bien l'investissement que les dépenses de maintenance, d'exploitation et, éventuellement, de gestion. Il s'agit donc de permettre au Parlement d'exercer pleinement ses prérogatives.
Mme Hélène Luc. On en est loin !
M. Jean Arthuis, rapporteur. Qu'est-ce qui vous permet de dire cela, madame Luc ?
Mme Hélène Luc. Vous le savez très bien ! Nous avons eu ce débat en commission !
M. Jean Arthuis, rapporteur. Sans être la meilleure formule en toutes circonstances, les partenariats public-privé peuvent, dans certaines hypothèses, constituer un moyen d'améliorer l'efficacité de la dépense publique - préoccupation de Mme Luc -, ce qui n'empêche pas de veiller à leur transparence budgétaire - autre préoccupation de Mme Luc.
Cette formule ne doit cependant pas se réduire à un moyen d'échapper aux contraintes budgétaires. Bien au contraire, le projet de loi de finances doit clairement faire apparaître les engagements financiers de l'Etat résultant des partenariats public-privé.
L'objectif du Sénat de soumettre le financement des partenariats public-privé à autorisation d'engagement a été approuvé par l'Assemblée nationale, qui a toutefois modifié la rédaction du présent article pour mieux préciser son champ.
La formulation retenue par le Sénat pourrait conduire à ouvrir, dès l'année de conclusion du contrat, des autorisations d'engagement correspondant au coût total du contrat, comprenant aussi bien l'investissement que la maintenance et, éventuellement, les dépenses de gestion.
Compte tenu du fait que les partenariats public-privé ont vocation à courir sur le long terme, le montant des autorisations d'engagement à ouvrir en loi de finances pourrait être considérable, ce qui rendrait difficile la signature de contrats qui n'auraient pas été suffisamment anticipés, alors même que l'ordonnance du 17 juin 2004 fait figurer l'urgence parmi les cas de recours à ces contrats.
L'importance des autorisations d'engagement à ouvrir pourrait alors rendre le recours aux partenariats public-privé exceptionnel, ce qui priverait l'Etat d'un outil permettant, dans certaines hypothèses, une plus grande efficacité de la dépense publique.
La rédaction adoptée par l'Assemblée nationale tend à substituer à l'expression : « totalité de l'engagement financier » la formule, plus restrictive : « totalité de l'engagement juridique », afin que l'autorisation d'engagement ne couvre que la partie certaine de l'engagement contracté.
Les coûts d'investissement devraient être couverts dès la première année en totalité, tandis que les coûts de fonctionnement et les coûts de financement, au contraire, feraient l'objet d'autorisations d'engagement année par année. Les coûts liés au dédit éventuel seraient couverts par des autorisations d'engagement dès la première année.
Au total, l'article 7, dans la rédaction adoptée par l'Assemblée nationale, apparaît incontestablement clarificateur, sans qu'il remette aucunement en cause l'objectif visé par le Sénat. La commission des finances propose donc au Sénat de l'adopter.
En première lecture, sur l'initiative de la commission des finances, le Sénat a prévu, à l'article 8, que les partenariats public-privé dans lesquels l'Etat supporte la plupart des risques liés à la propriété des actifs figurent au sein de la dette des administrations publiques, en tant que prêts imputés, dans la limite de la valeur nette comptable des investissements. C'était là une rédaction quelque peu hâtive, j'en conviens.
J'avais indiqué au Sénat en séance publique, lors de la première lecture du texte, qu'il me paraissait nécessaire, pour avoir une image fidèle de l'endettement de l'Etat, « d'inscrire dans les dettes de l'Etat celles qui correspondent à des portages d'opérations par des tiers. En effet, lorsque l'Etat confie à des opérateurs privés le soin de construire une prison ou une gendarmerie, l'objectif à atteindre est le même que si l'Etat conduisait ces opérations en tant que maître d'ouvrage. Nous souhaitons donc que la dette de l'Etat prenne en compte de tels financements, à hauteur des investissements dans leur valeur nette comptable. »
La question posée est celle de l'incidence des partenariats public-privé sur la capacité ou sur le besoin de financement public et sur la dette publique au sens du traité de Maastricht. L'Assemblée nationale a approuvé l'objectif visé par le Sénat, tout en proposant une nouvelle rédaction susceptible de répondre à certaines interrogations.
Selon un avis du Conseil d'Etat, le législateur organique n'est compétent que pour fixer les principes généraux de la comptabilité publique. Les règles de traitement comptable des partenariats public-privé ne peuvent donc pas figurer dans la loi organique relative aux lois de finances. En outre, les règles de comptabilité nationale sont harmonisées à l'échelon européen.
Pour autant, le Parlement doit être informé en toute transparence des conditions du traitement comptable des opérations de partenariat public-privé.
Dans cet esprit, l'Assemblée nationale a adopté, avec l'accord du Gouvernement, un amendement tendant à une nouvelle rédaction de l'article 8. Le texte soumis aujourd'hui au Sénat prévoit que le rapport économique, social et financier joint au projet de loi de finances de l'année comportera une explicitation de la « clé de passage » entre le solde budgétaire de l'Etat et la capacité ou le besoin de financement de l'Etat, au sens des engagements européens de la France. La complexité de cette « clé de passage » justifie en effet qu'une explication détaillée soit donnée au Parlement.
Selon la rédaction qui nous est soumise, le rapport précité devra expliciter le passage, pour l'année considérée et celle qui précède, du solde budgétaire à la capacité ou au besoin de financement de l'Etat tel qu'il est mesuré pour permettre la vérification du respect des engagements européens de la France, en indiquant notamment l'impact des contrats de partenariat public-privé.
La commission des finances vous propose donc, mes chers collègues, d'adopter l'article 8 dans cette nouvelle rédaction.
Aux termes de l'article 9, le Gouvernement devrait présenter, en annexe au projet de loi de finances de l'année, les mesures envisagées pour assurer en exécution le respect du plafond global des dépenses du budget général voté par le Parlement.
Cette présentation mentionnerait, en particulier, pour les programmes dotés de crédits limitatifs, c'est-à-dire, désormais, la plupart des crédits, d'une part, le taux de mise en réserve prévu pour les crédits du titre II, relatif aux dépenses de personnel, et, d'autre part, celui qui est prévu pour les crédits des autres titres.
Le Parlement sera donc informé sur les réserves envisagées, sans avoir à se prononcer à ce sujet, la régulation budgétaire relevant de la compétence exclusive du Gouvernement. Vous apprécierez, monsieur le ministre, que le Parlement ne cherche pas à empiéter sur vos prérogatives ! Le Gouvernement doit en effet pouvoir assumer pleinement ses responsabilités,...
M. Jean Arthuis, rapporteur. ... mais le Parlement sera informé avant même que l'on exécute la loi de finances.
L'information apportée en amont sur les mesures de gel sera utile au Parlement, mais aussi aux gestionnaires de programmes. Ceux-ci auront désormais connaissance, avant même le début de l'exercice, du montant de la « tranche conditionnelle » de leurs crédits. De ce fait, il leur sera plus difficile d'invoquer les gels de crédits pour expliquer le défaut de réalisation des objectifs inscrits dans le projet annuel de performance. On évitera ainsi, au mois de février, tous ces commentaires fielleux et acides qui accompagnent vos décisions de gel de crédits, monsieur le ministre.
Il convient de souligner que le dispositif présenté se limite à une information du Parlement sur les mesures envisagées par le Gouvernement, qui n'est donc pas tenu de se conformer strictement à ses propres prévisions.
En premier lieu, sur un plan constitutionnel, l'exécution budgétaire, comme celle de toutes les lois, relève de la compétence du Premier ministre, et non de celle du Parlement, selon l'article 21 de la Constitution. Ce dernier autorise la dépense en loi de finances initiale, sur la base des informations données, notamment la « justification au premier euro » et les objectifs de performance. Il appartient au Gouvernement d'assurer ensuite l'exécution budgétaire, dans la transparence et en informant le Parlement. Enfin, il revient au Parlement de contrôler l'exécution du budget et la réalisation des performances annoncées...
Mme Hélène Luc. Mais il n'aura pas eu le droit d'amender le texte auparavant !
M. Jean Arthuis, rapporteur. Voulez-vous que nous prenions rendez-vous pour en parler, madame Luc ?
Mme Hélène Luc. Vous savez bien que c'est la vérité !
M. Jean Arthuis, rapporteur. Je me suis présenté devant chacune des commissions permanentes de notre assemblée pour évoquer ce sujet et je me tiens à la disposition du groupe communiste républicain et citoyen pour discuter plus longuement,...
Mme Hélène Luc. Il ne faut pas affirmer des choses qui ne sont pas vraies ! Nous ne pourrons pas présenter d'amendements !
M. Jean Arthuis, rapporteur. ... s'il le souhaite, des dispositions de la loi organique relative aux lois de finances, afin que ses membres puissent envisager dans l'allégresse l'examen du prochain projet de loi de finances.
Il revient au Parlement, disais-je, de contrôler l'exécution du budget et la réalisation des performances annoncées dans le cadre du projet de loi de règlement, dont l'importance devra être renforcée. Ce contrôle viendra à l'appui de ses décisions relatives au projet de loi de finances suivant. Comment le Parlement pourrait-il contrôler l'exécution budgétaire après avoir « copiloté » les mesures de régulation ? Voilà qui justifie que ces dernières soient une prérogative exclusive du Gouvernement.
Par ailleurs, il est indispensable, en opportunité, que le Gouvernement dispose de toute la souplesse nécessaire en cours d'exercice pour adapter son action aux évolutions de la conjoncture, ce qui ne le dispense pas d'un contrôle parlementaire sur la sincérité de l'exécution.
En outre, la rédaction proposée présente l'avantage de relier les mesures de gel à ce qui devrait être leur finalité, à savoir « assurer en exécution le respect du plafond global des dépenses du budget général voté par le Parlement ».
Dans un objectif de simplicité et pour favoriser un débat général sur le sujet, la solution qui consiste à prévoir des taux différents selon les programmes a été écartée. Il a donc été retenu deux taux distincts : le premier pour le titre II, relatif aux dépenses de personnel, le second pour les autres titres.
Le dispositif présenté paraît de nature à responsabiliser les gestionnaires, en leur permettant de distinguer, au sein des crédits de leur programme, entre une « tranche ferme » et une « tranche conditionnelle », ayant ensuite vocation soit à être « dégelée », soit à être annulée.
La commission des finances propose donc au Sénat d'adopter l'article 9 du projet de loi organique.
L'article 10, pour sa part, a pour finalité de permettre la mesure, au stade du projet de loi de règlement, de l'incidence sur la dette de l'Etat des opérations réalisées dans le cadre des partenariats public-privé. De ce point de vue, il s'inscrit exactement dans l'objectif que s'était fixé le Sénat à l'article 8.
Désormais, le compte général de l'Etat comportera, parmi les annexes du bilan, une présentation du traitement comptable des opérations conduites en partenariat entre le public et le privé.
La commission des finances vous propose, mes chers collègues, d'adopter l'article 10.
L'article 11 n'est pas sans lien, comme je le disais tout à l'heure, avec l'article 6 du projet de loi organique, inséré par l'Assemblée nationale puis supprimé par le Sénat en première lecture, même si les dispositions ne sont pas tout à fait identiques.
Par rapport au précédent, le nouveau texte présenté comporte deux différences : il « limite » la possibilité de débat parlementaire au seul rapport annuel de la Cour des comptes, sans plus faire référence aux « autres rapports publics » ; il ne reprend pas la charge de « préparation » des débats qui aurait été assignée à la Cour des comptes dans le cadre de sa mission d'assistance au Parlement.
Le présent article se borne à compléter l'article 58 de la loi organique relative aux lois de finances, pour énoncer que « le rapport annuel de la Cour des comptes peut faire l'objet d'un débat à l'Assemblée nationale et au Sénat », ce débat gardant donc un caractère facultatif.
Tout en enregistrant positivement « l'atténuation », par l'Assemblée nationale, de son texte initial et tout en partageant les objectifs visés, la commission des finances du Sénat continue d'estimer que les dispositions votées par nos collègues députés sont superfétatoires. L'organisation, chaque année, d'un débat en séance publique sur le rapport de la Cour des comptes est permise par les textes en vigueur, plus précisément dans le cadre de l'article 48, alinéa 3, de la Constitution, concernant les séances mensuelles réservées par priorité à l'ordre du jour fixé par chaque assemblée.
Il n'est donc pas besoin, pour atteindre l'objectif louable de nos collègues de l'Assemblée nationale, de « charger » une loi organique, en l'occurrence la LOLF, de dispositions juridiquement inutiles, avant même sa complète mise en oeuvre, au risque d'en faire une loi « bavarde ».
Au demeurant, comme l'a relevé notre collègue député Didier Migaud, il n'est pas totalement certain que la formule retenue soit la plus efficace pour atteindre l'objectif visé : « L'efficacité du contrôle procède non de textes, mais d'une volonté. Une audition en commission d'un président de chambre peut avoir une audience réelle si elle est ouverte à la presse. Un certain formalisme bride la parole des parlementaires en séance publique, sans permettre d'y dégager toujours des indications ou des orientations précises. L'enceinte de la commission peut être plus appropriée pour organiser un débat efficace. »
Les pratiques récemment développées par la commission des finances témoignent de la pertinence de cette observation. Ainsi, l'audition contradictoire, ouverte à la presse, qu'elle a organisée le 22 mars 2005 à la suite du rapport établi par la Cour des comptes sur Météo France dans le cadre de l'article 58, alinéa 2, de la loi organique relative aux lois de finances, a permis une véritable confrontation entre ses membres et les responsables de l'établissement public, ainsi que le ministère de tutelle.
Ce débat, qui a bénéficié d'un retour médiatique incontestable, pourrait, aussi bien qu'une discussion en séance publique, permettre de favoriser le suivi des recommandations de la Cour des comptes, du moins de certaines d'entre elles.
Néanmoins, tenant compte de l'effort de rapprochement accompli par l'Assemblée nationale, la commission des finances pense qu'il est possible, dans un esprit de conciliation, de mettre un terme à la navette du présent projet de loi organique.
Il est temps, monsieur le ministre, de refermer la boite de Pandore, et de vous donner le temps dont vous avez besoin pour réformer aussi le système d'information budgétaire, comptable et financière de l'Etat. Sans un système complet se substituant aux nombreux systèmes actuels, nous aurons quelque peine à faire vivre dans sa pleine efficacité notre nouvelle constitution financière.
Ainsi, mes chers collègues, la commission des finances vous propose d'adopter sans modification l'article 11, ainsi que l'ensemble du projet de loi organique, levier de réforme de l'Etat, instrument de la lucidité politique.
Si le courage et la volonté sont au rendez-vous de nos devoirs, alors, oui, nous devons cesser de douter de nous-mêmes, de notre capacité à maîtriser la dépense publique, et nous convaincre qu'il est justifié d'entrer dans une ère nouvelle avec confiance. Ce qui est en cause, c'est bien la bonne gouvernance de l'Etat. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe socialiste, 14 minutes ;
Groupe Union centriste-UDF, 8 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 7 minutes.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Jean-Jacques Jégou.
M. Jean-Jacques Jégou. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la mise en oeuvre de la LOLF est aujourd'hui au coeur de notre réflexion sur la modernisation de l'Etat, la bonne utilisation de l'argent public, dans un souci d'optimisation des deniers publics.
Cette mise en oeuvre pose deux problèmes : d'une part, classer les actions de l'Etat en fonction des chantiers prioritaires et des orientations gouvernementales ; d'autre part, adapter les moyens aux résultats attendus.
Le projet de loi organique que nous examinons aujourd'hui en deuxième lecture, après avoir été substantiellement modifié au cours de la navette, a pour objet de satisfaire à un objectif de sincérité budgétaire, en donnant plus de visibilité et de responsabilité au Parlement dans la gestion de la dette publique.
Poser les règles du jeu par avance en affectant dès la loi de finances initiale les éventuels excédents de recettes fiscales, tout en donnant plus de transparence à la gestion financière de l'Etat - je ne rappellerai pas l'épisode de la « cagnotte » de 2000 - offre une crédibilité non négligeable à nos finances publiques, qui ont souffert pendant trop longtemps de dérive laxiste.
Le Parlement sera alors saisi de cette manne financière, au même titre que les recettes dites « classiques » ou « attendues », et selon les mêmes règles et les mêmes contraintes. A l'évidence, il importe de donner une priorité au remboursement de la dette. Pourtant, il nous faut une loi organique pour fixer ces règles. Cependant, ces règles ne seront efficaces que lorsque nous, parlementaires, faisant face à nos responsabilités, nous voterons enfin des lois de finances initiales équilibrées. Mais en avons-nous seulement la volonté ? Arrêterons-nous un jour de nous cacher tous les ans derrière des prévisions de croissance plus qu'optimistes ?
Nous mettons aujourd'hui tous nos espoirs pour la réussite de la modernisation de l'Etat dans la LOLF. Je suis profondément convaincu de la nécessité de cette modernisation, mais je reste très vigilant quant à son application et je souhaite que la LOLF ne soit pas le seul outil de cette stratégie. Car la réforme ne doit pas seulement s'arrêter à l'application d'un texte : elle doit traduire une dynamique continue.
Après ces quelques réserves de principe, je souhaite revenir sur le fond du projet de loi organique. Plusieurs articles, ajoutés par l'Assemblée nationale, ont été adoptés dès la première lecture et donnent de plus grandes marges de manoeuvre et une plus grande capacité d'appréciation de la gestion des finances de l'Etat par les commissions parlementaires. Cette gestion est affinée, en particulier grâce à une surveillance plus précise de l'emploi public ou subventionné par l'Etat, mais aussi par les possibilités élargies d'enquêtes et de débats parlementaires.
Je n'évoquerai que brièvement les partenariats public-privé, qui ont été largement développés par le président Jean Arthuis. Des améliorations ont été apportées par les députés en deuxième lecture et elles méritent d'être soulignées. Les PPP offrent des possibilités non négligeables d'efficacité de la dépense publique. Plusieurs de leurs travers ont été corrigés, notamment celui qui aurait permis à l'Etat de contourner habilement, par ce type de financement, certaines contraintes budgétaires. La clarification apportée par l'Assemblée nationale sur l'obligation d'en faire des objets d'autorisation d'engagement au sens juridique du terme, bien que toujours contraignante, me semble opportune.
Quoi qu'il en soit, il s'agit d'un bon texte. Le rôle de contrôle du Parlement en sort accru, ainsi que la visibilité qu'il offre sur le pilotage des finances publiques. Néanmoins, l'efficacité de ce projet de loi organique dépendra entièrement de son appropriation par les parlementaires. Il nous restera, à nous parlementaires, comme au Gouvernement, de la faire vivre et d'en prouver l'efficacité.
Le groupe de l'Union centriste-UDF votera donc ce texte. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi organique nous a été présenté comme un texte purement technique, visant en particulier à adapter les conditions du débat budgétaire dans notre assemblée aux nouvelles règles posées par la LOLF.
Plusieurs dispositions nouvelles ne peuvent manquer de nous interpeller.
En effet, le débat en seconde lecture à l'Assemblée nationale a conduit à ajouter au texte des mesures précisant le cadre comptable des opérations d'investissement menées, par exemple, en partenariat entre la puissance publique et des entreprises privées, ainsi que les conditions de détermination du respect des engagements européens de la France.
On pourrait évidemment se dire, à la lecture de ces articles ajoutés à l'issue des débats au Palais Bourbon, qu'il s'agit là de mesures de transparence complémentaires à celles qui sont déjà inscrites dans le texte de la loi organique.
Comme vous l'avez fait, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, on pourrait se féliciter de disposer ainsi d'outils essentiels pour améliorer la qualité de la discussion de la loi de règlement, qui n'était jusqu'à présent qu'un simple exercice de validation.
On pourrait également se féliciter que l'opposition puisse avoir des rapports, ce qui n'est pas le cas à l'Assemblée nationale ; nous en prenons d'ailleurs acte et, bien sûr, nous ferons notre travail. J'en profite pour remercier les administrateurs de la commission des finances de leur disponibilité à l'égard de tous les groupes.
Nous ne remettons pas en cause les auditions, monsieur le président de la commission, mais ce projet de loi organique pose quelques questions de fond.
En effet, si tant est que le présent texte intègre, d'une certaine manière, les critères qui semblent être retenus aujourd'hui en matière de convergence des politiques économiques des pays membres de l'Union européenne, doit-on faire comme s'il ne s'était rien passé le 29 mai dernier ?
Pour en revenir à l'essentiel de la loi organique, comment ne pas rappeler, une fois de plus, que son adoption découle directement de l'insertion de notre politique économique et de la pratique budgétaire de l'Etat dans le cadre de la convergence des politiques de l'Union européenne et, singulièrement, de la mise en oeuvre de l'Union économique et monétaire ? En réalité, l'adoption, en 2001, de la loi organique avait pour objet de donner un cadre technique au respect par la France des critères de convergence passant, entre autres, par la maîtrise de la dépense publique ?
Le débat sur la fongibilité des crédits, par exemple, prend un relief tout particulier quand on le rapporte à ses conséquences naturelles : l'assimilation des dépenses de personnel à des dépenses de matériel et la gestion à flux tendu de l'emploi public, générant, dans la pratique, précarité, discrimination, remise en question des statuts. On pourra le vérifier par la suite !
Le débat sur la performance pose évidemment la question de la qualité des critères retenus pour évaluer les politiques publiques, critères que nous jugeons très libéraux.
De multiples exemples ont d'ores et déjà été tirés des expériences de globalisation des enveloppes budgétaires, première mise en oeuvre des orientations de la loi organique.
C'est du reste cette globalisation qui a conduit à supprimer de nombreux emplois de policiers de proximité pour renforcer les groupements d'intervention rapide, délaissant de fait l'action quotidienne et patiente contre la petite délinquance et l'insécurité au profit d'opérations spectaculaires.
C'est cette globalisation qui conduit à la fermeture des options dans les lycées, au dépérissement des collèges situés en zone sensible, à la suppression des actions de formation continue dans certaines académies au motif qu'il serait préférable de mettre en place une écoute psychologique individualisée des enseignants.
C'est également cette globalisation qui affecte lourdement les crédits de la ville, encore une fois utilisés comme réservoir pour l'ajustement budgétaire, au détriment d'un soutien effectif à tous ceux qui, par leur action, rendent pourtant la vie moins insupportable aux habitants des quartiers les plus en difficulté.
M. Jean Arthuis, rapporteur. Monsieur Foucaud, me permettez-vous de vous interrompre ?
M. Thierry Foucaud. Je vous en prie, monsieur le rapporteur.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur, avec l'autorisation de l'orateur.
M. Jean Arthuis, rapporteur. La LOLF n'est pas la politique que l'on mène : c'est un instrument de lucidité et de visibilité.
Mme Hélène Luc. C'est aussi la politique !
M. Jean Arthuis, rapporteur. Qu'est-ce qui peut justifier une politique fondée sur l'opacité ?
Tout à l'heure, vous avez fait référence au référendum du 29 mai, monsieur Foucaud, mais osez-vous imaginer que l'on ait une autre monnaie que l'euro aujourd'hui ? Compte tenu de nos niveaux de déficits, la sanction des marchés monétaires serait instantanée et nous assisterions à une remontée spectaculaire des taux d'intérêt.
Avec la LOLF, on peut conduire toutes les politiques que l'on veut ; la seule différence, c'est la lisibilité ! Lorsque j'écoute Mme Luc ou vous-même, monsieur Foucaud, j'ai l'impression qu'il y a un malentendu : il ne faut pas confondre la politique et l'instrument qui permet d'en assurer la lisibilité.
Si ce texte est assez largement consensuel, c'est uniquement parce qu'il offre à tous ceux qui sont aptes à gérer les finances publiques le moyen d'y voir clair et de rendre compte de leur gestion. Le reste n'est que procès d'intention !
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Comme je le disais tout à l'heure, monsieur le président de la commission, ce ne sont pas les auditions que nous remettons en cause : à l'évidence, nous sommes pour la transparence et pour les enquêtes ; nos propos portent sur le fond.
Tout à l'heure, Mme Luc est intervenue en ce qui concerne la présentation d'amendements : comment allons-nous faire, au Sénat comme à l'Assemblée nationale, pour amender, si ce n'est en créant l'austérité dans un autre secteur ?
M. Jean Arthuis, rapporteur. Vous souvenez-vous des amendements que vous avez déposés dans le passé ? Il n'y a jamais eu de demande pour restreindre les crédits !
M. Thierry Foucaud. Oui, mais le gage des amendements ne sera plus le même !
Pour en revenir à mon intervention, c'est cette même globalisation qui entrave aujourd'hui l'action des directions départementales de l'équipement, tandis qu'il ne se passe pas un jour sans que le Journal officiel ne nous annonce la parution de décrets ou d'arrêtés d'annulation, de transferts, de répartition ou de report de crédits.
Ainsi, au mois d'avril, nous en avons eu une illustration remarquable avec le décret ouvrant les crédits indispensables au déroulement de la campagne référendaire et à l'information des citoyens. La loi de finances pour 2005 n'ayant manifestement pas prévu l'envoi à tous les électeurs du texte du traité constitutionnel, des crédits ont été annulés dans un grand nombre de chapitres abondés en loi de finances, notamment au titre de la politique de la ville ou de l'insertion professionnelle.
Face à une telle démarche, on peut se demander si le droit du Parlement, en sa qualité de représentant de la souveraineté populaire, à fixer la quotité de l'impôt et à en répartir l'usage a encore un sens compte tenu des conditions d'exécution budgétaire. Il suffit en effet de regarder le droit d'amendement !
Mais revenons-en au contenu du projet de loi, tel qu'il a été amendé par l'Assemblée nationale.
Nous l'avons dit, les articles ajoutés lors de cette lecture conduisent, notamment, à créer le cadre de la prise en compte du pacte de stabilité européen « nouvelle formule » et des opérations menées en partenariat public-privé.
Mais ce pacte de stabilité, monsieur le ministre, mes chers collègues, je me dois de vous le dire, les Français, en rejetant sans appel le traité constitutionnel européen, l'ont aussi rejeté. D'ailleurs, par cohérence, ceux qui, ici, ont pris fait et cause contre le traité constitutionnel devraient repousser les termes du présent projet de loi.
Posons quelques idées.
Le pacte de stabilité est donc « nouvelle formule », et les dépenses d'équipement jouissent, depuis le conflit entre la Commission européenne, d'une part, la France et l'Allemagne, d'autre part, d'un traitement particulier permettant de les distraire, pour partie, de l'évaluation des déficits publics.
Nous serions d'accord pour un tel traitement. Mais ce serait oublier un peu vite que d'autres dépenses, notamment en matière d'éducation ou de santé, ne sont pas dépourvues d'utilité et que leur traitement européen conduit à les transformer, encore et toujours, comme les autres, en stock d'économies à réaliser et en performances à améliorer !
Ne serait-ce que de ce point de vue, le pacte de stabilité, et l'obsession de la réduction de la dépense publique qui le sous-tend, est en quelque sorte dévalué.
Prenons la question du traitement des investissements à financement mixte, c'est-à-dire faits d'engagements de l'Etat et de crédits privés.
Force est de constater que ce qui se prépare avec l'article 7 du présent texte n'est ni plus ni moins qu'une mise en déshérence de la dépense d'équipement public. Tout laisse en effet à penser qu'il s'agit de faire en sorte que les grands investissements structurants de demain - corridors de ferroutage, autoroutes d'aménagement du territoire, ouvrages d'art importants, infrastructures sportives à vocation olympique, par exemple - seront financés par cette mixité de capitaux et gérés par des personnes morales de droit privé. Là encore, nous ne pouvons donner quitus à ces orientations.
Compte tenu des remarques que je viens de faire sur le rapport et la qualité des informations qui nous ont été fournies ainsi que sur le fond du texte, vous aurez compris que nous voterons contre le projet de loi qui nous est aujourd'hui soumis. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Marc Massion.
M. Marc Massion. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon intervention sera très brève, et ce pour deux raisons.
D'abord, nous arrivons au terme d'une démarche consensuelle à laquelle les commissaires socialistes de la commission des finances ont pris toute leur part.
Ensuite, nous sommes globalement d'accord avec les observations présentées par le président de notre commission, M. Arthuis, rapporteur de ce projet de loi.
Je rappelle simplement que, lors de l'examen en première lecture de ce projet de loi organique modifiant la LOLF, les orateurs du groupe socialiste avaient souligné, à juste titre, qu'il n'y avait aucune urgence à modifier une loi qui n'était pas encore entrée en application.
Cette urgence s'imposait d'autant moins que, une fois la loi mise en oeuvre tout au long de l'année 2006, il serait bien étonnant que nous ne trouvions pas, à l'usage, des raisons de procéder à quelques ajustements supplémentaires, qui pourraient se révéler pertinents. En outre, même si tout le monde s'accorde sur la nécessité d'améliorer les règles de pilotage des finances publiques - alors que l'on a pu constater, depuis juin 2002, leur véritable « explosion », et que le Gouvernement souhaitait l'adoption de règles de comportement budgétaire pluriannuelles -, ce projet de loi s'est initialement traduit par un simple article relatif aux modalités d'affectation des surplus éventuels de recettes fiscales.
Or, si la régulation budgétaire est utile, et si un gouvernement doit pouvoir en user, celle-ci ne doit pas être automatique. Mais la règle proposée ayant, sinon introduit une exigence de plus grande rigueur dans la gestion des finances publiques, du moins signalé un souci de plus grande transparence dans les relations entre l'exécutif et le législatif, et l'Assemblée nationale ayant procédé à quelques ajouts qui ne remettaient pas en cause la problématique de la LOLF, le groupe socialiste du Sénat avait approuvé, en première lecture, le projet de loi soumis à notre examen.
En deuxième lecture, l'Assemblée nationale a complété le texte, de nouveau. Dans la mesure où des précisions nouvelles ont été apportées en matière d'information du Parlement sur le contenu et la présentation du budget et où l'on peut espérer que ces informations faciliteront la tâche aussi bien du Parlement que du Gouvernement, on peut dire que le projet de loi a ainsi été enrichi par le débat parlementaire.
En conséquence, monsieur le ministre, je peux d'ores et déjà vous indiquer que le groupe socialiste approuvera le projet de loi organique modifiant la LOLF. Mais nous serons très vigilants quant à l'application de ce texte, que vous avez vous-même qualifié de révolutionnaire pour l'administration des finances publiques, notamment pour ce qui est du respect par le Gouvernement de ses obligations. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens d'abord à souligner la très grande tenue des différentes interventions.
Monsieur le président de la commission, je retrouve bien des convergences entre vos propos et les nôtres. C'est fréquent, mais, en l'espèce, cela se vérifie tout particulièrement.
En effet, sur le dispositif de régulation, nous avons su trouver un bon équilibre. Nous répondons ainsi aux critiques récurrentes sur le sujet, et nous mettons en place un dispositif préservant les prérogatives du Gouvernement tout en améliorant la transparence des lois de finances.
Par ailleurs, vous avez eu raison de conclure sur la nécessité dans laquelle nous nous trouvons de travailler sur les systèmes d'information budgétaire et comptable. C'est l'un des grands enjeux techniques pour la réussite de la LOLF. Il va de soi que, comme vous pouvez l'imaginer, je serai très vigilant sur ce point.
Monsieur Jégou, vous avez fort utilement fait le lien entre le pilotage des finances publiques et la LOLF, qui est un instrument visant à assurer la transparence. Ensuite, chacun est, bien évidemment, libre d'y recourir.
A cet égard, monsieur Foucaud, M. Arthuis a excellemment rappelé le principe de la LOLF. Pour prendre une comparaison historique, je rappelle que le parti communiste a voté contre la Constitution de la Ve République.
Mme Hélène Luc. Nous n'avions pas tout à fait tort !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Or rien dans cette Constitution n'interdit de mener une politique ou une autre.
M. Robert Del Picchia. Absolument !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. La meilleure preuve en est que, moins de vingt-cinq années après l'instauration de la Ve République, des ministres communistes siégeaient au gouvernement et exerçaient les prérogatives que leur conférait un texte qu'ils avaient rejeté.
Mme Hélène Luc. On peut la revoir, la Constitution !
Mme Hélène Luc. On le dit même parmi les parlementaires de la majorité !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Tout cela pour vous dire, monsieur Foucaud, que vous vous trompez et que vous confondez le contenu et le contenant.
Je le répète, on a ici toutes les raisons de soutenir un texte, qui, en réalité, crée un cadre améliorant considérablement la transparence et l'efficacité de la gestion publique. Ensuite, on pourra naturellement appliquer la politique que l'on souhaite.
Il n'y a donc aucun lien avec le 29 mai. S'il devait y en avoir un, pour le coup il y aurait une réponse : les Français demandent de manière générale plus de transparence et plus d'efficacité publique ? C'est ce que la LOLF leur apporte. Rétrospectivement, je me dis même qu'il aurait peut-être fallu adopter et mettre en oeuvre ce texte avant le 29 mai. (Sourires.) En tout cas, il n'y a aucune vision idéologique de quelque nature que ce soit sur ce sujet.
Quant au droit d'amendement, je peux vous indiquer qu'il sera considérablement élargi par rapport à ce qu'il était dans le cadre de l'ordonnance de 1959. Aujourd'hui, le Parlement ne peut présenter que des amendements visant à réduire les dépenses. Lorsque nous mettrons en place la nouvelle formule, il y aura des amendements de majoration et de minoration. C'est une disposition d'autant plus intéressante que l'examen du projet de loi de finances aura lieu dans le cadre d'enveloppes budgétaires, ce qui changera tout !
En ce qui concerne les PPP, le texte explique, là aussi, comment les utiliser, mais sans porter de jugement de valeur sur leur contenu.
Enfin, monsieur Massion, j'ai écouté votre intervention avec beaucoup d'attention. Il n'est pas si fréquent que l'opposition et la majorité se rejoignent... Ce texte est vraiment né dans un esprit de consensus. J'ai d'ailleurs rappelé dans la discussion générale que, de ses deux concepteurs, MM. Migaud et Lambert, l'un appartenait à l'opposition, l'autre à la majorité, et réciproquement en fonction des alternances !
Mesdames, messieurs les sénateurs, il y a dans ce texte de quoi faire progresser la démarche publique au service des citoyens, ce qui mérite le vote le plus large possible, même si, je l'ai bien compris, le groupe communiste ne se joindra pas au consensus. Je le regrette, car cela aurait eu du sens d'adopter ce texte-là à l'unanimité. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. Nous passons à la discussion des articles.
Je rappelle que, aux termes de l'article 42, alinéa 10, du règlement, à partir de la deuxième lecture au Sénat des projets de loi, la discussion des articles est limitée à ceux pour lesquels les deux chambres du Parlement n'ont pas encore adopté un texte identique.
Article 1er bis
Dans la première phrase du premier alinéa de l'article 35 de la même loi, la référence : « 9° » est remplacée par la référence : « 10° ».
M. le président. La parole est à Mme Hélène Luc, sur l'article.
Mme Hélène Luc. Monsieur le rapporteur, vous avez de très belles formules, ...
M. Jean Arthuis, rapporteur. Merci !
Mme Hélène Luc. ... mais elles dissimulent mal le fait que ce nouveau texte ne contribuera pas à élargir les droits des parlementaires, contrairement à ce qu'affirment M. le ministre délégué au budget ainsi que M. de Villepin, lui que ne cesse de dire qu'il souhaite accroître le rôle du Parlement.
Cette LOLF, que vous vous efforcez de ramener au rang de texte technique, est tout au contraire hautement politique, et vous le savez très bien. En fait, votre seul souci, c'est de contenir les dépenses et d'arriver enfin à respecter le pacte de stabilité, ce à quoi vous n'êtes pas parvenu jusqu'ici. Certes, il y aura tout de même un effet positif, et vous ne prendrez pas mon objectivité en défaut sur ce point. Tout ce qui améliorera la transparence permettra de suivre la réalisation des programmes. C'est un acquis intéressant, mais on aurait très bien pu aboutir au même résultat sous l'empire du texte précédent.
Pour le reste, vous ne m'avez toujours pas convaincue, et vous ne pourrez pas me convaincre. Je prends un exemple, celui de la mission « Défense ».
Cette mission contient quatre programmes : « Environnement et prospective de la politique de défense », « Préparation et emploi des forces terrestres, navales et aériennes », « Equipement des forces » et « Soutien de la politique de défense ».
Or, si je veux, en tant que membre de la commission des affaires étrangères, déposer un amendement visant à modifier le total de la mission « Défense », je ne le peux pas. Je ne peux que proposer de retirer des crédits aux forces terrestres pour les attribuer aux forces navales ou de transférer des crédits des forces aériennes aux forces terrestres.
C'est pourquoi je dis que la LOLF, loin d'être le progrès que l'on nous vante, est bien un recul. C'est indiscutable, et je ne vois pas comment on pourrait me prouver le contraire. En tout cas, ni M. le ministre ni M. le président de la commission n' y sont parvenus.
Et je m'étonne que M. Jégou, que je connais bien, car il est de mon département, où il se pose en opposant du Gouvernement sur bien des points, puisse considérer que ce texte va dans le bon sens.
Le sujet est suffisamment grave pour justifier le ton que j'adopte aujourd'hui, monsieur le ministre. Le débat n'est pas clos, et nous serons amenés à y revenir. J'espère sincèrement que nous ne discuterons pas longtemps du budget de cette manière !
Vous obtiendrez, bien entendu, comme sur beaucoup d'autres textes, l'aval du Sénat, comme vous avez eu celui de l'Assemblée nationale. Je reste néanmoins persuadée que cette loi organique, loin de constituer un progrès, conduira à limiter le droit d'amendement des parlementaires, de même que le projet de Constitution européenne restreint le droit des parlements nationaux !
M. Paul Girod. Nous y voilà !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean Arthuis, rapporteur. Je souhaiterais tellement vous faire partager mes convictions, madame Luc ...
Mme Hélène Luc. Vous y mettez de la bonne volonté, je le reconnais, ...
M. Jean Arthuis, rapporteur. Votre observation me touche profondément, madame Luc. (Sourires.)
Mme Hélène Luc. ... mais ce la ne suffira pas !
M. Jean Arthuis, rapporteur. Nous verrons ! (Nouveaux sourires.)
D'abord, vous reconnaissez que ce texte clarificateur est parfaitement conforme aux textes fondamentaux de la République, en l'occurrence à l'article XV de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, aux termes duquel « La société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration. »
Mme Hélène Luc. Sur ce point, nous sommes d'accord !
M. Jean Arthuis, rapporteur. N'a-t-on pas, au fil des années, perdu de vue en partie cette nécessité de rendre compte de son administration ? Désormais, madame Luc, si la discussion du projet de loi de finances reste, il est vrai, très importante, le grand moment budgétaire sera, selon moi, l'examen du projet de loi de règlement.
M. Jean Arthuis, rapporteur. Je souhaite, avec les membres de la commission des finances, que nous puissions, au printemps, consacrer une semaine à la discussion des projets de loi de règlement. Ainsi, le ministre du budget ne sera plus le seul à être accablé en cas de dépassement des crédits et ceux des ministres les plus impliqués dans la dépense publique viendront rendre compte de leur gestion et nous indiquer le cas échéant pour quels motifs ils n'auront pas atteint les performances qui justifiaient les demandes de crédits.
Mme Hélène Luc. Ce n'est pas le problème !
M. Jean Arthuis, rapporteur. Vous faites référence à l'Europe, mais est-ce seulement pour nous conformer au pacte de stabilité et de croissance que nous voulons limiter la dette publique ?
Avez-vous des petits-enfants, madame Luc ?
Mme Hélène Luc. J'en ai cinq !
M. Jean Arthuis, rapporteur. Et cela ne vous pose pas de problème de constater que l'on met chaque année à la charge de vos petits-enfants entre 50 milliards et 70 milliards d'euros de dette publique supplémentaire ?
Mme Hélène Luc. Ce qui me pose problème, c'est que les enfants ne puissent pas apprendre à lire et à écrire en cours préparatoire parce que les effectifs y sont trop importants ! (Protestations sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur, et à lui seul.
M. Jean Arthuis, rapporteur. Madame Luc, je ne peux que réitérer ma proposition : je suis tout à fait prêt à débattre de la LOLF avec les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
M. le président. Je mets aux voix l'article 1er bis.
Mme Hélène Luc. Le groupe CRC vote contre !
(L'article 1er bis est adopté.)
Article additionnel après l'article 6
M. le président. L'amendement n° 1 rectifié, présenté par MM. Türk, Nogrix et P. Dominati, est ainsi libellé :
Après l'article 6, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le paragraphe I de l'article 7 de la même loi est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les autorités administratives indépendantes figurant sur une liste annexée au projet de loi de finances et constituant une action au sein d'un programme fixent les objectifs et les résultats attendus associés à cette action. Sous réserve des dispositions de l'article 14, aucune décision ayant pour objet ou pour effet de réduire des crédits qui leur ont été attribués en loi de finances ne peut être prise sans l'accord du président de l'autorité concernée. »
La parole est à M. Philippe Dominati.
M. Philippe Dominati. La loi organique relative aux lois de finances, dans son article 7, traite de deux situations : les services d'un ministère, pour les missions « normales », et les pouvoirs publics - pour les missions spécifiques. Le texte reste silencieux sur la situation des autorités administratives indépendantes, qui, sans pouvoir être considérées comme appartenant aux pouvoirs publics, ne sauraient pour autant être assimilées à des services d'un ministère.
De fait, dans l'architecture budgétaire qui est actuellement mise en place, ces autorités sont placées comme « actions » dans les programmes de ministères agissant dans des domaines proches, alors que, pourtant, les lois qui les instituent leur reconnaissent l'autonomie budgétaire en donnant à leur président la qualité d'ordonnateur principal.
Paradoxalement, ces AAI se retrouvent sous le contrôle budgétaire d'administrations dont elles sont chargées de réguler, voire de contrôler l'action. Or ce contrôle budgétaire est accru par la loi organique en raison du principe de fongibilité que le texte institue au sein d'un programme. Ainsi, le directeur d'un programme serait parfaitement fondé, en cours d'exercice, à réduire les crédits d'investigations ou d'études d'une autorité administrative indépendante figurant dans le programme dont il a la responsabilité pour les utiliser au profit d'une autre action, et ce malgré le fait que ladite autorité constitue un budget opérationnel de programme, ou BOP.
Or les présidents de ces autorités ont vocation à être responsables de leur action, ce qui suppose qu'ils puissent disposer de la maîtrise non seulement de leurs objectifs, mais aussi, sous le contrôle du Parlement, de leurs crédits.
Le présent amendement tend à définir la place de ces autorités dans le dispositif budgétaire et à affirmer leur indépendance en exécution de la loi de finances. Il prévoit que les mouvements de crédits au sein d'un programme ayant pour effet de réduire les crédits affectés à une autorité administrative indépendante ne peuvent être réalisés sans l'accord du président de l'autorité. Cette disposition ne concerne cependant pas les mesures générales de régulation budgétaire.
Si l'amendement ne pouvait être adopté à ce stade ultime de la procédure, monsieur le ministre, pouvez-vous vous engager à faire en sorte que les crédits nécessaires aux autorités administratives indépendantes tels qu'ils sont appréciés par la direction du budget soient notifiés aux responsables de programmes et à ces autorités, et ne puissent pas être réduits lors des conférences de répartition ? En d'autres termes, pouvez-vous prendre l'engagement devant nous que les autorités administratives indépendantes disposant jusqu'à présent de l'autonomie budgétaire conserveront une conférence budgétaire autonome, comme le préconisait en des termes clairs le Conseil d'Etat dans son rapport de 2001 ?
Pouvez-vous, en outre, nous assurer que le montant des crédits affectés à une autorité administrative indépendante à l'issue de cette répartition ne pourra être réduit en cours d'exercice par une décision du directeur de programme de rattachement ?
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean Arthuis, rapporteur. Cet amendement répond à une préoccupation que la commission des finances avait exprimée, voilà déjà plus d'un an, dans son rapport d'information sur la mise en oeuvre de la nouvelle architecture budgétaire.
Nous avions en effet proposé, mais sans succès, la création d'une mission « Transparence et régulation de l'action publique ». Cette mission comportait deux programmes. Le premier était intitulé « Juridictions financières », afin de tenir compte du rôle tout à fait novateur de la Cour des comptes, qui devra désormais certifier la sincérité des comptes de l'Etat. Autrement dit, et pardonnez-moi cette précision, monsieur le ministre,...
M. Jean Arthuis, rapporteur. ... nous ne souhaitions pas que la Cour des comptes fût placée sous l'autorité de celui qui tenait les comptes !
Nous suggérions que cette mission « Transparence et régulation de l'action publique » regroupe toutes les autorités administratives indépendantes. Nous estimions nécessaire de ne pas les mettre en difficulté par rapport aux administrations dont elles assurent la régulation.
La problématique est délicate, et vous en avez exposé tous les termes. Il y a une relative urgence, je le disais tout à l'heure à la tribune, à refermer la boîte de Pandore, et l'expérience nous conduira sans doute à porter quelques aménagements à cette loi organique.
Monsieur le ministre, au-delà des réponses que vous apporterez aux questions de M. Dominati, il me semblerait utile que le Gouvernement s'engage à maintenir, quand elles existaient avant l'application de la LOLF, les conférences budgétaires avec les autorités administratives indépendantes ou, pour le moins, à garantir un dialogue budgétaire entre votre ministère et ces AAI.
Peut-être pourriez-vous nous confirmer également que la fongibilité asymétrique des crédits qui pourrait être décidée en défaveur des autorités administratives indépendantes ne le serait qu'après l'accord préalable du président desdites autorités ?
Il conviendrait également de renoncer aux mesures de régulation budgétaire défavorables aux autorités administratives indépendantes. Il n'est pas normal qu'une autorité administrative indépendante apprenne parfois plusieurs mois après que la décision a été prise que ces crédits ont été gelés.
Par conséquent, monsieur le ministre, nous serions heureux de vous entendre avant de prendre position sur ces questions.
M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Monsieur Dominati, les réponses que je vais vous apporter sont de nature à apaiser les inquiétudes que vous exprimez. C'est pourquoi je vous demanderai de bien vouloir retirer votre amendement.
Vous m'interrogez sur la place des autorités administratives indépendantes dans la nouvelle architecture budgétaire sont légitimes et importantes. Je vais tenter de vous répondre.
D'abord, il ne doit y avoir aucune ambiguïté sur le fait que la LOLF n'a pas pour objet de remettre en cause le caractère indépendant des autorités administratives. Les AAI ont chacune une vocation, une finalité, une indépendance qu'il ne s'agit en rien de contester. Elles ont parfaitement pu exercer la plénitude de leurs compétences sous le régime de l'ordonnance de 1959, il n'y a donc aucune raison qu'il en aille autrement.
Compte tenu de l'importance du sujet, je distinguerai trois préoccupations.
La première concerne les liens avec le contrôle financier. Certaines autorités administratives font valoir que l'application informatique destinée à gérer les crédits à partir du 1er janvier 2006 - le fameux « Palier 2006 » - n'exonérerait pas en totalité les autorités administratives du visa du contrôleur financier.
Ce n'est pas forcément le lieu ni le moment de revenir sur le passé, mais nous aurons au 1er janvier 2006 un système de gestion budgétaire et comptable transitoire avant l'entrée en fonction, en 2008, du système définitif Chorus.
Ce système transitoire comporte de fortes contraintes techniques qu'il convient de prendre en compte si nous ne voulons pas risquer de rencontrer une réelle difficulté de gestion de la dépense de l'Etat.
Chaque autorité administrative sera donc effectivement traitée dans le flux informatique, ou workflow, correspondant au programme dont elle relève, et ce dispositif ne peut en aucune manière les identifier.
Cependant, l'effet pratique de cette conception informatique sera très limité. Seules les « dotations pour opérations centrales », passées une fois par an, et les tranches fonctionnelles d'investissement passeront sur l'ordinateur du contrôleur financier. Celui-ci « cliquera » en temps réel, et sans contrôle, ces opérations. Les 99 % des opérations restantes ne passeront pas par le workflow du contrôleur financier.
Je le redis devant vous de manière solennelle, les autorités administratives indépendantes ne seront en aucune manière, par le biais du Palier 2006 ou de quelque outil informatique que ce soit, soumises au visa ou au contrôle du contrôleur financier. Les inconvénients qui subsistent auront totalement disparu une fois que le système définitif sera mis en place.
La deuxième préoccupation concerne les conditions de négociation du budget.
Lors de la procédure mise en oeuvre cette année, la direction du budget a d'ores et déjà organisé des réunions budgétaires autonomes pour les principales autorités administratives indépendantes, je pense en particulier au Médiateur, au Conseil supérieur de l'audiovisuel, à la Commission nationale de l'informatique et des libertés ou à la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité. Cette procédure a vocation à être reconduite à l'avenir.
Dans le cadre des plafonds arrêtés pour chaque mission, il reviendra de répartir les crédits en assurant à chaque autorité administrative les moyens de son fonctionnement, dans le cadre du dialogue budgétaire initial.
Afin que l'information du Parlement soit complète, chaque autorité administrative fera l'objet d'une action permettant de bien identifier les moyens qui lui sont affectés, et donc d'en vérifier l'utilisation en cours d'exercice.
Vous avez évoqué une troisième préoccupation, comme M. le rapporteur, à savoir les conditions de gestion et, en particulier, la mise en oeuvre de la fongibilité asymétrique. Les autorités administratives indépendantes craignent que la présence de leurs crédits au sein des programmes ne permette pas la mise en oeuvre d'une fongibilité asymétrique qui leur serait défavorable, qui plus est de la part de responsables de programme qui seraient les « contrôlés » de ces mêmes autorités.
Bien que le risque me semble réduit, ne serait-ce que parce qu'il déclencherait une réaction médiatique très forte des autorités administratives indépendantes - et elles peuvent réagir très vite, comme on a pu le constater cet après-midi ! -, je souhaite également apporter des assurances précises. Elles seront ainsi inscrites dans le marbre du Journal officiel. (Sourires.)
D'abord, les crédits de chaque autorité administrative indépendante feront l'objet, en exécution, d'un budget opérationnel de programme dont le responsable sera le dirigeant de l'autorité. Cette procédure permet ainsi à l'autorité administrative indépendante de gérer ses propres crédits en toute indépendance, tout en respectant, évidemment, le caractère limitatif de sa dotation, ce qui ne change rien par rapport à la situation précédente.
En outre, afin d'encadrer la fongibilité des crédits au sein du programme et de rassurer l'autorité administrative indépendante, le responsable du programme peut convenir avec le dirigeant de l'autorité d'une convention de gestion, prévoyant en particulier les conditions dans lesquelles les crédits de l'autorité concernée seront préservés en exécution.
Mes services apportent déjà leur concours - ils continueront de le faire - à l'élaboration de telles conventions ; je souhaite qu'elles se généralisent.
Quoi qu'il en soit, je tiens à affirmer que le Gouvernement fait preuve d'une extrême vigilance afin de garantir l'indépendance des autorités administratives indépendantes.
J'espère, monsieur le sénateur, avoir ainsi répondu à vos interrogations et apaisé vos craintes. J'ai pris devant vous des engagements qui, dans le respect de l'esprit et de la lettre du projet de loi organique, sont suffisamment précis pour que vous retiriez cet amendement d'alerte. Votre proposition, au demeurant très légitime, pourrait introduire une confusion par rapport aux autres grandes notions de ce projet de loi organique et risquerait d'être mal interprétée.
M. le président. Quel est maintenant l'avis de la commission ?
M. Jean Arthuis, rapporteur. J'ai entendu les engagements pris par M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l'Etat. Je ne puis donc que m'associer à sa demande de retrait de cet amendement.
Il va sans dire que d'autres instances peuvent exprimer des demandes identiques sur les régulations - je pense en particulier à l'Assemblée des Français de l'étranger, que M. Del Picchia a évoquée. Il faudra également que le Gouvernement veille à ne pas mettre en difficulté ces instances.
En tout état de cause, sur la foi des déclarations de M. le ministre délégué, je vous demande, monsieur Dominati, de bien vouloir retirer cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Robert Del Picchia.
M. Robert Del Picchia. Je remercie M. Arthuis d'avoir soulevé la question des Français de l'étranger.
Monsieur le ministre, il existe une certaine ambiguïté sur l'Assemblée des Français de l'étranger. Certes, il ne s'agit bien évidemment pas d'une autorité administrative indépendante, puisque l'AFE est une assemblée d'élus au suffrage universel, mais son budget est géré par le ministère des affaires étrangères et sa présidence assurée par le ministre.
En tout état de cause, monsieur le ministre, le principe de fongibilité risque de s'appliquer totalement. Vous venez de nous assurer le contraire, raison pour laquelle M. Dominati, ce que je comprends fort bien, acceptera sans doute de retirer son amendement.
Pour ma part, j'aimerais obtenir du Gouvernement l'assurance qu'il tiendra compte de l'indépendance de cette assemblée d'élus et qu'il n'appliquera pas régulièrement le principe de fongibilité, ce qui viendrait amputer un budget d'ores et déjà minime, vous le savez, monsieur le ministre.
Je vous remercie par avance, au nom des élus des Français de l'étranger, monsieur le ministre, de bien vouloir nous donner quelque assurance pour apaiser nos inquiétudes.
M. le président. Monsieur Dominati, l'amendement n° 1 rectifié est-il maintenu ?
M. Philippe Dominati. Monsieur le ministre, la caractéristique des autorités administratives indépendantes est d'être indépendantes ! Il est donc tout à fait naturel qu'elles réagissent très vite.
Quoi qu'il en soit, compte tenu des précisions que vous nous avez apportées, j'accepte de retirer cet amendement.
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Monsieur Dominati, je vous remercie d'avoir bien voulu retirer cet amendement.
J'espère véritablement avoir répondu à toutes vos interrogations. Sachez, en tout cas, que je me tiens à votre disposition, et à la disposition du Sénat, pour apporter tous les compléments d'information que vous souhaiteriez. C'est un sujet qui me tient à coeur, car j'entends véritablement que la mise en oeuvre de la LOLF se fasse sans ambiguïté.
Il n'est pas question d'empêcher qui que ce soit d'accomplir sa mission ni de créer une quelconque entrave. Il s'agit simplement de se placer dans l'esprit de la LOLF, à savoir d'agir dans un souci de transparence et d'efficacité publique.
Monsieur Del Picchia, c'est tout à fait votre rôle d'évoquer l'Assemblée des Français de l'étranger, institution respectable qui mérite l'attention de tous. Néanmoins, je suis quelque peu dépendant, sur ce point, du ministre des affaires étrangères. Je lui transmettrai donc votre message.
Article 7
Le deuxième alinéa de l'article 8 de la même loi est complété par une phrase ainsi rédigée :
« L'autorisation d'engagement afférente aux opérations menées en partenariat pour lesquelles l'Etat confie à un tiers une mission globale relative au financement d'investissements ainsi qu'à leur réalisation, leur maintenance, leur exploitation ou leur gestion, couvre, dès l'année où le contrat est conclu, la totalité de l'engagement juridique. »
M. le président. Je mets aux voix l'article 7.
(L'article 7 est adopté.)
Article 8
Après la deuxième phrase du premier alinéa de l'article 50 de la même loi, il est inséré une phrase ainsi rédigée :
« Il explicite le passage, pour l'année considérée et celle qui précède, du solde budgétaire à la capacité ou au besoin de financement de l'Etat tel qu'il est mesuré pour permettre la vérification du respect des engagements européens de la France, en indiquant notamment l'impact des opérations mentionnées au deuxième alinéa de l'article 8. » - (Adopté.)
Article 9
Après le 4° de l'article 51 de la même loi, il est inséré un 4° bis ainsi rédigé :
« 4° bis Une présentation des mesures envisagées pour assurer en exécution le respect du plafond global des dépenses du budget général voté par le Parlement, indiquant en particulier, pour les programmes dotés de crédits limitatifs, le taux de mise en réserve prévu pour les crédits ouverts sur le titre des dépenses de personnel et celui prévu pour les crédits ouverts sur les autres titres ; ». - (Adopté.)
Article 10
La première phrase du 7° de l'article 54 de la même loi est ainsi rédigée :
« Le compte général de l'Etat, qui comprend la balance générale des comptes, le compte de résultat, le bilan et ses annexes parmi lesquelles la présentation du traitement comptable des opérations mentionnées au deuxième alinéa de l'article 8, ainsi qu'une évaluation des engagements hors bilan de l'Etat. » - (Adopté.)
Article 11
L'article 58 de la même loi est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le rapport annuel de la Cour des comptes peut faire l'objet d'un débat à l'Assemblée nationale et au Sénat. » - (Adopté.)
M. le président. Les autres dispositions du projet de loi organique ne font pas l'objet de la deuxième lecture.
Vote sur l'ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi organique, je donne la parole à M. Paul Girod, pour explication de vote.
M. Paul Girod. Le groupe UMP se réjouit que la navette parlementaire ait permis d'atteindre un bon équilibre entre les préoccupations du Sénat et celles de l'Assemblée nationale.
L'encadrement des partenariats public-privé, introduit par le Sénat en première lecture, n'a pas été remis en cause, dans son principe, par les députés. Nous nous en réjouissons. Beaucoup d'élus locaux, selon moi, suivront cet engagement.
Le Parlement disposera, par ailleurs, d'une information détaillée sur l'incidence des partenariats public-privé, sur la capacité ou le besoin de financement public et sur la dette publique, conformément au souhait du Sénat. En tant que rapporteur spécial pour les charges communes, je m'en réjouis particulièrement!
Les nouveaux articles introduits par l'Assemblée nationale en deuxième lecture nous paraissent également aller dans le bon sens.
Ils introduisent un peu de souplesse dans les modalités d'utilisation des surplus de recettes fiscales et renforcent la transparence sur la « clé de passage » entre le déficit budgétaire et le besoin de financement de l'Etat, ainsi que sur les mesures envisagées par le Gouvernement pour assurer en exécution le respect du plafond global des dépenses du budget général voté par le Parlement.
Comme vous l'avez souligné, monsieur le ministre, la régulation est « aveugle, injuste, déresponsabilisante », les décisions budgétaires prises par le Parlement en décembre étant remises en cause par des gels ou des mises en réserve de crédits dès le mois de janvier suivant.
Le dispositif que vous avez élaboré en accord avec les deux parlementaires en mission, le sénateur Alain Lambert et le député Didier Migaud, permettra de rendre cette procédure à la fois plus efficace, plus transparente à l'égard de la représentation nationale et plus responsable à l'égard des gestionnaires.
A chacun, maintenant, de tenir sa place et de jouer son rôle : au Gouvernement d'assurer l'exécution budgétaire, dans la transparence, et au Parlement de contrôler cette exécution et la réalisation des objectifs.
Cette réforme est en chantier depuis deux ans, et je me réjouis d'avoir entendu M. Arthuis, président de la commission des finances, parler de la loi de règlement en des termes que j'attendais depuis longtemps ! Je pense, pour ma part, que cette discussion du projet de loi de règlement sera probablement le pivot le de cette réforme.
Toutes ces dispositions vont dans le sens de l'efficacité et de la transparence. Elles traduisent la bonne coopération des deux assemblées.
Dans ces conditions, le groupe UMP ne peut que se réjouir de l'aboutissement de ce travail parlementaire. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi organique.
En application de l'article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.
Il va y être procédé dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 193 :
Nombre de votants | 326 |
Nombre de suffrages exprimés | 318 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 160 |
Pour l'adoption | 296 |
Contre | 22 |
Le Sénat a adopté définitivement.
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Je remercie la Haute Assemblée d'avoir adopté ce texte d'importance, qui ouvre les voies de l'application de la loi organique relative aux lois de finances. C'était donc un rendez-vous capital, et je veux féliciter le Sénat pour sa contribution majeure à l'élaboration de ce grand texte. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
7
Confiance et modernisation de l'économie
Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence
M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, pour la confiance et la modernisation de l'économie (n°s 433, 438, 436, 437).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le président, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, le texte que je vous présente aujourd'hui est, je ne l'ai jamais caché, en partie l'héritage de travaux lancés par mes prédécesseurs. Cependant, dès mon entrée au Gouvernement, j'ai pris ce projet à bras le corps pour en faire un facteur d'accélération d'un certain nombre de réformes dont notre économie a un besoin urgent pour se moderniser.
Le présent projet de loi a été sensiblement renforcé lors de son examen par l'Assemblée nationale. J'aborde la discussion au Sénat en étant pareillement ouvert aux propositions parlementaires qui visent le même objectif que ce projet, à savoir encourager la croissance de nos entreprises, en particulier de celles qui, malgré leur potentiel, hésitent à franchir le pas dans l'environnement réglementaire actuel. Je sais d'ores et déjà que je ne serai pas déçu par votre goût de l'initiative et, au premier chef, par celui de votre rapporteur général, Philippe Marini, qui a beaucoup travaillé sur le texte et avec lequel nous avons eu des entretiens constructifs.
M. Robert Del Picchia. Très bien !
M. Thierry Breton, ministre. Les propositions contenues dans ce texte sont à la fois ambitieuses et réalistes : ambitieuses, car il s'agit de remédier aux faiblesses de notre économie ; réalistes, car on sait bien que rien ne remplacera jamais la mobilisation des hommes et des femmes qui sont les acteurs de notre économie : entrepreneurs, investisseurs, salariés.
C'est pourquoi ce projet de loi vise simplement à fournir un certain nombre d'outils aux acteurs de l'économie, à lever des blocages pour rendre l'action plus fluide et à tracer des pistes et définir des opportunités qu'il appartiendra aux Français de saisir.
Les faiblesses structurelles de notre pays auxquelles je souhaite m'attaquer au moyen de ce projet de loi pour la confiance et la modernisation de l'économie sont au nombre de trois : les entreprises françaises sont sous-capitalisées ; elles ne sont pas assez dynamiques dans leur effort de recherche et d'innovation ; elles n'associent pas suffisamment les salariés à la direction stratégique de l'entreprise, ce qui crée une rupture, parfois inquiétante, alors que la pédagogie doit être incessante dans une économie mondialisée.
La sous-capitalisation des entreprises constitue donc notre première faiblesse
Nous savons, en France, créer des entreprises, et nous en avons beaucoup, le plus souvent petites, voire très petites, mais nous avons une réelle difficulté à les faire grandir. C'est un enjeu stratégique pour notre pays. Pour ma part, j'y vois la source de nos difficultés à exporter. L'Allemagne a le même euro, la même banque centrale que nous et doit respecter les mêmes règles environnementales européennes. Cela ne l'empêche pas d'être le premier exportateur mondial. Elle tire ses atouts d'une spécialisation réussie, mais aussi d'une base de petites et moyennes entreprises exportatrices plus solide et d'une taille supérieure aux nôtres.
Pour faire grandir nos PME, nous avons plusieurs signaux à lancer. Le Premier ministre a ouvert un chantier salutaire en s'attaquant au blocage que constitue le franchissement du seuil de dix salariés, dont l'effet en termes financiers est très violent. Le projet de loi que défend Renaud Dutreil - et que vous avez adopté - facilite la transmission et le développement des TPE. Pour ma part, je souhaite, grâce à ce projet de loi, « connecter » très vite les entreprises avec les marchés financiers et la Bourse. Pourquoi ? Tout simplement parce que c'est un mode de financement profond et régulier, auquel une entreprise de croissance devra se confronter tôt ou tard au cours de son existence. Plus vite elle se sera organisée pour répondre aux attentes que ce type de financement suscite, plus vite elle se placera dans une logique de croissance.
Le texte vise à créer cette dynamique autour de trois axes.
Le premier axe est celui de la simplification du premier accès au marché.
Le projet de loi prévoit une stratégie ordonnée pour que les PME en croissance aient accès aux marchés financiers. Là où les obligations croissantes qui pèsent sur les entreprises pour protéger les investisseurs - et c'est un objectif légitime - avaient conduit à créer un effet de seuil très difficile à franchir, le projet de loi vise à organiser une progressivité des obligations d'information des entreprises selon la maturité du marché sur lequel elles s'introduisent, et donc selon le type d'investisseurs auxquels elles s'adressent.
L'appel public à l'épargne pourra être ainsi gradué, avec un niveau minimum - ce qui ne veut pas dire vide - pour la cotation libre et le « meilleur niveau » pour l'Euroliste de la Bourse de Paris. A mi-chemin, un marché organisé, tel Alternext, qui cible le premier accès à la Bourse tout en visant une base solide et profonde d'investisseurs, et qui est donc à la recherche d'un double label de souplesse et de qualité, pourra discuter avec l'Autorité des marchés financiers, l'AMF, un niveau intermédiaire taillé, sur mesure, d'obligations en matière d'informations financières.
La création de ce marché offre une vraie chance à nos PME, et je salue ses premiers succès : en quelques semaines à peine, en effet, huit introductions ont été réalisées, qui ont permis de « lever » 42 millions d'euros. Ce montant doit être comparé aux 140 millions d'euros « levés » au cours de l'ensemble de l'année 2004 sur les marchés parisiens destinés aux petites entreprises - le second marché, le nouveau marché et le marché libre. La comparaison avec le concurrent londonien place cependant la barre très haut : trois cents introductions ont été réalisées l'en dernier sur l'Alternative Investment Market, l'AIM, qui ont permis de « lever » 6,7 milliards d'euros, dont 4 milliards d'euros d'actions nouvelles. Il est temps d'agir pour redonner au marché parisien toute sa place auprès des petites et moyennes entreprises.
Le deuxième axe de ma stratégie vise précisément à consolider une base d'investisseurs solide, profonde et durable. Pour ce faire, j'ai tenu à renforcer sensiblement le projet de loi et ai proposé à l'Assemblée nationale d'ajouter un nouveau titre, le titre Ier A, intitulé « Encourager la détention durable d'actions ». Ses articles mettent en place un régime fiscal propre à assurer le décollage de ce marché, en le faisant démarrer sous les meilleurs auspices, non seulement réglementaires, mais aussi fiscaux. Un volet « incitation des investisseurs » est ainsi venu équilibrer le volet « simplification pour l'entreprise » que je viens de présenter, avec une très forte cohérence. Ainsi, Alternext est rendu éligible à l'avantage fiscal dit « Madelin », qui prévoit une réduction d'impôt sur le revenu de 25 % à la souscription pour les participations dans les PME, grâce à un aménagement des conditions de détention adapté à la situation des entreprises qui viennent s'y faire coter.
Ensuite, j'ai proposé, pour créer un effet de signal, d'anticiper la réforme des plus-values de cessions à long terme, réforme adoptée sur votre initiative dans le cadre de la discussion de la loi de finances - pour les entreprises mises sur un marché organisé destiné aux PME, tel que Alternext.
A ces propositions est venue s'ajouter une initiative parlementaire dont je me réjouis, parce qu'elle orientera l'assurance vie vers l'investissement en actions.
En effet, dans le respect de la neutralité fiscale, les épargnants pourront désormais, sur une base contractuelle, transformer leurs contrats obligataires dits « en euros » en contrats « multi-supports » pouvant comporter des actions. Compte tenu du montant très important des placements en assurance vie - environ 400 milliards d'euros -, même une réorientation progressive et modeste aura un effet important sur l'investissement des ménages en actions.
Comme je l'ai indiqué à l'Assemblée nationale en réponse aux questions des députés, le Gouvernement travaille sur la réforme du régime des plus-values à l'impôt sur le revenu pour les détentions durables, conformément aux voeux du Président de la République. Il est en effet souhaitable que la détention durable d'actions bénéficie d'un avantage comparatif par rapport à une démarche de court terme. Soyons neutres pour le court terme, mais soyons avantageux pour le long terme : tel est le principe qui doit nous guider.
Le Gouvernement envisage donc d'aligner, dans le projet de loi de finances, la fiscalité des plus-values des participations de plus de 25 %, qui ne sont pas éligibles au PEA sur le régime de l'immobilier, en réfléchissant à une durée pertinente pour des actions.
Ce serait toutefois une erreur de considérer que, pour consolider une base stable et profonde d'investisseurs en actions dans notre pays, la seule fiscalité suffit. En revanche, il est indispensable de renforcer la confiance des investisseurs.
Cela fait l'objet du troisième axe de ma stratégie pour orienter l'épargne des Français vers les entreprises.
Les Français retournent progressivement vers la Bourse, après avoir subi les déconvenues liées au dégonflement de la bulle spéculative, dite « internet ». Des leçons ont été tirées, qu'il ne faut pas oublier. Les informations données aux épargnants ont sensiblement progressé grâce avec la loi du 1er août 2003 de sécurité financière. Mais si la France veut être une place financière de premier plan, nous devons faire en sorte qu'elle assure toujours aux investisseurs une protection du meilleur niveau qui soit. Or il y a urgence. En effet, il n'il y a plus seulement une directive dont la transposition a pris du retard, mais deux. Grâce à ce texte, nos marchés réglementés rejoindront le club fermé des bourses se situant aux meilleurs standards internationaux.
Ainsi, les règles relatives aux prospectus diffusés lors de l'émission des titres sont revues, notamment pour prévoir un résumé plus accessible pour les investisseurs et une mise à jour destinée à tenir compte de faits significatifs ayant touché l'émetteur.
Parmi les mesures permettant de renforcer la confiance des investisseurs, je relève plus particulièrement l'extension du champ de compétence de l'AMF en matière d'injonctions et de sanctions, un meilleur encadrement des recommandations d'investissement portant sur des titres cotés - y compris lorsqu'elles émanent de journalistes financiers -, le renforcement des règles relatives à l'information périodique des investisseurs et une coopération accrue entre l'AMF et ses homologues européennes.
Cela complète les dispositions détaillées dans le projet de loi portant diverses mesures d'adaptation au droit communautaire dans le domaine des marchés financiers - que vous avez adopté en première lecture et que vous réexaminerez le 11 juillet prochain -, texte qui prévoit deux nouvelles procédures sur les marchés réglementés : la tenue par les entreprises et leurs correspondants de listes d'initiés qui ont accès à des informations privilégiées ; l'obligation de déclaration de soupçon des opérations d'initiés mise à la charge des intermédiaires financiers qui reçoivent un ordre suspect.
Je voudrais m'attarder un peu plus longuement sur le renforcement du pouvoir de sanction de l'AMF, essentiel au bon fonctionnement des marchés financiers. Notre droit actuel prévoit que l'AMF doit faire la preuve, avant de sanctionner une manipulation de marché, que cette manipulation a eu un impact effectif sur le cours d'un titre ou sur le bon fonctionnement du marché. Or un comportement condamnable peut ne pas aboutir. Le droit européen nous demande donc de considérer que, lorsque les comportements fautifs sont avérés, le manquement peut être sanctionné. Cela est de nature à accroître l'efficacité de l'AMF, qui a aujourd'hui du mal à sanctionner les manipulations de cours. Dans la même veine, elle pourra désormais sanctionner les tentatives de délits d'initiés. Enfin, le projet de loi réorganise le champ d'application des délits et manquements boursiers sur les marchés : les abus de marché seront désormais tous sanctionnés sur les marchés non réglementés par des sanctions administratives prononcées par l'AMF.
Pour compléter cet arsenal élargi, le Gouvernement pourrait également envisager de confier à l'AMF un pouvoir de transaction en matière de manquements et de délits d'initiés. Une concertation approfondie serait nécessaire pour qu'une telle procédure - pour laquelle les différentes parties prenantes ont d'ores et déjà marqué leur intérêt - conjugue attractivité, sécurité juridique et respect des prérogatives de la justice.
Confier à l'AMF un pouvoir de transaction serait très « structurant » pour cet organisme et constituerait un bouleversement assez profond de ses pratiques et de ses responsabilités. Le cas échéant, le législateur devra donc sans doute accompagner également la réforme sur ce plan. En revanche - je tiens à le dire dès maintenant -, il me semblerait inopportun de faire évoluer aujourd'hui, sans vision stratégique claire, les structures de l'AMF, ainsi qu'y visent un certain nombre d'amendements émanant de l'opposition.
M. François Marc. Après, ce sera trop tard !
M. Thierry Breton, ministre. Après les problèmes de capitalisation des entreprises, la deuxième faiblesse structurelle de notre économie est l'insuffisance de dynamisme de nos entreprises pour investir dans la recherche et l'innovation. Ce dynamisme dépend peut-être encore plus de l'initiative des acteurs économiques. Je propose au législateur non pas d'être passif, mais de s'attacher à « stimuler » les comportements dans cette direction, en utilisant tous les leviers disponibles.
Le projet de loi pour la confiance et la modernisation de l'économie vise à donner une impulsion nouvelle aux sociétés de revitalisation économique, qui aident les territoires à se remettre en cause et à aller de l'avant. Il autorise la création de l'Agence industrielle de l'innovation, qui aura pour objectif, en finançant un nombre restreint de programmes ciblés sur ce que l'on appelle des « technologies de rupture » que le marché peine à financer seul, d'ouvrir les marchés de l'avenir pour nos entreprises.
A cette base, j'ai souhaité un complément, en proposant une mesure destinée à encourager les entreprises à consacrer une partie des résultats qu'elles ont réalisés en 2004 à des efforts de recherche. L'Assemblée nationale a bien voulu adopter cette mesure, en l'assortissant du projet, à mes yeux très complémentaire, d'aligner le régime du capital-investissement sur celui des participations en matière d'exonération de plus-values voté dans la loi de finances pour 2005 sous votre impulsion.
Je vous proposerai, enfin, d'inciter les PME à déposer davantage de brevets en en réduisant le coût : le principe de tarifs réduits pour les dépôts à l'Institut national de la propriété industrielle, l'INPI, dont la mise en oeuvre est aujourd'hui complexe et mal ciblée, sera généralisé à toutes les personnes physiques, aux PME-PMI et aux organismes à but non lucratif des secteurs de l'enseignement et de la recherche.
La troisième faiblesse structurelle à laquelle ce texte ambitionne de remédier, c'est le manque de confiance des salariés, et parfois des actionnaires, dans la direction de l'entreprise. Pour y répondre, je vois deux chantiers principaux à engager : le développement de la transparence et l'intéressement des salariés aux résultats de l'entreprise.
Le projet de loi comporte plusieurs mesures pour améliorer la fluidité de la prise de décision collégiale dans l'entreprise.
Ainsi, la disposition facilitant le recours aux nouvelles technologies pour la tenue des conseils d'administration permettra qu'ils soient réunis plus fréquemment et plus facilement en cas d'urgence. La participation plus aisée d'administrateurs géographiquement éloignés, en France ou à l'étranger, aidera à diversifier les conseils. (M. le rapporteur et M. Robert Del Picchia approuvent.)
De même, l'abaissement des quorums sur première convocation des diverses assemblées générales devrait développer la démocratie actionnariale, ces quorums devenant plus faciles à atteindre, alors qu'aujourd'hui la première convocation est une formalité coûteuse qui n'a d'autre objet que de permettre une deuxième convocation, cette fois sans aucun quorum.
A cet égard, il serait sans doute opportun de réfléchir à l'intégration des nouvelles technologies. Aujourd'hui, les assemblées générales sont pratiquement toutes diffusées sur Internet en temps réel. Lorsque ces nouveaux outils technologiques seront accessibles à l'ensemble de nos concitoyens, en particulier des actionnaires, de façon sécurisée, il faudra les intégrer dans notre démarche de façon à accroître la démocratie actionnariale. (M. Robert Del Picchia applaudit.)
M. Philippe Marini, rapporteur de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Très bien !
M. Thierry Breton, ministre. J'ai souhaité développer ce volet du projet de loi en renforçant la transparence sur les rémunérations dites « différées » des dirigeants vis-à-vis de l'assemblée générale.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Enfin !
M. Thierry Breton, ministre. En effet, certaines pratiques sont aujourd'hui choquantes faute d'avoir été portées à la connaissance des actionnaires. C'est pourquoi je propose que ces éléments de rémunération soient désormais inclus dans les conventions réglementées soumises à l'assemblée générale. (M. le président de la commission des finances s'en félicite.)
M. Jean-Guy Branger. Très bien !
M. Thierry Breton, ministre. Cette proposition a été très utilement complétée par un amendement de la commission des lois de l'Assemblée nationale qui vise à renforcer l'information sur les rémunérations des dirigeants portée à la connaissance des actionnaires dans le rapport annuel. Une fois qu'ils auront été saisis, ce sera aux actionnaires de se déterminer en toute connaissance de cause. Nous avons, avec les articles issus de la discussion au Sénat, atteint, me semble-t-il, un bon équilibre.
Vous souhaitez pour votre part, mesdames, messieurs les sénateurs, compléter le texte par la transposition du règlement européen et de la directive sur la société européenne. Permettez-moi de vous dire combien j'apprécie cette initiative, issue des réflexions de MM. Hyest, Saugey, Branger et Marini, et qui vient, à point nommé, rattraper un retard très préjudiciable à notre pays.
Depuis octobre 2004, des sociétés européennes peuvent se créer, mais elles ne peuvent pas le faire en France ni sous droit français. Il n'y a donc aucun avantage à rester dans cette situation. Il me semble particulièrement opportun de choisir le projet de loi pour la confiance et la modernisation de l'économie pour combler cette lacune : donner à nos entreprises les moyens de se développer harmonieusement au sein de l'Union européenne, dans le respect d'une forme sociale associant les salariés et protectrice des droits des actionnaires, et assurer en même temps la compétitivité de notre droit, voilà qui est décidément dans l'esprit de ce texte.
Le chantier par lequel je voudrais clore cette présentation du projet de loi pour la confiance et la modernisation de l'économie, c'est le développement de la participation des salariés aux résultats de l'entreprise. Le Premier ministre a repris très clairement cet objectif dans son discours de politique générale. Je m'en réjouis, car je suis convaincu qu'il s'agit d'un axe de progrès déterminant de notre économie et de notre consensus social. Ayant eu l'occasion, comme chef d'entreprise, de jouer à fond la carte de l'intéressement et de l'actionnariat salarié, je ne l'ai jamais regretté.
Dans sa rédaction actuelle, le projet de loi contient d'ores et déjà une série de mesures très concrètes visant à développer l'intéressement en dehors de la base habituelle des grandes entreprises.
La « prime exceptionnelle d'intéressement » que j'ai proposée concourt au même objectif, en ouvrant la possibilité d'offrir en 2005 un intéressement supplémentaire de 15 %, ou 200 euros, et ce même dans les entreprises qui n'ont pas d'accord.
Ouvrir cette possibilité aux entreprises qui n'ont pas encore d'accord d'intéressement - elles sont trop nombreuses à mon goût - c'est favoriser les discussions en leur sein et leur permettre de se familiariser avec ce système, et donc se donner un chance supplémentaire de le pérenniser.
Comme l'a annoncé le Premier ministre, il vous est proposé de rendre possible le déblocage de la participation 2004, après conclusion d'un accord collectif, pour ne pas perturber la gestion des fonds d'actionnariat salarié. Cette mesure ponctuelle favorisera le pouvoir d'achat des salariés, ce dont notre économie a besoin. Elle aura un impact positif sur l'adhésion des salariés aux mécanismes d'épargne salariale, puisque leur capacité de choix sera accrue.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Ce n'est guère pédagogique !
M. Thierry Breton, ministre. Mais je ne souhaite pas anticiper les conclusions de la mission de réflexion et de concertation sur la réforme de la participation que le Gouvernement a confiée à vos collègues de l'Assemblée nationale MM. Godfrain et Cornut-Gentille. Vos messages seront, dans ce contexte, particulièrement écoutés.
Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, voilà la présentation, par grands axes stratégiques, que je souhaitais faire du projet de loi pour la confiance et la modernisation de l'économie tel qu'il a été adopté par l'Assemblée nationale. Je serai attentif à vos réactions et examinerai de manière constructive vos propositions. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini, rapporteur de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce texte, fort intéressant et quelque peu complexe, dont M. le ministre vient de présenter les nombreuses dispositions en les regroupant par grands axes, a, me semble-t-il, pour objectif principal d'accroître la compétitivité de notre droit financier et de renforcer l'attractivité du territoire national.
M. Aymeri de Montesquiou. En effet !
M. Philippe Marini, rapporteur. L'ensemble de ses dispositions s'inscrivent dans une évolution qui se poursuit, et qui s'est récemment traduite par l'adoption d'une série de textes législatifs de droit interne et de normes communautaires, notamment des directives.
Les orientations dont nous avons à débattre sont très proches de celles de la loi du 1er août 2003 de sécurité financière. Elles rejoignent une série de transpositions en cours, notamment celles qui sont contenues dans le projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine des marchés financiers, que nous avons adopté en première lecture au Sénat, le 2 mai dernier, ou le projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de l'assurance, que nous avons examiné en commission des finances le 7 juin dernier. Nous espérons d'ailleurs, monsieur le ministre, que ce texte sera prochainement inscrit à l'ordre du jour du Parlement.
Le projet de loi dont nous avons à traiter s'apparente donc à une catégorie de textes que la commission des finances affectionne : les projets de loi portant diverses dispositions d'ordre économique et financier. (Sourires.) Nous considérons en effet que tout ce qui est fiscal a vocation à se trouver dans les lois de finances - loi de finances initiale et loi de finances rectificative - et que l'évolution du droit économique, qui est nécessairement un continuum, doit faire l'objet de rendez-vous réguliers, sous forme de lois financières, de lois économiques et financières comme celle-ci.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C'est l'évidence !
M. Philippe Marini, rapporteur. En effet, à défaut de tels rendez-vous, on prend le risque, qui trop souvent se concrétise, de dispositions parcellaires, d'amendements très substantiels qui interviennent en extrême fin d'année, au moment où doit être élaborée, le plus souvent dans la hâte, une loi de finances rectificative.
Ce texte, qui sera bientôt, monsieur le ministre, la « loi Breton », poursuit donc la modernisation des marchés financiers, un enjeu majeur de compétitivité.
Vous nous conviez aussi à adopter des mesures de nature à améliorer la gouvernance des entreprises. Nous vous suivrons bien entendu sur ce terrain, qu'il s'agisse d'améliorer les conditions concrètes de fonctionnement des organes sociaux, de clarifier le statut des dirigeants, de faire prévaloir, dans une mesure raisonnable, la transparence des rémunérations des mandataires sociaux ou d'autres dispositions de même nature.
J'ai bien entendu la réflexion que vous avez formulée tout à l'heure, monsieur le ministre, concernant l'exercice des droits des actionnaires en assemblée générale. Réduire les conditions de quorum ne peut, même si l'on comprend les nécessités immédiates, susciter l'enthousiasme. Peut-être faut-il, dans un monde de plus en plus internationalisé, avec des investisseurs de plus en plus divers, réfléchir très concrètement aux modalités que vous évoquiez, à savoir l'utilisation des moyens modernes d'identification et de vote électronique.
L'intégration de ces outils permettra sans doute un jour - que j'espère proche - de revenir à des taux de présence et à une expression de vote sensiblement plus élevés en termes de représentativité de l'actionnariat. Je crois que c'est une bonne voie, même s'il n'est pas encore temps de l'emprunter. Espérons que des travaux, auxquels le Parlement sera associé, pourront aboutir, d'ici quelques mois, à une concrétisation.
A cet égard, je ferai un rapprochement avec le succès que représentent, dans un tout autre domaine, mais qui a été évoqué tout à l'heure à propos du précédent texte, les nouvelles modalités d'élection des délégués à l'Assemblée des Français de l'étranger. (M. le ministre opine.)
Cette proposition de loi, présentée par Robert Del Picchia, en permettant à des Français dispersés sur l'ensemble du globe de voter par Internet, a sensiblement accru l'intérêt pour de telles élections.
M. Robert Del Picchia. Merci !
M. Philippe Marini, rapporteur. Il faut manifestement aller dans ce sens pour faire vivre de façon plus intense, quel que soit le lieu où se trouvent les investisseurs, la démocratie actionnariale.
Monsieur le ministre, vous nous invitez ensuite à assouplir, conformément à nos engagements européens et à l'intérêt des entreprises en croissance, les conditions de l'appel public à l'épargne.
Dans le droit-fil des directives en la matière, nous adaptons notre définition de l'appel public à l'épargne, nous favorisons la mise en place d'un niveau intermédiaire de marché entre le marché libre et la cotation sur un marché réglementé.
Nous pouvons espérer, à partir de ces mesures, que des plateformes comme Alternext permettront à des entreprises moyennes de s'acclimater aux disciplines du marché, notamment aux disciplines d'information, et de progresser dans leurs investissements par appel à l'épargne.
Dans ce cadre du développement de nos entreprises et du respect de nos engagements européens, je voudrais faire mention ici de la société européenne.
La création de cette société européenne résulte d'un accord politique qui est intervenu au sommet de Nice, il y a déjà quelques années. Le règlement et la directive communautaires en la matière prévoyaient, comme date limite de transposition en droit interne, le 1er octobre 2004.
J'ai, pour ma part, déposé une proposition de loi au début du mois d'octobre 2003, et j'ai la faiblesse de penser qu'on aurait pu aller plus vite.
Mais l'essentiel est d'arriver à bon port, et je me réjouis que les initiatives successives prises par moi-même puis, grâce à Jean-Jacques Hyest, Jean-Guy Branger et Bernard Saugey, par la commission des lois, aient permis d'aboutir à un texte consensuel avec M. le garde des sceaux.
L'insertion du statut de la société européenne dans notre droit commercial n'est pas un exercice si facile que cela, car il faut organiser les conditions conceptuelles d'accueil en droit français de cette société européenne. Il faut donc, sur certains points, modifier notre droit commercial pour que les sociétés européennes qui seront inscrites sur notre territoire bénéficient d'un régime juridique compétitif et attractif.
Nous nous sommes efforcés de le faire, et je crois que nous sommes parvenus à un point d'équilibre satisfaisant.
Pour que l'économie de marché puisse fonctionner dans de bonnes conditions, la régulation doit s'exercer de manière exigeante et la transparence doit prévaloir sur les marchés. En d'autres termes, mes chers collègues, nous devons toujours rechercher l'équilibre - le meilleur possible du moment - entre la protection de l'épargnant et la préservation de la souplesse de gestion des entreprises.
Il est important que les règles du jeu soient claires. C'est là un facteur de confiance essentiel pour les investisseurs et, pour que cette confiance existe, le rôle de la régulation est tout à fait primordial. La surveillance des transactions, qui est un facteur essentiel de la confiance, doit se faire, autant qu'il est possible, dans le cadre de règles aisément compréhensibles.
Dans ce contexte, nous avons voulu, monsieur le ministre, nourrir encore un peu plus le présent projet de loi, en particulier en reprenant des réflexions que nous avions échangées ensemble au début du mois de mai sur les rachats d'actions par les émetteurs, sur les rachats de leurs propres titres par des entreprises.
Cette pratique est courante, elle est nécessaire à la respiration économique, elle doit se faire en toute clarté et elle doit permettre aux actionnaires de bien savoir en toute circonstance où ils en sont. Les autorisations doivent être clairement données afin que les actionnaires puissent en tirer les conséquences quant à leurs comportements en termes d'achat ou de vente.
C'est tout ce que l'on peut souhaiter, et ce sont d'ailleurs les objectifs que la commission des finances s'est fixés en prenant ces initiatives.
Notre droit est perfectible dans ce domaine des rachats d'actions. Nous espérons qu'il sera possible, monsieur le ministre, de trouver, là encore, un point d'équilibre raisonnable.
Dans le souci de renforcer la transparence du marché, nous sommes conduits à poser la question de la langue du libellé des prospectus financiers. A cet égard, nous souhaitons que le français demeure, en France, langue de référence, tout au moins pour les émissions sur le marché français de titres de capital.
La directive « prospectus » du 4 novembre 2003 semble comporter des choix implicites susceptibles de poser à beaucoup d'entre nous de réels problèmes. Nous comptons en débattre lors de la présentation d'un amendement déposé par la commission des finances.
En effet, en cas d'émission d'actions, bien comprendre les perspectives de l'entreprise émettrice suppose d'être en mesure de décrypter toutes les subtilités d'une note d'information, et rien ne vaut pour cela l'usage de la langue maternelle. Voilà pourquoi il faut la promouvoir en tous domaines.
M. Robert Del Picchia. Très bien !
M. Philippe Marini, rapporteur. Mes chers collègues, le projet de loi que nous propose M. Thierry Breton comporte des dispositions extrêmement utiles, dont certaines sont mêmes structurelles, dans un domaine de technique juridique peu connu, mais qui conditionne l'efficacité de bien des opérations économiques : la réforme du droit des sûretés.
La réflexion qui a été conduite par la Chancellerie en la matière est tout à fait remarquable. Un groupe de travail, présidé par le professeur Michel Grimaldi, spécialiste unanimement respecté, a conduit à une réécriture de notre droit en la matière. Simplement, pour que cette réécriture soit effective, vous nous proposez une méthode, certes nécessaire, mais qui suscite parfois de la part de certains d'entre nous un peu de méfiance.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Toujours un peu de méfiance !
M. Philippe Marini, rapporteur. Je veux parler de la méthode de l'habilitation et de la rédaction des textes par ordonnances, sous la responsabilité de l'exécutif.
Nos collègues de l'Assemblée nationale ont modifié la rédaction de l'article d'habilitation ; je crois que leur travail est fort utile pour mieux cadrer et mieux exprimer les objectifs. Nous avons donc approuvé le texte qui résulte des délibérations de l'Assemblée nationale et nous voudrions insister sur le caractère novateur de deux dispositifs qui nous paraissent aller dans le sens d'une indispensable modernisation.
Il s'agit, d'une part, de l'hypothèque rechargeable et, d'autre part, du viager hypothécaire.
Sur ces deux concepts, nous sommes en plein accord avec le Gouvernement.
J'ajoute que cette modernisation du droit des sûretés permettra, par exemple, de nantir un stock, alors que c'est actuellement impossible puisque seul un bien identifié peut juridiquement faire l'objet d'un nantissement.
Dès lors que l'ordonnance aura permis cet assouplissement, il sera possible à une entreprise de lever de l'argent, par le moyen d'un crédit hypothécaire, sur l'ensemble d'un stock, c'est-à-dire un flux économique qui se renouvelle sans cesse.
Il faut saluer cette réforme, qui va dans le sens du réalisme et de la souplesse et dont les effets ne seront pas négligeables sur le financement des entreprises.
Je voudrais aussi rappeler après vous, monsieur le ministre, que l'épargne salariale et l'intéressement n'ont pas été oubliés par les rédacteurs de ce projet de loi. Nous aurons à examiner une série d'amendements, notamment ceux qui ont été déposés par notre excellente collègue rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales.
Nous aurons aussi à débattre de l'opportunité d'émettre certains signaux, parfois contradictoires, en la matière.
L'épargne longue et très longue est indispensable au financement des entreprises et pour la prévention de risques sociaux essentiels comme la dépendance ou la retraite. Pourtant, nous sommes périodiquement encouragés à adopter ou à approuver des mesures de déblocage de cette épargne. Nous l'avons fait l'année dernière, et cela nous est à nouveau proposé cette année. Sur la conciliation des objectifs, sur le cap stratégique à suivre en la matière, nous aurons certainement, monsieur le ministre, un débat utile au sein de la Haute Assemblée.
La commission des finances a donc examiné, dans un esprit positif, les différentes mesures que vous préconisez, monsieur le ministre. Elle a formulé des propositions pour les nourrir encore davantage et les diversifier, dans le respect de l'esprit qui les inspire.
J'en terminerai en soulignant que la modernisation de notre législation financière ne va pas s'arrêter à ce texte. C'est un processus continu. Nous avons d'autres rendez-vous, que j'ai cités au début de mon propos et, chaque année, mes chers collègues, nous serons sans doute incités à faire progresser la transparence, la confiance, la bonne gouvernance. Ce sont des objectifs qu'il faut s'attacher à atteindre, avec assiduité et persévérance.
En ce qui nous concerne, nous avons préconisé que ces principes s'appliquent notamment à la Caisse des dépôts et consignations et au réseau des Caisses d'épargne. En adaptant leur mode de gouvernance sur un point très particulier, nous souhaitons que le droit puisse évoluer, sur ces sujets comme sur d'autres.
En conclusion, j'évoquerai, toujours dans le même esprit, deux réformes qui me semblent importantes.
La première concerne les conditions concrètes dans lesquelles l'Autorité des marchés financiers pourrait se voir reconnaître un pouvoir de transaction en vue d'accélérer les procédures, de les rendre plus efficaces, de les rendre plus incontestables.
La seconde, monsieur le ministre, consisterait à introduire en droit français un régime de fiducie, car c'est un élément d'attractivité qui manque à notre panoplie juridique.
Nous avons ici bien des exemples de l'interaction entre modernisation et confiance. La confiance ne se décrète pas, mais elle peut se construire, patiemment, à partir de mesures d'apparence parfois techniques, à condition que ces dernières reflètent une volonté, une continuité et une persévérance.
Vous êtes animé de ces qualités, monsieur le ministre. La commission des finances les salue et s'efforcera, pour sa part, de contribuer à ce que ce texte soit pleinement efficace. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme Isabelle Debré, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission des affaires sociales a souhaité se saisir, pour avis, d'une dizaine d'articles du projet de loi pour la confiance et la modernisation de l'économie, articles qui sont, pour la plupart, relatifs à la participation et à l'intéressement, à l'épargne salariale et à l'actionnariat salarié.
Ces articles procèdent à une série d'ajustements techniques et pragmatiques, destinés, notamment, à favoriser le développement de la participation dans les petites et moyennes entreprises et à encourager l'actionnariat salarié dans les sociétés non cotées. Si ces mesures restent d'ampleur limitée, c'est parce que le Gouvernement n'a pas souhaité procéder à une réforme plus vaste avant de disposer du rapport commandé sur ces thèmes à deux députés, Jacques Godfrain et François Cornut-Gentille, qui devraient rendre leurs conclusions très prochainement.
Pendant de longues années, c'est notre collègue et ami Jean Chérioux qui a rapporté les textes sur ces sujets et qui a représenté notre commission au sein du Conseil supérieur de la participation. Sa compétence et sa hauteur de vues étaient unanimement reconnues, et je tenais donc à le saluer publiquement ; je mesure cependant pleinement la lourde responsabilité que constitue sa succession.
Comme je l'indiquais en introduction, le Gouvernement entend favoriser le développement de l'intéressement dans les PME et encourager l'actionnariat salarié dans les sociétés non cotées. Deux mesures phares sont à cette fin envisagées dans le projet de loi.
La première consiste à autoriser le chef d'entreprise et son conjoint, dans les entreprises employant moins de cent personnes, à bénéficier de l'accord d'intéressement, actuellement réservé aux seuls salariés. Le chef d'entreprise serait ainsi fortement incité à négocier un accord d'intéressement avec les représentants du personnel.
Les auditions auxquelles j'ai procédé ont montré que cette mesure était accueillie favorablement par les partenaires sociaux. Même si certains syndicats déplorent la confusion qu'elle est susceptible d'entraîner entre les modalités de rémunération des salariés et celles du chef d'entreprise, ils ont choisi, pour la plupart d'entre eux, de faire preuve de pragmatisme et de soutenir cette proposition, plutôt que de s'arrêter à des positions de principe.
Cette mesure s'inspire d'ailleurs d'une disposition analogue, adoptée en 2001 pour favoriser la diffusion des plans d'épargne d'entreprise, les PEE, dont les résultats furent immédiatement positifs, puisque le nombre de PEE mis en place a doublé en l'espace d'une année.
La seconde innovation proposée consiste à autoriser les entreprises non cotées en bourse à céder leurs titres à leurs salariés avec une décote, c'est-à-dire avec un rabais par rapport à leur valeur réelle.
Aujourd'hui, seules les sociétés cotées disposent de cette faculté de céder leurs titres avec une décote, qui peut atteindre, selon les cas, de 20 % à 30 %. Dès 1999, dans le rapport d'information qu'il consacrait à l'actionnariat salarié, Jean Chérioux recommandait de mettre fin à cette différence de traitement peu justifiée entre sociétés cotées et sociétés non cotées. C'est précisément ce que prévoit le présent projet de loi.
Cette mesure rendra l'actionnariat salarié financièrement plus intéressant dans les sociétés non cotées, alors qu'il y est aujourd'hui assez peu développé en raison des risques attachés à ces placements et du manque de liquidité des titres, sans compter les problèmes posés par l'évaluation de la valeur de ces sociétés. Sans doute faudrait-il réfléchir, à plus long terme, à des formes de mutualisation de ces titres dans des fonds qui permettraient de diversifier les risques et de faciliter la revente.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Très bien !
Mme Isabelle Debré, rapporteur pour avis. Les autres mesures contenues dans le projet de loi sont plus techniques et ponctuelles. Elles ont pour but de faciliter les transferts entre plans d'épargne, de sanctionner les sociétés non cotées qui ne respecteraient pas les règles relatives à l'évaluation de leurs titres et, enfin, de mieux garantir l'information des salariés au moment de la création d'un plan d'épargne d'entreprise.
Le texte a bien sûr évolué au cours de son examen en première lecture à l'Assemblée nationale. Il a été complété par de nouvelles mesures techniques et, surtout, par un volet supplémentaire destiné à favoriser la consommation des ménages et à permettre un partage plus équitable des fruits de la croissance.
Au titre des mesures techniques, je mentionnerai celle qui consiste à rendre la participation aux résultats de l'entreprise plus intéressante pour les salariés les plus modestes. Actuellement, étant donné que la somme que peut recevoir chaque salarié est plafonnée, il arrive que la totalité de la réserve de participation ne soit pas distribuée après une première répartition. L'Assemblée nationale propose que, dans ce cas, le reliquat fasse l'objet d'une seconde distribution, au bénéfice des salariés ayant perçu une somme inférieure au plafond.
M. Robert Del Picchia. Très bien !
Mme Isabelle Debré, rapporteur pour avis. La commission des affaires sociales approuve pleinement cette innovation.
Outre ces dispositions ponctuelles, l'Assemblée nationale a, je le disais, adopté des mesures destinées à soutenir le pouvoir d'achat et la consommation des ménages.
En ce qui concerne la participation, il faut rappeler que les droits acquis à ce titre sont normalement bloqués pendant une durée de cinq ans, afin d'aider les salariés à se constituer une épargne. Toutefois, il est toujours loisible au législateur de prendre, à titre temporaire, des mesures de déblocage anticipé.
Ainsi, la loi du 9 août 2004 pour le soutien à la consommation et à l'investissement avait déjà prévu, entre autres mesures de relance, le déblocage anticipé de l'épargne salariale : 10 % des encours, soit 7 milliards d'euros, ont été libérés, ce qui a eu un effet positif sur la consommation des ménages.
La mesure de déblocage proposée cette année est de portée plus restreinte, puisqu'elle concerne seulement la participation versée en 2005, et non l'épargne totale accumulée par les salariés. Elle ne concerne pas non plus la participation affectée à un plan d'épargne pour la retraite collectif, ou PERCO, afin d'éviter de porter préjudice à l'épargne retraite. L'effet de cette mesure sur la consommation sera donc modéré mais pas inutile dans le contexte de ralentissement de la croissance que nous connaissons.
La prime exceptionnelle d'intéressement, quant à elle, pourra être versée par les entreprises soit sur décision unilatérale de l'employeur, soit après la conclusion d'un accord collectif. Elle sera plafonnée à 200 euros par bénéficiaire ou à 15 % de l'intéressement versé en 2004. Elle permettra de faire profiter davantage les salariés des bons résultats financiers enregistrés par plusieurs grands groupes au cours de l'exercice 2004. Je tiens cependant à souligner que ces bons résultats ne reflètent pas nécessairement la situation financière de l'ensemble des entreprises, notamment des plus petites, ce qui explique que le versement de la prime reste facultatif.
Les amendements que je vous présenterai au nom de la commission des affaires sociales auront deux objectifs
D'abord, ils viseront à améliorer la qualité du texte, qui, parfois, présente encore quelques ambiguïtés ou imprécisions.
Ensuite, ils contribueront à la réflexion en cours en ouvrant des pistes de réforme.
Ainsi, la substitution du bénéfice comptable au bénéfice fiscal pour le calcul de la réserve de participation me paraît être une idée intéressante, que je souhaite défendre, même si je me doute que le Gouvernement ne pourra pas, à ce stade, y donner un avis favorable.
Je suis également favorable à une remise à jour des cas de déblocage anticipé de la participation. Comme cette question relève du domaine réglementaire, je n'ai pas déposé d'amendements en ce sens, mais je l'évoque dans mon rapport. Il pourrait être justifié, par exemple, d'autoriser le déblocage de la participation à la naissance du premier ou du deuxième enfant, au lieu de réserver cette possibilité, comme c'est le cas aujourd'hui, à l'arrivée du troisième enfant, ou lorsque les familles sont confrontées à un accident de la vie entraînant un handicap lourd ou le décès du titulaire de la participation, de son conjoint ou de l'un de ses descendants.
Dans le même esprit, les conditions de déblocage de la participation pour financer un projet de création ou de reprise d'entreprise pourraient aussi être rendues moins contraignantes.
Avant de terminer mon propos, il me reste à évoquer l'article 21, qui est un peu à part, puisqu'il traite de la lutte contre le tabagisme. Il reprend une mesure que le Sénat avait approuvée lors de l'examen de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2005, mais qui avait ensuite été censurée par le Conseil constitutionnel au motif qu'il s'agissait d'un « cavalier social ».
Afin de lutter contre des pratiques commerciales contestables, cet article fixe à vingt, contre dix-neuf actuellement, le nombre minimum de cigarettes par paquet. Au-delà, le nombre de cigarettes devra obligatoirement être un multiple de cinq.
Nous soutenons bien sûr cette disposition, qui préserve la santé publique et la déontologie commerciale.
En conclusion, la commission des affaires sociales a émis un avis favorable à l'adoption des articles dont elle s'est saisie pour avis. Elle estime que ces mesures sont de nature à donner une nouvelle impulsion à l'épargne salariale et à l'actionnariat salarié. Elle comprend les motifs qui ont amené le Gouvernement à proposer une mesure de déblocage anticipé de la participation, même si elle demande que cette mesure à visée conjoncturelle demeure ponctuelle et exceptionnelle. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. François-Noël Buffet, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi pour la confiance et la modernisation de l'économie constitue le deuxième volet de la démarche du Gouvernement visant, tout comme le projet de loi en faveur des petites et moyennes entreprises, à favoriser le développement des PME en particulier et de l'économie en général. Il concentre son objet, pour l'essentiel, sur les grandes entreprises en favorisant l'action et la participation des investisseurs.
Les raisons d'être et les motivations de ce projet de loi sont claires : la confiance est l'élément déterminant de la croissance économique, mais elle est souvent ébranlée, voire mise à mal, par certaines pratiques ; il faut donc conforter la confiance en encadrant ces pratiques, en assurant la transparence de l'action économique ainsi qu'en édictant des dispositifs juridiques clairs et, si possible, simples.
La transparence de l'entreprise est, depuis quelques années, au coeur de la politique du Gouvernement. Sur ce plan, la loi du 1er août 2003 de sécurité financière a constitué une étape importante. Toutefois, cette loi n'a pas réglé toutes les difficultés, et de nouvelles réflexions ont été engagées depuis son entrée en vigueur.
Ainsi, dans la compétition économique entre les Etats, les dispositifs juridiques tendent à devenir des facteurs de l'attractivité - ou, au contraire, de la non-attractivité ! - d'un territoire pour les acteurs économiques, raison pour laquelle certains de nos dispositifs doivent être modernisés et simplifiés.
Tel est le cas, en particulier, de notre droit des sûretés, lequel n'a connu aucune réforme globale depuis la rédaction du code civil, en 1804 !
Les mesures figurant dans le présent projet de loi ont donc pour objet d'apporter les réformes nécessaires à la reprise de l'investissement et de la croissance.
La commission des lois s'est d'abord saisie des dispositions relatives au droit des sociétés.
Ces dispositions visent à assouplir les conditions de participation au conseil d'administration et au conseil de surveillance de sociétés anonymes, ce qui facilitera la prise de décision, et à abaisser les seuils de quorum tant pour les assemblées générales ordinaires que pour les assemblées générales extraordinaires, ce qui devrait faciliter le fonctionnement de ces assemblées.
Elles tendent ensuite à imposer une plus grande transparence dans les rémunérations et compléments de rémunérations de toute nature offerts aux dirigeants sociaux. Ainsi, elles soumettent à la procédure des conventions réglementées l'octroi d'éléments de rémunération ou d'avantages liés à la cessation de fonction des dirigeants sociaux et obligent à informer l'assemblée générale sur tous les éléments de rémunération ou avantages consentis par la société aux dirigeants sociaux, y compris les indemnités de retraites et les indemnités de fin de mandat.
Les dispositions améliorent également l'information des actionnaires et des investisseurs en cas de franchissement de seuils de participations.
Le projet de loi comporte aussi des dispositions intéressant directement le droit public, et tout d'abord le droit public économique.
Ainsi, un alignement partiel des limites d'âges des présidents de conseil d'administration, directeurs généraux et directeurs des établissements publics de l'Etat sur celles qui sont applicables aux sociétés commerciales est prévu.
Dans le domaine du droit de la domanialité publique ensuite, une nouvelle habilitation de six mois est accordée au Gouvernement pour adopter le code des propriétés publiques. Une première habilitation, donnée dans la première loi de simplification du droit, avait déjà précédé une deuxième habilitation à cet effet dans la deuxième loi de simplification, mais l'ampleur de la tâche et la multiplicité des intervenants n'ont pas permis l'adoption de ce code dans les délais initiaux. Espérons donc que cette dernière habilitation sera la bonne !
De manière ponctuelle, une disposition a pour objet de permettre la vente de locaux - occupés - de l'ENA, rue de l'Université, à Paris.
Enfin, le projet de loi vise à réformer en profondeur le droit des sûretés.
A cette fin, l'article 6 prévoit une large habilitation à intervenir par ordonnances, procédure rendue nécessaire, selon le Gouvernement, du fait de la complexité de cette réforme, qui a déjà donné lieu à la réunion d'un groupe préparatoire à la Chancellerie.
Le projet de loi initial prévoyait une habilitation extrêmement large puisqu'elle concernait toutes les sûretés visées par le code civil, qu'elles soient personnelles, comme le cautionnement, ou réelles, comme le nantissement, le gage, l'antichrèse ou l'hypothèque.
Par ailleurs, on y proposait également de réformer la délégation, la cession de créance, la subrogation personnelle, la novation, le contrat de rente viagère et la vente à réméré, tout en prévoyant la réception de certaines pratiques des affaires reconnues par la jurisprudence, comme la garantie autonome, la lettre d'intention ou le droit de rétention.
Le texte tendait en outre à insérer dans le code civil les dispositions relatives à la clause de réserve de propriété et à réformer les règles relatives à l'expropriation forcée, afin de rétablir l'efficacité des sûretés et à apporter les coordinations nécessaires dans divers codes.
L'Assemblée nationale a considérablement restreint et précisé le champ de cette habilitation, en considérant que l'absence de précision quant aux finalités poursuivies ne respectait pas les exigences de l'article 38 de la Constitution.
Elle a supprimé les habilitations concernant le cautionnement - sûreté personnelle très utilisée par les particuliers -, le nantissement des meubles incorporels - controversé - et les privilèges, ainsi que celles ne concernant pas directement le droit des sûretés : délégation et cession de créance, subrogation personnelle, novation, contrat de rente viagère et vente à réméré.
Elle a, par ailleurs, précisé les finalités de l'habilitation concernant les sûretés réelles mobilières, en prévoyant d'introduire dans le code de commerce des dispositions permettant le nantissement de stocks des entreprises, de modifier les dispositions du code civil pour simplifier la constitution des sûretés réelles mobilières et leurs effets, d'étendre leur assiette sur un ensemble de biens, présents ou futurs, et d'autoriser le gage sans dépossession, le gage avec dépossession perdurant.
S'agissant des sûretés réelles immobilières, l'Assemblée nationale a expressément prévu la consécration de l'antichrèse-bail, qui autorise le créancier à donner à bail l'immeuble dont le débiteur s'est dépossédé à titre de garantie. En outre, elle a autorisé l'introduction de deux nouveaux instruments d'origine anglo-saxonne : d'une part, le crédit hypothécaire rechargeable, qui permet d'utiliser une même hypothèque pour garantir plusieurs prêts souscrits au fur et à mesure du remboursement du premier auprès de plusieurs créanciers, dans la limite d'un plafond initialement fixé ; d'autre part, le prêt viager hypothécaire, qui permet à des personnes âgées de mobiliser leur actif résidentiel pour obtenir du crédit, et qui n'est remboursable - capital et intérêts - que lors de leur décès ou de la vente de l'immeuble. Enfin, l'Assemblée nationale a préconisé la simplification et la baisse du coût de la mainlevée de l'inscription hypothécaire.
La commission des lois vous propose, mes chers collègues, onze amendements destinés à apporter certaines modifications ponctuelles aux dispositions dont elle a été saisie.
Il s'agit, d'abord, d'améliorer la cohérence juridique et la lisibilité des dispositions relatives au droit des sociétés et au droit public économique.
La commission vous propose ainsi de définir un régime plus souple pour l'utilisation de moyens de télétransmission au cours des séances du conseil d'administration ou du conseil de surveillance des sociétés anonymes et de préciser la nature des engagements devant faire l'objet d'un contrôle au titre des conventions réglementées et de mesures de publicité auprès de l'assemblée générale.
Il s'agit, ensuite, d'accepter la réforme par ordonnances du droit des sûretés, sous réserve de la suppression du prêt viager hypothécaire.
Pour la seconde fois en moins d'un an, le Gouvernement sollicite du Parlement une habilitation à réformer par ordonnances le code civil, arguant de la grande technicité de la réforme et de l'encombrement de l'ordre du jour des deux assemblées.
La loi du 9 décembre 2004 de simplification du droit prévoyait une habilitation à réformer le droit de la filiation par ordonnances. Mais cette réforme consistait principalement en un ensemble de mesures de coordination.
Cette fois, le dessaisissement du Parlement est plus préoccupant puisqu'il concerne un livre entier du code civil, et que les mesures proposées comportent des innovations importantes en matière de droit des sûretés, comme l'assouplissement du principe de spécialité des hypothèques ou l'introduction de deux nouveaux instruments : l'hypothèque rechargeable et le prêt viager hypothécaire.
Or, de l'aveu même de la Chancellerie, la concertation est encore en cours, l'insertion de cette réforme dans le présent projet de loi n'ayant initialement pas été envisagée. Dès lors, il apparaît inopportun de prévoir des réformes d'une telle importance.
La commission des lois vous propose donc de supprimer l'introduction du prêt viager hypothécaire, tous les rapports ayant souligné les risques qu'il comportait, tant pour les emprunteurs potentiels que pour les établissements financiers. Dès lors, en raison de l'importance des règles protectrices à mettre en place, il ne paraît pas possible de décider d'une telle introduction en droit français par ordonnance. L'examen prochain par le Parlement d'un projet de loi de réforme du droit des successions pourrait permettre à la représentation nationale d'examiner l'opportunité et les modalités possibles d'une telle réception.
Sous le bénéfice de ces observations et des amendements qu'elle vous soumet, la commission des lois vous propose d'adopter le projet de loi pour la confiance et la modernisation de l'économie. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe Union pour un mouvement populaire, 47 minutes ;
Groupe socialiste, 32 minutes ;
Groupe Union centriste-UDF, 14 minutes ;
Groupe du rassemblement démocratiqueet social européen, 9 minutes ;
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Aymeri de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il est vital et urgent de redonner à notre économie les moyens de créer des richesses et des emplois. Tel est notre objectif, votre objectif, monsieur le ministre.
Aujourd'hui, le retour d'une croissance fructueuse se fait trop attendre. Si 76 % des investisseurs ne croient pas à une amélioration à court terme de la situation économique, cela peut déjà s'expliquer par les constantes et incertaines réévaluations des chiffres de la croissance.
Pourquoi ne pas s'astreindre à une véritable obligation de sincérité budgétaire dans le projet de loi de finances ?
En identifiant et dénouant les blocages structurels en matière d'accès au crédit bancaire, l'Etat est ici pleinement dans son rôle de stabilisateur macroéconomique. Le montant des crédits accordés aux PME est passé de 322 milliards d'euros au 31 décembre dernier à 333 milliards d'euros au 30 avril 2005.
La loi du 1er août 2003 pour l'initiative économique, dite loi Dutreil, a enfin accéléré le processus des créations d'entreprises avec un surcroît de 18 % pour 2004. Les premiers effets positifs se font donc sentir, mais les PME françaises restent structurellement sous-capitalisées. Ce handicap est évident !
En matière d'outils de financement des entreprises, la France se distingue très négativement au sein de l'Union européenne. Avec un taux d'épargne des ménages pour 2003 de 15,8 %, notre pays dépasse de 6 points la moyenne de la zone euro.
Le problème ne réside pas tant dans ce chiffre, anormalement élevé, que dans l'orientation de cette épargne : seule une épargne affectée à l'investissement peut permettre à l'appareil de production de se renforcer efficacement. Nous en sommes loin !
Il faut allier politique de relance de la consommation et politique d'amélioration des conditions de vie des entreprises, pour parvenir à optimiser la performance économique. On constate que ce niveau élevé de l'épargne, et son vraisemblable corollaire, l'ampleur abyssale des déficits publics, font peser sur les ménages et les entreprises une incertitude chronique et insoutenable.
Plusieurs facteurs viennent alimenter cette situation : l'absence de croissance du pouvoir d'achat, le goût peu prononcé pour la prise de risques en matière d'investissement, ou encore le manque de lisibilité pour les ménages de l'accès aux placements financiers. Néanmoins, l'augmentation du taux d'épargne financière des Français, passé de 2 % en 1988 à près de 8 % du revenu disponible brut en 2002, est positive.
L'optimisation de l'orientation de l'épargne, attribut de la puissance publique, doit permettre une véritable adéquation entre l'offre de revenus disponible et le besoin de financement des entreprises. Pour réorienter une épargne trop liquide et insuffisamment investie en actions, il faut absolument que nous réussissions à développer la culture du risque et de la diversification des placements chez les épargnants.
L'amélioration du financement des entreprises nécessite également que soit facilité l'accès des entreprises aux sources de financement répondant à leurs besoins. Le taux d'autofinancement des entreprises se situe depuis 2002 à des niveaux trop bas, de l'ordre de 88 %, alors qu'il atteignait 115 % en 1996. La situation financière des entreprises, si elle demeure trop dégradée, n'entraînera qu'une faible reprise de l'investissement et donc de la croissance.
Il faut dénoncer l'insuffisance de l'intermédiation bancaire. Les banques jouent, nous le savons, un rôle stratégique dans la transformation de l'épargne courte en crédit long, spécialement à l'endroit des PME. Mais les marchés financiers sont encore largement hors de leur portée. Incitons donc les banques à tenir leur rôle d'appui et de soutien au financement des PME. De même, l'Etat doit accélérer la création des fonds d'investissement de proximité. Ils ne sont que quinze à ce jour...
Il apparaît aujourd'hui indispensable de réfléchir à la nécessaire responsabilisation des hauts fonctionnaires occupant des postes de direction dans de grandes entreprises liées aux secteurs les plus capitalistiques de l'économie. A l'image des trésoriers-payeurs généraux, il paraît juste que soit mis en place un dispositif engageant la responsabilité personnelle de ces hauts fonctionnaires.
Une autre problématique récurrente doit continuer à nous interpeller : le renforcement de l'attractivité du territoire, impératif catégorique de l'action de l'Etat. En 2004, le flux d'entrée des investissements directs étrangers a chuté de 21 %. L'image de la France se dégrade auprès des investisseurs étrangers. Les conséquences sont criantes sur l'emploi : notre pays vient ainsi de se faire doubler par la Pologne, en termes d'emplois créés directement du fait d'implantations internationales. De plus, les investisseurs se gardent d'implanter leur siège dans notre pays pour des raisons fiscales évidentes. Alors qu'il était ministre des finances, M. Fabius avait même autorisé la holding de Renault - l'Etat était alors l'actionnaire majoritaire -à s'implanter aux Pays-Bas !
Les maux sont bien connus. Nous attendons toujours les remèdes. Selon le tableau de bord pour juin 2005 de l'Agence française des investissements internationaux, les indices synthétiques de compétitivité globale des agences de notation pointent systématiquement la pression fiscale, la rigidité, la conflictualité et la judiciarisation des relations de travail. La France doit attirer les investisseurs, tout en se prémunissant des effets d'aubaine, ou des hit and run entries, très destructeurs d'emplois.
Ces problèmes d'attractivité se doublent de ceux qui sont liés aux délocalisations, et qui sont légitimement au coeur des préoccupations de nos compatriotes. Le Président de la République a appelé de ses voeux le lancement d'une nouvelle grande politique industrielle, architecture d'une politique d'ancrage de l'emploi. Les pôles de compétitivité, ou bien encore les Small Business Acts, qui permettraient d'attribuer directement à des PME l'exécution de commandes publiques, constituent deux solutions possibles.
Monsieur le ministre, dans ce projet de loi vous prenez acte de ces maux. Vous vous proposez de donner à notre économie de nouveaux dispositifs à la hauteur de nos attentes. Mais le seul critère d'appréciation de ces mesures sera leur efficacité, jugée à l'aune des créations d'emplois et de la valeur ajoutée produite.
Votre projet de loi se nourrit d'un volontarisme que la majorité des membres du groupe du RDSE approuve. C'est pourquoi elle votera ce texte. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. François Marc.
M. François Marc. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi pour la confiance et la modernisation de l'économie répond-il aux enjeux du moment et aux attentes des acteurs de l'économie, ou n'est-il qu'une sorte de marché de dupes ? Le rapprochement de son titre et de son contenu réel nous conduit à pencher pour la seconde interprétation. En effet, la confiance ne se décrète pas, mais se mérite, et nos compatriotes sont aujourd'hui peu enclins à donner du crédit aux nombreuses promesses du Gouvernement.
M. Roger Karoutchi. Ils ont tort !
M. François Marc. Quant à la modernisation des règles de fonctionnement des entreprises, ce projet n'apporte que peu de nouveautés aux règles effectives de la direction des sociétés, dans une période où la gouvernance d'entreprise reste, à nos yeux, profondément en crise.
Depuis la loi sur les nouvelles régulations économiques, et eu égard aux diverses conséquences de la crise de l'été 2002, les modes de fonctionnement des sociétés nous semblent devoir faire l'objet d'une réelle remise à plat.
La modeste loi pour la sécurité financière n'a que très peu modifié les choses. Les dirigeants d'entreprise continuent à bénéficier d'un régime de responsabilité, à nos yeux insuffisant, qui ne les conduit pas à privilégier l'intérêt social de toute l'organisation qu'ils ont la charge d'administrer.
Force est de constater que les conseils d'administration sont toujours aussi éloignés des préoccupations des salariés, des attentes de la plupart des actionnaires et, parfois, des réalités du marché.
Je ne suis pas le seul à tenir ces propos. Ainsi, monsieur le ministre, pour faire face à la désinformation dont vous auriez été victime au temps où vous étiez administrateur de Rhodia, vous avez vous-même déclaré au quotidien Le Monde, la semaine dernière, que : « les administrateurs, ce ne sont pas des dirigeants opérationnels ».
En d'autres termes, les administrateurs, qui sont mandatés pour contrôler la direction opérationnelle, n'ont pas les moyens de remplir leur mission : c'est bien ce que cela veut dire. Le manque d'information porte atteinte à leur esprit critique. Bref, ils ne sont jamais responsables des actes commis par la direction.
Ce point de vue corrobore nos affirmations. Mais vous n'avez pas pu, ou pas su, tirer les enseignements de ce constat avec le présent projet de loi. Vous n'avez pas cherché à corriger ce dysfonctionnement. Pour l'un des ministres du gouvernement de la « nouvelle impulsion », c'est une forme d'aveu d'impuissance.
Notre constat est le même s'agissant de l'action en responsabilité des administrateurs. Voilà quelques semaines, vous aviez pourtant annoncé ici même que vous alliez réformer les conditions de l'action en responsabilité des dirigeants sociaux. Depuis, rien n'a été fait.
Pour renforcer l'efficacité de la gouvernance d'entreprise, il faut modifier ce mécanisme juridique. Vous le savez. Tant que les administrateurs et les dirigeants bénéficieront de cette impunité scandaleuse, les entreprises ne seront pas bien gérées. Que l'on me comprenne bien : il ne s'agit pas de sanctionner les dirigeants pour leur faire payer la crise économique et le chômage. Mais pour rendre la confiance, il importe de montrer aux salariés et aux actionnaires que la boussole de l'entreprise, c'est l'intérêt social. C'est lui qui doit orienter les décisions, y compris lorsqu'elles sont contraires à l'intérêt particulier des dirigeants.
Rien n'a changé pourtant. Dès lors, je me pose la question suivante : à quoi servent les administrateurs ? Je m'interroge et, avec mes concitoyens, je doute.
Je doute de la sincérité de certains dirigeants et conseils d'administration ; je doute de la capacité des administrateurs à contrôler la direction des entreprises qui sont tournées, souvent vers la satisfaction des intérêts de quelques-uns, rarement vers l'intérêt social, jamais vers celui des salariés.
Pour ramener la confiance, encore eût-il fallu prendre ces problèmes à bras-le-corps. Mon collègue Richard Yung, membre de la commission des lois, examinera tout à l'heure dans le détail les raisons pour lesquelles votre projet de loi n'atteint pas les objectifs que vous vous êtes fixés.
Poursuivons l'analyse : votre texte de loi vise à faciliter l'accès aux financements bancaires et boursiers des entreprises. En réalité, il ne fait qu'affaiblir, à nos yeux, l'efficacité de la réglementation en matière de transparence boursière, et ce au profit de quelques-uns, et toujours les mêmes : les établissements bancaires et financiers.
Vous prétendez qu'avec ce texte les petites et moyennes entreprises auront plus facilement accès aux marchés financiers et à la Bourse. En fait, pour faciliter l'accès aux marchés boursiers, le projet de loi prévoit différents niveaux d'obligations d'information selon le marché visé. La transparence sera donc, en définitive, moindre sur les marchés accessibles aux PME,...
M. Philippe Marini, rapporteur. Ce sera moins lourd pour elles !
M. François Marc. ...alors même que les règles de transparence auraient dû être renforcées pour ce nouveau type d'émetteur. Sans doute, les petites entreprises auront-elles plus facilement accès au marché boursier, mais dans quelles conditions !
Le risque pris sera plus important, au détriment de la sécurité financière que vous appeliez de vos voeux lors de l'examen de la loi du même nom !
La transparence est l'un des piliers de la confiance. Or, dans ce projet de loi, vous ne tenez pas compte de l'impératif de transparence. C'est pourtant un impératif d'ordre public en droit boursier !
Vous êtes allé jusqu'à restreindre la portée de l'obligation de transparence en matière de rachat d'actions. Cette opération, qui, on le sait, peut donner facilement lieu à des abus de marché, aurait dû, contrairement à ce que vous avez proposé, être encadrée davantage.
Or qu'avez-vous fait ? Vous avez supprimé le visa préalable de l'AMF. Alors même qu'une récente opération de rachat d'actions a défrayé la chronique - je veux parler de l'affaire Vivendi -, vous avez décidé, sur proposition du MEDEF, de supprimer le contrôle préalable de l'AMF.
Il ne fallait pas le supprimer ! Au contraire, il était nécessaire, selon nous, depuis la loi de sécurité financière, de modifier la législation pour garantir l'impartialité du visa. Vous auriez pu ainsi éviter au président de l'AMF de se rendre récemment boulevard des Italiens pour expliquer au juge les conditions dans lesquelles le visa au rachat d'actions des titres Vivendi avait été octroyé.
Cet article visant à la suppression du visa en cas de rachat d'actions est hautement significatif de votre démarche : vous avez cherché à rendre la confiance en supprimant les mécanismes de contrôle et de révélation des infractions. Ce faisant, vous n'avez rassuré personne.
M. Roger Karoutchi. Oh !
M. François Marc. En outre, vos mesures de financement de l'économie en trompe-l'oeil ne dupent personne. Vous prétendez travailler à la revitalisation des bassins d'emplois, mais, en réalité, vous faites supporter la charge par l'entreprise en difficulté. Bel exemple de modernisation de l'économie : le plus faible offre sa garantie au plus puissant, en l'occurrence les banques. Ma collègue Nicole Bricq reviendra tout à l'heure sur ces aspects particulièrement importants.
Enfin, comment rendre la confiance quand, pour masquer la crise sociale et la baisse du pouvoir d'achat des salariés qui attendent toujours la revalorisation salariale, vous n'annoncez que des mesures incitatives en faveur de l'épargne salariale ? Vous n'avez pas pris la mesure du désarroi des salariés.
D'ailleurs, la lecture de l'exposé des motifs de votre projet de loi est édifiante. Alors que le chômage augmente et que la croissance est en panne, faute d'investissement productif des entreprises, vous commencez, dans cet exposé des motifs, par le constat suivant : « La situation financière des entreprises françaises a rarement été aussi saine et les liquidités aussi abondantes ». Le pouvoir d'achat n'est pourtant pas au rendez-vous et les renégociations de salaires non plus.
Aussi, vous proposez de « lever les blocages pour les chefs d'entreprise » et sans prendre en considération les réalités sociales.
Les plans d'épargne salariale ou l'actionnariat salarié ne peuvent constituer une mesure suffisante pour pallier l'affaissement de la demande. Les mécanismes d'incitation et de stimulation des plans d'intéressement des salariés ne suffisent pas à rendre la confiance.
Bien sûr, la loi Fabius avait, en 2001, ouvert la voie au plan d'épargne entreprise, mais le contexte était différent. Il s'agissait de partager les fruits de la croissance entre toutes les catégories de salariés. Le pouvoir d'achat n'était pas ce qu'il est aujourd'hui.
Mme Nicole Bricq. Il était meilleur !
M. François Marc. L'intéressement salarial a servi de complément de salaire ; il ne s'y est pas substitué !
Votre projet de loi, et là est le problème, introduit une confusion entre intéressement et salaires. Il prévoit de développer des accords d'intéressement avec les cadres dans les entreprises de moins cent salariés. Cependant, il n'envisage aucune disposition pour répondre aux inquiétudes des salariés sur la question salariale qui ne saurait être confondue avec les plans d'intéressement, de participation ou d'épargne salariale.
Nous pensons que la participation ne peut pas être une voie alternative aux augmentations de salaires, et ce pour plusieurs raisons.
Non soumise aux cotisations vieillesse, une telle substitution reviendrait à minorer les pensions de retraite ; perdant les cotisations correspondantes, les régimes sociaux s'en trouveraient encore affaiblis ; enfin, il en résulterait des risques importants pour la croissance.
Le déblocage que vous proposez pourrait servir de variable d'ajustement de la politique salariale de l'entreprise. Nous n'en voulons pas. Il importe, en effet, de dissocier intéressement et salaires. Ce que vous mettez en place est un marché de dupes pour les salariés : la participation ne doit pas devenir une machine à salaires variables.
Enfin, s'agissant des plans d'épargne retraite, vous avez omis d'envisager la question du risque pour les salariés. Les systèmes d'intéressement et d'actionnariat salarié font dépendre, tous deux, une partie des revenus des salariés des performances globales de l'entreprise. Or les bénéfices ne dépendent pas seulement des efforts des salariés, ils sont également liés aux décisions des dirigeants. On ne peut donc, d'un côté, exclure les salariés des processus décisionnels et, de l'autre, encourager les plans d'épargne salariale.
L'information des salariés et la protection de leurs droits sont fondamentales, si l'on souhaite éviter les catastrophes du type Enron. En tant qu'actionnaires ou détenteurs d'un plan d'épargne salariale, les salariés doivent pouvoir être consultés dans les temps et se voir communiquer toute l'information disponible, sous peine de sanction. A cet égard, aucune mesure n'est envisagée pour permettre au comité d'entreprise de participer au conseil d'administration avec voie délibérative. Ce point nous a conduits à déposer plusieurs amendements afin d'améliorer la situation et de renforcer les droits des salariés en la matière.
Monsieur le ministre, nous avons la conviction que ce projet de loi a minima ne renforcera pas la confiance dans l'économie. Telle est la raison pour laquelle nous ne vous donnerons pas la confiance et nous voterons contre ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi.
M. Roger Karoutchi. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi s'inscrit dans un double contexte européen d'harmonisation législative et de compétitivité économique.
Il prend tout d'abord place dans le processus d'adaptation du droit français aux exigences communautaires dans le domaine financier et procède à la transposition de plusieurs directives comportant des dispositions techniques très diverses.
D'ailleurs, par certains aspects, il pourrait s'apparenter à un projet de loi portant « diverses dispositions d'ordre économique et financier ». Mais résumer ce texte à un simple DDOEF serait passer à côté de son enjeu essentiel : la compétitivité de nos entreprises et l'attractivité de notre territoire national.
On l'a beaucoup dit, la France souffre d'un certain nombre de handicaps structurels, qui freinent sa croissance et pénalisent l'emploi. Dans ce domaine, comme dans d'autres, nous ne devons pas dissimuler nos responsabilités derrière nos obligations européennes.
Si nous devons réformer notre législation et nos structures, c'est non pas parce que l'Europe nous l'impose, mais parce que les entreprises françaises, et en particulier les PME, en ont besoin pour assurer leur développement, parfois leur survie, face à une compétition internationale de plus en plus rude.
M. Philippe Marini, rapporteur. Tout à fait !
M. Robert Del Picchia. Très bien !
M. Roger Karoutchi. Notre première exigence n'est pas européenne, elle est économique. Notre premier engagement a lieu à l'égard de nos entrepreneurs et de nos salariés. Notre première obligation est une obligation de résultat en matière de croissance et de création d'emplois.
C'est le sens du projet de loi en faveur des petites et moyennes entreprises, que nous avons adopté le 16 juin dernier, et celui du projet de loi habilitant le Gouvernement à prendre par ordonnance des mesures d'urgence pour l'emploi, que nous examinerons jeudi prochain.
C'est aussi le sens, l'objectif premier, l'enjeu majeur du projet de loi qui nous est soumis aujourd'hui.
Cette priorité donnée à la croissance et à l'emploi est accentuée par les amendements qui ont été adoptés par l'Assemblée nationale. Ils répondent à la volonté de nouvelle impulsion exprimée par le Premier ministre.
Ils contribuent à faire de ce texte « un vecteur d'accélération d'un certain nombre de réformes dont notre économie a un besoin urgent pour se moderniser ».
Monsieur le ministre, vous avez identifié, à juste titre, trois blocages structurels de notre économie, qu'il convient de lever en urgence : la sous-capitalisation des entreprises et en particulier celle des PME, le manque de dynamisme de leur effort de recherche et d'innovation et l'insuffisante association des salariés à la direction et aux résultats de l'entreprise.
Le groupe de l'UMP du Sénat partage pleinement votre analyse, soutient votre ambition et approuve globalement les mesures concrètes que vous proposez.
Pour favoriser le financement des entreprises françaises, ce projet de loi vise à simplifier le premier accès des PME aux marchés financiers, à consolider une base d'investisseurs solide et durable, et à renforcer la confiance des investisseurs grâce à un meilleur niveau de protection.
La progressivité des obligations d'information des entreprises permettra de supprimer les effets de seuils qui dissuadent certaines entreprises de s'introduire en Bourse.
La transposition de la directive « prospectus » facilitera et harmonisera les modalités de gestion des opérations d'appel public à l'épargne dans l'ensemble de l'Europe.
Le nouveau marché Alternext bénéficiera d'un environnement réglementaire et fiscal qui encouragera et facilitera l'accès des PME aux marchés financiers. L'orientation de l'assurance vie vers l'investissement en actions sera également favorisée.
La transposition de plusieurs directives européennes renforcera l'information et la protection des investisseurs, et donc leur confiance. Les moyens de contrôle et de sanction de l'Autorité des marchés financiers, l'AMF, seront étendus à cet effet.
Tout cela permettra d'orienter durablement l'épargne des Français vers les entreprises.
Pour soutenir la recherche et l'innovation, le présent projet de loi donne une impulsion nouvelle et autorise la création de l'Agence de l'innovation industrielle.
L'engagement du Gouvernement d'attribuer l milliard d'euros à cette agence dès la première année est un acte fort en faveur des nouvelles technologies, des marchés d'avenir, et donc des emplois de demain.
A cette initiative, il faut ajouter la réduction d'impôt exceptionnelle dont bénéficieront les entreprises qui consacreront une partie de leurs résultats de 2004 à des efforts de recherche.
La réforme du droit des sûretés, dont a excellemment parlé M. le rapporteur général, va également dans le bon sens, sous réserve que l'habilitation donnée au Gouvernement de réformer par ordonnances soit bien encadrée, ce que souhaitent la commission des finances et la commission des lois ainsi que leurs deux excellents rapporteurs, nos collègues Philippe Marini et François-Noël Buffet.
La confiance passe également par une plus grande transparence dont notre commission des finances, et son président Jean Arthuis, fait, à juste raison, une « question de principe ».
Pour restaurer la confiance des salariés et des actionnaires dans la direction de l'entreprise, le projet de loi simplifie la prise de décision collégiale et renforce la transparence sur les rémunérations des dirigeants.
En la matière, la difficulté est de trouver le bon équilibre - et c'est très difficile ! - entre la protection de l'épargnant et la préservation de la souplesse de gestion des entreprises, comme l'a très bien souligné Philippe Marini.
M. Philippe Marini, rapporteur. Merci !
M. Roger Karoutchi. Le dispositif qui nous est soumis semble avoir atteint ce bon équilibre.
Le dernier levier actionné par ce projet de loi est celui de l'intéressement et de la participation, que le Gouvernement souhaite à la fois développer et mettre au service de la croissance, cher collègue Jean-Guy Branger.
Le projet de loi comporte une série de mesures concrètes pour développer l'intéressement et l'actionnariat salarié au-delà des grandes entreprises.
Le Gouvernement souhaite aussi mobiliser l'épargne pour soutenir le pouvoir d'achat et la croissance. C'était déjà l'objet du prolongement et de l'amplification de la mesure exceptionnelle en matière d'exonération des droits d'enregistrement sur les dons d'argent. C'est également l'objet de la « prime exceptionnelle d'intéressement » et de la possibilité de débloquer les sommes attribuées cette année au titre de la participation aux résultats de l'entreprise en 2004.
Ces deux mesures ponctuelles, insérées dans le projet de loi sur l'initiative du Gouvernement, visent à favoriser le pouvoir d'achat des salariés, « ce dont notre économie a besoin », comme vous l'avez vous-même rappelé, monsieur le ministre.
La commission des finances souhaite que les mesures exceptionnelles de déblocage de la participation soient strictement encadrées, afin de ne pas bouleverser la gestion de l'épargne à long terme.
Il s'agit, là encore, de trouver le bon équilibre entre le soutien de la croissance à court terme et le financement à long terme de l'économie et des retraites. Le groupe de l'UMP considère, là aussi, que ce bon équilibre a été trouvé, le caractère ponctuel des mesures proposées ne remettant pas en cause le développement de l'épargne à long terme des salariés.
A cet égard, il faut saluer les propositions formulées par la commission des affaires sociales, sur l'initiative de son rapporteur pour avis, notre collègue Isabelle Debré.
M. Robert Del Picchia. Très bien !
M. Roger Karoutchi. Elles alimenteront utilement le débat sur une réforme plus profonde et à plus long terme de l'intéressement et de la participation.
Plus globalement, je tiens à souligner la qualité du travail effectué par les trois commissions saisies de ce texte, dans un délai peut-être trop court.
Les amendements adoptés par les trois commissions visent à garantir le bon fonctionnement des marchés financiers, à renforcer la compétitivité des entreprises françaises, à améliorer la transparence et à développer la participation.
Certains de ces amendements constituent des innovations importantes. Je pense en particulier à l'insertion du statut de la société européenne dans notre droit commercial, sujet sur lequel notre rapporteur s'est beaucoup investi, de même que nos collègues Jean-Jacques Hyest, Jean-Guy Branger et Bernard Saugey.
Le rapporteur nous soumettra d'autres mesures intéressantes relatives à la gouvernance des entreprises et au fonctionnement des marchés. Nous aurons bien sûr l'occasion d'en débattre avec le Gouvernement.
Dans cette attente, et au-delà des points particuliers, je tiens à rappeler l'importance que le groupe de l'UMP du Sénat attache à ce projet de loi.
La démarche du Gouvernement nous apparaît à la fois ambitieuse et pragmatique.
L'amélioration du financement des entreprises, notamment des PME, l'attribution de nouveaux moyens à la recherche et à l'innovation et le renforcement du pouvoir d'achat répondent pleinement à l'objectif de relance de la croissance et de l'emploi.
C'est dans cet esprit de volontarisme et de pragmatisme que le groupe de l'UMP aborde l'examen de ce projet de loi, qui semble aller pleinement dans le sens de la confiance et de la modernisation de notre économie. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Jégou.
M. Jean-Jacques Jégou. Le projet de loi pour la confiance et la modernisation de l'économie qui vient aujourd'hui en examen devant la Haute Assemblée vise, comme vous venez de le rappeler, monsieur le ministre, à contribuer à la « nouvelle impulsion » que souhaite donner le nouveau Gouvernement à l'économie de notre pays.
L'objectif est louable et les mesures que ce texte prévoit nous semblent nécessaires. Mais elles paraissent très insuffisantes, compte tenu du contexte économique actuel, qui nécessiterait une réforme de plus grande envergure.
Plus clairement, les mesures qui nous sont ici présentées sont attendues depuis très longtemps par les acteurs économiques du pays, mais elles n'offrent pas à ces derniers un cadre suffisamment dynamique, une stratégie plus globale.
Plus concrètement, plusieurs des mesures que comporte ce texte nous semblent bonnes, en ce qu'elles simplifient les règles de fonctionnement des entreprises et facilite l'accès de celles-ci à des sources de financement diversifiées.
Ce texte prévoit, par exemple, de faciliter la tenue des conseils d'administration et des assemblées générales en recourant à des moyens modernes de communication ou en abaissant les règles relatives à la prise de décisions. De la même manière, il facilite de façon appréciable l'accès au marché boursier pour les entreprises et en particulier pour les plus petites.
En ce qui concerne le financement des entreprises, il offre des outils modernisés en étendant, par exemple, la gamme des financements disponibles.
La création de l'Agence de l'innovation industrielle est de ce point de vue très appréciable. Elle va permettre de soutenir de grands projets industriels, très favorables à la création d'emplois et porteurs d'avenir. Car c'est bien vers l'avenir que nous devons nous tourner aujourd'hui. L'industrie, secteur aujourd'hui en crise, alors qu'il était une force vitale pour notre économie il y a quelques dizaines d'années, a besoin d'un signal fort, qui permettra d'enclencher une nouvelle dynamique.
Il faut remarquer que le projet de loi favorise le développement de nouveaux marchés d'accès à la Bourse tel qu'Alternext et qu'il étend le champ de compétence de l'Autorité des marchés financiers. Ces mesures sont encourageantes et rassurantes pour les entreprises qui souhaitent se développer.
Monsieur le ministre, vous avez dit qu'un grand nombre d'entreprises ne se développent pas, que peu de PME ont la capacité de se développer. En fait, nous pouvons nous interroger sur le nombre insuffisant des entreprises dans notre pays. A cet égard, je prendrai des exemples concernant les investissements que tous les élus locaux connaissent.
En effet, de nombreuses collectivités locales rencontrent des difficultés pour leurs appels d'offres. Nous avons mis en chantier une école élémentaire avec cinq classes : quinze dossiers ont été retirés, deux entreprises ont répondu. Cela se passe ainsi tout au long de l'année. Nous obtenons des réponses dilatoires : les bureaux d'études étant encombrés, les entreprises ne peuvent répondre à nos sollicitations. Or, vous le savez, monsieur le ministre, les collectivités locales restent dans notre pays les boosters de l'investissement.
Je tiens enfin à relever deux améliorations majeures qui ont été apportées par l'Assemblée nationale.
Il s'agit, d'une part, du titre Ier A intitulé « Encourager la détention durable d'actions », et, d'autre part, des articles 2 bis et 2 ter concernant la transparence des différentes composantes de la rémunération des dirigeants d'entreprises.
En ce qui concerne la détention durable d'actions, le texte proposé instaure un nouveau régime de transformation des contrats d'assurance vie, ce qui permettra de mobiliser de nouveaux fonds pour les entreprises en réorientant l'épargne des Français vers les fonds propres des entreprises et en particulier des PME.
Cependant, il aurait été de bon ton de profiter de ce texte pour réformer le régime de taxation des plus-values professionnelles en le rapprochant de celui des plus-values immobilières, afin de favoriser la stabilité de l'actionnariat au sein d'entreprises familiales par exemple.
Enfin, il serait préférable de s'assurer que le bénéfice des mesures prévues à l'article 1er A ne concerne pas uniquement les entreprises régies par le seul code des assurances.
Pour ce qui est de l'épineuse question de la rémunération des dirigeants en vue de procéder à une certaine moralisation des affaires, réclamée par l'opinion publique, un début de réponse a été apporté par le Gouvernement, en visant à soumettre certains éléments de la rémunération des dirigeants au régime des conventions réglementées. En revanche, afin d'améliorer l'image du monde de l'entreprise et des dirigeants, il serait souhaitable que l'ensemble de la rémunération des dirigeants soit soumis à l'approbation de l'assemblée générale.
Malgré tous ces éléments positifs, et sans revenir sur le manque flagrant d'ambition du texte, je souhaiterais attirer votre attention, monsieur le ministre, sur un double problème.
Il s'agit non seulement d'une question de principe, mais également d'une question de fond. Je pense à l'article 6 du présent projet de loi, visant, en vertu de l'article 38 de la Constitution, à habiliter le Gouvernement à réformer par voie d'ordonnances la partie du code civil relative au régime des sûretés.
Monsieur le ministre, telle n'est certainement pas votre volonté, mais ce procédé très utilisé aujourd'hui, qui n'est certes pas l'apanage de ce seul gouvernement, devient une habitude. En effet, comment peut-on faire l'économie d'un vrai débat et mépriser à ce point les prérogatives des parlementaires, même si beaucoup d'entre eux auraient été absents lors d'un débat estival ? Je vois que M le rapporteur m'écoute attentivement.
M. Philippe Marini, rapporteur. Réformer le droit des sûretés le 15 août !
M. Jean-Jacques Jégou. Mais pourquoi attendre le 15 août ?
Ce nouveau Gouvernement, depuis qu'il est formé, aurait pu se pencher sur le problème. Or, pendant les sacro-saints congés, il va réformer le code civil, le régime des sûretés qui affecte la situation financière personnelle de nos concitoyens.
En effet, sur le fond, favoriser à ce point le crédit hypothécaire, de surcroît rechargeable, peut avoir des conséquences désastreuses en matière de surendettement. Je pense que nous avons le devoir, en tant que parlementaires, de nous saisir de cette question, d'exiger un débat, afin de prévoir les garde-fous nécessaires contre les risques de dérive d'un tel système. C'est pourquoi le groupe Union Centriste-UDF refusera d'accorder au Gouvernement l'habilitation à procéder par ordonnances.
M. Roger Karoutchi. Oh !
M. François Marc. Nous sommes d'accord, monsieur Jégou !
M. Jean-Jacques Jégou. Enfin, en ce qui concerne la réforme de la participation et de l'intéressement salarial dans l'entreprise, je regrette que celle-ci n'aille pas plus avant.
Dans ce domaine, l'aboutissement des travaux de la mission d'étude Godfrain et Cornut-Gentille devrait nous apporter un certain nombre de réponses. La participation et l'intéressement doivent, en effet, être développés...
Mme Isabelle Debré, rapporteur pour avis. Absolument !
M. Jean-Jacques Jégou. ...au nom de la vertu pédagogique de l'appropriation par le salarié de son outil de travail.
Au-delà, cette mesure va à l'encontre du double principe de base d'orientation de l'épargne vers les entreprises et de l'épargne longue vers les retraites. Il existe une contradiction, monsieur le ministre, car, nous le savons, l'avenir est dans la recherche et dans l'innovation. Nous avons le devoir d'inciter les entreprises à y investir massivement. Pour ce faire, notre message doit être clair et lisible. Nous ne pouvons plus tout miser sur la consommation. La croissance mérite l'innovation des entreprises, et les annonces « exceptionnelles » et « systématiques » du déblocage des participations, auxquelles nous nous opposerons par le biais d'un amendement, sont déstabilisatrices pour les entreprises et pour les investisseurs. En effet, quelle visibilité et quelle assurance leur accordons-nous, si ce n'est une mesure artificielle qui vise seulement à favoriser le pouvoir d'achat ?
Malgré ces réserves, le groupe de l'Union centriste-UDF, espérant des assurances et une oreille attentive de votre part, monsieur le ministre, participera à la discussion, comme à son habitude, dans un esprit constructif. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et sur quelques travées de l'UMP. - Ah ! sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi tout d'abord de noter que, en dépit de son intitulé, le projet de loi dont nous débattons aujourd'hui n'est pas véritablement de nature à restaurer la confiance des Français - ils ont d'ailleurs manifesté leur manque de confiance lors du dernier référendum -, et il n'est pas non plus à la hauteur de l'ambition dont le Gouvernement se réclame.
Cette modernisation de l'économie, on ne la voit guère, hormis quelques mesures inspirées du modèle anglo-saxon. Monsieur le ministre, votre projet de loi est un texte sans véritable cohérence et, surtout, sans vision économique globale. En d'autres termes, il s'agit plus d'un texte portant diverses dispositions d'ordre économique et financier, comme l'a souligné M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur. Oui, mais ce n'était pas une critique !
M. Richard Yung. Pour ma part, c'en est une !
M. Philippe Marini, rapporteur. Voilà ce qui nous différencie !
M. Richard Yung. Tout à fait !
Alors même que tout le monde s'accorde à reconnaître qu'il est nécessaire de mettre en place des instruments de régulation de l'économie et des marchés financiers, vous prévoyez des mesures d'assouplissement de la législation existante, qui sont très loin de pouvoir redonner confiance aux acteurs économiques.
Monsieur le ministre, si vous souhaitez véritablement moderniser notre système économique, vous devez, avant toute autre réforme, améliorer le fonctionnement des organes dirigeants de nos entreprises, leur donner les moyens de mieux contrôler leurs activités et renforcer la démocratie au sein des entreprises.
A ce sujet, je formulerai trois observations.
Premièrement, il faut réformer la gouvernance.
Dans un premier temps, nos efforts devraient porter sur la réforme de la gouvernance d'entreprise, qui a déjà été engagée en 2001, avec l'adoption de la loi relative aux nouvelles régulations économiques.
En effet, la « bonne gouvernance » devrait régir le fonctionnement de toute entreprise française, car les salariés, les consommateurs et les fournisseurs sont particulièrement sensibles à cette nouvelle dimension.
Le Parlement devrait lui aussi continuer d'accompagner cette évolution vers un meilleur système de prise de décision, plus démocratique. Certes, le gouvernement d'entreprise est d'abord l'affaire des entreprises elles-mêmes, mais le rôle du pouvoir législatif est de prévoir des règles communes destinées à faciliter l'émergence de codes de gouvernance. En effet, le capitalisme français doit, à présent, s'approprier et intégrer ces principes.
Je déplore le mutisme de ce projet de loi sur ces questions, en particulier sur la dissociation des fonctions de contrôle et de gestion dans les organes de direction des entreprises, sur la place des salariés dans les organes de gestion et sur le fonctionnement des conseils d'administration.
Vous le savez, nous avons en France deux grands systèmes d'organisation des sociétés : celui où, pour l'essentiel, tous les pouvoirs sont concentrés entre les mains d'une seule personne, le président-directeur général, d'une part ; le système à conseil de surveillance et à directoire, où les fonctions de contrôle sont séparées des fonctions de gestion, d'autre part.
Bien sûr, le choix dépend de chaque société, mais il nous semblait que le projet de loi pour la confiance et la modernisation de l'économie était une bonne occasion pour dresser le bilan de la situation et pour voir dans quelle mesure il était possible d'avancer.
A titre personnel, il m'a toujours semblé qu'il était malsain, car contraire au principe de séparation des pouvoirs que nous appliquons dans le domaine politique, que, dans la vie des entreprises, le contrôle soit exercé par le contrôlé.
Voilà une véritable modernisation que nous aurions pu entreprendre, mais que vous avez soigneusement évitée, monsieur le ministre !
M. Marc Massion. Très bien !
M. Richard Yung. Ce projet de loi était aussi l'occasion de se pencher sur la participation des salariés à la gestion des entreprises.
Permettez-moi de vous dire, moi qui ai travaillé quatorze ans en Allemagne, que j'ai toujours été impressionné par le système de la Mitbestimmung, que l'on traduit de façon plus ou moins heureuse par la cogestion. Il n'est pas absurde que les salariés, qui ont une connaissance approfondie, réelle, large de l'entreprise et de ses problèmes, souvent supérieure à celle de la plupart des administrateurs dont la vision des choses n'est généralement que financière, soient représentés dans les organes de direction des entreprises et puissent non seulement y être justement informés, mais aussi y faire connaître leur opinion.
Quant à une implication plus forte dans la gestion même de l'entreprise, pour prendre encore une fois exemple sur le modèle allemand que je viens d'évoquer, c'est évidemment une question difficile. Je ne méconnais pas l'histoire des relations du travail dans notre pays et de ses traditions syndicales, mais il me semble que, en 2005, il serait bon que la société française commence à y réfléchir et à se moderniser.
Encore une opportunité qui, selon moi, n'a pas été saisie.
Enfin, le projet de loi aurait été l'occasion de prendre une série de mesures destinées à améliorer et à moderniser le fonctionnement des conseils d'administration et des conseils de surveillance. Il n'y a là rien de révolutionnaire ! Il aurait seulement fallu appliquer une partie des mesures préconisées par les rapports Viénot et Bouton, que vous connaissez bien, monsieur le ministre.
M. Philippe Marini, rapporteur. Cela a été fait depuis longtemps !
M. Richard Yung. Non, seulement pour une petite part, monsieur le rapporteur !
M. Philippe Marini, rapporteur. Une part très large, tout de même !
M. Richard Yung. Parmi les mesures préconisées figurent la composition mieux équilibrée des conseils, les conditions de nomination des administrateurs, information et formation de ceux-ci, l'évaluation de la qualité du travail des conseils.
Bien au contraire, monsieur le ministre, vous remettez gravement en cause les mesures énoncées dans la loi relative aux nouvelles régulations économiques, qui prévoyait déjà des dispositions relatives au gouvernement d'entreprise.
A nos yeux, il est urgent de renforcer les contrôles exercés par les actionnaires sur les dirigeants d'entreprise. Plus précisément, parmi les membres de l'assemblée générale, les actionnaires minoritaires devraient pouvoir bénéficier d'un véritable contre-pouvoir.
Sur ce point, nous redoutons sérieusement les effets de l'article 2 du projet de loi, qui prévoit de réduire les seuils requis pour les quorums des assemblées générales des actionnaires. En effet, si le texte est adopté, 10 % seulement des actionnaires plus un suffiront à définir une majorité. Il ne nous semble pas que nous allions dans le sens d'une meilleure clarté et d'une plus grande transparence !
Nous sommes donc fermement opposés à ces prétendus assouplissements qui, loin de faciliter la tenue de véritables assemblées générales, lieu de la démocratie, vont en fait affaiblir les petits actionnaires, donc la « démocratie actionnariale » dans les entreprises. Sur ce point - et sur ce point seulement -, nous vous recommandons de vous inspirer des entreprises américaines, qui, aussi paradoxal que cela puisse paraître, fonctionnent, en ce domaine-là, de manière plus démocratique que les sociétés françaises.
M. Philippe Marini, rapporteur. C'est le modèle anglo-saxon !
M. Richard Yung. J'ai dit : « sur ce point seulement », monsieur le rapporteur ! Nous sommes prudents ! (Sourires.)
Deuxièmement, il faut mettre en oeuvre la responsabilité civile des dirigeants d'entreprise et assouplir leurs conditions de recrutement.
En effet, monsieur le ministre, lors de l'examen du projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine des marchés financiers, vous nous avez annoncé la création d'un groupe d'étude chargé de cette question. Or, dans le texte qui nous est aujourd'hui soumis, aucune mesure n'aborde la problématique du renforcement de la responsabilité individuelle des administrateurs ou du directeur général.
Sur ce point aussi - pardonnez-moi de citer encore une fois le modèle américain -, nous pourrions utilement nous inspirer des rapports établis outre-Atlantique : la loi Sarbanes-Oxley, adoptée en 2002, a prévu des sanctions très lourdes, notamment pénales, pour les dirigeants en cas d'infraction.
En France, les actionnaires devraient ainsi pouvoir déclencher la mise en cause de la responsabilité civile des dirigeants de l'entreprise.
Ce projet de loi touche également aux conditions de recrutement des présidents de conseil et des P-DG. Ainsi, l'article 3 prévoit qu'il peut être dérogé à la limite d'âge de soixante-cinq ans, prévue par la loi du 13 septembre 1984, par une disposition réglementaire ou législative. Il reprend une disposition, annulée par le Conseil constitutionnel, qui visait à permettre la nomination de l'un de vos prédécesseurs.
A nos yeux, il s'agit d'une mesure de circonstance, qui permettra de placer les amis, les « copains », quand on voudra en débarrasser le gouvernement. (M. François Marc rit.)
Mme Nicole Bricq. C'est cela !
M. Philippe Marini, rapporteur. Fontaine...
Mme Nicole Bricq. Des noms !
M. Philippe Marini, rapporteur. La paille et la poutre !
Mme Nicole Bricq. Même le MEDEF n'en a pas voulu !
M. Richard Yung. Ce n'est pas l'idée que nous nous faisons d'un projet de loi pour la confiance et la modernisation de l'économie, qui devrait plutôt viser à faciliter la nomination de responsables plus jeunes et plus talentueux.
Troisièmement, enfin, il faut garantir un meilleur contrôle de la rémunération des dirigeants d'entreprise.
Afin de mettre un terme à un certain nombre d'excès observés ces dernières années dans certaines sociétés, telles qu'Alcatel, le Crédit lyonnais et, plus récemment, Carrefour, il est impératif de renforcer et de faire appliquer les mesures relatives à la transparence et au contrôle des rémunérations et des avantages liés des dirigeants d'entreprise.
Il faut inciter les entreprises à appliquer les recommandations du rapport Viénot en matière de transparence des salaires et prolonger la loi NRE, qui prévoyait d'améliorer et de renforcer l'information à destination des actionnaires. Nous sommes dans une période où, à la suite de nombreux excès - ceux de MM. Messier et Bernard, pour ne citer que les deux exemples les plus récents -, l'exigence de transparence et de clarté est à la fois forte et légitime.
Il devrait en être de même pour les jetons de présence, que les administrateurs sont amenés à se voter à eux-mêmes - le rapport Bouton me semble avoir abordé cette question.
J'aurais souhaité formuler d'autres remarques, notamment en ce qui concerne les assemblées générales, mais le temps de parole qui m'était imparti est épuisé. J'y reviendrai. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Serge Dassault.
M. Serge Dassault. Permettez-moi de vous féliciter, monsieur le ministre, et de vous apporter mon soutien sur ce projet de loi pour la confiance et la modernisation de l'économie.
Je vous ferai cependant remarquer que ces mesures d'ordre administratif et financier devraient être complétées par des mesures d'un ordre différent, mais tout aussi important, qui touche aux relations humaines et sociales dans l'entreprise.
Il s'agit là de mettre en oeuvre dans l'entreprise tout ce qui peut contribuer à instaurer un bon climat social, à générer le consensus et à accroître la motivation de tous les salariés.
Ces mesures, d'ordre psychologique plus que réglementaire, n'en sont pas moins fondamentales pour favoriser le développement des entreprises et de l'emploi. Elles complètent les dispositions relatives à la participation financière et sur lesquelles je présenterai quelques amendements.
En effet, une entreprise ne peut être prospère que dans un climat social apaisé, permettant à chacun de faire le maximum pour fabriquer de bons produits dans des conditions minimales de coût. Il faut l'adhésion de tous les salariés, qui ne pourra être recueillie que si ceux-ci sont motivés et si sont évités les conflits sociaux qui désagrègent et condamnent l'entreprise.
Il faut donc changer d'état d'esprit.
Cet état d'esprit, que j'appelle « gestion participative », doit impérativement compléter la participation financière, qu'il faut développer mais qui n'est pas suffisante pour motiver les salariés.
Cette opération est d'autant plus difficile à réaliser qu'elle suppose un changement de mentalité et ne peut se faire par le biais d'une loi. Elle est toutefois indispensable pour l'avenir de l'économie, le développement de l'emploi et la satisfaction des salariés, sans conflit.
C'est pourquoi je propose un véritable accompagnement psychologique de la participation financière, sans lequel elle ne produit pas son plein effet.
Il faut d'abord proposer une véritable formation économique à l'ensemble du personnel, afin qu'il comprenne le fonctionnement réel d'une entreprise, dont l'image est trop souvent faussée par une présentation idéologique totalement inadaptée. En particulier, il faut rappeler que le véritable patron d'une entreprise, ce n'est ni les actionnaires, ni le président, ni les salariés, encore moins les syndicats, mais c'est tout simplement les clients, qui sont totalement ignorés de la stratégie économique et sociale.
Car sans client, pas de commande, donc pas d'emplois. Et sans produits de bonne qualité et sans prix compétitifs, pas de client.
Une entreprise n'est pas une machine à embaucher des salariés pour les payer le plus possible tout en les faisant travailler le moins possible. Ce serait le plus sûr moyen de perdre des marchés et d'envoyer tous les salariés au chômage. Chacun dans l'entreprise doit bien comprendre de quoi il s'agit. Il faut tenir compte de la concurrence internationale, et non de ce qui fait plaisir ou d'acquis sociaux qu'il n'est plus possible de satisfaire.
L'entreprise n'est pas non plus une machine à réaliser des profits coûte que coûte. Ce serait le meilleur moyen de ne pas investir, de ne pas moderniser l'outil de travail, de ne pas concevoir de nouveaux produits et de condamner l'entreprise à la faillite.
L'entreprise est donc une machine fragile où chacun doit trouver sa place sans oublier l'essentiel : trouver des clients.
La formation économique permet d'en mieux comprendre le fonctionnement. C'est pourquoi elle devrait être rendue obligatoire dans toutes les entreprises.
Cependant, pour que les salariés soient motivés, encore faut-il satisfaire leurs besoins fondamentaux qui sont le besoin de savoir, de pouvoir, d'être et d'avoir.
Le besoin de savoir sera satisfait par la communication, sous toutes ses formes, sur tout ce qui se passe dans l'entreprise, bon ou mauvais, qu'il s'agisse de la situation financière, commerciale, technique, industrielle, ou des clients. Les salariés doivent tout savoir de ce qui se passe dans l'entreprise, y compris le pourquoi des décisions prises. Des réunions d'information à tous les niveaux seraient très utiles, notamment avec l'ensemble du personnel et devraient donc, elles aussi, être rendues obligatoires.
Le besoin de pouvoir est satisfait par la délégation de responsabilités, par la décentralisation, par la fixation précise des missions. Les entreprises à structure pyramidale n'obtiennent jamais de bons résultats.
Le besoin d'être est satisfait par la considération portée à chacun, la reconnaissance des compétences, l'analyse des problèmes personnels et l'aide apportée face à ceux-ci. Chacun a besoin de considération, quel que soit le niveau où il est employé. Tout élu le vérifie dans la vie locale. Il en va de même dans les entreprises. Dire bonjour, féliciter, c'est un élément fondamental des relations sociales, dans tous les domaines.
Le besoin d'avoir est satisfait par le salaire et par la participation, qui est traitée dans ce projet de loi mais qui vient en complément de tout ce que je viens de dire. C'est pourquoi tout ce qui pourra être fait pour développer la participation est fondamental mais restera insuffisant, si elle n'est pas accompagnée de la gestion participative, qui devrait être généralisée à toutes les entreprises.
Ce sont les entreprises qui appliquent cette méthode qui ont les meilleurs résultats, dans l'intérêt de tous, salariés et actionnaires, et je l'applique moi-même dans les entreprises depuis plus de trente ans avec succès.
Une large publicité devrait en être faite à l'occasion de ce texte, et c'est pourquoi je suis intervenu en ce sens. Il pourrait être très utile d'en faire état dans l'exposé des motifs de ce projet de loi. Cette question pourrait faire l'objet d'une proposition de loi. (Applaudissements sur les travées de l'UMP. - M. Jean-Jacques Jégou applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq.
Mme Nicole Bricq. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je partage avec M. le rapporteur deux formulations qu'il a employées dans son rapport écrit, selon lesquelles l'intitulé de ce projet de loi « peut sembler très général », tandis que le moment pour présenter le texte est « sans doute en décalage ».
En effet, préparé avant le changement de gouvernement, ce texte disparate provient pour partie d'un découpage de l'action gouvernementale quelque peu hasardeux et ne donne pas de lisibilité à une politique économique au demeurant toujours introuvable après plus trois ans de législature.
Nous avons noté les intentions du nouveau gouvernement de concentrer son action sur l'emploi. Mais quelle est la nouveauté de cette politique ? Les questions non résolues depuis trois ans sont toujours les mêmes : comment créer des emplois avec une croissance en berne ? Comment redonner du tonus à la croissance sans la confiance ? Comment donner de la confiance aux acteurs économiques, ménages et entreprises, sans leur donner un signal fort ?
Sur ce point, notre divergence est totale, monsieur le ministre : lorsque nous disons « pouvoir d'achat et coup de pouce à la demande », vous dites, encore et toujours, « exonérations fiscales et sociales ».
Du côté de l'offre, votre diagnostic n'est pas meilleur. Nous venons d'achever l'examen du projet de loi en faveur des petites et moyennes entreprises et vous vous apprêtez à légiférer par ordonnances. Dans les deux cas, vous axez toute votre politique, par ailleurs contestable, sur les petites entreprises, voire sur les très petites, et, en sandwich entre ces deux textes, si je puis m'exprimer ainsi, vous nous proposez, dans le titre II du présent projet de loi, de légiférer sur la future agence de l'innovation industrielle, destinée à aider à l'émergence de « champions nationaux » ! De surcroît, dans les jours qui viennent, le Gouvernement va statuer sur l'appel à projets qu'il a lancé voilà quelques mois visant à sélectionner des pôles de compétitivité dans les territoires.
Cette méthode, très curieuse, nous amène à nous interroger sur la cohérence de ces dispositifs élaborés au coup par coup alors que nous perdons des parts de marché à la fois par manque d'innovation dans nos produits et nos services et par mauvais positionnement sur les marchés exportateurs.
Il importe de faire le bon diagnostic. Or, selon moi, vous avez tout faux en ce domaine - excusez-moi de vous le dire ! - et, par conséquent, également quant aux mesures que vous proposez.
Notre tissu industriel est, en effet, très déséquilibré : nous avons beaucoup d'entreprises de petite taille qui ont une faible productivité et une faible capacité d'innovation et, par ailleurs, de très grandes entreprises, mais peu d'entreprises de taille moyenne et à forte capacité technologique.
Par conséquent, pour créer des emplois, il conviendrait de donner à ces entreprises intermédiaires les moyens de se développer et d'accompagner leur croissance.
Vous avez longtemps - et vous le faites encore - sous-estimé le problème de l'accélération de la désindustrialisation. Vous n'avez pas vu l'incapacité de la France à se positionner dans la nouvelle division internationale du travail.
Certes, les difficultés ne datent pas de 2002, mais vous les avez exacerbées en sabordant les instruments de la politique industrielle : suppression de fonds pour la technologie, sacrifice de la recherche, gel de la réforme des universités. Vous persévérez dans l'erreur en voulant concurrencer les pays émergents, alors que la concurrence se situe avec les pays du Nord.
Encore une fois, vous ne faites pas le bon diagnostic.
La commission des finances a entrepris, sous l'égide de son président, un important travail d'expertise sur le phénomène des délocalisations, et je ne partage pas du tout le diagnostic qu'elle a rendu.
Loin de moi, cependant, l'idée de nier les délocalisations,...
M. Jean Arthuis. Ah bon !
Mme Nicole Bricq. ...dont les conséquences sociales et territoriales sont redoutables. L'intervention de l'Etat et de la puissance publique est nécessaire, et pour les hommes et pour les territoires. On ne peut s'en remettre au bon vouloir des entreprises et des financeurs, comme on s'apprête, une fois encore, à le faire, à l'article 4 du projet de loi.
En effet, trois ans après sa mise en oeuvre, le dispositif instauré par la loi de modernisation sociale, en faveur duquel je me suis prononcée, alors que je siégeais à l'Assemblée nationale, montre ses limites. Ce sont les collectivités territoriales - je suis bien placée pour en parler, compte tenu des graves difficultés que rencontre le sud de la Seine-et-Marne, où un bassin d'emploi est en train de mourir à petit feu - qui essaient de faire face aux difficultés, et non les entreprises, qui partent s'implanter ailleurs.
Au demeurant, la France est, de par ses spécialisations, sensible à la concurrence des pays à bas coût. Elle est une zone attractive pour les capitaux étrangers.
Je rappelle que 22 % de nos entreprises industrielles dépendent de firmes étrangères. Nous sommes beaucoup plus dépendants que nos voisins européens. Le Royaume-Uni lui-même n'est dépendant qu'à hauteur de 13 %.
Dès lors, la tentation est grande, pour ces firmes étrangères, d'aller vers des pays à encore plus bas coût. Il faut donc « réarmer » la France.
Tel était l'objectif louable du rapport Beffa. En matière d'innovation industrielle, il suggère de concentrer les moyens sur les grandes entreprises à travers des programmes technologiques financés par elles et par l'Etat. C'est une bonne piste, mais ce n'est pas la seule. L'innovation est portée au moins autant par les nouveaux entrants, qui butent vite sur des problèmes de croissance.
Alors qu'il faudrait une entreprise publique de capital-investissement pour les aider à affronter leur croissance, le Gouvernement souhaite créer un EPIC, un établissement public à caractère industriel et commercial, pour piloter les PMII, les programmes mobilisateurs pour l'innovation industrielle.
Si ma lecture du texte est bonne, l'ambition de départ s'est rétrécie comme une peau de chagrin : il ne s'agit plus que d'exonérer l'agence des dispositions du titre III de la loi du 26 juillet 1983. Là encore, la méthode est curieuse, car l'agence n'est pas encore créée, et devrait l'être par décret ! C'est un net recul par rapport à l'avant-projet de loi, dans lequel cinq articles étaient consacrés à cette agence.
Vous comprendrez, monsieur le ministre, que nous ne puissions pas donner un blanc-seing au Gouvernement sans connaître l'articulation de cette agence avec les réseaux existants, ni ses modalités d'intervention, non plus que son financement, notamment le montant des concours financiers de l'Etat.
Si mes calculs sont bons, par cohérence avec la stratégie européenne de croissance de Lisbonne, l'effort global serait, en moyenne, de 2 milliards d'euros par an, soit un milliard d'euros à la charge de l'Etat, selon l'ambition initiale de M. Beffa.
Toutefois, le mode de financement n'est toujours pas clair : s'agit-il de réaffecter une part des montants alloués aux dispositifs existants, ce qui serait inacceptable ? S'agit-il de faire bénéficier l'agence, comme cela a pu être écrit et dit, de ressources dégagées par les privatisations ?
M. Gérard Longuet doit le savoir mieux que moi : le sort réservé aux promesses de financement des infrastructures de transport à partir des privatisations d'autoroutes fait l'effet d'une douche froide, car, après avoir laissé espérer à l'agence 12 milliards d'euros, l'Etat ne devrait plus lui laisser qu'un milliard d'euros !
Le mode financement de cette agence est, au départ, contestable ; de plus, ce qui vient de se passer cette semaine nous dissuade de faire confiance au Gouvernement pour l'abonder à partir des recettes de privatisations.
Enfin, les articulations, tant avec l'ANVAR, l'Agence nationale de valorisation de la recherche, qu'avec les pôles de compétitivité, qui devraient être choisis ces jours-ci, ne sont toujours pas démontrées.
Privés de débat et de moyens d'action sur une nouvelle structure qui complexifie encore la lisibilité de l'action publique, nous ne pourrons pas vous donner de chèque en blanc sur ce point. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Guy Branger.
M. Jean-Guy Branger. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon intervention portera exclusivement sur la société européenne.
Il n'est pas dans mes habitudes ni dans ma culture de me livrer à des critiques, mais si je le fais aujourd'hui, c'est que je souhaite vous faire part de quelques réflexions liminaires avant de vous livrer mes observations sur les amendements visant à intégrer la société européenne dans notre édifice législatif.
Tout d'abord, je souhaite assurer M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie de ma confiance la plus totale, et lui rappeler que je ne le tiens absolument pas pour responsable d'un texte qui est curieusement inséré dans son projet de loi pour la confiance et la modernisation de l'économie.
Lorsque j'ai commencé, voilà près de deux ans, des travaux de réflexion sur la société européenne, entouré d'un groupe de travail réunissant des entrepreneurs, des universitaires et des juristes éminents, je n'imaginais pas la hauteur de la montagne à franchir, de la part d'un simple parlementaire, pour aboutir au dépôt d'une proposition de loi avec mon collègue et ami M. Jean-Jacques Hyest, ni pour, ensuite, nouer des contacts avec les services de différents ministères sur le sujet. Et tout cela pour aboutir à un texte qui, certes, témoigne de certains efforts pour fédérer les participants, mais demeure très imparfait et qui nous est présenté dans l'urgence, au sein d'une immense loi pour la confiance et la modernisation de l'économie !
Tout au long de ces deux années, nous avons organisé des colloques, des conférences de presse ; des numéros spéciaux de revues juridiques de grande renommée ont été publiés sur nos travaux. M. Jean-Jacques Hyest et moi-même avons déposé une proposition de loi sur le sujet, en janvier 2004. Nous en avons déposé une seconde en juillet 2004, visant à adapter légèrement notre droit des sociétés en vue de la mise en place de la société européenne.
Le 13 avril 2004, à l'occasion d'une question orale au gouvernement sur ce sujet, je m'étais inquiété de l'absence de réaction et d'action du gouvernement alors qu'approchait la date butoir, fixée au 8 octobre 2004, pour l'application dans notre droit du règlement et pour la transposition de la directive sur la société européenne.
Je suis aujourd'hui au regret de constater que mes craintes étaient fondées puisque j'avais dit à cette occasion : « nous prenons du retard ! Il ne faudrait pas qu'une directive et un règlement de cette importance ne viennent devant nous dans une ordonnance, au milieu de dizaines d'autres, comme cela se fait trop souvent ! Quand cela arrive, on ne peut pas en discuter...».
Nous y voilà ! Je crains aujourd'hui, mes chers collègues, que l'on ne nous demande de nous prononcer dans l'urgence sur une question particulièrement complexe de notre droit des sociétés, qui met en jeu notre compétitivité et l'attractivité de notre système juridique au sein de l'Union européenne. Pour autant, on ne nous fournit ni un texte irréprochable, ni les éléments d'information et de réflexion, ni le temps nous permettant de prendre une décision totalement éclairée.
Quand il en est ainsi, ne vaudrait-il pas mieux considérer qu'il serait plus sage, pour la sécurité juridique ultérieure des montages qui engageront les entreprises qui choisiront ce statut commercial, de reporter l'examen d'une telle question à une autre date, fût-t-elle proche, afin de nous permettre d'y consacrer toute l'attention qu'elle mérite ? On ne doit pas faire n'importe quoi pour rattraper un retard, au Parlement comme sur la route !
Je ne puis que regretter infiniment, pour notre démocratie, et pour ce que ce mot représente à nos yeux, mes chers collègues, quelles que soient nos opinions et nos appartenances, que si, conformément à la Constitution, le Parlement vote bien la loi, il en soit malheureusement bien peu souvent à l'origine.
Si le parlementaire a également vocation à être à l'initiative de la loi, ce n'est pas uniquement parce que l'article 39 de la Constitution l'y autorise. Il faut savoir accorder de la valeur et donner du sens aux vieux principes qui régissent notre démocratie ! Le parlementaire peut et doit aussi être à l'initiative de la loi parce que le temps ne lui est pas compté et qu'il peut ne pas travailler dans l'urgence.
Le parlementaire peut en effet s'accorder le temps d'étudier un sujet à fond. Il peut s'entourer des meilleurs spécialistes d'une question, organiser des colloques, confronter les opinions des universitaires, voire des chercheurs ou des entrepreneurs étrangers travaillant dans leur propre pays sur le même sujet. C'est ce que j'ai fait !
Mme Nicole Bricq. Bravo !
M. Jean-Guy Branger. Bref, le parlementaire voit les choses de plus haut que l'administration dans les cabinets ministériels, à qui on demande bien souvent de travailler à partir d'éléments parcellaires qui leur sont distribués comme les pièces d'un puzzle, sans l'image à laquelle ils doivent parvenir. Or, quand on n'a pas cette image sous les yeux, le résultat du puzzle est bien souvent boiteux, quels que soient les efforts fournis.
Le parlementaire peut et doit apporter sa pierre à l'édifice législatif autrement qu'en se comportant en chambre d'enregistrement de décisions prises sans lui, quand on lui octroie charitablement la possibilité d'effectuer quelques aménagements, qui, souvent, ne feront qu'alourdir un plat déjà particulièrement indigeste.
Mes chers collègues, si nous voyons si souvent revenir vers nous des questions que nous avions pourtant l'impression d'avoir déjà traitées, ce n'est pas toujours parce que la situation a évolué et qu'il nous faut adapter notre législation. C'est très souvent parce que nous devons combler une lacune, rectifier une erreur, la pratique ne se satisfaisant pas des édifices que nous avons votés.
Nous ne cessons de dire que nous légiférons trop. Mes chers collègues, si nous légiférions mieux, nous ne serions peut-être pas si souvent obligés de remettre notre ouvrage sur le métier ! (Mme Nicole Bricq s'exclame.)
Mme Hélène Luc. C'est vrai ! Il faut faire de bonnes lois !
M. François Marc. Il faut changer de gouvernement !
M. Jean-Guy Branger. Monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens à vous dire ceci : les parlementaires, élus du peuple, siègent au sein des deux assemblées pour porter la voix de celui-ci et pour ne pas le laisser dans l'ignorance. Si nous-mêmes, nous ne savons pas nous engager et être à la hauteur du mandat que nous a confié le peuple, il ne faut pas nous étonner ensuite que celui-ci nous sanctionne régulièrement lors des élections,...
Mme Nicole Bricq. Cela va venir !
M. Jean-Guy Branger. ... tous partis et tous gouvernements confondus. Le peuple ne doit pas être ignoré. Le peuple apprend, comprend, pour autant qu'on lui en donne les moyens. Il en est de même s'agissant des élus.
Limiter la vocation du Parlement à être, à parité avec le Gouvernement, à l'initiative de la loi, c'est ne pas honorer la voix du peuple qui nous a confié nos mandats. Et l'on voit, depuis désormais de trop nombreuses années, à quels errements électoraux cela conduit notre pays !
Mme Hélène Luc. Voilà ! Il faut en tirer les leçons absolument !
M. Jean-Guy Branger. La crise économique n'explique pas tout. Elle a bon dos, comme Bruxelles quand il s'agissait de faire passer une pilule un peu amère !
Mme Nicole Bricq. C'est vrai !
M. Jean-Guy Branger. Les conséquences d'une telle vision finissent par se payer cher. Nos institutions aussi peuvent être en crise, quand on ne met pas en oeuvre tous les principes qui les régissent.
M. Roger Karoutchi. Un peu de modération ne nuirait pas !
M. Jean-Guy Branger. Je suis parlementaire depuis bientôt trente ans : combien de fois ai-je vu des directives européennes être soumises à nos deux assemblées, en vue de leur transposition, par séries de cinq, de dix, de vingt, parfois plus, au motif que Bruxelles allait sanctionner la France !
M. Roger Karoutchi. Eh oui !
M. Jean-Guy Branger. On nous disait : « Nous sommes en retard, nous sommes pressés, surtout, pas de vagues ! Or le Parlement aurait dû en parler davantage et les médias auraient dû relayer nos débats. Le peuple aurait peut-être alors été mieux et plus sensibilisé à la question européenne et nous n'aurions pas eu 55 % de non au référendum. (M. Jean-Jacques Jégou applaudit.)
M. Roger Karoutchi. Ah ça !
M. Jean-Guy Branger. Voilà pourquoi je tiens à m'exprimer d'une manière claire.
J'en viens à la société européenne, qui arrive à vous, mes chers collègues, après des méandres et des sentiers qu'elle ne méritait pas.
Lors du Conseil européen de Nice, en décembre 2000, les Etats membres de l'Union ont enfin décidé, après quelque trente années d'atermoiements, le principe de la création d'un statut de société européenne afin de renforcer l'efficacité et l'attractivité économique et juridique du marché intérieur.
Par cette nouvelle forme de société commerciale, il s'agit de créer un instrument juridique unique, quasi identique dans chaque Etat membre, destiné à permettre aux entreprises d'étendre facilement leurs activités économiques à l'échelon communautaire.
La société européenne est régie, sur le plan communautaire, par un règlement et une directive, qui doivent s'appliquer de façon concomitante. Le règlement traite plus particulièrement des aspects statutaires, alors que la directive complète ces statuts en ce qui concerne l'implication des travailleurs.
C'est en effet là que réside l'une des particularités essentielles de ce nouvel instrument juridique : la société européenne ne peut être constituée que si les modalités d'implication des travailleurs au sein de cette nouvelle entité juridique ont été préalablement déterminées. C'est également là qu'a résidé le principal point d'achoppement de ce projet durant ses longues années de gestation : les modes de participation étaient si diversifiés au sein des différents Etats membres et les habitudes si solidement ancrées qu'il a été particulièrement difficile de parvenir à un point d'équilibre. Lorsque ce point d'équilibre a été trouvé à l'échelon communautaire, le problème s'est posé de la même manière à l'échelon national, et c'est ainsi que la société européenne a longtemps pâti de l'incapacité des différentes organisations à envisager une réforme des systèmes nationaux. Ces organisations ont exercé de très fortes pressions - c'est toujours le cas - afin que l'implication des travailleurs soit minimisée. Cela n'est pas acceptable. C'est pourquoi M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois, et moi-même nous sommes battus pour qu'il soit définitivement établi, ainsi que cela vous est présenté dans les amendements que nous vous soumettrons, que le règlement et la directive ne peuvent être dissociés.
Pour autant, la tâche n'était pas simple. Vous ne l'ignorez pas, si la directive se transpose, c'est-à-dire qu'elle laisse au législateur une certaine latitude pour aménager son droit national, le règlement, lui, ne se transpose pas, il a primauté et effet direct, ainsi que cela est reconnu par une jurisprudence constante de l'ensemble de nos juridictions. Pourtant, ce règlement présentait la particularité d'offrir des options aux différents Etats membres : la possibilité de faire telle ou telle chose, ou encore telle autre chose. Les rédacteurs du règlement avaient bien compris qu'un consensus strict serait difficile à obtenir, ils avaient laissé une marge de manoeuvre étroite aux législateurs nationaux.
Les amendements qui vous seront soumis au cours du débat ne sont pas parfaits. Ils ont le mérite de susciter votre réflexion. Toutefois, je le répète, il me paraîtrait plus sage de reporter notre décision à une date où toutes les lacunes auront été comblées et où chacun pourra prendre une décision en connaissance de cause.
Pour quelle raison des textes nous sont-ils soumis alors qu'ils sont imparfaits et pourquoi les amendements sur ces textes ne sont-ils pas de nature à régler tous les problèmes ? Compte tenu de la déclaration d'urgence, ce projet de société européenne a été introduit dans cette loi pour la confiance et la modernisation de l'économie le mercredi 29 juin dernier. Le texte a ensuite été inscrit à l'ordre du jour de notre assemblée lors de la conférence des présidents du jeudi 30 juin et la date de son examen a été rendue publique le vendredi 1er juillet au matin. Sachant que nous sommes aujourd'hui le 4 juillet, je vous laisse imaginer les efforts qui ont été nécessaires pour rassembler des énergies et des compétences en ce premier week-end du mois de juillet !
M. Philippe Marini, rapporteur. Cela prouve que le train de sénateur n'est plus ce qu'il était ! (Sourires.)
M. Jean-Guy Branger. J'ajoute, dans la logique de mon propos liminaire, que si certaines institutions ou certains cénacles parisiens étaient en possession du contenu du texte depuis plusieurs mois, celui-ci, en particulier les orientations du gouvernement concernant la directive, n'a jamais été communiqué aux simples parlementaires que nous sommes, alors que nous ne cessions de le réclamer. (Mme Nicole Bricq s'exclame.) Vous conviendrez qu'il est difficile, dans de telles conditions, de préparer un travail législatif de qualité.
Toutefois, si M. le ministre, M. le rapporteur de la commission des finances et M. le président de la commission des lois maintenaient leur décision d'examiner les amendements sur la société européenne, ce dont je ne doute pas, il serait nécessaire de modifier ces amendements sur certains points.
Les amendement sur les statuts de la société européenne, le premier ayant été déposé par M. Marini - à qui je tiens d'ailleurs à dire que j'apprécie son travail et que j'ai pour lui beaucoup de considération -,...
M. Philippe Marini, rapporteur. Je vous en remercie.
M. Jean-Guy Branger. ...le second l'ayant été par Jean-Jacques Hyest et Bernard Saugey, témoignent d'un louable effort de rapprochement entre deux visions qui, au départ, étaient éloignées s'agissant du règlement et de la directive. L'indispensable amendement sur la transposition de la directive complète l'édifice. Je vous soumettrai toutefois un certain nombre de sous-amendements visant à tenter d'en corriger les imperfections les plus manifestes, qui mettraient notre loi en contravention avec la législation communautaire, ce qui obligerait nos propres juridictions, ou les juridictions européennes, par le biais de questions préjudicielles, à nous sanctionner.
Mon intervention, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, se veut plus pédagogique qu'agressive. (Exclamations.)
Mme Nicole Bricq. Nous vous avons écouté !
M. Jean-Jacques Jégou. C'est gagné !
M. Jean-Guy Branger. Comme le savent M. le ministre et M. le rapporteur, le règlement est déjà entré en application dans d'autres pays de l'Union européenne, qui ont également déjà transposé la directive dans leur droit national. Certaines de leurs entreprises se sont déjà implantées dans d'autres pays.
Mme Nicole Bricq. Effectivement !
M. Jean-Guy Branger. Nous avons donc du retard.
Je considère que ce texte relatif à la transposition aurait dû faire l'objet d'un débat spécifique. Tel est mon opinion à l'issue de deux années de travail.
Je veux aussi, mes chers collègues, faire part en cet instant de ma reconnaissance à l'égard de l'équipe d'éminents juristes, de spécialistes du domaine social, d'économistes, d'entrepreneurs qui m'a entouré. Je rends hommage au travail qu'ils ont effectué à mes côtés, ainsi qu'à celui de M. Jean-Jacques Hyest.
Je tenais à formuler ces remarques sans agressivité, je le répète, et plutôt sous un angle pédagogique. Je souhaite que la voix que j'essaie de faire entendre soit dorénavant partagée afin que notre travail parlementaire soit plus efficient. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
Mme Nicole Bricq. Très bien !
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
La parole est à M. le ministre.
M. Thierry Breton, ministre. Après cette riche discussion générale, je serai bref.
Je veux tout d'abord remercier la Haute Assemblée pour la richesse et la qualité des travaux liminaires. Mes remerciements vont à la commission des finances, à son président et à M. le rapporteur général, ainsi qu'à la commission des lois et à la commission des affaires sociales, dont j'ai particulièrement apprécié la contribution en ce qui concerne tant la qualité juridique des interventions que la mise en perspective nécessaire des réformes ultérieures de la participation et de l'intéressement.
Je remarque avec intérêt que ce projet de loi cumule tout à la fois la critique de ne pas être ambitieux et des remarques, venant de toutes parts, relatives à son contenu.
Ayant écouté très attentivement les interventions des différents orateurs, je me sens rassuré sur le contenu de ce texte. Il est certes divers mais il est également riche, concret et précis.
Je voudrais répondre à trois critiques qui ont été formulées.
En premier lieu, s'agissant du prétendu manque d'ambition du projet de loi, j'avoue mon étonnement. M. le rapporteur général l'a très bien dit : ce texte est technique mais le cumul de ses mesures techniques, leur cohérence, leur mise en perspective dans une action non seulement normative mais aussi budgétaire et administrative continue du Gouvernement traduisent une ambition et une politique publique en faveur du développement et de la croissance des entreprises.
Réformer les conditions d'appel public à l'épargne, créer l'Agence de l'innovation industrielle et la doter, dès sa première année d'un milliard d'euros, comme cela a été rappelé, créer dans le même temps l'établissement public OSEO, qui réunit l'ANVAR et la BDPME afin de doubler leurs moyens d'intervention en faveur de l'innovation d'ici à 2007, est-ce manquer d'ambition pour le financement du développement de nos entreprises ?
En deuxième lieu, un manque d'équilibre entre les responsabilités respectives des mandataires sociaux, des administrateurs, des organismes sociaux des entreprises serait la marque infamante de ce texte. Là encore, passons de la polémique aux faits : mesdames, messieurs les sénateurs, je suis le premier ministre de l'économie et des finances qui vous propose de légiférer sur les conditions de fixation des rémunérations des hauts dirigeants des entreprises, avec le souci de la transparence, de la sécurité juridique mais aussi de l'équilibre. Je suis fier, en tant que ministre, de porter devant vous cette première réforme relative à la manière dont sont fixées, sous le contrôle des actionnaires, les rémunérations différées des dirigeants.
MM. Jean Arthuis et Jean-Guy Branger. Très bien !
M. Thierry Breton, ministre. Ce souci de transparence et de responsabilité est du reste une constante de ce texte, notamment s'agissant du fonctionnement des conseils d'administration et des règles relatives à la publication par toutes les personnes concernées d'informations financières.
En troisième lieu, d'aucuns ont soutenu que le message économique de ce texte n'est pas suffisamment clair. Je ne partage pas du tout ce point de vue. Les mesures relatives à la mobilisation de l'intéressement et à son déblocage constituent une invitation au soutien de la consommation et - il faut être sérieux ! - certainement pas un découragement à l'investissement en fonds propres des entreprises (Mme Nicole Bricq s'exclame.)
M. Jean-Jacques Jégou. Cela reste à démontrer !
M. Thierry Breton, ministre. C'est ainsi que j'ai introduit dans ce projet de loi un titre Ier qui comporte des mesures fiscales novatrices pour améliorer les conditions dans lesquelles les entreprises peuvent lever des fonds propres. Ces derniers doivent aider à l'effort d'innovation des entreprises, que les mesures que j'ai présentées peu après mon arrivée à Bercy ont pour objet de stimuler.
En conclusion, je voudrais que l'on voie dans ce projet de loi un texte de mobilisation. Soyons confiants et optimistes. Au demeurant, les chiffres récents sur l'attractivité du territoire ne sont pas aussi pessimistes qu'on veut bien le dire, y compris sur ces travées, mesdames, messieurs les sénateurs. Les investissements étrangers ont permis la création de 33 000 emplois en 2004 et représentent 3 % du PIB en France, contre à peine plus de 2 % au Royaume-Uni et 1 % en Allemagne.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je suis intimement convaincu que les entreprises françaises ont beaucoup de dynamisme. Nous avons la chance d'avoir un nombre important d'entrepreneurs, mais, comme je l'ai dit, il est urgent de leur donner les moyens d'augmenter leurs fonds propres. Comme je l'ai indiqué tout à l'heure, un chiffre m'a beaucoup choqué : la levée de capitaux pour les petites entreprises a représenté plus de 6 milliards d'euros sur le marché britannique, contre 140 millions d'euros en France. Quand on a dit cela, on a tout dit !
M. Jean Bizet. C'est clair !
Mme Nicole Bricq. C'est un problème de marché !
M. Thierry Breton, ministre. En France, 110 000 PME exportent. C'est formidable mais c'est insuffisant. En Allemagne, on en dénombre 350 000. Savez-vous pourquoi, mesdames, messieurs les sénateurs ? Parce que 90 % de nos PME ont moins de neuf salariés. Il faut donc les aider à grandir.
M. Robert Del Picchia. Absolument !
M. Thierry Breton, ministre. C'est l'une des vocations de ce texte. Il s'agit, comme l'ont fort bien dit nombre d'entre vous, et je les en remercie, de permettre à nos entreprises d'avoir accès aux marchés financiers parce que ces derniers servent à augmenter les fonds propres des entreprises pour leur donner les moyens de se développer. C'est fondamentalement ce à quoi ce texte va s'attacher. Favoriser une plus grande fluidité des marchés financiers, notamment vers les petites et moyennes entreprises, une plus grande transparence dans la gouvernance des entreprises et des capacités plus importantes pour permettre à la recherche et à l'innovation de se développer, conformément aux objectifs de Lisbonne : tels sont les trois objectifs qu'il faut rappeler.
Je voudrais remercier M. Karoutchi pour son soutien. Il a parfaitement dressé les objectifs du projet de loi qui vous est soumis.
J'ai bien entendu l'appel de M de Montesquiou, en ce qui concerne l'attention continue qui doit être portée à l'attractivité.
MM. Jégou et Buffet ont évoqué l'hypothèque. Je souhaite les convaincre que l'intérêt de cette réforme justifie la méthode que je souhaite participative, j'insiste sur ce point. Le viager hypothécaire revêt un véritable intérêt pour nos concitoyens les plus âgés. Nous aurons l'occasion d'en reparler.
Mme Bricq et MM Marc et Yung ont souhaité une réglementation plus importante. Je leur rappelle simplement que la loi NRE a constitué un progrès. Et si ma mémoire est bonne, ils ont participé activement à son élaboration. Or les mesures qu'ils préconisent aujourd'hui n'ont pas alors été retenues. En matière de sécurité juridique, cette loi existe, il faut l'appliquer et ne pas légiférer tous les deux ans.
Je veux remercier Mme Debré et M. Dassault pour les pistes qu'ils ont tracées et pour leurs remarques sur la participation. Il ne s'agissait pas ici d'avoir un grand débat sur ce thème. Il s'agissait, pour le Gouvernement, de réfléchir à l'opportunité d'un débat. Celui-ci viendra en son temps, comme l'a rappelé le Premier ministre. C'est un point important, car la participation doit être repensée à l'aune d'un actionnariat salarié de plus en plus important. Cette réflexion de base doit effectivement être menée, mais, vous l'avez compris, tel n'est pas l'objet du présent projet de loi.
Enfin, monsieur Branger, soyez-en sûr, je saurai mettre à profit votre intervention et vos trente ans d'expérience parlementaire. L'intérêt que vous manifestez à l'égard de la société européenne servira à nourrir un débat de qualité.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je me réjouis du travail en commun que nous allons effectuer au cours des prochaines heures. Je souhaite que nous arrivions à améliorer le texte et à mobiliser ensemble les forces vives de la nation dans l'intérêt de notre économie. (Applaudissements sur les travées de l'UMP. - M. Jean Arthuis applaudit également.)
Question préalable
M. le président. Je suis saisi, par M. Vera, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, d'une motion n° 134, tendant à opposer la question préalable.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l'article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, pour la confiance et la modernisation de l'économie (n° 433, 2004-2005).
Je rappelle que, en application de l'article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n'excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à M. Bernard Vera, auteur de la motion.
M. Bernard Vera. « La France vit au dessus de ses moyens », c'est ainsi que vous avez résumé, monsieur le ministre, la situation économique que nous connaissons et qui se traduit notamment par une aggravation du déficit budgétaire, une croissance en panne, un alourdissement de la dette publique et par la persistance d'un taux de chômage particulièrement élevé, touchant de manière sensible les jeunes, les femmes et les salariés les plus âgés.
La situation est donc bien différente du constat que vous dressez. Nous sommes plutôt confrontés à une dégradation sensible du pouvoir d'achat des salariés, sous les effets tant de la hausse continue du niveau des loyers que de la progression de la facture énergétique.
Emploi, pouvoir d'achat, hausse des prix sont aujourd'hui au coeur des préoccupations des salariés et de l'immense majorité des Françaises et des Français.
Quelles réponses apporte ce gouvernement à ces interrogations, à ces aspirations ? Un ensemble de textes qui, pris dans leur cohérence, prévoient un vaste remodelage de la société, au moment même où la population de notre pays a pourtant clairement manifesté son rejet profond et croissant des politiques libérales, en France et en Europe.
Le projet de loi que nous examinons complète la désastreuse proposition de loi sur l'organisation du temps de travail, qui a conduit à la remise en cause de la réduction du temps de travail, le projet de loi de sauvegarde des entreprises, le projet de loi en faveur des petites et moyennes entreprises et le projet de loi relatif au développement des services à la personne.
En fait, ce faisceau de textes, adoptés ou en voie d'adoption, favorise le développement de l'emploi précaire, l'aggravation des conditions de travail des salariés, alors que, dans le même temps, se développe le plus grand laxisme s'agissant de la défense des intérêts financiers des entreprises.
Ce projet de loi n'échappe pas à la règle. Quelles solutions prévoit-il en termes de pouvoir d'achat ? Il prévoit deux types de solution : soit le déblocage anticipé de la réserve spéciale de participation, dont la plupart des salariés n'ont que faire puisqu'ils sont employés dans des entreprises sans système d'intéressement constitué ; soit la transparence sur les éléments de rémunération consentis aux cadres dirigeants d'entreprises plus importantes, transparence consistant en fait à valider par la voie législative des pratiques qui choquent légitimement la grande majorité des salariés.
Ce sont les plans de stock-options, les avantages en nature, les retraites dorées prévues par avance, les remises consenties sur l'acquisition des titres de l'entreprise, sans oublier la distribution des jetons de présence.
Ce sont en fait tous ces éléments de rémunération accessoires que vous allez, sous le prétexte de la transparence, mettre encore mieux en évidence et qui provoquent aujourd'hui le rejet par nos compatriotes de cette économie libérale au sein de laquelle le travailleur est devenu objet et instrument, au même titre que les marchandises.
Comment ne pas rappeler ici la colère des salariés de Carrefour apprenant que leur P-DG, pourtant remercié pour insuffisance de résultats, allait percevoir une retraite de près de 30 millions d'euros, alors qu'ils se mobilisaient pour que leurs tickets restaurant soient portés à 8 euros par jour ?
Comment ne pas souligner encore que le salaire des P-DG des grandes entreprises du CAC 40 a connu, ces dernières années, une majoration exceptionnelle, due notamment à la généralisation et à l'inflation des éléments accessoires de rémunération, et ce parfois sans commune mesure avec la réalité de la situation économique des entreprises concernées ?
Tel groupe, qui connaissait des difficultés comptables ou qui était en déficit, ne s'est pourtant pas privé de majorer la rémunération de son P-DG, alors qu'un plan d'économies draconiennes affectait les autres dépenses de personnel.
Concernant la vie des entreprises, qu'il s'agisse de leur situation juridique ou de leur accession aux circuits de financement, là encore, la logique libérale prévaut. En réduisant le quorum nécessaire à la validité de la tenue d'un conseil d'administration ou d'une assemblée générale ordinaire d'actionnaires, en autorisant le recours généralisé à la visioconférence, vous rompez l'égalité entre les actionnaires. En effet, quels membres du conseil d'administration, quels actionnaires seront en mesure de faire appel aux technologies nouvelles de transmission des données pour faire acte de présence au sein des instances dirigeantes ou des assemblées statutaires des entreprises ?
Ces dispositions risquent de renforcer le pouvoir du noyau dur des actionnaires, d'ouvrir un contre-feu à toute tentative menée par une association de défense d'actionnaires minoritaires, ou encore d'entraîner la captation des choix de gestion de l'entreprise par les plus « initiés », au détriment de l'information et des pouvoirs des autres.
S'agissant du financement des entreprises, outre la collection désormais traditionnelle de mesures à caractère fiscal visant à faire supporter le risque du créancier par la collectivité publique - exonération des plus-values de cession des fonds communs de placement à risques ou prolongation de la franchise de droits de mutation sur les donations en numéraire -, la grande affaire est le développement d'une sorte de marché boursier du financement des PME.
Les entreprises françaises, malgré quelques mythes tenaces, ne sont pourtant pas dépourvues de capitaux.
Les services de la Banque de France, qui sont parfaitement en mesure de nous fournir des indications à cet égard, grâce à leur connaissance des flux financiers des entreprises, ont montré, dans leurs études, que les entreprises françaises disposent d'une structure de passif où les fonds propres sont sensiblement plus importants que ceux des entreprises de notre principal partenaire économique, l'Allemagne.
De fait, l'amélioration très sensible des marges brutes d'autofinancement des entreprises, du fait des gains de productivité et de l'incitation à la modération salariale, participe de l'approfondissement de ce processus de renforcement des fonds propres. Selon les services de la Banque de France, les entreprises françaises disposent, à définition équivalente, de deux fois plus de fonds propres que leurs homologues germaniques.
Ce qui est en question dans ce débat, monsieur le ministre, c'est bel et bien le partage de la valeur ajoutée créée par le travail et l'utilisation du produit du travail salarié. Devons-nous persévérer dans la confiscation pure et simple du travail salarié au profit des opérations financières les plus scandaleuses ?
Vous ne manquerez sans doute pas de nous parler, cette semaine, de l'aggravation du déficit de l'Etat, de la croissance exponentielle de la dette publique et du coût du service de la dette, mais vous serez sans doute plus discret, monsieur le ministre, sur ces opérations de rachat d'actions, véritable aubaine pour les initiés, et qui représentent le « fin du fin » du gaspillage du travail humain.
Quand le groupe Total-Fina-Elf dépense en quelques années 19 milliards d'euros pour racheter et détruire des titres de son capital, faut-il encore le favoriser ? Ces 19 milliards, issus de la flambée des prix du pétrole - il est probable que ce groupe tirera encore pleinement profit de l'actuelle poussée du prix du baril -, n'auraient-ils pas trouvé meilleur usage en servant à indemniser véritablement les victimes de la marée noire de l'Erika, celles de l'explosion de l'usine AZF de Toulouse, ou encore à maintenir l'activité de l'usine Arkema de Saint-Auban ?
En effet, la confiance dans l'économie, dans ce cas, ce n'est ni plus ni moins que l'amélioration du ratio de rentabilité de l'investissement par l'accroissement potentiel de la valeur du dividende attaché à chaque action.
L'ensemble des dispositions du présent projet de loi pourrait appeler des commentaires analogues. Tout semble en effet prévu dans ce texte pour placer les entreprises sous le contrôle des marchés financiers et pour intégrer encore un peu plus les PME aux stratégies des grands groupes.
Prenons l'exemple des dépenses de recherche.
L'article 5 bis, ajouté lors du débat à l'Assemblée nationale, prévoit ainsi de créer une réduction d'impôt pour les entreprises souscrivant au capital de petites entreprises dites innovantes, c'est-à-dire investies de missions de production de recherche-développement.
Vous favorisez l'externalisation des dépenses de recherche des grands groupes puisqu'il suffira de masquer derrière l'identité de quelques personnes physiques l'implication d'un groupe pour que ce dernier bénéficie au maximum des dispositions concernées. Il s'agit concrètement, dans le cas qui nous préoccupe, de lier recherche-développement et rentabilité immédiate, et de faire supporter le risque du développement technologique par les PME innovantes, à qui l'on aura confié cette mission.
Ce qui est à craindre dans cette opération, c'est que la plupart de nos grands groupes n'organisent le démantèlement de leurs centres de recherche et de leurs bureaux d'études, quand ceux-ci existent encore.
En matière de recherche technologique comme de compétitivité, comment ne pas regretter également que ce texte fasse la part belle à une conception étroitement économique et comptable de la recherche-développement, à visée strictement utilitariste, comme l'illustre le flou entretenu autour de la création de l'Agence pour l'innovation industrielle ?
Là encore, ce qui semble guider la démarche du Gouvernement n'est rien d'autre qu'une socialisation des dépenses de recherche au profit de la privatisation des bénéfices tirés de l'exploitation ultérieure des brevets déposés.
Rien, dans ce texte, ne semble donc devoir répondre réellement aux attentes de nos concitoyens en matière d'emploi, de pouvoir d'achat et de développement économique et social.
Dans ces conditions, vous comprendrez que nous invitions le Sénat à voter cette motion tendant à opposer la question préalable sur ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC. - M. Richard Yung applaudit également.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur. La commission estime que ce texte comporte un grand nombre de dispositions extrêmement utiles et intéressantes, qui doivent permettre aux entreprises d'accéder au financement dont elles ont besoin et qui nous font progresser dans le sens de la confiance et de la transparence.
M. Robert Del Picchia. En effet
M. Philippe Marini, rapporteur. Bien entendu, nous ne pouvons accepter de nous arrêter à ce stade du débat, avant même d'avoir abordé la discussion des articles. Si nous votions cette motion, le débat n'aurait pas lieu et nous serions frustrés des échanges passionnants qui vont avoir lieu dans cet hémicycle.
M. Robert Del Picchia. Ce serait dommage !
M. Philippe Marini, rapporteur. Au demeurant, cher collègue Bernard Vera, j'ai vu que votre groupe avait déposé un grand nombre d'amendements. Il serait dommage que vous ne puissiez pas les défendre, car cela vous manquerait et empêcherait la bonne explicitation de vos idées. (Sourires.) Quant à nous, nous ne pourrions pas vous répondre et le travail parlementaire s'en ressentirait.
Pour l'ensemble de ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur cette motion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. Robert Del Picchia. Très bien !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Thierry Breton, ministre. Monsieur Vera, je me rends compte, après vous avoir écouté avec beaucoup d'attention, que j'ai déjà, dans mon intervention, répondu à vos interrogations, en particulier à la première d'entre elles, sur la nécessité d'aller vite, parce que la situation de nos petites entreprises le demande C'est la raison principale, mais il y en a beaucoup d'autres, pour laquelle le Gouvernement est défavorable à cette motion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur plusieurs travées de l'UMP.)
M. le président. Je mets aux voix la motion n° 134, tendant à opposer la question préalable.
Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n°°194 :
Nombre de votants | 326 |
Nombre de suffrages exprimés | 229 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 115 |
Pour l'adoption | 22 |
Contre | 207 |
Le Sénat n'a pas adopté. (MM. Roger Karoutchi et Jean Bizet applaudissent.)
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quarante-cinq.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante-cinq, est reprise à vingt et une heures quarante-cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi pour la confiance et la modernisation de l'économie.
Nous en sommes parvenus à la discussion des articles.
TITRE IER A
ENCOURAGER LA DÉTENTION DURABLE D'ACTIONS
Article additionnel avant l'article 1er A
M. le président. L'amendement n° 59, présenté par M. Vera, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er A, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Le dernier alinéa de l'article 885 A du code général des impôts est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« Les biens professionnels définis aux articles 885 N à 885 Q sont pris en compte pour l'assiette de l'impôt de solidarité sur la fortune.
« Lorsque le patrimoine comprend des biens professionnels, le plancher à partir duquel le tarif de l'impôt est applicable est porté à 914 694,10 euros. »
II. - Après l'article 885 U du même code, il est inséré un article additionnel ainsi rédigé :
« Art. ... - Les biens professionnels sont inclus dans les bases de l'impôt pour 50 % de leur valeur. Le taux d'intégration varie pour chaque contribuable en fonction de l'évolution du ratio masse salariale/valeur ajoutée des sociétés et entreprises où sont situés les biens professionnels qu'ils possèdent sur la base suivante :
Evolution du ratio masse salariale/valeur ajoutée |
% - Taux d'intégration |
Egale ou supérieure à une évolution de 2 points |
15 |
Egale ou supérieure à une évolution de 1 point |
35 |
Egale à 1 |
50 |
Entre 1 et -1 |
65 |
Entre -1 et -2 |
85 |
Entre -2 et -3 |
100 |
Entre -3 et -4 et au-delà |
125 |
« Un décret d'application visera à prévenir les tentatives d'utiliser ce système de modulation pour essayer de diminuer de façon injustifiée la contribution à l'impôt de solidarité sur la fortune. »
La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud. On pourrait évidemment s'étonner de trouver ici, dans ce chapitre consacré à la détention durable d'actions, un amendement relatif à l'imposition des actifs professionnels au titre de l'impôt de solidarité sur la fortune.
Mais, alors même que ce texte semble avoir pour objet de renforcer la confiance, émoussée par des perspectives de croissance pour le moins incertaines, et de moderniser l'économie, il nous paraît utile de rappeler ici qu'une juste imposition des différentes formes de patrimoine, fondée sur une recherche de l'efficacité économique, est plus que jamais nécessaire.
Quelle idée, pour certains, que nous rappelions que le patrimoine industriel constitue un élément non négligeable de la fortune des plus riches de notre pays ! A écouter les discours plus compatissants les uns que les autres à l'égard des fortunes prétendument surtaxées, on pourrait croire que ces hommes et ces femmes sont de généreux donateurs qui mettent leur fortune à la disposition du pays !
Je ne peux manquer de relever, une fois encore, que la question de l'impôt sur la fortune est encore et toujours soulevée et est au centre des préoccupations de certains.
A l'Assemblée nationale il s'est trouvé, en particulier, un président de commission, par ailleurs très proche du Gouvernement, pour avancer, à l'instar de cent députés de la majorité guidés par le député-maire de Poissy, localité où les salariés de PSA savent ce que signifie au quotidien la fortune, que le budget 2006 devrait être l'occasion pour réduire l'assiette de l'impôt, en excluant de celle-ci l'habitation principale des redevables.
On nous fait larmoyer sur le destin tragique de quelques habitants de l'île de Ré, dont les biens ont, pour des raisons diverses, acquis une valeur importante, en oubliant évidemment qu'une telle mesure intéresse d'abord et avant tout ceux dont l'habitation principale est d'une autre teneur.
Dans l'ombre, si l'on peut dire, le futur retraité de la présidence du MEDEF attend ainsi que la loi l'autorise à défalquer de son patrimoine son château d'Ognon, d'une valeur sans doute autrement plus importante que les maisons rhétaises ou les appartements de quelques centaines de cadres parisiens ayant pris de la valeur sous les effets de la conjoncture du marché immobilier.
Un problème se pose par ailleurs : nous aurons mercredi un débat d'orientation budgétaire au cours duquel l'on va nous expliquer que les marges sont étroites, les possibilités de réduire les impôts limitées, qu'il faut faire une pause sur la baisse de l'impôt sur le revenu et que nous ne pouvons rien faire sur la TVA ou la remise en place de la TIPP flottante, alors que ces impôts frappent lourdement les ménages les plus modestes.
Et, par un coup de baguette magique, on pourrait trouver moyen à réduire l'ISF, comme on a réduit les droits de mutation ! Et on persévère dans l'allégement des droits de donation ou de transmission !
Cette contradiction manifeste met au jour l'hypocrisie du discours officiel : derrière l'engagement dans l'action pour l'emploi, on est de plus en plus généreux avec les plus aisés, et de plus en plus inflexible avec les plus modestes.
Notre proposition est une mesure de justice sociale, dont un volet aménage l'impôt pour les entreprises créatrices d'emplois, impôt qui prend à contre-pied la protection systématique des détenteurs de capitaux.
L'amendement vise à intégrer les biens professionnels à hauteur de 50 % de leur valeur en modulant le taux d'intégration en fonction des choix faits par l'entreprise en matière d'emploi et de salaire.
En résumé, grâce à notre amendement, l'assiette de l'impôt serait élargie lorsque les bénéfices imposés ont pour origine une croissance purement financière, mais allégée quand ces bénéfices sont engendrés par une croissance réelle, riche en emplois qualifiés.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur. Le parti communiste n'a pas changé : il en est resté à la lutte des classes. Et nous avons eu droit à un exposé de son idéologie, que je respecte, mais qui est bien typée dans notre histoire économique et sociale.
Qu'il me soit permis de m'y opposer de la manière la plus formelle. Il ne peut y avoir de richesses réparties dans l'économie que si celle-ci est en mesure de mobiliser les capitaux indispensables à l'investissement et à l'emploi. Ce n'est pas en maltraitant les détenteurs de ces capitaux, ce n'est pas en les traitant de manière vexatoire que l'on parvient à améliorer les conditions de la croissance et de l'activité.
La vision qui est celle du parti communiste est assurément une vision irréelle, une vision du passé, une vision de laquelle il faut se détourner avec force.
Bien entendu, cet amendement mérite un avis résolument défavorable de la part de la commission.
Monsieur le ministre, ce sujet de l'impôt sur le patrimoine devra être traité au fond, car la situation dans laquelle nous nous trouvons n'est absolument pas satisfaisante. Qu'un grand nombre de détenteurs de biens immobiliers qui ne peuvent ni ne veulent les vendre soient pris dans la herse de ce barème et dans des conditions d'une grande insécurité du fait de l'évolution des prix du marché immobilier, cela est absolument inique et ne pourra pas durer dans les conditions actuelles.
De même, le régime des biens professionnels, qui s'arrête comme un couperet au moment du départ du dirigeant, ne pourra pas perdurer, car c'est une situation qui met en péril beaucoup d'entreprises et qui conduit à la délocalisation d'un grand nombre de fortunes.
Dans le même ordre d'idées, le régime du déplafonnement de l'impôt de solidarité sur la fortune cumulé avec le versement d'autres impôts calculés en fonction des revenus du contribuable est un système qui n'est pas tenable. C'est, en effet, un signal extrêmement défavorable à l'égard de tous les investisseurs qui regardent notre pays et qui s'interrogent sur le lieu où ils peuvent réaliser leurs projets d'entreprise.
Sur ces sujets, mes chers collègues, il faudra, enfin, être clairs. Et ce n'est pas par de toutes petites mesures arrachées au terme de longs débats que l'on rétablira la confiance sur une question qui pèse de plus en plus sur le moral des classes moyennes et des classes moyennes supérieures dans notre pays.
Rejetant bien sûr l'amendement du groupe CRC, la commission des finances exprime, monsieur le ministre, le souhait que, enfin, sur ces sujets, de manière claire, de manière lisible, en vue de la loi de finances pour 2006, il se passe quelque chose qui réponde à l'attente que je me suis efforcé d'exprimer. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. Monsieur le rapporteur, vous êtes allé bien au-delà de la réponse à M. Foucaud.
Quel est l'avis du Gouvernement sur cet amendement ?
M. Thierry Breton, ministre. Monsieur Foucaud, en donnant l'occasion à M. le rapporteur de s'exprimer, vous avez peut-être obtenu l'effet inverse de celui que vous recherchiez.
Mme Nicole Bricq. C'est vrai qu'il est intarissable !
M. Thierry Breton, ministre. Le Gouvernement partage l'avis de la commission : ce n'est certainement pas en faisant peser une taxation plus lourde sur les forces vives du pays qu'on arrivera à favoriser l'investissement dans les entreprises et, ainsi, la croissance et l'emploi.
Le Gouvernement est donc bien sûr résolument défavorable à cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud, pour explication de vote.
M. Thierry Foucaud. M. le rapporteur vient de dire que, le moment venu, nous débattrons sur le fond de cet impôt. Nous en prenons acte et nous développerons alors notre analyse, que nous avons esquissée aujourd'hui.
Mais que la majorité sénatoriale, le Gouvernement et le rapporteur général ne comptent pas sur nous pour aider des personnes comme cet ancien patron de Carrefour qui voulait partir à la retraite avec 32 millions d'euros !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 59.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 1er A
I. - La transformation d'un bon ou contrat mentionné au I de l'article 125-0 A du code général des impôts, dont les primes versées sont affectées à l'acquisition de droits qui ne sont pas exprimés en unités de compte visées au deuxième alinéa de l'article L. 131-1 du code des assurances, en un bon ou contrat mentionné au I de l'article 125-0 A du code général des impôts dont une part ou l'intégralité des primes versées sont affectées à l'acquisition de droits exprimés en unités de compte susvisées n'entraîne pas les conséquences fiscales d'un dénouement. Les produits inscrits sur les bons ou contrats, à la date de leur transformation, sont assimilés à des primes versées pour l'application des dispositions des articles L. 136-6, L. 136-7, L. 245-14 et L. 245-15 du code de la sécurité sociale, des articles 15 et 16 de l'ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale ainsi que du 2° de l'article 11 de la loi n° 2004-626 du 30 juin 2004 relative à la solidarité pour l'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées, lorsqu'en application de ces mêmes dispositions ces produits ont été soumis, lors de leur inscription en compte, aux prélèvements et contributions applicables à cette date.
II. - Le titre IV du livre Ier du code des assurances est complété par un chapitre II ainsi rédigé :
« CHAPITRE II
« Art. L. 142-1. - Les entreprises d'assurance sur la vie sont autorisées à contracter, sous la forme de contrats d'assurance de groupe tels que définis à l'article L. 141-1, dans les conditions prévues au présent chapitre, des engagements en cas de vie ou en cas de décès non liés à la cessation d'activité professionnelle, à l'exception d'engagements d'assurance temporaire en cas de décès, qui donnent lieu à la constitution d'une provision destinée à absorber les fluctuations des actifs du contrat et sur laquelle chaque adhérent détient un droit individualisé sous forme de parts.
« Art. L. 142-2. - Nonobstant les dispositions du code de commerce relatives aux comptes sociaux, l'entreprise d'assurance établit, pour chaque contrat, une comptabilité auxiliaire d'affectation.
« Art. L. 142-3. - En cas d'insuffisance de représentation des engagements d'un contrat, l'entreprise d'assurance parfait cette représentation par apport d'actifs représentatifs de ses réserves ou de ses provisions autres que ceux représentatifs de ses engagements réglementés. Lorsque le niveau de la représentation de ses engagements relatifs à ce contrat le permet, l'entreprise d'assurance réaffecte des actifs du contrat à la représentation d'autres réserves ou provisions.
« Art. L. 142-4. - Un décret en Conseil d'Etat précise les règles techniques ainsi que les conditions d'application du présent chapitre, notamment les cas où, nonobstant l'article L. 132-23, les contrats sont ou non rachetables ou transférables. »
III. - Le chapitre unique du titre IV du livre Ier du même code devient le chapitre Ier, et les articles L. 140-1 à L. 140-6 du même code deviennent les articles L. 141-1 à L. 141-6.
IV. - Les contrats mentionnés à l'article L. 142-1 du même code sont soumis au même régime que les contrats en unités de compte pour l'application des dispositions de l'article 125-0 A du code général des impôts, des articles L. 136-6, L. 136-7, L. 245-14 et L. 245-15 du code de la sécurité sociale, des articles 15 et 16 de l'ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale ainsi que du 2° de l'article 11 de la loi n° 2004-626 du 30 juin 2004 relative à la solidarité pour l'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées.
M. le président. L'amendement n° 132 rectifié, présenté par M. Mercier et les membres du groupe Union centriste-UDF, est ainsi libellé :
Dans la première phrase du I de cet article, après les mots :
de l'article L. 131-1 du code des assurances
insérer les mots :
et au deuxième alinéa de l'article L. 223-2 du code de la mutualité
La parole est à M. Jean-Jacques Jégou.
M. Jean-Jacques Jégou. Le I de l'article 1er A précise les conditions d'application de l'article 125-0A du code général des impôts, relatif à l'imposition des plus-values générées par un contrat d'assurance vie.
Le fait générateur de l'imposition est constitué par le dénouement du contrat.
Ce texte prévoit que la transformation d'un contrat d'assurance vie libellé en euros en contrat d'assurance vie libellé en unités de compte n'entraîne pas une novation constitutive d'un dénouement du contrat, générateur d'une imposition.
Une telle mesure serait satisfaisante si elle ne réservait pas cet avantage aux seuls contrats visés par le code des assurances, créant ainsi une distorsion de concurrence au profit des organismes régis par le code des assurances.
Compte tenu du contexte d'alignement de la fiscalité applicable aux différents organismes assureurs, il nous apparaît indispensable que le I de l'article 1er A soit modifié ainsi que le prévoit cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur. Dès lors que les activités conduites sont identiques, qu'il s'agisse de compagnies d'assurance sous forme classique ou de mutuelles, les règles doivent être les mêmes.
L'inspiration de cet amendement nous semble donc bonne et nous voudrions, monsieur le ministre, que vous puissiez nous confirmer de façon claire que les bonnes dispositions proposées ici et qui visent à permettre la transformation des contrats en euros en contrats en unités de compte s'appliquent bien à l'identique, avec les mêmes caractéristiques fiscales, aux mutuelles et aux compagnies d'assurance.
Si vous pouviez nous donner cette assurance, monsieur le ministre, je pense que l'amendement de M. Jégou serait satisfait.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Thierry Breton, ministre. Je partage tout à fait, monsieur Jégou, votre souci d'éviter l'apparition de toute distorsion de concurrence entre les différents organismes assureurs.
Cela étant, le champ d'application de la mesure en question n'est bien entendu pas limité aux seuls contrats d'assurance vie visés par le code des assurances : sont également concernés l'ensemble des contrats d'assurance vie gérés par les mutuelles. Le visa du code de la mutualité n'apparaît pas techniquement nécessaire ; celui du code général des impôts est suffisant.
Ces éléments me semblent de nature à répondre à vos interrogations, monsieur Jégou. Il ne paraît donc pas nécessaire de modifier la rédaction du projet de loi. Sous le bénéfice de ces observations, je pense que vous pourriez retirer votre amendement.
M. le président. Monsieur Jégou, l'amendement n° 132 rectifié est-il maintenu ?
M. Jean-Jacques Jégou. Les propos que vient de tenir M. le ministre seront gravés dans le marbre du Journal officiel ! Etant satisfait de sa réponse, je ne peux que retirer cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 132 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l'article 1er A.
(L'article 1er A est adopté.)
Article 1er B
I. - Après le premier alinéa du e du I de l'article 199 terdecies - 0 A du code général des impôts, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Pour la détermination du pourcentage prévu au premier alinéa, les participations des sociétés de capital-risque, des sociétés unipersonnelles d'investissement à risque, des sociétés de développement régional et des sociétés financières d'innovation ne sont pas prises en compte à la condition qu'il n'existe pas de lien de dépendance au sens du 12 de l'article 39 entre la société bénéficiaire de l'apport et ces dernières sociétés. De même, ce pourcentage ne tient pas compte des participations des fonds communs de placement à risques, des fonds d'investissement de proximité ou des fonds communs de placement dans l'innovation. »
II. - Les dispositions du I s'appliquent aux versements réalisés à compter du 1er janvier 2005.
M. le président. L'amendement n° 60, présenté par M. Vera, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Bernard Vera.
M. Bernard Vera. L'article 1er B vise à modifier le traitement fiscal d'un certain nombre de placements.
L'article 199 terdecies-O A du code général des impôts stipule notamment que « les contribuables domiciliés fiscalement en France peuvent bénéficier d'une réduction de leur impôt sur le revenu égale à 25 % des souscriptions en numéraire au capital initial ou aux augmentations de capital de sociétés ».
Alors que la rédaction de cet article du code général des impôts est déjà fort complexe, on entend créer, au travers du présent projet de loi, des exceptions au regard des modalités de détermination des souscriptions retenues pour le calcul de la réduction d'impôt.
En l'espèce, nous nous trouvons en présence d'une mesure qui serait sûrement plus à sa place dans une loi de finances, d'autant que l'expertise du dispositif de l'article 199 terdecies-O A du code général des impôts n'a pas été réellement faite.
En effet, si l'on se fie à l'évaluation des voies et moyens présentée dans le cadre de la loi de finances pour 2005, l'ensemble de la dépense fiscale concernée s'élève, selon l'estimation fournie, à 220 millions d'euros, avec une augmentation annuelle de 10 millions à 15 millions d'euros.
Dans les faits, le dispositif de l'article 1er B n'est donc qu'un outil d'optimisation fiscale supplémentaire proposé à ceux qui ont les moyens d'en tirer parti et ont sans doute déjà bénéficié, pour certains d'entre eux, d'autres réductions d'impôts, ainsi que de l'abaissement des taux d'imposition du barème général.
Cet article ne vise donc à rien d'autre qu'une optimisation fiscale renforcée, par le biais d'une incitation à une relative diversification des placements. Or est-ce bien le rôle de la loi de permettre aux détenteurs de capitaux de faire face au risque grâce à une défiscalisation des placements ?
Pour toutes ces raisons, nous ne pouvons qu'inviter le Sénat à adopter cet amendement de suppression de l'article 1er B.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur. La commission ne peut évidemment pas suivre la logique développée par M. Vera.
Le dispositif fiscal de la loi Madelin de 1994 incite des investisseurs à placer de l'argent en fonds propres de petites et moyennes entreprises, ce qui constitue le plus risqué des placements. Pour compenser ce risque et induire un comportement favorable des investisseurs, qui peuvent placer leurs capitaux partout ailleurs, il n'est pas inutile que l'avantage dit « Madelin » existe.
J'avoue ne pas avoir bien compris la démonstration de M. Vera, bien que je l'aie écoutée avec beaucoup d'attention : qui peut investir dans les PME si l'on entend favoriser la constitution d'un capital de proximité en faisant appel à des personnes physiques ? Ce ne sont pas des personnes dépourvues de patrimoine, ne disposant pas de capacité d'investissement et donc non soumises à l'impôt qui pourront apporter des capitaux.
Par conséquent, la commission émet une nouvelle fois un avis résolument défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Thierry Breton, ministre. Je ne souhaite pas entrer dans le détail du dispositif, les explications données par M. le rapporteur étant parfaitement satisfaisantes.
Le Gouvernement sollicite donc le retrait de cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l'article 1er B.
(L'article 1er B est adopté.)
Article 1er C
I. - Est soumis à une imposition séparée au taux de 0 % le montant net des plus-values à long terme afférentes aux cessions de titres de participation mentionnés au troisième alinéa du a quinquies du I de l'article 219 du code général des impôts réalisées dans le cadre d'une admission aux négociations sur un marché d'instruments financiers destinés au financement des petites et moyennes entreprises et offrant des garanties pour la bonne information des investisseurs. La liste des marchés d'instruments financiers bénéficiaires de cette mesure est fixée par arrêté du ministre chargé de l'économie.
Pour les cessions mentionnées à l'alinéa précédent, une quote-part de frais et charges égale à 5 % du résultat net des plus-values de cession est prise en compte pour la détermination du résultat imposable.
II. - Les dispositions du I s'appliquent aux cessions réalisées à compter du 17 mai 2005.
Elles cessent de s'appliquer pour les cessions réalisées au titre des exercices ouverts à compter du 1er janvier 2007.
M. le président. L'amendement n° 61, présenté par M. Vera, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Bernard Vera.
M. Bernard Vera. Avec cet article 1er C, sous-tendu par la même philosophie que le système actuellement en vigueur, qui est déjà complexe, il s'agit une nouvelle fois d'instaurer une mesure d'incitation fiscale forte.
Cet article vise à améliorer encore les conditions de restructuration juridique et comptable des entreprises, en réduisant à néant la taxation des plus-values de cession de participations.
Dans le cas qui nous intéresse, il s'agit donc tout simplement de laisser les détenteurs d'actions organiser sans aucun frais des opérations de restructuration et de réorganisation de patrimoine.
Or comment oublier que ces opérations, qu'elles soient d'ailleurs ou non soumises à une quelconque imposition, sont souvent synonymes de plans sociaux pour les personnels, puisque le coût d'acquisition, s'agissant notamment des OPA, les offres publiques d'achat, ou des OPE, les offres publiques d'échange, est bien souvent amorti au travers d'une réduction des effectifs ?
Le présent article, qui, au demeurant, ne figurait pas dans la version initiale du projet de loi, est donc très contestable sur le plan social et revêt un caractère purement opportuniste. Parce que les OPA et les OPE ne présagent en général rien de bon pour l'emploi, nous ne pouvons que proposer sa suppression.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur. M. le ministre nous propose d'appliquer complètement, pour un compartiment du marché, la réforme relative aux plus-values de cession de participations qui a été adoptée sur l'initiative du Sénat au travers de la loi de finances rectificative pour 2005 et qui comporte trois paliers.
Il s'agit donc, pour faciliter l'émergence d'un nouveau marché se situant à mi-chemin entre le marché libre et un marché réglementé classique, d'aller jusqu'au bout de la réforme que nous avons nous-mêmes engagée. Je crois que c'est là une excellente mesure ; dès lors, je ne puis qu'être tout à fait défavorable à l'amendement de M. Vera.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Thierry Breton, ministre. M. Vera demande la suppression de l'article 1er C au motif que le financement des PME nécessite d'autres solutions, sans que ces dernières soient au demeurant précisées.
La mesure présentée au travers de l'article vise à inciter les PME à faire appel aux marchés financiers afin de faciliter leur financement et à permettre leur développement en levant un obstacle fiscal à leur introduction sur ces derniers. Elle s'inscrit donc dans la logique de la création d'Alternext, qui permettra, je l'ai rappelé tout à l'heure, eu égard notamment à ce qui se passe dans d'autres pays européens qui sont nos concurrents directs, de faciliter l'accès des PME aux marchés financiers.
Par conséquent, cette mesure me paraît devoir trouver toute sa place dans les dispositifs tendant à favoriser le financement des PME. C'est la raison pour laquelle je vous demande, monsieur Vera, de bien vouloir retirer votre amendement.
M. le président. Monsieur Vera, l'amendement n° 61 est-il maintenu ?
M. Bernard Vera. Oui, monsieur le président.
M. le président. Je mets aux voix l'article 1er C.
(L'article 1er C est adopté.)
TITRE IER
ADAPTER L'ENVIRONNEMENT JURIDIQUEDES ENTREPRISES
Article 1er D
Le deuxième alinéa de l'article 223 septies du code général des impôts est supprimé.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 1 est présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances.
L'amendement n° 62 est présenté par M. Vera, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 1.
M. Philippe Marini, rapporteur. La commission des finances et le groupe CRC ont présenté des amendements identiques : c'est ce que l'on peut appeler une convergence objective, car les raisons qui nous motivent ne sont pas les mêmes !
En ce qui la concerne, la commission des finances pense que les dispositions fiscales doivent être prioritairement examinées à l'occasion de la discussion budgétaire. Elle n'est pas opposée, sur le fond, à la mesure qui a été votée par l'Assemblée nationale tendant à modifier le régime de l'imposition forfaitaire annuelle, l'IFA, en matière d'impôt sur les sociétés. Il est clair en effet que ce régime est insatisfaisant, et l'idée de nos collègues députés de supprimer la première tranche d'imposition est bienvenue.
Toutefois, cette réforme peut être reportée à l'automne sans préjudice pour quiconque, puisque l'imposition forfaitaire annuelle a déjà été versée au titre de 2005. En effet, elle est acquittée avant le 15 mars de chaque année, et une éventuelle réforme de son régime n'aura donc pas d'incidence avant 2006. Par conséquent, nous sommes tout à fait en mesure de reporter l'adoption d'une disposition de cette nature à l'examen du projet de loi de finances pour 2006.
De plus, sur le fond, la suppression de la première tranche d'imposition ne fera pas disparaître le caractère antiéconomique de l'IFA. Il est rappelé que cette imposition s'applique au chiffre d'affaires et non au résultat : dès lors, elle peut avoir des effets pervers.
Certes, le montant payé au titre de l'IFA est déductible ensuite de l'impôt sur les sociétés, mais il peut constituer une charge définitive pour des entreprises durablement déficitaires ou dégageant structurellement un bénéfice imposable peu élevé au regard de leur chiffre d'affaires.
Il convient donc de réfléchir à l'ensemble du dispositif, et même, monsieur le ministre, d'aller plus loin, ce à quoi la commission des finances vous conviera, ainsi que M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l'Etat, très probablement au cours des prochains mois.
Nous voudrions en effet que l'on réexamine froidement l'impôt sur les sociétés, dans l'optique d'une réduction du nombre et de l'importance des niches fiscales, c'est-à-dire des dégrèvements et régimes de déductibilité spécifiques en tout genre, car nous préférerions de beaucoup un taux général plus faible pour l'impôt sur les sociétés et moins de régimes dérogatoires et corporatifs de toute nature. La tentation a assez duré, d'ajouter les déductions aux déductions, les petits plaisirs aux petits plaisirs qui, en définitive, ne satisfont réellement personne.
Par conséquent, si nous pensons qu'il est certes tout à fait opportun de revenir sur l'impôt sur les sociétés, il convient de procéder de manière organisée, plus lucide et plus large. C'est pourquoi la mesure relative à l'IFA ici préconisée nous paraît prématurée.
Telle est la raison pour laquelle nous avons déposé un amendement de suppression de l'article 1er D.
M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud, pour présenter l'amendement n° 62.
M. Thierry Foucaud. Cet article semble de bien peu de poids au regard de ceux que nous avons examinés auparavant et qui portaient sur des sujets bien plus importants.
Même si nos approches sont diamétralement opposées, je dirai, à la suite de M. le rapporteur, que la question de l'imposition forfaitaire annuelle des sociétés ne peut être décemment posée au détour de l'examen d'un projet de loi de cette nature et devrait plutôt l'être lors de la discussion du projet de loi de finances. C'est pourquoi nous demandons la suppression de l'article 1er D.
M. Jean-Jacques Jégou. C'est bien !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Thierry Breton, ministre. Monsieur le rapporteur, je suis conscient de la nécessité d'une réforme plus approfondie du régime de l'imposition forfaitaire annuelle.
J'avais indiqué, lors des débats à l'Assemblée nationale, que la suppression de la première tranche, à laquelle le Gouvernement est favorable, je le répète, pouvant déséquilibrer le barème, il est nécessaire d'engager une réflexion d'ensemble, au plus tard lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2006. Il faudrait également en profiter pour alléger les obligations déclaratives.
Toutefois, les députés ont souhaité adresser immédiatement un signal positif aux PME, et le Gouvernement, sensible à cet argument, ne s'était pas opposé au vote de cette disposition.
Si vous y êtes également sensible, monsieur le rapporteur, vous retirerez cet amendement ; peut-être serez-vous suivi par M. Foucaud, car j'ai l'impression qu'il vous suit beaucoup ce soir. (Sourires.) Dans le cas contraire, je m'en remettrai à la sagesse du Sénat.
M. le président. L'amendement n° 1 est-il maintenu, monsieur le rapporteur ?
M. Philippe Marini, rapporteur. Oui, monsieur le président, je le maintiens.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 1 et 62.
M. le président. En conséquence, l'article 1er D est supprimé.
Article additionnel après l'article 1er D
M. le président. L'amendement n° 125, présenté par M. Mercier et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :
Après l'article 1er D, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I - Après l'article L. 241-14 du code de la sécurité sociale, il est inséré un article additionnel ainsi rédigé :
« Art. L. ... - Dans les entreprises de 20 salariés au plus, pour toute embauche d'un salarié percevant une rémunération inférieure à 3 fois le salaire minimum interprofessionnel de croissance, les cotisations sociales patronales d'origine légale et conventionnelle, dues au titre des salaires versés à ce nouveau salarié, sont prises en charges par l'Etat, si les cotisations déjà acquittées par l'entreprise le sont sur une assiette moyenne supérieure à 1,6 fois le salaire minimum interprofessionnel de croissance ».
II - La perte de recettes résultant pour l'État des dispositions du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits sur les tabacs mentionnée aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Jean-Jacques Jégou.
M. Jean-Jacques Jégou. Cet amendement fait suite à une proposition faite par le Premier ministre dans son discours de politique générale.
Le texte que nous proposons a pour objet de donner rapidement un signe très favorable à la création d'emploi dans les PME, sans que ces embauches conduisent à augmenter les charges des entreprises de façon trop importante. Il incite par ailleurs les entreprises à verser des salaires supérieurs au SMIC puisqu'il est réservé à celles d'entre elles qui versent en moyenne un salaire supérieur à 1,6 fois ce montant.
Ce dispositif s'appliquera à des entreprises qui ne bénéficient pas de la réduction générale des cotisations prévue par l'article L. 241-13 du code de la sécurité sociale, en d'autres termes « l'allègement Fillon ». En effet, il concerne uniquement des entreprises dont le salaire moyen est supérieur à 1,6 fois le SMIC, seuil qui correspond au plafond de l'allègement Fillon.
L'avantage est enfin réservé aux embauches portant sur des salaires inférieurs à trois fois ce montant et ne peut, en conséquence, être détourné pour le versement de salaires importants.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur. La commission considère que l'objet de cet amendement qui vise à instaurer une incitation puissante à l'embauche est louable.
Toutefois, nous pensons que le dispositif n'est pas complètement achevé. Il nous semble pouvoir susciter quelques effets d'aubaine. Il a surtout un coût très élevé et il introduirait des différences de traitement importantes entre les embauches selon leur date.
Nous souhaitons, bien entendu, entendre l'avis du Gouvernement. La commission sera amenée, sauf si le Gouvernement donne un avis favorable, à solliciter le retrait de cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Thierry Breton, ministre. Le Gouvernement comprend bien l'objet de cet amendement, qui soulève néanmoins trois problèmes majeurs.
Tout d'abord, la plupart des entreprises visées bénéficient déjà de l'allégement Fillon, qui, je le rappelle, est calculé salarié par salarié. Autrement dit, ce n'est pas parce que, en moyenne le salaire versé est supérieur à 1,6 SMIC que l'entreprise n'a pas le droit à l'allègement Filon. Il est donc difficile de plaider pour un allègement supplémentaire qui viendrait s'ajouter au précédent.
Ensuite, vous proposez de distinguer nouvelles embauches et salariés existants, ce qui peut constituer une rupture d'égalité, même si nous en comprenons la finalité. Il est difficile de traiter différemment des salariés anciens et des salariés nouveaux, sauf dans le cadre de mesures de soutien à l'embauche pour l'emploi de public connaissant des difficultés particulières, ce que l'on fait par ailleurs.
Enfin, c'est au niveau du SMIC que les allègements de charges sont efficaces. Entre 1,6 et 3 SMIC, l'essentiel d'une baisse de charges entraîne surtout une hausse de salaire net dans le cadre de la négociation salariale. L'efficacité sera donc à peu près nulle en termes de créations d'emploi.
En conséquence, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini, rapporteur. La commission souhaite, après avoir entendu le Gouvernement, que M. Jégou accepte de retirer cet amendement, car le dispositif qu'il vise à instaurer reste à parfaire.
M. le président. L'amendement n° 125 est-il maintenu, monsieur Jégou ?
M. Jean-Jacques Jégou. Nous avons sans doute commis une erreur, car nous considérions que ce dispositif ne s'appliquait pas aux entreprises qui bénéficiaient de l'allégement Fillon.
Par ailleurs, je ne méconnais pas le coût important de ce dispositif, et puisque, comme vous le dites, monsieur le ministre, cet amendement ne produirait pas l'effet recherché, je le retire.
M. le président. L'amendement n° 88, présenté par M. Marc, Mme Bricq, MM. Massion, Yung, Peyronnet, Godefroy et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
A l'article L. 225-16 du code de commerce, après les mots : « les premiers commissaires aux comptes », sont insérés les mots : « ainsi que le premier représentant du comité d'entreprise titulaire d'une action symbolique ».
La parole est à M. François Marc.
M. François Marc. Pour restaurer la confiance dans l'économie, il convient tout d'abord, selon nous, de restaurer la confiance du salarié dans son entreprise. Pour ce faire, le comité d'entreprise doit pouvoir participer aux décisions du conseil d'administration.
Les salariés en tant que tels, c'est-à-dire les salariés qui ne sont pas actionnaires, doivent être représentés au conseil d'administration afin d'être associés aux choix stratégiques de leur entreprise. Les salariés, qui connaissent bien les contraintes et l'environnement de leur entreprise, peuvent apporter une information intéressante sur les réalités de la société.
Actuellement, les délégués du comité d'entreprise ont un pouvoir trop limité : ils n'ont qu'une voix consultative, ce qui n'est pas suffisant. Aussi, allouer une action symbolique au comité d'entreprise permettrait de faire sauter l'obstacle juridique selon lequel seul un actionnaire peut être administrateur au sein du conseil d'administration.
Instituer, dès la création de la société, un administrateur représentant du comité d'entreprise, grâce à cette action symbolique qui est remise au comité, permettrait d'associer les salariés dés le début. Ce statut conférerait à cet administrateur une voix délibérative.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur. Cet amendement m'a plongé dans une certaine perplexité.
En effet, M. Marc suggère que le représentant du comité d'entreprise reçoive ce qu'il appelle une action symbolique. J'aimerais comprendre ce qu'est une action symbolique. Est-ce le symbole d'une action ou est-ce une action d'une catégorie particulière ? Si c'est une action d'une catégorie particulière, il faut d'abord créer cette catégorie dans la loi et, si c'est un symbole d'action, cela ne représente rien.
J'avoue ne pas bien comprendre cette démarche. Au demeurant, au-delà de ce qui nous est présenté ici, je voudrais relever que plusieurs des amendements que nous allons examiner opèrent dans le même sens une certaine confusion entre différents organes sociaux dotés de compétences différentes par la loi.
Le comité d'entreprise est un organe de représentation qui exerce des missions définies par la loi. Le conseil d'administration est l'organe collégial de direction stratégique de l'entreprise. Vouloir créer un tel lien entre comité d'entreprise et conseil d'administration, alors qu'il existe par ailleurs des administrateurs salariés, qu'il existe d'autres manières d'associer le personnel à la gestion et même à l'administration de l'entreprise, me semble relever de la confusion des genres.
C'est essentiellement pour cette raison que la commission a émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Thierry Breton, ministre. Monsieur Marc, le Gouvernement partage votre avis sur l'intérêt de la représentation des salariés au conseil d'administration.
Je n'ai jamais eu à m'en plaindre dans mes précédentes fonctions. Contrairement à certains de mes anciens collègues, j'ai toujours considéré qu'il était important que les conseils d'administration comprennent des administrateurs représentants les salariés, qu'il s'agisse d'administrateurs élus par les actionnaires salariés - il y en a de plus en plus et c'est une bonne chose -, ou d'autres, hérités des lois de privatisation.
Comme vous l'avez rappelé, s'ils n'ont pas voix délibérative, les représentants des comités d'entreprise assistent au conseil d'administration, et c'est une bonne chose.
Au demeurant, j'adhère à l'analyse juridique de M. le rapporteur ; comme lui, je ne vois pas très bien l'applicabilité de votre proposition.
Par ailleurs, les administrateurs étant élus par l'assemblée générale, si l'assemblée générale souhaite élire des administrateurs issus des salariés, elle en a parfaitement la possibilité, et j'y suis favorable à titre personnel, mais je ne vois pas l'intérêt d'inscrire dans la loi une disposition spécifique qui l'y oblige.
M. le président. La parole est à M. François Marc, pour explication de vote.
M. François Marc. Tout le monde aura bien compris, je pense, que nous proposons qu'une action de l'entreprise soit remise au comité d'entreprise ; il n'y a donc pas lieu de créer une catégorie spécifique, monsieur le rapporteur.
Il nous a semblé que cette attribution, qui revêt une dimension symbolique, constituait, à travers le comité d'entreprise, une marque de reconnaissance des salariés.
Il s'agit, en l'occurrence, de favoriser la confiance au sein de l'organisation. Cela nous a semblé aller dans le sens de ce projet de loi, puisqu'il a apparemment pour vocation d'améliorer la confiance au sein de l'entreprise, celle-ci étant un élément essentiel pour restaurer la confiance dans l'économie en général.
M. le président. L'amendement n° 89, présenté par M. Marc, Mme Bricq, MM. Massion, Yung, Peyronnet, Godefroy et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les deuxième et troisième alinéas de l'article L. 225-21 du code de commerce sont supprimés.
La parole est à Mme Nicole Bricq.
Mme Nicole Bricq. Dans un passé encore récent, l'endogamie du capitalisme français a souvent été vilipendée, voire dénoncée, et nous pensons que le cumul des mandats en est une cause.
Dans la discussion générale, le ministre nous a renvoyés à la loi relative aux nouvelles régulations économiques en considérant que c'est au moment de la discussion de cette loi que nous aurions dû présenter les propositions que nous formulons cette fois-ci.
Nous l'avons écouté : par cet amendement, nous voulons revenir à la lettre et à l'esprit de la loi NRE, qui limitait le nombre de mandats à cinq. En effet, la loi Houillon du 29 octobre 2002 et la loi de sécurité financière ont supprimé cette avancée en élargissant les exceptions.
Aujourd'hui, les mandats exercés dans les filiales ne sont pas pris en compte pour le calcul des mandats dont le cumul est limité. Pourtant, des exemples récents nous l'ont encore démontré, les dysfonctionnements dans les grands groupes sont dus à la défaillances des administrateurs : soit ils sont trop peu indépendants, soit ils sont trop peu vigilants !
Le champ d'application de ces exceptions est tellement large qu'il vide de son efficacité la limitation du cumul des mandats. Nous vous proposons donc, mes chers collègues, de revenir au principe d'origine de la loi NRE et de lui rendre toute sa force.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur. On ne peut pas accepter cette logique, car, dans un groupe de sociétés contrôlées, la répartition des mandats d'administrateurs est une décision de gestion interne.
M. Jean-Jacques Hyest. Bien sûr !
M. Philippe Marini, rapporteur. On ne peut apprécier, selon les règles générales de cumul des mandats, les mandats exercés au sein du groupe.
A ce titre, la législation actuelle me semble bien faite. Nous avons abouti, après de longues discussions, à un équilibre qui apparaît à peu près satisfaisant, notamment avec la loi relative aux nouvelles régulations économiques de 2001, reprise par la loi du 29 octobre 2002. M. Hyest peut ici en attester. (M. Hyest opine.) Je ne pense pas que l'on doive aller au-delà de cette législation, qui est pragmatique.
Enfin, je voudrais souligner que le droit des groupes est une nécessité. Une société contrôlée ne doit pas être traitée en tout point comme une société indépendante. Certes, elle garde sa personnalité morale, son patrimoine, et il faut veiller à les respecter. Mais elle fait partie intégrante d'un groupe ayant une unicité de stratégie. Le réalisme économique commande de veiller à cette distinction.
La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Thierry Breton, ministre. Le Gouvernement partage l'avis de la commission.
Un groupe comprend des filiales qui sont contrôlées majoritairement, comme l'a rappelé M. le rapporteur. Bien souvent, dans les sociétés contrôlées, des salariés du groupe siégent au sein des conseils d'administration afin de garantir l'unicité du groupe.
Il s'agit là d'un exercice difficile pour ces salariés, qui doivent partager la vision stratégique de l'entreprise, qui siègent dans le cadre de leur fonction et dans l'intérêt général du groupe. Lorsque j'étais chez France Télécom, j'avais d'ailleurs interdit que les salariés représentant la maison mère dans les filiales bénéficient de jetons de présence.
Madame Bricq, je comprends l'idée qui vous anime, mais le pragmatisme doit nous guider s'agissant des groupes, si nous voulons préserver leur unité. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.
Mme Marie-France Beaufils. Nous approuvons l'amendement du groupe socialiste, car il est nécessaire de modifier le fonctionnement des conseils d'administration en raison de l'absentéisme des administrateurs. A partir du moment où l'on instaure une limitation au cumul des mandats, on favorise automatiquement la présence des administrateurs dans leur conseil d'administration.
La recherche d'une véritable efficacité impose que les administrateurs aient un nombre de mandats limité afin qu'ils y consacrent le temps nécessaire. Nous voterons donc cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 90, présenté par M. Marc, Mme Bricq, MM. Massion, Yung, Peyronnet, Godefroy et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 225-37 du code de commerce est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Ce rapport précise l'objet, le nombre et les résultats des opérations de contrôle réalisées par le conseil d'administration en cours d'année, ainsi que le nom des administrateurs qui y ont participé. »
La parole est à M. François Marc.
M. François Marc. Selon l'actuel article L. 225-37 du code de commerce, « le président du conseil d'administration rend compte, dans un rapport [...], des conditions de préparation et d'organisation des travaux du conseil ainsi que des procédures de contrôle interne [...] ».
Cet article ne précise pas l'objet, le nombre et les résultats des opérations de contrôle réalisées par le conseil d'administration en cours d'année ni même le nom des administrateurs qui y ont participé. Si l'on veut réellement renforcer les moyens de contrôle du conseil d'administration, il importe de fournir les éléments d'information indispensables à l'exercice de ce contrôle. Nous souhaitons donc que les outils qui existent actuellement en droit des sociétés puissent atteindre leurs objectifs.
La restauration de la confiance passe par le renforcement de l'efficacité des contre-pouvoirs dans l'entreprise. Cet amendement apporte donc une précision utile permettant d'améliorer la transparence dans l'appréciation des performances et dans le contrôle.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur. La commission pense, au contraire, que ces précisions sont superfétatoires. La pratique sur les moyens de contrôle internes, tout du moins en ce qui concerne ce rapport, dans les sociétés cotées est en train de s'organiser de manière satisfaisante.
En outre, je ne crois pas que, sur la forme, l'amendement soit acceptable. Je ne sais pas ce que signifie l'expression « opérations de contrôle réalisées par le conseil d'administration ». Littéralement, cela signifierait que tout le conseil d'administration se déplacerait afin d'aller vérifier des opérations au sein de la société.
Mme Nicole Bricq. Ce serait quelquefois utile !
M. Philippe Marini, rapporteur. Ce n'est pas imaginable ! Il faut essayer de rédiger la loi de façon précise et réaliste.
Par ailleurs, il existe des dispositions sur les conventions réglementées et les transactions des dirigeants sur les titres de l'entreprise, qui viennent tout récemment d'être renforcées. Les franchissements de seuils sont soumis à de strictes obligations. Il existe donc d'ores et déjà tout un arsenal de procédures qui nous semble satisfaisant.
Pour toutes ces raisons, la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Thierry Breton, ministre. Le Gouvernement partage l'analyse brillante que vient de faire M. le rapporteur. Il émet donc également un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. François Marc, pour explication de vote.
M. François Marc. Je veux apporter deux précisions.
Tout d'abord, tous ceux qui connaissent les firmes et le management savent très bien de quoi je veux parler en évoquant les contrôles. Je ne me situe pas dans la logique du contrôle sur pièces et sur place, qui vaut dans certaines administrations, mais dans celle du contrôle de management.
Ensuite, la justification de cette proposition peut se trouver dans un certain nombre de commentaires entendus ces derniers temps : nombre d'administrateurs n'auraient pas tous les éléments nécessaires pour apprécier les résultats, et les observateurs extérieurs ne disposeraient pas non plus de tous les éléments d'appréciation.
Le contenu de cet amendement n'a donc rien d'original. Il pose simplement une exigence formelle de manière plus impérative.
M. le président. L'amendement n° 87, présenté par M. Marc, Mme Bricq, MM. Massion, Yung, Peyronnet, Godefroy et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 225-252 du code de commerce est ainsi rédigé :
« Art. L. 225-252. - Les actionnaires peuvent, soit individuellement, soit par une association répondant aux conditions fixées à l'article L. 225-120, soit en se groupant dans les conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, intenter l'action sociale en responsabilité contre les administrateurs ou le directeur général. Les actionnaires peuvent, pour les mêmes faits et simultanément, intenter une action en responsabilité contre les administrateurs ou le directeur général, en réparation du préjudice, direct ou indirect, qu'ils ont subi personnellement. »
La parole est à M. François Marc.
M. François Marc. Il s'agit d'un amendement important, car restaurer la confiance dans les organes de gestion et de direction de l'entreprise passe nécessairement par le renforcement des contre-pouvoirs.
En effet, comment garantir une gestion efficace et adaptée sans que l'action du conseil d'administration ou du conseil de surveillance puisse faire l'objet d'une remise en cause ? Aucun système moderne et efficace ne fonctionne sans contrepoids !
Le conseil d'administration doit donc faire l'objet d'un contrôle efficace. La solution que nous proposons n'est pas révolutionnaire. Nous souhaitons simplement restaurer l'efficacité de l'article L. 225-252 du code de commerce.
Nous avions déjà évoqué cette carence, il y a un mois, lors de l'examen du projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine des marchés financiers. Répondant à nos amendements, dont l'objet était notamment de renforcer l'efficacité du régime de la responsabilité des dirigeants, le ministre de l'économie avait alors reconnu qu'il était nécessaire d'aller plus loin. A cet effet, il avait déclaré qu'il avait mis en place, avec M. Perben, un groupe chargé d'étudier cette question. Je le cite : « La réflexion pourrait être élargie aux suggestions que vous venez de formuler ».
Que reste-il de ces belles paroles ? Pour l'instant, rien de concret !
Actuellement, on en reste au régime général de l'action en responsabilité contre les dirigeants, tel que prévu par l'article L. 225-252 du code de commerce. Or ce régime est inefficace.
Les actionnaires victimes des agissements de leurs dirigeants agissent trop rarement. Ils n'intentent quasiment jamais d'action en responsabilité contre les dirigeants, même quand ceux-ci ont commis une faute détachable de leur fonction. En effet, la pratique et la jurisprudence ne facilitent pas l'action en responsabilité contre les dirigeants ; je pourrais même dire qu'elles la bloquent.
Lorsque la société est victime des agissements de ses dirigeants et que, en conséquence, l'intérêt social a été méconnu, le code de commerce oblige les actionnaires à avoir recours à l'action sociale afin de mettre en cause la responsabilité des dirigeants. Dés lors, le mécanisme de l'action sociale écarte, pour les actionnaires demandeurs, toute perspective de réparation directe. Les actionnaires sont alors victimes des fautes des dirigeants et, dans le même temps, ils n'ont aucune chance de toucher les dommages et intérêts, puisque c'est l'intérêt social qui aura été méconnu.
Le préjudice de l'actionnaire n'est pas cumulable avec celui de la société. C'est donc la société, considérée comme seule victime de la mauvaise gestion de ses dirigeants, qui percevra les dommages et intérêts. Les actionnaires n'ont alors aucun intérêt, ou presque, à engager une procédure coûteuse. Il importe donc de prévoir l'hypothèse du cumul des actions sociale et individuelle.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur. Je voudrais rappeler brièvement que l'action en responsabilité contre les dirigeants et les administrateurs peut consister, soit en une action individuelle exercée par la personne ayant subi un préjudice indépendant de celui subi par la société - ce préjudice doit être direct, certain et personnel -, soit en une action sociale dite ut singuli destinée à réparer le préjudice subi par la société, et donc exercée en son nom, cette action pouvant être intentée par un ou plusieurs actionnaires. Tel est l'état du droit français !
La responsabilité des administrateurs est susceptible d'être engagée dans trois cas : infraction aux dispositions législatives et réglementaires, violation des statuts, faute de gestion.
Le tiers victime d'une faute d'un dirigeant ne peut pas, en principe, mettre en cause la responsabilité personnelle de ce dernier et doit agir contre la société, sauf si le dommage trouve sa cause dans une faute détachable ou séparable des fonctions de ce dirigeant. Cette solution émane d'un arrêt récent de la chambre commerciale de la Cour de cassation en date du 20 mai 2003.
La commission souhaite le retrait de l'amendement de M. Marc pour plusieurs raisons.
D'abord, les réflexions en ce qui concerne les actions collectives, ce qu'on appelle aussi la class action, ne nous semblent pas avoir été menées à leur terme.
En outre, l'indemnisation du préjudice indirect ouvrirait la voie, nous semble-t-il, à une véritable inflation contentieuse fondée sur le préjudice matériel que constituerait la perte de valeur des actions. Cela irait d'ailleurs à l'encontre des intentions exprimées par le groupe socialiste. En effet, un tel détournement de la mise en cause de la responsabilité comporterait de réels risques de déresponsabilisation de l'actionnaire.
Bien sûr, notre droit doit pouvoir être amélioré ! C'est pourquoi nous avions évoqué, lors du débat du 2 mai auquel faisait allusion M. Marc, une première solution qui pourrait consister à permettre l'avance par l'entreprise des frais impliqués par la mise en oeuvre de l'action sociale ou action ut singuli. Monsieur le ministre, il serait utile que vous nous disiez si les réflexions sur le sujet ont progressé.
Pour les raisons que je viens de rappeler, nous considérons que l'amendement n° 87 ne peut être adopté dans son état actuel ; nous en demandons le retrait, sinon nous appellerons à le rejeter.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Thierry Breton, ministre. Les termes de l'amendement n° 87 ne modifient pas réellement le droit existant en ce qui concerne la possibilité pour les actionnaires d'engager une action en responsabilité lorsqu'ils ont subi un préjudice personnel, élément constituant la lettre de l'article L. 225-252 du code de commerce.
Par ailleurs, l'introduction de la notion de préjudice indirect subi par les actionnaires, dont les contours sont assez mal définis, me paraît source de confusion juridique et d'instabilité. Le Gouvernement est donc défavorable à l'amendement n° 87.
Quant aux réflexions sur les actions de groupe - une class action à la française - le Gouvernement y travaille en ce moment même. Nous ferons un point d'étape avant la fin du mois de juillet et un autre en septembre. J'espère que le groupe d'experts que nous avons créé nous permettra d'émettre des propositions à l'automne.
Mme Nicole Bricq. Nous aimerions bien être tenus au courant !
M. le président. Monsieur Marc, l'amendement n° 87 est-il maintenu ?
M. François Marc. Cela fait quelques mois, sinon déjà quelques années, que le Gouvernement se voit poser la question de savoir quelle l'action peut être envisagée pour protéger les actionnaires face aux agissements de certains administrateurs. Depuis deux ans et demi, on nous répète qu'envisager une class action à la française nécessite une réflexion. On nous répond toujours que des groupes de travail sont créés, mais on ne progresse pas.
Cet amendement pouvait, nous a-t-il semblé, constituer un point d'appui en vue d'aller un plus loin et un peu plus vite ! Il nous paraissait opportun de le voter de telle sorte que le Gouvernement puisse, à l'occasion de la navette parlementaire, préciser comment un tel dispositif pouvait s'organiser.
Pour ces raisons, je maintiens l'amendement n° 87, sur lequel je souhaite que le Sénat se prononce.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances. .
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. . Je voterai contre cet amendement pour les raisons que le rapporteur a exposées. Toutefois, monsieur le ministre, je souhaite réagir à vos propos laissant entendre qu'il pourrait y avoir une class action à la française.
La commission des finances mène depuis longtemps une réflexion sur la mondialisation, la globalisation et sur les risques de délocalisation. Au bénéfice de cet éclairage, je me demande s'il serait bon de créer un système de class action qui mettrait en cause la responsabilité de ceux qui consentent encore à produire sur le territoire national ? Ne risquerait-on pas, ce faisant, de voir s'évaporer un certain nombre d'activités cherchant à se soustraire à ces nouvelles dispositions.
M. Jean-Jacques Hyest. Tout à fait !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. .Pour ma part, monsieur le ministre, je souhaite vous mettre en garde contre les risques que ne manquerait pas de susciter cette novation juridique.
C'est très bien de vouloir mettre en cause la responsabilité de ceux qui produisent ; mais dans ces conditions, à l'heure de la globalisation, mieux vaudra aller produire ailleurs pour échapper à un tel régime juridique.
Telle est l'observation que je souhaitais faire, monsieur le ministre.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Thierry Breton, ministre. Monsieur Arthuis, j'ai écouté avec attention votre intervention. Croyez bien que, dans le cadre des réflexions qui seront engagées, nous en tiendrons le plus grand compte, à commencer par moi-même.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 87.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 1er
I. - L'article L. 225-37 du code de commerce est ainsi modifié :
1° Dans la dernière phrase du troisième alinéa, la référence : « L. 225-53, » est supprimée ;
2° Après le troisième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le règlement intérieur peut également prévoir, sauf disposition contraire des statuts, que, dans les cas et aux conditions prévus par ceux-ci, et sauf opposition de l'un des administrateurs, sont réputés présents pour le calcul du quorum et de la majorité les administrateurs qui participent à la réunion du conseil par des moyens de télétransmission autres que la visioconférence, et dont la nature, les modalités d'utilisation et de preuve de l'identité des administrateurs sont déterminées par décret en Conseil d'Etat. Les statuts peuvent, le cas échéant, limiter la nature des décisions pouvant être prises lors d'une réunion tenue dans ces conditions. Le présent alinéa n'est pas applicable pour l'adoption des décisions mentionnées à la dernière phrase de l'alinéa précédent. »
II. - Avant le dernier alinéa de l'article L. 225-82 du même code, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le règlement intérieur peut également prévoir, sauf disposition contraire des statuts, que, dans les cas et aux conditions prévus par ceux-ci, et sauf opposition de l'un des membres du conseil de surveillance, sont réputés présents pour le calcul du quorum et de la majorité les membres du conseil qui participent à la réunion de celui-ci par des moyens de télétransmission autres que la visioconférence, et dont la nature, les modalités d'utilisation et de preuve de l'identité des membres sont déterminées par décret en Conseil d'Etat. Les statuts peuvent, le cas échéant, limiter la nature des décisions pouvant être prises lors d'une réunion tenue dans ces conditions. Le présent alinéa n'est pas applicable pour l'adoption des décisions mentionnées à la dernière phrase de l'alinéa précédent et ne peut, en tout état de cause, concerner la totalité des réunions du conseil de surveillance de chaque année. »
M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, sur l'article.
Mme Marie-France Beaufils. L'article 1er, qui porte sur les conditions de quorum au sein des conseils d'administration est en apparence séduisant.
Il s'agit de prendre en compte quelques évolutions technologiques et de permettre une forme de dématérialisation. En effet, la présence de certains administrateurs n'est pas toujours aussi effective qu'on pourrait le souhaiter.
Au-delà des moyens d'ores et déjà retenus, tels que la visioconférence, de nouvelles propositions sont formulées. Toutefois, si les technologies de la téléphonie connaissent depuis plusieurs années une formidable évolution, si le flux des informations susceptibles de passer par ce canal est de plus en plus important et si l'article 1er n'est que la transposition en droit français d'une directive européenne, nous ne sommes pas certains que cette avancée technologique soit un progrès pour la gestion quotidienne de nos entreprises.
Une telle mesure est particulièrement adaptée aux administrateurs qui se dispensent concrètement d'un voyage au siège de l'entreprise. Dans l'absolu, on pourrait même finir par voir se dérouler des conseils d'administration totalement virtuels, à l'occasion desquels, cependant, toujours autant de jetons de présence seraient distribués...
La meilleure preuve que la disposition pose problème est la suppression de la référence à l'article L. 225-53, qui porte sur les nominations de directeurs généraux délégués, induisant la nécessité d'une présence physique des administrateurs pour statuer sur ce point.
Par conséquent, avec cet article 1er, la transparence de la gestion de nos entreprises ne bénéficie d'aucune avancée ; il s'agit d'une simple adaptation dépendant de la bonne volonté des uns ou des autres. De surcroît, la disposition est considérée comme devant être encadrée par la loi et le règlement et peut faire l'objet de dispositions statutaires.
Va-t-on ainsi réellement faciliter la gouvernance des entreprises ou seulement accélérer les processus décisionnels des dirigeants par ententes bien comprises et répartition des rôles plus ou moins tacite ?
Pour ces raisons mais aussi pour celles qui ont été présentées par Bernard Vera à l'occasion de la discussion de la question préalable, nous voterons contre l'article 1er.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 2, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
I.- Le troisième alinéa de l'article L. 225-37 du code de commerce est ainsi rédigé :
« Sauf disposition contraire des statuts, le règlement intérieur peut prévoir que sont réputés présents pour le calcul du quorum et de la majorité les administrateurs qui participent à la réunion du conseil par des moyens de télécommunication permettant leur identification, garantissant leur participation effective et assurant la confidentialité des débats, dans des conditions déterminées par décret en Conseil d'Etat. Les statuts peuvent, le cas échéant, limiter la nature des décisions pouvant être prises lors d'une réunion tenue dans ces conditions. Cette disposition n'est pas applicable pour les opérations prévues aux articles L. 232-1 et L. 233-16 du présent code. »
II.- Le troisième alinéa de l'article L. 225-82 du même code est ainsi rédigé :
« Sauf disposition contraire des statuts, le règlement intérieur peut prévoir que sont réputés présents pour le calcul du quorum et de la majorité les membres du conseil de surveillance qui participent à la réunion du conseil par des moyens de télécommunication permettant leur identification, garantissant leur participation effective et assurant la confidentialité des débats, dans des conditions déterminées par décret en Conseil d'Etat. Les statuts peuvent, le cas échéant, limiter la nature des décisions pouvant être prises lors d'une réunion tenue dans ces conditions. Le présent alinéa ne peut concerner la totalité des réunions du conseil de surveillance de chaque année. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini, rapporteur. La commission des finances est favorable au dispositif figurant à l'article 1er. Elle souhaiterait toutefois que quelques ajustements soient réalisés par rapport à la version votée à l'Assemblée nationale.
Tout d'abord, il nous semble préférable de parler de télécommunications, ce terme général risquant moins de dépendre de l'évolution des technologiques et ayant juridiquement plus de sens. En effet, monsieur le ministre, les conférences téléphoniques ou les visioconférences existent aujourd'hui, mais - et vous êtes mieux placé que moi pour le savoir - d'autres moyens technologiques, que nous n'imaginons pas encore aujourd'hui, verront sans doute le jour. Pourtant, ils devront se voir appliquer les procédures juridiques.
Bien entendu, il faudra veiller à l'identification des membres des conseils, garantir leur participation effective aux réunions, assurer la confidentialité des débats... En d'autres termes, il convient de porter attention aux conditions techniques, qu'un décret en conseil d'Etat pourra déterminer.
Par ailleurs, nous pensons opportun de maintenir les deux exceptions prévues par le texte initial du Gouvernement concernant les tenues physiques des conseils d'administration pour l'arrêté des comptes sociaux et l'arrêté des comptes consolidés. S'agissant des conseils de surveillance, c'est le directoire qui dresse ces comptes ainsi que le rapport de gestion.
Enfin, en vue d'obliger les conseils de surveillance à tenir au moins une réunion physique par an, la commission des finances propose de reprendre la formulation de l'amendement de notre collègue député Philippe Houillon selon laquelle la télétransmission ne peut concerner la totalité des réunions du conseil de surveillance de chaque année.
L'amendement de la commission des finances tend donc à mettre en oeuvre ces différents principes et à revenir à une rédaction proche du texte initial du Gouvernement.
M. le président. L'amendement n° 32, présenté par M. Buffet, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
I. - Le troisième alinéa de l'article L. 225-37 du code de commerce est ainsi rédigé :
« Sauf lorsque le conseil est réuni pour procéder aux opérations visées aux articles L. 232-1 et L. 233-16 et sauf disposition contraire des statuts, le règlement intérieur peut prévoir que sont réputés présents pour le calcul du quorum et de la majorité les administrateurs qui participent à la réunion par des moyens de visioconférence ou de télécommunication permettant leur identification et garantissant leur participation effective, dont la nature et les conditions d'application sont déterminées par décret en Conseil d'Etat. Les statuts peuvent limiter la nature des décisions pouvant être prises lors d'une réunion tenue dans ces conditions et prévoir un droit d'opposition au profit d'un nombre déterminé d'administrateurs. »
II. - Le troisième alinéa de l'article L. 225-82 du même code est ainsi rédigé :
« Sauf lorsque le conseil est réuni pour procéder aux opérations visées au cinquième alinéa de l'article L. 225-68 et sauf disposition contraire des statuts, le règlement intérieur peut prévoir que sont réputés présents pour le calcul du quorum et de la majorité des membres du conseil de surveillance qui participent à la réunion par des moyens de visioconférence ou de télécommunication permettant leur identification et garantissant leur participation effective, dont la nature et les conditions d'application sont déterminées par décret en Conseil d'Etat. Les statuts peuvent limiter la nature des décisions pouvant être prises lors d'une réunion tenue dans ces conditions et prévoir un droit d'opposition au profit d'un nombre déterminé de membres du conseil de surveillance. »
La parole est à M. François-Noël Buffet, rapporteur pour avis.
M. François-Noël Buffet, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. L'amendement n° 32 tend tout d'abord à instaurer un régime juridique unique applicable tant à la visioconférence qu'aux autres moyens de télétransmission, en retenant par ailleurs la notion de moyens de télécommunication, ce vocable étant déjà utilisé dans d'autres dispositions du code de commerce.
Il vise ensuite à exclure, par souci de parallélisme avec le dispositif proposé pour le conseil d'administration, l'utilisation de moyens de télécommunication lorsque le conseil de surveillance est amené, en application du sixième alinéa de l'article L. 225-68 du code de commerce, à vérifier et contrôler les documents devant être présentés par le directoire à l'assemblée générale ordinaire.
Enfin, l'amendement a pour objet de permettre aux statuts de prévoir un droit d'opposition à la tenue d'une réunion du conseil d'administration ou du conseil de surveillance au profit d'une minorité d'administrateurs ou de membres du conseil de surveillance, fixée à un tiers.
M. le président. L'amendement n° 91, présenté par M. Marc, Mme Bricq, MM. Massion, Yung, Peyronnet, Godefroy et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Supprimer le 1° du I de cet article.
La parole est à M. François Marc.
M. François Marc. Cet amendement est très simple : il vise à restreindre le champ offert à l'utilisation des moyens de télécommunication.
En effet, des précautions doivent être prises afin d'éviter que l'usage de la téléconférence ne devienne un moyen facile d'échapper au contrôle réel de tous les membres du conseil d'administration. Appliquer la télétransmission aux cas visés par cet article reviendrait à rendre possible la détermination de la rémunération du directeur général ou sa révocation par téléphone, ce qui est dangereux !
Sur proposition du rapporteur de la commission des lois de l'Assemblée nationale, le champ d'application de l'article 1er avait déjà été sérieusement restreint, ce qui montre que notre inquiétude est largement partagée.
En effet, l'article 1er prévoyait initialement d'étendre la télétransmission à la nomination, à la rémunération et à la révocation du président du conseil d'administration. Il s'appliquait également à la révocation du directeur général. Il n'était pas possible, sur ces questions importantes, de délibérer par téléphone ! A ce titre, la révocation d'un administrateur par téléphone pourrait faire l'objet d'une annulation par la jurisprudence.
Pourquoi les articles L. 225-47 et L. 225-55 du code de commerce ont-ils été réintégrés dans la dernière phrase du troisième alinéa de l'article L. 225-37 proposé alors que l'article L. 225-53 ne l'a pas été ? Cet article, qui porte sur les conditions de nomination des directeurs généraux délégués et sur la révocation du directeur général, doit également, nous semble-t-il, faire partie des cas d'exclusion du recours à la télétransmission.
Tel est l'objet de cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur. Parmi les trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune, celui qui présente la meilleure rédaction est celui de la commission des lois.
En effet, cette rédaction tient compte des remarques que nous avons formulées tout en rédigeant l'article de façon plus globale, plus harmonieuse. C'est pourquoi, au nom de la commission des finances, je retire l'amendement n° 2.
Quant à l'amendement n° 91, je ne le crois pas utile, surtout si l'on adopte le dispositif de la commission des lois. Nous aurons à ce moment-là un dispositif tout à fait équilibré retenant l'innovation qui facilite la vie des entreprises mais maintenant dans certains cas la tenue physique des conseils d'administration ou conseils de surveillance.
Pour ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur l'amendement n° 91.
M. Thierry Breton, ministre. Monsieur le rapporteur, le Gouvernement souscrit à la brillante synthèse que vous venez de faire. Vous avez parfaitement résumé la situation ! Le Gouvernement est donc favorable à l'amendement n° 32, mais défavorable à l'amendement n° 91.
M. le président. En conséquence, l'article 1er est ainsi rédigé et l'amendement n° 91 n'a plus d'objet.
Article 2
I. - Le deuxième alinéa de l'article L. 225-96 du même code est ainsi rédigé :
« Elle ne délibère valablement que si les actionnaires présents ou représentés possèdent au moins, sur première convocation, le quart, et, sur deuxième convocation, le cinquième des actions ayant le droit de vote. A défaut, la deuxième assemblée peut être prorogée à une date postérieure de deux mois au plus à celle à laquelle elle avait été convoquée. Dans les sociétés ne faisant pas appel public à l'épargne, les statuts peuvent prévoir des quorums plus élevés. »
II. - La première phase du deuxième alinéa de l'article L. 225-98 du même code est remplacée par deux phrases ainsi rédigées :
« Elle ne délibère valablement sur première convocation que si les actionnaires présents ou représentés possèdent au moins le cinquième des actions ayant le droit de vote. Dans les sociétés ne faisant pas appel public à l'épargne, les statuts peuvent prévoir un quorum plus élevé. »
III. - L'avant-dernier alinéa de l'article L. 225-99 du même code est ainsi rédigé :
« Les assemblées spéciales ne délibèrent valablement que si les actionnaires présents ou représentés possèdent au moins, sur première convocation, le tiers, et, sur deuxième convocation, le cinquième des actions ayant le droit de vote et dont il est envisagé de modifier les droits. A défaut, la deuxième assemblée peut être prorogée à une date postérieure de deux mois au plus à celle à laquelle elle avait été convoquée. Dans les sociétés ne faisant pas appel public à l'épargne, les statuts peuvent prévoir des quorums plus élevés. »
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 63 est présenté par M. Vera, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
L'amendement n° 92 est présenté par M. Marc, Mme Bricq, MM. Yung, Godefroy et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Bernard Vera, pour présenter l'amendement n° 63.
M. Bernard Vera. L'article 2 est loin d'être secondaire puisqu'il porte sur les conditions d'organisation des assemblées générales extraordinaires d'actionnaires et prolonge la lettre et l'esprit de l'article 1er, dont nous n'avons pas approuvé les principes.
Par cet article, il est proposé concrètement que les conditions de quorum propres à l'organisation d'assemblées générales extraordinaires ayant vocation à apporter des modifications statutaires soient réduites.
S'agit-il de faciliter une plus grande souplesse de gestion des entreprises, qui, en définitive, ne profitera qu'au noyau dur des actionnaires, à ceux qui trustent les postes d'administrateurs et donnent le la pour les choix stratégiques de l'entreprise ? Nous sommes en droit de nous poser la question.
La démarche est pour le moins contradictoire avec certains aspects de la politique gouvernementale qui tend notamment à privilégier le développement de l'actionnariat des salariés comme des plus modestes épargnants.
Pour toutes ces raisons, nous ne pouvons qu'inviter le Sénat à voter cet amendement de suppression d'un article qui ne fera pas avancer la transparence dans la gestion des entreprises.
M. le président. La parole est à M. Richard Yung, pour présenter l'amendement n° 92.
M. Richard Yung. Nous pensons que l'article 2 est dangereux. S'il était adopté, il suffirait qu'un quart des actionnaires ayant le droit de vote soient présents ou représentés alors qu'un tiers est nécessaire aujourd'hui.
Le système des quorums a été mis en place pour garantir une participation importante des actionnaires aux décisions de la société ; en diminuant ces quorums, on affaiblit la démocratie actionnariale.
Les quorums sont destinés à éviter que les décisions des assemblées générales ne soient prises par une minorité des actionnaires présents. Le respect de la démocratie dans l'entreprise passe donc par la fixation de seuils de présence minimaux. En remettant ces règles en cause, on permet aux dirigeants de se passer facilement des actionnaires. Par exemple, avec un quorum fixé à un cinquième, il suffit qu'un dixième des actionnaires plus un soient favorables à une décision pour qu'elle soit adoptée.
De plus, cet article accroît le pouvoir des grands actionnaires au détriment des petits porteurs et des salariés de l'entreprise.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous proposons la suppression de cet article.
M. le président. L'amendement n° 3, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit les I et II de cet article :
I.- Le deuxième alinéa de l'article L. 225-96 du même code est ainsi rédigé :
« Elle ne délibère valablement sur première convocation que si les actionnaires présents ou représentés possèdent au moins le quart des actions ayant le droit de vote. Sur deuxième convocation, aucun quorum n'est requis. Dans les sociétés ne faisant pas appel public à l'épargne, les statuts peuvent prévoir un quorum plus élevé. »
II.- Le deuxième alinéa de l'article L. 225-98 du même code est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Dans les sociétés ne faisant pas appel public à l'épargne, les statuts peuvent prévoir un quorum plus élevé. »
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 3 et pour donner l'avis de la commission sur les amendements identiques nos 63 et 92.
M. Philippe Marini, rapporteur. La commission comprend les intentions qui animent le Gouvernement dans cette affaire, toutefois, elle craint un signal négatif pour l'actionnariat individuel et, de façon plus générale, pour les actionnaires minoritaires.
Nous avons donc considéré qu'une solution plus simple et plus efficace consisterait à aligner les quorums des assemblées extraordinaires sur ceux des assemblées ordinaires. Cette harmonisation nous semble d'autant plus souhaitable que les convocations portent aujourd'hui le plus souvent sur des assemblées générales mixtes, comportant une partie ordinaire et une partie extraordinaire.
La diminution du quorum des assemblées ordinaires ne paraît pas être une mesure très significative, monsieur le ministre. Même en abaissant le seuil, nous risquons de nous heurter très rapidement aux mêmes difficultés qu'actuellement. Il ne faudrait pas que, ne pouvant atteindre un quorum de 25 %, nous le fixions à 20 %, puis à 15 %, et que, finalement, nous vidions l'assemblée générale de son contenu.
Par conséquent, nous ne sommes pas totalement convaincus par le dispositif prévu à l'article 2. Nous lui préférons, au moins en première analyse, l'alignement des quorums en assemblées générales ordinaires et extraordinaires.
Cette mesure n'aurait pas d'impact sur la protection des actionnaires minoritaires puisque, pour les décisions importantes se traduisant par une modification des statuts, les règles de majorité renforcée applicables aux assemblées extraordinaires seraient maintenues.
Telle est, à ce stade, la position de la commission des finances, étant précisé que, pour les sociétés ne faisant pas appel public à l'épargne, il demeure toujours possible de prévoir dans les statuts des quorums plus élevés.
Enfin, nous proposons de maintenir le dispositif adopté par l'Assemblée nationale pour ce qui est des assemblées spéciales de porteurs de titres d'un genre particulier, notamment de porteurs d'obligations.
Pour ce qui est des amendements nos 63 et 92 de suppression de l'article, la commission n'y est pas favorable : elle préfère son compromis à des suppressions par trop radicales.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Thierry Breton, ministre. Je comprends la réaction de M. le rapporteur, mais il convient de tenir compte de la pratique : les assemblées générales, n'atteignant jamais leur quorum sur première convocation, se réunissent toujours en deuxième convocation, alors qu'aucun quorum n'est plus requis. Ce système a pour seul effet, en définitive, d'allonger les délais, car les entreprises, sachant qu'elles n'atteindront pas le quorum, ne se mobilisent pas vraiment à la première convocation.
Actuellement, les actionnaires ont finalement peu de réactivité aux besoins de l'entreprise, ce qui n'est pas satisfaisant.
Le Gouvernement pense qu'une fois le quorum légèrement abaissé, et donc plus facilement atteignable, l'entreprise se donnera les moyens de mobiliser les actionnaires. Aussi la proposition du Gouvernement va-t-elle, paradoxalement, dans le sens d'un renforcement de la démocratie actionnariale.
J'ajoute par ailleurs, comme je l'ai indiqué dans la discussion générale, qu'il nous faut réfléchir, avec les entreprises, aux moyens d'associer un nombre de plus en plus important d'actionnaires, qui, je le rappelle, ne sont pas tous localisés sur les mêmes territoires. Ils pourraient s'exprimer par la voie des nouvelles technologies, Internet en particulier, dès lors que les connections pourraient se faire en toute sécurité, comme pour les paiements.
Telles sont les raisons pour lesquelles, monsieur le rapporteur, je vous demande de reconsidérer la position de la commission.
Bien entendu, le Gouvernement est défavorable aux amendements de suppression nos 63 et 92.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 63 et 92.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Monsieur le rapporteur, l'amendement n° 3 est-il maintenu ?
M. Philippe Marini, rapporteur. Je souhaiterais obtenir quelques précisions de la part de M. le ministre.
Je suis favorable à ce que l'on trouve des modalités pour inciter au vote électronique, ce qui devrait permettre, en effet, d'améliorer les taux de présence et de vote en assemblée générale.
C'est sur l'initiative de notre commission que, dans la loi de sécurité financière notamment, les gérants d'actifs financiers se sont vu demander d'exprimer leur vote ou les raisons de leur abstention. Nous tenons beaucoup à ce que les représentants de l'actionnariat prennent toute leur place en assemblée générale, que leurs positions soient explicites et qu'ils fassent vivre l'assemblée générale dans les différentes circonstances de la vie de la société, notamment lorsque des situations spéciales se présentent.
Dès lors, pouvez-vous nous confirmer que l'intention du Gouvernement est bien de compléter le dispositif préconisé par la recherche de moyens légaux suffisamment sécurisés pour encourager le vote électronique ? Une telle orientation est-elle de nature à rencontrer les préoccupations exprimées par nos collègues spécialistes de ces sujets au sein de la commission des lois ?
Il serait utile qu'un débat ait lieu sur cette question, afin que nous puissions nous prononcer en toute lucidité.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Thierry Breton, ministre. Je vous le confirme bien volontiers, monsieur le rapporteur, le Gouvernement a l'intention, comme je l'ai indiqué dans mon discours liminaire, d'engager une réflexion sur les évolutions techniques qui permettraient d'accroître la démocratie actionnariale, tout en améliorant la sécurité juridique.
M. le président. La parole est à M. Robert Del Picchia, pour explication de vote.
M. Robert Del Picchia. Tout à l'heure, M. le rapporteur a fait allusion au vote des Français de l'étranger. C'était un bon exemple puisque le Sénat, tout comme l'Assemblée nationale, a récemment adopté une proposition de loi sur ce sujet.
Je rappelle que nous avons procédé à une première expérimentation de vote électronique aux Etats-Unis. Elle a parfaitement fonctionné : Les hackers, qui ont certainement essayé de la pirater - ça les amuse toujours ! - n'ont pas pu s'immiscer, le code donné et l'identification étant suffisamment complexes.
Il n'y a donc pas de raison qu'un tel dispositif ne soit pas mis en place pour les actionnaires, en France comme à l'étranger. Il y a en effet 2,2 millions de Français à l'étranger : ils ont aussi des actions en France et ils pourraient participer ainsi aux assemblées générales.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Il est vrai que la proposition de la commission des finances, en première analyse, est séduisante : le quorum est fixé au quart sur première convocation et il n'y a plus de quorum sur deuxième convocation.
Le Gouvernement, quant à lui, propose de fixer le quorum au quart, sur première convocation, puis au cinquième, sur deuxième convocation. Si le cinquième n'est pas atteint, il est possible de délibérer ultérieurement.
Pour ma part, il me semble préférable, si l'on veut développer la participation des actionnaires, de ne pas être trop brutal. Aussi, procéder en deux étapes me paraît plus réaliste, monsieur Marini.
Peut-être pourrions-nous continuer à réfléchir sur ces problèmes. Certes, ces questions sont très urgentes, mais nous verrons que nous aurons affaire, tout à l'heure, à d'autres urgences encore plus importantes, qui correspondent notamment à des besoins en termes d'application de la législation européenne.
Franchement, monsieur le rapporteur, pourquoi ne pas en rester à la position du Gouvernement sur ces quorums en assemblées générales ?
M. Philippe Marini, rapporteur. Et Internet ?
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ce point pose problème.
Monsieur Del Picchia, organiser un vote, c'est facile ; mais une assemblée générale ne se résume pas à un vote : des propositions sont faites, des résolutions sont mises aux voix...
M. Philippe Marini, rapporteur. Voilà !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Nous pourrons certes parvenir à la téléparticipation, mais pas dans l'immédiat, en raison de la complexité de la procédure, surtout s'il y a des milliers d'actionnaires.
M. Philippe Marini, rapporteur. Absolument !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Or les actionnaires participent de plus en plus aux assemblées générales, particulièrement en cas de problèmes stratégiques.
De toute façon, si elle est techniquement réalisable, la mise en place d'assemblées générales par Internet exigera une organisation extrêmement pointue.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini, rapporteur. A la suite de cet utile débat, je retire l'amendement de la commission des finances,
Nous pourrons saisir l'opportunité que le Gouvernement a ouverte d'approfondir la question du vote électronique, système auquel n'est pas fondamentalement opposé le président de la commission des lois.
Dans l'attente de l'ouverture de ce chantier, il est sans doute préférable d'en rester à la version initiale du Gouvernement.
M. le président. L'amendement n° 3 est retiré.
Je mets aux voix l'article 2.
(L'article 2 est adopté.)
Article additionnel après l'article 2 ou après l'article 3
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 122, présenté par M. Mercier et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :
Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 225-1 du code de commerce est ainsi modifié :
I. Au début de la dernière phrase, sont ajoutés les mots : « Dans les sociétés faisant appel public à l'épargne, ».
II. Il est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Lorsque la société anonyme ne comporte qu'un seul actionnaire, l'actionnaire unique exerce les pouvoirs dévolus à l'assemblée générale des actionnaires par le présent chapitre. Ses décisions sont mentionnées au registre des décisions de l'actionnaire unique.
« La société anonyme à actionnaire unique est dirigée par un président désigné par l'actionnaire unique et révocable dans les mêmes conditions. Les attributions dévolues par le présent chapitre au conseil d'administration ou au directeur général sont exercées par le président de la société ».
La parole est à M. Jean-Jacques Jégou.
M. Jean-Jacques Jégou. Rien ne justifie de fixer à sept le nombre d'actionnaires d'une société anonyme ne faisant pas appel public à l'épargne. Les entrepreneurs doivent avoir le choix de limiter le nombre d'actionnaires de la société qu'ils souhaitent créer, sans avoir à recourir artificiellement à sept actionnaires.
Ainsi, la société anonyme ne faisant pas appel public à l'épargne pourrait avoir un actionnaire unique. Cette possibilité permettrait de satisfaire aux exigences du droit communautaire puisque le règlement (CE) n° 2157/2001 relatif au statut de la société européenne prévoit que les dispositions nationales qui interdisent aux sociétés anonymes d'avoir un actionnaire unique sont sans application pour les sociétés européennes filiales.
La société anonyme à actionnaire unique serait également utile en droit national puisqu'elle permettrait de constituer des sociétés anonymes unipersonnelles.
M. le président. L'amendement n° 142, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Après l'article 3, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 225-1 du code de commerce est ainsi modifié :
1° Le début de la seconde phrase est ainsi rédigé : « Dans les sociétés faisant appel public à l'épargne, (le reste sans changement)... »
2° Il est ajouté deux alinéas ainsi rédigés :
« Lorsque la société anonyme ne comporte qu'un seul actionnaire, l'actionnaire unique exerce les pouvoirs dévolus à l'assemblée générale des actionnaires par le présent chapitre. Ses décisions sont mentionnées au registre des décisions de l'actionnaire unique.
« La société anonyme à actionnaire unique est dirigée par un président désigné par l'actionnaire unique et révocable dans les mêmes conditions. Les attributions dévolues par le présent chapitre au conseil d'administration, à son président ou au directeur général sont exercées par le président de la société ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini, rapporteur. Mes chers collègues, il existe des EURL, entreprises unipersonnelles à responsabilité limitée, qui sont des SARL unipersonnelles. Il existe des SASU, sociétés par actions simplifiées à associé unique, qui sont des sociétés unipersonnelles. Il n'existe pas de sociétés anonymes unipersonnelles. Pourquoi ? Je ne l'ai jamais compris et personne n'a été en mesure de me l'expliquer de façon rationnelle !
L'exigence des sept actionnaires remonte à Napoléon III. Les avis des historiens du droit divergent quant aux raisons pour lesquelles, à l'époque, ce chiffre a été arrêté. Certains pensent qu'il s'agirait d'anglomanie, cette disposition ayant existé dans la loi anglaise. D'autres pense que l'Empereur aurait tranché entre deux ministres qui proposaient l'un le chiffre de cinq et l'autre celui de dix.
Quoi qu'il en soit aujourd'hui, requérir sept actionnaires pour constituer une société anonyme n'a aucune espèce de rationalité. Il est tout à fait concevable que de vraies sociétés anonymes soient constituées avec un seul associé, bien d'autres pays connaissant cette forme juridique.
Au demeurant, le règlement communautaire du 8 octobre 2001 relatif à la société européenne - que connaît bien M. Jean-Guy Branger - prévoit la possibilité de constituer des sociétés européennes unipersonnelles et renvoie, pour une large part, aux dispositions de la législation nationale régissant les sociétés anonymes.
Ainsi, si nous nous dotions de SA unipersonnelles, nous irions davantage dans le sens de la cohérence, de l'homogénéité et de l'attractivité de notre droit par rapport à l'évolution communautaire.
C'est dans cet esprit que la commission des finances, qui a bien conscience d'empiéter un peu sur le droit commercial et sur le domaine incontesté de la commission des lois (Sourires.), s'autorise à présenter cet amendement.
Nous sommes par ailleurs heureux de partager cette initiative avec l'un des groupes de notre assemblée.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Thierry Breton, ministre. La proposition qui est faite calque le régime de constitution des sociétés anonymes ne faisant pas appel à l'épargne publique sur celui des sociétés par actions simplifiées.
Je comprends parfaitement vos arguments, messieurs. Du reste, cet amendement serait utile aux sociétés qui se placent dans une perspective de croissance dans la mesure où il leur permettrait d'opter, dès leur création, pour la forme sociale la plus dynamique et la plus adaptée à une future cotation en bourse.
Toutefois, la création de sociétés anonymes unipersonnelles, d'après le garde des sceaux, contrevient manifestement au caractère anonyme de ce type de société.
En outre, si un tel amendement était adopté, les dispositions du code de commerce relatives aux assemblées générales devraient être adaptées.
C'est la raison pour laquelle le Gouvernement verrait d'un bon oeil le retrait de ces deux amendements.
M. le président. Monsieur Jégou, modifiez-vous l'amendement n° 122 de telle sorte qu'il soit identique à l'amendement n° 142 de la commission ?
M. Jean-Jacques Jégou. Bien entendu ! En tant que membre de la commission des finances, je suis solidaire de M. le rapporteur.
Je n'ai pas du tout été convaincu par les arguments de M. le ministre - lui-même, d'ailleurs, ne me paraissait pas très convaincu. Il a fait référence à l'un de ses collègues avec un sourire évocateur ! (M. le ministre fait un signe de dénégation.) Certes, je ne suis pas juriste, mais je ne vois pas pourquoi la commission des finances ne pourrait pas essayer d'innover, d'autant que ce dispositif existe déjà dans d'autres pays. Il permettrait de donner un peu d'allant à des créateurs d'entreprise qui seraient ainsi capables d'agir immédiatement.
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 122 rectifié, présenté par M. Mercier et les membres du groupe Union centriste - UDF, et ainsi libellé :
Après l'article 3, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 225-1 du code de commerce est ainsi modifié :
1° Le début de la seconde phrase est ainsi rédigé : « Dans les sociétés faisant appel public à l'épargne, (le reste sans changement)... »
2° Il est ajouté deux alinéas ainsi rédigés :
« Lorsque la société anonyme ne comporte qu'un seul actionnaire, l'actionnaire unique exerce les pouvoirs dévolus à l'assemblée générale des actionnaires par le présent chapitre. Ses décisions sont mentionnées au registre des décisions de l'actionnaire unique.
« La société anonyme à actionnaire unique est dirigée par un président désigné par l'actionnaire unique et révocable dans les mêmes conditions. Les attributions dévolues par le présent chapitre au conseil d'administration, à son président ou au directeur général sont exercées par le président de la société ».
La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Nous pouvons effectivement, en droit, raisonner par analogie : puisqu'un tel dispositif existe ailleurs, il nous faut forcément faire la même chose. Nous raisonnons souvent de la sorte ; est-ce bon pour la cohérence de notre droit ?
Tout d'abord, mes chers collègues, l'argument européen ne vaut pas. Les sociétés européennes filiales disposent d'un moyen très simple : elles peuvent créer une société par actions simplifiée. Cela ne leur est pas du tout interdit.
J'ai l'impression que la société par actions simplifée a été créée pour qu'il puisse y avoir une société à actionnaire unique. De même, il existe une SARL à actionnaire unique, qui est l'EURL. Laissons donc à la société anonyme son caractère anonyme, car il y a une contradiction entre les termes « anonyme » et « un seul actionnaire » !
Nous pouvons donc discuter du nombre d'actionnaires que doit compter une société anonyme. Nous pouvons même le ramener à deux ou à trois, mais en aucun cas en venir à un actionnaire unique.
Je rappellerai - et M. Marini s'en souviendra, lui qui est à l'origine de bien des initiatives dans ce domaine -...
M. Philippe Marini, rapporteur. Je ne sais pas comment je dois prendre cela ! (Sourires.)
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. ...qu'en ce qui concerne la SAS nous avons dû nous y reprendre à trois fois, car toutes les conséquences en matière de droit, notamment en matière d'application des règles des sociétés, n'avaient pas été tirées. En l'occurrence également, veuillez m'en excuser, monsieur le rapporteur, il manque de nombreux éléments dans le dispositif que vous nous proposez !
Cette mesure aurait des répercussions sur l'organisation de la société et, quoi que l'on en dise, poserait de nombreux problèmes en rendant le code de commerce inapplicable.
Par ailleurs, monsieur le rapporteur, je considère que le problème de la société européenne sera réglé puisque nos amendements vont permettre la création de filiales européennes. Cela fait longtemps d'ailleurs qu'avec Jean-Guy Branger, nous estimions que, pour créer une société filiale européenne, il n'y avait rien de plus simple que de créer une société par actions simplifiée.
De plus, et je m'adresse à vous, monsieur le ministre, on sait très bien que les filiales entre deux groupes peuvent se constituer en société par actions simplifiée qui, elle, peut être à actionnaire unique. C'est prévu. Tout un chapitre du code de commerce concerne la SAS. De même, il existe une SARL à actionnaire unique.
Laissons la société anonyme telle qu'elle est. Les règles sont extrêmement précises et il faudrait réexaminer tout le titre concernant les sociétés si des sociétés anonymes unipersonnelles étaient créées.
Une telle mesure me paraît donc quelque peu prématurée. Tous les moyens existent pour créer une société par actions simplifiée à actionnaire unique. Pourquoi ajouter une autre possibilité ? Il serait un peu prématuré, dans le cadre de ce débat important qui concerne d'autres sujets, de trancher sur cette question.
En tout cas, pour ma part, je ne suis pas prêt à voter ce dispositif, qui me paraît fort incomplet et fort dangereux d'un point de vue juridique.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Thierry Breton, ministre. Je tiens à dire à M. Jégou qu'il a mal interprété mes propos : j'ai pour le garde des sceaux non seulement de l'amitié, mais encore du respect. J'ai simplement fait part de la position de la Chancellerie, position qui semble être celle de M. le président de la commission des lois.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission. Je m'exprimerai avec beaucoup d'humilité pour ne pas être suspecté de vouloir empiéter sur les prérogatives de la commission des lois.
Ceux qui ont observé le fonctionnement des sociétés anonymes comptant sept actionnaires peuvent attester que, dans bien des cas, ce chiffre ne se justifie pas autrement que par le souci de se conformer aux exigences de la loi. C'est une fiction totale. Pour cette raison, il a fallu inventer une autre catégorie, à savoir la société anonyme simplifiée.
Si l'on a le souci de simplifier le droit et si l'on veut éviter cette hypocrisie et cette fiction, sans doute faut-il reconnaître qu'une société anonyme peut être unipersonnelle.
J'ignore si cette question peut être résolue ce soir. Cependant, dans le cadre de notre système bicaméral, laissons se confronter les points de vue de l'Assemblée nationale et du Sénat ; laissons vivre l'innovation que nous propose le rapporteur général. Il faut inviter tous les juristes à faire preuve d'humilité et à s'astreindre au respect du principe de réalité. Encore une fois, ces sept actionnaires sont des actionnaires de convenance et ne servent qu'à satisfaire à une obligation légale. C'est une fiction et une véritable hypocrisie. Objectivement, cela ne correspond à rien.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 122 rectifié et 142.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 3.
Articles additionnels après l'article 2
M. le président. L'amendement n° 64, présenté par M. Vera, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans le premier alinéa de l'article L. 225-21 du code du commerce, les mots : « cinq mandats » sont remplacés par les mots : « deux mandats »
La parole est à M. Bernard Vera.
M. Bernard Vera. Cet amendement est pour nous un amendement de principe.
L'article L. 225-21 du code de commerce pose clairement la question de la répartition du pouvoir au sein des conseils d'administration de nos entreprises et notamment celle du cumul des fonctions dirigeantes par un nombre relativement réduit de personnes.
Dans un certain nombre de cas, force est de constater, en effet, que ce cumul s'exerce y compris et surtout dans des secteurs d'activité où les entreprises concernées sont censées être en concurrence.
Quelques opérations de participations croisées sont ainsi souvent l'objet de « points de rencontre » entre mêmes administrateurs, les fonctions au sein des conseils d'administration respectifs étant en quelque sorte interchangeables.
De surcroît, quand on pose la question de la succession de nos dirigeants d'entreprises les plus âgés, comment ne pas regretter que le maintien de la règle de cumul des mandats prive certains cadres aux qualités affirmées par la pratique de la possibilité d'exercer un rôle dans la gestion de leur entreprise et de préparer ainsi dans les meilleures conditions les passages de témoin ?
Pour ces raisons, nous vous invitons, mes chers collègues, à adopter cet amendement visant à faciliter une plus large répartition des fonctions dirigeantes dans nos entreprises en limitant le cumul des mandats.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur. Cette contrainte nous semble à la fois excessive et peu réaliste.
Si l'on veut voir se développer l'activité d'administrateur indépendant, si l'on souhaite voir se multiplier dans les conseils d'administration le nombre d'administrateurs indépendants non exécutifs, il faut que cette fonction puisse devenir un véritable métier, comme c'est le cas dans d'autres pays, notamment en Grande-Bretagne. Pour cela, deux mandats ne suffisent pas !
Ne serait-ce que pour cette seule raison, la commission est défavorable à cet amendement. M. Vera a fixé la barre à un niveau vraiment trop bas : sa proposition risquerait de nuire à la bonne gouvernance des entreprises.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 55 rectifié, présenté par MM. Longuet et Cornu, est ainsi libellé :
Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I- Au début du dernier alinéa de l'article L. 225-37 du code de commerce, sont ajoutés les mots : « Dans les sociétés faisant appel public à l'épargne, »
II- Au début du dernier alinéa de l'article L. 225-68 du même code, sont ajoutés les mots : « Dans les sociétés faisant appel public à l'épargne, »
La parole est à M. Gérard Longuet.
M. Gérard Longuet. Cet amendement a pour objet d'exonérer les sociétés qui ne font pas appel à l'épargne de l'obligation nouvelle résultant de la loi du 1er août 2003 de sécurité financière imposant au président du conseil d'administration ou au président du conseil de surveillance de présenter un rapport sur la préparation du conseil d'administration ainsi que sur les dispositifs internes d'audit et de contrôle.
Autant cette disposition paraît parfaitement légitime pour les sociétés faisant appel à l'épargne, autant, pour les sociétés fermées, à savoir celles dont les capitaux sont constitués et rassemblés par des actionnaires qui se connaissent, cette contrainte supplémentaire - qui a un coût, qui mobilise des moyens - s'avère quelque peu dérisoire dans la mesure où la plupart de ces sociétés unissent leurs actionnaires par un pacte qui est en général plus contraignant et plus stable dans la durée que cet ensemble de règles très formelles.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur. Cet amendement est tout à fait intéressant.
Il est vrai que la loi de sécurité financière impose l'élaboration d'un rapport sur le contrôle interne et exige des commissaires au compte un rapport sur ce rapport.
C'est une bonne discipline car il s'agit d'évaluer de manière plus précise et plus réaliste les procédures internes aux entreprises. Pour les grandes entreprises, c'est tout à fait judicieux. Pour les entreprises ne faisant pas appel public à l'épargne, la question peut se poser : faut-il imposer ce système contraignant partout, quelle que soit la taille de l'entreprise ?
Dans un rapport rédigé l'année dernière, un an après la loi de sécurité financière, je me suis interrogé sur ce point. Je citais les commentaires de l'Autorité des marchés financiers. Cette dernière ne me semble pas avoir une position extrêmement claire. On aurait pu s'attendre à ce qu'elle recommande que cette obligation s'applique de manière plus souple à l'égard des petites sociétés ne faisant pas appel public à l'épargne. Or ses interprétations écrites ne vont pas dans ce sens.
Connaissant certaines des difficultés auxquelles sont confrontées les PME, je crois que la proposition de Gérard Longuet mérite réflexion et qu'elle devrait trouver une suite législative.
La commission des finances, reconnaissant le bien-fondé de la réflexion, a décidé de s'en remettre à l'avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
M. Thierry Breton, ministre. Le Gouvernement considère la proposition de Gérard Longuet tout à fait pragmatique. Effectivement, après deux ans d'application de la loi de sécurité financière, on a pu voir ce qui fonctionne bien et ce qui fonctionne moins bien. Je rappelle à la Haute Assemblée que, un an après, les carences constatées dans l'application de cette disposition atteignaient 98 %, ce qui démontre qu'il y avait peut-être un problème, notamment dans les PME.
Bien sûr, pour les entreprises faisant appel public à l'épargne, il ne faut rien changer. Le dispositif actuel constitue un élément de sécurité. Il faut plutôt veiller à ce que l'ensemble de ces entreprises l'appliquent effectivement. C'est d'ailleurs ce qui est fait. En revanche, la réflexion qui porte sur les autres entreprises, en particulier sur les PME, nous semble légitime. C'est pourquoi le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est maintenant l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur. Avis favorable.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 2.
L'amendement n° 93, présenté par M. Marc, Mme Bricq, MM. Massion, Yung, Peyronnet, Godefroy et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le dernier alinéa de l'article L. 225-96 du code de commerce est ainsi rédigé :
« Elle statue à la majorité des deux tiers des voix des actionnaires présents ou représentés, sauf si les statuts prévoient une majorité plus forte que celle-ci. »
La parole est à Mme Nicole Bricq.
Mme Nicole Bricq. Le débat que nous avons eu tout à l'heure sur la question des quorums lors de l'examen de l'article 2 était très éclairant. Le fait que M. le rapporteur, après avoir plaidé en faveur de son amendement, l'ait retiré par la suite montre que notre appréhension était légitime.
Comme nous n'avons pu nous opposer à l'affaiblissement des règles en matières de quorums, nous proposons de renforcer les règles de majorité à l'assemblée générale extraordinaire. En effet, c'est en assemblée générale extraordinaire que les décisions importantes sont prises. Dès lors, nous pensons qu'il faut renforcer les outils de la démocratie en son sein. Apparemment, l'objet de cette partie du texte est d'améliorer la transparence : c'est l'objet de cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur. La commission est perplexe. Renvoyer aux statuts la faculté d'imposer une majorité différente de la règle habituelle des deux tiers pour les décisions en assemblée générale extraordinaire nous semble assez contestable. L'un des principes de base de notre droit des sociétés, principe intangible jusqu'alors, est bien que la règle de majorité en assemblée générale extraordinaire - la majorité statutaire - est fixée aux deux tiers.
Si l'on suivait cette proposition, certaines sociétés rectifieraient leurs statuts pour fixer une majorité plus élevée. D'autres maintiendraient la règle de droit commun, celle des deux tiers, qui continuerait d'exister à titre supplétif. Pour les investisseurs, pour les personnes extérieures à la société, cela serait-il très clair ? N'en résulterait-il pas un problème d'information des investisseurs ? En tout cas, il y aurait une très grande variété de situations.
En fait, celle solution semble plutôt d'inspiration très libérale, ce qui pourrait être un compliment venant de ma part (Sourires.), mais je ne suis pas sûr que les auteurs de l'amendement aient bien mesuré toutes les conséquences de cette approche.
En rappelant que la commission s'est plutôt prononcée en défaveur de cet amendement, je souhaiterais connaître l'avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Thierry Breton, ministre. Le Gouvernement a retiré de son projet une mesure identique permettant de fixer dans les statuts de sociétés non cotées une majorité plus forte pour les assemblées générales parce qu'elle était susceptible d'entraîner des situations de blocage.
En effet, cette mesure permettrait, de facto, de donner un droit de veto à certains actionnaires importants et, comme l'a laissé entendre M. le rapporteur, je ne suis pas sûr que tel soit en réalité votre objectif, madame Bricq.
Pour cette raison, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Il ne nous avait pas échappé que, dans l'avant-projet de loi, le Gouvernement avait envisagé ce durcissement optionnel. Il nous semblait que la première version permettait d'assurer une meilleure représentativité des décisions prises en assemblée, notamment au cas où les règles du quorum seraient affaiblies. C'est la raison pour laquelle nous avons présenté cet amendement.
J'ai bien perçu les hésitations qui ont été exprimées s'agissant des risques de complexité que comporte cette disposition. Il est dommage que l'urgence ait été déclarée sur ce texte, car c'est le type même de mesure qui mériterait une navette.
Etant néanmoins consciente que cet amendement peut être source d'incertitude, je le retire.
M. le président. L'amendement n° 93 est retiré.
L'amendement n° 97, présenté par M. Marc, Mme Bricq, MM. Massion, Yung, Peyronnet, Godefroy et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au deuxième alinéa de l'article L. 225-102-1 du code de commerce après les mots : « a reçu » sont insérés les mots : « ,directement ou indirectement, ».
La parole est à Mme Nicole Bricq.
Mme Nicole Bricq. Cet amendement a également pour objectif de renforcer la transparence dans l'entreprise.
Il vise à compléter les informations qui doivent être obligatoirement délivrées à l'assemblée générale des actionnaires conformément à l'article L. 225-102-1 du code du commerce. Il complète le droit existant et permet aux actionnaires d'avoir connaissance de la rémunération et des avantages reçus par les mandataires sociaux directement ou indirectement.
En effet, compte tenu de la pratique, il convient que toutes les rémunérations et avantages directs et indirects soient soumis à la publicité. Cette obligation de transparence doit viser les éléments de rémunération versés par une société se trouvant à l'étranger, par exemple dans un paradis fiscal, dès lors qu'elle a un lien juridique direct ou indirect avec la société pour laquelle le dirigeant comme l'administrateur exercent leur mandat.
La connaissance par les assemblées de ces précisions pourrait permettre d'éviter l'attribution de rémunérations excessives au regard de la situation de l'entreprise.
Je vous indique par avance que je ne retirerai pas cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur. Ma chère collègue, permettez-moi quand même de tenter de vous convaincre !
Cet amendement, dont l'inspiration est tout à fait excellente, est quelque peu superfétatoire dans la mesure où l'article L. 225-102-1 du code de commerce est suffisamment précis.
Premièrement, le montant des rémunérations et avantages de toute nature doit être mentionné dans le rapport. Deuxièmement, ces sommes sont celles qui sont reçues par les mandataires de la part des sociétés contrôlées ou de la société qui contrôle la société dans laquelle le mandat est exercé.
La définition du contrôle exclusif ou conjoint, posée à l'article L. 233-16 du code de commerce, tel qu'il résulte de la loi de sécurité financière, et que cet article a étendue au-delà du critère de détention du capital, est extensive. Elle précise en particulier que le contrôle peut résulter du droit d'exercer une influence dominante sur une entreprise en vertu d'un contrat ou de clauses statutaires.
Donc, concrètement, une société offshore, puisque vous semblez vous intéresser, madame Bricq, à ce qui se passe dans ces pays qui jouissent d'un climat agréable (Sourires.) ...
Mme Nicole Bricq. Il en est qui ne sont pas si loin !
M. Philippe Marini, rapporteur. Ces territoires-là sont un peu pluvieux ...
M. Jean Bizet. Ce n'est pas mal non plus !
M. Philippe Marini, rapporteur. ... mais ils peuvent également être tout à fait convenables ! (Nouveaux sourires.)
De telles sociétés peuvent être liées par un contrat qui réserve à l'ayant droit économique une influence dominante, même si celui-ci ne détient pas le contrôle du capital. Il me semble donc qu'au regard de la loi française ces sociétés sont couvertes par l'obligation déclarative qui est posée de façon très extensive par la loi de sécurité financière.
Dans ces conditions, votre amendement ne me semble pas utile et je vous prie de bien vouloir le retirer.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Thierry Breton, ministre. A deux, peut-être parviendrons-nous à convaincre Mme Bricq !
Une rédaction aussi large que celle que vous proposez, madame Bricq, n'est pas sans poser certaines difficultés d'interprétation quant au champ réellement couvert.
Par ailleurs, je m'interroge sur l'efficacité réelle d'un tel amendement. Dans les faits, il accroîtrait considérablement la portée extraterritoriale du code de commerce, dont ce n'est pas la vocation. De surcroît, il ne saurait avoir un pouvoir contraignant pour une société non soumise au droit français.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement n'est pas favorable à votre amendement.
M. le président. L'amendement n° 65, présenté par M. Vera, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La première phrase du deuxième alinéa de l'article L. 225-177 du code de commerce est ainsi rédigée :
« Les autorisations doivent être précédées d'un accord d'entreprise ou de groupe conclu en vertu des dispositions de l'article L. 132-27 du code du travail portant augmentation des salaires effectifs, dont la validité est subordonnée à la signature par une ou des organisations syndicales représentatives ayant recueilli au moins la moitié des suffrages exprimés aux dernières élections au comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel, qui fixe les conditions dans lesquelles seront consenties les options. »
La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. La question de la transparence de la gestion de nos entreprises est posée directement à travers cet amendement, comme à travers l'ensemble des articles que nous examinons.
La question des plans d'option d'achat d'actions, en mauvais franglais les « stock options » - vous noterez, monsieur Marini, que je fais l'effort de parler en français - anime nos débats depuis une bonne douzaine d'années.
On connaît la philosophie de ces plans : récompenser les salariés et singulièrement les cadres dirigeants, y compris dans des sociétés non cotées, en leur permettant d'acquérir des parts de capital de l'entreprise à taux préférentiel comme une sorte de rémunération accessoire à la rémunération normalement soumise à cotisations sociales et à impôt sur le revenu.
Nous ne reviendrons évidemment pas sur les errements du débat en la matière, sinon que, malgré un relatif alourdissement de la fiscalité des plans d'option d'achat d'actions, ces opérations demeurent plus « intéressantes » sur un plan fiscal qu'une majoration de la rémunération salariale.
Les accessoires ont d'ailleurs, dans certaines entreprises, pris tant de place qu'ils sont devenus l'essentiel de la rémunération des dirigeants.
Il nous semble que nous ne pouvons nous contenter de soumettre de telles décisions de gestion à la seule appréciation d'une assemblée générale extraordinaire, surtout quand on voit comment le présent texte en assure la tenue.
Cet amendement vise donc à favoriser le développement de la transparence dans la mise en oeuvre des plans d'option, en les soumettant à la négociation collective et en les associant obligatoirement à la signature d'un accord collectif sur l'évolution des salaires.
En effet, ce qui choque généralement le plus dans cette affaire, c'est que, si les assemblées d'actionnaires ne mettent pas en question l'attribution des plans d'option, en revanche, la modération salariale y est souvent, quant à elle, à l'ordre du jour et présentée comme une obligation.
C'est un peu comme si rémunérer le capital - le capital porteur de plus-values latentes, sinon pourquoi mettre en place un dispositif de plans d'option ? - interdisait de rémunérer le travail à sa juste valeur.
On ne peut pourtant, monsieur le ministre, rétablir la confiance dans l'économie qu'en assurant un partage équilibré de la richesse potentielle créée par le travail dans une entreprise.
Dans l'attente de rouvrir le débat - cela viendra à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances - sur le traitement fiscal des accessoires de rémunération, nous ne pouvons que proposer cette disposition de transparence et d'équilibre visant à associer, sinon à lier, accord collectif sur les salaires et mise en place de plans d'option.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur. Chère collègue, si j'apprécie votre pratique de la francophonie financière,...
M. Robert Del Picchia. Très bien !
M. Philippe Marini, rapporteur. ...sur le fond des choses, néanmoins, la commission ne peut vous suivre.
Les plans d'options ont fait l'objet de différentes mesures de clarification et de transparence, notamment dans la loi de sécurité financière. Ces plans représentent toujours un élément de motivation important pour les dirigeants, les principaux cadres d'une entreprise, mais ils ne doivent surtout pas être confondus avec des compléments de rémunération. Ils n'ont de légitimité, notamment en ce qui concerne leur régime fiscal, que pour autant qu'existe une prise de risque.
Dès lors que les dirigeants de l'entreprise, les dirigeants salariés, sont associés aux risques liés à l'évolution de la stratégie de l'entreprise, c'est un instrument utile. Mais, comme de toute bonne chose, il ne faut point abuser. Cette question doit être laissée à l'appréciation des assemblées générales, qui doivent, en principe, être attentives à ce que la dilution du bénéfice par action n'excède pas certaines limites.
Dans ces conditions, la commission est défavorable à l'amendement n° 65.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Thierry Breton, ministre. L'attribution d'options de souscription d'actions au bénéfice des dirigeants ou des salariés est une pratique aujourd'hui strictement encadrée.
Je rappelle qu'elle doit préalablement, comme l'a rappelé le rapporteur, être autorisée par l'assemblée générale. Elle fait l'objet chaque année d'un rapport spécial des commissaires aux comptes. Dans ces conditions, il ne paraît pas nécessaire au Gouvernement d'encadrer davantage cette pratique.
C'est la raison pour laquelle il n'est pas favorable à cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 66, présenté par M. Vera, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La première phrase de l'article L. 225-237 du code du commerce est ainsi rédigée :
« Les commissaires aux comptes portent à la connaissance du conseil d'administration, du directoire et du conseil de surveillance, du comité d'entreprise ou des représentants du personnel, selon le cas : »
La parole est à M. Bernard Vera.
M. Bernard Vera. L'article L. 225-237 du code de commerce, qui porte sur le rapport des commissaires aux comptes, dispose : « Les commissaires aux comptes portent à la connaissance du conseil d'administration ou du directoire et du conseil de surveillance, selon le cas : 1° les contrôles et vérifications auxquels ils ont procédé et les différents sondages auxquels ils se sont livrés ; 2° les postes du bilan et des autres documents comptables auxquels des modifications leur paraissent devoir être apportées [...] ; 3° les irrégularités et les inexactitudes qu'ils auraient découvertes ; 4° les conclusions auxquelles conduisent les observations et rectifications [...] ».
Il s'agit donc simplement pour nous de renforcer la transparence de la gestion des entreprises en rendant accessibles les documents comptables de l'entreprise à ses propres salariés ou à leurs représentants.
Il convient en effet, si l'on souhaite renforcer la confiance dans l'économie de faire en sorte que les salariés, premiers intéressés dans toute décision de gestion portant sur leur devenir ou celui de leur entreprise, soient informés, autant que faire se peut, de la réalité des faits et des choix opérés.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur. Cet amendement ne nous semble pas utile, car le comité d'entreprise, aux termes des articles L. 432-1 et L. 432-4 du code du travail est informé et consulté sur les questions intéressant l'organisation, la gestion et la marche de l'entreprise et, à ce titre, il reçoit régulièrement des informations et rapports sur la situation de celle-ci.
Par ailleurs, à l'instar d'une précédente proposition, il me semble procéder d'une certaine confusion des genres entre les différents organes sociaux.
La commission a donc émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Thierry Breton, ministre. Monsieur le président, le Gouvernement souscrit aux propos de M. le rapporteur. Il est, lui aussi, défavorable à cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 66.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 2 bis
I. - Le même code est ainsi modifié :
1° Après l'article L. 225-42, il est inséré un article L. 225-42-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 225-42-1. - Dans les sociétés dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé, les engagements pris au bénéfice de leurs présidents, directeurs généraux ou directeurs généraux délégués, par la société elle-même ou par toute société contrôlée ou qui la contrôle au sens des II et III de l'article L. 233-16, et correspondant à des éléments de rémunération ou des avantages dus ou susceptibles d'être dus à raison de ou postérieurement à la cessation de ces fonctions, sont soumis aux dispositions des articles L. 225-38 et L. 225-40 à L. 225-42. » ;
2° Après l'article L. 225-90, il est inséré un article L. 225-90-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 225-90-1. - Dans les sociétés dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé, les engagements pris au bénéfice d'un membre du directoire, par la société elle-même ou par toute société contrôlée ou qui la contrôle au sens des II et III de l'article L. 233-16, et correspondant à des éléments de rémunération ou des avantages dus ou susceptibles d'être dus à raison de ou postérieurement à la cessation de ces fonctions, sont soumis aux dispositions des articles L. 225-86 et L. 225-88 à L. 225-90. » ;
3° Après l'article L. 225-22, il est inséré un article L. 225-22-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 225-22-1. - Dans les sociétés dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé, en cas de nomination aux fonctions de président, de directeur général ou de directeur général délégué d'une personne liée par un contrat de travail à la société ou à toute société contrôlée ou qui la contrôle au sens des II et III de l'article L. 233-16, les seules éventuelles dispositions dudit contrat correspondant à des éléments de rémunération ou des avantages dus ou susceptibles d'être dus à raison de ou postérieurement à la cessation de fonctions sont soumises aux dispositions des articles L. 225-38 et L. 225-40 à L. 225-42. » ;
4° Après l'article L. 225-79, il est inséré un article L. 225-79-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 225-79-1. -- Dans les sociétés dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé, en cas de nomination aux fonctions de membre du directoire d'une personne liée par un contrat de travail à la société ou à toute société contrôlée ou qui la contrôle au sens des II et III de l'article L. 233-16, les seules éventuelles dispositions dudit contrat correspondant à des éléments de rémunération ou des avantages dus ou susceptibles d'être dus à raison de ou postérieurement à la cessation ou au changement de fonctions sont soumises aux dispositions des articles L. 225-86 et L. 225-88 à L. 225-90. »
II. - Les dispositions du I sont applicables aux conventions conclues à compter du 1er mai 2005.
M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, sur l'article.
Mme Marie-France Beaufils. La récente campagne référendaire portant sur la ratification du traité constitutionnel européen a permis, entre autres, un débat particulièrement significatif sur les questions sociales, et singulièrement sur celle du pouvoir d'achat des salariés.
Ce qui ne peut manquer de surprendre à la lecture de cet article 2 bis, comme à celle de l'article 2 ter du présent projet de loi, c'est que le pouvoir d'achat des dirigeants et administrateurs de sociétés cotées en bourse semble considéré comme devant être prioritairement pris en compte.
Le moins que l'on puisse dire est que cet article 2 bis n'est pas d'une grande clarté pour le lecteur. Nous sommes loin de la transparence qui est prônée dans ce texte, mais c'est probablement le sujet qui en est la cause.
Cet article, qui concerne les dirigeants d'entreprises cotées - ce qui est loin de représenter tous les administrateurs des entreprises -, prévoit expressément entre autre chose que des mesures peuvent être prises pour leur accorder des accessoires de rémunération, et notamment des compléments de retraite.
En clair, en récompense de leurs bons et loyaux services, ces « salariés » d'une catégorie toute particulière pourraient bénéficier de dispositions exceptionnelles, dérogatoires au droit commun, ledit droit commun se définissant à partir de la réforme des retraites.
Ces dispositions étant exceptionnelles, on les encadre, non par référence au code du travail ou à celui de la sécurité sociale, mais par référence au code du commerce. En effet, en lieu et place d'une disposition pouvant s'appuyer sur un article d'un des codes sociaux - ce qui serait évidemment délicat à justifier - nous nous trouvons face à une convention passée entre le récipiendaire et le conseil d'administration de l'entreprise concernée. En quelque sorte, la retraite des présidents-directeurs généraux des sociétés cotées deviendrait une affaire de gentleman agreement, un « petit arrangement entre amis ».
Voilà un article du projet de loi de pure opportunité, sans doute guidé par la découverte des conditions scandaleuses de mise à la retraite du président-directeur général d'un grand groupe de la distribution dont les salariés ou les franchisés rattachés n'ont pas les mêmes avantages.
Nous ne voterons évidemment pas cet article qui tend à créer un privilège exorbitant pour une catégorie extrêmement réduite de salariés d'entreprise.
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 94, présenté par M. Marc, Mme Bricq, MM. Massion, Yung, Peyronnet, Godefroy et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. L'article 2 bis, qui est issu d'un amendement déposé par le Gouvernement, prévoit que certains éléments - ils ne sont pas précisés - de la rémunération des dirigeants appartiendront désormais au régime des conventions réglementées.
Le Gouvernement prétend que cet article permettra de renforcer le contrôle de la rémunération des dirigeants. En réalité, il n'en est rien.
Le régime des conventions réglementées prévoit l'autorisation préalable du conseil d'administration et l'approbation postérieure de l'assemblée générale des actionnaires. Or cette approbation, étant postérieure, n'a aucune efficacité - ou très faible - sur la décision d'octroi d'une rémunération accessoire par le conseil d'administration.
L'assemblée générale intervient souvent longtemps après la conclusion du contrat et souvent même à un moment où l'exécution de la convention a déjà eu lieu.
A l'heure actuelle, les refus d'approbation sont exceptionnels. L'assemblée générale des actionnaires est, dans cette hypothèse, une simple chambre d'enregistrement qui sert à mettre les dirigeants à l'abri d'une action en responsabilité. On pourrait même se poser la question de savoir ce qui se passerait si une assemblée générale refusait d'entériner une convention de ce genre.
D'une manière plus générale, le régime des conventions réglementées n'offre pas les garanties requises pour que des éléments de la rémunération des dirigeants soient déterminés en toute transparence.
C'est pourquoi nous proposons la suppression de cet article 2 bis.
M. le président. Les amendements suivants sont présentés par M. Buffet, au nom de la commission des lois.
L'amendement n° 33 est ainsi libellé :
I. Dans le texte proposé par le 1° du I de cet article pour l'article L. 225-42-1 du code de commerce, remplacer les mots:
éléments de rémunération ou des avantages dus ou susceptibles d'être dus à raison de ou postérieurement à la cessation de ces fonctions
par les mots:
éléments de rémunération, des contreparties financières ou des avantages dus ou susceptibles d'être dus à raison de la cessation ou du changement de ces fonctions, ou postérieurement à celles-ci
II. En conséquence, procéder au même remplacement dans le texte proposé par le 2° du I de cet article pour l'article L. 225-90-1 du code de commerce.
L'amendement n° 34 est ainsi libellé :
Dans le texte proposé par le 3° du I de cet article pour l'article L. 225-22-1 du code de commerce, remplacer les mots:
les seules éventuelles dispositions dudit contrat correspondant à des éléments de rémunération ou des avantages dus ou susceptibles d'être dus à raison de ou postérieurement à la cessation de fonctions
par les mots:
les dispositions dudit contrat correspondant, le cas échéant, à des éléments de rémunération, des contreparties financières ou des avantages dus ou susceptibles d'être dus à raison de la cessation ou du changement de fonctions, ou postérieurement à celles-ci
L'amendement n° 35 est ainsi libellé :
Dans le texte proposé par le 4° du I de cet article pour l'article L. 225-79-1 du code de commerce, remplacer les mots:
les seules éventuelles dispositions dudit contrat correspondant à des éléments de rémunération ou des avantages dus ou susceptibles d'être dus à raison de ou postérieurement à la cessation ou au changement de fonctions
par les mots:
les dispositions dudit contrat correspondant, le cas échéant, à des éléments de rémunération, des contreparties financières ou des avantages dus ou susceptibles d'être dus à raison de la cessation ou du changement de fonctions, ou postérieurement à celles-ci
La parole est à M. le rapporteur pour avis pour défendre ces trois amendements.
M. François-Noël Buffet, rapporteur pour avis. L'amendement n°33, outre une proposition d'amélioration rédactionnelle, tend à intégrer dans le dispositif des conventions réglementées les contreparties financières dues à raison de la cessation des fonctions de dirigeant. Ainsi, sans ambiguïté possible, ces contreparties liées à une clause de non-concurrence seraient soumises au dispositif proposé.
En outre, il s'agit de viser par cohérence avec le quatrième alinéa du I de l'article les cas de changement de fonction.
Les deux amendements suivants sont des amendements de cohérence rédactionnelle avec le premier.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur. La commission est défavorable à l'amendement de suppression ; elle est, en revanche, favorable aux trois amendements présentés par la commission des lois.
Nous estimons en effet que le dispositif proposé par le rapporteur pour avis est équilibré et qu'il répond à un objectif de plus grande transparence.
Nous souhaiterions, monsieur le ministre, que vous nous rappeliez les conséquences qui, le cas échéant, s'attachent à un éventuel rejet par l'assemblée générale du rapport spécial des commissaires aux comptes sur les conventions réglementées. Que se passe-t-il ? Existe-t-il un régime de sanction légale ? Dans quelles conditions la responsabilité des dirigeants de la société peut-elle être mise en jeu ?
Tout rappel informatif en ce domaine sera utile à notre assemblée.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Thierry Breton, ministre. Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 94.
Avec les amendements nos 33, 34 et 35, vous souhaitez viser explicitement, monsieur le rapporteur pour avis, dans les mesures de transparence et d'approbation de la rémunération des dirigeants, les contreparties financières en plus des éléments de rémunération et des avantages dus ou susceptibles d'être dus qui sont déjà expressément mentionnés.
Cette démarche est effectuée dans un souci d'exhaustivité que je partage et qui tend à soumettre au dispositif de transparence et d'approbation des rémunérations les contreparties financières qui pourraient par exemple être liées à une clause de non-concurrence.
Il me semble toutefois que la rédaction actuelle est suffisamment large pour prendre en compte ces indemnités. C'est, en tous cas, la volonté du Gouvernement.
Par ailleurs, il ne me paraît pas souhaitable d'entrer dans une logique de description de toutes les formes de rémunérations qui seraient soumises au dispositif, car le texte pourrait être alors plus facilement contournable.
C'est la raison pour laquelle je vous demande de retirer vos trois amendements.
En outre, monsieur le rapporteur, à partir du moment où on entre dans le droit des conventions réglementées, c'est ce dernier qui s'applique effectivement. Si jamais l'assemblée générale n'approuve pas la convention, le conseil d'administration en sera responsable. Dans sa sagesse, ce dernier proposera un nouvel élément, qui sera cette fois accepté par l'assemblée générale, faute de quoi le conseil sera directement responsable au cas où, par exemple, un actionnaire viendrait s'opposer à cette décision. Je ne connais pas un conseil d'administration qui s'exposerait à ce risque.
M. le président. Monsieur le rapporteur pour avis, vos trois amendements sont-ils maintenus ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur pour avis. Avec le terme de « contrepartie financière » nous avons voulu englober toutes les rémunérations pour éviter le catalogue que vous évoquiez tout à l'heure, monsieur le ministre.
En ce qui concerne l'intégration au dispositif des conventions réglementées, notre approche vise à préserver un double intérêt : d'une part, celui de l'entreprise et de ceux qui la dirigent, d'autre part, celui des membres de l'assemblée générale, qui profitent d'une information classique et normale sans pour autant que les choses soient mises sur la place publique, ce qui n'est souhaitable ni pour les uns ni pour les autres.
C'est la raison pour laquelle nous préférons maintenir ces trois amendements.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote sur l'amendement n° 33.
Mme Nicole Bricq. Le rapporteur pour avis de la commission des lois a raison de maintenir ses amendements.
Nous avions demandé la suppression de l'article 2 bis parce que la rédaction du texte nous paraissait très insuffisante. A partir du moment où le rapporteur pour avis maintient ses amendements, nous les voterons.
M. le président. Je mets aux voix l'article 2 bis, modifié.
(L'article 2 bis est adopté.)
Articles additionnels après l'article 2 bis
M. le président. L'amendement n° 96, présenté par M. Marc, Mme Bricq, MM. Massion, Yung, Peyronnet, Godefroy et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 2 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa de l'article L. 225-42 du code de commerce est ainsi rédigé :
« Sans préjudice de la responsabilité de l'intéressé, les conventions désapprouvées par l'assemblée sont inopposables aux tiers. En cas de fraude, elles peuvent être annulées. »
La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. Cet amendement, qui tend à insérer un article additionnel après l'article 2 bis, a pour objet de renforcer l'efficacité des conventions réglementées.
Aujourd'hui, la désapprobation par l'assemblée générale d'une convention réglementée n'emporte aucun effet juridique pratique. Il importe donc de renforcer la portée de la désapprobation de l'assemblée générale.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur. Sous le bénéfice des observations complémentaires que la commission des lois pourrait éventuellement formuler sur ce point, il me semble que cet amendement est superfétatoire par rapport au droit existant.
En effet, comme M. le ministre le rappelait, au cas où, par extraordinaire, les conventions réglementées ne seraient pas approuvées par l'assemblée générale, le régime de responsabilité des mandataires sociaux est tellement dissuasif en la matière que ces derniers devraient prendre les mesures nécessaires de rectification et de mise en place de nouvelles conventions susceptibles d'êtres approuvées par l'assemblée générale.
Au demeurant, un rejet serait révélateur d'une véritable situation de crise qui se traduirait sans doute par d'autres conséquences : révocation de dirigeants, changements au sein du conseil d'administration, etc.
Dans l'hypothèse où un tel rejet interviendrait en assemblée générale, des actions en justice seraient possibles à la diligence des actionnaires pour faire constater les conséquences du rejet des conventions par l'assemblée générale.
Au total, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 95, présenté par M. Marc, Mme Bricq, MM. Massion, Yung, Peyronnet, Godefroy et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 2 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 225-45 du code de commerce est ainsi rédigé :
« Art. L. 225-45 - L'assemblée générale peut allouer aux administrateurs et au président du conseil d'administration ou de surveillance, en rémunération de leur activité, à titre de jetons de présence et au titre des avantages dus ou susceptibles d'être dus à raison de ou postérieurement à la cessation de leurs fonctions, une somme fixe annuelle que cette assemblée détermine sans être liée par des dispositions statutaires.
« Le montant de celle-ci est porté aux charges d'exploitation. Sa répartition entre les administrateurs et le président du conseil d'administration ou de surveillance est déterminée par le conseil d'administration. ».
La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. Alors que les indemnités de départ en retraite des dirigeants de société font, à juste titre, souvent scandale dans l'opinion publique, il importe que les conditions de fixation des rémunérations accessoires soient déterminées par les actionnaires.
A l'heure actuelle, le régime juridique applicable ne permet pas aux actionnaires de participer à la décision. En effet, pour les rémunérations accessoires, c'est l'article L. 225-47 qui s'applique et il donne compétence au conseil d'administration pour statuer sur les accessoires de la rémunération, notamment sur les pensions. Or cet article n'apporte aucune précision sur leurs conditions d'octroi, prévoyant simplement que le conseil d'administration détermine la rémunération du président.
Il convient par conséquent d'instituer un contrôle de l'assemblée générale des actionnaires.
L'article L. 225-45 prévoyant une intervention de cette dernière pour la rémunération principale, le respect du parallélisme des formes doit conduire à lui donner aussi compétence pour établir des garde-fous en matière de rémunérations accessoires.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur. L'article 2 bis soumet les engagements pris par les sociétés cotées, s'agissant de certaines rémunérations différées de leurs dirigeants, au régime des conventions réglementées. Ce régime implique notamment une approbation de l'ensemble des conventions par l'assemblée générale.
Il s'agit d'un dispositif équilibré que la commission approuve et qui lui paraît préférable au régime proposé dans l'amendement. L'avis est donc défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Thierry Breton, ministre. Je partage, monsieur Yung, votre volonté d'encadrer davantage les éléments de rémunération différée des dirigeants.
C'est l'objet même du dispositif proposé par le Gouvernement, objet que ce dispositif remplit bien puisqu'il prévoit, pour ces éléments de rémunération, non seulement une autorisation préalable du conseil d'administration mais aussi une approbation par les actionnaires.
Néanmoins, je considère que la détermination de la rémunération doit rester une compétence du conseil d'administration - ou du conseil de surveillance -, qui doit agir sous le contrôle étroit des actionnaires.
C'est pourquoi j'émets un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. François Marc, pour explication de vote.
M. François Marc. Ce qui nous a été dit par M. le rapporteur concernant les conventions qui donnent lieu à une vérification et à une adoption a posteriori par l'assemblée générale ne peut complètement nous satisfaire, car il s'agit pour nous d'anticiper les excès qui pourraient être commis. On sait en effet très bien que les conventions adoptées a posteriori laissent très systématiquement les choses en l'état.
Le fait qu'un P-DG ait pu partir récemment avec 30 et quelque millions d'euros sans que les actionnaires aient pu émettre la moindre observation anticipée démontre, s'il en était besoin, que le dispositif n'est pas satisfaisant.
Il s'agit pour nous de permettre à l'assemblée générale des actionnaires de déterminer par avance une enveloppe et de porter ainsi un regard anticipé sur les sommes mises à la disposition du conseil d'administration. Ce dernier garde ensuite la liberté de répartir ces sommes, mais le contrôle a priori ainsi exercé sur lui par l'assemblée générale rend possible la transparence.
Dans un contexte où, vous en êtes certainement d'accord, l'opinion publique est très sensibilisée aux excès qui peuvent exister et qu'elle estime inadmissibles, cet amendement constitue un progrès et répond à une attente ; dans sa sagesse, notre assemblée devrait donc l'adopter.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 95.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 2 ter
I. - L'article L. 225-102-1 du même code est ainsi modifié :
1° Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Ce rapport décrit en les distinguant les éléments fixes, variables et exceptionnels composant ces rémunérations et avantages ainsi que les critères en application desquels ils ont été calculés ou les circonstances en vertu desquelles ils ont été établis. Il indique également les engagements de toutes natures, pris par la société au bénéfice de ses mandataires sociaux, correspondant à des avantages ou éléments de rémunération dus ou susceptibles d'être dus à raison de ou postérieurement à la prise, à la cessation ou au changement de leurs fonctions. L'information donnée à ce titre doit préciser les modalités de détermination de ces engagements. Hormis le cas de bonne foi, les versements effectués et les engagements pris en méconnaissance des dispositions du présent alinéa peuvent être annulés. » ;
2° Après le quatrième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les dispositions des deux derniers alinéas de l'article L. 225-102 sont applicables aux informations visées au présent article. » ;
3° Dans la première phrase du dernier alinéa, les mots : « et deuxième » sont remplacés par les mots : « à troisième ».
II. - Après la deuxième phrase du troisième alinéa de l'article L. 225-235 du même code, il est inséré une phrase ainsi rédigée :
« Ils attestent spécialement l'exactitude et la sincérité des informations visées aux trois premiers alinéas de l'article L. 225-102-1. »
La parole est à M. Bernard Vera, sur l'article.
M. Bernard Vera. L'article 2 ter porte, indirectement, sur la question de la rémunération des administrateurs et dirigeants d'entreprises ainsi que sur la communication des éléments de cette rémunération au cours de l'assemblée générale des actionnaires.
Créé par la loi relative aux nouvelles régulations économiques, l'article L. 225-102-1 du code de commerce est en quelque sorte amendé en reprenant en ce sens les dispositions d'une ordonnance de juin 2004.
Comment interpréter cette évolution ? Disons simplement que le texte qui nous est proposé à une double visée : d'une part, intégrer une ordonnance dans le cadre de notre droit, singulièrement du code de commerce ; d'autre part, consacrer le fait que les dirigeants salariés d'entreprises bénéficient de par leur statut d'un traitement tout à fait particulier de leur retraite.
Ainsi, pour le commun des salariés, la retraite correspond à une perte de ressources immédiate, perte s'aggravant d'autant que la réforme des retraites s'applique de plus en plus et frappe de manière déterminante les personnels d'encadrement. Pour les mandataires sociaux et les administrateurs salariés, c'est au contraire la rente à vie, provisionnée et payée sur le produit de l'activité de l'entreprise.
Nous n'évoquerons pas plus longtemps les critères qui peuvent guider la démarche visant ainsi à rassurer ces « salariés » sur les moyens dont ils disposeront pour leur retraite, mais vous nous permettrez d'estimer que cette mesure est pour le moins surprenante. Si nous ne voyons guère d'inconvénient à la publicité de ce type de procédures, autorisez-nous au moins à trouver tout simplement choquant que le droit fasse place à ce qui est une dérogation au droit commun !
M. le président. L'amendement n° 36, présenté par M. Buffet, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Après les mots:
correspondant à
rédiger comme suit la fin de la deuxième phrase du texte proposé par le 1° du I de cet article pour insérer un alinéa après le deuxième alinéa de l'article L. 225-102-1 du code de commerce :
des éléments de rémunération, des contreparties financières ou des avantages dus ou susceptibles d'être dus à raison de la prise, de la cessation ou du changement de leurs fonctions ou postérieurement à celles-ci.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. François-Noël Buffet, rapporteur pour avis. Dans la continuité de ce que nous disions précédemment, cet amendement vise à lever toute ambiguïté sur le fait que les contreparties financières liées à la cessation ou au changement de fonctions, telles que les sommes versées au titre des clauses de non-concurrence, sont soumises à l'information prévue au présent article.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur. La commission est tout à fait favorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Thierry Breton, ministre. Je continue d'estimer qu'il n'y avait pas d'ambiguïté dans le texte initial, mais je m'en remets à la sagesse du Sénat.
M. le président. L'amendement n° 4, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi le début de la dernière phrase du texte proposé par le 1° du I de cet article pour compléter l'article L. 225-102-1 du code de commerce :
Les versements...
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini, rapporteur. La loi relative aux nouvelles régulations économiques du 15 mai 2001 a prévu des modalités de transparence des rémunérations des dirigeants.
Depuis la loi de sécurité financière du 1er août 2003, et sur l'initiative de la commission des finances, cette publicité ne concerne plus que les sociétés dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé.
Toutefois, la pratique a montré que ce dispositif encore imprécis pouvait être appliqué de façon parcellaire et hétérogène.
C'est pourquoi nous approuvons l'initiative prise par la commission des lois de l'Assemblée nationale dans l'esprit des travaux qu'elle a menés l'an dernier dans le cadre de sa mission d'information sur la réforme du droit des sociétés, mission que présidait Pascal Clément.
Nous sommes en outre en phase avec l'initiative du Gouvernement tendant, on l'a vu, à soumettre certains éléments de rémunération des dirigeants de sociétés cotées au régime des conventions réglementées.
Toutefois, un point d'ordre juridique mériterait d'être éclairci, monsieur le ministre.
La nullité facultative des versements effectués et engagements pris est prévue « hormis le cas de bonne foi ». Lors de la discussion à l'Assemblée nationale, cette formule a été jugée préférable à une nullité en cas de « méconnaissance volontaire » de l'obligation d'information au motif qu'il serait difficile d'apporter la preuve de cette méconnaissance volontaire. Cependant, la formulation retenue continue à faire reposer la charge de la preuve sur le demandeur, puisque la bonne foi est, par principe, présumée.
La commission propose donc de supprimer la référence à la bonne foi, la loi étant suffisamment explicite et la nullité étant, au demeurant, facultative, ce qui laisse au juge un pouvoir d'appréciation.
Mais peut-être pourriez-vous, monsieur le ministre, apporter à la commission des éléments qui lui permettraient, le cas échéant, de modifier sa position...
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Thierry Breton, ministre. La formule « hormis les cas de bonne foi » renvoie à des situations certes rarissimes mais envisageables. Admettons par exemple qu'un dirigeant quitte l'entreprise au mois de mars. Il va indiquer à son successeur qu'elles ont été ses rémunérations, et c'est son successeur qui les déclarera ; si le successeur se trompait, ce qui peut arriver, ce serait son prédécesseur le responsable.
La référence à la bonne foi permet de résoudre les situations de cette nature, raison pour laquelle il nous semble préférable de laisser le texte en l'état.
M. le président. Monsieur le rapporteur, la commission modifie-t-elle sa position ?
M. Philippe Marini, rapporteur. L'exemple concret que vient de donner M. le ministre permettant de mieux mesurer la portée de la référence à la bonne foi, je retire l'amendement.
M. le président. L'amendement n° 4 est retiré.
Je mets aux voix l'article 2 ter, modifié.
(L'article 2 ter est adopté.)
Article additionnel après l'article 2 ter
M. le président. L'amendement n° 141, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Après l'article 2 ter, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. Les deux derniers alinéas de l'article L. 225-149-3 du code de commerce sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :
« Peuvent être annulées les décisions prises en violation de la présente sous-section autres que celles mentionnées au présent article. »
II. L'article L. 235-2-1 du code du commerce est ainsi rédigé :
« Art. L. 235-2-1.- Peuvent être annulées les délibérations prises en violation des dispositions régissant les droits de vote attachés aux actions. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini, rapporteur. Cet amendement de caractère assez technique vise à transformer certaines nullités impératives en nullités facultatives.
L'article 134 de la loi de sécurité financière a supprimé un certain nombre d'incriminations pénales, prévues par le code de commerce en matière de droit des sociétés, et qui, n'ayant pas lieu d'être, étaient inappliquées dans les faits. En effet, dans de nombreux cas, les sanctions étant inappropriées, les infractions n'étaient pas poursuivies.
En contrepartie de cette dépénalisation, la loi de sécurité financière a institué des nullités et des injonctions de faire, renvoyant ainsi ces affaires au civil. Or ces nullités ont été critiquées par la doctrine et par les praticiens. Il faut reconnaître que le législateur avait mal perçu la portée des nullités, qui sont, d'après les termes retenus par la loi, impératives et donc systématiques. Le juge n'a aucun pouvoir d'appréciation de la gravité des faits et du préjudice subi par l'entreprise.
La commission des finances souhaite donc, par cet amendement, rétablir des nullités facultatives, c'est-à-dire soumises à l'appréciation du juge.
Dans le domaine du droit des augmentations de capital, l'ordonnance du 24 juin 2004 portant réforme du régime des valeurs mobilières laisse subsister des nullités impératives.
Par ailleurs, on observe que le vote par Internet aux assemblées générales, par exemple, se développe peu en France du fait des exigences du droit de la preuve en matière de signature électronique, conjuguées aux risques de nullité.
Dans l'un et l'autre cas, il apparaît que l'annulation systématique est susceptible d'entraîner, pour l'entreprise et pour ses actionnaires, un préjudice plus grave que celui qui résultait du manquement initial. Dès lors, il convient, à notre sens, de confier au juge le soin d'apprécier la gravité de l'irrégularité, ce qui revient à substituer aux nullités des "annulabilités".
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Thierry Breton, ministre. En fait, vous proposez, monsieur le rapporteur général, de remplacer les nullités impératives en matière d'augmentation de capital et de droit de vote par des nullités facultatives.
M. Philippe Marini, rapporteur. Voilà !
M. Thierry Breton, ministre. Compte tenu de l'importance des manquements en cause, qui ont trait, par exemple, à la suppression du droit préférentiel de souscription, je ne suis pas favorable à un tel assouplissement.
En effet, ces nullités ayant été introduites en contrepartie d'une dépénalisation afin de permettre des poursuites au civil, plus efficaces, les remplacer par des nullités facultatives serait en fait, si j'ai bien compris votre argumentation, contraire à la recherche d'efficacité qui semble sous-tendre votre proposition.
C'est la raison pour laquelle le Gouvernement est plutôt défavorable à cet amendement.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. La loi de 2003 a dépénalisé certaines pratiques pour mettre en place soit des injonctions civiles, soit des nullités de plein droit. Il me paraîtrait franchement exagéré de remplacer maintenant les nullités de plein droit par des nullités facultatives.
Les infractions visées étaient tout de même extrêmement graves : c'était, par exemple, le non-respect des délibérations en matière de droit de vote. On a jugé, en 2003, qu'il était préférable de les dépénaliser et qu'il valait mieux que le juge civil prononce la nullité des actes considérés ; s'il constate que les règles n'ont pas été respectées, il annule. Il est vrai que le juge n'a, dès lors, pas de possibilité d'appréciation.
Honnêtement, j'estime, à la lumière de l'histoire des sanctions en matière commerciale, qu'il est impératif de conserver ces nullités de plein droit !
Les exemples que vous avez donnés, monsieur le rapporteur général, ne sont pas vraiment pertinents. Ce qui entraîne la nullité de plein droit en matière de vote dans les assemblées générales n'a rien à voir avec ce à quoi vous avez fait allusion !
M. le président. L'amendement est-il maintenu, monsieur le rapporteur ?
M. Philippe Marini, rapporteur. Il est tard, monsieur le président et, sous ce feu croisé...
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Il faut rappeler l'histoire !
M. Philippe Marini, rapporteur. Je l'ai fait, mais il me semblait que l'appréciation du juge pouvait permettre de résoudre certaines situations.
Cela étant, je parle de cette question de manière un peu tremblante dans la mesure où elle n'appartient pas à mon domaine habituel.
En conséquence, je crois préférable de prendre le temps de bien réexaminer cette question et donc de retirer l'amendement.
M. le président. L'amendement n °141 est retiré.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
8
DÉPÔT DE PROJETS DE LOI
M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre un projet de loi ratifiant les ordonnances relatives au droit du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle outre-mer.
Le projet de loi sera imprimé sous le n° 449, distribué et renvoyé à la commission des affaires sociales, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
J'ai reçu de M. le Premier ministre un projet de loi autorisant l'approbation du protocole additionnel à la convention pénale sur la corruption.
Le projet de loi sera imprimé sous le n° 450, distribué et renvoyé à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
9
DÉPÔT DE PROPOSITIONS DE LOI
M. le président. J'ai reçu de M. Jean-Pierre Michel, Mme Bariza Khiari, MM. Claude Domeizel, Jean-Pierre Bel, Yannick Bodin, Roger Madec, Bernard Frimat, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Jean-Pierre Godefroy, Jean-Pierre Sueur, Claude Saunier, Serge Larcher, Claude Lise, Richard Yung, Raymond Courrière, Mme Odette Herviaux, M. Jean-Marc Todeschini, Mmes Michèle André, Maryse Bergé-Lavigne, MM. Bernard Dussaut, Michel Dreyfus-Schmidt, Serge Lagauche, Mmes Sandrine Hurel, Alima Boumediene-Thiery, Dominique Voynet, MM. Jean-Marc Pastor, Gérard Miquel, Mmes Marie-Christine Blandin, Catherine Tasca, Christiane Demontes, MM. Charles Gautier, Pierre Mauroy, Daniel Reiner, Mmes Gisèle Printz, Patricia Schillinger, Raymonde Le Texier, Claire-Lise Campion, MM. David Assouline et Jean-Louis Carrère une proposition de loi visant à abroger l'article 4 de la loi n° 2005-158 du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés.
La proposition de loi sera imprimée sous le n° 451, distribuée et renvoyée à la commission des affaires culturelles, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
J'ai reçu de M. Michel Dreyfus-Schmidt une proposition de loi tendant à la pénalisation de l'usurpation d'identité numérique sur les réseaux informatiques.
La proposition de loi sera imprimée sous le n° 452, distribuée et renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
10
TEXTE SOUMIS AU SÉNAT EN APPLICATION DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION
M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Livret vert sur l'efficacité énergétique ou Comment consommer mieux avec moins.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-2914 et distribué.
11
ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd'hui, mardi 5 juillet 2005, à neuf heures trente, seize heures et le soir :
Suite de la discussion du projet de loi (n° 433, 2004-2005), adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, pour la confiance et la modernisation de l'économie ;
Rapport (n° 438, 2004-2005) de M. Philippe Marini, fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation ;
Avis (n° 436, 2004-2005) présenté par Mme Isabelle Debré, au nom de la commission des affaires sociales ;
Avis (n° 437, 2004-2005) présenté par M. François-Noël Buffet, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Le délai limite pour le dépôt des amendements est expiré.
Délai limite pour les inscriptions de parole et pour le dépôt des amendements
Déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat d'orientation budgétaire ;
Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mardi 5 juillet 2005, à dix-sept heures.
Sous réserve de sa transmission, projet de loi habilitant le Gouvernement à prendre par ordonnances des mesures d'urgence pour l'emploi (urgence déclarée) (A.N., n° 2403) ;
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 6 juillet 2005, à dix-sept heures ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : Ouverture de la discussion générale.
Deuxième lecture de la proposition de loi, adoptée avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, tendant à mettre à la disposition du public les locaux dits du Congrès, au château de Versailles (n° 386, 2004-2005) ;
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : vendredi 8 juillet 2005, à dix-sept heures ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : vendredi 8 juillet 2005, à douze heures.
Deuxième lecture du projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale, portant diverses mesures de transposition du droit communautaire à la fonction publique (n° 286, 2004 2005) ;
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : vendredi 8 juillet 2005, à dix-sept heures ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : vendredi 8 juillet 2005, à douze heures.
Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif aux concessions d'aménagement (n° 431, 2004-2005) ;
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : vendredi 8 juillet 2005, à dix-sept heures ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : vendredi 8 juillet 2005, à douze heures.
Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, ratifiant l'ordonnance n° 2004-1197 du 12 novembre 2004 portant transposition de directives communautaires et modifiant le code du travail en matière d'aménagement du temps de travail dans le secteur des transports (n° 287, 2004 2005) ;
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : vendredi 8 juillet 2005, à dix-sept heures ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : vendredi 8 juillet 2005, à douze heures.
Deuxième lecture du projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale, portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine des marchés financiers (n° 432, 2004 2005) ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : vendredi 8 juillet 2005, à douze heures.
Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à l'égalité salariale entre les femmes et les hommes (n° 343, 2004-2005) ;
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 11 juillet 2005, à dix-sept heures ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 11 juillet 2005, à douze heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée le mardi 5 juillet 2005, à zéro heure trente-cinq.)
La Directrice
du service du compte rendu intégral,
MONIQUE MUYARD