Sommaire
PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet
2. Transmission du projet de loi de finances
3. Loi de finances pour 2006. - Discussion d'un projet de loi
M. le président.
Discussion générale : MM. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ; Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l'État ; Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances ; Jean Arthuis, président de la commission des finances.
Suspension et reprise de la séance
MM. Jean-Jacques Jégou, Marc Massion, Henri de Raincourt, Aymeri de Montesquiou, Philippe Dominati, Thierry Foucaud, Alain Lambert, Mme Marie-France Beaufils, MM. Jean-Pierre Fourcade, Eric Doligé, Yves Fréville, Simon Loueckhote.
Présidence de M. Adrien Gouteyron
MM. Serge Dassault, Jean-Paul Virapoullé, Daniel Goulet.
M. le ministre délégué.
Clôture de la discussion générale.
Motion no I-61 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - MM. Bernard Vera, le rapporteur général, le ministre délégué. - Rejet par scrutin public.
Suspension et reprise de la séance
MM. Alain Vasselle, le président.
5. Engagement national pour le logement. - Suite de la discussion d'un projet de loi
Articles additionnels après l'article 7
Amendement no 159 du Gouvernement. - MM. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement ; Dominique Braye, rapporteur de la commission des affaires économiques. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement no 187 de M. Alain Vasselle. - MM. Alain Vasselle, le rapporteur, le ministre. - Retrait.
Amendement no 55 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre, Thierry Repentin. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Division additionnelle après l'article 7
Amendement no 56 rectifié de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption de l'amendement insérant une division additionnelle.
Articles additionnels après l'article 7
Amendements identiques nos 57 de la commission et 350 de M. Thierry Repentin. - MM. le rapporteur, Jean-Pierre Caffet, le ministre. - Adoption des deux amendements insérant un article additionnel.
Articles additionnels avant l'article 1er ou après l'article 7
Amendements nos 229 de Mme Michelle Demessine et 421 de M. Thierry Repentin. - Mme Eliane Assassi, MM. Roger Madec, le rapporteur, le ministre. - Rejet des deux amendements.
Articles additionnels après l'article 7 (suite)
Amendements identiques nos 58 de la commission et 351 de M. Thierry Repentin. - MM. le rapporteur, Jean-Pierre Caffet, le ministre, Thierry Repentin. - Adoption des deux amendements insérant un article additionnel.
Amendement no 59 rectifié quater de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre, Roland Muzeau. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement no 418 de M. Thierry Repentin. - MM. Thierry Repentin, le rapporteur, le ministre. - Retrait.
Division additionnelle avant l'article 8
Amendement no 60 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption de l'amendement insérant une division additionnelle
M. Roland Muzeau.
Amendements nos 422 de M. Thierry Repentin, amendements identiques nos 61 de la commission et 133 de M. Pierre Jarlier, rapporteur pour avis; amendement no 96 de M. Marcel-Pierre Cléach. - MM. Thierry Repentin, le rapporteur, Pierre Jarlier, rapporteur pour avis de la commission des lois ; Marcel-Pierre Cléach, le ministre. - Retrait de l'amendement no 96 ; rejet de l'amendement no 422 ; adoption des amendements nos 61 et 133.
Adoption de l'article modifié.
Articles additionnels après l'article 8 ou avant l'article 11
Amendements nos 62 de la commission et 435 rectifié de M. Jean-Léonce Dupont. - MM. le rapporteur, Philippe Nogrix, le ministre. - Adoption de l'amendement no 62 insérant un article additionnel, l'amendement no 435 rectifié devenant sans objet.
Articles additionnels après l'article 8
Amendement no 360 rectifié de M. Jean-Marc Todeschini. - MM. Thierry Repentin, le rapporteur, le ministre, Pierre Jarlier, rapporteur pour avis. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendements identiques nos 63 de la commission et 352 de M. Thierry Repentin. - MM. le rapporteur, Thierry Repentin, le ministre. - Adoption des deux amendements insérant un article additionnel.
Amendements identiques nos 64 rectifié de la commission et 353 rectifié de M. Thierry Repentin. - MM. le rapporteur, Roger Madec, le ministre. - Adoption des deux amendements insérant un article additionnel.
Amendement no 405 de M. Thierry Repentin. - MM. Thierry Repentin, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Division additionnelle avant l'article 9
Amendement no 65 de la commission et sous-amendement no 380 de M. Thierry Repentin. - MM. le rapporteur, Thierry Repentin, le ministre. - Retrait du sous-amendement ; adoption de l'amendement insérant une division additionnelle.
Articles additionnels avant l'article 9
Amendement no 146 rectifié de Mme Valérie Létard, rapporteur pour avis, et sous-amendements identiques nos 66 rectifié bis de la commission et 354 rectifié de M. Thierry Repentin. - Mme Valérie Létard, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales ; MM. le rapporteur, Thierry Repentin, le ministre. - Adoption des deux sous-amendements et de l'amendement modifié insérant un article additionnel.
Amendement no 389 de M. Thierry Repentin. - MM. Thierry Repentin, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement no 392 de M. Thierry Repentin. - MM. Thierry Repentin, le rapporteur, le ministre, Mme Valérie Létard, rapporteur pour avis ; MM. Jean Desessard, Roland Muzeau, Mme Eliane Assassi, MM. Philippe Dallier, Pierre Jarlier, rapporteur pour avis ; Philippe Nogrix, Jack Ralite, Laurent Béteille - Rejet, par scrutin public.
Amendements nos 143 rectifié ter de M. José Balarello et 179 rectifié de Mme Sylvie Desmarescaux. - M. Alain Vasselle, Mme Catherine Procaccia, MM. le rapporteur, Mme Valérie Létard, rapporteur pour avis ; M. le ministre, Bernard Seillier, Thierry Repentin, Roland Muzeau. - Rejet, par scrutins publics, des deux amendements.
Amendement no 181 rectifié bis de Mme Catherine Procaccia. - MM. Christian Cambon, le rapporteur, le ministre, Mme Catherine Procaccia. - Retrait.
Amendement no 182 rectifié bis de Mme Catherine Procaccia. - MM. Christian Demuynck, le rapporteur, le ministre. - Retrait.
Amendement no 183 rectifié bis de Mme Catherine Procaccia. - Mme Catherine Procaccia. - Retrait.
Amendement no 471 rectifié de M. Jean Desessard. - MM. Jean Desessard, le rapporteur, le ministre, Thierry Repentin, Roland Muzeau, Philippe Dallier, Christian Cambon. - Rejet
Amendement no 393 de M. Thierry Repentin. - MM. Thierry Repentin, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement no 147 de Mme Valérie Létard, rapporteur pour avis, et sous-amendement no 498 de M. Dallier ; amendements nos 272 rectifié de M. Michel Mercier et 362 de M. Thierry Repentin. - Mme Valérie Létard, rapporteur pour avis ; MM. Philippe Dallier, Philippe Nogrix, Thierry Repentin, le rapporteur, le ministre, Roland Muzeau, Jean Desessard, Jack Ralite. - Retrait de l'amendement no 272 rectifié et du sous-amendement no 498 ; rejet, par scrutins publics, des amendements nos 147 et 362 rectifié.
Renvoi de la suite de la discussion.
7. Dépôt d'une proposition de loi
9. Dépôt d'avis
10. Dépôt d'un rapport d'information
11. Ordre du jour
compte rendu intégral
PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet
1
PROCÈS-VERBAL
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
TRANSMISSION DU PROJET DE LOI de finances
M. le président. J'ai reçu aujourd'hui, transmis par M. le Premier ministre, le projet de loi de finances pour 2006, adopté par l'Assemblée nationale.
Le projet de loi sera imprimé sous le numéro 98, distribué et renvoyé au fond à la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation et, pour avis, sur leur demande, aux autres commissions permanentes.
3
loi de finances pour 2006
Discussion d'un projet de loi
M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi de finances pour 2006, adopté par l'Assemblée nationale (nos 98 et 99).
Monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, pour la première fois depuis le début de la Ve République, la discussion du projet de loi de finances que nous entamons aujourd'hui se fera suivant le schéma rénové de la loi organique relative aux lois de finances, communément appelée la LOLF.
Ce nouveau cadre renforce la portée de l'autorisation budgétaire accordée par le Parlement - il s'agit d'un acte important ! - et enracine la culture de la performance et du résultat au coeur de la gestion publique.
Cette grande réforme, cette « nouvelle Constitution financière » fut conçue, en son temps, par deux assemblées aux colorations politiques différentes. Sur ce point, un total consensus a été trouvé.
Je fais confiance, aujourd'hui, à la commission des finances, aux commissions saisies pour avis et aux groupes politiques, de la majorité comme de l'opposition, pour faire vivre ces règles, que nous avons adoptées ensemble, et pour en respecter l'esprit, notamment par la maîtrise des temps de parole. Il s'agit d'une condition incontournable pour assurer le bon déroulement de la discussion budgétaire.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Absolument !
M. le président. J'appelle chacun à faire preuve de discipline lorsqu'il interviendra.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Y compris le Gouvernement !
M. le président. Cette recommandation est également valable pour le Gouvernement, monsieur le président de la commission des finances. J'en appelle d'ailleurs à ce dernier, pour que les ministres ne dépassent pas les limites de temps fixées en conférence des présidents en accord avec M. le ministre délégué aux relations avec le Parlement.
Chacun est donc invité à respecter rigoureusement le temps de parole qui lui est imparti, si nous voulons que cette nouvelle méthode de débat se pérennise.
Ensemble, remplaçons le triptyque du président Edgar Faure, « litanie, léthargie, liturgie », par la devise, « clarté, lisibilité, efficacité », qui doit devenir la « clé » de la LOLF !
Je vous rappelle que la conférence des présidents, sur proposition de la commission des finances, a prévu, dans le cadre de l'examen des articles de la première partie, quatre débats.
Le débat sur les recettes des collectivités territoriales aura lieu le mardi 29 novembre, à seize heures. À la suite de la réforme constitutionnelle engagée par la Haute Assemblée, les textes relatifs à l'organisation des collectivités territoriales doivent être déposés en priorité sur le bureau du Sénat, ce dernier étant, je le rappelle, le représentant constitutionnel des collectivités territoriales.
Le débat sur le prélèvement au profit des Communautés européennes interviendra le mercredi 30 novembre, à neuf heures trente.
Enfin, à l'occasion du vote de l'article d'équilibre, rénové et enrichi, sont prévus deux nouveaux débats thématiques portant respectivement sur les effectifs de la fonction publique et sur l'évolution de la dette de l'État.
La discussion de la deuxième partie, mission par mission, nous donnera ensuite - je l'espère ! - la possibilité de débattre, dès le premier euro, des grandes politiques publiques de l'État.
Enfin, cette année, la deuxième partie comportera des dispositions fiscales particulièrement importantes et exigera plus de temps que les années précédentes. C'est la raison pour laquelle la commission des finances s'est résolue à nous proposer - ce qui a été accepté par la conférence des présidents - de siéger le samedi 10 décembre et, éventuellement, le dimanche 11 décembre. (M. le président de la commission des finances acquiesce.)
De la sorte, je pense que nous pourrons procéder le mardi 13 décembre, à une heure raisonnable, au scrutin public à la tribune sur l'ensemble du projet de loi de finances pour 2006.
Telles sont les différentes recommandations que je souhaitais vous adresser, aux uns et aux autres, afin que ce débat budgétaire ait, si vous me permettez cette expression, de l'allure !
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis très heureux d'être présent aujourd'hui pour introduire ce débat sur le projet de loi de finances pour 2006. Jean-François Copé, qui participait ce matin au congrès des maires, nous rejoindra dans un instant. Ce débat s'annonce particulièrement riche, comme l'a été celui que nous venons d'avoir à l'Assemblée nationale.
Permettez-moi, en préambule à nos discussions, de remettre en perspective ce projet de budget pour 2006 et de souligner à mon tour le contexte institutionnel tout à fait particulier dans lequel il s'inscrit. En effet, l'année budgétaire 2006 est une année charnière.
Mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi de finances pour 2006 est le premier à être soumis à la pleine application de la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001. Le budget que nous vous présentons est donc le premier « au format LOLF ».
Certes, le changement réside essentiellement cette année dans un énorme effort de présentation, mais c'est bien la première étape, indispensable, d'une ambition nouvelle en matière de rationalisation de la dépense publique et de réforme de l'État.
Il relève aujourd'hui de notre responsabilité politique, de ma responsabilité, pour redonner des marges de manoeuvre à notre politique fiscale, d'être encore plus exigeants sur la gestion des finances publiques que nous ne l'avons été au cours des trois dernières années.
La LOLF doit nous permettre - j'en suis convaincu -, dès 2007, d'aller plus loin et, par exemple, de converger graduellement vers une stabilisation en valeur du budget de l'État, c'est-à-dire vers une enveloppe stable d'une année sur l'autre. C'est en tout cas ce que le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie que je suis appelle de ses voeux.
Ce n'est d'ailleurs pas un voeu pieu ! Nous avons les moyens de cette ambition.
Depuis 2003, la dépense budgétaire est stabilisée. Cela paraissait impossible voilà quatre ans. Pourtant, la norme « zéro volume » est aujourd'hui bien ancrée dans notre paysage budgétaire. C'est bien la preuve que nous sommes désormais prêts à aller plus loin.
Le budget pour 2007 sera le premier à pouvoir pleinement tirer profit de l'application de la LOLF. Les indicateurs de performance auront été mesurés et les conclusions auront été tirées. Nous avons lancé, avec Jean-François Copé, dix-sept audits pour aider les ministères à accomplir ce travail.
Je reviens maintenant plus précisément sur le projet de loi de finances pour 2006, que vous présente aujourd'hui le Gouvernement.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous le dis haut et fort, ce budget est un budget responsable, sincère et transparent. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'exclame.)
Ce budget, c'est d'abord notre vision, à Jean-François Copé et à moi-même, des évolutions des recettes, des dépenses et donc du déficit public, et ce de la manière la plus loyale et la plus transparente possible. Cette loyauté et cette transparence, je les revendique !
Mais c'est aussi notre engagement politique de tout mettre en oeuvre pour tenir les objectifs de dépense et de solde. Mesdames, messieurs les sénateurs, cet engagement, je le prends devant vous !
Loyauté et transparence, c'est d'abord présenter à la représentation nationale des perspectives économiques crédibles. En entamant ce débat à l'Assemblée nationale voilà maintenant un mois, d'aucuns critiquaient les prévisions de croissance du Gouvernement. La croissance en 2005 ne pouvait dépasser 1,5 % - que n'ai-je entendu ! -, et celle de 2006 ne serait certainement pas beaucoup plus élevée !
En ce qui me concerne, j'ai défendu ces perspectives budgétaires comme étant raisonnablement ambitieuses. D'ailleurs, les comptes du troisième trimestre que l'INSEE a publiés voilà dix jours nous ont largement donné raison, vous l'avez tous remarqué.
C'est pourquoi, mesdames, messieurs les sénateurs, je viens devant vous aujourd'hui avec les mêmes prévisions et la même conviction que l'économie française a redémarré. Je tiens à le souligner, le taux de croissance du troisième trimestre, qui s'établit à 0,7 %, est le taux le plus élevé de tous les grands pays européens pour cette période. Ce résultat, vous vous en doutez bien, n'est pas uniquement le fait du hasard. Il confirme, ce que je soutiens depuis plusieurs mois maintenant, que la croissance est repartie.
Certes, nous pouvons et nous devons faire mieux. Mais, en tout état de cause, après le creux d'activité subi à la fin de 2004 et au début de 2005, la tendance est à la reprise. Celle-ci est d'ailleurs confirmée par les performances du troisième trimestre et, d'après les indications en notre possession, se poursuivra sans doute au quatrième trimestre. Cela nous a conduits à inscrire dans le projet de budget une fourchette de croissance de 2 % à 2,5 % pour 2006.
Nous pouvons en tirer plusieurs conclusions.
Nous avons d'abord la certitude que nous terminerons cette année au coeur de la fourchette annoncée par le Gouvernement, avec un taux de croissance situé entre 1,5 % et 2 % pour 2005, et non au-dessous de 1,5 %, comme certains l'affirmaient. Je le rappelle, à la fin du troisième trimestre, nous avons déjà pratiquement atteint le bas de cette fourchette.
Nous avons aussi la démonstration de la solidité de la reprise. Outre la consommation qui reste très dynamique, les deux autres moteurs de la croissance que sont l'investissement et les exportations montent en puissance.
D'une part, l'investissement devrait avoir progressé cette année de plus de 3 %. L'accélération est très nette par rapport au taux de 2004, qui était de 2,4 %, et surtout par rapport à celui de 2003, puisque chacun se rappelle qu'il était de 0 %.
D'autre part, avec Christine Lagarde, je vous annonce que les exportations « explosent » au troisième trimestre puisqu'elles progressent de 3,1 %, en apportant, pour la première fois depuis deux ans, une contribution positive à la croissance estimée à 0,2 % !
Si ces résultats ne sont évidemment pas suffisants, il faut tout de même retenir que la tendance est positive et que nous allons dans le bon sens.
Enfin, avec la bonne tenue des enquêtes de conjoncture, nous avons la confirmation que nous abordons l'année 2006 en excellente position, comme nous l'espérions. (Murmures sur les travées du groupe CRC.) Selon les informations publiées ce matin, le moral des industriels progresse ce mois-ci encore au-dessus de sa moyenne de long terme.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Le moral des Français, lui, n'arrête pas de baisser !
M. Thierry Breton, ministre. Le climat des affaires dans les services et le bâtiment demeure très bon.
Les premiers indicateurs disponibles sur le quatrième trimestre vont dans le même sens, et je me dois de partager ces informations avec la représentation nationale.
Si la consommation de produits manufacturés a légèrement baissé en octobre, elle reste à un niveau très élevé après avoir connu une progression tout de même exceptionnelle au cours de l'été. Sur les douze derniers mois, la consommation aura augmenté de 3,2 % par rapport aux douze mois précédents. Il faut le souligner, c'est une performance extraordinaire.
Les prix ont continué à baisser en octobre et l'inflation n'atteindra vraisemblablement que 1,8 % sur un an, et ce malgré la hausse du pétrole, qui n'aura donc pas produit d'effets « de second tour » sur le plan économique, notamment, sur l'inflation.
Les créations d'entreprises se maintiennent à un niveau proche de leur plus haut niveau historique. Nous atteindrons certainement les 220 000 créations d'entreprises que nous escomptions en 2005.
En résumé, malgré, bien sûr, certaines difficultés persistantes, l'économie de notre pays donne des signes évidents de reprise.
Mesdames, messieurs les sénateurs, au-delà de ces seules tendances conjoncturelles, notre projet de budget est aussi la traduction de la politique conduite avec détermination par le Gouvernement, avec le soutien de la représentation nationale, en faveur de la croissance et de l'emploi.
Vous auriez pu à bon droit nous critiquer, Jean-François Copé et moi-même, si nous nous étions réfugiés derrière le consensus, pour définir une prévision de croissance conservatrice. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'exclame.) Nous n'aurions alors pas rempli notre rôle, qui est de prendre loyalement en compte l'ensemble des éléments à notre disposition. Je pense, en particulier, aux effets de toutes les mesures que nous avons proposées et que vous avez adoptées.
Oui, ce budget a été construit pour soutenir le rebond de l'activité. Oui, nous sommes convaincus qu'il permettra à notre croissance de s'inscrire l'an prochain entre 2 % et 2,5 %.
Pour autant, aucune prévision n'est évidemment infaillible, et je ne sous-estime pas les risques du scénario que je viens de vous présenter, notamment ceux qui pèsent sur notre environnement international. Le pétrole, le taux de change, notamment de l'euro par rapport au dollar, la conjoncture chez nos principaux partenaires européens sont autant de variables que nous ne contrôlons pas et avec lesquelles il nous faudra vivre, quoi qu'il arrive. Mais c'est la loi du genre.
Le pétrole et le taux de change sont, à l'évidence, favorablement orientés depuis quelques semaines. Il reste à mieux mesurer l'impact d'une hausse éventuelle des taux d'intérêt dans la zone euro. À l'instar de mes homologues européens, je suis toujours aussi peu convaincu de la nécessité d'une telle hausse aujourd'hui. Je l'ai souvent répété, je ne vois aucun risque de résurgence de l'inflation ni en France ni dans la zone euro. Il convient de ramener les perspectives de hausse de taux à leur juste proportion. Le président de la Banque centrale européenne, la BCE, a lui-même précisé qu'elles n'annonçaient pas un cycle de resserrement monétaire dans les mois à venir, ce qui, évidemment, nous rassure quant aux futures décisions de la BCE, notamment en 2006.
Face à ces risques, nous sommes prêts à réagir et à adapter l'exécution du budget autant que possible pour tenir nos engagements, qui portent donc sur le niveau des dépenses et du solde public, mais pas sur celui de la croissance. La preuve de notre résolution apparaît notamment dans les orientations affichées dans le projet de loi de finances rectificative, présenté hier matin en Conseil des ministres, et qui nous permettra de contenir le déficit à 3 %, alors même que la croissance est nettement moins forte que ce qui avait été prévu il y a un an.
Mesdames, messieurs les sénateurs, nous nous sommes engagés, Jean-François Copé et moi-même, à respecter cette année, une fois de plus, l'autorisation parlementaire initiale, le fameux « zéro volume », à l'euro près. L'ensemble des ouvertures de crédits demandées est plus que gagé par des annulations de crédits.
Pour arriver à ce résultat, après avoir mis en réserve un montant global de 7,4 milliards d'euros, le Gouvernement a décidé d'annuler 6 milliards d'euros, la différence ayant été dédiée à des besoins sociaux, urgents pour l'essentiel.
Soyez sûrs, mesdames, messieurs les sénateurs, que nous ferons preuve de la même résolution pour mettre en oeuvre le budget pour 2006, en utilisant notamment tous les moyens que nous offre dorénavant la LOLF.
À l'appui des éléments que je viens de rappeler, je puis dire que notre projet de budget pour 2006 fait sans ambiguïté le choix de la responsabilité.
Or c'est bien ce que requiert aujourd'hui la situation de nos finances publiques. C'est bien ce problème que j'ai voulu prendre à bras-le-corps en indiquant, en juin, que la France vivait au-dessus de ses moyens.
Certains ont trouvé que j'étais excessivement alarmiste. Avec Jean-François Copé, nous n'avons pourtant pas ce sentiment ! Je revendique d'avoir voulu provoquer une véritable prise de conscience, non pas en affirmant que les Français vivaient au-dessus de leurs moyens, mais en soulignant que c'était la France elle-même qui vivait au-dessus des siens ! Je n'ai pas peur des mots, il faut absolument corriger cette trajectoire dramatique prise par nos finances publiques. Je crois avoir ainsi créé, au moment décisif, en plein accord avec le Premier ministre, les marges de manoeuvre dont nous avions besoin, pour éviter des dépenses inutiles et concentrer nos moyens sur la croissance et l'emploi.
M. Paul Blanc. Très bien !
M. Thierry Breton, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, nous sommes bien au rendez-vous de la responsabilité.
Les résultats sont là. Pour la première fois, depuis plusieurs années, notre endettement sera stabilisé en 2006. Tout en honorant les différentes lois de programmation, qui concernent la sécurité, la justice, la défense, mais aussi les nécessités immédiates, notamment le budget de la ville, qui vient d'être augmenté de 200 millions d'euros à l'Assemblée nationale, le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale permettent de stabiliser le ratio d'endettement public l'année prochaine. Tout cela est possible grâce à la réduction progressive du déficit public et à l'affectation au désendettement d'une partie significative du produit des cessions de participation.
Ces résultats sont la concrétisation de la reprise en main du budget de la France depuis trois ans. Bien sûr, je le dis en toute sincérité devant vous, il n'y a pas là de quoi se réjouir exagérément, mais il s'agit en tout cas d'un premier pas dans la bonne direction. La poursuite de l'assainissement des finances publiques me semble l'une des conditions nécessaires à la revitalisation durable de notre économie, à sa « respiration ».
Cette stabilisation passe, bien évidemment, par la réduction de notre déficit public. C'est l'engagement que nous avons tenu en 2004, en ramenant le déficit public de 4,2 % à 3,6 % du produit intérieur brut ; c'est l'engagement que nous tiendrons en 2005 et en 2006, en repassant sous la barre des 3 %, puis en revenant à 2,9 % en 2006.
Dans son rapport annuel sur la situation en France, publié en octobre, le Fonds monétaire international, après avoir intégré les mesures correctrices que nous avons ajoutées dans le projet de loi de finances pour 2006, a très clairement indiqué que nous étions capables de ramener notre déficit à 3 % du PIB dès cette année, en saluant, au passage, nos efforts pour redynamiser le marché du travail. Il envisage, pour 2006, avec des hypothèses de croissance effectivement moins favorables, qui n'intègrent pas les statistiques que nous avons publiées pour le troisième trimestre, un déficit de 3,3 %. Cela correspond à notre objectif de 2,9 %, si l'on procède à un ajustement de l'acquis de croissance sur l'année 2006 et si l'on inclut l'impact de certaines mesures ponctuelles non prises en compte par le FMI.
Certains ont relevé que les prévisions d'automne de la Commission européenne, qui viennent d'être publiées, semblaient moins optimistes. Elles ont cependant été élaborées avant la présentation du projet de loi de finances et la publication des chiffres confirmant la tendance que nous annoncions depuis plusieurs mois. C'est la raison pour laquelle je rencontrerai, à sa demande, le commissaire Almunia, pour discuter précisément de la situation et des nouvelles mesures, afin qu'il puisse les intégrer dans le modèle de calcul de la Commission européenne. Nous serons alors en mesure de le convaincre, tout comme nous l'avons fait avec le FMI, que les prévisions contenues dans ce projet de loi de finances sont sincères et réalistes.
Mesdames, messieurs les sénateurs, notre ambition, à mon sens très claire, pour 2006 est de poursuivre notre effort budgétaire en 2006, afin de revenir à un déficit de 2.9 %, ce qui est, je ne vous le cache pas, un objectif ambitieux.
A cet égard, quelles sont les clefs d'une telle équation ?
D'abord, les recettes fiscales et sociales profiteront de l'accélération de la croissance, qui devrait donc se situer entre 2 % et 2,5 %. Pour autant, le taux des prélèvements obligatoires n'augmentera pas sensiblement puisqu'il devrait être de 44 % du PIB en 2006, contre 43,9 % du PIB cette année, soit 0,1 point de plus.
Ensuite, le ralentissement des dépenses publiques sera accentué. Pour l'État, je l'ai souligné en préambule, ce projet de loi de finances prévoit, pour la quatrième année consécutive, une stabilité des dépenses en volume. Pour la sécurité sociale, la montée en charge des effets de la réforme de l'assurance maladie ainsi qu'un certain nombre de mesures complémentaires devraient permettre de ralentir d'au moins un point la progression des dépenses de santé. Par ailleurs, la baisse du chômage permettrait d'améliorer la situation financière de l'UNEDIC, l'Union interprofessionnelle pour l'emploi dans l'industrie et le commerce.
Enfin, dans nos prévisions, seules les dépenses locales continueraient de progresser rapidement puisque nous nous attendons à une augmentation de plus de 3 % en volume en 2006.
Mesdames, messieurs les sénateurs, d'un côté, nous entendons assumer notre responsabilité financière, c'est le cadre de travail incontournable du Gouvernement. De l'autre, nous souhaitons afficher nos ambitions économiques : c'est la priorité pour l'emploi et la préparation de l'avenir. Ce projet de budget pour 2006 sert ces deux grandes orientations de notre politique économique.
Ce projet de budget, le Premier ministre n'a eu de cesse de le rappeler, est au service de notre première priorité, l'emploi.
Jean-François Copé et moi-même avons consacré la totalité des marges de manoeuvre budgétaires, soit environ 4,5 milliards d'euros, à l'emploi. Ce projet de budget « met en musique » les mesures du plan d'urgence pour l'emploi annoncées par le Premier ministre dès sa prise de fonctions.
Il s'agit du « contrat nouvelles embauches », dont le succès, constaté dès son démarrage, est désormais incontestable, avec plus de 170 000 contrats signés depuis le mois d'août.
Il s'agit de la montée en puissance des allégements de charges sociales sur les bas salaires imposés par la dernière étape de la réunification des SMIC.
Il s'agit de la neutralisation des contraintes financières liées au dépassement du seuil de dix salariés, mesure que je considère personnellement comme une ouverture déterminante pour le développement des très petites entreprises.
Il s'agit des orientations données sur le retour au travail des seniors. Alors que nous constatons aujourd'hui ce progrès exceptionnel qu'est l'allongement de la durée de vie, je me réjouis du succès des négociations menées sur ce sujet entre les partenaires sociaux.
Il s'agit, enfin, de la montée en charge des contrats d'avenir et des contrats d'accompagnement vers l'emploi.
Mais ce projet de loi de finances pour 2006 consacre surtout le deuxième acte de la stratégie du Gouvernement pour l'emploi et pour une croissance sociale, qui est de faire en sorte enfin que le travail paie plus que l'inactivité, en renforçant le pouvoir d'achat des salariés.
M. Paul Blanc. Très bien !
M. Marc Massion. Bonne idée !
M. Thierry Breton, ministre. C'est, d'abord, le sens des différentes incitations financières à la reprise d'emploi. Ainsi, sont prévus un crédit d'impôt de 1 000 euros pour les jeunes qui reprennent un emploi dans un secteur connaissant des difficultés de recrutement, une prime de 1 000 euros pour les titulaires de minima sociaux qui retrouvent du travail et un crédit d'impôt de 1 500 euros en faveur des chômeurs qui reprennent un emploi à plus de deux cents kilomètres de leur domicile.
Nous proposons également de renforcer significativement la prime pour l'emploi. En deux ans, cette mesure portera la prime maximale à plus de 800 euros au niveau du SMIC, prime à laquelle s'ajoutera un supplément mensuel de 250 euros, dans le cadre de la réforme de l'actuel intéressement.
Mais ce projet de budget est aussi celui de la réforme fiscale d'envergure dont la France a tant besoin. Jean-François Copé et moi-même avons proposé au Premier ministre le principe d'une réforme majeure de l'imposition des personnes à travers trois dispositifs équilibrés.
Il s'agit, tout d'abord, de l'institution d'un plafonnement du prélèvement fiscal. Désormais, aucun contribuable ne pourra plus être taxé au-delà de 60 % de son revenu au titre des impôts directs, c'est-à-dire l'impôt sur le revenu, l'impôt de solidarité sur la fortune, l'ISF, et les impôts directs locaux.
Il s'agit, ensuite, du plafonnement des avantages fiscaux à 8 000 euros, auquel s'ajoute un forfait porté à 1 000 euros par enfant à charge par l'Assemblée nationale.
Il s'agit, enfin, de la refonte en profondeur du barème de l'impôt sur le revenu. Le nombre de tranches du barème de cet impôt est réduit de sept à cinq et les taux sont abaissés du fait de l'intégration dans le barème de l'abattement de 20 %.
La refonte du barème de l'impôt sur le revenu, couplée à l'amélioration de la prime pour l'emploi, la PPE, est une réforme juste, d'abord, parce qu'elle récompense le travail et, ensuite, parce qu'elle soulage le fardeau fiscal pesant sur les classes moyennes. Ainsi, 80 % de l'effort global concernant la baisse des impôts bénéficiera directement aux ménages moyens et modestes.
Mais cette réforme de l'impôt sur le revenu renforce aussi la compétitivité et l'attractivité de notre pays. Avec la mise en place d'un plafonnement fiscal à 60 % du revenu, la France se situe enfin au même niveau que ses partenaires qui ont conservé un impôt sur la fortune. En affichant le barème réel de l'impôt sur le revenu et en simplifiant son calcul, nous permettons à notre pays d'attirer de nouveau les talents et les investisseurs privés dont nous avons besoin pour développer l'emploi et l'activité.
Vous l'avez compris, c'est un budget pour répondre à l'urgence afin de faire baisser le chômage et de remettre la France au travail. Les perspectives de poursuite de la baisse du chômage d'ici à la fin de l'année montrent que le terreau est bon ; c'est le moment d'enclencher le cercle vertueux travail-consommation-croissance-travail.
En même temps, il serait irresponsable de ne pas anticiper et de ne pas préparer notre pays aux enjeux de demain, l'irruption rapide des pays émergents, les mutations technologiques majeures, la montée en puissance d'une économie de l'immatériel et de la connaissance. Pour que cette baisse du chômage soit durable, nous devons aussi préparer les emplois de demain, en incitant nos entreprises à réinvestir dans l'avenir.
Mesdames, messieurs les sénateurs, j'en viens à la troisième partie de mon intervention. Le projet de budget que nous vous présentons prépare l'avenir
Je veux parler, d'abord, du second volet de la réforme fiscale que nous proposons dans ce projet de loi de finances pour 2006.
Nous devons poursuivre l'amélioration de l'environnement fiscal de nos entreprises en le rendant encore plus favorable à l'investissement.
Voilà pourquoi la réforme de la taxe professionnelle que nous vous soumettons est cruciale. Elle vient en complément de la baisse du taux de l'impôt sur les sociétés adoptée par le Parlement l'an dernier et dont la deuxième tranche est financée dans ce projet de loi de finances.
Pour mener à bien cette réforme ambitieuse, deux objectifs ont guidé le Gouvernement, qui a voulu alléger la charge fiscale des entreprises pour préserver leur compétitivité, mais également responsabiliser les collectivités locales.
La réforme de la taxe professionnelle comprend deux volets. Elle garantit aux entreprises de ne plus jamais être imposées au-delà de 3,5 % de leur valeur ajoutée et elle instaure l'allégement de la charge fiscale des entreprises sur les investissements nouveaux, de sorte que l'investissement ne soit plus taxé avant qu'il n'ait commencé à produire sa valeur escomptée.
M. Aymeri de Montesquiou. Très bien !
M. Thierry Breton, ministre. Mais l'État doit aussi être acteur de ce réinvestissement dans l'avenir. Comme vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement a fait siens les objectifs de Lisbonne, notamment celui de consacrer 3 % de notre richesse nationale à la recherche et au développement, et ce à l'horizon 2010. Ce doit être un moteur pour encourager les entreprises qui investissent trop peu dans l'innovation et comptent trop sur l'État pour le faire à leur place, et pour les inciter à relever leur contribution.
Le projet de budget pour 2006 prévoit que l'État y contribue de manière déterminante et concrète dès l'an prochain.
Après avoir mis en place, cette année, les outils nécessaires, notamment la mise en oeuvre coordonnée des pôles de compétitivité, de l'Agence de l'innovation industrielle, de l'Agence nationale de la recherche, de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France, l'AFITF, l'État va y affecter une partie très substantielle des recettes de privatisations pour financer des plans ambitieux de relance des investissements publics et de la recherche.
Sur les années 2005 et 2006, 4 milliards d'euros seront ainsi affectés à l'AFITF pour le financement des infrastructures terrestres, 2 milliards d'euros à l'Agence de l'innovation industrielle et un milliard d'euros à l'Agence nationale de la recherche. J'en attends un effet de levier substantiel sur l'investissement privé.
Par ailleurs, le crédit d'impôt recherche, principal outil, et au demeurant performant, de soutien public à la recherche réalisée dans les entreprises, que le Gouvernement propose de renforcer, sera assis plus largement sur le volume des dépenses de recherche et de développement des entreprises, ce qui rendra le dispositif plus efficace en améliorant la rentabilité directe de l'investissement en matière de recherche et de développement et favorisera I'attractivité de la France pour ce qui est des centres de recherche et de développement.
Mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi de finances que nous vous présentons aujourd'hui, modifié et adopté par l'Assemblée nationale, est sans conteste un budget de croissance, c'est-à-dire porteur de croissance. Il est responsable financièrement, de façon à conforter la confiance de nos concitoyens. Il est prioritairement ciblé sur l'emploi, de manière à amorcer un enchaînement vertueux de la croissance, car c'est bien l'emploi qui crée l'emploi, comme l'activité qui crée l'activité. Enfin, il offre des perspectives d'avenir pour encourager résolument nos entreprises à investir.
En synthèse, le projet de budget pour 2006 a pour ambition de faire évoluer notre modèle social afin de mieux le préserver par la mise en oeuvre d'orientations politiques conformes aux valeurs de la majorité parlementaire
Ces valeurs, ce sont d'abord celles d'un État régalien fort pour assurer à tous sécurité et justice.
Les événements récents qui sont survenus dans les quartiers difficiles de nos banlieues nous ont brutalement rappelé que notre premier devoir de solidarité est d'assurer à tous nos concitoyens une France plus sûre, plus juste, où chacun peut faire respecter ses droits. Il ne faut jamais l'oublier.
C'est pourquoi nous assurons, à l'euro près, pour 2006, le financement intégral des engagements pris devant vous, mesdames, messieurs les sénateurs, dans le cadre des différentes lois de programmation pour la sécurité intérieure, pour la justice et pour la défense nationale.
Ces valeurs, ce sont aussi celles de l'efficacité économique comme fondement de la bataille pour l'emploi.
C'est ce qui fonde, face au chômage, notre refus d'engager des crédits pour un assistanat sans avenir ; c'est, au contraire, le choix résolu d'activer au maximum les dépenses de la politique de l'emploi, pour ce qui concerne, par exemple, les contrats d'avenir, la prime pour l'emploi, la prime de 1 000 euros pour les secteurs en pénurie, la prime pour la mobilité géographique.
C'est enfin, et surtout, après avoir réinscrit les emplois aidés dans une logique nouvelle et indispensable de droits et de devoirs dans le cadre de parcours réellement individualisés, le choix prioritaire pour notre gouvernement de la croissance, de l'investissement et de la réforme du marché du travail pour faire réellement et durablement décoller l'emploi marchand.
Ces valeurs, ce sont encore celles de la baisse des impôts et de la réforme fiscale pour que le travail paie plus que l'inactivité.
Oui, je le dis sans état d'âme, comme la majorité d'entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs, nous croyons à la baisse des impôts pour dynamiser la croissance, le pouvoir d'achat et l'investissement dans notre pays.
C'est pourquoi, au-delà de la stabilisation des prélèvements obligatoires, ce projet de loi de finances prévoit, pour les particuliers comme pour les entreprises, la réforme fiscale tout à la fois la plus juste et la plus ambitieuse depuis longtemps en faveur des classes moyennes et de la compétitivité du territoire français. Il apporte des réponses structurelles, comme le plafonnement fiscal ou la réforme de la taxe professionnelle, à des handicaps majeurs de notre système d'imposition.
Ces valeurs, ce sont enfin celles de la maîtrise résolue des dépenses publiques.
Par la maîtrise de nos finances publiques, que met en oeuvre ce projet de loi de finances pour 2006, nous exprimerons clairement notre refus de financer plus longtemps à crédit ce modèle social auquel nous sommes tous si profondément attachés et, ce faisant, nous marquerons ensemble cette conviction, que je sais être la plus profonde et la plus partagée par notre majorité.
Mesdames, messieurs les sénateurs, j'ai toute confiance dans la qualité du débat que nous allons maintenant conduire ensemble. Je serai plus que jamais, tout comme Jean-François Copé, à l'écoute de votre appréciation et de vos propositions, dans l'intérêt de nos compatriotes. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. Monsieur le ministre, soyez assuré que le débat au Sénat sera de grande qualité, comme le veut la tradition.
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l'État. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, voilà un an, presque jour pour jour, j'avais pris au pied levé mes fonctions de ministre délégué au budget et à la réforme de l'État en plein débat budgétaire au Sénat.
Revenant aujourd'hui dans cette enceinte, je suis heureux de vous présenter, aux côtés de M. Thierry Breton, un projet de budget comportant pour notre pays des avancées majeures, dont nombre d'entre elles étaient loin d'être gagnées voilà un an.
Trois points caractérisent le projet de loi de finances que nous vous soumettons.
Tout d'abord - raison pour laquelle ce projet de budget ne ressemble à aucun autre - nous sommes au rendez-vous de cette nouvelle Constitution budgétaire, dont nous avons tant parlé ensemble depuis ces dernières années. Le pari est tenu. Puisque ce projet de budget, pour la première fois, est entièrement construit sur le nouveau modèle de la Constitution budgétaire, nous allons parler de modernité, de performance, de productivité, de résultat, vocabulaire nouveau pour la gestion publique.
Par ailleurs, nous sommes au rendez-vous de tous les engagements pris devant les Français qu'ils concernent l'emploi ou la restauration de l'autorité de l'État. De ce point de vue, le projet de budget tient compte des événements qui se sont produits dans les banlieues ces dernières semaines.
Enfin, Thierry Breton l'a rappelé à l'instant, ce projet de budget met en oeuvre l'une des plus importantes réformes fiscales engagées au cours de ces vingt dernières années. Je vais développer ce point dans un instant.
Sur la forme, ce projet de loi de finances ne ressemble à aucun autre.
Être au rendez-vous de la LOLF, c'est d'abord vous présenter des documents totalement nouveaux. Comme nous nous y étions engagés, il n'y a plus de bleu budgétaire, c'est un souvenir. Aujourd'hui, nous parlons de projet annuel de performance, le PAP, comportant des programmes, des objectifs, des indicateurs.
C'est aussi vous garantir une vraie transparence, car désormais le budget va être une maison de verre. Mesdames, messieurs les sénateurs, nous allons vous faire part, ainsi qu'aux Français, des effectifs réels de la fonction publique et du budget des ministères, programme par programme. De la même manière, nous vous indiquerons le pourcentage des crédits destinés à être mis en réserve au cours de l'exercice grâce à la modification que je vous ai proposée, avec le concours actif d'Alain Lambert, que j'ai le plaisir de saluer, et de Didier Migaud.
L'un et l'autre ont été parlementaires en mission auprès de moi et ont travaillé tout au long de l'année à la mise en oeuvre de cette Constitution budgétaire.
Cela étant, nous n'allons pas nous payer de mots aujourd'hui, ni demain ! La Constitution budgétaire est écrite ; il faut la faire vivre. Le travail qui reste à accomplir est immense. Ne nous y trompons pas ! La LOLF pourrait se solder par un échec total : il suffirait d'en maintenir le caractère technocratique et abscons et de ne parler qu'entre spécialistes.
M. Jean-Jacques Jégou. Très bien !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Autant vous dire, mesdames, messieurs les sénateurs, que ce n'est pas du tout dans cette voie que j'entends m'engager.
J'ai, comme vous, j'imagine, les yeux rivés sur ce qui se passe à l'étranger. Nous devons, les uns et les autres, sans cesse regarder ce qui se fait de mieux ailleurs pour en faire bénéficier notre pays.
Voilà quelques semaines, lors d'un déplacement aux États-Unis - M. Thierry Breton s'y était d'ailleurs rendu quelques jours auparavant - j'ai pu, en y rencontrant mes homologues, mesurer tous les progrès que nous pouvons réaliser pour améliorer encore la lisibilité du budget. Je leur ai emprunté quelques idées dont j'aurai l'occasion de vous faire part au cours de cette discussion budgétaire.
J'ai, à cette fin, retenu deux pistes.
Je souhaite, en premier lieu, que notre pays puisse disposer des outils les plus performants en la matière.
Je suis en train de mettre en place, au sein du ministère du budget et de la réforme de l'État, un pôle de référence qui fera ce que l'on appelle, en anglais, du benchmarking, c'est-à-dire des études comparatives internationales dans le domaine de la gestion publique, si bien qu'à chaque fois qu'une bonne idée sera trouvée ailleurs, elle sera retenue, expérimentée et, éventuellement, gardée.
De la même manière, nous allons fédérer, au sein du ministère des finances, toutes les structures ou organismes qui concourent aujourd'hui de manière dispersée à cette activité d'observation de ce qui se passe à l'étranger et favoriser l'éclosion d'une recherche universitaire dans le domaine de la gestion publique.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Alors là, vraiment !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et M. Robert Bret. Interprétation hâtive !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Venez travailler avec nous, madame Borvo !
Je veux, en second lieu, renforcer le débat démocratique sur la performance.
Nous allons, dès le mois de janvier, ouvrir sur Internet un forum de la performance, sur lequel les Français pourront trouver la description des politiques publiques à travers tous les aspects budgétaires - combien cela coûte ? - les aspects performances - quels objectifs et quels indicateurs ? - mais également les aspects de la réforme de l'État - que faire pour améliorer les choses ?
Tous les projets annuels de performance seront mis en ligne sur Internet avec un effort particulier pour rendre l'information compréhensible par tous les citoyens. Tous les indicateurs seront renseignés en temps réel dès que l'information sera disponible.
De la même manière, seront accessibles sur ce site de la performance toutes les études comparatives, tous les audits que nous allons réaliser pour moderniser l'État. Cela permettra à chaque Français de prendre connaissance de ces questions et d'en débattre avec nous. J'en rendrai compte ici même devant vous régulièrement, mesdames, messieurs les sénateurs.
Le travail qui reste à accomplir est immense, je l'ai dit. Nous devons aussi essayer de voir comment mettre en oeuvre les engagements qui ont été pris par le Premier ministre, comme M. Thierry Breton le rappelait voilà un instant.
Cela se vérifie, tout d'abord, pour l'emploi. Toutes les marges de manoeuvre budgétaires disponibles cette année sont consacrées à l'emploi, avec, en particulier, la revalorisation de la prime pour l'emploi et la neutralisation financière du franchissement du seuil de dix salariés, ainsi que l'achèvement de la montée en puissance des allégements de charges.
Pourquoi les allégements de charges augmentent-ils de 1,8 milliard d'euros dans ce projet de budget ? Tout simplement parce qu'en juillet dernier le SMIC a, de nouveau, massivement augmenté, comme ce fut le cas en juillet 2003 et en juillet 2004. Parallèlement, le dispositif d'allégement des charges issu de la loi Fillon, pour neutraliser les conséquences de cette augmentation du SMIC, a achevé sa montée en puissance. Personne n'aurait compris qu'on fasse payer cette hausse par les entreprises, à un moment où nous mettons tout en oeuvre pour renouer avec la croissance et la création d'emplois.
C'est ce que j'avais dit, monsieur le président de la commission des finances, vous vous en souvenez, lors de notre débat nocturne, mais si intéressant sur les prélèvements obligatoires.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Nocturne, mais très éclairant !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. C'est un supplément massif de pouvoir d'achat qui a été financé par ce biais. Ici encore, notre objectif est bien l'accroissement du pouvoir d'achat, notamment des salariés modestes, tout autant que la compétitivité des entreprises.
Lors de l'élaboration de toutes ces mesures, nous avons pensé aussi à ceux qui sont éloignés de l'emploi, en développant à leur intention un plan de cohésion sociale et en prévoyant des contrats aidés.
Dans tout cela se retrouve la « marque de fabrique » de notre économie. Elle repose sur trois idées simples.
Tout d'abord, nous refusons d'opposer sans cesse, de manière idéologique, l'économique et le social et donc, au final, d'opposer les Français les uns aux autres.
Ensuite, nous rompons avec la logique de l'assistance, qui a si longtemps tenu lieu de politique sociale à notre pays.
Enfin, nous nous engageons à accompagner chaque Française et chaque Français, aussi longtemps qu'il le faudra, sur le chemin du retour à l'emploi, à la condition, bien entendu, que ce soit dans un esprit de responsabilité, chacun respectant ses droits et ses devoirs.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Très bien !
M. Alain Lambert. Excellent !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Vous l'avez compris, le travail est bien au coeur de notre modèle de croissance.
La commission des finances souhaite qu'à cette occasion nous ayons un débat sur ce que l'on appelle communément la « TVA sociale ».
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Ah, enfin !
M. le président. Beau sujet !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Il s'agit de substituer à des prélèvements obligatoires assis sur les facteurs de production une imposition assise sur la consommation afin de mieux répartir la charge fiscale entre les biens produits à l'étranger et ceux qui sont produits en France. (Sourires sur les travées du groupe CRC.)
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Écoutez cela, mes chers collègues du groupe CRC !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Ce débat est hérissé de difficultés de toute nature et très compliqué. C'est là, en réalité - nous le savons bien, les uns et les autres - une nouvelle approche de notre modèle de société que d'intégrer la TVA sociale, mais il est légitime, passionnant.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Et incontournable !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Le fait de débattre ne signifie pas pour autant que nous nous acheminons à coup sûr vers une réponse. Le sujet est beaucoup trop complexe ! Chacun sait qu'il faudra sans doute passer beaucoup de temps à y travailler, mais le fait que vous ayez souhaité en débattre, monsieur le président de la commission des finances, est suffisamment légitime pour que nous acceptions cette discussion. Sachez qu'elle ne suscite, de ma part, non plus que de celle de M. Thierry Breton, aucune hostilité.
M. le président. Très bien !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. La deuxième priorité de ce budget est la restauration de notre État régalien. Pour la quatrième année consécutive, nous respectons les engagements pris dans les lois de programmation sur la sécurité, la justice et la défense. C'est tout à fait inédit !
Après les trois semaines que nous venons de vivre, marquées par la prolongation de l'état d'urgence sur notre territoire, qui pourrait songer à nous le reprocher ? Nous avons évidemment une obligation absolument majeure de ce point de vue, qui est de répondre aux attentes des Français, de donner à l'État les moyens d'assurer ses missions les plus essentielles, au premier rang desquelles se trouve la garantie de la sécurité des biens et des personnes.
La troisième priorité est de préparer la France aux défis de l'avenir.
Nous sommes au rendez-vous pour la recherche, avec un milliard d'euros pour la deuxième année consécutive et 3 000 emplois nouveaux.
Nous nous étions engagés sur la création de pôles de compétitivité.
Nous avions annoncé la création de l'Agence pour l'innovation industrielle. Le pari, là aussi, est tenu avec 2 milliards d'euros qui lui seront consacrés d'ici à 2007.
J'évoquerai à présent la réforme fiscale que M. Thierry Breton et moi-même allons vous soumettre.
C'est une réforme qui repose sur trois mots clés : la justice, la simplicité et la compétitivité.
C'est, avant tout, une réforme juste, qui profite à tous, aux foyers moyens et modestes.
Je citerai quelques chiffres pour vous en persuader. Les personnes bénéficiaires de cette réforme seront les Français qui gagnent entre 1 000 et 3 500 euros par mois et par personne contribuable. Ce sont eux qui vont principalement bénéficier de 75 % du produit de la réforme de l'impôt.
C'est un vrai choix politique et nous l'assumons. Ce sont bien les classes moyennes qui gagneront le plus, en pourcentage, à la réforme : la baisse moyenne est de 10 % pour les revenus inférieurs à 42 000 euros par mois et de 5 % au-delà.
Valoriser l'effort de ceux qui travaillent, c'est cela être juste, et c'est bien ce que pensent les Français. Dans un sondage CSA réalisé au début du mois de novembre, 79 % des Français se déclarent favorables au principe de faire bénéficier les classes moyennes en priorité de la réforme de l'impôt sur le revenu et 81 % des personnes interrogées soutiennent la hausse de la prime pour l'emploi, qui fera enfin une vraie différence entre les revenus du travail et ceux de l'assistance.
Sur ce sujet, il y a matière à débat. Cependant, sachant que, lorsque les sondages sont mauvais pour l'activité gouvernementale, ils sont toujours mis en exergue, il nous a semblé, à M. Thierry Breton et à moi-même, voyant que ledit sondage était excellent pour la réforme fiscale que nous proposons, qu'il valait peut-être la peine, exceptionnellement, d'en faire la promotion nous-mêmes. Je vous en ai adressé un exemplaire à toutes et à tous. Je suis persuadé que vous saurez en faire le meilleur usage.
Être juste, c'est aussi faire une réforme qui vise à maintenir et même à accroître la progressivité de l'impôt.
Avant la réforme, les 2 % de foyers aux revenus les plus élevés contribuaient à hauteur de 40,6 % au produit global de l'impôt. Après la réforme, ils contribueront à 42,1 %, soit une augmentation de leur contribution à l'impôt de 1,5 point.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est incroyable !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Cela serait sans doute de nature à inviter l'opposition à regarder aussi, de son côté, cette réforme avec un regard attentif et peut-être même souriant.
Cette réforme, à cet égard, est beaucoup plus juste que celle qui fut engagée par la gauche en 2001.
M. Jean-Jacques Hyest. C'est vrai !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. En effet, pour un même coût budgétaire, M. Laurent Fabius, qui, à l'époque était moins versé dans le trotskisme qu'aujourd'hui (Protestations sur les travées du groupe CRC.)...
M. Robert Bret. Allez-y !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. ...avait fait une réforme beaucoup moins progressive que la nôtre.
Être juste, c'est, enfin, mettre en place un mécanisme totalement inédit de double plafonnement : un plafonnement de la charge fiscale à 60 % du revenu, d'une part, et un plafonnement des avantages fiscaux, d'autre part.
Je dirai tout d'abord quelques mots sur le plafonnement à 60 %. Il a vocation, comme vient de le dire M. Thierry Breton, à empêcher l'impôt d'être confiscatoire.
Vous aurez noté que, sur les 93 000 personnes concernées par le plafonnement, près de 90 % figurent parmi les contribuables les plus modestes. C'est donc un élément de plus au service de la justice de notre réforme fiscale.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ce n'est pas tout à fait cela !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Sur les modalités de mise en oeuvre, l'Assemblée nationale a permis d'améliorer le dispositif sur deux points. Lorsque le seuil de 60 % est dépassé du seul fait des impôts d'État, que sont l'IR et l'ISF, le financement du dispositif est uniquement à la charge de l'État ; au cas contraire, le dispositif adopté par l'Assemblée nationale maintient une contribution des collectivités locales, mais celle-ci est prélevée de façon globale sur l'ensemble de la DGF pour un montant qui est globalement très faible, puisqu'il est de 43 millions d'euros.
Mme Marie-France Beaufils. La DGF ?
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Pour 21 milliards d'euros !
Grâce à ces adaptations, nous avons désormais un dispositif qui satisfait à toutes les attentes.
J'en viens maintenant au plafonnement à 8 000 euros, plus 1 000 euros par enfant à charge, du cumul des différents avantages fiscaux, autrement dénommé « plafonnement des niches », qui a suscité des débats approfondis à l'Assemblée nationale.
Au terme de ces débats, la méthode choisie par le Gouvernement a été validée. Nous aurons l'occasion d'en reparler longuement - pas trop j'espère, mais ne nous faisons pas d'illusion ! - ici même.
Cette méthode a consisté à établir des critères précis pour intégrer ou non les avantages fiscaux dans le plafonnement. Si le dispositif de défiscalisation des investissements en faveur de l'outre-mer en a été exclu, c'est uniquement en raison du dispositif particulier d'évaluation prévu par la loi d'orientation pour l'outre-mer et de la spécificité de nos territoires ultramarins, consacrée par la Constitution. Un rendez-vous d'évaluation de la loi Girardin est prévu au mois de juin prochain.
Le deuxième mot clé de cette réforme, c'est la simplicité. Elle caractérise la refonte totale de l'impôt sur le revenu : cinq tranches au lieu de sept, quatre taux au lieu de six, qui intègrent la suppression de l'abattement de 20 % et la baisse du barème. C'est une opération « vérité des prix » très cohérente avec la volonté d'attractivité fiscale de la France que nous voulons mettre en oeuvre.
La simplicité est aussi à l'origine de la suppression des deux impôts, ce qui n'est pas fréquent, que sont la contribution sur les revenus locatifs des particuliers et la vignette automobile sur les véhicules de société.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Qui en profite ?
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Enfin, la compétitivité est le troisième mot clé de cette réforme fiscale.
Ce mot est parfois considéré comme un peu barbare mais il revient, au fond, à un seul sujet : les larmes que nous versons quand nos entreprises se délocalisent, quand nos usines ferment et quand nos emplois quittent la France, laissant des centaines de salariés sur le carreau. C'est un drame humain pour les familles et pour les territoires qui sont touchés et c'est pour l'ensemble de notre nation un véritable constat d'échec.
Le mot compétitivité n'appartient ni aux théoriciens, ni aux technocrates. C'est la responsabilité majeure des hommes et des femmes politiques. Il serait irresponsable de considérer ce sujet comme second ou médiocre alors qu'il se doit d'être au coeur de toute politique économique.
C'est dans cet esprit que s'inscrivent trois mesures de ce projet de loi de finances.
D'abord, la réforme de la taxe professionnelle. Je reviens du congrès de l'Association des maires de France, où j'étais très impatient de me rendre.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ils sont très inquiets, les maires !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. J'étais à l'Assemblée nationale lors des deux premiers jours de ce congrès et je bouillais d'impatience, non seulement parce que c'est ma nature profonde, mais aussi parce que mes oreilles sifflaient terriblement. J'avais donc hâte de pouvoir y aller, le troisième jour, afin de tordre le cou aux fausses informations qui circulaient et de m'expliquer directement devant les maires.
Je parle sous le contrôle de M. le président du Sénat, qui était à mes côtés,...
M. le président. J'y étais effectivement avec vous !
M. Jean-François Copé, ministre délégué.... il me semble que j'ai été compris.
Que la réforme de la taxe professionnelle fasse l'objet de critiques, ce n'est pas une surprise pour moi ! On parle pudiquement de cette réforme dans les colloques, dans les salons et dans les réunions locales depuis des années, sans que personne ne prenne le risque de la présenter et de l'assumer devant vous.
Cet impôt est totalement inadapté à la réalité économique d'aujourd'hui. Alors même que, dans ce pays, comme Thierry Breton le rappelait tout à l'heure, nous nous mobilisons tous pour l'emploi et l'investissement, nous avons « sur les bras » un impôt qui taxe d'abord l'emploi et l'investissement ! On peut comprendre que cela suscite des difficultés.
Fallait-il pour autant ne pas en parler ? Évidemment non ! Nous sommes là, Thierry Breton et moi-même, non pour accumuler de l'ancienneté sans déranger personne, mais pour assumer nos responsabilités : on appelle cela le courage politique. Il nous faut essayer de trouver ensemble des solutions, tout en écoutant les messages des uns et des autres.
Selon les textes, aucune entreprise n'a vocation à être taxée à plus de 3,5 % de sa valeur ajoutée. Or, en réalité, ce sont près de 200°000 entreprises qui sont aujourd'hui taxées à hauteur de 4°%, 5°%, 6°%, et même jusqu'à 10°% de leur valeur ajoutée !
Fallait-il continuer à prononcer de grands discours à la télévision et devant les parlementaires, avec des trémolos dans la voix, en faveur de l'emploi, de l'investissement et des entreprises et, dans le même temps, refuser d'admettre que cet impôt est inadapté ?
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C'est vrai !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Certes, chacun a bien conscience des difficultés que risquent de connaître les collectivités locales. En effet, cet impôt a au moins le mérite de leur permettre de mener une politique de développement économique sur leur territoire, dans la mesure où existe un lien entre l'activité économique et la vie locale, et où elles bénéficient de ces recettes. Enfin, normalement, parce que, il faut bien le dire, le premier assujetti à la taxe professionnelle, aujourd'hui, c'est l'État !
Nous nous trouvons donc dans un vaste jeu de rôles dont chaque protagoniste feint, en public, de ne pas s'apercevoir qu'un problème se pose. Or tout le monde, ici, sait qu'il fallait trouver des réponses.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Thierry Breton et moi-même avons imaginé des réponses autour de quelques principes simples.
Selon le premier principe, aucune entreprise ne doit être taxée au-delà de 3,5°% de sa valeur ajoutée.
Le deuxième principe porte sur la réforme du dégrèvement pour les investissements nouveaux. L'exonération de ces investissements sera pérennisée et rendue plus efficace : elle sera totale la première année, des deux tiers la deuxième année, d'un tiers la troisième année, ce qui incitera au renouvellement des investissements.
L'Assemblée nationale, enfin, a retenu 2005 comme année de référence pour la prise encharge du plafonnement par les collectivités locales, à condition que la variation de taux entre 2004 et 2005 n'excède pas 4,5°%, de telle sorte qu'aucune commune -°et aucun département°- ne devrait être concernée.
M. Serge Vinçon. On verra ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Pour le reste, chacun assume les impôts qu'il vote !
Cette modification majeure est, me semble-t-il, de nature à apaiser la plupart des craintes que ce dispositif a pu susciter chez les élus locaux. Mais nous aurons l'occasion d'en reparler, car je souhaite mener de ce point de vue un travail approfondi avec les membres de votre assemblée.
Ce mécanisme doit être juste. Il faut donc tenir compte des effets pervers que cette réforme pourrait induire, notamment pour les collectivités, dont une partie très importante des bases est plafonnée et qui ont veillé, en même temps, à maîtriser leurs taux ; les dégrèvements refacturés pourraient peser lourd sur leurs recettes fiscales globales.
Je souhaite que votre Haute Assemblée aide le Gouvernement à atténuer cette difficulté. Je sais que votre commission des finances travaille activement sur ce sujet : la contribution du Sénat sera la bienvenue.
S'agissant du plafonnement fiscal, le taux de 60°% a fait l'objet de nombreuses discussions. Les taux de 50°% et de 70°% avaient ainsi été proposés. On peut toujours discuter longuement mais, à la fin, il faut faire un choix !
Ce taux de 60°% n'est pas tombé du ciel ! Avec Thierry Breton, nous avons les yeux rivés sur ce qui se passe en dehors de notre pays et nous avons constaté qu'un grand nombre de pays européens adoptaient, les uns après les autres, ce plafonnement à 60°% : l'Espagne, le Danemark, la Suède, l'Allemagne - qui connaît un taux de 50°%, mais pour le seul impôt sur le revenu°-, sans oublier les pays qui envisagent d'y recourir, comme la Grande-Bretagne.
Pourquoi serions-nous toujours les derniers à faire les réformes ? Pourquoi toujours attendre de voir si cela marche ailleurs avant de tenter quoi que ce soit ? Nous aussi, nous avons le droit d'expérimenter et d'essayer !
De ce point de vue, le taux de 60°%, qui s'applique à la fois aux impôts d'État et aux impôts locaux, a une bonne tenue et devrait mettre la France en conformité avec le standard européen.
J'en viens à la question de la compétitivité, liée à celle de l'impôt de solidarité sur la fortune, l'ISF.
Thierry Breton et moi-même l'avons dit à plusieurs reprises : nous ne souhaitons pas réformer l'ISF pour réformer l'ISF. Cela n'aurait aucun sens. En revanche, il est légitime de se pencher sur tous les impôts qui pénalisent la croissance et l'emploi, et éventuellement de les corriger.
À cet égard, le dispositif adopté par l'Assemblée nationale, qui exonère à hauteur de 75°% les actions, notamment celles qui sont détenues par les salariés, sous réserve d'un engagement de conservation, est bon, car il favorisera la stabilité de l'actionnariat de nos sociétés.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Comment cela, « par les salariés » ?
M. Jean-François Copé, ministre délégué. En 1988, la gauche avait prévu une exonération en faveur des dirigeants, mais elle avait complètement oublié les salariés, madame Bricq !
Mme Nicole Bricq. Je n'ai rien dit ! (Sourires.)
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Dans cet esprit, il nous a semblé que cela valait la peine de s'intéresser à l'actionnariat populaire et de combler cette lacune.
Ce dispositif de réforme fiscale est donc extrêmement ambitieux.
Monsieur Arthuis, j'ai le regret de vous dire - mais je voulais vous présenter auparavant ce projet de réforme°- que la TVA sociale que vous préconisez trouve difficilement sa place dans notre système. Certes, je souhaite que nous ayons un débat sur ce sujet, ...
Mme Nicole Bricq. On va l'avoir !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. ... car vous y tenez beaucoup, mais vous devez comprendre qu'il y a loin de la théorie à la mise en oeuvre.
Néanmoins, ce débat doit avoir lieu et nous y participerons, dans cet esprit.
Mme Nicole Bricq. Il aura lieu !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Pour notre part, nous émettons les plus vives réserves sur ce dispositif. J'attire votre attention sur ce point, afin que vous mesuriez la place que tient cette réforme fiscale dans notre réflexion.
M. Philippe Marini, rapporteur général. D'ici à 2007 !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Naturellement !
J'en viens à ma conclusion.
L'ensemble du projet de loi de finances pour 2006 a été conçu dans une logique de responsabilité et nous avons eu à coeur, Thierry Breton et moi-même, de connaître le coût de chacun de ses éléments sur nos finances publiques.
Nous avons dû construire ce budget dans des conditions difficiles, en raison d'une forte accumulation de contraintes : un prix du pétrole qui a doublé en six mois, un ralentissement de la croissance économique en Europe et la concurrence de plus en plus marquée des pays émergents.
S'y sont ajoutées des contraintes budgétaires lourdes : une progression spontanée moins soutenue des recettes, une forte augmentation des prélèvements sur recettes au profit de l'Union européenne et des collectivités locales, la perte par l'État d'une recette de 3°milliards, puisque la caisse d'amortissement de la dette sociale, la CADES, cessera, à compter du 1er janvier prochain, ses versements au budget général.
C'est dans ce contexte que nous avons travaillé à bâtir ce budget. Nous vous présentons une copie qui a deux caractéristiques : d'une part, le déficit budgétaire est totalement stabilisé à 46,8° milliards d'euros, c'est-à-dire au même niveau qu'en 2005 et, d'autre part, les dépenses n'augmentent pas en volume, et ce pour la quatrième année consécutive.
Je sais qu'il est de tradition, pour l'opposition, de dénoncer le caractère « insincère » -°c'est le mot passe-partout !°- de tout nouveau budget : un gouvernement enthousiaste présente un budget fantastique, et le premier mot que trouve l'opposition, lorsqu'elle est de gauche, pour qualifier ce budget, c'est « insincère » ! (Murmures sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Là, c'est votre majorité qui le dit !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. M. Thierry Breton a fait, de ce point de vue, une démonstration éclairante.
Mme Nicole Bricq. À la bougie, alors !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Les prévisions économiques, il faut les lire, les étudier et, ensuite, il convient de travailler et d'assumer ses choix !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Eh bien !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Nous pensons que les mesures que nous avons prises, Thierry Breton et moi-même, pour stimuler la politique économique de notre pays lui permettront d'atteindre les objectifs de croissance.
J'en veux pour preuve un seul chiffre, celui de la croissance pour le troisième trimestre de 2005, qui s'élève à 0,7°%. Ce message fort peut se conjuguer avec les dispositions que nous annonçons et avec celles que nous avons déjà prises, comme le contrat « nouvelles embauches », qui connaît un succès fantastique.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Combien de contrats « nouvelles embauches » ?
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Cela devrait conduire chacune et chacun à réfléchir sur le principe si important du divorce entre l'économie et l'idéologie.
Le deuxième élément de sincérité est le collectif budgétaire ; Thierry Breton et moi-même l'avons présenté, hier matin, en conseil des ministres.
Traditionnellement, tous les projets de loi de finances sont complétés par des collectifs budgétaires pléthoriques, sortes de « matchs retours » de tous les arbitrages qui ont été considérés comme non satisfaisants par les ministres gestionnaires.
Le collectif budgétaire que nous avons présenté hier ne comporte pas une seule ouverture de crédits destinée à être reportée sur la gestion 2006. En cohérence avec l'esprit de la LOLF, le Gouvernement a veillé à restaurer la fonction initiale de la loi de finances rectificative de fin d'année, qui consiste à conclure la gestion budgétaire de l'année et non à compléter les crédits de la loi de finances de l'année suivante.
Monsieur le président de la commission des finances, je vous sais très attentif à cette question. Mes premiers souvenirs de ministre du budget défendant le collectif de l'année précédente sont restés gravés dans ma mémoire ! (Sourires.)
Certes, j'étais plein d'enthousiasme - comment ne pas être fier, heureux et honoré d'être le ministre du budget de son pays ?°-, ...
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Enthousiasme partagé !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. ... mais, en même temps, quel bizutage ! Je me rappelle des termes terribles que vous aviez employés pour qualifier le collectif de l'année précédente ...
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Il le méritait ! (Nouveaux sourires.)
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Celui que nous vous présentons aujourd'hui ne comporte aucun défaut de ce point de vue !
M. Alain Lambert. C'est bien !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. M. Lambert approuve bruyamment, et je m'en réjouis ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)
J'en viens à un sujet essentiel en termes de sincérité : les cessions immobilières de l'État. Sur cette question, les sénateurs comme les députés ont eu l'occasion de « mettre les pieds dans le plat », et ils ont eu raison de le faire.
Quel était le problème ? L'État ne gérait pas son parc immobilier. Et, de ce point de vue, il y avait fort à faire !
Je veux rendre hommage, ici, au travail accompli par Alain Lambert qui, le premier, a osé dire que l'État devait connaître son patrimoine et a en a lancé le recensement. Nous savons aujourd'hui qu'il se compose de 26°000 immeubles, représentant une valeur de 33°milliards d'euros.
À cet égard, le rapport du député Georges Tron est éclairant sur l'incapacité de l'État à gérer correctement, jusqu'à présent, son patrimoine immobilier, et notamment les bureaux de ses fonctionnaires.
Nous avons donc, nous aussi, décidé de « mettre les pieds dans le plat »et de prendre ce dossier « à bras-le-corps ».
Pour la première fois, l'État atteindra l'objectif qu'il s'est fixé en matière de cession immobilière. J'avais dit devant votre assemblée, il y a quelques mois, que nous allions procéder à la vente d'une partie du patrimoine immobilier de l'État, représentant un montant de 600 millions d'euros. J'ai le plaisir de vous annoncer, mesdames, messieurs les sénateurs, que cet objectif sera tenu. Les prix de vente sont conformes aux prix du marché : les intérêts du contribuable sont donc bien défendus.
M. le président. Très bien !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Enfin, la politique immobilière de l'État va disposer désormais d'un opérateur. En effet, le service des Domaines va être totalement transformé et modernisé pour devenir le service France Domaines, un service dont les fonctionnaires partagent notre objectif d'une gestion active et dynamique du domaine de l'État, soucieuse des intérêts du contribuable.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Une agence immobilière !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. L'État va se doter également d'outils pour gérer son patrimoine immobilier, avec un compte d'affectation spécial, nouvelle technique empruntée à nos amis canadiens -°je vous disais que je regardais ce qui se passe ailleurs !°-, qui identifie les opérations et les loyers budgétaires.
Désormais, chaque mètre carré occupé sera évalué par rapport à son équivalent en loyer. Chaque ministère disposera donc d'une enveloppe qu'il pourra utiliser à bon escient. Si ses occupants souhaitent déménager dans un endroit où le loyer budgétaire est moins cher, le ministère conservera tout ou partie de la différence, afin d'améliorer les conditions de travail de ses agents.
Comme vous pouvez le constater, mesdames, messieurs les sénateurs, nous modernisons l'État. L'exemple de la gestion du patrimoine immobilier me paraît tout à fait représentatif de ce que nous souhaitons faire pour que les Français « en aient pour leurs impôts ».
Ce projet de loi de finances pour 2006 intègre aussi, et c'est le dernier élément, un plan en faveur des banlieues d'un montant de près de 400°millions d'euros, financé intégralement par des redéploiements de crédits.
En conclusion, je souhaite vous dire le plaisir qui est le mien, aujourd'hui, de débuter avec vous l'examen de ce projet de budget.
Les débats à l'Assemblée nationale ont permis d'avancer sur plusieurs points. Je souhaite désormais poursuivre ce travail d'amélioration avec vous, mesdames, messieurs les sénateurs, pour parvenir au meilleur équilibre possible sur ce texte.
Soyez assurés de ma totale disponibilité pour répondre à toutes vos questions, et pour examiner sereinement et très attentivement l'ensemble des amendements que vous voudrez bien nous présenter. (Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées de l'UC-UDF et du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, l'actualité financière et budgétaire européenne est contrastée.
D'un côté, nous recevons des critiques ou faisons l'objet de marques de scepticisme de la part de la Commission européenne. Le commissaire Joaquin Almunia estimait ainsi, le 17 novembre dernier, dans les prévisions économiques d'automne de la Commission, que le déficit public français devrait être excessif en 2005 et le rester jusqu'en 2007.
D'un autre côté, nous prenons connaissance avec plaisir des bons chiffres de la croissance pour le troisième trimestre, et ces courants ascendants renforcent, messieurs les ministres, la crédibilité de vos prévisions.
Face à de tels contrastes, quel comportement devons-nous adopter ? La commission des finances vous propose, mes chers collègues, une démarche en trois temps : d'abord, restons modestes ; ensuite, soyons ambitieux bien que réalistes ; enfin, plus que toute chose, soyons courageux...
Mme Hélène Luc. Courageux ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est en trois parties ordonnées autour de ces trois axes que je vais m'efforcer de définir l'attitude de la commission des finances à l'égard du projet de budget qui nous est soumis.
En premier lieu, soyons modestes.
Cette modestie doit valoir pour les économistes d'abord, pour la commission elle-même ensuite et, naturellement, pour le Gouvernement enfin.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Pour un gouvernement modeste, il verse facilement dans l'autosatisfaction !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Le consensus des économistes n'est pas infaillible, les années 2004 et 2005 sont là pour le démontrer. S'agissant de 2004, le volontarisme de Nicolas Sarkozy quant à l'objectif de fin d'année aura gagné, mais grâce aux dividendes de la prudence d'Alain Lambert.
M. Aymeri de Montesquiou. Très bien !
M. Philippe Marini, rapporteur général. S'agissant des années 2005 et 2006, ayons la lucidité d'observer que le redressement du troisième trimestre et l'acquis de croissance qu'il crée pour toute l'année 2005 rendent plus crédible la prévision pour 2006.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C'est vrai !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Si nous avions manifesté, voilà quelques mois, du scepticisme quant à l'écart entre la prévision gouvernementale et le consensus des conjoncturistes, les courants ascendants semblent aujourd'hui porter votre prévision, messieurs les ministres.
La modestie n'en doit pas moins toujours guider nos pas, car de nombreux aléas peuvent jouer dans des sens contraires : actuellement, le prix du pétrole baisse - tant mieux -, mais le dollar monte.
Par ailleurs, l'augmentation des taux d'intérêt peut aussi susciter quelques inquiétudes.
Je citerai à ce sujet la déclaration du 18 novembre du gouverneur de la Banque centrale européenne : « Nous allons réduire quelque peu le caractère accommodant de la politique monétaire actuelle, afin de maintenir sous contrôle les anticipations d'inflation. »
Je voudrais aussi rappeler qu'outre-Atlantique la FED a relevé à 4 % son taux directeur le 1er novembre et qu'il s'agit du douzième relèvement successif.
Les aléas doivent donc être attentivement considérés.
En tout état de cause, il semble aujourd'hui à la commission que le pari du Gouvernement peut être gagné, en termes de croissance et de réalisation des hypothèses économiques.
Au demeurant, s'agissant du niveau des recettes fiscales et de leur estimation, un bref retour en arrière s'impose.
Je le reconnais, la commission a été pessimiste dans ses appréciations du début de l'été dernier, mais elle a droit, me semble-t-il, au bénéfice des circonstances atténuantes, car nul ne pouvait prévoir le retournement de tendance dû aux fameux courants ascendants. Surtout, on a observé, en 2005, des élasticités des recettes fiscales inhabituellement fortes qui ne se retrouvent dans aucun modèle.
En termes de méthode, je persiste à penser, mes chers collègues, que le principe de précaution doit toujours nous guider et qu'il convient de ne surtout pas confondre l'objectif de croissance, qui est un objectif mobilisateur et de nature politique, et le taux de croissance de référence, taux à partir duquel les variables du budget sont calculées et les objectifs en termes de solde budgétaire déterminés.
Au total, le cadrage macroéconomique du budget pour 2006 nous semble volontariste, mais ce volontarisme ne paraît pas de nature à entacher la sincérité globale de l'exercice.
Enfin, messieurs les ministres, si la commission des finances du Sénat et son homologue de l'Assemblée nationale ne vous appellent à la prudence, qui le fera ? Et qui vous soutiendra lorsque vous aurez à défendre une approche rigoureuse face à certains de vos collègues dépensiers, et même beaucoup trop dépensiers, du Gouvernement ?
J'en viens au volet de l'ambition.
Trouvons le bon équilibre entre l'ambition et le réalisme. L'ambition est indispensable,...
M. Philippe Marini, rapporteur général. ...car, sans elle, on est marginalisé dans le monde d'aujourd'hui. Où se manifeste donc l'ambition dans les documents budgétaires ?
Tout d'abord, nous trouvons dans ces documents l'amorce, pour 2007, d'une première réforme de notre modèle fiscal. Il faut prendre l'approche du Gouvernement pour ce qu'elle est. C'est une direction qu'il indique, direction dans laquelle nous ne pouvons que l'encourager à aller : simplification du barème, opération vérité à l'égard de l'étranger, encadrement des niches, en attendant, nous l'espérons, leur suppression,...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous n'y croyez pas vous-même, monsieur le rapporteur général !
M. Philippe Marini, rapporteur général. ...car, mes chers collègues, laisser subsister des législations complexes et virtuelles n'est d'aucune utilité et d'aucun intérêt.
Si la commission des finances appuiera donc le Gouvernement dans ses efforts pour réduire toute une série de corporatismes et d'intérêts catégoriels et particuliers,...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Les petits intérêts catégoriels, mais pas les gros intérêts capitalistes !
M. Philippe Marini, rapporteur général. ...elle le fera dans l'esprit d'aboutir ultérieurement à quelque chose de plus clair, de plus net, de plus simplificateur encore.
C'est donc un premier pas dans la bonne direction : vous faites ce qu'il vous est sans doute possible de faire pour 2007, mais, bien entendu, il faudra aller plus loin.
Le « bouclier fiscal » est assurément un excellent concept. C'est à la fois une initiative de portée pédagogique et une garantie pour le contribuable, qui aura ainsi la certitude de ne pas avoir à sortir de sa poche plus d'une certaine proportion de ses revenus taxables à l'impôt sur le revenu.
Bien sûr, nous en débattrons dans le cadre de la deuxième partie du projet de loi de finances - ce sera un des obstacles du steeple-chase qui nous attend -, mais qu'il me soit d'emblée permis de dire que la commission aura une vision globale du prélèvement et s'intéressera peut-être davantage au calcul du numérateur et du dénominateur qu'au taux lui-même, car, si un taux est intéressant, la réalité définie sans ambiguïté par les deux termes d'une fraction l'est encore bien davantage.
Il faut aussi être ambitieux en termes de maîtrise de la dépense. À cet égard, je veux complimenter le ministre délégué au budget, qui, dans les documents qu'il nous a adressés, laisse entendre à juste titre qu'il faudra probablement passer du « zéro volume » au « zéro valeur ».
Je salue sa lucidité, car le « zéro volume » s'interprète en tenant compte des changements de périmètres que nous avons déjà commentés. Les exonérations de charges sociales ou le financement des infrastructures de transport par l'agence que préside notre excellent collègue Gérard Longuet sont des opérations que nous ne contestons pas ; nous nous bornons à dire que, si l'on avait raisonné à méthodologie complètement inchangée, nous n'aurions pas été au rendez-vous du « zéro volume ».
M. Marc Massion. C'est vrai !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je suis convaincu, mon cher collègue, que vous ferez des propositions pour aller dans le sens d'une approche encore plus rigoureuse !
Mme Nicole Bricq. Ne vous inquiétez pas : des propositions, on en a !
M. Philippe Marini, rapporteur général. S'agissant toujours de la maîtrise de la dépense, la commission approuve également la lucidité du Gouvernement quant à la nécessité de renouveler le processus des réserves de précaution et de contrôler les reports.
Elle souhaite, par ailleurs, que le Gouvernement s'appuie davantage encore sur l'outil qu'est la nouvelle loi organique pour rechercher la meilleure performance possible. Elle aura de nombreuses occasions de l'encourager à le faire lors de l'examen des crédits des différents programmes et missions.
Les chantiers à ouvrir, messieurs les ministres, doivent aussi refléter notre ambition commune.
De ce point de vue, la commission des finances réaffirme l'importance structurelle et stratégique qu'il faut bien attacher au débat sur la TVA sociale. Oui, mes chers collègues, c'est un pari à tenter, et nous le démontrerons, tant à l'égard de la concurrence extérieure qu'en termes de levier pour faire évoluer le modèle fiscal français, qui n'est à vrai dire qu'un reflet du modèle sociopolitique français.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Bien dit !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Beaucoup ici considèrent que des changements, des sauts qualitatifs sont nécessaires pour assurer le devenir de ce modèle.
Par ailleurs, la prime pour l'emploi est améliorée cette année, mais nous tracerons sans doute des perspectives encore plus ambitieuses pour le futur afin de mieux la cibler, car, comme le disait très justement le ministre délégué au budget, elle doit constituer l'un des moyens de réelle incitation à la reprise du travail et à la sortie des dispositifs d'assistance qui sont à notre disposition.
Au titre des ambitions, messieurs les ministres, la commission estime que l'impôt sur les sociétés doit lui aussi être profondément réformé : la démarche qui est la vôtre dans ce projet de loi de finances pour l'impôt sur le revenu devrait et aurait pu être étendue à l'impôt sur les sociétés lui-même.
Meilleure visibilité de l'extérieur, réduction pour aller vers la suppression des « niches » fiscales, ces deux principes s'appliquent tout aussi bien, voire encore mieux, à l'impôt sur les sociétés qu'à l'impôt sur le revenu.
Enfin, au titre des ambitions, je voudrais évoquer, messieurs les ministres, un chantier institutionnel qu'il va bien nous falloir ouvrir.
Nous observons, dans cette loi de finances, que l'essentiel des mesures fiscales que nous allons voter, j'allais dire entériner, proviennent de lois sectorielles diverses et variées qui ont été votées par le Parlement tout au long de l'année. Cela représente moins 3,8 milliards d'euros de recettes fiscales, alors que les mesures propres de la loi de finances ne représentent que plus 200 millions d'euros de recettes fiscales, et ce grâce à vous, monsieur le ministre du budget, qui avez dû quasiment in extremis, sur un certain nombre de points, rechercher les quelques formules nécessaires pour garantir l'équilibre au niveau qu'il fallait atteindre.
Notre sentiment est que la loi de finances comme voiture balai ou comme variable d'ajustement de toutes les lois sectorielles de l'année, franchement, messieurs les ministres, mes chers collègues, ce n'est pas supportable ! (M. Jean-Jacques Jégou applaudit.)
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Bravo !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Institutionnellement parlant, ce n'est pas supportable !
Si Michel Debré avait imaginé, lorsqu'il a rédigé l'article 40 de la Constitution, ce que l'on pouvait faire avec une dépense fiscale, à mon avis, la Constitution de la Ve République aurait été rédigée autrement et on y aurait inclus non seulement les dépenses supplémentaires, mais aussi les moins-values de recettes.
Or ce n'est pas le cas et, mes chers collègues, par un exercice de lucidité collective, dans le respect des principes de la Ve République, il faudra bien que nous y réfléchissions et que les initiatives nécessaires soient prises pour l'avenir. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mais, pour autant, nous devons rester pragmatiques. La politique est l'art du possible. Donc, messieurs les ministres, vous avez raison d'équilibrer les budgets pour satisfaire aux critères du pacte de stabilité et de croissance avec des éléments comme les soultes. Ce n'est pas la commission des finances du Sénat qui vous le contestera tout en faisant remarquer que, bien entendu, ce sont des opérations unitaires, qui ne peuvent se répéter. Cependant, elles sont bonnes à prendre : vous les prenez, nous les prenons et on ne saurait le contester.
De la même façon, j'y faisais allusion, monsieur le ministre du budget, les quelques opérations de reprise de trésorerie dormante, par exemple, vont assurément dans le sens de l'opportunité budgétaire. Ces mesures de rendement, vous avez raison de les prendre et de nous les proposer.
Toujours au titre du pragmatisme, j'évoquerai le rééquilibrage de plusieurs éléments de notre panoplie fiscale.
D'abord, la fiscalité locale sur laquelle nous reviendrons abondamment dans cet hémicycle. Je crois que l'on a à peu près trouvé le point d'équilibre pour faire évoluer la taxe professionnelle. Nous vous soumettrons quelques correctifs, quelques ajustements, quelques améliorations, messieurs les ministres, mais, sincèrement, par rapport à la boîte de Pandore que l'on avait ouverte en ce domaine, par rapport aux préconisations impossibles de la commission Fouquet, je crois que vous avez trouvé - pardonnez-moi de me répéter - le juste équilibre et des formules raisonnables.
Mme Hélène Luc. Ce n'est pas notre avis !
M. Philippe Marini, rapporteur général. S'agissant de la fiscalité écologique ensuite, vous allez bien faire progresser les choses avec la taxation des voitures en fonction de leur degré de pollution. Il me semble que cette décision est tout à fait substantielle.
En ce qui concerne, enfin, la fiscalité de l'épargne, l'initiative que prend la commission des finances de vous convier, mes chers collègues, à réexaminer le régime des intérêts versés sur les plans d'épargne logement de plus de dix ou douze ans doit nous conduire à rééquilibrer certains dispositifs et à rechercher l'efficacité dans l'affectation de l'épargne vers les besoins prioritaires de l'économie
Restant dans le pragmatisme, j'estime que vous avez raison, messieurs les ministres, de poursuivre dans le sens de l'arbitrage des actifs publics. L'ouverture du capital d'EDF à hauteur de 15 % est un excellent départ. Les opérations qui ont été réalisées, en particulier sur GDF, sont les bienvenues en termes de compétitivité et d'ouverture de notre économie.
Sur le dossier un peu plus complexe des autoroutes, nous souhaiterions, dans le cours du débat, être bien éclairés tant sur les procédures que sur les valorisations.
Si je reprends les études de nos collègues de l'Assemblée nationale, d'un côté, Gilles Carrez utilise un taux d'actualisation de 4 % des dividendes à verser par les sociétés d'autoroutes et il arrive à une estimation de 23 milliards d'euros ; de l'autre, Hervé Mariton estime, lui, que cette valorisation devrait se situer entre 12 milliards et 13 milliards d'euros en se fondant sur un taux d'actualisation compris entre 6 % et 6,5 %.
J'espère donc, messieurs les ministres, que vous nous apporterez, au cours du débat, des éléments qui, en termes de gestion patrimoniale de l'État, nous permettront de souscrire sans aucune réserve à cette privatisation, par ailleurs certainement utile, des sociétés d'autoroutes.
Enfin, vous l'avez dit, monsieur le ministre du budget, les ventes d'immeubles de l'État doivent se poursuivre. Il n'y a aucune espèce de raison que les ministères thésaurisent de l'immobilier. Les loyers d'usage sont certainement un bon levier pour faire évoluer les habitudes et la gestion.
J'achèverai mon propos par un bref appel au courage. (M. Aymeri de Montesquiou s'exclame.)
Essayons d'être courageux !
Mme Hélène Luc. Qu'est-ce que le courage ? Vous allez nous le dire ! Pour nous, ce serait d'affronter les problèmes des gens, le chômage, le pouvoir d'achat !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C'est tout cela !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Le courage, c'est une attitude, chère madame.
Nous en avons la profonde conviction, au sein de la commission des finances, notre modèle fiscal et social est inadapté. Il faut oser se remettre en question pour que, face à la compétition internationale, la France continue à occuper son rang, sa place, et à faire entendre sa voix. Une France affaiblie, trop endettée ou dont la gestion serait trop contestable, serait une France dont la voix ne porterait plus.
M. Aymeri de Montesquiou. C'est sûr !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il faut en avoir bien conscience : entre la finance et la politique, voire la politique internationale, il y a des liens plus étroits qu'on ne le pense parfois. Ce ne sont pas des mondes séparés, c'est un seul et même monde, souvent cruel mais il est ainsi.
Essayons d'être courageux. Je vais vous donner deux exemples : les dépenses de personnel, d'un côté, et la dette, de l'autre.
S'agissant des emplois budgétaires, on a créé l'outil avec la loi organique. L'outil, ce sont les équivalents temps plein travaillé. C'est donc le nouveau mode de calcul des crédits de masse salariale. Mais il faut avoir la volonté de s'en servir : l'outil, c'est la condition objective.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Ensuite, naturellement, interviennent les éléments volontaristes. La commission a rappelé, à la suite de bien d'autres, que l'opportunité des grosses annuités de départ en retraite n'est pas suffisamment mise à profit. (M. Jean-Jacques Jégou applaudit.)
Et il aura fallu, messieurs les ministres, quatre années depuis 2002 pour simplement compenser les créations nettes d'emplois de la dernière année du gouvernement Jospin.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je me permets toujours de rappeler cette comparaison quand on nous parle des contraintes qui s'exercent sur le niveau des effectifs publics. Il a été très facile, au cours d'un dernier budget électoral, de créer 17 214 emplois, mais il aura fallu quatre budgets successifs, et dans la douleur, pour simplement compenser cette augmentation électorale et d'opportunité. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Henri de Raincourt. Eh oui !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Un autre élément de préoccupation sur ce plan est relatif aux revalorisations salariales. Nous le savons bien, un point de rémunération de la fonction publique représente 800 millions d'euros et, dans le jeu de rôles traditionnel à ce sujet, les marges de manoeuvre, même celles qui seront nécessaires dans le dialogue social, ne sont jamais budgétées.
La loi organique permettra sans doute aux gestionnaires d'exercer davantage leur sens des responsabilités. Elle fixe des plafonds de crédits affectés à la masse salariale et elle donnera la possibilité aux ministres qui le voudront bien de se situer en dessous. C'est notamment en fonction de cela que nous apprécierons leurs performances de gestion dans un an.
Nous souhaitons que les modes de rémunération s'adaptent progressivement à la recherche de l'efficacité du service public. Nous aurons l'occasion d'y revenir fréquemment dans cette discussion budgétaire.
Autre élément, la dette, qui est en quelque sorte la drogue des États. Je vous propose cette formule car l'accoutumance à la dette permettrait de tout faire. L'État endetté est un État qui s'adonne à une conduite addictive.
M. Aymeri de Montesquiou. Tout à fait !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Les réveils n'en seront que plus difficiles. L'État drogué, c'est l'État qui voudrait continuer à tout faire et ne saurait pas choisir ses priorités.
M. Aymeri de Montesquiou. Tout à fait !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Or la France, je le rappelle, est exposée à un risque en matière de taux. En effet, vous savez qu'une augmentation de deux points du taux d'intérêt moyen de la dette représente, quatre ans plus tard, 9 milliards d'euros d'intérêts supplémentaires. Je parle sous le contrôle de Paul Girod, qui nous a également fait remarquer, il n'y a pas si longtemps, que la CADES, que l'on met à part, comptabilise 37 milliards d'euros de dettes. Son appel au marché est identique à celui de l'Espagne. Merci, monsieur Paul Girod, de ce rappel !
La France est le premier émetteur de la zone euro. Pour la première fois, mes chers collègues, nous allons avoir un débat spécifique sur le recours à l'emprunt et nous aurons à approuver ou à rejeter - je pense plutôt à approuver - le plafond de variation de la dette, fixé à 41 milliards d'euros. Ce sera une excellente opportunité pédagogique de reprendre toute cette problématique.
Gouverner, c'est choisir, construire un budget, c'est arbitrer : grâce à la loi organique et à l'examen des programmes en base zéro, nous pourrons être plus conscients de cette réalité mais, en même temps, elle nous impose à tous, notamment aux parlementaires et donc aux sénateurs, des responsabilités nouvelles. En effet, nous pouvons amender, mais amender pour habiller Pierre en déshabillant Paul, c'est évidemment plus difficile que de faire un amendement gagé par l'augmentation fictive de la taxe sur les tabacs !
Mme Hélène Luc. Ce n'est pas vrai ! Vous nous avez ôté le véritable moyen de faire des amendements !
M. Philippe Marini, rapporteur général. En conclusion, mes chers collègues, espérons que de nos débats naisse un progrès de cette loi de finances.
M. Jean-Pierre Plancade. Ce sera difficile !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Merci par avance, messieurs les ministres, de votre écoute. Merci de l'attitude constructive que vous-mêmes et vos collaborateurs ont vis-à-vis des propositions de la commission. Tâchons tous ensemble de faire en sorte que notre État, l'État dont nous allons voter le budget, demeure, sans doute dans les limites du raisonnable, un État providence, mais ne se transforme pas en un État de sollicitude au sens de Michel Schneider, c'est-à-dire un État qui, par ses mauvaises habitudes et les mauvaises habitudes de ceux qui s'adressent à lui, ne cesse de multiplier des promesses et de se réfugier dans un jeu d'illusions...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. On atteint des sommets !
M. Philippe Marini, rapporteur général. ... qui appelle nécessairement de fortes réactions du tissu social.
Mes chers collègues, vous pouvez le constater, c'est donc dans un esprit très constructif, mais tout en restant très vigilante, que la commission des finances aborde l'examen de ce projet de budget pour 2006, qui apporte de réels progrès.
Tâchons d'aller plus loin encore, grâce à vous, messieurs les ministres et aussi grâce à vous, mes chers collègues. (Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées de l'UC-UDF et du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Vous l'avez rappelé en ouvrant cette séance, monsieur le président, la discussion que nous entamons aujourd'hui revêt un caractère historique, puisque, pour la première fois, le Gouvernement présente devant le Parlement son projet de loi de finances initiale conformément aux dispositions de la LOLF.
Pour la première fois, mes chers collègues, nous allons voter les crédits par mission, et non plus par ministère ; nous allons les voter au premier euro, et non plus pour les seules dépenses nouvelles, qui ne représentaient guère plus de 5 % du budget ; enfin, nous allons voter par référence à des objectifs de performance, et non plus seulement par référence à des moyens.
Une nouvelle culture est à l'oeuvre, voulue et conçue par la représentation nationale, votée dans un consensus supra- partisan, dictée par la nécessité de mettre un terme aux dysfonctionnements de l'État, à l'impéritie de la gestion publique ainsi qu'à l'immobilisme de la sphère étatique.
Alors que le « modèle français » paraît être à bout de souffle, ou en tout cas soumis à rude épreuve, comme en témoignent le niveau du chômage, les déficits abyssaux et les montagnes de dettes publiques, sans parler des violences urbaines, le renouveau est attendu. Il n'est plus question de jouer les prolongations dans l'attente des secours de la providence.
S'il est vrai que la LOLF n'est pas en soi une politique, elle doit cependant constituer désormais l'instrument de la lucidité de tous ceux qui prennent des décisions politiques. Certes, la LOLF n'est qu'un levier, un éclairage, un mode de gouvernance ; elle sous-entend la transparence et met l'accent sur l'obligation pour tout agent public de rendre compte de sa gestion. A sa façon, elle nous invite à rompre avec nos procédés approximatifs, puisque, dorénavant, les comptes publics devront être lisibles, vérifiables et sincères.
Allant jusqu'au bout de sa logique, notre nouvelle Constitution financière charge la Cour des comptes de certifier la régularité, la sincérité et la fidélité des comptes de l'État. Mes chers collègues, la révolution est en marche !
Il n'y a plus de place pour la créativité conceptuelle, les petits arrangements de présentation budgétaire, les trompe-l'oeil, les petites tricheries convenues pour sauver les apparences et tenter de se mettre à l'abri des remontrances bruxelloises et, en fin de compte, se rassurer à bon compte. Il n'est donc plus question d'abuser les citoyens et de rendre impossible toute tentative de pédagogie, au nom de l'habileté politique.
Une ère nouvelle s'ouvre. C'est donc, messieurs les ministres, l'heure de vérité pour ce premier projet de loi de finances présenté sous l'empire de la LOLF.
Au moment où s'ouvre la discussion budgétaire, je voudrais tenter de répondre à trois questions. Le projet de budget pour 2006 est-il sincère ? Est-il l'expression de la réforme de l'État ? Enfin, les dispositions qu'il contient peuvent-elles stimuler la croissance et résorber le chômage ?
Première question : le budget est-il sincère ?
En juin dernier, monsieur le ministre de l'économie et des finances, vous avez tiré la sonnette d'alarme en affirmant que « la France vit au-dessus de ses moyens ». Votre projet de budget, avec un déficit prévisionnel de 46,8 milliards d'euros, ne dément pas votre observation, surtout si l'on prend en compte les déficits prévisionnels des régimes obligatoires de protection sociale et l'assurance chômage, qui représentent, au total, plus de 60 milliards d'euros de déficit public - soit près de 2 000 euros de déficit par seconde ! - et qui viendront s'ajouter aux 1 100 milliards d'euros de dette publique.
À cet égard, il est sage de ne pas oublier que l'État supporte également la dette des droits à pension des fonctionnaires, qui est de l'ordre de quelque 800 milliards à 900 milliards d'euros.
Pour aller jusqu'au bout de l'exigence de sincérité, il conviendrait, en outre, de tenir compte des engagements souscrits par l'État en faveur d'organismes dont les dettes sont des dettes de l'État. Nous attendons donc les conclusions de la mission que vous avez confiée à Michel Pebereau, monsieur le ministre, pour avoir confirmation de nos analyses à ce sujet.
S'agissant de l'évolution des dépenses publiques, votre proclamation selon laquelle le cap du « zéro volume » est respecté s'expose quelque peu à la critique.
La suppression des crédits alloués à la sécurité sociale en compensation des exonérations de cotisations liées à la réduction du temps de travail constitue un heureux arrangement. En effet, si les crédits en cause étaient restés inscrits au budget général, il eût fallu, du fait de leur poids relatif - 18,9 milliards d'euros, soit une progression de10 % - faire face à près de 0,4 % de progression du volume de la dépense publique.
Par ailleurs, la débudgétisation des crédits alloués à l'Agence pour le financement des infrastructures de transport, l'AFIT, à l'Agence nationale de la recherche, l'ANR et à l'Agence de l'innovation industrielle, l'AII, par prélèvement sur les ressources de privatisation, permet au Gouvernement, de manière optique, de ne pas avoir à constater une évolution significative du volume des dépenses publiques.
A cet égard, je voudrais dire que, face à une situation donnée, tout gouvernement peut faire le choix d'un supplément de dépense publique. L'option est parfaitement respectable et mieux vaut qu'elle soit assumée comme telle.
En outre, le recours massif aux dépenses fiscales vous dispense, messieurs les ministres, de faire apparaître de nouveaux crédits budgétaires. Ne perdons pas de vue, mes chers collègues, que de telles pratiques « plombent » les recettes des budgets à venir.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Au demeurant, la tendance ou, devrais-je dire, la dérive s'affiche avec une telle vigueur qu'elle s'approche de la sincérité. Mon propos est largement avivé par votre renoncement à débusquer toutes les « niches » fiscales, en contrepartie de votre projet de réforme du barème de l'impôt sur le revenu, grâce à l'institution d'un « bouclier fiscal ».
En particulier, mes chers collègues, la sanctuarisation de la défiscalisation des investissements « ultramarins » me pose un problème de conscience que je souhaiterais vous faire partager.
L'ingéniosité de certains montages, sans doute parfaitement légaux, ne parvient pas à se concilier avec l'idée que je me fais de l'équité fiscale. J'aurai l'occasion, si vous le désirez, de m'en expliquer lorsque les articles en cause viendront en discussion.
A mes yeux, il ne peut être admis d'instituer un « bouclier fiscal », tel que l'a conçu le Gouvernement, sans fixer un seuil pour les revenus les plus élevés, à savoir ceux qui, dans mon esprit, se situent au-delà des limites actuelles ouvrant droit à l'abattement de 20 %, appelé à disparaître, soit 120 000 euros. Je pense, en effet, que, à partir de ce niveau de revenu, nous pourrions maintenir un plafonnement rigoureux des réductions d'impôt du fait des « niches », quelles qu'elles soient.
Enfin, je me garderai de contester la prévision de croissance sur laquelle repose ce projet de budget. Croyez bien, monsieur de ministre de l'économie et des finances, que je forme des voeux pour que le taux effectif soit le plus élevé possible, même si, en matière de prévision de croissance, tout nous porte à l'humilité. Cela dit, vous êtes tout à fait dans votre rôle en faisant preuve d'optimisme, voire de volontarisme.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Tout cela pour dire que votre budget n'est pas insincère, puisque les sujets de reproches auxquels vous l'exposez ne sont en aucune façon dissimulés. (Murmures sur les travées du groupe CRC.)
Deuxième question : le projet de loi de finances pour 2006 est-il l'expression de la réforme de l'État ?
Oui, sans doute,...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Mais non, c'est le contraire !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. ...en ce que de louables efforts ont été déployés dans la plupart des administrations pour respecter les objectifs et les modalités de la LOLF.
Observons, toutefois, que l'engagement des ministères est contrasté. Ainsi, si certains méritent des compliments, d'autres ont fait preuve d'inertie. L'analyse des crédits par mission et par programme a, de ce point de vue, livré son lot d'informations utiles. Une floraison d'indicateurs fait vivre l'espérance d'une pratique nouvelle, privilégiant l'efficacité de la dépense publique.
Cela étant, trois ombres au tableau nous amènent à nuancer notre appréciation.
Il s'agit, tout d'abord, du quasi-remplacement des départs en retraite des fonctionnaires. Ce sont, en effet, neuf postes rendus vacants sur dix qui seront pourvus.
Certes, j'en conviens, en termes d'affichage immédiat, la politique volontariste n'est pas gratifiante dans ce domaine. En effet, de telles mesures, courageuses, lucides et déterminées ne produisent pas de résultats budgétaires significatifs avant plusieurs années, monsieur le ministre délégué au budget. Mais sommes-nous à ce point soumis à la tyrannie du court terme que nous soyons conduits à renoncer à ce qui est durable ?
Ma deuxième préoccupation a trait à la multiplication, au fil des semaines, d'annonces qui, toutes, impliquent de nouvelles dépenses publiques, alors même que, de toute part, il nous est signalé que les arriérés d'engagements antérieurs restent à financer.
Enfin, j'évoquerai une dernière ombre au tableau, à savoir que le système d'information comptable, budgétaire et financière de l'État est en attente de réforme. Autrement dit, il va falloir, avec tous les risques d'inévitable opacité, procéder à de multiples retraitements et ajustements afin de respecter, en apparence tout au moins, les prescriptions de la LOLF.
Notre vrai défi commun, à vous messieurs les ministres comme à nous, membres du Parlement, est de démontrer que la LOLF n'est pas une nouvelle couche de peinture superficielle destinée à faire croire que la réforme de l'État serait bien engagée.
Pour ma part, je reste confiant, d'abord, parce qu'il n'y a pas d'alternative et, surtout, parce que la multiplication des signes tangibles d'adhésion à la démarche constitue un bel encouragement. En d'autres termes, je dirai que le mouvement est lancé.
Troisième question : le projet de budget pour 2006 peut-il stimuler la croissance et résorber le chômage ?
Les articles de la première partie comportent peu de mesures susceptibles d'affecter la conjoncture économique. Tout a déjà été décidé dans des lois antérieures, ainsi que l'a fort justement rappelé notre rapporteur général lorsqu'il nous a suggéré de revoir notre méthode.
Les réformes fiscales de poids que vous nous proposez, messieurs les ministres, viendront en discussion dans les articles non rattachés de la seconde partie. Elles n'auront d'effets que sur le budget pour 2007 et au-delà ; de ce fait, elles suscitent un large débat où se mêlent inquiétudes et satisfactions.
La réforme du barème de l'impôt sur le revenu et l'institution d'un bouclier fiscal limitant à 60 % du revenu le montant global des prélèvements au titre des impôts locaux, de l'impôt sur le revenu et de l'impôt de solidarité sur la fortune, l'ISF, répond à une exigence de compétitivité fiscale du territoire français.
Pouvons-nous nous satisfaire plus longtemps de l'exil d'un nombre croissant de contribuables que les pays voisins de la France qualifient de « réfugiés fiscaux » ? Les délocalisations fiscales sont, certes, réelles, mais, si elles sont extrêmement préjudiciables, elles ne sont pas pour autant une fatalité. Le courage consiste à reconnaître qu'il est possible d'y porter remède, et c'est ce que fait le Gouvernement, puisque le dispositif proposé représente incontestablement un correcteur d'excès et une simplification.
Subsistent, toutefois, certaines scories non négligeables. Le Gouvernement, après avoir conçu, dans un premier élan tout à fait louable, de lutter fermement contre toutes les fameuses « niches », vient de mettre hors champ certaines d'entre elles à l'Assemblée nationale.
Qu'il me soit permis de m'étonner de ce renoncement qui, à mes yeux, offense l'équité. Je suis prêt à m'en expliquer et j'ose espérer que le Sénat y mettra bon ordre.
Hormis cette critique, la réforme est globalement bien orientée, pour motiver l'investissement productif, pour encourager le travail et pour rendre du tonus à notre économie. Notre barème, comparé aux barèmes en vigueur dans les autres pays de l'Union européenne, cessera de faire de la France une anomalie.
Mais il subsiste une réforme majeure, qui ne reçoit qu'une timide et bien incomplète réponse. À l'occasion du débat sur les prélèvements obligatoires, nous nous sommes efforcés de convaincre le Gouvernement que certaines contributions, assises sur le travail, détruisent l'emploi dans la sphère marchande. Dans une économie globalisée, il n'est plus possible de demander aux entreprises de financer la solidarité, notamment le système de santé et la politique familiale. Ces charges salariales constituent de véritables « droits de douane à l'envers », auxquels échappent tous ceux, de plus en plus nombreux, qui vont produire hors du territoire national.
Dès lors, demandons aux entreprises de s'occuper de la créativité, de l'innovation, de l'investissement productif, de la production de biens et de services, de la création d'emplois, mais cessons de les charger du financement de la solidarité, qui incombe à la nation, c'est-à-dire à l'ensemble des familles et des citoyens.
De là vient la proposition d'instituer un autre mode de financement de la santé et de la politique familiale. Si nous taxons la production, elle franchira nos frontières pour rester compétitive. Nous proposons, vous le savez bien, messieurs les ministres, d'assurer un financement de substitution par la « TVA sociale ». Or rien n'est prévu, dans ce budget, pour avancer dans cette voie, et pourtant le temps presse !
Monsieur le ministre délégué au budget, j'ai pris bonne note de votre engagement, de même, je pense, que de celui de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Vous me répondez que cette réforme est difficile. C'est vrai ! Néanmoins, est-ce que nous n'osons pas parce que c'est difficile ou est-ce c'est difficile parce que nous n'osons pas ?
Reconnaissons toutefois que la réforme de la taxe professionnelle que nous soumet le Gouvernement est de nature à satisfaire en partie l'une des attentes des entreprises. En revanche, ce dispositif suscite de réelles inquiétudes parmi les élus des collectivités territoriales.
Mme Hélène Luc. C'est le moins que l'on puisse dire !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Cette problématique illustre l'antagonisme croissant entre les entreprises, confrontées désormais à une concurrence internationale, et les collectivités, enracinées dans un territoire. Gageons que le début de réponse que le Gouvernement nous apporte n'épuisera pas ce sujet et que nous aurons l'occasion, avant longtemps, de revoir la copie.
Pour appréciable qu'elle soit, en effet, cette réforme ne suffira pas à inverser substantiellement la tendance. Je gage que, comme la plupart de nos réformes fiscales, caractérisées par une complexité excessive, celle-ci ouvrira de nouveaux et fructueux espaces aux adeptes de l'optimisation fiscale.
S'agissant de l'emploi, il n'est pas douteux que la loi de finances pour 2006 sortira du chômage nombre de personnes en difficulté. Mais ce sera grâce aux moyens qu'offre la dépense publique ! Cette situation est préférable, bien sûr, au non-emploi, mais cette réponse ne peut être que provisoire, et nous devrons bien vite en sortir, sauf à nous contredire.
Messieurs les ministres, votre budget est à l'image de notre société. Il reste nécessairement marqué par le poids du passé et révèle nos contradictions les plus criantes. S'il n'échappe pas à la critique, il ouvre néanmoins, grâce à la LOLF, quelques perspectives prometteuses pour réformer l'État. Il faudra du temps, et aussi une volonté sans faille, à l'abri de la frénésie d'affichage immédiat qui met à si rude épreuve la crédibilité des acteurs politiques que nous sommes.
Ce projet de budget n'est pas insincère, parce qu'il affiche clairement que la France ne vit pas en dessous de ses moyens. Convenons qu'il s'agit d'un budget de transition. Nous mesurons les limites de la démocratie d'opinion, dont les excès érodent gravement le crédit du mode de gouvernement et des responsables que nous sommes.
Monsieur le ministre de l'économie et des finances, n'attendons pas que les agences de notation suppléent notre indécision par des sanctions coûteuses, car nous aurions alors à supporter un accroissement substantiel de la charge de la dette publique !
Nous avons le devoir, mes chers collègues, de mettre à profit chacun des vingt jours de discussion qui s'offrent à nous pour améliorer le texte que nos collègues députés viennent de voter. Veillons, d'emblée, à faire bon usage de la LOLF. Je sais que chacun, ici, s'y est préparé, tout comme vous, messieurs les ministres, en particulier M. le ministre délégué au budget. Croyez bien que nous sommes prêts à partager tout le plaisir que vous donnera cette discussion.
Mes chers collègues, je forme des voeux pour que notre longue discussion soit riche et fructueuse. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures quinze.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à treize heures cinq, est reprise à quinze heures vingt.)
M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi de finances pour 2006.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe Union pour un mouvement populaire, 106 minutes ;
Groupe socialiste, 68 minutes ;
Groupe Union centriste-UDF, 26 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 20 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 15 minutes ;
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe, 10 minutes.
Mes chers collègues, je vous rappelle que, en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes. J'invite chacun à respecter cette recommandation ! Quoi qu'il en soit, je serai vigilant sur ce point !
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Jean-Jacques Jégou.
M. Jean-Jacques Jégou. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au risque de paraître redondant par rapport à ce qui a été très bien dit ce matin, je tiens tout d'abord à me réjouir de la discussion, aujourd'hui, de la première loi de finances « lolfienne ». Nous attendons en effet beaucoup de cette nouvelle nomenclature budgétaire, notamment en termes de transparence et d'outil de contrôle d'une dépense qui sera peut-être, enfin, au service de l'efficacité.
Alors que je suis dans cet état d'esprit, monsieur le ministre, et que j'interviens au nom de mon groupe, à la suite du vote des députés UDF, je ne voudrais pas que vous ne vous posiez qu'une seule question, à savoir si nous sommes, oui ou non, toujours dans la majorité.
Ce serait faire peu de cas de l'implication des parlementaires UDF dans l'examen du projet de loi de finances pour 2006 et du débat de fond qu'ils ont souhaité lancer face à la situation catastrophique des finances publiques de la France et du peu d'espoir d'amélioration pour 2006.
En effet, mes chers collègues, la situation financière de notre pays est grave. Je ne citerai que quelques chiffres pour prendre la mesure de ce naufrage financier : une dette de l'État qui continue à se creuser, pour atteindre 1 162 milliards d'euros, soit 66 % de la richesse nationale ; un déficit des finances publiques s'élevant à 46,8 milliards d'euros ; des prélèvements obligatoires qui ne cessent de progresser et qui représentent aujourd'hui 44 % du PIB ; une croissance des dépenses de l'État toujours supérieure à celle de la progression de la richesse nationale.
Ces indicateurs clés du projet de loi de finances pour 2006 me conduisent à nouveau à m'interroger sur le désormais triste privilège des parlementaires français de voter, année après année, des budgets déficitaires, qu'il s'agisse de celui de l'État ou de celui de la sécurité sociale, et d'être mis en demeure de reporter systématiquement les défauts de gestion sur les générations futures.
J'entrerai maintenant dans le vif du sujet. Le projet de loi de finances pour 2006 me paraît souffrir de deux défauts majeurs : il ne propose pas de vision politique à long terme et il est inefficace d'un point de vue économique.
Le manque d'ambition politique de ce texte se traduit par une présentation fallacieuse, qui vise à minimiser la croissance des dépenses et à surestimer les recettes.
Le déficit structurel est ainsi réduit de façon artificielle. M. le rapporteur général l'a dénoncé dans son rapport, la baisse du déficit structurel, qui permettrait d'anticiper à long terme la diminution de la dette publique, n'est qu'« un phénomène optique, résultant de l'élasticité prévisionnelle des recettes des administrations publiques au PIB particulièrement élevée en 2006 ». Après correction, la réduction du déficit structurel serait non pas de 0,5 point de PIB, comme vous l'annoncez, monsieur le ministre, mais de 0,1 point seulement, ce qui ne témoigne guère d'un volontarisme percutant, s'agissant de votre politique budgétaire, à moins que ce ne soit la marque d'un oubli intentionnel des règles de base d'une bonne gestion.
C'est ainsi que certains de vos allégements fiscaux ne seront pas financés par des diminutions de dépenses. Leur coût est de 4 milliards d'euros cette année, alors que les prévisions de recettes sont très optimistes et que le niveau de la dépense publique est très soutenu. Ce montant atteindra 6,5 milliards d'euros en 2007, alors que la baisse des impôts n'est pas gagée. On peut donc déjà apprécier de quelles marges de manoeuvre vous disposerez lors de l'élaboration du projet de loi de finances pour 2007 !
Les objectifs de dépenses ne sont donc pas du tout contraignants. Le Gouvernement se contente de nouveau de stabiliser les dépenses en volume alors que les parlementaires réclament chaque année un effort supplémentaire afin qu'elles soient également stabilisées en valeur.
Le projet de suppression de 5 700 emplois dans la fonction publique est ridicule lorsqu'on sait que 65 000 fonctionnaires, sur un total de 2,3 millions de personnes - excusez du peu ! -, partent chaque année à la retraite !
Mme Hélène Luc. Eh oui !
M. Jean-Jacques Jégou. Cela nous promet un débat intéressant, au cours de la discussion thématique que nous allons entreprendre.
Qui plus est, l'objectif « zéro volume » n'est atteint que par une présentation en trompe-l'oeil, laquelle vise à dissimuler une croissance des dépenses de plus de 4 %. Les transferts d'allégements de charges sociales vers les organismes de sécurité sociale ou les prélèvements sur recettes - appellation pudique de ce qui constitue, en fait, des dépenses - au profit du budget européen ou des collectivités locales en sont, parmi bien d'autres, des exemples.
Enfin, monsieur le ministre, si la situation n'était pas aussi dramatique, on pourrait sourire, s'agissant du FFIPSA, le fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles, de la « danse du ventre » du Gouvernement, qui s'acharne à le financer sur ses marges de manoeuvre. Or nous savons très bien que ces dernières n'existent plus, même après l'examen du projet de loi de finances par l'Assemblée nationale, puisque le déficit a été augmenté.
En ce qui concerne les recettes, les prévisions sont bien optimistes, même si un redressement de la croissance semble se profiler, ce dont nous sommes heureux sur toutes les travées, quelles que soient nos convictions. Je ne souhaite pas polémiquer sur les hypothèses de croissance que vous avez retenues, monsieur le ministre. Chacun espère que le taux de 2,25 % sera atteint, et si possible dépassé. Mais sachant combien les recettes sont élastiques à ce niveau de croissance, permettez-moi d'émettre tout de même quelques doutes sur un optimisme qui ne règle rien et qui, au contraire, fragilise la loi de finances.
Quand je parle de surestimation des recettes, voire d'insincérité, je pense aussi aux recettes non fiscales, qui sont d'autant plus dangereuses pour l'équilibre du budget qu'elles sont par définition non récurrentes ! C'est là l'expression d'un État qui est aux abois et se trouve réduit aux expédients. Il est à la fois dépensier avant d'être gestionnaire, prédateur avant d'être actionnaire et peu fiable avec ses principaux partenaires économiques.
Le budget n'est bouclé que par des hold-up successifs : augmentation des prélèvements sur les dividendes versés par les entreprises publiques - EDF, Banque de France, France Télécom -, prélèvement sur les fonds d'épargne versés par la Caisse des dépôts et consignations et véritable casse opéré sur le Fonds de garantie de l'accession sociale, le FGAS, et les sociétés autoroutières. Vous tirez même sur les ambulances en exigeant le reversement de plus-values de cession d'actifs de Réseau Ferré de France, RFF, société de « défaisance » de la SNCF déjà noyée sous sa propre dette !
Dans ces conditions, monsieur le ministre, comment interpréter la leçon de bonne gestion que vous entendez infliger aux collectivités locales par une réforme fiscale contestable, pour le moins inattendue, voire paradoxale ? On demande aux collectivités locales de gérer et de financer de plus en plus de politiques à la place de l'État et, dans le même temps, on essaie de récupérer de l'argent sur leur dos par tous les moyens.
Qui plus est, le Président de la République se paie une promesse personnelle que l'État n'a pas aujourd'hui les moyens de financer.
M. Josselin de Rohan. Quelle promesse ?
M. Jean-Jacques Jégou. Il s'agit du foncier non bâti, mon cher collègue !
Le plafonnement à 3,5 % de la taxe professionnelle est un bon principe en soi. Responsabilisant pour les collectivités locales, il est aussi un signe en faveur des entreprises. Tout cela est clair. Seulement, force est de constater qu'il prive les collectivités locales, à l'aveugle, de ressources importantes, qu'il diminue le peu d'autonomie qui leur restait et qu'il récompense les collectivités qui ont été les moins vertueuses depuis quelques années !
Je n'ai pas le temps d'aborder en cet instant la réforme de la dotation globale d'équipement, la DGE, à laquelle l'UDF s'oppose vivement.
Autant dire que les débats sur ces questions seront vifs et que nous attendons, monsieur le ministre, de vraies réponses à ces sujets.
Mme Nicole Bricq. Vous ne les aurez pas !
M. Jean-Jacques Jégou. Concernant l'autre volet de la réforme fiscale, la réforme de l'impôt sur le revenu me paraît injuste socialement, à moins que nous n'ayons une conception différente, monsieur le ministre, de la définition des classes moyennes. Par certains côtés, cette réforme est aussi inefficace économiquement. Et déjà, elle est payée à crédit.
L'intégration de l'abattement de 20 % dans l'assiette conduit à faire un cadeau à ceux qui n'en bénéficiaient pas auparavant, à savoir les contribuables les plus aisés.
Le bouclier fiscal esquive le débat que nous attendions tant sur l'impôt de solidarité sur la fortune, l'ISF, cet impôt anti-économique. Surtout, il ne résout en rien les injustices liées à la hausse des prix de l'immobilier. De plus, pour un coût total estimé à 400 millions d'euros, il ne touchera que 93 000 contribuables, dont 14 000 assujettis à l'ISF qui bénéficieront à eux seuls des deux tiers de cette somme.
Enfin, le plafonnement des niches fiscales est extrêmement discutable, non pas sur le fond, mais sur la forme. En effet, la plupart des niches échapperont à ce plafonnement qui ne devrait concerner que 10 000 contribuables.
À propos de plafonnement, pourquoi ne pas avoir mené une réflexion impôt par impôt et niche par niche ? En effet, à quoi sert finalement une niche fiscale ? Ce n'est rien d'autre qu'un dispositif dérogatoire incitatif, l'outil d'une politique particulière, dans un contexte particulier, à un moment particulier !
M. le président. Je vous demande de conclure, mon cher collègue !
M. Jean-Jacques Jégou. Toute la contradiction est là ! Aujourd'hui, la règle est non plus le dispositif législatif, mais son système dérogatoire.
Nul gain, donc, en termes d'efficacité ! S'il y a aujourd'hui un consensus sur le fait que la priorité des priorités est l'emploi, je regrette que le présent projet de loi de finances ne s'attaque pas au coût du travail.
M. le président. Concluez, mon cher collègue !
M. Jean-Jacques Jégou. Je termine, monsieur le président.
Enfin, je veux vous dire, monsieur le ministre, dans la plus grande sérénité, que ce qui nous éloigne, nous, membres du groupe UC-UDF du Gouvernement, c'est le choix qu'a fait ce dernier, depuis juin 2002, de ne pas considérer les Français comme des citoyens responsables. Ne pas exprimer la réalité des problèmes est un mauvais choix.
Pour l'UDF, c'est non seulement mentir à nos compatriotes, mais de surcroît accepter de plonger la France dans l'immobilisme en n'impulsant pas les réformes nécessaires, qui ont pourtant déjà été réalisées par la plupart de nos partenaires européens.
Cet attentisme hypothèque l'avenir de nos enfants, qui ne tarderont pas à reprocher à notre génération le poids de ses errements en matière budgétaire, en ce qui concerne tant le budget de l'Etat que celui de la sécurité sociale. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF.)
M. le président. La parole est à M. Marc Massion.
M. Marc Massion. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd'hui pratiquement le même projet de budget que celui qui a été présenté à nos collègues députés voilà un mois. Comme si, en un mois, il ne s'était rien passé...
Et pourtant, les plus hautes autorités de l'Etat ont parlé de « crise grave » dans notre pays, d'« événements révélateurs d'un malaise profond » et ont souligné l'urgence de la situation.
On pouvait donc s'attendre à ce que le projet de budget pour 2006 tire les premières conséquences de ce malaise profond. Or, aucune mesure n'apporte une amorce de réponse, sinon quelques redéploiements de crédits, ici ou là, au sein d'une mission...
Ainsi, pour l'éducation nationale, 40 millions d'euros seulement sont redéployés, alors que l'éducation et la formation figurent, par définition, parmi les éléments les plus forts de l'égalité des chances dans notre pays !
Donc, de par votre volonté, on fait comme si rien ne s'était passé, et nous débattons par conséquent du même projet de loi de finances pour 2006....
Dans quelle situation nous trouvons-nous ?
La croissance, qui n'a jamais retrouvé les niveaux atteints sous le dernier gouvernement de la gauche, stagne dans un environnement international pourtant favorable. Il paraît loin le temps où notre pays se situait à cet égard au-dessus de la moyenne des pays européens !
L'investissement des entreprises n'augmente pas.
L'inflation présente un risque évident de redémarrage, notamment à cause de la hausse du prix du pétrole ; mais le Gouvernement continue de refuser le rétablissement de la TIPP flottante, qui avait pourtant des vertus reconnues au regard tant des prix que de la consommation.
L'emploi salarié stagne également ; malgré les fanfaronnades, aucun emploi n'est créé dans le secteur privé.
Le pouvoir d'achat recule pour beaucoup de nos compatriotes. La consommation des ménages baisse - l'indice d'octobre affichait moins 0,7 % -, hors périodes de solde.
Le taux de chômage ne diminue pas, sauf de façon optique, avec l'évolution démographique, les radiations effectuées « à la hussarde » sur les listes de l'Agence nationale pour l'emploi et la résurgence discrète des emplois aidés, que vous aviez d'ailleurs tant critiqués !
La France a renoué avec le déficit des transactions courantes en 2004, pour la première fois depuis 1991, et la tendance perdure.
En 2006, alors que la prévision de croissance est plus forte que celle de 2005 - tout en restant inférieure à la moyenne mondiale -, le déficit budgétaire devrait se creuser de plusieurs milliards d'euros et les prélèvements obligatoires devraient augmenter de près de 30 milliards d'euros, pour représenter plus de 44 % du PIB, et tout cela malgré de substantielles réductions d'impôts.
Le poids de la dette s'est fortement accru depuis 2002, pour atteindre 66 % du PIB, en dépit des taux d'intérêt très bas.
Enfin, n'étant pas maîtrisée, la dépense publique a augmenté par rapport au PIB, alors même que les besoins publics sont de moins en moins couverts et que les politiques publiques sont de plus en plus remises en cause. Quelle contradiction !
La triste réalité, c'est que ce budget est insincère (M. le ministre délégué rit) - et je confirme ainsi, monsieur le ministre, le propos que vous nous avez prêté dès ce matin -,...
M. Marc Massion. ... injuste et inefficace.
Il est insincère, car il est construit sur des hypothèses économiques irréalistes et sur une norme de progression de la dépense artificiellement respectée.
Selon le Gouvernement, en 2006, la croissance devrait s'établir à 2,25 % et le déficit public à 2,9 % du PIB. Mais l'ensemble des économistes tablent sur une croissance de 1,8 % seulement et sur un déficit public s'élevant à 3,5 % du PIB. Cette appréciation est d'ailleurs partagée au sein même de votre majorité.
Je sais bien, monsieur le ministre, que les chiffres du troisième trimestre sont là, mais un trimestre ne fait pas le printemps !
Mme Nicole Bricq. Surtout en hiver !
M. Marc Massion. Ce projet de loi de finances est peu conforme aux principes de vérité et de sincérité.
Il prévoit une débudgétisation massive de dépenses - cela a été rappelé, ce matin, par M. le président de la commission des finances et par M. le rapporteur général -, dont 19 milliards d'euros de dépenses liées à la compensation des allégements de cotisations sociales, pour faire croire au respect de la norme de progression de la dépense. Cette norme, dite « zéro volume », est en réalité un attrape-nigaud ! Sans les nombreuses mesures de débudgétisations contenues dans ce projet de loi de finances, la progression de la dépense serait très supérieure !
Je pense également à la transformation de dépenses budgétaires en dépenses fiscales. Les transformations de l'an dernier produisent leur effet budgétaire cette année, privant l'État de recettes fiscales et minorant d'autant les dépenses. La seule transformation du prêt à taux zéro en crédit d'impôt représente 500 millions d'euros !
Par ailleurs, la privatisation des autoroutes, refusée l'an dernier par l'Assemblée nationale, permet d'améliorer la présentation du budget cette année.
Les finances locales sont devenues des variables d'ajustement des finances de l'État ! Ce dernier ne respecte pas ses engagements à l'euro près à l'égard des départements. Les régions, elles, souffrent d'avoir « mal » voté en 2004 ! Et le bouclier fiscal aggravera cette dérive, notamment pour les communes.
M. Jean-Pierre Fourcade. Çà, c'est vrai !
M. Marc Massion. Merci, monsieur Fourcade, d'approuver mon propos !
Les recettes exceptionnelles, dites recettes de poche, ont été multipliées dans ce budget. Les entreprises publiques ou celles dans lesquelles l'État détient une participation ont engendré un résultat net de 7,6 milliards d'euros : le Gouvernement se sert dans la caisse, puisque les recettes liées aux participations de l'État augmentent de 1,8 milliard d'euros, dont un prélèvement exceptionnel sur EDF de 688 millions d'euros !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il se sert de son argent, c'est normal !
M. Marc Massion. D'autres prélèvements exceptionnels sont prévus, tels que, par exemple, ceux qui sont opérés sur le fonds de garantie à l'accession sociale, le FGAS, Réseau ferré de France et également, à hauteur de presque 1 milliard d'euros, sur les sociétés autoroutières. Ils totalisent près de 3,35 milliards d'euros, c'est-à-dire près de la moitié du résultat total des entreprises publiques.
Lorsqu'ils touchent le FGAS, ces prélèvements menacent le financement du logement social et augurent de l'absence des moyens budgétaires que le Gouvernement prétend mettre en oeuvre pour mener sa politique du logement.
Lorsqu'ils concernent EDF ou les sociétés autoroutières, ces prélèvements témoignent de l'irresponsabilité de ce même gouvernement, qui s'apprête à privatiser - donc à démanteler - deux piliers du développement économique français fondés, l'un, sur une énergie indépendante, peu coûteuse et moins polluante, l'autre, sur des infrastructures routières de qualité, élément incontestable de l'attractivité de notre territoire. En privatisant à bas prix les autoroutes, le Gouvernement privera durablement l'État de recettes importantes, à seule fin d'améliorer la présentation du présent projet de loi de finances !
Par ailleurs, ce budget est injuste : les mesures fiscales prévues pour 2006 et, plus encore, pour 2007, dans le cadre de votre fameuse « réforme fiscale », sont particulièrement contraires à la justice.
La progressivité de l'impôt, emblème du pacte républicain, recule et, partant, contredit toute ambition de redistribution. Ce recul indique que le Gouvernement et sa majorité sont désormais ouvertement opposés à ce que l'on appelait encore, il n'y a pas si longtemps, le « partage des fruits de la croissance », qui faisait référence à une certaine notion d'équité !
Aujourd'hui, les plus favorisés se protègent des rigueurs du fisc par un bouclier fiscal, au bénéfice des fortunes les plus taxées au titre de l'ISF. Or, un bouclier fiscal digne de ce nom devrait avoir pour objet de défendre la cohésion de notre nation, menacée par les égoïsmes, la pauvreté et la misère qui délitent lentement, mais sûrement, le corps social de notre pays.
Pourtant, en ces temps de « vaches maigres », le flot des cadeaux aux plus aisés ne s'arrête pas : accélération du rythme des donations en franchise de droits, abaissement de l'âge du donateur pour le bénéfice de réductions de droits, instauration d'un abattement sur les donations au sein d'une fratrie - et maintenant au profit des neveux ou nièces -, création d'un allégement de taxe sur le foncier bâti, à la suite d'une mobilité professionnelle, allégement du foncier non bâti pour les exploitants agricoles, faux plafonnement des niches consistant en réalité à en sanctuariser certaines, prorogation des niches fiscales ciblées, crédit d'impôt pour l'acquisition d'un véhicule propre, majoration du crédit d'impôt pour les dépenses d'équipement.
Alors que, pour 90 % des foyers, la charge des prélèvements sociaux est supérieure à celle de l'impôt sur le revenu, le Gouvernement a décidé de baisser l'impôt sur le revenu et l'impôt de solidarité sur la fortune, et d'augmenter les prélèvements sociaux !
Les plus hauts revenus sont en réalité les gagnants de la réforme projetée. Et les réductions de quelques euros qui pourront concerner certains ménages modestes sont peu de chose par rapport aux milliers, voire aux dizaines de milliers d'euros que pourront percevoir en plus les contribuables qui relèvent des tranches supérieures de l'impôt sur le revenu et de l'impôt de solidarité sur la fortune !
Dans le même esprit, le Gouvernement tend à faire croire aux Français qu'ils seront nombreux à profiter du plafonnement appelé « bouclier fiscal » alors qu'en réalité, en dehors de cas exceptionnels, seuls quelques milliers de contribuables fortunés assujettis à l'ISF sont concernés, en fait les propriétaires d'une fortune supérieure à 5 millions d'euros ! Ce « bouclier fiscal » n'est en fait qu'un moyen détourné de toucher à l'ISF !
Le plafonnement de l'impôt à 60 % des revenus ne devrait profiter, semble-t-il, qu'à 93 000 contribuables. Et comment s'articuleront entre elles les mesures de plafonnement des niches fiscales et celles de plafonnement de l'impôt à 60 % ? Plafonnera-t-on d'abord les niches et ensuite l'impôt ? Ou le contraire ?
Dans le même temps, alors que le montant minimal de la prime pour l'emploi est de 25 euros, le Gouvernement propose de ne pas la verser à ses bénéficiaires si son montant est inférieur à 30 euros. Combien de personnes risquent de perdre cette aide bien modeste ?
Enfin, ce budget est inefficace.
En effet, avec ce projet de loi de finances, le Gouvernement prive le budget de l'État de recettes fiscales nécessaires au financement des politiques publiques. Ainsi, outre la diminution de l'impôt sur le revenu et de l'ISF, le Gouvernement va priver cette année l'État de plus de 20 milliards d'euros de recettes fiscales en les transférant à d'autres opérateurs tels que la sécurité sociale, l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, l'ADEME, le Conservatoire du littoral, les collectivités locales, etc. C'est à un véritable démantèlement de l'État que l'on assiste !
Par ailleurs, en ne cessant de procéder à des régulations budgétaires massives, qui portent sur les dépenses d'investissement, les derniers gouvernements, sous la présidence de Jacques Chirac, ont contribué à affaiblir la France. Doit-on dès lors s'étonner de la perte de compétitivité de notre économie ?
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue !
M. Marc Massion. Enfin, alors que la consommation est le meilleur moteur de la croissance, peut-on croire qu'elle puisse être stimulée par les cadeaux fiscaux offerts aux plus aisés, dont la consommation, elle, n'a pas besoin d'être stimulée ; les cadeaux fiscaux ont plutôt tendance à favoriser l'épargne de ces personnes ! Doit-on s'étonner de notre perte d'attractivité ?
J'en viens à ma conclusion sans pouvoir parler de l'Europe, puisque mon temps de parole est épuisé : monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre jugement sur ce budget est tellement négatif que, sans prendre de risque, je pense pouvoir annoncer dès maintenant que nous ne le voterons pas ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC. - Rires sur les travées de l'UMP.)
M. Philippe Marini, rapporteur général. Quel scoop !
M. le président. La parole est à M. Henri de Raincourt.
M. Henri de Raincourt. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.) Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce matin, M. Thierry Breton en nous présentant son budget l'a qualifié de responsable, sincère et transparent.
À sa suite, le rapporteur général, Philippe Marini, a parlé de modestie, d'ambition et de courage.
Pour ce qui me concerne, et dans la même veine, je dirai que ce projet de budget pour 2006 est volontariste, cohérent et responsable. (Murmures sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Nicole Bricq. Responsable, sûrement pas !
M. Henri de Raincourt. Il est volontariste par ses prévisions de croissance qui sont, il est vrai, supérieures au consensus des conjoncturistes.
Je voudrais, à cet égard, faire deux remarques.
Tout d'abord, les experts n'ont pas toujours raison, sinon ils ne seraient probablement pas experts. (Sourires.) Les dernières statistiques sur la croissance au troisième trimestre, publiées par l'INSEE, montrent qu'ils n'avaient effectivement pas prévu qu'elle serait de 0,7 %.
Ensuite, j'aimerais qu'on me cite un gouvernement qui, présentant un budget, n'a pas cherché à lui donner une ambition en lui fixant une prévision de croissance la plus volontariste possible. Je me souviens en particulier des prévisions de croissance pour le budget de 1993, seule année où la croissance a été négative, et pour celui de 2002.
Le projet de loi de finances pour 2006 est responsable, car il stabilise les dépenses de l'État en volume - cela a été dit ce matin - et il vise à faire repasser le déficit public sous la barre des 3 % du PIB.
J'ai bien entendu M. le ministre de l'économie et des finances ce matin : à propos du rappel effectué par la Commission européenne, il nous a confirmé la détermination du Gouvernement à tenir sur ce point ses engagements nationaux.
Ce budget poursuit également l'effort entamé depuis 2002 pour restaurer l'État régalien.
Il traduit aussi les efforts annoncés en faveur de la recherche, de l'innovation et des infrastructures.
Les collectivités locales bénéficieront pour leur part de la reconduction du contrat de croissance et de solidarité. Nous aurons d'ailleurs, le 29 novembre prochain, dans cet hémicycle, un débat certainement très intéressant sur les recettes des collectivités locales.
Enfin et surtout, ce budget est cohérent parce qu'il confirme la priorité donnée à l'emploi, parce qu'il constitue une nouvelle étape dans la revalorisation du travail et parce qu'il prétend renforcer la compétitivité de nos entreprises.
En matière fiscale et budgétaire, nous devons, mes chers collègues, avoir le courage de regarder la réalité en face et de mener une politique adaptée. Nous ne devons pas avoir peur d'afficher clairement les priorités qui sont les nôtres. Nous ne devons pas nous laisser intoxiquer par les obsédés de la dépense publique qui ronge notre pays et les admirateurs de la pression fiscale, qui fait fuir à l'étranger nombre de nos compatriotes. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Josselin de Rohan. Voilà !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, et M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !
M. Henri de Raincourt. Ils voudraient nous faire croire que la réforme fiscale privilégie les riches alors qu'elle est centrée en priorité sur les salariés des classes moyennes, ceux qui gagnent entre 1 000 euros et 3 500 euros par mois, ceux qui donnent beaucoup mais reçoivent peu, ceux que l'on a trop longtemps oubliés.
Mme Marie-France Beaufils. Ceux qui sont endettés ?
M. Henri de Raincourt. C'est en ce sens que la réforme fiscale proposée est une réforme juste, puisque aucun salarié aux revenus modestes ne sera perdant grâce à l'effet combiné de la baisse de l'impôt sur le revenu et de la hausse de la prime pour l'emploi
Ceux qui ont des rémunérations proches du SMIC bénéficieront à plein de l'augmentation massive de la prime pour l'emploi, qui atteindra 1 milliard d'euros en deux ans.
Plus de 70 % des 3,5 milliards d'euros de baisse d'impôt sur le revenu iront aux foyers dont le revenu est compris entre 10 000 et 40 000 euros par an.
Au total, près de 80 % de l'effort global de baisse des impôts, prime pour l'emploi comprise, bénéficiera directement aux ménages modestes et aux revenus moyens.
De même, contrairement à ce que certains affirment, le plafonnement des impôts locaux et nationaux à 60 % du revenu n'est pas réservé aux contribuables les plus aisés.
Sur les 93 000 personnes qui bénéficieront de ce dispositif, 81 000, soit près de 90 %, sont dans le premier décile du revenu. Il s'agit de Français aux revenus modestes qui doivent acquitter les impôts locaux, mais aussi d'artisans, d'agriculteurs, de créateurs d'entreprise, d'un certain nombre de personnes ayant connu une année difficile, également de demandeurs d'emploi.
Sur ces 93 000 personnes, moins de 6 000 se trouvent parmi les 10 % de ménages aisés.
Sur les 330 000 personnes assujetties à l'ISF, seuls 16 800 contribuables bénéficieront du plafonnement. Environ un tiers d'entre eux se situe dans la plus basse tranche d'imposition.
M. François Marc. Ah bon ?
M. Henri de Raincourt. Nous sommes donc bien loin de ce qu'on entend et de ce qu'on lit, bien loin des nantis que les nostalgiques de la lutte des classes continuent à montrer du doigt avec mépris !
M. Marc Massion. C'est vous qui la faites, la lutte des classes !
M. Henri de Raincourt. Ce n'est pas tout à fait nous qui la faisons, et je vous invite à regarder qui cela concerne ! Voilà quelques jours, dans un quotidien national qui rencontre d'ailleurs quelques difficultés financières, ...
M. Henri de Raincourt. ... on montrait la photo de dix personnes qui seraient théoriquement concernées par les largesses du Gouvernement. Or, en regardant de plus près les choses, ces gens-là ne le sont pas, car ils ont quitté la France depuis longtemps ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.) Il faudrait donc là aussi regarder la réalité en face !
La réforme fiscale est juste parce qu'elle récompense les efforts que fournissent nos compatriotes. Avec cette réforme, nous faisons un vrai choix de société...
Mme Hélène Luc. C'est vrai, mais quelle société !
M. Henri de Raincourt. Le choix d'une société qui privilégie le travail par rapport à l'assistance, madame Luc !
L'augmentation massive de la prime pour l'emploi donnera aux Français une vraie raison de choisir le travail. Là est la véritable rupture, là est le véritable clivage.
Quand certains veulent diviser le travail, nous préférons le valoriser plutôt que de dépenser des milliards d'euros pour payer des gens à ne pas travailler. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme Hélène Luc. Évoquez aussi les chômeurs et les stagiaires qui travaillent pour rien !
M. Henri de Raincourt. C'est un choix politique, un choix de société, que nous assumons et que nous revendiquons avec fierté.
L'autre choix que nous assumons et revendiquons est celui de la responsabilité budgétaire face aux enjeux auxquels est confronté notre pays.
Nous vivons dans le monde réel, dans une économie ouverte, à l'heure de la mondialisation, même si nous avons pu croire, lors des dernières Vingt-quatre heures du Mans (Murmures sur les travées du groupe socialiste. - Sourires sur les travées de l'UMP), que nous étions revenus des décennies en arrière.
L'économie française doit faire face à une compétition mondiale féroce, et sa croissance est soumise à bien des aléas internationaux, comme l'a très bien souligné le rapporteur général, Philippe Marini.
Mme Nicole Bricq. Vous êtes très polémique !
M. Henri de Raincourt. Alors, nous soutenons la réforme de la fiscalité des personnes non seulement parce qu'elle est juste, mais aussi parce qu'elle renforce l'attractivité de notre pays, et la réforme de la taxe professionnelle participe de la même logique.
M. Christian Cambon. Bien sûr !
M. Henri de Raincourt. On ne peut à la fois déplorer les délocalisations et proposer des mesures qui les accélèrent comme, par exemple, la renaissance de la funeste loi improprement appelée « de modernisation sociale »,...
M. Josselin de Rohan. Très bien !
M. Henri de Raincourt. ...qui, en réalité, est une vraie loi de régression sociale. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Philippe Marini, rapporteur général. Tout à fait !
M. Henri de Raincourt. Si nous n'agissons pas, d'autres pays le font. La concurrence fiscale existe, qu'on le veuille ou non.
Nous avons besoin d'une économie compétitive, qui redonne aux particuliers et aux entreprises le goût du risque, l'envie d'investir, de créer des emplois et de l'activité dans notre pays.
Nous soutenons la politique du Gouvernement, nous soutenons sa volonté - nous voulons même aller plus loin - de réduire les déficits publics et la dette, mais aussi de réformer l'État, et ce sera l'un des mérites de la LOLF.
M. Henri de Raincourt. Je veux, à cette occasion, saluer l'engagement du président de la commission des finances et du rapporteur général à faire de la LOLF un outil performant au service de la gestion de l'État.
Cependant, si la LOLF peut constituer le levier de la réforme de l'État en plaçant la gestion publique dans une logique de performance, elle ne saurait remplacer la volonté politique.
C'est avec cette volonté que le groupe de l'UMP soutiendra ce budget qui nous apparaît, à bien des égards, comme un budget réaliste pour un pays réel, dans un monde réel, au service de la croissance et de l'emploi. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, voilà une semaine, la Commission européenne adressait un nouvel avertissement à notre gouvernement en matière de déficit public ; le risque de réactivation de la procédure pour déficit excessif est donc réel. Ce coup de semonce n'est pas une atteinte à notre orgueil national : il est un puissant rappel à la rigueur budgétaire, gage de notre crédibilité.
Cet avis extérieur confirme l'interrogation de deux Français sur trois : l'État gère-t-il son budget de façon responsable ? En 2005, il vivra à crédit du 28 octobre au 31 décembre. Cette présentation est frappante ! Notre pays a accumulé depuis vingt-cinq ans des déficits qui sont devenus structurels. Ayons présent à l'esprit que l'écart réel entre les recettes et les dépenses de l'État est de 22 %, plutôt que de mesurer le déficit à l'aune du PIB de la France par un pourcentage virtuel qui occulte l'inconfortable réalité et endort notre vigilance.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Bien sûr !
M. Aymeri de Montesquiou. Martelons ce chiffre de 22 % : quel ménage pourrait se permettre un tel « trou » dans son budget sans mettre en danger ses biens propres et envisager des décisions drastiques ? Le déficit prévu dans le projet de budget pour 2006 est un abîme de 46,8 milliards d'euros, soit plus de 300 milliards de francs. Nous ne pouvons qu'être effarés !
Peut-on commencer cette discussion budgétaire en étant résignés ? L'habitude du déficit nous conduit à la désinvolture et, comme l'a souligné Philippe Marini, nous sommes en état d'accoutumance.
Une prise de conscience et une réaction sont indispensables quand le déficit vient encore accroître une dette qui augmente de 100 000 euros par heure et que le niveau des taux d'intérêt, en passe d'augmenter de 0,25 %, est peut-être sur le point d'en alourdir davantage encore la charge !
Mes chers collègues, je rappelle l'objectif ambitieux de retour à l'équilibre budgétaire qu'avait formulé le 6 mars 2003, en réponse à une question d'actualité au Gouvernement, notre collègue Alain Lambert, alors ministre délégué au budget : il estimait que, avec une croissance moyenne de 2,5 %, cet équilibre serait atteint à la fin de la législature. Deux ans et demi plus tard, cet objectif n'est-il pas devenu totalement irréaliste ? Qu'avons-nous fait, ou plutôt qu'avons-nous omis de faire pour qu'il en soit ainsi ? Nous sommes collectivement responsables de cette situation : ceux qui n'ont pas pris les mesures difficiles, indispensables, pour ne pas dire vitales, comme ceux qui veulent que l'État dépense toujours plus.
Interrogeons-nous : le projet de loi de finances pour 2006 va-t-il convaincre les Français que l'État est mieux géré ? Présente-t-il les signes d'une amélioration crédible ?
Cette année doit apporter une réponse nouvelle puisque, forts d'une décision transpartisane, nous disposons avec la LOLF d'un outil révolutionnaire. Montrons aux Français que notre nouvelle constitution financière n'est pas seulement une incontestable réussite technique appréciée des seuls technocrates ; démontrons-leur son efficacité et reprécisons sa finalité.
Je citerai un exemple : techniquement, permettre la fongibilité asymétrique des crédits, c'est adapter au plus près les dépenses aux besoins réels, c'est responsabiliser ceux qui gèrent et leur marquer ainsi notre considération. Rationaliser au mieux les dépenses et redonner sa place au bon sens en refusant des situations figées constitue un vrai progrès.
Le vote du budget, nous le savons, est avant tout un acte politique majeur, porteur d'un choix de société. Que nous apprend l'examen de ce projet de budget ?
Pour ce qui est des recettes, nous savons qu'elles dépendent fortement de la croissance et que les taux très élevés de prélèvements obligatoires n'autorisent plus à envisager leur augmentation sous peine de délocalisation d'entreprises ou de personnes physiques. Aussi, réduire notre déficit signifie réduire les dépenses.
La charge de la dette et les dépenses de personnels ont un effet d'éviction massif, car elles compriment de plus en plus les autres postes de dépenses. Le paiement des seuls intérêts de la dette représente, avec près de 40 milliards d'euros, le deuxième poste budgétaire : si cet argent était disponible pour l'investissement, que d'emplois seraient créés ! Nous en sommes arrivés là par un cumul de petites lâchetés successives.
Ce projet de loi de finances a peut-être un double mérite. Techniquement, il intègre toutes les mesures fiscales prises dans l'année. Sur le fond, il fixe des principes, en particulier la priorité à l'emploi, et poursuit la réalisation des lois d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure et pour la justice.
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a déclaré en juin que la France vivait au-dessus de ses moyens. S'il a réussi à provoquer une prise de conscience, les décisions indispensables ont-elles été prises ?
Il a affirmé à l'Assemblée nationale que, avec la LOLF et à qualité de service public accrue, nous disposons collectivement, Gouvernement et Parlement, des moyens d'amorcer un véritable reflux de la dépense publique, obtenu non par des économies arrachées à des budgets qui progressent inexorablement, mais grâce à un recentrage de l'État sur ses missions fondamentales, avec une qualité de service public accrue, et grâce à une recherche de la performance.
Mais, nous le constatons, le véritable reflux n'est pas amorcé, même si la maîtrise des dépenses est affichée pour la quatrième année consécutive. Je sais que cette stabilisation en euros courants des dépenses de l'État suppose un effort important de redéploiement. Je ne sous-estime pas ce qu'il est nécessaire de faire pour parvenir à ce résultat. Je précise seulement que la maîtrise des dépenses s'applique finalement sur une assiette assez réduite. Ainsi, les 65 milliards d'euros de prélèvements sur recettes pour les collectivités locales et le budget de l'Union européenne n'y sont pas soumis.
M. le rapporteur général démontrait tout récemment la difficulté de trouver des économies mission par mission. Il faut procéder autrement : en matière de dépenses publiques, atteindre le niveau moyen des pays de l'OCDE, c'est disposer de 100 milliards d'euros d'économie, soit plus de deux fois le montant de notre déficit ! Avec 53,7 % du PIB, nous sommes bien au-dessus de la moyenne de l'ancienne Union à Quinze, qui est de 47,6 %, et au-dessus de la moyenne de la zone euro, qui atteint 48,6 %.
Pourquoi notre pays ne s'engage-t-il pas dans une telle réduction ? N'en a-t-il pas la volonté ni le courage ? Je suggérerai quatre pistes complémentaires.
Premièrement, il faudrait établir le budget non sur un taux de croissance évidemment aléatoire et toujours hypothétique, mais à croissance nulle. Ce serait le meilleur frein à la dépense et la meilleure façon d'éviter des rectifications économiquement préjudiciables et politiquement négatives.
Deuxièmement, il serait nécessaire de stabiliser, comme vous l'avez suggéré, monsieur le ministre, le budget en euros courants à compter de 2007, proposition que je défends sans relâche depuis trois ans.
Troisièmement, si les entreprises se fixent un objectif de 4 % de gain de productivité par an, pourquoi l'État ne pourrait-il en faire autant ? Cela suppose de systématiser la chasse aux coûts. Êtes-vous prêt, monsieur le ministre, à suivre les conclusions des audits que vous avez commandés pour chaque ministère ?
Quatrièmement, il faudrait prendre des décisions drastiques en matière de non-renouvellement des départs à la retraite. Nous savons que les charges en personnel sont le noeud de la solution quand la masse salariale augmente de 3,4 milliards dans le budget pour 2006, sans même une revalorisation du point de la fonction publique, 1 point représentant, comme le rappelait à l'instant M. le rapporteur général, 830 millions d'euros.
Presque tout a déjà été dit, notamment dans le rapport Camdessus, qui préconise de limiter le recrutement à 40 000 fonctionnaires par an jusqu'en 2015. Jean-Pierre Raffarin avait évoqué avec énergie le remplacement d'un fonctionnaire sur deux ; il n'en a rien été. Le Premier ministre a déclaré que ce devait être un « repère » ; cela ne reflète pas une grande détermination. Dans les faits, le projet de loi de finances pour 2006 prévoit une réduction de 5 318 équivalents temps plein travaillé, ou ETPT, ce qui permet une diminution de 18 340 ETPT depuis 2003. C'est bien trop peu. Nous aurons mis trois ans à compenser l'augmentation d'ETPT réalisée par la précédente majorité en une seule année, à savoir 17 214 ! Nous payons très cher cette dérive.
Selon les simulations, le remplacement d'un fonctionnaire pour deux départs à la retraite permettrait déjà d'économiser plus de 10 milliards d'euros d'ici à 2015. Ce sont également autant de retraites du service public qui n'auront pas à être financées dans quarante ans. Gérons dès aujourd'hui la France de demain !
Où et comment économiser ? Il n'y a pas de schizophrénie chez les parlementaires, qui sont aussi des élus locaux. Une présence territoriale affirmée de l'État est nécessaire. La réduction du nombre de fonctionnaires dans les administrations centrales est possible, un certain nombre de tâches pouvant être réalisées en région grâce aux nouvelles technologies. L'administration centrale de l'éducation nationale doit être un gisement intéressant à prospecter.
M. le président. Il vous faut conclure, mon cher collègue !
M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le président, vous me condamnez à raccourcir mon propos !
Comme vous, monsieur le ministre, nous voulons un État plus efficace, un État plus agile, un État stratège.
La majorité du groupe du RDSE appuie le Gouvernement, mais elle lui demande de montrer plus de détermination en présentant des objectifs clairs et en s'y tenant. Monsieur le ministre, certes il vous faut et il vous faudra du courage ; aussi, personne dans notre groupe ne vous ménagera son soutien. (Applaudissements sur les travées du RDSE et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Dominati.
M. Philippe Dominati. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans notre démocratie parlementaire, le vote du budget est un acte avant tout politique. L'appartenance à la majorité ou à l'opposition se détermine lors de ce vote. J'affirme donc très clairement et sans ambiguïté que je voterai ce budget pour attester mon appartenance à la majorité. (Mme Marie-Thérèse Hermange applaudit.) C'est d'autant plus important pour moi, et significatif pour elle, que, ayant été élu sans son soutien, je suis libre de tout engagement. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mais s'il s'agissait seulement du budget, s'il s'agissait seulement d'approuver vos comptes, vos prévisions, votre politique financière et budgétaire, monsieur le ministre, j'aurais peut-être beaucoup plus de mal à le voter.
Le projet de loi de finances pour 2006 est en effet particulièrement peu convaincant. Vous affirmez que vos priorités sont l'emploi, la restauration de l'État régalien et la préparation de la France aux défis de l'avenir.
Concernant l'emploi, les politiques d'aides publiques mises en oeuvre depuis des décennies ne produisent que des résultats mitigés alors qu'elles pèsent sur les prélèvements obligatoires, que vous allez encore augmenter. La restauration de l'État régalien est invisible dans le domaine financier : on constate surtout l'absence de maîtrise de la dépense publique. Enfin, l'accroissement inacceptable de la dette est un danger pour la France face aux défis de l'avenir.
Votre projet de budget procède de bonnes intentions, telle la réforme de l'impôt sur le revenu... qui est remise à plus tard, à 2007. On est loin de l'engagement d'une baisse de 30 % durant la mandature. Cette diminution n'était pas seulement une promesse, c'était un moyen de créer durablement des emplois, c'était le signe fort d'un changement de politique.
Pendant des années, les gouvernements ont essayé de développer l'emploi soit par des politiques inspirées du collectivisme, soit par des politiques d'aides publiques inspirées du jacobinisme ou du colbertisme. Ces tentatives se sont soldées par des échecs. Notre pays connaît aujourd'hui l'un des taux de chômage les plus importants d'Europe. L'Espagne et l'Italie, partis d'une situation plus difficile, font mieux que nous. Seule parmi les grands pays européens, la Pologne est dans une situation plus pénible.
En nous orientant vers la baisse de la fiscalité, nous commencions seulement à nous convaincre que les emplois et la croissance ont un lien avec le taux des prélèvements obligatoires. Pourtant, les Français verront ces prélèvements obligatoires augmenter pour atteindre 44 % du PIB, faisant de notre fiscalité l'une des plus punitives dans les pays industrialisés.
Toujours pour ce qui concerne les prélèvements obligatoires, notre PIB accuse un différentiel de 5 % à 6 % avec nos principaux partenaires, soit près de deux fois notre déficit budgétaire. Le meilleur moyen d'augmenter le pouvoir d'achat des Français et d'améliorer la compétitivité de nos entreprises, monsieur le ministre, c'est de leur rendre ce différentiel, c'est de leur rendre ce pouvoir d'achat. Dans aucun pays au monde les collectivités territoriales n'ont été plus performantes pour créer des emplois que les entreprises et les travailleurs indépendants.
Monsieur le ministre, votre tâche était de réduire ce différentiel, ainsi - j'y viendrai - que le déficit budgétaire. On aurait pu espérer que vous réussiriez au moins l'un ou l'autre de ces deux objectifs, mais je crains que vous n'en ayez atteint aucun.
Vous ne pouvez pas y arriver sans maîtriser la dépense publique.
Je suis très étonné et attristé de constater que vous considérez comme une victoire le fait que, pour la quatrième année consécutive, les dépenses de l'État augmentent moins vite que l'inflation, alors qu'elles continuent néanmoins à croître en valeur.
En France, les dépenses publiques représentent 54 % du PIB, soit douze points de plus qu'en Grande-Bretagne, quatre points de plus qu'en Allemagne, cinq points de plus qu'en Italie.
Là encore, dans tous les cas de figure, le différentiel est supérieur à notre déficit budgétaire. Ce seul constat devrait nous démontrer que le chemin vers un budget vertueux est possible, qu'il a été emprunté résolument par de nombreux pays qui pratiquent une politique de prélèvements obligatoires aussi importante que la nôtre. Ainsi, en dix ans, la Suède a réduit de 10 % ses dépenses publiques, sans pour autant obérer les budgets de la santé et de l'éducation.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Ils ont huit points de prélèvements obligatoires de plus que nous !
M. Philippe Dominati. Nous savons tous ici que les dépenses de personnel et la charge de la dette représentent aujourd'hui près de 58 % du montant du budget, alors qu'elles en représentaient 45 % voilà douze ans. Comme les charges de la dette sont incompressibles, il n'y a pas d'autre solution que de remettre en cause la politique des effectifs au sein de la fonction publique.
Monsieur le ministre du budget, lorsque vous étiez dans l'opposition, vous aviez établi ce constat. En tant que porte-parole du Gouvernement, en 2002 et à plusieurs reprises par la suite, vous aviez confirmé cette intention. Mais, aujourd'hui, qu'en est-il de son application ? Régulièrement, nous sommes alertés par des déclarations qui sous-entendent que la France vit au-dessus de ses moyens, qu'il faut profiter des dix ans qui viennent, pendant lesquels 77 000 fonctionnaires partiront à la retraite, pour procéder à un rééquilibrage. Nombreuses, de toutes parts, sont les autorités ou les personnalités qui se sont exprimées sur ce sujet en estimant qu'il ne fallait remplacer qu'un poste sur deux.
Le rapport commandé par Bercy à Michel Camdessus, ancien directeur général du Fonds monétaire international, ancien gouverneur de la Banque de France nommé par le président Mitterrand, est assez explicite sur cette nécessité. Cet avis est partagé par Georges Tron, à l'Assemblée nationale, et défendu dans notre enceinte, depuis de nombreuses années, par le rapporteur général et le président de la commission des finances.
Je vous donnerai un autre exemple de mon incompréhension de la présentation de ce premier projet de budget du gouvernement de Dominique de Villepin.
Je rends hommage au Premier ministre d'avoir répondu à l'attente de nombreux Français en composant un gouvernement plus restreint. C'est la première fois depuis des décennies, et cela correspond au type de gestion d'un État moderne.
Mais la déclinaison automatique de cette courageuse mesure, aurait dû, ne serait-ce que pour la mettre en valeur, se traduire dans ce projet de budget. Or, où sont les économies ? On fait disparaître un quart d'une équipe gouvernementale et cela n'entraîne aucune restructuration dans les administrations, aucune modification dans les services ? C'est un signe très parlant. C'est comme si l'on assistait à un découplage : les ministres parlent, passent, l'administration continue, quels que soient les discours.
Mais le plus préoccupant et le plus grave, c'est de constater à quel point ces dépenses ne sont pas financées. Un cinquième d'entre elles seront léguées aux générations futures, sans doute pour les préparer aux défis de demain...
Le salaire de près d'un agent de l'État sur cinq sera payé par nos enfants ! Il est de votre devoir de le dire plus clairement et d'arrêter d'expliquer aux Français que notre dette n'est qu'un pourcentage du PIB. Il faut leur dire que, sans raison particulière liée à une guerre, à une catastrophe naturelle ou à la remise à niveau d'un territoire aussi grand que l'Allemagne de l'Est, notre pays a multiplié sa dette par douze en l'espace de vingt-cinq ans, pour atteindre un niveau qu'il n'a jamais connu.
D'ailleurs, à la somme astronomique d'environ 1 150 milliards d'euros, soit près de quatre années du budget, il faut ajouter les produits de la vente des principaux actifs de l'État, avec l'action consensuelle de tous les gouvernements.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Les privatisations, c'est tout de même pas mal !
M. Philippe Dominati. C'est une très bonne chose, mais je répète que cela s'est fait de façon consensuelle parce qu'il n'y avait n'avait pas d'autre solution pour remplir les caisses de l'État.
D'ailleurs, vous-même, monsieur le rapporteur général, au cours de la précédente mandature, aviez déjà alerté l'opinion publique lors de la présentation de votre rapport intitulé Dette publique, une législature pour rien.
Aujourd'hui, toutes les projections de ce rapport pour l'horizon 2010 sont largement dépassées.
Vous nous proposez néanmoins, pour préparer l'avenir, un projet de budget dont le solde primaire accusera un déficit de l'ordre de 7 milliards d'euros.
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est une drogue douce !
M. Philippe Dominati. Était-il prévu, dans le programme de cette législature, de cumuler en quatre ans autant de dettes que sous le gouvernement précédent ?
Aussi, à l'occasion de la mise en oeuvre de la LOLF, j'ai cherché vainement un indicateur pouvant attester de l'endettement réel de chaque foyer fiscal ou de chaque Français. Je ne l'ai pas trouvé, mais vous aurez sans doute l'occasion de nous en dire plus au cours de l'examen de ce projet de loi de finances, monsieur le ministre.
M. le président. Je vous prie de conclure, monsieur le sénateur.
M. Philippe Dominati. En définitive, peu importe aux Français de savoir si la dette de l'État résulte surtout d'un déficit structurel ou d'un déficit primaire. Ce qu'ils retiendront, c'est que notre pays est champion pour les prélèvements obligatoires, champion pour la part des dépenses publiques dans le PIB, champion pour la part de la population active travaillant dans le secteur public, et bientôt champion pour l'importance de la dette.
Et malgré tous ces titres, ou à cause d'eux, nous sommes parmi les derniers en ce qui concerne les créations d'emploi.
Vous l'avez compris, j'attends une autre politique. Il n'y a pas d'autre voie pour la France qu'une politique résolument libérale et européenne et, malheureusement, nous en sommes encore à des années-lumière. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de budget dont nous commençons l'examen intervient alors que l'urgence sociale se manifeste de manière évidente et qu'elle a conduit, là où les inégalités sont les plus criantes, à des actes désespérés.
Cette colère, ce désespoir vont pourtant bien au-delà des frontières territoriales que vous avez désignées ce matin lors de votre intervention.
Vous le savez, cette colère touche particulièrement la jeunesse et les milieux populaires. La jeunesse, enfermée dans la précarité, les sous-emplois, les bas salaires, les stages, mais aussi toutes celles et tous ceux qui subissent les conséquences des délocalisations et souffrent dans un monde du travail, dont les règles sont abominables.
Notre tâche à tous est de « réhumaniser » ce monde-là, et nous pensons que vous faites le contraire.
Vos réponses à l'urgence ne sont donc pas à la hauteur. Nous ne voyons pas de solution dans votre politique, encore moins avec ce projet de loi de finances.
Bien au contraire, vos choix continuent sur une lancée dont l'échec est flagrant : échec, parce que vous refusez d'écouter la population et que vous persistez dans une politique budgétaire aussi injuste qu'inefficace.
Monsieur le ministre, ce projet de loi de finances le montre clairement, votre politique souffre d'autisme.
Vous êtes sourds quand les salariés, les retraités, les personnes en situation précaire, les jeunes, stagiaires ou étudiants, manifestent pour la défense du pouvoir d'achat, contre la précarité, pour le logement, l'emploi, les services publics.
Vous ne répondez pas quand ils pétitionnent, par exemple contre le prix élevé de l'essence. Et vous ne tirez aucune conséquence de l'expression du suffrage universel, ce qui, de notre point de vue, est bien sûr inacceptable.
Le vote du 29 mai dernier n'a en rien modifié vos choix.
Les citoyens ont pourtant largement débattu et réfléchi. Ils ont fait le bilan de ce que cette forme de construction européenne leur avait apporté jusqu'ici : des délocalisations honteuses, une pression toujours plus forte sur les salaires, des services publics en danger. Les citoyens ont évidemment dit « non ».
Le respect de la démocratie serait au moins d'infléchir les politiques nationales, tout en essayant d'ouvrir des négociations pour d'autres choix au niveau communautaire, en faveur d'une harmonisation par le haut.
Or vous faites absolument le contraire. L'Europe est, pour vous, non pas un lieu de coopération et de solidarité, mais un lieu de compétition. Ce projet de budget en est, bien sûr, la caricature. Il en devient antidémocratique.
Votre projet de budget ne jure en effet que par la concurrence. Elle est là, partout, dans vos discours : c'est votre religion. Et le dogme va un peu loin quand il prétend dominer là où les études les plus sérieuses ont tendance à le reléguer.
C'est particulièrement le cas en matière de concurrence fiscale : le Conseil des impôts et nombre d'économistes en relativisent l'importance. Nombreux, d'ailleurs, sont ceux qui soulignent le caractère bien plus déterminant des infrastructures, des services publics, mais aussi du niveau de qualification de la main-d'oeuvre, pour l'implantation des entreprises.
Cela, vous ne voulez pas l'entendre, et c'est pourquoi la croissance n'est pas là.
Les facteurs qui lui sont favorables - services publics de qualité, infrastructures, éducation, formation, recherche - sont relégués, démantelés, bradés à un marché de la finance, que vous alimentez également avec vos baisses d'impôts.
Vous donnez l'argent à ceux qui détruisent l'emploi, délocalisent et génèrent les bas salaires.
Pour justifier ces choix, vous vous réfugiez derrière une flopée d'indicateurs, sous couvert du programme de stabilité et, bien sûr, de la LOLF, avec la bénédiction de la technocratie bruxelloise.
Ces indicateurs sont, pour certains, vides de sens.
C'est particulièrement le cas de toute cette machinerie que vous mettez en oeuvre avec la LOLF. Nous n'y voyons aucune amélioration du débat budgétaire.
En tant que rapporteur de deux programmes concernant principalement les retraites, j'ai été stupéfait de constater que, avec les indicateurs retenus, il n'est à aucun moment question du niveau des pensions, encore moins de l'évolution du niveau de vie des retraités. Pour vous, ces questions sont hors sujet : elles sont pourtant essentielles.
Par ailleurs, vous refusez de mesurer les effets des exonérations que vous accordez prétendument pour « soutenir l'emploi, l'investissement, la recherche, le logement ».
Au contraire, vous privez délibérément l'État de moyens pour évaluer ses politiques publiques, en procédant à des suppressions d'emploi massives au sein du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie.
Vous mettez ces cadeaux bien à l'abri. Le plafonnement des niches fiscales, par exemple, vise à éviter tout débat sur leur pertinence. Il est scandaleusement généreux - 4 000 euros -- et ne touche que 10 000 foyers fiscaux.
Pis, vous multipliez encore les niches fiscales, sans évaluation.
Quand on sait, par exemple, que chaque emploi créé en zone franche urbaine coûtait, selon une étude de 1997, 20 000 euros, il y a de quoi s'interroger sur la pertinence de ce dispositif ! Et là encore, c'est ce que vous proposez pour les quartiers en difficulté.
Dès lors, quand vous nous dites que l'efficacité de la dépense publique vous préoccupe, nous ne vous croyons pas un seul instant.
Une réforme reste à faire, devant associer les citoyens et les salariés, notamment les fonctionnaires.
Certaines comparaisons qui agrémentent votre discours sont, quant à elles, simplistes et terriblement réductrices : je veux parler de la mise en balance des taux des impôts sur les entreprises et sur les contribuables les plus fortunés, entre les différents pays de l'Union européenne.
Vous ne cessez de comparer des choses incomparables, afin d'éviter tout débat, notamment sur l'assiette des impôts.
S'agissant d'autres indicateurs, vos évaluations sont délibérément fausses. Ce projet de budget est mensonger, insincère. Monsieur le ministre, nous ne pouvons pas vous faire confiance.
J'ajoute que quelques précédents ont entamé votre crédit et celui du Gouvernement.
Nous nous rappelons l'épisode Total : obligé de réagir au vu de l'énormité des profits que le groupe pétrolier réalisait sur le dos des populations, vous avez annoncé une mesure qui était à nos yeux la plus juste et la plus évidente que vous pouviez prendre : taxer ses profits.
Si vous acceptez de reprendre votre copie, sachez que ces profits ont encore augmenté : le chiffre d'affaires de Total s'est accru de 19 % au troisième trimestre de 2005 et le bénéfice net par action a progressé de 36 %.
C'est pourquoi nous avons, cette année encore, déposé un amendement visant à taxer davantage ces profits. Cela accompagnerait une baisse de la TIPP, donc du prix de l'essence à la pompe. En effet, monsieur le ministre, l'accord que vous avez passé avec Total n'engage en rien l'entreprise, et il engage encore moins les autres compagnies pétrolières. Il n'a eu aucun effet significatif sur le quotidien des gens contraints de prendre leur voiture.
Nous n'oublions pas non plus l'épisode Hewlett Packard. Le Premier ministre avait affirmé haut et fort que le groupe devait rembourser les aides qu'il avait reçues de la part de la collectivité avant d'annoncer, peu de temps après, qu'il n'avait en fait rien perçu.
Le remboursement des aides est une très bonne idée. Il constitue l'un des outils indispensables d'un contrôle efficace de la dépense publique. Je vous invite donc à rétablir les commissions de contrôle des aides publiques aux entreprises, que votre majorité s'est empressée de supprimer en arrivant au pouvoir.
Le contrôle de la dépense publique, la mesure de son efficacité sociale permettent d'éviter de telles catastrophes et d'imposer de véritables objectifs aux entreprises en termes d'emploi et d'investissements productifs. C'est avec de tels outils que la croissance peut revenir.
Le dernier épisode, monsieur le ministre, est l'augmentation du prix du gaz. Vous avez cru bon de noyer le poisson. Vous croyez que la population ne s'en rend pas compte ? Mais les gens payent, monsieur le ministre ! Ils ont parfaitement conscience que vous avez accepté une majoration des tarifs de 14 %, après les augmentations de 4 % en juillet dernier et de 2,6 % en septembre.
Le gaz va bel et bien augmenter, et voilà qui entame votre crédit !
Aujourd'hui, lorsque vous affirmez que c'est l'optimisme qui vous anime, lorsque vous affichez des prévisions de croissance qu'aucun économiste ne tient pour réalistes, on croit rêver !
La plupart des instituts prévoyaient une croissance inférieure à 2 %, proche de 1,8 %, alors que vous vous fondez sur une croissance située entre 2 % et 2,5 %.
Nous sommes très inquiets : la croissance n'est pas là, aucun indicateur n'est vraiment au beau fixe.
Vous affirmez que l'investissement va repartir. Or, voilà trois ans que la situation s'aggrave.
Qu'en est-il de l'emploi, qui constitue votre priorité et qui est celle du Président de la République depuis dix ans ?
La qualité des emplois se détériore sur tous les fronts : les salaires, l'insécurité liée à la précarité, les conditions de travail. Ceci expliquant cela, ce n'est absolument pas le sort des patrons du CAC 40 ! Leurs salaires bondissent, et il en est de même des revenus financiers.
L'optimisme qui vous anime aujourd'hui nous rappelle que, l'année dernière, le projet de loi de finances initial se fondait sur une prévision de croissance irréaliste de 2,5 % Ce chiffre avait dû être revu à la baisse à plusieurs reprises, et il s'établit aujourd'hui aux environs de 1,8 %.
« Ce n'est pas grave », nous dites-vous aujourd'hui. Pourtant, ce décalage entre la réalité et la prévision explique le bradage du patrimoine public national et, comme vous l'avez expliqué devant les députés, les annulations de crédits, lesquelles s'élevaient à 4 milliards d'euros l'année dernière : 4 milliards d'engagements non tenus, c'est, pour vous, une bonne gestion !
Sachez que, sur le terrain, ces annulations se traduisent par la paralysie de certains chantiers, par l'arrêt ou l'amputation d'actions en faveur de l'insertion, du logement, de l'emploi ou de l'éducation.
L'année 2005 a été particulièrement catastrophique pour les associations et pour les collectivités locales.
Et comment pourrait-il en être autrement ? Alors même que des voitures brûlaient dans les quartiers en difficulté, vous procédiez, le 3 novembre dernier, aux annulations de crédits suivantes : 205 millions d'euros pour l'emploi des jeunes, 55 millions d'euros pour la construction et la réhabilitation des logements sociaux, 45 millions d'euros pour les transports collectifs, 45 millions d'euros, après 17 millions d'euros en avril, pour les villes et quartiers dits sensibles, 50 millions d'euros pour le sport, la jeunesse et la vie associative.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Le Gouvernement n'est pas un partenaire fiable, comme tous les acteurs de terrain en font l'expérience. Ainsi, le président d'Emmaüs France a-t-il suspendu sa participation au Conseil national de lutte contre les exclusions afin de protester contre « le décalage entre les discours et les actes du Gouvernement ». Était en cause le non-versement d'une subvention de 500 000 euros à une association employant des salariés en insertion.
Une telle politique est une erreur d'autant plus grave que la croissance n'est pas encouragée par d'autres leviers : mon amie Marie France Beaufils en témoignera dans quelques instants en évoquant la politique fiscale du Gouvernement. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Alain Lambert.
M. Alain Lambert. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, à ce stade du débat, nombre d'orateurs se sont exprimés, et je ne peux donc que donner un coup de projecteur sur des sujets qui me paraissent essentiels. J'en ai retenu trois.
Le premier est le message que doit délivrer un budget, et nous avons eu l'occasion de nous en entretenir, monsieur le ministre. Le message que vous délivrez - et c'est la raison pour laquelle j'adhère à votre projet de budget - est celui de l'encouragement au travail.
Les questions budgétaires sont souvent si complexes et techniques que l'on finit par en perdre la ligne directrice. Nous devons rappeler à nos compatriotes quels objectifs nous recherchons avec ce projet de budget.
Je dirai les choses simplement et sans ambiguïté - mais je conçois que l'on n'adhère pas à mon propos -, notre objectif doit être que toute personne en bonne santé et en âge de travailler puisse accéder à un emploi marchand chaque fois que cela est possible ou, à défaut, à une formation ou à une activité pour lui permettre de s'insérer dans un milieu professionnel.
Le temps est venu, dans une société qui est, de mon point de vue, minée par l'assistanat, d'affirmer la préférence pour le travail comme moyen de réalisation de la personne, de dignité, de promotion et de progrès pour la société tout entière.
Les moyens que vous dédiez à l'encouragement au travail sont très importants, monsieur le ministre. Dans un souci de concision, je n'évoquerai que deux exemples.
Tout d'abord, vous consacrez 500 millions d'euros à la revalorisation de la prime pour l'emploi, qui vise à encourager tous ceux qui veulent reprendre un travail.
M. Yves Fréville. Très bien !
M. Alain Lambert. Je n'émettrai qu'un seul petit regret ; vous le connaissez d'ailleurs, monsieur le ministre, et je souhaite que les choses puissent évoluer à cet égard. Je regrette en effet que cette prime ne figure pas sur la feuille de paie. Le système informatique qui équipe la direction générale des impôts et les ASSEDIC n'est pas un argument suffisant pour renoncer à cet objectif.
Faire figurer cette prime sur la feuille de paie serait un symbole fort de reconnaissance de la valeur du travail, et, dans ce domaine, on n'en fait jamais assez !
Ensuite - c'est mon second exemple -, vous consacrez 1,8 milliard d'euros à l'allégement des charges, qui est destiné à achever l'harmonisation des SMIC.
Monsieur le ministre, les propos que vous avez tenus à l'endroit de l'opposition m'ont paru très pertinents. Vous avez fait preuve d'une grande délicatesse à son égard en ne rappelant pas que le SMIC avait été désintégré par l'instauration des 35 heures. Il nous faut aujourd'hui corriger cette désintégration et en supporter le coût, qui est très élevé. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Nicole Bricq. Vous ne pouvez pas dire cela !
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est la vérité !
Mme Nicole Bricq. Nous avons déjà eu ce débat !
M. Alain Lambert. J'imagine que vous êtes fiers de la politique que vous avez menée, mes chers collègues, et je voulais vous aider à la promouvoir !
Le deuxième sujet essentiel sur lequel je souhaitais insister est plus grave. Peut-être ne partagerez-vous pas mon point de vue, monsieur le ministre, mais c'est un souci qui m'habite et que vous connaissez : la situation de nos finances publiques ne peut plus se résumer au seul budget de l'État.
MM. Yves Fréville et Jean-Pierre Fourcade. Bien sûr !
M. Alain Lambert. En effet, ce dernier ne représente plus qu'un tiers des flux financiers de la sphère publique.
Au fil des années, ma conviction s'est forgée et elle est devenue absolue : le seul moyen de sortir de l'inexorable asphyxie et de la lente agonie de l'État est de consolider les comptes de toutes les administrations publiques. Je serais heureux que la commission des finances s'exprime avec force sur ce sujet.
La discussion distincte du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale nous fait perdre tout repère sur la situation réelle des comptes publics. Or, l'interdépendance entre tous ces comptes est de plus en plus grande et elle s'accroît même chaque année.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Nous ne cessons de le dire !
M. Alain Lambert. Monsieur le ministre, permettez-moi d'insister sur un point. Nous sommes confrontés à la croissance inévitable, d'une part, des dépenses sociales, notamment des dépenses de santé, et, d'autre part, des dépenses des collectivités locales, puisque nous sommes dans un processus de décentralisation. Entre les deux, nous allons assister à une réduction de la part de l'État dans l'action publique. L'État risque alors de devenir une sorte de squelette qui n'aura plus les moyens d'agir. Et comme il voudra conserver jalousement ses effectifs, il produira de la réglementation, du contrôle,...
M. Philippe Marini, rapporteur général. Du papier !
M. Alain Lambert. ...il ankylosera l'économie tout entière. C'est un processus économique mortel dans lequel il ne faut pas entrer.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. La LOLF doit s'appliquer à la sécurité sociale.
M. Alain Lambert. C'est pourquoi je considère, monsieur le ministre, que la consolidation des comptes publics est une absolue nécessité,...
M. Philippe Marini, rapporteur général. Tout à fait !
M. Alain Lambert. ...et je souhaite que vous me répondiez sur ce point.
Le dernier sujet essentiel que je souhaite évoquer tient aux promesses de la loi organique relative aux lois de finances. Certes, monsieur le président de la commission des finances, leur concrétisation suppose une réforme de la Constitution, laquelle prévoit la séparation des comptes de l'État et de ceux de la sécurité sociale, ainsi qu'une révision des lois organiques qui régissent ces comptes. Mais devons-nous y renoncer alors que nous voyons le danger se profiler ?
Ce n'est pas sans une certaine émotion que ceux qui travaillent sur la LOLF depuis maintenant cinq ans la voient devenir la matrice de la discussion budgétaire et de la nouvelle gestion publique.
Il m'arrive d'être surpris, voire agacé, que l'on attribue à la LOLF des effets qui sont sans rapport avec sa nature. On l'accuse parfois de produire soit un excès, soit une insuffisance des crédits. Or, tel n'est pas son objet. Son objet - dois-je le rappeler ? - est de veiller à ce que chaque euro employé améliore l'efficience des politiques adoptées par le Parlement.
Certes, la LOLF modifie nos habitudes. Mais si l'on observe la discussion du projet de loi de finances pour 1960, on constate que l'ordonnance de 1959 avait plus modifié les habitudes et beaucoup plus décontenancé les parlementaires de l'époque que ne le fait la LOLF aujourd'hui.
En revanche, dès l'ouverture de notre discussion, réaffirmons bien qu'il s'agit d'ouvrir des crédits aux gestionnaires publics pour qu'ils en fassent un emploi pertinent et aussi approprié que possible, et exprimons-leur notre confiance à cet égard.
Monsieur le ministre, comme l'a indiqué M. de Raincourt, le groupe UMP votera en faveur du présent projet de loi de finances, après qu'il aura été amélioré par les propositions de la commission des finances, qui a accompli un travail de grande qualité que je tiens à saluer.
Je voterai le projet de loi de finances, car il fait de l'encouragement au travail, auquel je suis très attaché, une de ses priorités. Ce point est peut-être ce qui nous différencie le plus de l'opposition. Nous n'avons pas de discours ambigu. Entre l'assistanat et le travail, notre choix est fait !
Mme Nicole Bricq. Le nôtre aussi !
M. Alain Lambert. C'est un choix politique, et il est de nature à structurer le débat politique dans notre pays. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. Ne vous laissez pas interrompre, monsieur Lambert !
M. Alain Lambert. Monsieur le président, j'adore entendre le parti socialiste nous dire qu'il est favorable à l'assistanat. C'est au moins une façon très claire d'exprimer ses idées.
M. Marc Massion. Nous voulons que tout le monde travaille.
Mme Nicole Bricq. Oui, et nous allons vous le dire !
Mme Hélène Luc. Le débat ne fait que commencer !
M. Alain Lambert. Je ne cherche pas la controverse ; j'exprime simplement mes idées. Qu'il me soit permis de le faire dans les dix minutes qui me sont imparties.
Je n'ai pas l'intention de me laisser diaboliser sur le caractère inéquitable de la fiscalité, et je vais vous dire pourquoi.
Monsieur le ministre, je n'ai pas connaissance - mais peut-être me contredirez-vous - que des milliardaires étrangers cherchent à entrer clandestinement sur notre territoire afin de gagner le paradis fiscal que vous auriez construit. (Sourires.)
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est plutôt le contraire !
M. Alain Lambert. Si vous connaissez quelques cas, dites-le-nous. J'ai plutôt le sentiment que ce sont, hélas ! des pauvres qui essaient d'entrer sur notre territoire, sans doute parce que notre pays est parmi les plus généreux, ...
M. Alain Lambert. ...peut-être même plus généreux qu'il n'en a les moyens.
En revanche, et je tiens à le souligner, certains de nos compatriotes considèrent que, compte tenu de notre fiscalité, ils ne peuvent plus rester sur notre territoire.
Monsieur le ministre, je souhaite que le vote du Sénat, lorsqu'il interviendra, soit un message de confiance à tous les gestionnaires publics qui auront à appliquer la LOLF. Non, le secteur public n'est pas irrémédiablement fâché avec l'exigence de performance. La performance publique est non seulement possible, mais elle existe déjà, et elle va encore se développer grâce à toutes les mesures que vous avez prises. Les gestionnaires publics doivent avoir conscience du fait que cette nouvelle gestion publique sera plus gratifiante non seulement pour eux, qui sont au service des Français, mais aussi pour les citoyens, et qu'elle sera beaucoup plus protectrice pour les générations futures. (Applaudissements sur les travées de l'UMP. -M. Maurice Blin applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, un budget doit être porteur d'avenir - s'il y a un mot sur lequel je serai d'accord avec vous, c'est celui-ci -, porteur d'espoir.
La demande qui monte des quartiers populaires tend bien à cela, et non à un simple replâtrage des politiques existantes. Les populations ne supportent plus la violence que notre société leur fait vivre.
Or, monsieur le ministre, rien dans votre projet de budget ne porte cet espoir, cette reconnaissance.
Votre politique fiscale s'appuie sur les principes du libéralisme...
M. Philippe Marini, rapporteur général. Dites l'ultralibéralisme !
Mme Marie-France Beaufils. ... qui contribuent à aggraver les inégalités sociales. Les conséquences sont dramatiques : chute de la consommation, aggravation des déficits publics, régression de l'activité économique et de l'emploi.
Or, avec l'instauration du nouveau barème de l'impôt sur le revenu et du « bouclier fiscal », qui vous permet de vous attaquer à l'impôt de solidarité sur la fortune sans l'affirmer au grand jour, votre projet de loi va à nouveau favoriser les ménages les plus riches. Votre projet de loi encourage les entreprises à précariser les salaires en distribuant des allégements fiscaux et sociaux ; il réduit en miettes les fondements de la solidarité nationale.
Mme Marie-France Beaufils. Vous ne tenez compte ni de la volonté du plus grand nombre, ni des résultats électoraux, ni de l'opinion des salariés qui refusent la casse du système des retraites et de la sécurité sociale. Vous ne tenez pas plus compte des élus et des usagers qui ont rappelé leur attachement aux services publics. Ces différentes réactions traduisent l'exigence de plus de justice sociale, et votre réponse est aux antipodes. Et cette exigence suppose d'autres ressources pour le budget tant de l'Etat que des collectivités territoriales.
La précarité pour le plus grand nombre est érigée comme une règle économique. Mais cela ne vous suffit pas ! Vous avez engagé un remodelage profond de notre société et vous voulez l'effectuer le plus vite possible, car vous sentez bien que l'opposition est forte dans le pays.
Ce projet de société que vous êtes en train de construire est profondément inhumain et antisocial. Vous n'avez qu'un mot à la bouche : la compétitivité. Votre seul souci est de donner au capital les avantages qu'il vous réclame à cor et à cri. Vous distribuez cadeaux fiscaux et subventions, vous bradez le patrimoine public, vous « externalisez » les services rendus par le secteur public ; en fait, vous les abandonnez au secteur privé.
Votre politique fiscale s'inspire de cette conception. Depuis le second semestre 2002, la baisse de l'impôt sur le revenu a privé l'Etat de près de 14 milliards d'euros, c'est-à-dire l'équivalent soit des sommes qui ont abondé le fonds de réserve pour les retraites, soit du déficit du régime général de la sécurité sociale pour 2004. Ces baisses ont eu pour seuls effets une hausse des inégalités et des déficits publics. Malgré cela, le Gouvernement, sous prétexte de le simplifier et de le réduire, propose une refonte de l'impôt sur le revenu. À l'heure où l'on parle souvent d'évaluation et où vous mettez en place des indicateurs pour apprécier la performance des actions engagées, on ne peut être que consterné face à de telles décisions ! À moins que vous ne vous soyez fait un dogme de la baisse de l'impôt progressif. Mais dans ce cas-là, il faut l'assumer !
Vous prétendez vouloir relancer l'emploi et l'investissement productif ; ce serait votre priorité. Si tel était le cas, les habitants des quartiers populaires vivraient autrement !
Le constat est accablant. La seule chose que vous ayez réussi à relancer, c'est la misère. Avec vous, les bénéficiaires du revenu minimum d'insertion, le RMI, ont augmenté de près de 4 % en un an. Quant aux familles surendettées, leur nombre a augmenté de 14 % en 2004, et de 9 % cette année.
Votre politique de réduction d'impôt - 2 milliards d'euros depuis 2002, selon la Cour des comptes -, d'exonération de charges en faveur du patronat, et vos cadeaux fiscaux - 5,8 milliards sur la même période, dont les foyers les plus aisés ont le plus bénéficié - devaient, selon vos dires, permettre de réduire le chômage. Bien au contraire, celui-ci a fait un bond, avec 230 000 demandeurs d'emplois supplémentaires depuis votre arrivée au Gouvernement.
Vous deviez réduire les inégalités, mais c'est le contraire que vous avez suscité.
Nous pensons, quant à nous, que l'on pourrait faire autrement. Au lieu de contribuer à l'augmentation des profits, il faut choisir de répondre à l'attente de la grande masse des habitants. La politique fiscale doit servir l'intérêt général et non des intérêts particuliers.
La remise en cause de la progressivité de l'impôt sur le revenu, qui ne représente que 17 % des recettes fiscales de l'Etat, en réduisant le nombre de tranches, en supprimant les 20 % d'abattement et en imposant le « bouclier fiscal », ne fait pas supporter le même taux d'effort à tous.
Rappelons qu'il y avait treize tranches en 1986 avec un taux marginal de 65 %. Vous proposez cinq tranches avec un taux de 40 % en 2007. Votre rêve serait de passer à quatre tranches et, pourquoi pas, d'instituer la flat tax, impôt à taux unique. Graduellement, vous voulez supprimer la progressivité.
Le résultat de ce choix sera le suivant : 40 % du gain ira aux 10 % des ménages les plus aisés.
Au contraire, nous pensons qu'il faut renforcer la progressivité de l'impôt, en fixant le taux marginal de prélèvement à 54,8 % et le taux minimal à 6,5 %, en remontant le seuil de la première tranche, en ajoutant deux nouvelles tranches et en fixant le taux de la huitième tranche à 50 % pour un revenu n'excédant pas 70 000 euros. Voilà des décisions qui iraient dans le bon sens et qui doivent être prises rapidement !
Pour les entreprises, vous ajoutez des allégements à hauteur de 3,5 milliards d'euros. Vous exonérez de taxe professionnelle à tout va et vous supprimez la surtaxe dite « Juppé » pour ramener le taux de l'ISF à 33,33 %, sous prétexte de libérer des capacités d'investissement.
Une réforme de l'impôt sur les sociétés efficace pour l'emploi devrait prendre en compte le besoin de soutien aux petites entreprises, à celles dont l'activité ne permet pas de dégager une forte valeur ajoutée, aux entreprises qui investissent dans le capital humain, en embauchant, en rémunérant correctement les salariés, en développant la formation. Un nouveau barème devrait avantager les entreprises qui réinvestissent leurs bénéfices, et non celles qui spéculent en Bourse.
Vous le voyez, monsieur le ministre, nous sommes favorables non pas simplement à une politique d'assistanat, mais bien à une véritable politique de création d'emplois.
La diminution comme peau de chagrin de la fiscalité sur le patrimoine va aussi dans ce sens : vous voulez supprimer, sans en avoir l'air, l'ISF,...
M. Philippe Marini, rapporteur général. Le supprimer ?
Mme Marie-France Beaufils. ... et garantissez un peu plus l'avenir des gros patrimoines dans le cadre des droits de succession. Vous allez favoriser ainsi l'accumulation de patrimoine au profit de ceux qui le peuvent : 10 % des ménages détiennent 45 % du patrimoine total dans notre pays et 59 % du patrimoine financier. En 2004, seules 25% des successions étaient taxables.
La mesure qui tend à ramener de dix à six ans le délai durant lequel l'abattement est plafonné à 50 000 euros va permettre de faire progresser plus rapidement le volume de patrimoine en franchise d'impôt. Une fois de plus, vous ne favorisez que les plus aisés !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Vous voudriez tant appauvrir les riches !
Mme Marie-France Beaufils. Chaque année, la préparation de la discussion budgétaire donne lieu à un véritable lobbying de la part d'un certain nombre d'élus de la majorité pour encore réduire l'ISF. Vous revenez à la charge, en prétendant que cet impôt est confiscatoire, qu'il accable ses redevables.
Le Gouvernement n'a pas voulu paraître céder à cette pression d'une partie de la majorité. Il a donc inventé cette année la formule du « bouclier fiscal » : un cadeau de 400 millions d'euros pour 100 000 personnes, dont 200 millions réservés à moins de 15 000 d'entre eux !
Le plafonnement de l'impôt est une mesure dangereuse, car fondée sur l'idée que la propriété ne constitue pas réellement une ressource justifiant de participer au financement des dépenses publiques.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Pour vous, la propriété, c'est toujours le vol !
Mme Marie-France Beaufils. De fait, le plafonnement favorisera une économie de rente, fondée sur l'accumulation et la transmission d'une fortune productrice de faibles revenus monétaires. Cette réforme ne récompense ni le travail ni l'investissement productif. Rien de très dynamisant pour l'activité dans notre pays ! Les classes moyennes qui ne vivent que de leur travail apprécieront !
Comme si cela ne suffisait pas, un petit supplément a été accordé à ceux qui détiennent des actions depuis plus de six ans : une exonération de 75 % de leur valeur.
Mesdames, messieurs de la majorité, je vous invite vivement à détourner les yeux du CAC 40 et à aller voir ce qu'il en est pour les ménages surendettés. Leur situation en dit long sur ce qui grève les budgets des ménages les plus modestes. Ils sont asphyxiés par les dettes de la vie courante : dettes de loyers, de factures d'eau, d'électricité, de gaz, dettes de transport, de cantine scolaire, etc.
Ces dettes, ce ne sont pas les cinq euros supplémentaires par mois, en moyenne, de la prime pour l'emploi qui vont permettre d'y faire face. La prime pour l'emploi, qui d'ailleurs déresponsabilise un peu plus les entreprises, est d'ores et déjà engloutie.
Avec cette prime pour l'emploi, vous reconnaissez, en fait, la faiblesse du pouvoir d'achat des salariés, mais vous ne prenez pas la bonne mesure. Il est tout de même paradoxal que celui qui produit les richesses ne puisse pas vivre du seul revenu de son travail, et que la puissance publique doive compléter ses ressources.
Ce que demandent les salariés, c'est un salaire décent pour vivre, faire vivre leur famille.
De plus, cette prime pour l'emploi ne compense pas les augmentations d'impôts, notamment des impôts sur la consommation.
L'instauration d'une TVA dite « sociale » reporterait les cotisations sociales sur l'ensemble des consommateurs. Elle ne ferait qu'aggraver les conditions de vie de la masse de nos concitoyens, réduirait la consommation, aggraverait la situation économique de notre pays.
S'il y a des impôts à alléger, ce sont ceux qui pèsent sur le plus grand nombre, et singulièrement sur ceux qui ont les plus bas revenus. Cela concerne autant la TVA et la taxe intérieure sur les produits pétroliers que les impôts locaux ou la taxe d'enlèvement des ordures ménagères, la TEOM.
Ce dont ont besoin les salariés, ce sont des services de qualité. Pour cela, les collectivités territoriales doivent avoir des ressources plus stables.
Or, votre politique conduit, là encore, à des augmentations. Les transferts de charges sans compensation au niveau des exigences, le désengagement de l'Etat, la réforme de la taxe professionnelle sont autant de mesures qui, loin de « responsabiliser les élus » - comme s'ils n'étaient pas responsables ! - mettent ces derniers dans l'impossibilité d'assumer pleinement leur rôle auprès des habitants.
La réforme de la taxe professionnelle, nous étions nombreux à l'attendre et à avoir travaillé sur le sujet. Là où, en nombre, nous avons pointé du doigt le problème essentiel de l'assiette de cet impôt, où des solutions ont été proposées pour moderniser cette base, vous abdiquez, répondant aux appels des sirènes du Mouvement des entreprises de France, le MEDEF, sans contrepartie.
Nous avons déposé une proposition de loi qui vise à introduire la taxation des actifs financiers des entreprises, banques et assurances, grande distribution, qui représentaient 3 500 milliards d'euros en 2002 et qui pourraient être taxés à un taux de 0,5 %.
M. le président. Veuillez conclure, madame Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. Les collectivités territoriales bénéficieraient ainsi de ressources supplémentaires et nous pourrions dans le même temps dissuader les spéculations financières qui jouent contre l'emploi.
Votre projet montre bien vos choix politiques. Vous cassez tout ce qui pourrait contribuer à développer plus de solidarité !
Après la violence que nous venons de vivre dans quantité de villes qui accueillent en grand nombre ceux qui ont de très faibles revenus, vous avez déclaré vouloir répondre aux attentes de ces populations. Rien dans le projet de budget qui nous est proposé n'y répond, pas plus d'ailleurs que dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, le PLFSS, qui vient d'être voté. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade.
M. Jean-Pierre Fourcade. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, contrairement à l'orateur qui vient de me précéder, je voterai le budget.
MM. Henri de Raincourt et Josselin de Rohan. Très bien !
Mme Hélène Luc. On s'en doutait !
M. Jean-Pierre Fourcade. Je le voterai pour plusieurs raisons.
Tout d'abord, j'en ai assez de ces problèmes franco-français alors que nous avons une monnaie unique, que nos entreprises sont agressées, mises en compétition par l'ensemble des entreprises mondiales ...
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Bien sûr !
M. Jean-Pierre Fourcade. ... et alors que, dans ce pays, tous les problèmes ont une dimension internationale.
Ensuite, comme l'ont dit très justement les deux orateurs de mon groupe qui m'ont précédé, MM. Henri de Raincourt et Alain Lambert, notre optique est de favoriser le travail, de cantonner l'assistance à ceux qui en ont vraiment besoin et de redresser nos finances publiques.
Je n'entrerai pas dans des querelles de chiffres. S'agissant du taux de croissance, par exemple, je ne dirai pas qu'il pourrait être plus faible. L'expérience m'a appris que les statisticiens et les conjoncturistes se trompent toujours. Quant au PIB, on a beaucoup parlé d'un taux de croissance de 0,7 % au troisième trimestre. Attention, monsieur le ministre, l'INSEE va sûrement réviser ses prévisions. J'ai connu cela de très près. Si ce taux passe à 0,8 %, vous serez heureux, mais s'il retombe à 0,6 % ... Voilà pourquoi je n'entrerai pas dans des querelles de chiffres.
En revanche, trois éléments dans ce budget me paraissent marquer un tournant, indépendamment de la grande réforme que vient d'évoquer M. Alain Lambert, qui est l'un des pères de la nouvelle loi organique relative aux lois de finances.
Le premier élément est l'endettement, marqué par un début, timide certes mais un début quand même, de stabilisation. Le deuxième est le plafonnement d'un certain nombre de prélèvements fiscaux, ce qui est une très bonne idée. Enfin, le troisième, à mon avis le plus important, est l'appel à la responsabilité de tous les acteurs économiques et sociaux de notre pays.
Je commencerai par l'endettement.
Les chiffres que vous nous présentez sont en très légère progression, ce qui marque un début de stabilisation. C'est important, car cela permet de respecter le pacte de stabilité européen, à savoir un déficit public qui ne dépasse pas 3 % du PIB. Certes, il vous a été reproché tout à l'heure quelques mesures de débudgétisation. Mais, personnellement, je n'ai jamais connu, en quarante ans, un budget qui n'en contienne pas ! Par conséquent, vous n'êtes nullement responsable.
De plus, les chiffres que vous nous avez indiqués permettent également de penser que, grâce à la cession d'actifs, il sera possible de stabiliser notre endettement à 66 % du PIB, soit un taux qui n'est pas trop éloigné du taux de 60 %, qui est le critère absolu.
À cet égard, je me permets de faire trois propositions.
D'abord, il faut vraiment accélérer la cession des immeubles publics qui sont trop nombreux et qui représentent, avez-vous dit, 36 milliards d'euros. Une politique menée sur dix ans avec un montant des cessions qui serait non plus de 600 millions d'euros comme il devrait être cette année, mais de 3 milliards ou 4 milliards d'euros, permettrait d'accélérer le désendettement.
Ensuite, pourquoi ne pas utiliser la totalité, et non plus une partie, des cessions d'actifs, notamment des participations dans les entreprises, pour se désendetter ?
Enfin, voilà quelques années, j'avais dit ici que la gestion de la dette faite par le Trésor public était beaucoup moins efficace que celle qui était faite par nos collectivités territoriales, ces dernières ayant beaucoup développé les crédits de trésorerie, les swaps, bref, l'ensemble des opérations sur les marchés financiers.
L'État s'y est mis : vous nous avez parlé de France Trésor et du Service France domaine. C'est très bien, mais il faut faire encore mieux afin que l'équilibre que vous nous présentez ne soit pas mis en péril par une remise en cause du début de désendettement en raison du risque évident d'augmentation des taux d'intérêt.
Après l'endettement, le deuxième élément qui me paraît marquer un tournant important dans ce budget est le plafonnement, c'est-à-dire le bouclier fiscal et la réforme de la taxe professionnelle.
J'approuve totalement votre théorie du bouclier fiscal. En effet, nous devons donner à nos partenaires européens, à nos entreprises, à nos chefs d'entreprise, aux ménages, aux cadres qui vont venir travailler ici une indication chiffrée. Vous avez choisi de ne pas intégrer la CSG, afin de ne pas faire apparaître un taux de plafonnement des impôts trop important, taux qui, avec la CSG, aurait atteint 70 % ! En revanche, vous intégrez l'impôt sur le revenu, l'impôt de solidarité sur la fortune et les impôts locaux, ce qui, je crois, est une bonne chose.
Contrairement à ce qui a été dit par certains ici, je suis persuadé - les maires que nous sommes connaissent bien le « terrain » sur lequel nous travaillons - que le plafonnement à 60 % est important, car il permettra de régler la situation de petits contribuables, notamment les chefs de petite entreprise, les artisans, les petits commerçants, les cadres en difficulté parce qu'ils se sont brutalement retrouvés au chômage, et je vous félicite d'avoir recouru à cette opération.
Bien sûr se pose le problème de la récupération des sommes qui auront été remboursées. Vous connaissez ma thèse à l'égard des collectivités locales : sauf à monter une formidable usine à gaz, il est impossible de demander le remboursement à chaque collectivité du trop-perçu. Vous proposez une mesure globale par prélèvement sur la DGF. Le Gouvernement vient de le faire dans le cadre de la recentralisation d'un certain nombre de compétences, notamment sur la santé, la tuberculose, etc. Vous avez prélevé sur la DGF de cette année une somme de 41 millions d'euros.
M. Henri de Raincourt. C'est excessif !
M. Jean-Pierre Fourcade. Elle est ici de 40 millions à 43 millions d'euros sur une masse de 37 milliards d'euros, ce qui n'aura donc pas de conséquences trop graves. Encore faut-il que tout le monde soit responsable. Ce sera l'objet de mon dernier point.
La solution que vous avez adoptée pour la taxe professionnelle est bonne. J'ai participé, comme certains d'entre nous, à la commission Fouquet. Nous étions conscients des bouleversements qu'entraîne tout changement d'assiette.
M. Jean-Pierre Fourcade. Ayant vécu le premier, je n'envisageais pas d'en vivre un second ! Ceux qui y gagnent ne disent rien, ceux dont la situation est inchangée se demandent pourquoi ils n'ont pas constaté une baisse de leurs cotisations, et ceux qui voient leur note augmenter poussent des cris et mobilisent l'ensemble de l'opinion publique ! Vous avez donc eu raison de ne pas vous engager dans une telle opération.
Mais je crois qu'il faut insister sur deux points.
D'abord, le plafonnement à 3,5 % de la valeur ajoutée va permettre aux entreprises qui sont compétitives et qui veulent se développer sur le marché mondial d'avoir la garantie qu'elles ne seront pas surtaxées.
Ensuite, le plafonnement répare l'une des erreurs graves commises par le gouvernement socialiste, notamment par M. Strauss-Kahn, ...
Mme Nicole Bricq. On y revient !
M. Jean-Pierre Fourcade. ... qu'on dit être un excellent économiste ! Au lieu de supprimer la taxation des investissements, ce qu'il fallait faire pour préserver la compétitivité de nos entreprises et donner à ces derniers une bonne situation, il a cédé au chant des sirènes et a choisi de détaxer la part salaires de la taxe professionnelle, ce qui ne pouvait que se traduire par un recul de l'investissement productif et par la délocalisation d'un certain nombre d'entreprises. Il était donc important de décider un plafonnement.
Toutefois, il conviendrait de le réduire à 3 % ou à 2,5 % les années prochaines pour garantir aux collectivités territoriales, notamment aux communautés d'agglomération et aux communautés urbaines dont c'est la ressource importante, une ressource pérenne. Dès lors, les entreprises pourront investir dans de bonnes conditions.
On a beaucoup parlé des 35 heures, mais la réduction en matière de taxe professionnelle et le refus de créer en France des fonds de pension sont des erreurs aux conséquences beaucoup plus graves à terme sur l'évolution de notre pays dans la compétition mondiale. C'est pourquoi je suis beaucoup plus sévère sur ces erreurs-là que sur la première.
Enfin, le dernier élément intéressant dans ce projet de budget est l'appel à la responsabilité des différents acteurs : les ministres dans le cadre des nouvelles organisations de la loi organique et donc de leurs administrations, les dirigeants des collectivités locales puisque, aussi bien pour le bouclier fiscal que pour la taxe professionnelle, s'ils décident des taux trop élevés, ils auront un certain nombre de choses à payer.
La responsabilité doit être étendue aux dirigeants des caisses de nos régimes sociaux et à l'ensemble des acteurs de la vie économique, car nous sommes dans un système trop opaque, dans lequel chacun se défile et tente de transférer les responsabilités sur d'autres.
Votre budget marque bien, surtout avec la réforme de la loi organique relative aux lois de finances, cet appel à la responsabilité. Nous ne pourrons redonner à notre pays sa place dans l'Europe et dans le monde qu'en faisant davantage appel à la responsabilité.
Cette responsabilisation aura de nombreuses conséquences : il faudra l'intégrer dans nos programmes scolaires, dans nos programmes de formation, dans l'avancement des fonctionnaires, etc. Mais c'est essentiel.
En conclusion, ce budget marque une pause dans l'endettement, crée des plafonnements aux prélèvements qui sont des indications données au monde entier et fait appel à la responsabilité de l'ensemble des acteurs économiques. C'est pour ces trois raisons que je tiens à le voter et que je vous soutiendrai dans cette partie difficile qui est la vôtre en 2006. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Eric Doligé.
M. Eric Doligé. M. le président souhaite que les orateurs ne dépassent pas un temps de parole de dix minutes : je vais donc vous demander d'être très attentifs, monsieur le ministre, mes chers collègues, car, les éléments que je tiens à vous communiquer étant nombreux, je les exprimerai très vite ! (Sourires.)
Mais ne vous inquiétez pas, monsieur le ministre, je ne dirai rien de désagréable, et cela finira bien ! (Nouveaux sourires.)
Ce matin, le rapporteur général du budget, M. Philippe Marini, nous disait : « Soyons modestes, ambitieux et courageux. » Je vais m'efforcer de mettre à profit ces trois recommandations. Modeste, ce sera facile pour moi. Ambitieux, je vais essayer de l'être pour notre économie. Courageux, cela revient à vous dire ce que je pense et, en cela, vous pouvez compter sur moi.
J'ai le plaisir de vous dire que la présente loi de finances est révélatrice d'avancées intéressantes. Le critère qui caractérise désormais un bon budget n'est plus de démontrer qu'il a progressé d'une année sur l'autre. Notre discussion devrait donc échapper au travers qui consiste, selon que l'on se situe dans la majorité ou l'opposition, à voir le verre à moitié vide ou à moitié plein !
L'horizon s'éclaircit. Nous osons enfin aborder le débat budgétaire sous l'angle de l'efficacité et de la mesure du résultat. Le citoyen doit savoir si son investissement au travers de ses impôts et taxes a été bénéfique pour le pays.
Mardi, lors de son audition devant la commission des finances, le ministre d'État, ministre de l'intérieur, a démontré qu'il était possible d'optimiser les crédits votés et d'obtenir des résultats. Celui qui paye des impôts préfère que la police arrête des voyous, plutôt que d'observer ces derniers, et que les personnes en situation irrégulière soient reconduites dans leur pays, plutôt que d'être hébergées aux frais de l'État et des collectivités.
M. Henri de Raincourt. Bravo !
M. Eric Doligé. Il y a là des objectifs, des résultats et une politique.
Ce matin, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, Thierry Breton, a bien voulu nous rappeler qu'il fallait un État fort et régalien. Nous l'approuvons et il faut continuer dans cette direction.
Cette loi de finances nous permet de découvrir l'amorce de choix politiques intéressants : maîtrise et simplification du système fiscal, priorité à l'emploi, attractivité de la France, meilleure justice fiscale et sociale, préparation de l'avenir, travail mieux rémunéré que l'inactivité.
Je prends volontiers acte de ces éléments positifs et des orientations nouvelles affichées avec détermination. Mais l'on peut encore entrevoir, ici ou là, une certaine retenue ou timidité à briser les habitudes qui pèsent sur notre budget et notre économie.
Je vais essayer modestement d'avancer quelques réflexions, voire quelques propositions.
La création d'emplois marchands, ceux qui sont productifs de richesse nationale, ne peut se faire que dans un environnement favorable. Cette notion est très présente dans le corps de réflexion gouvernemental, mais il faut passer un peu plus aux actes.
Notre environnement franco-français a encore certains progrès à faire pour convaincre l'entreprise qu'elle est bien le coeur de cible de notre action économique et que nous avons intégré que c'est en elle que se trouve la création des richesses.
La complexité législative et la complexité réglementaire ne sont plus acceptables ni supportables dans un monde des échanges qui ne connaît plus les frontières et où celui qui produit peut voyager et déplacer les lieux de production au gré de ses intérêts.
Implanter en France relève d'un parcours initiatique qui, parfois, frôle le châtiment ! Ce n'est pas une clause de style, c'est la réalité du quotidien d'un exécutif départemental qui s'intéresse à l'économie et doit déployer des trésors d'ingéniosité pour retenir l'intérêt de l'entreprise candidate à l'implantation.
Je reprendrai l'image du steeple-chase que Philippe Marini nous a présentée ce matin.
Le premier obstacle est la Direction régionale des affaires culturelles, ou DRAC, qui va diagnostiquer et prescrire des fouilles pour des coûts représentant souvent plusieurs fois la valeur du terrain, sans aucun contrôle, alors que les services fiscaux ont pris plusieurs mois pour estimer le terrain et imposer un prix.
La Direction régionale de l'environnement, ou DIREN, qui a toujours des espèces rares à protéger, herbes rares ou scarabées dorés, est souvent le deuxième obstacle. Vous n'imaginez pas le nombre d'espèces rares que nous foulons chaque jour sans la moindre précaution !
Puis vient la Direction régionale de l'industrie, de la recherche et de l'environnement, ou DRIRE, qui va éplucher à juste titre l'autorisation d'exploiter.
Les pompiers vont ensuite être « missionnés » par le préfet pour vérifier le diamètre des canalisations.
La Direction du travail vérifie que chaque salarié voit bien la lumière du jour de son poste de travail, en oubliant bien souvent que ses propres fonctionnaires travaillent dans des bureaux aveugles ! (Sourires.)
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Eh oui !
M. Eric Doligé. En toute logique, la Direction départementale des affaires sanitaires et sociales, ou DDASS, aura son mot à dire sur les conditions sanitaires.
En dernier ressort, la Direction départementale de l'équipement, ou DDE, s'apercevra probablement que l'implantation choisie n'est finalement pas la bonne et qu'il faut tout reprendre à zéro !
Ainsi, les mois s'égrènent avec, en prime, l'application des lois sur l'eau, sur l'air, sur le bruit et, pour couronner le tout, les enquêtes publiques.
Bien souvent, le temps de se retourner, et l'entreprise est partie développer ses emplois dans un autre pays !
Bien sûr, nous sommes tous favorables à des implantations bien réfléchies et respectueuses des normes, mais attention au zèle français et veillons à ne pas créer des contraintes là où nos concurrents n'en ont pas.
Monsieur le ministre, cela ne coûte rien au budget d'organiser tout cela et de désigner un chef de file dont l'objectif pourrait être de mener ses dossiers dans un délai contraint et contractualisé. Selon le dicton, « Le temps, c'est de l'argent ! » Cela permettrait effectivement à l'État de faire des économies et, de plus, cela lui rapporterait, car plus il y a d'entreprises et plus tôt elles produisent, plus elles lui rapportent d'argent ! Faisons en sorte que le temps de l'entreprise soit celui de l'administration, et non l'inverse.
Mais il est une autre contrainte, après celle qui est liée au poids de la réglementation : celle des 35 heures.
Depuis cette loi malheureuse, certains veulent toujours faire croire que le partage du travail crée l'emploi.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Ils ont tort !
M. Eric Doligé. Notre expérience de terrain nous démontre que c'est là une vue de l'esprit ou, plus exactement, un raisonnement simpliste et à courte vue.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Sophisme !
M. Eric Doligé. Thierry Breton nous a bien redit ce matin et à juste titre que c'est l'emploi qui crée l'emploi.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Absolument !
M. Eric Doligé. Ne refusons plus de voir ce qui se passe chez nos voisins et même de plus en plus chez nous. En France, dans nombre d'entreprises, les syndicats acceptent de revoir les horaires à la hausse pour sauver des emplois, pour participer à la baisse des prix de revient et donc à la compétitivité.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Absolument !
M. Eric Doligé. Quant à la complexité de notre droit du travail, elle n'est plus à démontrer, et elle repousse certaines entreprises à venir s'installer chez nous.
Il en est de même de l'insécurité juridique et fiscale. J'approuve tout à fait votre objectif visant à rendre l'environnement fiscal de l'entreprise plus favorable, monsieur le ministre. L'allégement de la fiscalité sur les investissements nouveaux et le plafonnement de la taxe professionnelle vont certes dans le bon sens, mais il faut stabiliser et sécuriser la situation.
Contrairement à l'État, l'entreprise n'a pas une vision budgétaire annuelle. Lorsqu'elle investit, elle veut et doit avoir des perspectives à cinq ans, voire à dix ans. Le retour sur investissement est une notion d'entreprise bien légitime.
En rentrant ce matin, à une heure, après le débat relatif au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006, j'ai entendu qu'on avait décidé d'imposer une nouvelle taxe sur les billets d'avion. Je remets en cause non pas l'objectif, mais le moyen. Vous allez faire plaisir à nos concurrents, comme l'aéroport de Bruxelles ! C'est, à mon avis, un mauvais coup porté à notre économie.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je le crains !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Oui !
M. Eric Doligé. De même, vous n'avez pas dit, monsieur le ministre, quel avenir vous réserviez à la TVA à 5,5 %. Dans le secteur du bâtiment, nous savons que cette baisse de TVA a été positive pour les emplois, pour l'activité et pour les recettes de l'État ; il faut que celle-ci soit reconduite. De la même façon, tous les restaurateurs attendent que la promesse qui leur a été faite d'abaisser le taux de TVA à 5,5 % soit tenue.
J'aborderai maintenant une autre question qui nous pénalise très fortement et qui est souvent considérée comme provocatrice - mais ce n'est que par idéologie -, je veux parler de l'impôt de solidarité sur la fortune.
Confisquer les revenus de ceux qui sont soumis à l'ISF n'enrichira pas ceux qui sont moins riches !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Exactement !
M. Eric Doligé. Au contraire, la France en subit tous les effets pervers. N'ayons pas honte d'être un pays dans lequel on peut s'épanouir et réussir, et je remercie le Gouvernement d'avoir fait quelques gestes en ce sens, même s'il peut encore mieux faire.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !
M. Eric Doligé. À l'occasion de l'ouverture du capital d'EDF, je ne peux pas ne pas évoquer rapidement le choix du Gouvernement d'ouvrir le capital de certaines entreprises d'État.
Près de cinq millions de particuliers ont acheté des actions EDF au prix de trente-deux euros. Jusqu'à présent, jamais une privatisation partielle n'avait connu un tel succès. France Télécom avait attiré 3,8 millions de souscripteurs, tandis que Gaz de France en avait attiré 3,1 millions.
Le succès sans précédent de l'opération EDF vient de bousculer un certain nombre de schémas beaucoup trop réducteurs. Les syndicats, campés dans leurs certitudes et leur conservatisme, voudraient faire croire que les Français ne s'intéressent qu'aux actions revendicatrices. La preuve est faite qu'ils s'intéressent aussi aux actions en capital.
L'afflux des demandes montre que EDF reste bien l'entreprise préférée des Français, ce que l'on savait depuis la tempête de décembre 1999. Mais le camouflet le plus sévère infligé aux syndicats est venu des salariés d'EDF eux-mêmes. En effet, sur un total de 161 310 salariés, 100 000 d'entre eux ont souscrit à l'offre de privatisation. Plus de 50 % des électriciens ont donc cédé à l'horrible tentation capitalistique. On ne peut s'empêcher de rapprocher ce pourcentage, supérieur à 50 %, de celui des grévistes - 8 % - qui avaient répondu à l'appel de la CGT, le 8 novembre dernier, pour dénoncer la privatisation d'EDF. Le Gouvernement a remporté là une victoire évidente ; il faut continuer en ce sens.
Mme Nicole Bricq. Attendons de voir !
M. Eric Doligé. J'évoquerai maintenant diverses pistes devant concourir à améliorer la situation.
Peut-on parler des effectifs de la fonction publique ? Il faut promouvoir fortement la gestion prévisionnelle des effectifs. Ce n'est ni une hérésie ni une provocation ; ce n'est que réalisme. La pyramide des âges est là pour nous y aider.
Est-ce un acte d'irrespect que d'annoncer, comme l'a fait Georges Tron, que l'on pourrait aisément ne pas remplacer durant dix ans la moitié des fonctionnaires partant à la retraite ?
La fonction publique représente 42,8 % du budget. En 2006, on avait prévu de réduire de 5 200 postes les effectifs de la fonction publique, qui s'élèvent à 2,3 millions, soit 0,0022%. À la suite des problèmes soulevés dans les banlieues, on a annoncé la création de 5 000 emplois. Nous sommes donc à « zéro volume ».
Monsieur le ministre, vous avez une opportunité dans le cadre de la décentralisation : négocier avec les collectivités afin que les transferts correspondent à des économies d'échelle et non pas à une inflation des effectifs résultant de la résistance des corporatismes.
La décentralisation concerne entre autres la DRAC, la DDE, la DDASS et l'éducation nationale. Compte tenu de la difficulté actuelle des négociations avec la DDE, je puis vous assurer que nous allons connaître une inflation des effectifs : l'État ne sait pas réduire la voilure, car ce n'est pas dans sa culture.
Monsieur le ministre, il est toujours difficile d'élaborer un budget ; néanmoins, vous avez la chance de vous trouver dans un environnement favorable, grâce, il est vrai, à l'action du Gouvernement.
En effet, comme vous l'avez indiqué, la croissance repart, les exportations s'améliorent, les enquêtes de conjoncture sont plutôt optimistes. Alors, pensez aux collectivités et notamment aux départements, qui ont eu à supporter hier le revenu minimum d'insertion, le RMI, l'allocation personnalisée d'autonomie, l'APA, les 35 heures et les services départementaux d'incendie et de secours, les SDIS ; ils supportent aujourd'hui la suppression de la vignette, la taxe professionnelle plafonnée, le bouclier fiscal et qui, demain, devront supporter le handicap et le transfert de nouvelles charges, sans compensation intégrale.
La formule « à l'euro près » est douce à entendre, mais elle n'est pas, à ce jour, une réalité. Je puis le démontrer, au travers de nombreux exemples, tels que, notamment, s'agissant des routes, le décroisement des financements, notion perverse, ou encore les contractuels de l'éducation nationale. En l'état actuel des choses, tous les départements calent leur budget sur une hausse de 5 % à 10 %. Cela ne peut satisfaire les exécutifs. Au cours de cette discussion budgétaire, il faudra que vous acceptiez de reconnaître, monsieur le ministre, que le compte n'y est pas.
M. Michel Mercier. Très bien!
M. Eric Doligé. Nous pouvons également réfléchir sur une réorganisation territoriale. En effet, l'apparition de nouveaux échelons et leur multiplication - pays, syndicats, intercommunalités - ont certes amélioré sur certains points l'efficacité locale, mais à quel prix.
Monsieur le ministre, je compte sur vous pour être, au cours de cette discussion, comme vous l'avez dit, une maison de verre. Il faut que vous soyez sincère et responsable et que vous reconnaissiez que vous pouvez améliorer les dispositifs susceptibles de favoriser le développement de l'entreprise et faire en sorte que les collectivités, notamment les départements, ne soient pas la soupape du trop-plein des charges de l'État.
Monsieur le ministre, vous constaterez que j'ai été modeste, ambitieux et courageux. J'irai au bout de mon courage en soutenant totalement ce projet de budget. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Yves Fréville.
M. Yves Fréville. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, bien que ce projet de budget ne fasse que stabiliser le déficit budgétaire, je le voterai moi aussi.
En effet, ce projet de budget porte en lui une politique courageuse et ambitieuse visant à restaurer la compétitivité de la France. À mon sens, c'est la seule façon de desserrer l'étreinte de l'endettement que nous connaissons et que la maîtrise des dépenses publiques seule ne parviendra pas à réduire. Il nous faut de la croissance.
Je me poserai quatre questions relatives à l'équilibre budgétaire en me référant, très modestement, à certains chiffres.
Tout d'abord, monsieur le ministre, votre marge de manoeuvre est-elle surévaluée ?
Les chiffres le prouvent, notre marge de manoeuvre est faible. L'évolution spontanée des recettes, hors indexation du barème de l'impôt sur le revenu, n'est que de 12,5 milliards d'euros. On peut certes y ajouter quelques recettes non fiscales, mais le total n'est que de 14 milliards d'euros. C'est moins que la marge dont disposait M. Lambert, alors ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire, voilà deux ans, et ce n'est guère plus que celle de l'année dernière.
On peut donc se demander s'il s'agit d'une évaluation sincère. Considérant l'évolution de la conjoncture actuelle, je dirai « oui » et j'avancerai un argument supplémentaire : le Gouvernement a été prudent en matière de ce que l'on appelle techniquement « l'élasticité ». En effet, celle-ci est faible. La marge de manoeuvre n'est donc pas surévaluée.
Cependant, ce qui me paraît grave - permettez-moi de le dire -, c'est que, depuis quatre ans, notre croissance potentielle, c'est-à-dire le maximum que nous pouvons atteindre, est restée à un niveau très bas, très inférieur à celui qui était enregistré auparavant. Bien que notre consommation domestique soit satisfaisante, que les investissements en logements dépassent le nombre de 400 000 par an, il faut que cette croissance potentielle augmente.
L'évaluation dont nous disposons est donc correcte.
Ensuite, comment partager cette marge de manoeuvre entre l'État, les collectivités locales, la réduction d'impôts ? Je connais les choix que le Gouvernement a faits.
Le premier choix était contraint : vous avez proposé, monsieur le ministre, une réduction d'impôts de 3,9 milliards d'euros. C'est bien sûr la conséquence de décisions passées. Mais n'était-il pas souhaitable de réduire la taxe professionnelle sur les investissements nouveaux ? N'était-il pas souhaitable de déduire les intérêts des prêts à la consommation du revenu imposable ? Je regrette la méthode choisie, mais je constate que ce fut un bon choix. Il n'empêche que ces réductions d'impôt représentent 28 % de la masse disponible.
Le deuxième choix a été de considérer comme logique que les collectivités locales qui investissent aient plus que la norme que se réservait l'État. Là aussi, en respectant le contrat de croissance et de solidarité, l'État a bien fait de favoriser légèrement - c'était une décision difficile à prendre - les collectivités locales. J'ai notamment constaté que les crédits octroyés au Fonds de compensation pour la TVA dépassent 4 milliards d'euros. De plus, le FCTVA progresse de 6 %, en raison de l'augmentation de l'investissement local ; ce dernier est donc porteur de croissance. Ce deuxième choix est par conséquent positif.
Que faire du solde ? Vous appliquez la norme de croissance de 1 %, règle d'argent - la règle d'or serait d'arriver en valeur au taux de 0 % -, ce qui vous permet de dégager une certaine marge.
Je constate que vous avez directement favorisé l'emploi des personnes les plus modestes, en prévoyant une augmentation de la prime pour l'emploi à hauteur de 500 millions d'euros et, indirectement, en consolidant les allégements de charges à hauteur de 1,9 milliard d'euros qui seront transférés à la sécurité sociale.
Je le dis clairement, plutôt qu'un inventaire à la Prévert, j'aurais préféré que l'on crée, ou plutôt que l'on recrée, puisque cela existait dans les années 1977 et 1978, un prélèvement sur les recettes de l'État en faveur de la sécurité sociale, ...
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Bien sûr !
M. Yves Fréville. ... qui aurait permis d'apprécier globalement ce transfert de charges. Toutefois, je vous en donne acte, vous avez porté votre effort sur les salariés de condition modeste.
Enfin, ce projet de budget est-il cohérent avec les souhaits que la majorité a exprimés au cours de la législature ?
Je constate que vous avez respecté les lois d'orientation et de programmation pour la justice, pour la sécurité intérieure et, je puis vous l'assurer en tant que rapporteur spécial de la mission « Défense », la loi de programmation militaire. Nous allons consolider notre marine avec les contrats des frégates multi-missions et des sous-marins nucléaires d'attaque. Je ne l'oublie pas, les dépenses relatives aux équipements militaires représentent actuellement, dans le projet de budget, près de 75 % des dépenses d'équipement. Je le dis clairement, au-delà de la loi de programmation militaire, se posera la question de la poursuite de l'effort.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Oui !
M. Yves Fréville. Cela étant, en tant que parlementaire de l'ouest de la France, je constate que cela va donner beaucoup de travail aux sièges de Lorient ou de Cherbourg, par exemple.
Par ailleurs, monsieur le ministre, ce budget est cohérent compte tenu de la volonté de réaliser des économies.
M. Marini, dans son excellent rapport, a fait état d'économies à hauteur de 900 millions d'euros. Même si je n'ai aucune raison de remettre en cause cette affirmation, j'aimerais que M. le ministre détaille ces économies, dont je me réjouis.
Enfin, ce budget est cohérent compte tenu de la priorité donnée à l'innovation et à la recherche. Ainsi, les crédits accordés aux nouvelles agences, l'Agence pour l'innovation industrielle et l'Agence nationale de la recherche ont été augmentés : 1 milliard d'euros cette année, 2 milliards, je l'espère, l'année prochaine, et 3 milliards dans deux ans, même si ce montant semble très important. Toutefois, n'allons pas trop vite. En effet, lorsqu'on engage une telle politique, rien n'est pire que d'avoir un jour à pratiquer une politique de stop and go. Faisons donc en sorte que cet effort, que j'approuve, soit correctement réparti dans le temps.
J'en arrive à ma dernière question. Ce budget est-il soutenable sur le long terme ?
Dans le « bleu » budgétaire - mais cette expression n'a plus lieu d'être -, on trouve une excellente présentation du budget, réalisée sur le modèle du budget d'une collectivité locale. On voit donc immédiatement apparaître la double charge de la dette.
L'addition de la dette viagère, à savoir les pensions des fonctionnaires, et de la dette financière, à savoir les emprunts que nous contractons régulièrement, représente aujourd'hui 30 % des dépenses de la France, et cet ensemble ne peut que croître car, même si l'on parvenait à limiter la dette financière en restreignant le recours à l'emprunt, nous serions néanmoins confrontés à l'explosion des pensions des fonctionnaires.
C'est pourquoi, monsieur le ministre, il faut avoir une politique claire à l'égard des autres composantes de la dépense publique, notamment des crédits d'intervention, qui représentent 60 milliards d'euros.
Vous avez engagé des audits sur les crédits d'intervention. S'il faut en effet y mettre bon ordre, il ne faut pas pour autant agir en considérant chaque individu ou chaque entreprise isolément, mais veiller à la cohérence de toutes ces interventions et s'assurer de leur évaluation.
Il faudra également engager un politique tendant à favoriser la productivité des fonctionnaires : si celle-ci augmentait de 0,5 %, il serait alors possible de gagner 11 000 emplois par an.
Mes chers collègues, nous empruntons 130 milliards d'euros alors même que nos investissements ne se montent qu'à 18 milliards d'euros. La différence est consacrée soit au remboursement de la dette en capital, soit au paiement des intérêts. Je souhaite ne plus revoir cette situation au cours des prochaines années !
C'est pour y mettre fin qu'il faut faire croître la productivité de la France. Ce budget y contribuera, et c'est pourquoi je le voterai. (Applaudissements sur les travées de l'UMP ainsi que sur certaines travées de l'UC-UDF.)
M. le président. La parole est à M. Simon Loueckhote.
M. Simon Loueckhote. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les événements qui ont ébranlé la métropole ces dernières semaines ainsi que les manifestations de violence qui se sont multipliées nous rappellent que notre politique en faveur d'une meilleure intégration des plus défavorisés afin de faire cohabiter des communautés d'origines et de cultures différentes est probablement insuffisante, tout comme le sont notre politique de lutte contre le chômage et celle que nous menons en direction d'une jeunesse en perte d'identité et en quête de repères.
Ce sont ces mêmes difficultés que nous vivons quotidiennement outre-mer, et ce depuis plusieurs années.
Prenons le cas du chômage. Il résulte notamment de l'inadéquation des demandes d'emploi aux besoins de l'économie, inadéquation qui est à l'origine d'une grande crispation sur le marché du travail.
C'est particulièrement un handicap dans nos collectivités d'outre-mer, où le tissu économique, encore très fragile, s'appuie sur une population moins nombreuse qu'en métropole et, par conséquent, sur un marché trop étroit et sur activités qui ne sont pas assez diversifiées.
Nos économies ultramarines sont encore très insuffisamment développées. Nous sommes donc contraints d'appliquer une politique interventionniste pour encourager leur modernisation et leur dynamisme. C'est pourquoi le soutien de la métropole est indispensable.
Or, depuis deux ou trois ans maintenant, lors de l'examen du projet de loi de finances, les commissions des finances de l'Assemblée nationale et du Sénat rappellent chaque année la nécessité absolue de réduire les dépenses publiques.
Bien entendu, cette volonté est tout à fait louable, et nous la partageons tous, à plus forte raison dans le contexte budgétaire actuel.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Très bien !
M. Simon Loueckhote. Ce qui est moins louable, a contrario, c'est de pointer du doigt dans le même temps - et de façon récurrente - ce qu'on appelle communément les « niches fiscales » et « privilèges » accordés à l'outre-mer.
D'aucuns pourraient, par un raccourci facile, laisser à penser que les populations ultramarines sont responsables du déficit budgétaire de l'État.
Mes chers collègues, je m'insurge contre cette vision simpliste, réductrice, voire extrêmement dévalorisante pour nos collectivités.
Je voudrais d'ailleurs emprunter à François Baroin, ministre de l'outre-mer, sa formule selon laquelle, « en outre-mer, on ne parle pas de niches fiscales mais de rattrapage économique ».
Je regrette vivement que certains de nos collègues persistent, de cette manière, à vouloir focaliser l'attention sur la notion d'évasion fiscale : cela occulte les véritables objectifs de toutes ces mesures, à savoir l'amélioration de la situation économique et sociale des populations ultramarines par une transformation profonde et durable de l'outil de production des collectivités concernées.
Prenons l'exemple très révélateur du taux de chômage : je rappelle qu'il s'établit encore en moyenne à 23 % dans les départements d'outre-mer et qu'il dépassait 30 % au cours de la dernière décennie, soit un taux trois fois supérieur à celui de la métropole.
De même, la part des moins de vingt-cinq ans dans l'ensemble des demandeurs d'emploi des DOM est passée, en dix ans, de 23 % à 15 % grâce au dispositif d'aide à l'emploi des jeunes.
Cela signifie que les mesures de soutien à l'emploi salarié ont d'ores et déjà porté leurs fruits.
Pour autant, aujourd'hui encore, le taux de chômage, dans les DOM est encore deux fois plus élevé qu'en métropole. Il dépasse en effet la barre des 20 %.
Je ne crois pas que l'on puisse nier, au vu de tels constats, la nécessité d'un rattrapage.
Selon plusieurs autres indicateurs, le rattrapage économique et social est bien en marche. En attestent le taux de création d'entreprises, qui a été supérieur en 2003 dans les DOM à ce qu'il a été dans l'ensemble des régions métropolitaines, ou encore l'importance de la croissance en valeur du produit intérieur brut de ces départements.
De plus, nombre d'entre vous dénoncent l'impact sur le budget de l'État de la défiscalisation des investissements réalisés dans les départements et collectivités d'outre-mer, en minimisant ses effets induits sur l'emploi.
Vous n'ignorez pas, pourtant, avec quelle rigueur les agréments de défiscalisation sont délivrés par Bercy, dont les décisions sont étroitement liées à l'engagement pris par les promoteurs de créer des emplois directs !
Cet important dispositif a notamment permis, de 1995 à 2003, le financement d'investissements qui se sont accompagnés de la création de 8 000 emplois dans les DOM.
Pour la seule année 2003, s'agissant des collectivités d'outre-mer, 843 emplois directs ont été créés, dont 513 en Polynésie française et 291 en Nouvelle-Calédonie.
Ne stigmatisons pas l'outre-mer ! Il n'y a pas d'opposition entre les intérêts des ultramarins et ceux des métropolitains.
Il nous est essentiel de bénéficier de la solidarité nationale dans notre entreprise de transformation et de modernisation de nos économies.
L'effort budgétaire et financier que l'État consacre, chaque année, à chaque département, à chaque région ou à chaque collectivité d'outre-mer est un outil efficace au service du développement économique de l'outre-mer, et donc de la France !
En outre, je demande solennellement à la Haute Assemblée de réfléchir au coût politique, économique et social que pourrait représenter, actuellement, un désengagement de l'État outre-mer.
Pourtant, cette année encore, l'outre-mer s'est retrouvé « sur la sellette » avec l'article 61 du projet de loi de finances pour 2006, relatif au plafonnement de certains avantages fiscaux au titre de l'impôt sur le revenu, et l'article 73, relatif à la réforme des exonérations spécifiques de cotisations employeurs applicables dans les départements d'outre-mer.
L'intergroupe parlementaire de l'outre-mer, que je préside, s'est mobilisé, au-delà de toutes les sensibilités politiques. En l'espèce, il s'agissait bien de défendre des intérêts communs !
Je saisis d'ailleurs cette occasion pour remercier l'ensemble de mes collègues de l'outre-mer de leur engagement et de leur détermination.
Nous avons été reçus à deux reprises par le Premier ministre, à qui je tiens à exprimer une nouvelle fois toute ma gratitude pour son sens de l'écoute et pour l'intérêt qu'il a témoigné à l'ensemble de ses compatriotes de l'outre-mer. Nous avons en effet pleinement conscience que sa décision intervient dans un contexte budgétaire extrêmement difficile.
Il s'est alors engagé, au nom du Gouvernement, à ce que soit modifié l'article 61 du projet de loi de finances et à ce qu'en soit supprimé l'article 73. C'est avec soulagement que j'ai constaté que nos collègues députés ont finalement adopté des amendements en ce sens.
Il a donc été admis que toute modification du cadre prévu par la loi « Girardin » du 21 juillet 2003 de programme pour l'outre-mer ne pouvait être envisagée en l'absence d'une véritable lisibilité de l'efficacité du dispositif, argument que les parlementaires de l'outre-mer ont fait valoir dans ce débat.
Nous sommes parfaitement conscients de l'effort de solidarité de la métropole à l'égard des collectivités que nous représentons, mais nous n'avons jamais été des adeptes de la main tendue : nous sommes tout autant soucieux de notre devoir de contribuer à la richesse nationale.
C'est pourquoi, au nom de mes collègues ultramarins, j'ai suggéré au Premier ministre, au cours de nos rencontres, que soit déposé un amendement tendant à constituer dans les meilleurs délais une commission d'évaluation en vue de la rédaction du rapport prévu à l'article 38 de la loi du 21 juillet 2003. Je me réjouis de l'adoption de cet amendement par l'Assemblée nationale.
Cette commission devra présenter à la fin du premier semestre de 2006 le rapport évaluant l'impact socioéconomique de l'ensemble des dispositifs mis en place par la loi de programme pour l'outre-mer.
Il s'agit, de la part des parlementaires de l'outre-mer, d'afficher leur volonté très claire de participer à la réflexion sur l'évaluation des mesures prises en faveur de leurs collectivités ainsi qu'à la recherche de solutions appropriées.
C'est la raison pour laquelle nous avons proposé une constitution tripartite de cette commission, en prévoyant qu'y seraient représentés le Gouvernement, les commissions des finances de l'Assemblée nationale et du Sénat et les parlementaires de l'outre-mer.
Au sein de l'intergroupe parlementaire de l'outre-mer, nous sommes persuadés que ce travail d'évaluation permettra de démontrer à la collectivité nationale l'efficacité de l'ensemble du dispositif de soutien au développement économique et social des collectivités ultramarines, en vigueur depuis 2003.
Cela n'exclut pas de suggérer, le cas échéant, des ajustements quant au champ et à l'intensité des mesures : nous ne contestons pas la légitimité d'une telle démarche. J'ai d'ailleurs moi-même proposé d'étendre la mission de cette commission à l'évaluation de l'impact de l'ensemble des dispositions spécifiques à l'outre-mer susceptibles de contribuer à son développement économique et social.
Quoi qu'il en soit, ce n'est pas la première fois que de telles études d'impact sont réalisées. Ainsi, de nombreux indicateurs ont déjà prouvé que l'effort contributif des populations ultramarines est d'autant plus important que nos outils de production sont modernes et efficaces.
Il a d'ores et déjà été démontré que le niveau de contribution aux recettes fiscales nationales des départements d'outre-mer croît de manière continue depuis plusieurs années grâce aux dispositifs de réduction ou d'exonération d'impôts de l'État sur place.
Personne parmi nous ne redoute les effets d'une telle évaluation du moment que ce travail global met en exergue le coût net de ces dispositions relativement à un ensemble d'effets induits, et du moment que les parlementaires de l'outre-mer sont associés à ces travaux.
Cependant, je tiens à souligner, mes chers collègues, que cet exercice ne saurait se limiter à une vision strictement budgétaire et nous faire oublier tous les atouts qu'offrent, en retour, les départements et les collectivités d'outre-mer à la nation.
Comme vous le savez, il n'existe pas un outre-mer uniforme, mais des départements et des collectivités qui sont tous situés à des carrefours stratégiques majeurs - dans les Caraïbes, dans l'océan Indien ou dans le Pacifique - et qui, par leur seule position géographique, donnent à la France une assise pour la mise en oeuvre de sa politique étrangère et de défense.
Je rappelle également qu'avec 2,5 millions de nos compatriotes vivant dans nos collectivités d'outre-mer, ce qui correspond à seulement 4 % de la population française estimée en 2004, la présence de la France et de l'Europe est assurée sur les trois océans.
La Polynésie française, la Nouvelle-Calédonie, les îles Wallis et Futuna, Saint-Pierre-et-Miquelon, Mayotte et les Terres australes et antarctiques représentent 91,2 % de la zone économique exclusive nationale, soit un potentiel extraordinaire en termes de ressources marines.
Des préoccupations budgétaires, au demeurant légitimes, ne sauraient nous conduire à minimiser l'extraordinaire rayonnement géographique, politique, économique et culturel de la France dans le monde grâce à ses collectivités d'outre-mer.
En raison de l'importance de leur jeunesse, les populations ultramarines se caractérisent toutes par un formidable dynamisme. Et j'insiste une fois de plus sur la richesse que représente la composition pluriethnique de nos sociétés, qui n'ont cessé d'évoluer par l'effet du métissage culturel.
Chacun d'entre nous peut aujourd'hui mesurer, dans le contexte de l'évolution de la société française, l'importance de la réussite de ce phénomène quand on le rapporte à l'ensemble de la nation.
Les économies ultramarines souffrent certes de nombreux handicaps, comme leur éloignement géographique de la métropole, l'étroitesse de leur marché qui compromet la rentabilité de l'activité économique, ou la concurrence d'autres économies situées à proximité, beaucoup plus compétitives.
Ce phénomène de concurrence est particulièrement pénalisant pour les productions agricoles des départements d'outre-mer, telles que le sucre et la banane, dont dépendent notamment la Guadeloupe, la Martinique et la Réunion.
Mais les populations d'outre-mer ont toujours eu la fierté et la détermination de relever le défi de leur développement économique, par l'utilisation de leurs ressources naturelles et par l'expérimentation de nouvelles filières.
Je pense notamment à la perliculture en Polynésie française ou à l'élevage de crevettes en Nouvelle-Calédonie, qui doivent leur essor à la détermination de petits promoteurs qui sont souvent partis de rien.
A titre d'exemple, la production de crevettes en Nouvelle-Calédonie était en augmentation de 30 % en 2004 par rapport à l'année 2003 et dépasse désormais les 2 200 tonnes.
D'importants efforts sont également réalisés dans l'ensemble de nos collectivités pour développer le tourisme, en termes tant d'investissements dans les infrastructures d'accueil que de promotion.
A cet égard, il faut souligner la place remarquable qu'occupe dans ce secteur d'activités la Polynésie française. Sa fréquentation la place à un très bon rang dans le Pacifique Sud, dans un environnement, rappelons-le, extrêmement concurrentiel.
Outre son importance, dans nos micromarchés, en termes de créations de revenus et d'emplois, vous savez combien l'activité touristique est un outil puissant au service de la promotion de la culture et du savoir-faire français dans le monde.
De toute évidence, mes chers collègues - et nous ne cesserons de vouloir vous en convaincre -, l'effort de la France à destination de ses plus lointains territoires est loin d'être vain. Les collectivités d'outre-mer dans leur ensemble ont toujours démontré leur réelle contribution à ce qui fait toute la richesse et toute la grandeur de la France ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP ainsi que sur certaines travées de l'UC-UDF.)
(M. Adrien Gouteyron remplace M. Christian Poncelet au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. Adrien Gouteyron
vice-président
M. le président. La parole est à M. Serge Dassault.
M. Serge Dassault. Monsieur le ministre, permettez-moi de vous féliciter d'avoir su faire un bon budget dans des conditions très difficiles, conséquences de décisions irresponsables fort coûteuses prises par certains de vos prédécesseurs.
Bravo aussi pour les décisions que vous avez prises en matière fiscale : elles sont un encouragement à l'activité des entrepreneurs et elles permettront un renouveau économique. Aucun gouvernement précédent n'avait agi de la sorte !
Certes, vous n'avez pas encore pu réduire suffisamment les dépenses de l'Etat et diminuer le déficit budgétaire, mais vous n'avez pas été aidé pour cela, en particulier par ceux qui s'accrochent à leurs avantages acquis, refusant toute réforme et paralysant le pays par des grèves qui ne peuvent qu'aggraver le chômage.
Ceux qui veulent conserver le service public devraient commencer par assurer correctement ce service au public ! En empêchant les usagers d'aller travailler, ils compromettent leurs emplois et ceux des usagers. Le droit de grève est certes prévu dans la Constitution, mais le droit au travail l'est aussi, et nul ne devrait pouvoir empêcher un autre de travailler !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !
M. Serge Dassault. Il y a des dépenses utiles, celles qui favorisent l'investissement pour préparer l'avenir, mais il y a des dépenses moins utiles, qui ne produisent aucune richesse, et les aides incitatives à la réduction du temps de travail en sont un triste exemple : cette charge, due à la démagogie irresponsable de Mme Aubry, oblige l'État à dépenser près de 10 milliards d'euros par an pour permettre à certains de ne pas travailler. C'est un comble !
Mme Aubry n'avait évidemment pas calculé les conséquences coûteuses de ces 35 heures, pas plus d'ailleurs que ceux qui proposent aujourd'hui d'augmenter le SMIC à 1 500 euros sans se préoccuper de l'impact financier de cette mesure pour les entreprises et pour l'État ! (Mme Nicole Bricq s'exclame.)
Ainsi, l'État doit aujourd'hui emprunter 10 milliards d'euros pour permettre aux Français de travailler moins. Ce n'est pas une bonne gestion, et il faut que cela cesse ! Songez, monsieur le ministre, à ce que serait votre budget avec 10 milliards d'euros de dépenses en moins : vous seriez plus heureux ! Pourquoi, par exemple, ne pas supprimer toute limitation aux heures supplémentaires et en ne les payant qu'au-delà de 39 heures ? Vous pourriez ainsi réaliser des économies tout en supprimant des charges pour les entreprises, qui retrouveraient leur liberté de gestion.
Mais ce n'est pas tout ! Vous avez décidé de transférer à la sécurité sociale la somme énorme de 19 milliards d'euros, financée par l'article 41, au lieu de la conserver dans le budget de l'État, comme en 2005. Cette somme correspond aux 10 milliards d'euros des 35 heures et aux exonérations de charges sociales jusqu'à 1,6 SMIC, qui augmentent de 2 milliards d'euros par an. Ainsi, vous réalisez cette opération pour ne pas faire apparaître une augmentation des charges budgétaires de 2 milliards d'euros par rapport au budget de 2005. Mais si vous aviez décidé de ramener ces exonérations de 1,6 SMIC à 1,5 SMIC, vous auriez économisé ces 2 milliards d'euros, et vous auriez pu ainsi ne pas augmenter les dépenses de votre budget !
De plus, si cette somme de 19 milliards d'euros est transférée au budget de la sécurité sociale, vous serez obligé de supporter cette charge éternellement, et votre budget continuera à être gravement déficitaire pour rien. Vous utiliserez pour le financer l'article 41, dont je souhaite le retrait.
Au contraire, en conservant cette somme de 19 milliards d'euros dans votre budget, vous pourriez diminuer chaque année l'allégement de cotisations sociales et supprimer peu à peu les aides aux 35 heures. Dans quelques années, vous diminueriez ainsi de 19 milliards d'euros les dépenses ! Ce n'est pas un rêve, mais, pour cela, il faut le vouloir car, quand on n'a pas les moyens de dépenser, on ne dépense pas, c'est un principe élémentaire de gestion.
Comme l'a préconisé M. Marini, soyons courageux !
Emprunter pour payer les charges des entreprises ne me paraît pas une utilisation efficace de nos recettes fiscales, que l'on devrait utiliser pour les investissements.
Je voudrais aussi rappeler qu'en 1997 toutes ces charges n'existaient pas, à l'exception d'une somme modeste de 197 millions d'euros due à l'exonération concernant le dispositif de Robien. Mais, pour 2006, ces 197 millions sont devenus 19 milliards d'euros ! Songez à ce qu'aurait été votre budget d'aujourd'hui si vous n'aviez eu que ces 197 millions d'euros à dépenser !
Il faut arrêter cette spirale mortelle, et cela ne dépend que de vous !
Dans le domaine de l'emploi, vous avez maintes fois annoncé, monsieur le ministre, que la lutte contre le chômage était votre priorité, et vous avez eu raison. Pour cela, vous proposez de dépenser 13,6 milliards d'euros, dont 7 milliards d'euros pour l'accès et le retour à l'emploi et 4,39 milliards d'euros pour l'accompagnement de mutations économiques, sociales et démographiques. Ce sont des sommes considérables, et j'aimerais savoir combien d'emplois auront été créés grâce à ces sommes à la fin de l'année.
En revanche, je ne vois rien dans votre budget qui permettrait aux entreprises de développer leur activité en leur accordant des crédits. Car on oublie trop souvent que ce sont les entreprises qui embauchent : il ne sert à rien de créer des aides à l'emploi, de mettre en place un plan d'aide au retour à l'emploi, des emplois aidés, bref d'inciter les chômeurs à travailler si aucune entreprise ne leur offre du travail !
Mais les entreprises n'embaucheront pas si elles ne peuvent pas bénéficier de la flexibilité de l'emploi. La garantie de l'emploi n'existe pas, et la rigidité de l'emploi n'aboutit qu'à la garantie du chômage. Ce sont les pays où la flexibilité de l'emploi est assurée qui connaissent le plus faible taux de chômage : 5 % au Danemark, en Angleterre, au Canada, contre 10 % chez nous et en Allemagne. Et, autre avantage non négligeable, la flexibilité ne coûte rien !
Vous pourriez ainsi consacrer une partie de ces 13,6 milliards d'euros du budget de l'emploi à des crédits en faveur des entreprises, pour la formation des chômeurs à des emplois disponibles.
En particulier, l'apprentissage à partir de quatorze ans, récemment décidé par M. le Premier ministre, est une excellente initiative pour former les jeunes à des emplois sûrs.
En diminuant peu à peu ces 19 milliards d'euros, en employant différemment les 14 milliards d'euros du budget de l'emploi et en appliquant la flexibilité, vous pourriez ramener peu à peu votre déficit à 27 milliards d'euros - peut-être même moins - au lieu de 46 milliards d'euros. Vous pourriez ainsi bénéficier d'une grande souplesse et vous n'auriez plus de souci s'agissant des critères de Maastricht.
Ce sont d'autres choix, mais ils seraient plus efficaces et moins coûteux.
Le contrat « nouvelles embauches » décidé par M. de Villepin est un pas vers la flexibilité et il aura, j'en suis sûr, un grand succès.
M. Serge Dassault. Quand je vois que le nouveau projet socialiste prévoit la suppression immédiate de ce contrat et le SMIC à 1 500 euros, sans se préoccuper des conséquences économiques et financières de ces mesures, je me demande dans quel monde vivent ces personnes et quand elles vont enfin comprendre la réalité de la vie économique et de la concurrence internationale à laquelle nous somme soumis, qu'on le veuille ou non !
Ce programme ne fera que précipiter encore plus la France vers le déclin et le chômage généralisé. Les Chinois, ex-communistes, l'ont bien compris, ainsi que la plupart des pays socialistes européens, qui, eux, n'ont plus ce comportement agressif de ne vouloir rien faire, d'être contre tout, de ne vouloir aucune réforme, de dépenser plus et de travailler moins ! (M. Marc Massion s'exclame.)
Enfin, monsieur le ministre, permettez-moi une dernière suggestion.
Je vous ai déjà présenté un nouveau système de répartition des charges sur les salaires dans les entreprises en ne faisant supporter à ces dernières que celles qui ont trait aux salariés, c'est-à-dire celles qui touchent le chômage et les retraites. Le reste, comme les allocations familiales et la sécurité sociale, ne concerne pas les entreprises : ces dépenses doivent être financées autrement, par exemple par un coefficient associé au chiffre d'affaires de l'entreprise, une fois déduite la masse salariale.
Cela permettrait de réduire le coût de production d'au moins 35 %, faciliterait les embauches et les augmentations de salaires. Cela permettrait aussi d'équilibrer les comptes de la sécurité sociale en adaptant ce coefficient aux besoins de son déficit, ce qui est impossible aujourd'hui, les dépenses et les recettes de la sécurité sociale étant totalement indépendantes.
Les entreprises de main-d'oeuvre paieraient moins et les entreprises de service paieraient plus, ainsi que les importateurs. Cela favoriserait l'emploi ! Je souhaiterais, monsieur le ministre, que vos services étudient ce système pour en mesurer les avantages et, peut-être, les inconvénients.
Voilà, monsieur le ministre, ce que je voulais vous dire. Vous avez tous les atouts pour réussir, et nous ferons tout pour vous aider. (Applaudissements sur les travées de l'UMP ainsi que sur certaines travées de l'UC-UDF.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Virapoullé.
M. Jean-Paul Virapoullé. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'ai estimé utile d'apporter la contribution des élus d'outre-mer à la réflexion de la nation sur son budget. Le budget, ce n'est pas seulement, en effet, une affaire d'expert, et je ne suis pas moi-même un expert,...
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Allons ! Allons !
M. Jean-Paul Virapoullé. ... mais un petit élu de base qui, à l'examen de ce projet de loi de finances, se dit que ce gouvernement a du courage.
Le Gouvernement a en effet la volonté de redresser la situation dans un contexte national et international difficile : en dépit de ce contexte, des améliorations importantes sont prévues telles que la réduction de l'impôt sur le revenu grâce à la modification des tranches d'imposition, la création d'un « bouclier fiscal », la réforme de la taxe professionnelle, ou encore l'amélioration de la prime pour l'emploi.
Par ailleurs, les élus d'outre-mer ont lancé un appel unanime pour que soient modifiés les articles 61 et 73 du projet de loi de finances pour 2006, de sorte que la loi de programme pour l'outre-mer soit respectée et que la commission d'évaluation ait le temps de faire son travail. Ils ont été entendus !
Mais, une fois ce budget voté, monsieur le ministre, aurons-nous la maîtrise des principaux outils qui fondent l'économie de ce pays ? Là est la vraie question !
Je vous dirai bien modestement, mais avec beaucoup de conviction, qu'à mon avis le contexte de 2005, et donc celui de 2006, n'est plus celui que j'ai connu lorsque j'étais plus jeune : aujourd'hui, l'influence nationale est moins importante que l'influence européenne.
C'est pourquoi je vais essayer de me livrer à une petite démonstration avant de conclure en vous proposant deux orientations.
Tout d'abord, nous ne maîtrisons pas les paramètres qui forment l'armature d'une loi de finances. Nous espérons que le taux de croissance atteindra entre 2 % et 2,5 %, mais qui peut l'assurer aujourd'hui, monsieur le ministre ? Personne, puisqu'un coup de Trafalgar en Asie ou aux Etats-Unis, par exemple, peut réduire à néant les efforts de nos entreprises, auxquelles il faut d'ailleurs rendre hommage car ce sont elles qui créent la richesse, et donc l'emploi.
Dans le même temps, le taux d'intérêt, qui est un facteur clé de notre économie, ne dépend ni de la représentation nationale ni du Gouvernement : il relève des gouverneurs des banques centrales et de la Banque européenne d'investissement, qui, il faut le dire, continuent à lutter contre une inflation qui n'existe plus, avec un taux d'intérêt à 2 %.
Même la politique salariale est influencée par les pays à faible coût de main-d'oeuvre : dans une économie comme la nôtre, qui a un taux d'ouverture de 30 %, nous devons nécessairement tenir compte de la concurrence des pays à faible coût de main-d'oeuvre ! Ainsi, selon les chiffres des dernières années, l'augmentation des salaires hors inflation s'élève à 0,5 %.
Puisque nous ne maîtrisons pas les bases de notre économie, maîtrisons-nous le cadre concurrentiel dans lequel elle évolue ? La réponse est encore pire, parce qu'un cadre concurrentiel fonctionne d'abord sur l'illusion grandissante que la division du travail est possible : aux pays d'Asie et d'Amérique latine les produits à faible valeur ajoutée, à nous les Airbus !
Nous constatons ainsi aujourd'hui que des pays comme la Chine, l'Inde, et demain le Brésil, forment chacun plus d'ingénieurs et d'informaticiens de très haute valeur que toute l'Europe réunie : on en compte 700 000 de plus rien que pour la Chine ou l'Inde !
M. Yves Fréville. Eh oui !
M. Jean-Paul Virapoullé. Cette illusion d'une certaine élite - à eux les « fringues » et à nous les produits à forte valeur ajoutée - est un leurre,...
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Eh oui !
M. Jean-Paul Virapoullé. ... et vous l'avez démontré, cher Jean Arthuis, dans un excellent rapport qui est un pour moi devenu une bible : la division du travail n'est pas aujourd'hui un axe majeur de l'évolution des échanges internationaux, et nous mentons à l'opinion publique en lui faisant croire que, demain, nous demeurerons les producteurs à forte valeur ajoutée.
La délocalisation par la non-division du travail et la faible localisation chez nous, c'est une triste réalité dont nous souffrons aujourd'hui et que nous continuerons d'endurer demain si nous n'agissons pas.
Peut-être sommes-nous meilleurs sur la monnaie ?
De fait, il existe actuellement trois ensembles économiques forts : l'Europe - mais nous avons démontré que le taux d'intérêt de la monnaie européenne était fixé par la banque centrale -, les États-Unis - pays soi-disant libéral et libre-échangiste mais qui est l'un des ensembles les plus protégés de la planète, je le démontrerai tout à l'heure - et enfin la Chine, dont la monnaie est largement sous-évaluée puisqu'il faut 8 yuans pour un dollar. En étant contraints d'acheter 600 milliards de dollars pour éviter son effondrement, les chinois ont d'ailleurs faussé les échanges internationaux...
Vous me direz que le Brésil, l'Inde et la Chine respectent les normes édictées en faveurs de l'environnement. En réalité, ce n'est pas le cas, parce que la prise en compte de ces règles est très onéreuse dans les coûts de production. Ainsi, les résultats sont totalement différents si vous exploitez une usine qui respecte les normes environnementales - traduites dans la Constitution grâce à la volonté du Président de la République -, ou si vous tirez profit d'une usine qui pollue gravement une région entière, comme c'est le cas, l'actualité récente nous le montre, en Chine.
Ces pays ne respectent pas la parité monétaire, ils s'en servent pour protéger et doper leur économie. Ils ne respectent pas plus l'environnement, et je ne ferai pas ici la démonstration que ces États ne respectent pas non plus une certaine charte sociale et qu'ils ne tiennent aucun compte de la dignité humaine dans bien des cas.
Alors, on veut nous persuader que le protectionnisme a disparu partout. Mais, je vous l'ai dit, les Etats-Unis se protègent et leur influence au sein de l'OMC, organisme opaque, y est plus importante que celle de la France, qui n'y siège pas directement puisque l'Europe parle en son nom. Ainsi, dans quelques jours, nous allons assister à Hong Kong à un tête-à-tête que, pour ma part, je trouve plutôt inquiétant entre M. Blair et M. Mandelson. Peut-être partagez-vous mon point de vue ? Quoi qu'il en soit, nous ne serons pas présents, ce qui est très ennuyeux.
Et, quand M. Lamy nous dit que les États-Unis font un effort pour ouvrir leur économie et qu'ils pensent que la PAC doit évoluer, je lui réponds que, rien que pour le coton, les États-Unis aident aujourd'hui leurs producteurs à hauteur de 4,5 milliards de dollars, soit exactement la valeur de la production américaine de coton. N'est-ce pas là du protectionnisme, de l'interventionnisme ? Nous sommes en présence d'un cas d'école !
Alors, mes chers collègues, cessons d'être les bons apôtres d'un libre échange aveugle qui pollue la politique dans ce pays, qui salit nos quartiers - l'insurrection des banlieues en est la preuve -, qui détruit les fondements de la République, qui met l'Europe en situation de crise !
Quel que soit le budget - et celui-ci est un bon budget que je voterai, monsieur le ministre, pour soutenir le Gouvernement - nous devons appliquer les thèmes centraux développés par le Premier ministre lors du débat de politique générale, il nous faut mettre en oeuvre une Europe politique conduisant à une préférence européenne dans un échange international, c'est-à-dire une mondialisation.
Je ne viens pas plaider ici une économie administrée : cela n'existe plus, ou c'est en voie de disparition quand cela existe. Non ! Je suis pour la liberté de la production et des échanges, je suis pour la mondialisation, mais une mondialisation qui respecte l'homme, qui respecte l'environnement, qui respecte l'équité.
C'est dans ce contexte que je soutiens l'action du Gouvernement, en souhaitant que, dans les mois qui viennent, nous mettions en oeuvre une politique fondée sur la préférence européenne et sur la mondialisation loyale. (Applaudissements sur les travées de l'UMP ainsi que sur certaines travées de l'UC-UDF.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Goulet.
M. Daniel Goulet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme le précisait l'un des intervenants précédents, tout a déjà été dit sur l'expertise de ce budget. Permettez-moi cependant, en ma qualité de dernier orateur inscrit, de retenir quelques minutes encore votre bienveillante attention.
Voilà un an, nous avions organisé ici même un débat sur les prélèvements obligatoires, sur la base de deux rapports excellents de nos collègues MM. Marini et Vasselle.
N'étant pas un homme de renoncement, je reprendrai donc aujourd'hui mes propositions.
Ma première observation portera sur la dépense publique, qui relève en fait de la réforme de l'État, véritable serpent de mer ou vraie Arlésienne...
Pensez-vous qu'il faille encore initier des colloques, envoyer des questionnaires aux 36 000 maires de France, lancer des appels à initiatives pour savoir quelles mesures il nous faut désormais prendre afin de désengorger notre administration territoriale ?
Chacun de nous connaît ce mille-feuille des compétences locales et le délire kafkaïen de nos finances locales. Nous devons donc faire preuve d'un certain courage, comme cela a été dit dans cet hémicycle.
Le courage politique auquel s'est référé notre éminent rapporteur général, mes chers collègues, c'est aussi examiner sans a priori la structure même de nos dépenses, notamment de celles dont on ne mesure pas suffisamment l'origine et les effets.
Je citerai un exemple parmi d'autres. N'étant ni un expert ni un philosophe de la fiscalité et des dépenses publiques, je me suis livré à une étude intéressante avec quelques étudiants. Celle-ci risque d'interpeller un certain nombre d'entre nous.
Savez-vous que de nombreux cantons dans nos départements comptent moins de mille habitants ? Savez-vous que, au-delà de la question électorale - qui pourrait paraître bassement politicienne -, et du seuil de 9 000 habitants fixé pour établir les comptes de campagne, cette situation entraîne une inégalité manifeste, que personne ne peut nier, entre les candidats ?
Ainsi, notre pays compte 3 714 cantons. Or 15 % d'entre eux comptent moins de 4 000 habitants, et je ne parle pas de ce canton des Hautes-Alpes qui n'en compte que 270 !
Sur cette base, j'ai cherché à établir une nouvelle carte de France avec une régulation des cantons représentant environ 4 000 habitants, seuil de viabilité que l'on exige d'ailleurs lors de la constitution des communautés de communes.
Il s'agirait là d'une simple mise en cohérence rendue d'autant plus nécessaire que, sur le fond, le rôle accru des communautés de communes réduit en proportion celui des conseillers généraux si ces derniers ne les président pas eux-mêmes.
Cette restructuration conduirait inéluctablement à une diminution du nombre d'élus, et donc à une économie très importante qui, calculée sur la durée du mandat de six ans et sur la base des indemnités mensuelles actuelles, représente 106,288 millions d'euros.
Monsieur le ministre, je tiens à votre disposition cette étude qui a été initiée, je le répète, par un groupe d'étudiants tout à fait convaincant.
M. Daniel Goulet. A cette somme viendrait s'ajouter la réduction des frais de fonctionnement, qui diminueraient à due concurrence.
Le report des élections cantonales en 2008 devrait nous donner le temps de réfléchir à une réforme de fond ! Nous adresserions ainsi un signe fort qui témoignerait d'une volonté politique exemplaire mais non partisane, de la part des élus qui sont chargés d'initier les économies et qui ne donnent pas l'exemple.
Ce serait une simple mesure de bon sens, de bonne gestion en quelque sorte. A tout le moins, mes chers collègues, pourrions-nous former un groupe de travail pour réaliser une étude d'impact sur cette proposition. Ce serait un signe fort, je le répète, à l'adresse de nos compatriotes, qui s'éloignent chaque jour davantage de leurs élus et de la classe politique.
J'avais fait part de cette observation à M. Sarkozy, lors de son premier passage au ministère de l'intérieur. Il m'avait alors répondu, en des termes que je considère comme inappropriés, qu'il s'agissait d'un « charcutage électoral ». A Bercy, je lui ai reposé la question, mais elle est restée sans réponse cette fois. Il ne s'agissait pourtant que d'aller dans votre sens, monsieur le ministre, lorsque vous dites que la France vit au-dessus de ses moyens.
Je reviens donc à la charge avec un ministre qui a l'immense avantage de ne pas être un élu local et de ne pas afficher d'ambition nationale, du moins pour 2007. (M. le ministre délégué sourit.) Je fais donc confiance à sa logique économique et à l'absence de conflit d'intérêts lorsqu'il étudiera, j'en suis certain, l'étude que j'ai réalisée et que je tiens à sa disposition.
Ma démarche n'a rien à voir avec un quelconque charcutage, et je ne suis en aucune manière concerné. Il s'agit tout simplement de rechercher, comme le ministre d'État de l'époque nous y avait invités, à prendre des mesures cohérentes afin de réaliser des économies. Car il s'agit bien, pour la représentation nationale, de ne pas créer seulement des dépenses mais aussi de rechercher des économies.
Il s'agit surtout d'un très bon exemple de réforme courageuse - ce mot a été utilisé ici, à bon escient je l'espère - et nécessaire de cette bonne gouvernance dont on nous rebat les oreilles tout au long de colloques dispendieux et longs comme des jours sans pain !
Par ailleurs, il faut réintroduire sans crainte des mécanismes de contrôle, de sanction, et donner plus de pouvoirs aux chambres régionales des comptes.
L'émission télévisée « Combien ça coûte », pour anecdotique qu'elle soit, devrait nous inciter à réfléchir : elle décrédibilise chaque fois davantage des responsables manifestement incapables de bien gérer les deniers publics. Ces carences rejaillissent sur nous tous et nous font beaucoup plus de mal que de bien !
Ma deuxième série d'observations concerne les dépenses effectuées dans le secteur de la diplomatie et des affaires étrangères.
Arrêtons-nous quelques instants sur l'Assemblée de l'Union de l'Europe occidentale, l'UEO. Cette assemblée chargée des questions de défense a vu la totalité de ses missions, les missions Petersberg - son objet social en quelque sorte -, transférées au Parlement européen voilà plus de cinq ans maintenant.
Cette assemblée quasi fantôme se réunit, depuis lors, quelques jours par an pour justifier l'existence de ces quelques centaines de fonctionnaires internationaux - pour lesquels la France contribue largement - siégeant dans des locaux du Conseil économique et social pour un budget annuel de 7,367 millions d'euros : 4,209 millions de charges de personnel et plus de 1 million de charges de pensions. Les autres frais sont à cette image : ainsi, des transformations et restaurations de locaux qui défient toute concurrence sont actuellement envisagées.
Certes, la création de l'UEO résulte d'une convention internationale. Mais ne pourrait-on faire réfléchir un peu l'un des nombreux fonctionnaires du Quai d'Orsay pour qu'il nous donne les voies et les moyens susceptibles de mettre un terme à cet inutile acharnement thérapeutique et diplomatique ? Si nous devons réfléchir à une défense européenne, 7 millions d'euros me semblent suffisants pour nourrir un brain trust de prix Nobel de la paix, par exemple !
Savez-vous, monsieur le ministre, que nous disposons d'une ambassade de France à Strasbourg pour assurer les relations avec le Conseil de l'Europe, dont les travaux sont, par ailleurs, totalement ignorés de la représentation nationale du Sénat et de l'Assemblée nationale ? Je le sais, hélas, pour y siéger !
Nous pourrions peut-être y déléguer un fonctionnaire du Quai d'Orsay, qui assisterait aux réunions, plutôt que d'entretenir une ambassade entière, avec tout ce que cela implique ! Puisque nous n'avons pas assez d'argent pour les autres ambassades qui nous représentent dans le monde entier, il faut donc faire des choix !
En outre, notre haute administration diplomatique n'est pas, que je sache, une agence de placement ou de réinsertion. En disant cela, je ne vise personne et je ne vous en fait pas grief, monsieur le ministre. Je constate simplement que l'ascenseur social y est bloqué au sommet et s'apparente plutôt, pour notre budget, à un monte-charge !
Quid de ce poste d'ambassadeur pour les relations euro-méditerranée, de cet autre chargé de la parité, de ce troisième chargé de la prévention des conflits et dont on ignore d'ailleurs où il était au moment des problèmes des banlieues ? Ces trois postes cumulés nous coûtent plus de 600 000 euros pas an ! Et vous cherchez des économies, monsieur le ministre ? Ne croyez-vous pas que cela fait beaucoup de contrats pour des postes d'encadrement ou de travailleurs sociaux ? Et il y a encore sans doute beaucoup d'autres postes dont il faudrait évaluer les mérites, mais je m'arrête là...
À quand donc une évaluation plus globale, à l'image de celles que vous avez si bien engagées - je tiens à vous en remercier et à vous en féliciter - sur un certain nombre de sujets ?
Dans les pays du Golfe, que je connais depuis quelques décennies, si l'ambassade de Doha nous donne quelques satisfactions, celle du pays voisin, les Émirats arabes unis, fonctionne apparemment beaucoup moins bien : ces deux dernières années, nous avons en effet perdu un certain nombre de contrats au profit de la concurrence, qu'il s'agisse de Thales, d'Airbus, du TGV, ou des contrats d'armement.
Nous aurions donc besoin de réfléchir de temps en temps sur le meilleur placement de nos ambassades. Ainsi, monsieur le ministre, puis-je vous suggérer d'engager, avec votre collègue chargé du commerce extérieur, un audit de ces postes en vue de rationaliser nos dépenses ? Il est temps d'en faire réellement des éléments moteurs pour notre balance des paiements, car, pour le moment, tout cela est bien souvent théorique !
Je présenterai en tout cas quelques amendements afin d'annuler certains crédits, même si je ne rêve pas et que je n'ai pas beaucoup d'espoirs sur leur sort : je sais bien, en effet, qu'ils ont été simplement formulés pour donner quelques signes forts d'attention et inciter à l'action préventive.
Quoi qu'il en soit, monsieur le ministre, mes chers collègues, je résumerai mon intervention en reprenant les paroles prononcées par Henri VIII à son sixième mariage : « C'est une victoire de l'optimisme sur l'expérience ! » (Applaudissements sur les travées de l'UMP ainsi que sur certaines travées de l'UC-UDF.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, au moment où s'achève cette discussion générale extrêmement intéressante, je voudrais rendre hommage à votre assemblée : je n'ai évidemment pas à me mêler du fonctionnement de l'Assemblée nationale et du Sénat, cela ne me regarde pas et je me tiens évidemment à la disposition du Parlement ; pour autant, j'ai trouvé extrêmement fructueuse la manière dont vos travaux ont été organisés. Ainsi, en une après-midi, nous avons en réalité évoqué beaucoup de sujets et chacun des orateurs, de la majorité comme de l'opposition, a grandement contribué, me semble-t-il, à enrichir le débat sur ce projet de loi de finances que j'ai l'honneur de vous présenter avec Thierry Breton.
Monsieur le rapporteur général, vous avez avec talent donné votre sentiment sur ce projet de budget, avec ce raisonnement construit en trois points qui a d'ailleurs beaucoup inspiré d'autres orateurs : « Restons modestes, soyons ambitieux, soyons courageux ». En vous répondant, je ne résiste pas au plaisir de reprendre chacun de ces points !
Premièrement, restons modestes : monsieur le rapporteur général, vous m'en demandez beaucoup ! (Sourires sur les travées de l'UMP.) Néanmoins, je m'exerce volontiers à l'être pour tout ce qui concerne les hypothèses économiques et les prévisions de croissance.
Sur ce sujet, Thierry Breton et moi-même l'avons souvent souligné, il nous faut en permanence être réactifs. Rappelez-vous : vous vous étiez vous-même interrogé au mois de juin sur la situation de nos recettes fiscales. Je m'étais alors déclaré moins inquiet que vous, et j'ai bien fait ! S'il y a effectivement eu un petit « trou d'air » en début d'année pour le produit de l'impôt sur les sociétés, tout se remet en ordre et le niveau des moins-values fiscales que nous redoutions, vous et moi, semble plus proche des prévisions que j'avais formulées alors que des vôtres. Nous ne pouvons naturellement qu'être tous les deux rassurés et nous réjouir d'une telle évolution.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Tout à fait !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Deuxièmement : soyons ambitieux. Là, vous me voyez tout de suite très enthousiaste !
Dans ce projet de budget, nous proposons une réforme fiscale ambitieuse. Pour certains, c'est un premier pas, et je souhaite que ceux qui suivront soient aussi sveltes et importants. Après tout, voilà des sujets dont nous parlions beaucoup les uns et les autres depuis des années, sans avoir jusqu'à présent eu le courage de les assumer : je pense, par exemple, au plafonnement fiscal à 60 % des revenus. C'est désormais chose faite, ce qui est une grande première pour notre système fiscal !
Nous souhaitons une réforme complète de l'impôt sur le revenu pour aboutir à une véritable réduction des taux, en mettant tout particulièrement l'accent sur les revenus modestes. Nous souhaitons aussi une réforme de l'imposition des entreprises, via les mesures préconisées sur la taxe professionnelle, sur l'actionnariat, ainsi qu'un aménagement de l'ISF. Ce sont autant de sujets qui viendront s'ajouter à la réforme des plus-values qui sera évoquée dans le collectif de fin d'année.
Tous ces éléments contribuent à faire largement « bouger les lignes » de notre système fiscal. Ils ont cette vertu de favoriser l'attractivité fiscale de la France, dont nous avons tant besoin pour apaiser les craintes des délocalisations, qui ont été évoquées par Jean-Paul Virapoullé.
Troisièmement : soyons courageux. Bien sûr ! Le courage, en politique, c'est ce qui nous donne envie d'avancer pour marquer des points, pour ne pas nous satisfaire d'une progression à l'ancienneté.
De ce point de vue, le Gouvernement fait preuve de courage sur la réforme fiscale lorsqu'il s'engage à financer les 3,5 milliards d'euros de pertes de recettes en 2007 par des économies sur les dépenses.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez évoqué les uns et les autres l'évolution de la maîtrise de la dépense, le passage du « zéro volume » au « zéro valeur ». Sachez que je suis sur ce point très engagé à vos côtés. Nous sommes d'ores et déjà mobilisés sur la préparation du projet de budget pour 2007, au travers de la réforme de l'État que le Gouvernement a engagée en lançant une vague d'audits sans précédent, en vue de mettre en place un contrôle de gestion au niveau de l'État.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Très bien !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Vous l'aurez compris, c'est vers une amélioration majeure que nous nous dirigeons ensemble.
Monsieur le président de la commission des finances, je vous félicite pour la qualité de votre analyse et de votre argumentation, même si j'ai bien senti, derrière votre style oratoire légendaire, quelques débuts de critique, ici ou là. Je suis au reste bien conscient tout l'intérêt de notre discussion est d'entendre des opinions différentes.
Je vous le confirme, toutes les mesures contenues dans ce projet de budget sont totalement assumées. J'aurai l'occasion de vous le montrer tout au long du débat.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C'est bien !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Je voudrais, en cet instant, évoquer la décision de transférer certaines recettes de l'État à la sécurité sociale pour financer les allégements de charges liés notamment à la convergence des SMIC, qui est désormais achevée.
La montée en puissance de ces allégements étant arrivée à son terme, il était important de les rendre lisibles pour les entreprises et de les pérenniser. Dans cet esprit, il nous paraissait cohérent de sortir ces allégements de charges du budget de l'État, tout en excluant bien évidemment la création d'un nouveau FOREC. A cet égard, Alain Lambert avait d'ailleurs fait oeuvre très utile à l'époque ! Il fallait donc assumer que de tels allégements représentaient, non pas des dépenses, mais des moins-values de recettes qui devaient être transférées, avec un « panier » de recettes de même ampleur, au budget de la sécurité sociale.
Nous pouvons discuter longuement sur tous ces sujets, car personne n'a la vérité révélée. Cependant, en l'espèce, notre démarche est motivée par un souci de cohérence et de lisibilité.
Pour aller tout à fait jusqu'au bout de ma logique, je considère que le débat suivant sera celui de la « barémisation ». Cela nous permettra de savoir clairement jusqu'où il est possible de pousser notre souci de lisibilité, pour éclairer la situation de l'entrepreneur face aux charges sociales.
Nous assumons également notre décision de créer, conformément à la demande du Parlement, des instruments nouveaux pour financer les projets d'avenir, notamment l'AFITF, l'Agence de financement des infrastructures de transport de France, l'ANR, l'Agence nationale de la recherche et l'AII, l'Agence de l'innovation industrielle.
Monsieur Arthuis, ce projet de budget est aussi l'expression de la réforme de l'État. Vous l'avez abondamment évoquée, et je veux redire ici que cette réforme transparaît dans l'expérimentation des loyers budgétaires et dans la très importante vague d'audits prévue, qui va nous permettre de « soulever le capot », d'évaluer chaque procédure et chaque service, afin de dégager, pour l'État, les marges de manoeuvre disponibles et les gains de productivité potentiels, tant en effectifs qu'en matériels.
Mesdames, messieurs les sénateurs, si nous n'avons désormais plus de tabou sur la question des effectifs, je vous demande de comprendre ma démarche. Je ne suis pas de ceux qui pensent que la bonne formule pour faire évoluer les effectifs dans la fonction publique consiste à imposer leur « rabotage » systématique, à annoncer le non-remplacement d'un fonctionnaire partant à la retraite sur deux, sur trois, voire sur quatre.
La raison en est très simple : une telle attitude a un effet très anxiogène vis-à-vis de la fonction publique, chacun se demandant s'il appartient à la catégorie des fonctionnaires utiles ou à celle des inutiles. En outre, cela n'apporte aucune réponse concrète sur les moyens d'améliorer le service public.
En revanche, avec un audit fortement documenté, examinant précisément le mode de fonctionnement adopté pour telle ou telle procédure, nous serons en mesure d'en déduire les possibilités en termes de réductions et de redéploiement d'effectifs pour chaque service, sur la base des gains de productivité réalisés, par exemple grâce aux équipements informatiques. Dans ces conditions, la décision prise aura du sens !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C'est vrai !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Je peux déjà vous citer quelques très bons exemples. Pour ne parler que du ministère dont j'ai la charge, je mentionnerai la réforme de la redevance audiovisuelle et la télédéclaration, pour lesquelles la mise en place d'un audit a permis de tirer d'utiles conséquences.
A contrario, selon la même logique, si nous constatons dans certains domaines audités un sous-effectif patent, nous en tirerons également les conséquences, mais évidemment dans l'autre sens.
J'ai l'intuition que, au final, lorsque nous ferons le total des ajustements nécessaires, nous parviendrons à réduire le nombre de fonctionnaires. Au reste, avec cette méthode, chacun aura compris les raisons invoquées et la démarche entreprise. Notre fonction publique prendra alors la voie de la bonne gestion et, partant, de la considération.
Enfin, monsieur Arthuis, ce projet de budget est totalement orienté vers le soutien de la croissance, qu'il s'agisse de l'emploi, avec la prime pour l'emploi et les allégements de charges, ou de la compétitivité, avec la réforme de la taxe professionnelle ou les aménagements de l'ISF. Nous aurons d'ailleurs l'occasion de revenir longuement sur tous ces sujets avec vous.
Monsieur Jégou, j'espère que nous saurons au cours des débats trouver des points d'entente, même si j'ai noté avec regret la tonalité très sévère de votre discours.
Je vous rejoins sur la nécessité d'être plus exigeant dans la maîtrise des dépenses ; d'ailleurs, comment pourrais-je penser autrement dans les fonctions qui sont les miennes ? Ainsi que nous l'avons indiqué très clairement, la réforme fiscale sera financée en 2007 en franchissant une étape nouvelle en direction du « zéro valeur », car c'est bien à cela que nous voulons finalement aboutir.
J'ai déjà répondu sur les effectifs. Je précise que, pour la première fois depuis trente ans, un gouvernement réduit les effectifs sur quatre années consécutives. Vous souhaitez aller plus loin, et vous avez sans nul doute raison. L'ambiance de ce débat ne le justifiant vraiment pas, je n'avais pas prévu de répondre à la sévérité par la sévérité : je ne vous ferai donc pas l'injure de vous rappeler quel était le niveau des effectifs du ministère de l'éducation nationale il y a environ... douze ans !
Pour le reste, dans un tel contexte, il est évidemment beaucoup plus facile de dire ce qu'il faut faire que de le faire. Ne prenez pas cela pour vous, bien sûr, mais comprenez que, sur tous ces sujets, il me faut gérer, en tant que ministre du budget, énormément de contraintes différentes.
Pour illustrer la situation dans laquelle je me trouve, je ferai une comparaison avec les campagnes électorales. Vous le savez aussi bien que moi, dans ces périodes, le responsable politique organise des réunions publiques où il y a très souvent 99 % de personnes qui le soutiennent, quand ce n'est pas 100 %. Il promet alors, en cas de victoire, de baisser les impôts. Généralement les gens applaudissent toujours, même sans trop y croire. Fort de ce soutien, tout en proclamant son hostilité à l'aggravation du déficit, il s'engage à baisser les dépenses publiques... ou plutôt à les maîtriser, ce verbe étant moins anxiogène. Une nouvelle fois, pour exprimer son soutien et son amitié, le public applaudit, mais néanmoins un peu moins fort, inquiet qu'il est de connaître dans le détail les décisions qui seront prises.
C'est alors que le responsable politique se décide à parler des secteurs visés par les éventuelles réductions d'effectifs, la santé ou l'éducation nationale par exemple. Alors, pour prendre l'éducation nationale, secteur que vous connaissez bien, monsieur Jégou, s'il a l'idée d'évoquer l'arrêt, à titre expérimental, de la diminution du nombre d'élèves par classe, il y aura toujours une main qui se lèvera et une personne qui dira : « Monsieur, faites ce que vous voulez, mais pas dans l'école de mon fils ! » (Sourires sur les travées de l'UMP.)
Oui, mesdames, messieurs les sénateurs, voilà ce qui se passe en France ! Et, en tant que responsables politiques, notre métier, c'est à chaque fois d'expliquer, d'argumenter et de démontrer.
Dans ce contexte, tout le monde comprend qu'il nous faut agir avec beaucoup de pédagogie.
Mme Hélène Luc. Le problème est de savoir où est l'intérêt général !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Oui, bien sûr, madame Luc : nous devons tous rechercher l'intérêt général !
Monsieur Jégou, vous avez qualifiée la réforme fiscale d'injuste. Laissez-moi vous dire combien je regrette cet adjectif, et ce pour de multiples raisons.
Je le regrette d'abord parce que je n'ai pas entendu un seul mot d'encouragement ou de satisfecit sur des valeurs que nous partageons pourtant, à l'UDF comme à l'UMP. Je peux comprendre que la gauche critique cette réforme fiscale et qu'elle annonce urbi et orbi qu'elle l'anéantira si jamais elle revient au pouvoir !
Mme Nicole Bricq. Cela va venir !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. C'est plutôt d'ailleurs pour nous un assez bon argument de campagne : le moment venu, nous ne manquerons pas d'expliquer aux Français que nous continuerons de baisser les impôts si nous sommes réélus, tandis que la gauche les augmentera de nouveau en cas de victoire. Et, dans ce domaine, croyez-le bien, je ne serai pas en arrière de la main et je saisirai toutes les occasions pour être entendu.
Cela étant, monsieur Jégou, vous appartenez à une famille politique qui partage nombre de points communs avec la nôtre, sur tous les sujets que nous évoquons : nous baissons les impôts ; nous réformons notre système fiscal ; comme l'a si justement fait remarquer M. Alain Lambert, nous encourageons et valorisons le travail...
Mme Nicole Bricq. La rente, pas le travail !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. ... les entreprises, la création d'emploi.
De surcroît, nous avons décidé de réduire le nombre de tranches de l'impôt sur le revenu. Nous prévoyons un barème simplifié en instaurant quatre taux, s'élevant respectivement à 5,5 %, 14 %, 30 % et 40 %.
M. Alain Lambert. Et 0 % !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Et 0 %, naturellement.
Or ce barème simplifié a déjà été proposé par quelqu'un qui m'a inspiré - tout au moins sur ce sujet - et qui était candidat aux élections présidentielles de 2002 : il s'appellait François Bayrou ! Cette proposition figurait en toutes lettres dans son programme, et voilà que vous trouvez également cette mesure injuste ? Parfois, la politique ne laisse pas de surprendre ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Monsieur Massion, j'avais bien anticipé la teneur de vos propos. Sans nous surprendre, vous nous avez dit que vous trouviez le projet de budget insincère. En vous écoutant, j'ai même pensé que j'aurais pu écrire à l'avance votre discours !
Je suis contraint de vous dire que je ne partage pas votre point de vue, et vous n'en serez pas surpris. Vous aussi, vous auriez pu écrire mon discours !
En effet, nous avons retenu - choix que nous assumons - une hypothèse de croissance qui correspond à la fois aux indications consensuelles des économistes et à la politique économique que nous voulons conduire.
De ce point de vue, la croissance de 0,7 % du troisième trimestre nous conforte plutôt dans nos choix, même s'il convient de rester prudent.
Il en est de même des recettes fiscales, qui sont solides en 2005, comme je l'ai indiqué tout à l'heure en répondant à M. Marini.
Enfin, pour ce qui concerne la réforme fiscale, vous comprendrez, monsieur le sénateur, que je ne puisse pas suivre votre raisonnement. Cette réforme est juste, puisque ses effets sont concentrés à 75 % sur les ménages modestes. De surcroît, elle renforce l'attractivité de notre pays. Nous donnons également un grand coup de pouce à la prime pour l'emploi, marquant ainsi la différence entre l'assistance et le retour à l'emploi. C'est un sujet majeur !
Mme Nicole Bricq. On va en reparler !
Mme Marie-France Beaufils. On fera les calculs !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. J'ai beaucoup de mal à comprendre qu'au moins sur ce point vous ne trouviez pas quelques raisons de nous approuver. Mais peut-être en sera-t-il différemment au cours de notre débat ?
Monsieur de Raincourt, j'ai évidemment écouté avec beaucoup d'attention vos propos et j'ai été très sensible aux encouragements que vous avez bien voulu m'adresser au nom du groupe UMP.
Ce budget est porteur d'ambitions. Comme vous l'avez rappelé, la réforme fiscale que nous mettons en oeuvre est un véritable choix de société. Elle tend à récompenser le travail et la prise de risques des entrepreneurs, à valoriser l'activité au lieu d'inciter à l'assistance.
Cessons de nous lamenter parce que les jeunes partent à l'étranger ou parce que les entreprises sont délocalisées ! Il faut simplement répondre par l'action et par la décision. C'est d'ailleurs tout l'esprit de notre réforme de l'impôt sur le revenu, du plafonnement des impôts directs à 60 %, de l'aménagement de l'ISF pour les actionnaires.
Comme vous l'avez rappelé, nous avons aussi fait le choix de la responsabilité en assurant la maîtrise de la dépense de l'État.
Nous aurions bien évidemment aimé faire beaucoup plus et bien mieux. Je ne vous dirai pas le contraire étant donné les fonctions que j'exerce ! Quoi qu'il en soit, pour la quatrième année consécutive, l'accroissement de la dépense en volume est maintenu à zéro, et nous visons le même taux zéro pour ce qui concerne sa valeur.
Monsieur le sénateur, je vous le dis en conscience : nombre des mesures que nous présentons dans ce projet de budget correspondent à nos convictions communes.
Pour ma part, je suis très heureux de pouvoir défendre des idées, des propositions auxquelles nous croyons profondément tous les deux. Ce projet de budget est en effet porteur d'un message pour la France qui s'engage, qui prend des risques, qui travaille, pour la France qui a envie de redonner le meilleur d'elle-même après avoir connu un certain nombre d'épreuves, auxquelles nous pensons tous les uns et les autres.
Si l'on veut vraiment renouer avec l'esprit de conquête, auquel nous sommes profondément attachés, les gouvernants doivent envoyer des messages clairs. De ce point de vue, Thierry Breton et moi-même faisons oeuvre utile en proposant aux Français un message autre que la sempiternelle langue de bois, dont les tenants ne regardent que d'un côté en oubliant que chaque Français a de la valeur et que nous avons besoin de tous pour réussir ensemble.
Monsieur de Montesquiou, je partage votre constat : pour ce qui concerne la dépense publique, la différence entre la France et les pays de la zone euro est de six points de PIB. Nos marges de progression sont considérables !
S'agissant des hypothèses de croissance, vous avez évoqué la pratique des Pays-Bas consistant à retenir des hypothèses économiques conservatoires. Ce choix conduit à constater des recettes fiscales supérieures chaque année aux prévisions initiales, mais le paradoxe est que ce principe de prudence n'est pas forcément compatible avec le principe de sincérité inscrit dans la LOLF. Il n'en reste pas moins que nous pouvons continuer à travailler ensemble dans cette voie.
Monsieur Dominati, je vous remercie de vos encouragements et de votre décision de voter en faveur de ce projet de loi de finances.
Je rejoins votre analyse. Comment, là encore, pourrais-je faire autrement ? La maîtrise des prélèvements obligatoires est un enjeu crucial de notre politique économique afin de conserver notre rang au sein des grandes nations productrices. De ce point de vue, un message très clair est adressé à l'ensemble des contribuables français ainsi qu'aux investisseurs étrangers quant à notre volonté d'inscrire notre système fiscal dans les standards internationaux.
C'est la raison pour laquelle il faut maîtriser la dépense, parce qu'on ne financera pas cette réforme fiscale à crédit. C'est toute la démarche du « zéro volume », qui, selon vous, semble rencontrer un succès limité. Mais je peux vous assurer que maintenir la dépense en volume à taux zéro relève d'un exploit quotidien ! La situation évolue en effet très rapidement, et les épreuves que traverse notre pays appellent des solutions qui doivent être apportées dans l'urgence et qui supposent que le financement nécessaire soit prévu : nous l'avons encore constaté lors de l'adoption du plan banlieues ! Ainsi, lors de l'examen de la deuxième partie du projet de loi de finances, je vous présenterai le dispositif du financement de ce plan, qui sera assuré par redéploiement à hauteur de 300 millions d'euros.
Sur ce point, j'attends beaucoup de la Haute Assemblée, en particulier de la commission des finances et de M. le rapporteur général, pour nous aider à essayer de trouver à chaque fois les meilleures solutions.
Monsieur Foucaud, le propre du débat budgétaire est d'exprimer des choix de société, c'est-à-dire des choix politiques. Et, à cet égard, force est de reconnaître que nous ne sommes pas tombés d'accord sur le fond.
Mme Hélène Luc. C'est vrai !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. J'ai ainsi très attentivement écouté votre propos et je suis obligé de constater que nous ne sommes pas d'accord sur grand-chose. (M. Alain Lambert sourit.)
Contrairement à ce que vous indiquez, le Gouvernement n'oublie pas du tout les ménages les plus modestes. Et ce n'est pas simplement parce que vous êtes dans l'opposition et que vous l'affirmez que c'est vrai !
Mme Marie-France Beaufils. Mais ce n'est pas parce que vous êtes membre de la majorité que vous avez raison !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. La revalorisation du SMIC de 10 % n'est pas une mesure anodine : elle représente quasiment l'équivalent d'un treizième mois ! Et il ne faut pas oublier le doublement de la prime pour l'emploi à temps partiel, l'augmentation de 50 % au niveau du SMIC ! De plus, avec la mise en place du plafonnement des impôts directs à 60 % des revenus, 90 % des bénéficiaires se situent dans le premier décile de l'impôt sur le revenu !
Cela étant, nous ne sommes pas non plus d'accord sur les valeurs. D'ailleurs, lorsque M. Alain Lambert s'est exprimé sur ce sujet, j'ai constaté que les membres du groupe auquel vous appartenez se sont manifestés, sans nul doute pour marquer une différence.
Il est vrai qu'il existe une différence : pour notre part, nous pensons qu'une société peut se développer à travers le travail,...
Mme Marie-France Beaufils. Nous aussi !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. ... à travers la croissance, à travers la création d'emplois, la création d'entreprises.
Il faut sans cesse avoir à l'esprit qu'il faut tendre une main fraternelle et solidaire à celui qui poursuit une logique d'assistance, afin qu'il retourne vers l'emploi. Par conséquent, il faut aussi assumer de lui avouer la vérité, de lui dire que les choses ne sont jamais totalement pérennes, qu'une société n'a pas toujours les moyens de tout financer en toute circonstance. Il faut aussi créer des parcours de retour à l'emploi !
Mme Hélène Luc. Ce n'est pas vous qui allez nous convaincre de cela !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Ainsi, monsieur Lambert - et ce sera une excellente transition après la réponse que je viens de faire à l'orateur précédent -, je partage totalement, vous n'en serez pas surpris, les valeurs que vous avez décrites, et le choix que fait le Gouvernement d'encourager le travail est dans la droite ligne de l'action que vous avez vous-même menée lorsque vous occupiez les fonctions que j'ai l'honneur d'exercer aujourd'hui.
S'agissant de la prime pour l'emploi, nous avons « affiché la couleur » et montré clairement qu'en incitant au retour à l'emploi, en donnant plus de moyens par une augmentation de cette prime, nous apportons un début de réponse par rapport aux revenus d'assistance.
Dans le cadre du débat budgétaire, nous aurons l'occasion de revenir sur cette question, qui est absolument fondamentale à mes yeux et qui touche aussi à la réforme du système de distribution des minima sociaux.
Vous souhaitez que cette prime figure sur la feuille de paie ? J'en rêve aussi ! Vous connaissez le sujet aussi bien que moi (M. Alain Lambert approuve) : l'intérêt de cette démarche est qu'ainsi la PPE n'apparaîtra plus aux yeux des employeurs comme une sorte de substitut, de salaire bis donné par d'autres. C'est très important ! Mais il faudra également surmonter des problèmes techniques...
Mme Nicole Bricq. Ce n'est pas un problème technique !
Mme Nicole Bricq. Nous y reviendrons demain : c'est un problème de philosophie !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Vivement demain, madame Bricq ! Depuis tout à l'heure, vous ne cessez de répéter « vous allez voir ce que vous allez voir ». Je meurs d'impatience !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Mme Bricq a rendez-vous avec ses électeurs !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Certes, nous avons tous de tels rendez-vous de temps en temps, et personnellement je ne m'en lasse jamais.
Quoi qu'il en soit, monsieur Lambert, comme vous l'avez noté, j'ai donné des instructions à la comptabilité publique pour que la prime soit versée mensuellement à partir du mois de janvier. C'est déjà un progrès !
Pour ce qui concerne la LOLF, je suis totalement d'accord avec vous sur la nécessité de ne pas être ambigu à l'égard de sa portée et de ses mérites. Vous avez d'ailleurs beaucoup travaillé avec moi sur ce sujet.
Notre rôle est de rendre la dépense publique efficace et de la promouvoir. De ce point de vue, nous avons beaucoup de travail à faire ensemble, chacun étant bien d'accord pour dire que la LOLF n'est pas un choix politique,...
Mme Hélène Luc. Mais si, bien sûr !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. ... mais un cadre qui permet les choix politiques. Nous pourrons ainsi montrer aux Français les résultats menés par chaque politique, qu'elle soit de gauche ou de droite. C'est un élément très utile pour la suite.
Permettez-moi un dernier mot s'agissant des finances publiques en « mode LOLF » : nous devons progresser vers un pilotage plus global de l'ensemble des administrations publiques. Vous le dites souvent, monsieur Lambert, et je dis la même chose que vous.
Par ailleurs, il faut que la LOLF - sécurité sociale progresse, soit encore précisée. Dans ce domaine, des efforts louables ont été fournis mais ils doivent être poursuivis. C'est pourquoi j'ai eu à coeur de lancer la conférence des finances publiques.
La méthode commence à être précisée, et M. le Premier ministre a d'ailleurs évoqué ce sujet voilà quelques jours au congrès de l'Association des maires de France.
C'est un chantier ambitieux, crucial, qui consiste à mettre sur la table les grands enjeux des politiques publiques et des finances publiques pour ce qui concerne l'État, la sécurité sociale et les collectivités locales.
Monsieur Lambert, vous êtes le bienvenu pour travailler sur ce sujet avec nous. Mais je sais que nombre de vos collègues sont également engagés sur ce point, à commencer par M. le président de la commission des finances.
Madame Beaufils, nous partageons une même passion pour notre pays, nous avons le même souhait d'oeuvrer concrètement pour améliorer le sort de nos concitoyens, mais nos points de vue divergent quant aux moyens.
Mme Marie-France Beaufils. C'est le moins que l'on puisse dire !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Le problème de notre pays est non pas d'étendre encore l'État providence, mais de développer les incitations à l'activité. Il ne faut pas diviser le travail, mais augmenter l'offre de travail.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Il faut créer la richesse avant de la redistribuer. Il faut encourager les entreprises à investir sur notre sol plutôt que désespérer les entrepreneurs et les inciter à partir à l'étranger.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Bien sûr !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Bref, madame Beaufils, il faut cesser d'agiter ces chiffons rouges, qui consistent à opposer sans cesse les Français les uns aux autres. Combien de fois les orateurs de votre groupe ont-ils cité le « MEDEF » ?
Mme Nicole Bricq. Une fois !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Tant qu'un orateur de gauche n'a pas prononcé le mot « MEDEF » ou le mot « ultralibéralisme », il n'est pas satisfait !
Mme Hélène Luc. Ce n'est pas vrai !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Croyez-moi, tout cela n'a aucun sens. Le problème est de savoir non pas comment agiter les chiffons rouges pour opposer les gens, mais comment construire ensemble une croissance équilibrée, qui ne laisse personne sur le bord du chemin...
Mme Marie-France Beaufils. Sauf que vous, vous en laissez !
Mme Hélène Luc. Au conseil général du Val-de-Marne, on travaille avec le MEDEF pour créer des entreprises !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Il s'agit de mettre en haut du podium celui qui prend des risques, qui entreprend et qui s'engage. Voilà ce qui fait la différence entre vos convictions et les nôtres !
Monsieur Fourcade, je vous remercie d'avoir souligné les trois tournants majeurs de ce projet de budget.
Vous avez d'abord évoqué la stabilisation de l'endettement, qui n'est pas une mince affaire.
Vous avez ensuite cité la réforme fiscale, sur laquelle nous avons beaucoup travaillé, avec votre concours. Qu'il s'agisse du plafonnement à 60 % ou de la question de la récupération, nous sommes parvenus à un système équilibré qui permettra d'aboutir à un dispositif simple. En tant que ministre de la réforme de l'État, je suis acquis à cette exigence.
Vous avez enfin évoqué la taxe professionnelle, sujet que vous connaissez particulièrement bien. Notre réforme est fondée sur deux piliers, à savoir la compétitivité de notre économie et la responsabilisation de l'ensemble des acteurs, État et collectivités locales. Nous aurons l'occasion d'en reparler tout au long de ce débat.
Monsieur Doligé, vous aviez annoncé un discours bref, mais ce fut un discours passionné et passionnant. En vous écoutant, j'ai retrouvé des contraintes que je connais bien en tant qu'élu local.
Vous nous avez rappelé le parcours d'obstacles auquel est confronté un chef d'entreprise qui veut investir dans notre pays. Vous avez ainsi rappelé que nous devons créer les conditions du développement des investissements et de l'emploi tout en respectant des règles qui simplifient la vie.
Un effort important a été réalisé ces dernières années dans ce domaine. Je pense en particulier à la loi Dutreil. Mais il faut aller plus loin : il faut libérer les initiatives, desserrer le carcan fiscal. C'est ce que nous faisons, par exemple avec la réforme de la taxe professionnelle, la pérennisation du dégrèvement pour investissements nouveaux - ce sera évidemment un encouragement - sans oublier le plafonnement à 60 % des revenus du montant de l'impôt sur le revenu, qui est un message de compétitivité et d'attractivité fiscale.
Je suis bien d'accord avec vous : il faut simplifier les formalités.
Je crois beaucoup au rapprochement entre le budget et la réforme de l'État, qui va nous permettre de développer des synergies très fructueuses dans les domaines économique et fiscal.
Je vous invite bien volontiers à nous rejoindre dans ce combat, vous sachant très engagé en matière de finances des conseils généraux. Je le suis également,...
M. Henri de Raincourt. Moi aussi !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. ... ainsi que M. de Raincourt, qui est chef de file dans ce domaine.
Au cours de nos débats, j'espère que nous pourrons évoquer en détails tous ces sujets, sur lesquels l'État a des choses à dire.
M. Henri de Raincourt. Nous aussi !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Je l'avais bien compris, monsieur de Raincourt ! (Sourires.)
Monsieur Fréville, je vous remercie de vos mots d'encouragement et du soutien que vous nous apportez.
Je vous remercie d'avoir relevé qu'il y avait dans ce budget, au-delà de l'hypothèse d'évolution du PIB, une « élasticité des recettes sur PIB » très modérée, et d'avoir noté les décisions que nous avons prises en faveur des collectivités sur le contrat de croissance et le FCTVA.
En tant que rapporteur des crédits de la défense, vous avez relevé l'importance de l'effort du Gouvernement, au point de vous interroger sur sa soutenabilité à terme. J'estime, comme vous, que cet effort méritait d'être souligné, et je souhaite que vos propos portent jusqu'à la rue Saint-Dominique. (M. Alain Lambert sourit.)
Vous avez eu raison, monsieur Loueckhote, de rappeler l'importance de l'évaluation des dispositifs en faveur de l'outre-mer.
Telle a bien été la démarche du Gouvernement à l'Assemblée nationale : évaluer, conformément à ce qui était prévu dans la loi de programmation pour l'outre-mer, le bilan « coût-avantages » des dispositifs de défiscalisation.
Vous avez été en première ligne sur ce sujet et, lors de notre rencontre chez le Premier ministre, voilà quelques jours, à l'Hôtel Matignon, j'ai pu mesurer le travail considérable que vous avez accompli. Mme Michaux-Chevry participait d'ailleurs à cette réunion, et je suis heureux de la saluer aujourd'hui dans cet hémicycle.
Je dois souligner que cette évaluation sera prise en compte l'an prochain : le rendez-vous d'évaluation de la loi Girardin, au mois de juin, sera l'occasion de constater ce qu'il en est des dispositifs par rapport à la question du plafonnement. Mon collègue François Baroin et moi-même travaillerons ensemble sur ce dossier le moment venu.
Monsieur Dassault, vous nous avez suggéré de revenir sur les allégements de charges dont profitent les entreprises. Votre propos était frappé au coin du bon sens !
En évoquant la possibilité de récupérer 19 milliards d'euros, vous vous êtes montré très tentateur pour le ministre du budget que je suis !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Avec la TVA sociale, vous pourrez en récupérer une bonne partie !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Je constate, monsieur le rapporteur général, que vous ne perdez pas une occasion de me rappeler ce point, auquel vous êtes très profondément attaché ! (M. le rapporteur général sourit.)
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Ce n'est que le début de la discussion !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Ne vous inquiétez pas, monsieur Arthuis : nous aurons ce débat. Vous l'avez voulu, vous m'entendrez donc !
Néanmoins, je persiste à penser que les allégements de charges sont quand même utiles, notamment pour absorber la convergence des SMIC et, surtout, le désastre des 35 heures.
Au-delà de cette question, monsieur Dassault, il y a une réalité que je tiens à évoquer avec vous, car elle donne lieu à un débat passionnant.
Nous avons pris un engagement vis-à-vis des entreprises, en essayant d'assumer le coût des 35 heures. Il est impossible de dire aux entreprises que le temps de travail hebdomadaire va passer de 39 heures à 35 heures au même tarif et qu'elles paieront la différence, sauf à considérer que le coût du travail peut être alourdi, auquel cas nous n'aurons plus que nos yeux pour pleurer lorsque nous ferons une étude comparée du coût du travail en France et dans les autres pays !
Ce fut, d'ailleurs, l'une des grandes ambiguïtés de la loi Aubry, au-delà du contresens économique et historique majeur qui consistait à faire croire aux Français que travailler moins créerait de l'emploi, alors qu'en réalité cela a conduit à répartir la pénurie. Mais n'y revenons pas ! C'est du passé, il nous appartient juste d'en gérer l'héritage.
En réalité, monsieur Dassault, c'est une réflexion plus globale sur le pouvoir d'achat et sur le coût du travail que nous devons mener. Le point que vous soulevez mérite d'être examiné plus avant, et non à la simple occasion de la discussion d'un amendement ou du budget dont vous êtes le rapporteur.
Je ne verrais que des avantages à travailler avec vous durant l'année 2006 sur cette question afin d'imaginer différentes formules de transfert d'une partie des charges sociales au bénéfice des salariés, notamment, et d'examiner comment tout cela peut se traduire pour les entreprises.
Il me paraît en tout cas utile d'approfondir ces questions : c'est un sujet sur lequel j'ai déjà eu l'occasion de m'entretenir avec vous ainsi qu'avec un certain nombre de députés, en particulier M. Novelli.
Monsieur Virapoullé, vous avez exposé vos convictions avec un brio remarquable et je tiens avant tout à vous dire combien j'admire vos qualités d'orateur. Je ne crois d'ailleurs pas être le seul ici. (M. Henri de Raincourt acquiesce.)
Vous avez raison de dire que nous ne sommes pas seuls au monde. Il est de tradition bien française de se comparer avec le voisin immédiat, puis, ensuite, de reprendre sa petite vie tranquille. Malheureusement, le monde est vaste, même si, du fait des grands progrès de la technologie, il n'est plus qu'un village. C'est cela, la globalisation, la mondialisation !
Nos enfants, qu'ils aient cinq ans, huit ans ou dix ans, « chattent » sur leur ordinateur avec des interlocuteurs qu'ils ne connaissent pas, qui vivent à l'autre bout du monde. Et beaucoup d'entre eux le font non seulement en français, mais aussi en anglais ! Nous ne devons pas perdre de vue que nous travaillons pour l'avenir de nos enfants et que, si nous nous intéressons à ce qu'ils font, nous pouvons nous rendre compte qu'ils ont beaucoup mieux intégré que nous la mondialisation.
Il y a, derrière ce débat, quelques exigences fortes.
Nous devons, tout d'abord, préserver notre identité nationale au sein d'une identité européenne. Vous avez tout à fait raison : le message du référendum du 29 mai est très ambigu sur beaucoup de sujets et le « non » comme le « oui » sont riches de nombreuses significations. Mais une chose est sûre : nos compatriotes attendent ardemment une réponse politique claire en ce qui concerne les grands enjeux de demain dans le monde.
Vous l'avez dit, il faut renforcer l'attractivité de la France, d'où la réforme de la taxe professionnelle, d'où le plafonnement à 60 %, d'où un certain nombre de mesures fiscales pour les entreprises comme pour les ménages.
Il est évidemment très important de mener une telle politique, qui seule peut nous permettre d'aller de l'avant, et prendre les mesures pour organiser le commerce mondial afin de protéger les produits européens comme le font d'autres grands blocs - vous avez cité à juste titre le bloc américain, en particulier les Etats-Unis - pour leurs propres produits.
Ce débat dépasse donc le cadre du budget, mais les interactions sont nombreuses entre l'un et l'autre.
Enfin, monsieur Goulet, vous n'êtes pas un homme de renoncement, vous êtes, au contraire, un homme de conviction.
Sur les sujets que vous avez évoqués, il y a beaucoup de choses à dire ! En tout cas, l'étude dont vous avez fait état me semble très intéressante et je la lirai avec beaucoup de plaisir, car je distingue derrière tout cela bien des enjeux.
Pour conclure, mesdames, messieurs les sénateurs, sachez que je serai très heureux de pouvoir vous répondre plus en détail sur l'ensemble des points que vous avez évoqués et que je serai très attentif, tout au long de cette discussion, à vos propositions, à vos amendements et à vos critiques. En effet, concernant un budget de cette importance, compte tenu des réformes que nous proposons, nul d'entre nous ne peut considérer qu'il détient la vérité révélée.
Je suis non seulement ouvert à toute proposition d'amélioration ou de correction de ce budget, mais je suis demandeur ! Nous travaillerons ensemble et je ne ferai preuve d'aucun préjugé, je n'aurai aucune arrière-pensée. Les uns et les autres nous exprimerons nos convictions, et nous débattrons avec un seul souci : l'intérêt général, le service de la France. (Applaudissements sur les travées de l'UMP ainsi que sur certaines travées de l'UC-UDF.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Question préalable
M. le président. Je suis saisi, par Mme Borvo Cohen-Seat, M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Vera et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, d'une motion n° I-61, tendant à opposer la question préalable.
Cette motion est ainsi rédigée :
« En application de l'article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi de finances pour 2006, adopté par l'Assemblée nationale (n° 98, 2005-2006). »
Je rappelle que, en application de l'article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n'excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à M. Bernard Vera, auteur de la motion.
M. Bernard Vera. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les grandes lignes de ce projet de loi de finances pour 2006 se trouvent traduites dans les orientations générales du texte, ainsi déclinées : soutenir la croissance, développer l'emploi et consolider le redressement de nos finances publiques.
Si l'on devait résumer en quelques mots ce que signifie cette triple orientation, on pourrait le traduire ainsi : alléger l'impôt sur les sociétés et l'impôt de solidarité sur la fortune, remplacer les emplois publics et les emplois industriels supprimés par des emplois précaires, réduire la dépense publique tout en transférant une partie du déficit à la sécurité sociale.
Ce sont là quelques-uns des moyens utilisés par le Gouvernement pour atteindre les objectifs affichés.
Nous avons eu l'occasion, lors de la discussion générale, de pointer nombre des aspects critiquables de ce projet de loi, d'autant que tout montre, à l'examen des paramètres retenus, qu'il est insincère et qu'il permettra, le moment venu, tous les ajustements et tous les arrangements possibles.
Nous connaîtrons donc dès le mois de janvier le gel de crédits pourtant à peine votés, et nous aurons droit au fil des mois aux habituels décrets d'annulation de crédits, aux opérations de virement et de répartition.
Tout se passe, d'ailleurs, comme si la discussion de la loi de finances, année après année, et malgré - ou à cause - de la loi organique sur les lois de finances, s'apparentait de plus en plus à un théâtre d'ombres dont le scénario ne serait pas communiqué aux acteurs et dont seuls les auteurs connaîtraient le déroulement final.
Ce n'est évidemment pas là notre conception du débat parlementaire et du débat démocratique.
Je me permettrai simplement de rappeler ce qui faisait la une de l'actualité au moment du débat budgétaire, au début de l'automne.
Nous étions alors informés, chaque jour ou presque, des difficultés traversées par quelques propriétaires de l'île de Ré confrontés à l'imposition au titre de l'impôt de solidarité sur la fortune. Il est vrai qu'avec une hausse des valeurs immobilières de 100 % en cinq ans et un CAC 40 grimpant de 17 % depuis le début de l'année on ne pouvait que constater cette croissance de la valeur des patrimoines imposables. Nombreux sont d'ailleurs les salariés qui auraient sans doute aimé connaître, eux aussi, cette situation durant la même période.
En tout cas, fin septembre, la priorité des priorités, dans le débat budgétaire, c'était la baisse de l'impôt de solidarité sur la fortune. Pas moins de dix propositions de lois sur l'ISF ont été déposées pendant cette période par des parlementaires de la majorité.
Le problème, c'est que la réalité sociale a rattrapé d'un seul coup les intentions affichées. L'explosion de violence dans les banlieues que nous venons de vivre est soudain venue rappeler qu'il y avait à l'évidence d'autres priorités. Ces violences sont bien sûr inacceptables, mais elles sont révélatrices d'une crise profonde qui confirme un besoin urgent de solutions alternatives, porteuses de progrès social et de justice.
Les souffrances qui minent nos quartiers populaires appellent à un engagement résolu et durable en faveur des populations les plus démunies.
Le malaise des banlieues, où vivent près d'un Français sur trois, illustre qu'il est largement temps que les choix budgétaires et politiques de notre pays fassent enfin place à la satisfaction des besoins.
Quel intérêt de voir les déficits publics tenus dans des limites acceptables lorsque l'emploi précaire et le logement surpeuplé demeurent le quotidien de millions d'habitants de notre pays ? Quel intérêt de maîtriser la dépense publique quand l'école ne peut plus répondre à l'attente des jeunes et des parents, quand on ne construit plus assez de logements sociaux, quand le droit à la santé n'est pas une réalité pour les plus démunis ?
Ce budget ne correspond pas aux nécessités du moment, à l'état d'urgence sociale dans lequel nous nous trouvons avec la confirmation de l'ampleur des inégalités et des problèmes sociaux vécus au quotidien par nos compatriotes.
C'est d'un tout autre budget qu'ont besoin les habitants de notre pays, qui vous ont d'ailleurs, à plusieurs reprises depuis 2002, signifié à quel point les choix que vous opérez ne sont pas les bons, à quel point la politique que vous menez ne correspond nullement à leurs attentes.
J'aimerais évoquer certains propos entendus lors du débat budgétaire à l'Assemblée nationale.
« Premièrement, ce projet de budget pour 2006 n'est pas sincère quant aux prévisions de croissance, au taux de croissance des dépenses publiques et à l'aggravation de la pression fiscale. Vous renoncez à dire l'extrême gravité de la situation de nos finances publiques et à en tirer les conséquences.
« Deuxièmement, ce texte représente une menace pour l'avenir de nos finances publiques.
« Troisièmement, ce texte comporte des mesures fiscales injustes. Au lieu de soulager la pression fiscale pesant sur les classes moyennes, vous concentrez les cadeaux fiscaux sur les plus gros contribuables : les deux tiers du coût du bouclier fiscal profiteront à 14 000 contribuables imposables à l'ISF, pour 250 millions d'euros. »
L'auteur de ce véritable réquisitoire contre le projet de loi de finances pour 2006 est notre collègue Charles-Amédée de Courson, député UDF de la Marne, qui expliquait ainsi la position de son groupe lors du vote de la première partie.
Comme nul ne l'ignore ici, seul le groupe UMP de l'Assemblée nationale a estimé utile de voter en faveur du projet de loi de finances qui nous est aujourd'hui proposé. Tous les autres groupes, qu'il s'agisse du groupe des députés communistes et républicains, du groupe des socialistes et apparentés ou encore du groupe UDF, ont voté contre ce projet de budget pour 2006, exprimant ainsi la nécessité d'un autre budget.
Par cette motion tendant à opposer la question préalable, nous entendons donc prolonger cette exigence.
Outre les raisons et les motifs que je viens d'évoquer, j'aborderai rapidement quatre raisons principales qui justifient, à notre sens, cette motion.
Tout d'abord, ce projet de loi de finances qui nous est présenté pour 2006 constitue un véritable déni de l'expression démocratique de nos concitoyens. C'est le respect du suffrage universel tel qu'il s'est exprimé le 29 mai 2005 qui est en cause.
La deuxième raison tient au manque de sincérité des hypothèses économiques retenues, qui a pour effet de faire débattre la représentation nationale sur un faux budget. Votre prévision de croissance, monsieur le ministre, que vous établissez à 2,25 %, est infirmée par l'ensemble des conjoncturistes, qui l'évaluent en moyenne à 1,8 %. Vos prévisions sont irréalistes et l'erreur potentielle contenue dans ce budget est de 20 %. Il s'agit donc d'un budget d'affichage, qui vous permet d'évaluer le déficit public de la France à 2,9 % du produit intérieur brut en 2006, soit à un niveau inférieur aux 3 % exigés par les critères de Maastricht.
La troisième raison de réfuter ce projet de budget est que celui-ci continue à réduire l'autonomie fiscale et financière des collectivités locales. La réforme engagée de la taxe professionnelle, c'est-à-dire son plafonnement à 3,5 % de la valeur ajoutée, aura des conséquences négatives sur les services locaux rendus aux populations.
Le congrès de l'Association des maires de France se fait l'écho des inquiétudes des élus locaux s'agissant des conséquences de ce projet de budget sur les finances locales. L'impôt local ne doit pas servir de variable d'ajustement à la politique fiscale de l'État, et l'autonomie financière des communes doit être préservée.
La quatrième raison qui justifie cette question préalable tient au non-respect de l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, qui dispose : « Pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés ».
Cet article affirme le principe du respect de la faculté contributive. Le principe de la progressivité de l'impôt est également affirmé par la décision du Conseil constitutionnel du 30 décembre 1981 relative à l'ISF.
Or vous vous attachez à limiter cette progressivité, voire à l'éliminer. Ce faisant, vous favorisez les plus fortunés et vous augmentez le poids des impôts les plus injustes que sont la TVA et la TIPP.
Prenons l'exemple de la baisse de l'impôt sur le revenu. On peut tourner la question dans tous les sens, mais rien n'y fait : pour les 15 millions à 20 millions de contribuables qui sont, de toute manière, empêchés par la modicité de leurs revenus d'acquitter la moindre cotisation, cette réforme ne change rien.
Chacun sait pertinemment que les principaux gagnants de la réforme seront les catégories les plus aisées de la population, notamment celles dont les revenus non salariaux vont largement bénéficier de l'intégration de l'abattement des 20 % dans le barème.
Cet abattement, accordé aux salariés mais également étendu à d'autres contribuables, est un formidable jackpot fiscal pour les plus aisés, pour les plus fortunés.
Et que dire de cette accumulation de cadeaux, qui font suite à la réforme de l'imposition du patrimoine, à l'allégement de l'ISF, à la multiplication et à la persistance de multiples niches fiscales dont on sait parfaitement qu'elles n'ont aucune influence réelle sur la situation de l'emploi et de la croissance et qu'elles ne recouvrent qu'une seule réalité tangible : l'économie d'impôt qu'elles permettent aux initiés !
Les 3,5 milliards d'euros que coûtera la réforme de l'impôt sur le revenu ainsi que les milliards d'euros de dégrèvements accordés au titre de la taxe professionnelle vont manquer à l'appel pour répondre aux urgences sociales en matière d'emploi, de santé, de logement, de politique de la ville, de soutien à la vie associative, à la création artistique, à la préservation du patrimoine culturel et des espaces naturels.
Dans ces conditions, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous comprendrez que le groupe communiste républicain et citoyen appelle le Sénat, en adoptant cette question préalable, à faire valoir enfin d'autres choix que ceux qui nous sont proposés pour l'heure dans ce projet de loi de finances pour 2006. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'avoue être très surpris de cette initiative. En effet, notre collègue Bernard Vera et son groupe développent toute une analyse de ce projet de budget avant même de l'avoir examiné. Or le rapporteur général que je suis aimerait avoir l'occasion, au cours de la discussion des articles, de les convaincre que leur approche n'est pas la bonne.
Si nous voulons qu'un débat pluraliste et démocratique se déroule dans cet hémicycle, il faut confronter nos argumentaires !
La majorité du Sénat considère ainsi, par exemple, que toute mesure tendant à éviter l'évasion des capitaux et à améliorer l'attractivité de notre territoire est bonne pour la confiance et pour l'emploi, et que l'on ne pourra pas améliorer la situation des salariés et de l'emploi si l'on désespère ceux qui sont porteurs de projets d'entreprise.
Selon vous, dès lors qu'il y a - hélas ! - des malheureux sur le sol de notre pays, nous ne devons plus prendre en considération l'état d'esprit des détenteurs de capitaux et des entrepreneurs. (Exclamations sur les travées du groupe CRC.)
Mme Marie-France Beaufils. Ce n'est pas ce que nous avons dit !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je ne crois pas avoir trop travesti votre pensée en disant que vous opposez les situations de misère, qui existent et auxquelles nous devons bien entendu nous attaquer, et notre prétendue sollicitude vis-à-vis des détenteurs de capitaux et des hommes d'entreprise.
Mme Hélène Luc. Nous voulons plus d'entreprises !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Mes chers collègues, nous aimerions vous convaincre au cours de ce débat que cette position est factice et dépassée, et vous amener à aborder le marxisme à la façon de Deng Xiao Ping, qui disait : « Qu'importe que le chat soit noir ou blanc pourvu qu'il attrape des souris. » (Sourires.)
Mme Hélène Luc. L'autre jour, c'était le goulag. Aujourd'hui, c'est Deng Xiao Ping !
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est avec cet espoir que nous souhaitons poursuivre et amplifier la discussion de ce projet de loi de finances.
La commission des finances ne peut donc qu'être très défavorable à votre motion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme Hélène Luc. C'est un autre budget qu'il nous faut !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-François Copé, ministre délégué. J'invite votre assemblée à rejeter cette motion. En effet, les propos de M. Vera m'incitent à penser qu'il est grand temps d'entrer dans le vif du sujet. Plus vite nous débattrons du fond, mieux ce sera, car nous pourrons enfin connaître les positions des uns et des autres.
Pour reprendre un proverbe chinois que Philippe Marini connaît bien : « C'est au pied du mur qu'on voit le mieux le mur. » (M. le rapporteur général sourit.) Retrouvons-nous donc vite au pied du mur ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme Hélène Luc. Vous avez tort de faire de l'humour sur ce sujet, monsieur le ministre. C'est très sérieux !
M. le président. Je mets aux voix la motion n° I-61, tendant à opposer la question préalable.
Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi de finances.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 24 :
Nombre de votants | 233 |
Nombre de suffrages exprimés | 233 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 117 |
Pour l'adoption | 23 |
Contre | 210 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures quinze, est reprise à vingt et une heures trente-cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
4
rappel au règlement
M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle, pour un rappel au règlement.
M. Alain Vasselle. Monsieur le président, j'ai le sentiment que les années se suivent et se ressemblent ! Je souhaiterais que la présidence et la conférence des présidents soient sensibles au fait que, depuis bientôt trois semaines, le Parlement connaît des conditions de travail quelque peu difficiles, afin que, dans les années qui viennent, la situation s'améliore.
J'ai entendu le président du Sénat comme le président de l'Assemblée nationale annoncer que, dorénavant, le Parlement n'examinerait aucun projet de loi qui ne serait pas accompagné de ses décrets d'application. Or je constate qu'il n'en est tenu aucun compte.
Les textes se succèdent donc, le projet de loi portant engagement national pour le logement constituant le point d'orgue de cette succession.
J'aimerais que le Gouvernement nous explique les raisons pour lesquelles nous sommes contraints de « saucissonner » l'examen de ce projet de loi, qui n'a pourtant pas été déclaré d'urgence, avec celui du projet de loi de finances, dont la discussion a commencé cet après-midi.
Nous aurions pu nous consacrer exclusivement au projet de loi de finances si l'examen du projet de loi portant engagement national pour le logement - sur lequel nous allons être amenés à travailler cette nuit, demain matin et, après une séance consacrée au projet de loi de finances, demain soir puis samedi toute la journée et le soir - avait été reporté.
Cette organisation déplorable ne permet pas au Parlement de travailler dans des conditions satisfaisantes !
Pour ma part, monsieur le président, en trois semaines j'ai assisté aux débats sur le projet de loi d'orientation agricole, sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale et sur le projet de loi portant engagement national pour le logement. De lundi jusqu'à vendredi, je me suis couché toutes les nuits à trois heures pour « redémarrer » le lendemain matin à huit heures !
Les ministres se succèdent, chacun défend son texte, mais nous, parlementaires, devons être sans cesse présents si nous voulons participer à l'examen de l'ensemble des textes.
Dans ces conditions, de deux choses l'une : ou bien l'on permet aux parlementaires de suivre les débats sur tous les textes à l'examen desquels ils veulent participer, auquel cas l'on fait en sorte que leurs conditions de travail soient satisfaisantes, ou bien l'on considère qu'un parlementaire doit se spécialiser dans les seules questions relevant du champ de compétences de la commission dans laquelle il siège et faire confiance pour le reste à ses autres collègues. Mais, dans ce dernier cas, il s'agirait d'une autre conception de la démocratie et du bon fonctionnement du Parlement.
Si c'est ainsi que le Gouvernement souhaite que le Sénat fonctionne, qu'il le dise ! Nous pourrons alors nous exprimer devant nos concitoyens...
Pardonnez-moi, monsieur le président, ce mouvement d'humeur,...
Mme Marie-France Beaufils. Mouvement d'humeur très justifié !
M. Alain Vasselle. ...mais je sais qu'il ne vous aura pas surpris, car ce n'est pas la première fois que j'interviens à ce propos ! (M. Philippe Nogrix applaudit.)
M. le président. Monsieur Vasselle, acte vous est donné de ce rappel au règlement.
5
Engagement national pour le logement
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi portant engagement national pour le logement (nos 57, 81, 85, 86).
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l'examen d'amendements tendant à insérer des articles additionnels après l'article 7.
Articles additionnels après l'article 7
M. le président. L'amendement n° 159, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l'article 7, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le 1° du 5 de l'article 261 du code général des impôts est complété par un g ainsi rédigé :
« g. les livraisons d'immeubles réalisées par les organismes d'habitation à loyer modéré mentionnés à l'article L. 411-2 du code de la construction et de l'habitation ou de lots de copropriété faisant l'objet d'un plan de sauvegarde en application de l'article L. 615-1 du même code par les organismes sans but lucratif visés au 7 du présent article. »
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, vous le savez, les copropriétés dégradées, dans les quartiers sensibles notamment, sont l'un des sujets complexes que nous devons traiter
Lorsqu'il y a un plan de sauvegarde et que des acquisitions sont faites par la commune ou par un organisme habilité pour écarter des acheteurs indélicats, le régime appliqué est celui des marchands de biens, ce qui est pour le moins surprenant.
Pour améliorer le traitement, dans le cadre des plans de sauvegarde, des copropriétés privées dégradées, il est donc proposé d'exonérer de TVA ces opérations.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Dominique Braye, rapporteur de la commission des affaires économiques et du Plan. Comme vient de l'expliquer M. le ministre, le problème des copropriétés dégradées est l'un des problèmes les plus difficiles que nous ayons à régler. Que par des opérations de portage immobilier des organismes HLM ou des organismes privés sans but lucratif puissent aider ces copropriétés à se redresser est une bonne chose, et il est donc naturel que ces opérations ne soient pas assujetties à la TVA.
La commission a donc émis un avis favorable.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 7.
L'amendement n° 187, présenté par M. Vasselle, est ainsi libellé :
Après l'article 7, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I - Après l'article 1388 bis du code général des impôts, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. ... - La base d'imposition à la taxe foncière sur les propriétés bâties des logements donnés en location dans le cadre d'une convention mentionnée aux articles L. 321-1, L. 321-4 et L. 321-8 du code de la construction et de l'habitation, pendant la durée d'application de cette convention, fait l'objet d'un abattement de 50 %. »
II. - La perte de recettes pour les collectivités territoriales résultant du I ci-dessus est compensée par une majoration à due concurrence de la dotation globale de fonctionnement.
III. - La perte de recettes pour l'État résultant du II ci-dessus est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Alain Vasselle.
M. Alain Vasselle. L'article 7 permet au bailleur qui conventionne à des conditions de loyer maîtrisé avec l'ANAH, l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat, de bénéficier sur toute la durée de la convention d'une exemption de contribution sur les revenus locatifs.
C'est une mesure intéressante, mais qui ne m'apparaît pas suffisamment incitative et significative pour encourager des bailleurs à s'engager dans la nouvelle politique que nous définissons au travers du présent projet de loi.
C'est la raison pour laquelle je propose que soit mis en place un autre avantage fiscal au profit des bailleurs, avantage qui consisterait en une exonération de 50 % de la base d'imposition de la taxe foncière sur les propriétés bâties, la TFPB, pendant la durée de la convention.
Cet amendement aurait-il un coût aussi élevé que l'un de mes amendements précédents, que M. le rapporteur a évalué à 2 milliards d'euros ? Je l'ignore, mais il s'agit tout autant d'un amendement d'appel que d'un amendement ayant vocation à être adopté, son objet étant d'inciter le Gouvernement - ou le Parlement - à réfléchir d'ici à la deuxième lecture à une disposition de cette nature pour « booster » le dispositif qui nous est proposé et auquel, bien entendu, j'adhère.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Dominique Braye, rapporteur. Mon cher collègue, je partage, vous le savez, votre opinion. Il faut en effet faire des efforts importants pour que les 500 000 à 1 million de logements vacants reviennent sur le marché, raison pour laquelle nous avons voté l'article 7 qui prévoit un avantage fiscal non négligeable au bénéfice des propriétaires qui conventionneront avec l'ANAH.
Cependant, et vous le savez mieux que quiconque en tant que rapporteur du projet de loi de financement de la sécurité sociale, le budget de l'État n'est malheureusement pas dans une situation florissante. Il me semble donc difficile d'envisager une multiplication des avantages fiscaux pour les propriétaires bailleurs.
À ce titre, nous sommes très réservés quant à votre proposition ; mais, vous l'avez dit vous-même, il s'agit d'un amendement d'appel, et je vous invite à le retirer après que M. le ministre vous aura répondu.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Louis Borloo, ministre. Monsieur Vasselle, vous avez raison, il est nécessaire de favoriser les conventionnements avec l'ANAH.
Il y avait deux façons de le faire : celle que vous proposez, qui repose sur l'exonération de TFPB, avec les complexités techniques que cela suppose compte tenu du nombre de communes concernées, ou celle, plus simple et légèrement plus puissante, de la déduction forfaitaire.
Or vous savez que le Sénat a bien voulu voter l'amendement n° 54 rectifié bis, qui permet la déduction forfaitaire de 30 % dans le cadre des conventions ANAH pour la durée desdites conventions. Je pense donc que l'objectif est largement atteint.
M. le président. Monsieur Vasselle, l'amendement est-il maintenu ?
M. Alain Vasselle. Cet amendement d'appel n'avait pas vocation à être maintenu. Hélas, trois fois hélas, monsieur le rapporteur, nous sommes en effet dans une conjoncture particulièrement difficile.
Cela étant, que ce soit dans le cadre de la loi d'orientation agricole, de la loi de finances ou du présent texte de loi, je constate que le Gouvernement, via les hauts fonctionnaires du ministère des finances, a un peu tendance à se servir des budgets tant des collectivités locales que de la sécurité sociale comme variable d'ajustement des comptes de l'État. Tout cela n'est pas de nature à me rassurer !
Soucieux de ne pas aggraver les difficultés budgétaires, je vais retirer cet amendement, mais j'espère que le Gouvernement a bien fait ses comptes et qu'il sera en mesure d'assumer toutes les mesures fiscales qu'il nous propose dans différents projets de loi. En effet, ce que je crains fort, c'est qu'au bout du compte, si la conjoncture ne se redresse pas rapidement, le déficit budgétaire ne se creuse encore quelque peu.
M. le président. L'amendement n° 187 est retiré.
L'amendement n° 55, présenté par M. Braye, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Après l'article 7, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le titre V du livre II du code de la construction et de l'habitation est ainsi modifié :
1° L'intitulé du titre est ainsi rédigé :
« Bail à construction - Bail à réhabilitation - Bail dans le cadre d'une convention d'usufruit »
2° Il est complété par un chapitre III ainsi rédigé :
« Chapitre III
« Bail dans le cadre d'une convention d'usufruit
« Art. L. 253-1. - L'usufruit d'un logement ou d'un ensemble de logements peut être établi par convention au profit d'une personne morale, pour une durée minimale de quinze années, en vue de la location de ce ou ces logements.
« Art. L. 253-2. - Les logements dont l'usufruit est détenu par les bailleurs visés à l'article L. 253-1 peuvent être financés par des prêts aidés dans des conditions définies par décret.
« Ils peuvent faire l'objet d'une convention mentionnée à l'article L. 351-2, conclue pour une durée identique à celle de l'usufruit.
« Art. L. 253-3. - Le bail doit expressément indiquer, de manière apparente, le statut juridique du logement, préciser le terme ultime du contrat tel que prévu à l'article L. 253-4 et reproduire les termes des articles L. 253-5, L. 253-6 et L. 253-7.
« Art. L. 253-4. - Le bail conclu dans le cadre d'un usufruit prend fin de plein droit au plus tard à la date de l'extinction des droits d'usufruit sur le bien loué.
« Les deuxième, troisième et quatrième alinéas de l'article 595 du code civil ne s'appliquent pas aux baux soumis aux présentes dispositions.
« Art. L. 253-5. - Six mois avant l'extinction de l'usufruit, le nu-propriétaire, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception peut :
« - soit proposer au locataire un nouveau bail prenant effet au terme de l'usufruit, conforme aux disposition de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 ;
« - soit donner congé pour vendre ou pour occuper le bien selon les modalités prévues à l'article 15 de la loi n° 89-462 précitée, avec effet au terme de l'usufruit. Le congé est dans ce cas valablement donné par le seul nu-propriétaire au locataire.
« La notification reproduit les termes du II de l'article L. 253-6 et de l'article L. 253-7 du présent code.
« Art. L. 253-6. - I - Un an avant l'extinction de l'usufruit, le bailleur rappelle au nu-propriétaire et au locataire les dispositions de l'article L.253-5.
« II - Trois mois avant l'extinction de l'usufruit, le bailleur propose au locataire qui n'a pas conclu un nouveau bail avec le nu-propriétaire et qui remplit les conditions de ressources fixées par décret la location d'un logement correspondant à ses besoins et à ses possibilités.
« Le non-respect par l'usufruitier-bailleur de cette obligation est inopposable au nu-propriétaire.
« Art. L. 253-7. - Le locataire qui n'a pas conclu le contrat de location proposé par le nu-propriétaire, ni accepté l'offre de relogement faite par l'usufruitier-bailleur est déchu de tout titre d'occupation sur le logement à l'expiration de l'usufruit.
« Art. L. 253-8. - Les dispositions du présent chapitre sont d'ordre public. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Dominique Braye, rapporteur. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous savez que le groupe de travail sur les facteurs fonciers et immobiliers de la crise du logement avait plaidé pour la création d'un mécanisme de dissociation de l'usufruit et de la nue-propriété pour inciter les bailleurs privés à placer leur épargne dans la construction de logements temporairement affectés au secteur social et loués aux conditions du parc HLM.
Ce système permet la réalisation de logements neufs dans le cadre d'un contrat de démembrement temporaire de propriété, pour une durée minimale de quinze ans, entre un usufruitier bailleur social et un nu-propriétaire investisseur privé qui devient plein propriétaire à l'issue de cette période de quinze ans.
Le financement du logement est partagé entre le nu-propriétaire, qui assume généralement de 60 % à 65 % du coût de l'acquisition, et l'organisme social qui finance la seconde partie, donc 35 % à 40 %, de l'acquisition en recourant à un emprunt, l'organisme bénéficiant naturellement d'un prêt réglementé en cas de conventionnement du logement.
Ce système présente le double avantage de permettre à un investisseur privé de devenir propriétaire du bien à un prix très inférieur à celui du marché et à un organisme social d'augmenter temporairement son parc de logements sociaux, à un coût nul pour la collectivité. En effet, l'organisme bénéficie au cours de la période d'usufruit du montant des loyers versés par les locataires, ce qui lui permet de couvrir totalement les charges d'emprunt liées à l'acquisition de la seconde partie du logement.
Le présent amendement prévoit donc de donner une base juridique au mécanisme que je viens de vous présenter.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Louis Borloo, ministre. Le Gouvernement est évidemment favorable à cet amendement, qui s'inscrit dans un processus d'amélioration rapide des conditions de construction de logements sociaux.
Dans bien des pays, le démembrement entre le foncier et le bâti est autorisé depuis longtemps. Cette proposition va manifestement dans le sens de l'accroissement du parc social.
M. le président. La parole est à M. Thierry Repentin, pour explication de vote.
M. Thierry Repentin. L'idée que traduit l'amendement n° 55 provient notamment - mais peut-être pas exclusivement - d'une rencontre que nous avions eue voilà quelques mois dans le cadre du groupe de travail auquel a fait allusion M. le rapporteur. A cette occasion, nous avions en effet reçu un promoteur spécialisé dans ce domaine.
La commission souhaite élaborer un nouveau support juridique pour autoriser des bailleurs privés à mettre sur le marché des logements à loyer maîtrisé, et nous ne pouvons qu'être d'accord avec elle sur cet objectif. Ce qui nous gêne, cependant, c'est que nous n'avons pas réussi à expertiser toutes les conséquences juridiques que cela emporte.
Nous avons notamment été interpellés, pourquoi ne pas le dire, par le fait que plusieurs opérations de ce type menées par le promoteur en question ont pu se faire grâce à l'expropriation de terrains par la commune. Dans les faits, il y a donc eu expropriation au bénéfice d'un promoteur privé.
Dans ces conditions, même si, pendant quelque temps, ces logements sont mis en location et gérés par un organisme de logement social, nous ne vous suivrons pas ce soir. Nous aurions aimé pouvoir le faire, mais les alertes de ces dernières semaines nous contraignent malheureusement à la prudence.
Nous aurions notamment souhaité disposer, dans le cadre de la navette, d'un délai pour effectuer des expertises complémentaires et, pour tout dire, j'aurais préféré que l'amendement ne soit pas présenté dès maintenant par M. le rapporteur.
Je suis d'accord, je le répète, sur le fond, mais j'attire votre attention sur le fait que de nombreux contentieux sont en cours à propos de certaines opérations.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 7.
Division additionnelle après l'article 7
M. le président. L'amendement n° 56 rectifié, présenté par M. Braye, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Après l'article 7, insérer une division additionnelle ainsi rédigée :
Chapitre III
Lutter contre l'insalubrité et la vacance
La parole est à M. le rapporteur.
M. Dominique Braye, rapporteur. Il s'agit d'un amendement rédactionnel qui vise à restructurer le texte en y insérant un chapitre consacré à la lutte contre l'insalubrité et la vacance.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. En conséquence, une division additionnelle ainsi rédigée est insérée dans le projet de loi, après l'article 7.
Articles additionnels après l'article 7
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 57 est présenté par M. Braye, au nom de la commission des affaires économiques.
L'amendement n° 350 est présenté par MM. Repentin, Raoul, Caffet et Bel, Mme Y. Boyer, MM. Courteau et Dussaut, Mmes Herviaux, Hurel et Khiari, MM. Krattinger, Lejeune, Pastor, Piras, Raoult, Reiner, Ries, Saunier, Teston, Trémel, Lise, Vézinhet, Picheral et Madec, Mme San Vicente, MM. Plancade, Gillot et les membres du groupe Socialiste et apparentés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l'article 7, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 302-1 du code de la construction et de l'habitation est ainsi modifié :
1° Au quatrième alinéa, les mots : « des chartes intercommunales du logement définies à l'article L. 441-1-5 » sont remplacés par les mots : « de l'accord collectif intercommunal défini à l'article L. 441-1-1 » ;
2° Le sixième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « Ce diagnostic inclut un repérage des situations d'habitat indigne et des copropriétés dégradées. »
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 57.
M. Dominique Braye, rapporteur. Il n'existe pas, aujourd'hui, de dispositif de recensement des logements insalubres. Or, si les pouvoirs publics souhaitent traiter au mieux ces situations bien souvent indignes de notre pays, il est indispensable d'avoir une connaissance précise des logements concernés. En effet, on comptabilise aujourd'hui entre 400 000 et 600 000 logements considérés comme indignes, et plus de 250 000 copropriétés dégradées.
Les tragiques incendies d'hôtels meublés et d'immeubles collectifs survenus à Paris au printemps et à la fin de l'été 2005, qui ont frappé des personnes en situation de détresse sociale, démontrent, s'il en était besoin, la nécessité d'une mobilisation de la puissance publique pour lutter contre ces situations d'autant plus insupportables que, souvent, elles bénéficient à des « marchands de sommeil » qui exploitent, en fait, la précarité.
Aussi, la commission vous propose que les PLH procèdent au repérage de ces diverses formes d'habitat indignes et des copropriétés dégradées. Une telle identification est indispensable pour orienter la programmation des actions nécessaires à la résorption de l'habitat indigne et au traitement des copropriétés dégradées, actions qui sont prévues dans le cadre des PLH.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Caffet, pour présenter l'amendement n° 350.
M. Jean-Pierre Caffet. Le groupe socialiste a souhaité déposer un amendement identique à celui de la commission et vous comprendrez qu'en tant qu'élu parisien je sois particulièrement sensible à cette proposition.
Oui, il faut faire figurer dans tous les documents d'urbanisme, notamment dans les PLH, des dispositions permettant de recenser systématiquement l'habitat insalubre, l'habitat indigne et les copropriétés dégradées.
Je veux d'ailleurs souligner que cette proposition était contenue dans le rapport Doutreligne-Pelletier, rédigé après les tragiques incendies de l'été.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 57 et 350.
(Les amendements sont adoptés à l'unanimité.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 7.
Articles additionnels avant l'article 1er ou après l'article 7
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 229, présenté par Mme Demessine et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Après le chapitre VI du titre Ier du livre VI du code de la construction et de l'habitation, il est inséré un chapitre VII intitulé « Permis de diviser »
II. - Après l'article L. 616 du code la construction et de l'habitation, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. L. ... - Toute division d'immeuble à usage d'habitation est soumise à une autorisation municipale préalable, dénommée permis de diviser. Ce permis de diviser ne sera délivré, qu'après examen de la conformité technique, actuelle ou prévisible, de l'immeuble et des lots divisés, avec des normes minimales d'habitabilité. Dans la ou les zones géographiques où la situation résidentielle provoquée par l'évolution et le niveau anormal du marché porte atteinte à la mixité sociale, ce permis de diviser ne sera délivré qu'en tenant compte des engagements souscrits dans un dossier locatif, permettant de garantir la pérennité de la situation locative des locataires ou occupants habitant l'immeuble et, de maintenir la fonction locative existante. Un décret en Conseil d'État définit les modalités d'application du présent article ».
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. La « vente à la découpe » constitue une atteinte grave aux droits des locataires et un véritable détournement de la loi de 1989.
Les dispositifs existants de protection des locataires ne les protègent pas des agissements des marchands de biens.
Il s'agit ici de porter atteinte non au droit de propriété, mais au droit de spéculer abusivement, car les marchands de biens piétinent le droit au logement des locataires concernés : leur choix se résume soit à acheter fort cher en faisant un « mariage forcé » avec leur banque et en espérant lever un jour cette hypothèque, soit à quitter leur logement pour aller grossir la liste des demandeurs, soit encore à être de facto rejetés des centres-villes et contraints à l'exode.
Aujourd'hui, il y a donc urgence à empêcher, par des mesures spécifiques fortes de salut public, par des outils législatifs et réglementaires adaptés et appliqués, les congés motivés par la spéculation immobilière.
Il s'agit d'instaurer un principe de permis de diviser dans les villes où s'effectuent les opérations portant le plus atteinte à la mixité sociale et, singulièrement, les opérations dites de « vente à la découpe ».
Ce principe doit renforcer les garanties offertes aux locataires lors des procédures de congé vente, en prenant notamment en compte la réalité de leur situation de ressources, de leur situation sociale, et en précisant les conditions de reprise des logements.
Il s'agit clairement d'indiquer qu'il est de responsabilité publique, partagée entre l'État et les collectivités territoriales, d'intervenir sur la prévention des dérèglements du marché du logement, dont les ventes à la découpe constituent une des illustrations.
Je dirai, à titre d'exemple, que le dispositif de Robien a seulement permis d'assurer la rentabilité de l'investissement locatif privé au détriment de la réponse aux besoins sociaux en la matière, de l'équilibre trouvé dans le cadre du dispositif Besson, qui lui était antérieur.
Cette mesure d'incitation fiscale, particulièrement coûteuse pour le budget de l'État, accompagne en effet la flambée des loyers dans le secteur privé - près du doublement en six ans sur la ville de Paris, par exemple -, et ne résout rien quant aux attentes de la population.
De surcroît, se pose encore une fois la question de savoir ce qui est important en matière de logement : assurer la rentabilité de l'investissement, ou répondre aux besoins sociaux ? Qui, des spéculateurs immobiliers ou des demandeurs de logement, sont les plus nombreux ?
En conséquence, nous proposons de donner aux municipalités la possibilité de maintenir la vocation locative des logements et de s'opposer, le cas échéant, à la vente par lots, en fonction du quartier et du parc locatif.
Cette disposition n'a pas été retenue par la majorité lors de l'examen de la « petite loi » relative à la vente à la découpe. Mais il n'est jamais trop tard pour bien faire...
J'ajoute, monsieur le ministre, que les maigres améliorations contenues dans cette proposition de loi pour les quelques locataires qui peuvent acquérir leur logement découpé ne seront pas, si l'on en reste au texte voté, applicables aux opérations déjà engagées.
A l'époque, monsieur le ministre, vous aviez plus ou moins laissé entendre que vous pourriez faire un effort de ce côté. Pourriez-vous nous en dire un peu plus ce soir ?
M. le président. L'amendement n° 421, présenté par MM. Repentin, Raoul, Caffet et Bel, Mme Y. Boyer, MM. Courteau, Desessard et Dussaut, Mmes Herviaux, Hurel et Khiari, MM. Krattinger, Lejeune, Pastor, Piras, Raoult, Reiner, Ries, Saunier, Teston, Trémel, Lise, Vézinhet, Picheral et Madec, Mme San Vicente, MM. Plancade, Gillot et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 7, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le titre III du livre VI du code de la construction et de l'habitation est complété par un chapitre IV ainsi rédigé :
« Chapitre IV
« Permis de mise en copropriété
« Art. L. 634-1. - Toute division par lots d'un immeuble comprenant au moins cinq locaux à usage d'habitation doit faire l'objet d'un permis de mise en copropriété.
« Art. L. 634-2. - Le permis de mise en copropriété est instruit et délivré dans les formes, conditions et délais déterminés par un décret en Conseil d'État. Il est délivré par le maire au nom de la commune. Lorsqu'une commune fait partie d'un établissement public de coopération intercommunale compétent en matière d'habitat, elle peut, en accord avec cet établissement, lui déléguer cette compétence qui est alors exercée par le président de l'établissement public au nom de l'établissement. Cette délégation de pouvoir doit être confirmée dans les mêmes formes après chaque renouvellement du conseil municipal ou après l'élection d'un nouveau président de l'établissement public.
« Pour l'instruction des documents visés au présent chapitre, le maire ou, s'il est compétent, le président de l'établissement public de coopération intercommunale peut déléguer sa signature aux agents chargés de l'instruction des demandes.
« Art. L. 634-3. - Toute demande de permis de mise en copropriété est déposée à la mairie. Dans les cas où la commune a délégué ses compétences à un établissement public de coopération intercommunale, le maire conserve un exemplaire de la demande et transmet les autres exemplaires au président de l'établissement public compétent dans la semaine qui suit le dépôt.
« Art. L. 634-4. - Toute personne souhaitant obtenir un permis de mise en copropriété doit assortir sa demande d'un dossier présentant l'état de l'immeuble au regard de normes techniques et environnementales définies par décret ainsi que les contrats de location des logements loués.
« Art. L. 634-5. - Préalablement à la délivrance du permis de mise en copropriété, le maire ou le président de l'établissement public de coopération intercommunale recueille l'avis des organisations représentatives des locataires et des organisations représentatives des bailleurs concernés.
« Art. L. 634-6. - L'autorité compétente peut refuser de délivrer le permis de mise en copropriété si l'immeuble ne répond pas à des normes techniques et environnementales définies par décret en Conseil d'État, si la mise en copropriété de l'immeuble va à l'encontre des objectifs définis dans le programme local de l'habitat, en particulier au titre de la mixité sociale, ou si les locataires ou occupants de bonne foi des locaux d'habitation ne disposent pas d'un contrat de location d'au moins six ans à compter de la date de demande du permis.
« Art. L. 634-7. - Un décret en Conseil d'État détermine les modalités d'application du présent chapitre. »
La parole est à M. Roger Madec.
M. Roger Madec. Nous vous proposons d'instaurer un permis de mise en copropriété. Délivré par le maire ou le président de l'EPCI, ce permis serait exigé pour toute opération de division par lots d'immeuble d'au moins cinq logements.
Les personnes souhaitant obtenir un permis de mise en copropriété devraient en faire la demande en assortissant cette dernière d'un dossier présentant l'état de l'immeuble au regard de normes techniques et environnementales définies par décret, ainsi que des contrats de location des logements loués.
Préalablement à la délivrance du permis de mise en copropriété, le maire ou le président de l'établissement public de coopération intercommunale devrait recueillir l'avis des organisations représentatives des locataires et des organisations représentatives des bailleurs concernés.
Enfin, le maire ou le président de l'EPCI aurait la possibilité de refuser de délivrer le permis si l'immeuble ne répond pas à des normes techniques et environnementales définies par décret en Conseil d'État, si la mise en copropriété de l'immeuble va à l'encontre des objectifs définis dans le PLH, en particulier au titre de la mixité sociale, ou si les locataires ou occupants de bonne foi des locaux d'habitation ne disposent pas d'un contrat de location d'au moins six ans à compter de la date de demande du permis.
Cet amendement vise à donner un pouvoir supplémentaire au maire, véritable régulateur de la diversité sociale sur le territoire. Il permettrait aussi de donner un peu de corps à la proposition de loi de Mme Aurillac, adoptée en première lecture par l'Assemblée nationale et par le Sénat.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Dominique Braye, rapporteur. Les auteurs de ces amendements souhaitent aborder une nouvelle fois le problème de la vente à la découpe, dont nous avons, pourtant, très largement débattu lors de la discussion de la proposition de loi Aurillac. Or je vous rappelle, mes chers collègues, que ce texte est actuellement en navette entre le Sénat et l'Assemblée nationale, et qu'il va donc nous revenir en deuxième lecture.
Il n'est pas bon de prendre des décisions avant que le parcours démocratique d'un texte soit parvenu à son terme ni de proposer, comme nous avons tendance à le faire très souvent pour aller un peu plus vite, des amendements portant sur des sujets ayant fait l'objet d'études qui ne sont pas encore achevées.
Pour autant, je ne suis pas surpris par la proposition qui nous est faite ici, puisqu'elle figurait déjà dans le rapport du groupe de travail sur les facteurs fonciers et immobiliers de la crise du logement que j'avais eu l'honneur de présider. Je relèverai toutefois une nuance entre la position du président et celle du rapporteur - ce dernier pourra d'ailleurs le confirmer. En effet, j'avais estimé, à titre personnel, qu'un permis de découper devait être avant tout un outil permettant à la commune d'entrer dans le circuit des négociations.
Sur l'initiative de notre collègue Laurent Béteille, rapporteur au Sénat de la proposition de loi Aurillac, nous avons voté un dispositif prévoyant une obligation d'information des communes, dispositif qui répond donc parfaitement aux préoccupations que j'avais exprimées.
En outre, nous avons également, sur mon initiative, permis aux communes d'exercer leur droit de préemption pour maintenir les locataires en place.
En fin de compte, nous disposons ainsi d'une palette d'outils équilibrée, qui permet d'atténuer les conséquences négatives des ventes à la découpe, et il ne semble pas opportun d'aller au-delà.
C'est la raison pour laquelle je suis amené à émettre un avis défavorable sur ces deux amendements.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Louis Borloo, ministre. Le Sénat a étudié des amendements analogues le 16 octobre dernier, si j'ai bonne mémoire, et il les avait rejetés. Bien sûr, votre assemblée est libre d'en décider autrement au cours de la navette. Il faut préserver la cohérence du présent projet de loi, sans interférer avec d'autres dispositions.
En conséquence, le Gouvernement émet un avis défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 421.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Articles additionnels après l'article 7 (suite)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 58 est présenté par M. Braye, au nom de la commission des affaires économiques.
L'amendement n° 351 est présenté par MM. Repentin, Raoul, Caffet et Bel, Mme Y. Boyer, MM. Courteau et Dussaut, Mmes Herviaux, Hurel et Khiari, MM. Krattinger, Lejeune, Pastor, Piras, Raoult, Reiner, Ries, Saunier, Teston, Trémel, Lise, Vézinhet, Picheral et Madec, Mme San Vicente, MM. Plancade, Gillot et les membres du groupe Socialiste et apparentés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l'article 7, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le chapitre V du titre IV du livre premier du code de commerce est ainsi modifié :
1° Le troisième alinéa de l'article L. 145-4 est ainsi rédigé :
« Le bailleur a la même faculté s'il entend invoquer les dispositions des articles L. 145-18, L. 145-21, L. 145-23-1 et L. 145-24 afin de construire, de reconstruire, de surélever l'immeuble existant, de réaffecter le local d'habitation accessoire à cet usage ou d'exécuter des travaux prescrits ou autorisés dans le cadre d'une opération de restauration immobilière. »
2° Après l'article L. 145-23, il est inséré un article L. 145-23-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 145-23-1. - Le bailleur peut, à l'expiration d'une période triennale, dans les formes prévues par l'article L. 145-9 et au moins six mois à l'avance, reprendre les locaux d'habitation loués accessoirement aux locaux commerciaux, s'ils ne sont pas occupés à cet usage. La reprise ne peut être exercée que si, après un délai de six mois suivant le congé délivré à cet effet, les locaux ne sont pas utilisés à usage d'habitation.
« Toutefois, la reprise dans les conditions indiquées à l'alinéa précédent ne peut être exercée sur des locaux affectés à usage d'hôtel ou de location en meublé, ni sur des locaux à usage hospitalier ou d'enseignement.
« De même, la reprise ne peut être exercée lorsque le locataire établit que la privation de jouissance des locaux d'habitation apporte un trouble grave à l'exploitation du fonds, ou lorsque les locaux commerciaux et les locaux d'habitation forment un tout indivisible.
« Dans le cas de reprise partielle prévu au présent article, le loyer du bail est diminué pour tenir compte des surfaces retranchées sans que cette reprise puisse en elle-même constituer une modification notable des éléments de la valeur locative mentionnée à l'article L. 145-33. »
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 58.
M. Dominique Braye, rapporteur. Mes chers collègues, sur la base des recommandations émises par le groupe de travail dirigé par M. Philippe Pelletier, président de l'ANAH, concernant la modernisation du régime juridique des baux commerciaux et professionnels, votre commission vous présente un dispositif permettant de mobiliser les logements vacants situés au-dessus des commerces.
À l'heure actuelle, vous le savez, le droit en vigueur n'autorise que dans des conditions très restrictives le bailleur à reprendre la partie des locaux d'habitation accessoires des locaux commerciaux. Ainsi, dans la pratique, ces logements sont très souvent inutilisés.
Le présent amendement vise à permettre au bailleur de reprendre les locaux d'habitation accessoires aux locaux commerciaux s'ils ne sont pas utilisés à cet usage, le bailleur ayant naturellement l'obligation de prévenir son locataire dans un délai minimal de six mois.
Cet amendement présente de solides garanties pour le locataire, ce qui est tout à fait normal, puisque celui-ci aura la possibilité de s'opposer à cette reprise dans deux cas : en premier lieu, s'il réaffecte lui-même les locaux à usage d'habitation dans les six mois suivant le congé ou, en second lieu, s'il estime que les locaux loués forment un tout indivisible.
En tout état de cause, le preneur verrait, en cas de reprise effective, le loyer du bail diminué, afin de tenir compte des surfaces retranchées.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Caffet, pour présenter l'amendement n° 351.
M. Jean-Pierre Caffet. Cet amendement identique au précédent a été déposé par le groupe socialiste.
Cette disposition va dans le bon sens, puisque, dorénavant, les locaux d'habitation accessoires pourraient être dissociés des locaux commerciaux, ce qui permettrait, en fait, d'offrir à la location des logements vacants, notamment dans les centres-villes.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Louis Borloo, ministre. Il y a parfois au sein des assemblées de grands débats passionnés ayant peu d'effets techniques, mais aussi des mesures très techniques qui peuvent parfois révolutionner la pratique.
Quasiment tous les maires de France savent que le problème des logements situés au-dessus des commerces est empoisonnant, puisque l'espace dont il est question n'est pas mis à la location. Or il existe des centaines de milliers de locaux de ce type. C'est un véritable gâchis que l'on entraperçoit aux premiers étages des commerces de nos villes.
Il s'agit donc d'une disposition technique, qui avait été suggérée par le groupe de travail que vous avez évoqué et qui est proposée par la plupart des sénateurs. J'en suis convaincu, elle aura un effet considérable sur la mise à disposition de logements dans notre pays. Aussi, le Gouvernement émet un avis favorable.
M. le président. La parole est à M. Thierry Repentin, pour explication de vote.
M. Thierry Repentin. Je suis également convaincu de l'effet de cette disposition et je voterai donc cet amendement.
La remise sur le marché de logements vacants est essentielle en particulier dans les centres-villes où les maires se battent pour garder la population à demeure sept jours sur sept.
C'est dans la même logique que nous défendrons un amendement pour que les changements d'usage relèvent de la responsabilité des maires. J'ose espérer que M. le ministre fera alors la même analyse que celle que je viens de faire. Il est en effet dramatique qu'un certain nombre de logements situés dans les étages d'immeubles soient transformés en locaux professionnels, car le week-end les centres-villes se vident.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 58 et 351.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 7.
L'amendement n° 59 rectifié ter, présenté par M. Braye, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Après l'article 7, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I - Le 1° du I de l'article 31 du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« ...) Une déduction fixée à 30 % des revenus bruts des logements qui ont donné lieu, au titre de l'année qui précède celle de la conclusion du bail, au versement de la taxe prévue à l'article 232. Cette déduction s'applique aux revenus perçus jusqu'au 31 décembre de la deuxième année qui suit celle de la conclusion de ce bail, conclu entre le 1er janvier 2006 et le 31 décembre 2007. »
II - La perte de recettes pour l'État résultant du I ci-dessus est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Dominique Braye, rapporteur. Cet amendement vise à créer une incitation fiscale forte afin de lutter contre la vacance des logements.
En effet, même si les estimations peuvent varier de manière importante en fonction de la définition retenue pour la vacance, - nous en avons parlé à de nombreuses reprises depuis le début de la discussion de ce projet de loi -, on évalue aujourd'hui à plus de 500 000 le nombre de logements vacants pouvant être facilement mobilisables, ce qui est considérable, compte tenu des besoins de logement que connaît notre pays.
Dans bien des cas, ces logements ne nécessitent pas la réalisation de travaux particuliers et pourraient être remis très rapidement sur le marché. Aussi vous est-il proposé, mes chers collègues, de permettre au propriétaire d'un logement vacant depuis au moins deux ans - et qui paie donc la taxe sur le logement vacant, la TLV - de bénéficier d'une déduction forfaitaire majorée à 30 %. Cette mesure ne saurait constituer un effet d'aubaine puisqu'elle serait limitée aux seuls logements soumis à la TLV.
Je rappelle, en outre, que cette taxe n'est perçue que dans les grandes agglomérations où il existe un déséquilibre marqué entre l'offre et la demande de logements.
L'avantage fiscal qui est ici proposé est transitoire puisque le propriétaire n'aura la possibilité de déclarer la moitié des revenus que pendant les deux années suivant la remise sur le marché de son logement.
Enfin, pour créer un appel d'air temporaire et essayer de faire en sorte qu'un maximum de logements vacants soient le plus rapidement possible remis sur le marché, il est proposé de n'instituer cet avantage qu'entre le 1er janvier 2006 et le 31 décembre 2007.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Louis Borloo, ministre. Il s'agit d'offrir un choix rationnel à ceux qui sont dans l'attente d'un logement. Cela s'inscrit dans la même perspective que la garantie des risques locatifs, la GRL, dont nous avons discuté hier et pour laquelle nous avançons avec le 1 % logement.
C'est une expérience menée sur certains territoires et pour une durée très courte de dix-huit ou de vingt mois, à l'issue de laquelle je vous propose, mesdames, messieurs les sénateurs, de dresser un bilan. Il semblerait qu'une telle disposition permette de dégager plusieurs dizaines de milliers de logements. Alors, essayons !
Aussi, le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement et il lève le gage.
M. le président. Il s'agit donc de l'amendement n° 59 rectifié quater.
La parole est à M. Roland Muzeau, pour explication de vote.
M. Roland Muzeau. Les explications de M. le rapporteur, reprises en termes quelque peu différents par M. le ministre, posent problème. En effet, au nom de quel principe le Parlement attribuerait-il un nouveau cadeau fiscal à des propriétaires qui refusent de louer leur logement ?
Certes, la motivation essentielle, sinon exclusive, est de remettre des logements sur le marché. Cependant, cela me fait un peu penser à ces primes accordées pour le rapatriement de fonds illégalement exportés à l'étranger, et qui sont en fait des « primes aux tricheurs ». Cela ne me paraît pas vraiment moral.
De plus, vous ne rattachez pas ce cadeau fiscal à la moindre obligation de maîtrise des loyers : pas de conventionnement, rien. Par conséquent, seraient remis sur le marché libre les logements vacants- avec une prime, dont j'ai souligné le caractère immoral-, et ce sans aucune contrepartie quant aux plafonds des loyers.
C'est la raison pour laquelle, si je n'obtiens pas des précisions susceptibles de me faire changer d'avis, je voterai contre cet amendement.
M. le président. M. le ministre souhaite-il s'exprimer ?...
Mme Marie-France Beaufils. Il aurait été bon que M. Muzeau obtienne une réponse !
M. Roland Muzeau. Et l'article 40 ?
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 7.
L'amendement n° 418, présenté par MM. Repentin, Raoul, Caffet et Bel, Mme Y. Boyer, MM. Courteau, Desessard et Dussaut, Mmes Herviaux, Hurel et Khiari, MM. Krattinger, Lejeune, Pastor, Piras, Raoult, Reiner, Ries, Saunier, Teston, Trémel, Lise, Vézinhet, Picheral et Madec, Mme San Vicente, MM. Plancade, Gillot et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 7, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 22-1 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 est ainsi rédigé :
« Art. 22-1. - Pour l'établissement du contrat de location, le bailleur ou son mandataire ne peut demander au locataire le cautionnement d'un tiers pour les sommes dont le locataire serait débiteur dans le cadre d'un contrat de location conclu en application du présent titre. ».
La parole est à M. Thierry Repentin.
M. Thierry Repentin. Hier, lors de la discussion de deux amendements, dont l'un était présenté par notre collègue Gérard Delfau, et l'autre par le groupe socialiste, nous avons déjà eu l'occasion d'envisager la mise en place d'un système de mutualisation pour la garantie des risques locatifs.
Je ne reviendrai pas sur l'intérêt d'un tel dispositif, qui le dédouane de toute recherche de profit, si je puis dire, tant il est vrai que nous avons plaidé pour un système mutualiste, et non pas assuranciel, je m'en suis longuement expliqué.
L'une des quatre sources pour la mise en place de ce fonds était notamment constituée par la contribution sur les revenus locatifs, la CRL. Or il semblerait que, le 1er janvier prochain, le gouvernement auquel vous appartenez, monsieur le ministre, soit décidé à supprimer la CRL, ce qui va donc priver ce fonds de 200 millions d'euros.
Si nous avions obtenu une réponse favorable pour la mise en place de ce fonds de garantie des risques locatifs, nous aurions pu, en contrepartie, mettre fin au système des cautions solidaires multiples réclamées à toute personne prétendant à un logement social et, plus largement, à un logement relevant du parc privé.
En effet, si l'on peut concevoir que soit demandée une caution au locataire - caution qui représente, en général, deux mois de loyer -, il nous paraît difficilement acceptable de demander la caution de parents ou d'amis, parfois d'ailleurs de plusieurs d'entre eux, y compris lorsque celui qui sollicite le logement est âgé d'une quarantaine d'années et perçoit un salaire tout à fait correct.
Je voudrais profiter de cette occasion pour dénoncer devant vous, monsieur le ministre, certaines pratiques qui ont lieu dans des agences peu scrupuleuses, c'est le moins que l'on puisse dire, quant à l'application du droit en la matière. Ainsi, certaines d'entre elles n'hésitent pas, par exemple, à demander à la personne qui prétend à un logement la photocopie de ses relevés bancaires sur plusieurs années pour voir comment il gère son budget, quand il ne s'agit pas purement et simplement de la photocopie du compte bancaire des parents, pour être sûr qu'en cas d'appel de caution les loyers seront payés. Or cela va bien au-delà de ce qui est prévu dans la loi !
Par conséquent, dès lors qu'un système de mutualisation des risques locatifs serait mis en place, il serait possible, en contrepartie - ce qui constituerait une belle avancée -, d'interdire les cautions solidaires autres que celle-là même qu'apporterait la personne qui sollicite un logement. Je compte sur vous, monsieur le ministre, pour que vous donniez des instructions afin que la loi soit appliquée, toute la loi, mais rien que la loi !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Dominique Braye. Vous l'avez rappelé, monsieur Repentin, cet amendement va de pair avec le système de garantie des risques locatifs que vous avez proposé dans l'amendement n° 417. Il y a donc là une logique et il serait effectivement normal de supprimer la caution si les propriétaires bénéficient d'une garantie en cas d'impayé.
Toutefois, étant donné que le Sénat n'a pas adopté l'amendement tendant à créer la GRL, je souhaiterais que, par cohérence, vous retiriez celui que nous examinons en ce moment, monsieur Repentin.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Louis Borloo, ministre. Le Gouvernement a la même position que la commission.
Nous avons eu hier un long échange sur la garantie des risques locatifs, et j'ai noté votre opinion s'agissant de leur mutualisation, monsieur le sénateur.
Néanmoins, des problèmes techniques se posent. Vous savez que le Gouvernement et ses partenaires du 1 % logement ont constitué un groupe de travail, afin de les résoudre de façon satisfaisante, avant Noël j'espère. Pour que nous ne soyons pas dans l'incohérence la plus complète, je vous propose donc de reprendre l'ensemble de ce dossier lors de la deuxième lecture du projet de loi. J'espère que nous aurons bouclé le dispositif d'ici là.
Le problème que vous évoquez est tout à fait réel. Je rappelle que les comptes bancaires ne font pas partie des pièces, déjà nombreuses, qu'un agent immobilier est autorisé à demander pour le compte du propriétaire, et qu'il s'agit donc là d'une mesure discriminatoire.
M. le président. Monsieur Repentin, l'amendement n° 418 est-il maintenu ?
M. Thierry Repentin. Je n'ai pas retiré plus tôt mon amendement car je souhaitais obtenir une réponse de M. le ministre, qui d'ailleurs a été conforme à ce que j'attendais.
Puisque nous reviendrons sur cette question dans quelques semaines, je retire mon amendement.
M. le président. L'amendement n° 60, présenté par M. Braye, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Avant l'article 8, insérer une division additionnelle ainsi rédigée :
Chapitre IV
Dispositions relatives aux bailleurs sociaux
La parole est à M. le rapporteur.
M. Dominique Braye, rapporteur. Il s'agit d'un amendement rédactionnel, qui vise à restructurer le texte du projet de loi, comme nous le faisons depuis le début de cette discussion.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. En conséquence, une division additionnelle ainsi rédigée est insérée dans le projet de loi, avant l'article 8.
Article 8
Dans les conditions prévues par l'article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnance toutes mesures pour substituer aux offices publics d'habitations à loyer modéré et aux offices publics d'aménagement et de construction une nouvelle catégorie d'établissements publics d'habitations à loyer modéré dénommés « offices publics de l'habitat » et rattachés à une collectivité territoriale ou à un groupement de collectivités territoriales.
À cette fin, le Gouvernement est autorisé à :
a) Modifier le chapitre Ier du titre II du livre IV du code de la construction et de l'habitation pour définir les missions de ces établissements publics locaux à caractère industriel et commercial, la composition de leurs organes dirigeants et la nature de leurs ressources ;
b) Définir le régime comptable et financier et les contrôles auxquels les offices publics de l'habitat sont soumis par dérogation aux dispositions du code général des collectivités territoriales applicables aux autres établissements publics ;
c) Prendre les dispositions particulières permettant aux fonctionnaires territoriaux en poste dans les offices publics d'habitations à loyer modéré et dans les offices publics d'aménagement et de construction ou y étant placés au jour de la publication de l'ordonnance dans l'une des positions énumérées à l'article 55 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, d'opter pour le régime de droit privé auquel sont soumis les salariés employés par l'établissement ou pour le maintien du régime auquel ils sont soumis dans leur cadre d'emplois, et, le cas échéant, à titre transitoire d'être placés en position de détachement au sein de leur établissement sur un emploi de droit privé ;
d) Définir les conditions dans lesquelles les dispositions des titres III et IV du livre II et des titres Ier, II et III du livre IV du code du travail sont applicables aux fonctionnaires territoriaux et aux agents non titulaires des offices publics de l'habitat, par dérogation aux dispositions de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires et de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
e) Déterminer les conditions et modalités de la transformation en offices publics de l'habitat des offices publics d'habitations à loyer modéré et des offices publics d'aménagement et de construction de sorte que cette transformation soit réalisée au plus tard deux ans après la publication de l'ordonnance ;
f) Abroger les dispositions du code de la construction et de l'habitation et du code des juridictions financières périmées ou rendues sans objet à la suite de la création des offices publics de l'habitat ;
g) Prendre les dispositions permettant aux agents de l'ancien office public d'habitations à loyer modéré interdépartemental de la région parisienne et mentionnés au III de l'article 120 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984, en fonctions au jour de la publication de l'ordonnance dans les offices publics d'habitations à loyer modéré et dans les offices publics d'aménagement et de construction, d'être intégrés dans les cadres d'emplois de la fonction publique territoriale.
Cette ordonnance devra être prise dans un délai de neuf mois suivant la publication de la présente loi. Un projet de loi de ratification devra être déposé devant le Parlement dans un délai de six mois à compter de la publication de l'ordonnance.
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, sur l'article.
M. Roland Muzeau. Jetons de nouveau un regard sur le chapitre II de ce projet de loi. Il s'intitule « développement de l'offre de logements et accès au logement ». Or nous sommes saisis d'un article qui tend à habiliter le Gouvernement à modifier, par voie d'ordonnance, les règles de fonctionnement des bailleurs sociaux publics, et, par conséquent, les conditions statutaires de leurs agents.
Bien sûr, immédiatement, nous pourrions arguer d'une position de principe tendant à refuser que le Parlement ne soit, une fois de plus, dessaisi de son pouvoir législatif sur un sujet pour le moins important. Les offices publics d'HLM et les offices publics d'aménagement et de construction, les OPAC, ce sont tout de même 60 000 agents et plusieurs millions de logements et de locataires !
Nous pouvons nous demander quels liens entretient cette modification de leur situation juridique et administrative, puis financière et comptable, avec le développement de l'offre de logements et l'accès à l'habitat, sauf si l'article a pour objet de libérer quelques logements occupés par les gardiens de cités HLM pour les remettre en location auprès des demandeurs ! De fait, cet article n'a strictement rien à voir, a priori, avec le chapitre auquel il est rattaché.
Tout se passe comme si l'on avait décidé d'introduire ces dispositions dans ce projet de loi pour la seule raison qu'il porte sur le logement, et après avoir attendu qu'un tel texte se présente ! Cette mesure aurait-elle été présentée en deuxième partie de la loi de finances, au moment de la discussion des crédits du logement, qu'il aurait été de même.
Pourquoi donc avoir introduit dans ce texte cet article, dont la rédaction, comme certains le savent, procède d'une longue concertation engagée entre l'union sociale pour l'habitat, l'USH, et le ministère ? En vertu de quelle disposition législative - nous pourrions presque dire constitutionnelle -, le résultat d'une concertation devrait, à tout coup - car ce n'est pas une première - autoriser le Gouvernement à valider l'accord conclu par la voie d'un article d'habilitation ? Tout se passe comme si l'on plaçait le Parlement devant le fait accompli, une partie de la nation, en l'occurrence le ministère et les dirigeants de l'USH, s'arrogeant le droit de donner force de loi à ce qui procède du dialogue et de la concertation.
Cette manière d'agir est contestable, quels que soient par ailleurs les qualités et les antécédents des parties prenantes dans cet accord que l'on nous propose de valider sur parole, les yeux fermés.
Cela pose une autre question, tout à fait essentielle. Les offices publics d'HLM sont régis par des dispositions issues d'une loi ancienne, qui date en l'occurrence de 1912, plusieurs fois modifiée et qui leur a donné le statut d'établissement public à caractère administratif.
Les OPAC sont des organismes de création plus récente, mais dont le trait essentiel est d'être des établissements publics à caractère industriel et commercial, des EPIC. De façon assez surprenante, plutôt que de se demander comment adapter les textes existants, on préfère se diriger vers un statut unique qui, comme de juste, sera celui de l'établissement public à caractère industriel et commercial !
En réalité, malgré leur différence de statut, les offices publics d'HLM et les OPAC exercent aujourd'hui des missions tout à fait comparables, les champs de compétences originels des OPAC pouvant être investis par les offices d'HLM sur simple délibération motivée de leurs instances dirigeantes.
En fait, le statut d'HLM ne constitue pas le moins du monde un obstacle à la poursuite des activités de production de logements, de gestion locative de patrimoine, d'action sociale en direction des locataires. Il ne gêne, peut être, que la mise en oeuvre, à grande échelle, d'une conception du logement social où le locataire n'est plus un usager, mais un client !
En tout cas, nous ne pouvons, évidemment, qu'inviter le Sénat à rejeter, sans la moindre ambiguïté, cet article 8 qui, une fois encore, ne se justifie pas au regard des objectifs du présent projet de loi.
M. le président. Je suis saisi de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 422, présenté par MM. Repentin, Raoul, Caffet et Bel, Mme Y. Boyer, MM. Courteau, Desessard et Dussaut, Mmes Herviaux, Hurel et Khiari, MM. Krattinger, Lejeune, Pastor, Piras, Raoult, Reiner, Ries, Saunier, Teston, Trémel, Lise, Vézinhet, Picheral et Madec, Mme San Vicente, MM. Plancade, Gillot et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Thierry Repentin.
M. Thierry Repentin. L'orateur précédent a largement développé une position qui est très proche de la nôtre.
Cet amendement vise tout simplement à supprimer l'article 8, parce que, une nouvelle fois, nous contestons le recours immodéré du Gouvernement aux ordonnances pour légiférer en lieu et place des parlementaires des deux assemblées.
Cet article, en effet, habilite le Gouvernement à « moderniser le statut des offices d'HLM ». La représentation parlementaire ignore malheureusement le contenu de cette ordonnance, qui abordera des sujets aussi sensibles que la transformation des opérateurs en matière de logement social et le statut du personnel de ces organismes. Une telle évolution, à elle seule, mériterait un débat et non le vote d'un article qui, certes, indique des objectifs, mais ne précise ni les moyens engagés ni les garanties accordées aux organismes et à celles et ceux qui en sont les acteurs au quotidien.
L'auteur de la loi c'est le législateur, or nous modifions ici, notamment, une loi de 1912. Il aurait donc été naturel que le Parlement se prononce, d'autant qu'il s'agit d'une question importante, pour laquelle la fédération des offices réclame des changements depuis une dizaine d'années. L'ordonnance, paraît-il, compterait une vingtaine de pages, mais nous ne disposons que des informations contenues dans cet article, c'est-à-dire de quelques objectifs, alors que nous aurions aimé débattre du fond.
M. le président. L'amendement n° 473, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :
Compléter le troisième alinéa (a) de cet article par une phrase ainsi rédigée :
Au sein de leurs organes dirigeants, 50 % des sièges sont attribués aux personnes qualifiées nommées par les collectivités locales et 25 % des sièges sont attribués aux représentants des habitants.
L'amendement n'est pas soutenu.
Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 61 est présenté par M. Braye, au nom de la commission des affaires économiques.
L'amendement n° 133 est présenté par M. Jarlier, au nom de la commission des lois.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Au septième alinéa (e) de cet article, remplacer les mots :
deux ans
par les mots :
trois ans
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 61
M. Dominique Braye, rapporteur. Je laisse à M. Jarlier le soin de présenter cette disposition.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour défendre l'amendement n° 133.
M. Pierre Jarlier, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Cet amendement a pour objet de proroger d'un an le délai accordé aux offices existants pour qu'ils adoptent le statut d'offices publics de l'habitat, cette transformation devant intervenir dans un délai de trois ans, et non deux ans, à compter de la publication de l'ordonnance.
M. le président. L'amendement n° 96, présenté par M. Cléach, est ainsi libellé :
Après l'avant-dernier alinéa de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :
... ) Prendre les dispositions permettant, qu'en cas de vente du patrimoine d'un office public de l'habitat à une société d'économie mixte, tous les contrats de travail en cours au jour de la cession continuent entre le nouvel employeur et le personnel de l'office public de l'habitat et que le personnel ayant la qualité de fonctionnaire, puisse continuer, sous réserve des adaptations nécessaires déterminées par décret en Conseil d'État, à être régi par le statut de la fonction publique territoriale.
La parole est à M. Marcel-Pierre Cléach.
M. Marcel-Pierre Cléach. Afin de faciliter les regroupements entre les futurs offices publics de l'habitat et les sociétés d'économie mixte, les SEM, le présent amendement vise à permettre que, lorsque les élus de la collectivité locale de rattachement d'un office ont décidé de transférer son patrimoine à une SEM, les fonctionnaires de l'office puissent conserver leur statut au sein de la SEM, comme ils en auront la faculté dans les futurs offices publics de l'habitat.
Je dois admettre qu'entre le moment où j'ai rédigé, et déposé, cet amendement et aujourd'hui où il est défendu en séance, j'ai bénéficié de nombreuses informations, en provenance, notamment, des milieux concernés, qui souhaitent qu'un groupe de travail soit installé pour approfondir cette question. En tant que président d'un OPAC issu de la transformation d'un ancien office d'HLM, je sais combien ce problème est sensible.
Je suis tout à fait disposé, en fonction des explications que donnera M. le ministre, à retirer cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements nos 422 et 96 ?
M. Dominique Braye, rapporteur. Ainsi nos collègues du groupe socialiste s'opposent-ils à ce qu'ils qualifient de « recours immodéré du Gouvernement aux ordonnances » ! Je n'aurai pas la cruauté de rappeler...
M. Thierry Repentin. Alors ne le faites pas ! (Sourires.)
M. Dominique Braye, rapporteur. Je vois que Thierry Repentin a deviné mon propos, ce qui est normal : il se souvient parfaitement que le gouvernement Jospin avait eu recours - ô combien ! - aux ordonnances.
Au demeurant, nous pouvons tous convenir, me semble-t-il, que le travail législatif ne manque pas, notre collègue Alain Vasselle l'a d'ailleurs rappelé très justement en début de séance lors d'un rappel au règlement.
En conséquence, il ne me paraît pas absurde d'alléger un tant soit peu notre ordre du jour, à plus forte raison lorsqu'il s'agit de points techniques et sur lesquels un consensus s'est établi. Or la réforme des offices d'HLM constitue typiquement un problème où nous pouvons tous nous accorder et accepter le recours aux ordonnances, étant entendu que, sur d'autres dossiers, monsieur Repentin, vos remarques sont parfaitement fondées.
C'est pourquoi je vous demande, monsieur Repentin, de retirer votre amendement. Dans le cas contraire, j'émettrai un avis défavorable.
S'agissant de l'amendement n° 96, monsieur Cléach, vous soulevez un réel problème, qui cependant me semble devoir être traité au sein d'un texte plus général relatif au statut de la fonction publique territoriale.
Le problème est fondé, certes. Nous nous apercevons que lorsqu'un regroupement s'opère, c'est toujours au détriment des SEM, puisqu'il est impossible de conserver les statuts du personnel en place, comme l'a souligné notre collègue Marcel-Pierre Cléach.
Peut-être M. le ministre nous donnera-t-il des précisions sur cette question, mais il me semble qu'un tel amendement trouverait plus sa place dans un texte relatif au statut de la fonction publique territoriale, qui d'ailleurs devrait voir le jour sans trop tarder, je l'espère.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Louis Borloo, ministre. S'agissant de la concertation avec l'union sociale de l'habitat, monsieur Muzeau, il est difficile, me semble-t-il, de reprocher à un gouvernement de consulter les acteurs du logement social, dont le rôle est essentiel dans un tel domaine. D'ailleurs, je vous rassure, cette concertation a duré trois ans, ce qui représente tout de même un long processus.
Les principes qui sous-tendent les dispositions du projet de loi ont été largement approuvés - par 79 % ou 80 % des votants - lors de l'assemblée générale des offices HLM de Grenoble. Leur enjeu est véritablement la modernisation des offices.
Autant l'évoquer tout de suite, une question posait problème, celle du statut des agents. Selon le dispositif arrêté, les personnels conserveraient leur statut pendant cinq ans et décideraient, au terme de ce délai ou avant son expiration, d'opter pour un contrat de droit privé ou de garder le bénéfice de leur état de fonctionnaire. Telle est la disposition qui sera finalement inscrite dans l'ordonnance.
Pour le reste, franchement, la situation est la même que pour l'habitat indigne. Vous le savez, dans la loi de cohésion sociale, le Sénat a autorisé le Gouvernement à procéder par ordonnances - en encadrant cette habilitation, bien entendu, comme toujours en pareil cas - afin de trouver les meilleures voies juridiques pour régler ce problème qui empoisonne la vie des collectivités locales et qui, malheureusement, a eu parfois des conséquences dramatiques.
Le travail sur les ordonnances se fait de façon très précise et nécessite des navettes, officielles ou non, qui impliquent, notamment, le Conseil d'État, car il s'agit là de problèmes de droit extrêmement complexes.
La réforme des offices d'HLM fait intervenir le même type de dispositif que pour l'habitat indigne. Les principes de ce texte ont d'ailleurs été présentés à la commission des affaires économiques, ce qui montre que nous ne faisons pas de cachotteries, et souhaitons seulement à la fois alléger le travail parlementaire et régler quelques points techniques, susceptibles éventuellement de créer des contradictions juridiques qu'il nous reviendrait ensuite de gérer. Sincèrement, vous ne devez y chercher aucune autre motivation.
L'amendement n° 96 concerne quasiment le même type de sujet, puisqu'il s'agit du cas, qui n'avait jamais été soulevé même s'il existait peut-être, des transferts de patrimoine d'un office public à une SEM et du problème du statut des personnels.
Nous avons rencontré récemment le président des SEM afin d'analyser avec lui les meilleures conditions possibles pour apporter une réponse juridique appropriée au regard du droit du travail. Elle nécessitera probablement une concertation. Je vous propose d'en reparler au cours de la navette.
S'agissant des amendements identiques nos 61 et 133, le Gouvernement émet un avis favorable.
M. le président. La parole est à M. Thierry Repentin, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 61 et 133.
M. Thierry Repentin. Ces amendements visent à décaler d'une année la transformation du statut. Le délai de deux ans après la publication de l'ordonnance nous mène à 2008, année de renouvellement des équipes municipales. Est-ce la raison essentielle qui justifie ce décalage d'une année, afin que l'opération intervienne après cette échéance électorale ?
M. Dominique Braye, rapporteur. Oui !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 61 et 133.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. L'amendement n° 96 est-il maintenu, monsieur Cléach ?
M. Marcel-Pierre Cléach. Non, monsieur le président, je le retire.
M. le président. L'amendement n° 96 est retiré.
Je mets aux voix l'article 8, modifié.
(L'article 8 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 8 ou après l'article 11
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 62, présenté par M. Braye, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Après l'article 8, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article L. 353-20 du code de la construction et de l'habitation, il est inséré un article L. 353-21 ainsi rédigé :
« Art. L. 353-21. - Nonobstant toute disposition contraire, les sociétés d'économie mixte peuvent louer en meublé les logements conventionnés pour étudiants qu'elles gèrent directement.
« Peuvent être exigés en sus le montant des prestations, taxes et fournitures individuelles et tous impôts et taxes perçus à l'occasion des locations en meublé. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Dominique Braye, rapporteur. Cet amendement vise à insérer des dispositions permettant la sous-location directe en meublé par les sociétés d'économie mixte.
En vertu du droit en vigueur, la location directe en meublé de logements conventionnés par des sociétés d'économie mixte n'est pas autorisée. Ces sociétés doivent ainsi louer ces logements à des associations qui procèdent, dans un deuxième temps, à la sous-location en meublé.
Or, dans certaines communes, il n'existe pas forcément de telles associations, ce qui peut susciter des difficultés pour assurer la gestion de ces logements. En revanche, ces mêmes communes peuvent disposer de sociétés d'économie mixte, qui pourraient remplir ces missions, mais qui n'en ont pas la faculté en raison de la législation actuelle.
Le dispositif permet donc de lever cette difficulté qui me semble importante.
M. le président. L'amendement n° 435 rectifié, présenté par M. J.L. Dupont et les membres du groupe Union centriste-UDF, est ainsi libellé :
Après l'article 11, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article L. 353-20 du code de la construction et de l'habitation, il est inséré un article additionnel ainsi rédigé :
« Art. L. ... - Les sociétés d'économie mixte peuvent gérer directement les logements foyers conventionnés pour étudiants nonobstant toute disposition contraire. Elles peuvent louer en meublé les logements conventionnés pour étudiants et les logements foyers conventionnés pour étudiants qu'elles gèrent directement.
« Peuvent être exigés en sus le montant des prestations, taxes et fournitures individuelles et tous impôts et taxes perçus à l'occasion des locations en meublé. »
La parole est à M. Philippe Nogrix.
M. Philippe Nogrix. Sur le fond, c'est le même amendement que celui de la commission. Nous soutiendrons donc bien sûr ce dernier.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 8 et l'amendement n° 435 rectifié n'a plus d'objet.
Articles additionnels après l'article 8
M. le président. L'amendement n° 360, présenté par MM. Todeschini, Repentin, Raoul, Caffet et Bel, Mme Y. Boyer, MM. Courteau et Dussaut, Mmes Herviaux, Hurel et Khiari, MM. Krattinger, Lejeune, Pastor, Piras, Raoult, Reiner, Ries, Saunier, Teston, Trémel, Lise, Vézinhet, Picheral et Madec, Mme San Vicente, MM. Plancade, Gillot et les membres du groupe Socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Après l'article 8, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. Avant le dernier alinéa de l'article L. 421-1 du code de la construction et de l'habitation, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« - construire, acquérir, réaliser des travaux, et gérer des immeubles à usage d'habitation au profit des fonctionnaires de gendarmerie, de police, ou des personnels pénitentiaires. »
II. Avant le dernier alinéa de l'article L. 422-2 du code de la construction et de l'habitation, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« - construire, acquérir, réaliser des travaux, et gérer des immeubles à usage d'habitation au profit des fonctionnaires de gendarmerie, de police, ou des personnels pénitentiaires. »
La parole est à M. Thierry Repentin.
M. Thierry Repentin. Cet amendement vise à entériner des pratiques qui existent déjà sur certains territoires, mais nécessitaient un support législatif ou, en tout cas, une codification au sein du code de la construction et de l'habitation.
Il s'agit de donner la possibilité aux cinq familles des organismes d'HLM de construire des logements pour les militaires et les personnels de sécurité.
Les organismes sont fréquemment sollicités par des collectivités territoriales pour réaliser des logements à l'intention des personnels de sécurité, ainsi que des bureaux adjacents. Ils ont une expérience ancienne de construction et de gestion d'ensembles d'habitations, et de toutes les structures nécessaires à la vie économique et sociale de ces ensembles.
Ils ont vu leur compétence étendue récemment aux opérations de conception, de réalisation et de maintenance d'équipements médico-sociaux, voire hospitaliers, dans le cadre de l'ordonnance du 4 septembre 2003.
L'extension de leur compétence à la construction et à la gestion de logements de fonctionnaires - policiers, gendarmes et personnels pénitentiaires visés par la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure, la LOPSI - et des équipements nécessaires répondrait à une demande générale des collectivités sur tout le territoire, qu'il s'agisse de pourvoir au logement de ces fonctionnaires ou de rapprocher les forces de l'ordre ou de sécurité civile de la population.
Monsieur le président, afin de réparer un oubli, je souhaiterais rectifier mon amendement de façon à élargir la disposition aux sociétés coopératives d'HLM, qui seraient visées au même titre que les autres organismes d'HLM.
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 360 rectifié, présenté par MM. Todeschini, Repentin, Raoul, Caffet et Bel, Mme Y. Boyer, MM. Courteau et Dussaut, Mmes Herviaux, Hurel et Khiari, MM. Krattinger, Lejeune, Pastor, Piras, Raoult, Reiner, Ries, Saunier, Teston, Trémel, Lise, Vézinhet, Picheral et Madec, Mme San Vicente, MM. Plancade, Gillot et les membres du groupe Socialiste et apparentés, et qui est ainsi libellé :
Après l'article 8, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. Avant le dernier alinéa de l'article L. 421-1 du code de la construction et de l'habitation, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« - construire, acquérir, réaliser des travaux, et gérer des immeubles à usage d'habitation au profit des fonctionnaires de gendarmerie, de police, ou des personnels pénitentiaires. »
II. Avant le dernier alinéa de l'article L. 422-2 du code de la construction et de l'habitation, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« - construire, acquérir, réaliser des travaux, et gérer des immeubles à usage d'habitation au profit des fonctionnaires de gendarmerie, de police, ou des personnels pénitentiaires.
III. Avant le dernier alinéa de l'article L. 423-3 du code de la construction et de l'habitation, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« - construire, acquérir, réaliser des travaux, et gérer des immeubles à usage d'habitation au profit des fonctionnaires de gendarmerie, de police, ou des personnels pénitentiaires. »
Quel est l'avis de la commission ?
M. Dominique Braye, rapporteur. Après les événements que nous avons connus, nous ne pouvons nier que logement et sécurité vont de pair. Il me paraît bon que les fonctionnaires de police et de gendarmerie soient logés dans des conditions stables afin qu'ils puissent exercer leur difficile métier avec la sérénité requise.
Aussi, la commission émet un avis favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Jarlier, rapporteur pour avis.
M. Pierre Jarlier, rapporteur pour avis Je soutiendrai cet amendement car, en deçà d'un certain seuil, ce sont les collectivités locales, et non l'Etat, qui sont amenées à investir dans la construction des gendarmeries.
Or, aujourd'hui, l'évolution des coûts de construction compromet l'équilibre de ces opérations, notamment en raison des contraintes techniques qui sont imposées par les gendarmes.
C'est donc une bonne chose de pouvoir recourir aux financements liés directement aux HLM et de permettre également aux offices d'HLM d'intervenir, pour faciliter ces opérations, d'autant que la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure a déjà donné aux collectivités locales de nouvelles possibilités d'action, par le biais soit du bail emphytéotique, soit du partenariat public-privé.
L'intervention d'un office d'HLM pour le montage et l'apport des financements HLM permettront de faciliter l'équilibre de ces opérations.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 8.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 63 est présenté par M. Braye, au nom de la commission des affaires économiques.
L'amendement n° 352 est présenté par MM. Repentin, Raoul, Caffet et Bel, Mme Y. Boyer, MM. Courteau et Dussaut, Mmes Herviaux, Hurel et Khiari, MM. Krattinger, Lejeune, Pastor, Piras, Raoult, Reiner, Ries, Saunier, Teston, Trémel, Lise, Vézinhet, Picheral et Madec, Mme San Vicente, MM. Plancade, Gillot et les membres du groupe Socialiste et apparentés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l'article 8, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Au premier alinéa de l'article L. 423-10 du code de la construction et de l'habitation, après les mots : « administrateurs d'organismes d'habitations à loyer modéré » sont insérés les mots : « autres que les personnes morales ».
II. - Au premier alinéa de l'article L. 423-11 du même code, après les mots : « administrateurs d'organismes d'habitations à loyer modéré » sont insérés les mots : « autres que les personnes morales ».
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 63.
M. Dominique Braye, rapporteur. À partir du 1er janvier prochain, les représentants des collectivités territoriales au sein des conseils d'administration des sociétés anonymes d'HLM risquent d'être condamnés pour prise illégale d'intérêt.
En effet, à compter de cette date, les personnes morales seront pénalement responsables de toutes les infractions commises, pour leur compte, par leurs organes ou leurs représentants.
Or le code de la construction et de l'habitation prévoit plusieurs types d'interdictions, qui pourraient conduire les collectivités territoriales, du fait de leur participation au conseil d'administration de ces sociétés anonymes d'HLM, à ne plus pouvoir traiter avec ces dernières.
Cette situation serait bien évidemment absurde, car les sociétés anonymes d'HLM sont des organismes au service des collectivités territoriales et dans lesquels ces dernières peuvent désormais être actionnaires de référence.
Cet amendement permet donc de lever tout risque d'incrimination pour les représentants des collectivités territoriales dans les conseils d'administration des sociétés d'HLM.
M. le président. La parole est à M. Thierry Repentin, pour présenter l'amendement n° 352.
M. Thierry Repentin. Il s'agit de sécuriser les administrateurs de ces sociétés.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Louis Borloo, ministre. Le Gouvernement émet un avis favorable sur ces deux amendements.
Je rappelle qu'un très remarquable rapport, dit « rapport Loloum » vise un certain nombre de difficultés juridiques, liées, d'ailleurs, à l'évolution des professions, je pense notamment aux problèmes de filialisation. Il s'agit d'un chantier assez vaste, sur lequel nous travaillons avec les professions.
Toutefois, cette partie-là étant prête, je vous propose de la soutenir.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 63 et 352.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 8.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 64 rectifié est présenté par M. Braye, au nom de la commission des affaires économiques.
L'amendement n° 353 rectifié est présenté par MM. Repentin, Raoul, Caffet et Bel, Mme Y. Boyer, MM. Courteau et Dussaut, Mmes Herviaux, Hurel et Khiari, MM. Krattinger, Lejeune, Pastor, Piras, Raoult, Reiner, Ries, Saunier, Teston, Trémel, Lise, Vézinhet, Picheral et Madec, Mme San Vicente, MM. Plancade, Gillot et les membres du groupe Socialiste et apparentés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l'article 8, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Après le dixième alinéa de l'article L. 422-2 du code de la construction et de l'habitation, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« - d'être syndic de copropriétés d'immeubles bâtis, construits ou acquis soit par elle, soit par un autre organisme d'habitations à loyer modéré, une collectivité locale, une société d'économie mixte ou un organisme sans but lucratif, l'association mentionnée à l'article 116 de la loi de finances pour 2002 précitée ou une des sociétés civiles immobilières dont les parts sont détenues à au moins 99 % par cette association. »
II. - Après le seizième alinéa de l'article L. 422-3 du même code, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Elles peuvent aussi être syndic de copropriétés d'immeubles bâtis, construits ou acquis soit par elles, soit par un autre organisme d'habitations à loyer modéré, une collectivité locale, une société d'économie mixte ou un organisme sans but lucratif, l'association mentionnée à l'article 116 de la loi de finances pour 2002 précitée ou une des sociétés civiles immobilières dont les parts sont détenues à au moins 99 % par cette association. »
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 64 rectifié.
M. Dominique Braye, rapporteur. La compétence de syndic a été octroyée par le passé aux sociétés d'HLM sur la base d'une disposition réglementaire. Aujourd'hui, les compétences des organismes d'HLM sont prévues par la loi. Afin de donner une sécurité juridique à cette activité qui est exercée depuis de nombreuses années par les bailleurs HLM, le présent amendement prévoit les dispositions législatives nécessaires pour sécuriser l'exercice, par les organismes, de cette mission qui est de plus en plus importante.
M. le président. La parole est à M. Roger Madec, pour présenter l'amendement n° 353 rectifié.
M. Roger Madec. Les sociétés d'HLM assument, depuis plusieurs années, la compétence de syndic sur la base d'une insécurité juridique qu'il convient de prendre en compte par de nouvelles dispositions législatives contenues dans le présent amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 64 rectifié et 353 rectifié.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 8.
L'amendement n° 405, présenté par MM. Repentin, Raoul, Caffet et Bel, Mme Y. Boyer, MM. Courteau, Desessard et Dussaut, Mmes Herviaux, Hurel et Khiari, MM. Krattinger, Lejeune, Pastor, Piras, Raoult, Reiner, Ries, Saunier, Teston, Trémel, Lise, Vézinhet, Picheral et Madec, Mme San Vicente, MM. Plancade, Gillot et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 8, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans la première phrase du deuxième alinéa de l'article L. 121-4 du code de l'urbanisme, après les mots : « des chambres d'agriculture » sont insérés les mots : «, des organismes d'habitations à loyer modéré propriétaires ou gestionnaires d'immeubles situés dans le périmètre du schéma de cohérence territoriale ou du plan local d'urbanisme ».
La parole est à M. Thierry Repentin.
M. Thierry Repentin. Cet amendement, s'il était adopté, rendrait possible - et non pas obligatoire, comme c'est indiqué par erreur dans l'objet - la consultation des organismes d'HLM lors de l'élaboration du plan local d'urbanisme, PLU, et du schéma de cohérence territoriale, SCOT, par l'inscription, dans le code de l'urbanisme, d'un alinéa faisant référence aux structures pouvant, à leur demande, être entendues lors de l'élaboration des documents d'urbanisme.
Ces organismes d'HLM étant directement concernés par la destination de ces documents, il semblerait pertinent que l'on puisse répondre favorablement à leur demande d'être entendus et d'être des partenaires actifs de l'élaboration des documents d'urbanisme.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Dominique Braye, rapporteur. Les organismes d'HLM sont bien évidemment toujours associés à l'élaboration du programme local de l'habitat. C'est tout à fait normal et indispensable.
S'agissant des SCOT et des PLU, je comprends très bien la logique que vous défendez, mais, de grâce, n'allongeons pas la liste des instances consultées, qui est d'ordre réglementaire.
À cet égard, je veux attirer l'attention de la Haute Assemblée sur les problèmes que pose l'intégration dans la loi de précisions qui ne ressortent pas de son domaine, et qui pourraient être définies dans les décrets. Si nous en tenions compte, nous siégerions peut-être un peu moins longtemps, à des heures tardives, pour débattre de ces sujets.
Certes, un grand nombre d'acteurs sont cités pour l'élaboration des PLU et des SCOT, y compris les sections régionales de la conchyliculture dans les communes du littoral ! (Sourires.) Vous comprendrez qu'à force d'ajouter des précisions de cette nature nos codes deviennent excessivement volumineux !
Dans ces conditions, que l'union sociale de l'habitat ne m'en veuille pas, mais le législateur que je suis ne peut qu'émettre un avis défavorable sur un tel amendement, à moins que vous n'acceptiez de le retirer, mon cher collègue.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Louis Borloo, ministre. Je comprends la nécessité de la concertation et je n'imagine pas qu'elle n'ait pas lieu. Pour autant, à chacun sa responsabilité, et laissons les élus prendre les leurs, après concertation. Le mélange des genres me paraît délicat.
Je rappelle qu'un peu de cohérence a été déjà introduite par la loi de rénovation urbaine, qui a rendu possible la présence des collectivités locales, à hauteur de 30 %, dans le capital des sociétés anonymes d'HLM. En ce qui concerne les offices, la question ne se posait pas.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
M. le président. L'amendement n°405 est-il maintenu, monsieur Repentin ?
M. Thierry Repentin. Dans la loi, n'ont pas été mentionnés, parmi les personnes associées à la préparation des SCOT et des PLU, au titre des personnes consultées à leur demande, les organismes d'HLM.
Il résulte de cette omission que toutes les parties prenantes, à l'exception des organismes d'HLM, sont associées à la préparation de ces documents directement ou par l'intermédiaire d'une chambre de commerce, d'une chambre d'agriculture ou d'une chambre de métiers, par exemple les promoteurs privés, les lotisseurs, les constructeurs de maisons individuelles. Tous ceux qui concourent à la production de logements dans notre pays, à l'exception du logement HLM, sont consultés à leur demande, notamment des associations, y compris les associations de riverains hostiles à un projet qui figurera dans un document d'urbanisme, notamment des projets de logements sociaux, lors de la préparation des documents qui conditionnent explicitement la construction de logements sociaux.
Le rapporteur a signalé à juste titre que les sociétés régionales de conchyliculture sont consultées à leur demande, donc si elles le souhaitent.
Si je ne saisissais pas l'occasion de l'examen d'un texte sur l'engagement national pour le logement pour demander que tous les constructeurs HLM participent à l'élaboration des PLU, alors que tous les autres constructeurs, promoteurs privés, y participent, je manquerais à mon devoir de défense à l'égard du monde HLM.
Aussi, je maintiens cet amendement, monsieur le président.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 405.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Division additionnelle avant l'article 9
M. le président. L'amendement n° 65, présenté par M. Braye, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Avant l'article 9, insérer une division additionnelle ainsi rédigée :
Chapitre V
Renforcer la mixité de l'habitat
La parole est à M. le rapporteur.
M. Dominique Braye, rapporteur. Il s'agit d'un amendement rédactionnel, qui a pour objet d'insérer une division intitulée : « Renforcer la mixité de l'habitat ».
M. le président. Le sous-amendement n° 380, présenté par MM. Repentin, Raoul, Caffet et Bel, Mme Y. Boyer, MM. Courteau et Dussaut, Mmes Herviaux, Hurel et Khiari, MM. Krattinger, Lejeune, Pastor, Piras, Raoult, Reiner, Ries, Saunier, Teston, Trémel, Lise, Vézinhet, Picheral et Madec, Mme San Vicente, MM. Plancade, Gillot et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi l'intitulé proposé par l'amendement n° 65 pour la division additionnelle avant l'article 9 :
Faire vivre la mixité sociale
La parole est à M. Thierry Repentin.
M. Thierry Repentin. Ce sous-amendement apporte une nuance. En effet, nous proposons d'intituler cette division « Faire vivre la mixité sociale ». Cela exprime d'une manière plus volontariste que l'intitulé proposé par le rapporteur le souhait d'un engagement plus concret et ambitieux de l'État et des élus des collectivités locales dans tous les domaines du logement, dans une vision équilibrée de son implantation territoriale et de sa diversité de statuts.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Dominique Braye, rapporteur. Que mon collègue Repentin n'y voit aucune vanité de ma part, mais je préfère le titre que j'ai proposé. « Faire vivre la mixité sociale », c'est un très beau concept, mais je n'arrive pas à le définir précisément. En revanche, « Renforcer la mixité sociale » me semble beaucoup plus abordable pour le commun des mortels et beaucoup plus volontaire. Je maintiens donc ce titre.
Soyez assuré que si je pensais un seul instant que votre titre était meilleur, monsieur Repentin, j'aurais proposé à la Haute Assemblée de l'adopter.
M. Alain Vasselle. C'est l'avantage d'être rapporteur, monsieur Repentin !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Le sous-amendement n° 380 est-il maintenu, monsieur Repentin ?
M. Thierry Repentin. Puisque M. le rapporteur s'engage à prendre des dispositions pour renforcer la mixité sociale, j'attends de lui que, dans les prochaines heures, il me suive sur un certain nombre de propositions destinées à favoriser la construction de logement social dans les territoires qui en manquent.
Je retire mon sous-amendement, monsieur le président, j'abandonne volontiers son titre à M. Braye. Je me battrai davantage sur le contenu...
M. le président. Le sous-amendement n° 380 est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 65.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, une division ainsi rédigée est insérée dans le projet de loi, avant l'article 9.
Articles additionnels avant l'article 9
M. le président. L'amendement n° 146 rectifié, présenté par Mme Létard, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Avant l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La loi n° 90-449 du 31 mai 1990 visant à la mise en oeuvre du droit au logement est ainsi modifiée :
I. - Au troisième alinéa de l'article 3, les mots : « section de la conférence régionale du logement social prévue à l'article L. 441-1-6 » sont remplacés par les mots : « commission du comité régional de l'habitat prévu à l'article L. 364-1 ».
II. - L'article 4 est ainsi modifié :
1° Dans la première phrase du premier alinéa, après le mot : « évaluation » est inséré le mot : « territorialisée ».
2° La même première phrase est complétée par les mots : « qui tient compte du périmètre des établissements publics de coopération intercommunale compétents en matière d'habitat ».
3° Les deuxième et quatrième phrases du troisième alinéa sont supprimées.
4° Le quatrième alinéa est remplacé par neuf alinéas ainsi rédigés :
« Il fixe, par secteur géographique, en tenant compte des programmes locaux de l'habitat et des bassins d'habitat, les objectifs à atteindre pour assurer aux personnes et familles visées par le plan la mise à disposition durable d'un logement et garantir le principe de mixité sociale. A cette fin, il définit les mesures adaptées concernant :
« a) le suivi des demandes de logement des personnes et familles visées par le plan ;
« b) la création ou la mobilisation d'une offre supplémentaire de logements ;
« c) les principes propres à améliorer la coordination des attributions prioritaires de logements ;
« d) la prévention des expulsions locatives, ainsi que les actions d'accompagnement social correspondantes ;
« e) l'insertion par le logement des personnes placées dans des hébergements temporaires ou des logements de transition ;
« f) la contribution des fonds de solidarité pour le logement à la réalisation des objectifs du plan ;
« g) l'identification des logements indignes et des locaux impropres à l'habitation et les actions de résorption correspondantes.
« Aux fins de traitement de l'habitat indigne, le comité responsable du plan met en place un observatoire nominatif des logements et locaux visés au g ci-dessus. La nature des informations recueillies et les modalités de fonctionnement de cet observatoire sont fixées par décret pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés. »
5° Le cinquième alinéa est supprimé.
6° Dans la première phrase du sixième alinéa, après les mots : « après avis du comité régional de l'habitat » sont insérés les mots : « et, dans les départements d'outre-mer, des conseils départementaux de l'habitat prévus à l'article L. 364-1 du code de la construction et de l'habitation »
7° Il est complété in fine par un alinéa ainsi rédigé :
« Le comité responsable du plan dispose de tous les éléments d'information relatifs aux demandes consignées dans le système d'enregistrement départemental prévu à l'article L. 441-2-1 du code de la construction et de l'habitation. Il émet un avis sur les accords prévus aux articles L. 441-1-1 et L. 441-1-2 du même code. »
La parole est à Mme Valérie Létard, rapporteur pour avis.
Mme Valérie Létard, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Cet amendement vise à renforcer le contenu des plans départementaux pour le logement des personnes défavorisées, les PDALPD, créés par la loi du 31 mai 1990.
Il est primordial que le PDALPD permette un meilleur ajustement des offres aux demandes de logements des personnes les plus défavorisées, ainsi qu'une meilleure coordination de l'ensemble des acteurs du logement dans le département.
Voilà pourquoi cet amendement complète ce plan par des dispositions relatives à la prévention des expulsions locatives et au traitement de l'habitat indécent et indigne.
Il prévoit également la façon dont les fonds de solidarité pour le logement, les FSL, contribuent à la réalisation des objectifs du plan en matière d'endettement et d'impayés des personnes en situation difficile.
Enfin, il établit un récapitulatif des besoins d'insertion par le logement des personnes placées dans des foyers ou des centres d'hébergement temporaires.
Par ailleurs, le comité en charge du plan aurait la responsabilité de réunir les détenteurs de droits réservataires de logements - préfet, maires des communes non membres d'un EPCI, présidents d'EPCI - afin de fixer avec eux les principes permettant une meilleure coordination des attributions prioritaires.
C'est sur le fondement de ces principes qu'il rédigera un avis à destination de la commission de médiation.
Cette organisation, qui me paraît plus rationnelle, permettra d'assurer un meilleur fonctionnement du système des attributions de logements sociaux et, la responsabilité de chaque acteur étant mieux définie, les compétences de chacun pourront s'articuler avec plus de clarté et d'efficacité.
Il est vraiment nécessaire de développer les PDALPD et l'ensemble de leurs missions, car aujourd'hui tous les territoires, tous les EPCI, n'ont pas un PLH.
Définir très précisément les objectifs à atteindre et leur traduction en termes de mesures dans un plan départemental permettra une harmonisation des politiques qui garantira, autant que faire se peut, une prise en charge de ceux qui sont les plus éloignés du logement ou qui vivent dans les conditions les plus précaires, dans l'ensemble du territoire départemental, qu'il y ait ou non des PLH.
M. le président. Je suis saisi de deux sous-amendements identiques.
Le sous-amendement n° 66 rectifié bis est présenté par M. Braye, au nom de la commission des affaires économiques.
Le sous-amendement n° 354 rectifié est présenté par MM. Repentin, Raoul, Caffet et Bel, Mme Y. Boyer, MM. Courteau et Dussaut, Mmes Herviaux, Hurel et Khiari, MM. Krattinger, Lejeune, Pastor, Piras, Raoult, Reiner, Ries, Saunier, Teston, Trémel, Lise, Vézinhet, Picheral et Madec, Mme San Vicente, MM. Plancade, Gillot et les membres du groupe socialiste et apparentés.
Ces deux sous-amendements sont ainsi libellés :
Modifier ainsi l'amendement n° 146 rectifié :
I. - Remplacer les deuxième (1°) et troisième (2°) alinéas du II par un alinéa ainsi rédigé :
"1° À la fin de la première phrase du premier alinéa, le mot : « territorialisée » est ajouté après le mot : « évaluation » et la même phrase est complétée par les mots : « qui tient compte du périmètre des établissements publics de coopération intercommunale compétents en matière d'habitat » ;
II. - Dans la première phrase du deuxième alinéa du 4° du II, remplacer les mots :
le principe de mixité sociale
par les mots :
la mixité sociale des villes et des quartiers
III. - Compléter le b) du 4° du II par le mot :
conventionnés
IV. - Rédiger ainsi le g) du 4° du II :
"g) le repérage des logements indignes et des locaux impropres à l'habitation, et les actions de résorption correspondantes, ainsi que des logements considérés comme non décents à la suite d'un contrôle des organismes payeurs des aides personnelles au logement."
V. - Dans la seconde phrase du dernier alinéa du 4° du II, après le mot :
décret
insérer les mots :
en Conseil d'Etat
VI. - Rédiger ainsi le 5° du II :
5° Le cinquième alinéa est ainsi rédigé :
"Il prend en compte les besoins en logement des personnes et familles hébergées dans des établissements ou services relevant du schéma d'organisation sociale et médico-sociale prévu à l'article L. 312-4 du code de l'action sociale et des familles, et notamment dans ceux mentionnés au 8° du I de l'article L. 312-1 du même code."
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter le sous-amendement n° 66 rectifié bis.
M. Dominique Braye, rapporteur. La commission des affaires économiques avait initialement adopté un amendement qui avait le même objet que celui de la commission des affaires sociales, mais dont la rédaction était légèrement différente.
Signe de la qualité des relations entretenues par les commissions lors de la préparation de ce texte, la commission des affaires économiques, contrairement à l'usage, a transformé son amendement en sous-amendement, pour permettre l'adoption de celui de Mme Létard, et ce afin de lui être agréable, ainsi qu'à la commission dont elle est le porte-parole. Madame le rapporteur, j'espère que vous serez sensible à cette attention.
Sur le fond, le présent sous-amendement insère les éléments qui étaient contenus dans l'amendement de la commission des affaires économiques et que la commission des affaires sociales n'avait pas repris.
Tout d'abord, il nous apparaît pertinent de conserver une rédaction similaire à celle que nous avons retenue pour le repérage des logements insalubres dans les PLH.
En outre, la commission préconise que soient suivis les logements ayant fait l'objet d'une qualification de non-décence à la suite d'un contrôle des organismes payeurs des aides personnelles au logement.
M. le président. La parole est à M. Thierry Repentin, pour présenter le sous-amendement n° 354 rectifié.
M. Thierry Repentin. Il s'agit de conforter le rôle des PDALPD dans la lutte contre l'habitat indigne, dans la prévention des expulsions et dans l'analyse territoriale des besoins. L'instauration d'un observatoire de l'habitat indigne permettra la mise en oeuvre d'actions plus précises pour éradiquer l'habitat indigne, en espérant que nous ne connaîtrons pas de drames comme ceux qu'a connus la ville de Paris l'été dernier.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Dominique Braye, rapporteur. Je ne peux qu'être favorable à ce sous-amendement, puisqu'il est identique à celui de la commission. Je remercie M. Repentin d'avoir remarqué que le sous-amendement de la commission était important au point de présenter un amendement identique.
M. Thierry Repentin. Vous ne faites pas preuve de sectarisme !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Louis Borloo, ministre. Le Gouvernement est bien sûr favorable à l'amendement de Mme Létard ainsi qu'aux sous-amendements nos 66 rectifié bis et 354 rectifié, qui visent à renforcer les plans départementaux en faveur du logement des personnes défavorisées, à rendre obligatoires les actions visant à prévenir les expulsions locatives et à lutter contre l'habitat indigne.
La mise en place d'un observatoire des logements indignes s'inscrit dans la droite ligne des mesures déjà prises en faveur de la prévention des expulsions et des propositions qui ont été faites dans le rapport Doutreligne-Pelletier, remis récemment au Gouvernement.
M. le président. Je mets aux voix les sous-amendements identiques nos 66 rectifié bis et 354 rectifié.
(Les sous-amendements sont adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix, modifié, l'amendement n° 146 rectifié.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, avant l'article 9.
L'amendement n° 389, présenté par MM. Repentin, Raoul, Caffet et Bel, Mme Y. Boyer, MM. Courteau, Desessard et Dussaut, Mmes Herviaux, Hurel et Khiari, MM. Krattinger, Lejeune, Pastor, Piras, Raoult, Reiner, Ries, Saunier, Teston, Trémel, Lise, Vézinhet, Picheral et Madec, Mme San Vicente, MM. Plancade, Gillot et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
A - La loi n° 90-449 du 31 mai 1990 visant à la mise en oeuvre du droit au logement est ainsi modifiée :
I - Le dernier alinéa de l'article 4 est supprimé.
II - L'article 6 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est ainsi rédigé :
« Le plan départemental institue un fonds de solidarité pour le logement destiné à accorder des aides financières sous forme de cautionnements, prêts ou avances remboursables, garanties ou subventions à des personnes remplissant les conditions de l'article 1er et qui entrent dans un logement locatif ou qui, étant locataires, sous-locataires ou résidents de logements-foyers, se trouvent dans l'impossibilité d'assumer leurs obligations relatives au paiement du loyer, des charges et des frais d'assurance locative, ou qui, occupant régulièrement leur logement, se trouvent dans l'impossibilité d'assumer leurs obligations relatives au paiement des fournitures d'eau, d'énergie et de services téléphoniques. Le plan définit les critères d'éligibilité aux aides du fonds et précise ses conditions d'intervention, en veillant au respect des priorités définies à l'article 4. Ces critères ne peuvent reposer sur d'autres éléments que le niveau de ressources des personnes et l'importance et la nature des difficultés qu'elles rencontrent. »
b) Le dernier alinéa est supprimé.
III - Les deux premiers alinéas de l'article 6-3 sont ainsi rédigés :
« Le financement du fonds de solidarité pour le logement est assuré par l'État et le département. La participation du département est au moins égale à celle de l'État.
« Électricité de France et les distributeurs d'électricité, Gaz de France et les distributeurs de gaz, France Télécom et les opérateurs de services téléphoniques ainsi que les distributeurs d'eau participent au financement du fonds de solidarité pour le logement. »
IV - L'article 6-4 est ainsi rédigé :
« Art. 6-4 - Le fonds de solidarité pour le logement peut être constitué sous la forme d'un groupement d'intérêt public. Sa gestion comptable et financière peut être déléguée à un organisme de sécurité sociale, une association agréée à cet effet. »
V - L'article 7 est supprimé.
VI - L'article 8 est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Ce décret précise notamment les délais maximum d'instruction de la demande d'aide au fonds de solidarité pour le logement, détermine les principales règles de fonctionnement, les conditions de recevabilité des dossiers, les formes et modalités d'intervention que doivent respecter les fonds de solidarité pour le logement. »
B - Les pertes de recettes pour l'État résultant du A sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Thierry Repentin.
M. Thierry Repentin. Cet amendement revient sur la réforme des fonds de solidarité pour le logement, les FSL, opérée par la loi du 13 août 2004, relative aux libertés et responsabilités locales.
L'État, garant de la solidarité nationale, ne peut se désengager des FSL. L'article rétablit donc le financement des FSL État-département à parité ainsi que le rôle des plans départementaux d'action pour le logement des personnes défavorisées pour l'établissement des conditions d'octroi, afin d'éviter qu'à situation équivalente les droits ne varient en fonction du département de résidence.
Les FSL prenant désormais en charge les impayés d'eau, d'énergie et de téléphone, l'amendement rend obligatoire la participation financière des opérateurs d'eau, d'énergie et de téléphone au financement du fonds.
En transférant les FSL aux départements, on a transféré en même temps une charge qui n'a pas été compensée par l'État.
Ainsi, dans le département de l'Hérault, entre 2004 et 2005 la contribution de l'État a diminué de plus de 213 000 francs.
Le transfert de compétences sans moyens humains s'est avéré coûteux puisqu'il a fallu mettre en place en équivalents temps plein une personne et demie à la charge du département.
Pour faire face à l'évolution de ses charges, compte tenu de la non-revalorisation des aides à la personne, le FSL a dû adapter ses critères d'éligibilité à ses propres contraintes budgétaires, c'est-à-dire que les familles à revenus identiques sont moins aidées que par le passé.
Les principales difficultés résident dans l'évolution constante de la précarité.
En 2004, dans l'Hérault, 26 000 dossiers étaient traités, un an plus tard 28 000. C'est le département qui en assume seul la charge, puisque depuis le transfert de compétences il n'y a pas eu de complément de l'État.
Il est donc nécessaire de revenir à un système équilibré où la solidarité nationale s'exprime comme elle le faisait dans le passé, pour ne pas mettre en place un dispositif comme celui que nous avons connu autrefois avec la prestation spécifique dépendance et avec lequel, d'un département à l'autre, à contraintes identiques, l'accompagnement de la collectivité locale était différent.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Dominique Braye, rapporteur. Cet amendement revient sur les dispositions que nous avons votées lors de l'examen de la loi relative aux libertés et responsabilités locales. En effet, notre collègue Thierry Repentin souhaite rétablir le cofinancement État-département des fonds de solidarité pour le logement. Je rappelle que ce transfert a été compensé à l'euro près. Nous n'allons pas refaire ce débat.
En conséquence, la commission est défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Louis Borloo, ministre. Même avis défavorable. Le département étant, à l'évidence la collectivité de proximité de l'action sociale, un tel retour en arrière serait difficilement compréhensible.
M. le président. L'amendement n° 392, présenté par MM. Repentin, Raoul, Caffet et Bel, Mme Y. Boyer, MM. Courteau, Desessard et Dussaut, Mmes Herviaux, Hurel et Khiari, MM. Krattinger, Lejeune, Pastor, Piras, Raoult, Reiner, Ries, Saunier, Teston, Trémel, Lise, Vézinhet, Picheral et Madec, Mme San Vicente, MM. Plancade, Gillot et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La première phrase du premier alinéa de l'article L. 302-5 du code de la construction et de l'habitation est ainsi rédigée :
« Les dispositions de la présente section s'appliquent à toutes les communes d'Île-de-France et dans les autres régions aux communes dont la population est au moins égale à 3 500 habitants, membres d'un établissement public de coopération intercommunale dont la population est supérieure à 50 000 habitants, ou qui sont comprises, au sens du recensement général de la population, dans une agglomération de plus de 50 000 habitants comprenant au moins une commune de plus de 15 000 habitants, et dans lesquelles le nombre total de logements locatifs sociaux représente au 1er janvier de l'année précédente moins de 20 % des résidences principales. »
La parole est à M. Thierry Repentin.
M. Thierry Repentin. À travers la discussion de cet amendement va sans doute s'engager un débat dans lequel apparaîtra de façon plus flagrante encore ce qui nous sépare, bien qu'il ne soit pas impossible que nous nous rejoignions sur certains constats.
M. Alain Vasselle. On a eu du mal à s'en rendre compte jusqu'à présent !
M. Thierry Repentin. Par cet amendement, il s'agit d'étendre le champ d'application de l'obligation de disposer de 20 % de logements locatifs sociaux à toutes les communes d'au moins 3 500 habitants membres d'un établissement public de coopération intercommunale dont la population est supérieure à 50 000 habitants, ainsi qu'à toutes les communes d'Île-de-France. Dans les autres régions, restent soumises à cette obligation les communes de plus de 3 500 habitants situées dans une agglomération de plus de 50 000 habitants comprenant au moins une commune de plus de 15 000 habitants.
Cet amendement est motivé par plusieurs raisons, la plus évidente étant qu'actuellement, en province, la loi ne traite pas également les établissements publics de coopération intercommunale. En effet, la définition de l'agglomération sur la base de laquelle s'applique ou non l'article 55 de la loi SRU repose sur celle qu'en a donnée l'INSEE et diffère de celle des EPCI. De ce fait, pour prendre le cas de communautés d'agglomération, deux EPCI de plus de 50 000 habitants ayant tous deux la compétence « politique de la ville » et « logement et habitat » sont traités différemment, bien qu'ils soient éventuellement contigus et situés dans le même bassin d'habitat : la différence tient au seul fait que dans un cas existe une coupure d'urbanisation sur 300 mètres, coupure dont l'INSEE, à l'époque, a fait le critère de la définition de l'agglomération. Cela signifie que, à situation identique, des communes appartenant à deux EPCI voisins ont l'obligation ou non de respecter la règle de 20 % de logements sociaux.
L'extension du champ de cette obligation à tous les EPCI de plus de 50 000 habitants sur l'ensemble du territoire national permettrait d'élargir le champ d'application de l'article 55 à 2 100 communes supplémentaires qui, aujourd'hui, n'y sont pas soumises. Actuellement, seules quelque 750 communes sont visées par le dispositif, nombre insuffisant pour laisser espérer que nous pourrons répondre à l'attente en matière de construction, qui accuse effectivement du retard.
En outre, en élargissant la carte, nous donnons un argument à M. le Président de la République, à son Premier ministre et au président de l'AMF, qui, ces huit derniers jours, sur les ondes et dans les médias, ont déclaré que nulle commune ne devait se soustraire au devoir de solidarité nationale et que la loi, toute la loi devait s'appliquer aussi sur leur territoire.
Tel est, mes chers collègues, l'objet de cet amendement. En l'adoptant, vous permettrez un traitement équitable de tous les territoires de France et vous éviterez que ne soient stigmatisées les seules 745 communes visées par l'article 55.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Dominique Braye, rapporteur. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, alors que nous abordons la discussion de plusieurs amendements ayant trait à l'article 55 de la loi SRU, je souhaiterais exposer brièvement la position qu'a retenue la commission des affaires économiques sur ce sujet.
Depuis le début de nos travaux sur le projet de loi, nous avons tous constaté une forte attente de la part de l'ensemble des groupes politiques sur cette question très controversée. En effet, l'article 55 de la loi SRU a été placé - du fait notamment de sa médiatisation, à mon sens excessive - au coeur des débats sur le logement. Or je souhaiterais, à ce stade de mon intervention, tenter de dépassionner un peu cette discussion, si cela est possible, discussion certes importante, mais qui ne doit pas nous faire oublier l'essentiel.
M. Roland Muzeau. Non, ce n'est pas possible !
M. Dominique Braye, rapporteur. De quoi s'agit-il au juste ? L'article 55 est un mécanisme, applicable depuis l'année 2001, qui concerne aujourd'hui un peu plus de 700 communes - 742 exactement - comptant moins de 20 % de logements sociaux sur leur territoire.
M. Alain Vasselle. Y compris des communes socialistes !
M. Dominique Braye, rapporteur. Quels sont les enseignements des premiers bilans qui ont été établis depuis cette date ?
Eh bien, mes chers collègues, je tiens à vous le dire ici avec force, ces bilans nous délivrent des messages très positifs. Près de la moitié des 742 communes soumises aux obligations ont respecté leur objectif triennal de construction de logements sociaux ! Bien plus, parmi elles, beaucoup l'ont dépassé de façon significative. Pour le solde, 18 % des communes ont atteint entre 50 % et 100 % de leurs objectifs, et 33 % seulement moins de 50 %.
Au total, il en résulte donc un bilan très positif, comme je le soulignais lors de la discussion générale, puisque ce que les unes n'ont pas réalisé a été très largement compensé par ce que les autres ont fait. (Rires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Roland Muzeau. La bonne blague ! Combien y en a-t-il à Neuilly ?
M. Dominique Braye, rapporteur. Alors que, sur la période 2001-2004, ces 742 communes se sont vu fixer un objectif de construction de 62 000 logements sociaux, ce sont en définitive 87 000 logements sociaux qui ont été effectivement réalisés, soit un dépassement de plus de 40 %.
Ces chiffres ne doivent-ils pas, mes chers collègues, nous conduire à la modération ? Ne doivent-ils pas contribuer à dépassionner nos débats ?
Certes, le fait que certaines n'aient pas respecté leurs engagements doit nous amener à nous pencher sérieusement, sans parti pris, sans aucun esprit de vindicte et en toute objectivité, sur les raisons qui les ont empêchées de le faire.
D'un côté, certaines communes peuvent avoir délibérément refusé de se mettre en conformité avec la loi. Pour celles-là, une procédure existe : le constat de carence. M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement, qui est parmi nous, a répété à plusieurs reprises qu'il souhaitait que ces constats soient dressés très prochainement. Je ne doute pas qu'il nous le confirmera, le cas échéant. Pour ma part, je crois aussi qu'il faut mettre les communes face à leurs responsabilités.
Mais, de l'autre côté, certains élus partageant pleinement les objectifs de promotion de la mixité sociale et souhaitant résolument construire des logements sociaux ont été confrontés, pour des raisons très diverses, à de réelles difficultés. (M. Roland Muzeau grommelle.) Il n'est que de citer les divers motifs d'inconstructibilité liés aux servitudes de protection, aux plans de prévention des risques ou à la multiplication des recours contentieux.
À ce titre, laissez-moi vous citer le cas d'une commune, située dans le département des Yvelines et que je connais bien, qui a perdu au cours des trois dernières années six recours successifs portant sur des opérations locatives sociales. Cette commune-là souhaite faire du logement social et, en dépit de sa volonté affirmée, ne le peut pas. Trouvez-vous normal de la pénaliser ?
M. Christian Demuynck. Et voilà !
M. Dominique Braye, rapporteur. En définitive, j'en appelle au sens de la responsabilité des uns et des autres. Mes chers collègues, serait-il aujourd'hui raisonnable de notre part de mettre le doigt dans l'engrenage du « détricotage » du dispositif de l'article 55 ?
Vous avez été nombreux à déposer des amendements tendant à modifier tel ou tel de ses aspects. Vous avez avancé beaucoup d'idées. Certaines, je l'avoue, sont attractives. Chaque amendement a sa logique propre, et la plupart sont inspirés par le légitime souci d'améliorer le mécanisme.
Toutefois, mis à bout à bout, ces amendements, s'ils étaient adoptés, ne pourraient que conduire à une remise en cause générale et bien souvent contradictoire du dispositif. Est-ce souhaitable ? Serait-ce porteur de sens ? Je ne le crois pas, et la commission des affaires économiques non plus.
Telles sont les raisons pour lesquelles elle a émis un avis défavorable sur tous ces amendements, sans exception aucune.
Cela signifie-t-il pour autant que la commission considère que tout soit parfait dans le monde de l'article 55 ? Je le dis très fort : sûrement pas ! Mais il lui apparaît hautement préférable de réfléchir à une évolution globale et équilibrée des dispositions en cause.
Que tous ceux qui servent la cause du logement social, et ils sont nombreux dans cet hémicycle, le comprennent bien : la commission des affaires économiques ne défend pas en l'occurrence un quelconque conservatisme. Elle défend une position de sagesse - mot ô combien sénatorial ! - et de prudence. Elle souhaite que le temps de la navette parlementaire puisse être mis à profit pour qu'il soit procédé à une analyse fine des résultats de cette première période triennale,...
M. Jean Desessard. La prudence !
M. Dominique Braye, rapporteur. ...de façon à pouvoir disposer, en deuxième lecture, d'un constat objectif pour examiner toutes les propositions de la Haute Assemblée. M. le ministre, à qui j'en ai longuement parlé, partage cette préoccupation.
Ne l'oubliez pas, mes chers collègues, il est question du logement de nos concitoyens et de leurs attentes, mais aussi de la manière dont ceux qui en sont responsables peuvent répondre à leurs aspirations. Il nous faut mobiliser tous les acteurs locaux sur ce dossier. Il ne convient donc pas que nous avancions en désordre et dans la précipitation, chacun de son côté et sans concertation. Au contraire, il nous faut agir collectivement et après mûre réflexion.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Louis Borloo, ministre. L'avis de la commission me paraît sage.
Dans la loi SRU, votée à la toute fin de l'année 2000 pour une entrée en vigueur en 2002, était prévu un rattrapage en vingt ans, de façon que l'ensemble des collectivités concernées puissent enclencher le processus attendu.
Il était également prévu que ce processus de rattrapage, qui était quantifié, fasse l'objet d'une évaluation au terme de la première période triennale. Dès le mois de février de cette année, le Gouvernement a donné aux préfets les instructions en ce sens. Le 21 août, au vu des premiers résultats, a été engagée avec les collectivités locales, en application de la loi, l'élaboration du bilan contradictoire de la situation des unes et des autres. Le cadre général, le rapporteur l'a rappelé, montre que l'application de la loi a permis des résultats plutôt positifs.
Les collectivités se répartissent en trois catégories. Certaines se sont engagées dans le processus et ont réalisé l'objectif de rattrapage. D'autres, tout en s'étant également mises en mouvement, ne l'ont pas tout à fait atteint ; cependant, la comparaison avec les chiffres des années antérieures montre que l'effort est réel : il faut savoir que, lorsqu'une collectivité locale n'a pas construit ou a peu construit de logements sociaux auparavant, la mise en route de la mécanique - l'expertise, le savoir-faire, la collaboration - demande un certain temps. Enfin, d'autres collectivités restent manifestement en dessous de l'objectif fixé, auquel cas il appartient à la commission régionale de l'habitat, la CRH, qui est alors saisie, d'établir dans le cadre du débat contradictoire les raisons de cette situation et d'examiner les motifs avancés, les conditions techniques et matérielles... Peut-être un programme de 200 logements, d'ores et déjà financé, est-il en cours et permettra-t-il d'atteindre l'objectif de rattrapage non pas cette année, mais l'année prochaine ; un recours juridique, une inondation, peuvent expliquer le retard... Il peut aussi être tout à fait clair que la collectivité locale ne s'est tout simplement pas engagée dans le processus de rattrapage.
Le législateur avait voulu que la procédure d'évaluation soit transparente. Elle est donc contradictoire entre le préfet et la collectivité concernée, qui est ainsi en mesure de répondre. Elle est soumise pour avis à la CRH, laquelle, vous le savez, est extrêmement diverse puisqu'elle réunit des représentants des différents partenaires. Une fois l'avis rendu, le préfet peut décider d'établir ou non un constat de carence, qui peut avoir plusieurs types de conséquences : substitution du préfet, qui peut alors imposer un programme de logement social, évolution partielle de la pénalité pouvant aller de 1 % à 100 %.
Nous en sommes à cette phase-là. La commission régionale de l'habitat d'Île-de-France, par exemple, se réunit demain après-midi.
Je crois qu'il est important de considérer la situation avec calme et objectivité avant de s'engager dans quelque évolution que ce soit d'un dispositif qui a manifestement déclenché un processus apaisé de construction de logements sociaux.
Hier, la Haute Assemblée a souhaité rappeler avec Jean-Paul Alduy que l'un des sujets importants en matière de logement social était celui de la répartition des crédits pour la rénovation des quartiers urbains, soulevant ainsi le problème de la taxe foncière sur les propriétés bâties, la fameuse la TFPB, et de son exonération.
En tout cas, le fait de demander, au titre de la solidarité nationale, à des collectivités qui, parfois, sont largement en dessous du seuil de 20 %, d'accepter de construire un certain nombre de logements sociaux relève d'un processus qui doit faire appel à la concertation. J'ai en tête l'exemple de la ville de Blois, avec le quartier Croix Chevalier, où tout le monde s'est impliqué dans cette démarche sur la base du volontariat.
La position du Gouvernement est assez claire, relayant en cela celle du chef de l'État : cette loi sera appliquée en tenant compte des difficultés éventuelles.
De grâce, faisons une analyse objective de la situation avant d'imaginer une nouvelle instabilité législative ! Attendons que le texte ait produit pleinement ses effets et qu'il ait pu être évalué.
S'il y a un mot que j'ai retenu dans cette Haute Assemblée, c'est bien le mot « évaluation » des politiques publiques. Je vous propose donc que nous nous donnions le temps de l'évaluation.
M. Jack Ralite. Et pendant ce temps, les mal-logés attendent !
M. le président. La parole est à Mme Valérie Létard, rapporteur pour avis.
Mme Valérie Létard, rapporteur pour avis. Après les propos de M. le rapporteur et de M. le ministre, je voudrais livrer à mon tour le sentiment de la commission des affaires sociales sur les amendements qu'elle a choisi de présenter et qui visent à modifier l'article 55 de la loi SRU, sans en changer le périmètre.
Il s'agit non pas, bien évidemment, de troubler un équilibre fragile, mais, sur un certain nombre de points qui ne modifient pas le périmètre de la loi, de préciser les modalités d'application et de réalisation de l'objectif de 20 % de logements sociaux, afin que l'on puisse atteindre de manière plus juste ce seuil.
Il n'est pas question ici de pénaliser plus fortement des communes qui ont quelquefois du mal à réaliser cet objectif ; je reviendrai tout à l'heure sur cet aspect. Je crois que, sans changer l'économie générale de ce texte, qui est extrêmement important parce que les problèmes que nous avons rencontrés ces derniers jours, dans certains quartiers, montrent bien qu' il est urgent de tracer la voie, il convient de surmonter un certain nombre de difficultés qui nous empêchent d'atteindre cet objectif.
Le rôle du Sénat est aussi, tout en se donnant le temps de réfléchir pour ne pas créer de déséquilibre, de faire en sorte que nous commencions à avancer sans plus attendre. (M. Philippe Nogrix applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Hier, c'était la révolution foncière ! Aujourd'hui, nous sommes dans le statu quo.
Monsieur le rapporteur, avez-vous transmis à M. Chirac tous vos chiffres pour lui expliquer qu'il ne fallait rien changer ?
M. Dominique Braye, rapporteur. Je n'ai pas dit qu'il ne fallait rien changer !
M. Jean Desessard. Vous avez parlé de statu quo, d'équilibre. Ensuite, vous avez dit qu'il y avait des communes méritantes, des communes moyennement méritantes et des communes qui n'étaient pas méritantes du tout, que l'on faisait une moyenne et que tout allait bien !
Ce n'est pas une bonne attitude. Je vous ai connu plus sévère ! Lorsque certaines personnes avaient fait des bêtises, vous n'avez pas dit : il y a des bons et des mauvais, et je renvoie tout le monde dos à dos ! Vous avez été beaucoup plus dur à l'égard de celles qui ne respectaient pas certaines règles. Or, aujourd'hui, il y a des maires qui ne respectent pas les règles. Cela a été suffisamment dit et cela a été repris par le Président de la République. Il faut donc que l'on prenne de nouvelles mesures obligeant ces communes - qui font partie de la troisième catégorie dont vous avez parlé - à respecter les dispositions en vigueur.
Monsieur le ministre, je ne crois pas que le préfet osera intervenir. Peut-être le fera-t-il une fois, de manière symbolique, mais je ne crois pas qu'il établira un constat de carence ni qu'il imposera une obligation.
Monsieur le rapporteur, vous avez dit que certaines communes avaient obtenu des résultats. Vous semblez bien documenté : pourriez-vous me communiquer des chiffres précis ? Combien y avait-il de PLAI, de PLUS et de PLS ?
Des logements sociaux ont été réalisés dans certaines communes qui n'atteignaient pas le seuil de 20 %, mais s'agit-il essentiellement de PLS ? Dans ce cas, on ne devrait pas parler de mixité sociale, puisque 80 % de la population française peuvent prétendre à ces prêts. Il peut donc s'agir de gens qui ont des revenus plus importants, de familles aisées. Par conséquent, dans les communes qui n'ont pas de logements sociaux, la mixité sociale doit s'opérer sur la base des PLAI.
Monsieur le rapporteur, pourrait-on connaître les différentes catégories et leurs pourcentages dans les réalisations effectuées par ces communes ?
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour explication de vote.
M. Roland Muzeau. Cet amendement n° 392 revient à juste titre sur la question que pose l'article L. 302-5 du code de la construction et de l'habitation, le fameux article 55 de la loi SRU.
Comme l'a rapporté la presse, en retenant les termes actuels de la loi, 742 communes sont dans l'illégalité la plus complète s'agissant du respect de la norme de 20 % de logements sociaux.
M. Philippe Dallier. Cela recommence !
M. Jean Desessard. C'est le débat !
M. Roland Muzeau. Et pourtant, mes chers collègues, cette définition des logements sociaux est extensible.
M. Philippe Dallier. C'est une contrevérité !
M. Roland Muzeau. Les termes mêmes de l'article L. 302-5 sont éclairants. Je vous en ferai grâce à cette heure.
En résumé, passe dans la définition des logements sociaux l'ensemble des logements, qu'il s'agisse des logements PLA, des logements éligibles à la PALULOS, des logements PLAI, PLUS, PLS, des logements conventionnés par l'ANAH sous conditions de ressources et de loyer, des logements-foyers.
On se demande comment certains ont tant de mal à réaliser des logements qualifiés de « sociaux ». On le comprend d'autant moins que le secteur de la construction connaît une relance impressionnante de son activité. En effet, si l'on en croit la presse, le nombre des permis de construire a progressé de 14,4 % en un an, avec cependant une amplitude fort différenciée.
C'est ainsi que, en Lorraine, le nombre de permis de construire est en chute de 7,5 % tandis que la progression est de 7 % dans la région d'Île-de-France où la tension est la plus forte dans le secteur du logement.
Le problème est que cette hausse du niveau de la construction ne concerne que 77 000 logements sociaux et qu'il ne s'agit là que des logements financés avec les aides multiples que j'ai rappelées tout à l'heure. Et l'on sait parfaitement qu'il y a parfois loin des financements délivrés à la réalisation effective et que le décalage dans le temps peut atteindre 30 % à 40 % des autorisations.
Où sont donc, monsieur le ministre, les 90 000 logements promis dans le cadre de la loi de programmation pour la cohésion sociale ?
En réalité, tout n'est pas fait pour que la loi soit respectée.
Construire 400 000 logements, dont moins de 20 % de logements sociaux, tandis que s'étiole le parc locatif social concerné par les opérations de rénovation urbaine et que se réduit le parc locatif social privé, quand 60 % à 70 % des ménages mal logés se situent sous le plafond d'accès au PLA- intégration, signifie que l'offre est totalement inadaptée à la demande.
Il est temps de cesser de laisser certains élus braver la loi au nom d'arguties et de considérations techniques et urbanistiques diverses, qui dissimulent en réalité leur profond mépris et leur désaccord quant à la satisfaction des besoins sociaux.
Il y a quelques instants, M. le rapporteur a de nouveau surfé sur des excuses qui n'en sont pas. Dans toutes les villes hors la loi, ni le PPRI, ni les recours, ni l'absence de foncier n'ont empêché quiconque de construire. Il suffit de compter le nombre de grues qui fleurissent dans ces villes pour réaliser des logements de standing et du locatif privé hors de prix !
M. Laurent Béteille. C'est n'importe quoi !
M. Roland Muzeau. Il suffit de circuler dans les Hauts-de-Seine pour constater que seize villes sur trente-six sont dans cette situation de non-respect de la loi.
M. Jean Desessard. Vous avez raison ! Ils n'y croient pas !
M. Roland Muzeau. Et pourtant, ces seize villes construisent tous les ans.
J'en citerai quelques-unes : Vaucresson, 2,42 % de logements sociaux ; Neuilly-sur-Seine, 2,56 % ; Ville-d'Avray, 3,06 % ; Marne-la-Coquette, 5 % ; La Garenne-Colombes, 9,78 % ; Boulogne-Billancourt, 10,54 % ; Sceaux, 11,39 % ; Saint-Cloud, 12,78 %, et je pourrais continuer la liste.
M. Jean Desessard. Elles ont construit, ces villes-là !
M. Roland Muzeau. Bien évidemment ! Il y a des grues partout !
Il s'agit là de quelques observations que nous ne pouvions manquer de produire à l'occasion de cette discussion et qui corrigent fort justement les inexactitudes qui ont été énoncées tout à l'heure.
M. le ministre nous parle de statu quo, pour mesurer les effets de la loi telle qu'elle est appliquée aujourd'hui ; par ailleurs, on nous dit qu'il ne faut pas accabler ces maires qui ne peuvent pas construire parce qu'ils font face eux-mêmes à des impossibilités. Or ils construisent et beaucoup, la population augmente, mais il n'y a pas de nouveaux logements sociaux.
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour explication de vote.
Mme Éliane Assassi. J'ai bien entendu les propos de M. le rapporteur. D'une part, ils m'ont donné le sentiment qu'il était un peu sur la défensive et, d'autre part, ils ne m'ont pas fait changer d'avis sur le fond.
Pour illustrer mon propos, je prendrai la tête de liste des mauvais élèves de la classe de la mixité sociale, à savoir la ville de Neuilly-sur-Seine. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Jean Desessard. Qui en est le maire ?...
M. Philippe Dallier. Et cela recommence !
Mme Éliane Assassi. Nous n'avons pas peur, monsieur Dallier, nous évoquons des faits qui ne sont pas des vues de l'esprit ! Je sais bien que cela vous fait mal, mais c'est ainsi !
M. Philippe Dallier. La loi s'applique à tout le monde !
M. Christian Cambon. Parlez des Pavillons-sous-Bois !
Mme Éliane Assassi. La ville de Neuilly-sur-Seine, de taille relativement réduite, compte un peu moins de 60 000 habitants aujourd'hui et se dépeuple année après année...
M. Philippe Dallier. Parlez-nous de Livry-Gargan !
M. Jean Desessard. Vous prendrez la parole tout à l'heure !
Mme Éliane Assassi. Monsieur Dallier, vous réglerez vos comptes avec vos collègues tout à l'heure. Pour l'instant, laissez-moi parler !
Je disais donc que la ville de Neuilly-sur-Seine, de taille relativement réduite, compte un peu moins de 60 000 habitants aujourd'hui et se dépeuple, année après année, du fait même de la persistance d'une intense pression foncière et immobilière.
Le nombre de logements existants y est particulièrement élevé, puisque Neuilly-sur-Seine compte 7 200 logements par kilomètre carré de superficie communale, quand une ville comme Gennevilliers, dans le même département, en compte 1 350.
Mais, à cette densité importante de logements que Paris est sans doute la seule ville à atteindre en Île-de-France, s'ajoute la rareté du logement social qui ne représente en effet, comme l'a dit mon collègue Roland Muzeau, que 2,6 % du parc immobilier de la localité alors qu'il constitue 60,5 % du parc immobilier de Gennevilliers.
En clair, il y a moins de 200 logements sociaux au kilomètre carré à Neuilly-sur-Seine, ce qui n'est donc pas une source de dépassement du coefficient d'occupation des sols, pour 800 logements sociaux à Gennevilliers.
M. Christian Demuynck. Heureusement qu'il y a Neuilly !
Mme Éliane Assassi. Des impossibilités manifestes de disponibilité foncière pourraient-elles motiver le fait que Neuilly-sur-Seine ne peut construire des logements sociaux ? On pourrait effectivement se poser la question. La réalisation de l'opération urbaine de l'île de la Grande Jatte laisse plutôt penser que la ville de Neuilly-sur-Seine a quelque peu manqué de volonté politique en la matière.
Nous pouvons également nous interroger sur un autre élément surprenant de la situation.
Le maire actuel de la commune a, pendant de longues années, été le président de l'office central interprofessionnel du logement, l'OCIL, principal collecteur du 1 % logement, et a exercé des mandats d'administrateur dans plusieurs des sociétés anonymes d'HLM, des sociétés civiles immobilières créées par ce collecteur.
Nombre des cités gérées par ces sociétés figurent d'ailleurs aujourd'hui en bonne place dans les quartiers sensibles concernés par les politiques de rénovation urbaine.
C'est donc un élu particulièrement au fait de la problématique du logement, d'autant que l'OCIL a effectué, voilà quelques années, un regroupement avec un autre collecteur pour constituer un ensemble encore plus consistant de moyens financiers et d'interventions, qui dirige la ville de France la moins respectueuse des obligations légales de construction.
Vous comprendrez donc notre grand embarras devant une situation qui, je l'affirme avec force, ne peut décemment plus durer. C'est une raison supplémentaire pour voter en faveur de l'amendement n° 392.
M. Roland Muzeau. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.
M. Philippe Dallier. Bonne ou mauvaise, la loi doit s'appliquer partout. Comme j'ai déjà tenté de le faire lundi, je vais m'efforcer de vous expliquer pourquoi cette loi est mauvaise, en tout cas injuste.
Elle est injuste, car elle traite toutes les communes de la même manière, des plus petites à la plus grande, et ce quelles que soient leurs ressources. Vous reconnaîtrez que c'est assez particulier.
M. Muzeau persiste et signe dans l'erreur en affirmant que les 742 maires dont les noms figurent partout sont des maires hors la loi. Je vais essayer de lui démontrer que c'est faux.
J'ai reçu cette semaine - le hasard fait parfois bien les choses - un courrier de M. le préfet de la Seine-Saint-Denis m'indiquant qu'il a l'honneur de m'informer que la commune des Pavillons-sous-bois, pour la période triennale passée, a rempli ses objectifs à hauteur de 119 % et qu'en conséquence j'ai atteint et même dépassé les objectifs.
Je ne suis donc pas un maire hors la loi ! Vous pouvez venir aux Pavillons-sous-Bois. Vous constaterez qu'il y a des grues, et certaines participent à des programmes d'opérations mixtes qui allient des logements privés et des logements sociaux. Monsieur Muzeau, je vous invite à venir en Seine-Saint-Denis, peut-être apprendrez-vous certaines choses !
Dans un autre courrier daté de janvier 2005, M. le préfet de la Seine-Saint-Denis m'informait, avec regret, que, pour l'année 2005, je serai redevable de la pénalité de quelque 115 000 euros.
J'ai rempli mon objectif triennal sur les années 2002, 2003 et 2004. En 2005, absurdité suprême, je suis pénalisé parce qu'en 2003, le pénultième exercice, je ne peux pas déduire de dépenses pour la réalisation de logements sociaux, alors que, au cours de la même période, j'ai dépassé l'objectif qui m'était fixé.
C'est ça une loi équitable et juste ? Je vous pose la question et j'espère que vous allez y répondre.
Messieurs Repentin et Desessard, s'agissant de l'aggravation des pénalités,...
M. Jean Desessard. C'est le rapporteur qui a dit qu'il ne fallait rien changer !
M. Philippe Dallier. Laissez-moi terminer !
S'agissant de l'aggravation des pénalités, disais-je, je vais avoir l'occasion de vous démontrer, chiffres à l'appui, comme je me suis efforcé de le faire lundi, les conséquences de cette disposition pour les villes qui ne sont pas riches. Car il en est des villes comme des particuliers : certaines sont au SMIC alors que d'autres paient l'ISF. J'ai plutôt le sentiment que ma commune est au SMIC.
Pour justifier vos amendements, vous nous parlez de Paris. La belle affaire ! Paris ressemblerait donc aux 36 000 communes de France ! Mais où croyez-vous que nous sommes ? Comment pouvez-vous espérer nous convaincre en prenant Paris comme exemple et en essayant de montrer que la multiplication par cinq ou par dix d'une pénalité n'aura pas d'effet sur les communes puisque Paris s'en sortirait. C'est scandaleux d'utiliser de tels arguments !
Est-ce que je dis des contrevérités, monsieur Muzeau ?
M. Roland Muzeau. Je ne peux pas vous interrompre !
M. Philippe Dallier. Monsieur Repentin, mon propos sur la manière dont vous présentez vos amendements en prenant l'exemple de Paris est-il exact ? Je crains d'avoir raison.
Monsieur le ministre, cette loi est injuste, parce qu'elle pénalise aussi bien ceux qui font que ceux qui ne font pas ! Et s'il s'agit bien de faire le tri entre le bon grain et l'ivraie, c'est d'abord faire le tri entre ceux qui font et ceux qui ne font pas. Or le texte actuel ne le permet pas.
Les amendements que vous présentez ce soir, monsieur Repentin, visent à pénaliser encore et toujours plus ceux qui font comme ceux qui ne font pas.
Monsieur le ministre, permettez-moi de considérer que cette loi est injuste.
Monsieur le rapporteur, je suis trop fier d'être devenu parlementaire et j'ai trop de respect pour la fonction que j'exerce pour retirer des amendements qui me semblent frappés au coin du bon sens. Je maintiendrai donc mes amendements et nous verrons le sort qui leur sera réservé.
Je ne peux plus supporter ces injustices. Nous venons de passer quinze jours ou trois semaines pendant lesquels les 742 maires visés ont été traînés dans la boue - je le dis comme je le pense -, dans tous les médias. J'en faisais partie alors que, je peux vous le démontrer, j'ai respecté la loi. Pourtant, je n'ai entendu personne en dehors de cet hémicycle dire qu'il ne fallait pas mettre tout le monde dans le même panier.
Aussi, monsieur le rapporteur, me permettrez-vous de ne pas vous suivre. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Thierry Repentin, pour explication de vote.
M. Thierry Repentin. Mes chers collègues, je crois que l'on peut s'exprimer avec passion sans interpeller nominativement les collègues. (Exclamations sur les travées de l'UMP.) Jusqu'à ce soir, vous me donnerez acte que je ne l'ai jamais fait.
M. Philippe Dallier. Cela n'avait rien de personnel. Veuillez accepter mes excuses.
M. Thierry Repentin. Vous m'avez interpellé nominativement !
Cela dit, je m'exprimerai moi aussi avec passion et sincérité.
La loi de la République doit s'appliquer partout, de façon identique, quelle que soit l'appartenance politique des uns et des autres. Je dénoncerais, s'il le fallait, les maires de ma famille politique. La France n'est pas l'addition de 36 000 républiques.
Mon amendement, je pense que vous en conviendrez, ne vise en rien à modifier le système. Ce dernier est-il bon ou mauvais ? Vous avez votre appréciation, j'ai la mienne. Je n'ouvrirai pas le débat sur ce point.
Cet amendement vise à faire en sorte que la loi s'applique partout de la même façon, afin que l'on évite de se focaliser sur quelque 740 communes. Si elles figurent sur la liste qui a été publiée c'est non pas pour ne pas avoir rempli leurs obligations, mais parce cette liste tient compte des logements qui ont été financés en 2002, 2003 et 2004, et pas forcément les logements livrés puisque sur cette période ont pu être effectivement livrés des logements qui avaient été financés en 2000 ou 2001.
Il faut donc lire avec attention les données qui ont été publiées. Or, j'espère que vous en conviendrez, certains en font une lecture qui peut dépasser les chiffres fournis.
M. le ministre a dit qu'il fallait faire une évaluation avant d'aller plus loin. Je ne suis pas hostile à une évaluation, mais je pense qu'elle ne doit pas nous empêcher d'avancer.
Le présent projet de loi porte « Engagement national pour le logement ». Plus on avance, plus on se rapproche de l'intitulé initial qui était « Propriété pour tous ». Ensuite il a été appelé « Habitat pour tous », puis « Engagement national pour le logement ». De plus en plus, au gré des avancées que nous faisons depuis deux jours, nous revenons à « Propriété pour tous ».
La suggestion de M. le ministre consiste à dire : faisons une évaluation ensemble, d'une façon partenariale, puis nous avancerons. Mais des avancées ont d'ores et déjà été faites ou vont l'être.
Premièrement, nous avons adopté des incitations à remettre sur le marché des logements accessoires au commerce qui ne sont pas utilisés. Il s'agit en effet d'une bonne mesure.
Deuxièmement, un nouveau système de défiscalisation, qui a été adopté hier, contribuera à mettre sur le marché des logements à 17 euros par mois le mètre carré de surface utile. Le prix du mètre carré au titre de la loi de Robien est de 18 euros. C'est donc un peu mieux mais c'est beaucoup plus mal que le prix du logement social qui, y compris pour les PLS, est inférieur à 10 euros.
Troisièmement, nous allons discuter de l'élargissement du prêt à taux zéro pour faciliter l'accession à la propriété aux classes dites moyennes, c'est-à-dire aux ménages dont les ressources sont de l'ordre de 5 000 à 7 000 euros par mois !
Quatrièmement, nous incitons les propriétaires de logements assujettis à la taxe sur les logements vacants à mettre ces logements sur le marché.
Cinquièmement, nous allons discuter des moyens nouveaux que nous allons donner à l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat afin qu'elle puisse mettre sur le marché des appartements à loyers dits maîtrisés.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur Repentin.
M. Thierry Repentin. Monsieur le président, nous sommes au coeur du débat. Je suis certes un peu long, et je vous prie de bien vouloir m'en excuser, mais cela me permettra d'être plus concis par la suite.
Les logements à loyers maîtrisés sont mis sur le marché à 15 euros par mois le mètre carré. Nous sommes bien loin du logement social.
Ces cinq mesures montrent que les avancées sont réelles, mais elles ne portent que sur un seul créneau. Or, comme nous avons été nombreux à le dire, il faut s'intéresser à toute la chaîne du logement. Et le type de logements que nous avons le plus de difficulté à offrir sur nos territoires respectifs, ce sont tout de même les logements sociaux.
On ne peut pas être volontariste pour les uns et attentistes pour les autres, surtout si ces derniers sont les 1 300 000 familles qui éprouvent les plus grandes difficultés à trouver seules un logement.
En disant cela, je pense n'agresser personne, ni les élus de droite ni ceux de gauche. Il s'agit d'un simple constat, même s'il est fait avec passion. Je souhaite que nous débattions sur le fond afin que l'engagement national pour le logement concerne aussi les personnes modestes et moyennes, et pas exclusivement celles qui ont la chance de pouvoir se loger seules.
Avec cet amendement, j'élargis la carte et ne sont donc pas visées les communes auxquelles s'applique l'article 55 de la loi SRU.
M. le président. Concluez, monsieur Repentin.
M. Thierry Repentin. Je conclus, monsieur le président.
Ainsi, 2 113 communes supplémentaires pourraient contribuer à l'effort que vous faites sur le territoire de votre commune, monsieur Dallier.
Pour la seule agglomération de Paris, 62 000 logements sociaux pourraient être construits sur vingt ans, soit 3 200 par an, à mettre en regard des 4 000 logements par an que permet l'application de la loi SRU. Ce n'est pas neutre et cela permettra de réduire les listes d'attente.
M. le président. La parole est à M. Pierre Jarlier, rapporteur pour avis.
M. Pierre Jarlier, rapporteur pour avis. Si imparfait soit-il, l'article 55 de la loi SRU a au moins un double mérite : il favorise la mixité sociale, notamment pour les collectivités qui étaient en retard en matière d'habitat social, et a révélé, après cinq ans, des situations très diverses, qui ont été rappelées par M. le ministre.
L'heure est sans doute venue de tirer un bilan au moment où les premiers constats de carence vont être arrêtés. Il faut évaluer clairement les différentes adaptations nécessaires, qui ont été largement évoquées dans ce débat. S'il y a des abus qui nécessitent sans doute un durcissement de notre cadre législatif, il y a aussi de nombreux cas dans lesquels le texte en vigueur n'est pas adapté aux spécificités locales, et il faudra bien assouplir le dispositif pour les communes concernées. Nous en avons eu un bon exemple avec les propos de notre collègue Philippe Dallier.
Toutefois, ces adaptations nous imposent d'engager une concertation entre les commissions, les acteurs concernés et le Gouvernement au cours de la navette. Nous avons bien noté l'engagement du ministre de faire aboutir ces propositions lors de la deuxième lecture de ce texte.
Chacun de nous apprécie selon des critères qui lui sont propres l'urgence des adaptations nécessaires, mais de toute façon, qu'elles interviennent aujourd'hui ou dans trois ou quatre mois, le calendrier final sera le même.
Enfin, ne l'oublions pas, des moyens coercitifs existent dans ce texte : le constat de carence. Celui-ci donne des prérogatives au préfet pour réaliser en lieu et place de la collectivité les logements sociaux manquants.
Il faut donc, en tenant compte bien sûr des particularités locales, que ces constats de carence soient dressés le plus rapidement possible. Là aussi, monsieur le ministre, vous vous y êtes engagé, ce soir. Pour moi, il s'agit vraiment d'une urgence.
Utilisons d'abord les moyens que nous donne la loi et donnons-nous un temps limité à deux ou trois mois pour répondre de façon efficace aux attentes légitimes liées aux différentes particularités locales.
C'est pourquoi, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je suivrai la proposition de M. le rapporteur de la commission des affaires économiques.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Dominique Braye, rapporteur. Je m'adresserai à notre collègue Philippe Dallier. Je comprends personnellement ce qu'il ressent pour avoir, dans la nuit du 12 au 13 novembre 2003, défendu la même position. À travers les amendements qu'il a présentés, il a d'ailleurs repris nombre des dispositions que j'avais introduites dans la proposition de loi qui - je le rappelle - avait été adoptée par le Sénat.
Je le comprends d'autant plus que ceux qui lui donnent des leçons aujourd'hui ne se sont jamais demandé pourquoi il était dans cette situation : pourquoi n'y a-t-il pas de logements sociaux aux Pavillons-sous-Bois ? M. Dallier est, depuis peu, maire de cette commune, qui a été gérée pendant quatre-vingt-trois ans par la gauche ! (Mme Catherine Procaccia applaudit.)
M. Christian Cambon. C'est embêtant, ça !
M. Dominique Braye, rapporteur. Pourquoi a-t-il fallu attendre M. Dallier pour construire des logements sociaux dans cette commune ? Pourquoi a-t-il fallu attendre qu'un maire UMP vienne dans cette commune pour construire les logements que la gauche n'a pas construits ? (Exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.) (
Mme Eliane Assassi. Je n'étais pas maire des Pavillons-sous-Bois !
M. Dominique Braye, rapporteur. Quand M. Desessard nous demande des chiffres précis sur les PLAI, les PLS et les PLUS, nous ne sommes pas capables de les lui donner. Si nous voulons construire quelque chose qui donne satisfaction, qui mette hors du système - je me suis toujours battu de cette manière, et tous ceux qui siègent ici le savent - tous ceux qui sont montrés du doigt injustement, il faut, et j'en prends l'engagement, écouter tous nos collègues.
Je vous propose une manière d'avancer. Qu'est-ce que cela apportera d'adopter vos amendements, de ne pas les retirer en première lecture, étant donné que le projet de loi ne sera définitif qu'à l'issue de la navette ?
Je vous suggère que nous examinions ces questions ensemble, que vous fassiez partie du groupe de travail que nous allons mettre en place. Mais faisons-le de façon constructive, afin d'éviter de détricoter l'article 55 de la loi de solidarité et de renouvellement urbain dans le désordre. En effet, certains sénateurs voudraient légitimement assouplir le texte, mais d'autres voudraient le durcir alors qu'ils sont très souvent responsables de la situation.(Protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. Roland Muzeau. Allez faire un tour à Livry-Gargan !
M. Dominique Braye, rapporteur. Des champions, il y en a partout ! Vous gérez une commune de 18 000 habitants, mon cher collègue ! L'un des champions du non-logement social est une commune socialiste des Bouches-du-Rhône, Allauch, qui compte, comme la vôtre, près de 19 000 habitants, or elle a moins de 2 % de logements sociaux !
Le problème n'est pas de savoir qui est à la tête. Puisque tout le monde prend l'exemple des Hauts-de-Seine, donnons les chiffres puisque nous les avons ! (M. Roland Muzeau. Opine.) Anthony a atteint 572 % de son objectif - merci M. le maire ! Et la liste est longue : 113 % pour Asnières, 709 % pour Bois-Colombes,...
M. Roland Muzeau. Ils sont à 16 % !
M. Dominique Braye, rapporteur. ...147 % pour Boulogne-Billancourt,...
M. Roland Muzeau. Ils sont à 10 % !
M. Dominique Braye, rapporteur. ...193 % pour Bourg-la-Reine, 252 % pour Chaville, 1258 % pour Garches ! Voilà des maires qui - vous avez raison -, au lieu d'être pénalisés, devraient être récompensés ! (Mme Eliane Assassi s'exclame.).
M. Roland Muzeau. Gardez votre calme, monsieur le rapporteur. Cessez de hurler !
M. Dominique Braye, rapporteur. Laissons hurler les responsables de cette situation ! Mettons-nous d'accord pour adopter une technique...
M. Roland Muzeau. Calmement !
M. Dominique Braye, rapporteur. ...afin que le Sénat ne soit pas montré du doigt, demain, par ceux qui sont responsables de la situation. En effet, ils s'exprimeront dans les médias pour dire : Vous voyez ce que le Sénat a fait ! Ils siègent dans cette Haute Assemblée, mais ils la dénigrent tous les jours. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) Ne participons pas à cela, mes chers collègues ! Soyons unis, avançons ensemble. Les responsables de la situation crient continuellement (M. Roland Muzeau s'esclaffe.) et ne construisent rien. Je vous propose qu'ensemble nous construisions quelque chose !
M. Roland Muzeau. Monsieur le rapporteur, vous devriez prendre de l'Exomyle ! (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Nogrix, pour explication de vote.
M. Philippe Nogrix. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après nous avoir rappelés à nos responsabilités, nous avoir demandé d'examiner cet article avec beaucoup de calme, vous avez, monsieur le rapporteur, un peu dépassé les limites que vous nous aviez fixées. (M. Jean Desessard sourit.)
M. Roger Madec. C'est vrai !
M. Philippe Nogrix. Il est important d'examiner les résultats de la décision que nous avons prise il y a deux ans. En rester au statu quo ne nous permettra pas de nous sentir responsables, ici, dans notre hémicycle, de discussions et d'enrichissements.
Depuis que je siège dans cette assemblée, je me suis rendu compte que les sénateurs essaient toujours d'améliorer les choses, en étant dynamiques, et non pas statiques.
M. Dominique Braye, rapporteur. En ayant les éléments !
M. Philippe Nogrix. Nous avons les éléments, et nous le savons puisque nos objectifs étaient fixés.
Par nos amendements, nous ne voulons pas bouleverser le texte, nous souhaitons simplement faire avancer les choses. En effet, à l'usage, quelques légères modifications nous sont apparues nécessaires pour améliorer le dispositif.
Ne tombons pas dans la polémique, dans les débats, après tant de séances au cours desquelles nous avons essayé de faire avancer la situation du logement, car cela ne grandit ni le Sénat, ni l'UMP, ni ceux qui y sont opposés. Restons dans des limites qui nous paraissent nécessaires par rapport aux gens qui attendent des décisions, non des disputes. Ils souhaitent que nous avancions
M. le président. La parole est à M. Jack Ralite, pour explication de vote.
M. Jack Ralite. Nous sommes arrivés à une situation qui frise l'absurde.
Les textes que nous examinons ont été pensés et ils sont nés à partir d'un constat déjà ancien : des centaines de milliers de personnes en France ne peuvent pas se loger en raison de leurs faibles revenus. Une loi a donc vu le jour, qui comme toute loi a sans doute des défauts, mais elle a un mérite essentiel : elle n'oublie pas le terrain.
Savoir qui dirigeait la ville il y a trente ou quarante ans ne me préoccupe pas. Dans celle où je vis depuis cinquante-trois ans, ceux qui la dirigeaient y sont encore et ils continuent à construire des logements sociaux parce qu'il y a toujours de la demande.
M. Dominique Braye, rapporteur. C'est parce que vous n'en avez pas construit !
M. Jack Ralite. Il est maintenant possible de s'inscrire dans les offices d'HLM des villes voisines. Comme à côté on ne construit rien, ce sont toujours les mêmes villes qui recueillent les demandes et qui, petit à petit, les solutionnent.
On nous parle de l'évaluation. Lors de l'examen de la loi de programmation pour la cohésion sociale, la même discussion a eu lieu et il nous avait été dit qu'on allait nous donner tous les chiffres. Le Haut comité pour le logement des personnes défavorisées - dont je suis membre -, à travers ses composantes diverses, a fait l'évaluation et a conclu qu'il fallait avancer. L'évaluation essentielle, c'est la situation sociale de notre pays.
Voilà quinze jours, il y avait la grande peur, parce que ça bougeait. Et tout d'un coup, on l'aurait oubliée ! Mais ce sont ces questions de fond qui, sous des formes diverses que l'on peut ou non approuver, se manifestaient !
Et vous n'entendez plus, cela ? Le recours à la loi instituant l'état d'urgence, par exemple, ne se justifiait que pour empêcher que cela continue de se manifester ? C'est le meilleur moyen d'encourager les gens à protester ! Ne pas avoir de logement avec sa famille, c'est une des tragédies de la vie humaine. Je n'entends pas de ce côté-là de l'hémicycle (L'orateur regarde vers les travées de l'UMP) une seule fois cette tragédie avancée. Sans doute des communes ont-elles des difficultés, et je ne dis pas au maire des Pavillons-sous-Bois qu'il est un menteur ! Mais le problème n'est pas là !
Le problème, c'est la situation nationale. J'ai été très touché par l'intervention de notre collègue socialiste. La France, ce n'est pas 36 000 petites républiques qui deviendraient bananières, c'est une grande République avec une solidarité constitutionnelle. C'est à cela que nous sommes confrontés.
Nous avons déjà eu ce débat en novembre 2002 et notre rapporteur s'était mis en colère, au point que certains membres de la majorité sont venus me voir en me disant : « on ne peut pas parler comme cela ! » Il faut garder la raison que donne l'expérience de la vie au milieu de ces gens.
Moi, j'habite en HLM (Protestations sur les travées de l'UMP) ...
M. Christian Demuynck. Ça c'est scandaleux !
M. Jack Ralite. ...et je ne quitterai jamais l'HLM parce que je suis passé d'un hôtel meublé où il n'y avait pas d'eau...
M. Christian Cambon. Qu'est-ce que vous faites en HLM, avec vos revenus ?
Mme Catherine Procaccia. C'est un scandale !
M. Christian Demuynck. Un bel exemple !
M. Jack Ralite. Je paie le surloyer !
M. Christian Cambon. Rendez votre appartement à une famille !
M. Roland Muzeau. Ce sont des méthodes de voyous !
M. Dominique Braye, rapporteur. Qu'avez vous fait quand vous étiez au gouvernement ?
M. Jack Ralite. Monsieur Braye, je ne réponds pas, car en entendant parler sur ce ton-là, je me crois ailleurs que dans une institution de la République !
En tout cas, vous pouvez venir à Aubervilliers. On a régulièrement construit des logements sociaux et même quand on a fait des cités plus modernes avec des architectes plus inventifs, on constate que la misère a gêné la vie dans ces logements.
Il faut donc aller plus loin. C'est le sens profond, humain. En fait, il y a les droits humains et les droits inhumains. Certains ont choisi les seconds et nous, nous avons choisi les premiers. Soyez-en certains, nous ne céderons pas, parce que le peuple ne cédera pas !
M. Roland Muzeau. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Laurent Béteille, pour explication de vote.
M. Laurent Béteille. Les auteurs de l'amendement n° 392 semblent ne pas connaître la région parisienne. En effet proposer que l'ensemble des communes de cette région soient soumises à l'obligation d'avoir 20 % de logements sociaux, c'est méconnaître que dans des départements de la grande couronne comme le mien, l'Essonne, 15 % des communes comptent moins de 500 habitants. Certaines ont 60 habitants. Demander à une commune de 60 habitants d'avoir 20 % de logements sociaux, cela n'a aucun sens !
Ces communes sont loin de tout, à quatre-vingts kilomètres de Paris, ne sont pas desservies, n'ont ni services, ni crèche, et les écoles sont organisés en regroupement, c'est-à-dire que les élèves doivent faire plusieurs kilomètres pour s'y rendre. Demander que ces communes accueillent des logements sociaux alors que seuls quelques agriculteurs les habitent, c'est de la folie furieuse !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 392.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 25 :
Nombre de votants | 323 |
Nombre de suffrages exprimés | 320 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 161 |
Pour l'adoption | 125 |
Contre | 195 |
Le Sénat n'a pas adopté.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 143 rectifié ter, présenté par MM. Balarello, Vasselle et Beaumont, est ainsi libellé :
Avant l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I- Après l'avant dernier alinéa de l'article L. 302-5 du code de la construction et de l'habitation, il est inséré un alinéa ainsi rédigé
« ... ° Les logements construits avec des crédits habitations à loyer modéré (HLM) et vendus par les organismes d'habitation à loyer modéré en application de la loi n° 65-656 du 10 juillet 1965 relative à l'acquisition d'habitations à loyer modéré à usage locatif par les locataires et de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 tendant à favoriser l'investissement locatif, l'accession à la propriété de logements sociaux et le développement de l'offre foncière. »
II - La perte de recettes résultant du I ci-dessus est compensée par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Alain Vasselle.
M. Alain Vasselle. Cet amendement que M. Balarello, M. Beaumont et moi-même avons déposé a pour objet de prendre en compte l'accession sociale à la propriété dans les logements sociaux pour le calcul des 20 %.
Je ne m'étendrai pas davantage, car il s'explique par son texte même. En outre, nous allons examiner d'autres amendements allant dans le même sens. Enfin, après le très long débat qui vient d'avoir lieu, je crois comprendre qu'il recevra un avis défavorable de la part tant de la commission que du Gouvernement.
Les longues tirades auxquelles nous avons assisté montrent que les auteurs ne vont pas se priver de présenter leurs amendements. Je ne suis pas persuadé que nous ayons gagné beaucoup de temps et je crains même, au train où nous allons, que vous ne soyez obligé, monsieur le président, de prévoir une séance dimanche !
M. le président. On ne peut pas l'exclure !
L'amendement n° 179 rectifié, présenté par Mme Desmarescaux, MM. Amoudry, Barbier, Lecerf, About, Vasselle et Dériot, Mme Bout, M. Lardeux, Mmes B. Dupont et Sittler, M. Seillier, Mmes Rozier et Henneron, MM. Milon et Cambon, Mme Procaccia, MM. Adnot, Darniche, P. Dominati et Türk et Mme Létard, est ainsi libellé :
Avant l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le 4° de l'article L. 302-5 du code de la construction et de l'habitation, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« ... ° Les logements, définis au 1° et au 2° ci-dessus, vendus à leurs occupants qui sont pris en compte pendant les dix années suivant l'année de la vente. »
La parole est à Mme Catherine Procaccia.
Mme Catherine Procaccia. Cet amendement, tout comme celui de M. Vasselle, concerne les HLM qui sont vendues à leurs occupants.
J'ai un peu de mal à comprendre pourquoi la commission et le Gouvernement seraient défavorables à ce type d'amendement, d'autant que vous avez, monsieur le ministre, fait la promotion des maisons à 100 000 euros, donc de cette accession à la propriété qui favorise la mixité sociale.
Les personnes qui vivent dans les HLM et qui souhaitent acheter leur appartement, car leurs revenus le leur permettent, contribuent justement à maintenir une cohésion sociale et une mixité dans les immeubles.
Comme vous pouvez le constater, ceux qui ont cosigné cet amendement sont nombreux et de toutes origines, c'est-à-dire non seulement de la région parisienne, mais aussi de la province, car c'est une question qui nous sensibilise tous.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Dominique Braye, rapporteur. Madame Procaccia, le fait que les logements HLM vendus ne soient plus comptabilisés dans les 20 % de logements locatifs sociaux définis par la loi SRU pose effectivement un problème.
Cela peut en effet dissuader les communes qui sont à la limite de ce taux de vendre les HLM, alors qu'elles auraient des bonnes occasions de le faire. Cela va à l'encontre d'une accession sociale à la propriété, dont rêvent pourtant nombre de personnes modestes !
Faut-il les garder éternellement ou pendant un certain temps pour permettre à la commune de proposer une offre locative ? Là est le problème. Je propose, comme je l'ai dit à Philippe Dallier, que nous y réfléchissions ensemble, d'ici à l'examen du texte en deuxième lecture, au sein d'un groupe de travail.
Le fait de ne pas adopter cette disposition maintenant ne constitue nullement une perte de temps, car le système global retenu ne sera de toute façon pas mis en place avant l'adoption définitive de la loi.
Par conséquent, madame Procaccia, je vous demande de bien vouloir retirer l'amendement n° 179 rectifié et je fais la même demande à M. Vasselle pour l'amendement n° 143 rectifié ter.
M. le président. La parole est à Mme Valérie Létard, rapporteur pour avis.
Mme Valérie Létard, rapporteur pour avis. Monsieur le président, permettez-moi de compléter l'intervention de Mme Procaccia.
Cet amendement, proposé par Mme Desmarescaux, cosigné par de nombreux parlementaires et défendu par Mme Procaccia, a rencontré une très large adhésion lors de sa présentation devant la commission des affaires sociales, car il est apparu, dans tous les groupes, que la mixité passait par l'accession sociale.
Le fait de diversifier, dans les immeubles, les entrées, donc les types de population, chacune avec des logiques différentes, contribue à la diversité et permet d'éviter qu'un immeuble, une partie de quartier, voire un quartier entier ne devienne d'un seul coup une zone de non-droit, faute d'ouverture à la diversité.
La commission des affaires économiques est donc favorable à cet amendement
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Louis Borloo, ministre. S'agissant de la cession du parc HLM, le Gouvernement a une position qui est double. Il est globalement favorable à la cession dans l'individuel et le petit collectif, mais il fait preuve d'une grande prudence sur le très grand collectif. Un des problèmes majeurs que nous rencontrons est celui des copropriétés privées dégradées. Nous avons d'ailleurs pris tout à l'heure une délibération pour changer le statut des opérateurs qui portent les opérations sur les copropriétés privées dégradées.
Quand on pense aux événements récents, l'un des problèmes du plateau de Clichy-sous-Bois-Montfermeil, ce sont essentiellement des copropriétés privées dégradées qui, je le rappelle, sont toutes des anciens immeubles du parc détenu pour partie par l'OPIEVOY et pour partie par un autre organisme, qui avaient été cédés à « la barre » à l'époque.
Toutefois, sur le fond, je partage le sentiment sur l'accession sociale.
Le texte de la loi SRU, présenté de surcroît sous forme de pénalités, est difficile à appliquer. Le point d'accord sur lequel il nous faut travailler est de savoir si, oui ou non, nous sommes d'accord pour renforcer les sanctions dans le cas où, manifestement, l'opposition à la construction de logement social vient d'une volonté politique, alors que les collectivités locales en ont les moyens.
Nous devons, d'un côté, lister les points techniques, réels, de bon sens, moralement absolument conformes à la volonté de la construction de logement social et, de l'autre, analyser les difficultés grâce aux procédures contradictoires qui ont lieu. Les difficultés que vous rencontrez dans votre ville, monsieur Dallier, ne sont pas les mêmes que celles d'autres villes, qui connaissent un taux inférieur ou des problèmes de rattrapage, étant dans l'impossibilité de construire des logements sociaux pour des raisons objectivement techniques.
Faisons la somme de tous ces éléments, réfléchissons à l'éventualité de sanctions complémentaires, mieux adaptées, et trouvons un équilibre pour ne pas donner le sentiment - car c'est l'interprétation qui risque d'être faite - de tourner le dos à la mixité sociale, d'autant que, sur le fond, ce n'est à l'évidence pas la volonté des auteurs des différents amendements.
Pardonnez-moi, monsieur le sénateur, de répondre avec retard à votre observation relative à l'illégalité de l'action des maires. Il n'est pas vrai qu'ils ne respectent pas la loi. De plus, le Gouvernement et les préfets font respecter la loi et aucun sénateur, ici, n'a le droit de mettre en doute le fait que les préfets de la République appliquent les lois de la République !
Je trouve scandaleux que l'on persiste à utiliser les mots « illégal » ou « fraudeur », qui ne sont pas adaptés à la situation des collectivités qui ne disposent pas encore de 20 % de logement sociaux, mais qui ont fait le travail de rattrapage prévu sur vingt ans, car le texte a été fait par des gens qui savent que le processus est long ! Je le dis à chaque fois que j'ai à m'expliquer en public et je le redirai !
M. Philippe Nogrix. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Bernard Seillier, pour explication de vote.
M. Bernard Seillier. J'ai bien entendu le rapporteur sur l'amendement que j'ai cosigné, mais son argument ne tient pas. Le rapporteur est suffisamment expérimenté pour savoir que, dans une procédure de navette, le fait d'avoir voté un amendement, loin d'empêcher l'avancée de la réflexion et la mise au point d'une formule finale, la facilite au contraire souvent.
Par conséquent, à ce stade, je pense qu'il est préférable de voter l'amendement. Il nous sera plus aisé de réfléchir à partir d'un texte déjà voté et cela nous permettra d'aller plus loin.
Mme Valérie Létard, rapporteur pour avis. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Thierry Repentin, pour explication de vote.
M. Thierry Repentin. Monsieur le président, mon explication de vote vaudra pour les amendements nos 143 rectifié ter et 179 rectifié.
Notre groupe votera contre ces deux amendements, non pour les raisons données par la commission et le Gouvernement, mais simplement parce que, en matière de logement social, les deux idées qui reviennent, à savoir la mise en place d'un surloyer de solidarité pour libérer des logements et la comptabilisation de l'accession sociale à la propriété, sont de fausses bonnes idées.
Le système doit être très incitatif pour favoriser effectivement l'accession sociale à la propriété. Mais, ces dernières semaines, le Gouvernement a bien failli le mettre à mal avec la disparition du fonds de garantie de l'accession sociale, le FGAS, à moins qu'il ne s'agisse d'une incompréhension. En tout cas, dans le monde bancaire, depuis le 21 novembre, premier jour d'examen de ce texte, plane une menace : celle que les banques ne prennent plus de décision pour accompagner les familles modestes à l'accession à la propriété.
Donner des moyens pour favoriser l'accession à la propriété : oui ! Mais, si nous comptabilisons l'accession à la propriété dans les 20 % de la loi SRU, vous savez ce qui va se passer, mes chers collègues. Beaucoup garderont à l'esprit cette idée de stock et penseront que, s'ils vendent des appartements de leur parc, la proportion de logements sociaux comptabilisée diminuera d'autant.
Le danger résidera alors dans le flux, car les organismes de logements sociaux proposeront de faire non plus du logement locatif, ce qui est difficile, mais du logement en accession sociale à la propriété, ce qui est beaucoup plus facile. En effet, vous le savez aussi bien que moi, la « clientèle » n'est pas la même, la réaction des administrés non plus d'ailleurs ! Tous ceux qui ont un mandat local ont pu le constater, quel maire ne s'est pas heurté à la réaction du voisinage quand un organisme annonce la mise en place d'un programme de locatif social ? Craignant des recours, il souhaite un autre projet. L'organisme de logement social propose alors un programme d'accession à la propriété, qui évitera au maire d'avoir des réactions négatives, car il est vrai que l'on identifie un propriétaire à quelqu'un qui n'est pas susceptible de causer des ennuis. Et c'est comme cela qu'il n'y aura plus de logement locatif social !
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour explication de vote.
M. Roland Muzeau. Mon explication de vote vaut pour les deux amendements en discussion commune. À mon avis, les auteurs de ces amendements commettent une erreur, et ce à plusieurs titres.
Tout d'abord, ils s'entêtent à vouloir vendre des logements sociaux, alors qu'il en manque 600 000 dans notre pays. C'est une erreur majeure. M. le ministre a pris tout à l'heure l'exemple du plateau de Clichy-sous-Bois-Montfermeil où l'on trouve de grands ensembles de copropriété. Même si cet exemple est parfaitement vrai, il n'est pas suffisant pour étayer une argumentation contre ces amendements.
Pour notre part, notre objection est plus profonde : elle porte sur le refus de vendre un patrimoine social qui a été financé et aidé à l'intention de ménages à revenus modestes, car c'est injuste.
Par ailleurs, si nous tenions compte de tels arguments, nous pourrions considérer, à l'inverse, que le logement insalubre est un logement social. Or cette demande n'a pas été formulée, ce qui est peut-être regrettable.
En effet, les logements insalubres appartiennent en totalité aux bailleurs privés, qui sont, dans la plupart des cas, des marchands de sommeil. Or ils ne sont pas comptabilisés dans le logement social. En effet, la classification tient compte des personnes qui habitent ces logements, mais elle tient aussi compte de la qualité de l'habitat. Les locataires de logements insalubres sont modestes, voire pauvres, et ils méritent de bénéficier d'un effort national visant à construire des logements.
Je le répète, je suis contre la vente d'un patrimoine que je considère comme étant national, puisqu'il été construit avec les deniers publics, les subventions publiques.
M. le président. La parole est à Mme Valérie Létard, rapporteur pour avis.
Mme Valérie Létard, rapporteur pour avis. L'amendement n° 179 rectifié est quelque peu différent de l'amendement n° 143 rectifié ter dans la mesure où il vise à fixer une durée limitée, ce qui répond en partie aux interrogations posées par M. Repentin.
Les auteurs de cet amendement proposent de ne pas pénaliser la commune qui veut s'engager dans l'accession sociale à la propriété pendant la période où elle devra reconstruire des logements sociaux locatifs afin d'atteindre de nouveau le quota des 20 %. À partir du moment où la commune fait l'effort de vendre des logements sociaux à leurs occupants, il s'agit de lui donner un délai, en l'occurrence dix ans, pour produire des logements locatifs sociaux et ne pas être pénalisée par la loi SRU.
M. Philippe Nogrix. Exactement !
Mme Valérie Létard, rapporteur pour avis. De plus, la vente des logements sociaux garantit une certaine mixité dans les immeubles.
M. Philippe Nogrix. Tout à fait !
M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour explication de vote.
Mme Catherine Procaccia. Pour bien connaître un certain nombre des signataires de ces amendements et des maires de petites communes, je suis intimement persuadée que l'objectif est non pas de ne pas créer de logements sociaux, mais de répondre à une attente, ce qui ne les empêchera pas de continuer, dans la mesure du possible, à créer des logements sociaux.
Mme Valérie Létard, rapporteur pour avis. Tout à fait !
Mme Catherine Procaccia. Je ne veux pas prendre la responsabilité de retirer cet amendement alors que ce dernier émane de sénateurs originaires de toutes les régions de France et de communes de taille différente. C'est pourquoi je maintiens l'amendement n° 179 rectifié. (M. Philippe Nogrix applaudit.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 143 rectifié ter.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 26 :
Nombre de votants | 329 |
Nombre de suffrages exprimés | 326 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 164 |
Pour l'adoption | 5 |
Contre | 321 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Je mets aux voix l'amendement n° 179 rectifié.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 27 :
Nombre de votants | 293 |
Nombre de suffrages exprimés | 293 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 147 |
Pour l'adoption | 46 |
Contre | 247 |
Le Sénat n'a pas adopté.
L'amendement n° 181 rectifié bis, présenté par Mmes Procaccia, Sittler et Troendle, MM. Cambon, Dallier et Karoutchi, Mme Malovry, MM. Demuynck et Béteille, est ainsi libellé :
Avant l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'avant-dernier alinéa de l'article L. 302-5 du code de la construction et de l'habitation, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« ... ° Les logements soumis à la loi n° 48-1360 du 1er septembre 1948 portant modification et codification de la législation relative aux rapports des bailleurs et locataires occupants de locaux d'habitation ou à usage professionnel et instituant des allocations de logement, dont les locataires sont exonérés partiellement ou totalement de la taxe d'habitation. »
La parole est à M. Christian Cambon.
M. Christian Cambon. Cet amendement s'inscrit dans le droit-fil des amendements précédents. Il tend précisément à considérer les logements régis par la loi de 1948 comme des logements sociaux, à condition que ceux-ci aient une surface inférieure à cinquante mètres carrés.
Contrairement à ce que l'on a pu entendre ici ou là, je pense que notre débat est très intéressant. J'ai entendu avec grand intérêt MM. Dominique Braye et Pierre Jarlier. Dans l'âpreté de ce débat, on voit bien que l'application de l'article 55 de la loi SRU pose problème.
M. Dominique Braye, rapporteur. Eh oui !
M. Christian Cambon. Nous nous faisons l'écho de cette inquiétude en utilisant les moyens dont dispose tout parlementaire, et notamment les amendements. J'irai même jusqu'à dire : peu importe si ces amendements ne sont pas adoptés ce soir ; ils reflètent notre volonté d'exprimer un véritable problème. En l'occurrence, nous suivons résolument celles et ceux qui, au sein de la majorité présidentielle, veulent appliquer les 20 % de logements sociaux dans chaque commune. C'est le cas de ma commune, qui en compte 24 %. J'ai même mis en place des PLA-TS en bordure du bois de Vincennes. Les villes avoisinantes sont, elles aussi, bien au-delà des 20 % prévus.
En l'occurrence, nous voulons aider nos collègues maires, qui ne font pas partie de celles et de ceux qui s'inscrivent résolument dans la désobéissance, et rencontrent des difficultés pour aller plus loin. M. Repentin a parlé tout à l'heure d'un jeu dans les contingents, ce qui permet effectivement de basculer dans un sens ou dans un autre.
À cet égard, je prendrai un autre exemple récent. À Sucy-en-Brie, un organisme social vient de déconventionner d'un coup plus de 300 logements, faisant passer cette ville qui était à 23 % de logements sociaux à 19,5 %. Elle va donc être taxée alors que ni le conseil municipal ni le maire n'ont été avisés de cette décision et n'ont eu leur mot à dire. Voilà un effet pervers de la loi, monsieur le sénateur. C'est pour cette raison que nous souhaitons que la comptabilisation des 20 % de logements sociaux soit la plus précise possible.
Tous les maires ici présents savent que les petites surfaces soumises à la loi de 1948 sont en réalité des logements sociaux. Nous intervenons constamment auprès de ces locataires pour les aider face aux propriétaires : les standards de confort ne sont plus respectés, la plupart de ces locataires sont dégrevés partiellement ou en totalité de la taxe d'habitation.
Tous ces arguments doivent être pris en compte.
J'entends positivement les engagements des rapporteurs et, plus encore, ceux du ministre, les uns et les autres étant décidés à réviser ces critères afin que l'on traite de manière plus juste les maires qui sont en difficulté.
Peut-être cette discussion nous permettra-t-elle d'avancer.
Lorsque j'entends le témoignage de Philippe Dallier, je ne comprends pas que la loi s'applique avec tant de rigueur. On m'objectera que seules quelques communes sont concernées. Dans ce cas, retirons les deux, trois, cinq ou dix communes visées de la liste des sept cent quarante-deux, ou alors faisons en sorte qu'elles aient les moyens de respecter dans l'honneur l'article 55 de la loi SRU.
M. Pierre Jarlier, rapporteur pour avis. Bien sûr !
M. Christian Cambon. On ne cesse de nous citer le fameux rendez-vous du Président de la République avec l'AMF. Moi aussi, j'ai lu la déclaration qu'il a faite ainsi que les dépêches d'agences qui ont été publiées ultérieurement. Sachez que le président et le bureau de l'AMF ont demandé eux-mêmes au chef de l'État que ces critères soient précisés.
Cet amendement vise précisément à faire entrer les logements de moins de cinquante mètres carrés soumis à la loi de 1948 dans le logement social.
Cette catégorie de logements tendant à diminuer avec le temps, ce n'est pas elle qui fera passer le taux de logements sociaux d'une commune au-delà de la barre des 20 %. Mais au moins les maires auront-ils le sentiment qu'ils sont aussi respectés dans leurs devoirs et dans leurs droits !
M. Marcel-Pierre Cléach. Très bien !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Dominique Braye, rapporteur. Je voudrais remercier Christian Cambon de ce qu'il vient de dire. Je n'ai rien à y ajouter. Je partage totalement son point de vue, dont il constatera qu'il rejoint exactement celui que j'ai exprimé lors de la discussion générale.
M. Christian Cambon. J'étais là !
M. Dominique Braye, rapporteur. J'irai même un peu plus loin que vous, mon cher collègue : quand bien même, une seule des sept cent quarante-deux communes serait concernée, on n'aurait pas le droit de la condamner, car on ne condamne pas un innocent !
M. Roger Madec. Oh !
M. Dominique Braye, rapporteur. À l'impossible, nul n'est tenu ! Pourquoi pénaliser une commune qui, manifestement, ne peut respecter les obligations qui lui incombent ? Manifestement, il faut traiter ce problème. Comme le disait M. le ministre, nous avons hérité d'une situation. La commune de Philippe Dallier en est le meilleur exemple. Chacun agit comme il le peut. J'ai toujours soutenu qu'il ne fallait pas prononcer de sanctions a priori. Est-il normal qu'un maire qui a rempli ses objectifs au-delà de ce que la loi requiert soit quand même pénalisé ? Non, ce n'est pas normal et il faut traiter le cas de ces communes.
Certains maires ont la volonté de faire du logement social, et ils en font. D'autres veulent en faire, mais rencontrent de nombreuses difficultés, en raison notamment des recours qui sont déposés. Comme l'a dit M. le ministre, beaucoup de maires qui, initialement, ne respectaient pas leurs obligations légales, s'y sont finalement pliés. S'agissant de ceux qui n'arrivent pas tout à fait à atteindre l'objectif légal, peut-être faudrait-il les y aider. Cela vaut mieux que de les montrer du doigt et de les pénaliser.
Enfin, nous nous accordons tous pour dire que nous ne défendrons jamais ceux qui refusent sur le territoire de leur commune tout logement social, alors même qu'ils auraient la possibilité d'en construire. Mes chers collègues, je sais bien que vous ne les défendrez pas plus que moi, parce qu'une telle attitude n'est pas défendable.
C'est sur ces bases qu'il faut travailler. J'aurais vraiment souhaité éviter ce qui se passe ce soir. J'aurais préféré que nous attendions la seconde lecture pour lister tous les problèmes et nous mettre d'accord sur les solutions à apporter. Nous sommes pratiquement tous d'accord sur la manière dont il faut avancer. Nous sommes suffisamment intelligents et nous connaissons suffisamment les problèmes du logement pour essayer de bâtir une loi qui ne sera plus une loi SRU, mais une loi pour la construction de logements sociaux, une loi qui permettra d'obtenir les meilleurs résultats, sans qu'il soit nécessaire de sanctionner a priori les maires.
Pensez un instant au maire de la Celle-Saint-Cloud, ville de mon département. Il se couche un soir assuré de dormir du sommeil du juste avec ses 30,2 % de logements sociaux. À son réveil, le lendemain matin, le pourcentage n'est plus que de 2,6 %. Dans l'intervalle, la loi SRU a été votée, qui ne comptabilise pas ces logements au titre du logement social ! Or les personnes qui les habitent sont de condition aussi modeste que celles qui vivent dans les logements sociaux classiques. Ce n'est pas normal !
Là où le bât blesse, c'est qu'il y a autant de problèmes qu'il y a de situations.
M. Jean Desessard. Une loi par commune !
M. Dominique Braye, rapporteur. Une loi qui ambitionne d'apporter une solution unique et globale valable sur l'ensemble du territoire ne peut qu'arriver au résultat contraire au but de ses promoteurs. Ce n'est pas en stigmatisant les élus et en les pénalisant qu'on en fera des partenaires.
Cela étant, cet amendement modifie l'assiette, ce à quoi je ne peux souscrire. Certes, le problème soulevé, comme bien d'autres qui le seront ce soir, requiert notre attention.
Compte tenu de la position qu'a adoptée la commission, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement. Ce faisant, la commission vous propose de progresser de façon cohérente et ordonnée, afin que nous trouvions tous ensemble des solutions dignes de la Haute Assemblée, plutôt que d'avancer par petits pas.
Plus généralement, je demande aux auteurs de retirer les amendements. C'est préférable. À défaut, nous devrions nous prononcer contre des amendements qui, nous le reconnaissons tous, soulèvent des problèmes qui doivent être réglés. La majorité de notre assemblée ne s'oppose par pour autant aux solutions que vous préconisez, chers collègues. Mais on risque d'introduire la confusion dans l'esprit de ceux qui nous écoutent et qui nous regardent.
Notre position est purement formelle. Nous voulons aboutir à une solution équilibrée et pour ce faire, nous demandons aux auteurs des amendements en discussion de ne pas contraindre le Sénat à afficher une position qui en fait n'est pas la sienne. Si ces amendements sont retirés, je m'engage auprès de leurs auteurs à ce qu'ils soient étudiés avant la seconde lecture.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Louis Borloo, ministre. Je souscris à l'ensemble de votre propos, monsieur Cambon. J'y souscris aujourd'hui et j'y souscrirai demain. Il y a néanmoins une difficulté : je ne suis pas certain que l'on ait pris la mesure de l'ensemble des dysfonctionnements et des réponses qu'il faut y apporter. Donnons-nous le temps d'analyser de manière contradictoire les cas de sept cent quarante-deux communes. Dans l'état d'esprit que vous avez défini, mettons sur pied une mission à caractère partenariale qui sera chargée de poser les problèmes et d'étudier les réponses qui doivent y être apportées.
Au-delà de la stricte application de la loi SRU, ce débat a fait apparaître d'autres problèmes, ainsi que l'attestent les difficultés rencontrées par certaines communes, telles que Les Pavillons-sous-Bois. La solution, pour ces communes qui ont des problèmes de financement structurels, ne réside pas en une modification de l'article 55. L'année dernière, par la modification de la loi SRU applicable à un même type de territoires, nous avons apporté un certain nombre de solutions.
Ainsi que l'a montré ce débat, d'autres territoires sont concernés, qui ont besoin de réponses complémentaires et plus spécifiques. Je propose que nous nous donnions le temps de les mettre au point ensemble. Vous avez la volonté de soutenir la mixité sociale. Soyez néanmoins conscients que jamais ce pays n'a fait autant pour le logement social, que jamais ce pays n'a autant fait pour l'amélioration de l'habitat, que jamais ce pays n'a autant fait pour l'environnement des quartiers comptant le plus grand nombre de logements sociaux.
Il serait dommage que, par une maladresse technique, le Parlement laisse croire que tel n'est pas le cas. La situation de crise que connaissent tant le logement social que le logement en général est ancienne. Elle n'est pas imputable à cette majorité. Ne tombez pas dans le piège d'un vote qui accréditerait la thèse inverse.
M. le président. Monsieur Cambon, l'amendement n° 181 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Christian Cambon. Mme Procaccia étant le premier signataire de l'amendement, il lui appartient de s'exprimer sur cette demande.
J'entends bien ce que nous dit le ministre. Nous attendons l'engagement formel, notamment en seconde lecture, que l'on n'applique plus de manière rigide ces critères et que l'on corrige le dispositif à la marge - elle peut parfois être grande -, car les écarts et les distorsions qu'il introduit entre les maires sont source pour les élus de graves difficultés. Les maires dont nous parlons sont montrés du doigt par la presse et par l'opposition, mais ils ne doivent pas être confondus avec ceux qui n'ont pas la volonté d'appliquer la loi.
M. le président. Madame Procaccia, l'amendement n° 181 rectifié bis est-il donc maintenu ?
Mme Catherine Procaccia. Étant une parlementaire novice, j'ai quelque difficulté à comprendre la procédure. Le président de la commission des affaires sociales, commission à laquelle j'appartiens, m'a expliqué que, pour tout texte sur lequel l'urgence n'a pas été déclarée, il était loisible de déposer des amendements en première lecture, de les discuter et de les voter, les lectures dans chaque assemblée laissant le temps d'ajuster le cas échéant les dispositifs.
M. Thierry Repentin. C'est vrai !
Mme Catherine Procaccia. C'est un premier sujet d'incompréhension pour une parlementaire qui n'a qu'un an d'expérience. Mais il en est un second, qui concerne cet amendement relatif aux loyers régis par la loi de 1948. Je ne pense pas que beaucoup de communes soient concernées. En revanche, dans ma commune, près de 35 % des logements sont régis par cette loi.
J'avais eu l'occasion d'expliquer cette situation à des collaborateurs de M. Daubresse, alors ministre délégué au logement et à la ville. J'avais alors suggéré que, parmi les logements régis par la loi de 1948, seules les petites surfaces soient considérées comme du logement social, afin d'éviter tout abus. De toute façon, les petits logements relevant de la loi de 1948 sont appelés à disparaître. C'était une incitation pour celles des communes qui auraient voulu les prendre en charge.
Monsieur le ministre, nous souhaitions un engagement. Si l'on se réfère à ce qui a été dit ici depuis plusieurs jours, et particulièrement ce soir, cette loi ne convient à personne. Nombre de ses dispositions sont défaillantes et mal rédigées. J'accepte de retirer mon amendement, à la condition que, en seconde lecture, nous revenions non pas sur la loi SRU et sur le taux de 20 %, mais sur des décomptes qui sont parfois illogiques.
J'attends une réponse de M. le rapporteur.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Dominique Braye, rapporteur. Je remercie mes collègues. Si j'étais un parlementaire novice - ce que je ne suis plus -, je ne suis pas certain que j'aurais retiré mon amendement, de surcroît compte tenu de mon tempérament ! (Sourires.)
M. Jean Desessard. Mais vous êtes calme, monsieur le rapporteur !
M. Dominique Braye, rapporteur. Depuis, mes collègues m'ont calmé...
M. Thierry Repentin. Je suis sûr du contraire !
M. Dominique Braye, rapporteur. ...et je me suis aperçu que tout était relatif !
Je ne vous dirai qu'une chose : vous connaissez mes idées, j'ai été le seul parlementaire à proposer, tout de suite après l'adoption de la loi SRU, une modification tenant compte de tous les problèmes que vous soulevez aujourd'hui. Eh bien, je prends l'engagement formel, ce soir, que, si l'on ne nous permet pas de modifier la loi SRU, je refuserai d'être le rapporteur en deuxième lecture. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme Catherine Procaccia. Dans ces conditions, je retire l'amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 181 rectifié bis est retiré.
L'amendement n° 182 rectifié bis, présenté par Mmes Procaccia, Desmarescaux, B. Dupont, Henneron, Garriaud-Maylam, Lamure, Mélot, Rozier, Sittler et Troendle, MM. Cambon et Dallier, Mme Malovry, MM. Demuynck et Béteille, est ainsi libellé :
Avant l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'avant-dernier alinéa de l'article L. 302-5 du code de la construction et de l'habitation, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« ° Les emplacements des aires d'accueil des gens du voyage ; »
La parole est à M. Christian Demuynck.
M. Christian Demuynck. Avant de défendre cet amendement, je souhaite dire à nos collègues de gauche qui nous attaquent (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC) qu'ils ne sont pas les seuls à faire du social !
M. Roland Muzeau. Mais nous n'avons rien dit !
M. Jean Desessard. Non, vraiment !
M. Christian Demuynck. J'ai été élu en 1983 ; j'ai succédé à une municipalité dirigée par les communistes. Il y avait alors vingt-trois logements sociaux. Aujourd'hui, il y en a plus de mille deux cents. Je n'ai pas attendu la loi SRU !
M. Jean Desessard. Oui, des PLS !
M. Christian Demuynck. Je me suis lancé, avec mon équipe, dans la réalisation de logements sociaux dès 1983 ! Le pourcentage d'augmentation est de plus de 3000 %. Je n'accepte donc aucune leçon !
Mais je me retrouve dans une situation où je ne peux plus construire. (Mme Eliane Assassi s'exclame.) Madame Assassi, je vous suggère de venir demain midi, pendant la suspension de séance, avec vos collègues du groupe CRC, à Neuilly-Plaisance et aux Pavillons-sous-Bois pour voir où nous pourrions faire du logement social ! Après, nous discuterons !
Aujourd'hui, je fais partie des 742 maires qui sont montrés du doigt, sur lesquels on jette l'opprobre, et tout cela de manière totalement injuste, car nous avons tenu nos engagements, et nous avions largement engagé la réalisation de logements sociaux avant la loi.
Alors, je vous en prie, arrêtez de nous donner des leçons ! Surtout que ce n'est pas vous qui êtes à l'origine des logements sociaux ! À l'époque, c'était le préfet qui décidait et c'est le général de Gaulle qui a lancé la grande politique du logement social dans notre pays. (Protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. Roland Muzeau. À l'époque, il y avait une politique nationale du logement ! Ce n'est plus le cas !
M. Christian Demuynck. J'ajoute, madame Assassi, que ma commune compte soixante-sept logements très sociaux, qui n'entrent dans aucune catégorie et qui ne sont pas pris en compte ; les locataires paient un loyer extrêmement faible, qui peut être de 40 euros par mois.
Donc, véritablement, la loi est à revoir en fonction des engagements et des possibilités des uns et des autres.
Cela dit, monsieur le président, je reviens à l'amendement. Il concerne les aires d'accueil des gens du voyage. Ce sont des emplacements dont l'aménagement a été mis à la charge des communes et dont l'utilisation n'est pas subordonnée au paiement d'un loyer. De fait, il s'agit de logements à caractère social qui devraient être pris en considération dans la comptabilisation des logements sociaux.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Dominique Braye, rapporteur. Vous avez bien compris, mes chers collègues, que je demanderai systématiquement le retrait de ces amendements.
Je le répète, je serai très attentif à la prise en compte des problèmes que vous soulevez. Dans le cas contraire, vous pourrez me rappeler cet engagement d'ici à la deuxième lecture. Nous conduirons une réflexion sur le fond ; M. le ministre s'est engagé à nous donner tous les éléments nécessaires. (M. le ministre le confirme.)
Il ne s'agit pas d'une question de principe, car il est insupportable de voir des élus pointés du doigt, alors qu'ils se « défoncent » du matin au soir pour leurs concitoyens !
M. Thierry Repentin. Ils ne se défoncent pas assez !
M. Jean Desessard. Et avec quoi ? C'est interdit ! (Rires.)
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Louis Borloo, ministre. Je livrerai au débat deux éléments complémentaires.
Tout à l'heure, on a parlé du déconventionnement. C'est un problème de plus ! Par exemple, le maire de Draveil s'est retrouvé avec un déconventionnement massif sans pouvoir rien faire.
Pour dépassionner le débat, je me propose de venir devant vos commissions avec tous les éléments utiles. L'important, ce n'est pas le point de départ, c'est l'effort de construction. Nous avons tous intérêt à disposer de chiffres objectifs s'agissant de l'effort qui a été accompli pendant la période triennale. Alors, je vous en prie, laissez-nous le temps de vous les communiquer ! Sinon, nos débats risquent d'être déformés à l'extérieur, ce qui sera d'autant plus facile que le sujet suscite d'ores et déjà une certaine émotion.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Dominique Braye, rapporteur. Monsieur le ministre, vous l'avez bien compris, ce problème n'intéresse pas que la commission des affaires économiques. Il faudra donc mettre en place un groupe de travail réunissant les trois commissions. Nombre de mes collègues ici présents ne font pas partie de la commission des affaires économiques, alors qu'ils sont manifestement au coeur du problème. Toutes les personnes concernées doivent pouvoir vous entendre et formuler des propositions.
M. le président. Monsieur Demuynck, l'amendement est-il maintenu ?
M. Christian Demuynck. Compte tenu de la position de M. le rapporteur et des explications de M. le ministre, je retire l'amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 182 rectifié bis est retiré.
M. Jean Desessard. Ils rentrent dans le rang !
M. Christian Demuynck. Nous ne faisons pas n'importe quoi, comme vous !
M. Dominique Braye, rapporteur. Ne cédez pas à la provocation !
M. le président. L'amendement n° 183 rectifié bis, présenté par Mmes Procaccia, Desmarescaux, Henneron, Garriaud-Maylam, Rozier, Sittler et Troendle, MM. Cambon, Dallier et Karoutchi, Mme Malovry et M. Demuynck, est ainsi libellé :
Avant l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'avant-dernier alinéa de l'article L. 302-5 du code de la construction et de l'habitation, il est inséré un alinéa ainsi rédigé
« ... ° Les logements améliorés avec le concours financier de l'Agence nationale pour l'habitat et faisant l'objet d'une convention conclue en application des articles L. 321-1, L. 321-4 et L. 321-8. »
La parole est à Mme Catherine Procaccia.
Mme Catherine Procaccia. Dans le droit fil des amendements que nous avons défendus précédemment, il nous paraîtrait normal que les logements qui sont conventionnés avec le concours financier de l'ANAH à des conditions de loyer maîtrisé puissent, pendant la durée de la convention, bénéficier de l'article 55 de la loi SRU.
M. le rapporteur nous ayant annoncé la mise en place d'un groupe de travail auquel nous pourrons participer, je vais retirer cet amendement.
Permettez-moi tout de même une précision. Nous comprenons que tous nos amendements ne seront sans doute pas retenus, car les préoccupations ne sont pas les mêmes dans toutes les villes de France, mais vous pouvez être certains que nous ne perdrons rien de notre pugnacité en deuxième lecture !
Cette précision étant apportée, monsieur le président, je retire l'amendement.
M. le président. L'amendement n° 183 rectifié bis est retiré.
L'amendement n° 471 rectifié, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :
Avant l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Avant le dernier alinéa de l'article L. 302-5 du code de la construction et de l'habitation, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les logements financés par des prêts locatifs sociaux mentionnés à l'article R. 331-17 ne sont pas des logements locatifs sociaux au sens du présent article. »
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Ce débat interne à la droite ne m'aura pas laissé l'occasion de répondre à M. le rapporteur. D'après lui, il y a les communes qui font du logement social, il y a celles qui n'en font pas et qui ne sont pas défendables - quelles mesures compte-t-il prendre à leur égard ?- et puis il y a celles qui voudraient faire du logement social, mais qui ne le peuvent pas, et il avait l'air de les excuser.
Mais si une commune ne peut pas faire du logement social parce que cela coûte cher, en quoi est-il gênant qu'elle paie une petite amende de solidarité ?
M. Philippe Dallier. Une « petite » amende ?
M. Christian Demuynck. Nous ne sommes pas riches !
M. Jean Desessard. Vous l'avez dit vous-même, monsieur Dallier, c'est la double peine pour les communes qui ne construisent pas parce que cela coûte cher et qui se trouvent obligées d'acquitter une pénalité. Mais, après tout, puisque ces communes ne construisent pas, elles ne dépensent pas non plus !
J'en viens à l'amendement. Il vise à ne pas comptabiliser dans les logements sociaux les logements qui sont financés par des PLS dans le cadre du dispositif prévu par la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains. Cette loi impose aux communes des agglomérations d'avoir 20 % de logements sociaux, afin de favoriser la mixité sociale et d'accroître l'offre locative sociale sur ces territoires. Cet amendement est proche des propositions de la Fondation Abbé Pierre.
Si les PLS sont intéressants pour développer une offre locative à loyer intermédiaire et contribuer à la diversité sociale des quartiers concernés par la politique de la ville, il n'apparaît pas souhaitable de proposer ce type de logements dans les communes où il n'y a pas de logements sociaux traditionnels. Ces logements ne sont en effet pas des logements sociaux au sens strict du terme, puisque près de 80 % des ménages peuvent y avoir accès et que les loyers plafonds représentent 150 % des loyers PLUS, c'est-à-dire des logements HLM standards.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Dominique Braye, rapporteur. Défavorable, pour les raisons que j'ai exposées précédemment.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Louis Borloo, ministre. S'il s'agit d'exclure une partie du logement social déconventionné, alors que notre volonté à tous est d'accroître l'offre, dont celle de logement social, s'il s'agit donc de recréer de la ségrégation territoriale, je dois dire que j'ai beaucoup de mal à vous suivre, monsieur Desessard.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Mais, puisque vous avez fait explicitement référence à la Fondation Abbé Pierre, monsieur Desessard, vous auriez pu aussi nous rappeler que déjà dans son rapport de 2002 - 2002, monsieur le sénateur ! -, la fondation considérait que l'on était passé d'une crise du logement à une crise de société, tant la crise du logement était grave, et elle lançait un appel aussi fort que celui de son fondateur en 1954.
Alors, de grâce, évitons de montrer du doigt les uns ou les autres !
M. le président. La parole est à M. Thierry Repentin, pour explication de vote.
M. Thierry Repentin. Nos collègues de droite cherchent à comptabiliser dans les 20 % telle ou telle catégorie de logements existants. On comprend bien le stratagème !
M. Christian Demuynck. Ce n'est pas un stratagème !
M. Philippe Dallier. C'est une réalité !
M. Thierry Repentin. Pour notre part, nous souhaitons augmenter les constructions de logements sociaux.
D'ailleurs, l'intervention de M. Cambon devrait vous interpeller, monsieur le ministre. Il a donné un exemple tout à fait significatif des effets du déconventionnement : du jour au lendemain, sur la commune qu'il a citée, un certain nombre de logements sociaux ont perdu leur caractère social et ne sont donc plus comptabilisés dans les 20 %.
Monsieur le ministre, il faut que vous vous attaquiez à cette question. Dans le cadre de la réflexion que vous allez engager, il conviendrait d'étudier la façon dont l'État peut, compte tenu de la crise actuelle, règlementer d'une façon plus stricte le déconventionnement. C'est une piste à explorer pour le parc existant !
Bientôt, des moyens vont être donnés à l'ANAH. Privilégions les logements conventionnés plutôt que les logements à loyers maîtrisés ! La nuance est d'importance, car cela nous permettra d'avoir sur nos territoires des logements sociaux qui seront comptabilisés dans les 20%. Je pense que vous pouvez nous rejoindre sur ce point !
En revanche, nous nous félicitons de n'avoir pas voté tout à l'heure le nouveau système PERL. Car, avec ce dispositif, nous risquons de nous retrouver dans la situation qu'a décrite M. Cambon. : des logements qualifiés « sociaux » ne le seront que temporairement et pourront changer de qualité du jour au lendemain. Ces risques de fluctuations incessantes ne sont pas maîtrisables. Il faut un système durable et non erratique pour le logement conventionné.
Reconnaissons que, avec les constructeurs de logements sociaux, il n'y a pas ce caractère erratique : le logement social porté par les organismes des cinq familles reste toujours conventionné.
Dans la mesure où nous avançons ensemble dans la réflexion, nous pourrions parvenir à une position commune sur ce point.
Pour en revenir plus précisément à l'amendement n° 471 rectifié, je dirai à M. Desessard que je ne le suivrai pas parce que, pour moi, les PLS sont nécessaires : ils représentent la gamme supérieure du logement social et doivent à ce titre entrer dans les 20 %.
Cela étant, je plaiderai pour que, dans le plan de cohésion sociale, les PLAI - c'est-à-dire les logements sociaux les plus sociaux - et les PLUS - c'est-à-dire les logements sociaux classiques - soient proportionnellement plus nombreux que les PLS.
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour explication de vote.
M. Roland Muzeau. Je voterai l'amendement de M. Desessard. J'ai bien entendu l'argumentation de M. Repentin, mais je crois que le travail parlementaire a aussi pour fonction de donner des signes.
J'ai évoqué tout à l'heure l'exemple de certaines villes de mon département, les Hauts-de-Seine, où seuls des logements PLS ont été construits et ont été classés « logements sociaux ».
M. Thierry Repentin. Je l'ai dénoncé !
M. Roland Muzeau. Aucune famille modeste n'a pu y habiter, en raison de l'absence de PLUS et de PLAI. Car, tout le monde le sait, les logements PLS sont bien plus onéreux que les logements de type HLM.
M. Jean Desessard. Voilà !
M. Roland Muzeau. Si le PLS peut effectivement participer à la diversité locative, c'est surtout par opposition au logement privé libre. C'est un échelon dans la gamme de logements offerts qui permet d'éviter des dérives : avec le PLS, on maintient une relation entre le prix du loyer et les capacités financières d'une certaine catégorie de population.
Je dirai un mot sur les engagements que vient de prendre M. le ministre et sur la menace de démission que M. le rapporteur a brandie...
M. Christian Cambon. C'est courageux !
M. Roland Muzeau. Peut-être, mais, cette démission nous ne sommes pas près de la fêter ! (Sourires sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
En tout cas, ces engagements et cette menace de démission ont porté notre inquiétude à son comble. En effet, monsieur le ministre, vous venez de donner des gages incroyables, pour les trois ou quatre mois de discussion à venir, à votre majorité, y compris à sa fraction la plus « ultra ». (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Christian Demuynck. Les ultras ne sont pas là !
M. Philippe Dallier. Ce n'est pas nous !
M. Roland Muzeau. Je n'ai cité aucun nom, mais chacun se reconnaîtra. En tout cas, je ne vise pas les derniers intervenants, M. Cambon, Mme Procaccia ...
Quoi qu'il en soit, il y a de quoi s'inquiéter sérieusement devant les assurances que vous venez de donner à la majorité de la commission à propos de la navette.
Il serait absurde - que ceux qui ont signé les amendements précédents ne prennent pas ce terme en mauvaise part - de considérer que l'on peut calculer le nombre de logements sociaux en fonction de la richesse de ceux qui y habitent. Un tel raisonnement, poussé à l'extrême, reviendrait à comptabiliser les SDF comme occupant des logements sociaux puisqu'il n'y a pas plus démuni qu'eux ! Or c'est exactement ce que vous faites !
La loi, même si j'en critique les dérives, se réfère exclusivement au nombre de logements, c'est-à-dire au contenant, et à leur mode de financement. Évidemment, le contenu, c'est-à-dire les habitants, est aussi pris en compte puisqu'il ne faut pas dépasser un certain revenu pour avoir droit à tel type de logement.
M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.
M. Philippe Dallier. En devenant sénateur, j'imaginais qu'on légiférerait pour les 62 millions de Français et les 36 000 communes de France. Qu'on m'entende bien : dans mon esprit, il n'a jamais été question de juxtaposer 36 000 républiques !
Or, que proposez-vous ? Vous prenez l'exemple d'une commune où il n'y a eu que des PLS et vous déposez un amendement visant à interdire les PLS dans les communes qui n'ont pas atteint les 20 % ! Que faites-vous d'autre, alors, que de légiférer au cas par cas ?
Je vais encore une fois parler des Pavillons-sous-Bois. Vous finirez par bien connaître cette commune !
M. Jean Desessard. Invitez-nous plutôt !
M. Philippe Dallier. Elle compte mille logements sociaux, dont, jusqu'à présent, aucun PLS. À vous écouter, on devrait m'interdire, à l'avenir, de faire des PLS. Cela n'a aucun sens, permettez-moi de vous le dire.
M. Dominique Braye, rapporteur. Absolument !
M. Philippe Dallier. Selon vous, la mixité sociale, ce sont les 20 % de logements sociaux ! Ces 20% sont devenus l'alpha et l'oméga de la politique du logement comme des dotations de l'État : la DSU, la part forfaitaire de la DGF, etc. On sait toutes les conséquences que cela entraîne pour les communes qui n'ont rien d'autre.
Je vous le répète, monsieur Desessard, le revenu moyen dans ma commune est de 10 000 euros par habitant, alors que la moyenne régionale de la strate est de 12 000 euros. Cela ne suffit-il pas pour établir que, aux Pavillons-sous-Bois, la mixité sociale existe ? Sinon, on devrait être à 12 000, 13 000, 14 000 ou même 16 000 euros, comme à Paris.
De grâce, cessez de considérer que ces 20 % sont la panacée pour régler tous les problèmes ! La question est bien plus complexe que cela ! Et si nous sommes si passionnés, c'est simplement parce que nous avons le sentiment de ne pas être entendus, d'être considérés comme des scélérats, des vauriens, des hors-la-loi. Pourtant, ce que nous affirmons depuis des semaines ne me semble pas dénué de fondement.
Alors, je vous en supplie, écoutez-nous un peu et, après, formez votre propre jugement !
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Je ne peux rien répondre à M. Dallier : il est exemplaire ! Il construit, il fait des PLAI...
M. Christian Demuynck. Il n'est pas le seul !
M. Philippe Dallier. Effectivement !
M. Jean Desessard. Où sont, alors, ceux qui ne le font pas ? Ils ne sont pas au Sénat ce soir. On a envoyé les vertueux de service ! C'est la triple peine ! Ils font des PLAI, ils se font traiter de scélérats et ils sont de service le jour où l'on débat du logement ! (Eh oui ! sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.- Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Monsieur le ministre, comme la fondation Abbé Pierre, je pense que la crise du logement est une crise de société.
M. Dominique Braye, rapporteur. C'est en 2002 qu'elle disait cela !
M. Jean Desessard. Il n'y a plus de crise de société aujourd'hui, monsieur Braye ? C'est un point de vue !
Le problème, je l'ai dit lors de la discussion générale, c'est que l'on recourt plus aujourd'hui aux PLS qu'aux PLAI. Il y a des chiffres qui en témoignent et, s'il le faut, je les citerai à nouveau. Les communes, lorsqu'elles font des PLAI sont confrontés à des recours. Du coup, elles paient plus cher pour les PLAI que pour les PLS. Elles ont donc tendance à préférer les PLS. Quoi de plus humain, de plus logique, de plus « gestionnaire » ? Ce n'est donc pas la peine de contrer les PLS pour forcer les communes à utiliser les PLAI !
Qu'est-ce qui différencie notre propos de celui de M. Repentin ? C'est qu'il n'y a pas simplement une crise du logement ; il y a en France un malaise social profond, fait de baisse du pouvoir d'achat, de précarité, de chômage.
S'il ne s'agissait que d'une crise du logement, il suffirait de financer des logements par les PLS ! La mobilité pourrait se faire entre les différents types de logements, et tout irait bien. Mais certains habitants n'ont même plus les moyens de se loger ! Une grande part de la population subit un terrible appauvrissement. Si ces gens ne peuvent pas se loger dans des logements PLAI, où iront-ils ?
Si la mobilité résidentielle fonctionnait, la simple construction de logements serait suffisante. Mais comme cette crise de logement se double d'une crise sociale, il faut construire en général et construire en particulier du social.
M. le président. La parole est à M. Christian Cambon, pour explication de vote.
M. Christian Cambon. Je dirai simplement à M. Desessard, qui n'a pas la chance d'être maire,...
M. Jean Desessard. Je ne sais pas si c'est une chance !
M. Christian Cambon. ...que le PLS joue un rôle fondamental dans le parc social parce qu'il en assure la fluidité.
J'ai eu l'occasion, au cours de la discussion générale, d'évoquer la situation suivante : certains ont obtenu des logements sociaux parce que leurs revenus et leur situation familiale le leur permettaient à un moment donné ; ces conditions ne sont plus réunies aujourd'hui et, pourtant, ils restent dans ces appartements.
Le PLS permettra de plus en plus, je l'espère, de rendre le parc social plus fluide. Nous avons d'ailleurs formulé des propositions en ce sens.
Dans nos communes, nous n'avons plus aucune réponse à donner aux familles en difficulté qui ont de nombreux enfants. Il n'y a plus de grands appartements disponibles. Dans le même temps, on voit des familles qui avaient obtenu un grand appartement il y a cinq, dix ou quinze ans, sur la base de critères tout à fait justes, mais qui y sont toujours, moyennant un surloyer ne correspondant pas vraiment à leurs moyens financiers. Ces locataires mobilisent un appartement alors qu'ils pourraient le libérer si, par une mesure équitable - car nous recherchons toujours l'équité -, ils étaient relogés dans un appartement un peu plus coûteux. Cette solution aurait l'avantage de satisfaire deux familles, notamment celle qui se trouve le plus en difficulté.
M. le président. L'amendement n° 156 rectifié, présenté par M. Virapoullé, est ainsi libellé :
Avant l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 302-5 du code de la construction et de l'habitation est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« ... ° - Dans les départements d'outre-mer, l'ensemble des logements sociaux subventionnés par une aide publique aux bailleurs ou aux personnes accédant à la propriété et soumise à des conditions de ressources. »
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° 393, présenté par MM. Repentin, Raoul, Caffet et Bel, Mme Y. Boyer, MM. Courteau, Desessard et Dussaut, Mmes Herviaux, Hurel et Khiari, MM. Krattinger, Lejeune, Pastor, Piras, Raoult, Reiner, Ries, Saunier, Teston, Trémel, Lise, Vézinhet, Picheral et Madec, Mme San Vicente, MM. Plancade, Gillot et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa de l'article L. 302-6 du code de la construction et de l'habitation est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Ces inventaires font apparaître les proportions de chaque catégorie de logement locatif social en fonction des plafonds de ressources et de loyers s'y attachant et de leur mode de financement. ».
La parole est à M. Thierry Repentin.
M. Thierry Repentin. Cet amendement ne coûte rien : ni aux collectivités locales ni à l'État. C'est un premier point et il est intéressant, vous en conviendrez.
En outre, il n'impose aucune autre obligation que celles qui sont prévues par l'article 55 de la loi SRU.
Cet amendement prévoit simplement que les inventaires de logements locatifs qui doivent être réalisés à l'issue de la période triennale et transmis par les organismes aux préfets, font apparaître la proportion de chaque catégorie de logements sociaux qui auront été créés dans les communes.
Dans la pratique, ce dispositif permettra de connaître la structure de l'offre sociale dans chaque commune. Il fera apparaître la proportion des fameux PLAI, PLUS et PLS, mais aussi le nombre de résidences sociales, de résidences pour personnes âgées et de résidences étudiantes, puisque celles-ci peuvent être financées par ces trois types de prêt.
Nous pourrions alors, collectivement, corriger certains déséquilibres, notamment la trop forte prédominance des PLS. À ce titre, Jean Desessard et mes collègues du groupe CRC trouveront sans doute quelque intérêt à cet amendement.
M. Jean Desessard. Ah oui !
M. Thierry Repentin. Je le répète, sans imposer rien de plus ni aux communes ni à l'État, cela nous permettrait d'avoir une meilleure vision de la réalité. Au final, plus personne n'aurait le sentiment que certains d'entre nous préfèrent cacher ce qu'ils font en termes de logements sociaux sur leurs territoires respectifs. Ce dispositif garantit donc la plus grande transparence possible. Nous n'aurons plus à éplucher la presse pour prendre connaissance des bilans que nous avons beaucoup de difficultés à obtenir actuellement auprès de la Direction générale, de l'urbanisme, de l'habitat et de la construction.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Dominique Braye, rapporteur. Défavorable, pour les raisons indiquées précédemment.
M. Jean Desessard. Mais cela ne coûterait rien !
M. Roland Muzeau. Avec plus de transparence !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Louis Borloo, ministre. Monsieur Repentin, je comprends votre motivation, mais il est techniquement impossible d'établir un inventaire en fonction des plafonds de ressources et de loyers.
D'ailleurs, dans le cadre des délégations d'aide à la pierre, qui représentent les trois-quarts des habitants des collectivités locales, nous disposons bien d'un inventaire répartissant les logements hors plafond de ressources et de loyers.
Cet amendement me semble donc redondant. (M. Thierry Repentin exprime son étonnement.) Je vous remercie d'ailleurs d'avoir reconnu tout à l'heure qu'il y avait des difficultés d'application et que vous n'étiez pas hostile à étudier, objectivement, en gardant votre liberté de parole, les moyens de remédier à cette situation. Je pense effectivement que le groupe de travail doit être partenarial.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 147, présenté par Mme Létard, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Avant l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article L. 302-6 du code de la construction et de l'habitation, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. ... . . - Pour l'inventaire mentionné à l'article L. 302-6, chaque logement locatif social au sens de l'article L. 302-5 est affecté d'un coefficient égal à 1, à l'exception des logements financés à l'aide d'un prêt locatif aidé d'intégration ou d'une subvention de l'Agence nationale de l'habitat dans le cadre des programmes sociaux thématiques, pour lesquels le coefficient est porté à 1,5. Cette disposition s'applique aux logements financés entre le 1er juillet 2006 et le 1er juillet 2011. »
La parole est à Mme Valérie Létard, rapporteur pour avis.
Mme Valérie Létard, rapporteur pour avis. Le bilan de cinq années d'application de la loi SRU montre que la plupart des communes s'acquittent de leur obligation de production de logements locatifs sociaux en construisant une majorité de logements financés à l'aide d'un prêt locatif social, ou PLS, destinés à des ménages disposant d'un niveau de revenus intermédiaire, niveau largement supérieur à celui qui permet d'obtenir un prêt locatif aidé d'intégration, ou PLAI.
C'est la raison pour laquelle, au regard des besoins de logements recensés pour les personnes les plus défavorisées, il me semble urgent et nécessaire d'inciter les communes à produire plus de logements à caractère très social, tels que ceux qui sont financés à l'aide d'un PLAI ou d'une subvention de l'ANAH dans le cadre des programmes sociaux thématiques.
Cet amendement a donc pour objet d'affecter d'un coefficient de 1,5 les logements très sociaux ou à caractère très social lors du décompte qui est réalisé, chaque année, par le préfet, lequel doit s'assurer du respect du quota des 20 %.
Il s'agit d'une mesure temporaire, qui vise à donner un coup d'accélérateur à la production de ces nouveaux logements. La mesure s'applique aux flux, et non aux stocks, puisqu'elle est destinée aux nouveaux logements financés entre le 1er juillet 2006 et le 1er juillet 2011.
À cet égard, monsieur Cambon, je souscris totalement à ce que vous avez dit sur le PLS, qui joue effectivement un rôle essentiel dans l'organisation générale du parc locatif. Nous avons d'ailleurs besoin de disposer de tous les types de logement locatif. Or, aujourd'hui, en une année, les constructions financées par un PLS sont six fois plus nombreuses que celles qui sont financées par un PLAI. Il est donc très difficile de monter en puissance.
M. Thierry Repentin. Triste constat !
Mme Valérie Létard, rapporteur pour avis. Nous souhaitons donc inciter les élus à s'engager plus volontairement, en tout cas plus fortement, dans la voie de la production des logements très sociaux.
Monsieur Dallier, nous n'avons pas souhaité intégrer dans notre amendement les CHRS, les centres d'hébergement et de réinsertion sociale, parce que, à nos yeux, le meilleur moyen de désengorger ces centres consiste à développer du logement très social.
M. Philippe Nogrix. Très bien !
Mme Valérie Létard, rapporteur pour avis. Comme nous pouvons le constater, les CHRS sont trop souvent « embouteillés », en raison du manque de logements très sociaux à notre disposition pour sortir les familles de l'hébergement d'urgence.
Ce type de logements est donc vraiment au coeur de plusieurs problématiques et il est important de remédier rapidement aux problèmes rencontrés. En tout état de cause, le dispositif envisagé ne change en rien la logique actuelle de l'article 55 de la loi SRU.
Je partage totalement la réflexion qui a été faite sur le groupe de travail. Pour autant, Mme Procaccia l'a dit tout à l'heure, l'urgence n'a pas été déclarée sur ce texte : il nous est donc tout à fait possible de lancer des pistes de réflexion, quitte à y revenir par la suite. Avec ce type d'amendement, nous ne bouleversons pas l'économie générale du texte, mais nous donnons un premier signe d'encouragement à la production de logements très sociaux.
M. Jean Desessard. Je suis assez d'accord avec vous !
M. le président. Le sous-amendement n° 498, présenté par M. Dallier, est ainsi libellé :
I- Compléter la première phrase du texte proposé par l'article n° 147 pour insérer un article après l'article L. 302-6 du code de la construction et de l'habitation par les mots :
et d'un coefficient égal à 2 pour les logements de travailleurs migrants et les logements-foyers dénommés résidences sociales, conventionnés dans les conditions définies au 5° de l'article L .351-2 ainsi que les places des centres d'hébergement et de réinsertion sociale visés à l'article 185 du code de la famille et d'aide sociale
II- Supprimer la seconde phrase du même texte.
La parole est à M. Philippe Dallier.
M. Philippe Dallier. La mesure proposée par la commission des affaires sociales me semble effectivement excellente. Je propose de pousser la logique un peu plus loin, en affectant un coefficient de 2 aux foyers pour travailleurs migrants et aux résidences sociales.
Il y a sur ma commune une résidence sociale, qui compte quarante-quatre logements gérés par le PACT-ARIM. Je connais très bien la problématique de la sortie de ce type d'hébergement. Les personnes ne sont en effet censées demeurer dans ces logements que vingt-quatre mois. Or, dans bien des cas, malheureusement, au terme de cette période, nous ne trouvons aucune solution : la situation des gens n'ayant pas fondamentalement changé, il est difficile d'envisager l'accès au PLAI.
Je souhaite donc vraiment que l'on s'intéresse de près aux communes qui gèrent une résidence sociale sur leur te