PRÉSIDENCE DE M. Adrien Gouteyron
vice-président
M. le président. La parole est à M. Serge Dassault.
M. Serge Dassault. Monsieur le ministre, permettez-moi de vous féliciter d'avoir su faire un bon budget dans des conditions très difficiles, conséquences de décisions irresponsables fort coûteuses prises par certains de vos prédécesseurs.
Bravo aussi pour les décisions que vous avez prises en matière fiscale : elles sont un encouragement à l'activité des entrepreneurs et elles permettront un renouveau économique. Aucun gouvernement précédent n'avait agi de la sorte !
Certes, vous n'avez pas encore pu réduire suffisamment les dépenses de l'Etat et diminuer le déficit budgétaire, mais vous n'avez pas été aidé pour cela, en particulier par ceux qui s'accrochent à leurs avantages acquis, refusant toute réforme et paralysant le pays par des grèves qui ne peuvent qu'aggraver le chômage.
Ceux qui veulent conserver le service public devraient commencer par assurer correctement ce service au public ! En empêchant les usagers d'aller travailler, ils compromettent leurs emplois et ceux des usagers. Le droit de grève est certes prévu dans la Constitution, mais le droit au travail l'est aussi, et nul ne devrait pouvoir empêcher un autre de travailler !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !
M. Serge Dassault. Il y a des dépenses utiles, celles qui favorisent l'investissement pour préparer l'avenir, mais il y a des dépenses moins utiles, qui ne produisent aucune richesse, et les aides incitatives à la réduction du temps de travail en sont un triste exemple : cette charge, due à la démagogie irresponsable de Mme Aubry, oblige l'État à dépenser près de 10 milliards d'euros par an pour permettre à certains de ne pas travailler. C'est un comble !
Mme Aubry n'avait évidemment pas calculé les conséquences coûteuses de ces 35 heures, pas plus d'ailleurs que ceux qui proposent aujourd'hui d'augmenter le SMIC à 1 500 euros sans se préoccuper de l'impact financier de cette mesure pour les entreprises et pour l'État ! (Mme Nicole Bricq s'exclame.)
Ainsi, l'État doit aujourd'hui emprunter 10 milliards d'euros pour permettre aux Français de travailler moins. Ce n'est pas une bonne gestion, et il faut que cela cesse ! Songez, monsieur le ministre, à ce que serait votre budget avec 10 milliards d'euros de dépenses en moins : vous seriez plus heureux ! Pourquoi, par exemple, ne pas supprimer toute limitation aux heures supplémentaires et en ne les payant qu'au-delà de 39 heures ? Vous pourriez ainsi réaliser des économies tout en supprimant des charges pour les entreprises, qui retrouveraient leur liberté de gestion.
Mais ce n'est pas tout ! Vous avez décidé de transférer à la sécurité sociale la somme énorme de 19 milliards d'euros, financée par l'article 41, au lieu de la conserver dans le budget de l'État, comme en 2005. Cette somme correspond aux 10 milliards d'euros des 35 heures et aux exonérations de charges sociales jusqu'à 1,6 SMIC, qui augmentent de 2 milliards d'euros par an. Ainsi, vous réalisez cette opération pour ne pas faire apparaître une augmentation des charges budgétaires de 2 milliards d'euros par rapport au budget de 2005. Mais si vous aviez décidé de ramener ces exonérations de 1,6 SMIC à 1,5 SMIC, vous auriez économisé ces 2 milliards d'euros, et vous auriez pu ainsi ne pas augmenter les dépenses de votre budget !
De plus, si cette somme de 19 milliards d'euros est transférée au budget de la sécurité sociale, vous serez obligé de supporter cette charge éternellement, et votre budget continuera à être gravement déficitaire pour rien. Vous utiliserez pour le financer l'article 41, dont je souhaite le retrait.
Au contraire, en conservant cette somme de 19 milliards d'euros dans votre budget, vous pourriez diminuer chaque année l'allégement de cotisations sociales et supprimer peu à peu les aides aux 35 heures. Dans quelques années, vous diminueriez ainsi de 19 milliards d'euros les dépenses ! Ce n'est pas un rêve, mais, pour cela, il faut le vouloir car, quand on n'a pas les moyens de dépenser, on ne dépense pas, c'est un principe élémentaire de gestion.
Comme l'a préconisé M. Marini, soyons courageux !
Emprunter pour payer les charges des entreprises ne me paraît pas une utilisation efficace de nos recettes fiscales, que l'on devrait utiliser pour les investissements.
Je voudrais aussi rappeler qu'en 1997 toutes ces charges n'existaient pas, à l'exception d'une somme modeste de 197 millions d'euros due à l'exonération concernant le dispositif de Robien. Mais, pour 2006, ces 197 millions sont devenus 19 milliards d'euros ! Songez à ce qu'aurait été votre budget d'aujourd'hui si vous n'aviez eu que ces 197 millions d'euros à dépenser !
Il faut arrêter cette spirale mortelle, et cela ne dépend que de vous !
Dans le domaine de l'emploi, vous avez maintes fois annoncé, monsieur le ministre, que la lutte contre le chômage était votre priorité, et vous avez eu raison. Pour cela, vous proposez de dépenser 13,6 milliards d'euros, dont 7 milliards d'euros pour l'accès et le retour à l'emploi et 4,39 milliards d'euros pour l'accompagnement de mutations économiques, sociales et démographiques. Ce sont des sommes considérables, et j'aimerais savoir combien d'emplois auront été créés grâce à ces sommes à la fin de l'année.
En revanche, je ne vois rien dans votre budget qui permettrait aux entreprises de développer leur activité en leur accordant des crédits. Car on oublie trop souvent que ce sont les entreprises qui embauchent : il ne sert à rien de créer des aides à l'emploi, de mettre en place un plan d'aide au retour à l'emploi, des emplois aidés, bref d'inciter les chômeurs à travailler si aucune entreprise ne leur offre du travail !
Mais les entreprises n'embaucheront pas si elles ne peuvent pas bénéficier de la flexibilité de l'emploi. La garantie de l'emploi n'existe pas, et la rigidité de l'emploi n'aboutit qu'à la garantie du chômage. Ce sont les pays où la flexibilité de l'emploi est assurée qui connaissent le plus faible taux de chômage : 5 % au Danemark, en Angleterre, au Canada, contre 10 % chez nous et en Allemagne. Et, autre avantage non négligeable, la flexibilité ne coûte rien !
Vous pourriez ainsi consacrer une partie de ces 13,6 milliards d'euros du budget de l'emploi à des crédits en faveur des entreprises, pour la formation des chômeurs à des emplois disponibles.
En particulier, l'apprentissage à partir de quatorze ans, récemment décidé par M. le Premier ministre, est une excellente initiative pour former les jeunes à des emplois sûrs.
En diminuant peu à peu ces 19 milliards d'euros, en employant différemment les 14 milliards d'euros du budget de l'emploi et en appliquant la flexibilité, vous pourriez ramener peu à peu votre déficit à 27 milliards d'euros - peut-être même moins - au lieu de 46 milliards d'euros. Vous pourriez ainsi bénéficier d'une grande souplesse et vous n'auriez plus de souci s'agissant des critères de Maastricht.
Ce sont d'autres choix, mais ils seraient plus efficaces et moins coûteux.
Le contrat « nouvelles embauches » décidé par M. de Villepin est un pas vers la flexibilité et il aura, j'en suis sûr, un grand succès.
M. Serge Dassault. Quand je vois que le nouveau projet socialiste prévoit la suppression immédiate de ce contrat et le SMIC à 1 500 euros, sans se préoccuper des conséquences économiques et financières de ces mesures, je me demande dans quel monde vivent ces personnes et quand elles vont enfin comprendre la réalité de la vie économique et de la concurrence internationale à laquelle nous somme soumis, qu'on le veuille ou non !
Ce programme ne fera que précipiter encore plus la France vers le déclin et le chômage généralisé. Les Chinois, ex-communistes, l'ont bien compris, ainsi que la plupart des pays socialistes européens, qui, eux, n'ont plus ce comportement agressif de ne vouloir rien faire, d'être contre tout, de ne vouloir aucune réforme, de dépenser plus et de travailler moins ! (M. Marc Massion s'exclame.)
Enfin, monsieur le ministre, permettez-moi une dernière suggestion.
Je vous ai déjà présenté un nouveau système de répartition des charges sur les salaires dans les entreprises en ne faisant supporter à ces dernières que celles qui ont trait aux salariés, c'est-à-dire celles qui touchent le chômage et les retraites. Le reste, comme les allocations familiales et la sécurité sociale, ne concerne pas les entreprises : ces dépenses doivent être financées autrement, par exemple par un coefficient associé au chiffre d'affaires de l'entreprise, une fois déduite la masse salariale.
Cela permettrait de réduire le coût de production d'au moins 35 %, faciliterait les embauches et les augmentations de salaires. Cela permettrait aussi d'équilibrer les comptes de la sécurité sociale en adaptant ce coefficient aux besoins de son déficit, ce qui est impossible aujourd'hui, les dépenses et les recettes de la sécurité sociale étant totalement indépendantes.
Les entreprises de main-d'oeuvre paieraient moins et les entreprises de service paieraient plus, ainsi que les importateurs. Cela favoriserait l'emploi ! Je souhaiterais, monsieur le ministre, que vos services étudient ce système pour en mesurer les avantages et, peut-être, les inconvénients.
Voilà, monsieur le ministre, ce que je voulais vous dire. Vous avez tous les atouts pour réussir, et nous ferons tout pour vous aider. (Applaudissements sur les travées de l'UMP ainsi que sur certaines travées de l'UC-UDF.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Virapoullé.
M. Jean-Paul Virapoullé. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'ai estimé utile d'apporter la contribution des élus d'outre-mer à la réflexion de la nation sur son budget. Le budget, ce n'est pas seulement, en effet, une affaire d'expert, et je ne suis pas moi-même un expert,...
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Allons ! Allons !
M. Jean-Paul Virapoullé. ... mais un petit élu de base qui, à l'examen de ce projet de loi de finances, se dit que ce gouvernement a du courage.
Le Gouvernement a en effet la volonté de redresser la situation dans un contexte national et international difficile : en dépit de ce contexte, des améliorations importantes sont prévues telles que la réduction de l'impôt sur le revenu grâce à la modification des tranches d'imposition, la création d'un « bouclier fiscal », la réforme de la taxe professionnelle, ou encore l'amélioration de la prime pour l'emploi.
Par ailleurs, les élus d'outre-mer ont lancé un appel unanime pour que soient modifiés les articles 61 et 73 du projet de loi de finances pour 2006, de sorte que la loi de programme pour l'outre-mer soit respectée et que la commission d'évaluation ait le temps de faire son travail. Ils ont été entendus !
Mais, une fois ce budget voté, monsieur le ministre, aurons-nous la maîtrise des principaux outils qui fondent l'économie de ce pays ? Là est la vraie question !
Je vous dirai bien modestement, mais avec beaucoup de conviction, qu'à mon avis le contexte de 2005, et donc celui de 2006, n'est plus celui que j'ai connu lorsque j'étais plus jeune : aujourd'hui, l'influence nationale est moins importante que l'influence européenne.
C'est pourquoi je vais essayer de me livrer à une petite démonstration avant de conclure en vous proposant deux orientations.
Tout d'abord, nous ne maîtrisons pas les paramètres qui forment l'armature d'une loi de finances. Nous espérons que le taux de croissance atteindra entre 2 % et 2,5 %, mais qui peut l'assurer aujourd'hui, monsieur le ministre ? Personne, puisqu'un coup de Trafalgar en Asie ou aux Etats-Unis, par exemple, peut réduire à néant les efforts de nos entreprises, auxquelles il faut d'ailleurs rendre hommage car ce sont elles qui créent la richesse, et donc l'emploi.
Dans le même temps, le taux d'intérêt, qui est un facteur clé de notre économie, ne dépend ni de la représentation nationale ni du Gouvernement : il relève des gouverneurs des banques centrales et de la Banque européenne d'investissement, qui, il faut le dire, continuent à lutter contre une inflation qui n'existe plus, avec un taux d'intérêt à 2 %.
Même la politique salariale est influencée par les pays à faible coût de main-d'oeuvre : dans une économie comme la nôtre, qui a un taux d'ouverture de 30 %, nous devons nécessairement tenir compte de la concurrence des pays à faible coût de main-d'oeuvre ! Ainsi, selon les chiffres des dernières années, l'augmentation des salaires hors inflation s'élève à 0,5 %.
Puisque nous ne maîtrisons pas les bases de notre économie, maîtrisons-nous le cadre concurrentiel dans lequel elle évolue ? La réponse est encore pire, parce qu'un cadre concurrentiel fonctionne d'abord sur l'illusion grandissante que la division du travail est possible : aux pays d'Asie et d'Amérique latine les produits à faible valeur ajoutée, à nous les Airbus !
Nous constatons ainsi aujourd'hui que des pays comme la Chine, l'Inde, et demain le Brésil, forment chacun plus d'ingénieurs et d'informaticiens de très haute valeur que toute l'Europe réunie : on en compte 700 000 de plus rien que pour la Chine ou l'Inde !
M. Yves Fréville. Eh oui !
M. Jean-Paul Virapoullé. Cette illusion d'une certaine élite - à eux les « fringues » et à nous les produits à forte valeur ajoutée - est un leurre,...
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Eh oui !
M. Jean-Paul Virapoullé. ... et vous l'avez démontré, cher Jean Arthuis, dans un excellent rapport qui est un pour moi devenu une bible : la division du travail n'est pas aujourd'hui un axe majeur de l'évolution des échanges internationaux, et nous mentons à l'opinion publique en lui faisant croire que, demain, nous demeurerons les producteurs à forte valeur ajoutée.
La délocalisation par la non-division du travail et la faible localisation chez nous, c'est une triste réalité dont nous souffrons aujourd'hui et que nous continuerons d'endurer demain si nous n'agissons pas.
Peut-être sommes-nous meilleurs sur la monnaie ?
De fait, il existe actuellement trois ensembles économiques forts : l'Europe - mais nous avons démontré que le taux d'intérêt de la monnaie européenne était fixé par la banque centrale -, les États-Unis - pays soi-disant libéral et libre-échangiste mais qui est l'un des ensembles les plus protégés de la planète, je le démontrerai tout à l'heure - et enfin la Chine, dont la monnaie est largement sous-évaluée puisqu'il faut 8 yuans pour un dollar. En étant contraints d'acheter 600 milliards de dollars pour éviter son effondrement, les chinois ont d'ailleurs faussé les échanges internationaux...
Vous me direz que le Brésil, l'Inde et la Chine respectent les normes édictées en faveurs de l'environnement. En réalité, ce n'est pas le cas, parce que la prise en compte de ces règles est très onéreuse dans les coûts de production. Ainsi, les résultats sont totalement différents si vous exploitez une usine qui respecte les normes environnementales - traduites dans la Constitution grâce à la volonté du Président de la République -, ou si vous tirez profit d'une usine qui pollue gravement une région entière, comme c'est le cas, l'actualité récente nous le montre, en Chine.
Ces pays ne respectent pas la parité monétaire, ils s'en servent pour protéger et doper leur économie. Ils ne respectent pas plus l'environnement, et je ne ferai pas ici la démonstration que ces États ne respectent pas non plus une certaine charte sociale et qu'ils ne tiennent aucun compte de la dignité humaine dans bien des cas.
Alors, on veut nous persuader que le protectionnisme a disparu partout. Mais, je vous l'ai dit, les Etats-Unis se protègent et leur influence au sein de l'OMC, organisme opaque, y est plus importante que celle de la France, qui n'y siège pas directement puisque l'Europe parle en son nom. Ainsi, dans quelques jours, nous allons assister à Hong Kong à un tête-à-tête que, pour ma part, je trouve plutôt inquiétant entre M. Blair et M. Mandelson. Peut-être partagez-vous mon point de vue ? Quoi qu'il en soit, nous ne serons pas présents, ce qui est très ennuyeux.
Et, quand M. Lamy nous dit que les États-Unis font un effort pour ouvrir leur économie et qu'ils pensent que la PAC doit évoluer, je lui réponds que, rien que pour le coton, les États-Unis aident aujourd'hui leurs producteurs à hauteur de 4,5 milliards de dollars, soit exactement la valeur de la production américaine de coton. N'est-ce pas là du protectionnisme, de l'interventionnisme ? Nous sommes en présence d'un cas d'école !
Alors, mes chers collègues, cessons d'être les bons apôtres d'un libre échange aveugle qui pollue la politique dans ce pays, qui salit nos quartiers - l'insurrection des banlieues en est la preuve -, qui détruit les fondements de la République, qui met l'Europe en situation de crise !
Quel que soit le budget - et celui-ci est un bon budget que je voterai, monsieur le ministre, pour soutenir le Gouvernement - nous devons appliquer les thèmes centraux développés par le Premier ministre lors du débat de politique générale, il nous faut mettre en oeuvre une Europe politique conduisant à une préférence européenne dans un échange international, c'est-à-dire une mondialisation.
Je ne viens pas plaider ici une économie administrée : cela n'existe plus, ou c'est en voie de disparition quand cela existe. Non ! Je suis pour la liberté de la production et des échanges, je suis pour la mondialisation, mais une mondialisation qui respecte l'homme, qui respecte l'environnement, qui respecte l'équité.
C'est dans ce contexte que je soutiens l'action du Gouvernement, en souhaitant que, dans les mois qui viennent, nous mettions en oeuvre une politique fondée sur la préférence européenne et sur la mondialisation loyale. (Applaudissements sur les travées de l'UMP ainsi que sur certaines travées de l'UC-UDF.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Goulet.
M. Daniel Goulet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme le précisait l'un des intervenants précédents, tout a déjà été dit sur l'expertise de ce budget. Permettez-moi cependant, en ma qualité de dernier orateur inscrit, de retenir quelques minutes encore votre bienveillante attention.
Voilà un an, nous avions organisé ici même un débat sur les prélèvements obligatoires, sur la base de deux rapports excellents de nos collègues MM. Marini et Vasselle.
N'étant pas un homme de renoncement, je reprendrai donc aujourd'hui mes propositions.
Ma première observation portera sur la dépense publique, qui relève en fait de la réforme de l'État, véritable serpent de mer ou vraie Arlésienne...
Pensez-vous qu'il faille encore initier des colloques, envoyer des questionnaires aux 36 000 maires de France, lancer des appels à initiatives pour savoir quelles mesures il nous faut désormais prendre afin de désengorger notre administration territoriale ?
Chacun de nous connaît ce mille-feuille des compétences locales et le délire kafkaïen de nos finances locales. Nous devons donc faire preuve d'un certain courage, comme cela a été dit dans cet hémicycle.
Le courage politique auquel s'est référé notre éminent rapporteur général, mes chers collègues, c'est aussi examiner sans a priori la structure même de nos dépenses, notamment de celles dont on ne mesure pas suffisamment l'origine et les effets.
Je citerai un exemple parmi d'autres. N'étant ni un expert ni un philosophe de la fiscalité et des dépenses publiques, je me suis livré à une étude intéressante avec quelques étudiants. Celle-ci risque d'interpeller un certain nombre d'entre nous.
Savez-vous que de nombreux cantons dans nos départements comptent moins de mille habitants ? Savez-vous que, au-delà de la question électorale - qui pourrait paraître bassement politicienne -, et du seuil de 9 000 habitants fixé pour établir les comptes de campagne, cette situation entraîne une inégalité manifeste, que personne ne peut nier, entre les candidats ?
Ainsi, notre pays compte 3 714 cantons. Or 15 % d'entre eux comptent moins de 4 000 habitants, et je ne parle pas de ce canton des Hautes-Alpes qui n'en compte que 270 !
Sur cette base, j'ai cherché à établir une nouvelle carte de France avec une régulation des cantons représentant environ 4 000 habitants, seuil de viabilité que l'on exige d'ailleurs lors de la constitution des communautés de communes.
Il s'agirait là d'une simple mise en cohérence rendue d'autant plus nécessaire que, sur le fond, le rôle accru des communautés de communes réduit en proportion celui des conseillers généraux si ces derniers ne les président pas eux-mêmes.
Cette restructuration conduirait inéluctablement à une diminution du nombre d'élus, et donc à une économie très importante qui, calculée sur la durée du mandat de six ans et sur la base des indemnités mensuelles actuelles, représente 106,288 millions d'euros.
Monsieur le ministre, je tiens à votre disposition cette étude qui a été initiée, je le répète, par un groupe d'étudiants tout à fait convaincant.
M. Daniel Goulet. A cette somme viendrait s'ajouter la réduction des frais de fonctionnement, qui diminueraient à due concurrence.
Le report des élections cantonales en 2008 devrait nous donner le temps de réfléchir à une réforme de fond ! Nous adresserions ainsi un signe fort qui témoignerait d'une volonté politique exemplaire mais non partisane, de la part des élus qui sont chargés d'initier les économies et qui ne donnent pas l'exemple.
Ce serait une simple mesure de bon sens, de bonne gestion en quelque sorte. A tout le moins, mes chers collègues, pourrions-nous former un groupe de travail pour réaliser une étude d'impact sur cette proposition. Ce serait un signe fort, je le répète, à l'adresse de nos compatriotes, qui s'éloignent chaque jour davantage de leurs élus et de la classe politique.
J'avais fait part de cette observation à M. Sarkozy, lors de son premier passage au ministère de l'intérieur. Il m'avait alors répondu, en des termes que je considère comme inappropriés, qu'il s'agissait d'un « charcutage électoral ». A Bercy, je lui ai reposé la question, mais elle est restée sans réponse cette fois. Il ne s'agissait pourtant que d'aller dans votre sens, monsieur le ministre, lorsque vous dites que la France vit au-dessus de ses moyens.
Je reviens donc à la charge avec un ministre qui a l'immense avantage de ne pas être un élu local et de ne pas afficher d'ambition nationale, du moins pour 2007. (M. le ministre délégué sourit.) Je fais donc confiance à sa logique économique et à l'absence de conflit d'intérêts lorsqu'il étudiera, j'en suis certain, l'étude que j'ai réalisée et que je tiens à sa disposition.
Ma démarche n'a rien à voir avec un quelconque charcutage, et je ne suis en aucune manière concerné. Il s'agit tout simplement de rechercher, comme le ministre d'État de l'époque nous y avait invités, à prendre des mesures cohérentes afin de réaliser des économies. Car il s'agit bien, pour la représentation nationale, de ne pas créer seulement des dépenses mais aussi de rechercher des économies.
Il s'agit surtout d'un très bon exemple de réforme courageuse - ce mot a été utilisé ici, à bon escient je l'espère - et nécessaire de cette bonne gouvernance dont on nous rebat les oreilles tout au long de colloques dispendieux et longs comme des jours sans pain !
Par ailleurs, il faut réintroduire sans crainte des mécanismes de contrôle, de sanction, et donner plus de pouvoirs aux chambres régionales des comptes.
L'émission télévisée « Combien ça coûte », pour anecdotique qu'elle soit, devrait nous inciter à réfléchir : elle décrédibilise chaque fois davantage des responsables manifestement incapables de bien gérer les deniers publics. Ces carences rejaillissent sur nous tous et nous font beaucoup plus de mal que de bien !
Ma deuxième série d'observations concerne les dépenses effectuées dans le secteur de la diplomatie et des affaires étrangères.
Arrêtons-nous quelques instants sur l'Assemblée de l'Union de l'Europe occidentale, l'UEO. Cette assemblée chargée des questions de défense a vu la totalité de ses missions, les missions Petersberg - son objet social en quelque sorte -, transférées au Parlement européen voilà plus de cinq ans maintenant.
Cette assemblée quasi fantôme se réunit, depuis lors, quelques jours par an pour justifier l'existence de ces quelques centaines de fonctionnaires internationaux - pour lesquels la France contribue largement - siégeant dans des locaux du Conseil économique et social pour un budget annuel de 7,367 millions d'euros : 4,209 millions de charges de personnel et plus de 1 million de charges de pensions. Les autres frais sont à cette image : ainsi, des transformations et restaurations de locaux qui défient toute concurrence sont actuellement envisagées.
Certes, la création de l'UEO résulte d'une convention internationale. Mais ne pourrait-on faire réfléchir un peu l'un des nombreux fonctionnaires du Quai d'Orsay pour qu'il nous donne les voies et les moyens susceptibles de mettre un terme à cet inutile acharnement thérapeutique et diplomatique ? Si nous devons réfléchir à une défense européenne, 7 millions d'euros me semblent suffisants pour nourrir un brain trust de prix Nobel de la paix, par exemple !
Savez-vous, monsieur le ministre, que nous disposons d'une ambassade de France à Strasbourg pour assurer les relations avec le Conseil de l'Europe, dont les travaux sont, par ailleurs, totalement ignorés de la représentation nationale du Sénat et de l'Assemblée nationale ? Je le sais, hélas, pour y siéger !
Nous pourrions peut-être y déléguer un fonctionnaire du Quai d'Orsay, qui assisterait aux réunions, plutôt que d'entretenir une ambassade entière, avec tout ce que cela implique ! Puisque nous n'avons pas assez d'argent pour les autres ambassades qui nous représentent dans le monde entier, il faut donc faire des choix !
En outre, notre haute administration diplomatique n'est pas, que je sache, une agence de placement ou de réinsertion. En disant cela, je ne vise personne et je ne vous en fait pas grief, monsieur le ministre. Je constate simplement que l'ascenseur social y est bloqué au sommet et s'apparente plutôt, pour notre budget, à un monte-charge !
Quid de ce poste d'ambassadeur pour les relations euro-méditerranée, de cet autre chargé de la parité, de ce troisième chargé de la prévention des conflits et dont on ignore d'ailleurs où il était au moment des problèmes des banlieues ? Ces trois postes cumulés nous coûtent plus de 600 000 euros pas an ! Et vous cherchez des économies, monsieur le ministre ? Ne croyez-vous pas que cela fait beaucoup de contrats pour des postes d'encadrement ou de travailleurs sociaux ? Et il y a encore sans doute beaucoup d'autres postes dont il faudrait évaluer les mérites, mais je m'arrête là...
À quand donc une évaluation plus globale, à l'image de celles que vous avez si bien engagées - je tiens à vous en remercier et à vous en féliciter - sur un certain nombre de sujets ?
Dans les pays du Golfe, que je connais depuis quelques décennies, si l'ambassade de Doha nous donne quelques satisfactions, celle du pays voisin, les Émirats arabes unis, fonctionne apparemment beaucoup moins bien : ces deux dernières années, nous avons en effet perdu un certain nombre de contrats au profit de la concurrence, qu'il s'agisse de Thales, d'Airbus, du TGV, ou des contrats d'armement.
Nous aurions donc besoin de réfléchir de temps en temps sur le meilleur placement de nos ambassades. Ainsi, monsieur le ministre, puis-je vous suggérer d'engager, avec votre collègue chargé du commerce extérieur, un audit de ces postes en vue de rationaliser nos dépenses ? Il est temps d'en faire réellement des éléments moteurs pour notre balance des paiements, car, pour le moment, tout cela est bien souvent théorique !
Je présenterai en tout cas quelques amendements afin d'annuler certains crédits, même si je ne rêve pas et que je n'ai pas beaucoup d'espoirs sur leur sort : je sais bien, en effet, qu'ils ont été simplement formulés pour donner quelques signes forts d'attention et inciter à l'action préventive.
Quoi qu'il en soit, monsieur le ministre, mes chers collègues, je résumerai mon intervention en reprenant les paroles prononcées par Henri VIII à son sixième mariage : « C'est une victoire de l'optimisme sur l'expérience ! » (Applaudissements sur les travées de l'UMP ainsi que sur certaines travées de l'UC-UDF.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, au moment où s'achève cette discussion générale extrêmement intéressante, je voudrais rendre hommage à votre assemblée : je n'ai évidemment pas à me mêler du fonctionnement de l'Assemblée nationale et du Sénat, cela ne me regarde pas et je me tiens évidemment à la disposition du Parlement ; pour autant, j'ai trouvé extrêmement fructueuse la manière dont vos travaux ont été organisés. Ainsi, en une après-midi, nous avons en réalité évoqué beaucoup de sujets et chacun des orateurs, de la majorité comme de l'opposition, a grandement contribué, me semble-t-il, à enrichir le débat sur ce projet de loi de finances que j'ai l'honneur de vous présenter avec Thierry Breton.
Monsieur le rapporteur général, vous avez avec talent donné votre sentiment sur ce projet de budget, avec ce raisonnement construit en trois points qui a d'ailleurs beaucoup inspiré d'autres orateurs : « Restons modestes, soyons ambitieux, soyons courageux ». En vous répondant, je ne résiste pas au plaisir de reprendre chacun de ces points !
Premièrement, restons modestes : monsieur le rapporteur général, vous m'en demandez beaucoup ! (Sourires sur les travées de l'UMP.) Néanmoins, je m'exerce volontiers à l'être pour tout ce qui concerne les hypothèses économiques et les prévisions de croissance.
Sur ce sujet, Thierry Breton et moi-même l'avons souvent souligné, il nous faut en permanence être réactifs. Rappelez-vous : vous vous étiez vous-même interrogé au mois de juin sur la situation de nos recettes fiscales. Je m'étais alors déclaré moins inquiet que vous, et j'ai bien fait ! S'il y a effectivement eu un petit « trou d'air » en début d'année pour le produit de l'impôt sur les sociétés, tout se remet en ordre et le niveau des moins-values fiscales que nous redoutions, vous et moi, semble plus proche des prévisions que j'avais formulées alors que des vôtres. Nous ne pouvons naturellement qu'être tous les deux rassurés et nous réjouir d'une telle évolution.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Tout à fait !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Deuxièmement : soyons ambitieux. Là, vous me voyez tout de suite très enthousiaste !
Dans ce projet de budget, nous proposons une réforme fiscale ambitieuse. Pour certains, c'est un premier pas, et je souhaite que ceux qui suivront soient aussi sveltes et importants. Après tout, voilà des sujets dont nous parlions beaucoup les uns et les autres depuis des années, sans avoir jusqu'à présent eu le courage de les assumer : je pense, par exemple, au plafonnement fiscal à 60 % des revenus. C'est désormais chose faite, ce qui est une grande première pour notre système fiscal !
Nous souhaitons une réforme complète de l'impôt sur le revenu pour aboutir à une véritable réduction des taux, en mettant tout particulièrement l'accent sur les revenus modestes. Nous souhaitons aussi une réforme de l'imposition des entreprises, via les mesures préconisées sur la taxe professionnelle, sur l'actionnariat, ainsi qu'un aménagement de l'ISF. Ce sont autant de sujets qui viendront s'ajouter à la réforme des plus-values qui sera évoquée dans le collectif de fin d'année.
Tous ces éléments contribuent à faire largement « bouger les lignes » de notre système fiscal. Ils ont cette vertu de favoriser l'attractivité fiscale de la France, dont nous avons tant besoin pour apaiser les craintes des délocalisations, qui ont été évoquées par Jean-Paul Virapoullé.
Troisièmement : soyons courageux. Bien sûr ! Le courage, en politique, c'est ce qui nous donne envie d'avancer pour marquer des points, pour ne pas nous satisfaire d'une progression à l'ancienneté.
De ce point de vue, le Gouvernement fait preuve de courage sur la réforme fiscale lorsqu'il s'engage à financer les 3,5 milliards d'euros de pertes de recettes en 2007 par des économies sur les dépenses.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez évoqué les uns et les autres l'évolution de la maîtrise de la dépense, le passage du « zéro volume » au « zéro valeur ». Sachez que je suis sur ce point très engagé à vos côtés. Nous sommes d'ores et déjà mobilisés sur la préparation du projet de budget pour 2007, au travers de la réforme de l'État que le Gouvernement a engagée en lançant une vague d'audits sans précédent, en vue de mettre en place un contrôle de gestion au niveau de l'État.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Très bien !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Vous l'aurez compris, c'est vers une amélioration majeure que nous nous dirigeons ensemble.
Monsieur le président de la commission des finances, je vous félicite pour la qualité de votre analyse et de votre argumentation, même si j'ai bien senti, derrière votre style oratoire légendaire, quelques débuts de critique, ici ou là. Je suis au reste bien conscient tout l'intérêt de notre discussion est d'entendre des opinions différentes.
Je vous le confirme, toutes les mesures contenues dans ce projet de budget sont totalement assumées. J'aurai l'occasion de vous le montrer tout au long du débat.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C'est bien !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Je voudrais, en cet instant, évoquer la décision de transférer certaines recettes de l'État à la sécurité sociale pour financer les allégements de charges liés notamment à la convergence des SMIC, qui est désormais achevée.
La montée en puissance de ces allégements étant arrivée à son terme, il était important de les rendre lisibles pour les entreprises et de les pérenniser. Dans cet esprit, il nous paraissait cohérent de sortir ces allégements de charges du budget de l'État, tout en excluant bien évidemment la création d'un nouveau FOREC. A cet égard, Alain Lambert avait d'ailleurs fait oeuvre très utile à l'époque ! Il fallait donc assumer que de tels allégements représentaient, non pas des dépenses, mais des moins-values de recettes qui devaient être transférées, avec un « panier » de recettes de même ampleur, au budget de la sécurité sociale.
Nous pouvons discuter longuement sur tous ces sujets, car personne n'a la vérité révélée. Cependant, en l'espèce, notre démarche est motivée par un souci de cohérence et de lisibilité.
Pour aller tout à fait jusqu'au bout de ma logique, je considère que le débat suivant sera celui de la « barémisation ». Cela nous permettra de savoir clairement jusqu'où il est possible de pousser notre souci de lisibilité, pour éclairer la situation de l'entrepreneur face aux charges sociales.
Nous assumons également notre décision de créer, conformément à la demande du Parlement, des instruments nouveaux pour financer les projets d'avenir, notamment l'AFITF, l'Agence de financement des infrastructures de transport de France, l'ANR, l'Agence nationale de la recherche et l'AII, l'Agence de l'innovation industrielle.
Monsieur Arthuis, ce projet de budget est aussi l'expression de la réforme de l'État. Vous l'avez abondamment évoquée, et je veux redire ici que cette réforme transparaît dans l'expérimentation des loyers budgétaires et dans la très importante vague d'audits prévue, qui va nous permettre de « soulever le capot », d'évaluer chaque procédure et chaque service, afin de dégager, pour l'État, les marges de manoeuvre disponibles et les gains de productivité potentiels, tant en effectifs qu'en matériels.
Mesdames, messieurs les sénateurs, si nous n'avons désormais plus de tabou sur la question des effectifs, je vous demande de comprendre ma démarche. Je ne suis pas de ceux qui pensent que la bonne formule pour faire évoluer les effectifs dans la fonction publique consiste à imposer leur « rabotage » systématique, à annoncer le non-remplacement d'un fonctionnaire partant à la retraite sur deux, sur trois, voire sur quatre.
La raison en est très simple : une telle attitude a un effet très anxiogène vis-à-vis de la fonction publique, chacun se demandant s'il appartient à la catégorie des fonctionnaires utiles ou à celle des inutiles. En outre, cela n'apporte aucune réponse concrète sur les moyens d'améliorer le service public.
En revanche, avec un audit fortement documenté, examinant précisément le mode de fonctionnement adopté pour telle ou telle procédure, nous serons en mesure d'en déduire les possibilités en termes de réductions et de redéploiement d'effectifs pour chaque service, sur la base des gains de productivité réalisés, par exemple grâce aux équipements informatiques. Dans ces conditions, la décision prise aura du sens !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C'est vrai !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Je peux déjà vous citer quelques très bons exemples. Pour ne parler que du ministère dont j'ai la charge, je mentionnerai la réforme de la redevance audiovisuelle et la télédéclaration, pour lesquelles la mise en place d'un audit a permis de tirer d'utiles conséquences.
A contrario, selon la même logique, si nous constatons dans certains domaines audités un sous-effectif patent, nous en tirerons également les conséquences, mais évidemment dans l'autre sens.
J'ai l'intuition que, au final, lorsque nous ferons le total des ajustements nécessaires, nous parviendrons à réduire le nombre de fonctionnaires. Au reste, avec cette méthode, chacun aura compris les raisons invoquées et la démarche entreprise. Notre fonction publique prendra alors la voie de la bonne gestion et, partant, de la considération.
Enfin, monsieur Arthuis, ce projet de budget est totalement orienté vers le soutien de la croissance, qu'il s'agisse de l'emploi, avec la prime pour l'emploi et les allégements de charges, ou de la compétitivité, avec la réforme de la taxe professionnelle ou les aménagements de l'ISF. Nous aurons d'ailleurs l'occasion de revenir longuement sur tous ces sujets avec vous.
Monsieur Jégou, j'espère que nous saurons au cours des débats trouver des points d'entente, même si j'ai noté avec regret la tonalité très sévère de votre discours.
Je vous rejoins sur la nécessité d'être plus exigeant dans la maîtrise des dépenses ; d'ailleurs, comment pourrais-je penser autrement dans les fonctions qui sont les miennes ? Ainsi que nous l'avons indiqué très clairement, la réforme fiscale sera financée en 2007 en franchissant une étape nouvelle en direction du « zéro valeur », car c'est bien à cela que nous voulons finalement aboutir.
J'ai déjà répondu sur les effectifs. Je précise que, pour la première fois depuis trente ans, un gouvernement réduit les effectifs sur quatre années consécutives. Vous souhaitez aller plus loin, et vous avez sans nul doute raison. L'ambiance de ce débat ne le justifiant vraiment pas, je n'avais pas prévu de répondre à la sévérité par la sévérité : je ne vous ferai donc pas l'injure de vous rappeler quel était le niveau des effectifs du ministère de l'éducation nationale il y a environ... douze ans !
Pour le reste, dans un tel contexte, il est évidemment beaucoup plus facile de dire ce qu'il faut faire que de le faire. Ne prenez pas cela pour vous, bien sûr, mais comprenez que, sur tous ces sujets, il me faut gérer, en tant que ministre du budget, énormément de contraintes différentes.
Pour illustrer la situation dans laquelle je me trouve, je ferai une comparaison avec les campagnes électorales. Vous le savez aussi bien que moi, dans ces périodes, le responsable politique organise des réunions publiques où il y a très souvent 99 % de personnes qui le soutiennent, quand ce n'est pas 100 %. Il promet alors, en cas de victoire, de baisser les impôts. Généralement les gens applaudissent toujours, même sans trop y croire. Fort de ce soutien, tout en proclamant son hostilité à l'aggravation du déficit, il s'engage à baisser les dépenses publiques... ou plutôt à les maîtriser, ce verbe étant moins anxiogène. Une nouvelle fois, pour exprimer son soutien et son amitié, le public applaudit, mais néanmoins un peu moins fort, inquiet qu'il est de connaître dans le détail les décisions qui seront prises.
C'est alors que le responsable politique se décide à parler des secteurs visés par les éventuelles réductions d'effectifs, la santé ou l'éducation nationale par exemple. Alors, pour prendre l'éducation nationale, secteur que vous connaissez bien, monsieur Jégou, s'il a l'idée d'évoquer l'arrêt, à titre expérimental, de la diminution du nombre d'élèves par classe, il y aura toujours une main qui se lèvera et une personne qui dira : « Monsieur, faites ce que vous voulez, mais pas dans l'école de mon fils ! » (Sourires sur les travées de l'UMP.)
Oui, mesdames, messieurs les sénateurs, voilà ce qui se passe en France ! Et, en tant que responsables politiques, notre métier, c'est à chaque fois d'expliquer, d'argumenter et de démontrer.
Dans ce contexte, tout le monde comprend qu'il nous faut agir avec beaucoup de pédagogie.
Mme Hélène Luc. Le problème est de savoir où est l'intérêt général !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Oui, bien sûr, madame Luc : nous devons tous rechercher l'intérêt général !
Monsieur Jégou, vous avez qualifiée la réforme fiscale d'injuste. Laissez-moi vous dire combien je regrette cet adjectif, et ce pour de multiples raisons.
Je le regrette d'abord parce que je n'ai pas entendu un seul mot d'encouragement ou de satisfecit sur des valeurs que nous partageons pourtant, à l'UDF comme à l'UMP. Je peux comprendre que la gauche critique cette réforme fiscale et qu'elle annonce urbi et orbi qu'elle l'anéantira si jamais elle revient au pouvoir !
Mme Nicole Bricq. Cela va venir !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. C'est plutôt d'ailleurs pour nous un assez bon argument de campagne : le moment venu, nous ne manquerons pas d'expliquer aux Français que nous continuerons de baisser les impôts si nous sommes réélus, tandis que la gauche les augmentera de nouveau en cas de victoire. Et, dans ce domaine, croyez-le bien, je ne serai pas en arrière de la main et je saisirai toutes les occasions pour être entendu.
Cela étant, monsieur Jégou, vous appartenez à une famille politique qui partage nombre de points communs avec la nôtre, sur tous les sujets que nous évoquons : nous baissons les impôts ; nous réformons notre système fiscal ; comme l'a si justement fait remarquer M. Alain Lambert, nous encourageons et valorisons le travail...
Mme Nicole Bricq. La rente, pas le travail !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. ... les entreprises, la création d'emploi.
De surcroît, nous avons décidé de réduire le nombre de tranches de l'impôt sur le revenu. Nous prévoyons un barème simplifié en instaurant quatre taux, s'élevant respectivement à 5,5 %, 14 %, 30 % et 40 %.
M. Alain Lambert. Et 0 % !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Et 0 %, naturellement.
Or ce barème simplifié a déjà été proposé par quelqu'un qui m'a inspiré - tout au moins sur ce sujet - et qui était candidat aux élections présidentielles de 2002 : il s'appellait François Bayrou ! Cette proposition figurait en toutes lettres dans son programme, et voilà que vous trouvez également cette mesure injuste ? Parfois, la politique ne laisse pas de surprendre ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Monsieur Massion, j'avais bien anticipé la teneur de vos propos. Sans nous surprendre, vous nous avez dit que vous trouviez le projet de budget insincère. En vous écoutant, j'ai même pensé que j'aurais pu écrire à l'avance votre discours !
Je suis contraint de vous dire que je ne partage pas votre point de vue, et vous n'en serez pas surpris. Vous aussi, vous auriez pu écrire mon discours !
En effet, nous avons retenu - choix que nous assumons - une hypothèse de croissance qui correspond à la fois aux indications consensuelles des économistes et à la politique économique que nous voulons conduire.
De ce point de vue, la croissance de 0,7 % du troisième trimestre nous conforte plutôt dans nos choix, même s'il convient de rester prudent.
Il en est de même des recettes fiscales, qui sont solides en 2005, comme je l'ai indiqué tout à l'heure en répondant à M. Marini.
Enfin, pour ce qui concerne la réforme fiscale, vous comprendrez, monsieur le sénateur, que je ne puisse pas suivre votre raisonnement. Cette réforme est juste, puisque ses effets sont concentrés à 75 % sur les ménages modestes. De surcroît, elle renforce l'attractivité de notre pays. Nous donnons également un grand coup de pouce à la prime pour l'emploi, marquant ainsi la différence entre l'assistance et le retour à l'emploi. C'est un sujet majeur !
Mme Nicole Bricq. On va en reparler !
Mme Marie-France Beaufils. On fera les calculs !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. J'ai beaucoup de mal à comprendre qu'au moins sur ce point vous ne trouviez pas quelques raisons de nous approuver. Mais peut-être en sera-t-il différemment au cours de notre débat ?
Monsieur de Raincourt, j'ai évidemment écouté avec beaucoup d'attention vos propos et j'ai été très sensible aux encouragements que vous avez bien voulu m'adresser au nom du groupe UMP.
Ce budget est porteur d'ambitions. Comme vous l'avez rappelé, la réforme fiscale que nous mettons en oeuvre est un véritable choix de société. Elle tend à récompenser le travail et la prise de risques des entrepreneurs, à valoriser l'activité au lieu d'inciter à l'assistance.
Cessons de nous lamenter parce que les jeunes partent à l'étranger ou parce que les entreprises sont délocalisées ! Il faut simplement répondre par l'action et par la décision. C'est d'ailleurs tout l'esprit de notre réforme de l'impôt sur le revenu, du plafonnement des impôts directs à 60 %, de l'aménagement de l'ISF pour les actionnaires.
Comme vous l'avez rappelé, nous avons aussi fait le choix de la responsabilité en assurant la maîtrise de la dépense de l'État.
Nous aurions bien évidemment aimé faire beaucoup plus et bien mieux. Je ne vous dirai pas le contraire étant donné les fonctions que j'exerce ! Quoi qu'il en soit, pour la quatrième année consécutive, l'accroissement de la dépense en volume est maintenu à zéro, et nous visons le même taux zéro pour ce qui concerne sa valeur.
Monsieur le sénateur, je vous le dis en conscience : nombre des mesures que nous présentons dans ce projet de budget correspondent à nos convictions communes.
Pour ma part, je suis très heureux de pouvoir défendre des idées, des propositions auxquelles nous croyons profondément tous les deux. Ce projet de budget est en effet porteur d'un message pour la France qui s'engage, qui prend des risques, qui travaille, pour la France qui a envie de redonner le meilleur d'elle-même après avoir connu un certain nombre d'épreuves, auxquelles nous pensons tous les uns et les autres.
Si l'on veut vraiment renouer avec l'esprit de conquête, auquel nous sommes profondément attachés, les gouvernants doivent envoyer des messages clairs. De ce point de vue, Thierry Breton et moi-même faisons oeuvre utile en proposant aux Français un message autre que la sempiternelle langue de bois, dont les tenants ne regardent que d'un côté en oubliant que chaque Français a de la valeur et que nous avons besoin de tous pour réussir ensemble.
Monsieur de Montesquiou, je partage votre constat : pour ce qui concerne la dépense publique, la différence entre la France et les pays de la zone euro est de six points de PIB. Nos marges de progression sont considérables !
S'agissant des hypothèses de croissance, vous avez évoqué la pratique des Pays-Bas consistant à retenir des hypothèses économiques conservatoires. Ce choix conduit à constater des recettes fiscales supérieures chaque année aux prévisions initiales, mais le paradoxe est que ce principe de prudence n'est pas forcément compatible avec le principe de sincérité inscrit dans la LOLF. Il n'en reste pas moins que nous pouvons continuer à travailler ensemble dans cette voie.
Monsieur Dominati, je vous remercie de vos encouragements et de votre décision de voter en faveur de ce projet de loi de finances.
Je rejoins votre analyse. Comment, là encore, pourrais-je faire autrement ? La maîtrise des prélèvements obligatoires est un enjeu crucial de notre politique économique afin de conserver notre rang au sein des grandes nations productrices. De ce point de vue, un message très clair est adressé à l'ensemble des contribuables français ainsi qu'aux investisseurs étrangers quant à notre volonté d'inscrire notre système fiscal dans les standards internationaux.
C'est la raison pour laquelle il faut maîtriser la dépense, parce qu'on ne financera pas cette réforme fiscale à crédit. C'est toute la démarche du « zéro volume », qui, selon vous, semble rencontrer un succès limité. Mais je peux vous assurer que maintenir la dépense en volume à taux zéro relève d'un exploit quotidien ! La situation évolue en effet très rapidement, et les épreuves que traverse notre pays appellent des solutions qui doivent être apportées dans l'urgence et qui supposent que le financement nécessaire soit prévu : nous l'avons encore constaté lors de l'adoption du plan banlieues ! Ainsi, lors de l'examen de la deuxième partie du projet de loi de finances, je vous présenterai le dispositif du financement de ce plan, qui sera assuré par redéploiement à hauteur de 300 millions d'euros.
Sur ce point, j'attends beaucoup de la Haute Assemblée, en particulier de la commission des finances et de M. le rapporteur général, pour nous aider à essayer de trouver à chaque fois les meilleures solutions.
Monsieur Foucaud, le propre du débat budgétaire est d'exprimer des choix de société, c'est-à-dire des choix politiques. Et, à cet égard, force est de reconnaître que nous ne sommes pas tombés d'accord sur le fond.
Mme Hélène Luc. C'est vrai !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. J'ai ainsi très attentivement écouté votre propos et je suis obligé de constater que nous ne sommes pas d'accord sur grand-chose. (M. Alain Lambert sourit.)
Contrairement à ce que vous indiquez, le Gouvernement n'oublie pas du tout les ménages les plus modestes. Et ce n'est pas simplement parce que vous êtes dans l'opposition et que vous l'affirmez que c'est vrai !
Mme Marie-France Beaufils. Mais ce n'est pas parce que vous êtes membre de la majorité que vous avez raison !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. La revalorisation du SMIC de 10 % n'est pas une mesure anodine : elle représente quasiment l'équivalent d'un treizième mois ! Et il ne faut pas oublier le doublement de la prime pour l'emploi à temps partiel, l'augmentation de 50 % au niveau du SMIC ! De plus, avec la mise en place du plafonnement des impôts directs à 60 % des revenus, 90 % des bénéficiaires se situent dans le premier décile de l'impôt sur le revenu !
Cela étant, nous ne sommes pas non plus d'accord sur les valeurs. D'ailleurs, lorsque M. Alain Lambert s'est exprimé sur ce sujet, j'ai constaté que les membres du groupe auquel vous appartenez se sont manifestés, sans nul doute pour marquer une différence.
Il est vrai qu'il existe une différence : pour notre part, nous pensons qu'une société peut se développer à travers le travail,...
Mme Marie-France Beaufils. Nous aussi !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. ... à travers la croissance, à travers la création d'emplois, la création d'entreprises.
Il faut sans cesse avoir à l'esprit qu'il faut tendre une main fraternelle et solidaire à celui qui poursuit une logique d'assistance, afin qu'il retourne vers l'emploi. Par conséquent, il faut aussi assumer de lui avouer la vérité, de lui dire que les choses ne sont jamais totalement pérennes, qu'une société n'a pas toujours les moyens de tout financer en toute circonstance. Il faut aussi créer des parcours de retour à l'emploi !
Mme Hélène Luc. Ce n'est pas vous qui allez nous convaincre de cela !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Ainsi, monsieur Lambert - et ce sera une excellente transition après la réponse que je viens de faire à l'orateur précédent -, je partage totalement, vous n'en serez pas surpris, les valeurs que vous avez décrites, et le choix que fait le Gouvernement d'encourager le travail est dans la droite ligne de l'action que vous avez vous-même menée lorsque vous occupiez les fonctions que j'ai l'honneur d'exercer aujourd'hui.
S'agissant de la prime pour l'emploi, nous avons « affiché la couleur » et montré clairement qu'en incitant au retour à l'emploi, en donnant plus de moyens par une augmentation de cette prime, nous apportons un début de réponse par rapport aux revenus d'assistance.
Dans le cadre du débat budgétaire, nous aurons l'occasion de revenir sur cette question, qui est absolument fondamentale à mes yeux et qui touche aussi à la réforme du système de distribution des minima sociaux.
Vous souhaitez que cette prime figure sur la feuille de paie ? J'en rêve aussi ! Vous connaissez le sujet aussi bien que moi (M. Alain Lambert approuve) : l'intérêt de cette démarche est qu'ainsi la PPE n'apparaîtra plus aux yeux des employeurs comme une sorte de substitut, de salaire bis donné par d'autres. C'est très important ! Mais il faudra également surmonter des problèmes techniques...
Mme Nicole Bricq. Ce n'est pas un problème technique !
Mme Nicole Bricq. Nous y reviendrons demain : c'est un problème de philosophie !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Vivement demain, madame Bricq ! Depuis tout à l'heure, vous ne cessez de répéter « vous allez voir ce que vous allez voir ». Je meurs d'impatience !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Mme Bricq a rendez-vous avec ses électeurs !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Certes, nous avons tous de tels rendez-vous de temps en temps, et personnellement je ne m'en lasse jamais.
Quoi qu'il en soit, monsieur Lambert, comme vous l'avez noté, j'ai donné des instructions à la comptabilité publique pour que la prime soit versée mensuellement à partir du mois de janvier. C'est déjà un progrès !
Pour ce qui concerne la LOLF, je suis totalement d'accord avec vous sur la nécessité de ne pas être ambigu à l'égard de sa portée et de ses mérites. Vous avez d'ailleurs beaucoup travaillé avec moi sur ce sujet.
Notre rôle est de rendre la dépense publique efficace et de la promouvoir. De ce point de vue, nous avons beaucoup de travail à faire ensemble, chacun étant bien d'accord pour dire que la LOLF n'est pas un choix politique,...
Mme Hélène Luc. Mais si, bien sûr !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. ... mais un cadre qui permet les choix politiques. Nous pourrons ainsi montrer aux Français les résultats menés par chaque politique, qu'elle soit de gauche ou de droite. C'est un élément très utile pour la suite.
Permettez-moi un dernier mot s'agissant des finances publiques en « mode LOLF » : nous devons progresser vers un pilotage plus global de l'ensemble des administrations publiques. Vous le dites souvent, monsieur Lambert, et je dis la même chose que vous.
Par ailleurs, il faut que la LOLF - sécurité sociale progresse, soit encore précisée. Dans ce domaine, des efforts louables ont été fournis mais ils doivent être poursuivis. C'est pourquoi j'ai eu à coeur de lancer la conférence des finances publiques.
La méthode commence à être précisée, et M. le Premier ministre a d'ailleurs évoqué ce sujet voilà quelques jours au congrès de l'Association des maires de France.
C'est un chantier ambitieux, crucial, qui consiste à mettre sur la table les grands enjeux des politiques publiques et des finances publiques pour ce qui concerne l'État, la sécurité sociale et les collectivités locales.
Monsieur Lambert, vous êtes le bienvenu pour travailler sur ce sujet avec nous. Mais je sais que nombre de vos collègues sont également engagés sur ce point, à commencer par M. le président de la commission des finances.
Madame Beaufils, nous partageons une même passion pour notre pays, nous avons le même souhait d'oeuvrer concrètement pour améliorer le sort de nos concitoyens, mais nos points de vue divergent quant aux moyens.
Mme Marie-France Beaufils. C'est le moins que l'on puisse dire !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Le problème de notre pays est non pas d'étendre encore l'État providence, mais de développer les incitations à l'activité. Il ne faut pas diviser le travail, mais augmenter l'offre de travail.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Il faut créer la richesse avant de la redistribuer. Il faut encourager les entreprises à investir sur notre sol plutôt que désespérer les entrepreneurs et les inciter à partir à l'étranger.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Bien sûr !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Bref, madame Beaufils, il faut cesser d'agiter ces chiffons rouges, qui consistent à opposer sans cesse les Français les uns aux autres. Combien de fois les orateurs de votre groupe ont-ils cité le « MEDEF » ?
Mme Nicole Bricq. Une fois !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Tant qu'un orateur de gauche n'a pas prononcé le mot « MEDEF » ou le mot « ultralibéralisme », il n'est pas satisfait !
Mme Hélène Luc. Ce n'est pas vrai !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Croyez-moi, tout cela n'a aucun sens. Le problème est de savoir non pas comment agiter les chiffons rouges pour opposer les gens, mais comment construire ensemble une croissance équilibrée, qui ne laisse personne sur le bord du chemin...
Mme Marie-France Beaufils. Sauf que vous, vous en laissez !
Mme Hélène Luc. Au conseil général du Val-de-Marne, on travaille avec le MEDEF pour créer des entreprises !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Il s'agit de mettre en haut du podium celui qui prend des risques, qui entreprend et qui s'engage. Voilà ce qui fait la différence entre vos convictions et les nôtres !
Monsieur Fourcade, je vous remercie d'avoir souligné les trois tournants majeurs de ce projet de budget.
Vous avez d'abord évoqué la stabilisation de l'endettement, qui n'est pas une mince affaire.
Vous avez ensuite cité la réforme fiscale, sur laquelle nous avons beaucoup travaillé, avec votre concours. Qu'il s'agisse du plafonnement à 60 % ou de la question de la récupération, nous sommes parvenus à un système équilibré qui permettra d'aboutir à un dispositif simple. En tant que ministre de la réforme de l'État, je suis acquis à cette exigence.
Vous avez enfin évoqué la taxe professionnelle, sujet que vous connaissez particulièrement bien. Notre réforme est fondée sur deux piliers, à savoir la compétitivité de notre économie et la responsabilisation de l'ensemble des acteurs, État et collectivités locales. Nous aurons l'occasion d'en reparler tout au long de ce débat.
Monsieur Doligé, vous aviez annoncé un discours bref, mais ce fut un discours passionné et passionnant. En vous écoutant, j'ai retrouvé des contraintes que je connais bien en tant qu'élu local.
Vous nous avez rappelé le parcours d'obstacles auquel est confronté un chef d'entreprise qui veut investir dans notre pays. Vous avez ainsi rappelé que nous devons créer les conditions du développement des investissements et de l'emploi tout en respectant des règles qui simplifient la vie.
Un effort important a été réalisé ces dernières années dans ce domaine. Je pense en particulier à la loi Dutreil. Mais il faut aller plus loin : il faut libérer les initiatives, desserrer le carcan fiscal. C'est ce que nous faisons, par exemple avec la réforme de la taxe professionnelle, la pérennisation du dégrèvement pour investissements nouveaux - ce sera évidemment un encouragement - sans oublier le plafonnement à 60 % des revenus du montant de l'impôt sur le revenu, qui est un message de compétitivité et d'attractivité fiscale.
Je suis bien d'accord avec vous : il faut simplifier les formalités.
Je crois beaucoup au rapprochement entre le budget et la réforme de l'État, qui va nous permettre de développer des synergies très fructueuses dans les domaines économique et fiscal.
Je vous invite bien volontiers à nous rejoindre dans ce combat, vous sachant très engagé en matière de finances des conseils généraux. Je le suis également,...
M. Henri de Raincourt. Moi aussi !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. ... ainsi que M. de Raincourt, qui est chef de file dans ce domaine.
Au cours de nos débats, j'espère que nous pourrons évoquer en détails tous ces sujets, sur lesquels l'État a des choses à dire.
M. Henri de Raincourt. Nous aussi !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Je l'avais bien compris, monsieur de Raincourt ! (Sourires.)
Monsieur Fréville, je vous remercie de vos mots d'encouragement et du soutien que vous nous apportez.
Je vous remercie d'avoir relevé qu'il y avait dans ce budget, au-delà de l'hypothèse d'évolution du PIB, une « élasticité des recettes sur PIB » très modérée, et d'avoir noté les décisions que nous avons prises en faveur des collectivités sur le contrat de croissance et le FCTVA.
En tant que rapporteur des crédits de la défense, vous avez relevé l'importance de l'effort du Gouvernement, au point de vous interroger sur sa soutenabilité à terme. J'estime, comme vous, que cet effort méritait d'être souligné, et je souhaite que vos propos portent jusqu'à la rue Saint-Dominique. (M. Alain Lambert sourit.)
Vous avez eu raison, monsieur Loueckhote, de rappeler l'importance de l'évaluation des dispositifs en faveur de l'outre-mer.
Telle a bien été la démarche du Gouvernement à l'Assemblée nationale : évaluer, conformément à ce qui était prévu dans la loi de programmation pour l'outre-mer, le bilan « coût-avantages » des dispositifs de défiscalisation.
Vous avez été en première ligne sur ce sujet et, lors de notre rencontre chez le Premier ministre, voilà quelques jours, à l'Hôtel Matignon, j'ai pu mesurer le travail considérable que vous avez accompli. Mme Michaux-Chevry participait d'ailleurs à cette réunion, et je suis heureux de la saluer aujourd'hui dans cet hémicycle.
Je dois souligner que cette évaluation sera prise en compte l'an prochain : le rendez-vous d'évaluation de la loi Girardin, au mois de juin, sera l'occasion de constater ce qu'il en est des dispositifs par rapport à la question du plafonnement. Mon collègue François Baroin et moi-même travaillerons ensemble sur ce dossier le moment venu.
Monsieur Dassault, vous nous avez suggéré de revenir sur les allégements de charges dont profitent les entreprises. Votre propos était frappé au coin du bon sens !
En évoquant la possibilité de récupérer 19 milliards d'euros, vous vous êtes montré très tentateur pour le ministre du budget que je suis !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Avec la TVA sociale, vous pourrez en récupérer une bonne partie !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Je constate, monsieur le rapporteur général, que vous ne perdez pas une occasion de me rappeler ce point, auquel vous êtes très profondément attaché ! (M. le rapporteur général sourit.)
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Ce n'est que le début de la discussion !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Ne vous inquiétez pas, monsieur Arthuis : nous aurons ce débat. Vous l'avez voulu, vous m'entendrez donc !
Néanmoins, je persiste à penser que les allégements de charges sont quand même utiles, notamment pour absorber la convergence des SMIC et, surtout, le désastre des 35 heures.
Au-delà de cette question, monsieur Dassault, il y a une réalité que je tiens à évoquer avec vous, car elle donne lieu à un débat passionnant.
Nous avons pris un engagement vis-à-vis des entreprises, en essayant d'assumer le coût des 35 heures. Il est impossible de dire aux entreprises que le temps de travail hebdomadaire va passer de 39 heures à 35 heures au même tarif et qu'elles paieront la différence, sauf à considérer que le coût du travail peut être alourdi, auquel cas nous n'aurons plus que nos yeux pour pleurer lorsque nous ferons une étude comparée du coût du travail en France et dans les autres pays !
Ce fut, d'ailleurs, l'une des grandes ambiguïtés de la loi Aubry, au-delà du contresens économique et historique majeur qui consistait à faire croire aux Français que travailler moins créerait de l'emploi, alors qu'en réalité cela a conduit à répartir la pénurie. Mais n'y revenons pas ! C'est du passé, il nous appartient juste d'en gérer l'héritage.
En réalité, monsieur Dassault, c'est une réflexion plus globale sur le pouvoir d'achat et sur le coût du travail que nous devons mener. Le point que vous soulevez mérite d'être examiné plus avant, et non à la simple occasion de la discussion d'un amendement ou du budget dont vous êtes le rapporteur.
Je ne verrais que des avantages à travailler avec vous durant l'année 2006 sur cette question afin d'imaginer différentes formules de transfert d'une partie des charges sociales au bénéfice des salariés, notamment, et d'examiner comment tout cela peut se traduire pour les entreprises.
Il me paraît en tout cas utile d'approfondir ces questions : c'est un sujet sur lequel j'ai déjà eu l'occasion de m'entretenir avec vous ainsi qu'avec un certain nombre de députés, en particulier M. Novelli.
Monsieur Virapoullé, vous avez exposé vos convictions avec un brio remarquable et je tiens avant tout à vous dire combien j'admire vos qualités d'orateur. Je ne crois d'ailleurs pas être le seul ici. (M. Henri de Raincourt acquiesce.)
Vous avez raison de dire que nous ne sommes pas seuls au monde. Il est de tradition bien française de se comparer avec le voisin immédiat, puis, ensuite, de reprendre sa petite vie tranquille. Malheureusement, le monde est vaste, même si, du fait des grands progrès de la technologie, il n'est plus qu'un village. C'est cela, la globalisation, la mondialisation !
Nos enfants, qu'ils aient cinq ans, huit ans ou dix ans, « chattent » sur leur ordinateur avec des interlocuteurs qu'ils ne connaissent pas, qui vivent à l'autre bout du monde. Et beaucoup d'entre eux le font non seulement en français, mais aussi en anglais ! Nous ne devons pas perdre de vue que nous travaillons pour l'avenir de nos enfants et que, si nous nous intéressons à ce qu'ils font, nous pouvons nous rendre compte qu'ils ont beaucoup mieux intégré que nous la mondialisation.
Il y a, derrière ce débat, quelques exigences fortes.
Nous devons, tout d'abord, préserver notre identité nationale au sein d'une identité européenne. Vous avez tout à fait raison : le message du référendum du 29 mai est très ambigu sur beaucoup de sujets et le « non » comme le « oui » sont riches de nombreuses significations. Mais une chose est sûre : nos compatriotes attendent ardemment une réponse politique claire en ce qui concerne les grands enjeux de demain dans le monde.
Vous l'avez dit, il faut renforcer l'attractivité de la France, d'où la réforme de la taxe professionnelle, d'où le plafonnement à 60 %, d'où un certain nombre de mesures fiscales pour les entreprises comme pour les ménages.
Il est évidemment très important de mener une telle politique, qui seule peut nous permettre d'aller de l'avant, et prendre les mesures pour organiser le commerce mondial afin de protéger les produits européens comme le font d'autres grands blocs - vous avez cité à juste titre le bloc américain, en particulier les Etats-Unis - pour leurs propres produits.
Ce débat dépasse donc le cadre du budget, mais les interactions sont nombreuses entre l'un et l'autre.
Enfin, monsieur Goulet, vous n'êtes pas un homme de renoncement, vous êtes, au contraire, un homme de conviction.
Sur les sujets que vous avez évoqués, il y a beaucoup de choses à dire ! En tout cas, l'étude dont vous avez fait état me semble très intéressante et je la lirai avec beaucoup de plaisir, car je distingue derrière tout cela bien des enjeux.
Pour conclure, mesdames, messieurs les sénateurs, sachez que je serai très heureux de pouvoir vous répondre plus en détail sur l'ensemble des points que vous avez évoqués et que je serai très attentif, tout au long de cette discussion, à vos propositions, à vos amendements et à vos critiques. En effet, concernant un budget de cette importance, compte tenu des réformes que nous proposons, nul d'entre nous ne peut considérer qu'il détient la vérité révélée.
Je suis non seulement ouvert à toute proposition d'amélioration ou de correction de ce budget, mais je suis demandeur ! Nous travaillerons ensemble et je ne ferai preuve d'aucun préjugé, je n'aurai aucune arrière-pensée. Les uns et les autres nous exprimerons nos convictions, et nous débattrons avec un seul souci : l'intérêt général, le service de la France. (Applaudissements sur les travées de l'UMP ainsi que sur certaines travées de l'UC-UDF.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Question préalable
M. le président. Je suis saisi, par Mme Borvo Cohen-Seat, M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Vera et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, d'une motion n° I-61, tendant à opposer la question préalable.
Cette motion est ainsi rédigée :
« En application de l'article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi de finances pour 2006, adopté par l'Assemblée nationale (n° 98, 2005-2006). »
Je rappelle que, en application de l'article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n'excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à M. Bernard Vera, auteur de la motion.
M. Bernard Vera. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les grandes lignes de ce projet de loi de finances pour 2006 se trouvent traduites dans les orientations générales du texte, ainsi déclinées : soutenir la croissance, développer l'emploi et consolider le redressement de nos finances publiques.
Si l'on devait résumer en quelques mots ce que signifie cette triple orientation, on pourrait le traduire ainsi : alléger l'impôt sur les sociétés et l'impôt de solidarité sur la fortune, remplacer les emplois publics et les emplois industriels supprimés par des emplois précaires, réduire la dépense publique tout en transférant une partie du déficit à la sécurité sociale.
Ce sont là quelques-uns des moyens utilisés par le Gouvernement pour atteindre les objectifs affichés.
Nous avons eu l'occasion, lors de la discussion générale, de pointer nombre des aspects critiquables de ce projet de loi, d'autant que tout montre, à l'examen des paramètres retenus, qu'il est insincère et qu'il permettra, le moment venu, tous les ajustements et tous les arrangements possibles.
Nous connaîtrons donc dès le mois de janvier le gel de crédits pourtant à peine votés, et nous aurons droit au fil des mois aux habituels décrets d'annulation de crédits, aux opérations de virement et de répartition.
Tout se passe, d'ailleurs, comme si la discussion de la loi de finances, année après année, et malgré - ou à cause - de la loi organique sur les lois de finances, s'apparentait de plus en plus à un théâtre d'ombres dont le scénario ne serait pas communiqué aux acteurs et dont seuls les auteurs connaîtraient le déroulement final.
Ce n'est évidemment pas là notre conception du débat parlementaire et du débat démocratique.
Je me permettrai simplement de rappeler ce qui faisait la une de l'actualité au moment du débat budgétaire, au début de l'automne.
Nous étions alors informés, chaque jour ou presque, des difficultés traversées par quelques propriétaires de l'île de Ré confrontés à l'imposition au titre de l'impôt de solidarité sur la fortune. Il est vrai qu'avec une hausse des valeurs immobilières de 100 % en cinq ans et un CAC 40 grimpant de 17 % depuis le début de l'année on ne pouvait que constater cette croissance de la valeur des patrimoines imposables. Nombreux sont d'ailleurs les salariés qui auraient sans doute aimé connaître, eux aussi, cette situation durant la même période.
En tout cas, fin septembre, la priorité des priorités, dans le débat budgétaire, c'était la baisse de l'impôt de solidarité sur la fortune. Pas moins de dix propositions de lois sur l'ISF ont été déposées pendant cette période par des parlementaires de la majorité.
Le problème, c'est que la réalité sociale a rattrapé d'un seul coup les intentions affichées. L'explosion de violence dans les banlieues que nous venons de vivre est soudain venue rappeler qu'il y avait à l'évidence d'autres priorités. Ces violences sont bien sûr inacceptables, mais elles sont révélatrices d'une crise profonde qui confirme un besoin urgent de solutions alternatives, porteuses de progrès social et de justice.
Les souffrances qui minent nos quartiers populaires appellent à un engagement résolu et durable en faveur des populations les plus démunies.
Le malaise des banlieues, où vivent près d'un Français sur trois, illustre qu'il est largement temps que les choix budgétaires et politiques de notre pays fassent enfin place à la satisfaction des besoins.
Quel intérêt de voir les déficits publics tenus dans des limites acceptables lorsque l'emploi précaire et le logement surpeuplé demeurent le quotidien de millions d'habitants de notre pays ? Quel intérêt de maîtriser la dépense publique quand l'école ne peut plus répondre à l'attente des jeunes et des parents, quand on ne construit plus assez de logements sociaux, quand le droit à la santé n'est pas une réalité pour les plus démunis ?
Ce budget ne correspond pas aux nécessités du moment, à l'état d'urgence sociale dans lequel nous nous trouvons avec la confirmation de l'ampleur des inégalités et des problèmes sociaux vécus au quotidien par nos compatriotes.
C'est d'un tout autre budget qu'ont besoin les habitants de notre pays, qui vous ont d'ailleurs, à plusieurs reprises depuis 2002, signifié à quel point les choix que vous opérez ne sont pas les bons, à quel point la politique que vous menez ne correspond nullement à leurs attentes.
J'aimerais évoquer certains propos entendus lors du débat budgétaire à l'Assemblée nationale.
« Premièrement, ce projet de budget pour 2006 n'est pas sincère quant aux prévisions de croissance, au taux de croissance des dépenses publiques et à l'aggravation de la pression fiscale. Vous renoncez à dire l'extrême gravité de la situation de nos finances publiques et à en tirer les conséquences.
« Deuxièmement, ce texte représente une menace pour l'avenir de nos finances publiques.
« Troisièmement, ce texte comporte des mesures fiscales injustes. Au lieu de soulager la pression fiscale pesant sur les classes moyennes, vous concentrez les cadeaux fiscaux sur les plus gros contribuables : les deux tiers du coût du bouclier fiscal profiteront à 14 000 contribuables imposables à l'ISF, pour 250 millions d'euros. »
L'auteur de ce véritable réquisitoire contre le projet de loi de finances pour 2006 est notre collègue Charles-Amédée de Courson, député UDF de la Marne, qui expliquait ainsi la position de son groupe lors du vote de la première partie.
Comme nul ne l'ignore ici, seul le groupe UMP de l'Assemblée nationale a estimé utile de voter en faveur du projet de loi de finances qui nous est aujourd'hui proposé. Tous les autres groupes, qu'il s'agisse du groupe des députés communistes et républicains, du groupe des socialistes et apparentés ou encore du groupe UDF, ont voté contre ce projet de budget pour 2006, exprimant ainsi la nécessité d'un autre budget.
Par cette motion tendant à opposer la question préalable, nous entendons donc prolonger cette exigence.
Outre les raisons et les motifs que je viens d'évoquer, j'aborderai rapidement quatre raisons principales qui justifient, à notre sens, cette motion.
Tout d'abord, ce projet de loi de finances qui nous est présenté pour 2006 constitue un véritable déni de l'expression démocratique de nos concitoyens. C'est le respect du suffrage universel tel qu'il s'est exprimé le 29 mai 2005 qui est en cause.
La deuxième raison tient au manque de sincérité des hypothèses économiques retenues, qui a pour effet de faire débattre la représentation nationale sur un faux budget. Votre prévision de croissance, monsieur le ministre, que vous établissez à 2,25 %, est infirmée par l'ensemble des conjoncturistes, qui l'évaluent en moyenne à 1,8 %. Vos prévisions sont irréalistes et l'erreur potentielle contenue dans ce budget est de 20 %. Il s'agit donc d'un budget d'affichage, qui vous permet d'évaluer le déficit public de la France à 2,9 % du produit intérieur brut en 2006, soit à un niveau inférieur aux 3 % exigés par les critères de Maastricht.
La troisième raison de réfuter ce projet de budget est que celui-ci continue à réduire l'autonomie fiscale et financière des collectivités locales. La réforme engagée de la taxe professionnelle, c'est-à-dire son plafonnement à 3,5 % de la valeur ajoutée, aura des conséquences négatives sur les services locaux rendus aux populations.
Le congrès de l'Association des maires de France se fait l'écho des inquiétudes des élus locaux s'agissant des conséquences de ce projet de budget sur les finances locales. L'impôt local ne doit pas servir de variable d'ajustement à la politique fiscale de l'État, et l'autonomie financière des communes doit être préservée.
La quatrième raison qui justifie cette question préalable tient au non-respect de l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, qui dispose : « Pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés ».
Cet article affirme le principe du respect de la faculté contributive. Le principe de la progressivité de l'impôt est également affirmé par la décision du Conseil constitutionnel du 30 décembre 1981 relative à l'ISF.
Or vous vous attachez à limiter cette progressivité, voire à l'éliminer. Ce faisant, vous favorisez les plus fortunés et vous augmentez le poids des impôts les plus injustes que sont la TVA et la TIPP.
Prenons l'exemple de la baisse de l'impôt sur le revenu. On peut tourner la question dans tous les sens, mais rien n'y fait : pour les 15 millions à 20 millions de contribuables qui sont, de toute manière, empêchés par la modicité de leurs revenus d'acquitter la moindre cotisation, cette réforme ne change rien.
Chacun sait pertinemment que les principaux gagnants de la réforme seront les catégories les plus aisées de la population, notamment celles dont les revenus non salariaux vont largement bénéficier de l'intégration de l'abattement des 20 % dans le barème.
Cet abattement, accordé aux salariés mais également étendu à d'autres contribuables, est un formidable jackpot fiscal pour les plus aisés, pour les plus fortunés.
Et que dire de cette accumulation de cadeaux, qui font suite à la réforme de l'imposition du patrimoine, à l'allégement de l'ISF, à la multiplication et à la persistance de multiples niches fiscales dont on sait parfaitement qu'elles n'ont aucune influence réelle sur la situation de l'emploi et de la croissance et qu'elles ne recouvrent qu'une seule réalité tangible : l'économie d'impôt qu'elles permettent aux initiés !
Les 3,5 milliards d'euros que coûtera la réforme de l'impôt sur le revenu ainsi que les milliards d'euros de dégrèvements accordés au titre de la taxe professionnelle vont manquer à l'appel pour répondre aux urgences sociales en matière d'emploi, de santé, de logement, de politique de la ville, de soutien à la vie associative, à la création artistique, à la préservation du patrimoine culturel et des espaces naturels.
Dans ces conditions, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous comprendrez que le groupe communiste républicain et citoyen appelle le Sénat, en adoptant cette question préalable, à faire valoir enfin d'autres choix que ceux qui nous sont proposés pour l'heure dans ce projet de loi de finances pour 2006. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'avoue être très surpris de cette initiative. En effet, notre collègue Bernard Vera et son groupe développent toute une analyse de ce projet de budget avant même de l'avoir examiné. Or le rapporteur général que je suis aimerait avoir l'occasion, au cours de la discussion des articles, de les convaincre que leur approche n'est pas la bonne.
Si nous voulons qu'un débat pluraliste et démocratique se déroule dans cet hémicycle, il faut confronter nos argumentaires !
La majorité du Sénat considère ainsi, par exemple, que toute mesure tendant à éviter l'évasion des capitaux et à améliorer l'attractivité de notre territoire est bonne pour la confiance et pour l'emploi, et que l'on ne pourra pas améliorer la situation des salariés et de l'emploi si l'on désespère ceux qui sont porteurs de projets d'entreprise.
Selon vous, dès lors qu'il y a - hélas ! - des malheureux sur le sol de notre pays, nous ne devons plus prendre en considération l'état d'esprit des détenteurs de capitaux et des entrepreneurs. (Exclamations sur les travées du groupe CRC.)
Mme Marie-France Beaufils. Ce n'est pas ce que nous avons dit !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je ne crois pas avoir trop travesti votre pensée en disant que vous opposez les situations de misère, qui existent et auxquelles nous devons bien entendu nous attaquer, et notre prétendue sollicitude vis-à-vis des détenteurs de capitaux et des hommes d'entreprise.
Mme Hélène Luc. Nous voulons plus d'entreprises !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Mes chers collègues, nous aimerions vous convaincre au cours de ce débat que cette position est factice et dépassée, et vous amener à aborder le marxisme à la façon de Deng Xiao Ping, qui disait : « Qu'importe que le chat soit noir ou blanc pourvu qu'il attrape des souris. » (Sourires.)
Mme Hélène Luc. L'autre jour, c'était le goulag. Aujourd'hui, c'est Deng Xiao Ping !
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est avec cet espoir que nous souhaitons poursuivre et amplifier la discussion de ce projet de loi de finances.
La commission des finances ne peut donc qu'être très défavorable à votre motion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme Hélène Luc. C'est un autre budget qu'il nous faut !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-François Copé, ministre délégué. J'invite votre assemblée à rejeter cette motion. En effet, les propos de M. Vera m'incitent à penser qu'il est grand temps d'entrer dans le vif du sujet. Plus vite nous débattrons du fond, mieux ce sera, car nous pourrons enfin connaître les positions des uns et des autres.
Pour reprendre un proverbe chinois que Philippe Marini connaît bien : « C'est au pied du mur qu'on voit le mieux le mur. » (M. le rapporteur général sourit.) Retrouvons-nous donc vite au pied du mur ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme Hélène Luc. Vous avez tort de faire de l'humour sur ce sujet, monsieur le ministre. C'est très sérieux !
M. le président. Je mets aux voix la motion n° I-61, tendant à opposer la question préalable.
Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi de finances.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 24 :
Nombre de votants | 233 |
Nombre de suffrages exprimés | 233 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 117 |
Pour l'adoption | 23 |
Contre | 210 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures quinze, est reprise à vingt et une heures trente-cinq.)
M. le président. La séance est reprise.