compte rendu intégral
PRÉSIDENCE DE Mme Michèle André
vice-présidente
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PROCÈS-VERBAL
Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
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saisine du conseil constitutionnel
Mme la présidente. M. Le Président du Sénat a reçu de M. le Président du Conseil constitutionnel une lettre par laquelle il informe le Sénat que le Conseil constitutionnel a été saisi, le 29 novembre 2005, en application de l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, par plus de soixante sénateurs, d'une demande d'examen de la conformité à la Constitution de la loi relative au traitement de la récidive des infractions pénales.
Acte est donné de cette communication.
Le texte de cette saisine du Conseil constitutionnel est disponible au bureau de la distribution.
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Loi de finances pour 2006
Suite de la discussion d'un projet de loi
Mme la présidente. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2006, adopté par l'Assemblée nationale (nos 98, 99).
Participation de la France au budget des Communautés européennes : Article 50
Mme la présidente. Nous allons examiner l'article 50 relatif à l'évaluation du prélèvement opéré sur les recettes de l'État au titre de la participation de la France au budget des Communautés européennes.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Denis Badré, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la LOLF, la loi organique relative aux lois de finances, consacre le principe du prélèvement sur ressources opéré par l'article 50 du projet de loi de finances pour 2006. La LOLF est donc présente dans ce projet de loi de finances, mais de manière très ponctuelle.
Tout d'abord, je tiens à redire combien je regrette l'absence d'un programme conforme au format LOLF qui pourrait s'intituler, par exemple, « Concours de la France à la construction européenne », ce qui aurait permis de disposer d'une utile et intéressante clef de lecture de notre budget, ainsi que d'une mise en synergie de nos moyens sur un objectif évidemment prioritaire. Un tel programme aurait également témoigné de notre volonté politique de continuer à porter notre responsabilité de pays fondateur de l'Union européenne.
A contrario, l'apparition très anecdotique du mot « Europe » dans la liste des missions et des programmes de la LOLF pourrait être interprétée comme une marque de désintérêt de notre pays pour l'Europe. J'espère que tel ne sera pas le cas.
Consacrons-nous donc à l'examen de l'article 50 du projet de loi de finances pour 2006 et au prélèvement de 17,995 milliards d'euros, soit près de 18 milliards d'euros ! Ce montant correspond à un tiers seulement du déficit - cette proportion s'explique par l'importance de ce dernier - et à près de 7 %, tout de même, de nos recettes fiscales, ce qui justifie la tenue d'un vrai débat.
Un tel prélèvement vient nourrir un budget de l'ordre de 120 milliards d'euros, soit six fois la participation de la France. Le budget européen est tout de même inférieur à nos seules recettes de TVA et ne représente qu'un tiers de notre budget.
Il faut donc le dire et le répéter, le budget européen reste modeste. Néanmoins, il progresse relativement vite, en tout cas plus vite que ce que les budgets des États peuvent se permettre, compte tenu, notamment, de leur appartenance à l'Union européenne. La hausse de 6 % des crédits de paiement et de 4 % des autorisations d'engagement a entraîné, par rapport aux 16,57 milliards d'euros inscrits dans le projet de loi de finances initial pour 2005, une augmentation du prélèvement opéré sur les recettes de l'État de 8 %, soit 1,4 milliard d'euros, ce qui représente 3 % du déficit prévu pour 2006 ou, dans le même ordre de grandeur, le coût du passage de la TVA à 5,5 % dans la restauration.
Ces réalités doivent être présentes à l'esprit, afin d'examiner sereinement la situation.
Cependant, le prélèvement qui a été exécuté en 2005 n'est supérieur que de 770 millions d'euros à celui qui a été voté pour cette même année. L'existence d'une telle variation peut s'expliquer par de multiples raisons, qui sont détaillées dans le tome II du rapport fait au nom de la commission des finances.
À titre indicatif, je rappelle que cette variation provient du fait que le budget voté a été supérieur à l'avant-projet de budget sur lequel nous avions délibéré au mois de novembre 2004. Par ailleurs, notre vote a été corrigé à la hausse dès le mois de janvier. En outre, les sous-exécutions des budgets se sont un peu ralenties ; les reports ont donc été d'autant plus faibles. Il a alors fallu corriger cette insuffisance en accroissant les prélèvements sur les États membres. Enfin, le « chèque britannique » a été augmenté en cours d'année : il a donc fallu remettre la main au porte-monnaie !
Une augmentation du prélèvement de cette importance est tout de même lourde à supporter, surtout lorsque l'objectif fixé était de reconduire en volume le budget consacré aux Communautés européennes !
Laissant de côté les chiffres, je m'intéresserai maintenant au fond, à savoir le contexte européen et la réalité dans laquelle s'inscrivent les débats actuels.
Le budget européen est désormais abondé à 90 % par des contributions des États membres, ce qui entraîne bien des conséquences fâcheuses.
En effet, chaque pays cherche forcément à savoir s'il en a pour son argent. Les intérêts nationaux particuliers étouffent alors l'intérêt commun, et l'Union se défait.
Face à cette situation, l'Union européenne est perçue comme un niveau administratif supplémentaire et son image budgétivore et technocratique s'ancre dans la conscience des Européens.
Par ailleurs, l'application du principe du consentement à l'impôt est bien difficile lorsque les parlements nationaux votent les recettes et le Parlement européen les dépenses ! On peut alors avoir l'impression que le citoyen est soigneusement tenu à l'écart, ce qui n'est manifestement pas souhaitable.
Un immense effort de pédagogie doit donc être déployé, vers les États et vers les citoyens, pour rappeler que tous bénéficient de nombreux retours non comptabilisés. Je suis de nouveau en train de pourfendre les fameux « retours nets » !
M. Bernard Frimat. Très bien !
M. Denis Badré, rapporteur spécial. Par exemple, comment chiffrer et à qui octroyer les retombées de la libre circulation ou du marché unique, qui sont pourtant considérables ? Comment chiffrer et à qui octroyer les bénéfices des investissements finançant des ports, des aéroports ou des voies de chemin de fer, lesquels sont ouverts à tous les Européens, quel que soit l'État auquel ils appartiennent ? Comment chiffrer et à qui octroyer l'impact des investissements réalisés dans un État par l'entreprise d'un autre État ? Il s'agit pourtant de la réalité de l'Union européenne ! Surtout, comment chiffrer et à qui affecter les effets de l'extension et de l'approfondissement de la paix, de la liberté et de la démocratie, dont on ne mesure la valeur et le prix que lorsqu'on les a perdus ?
M. Jacques Blanc. Très bien !
M. Denis Badré, rapporteur spécial. Madame la ministre, mes chers collègues, vous m'avez déjà entendu réclamer un vrai budget pour l'Europe.
En effet, si l'on veut construire une Europe politique, il faudra bien qu'un vrai budget la mette en oeuvre, dans la rigueur, la lisibilité et sous le contrôle des citoyens. Alors que l'Europe est en crise, c'est peut-être le moment de reposer cette question fondamentale.
Pour l'instant, aucune perspective financière n'est tracée pour la période 2007-2013. Et l'hypothèse selon laquelle on trouverait une solution au cours de la présidence britannique s'efface de jour en jour.
Heureusement, comme j'ai pu le vérifier la semaine dernière avec vous, madame la ministre, en tant que rapporteur spécial de la commission des finances du Sénat et président du groupe d'amitié France-Autriche de notre assemblée, les Autrichiens me paraissent décidés à exercer très activement leur présidence. Je vous remercie de m'avoir associé à cette visite, qui était bienvenue et utile.
Puissent les difficultés concernant les perspectives financières provoquer un sursaut ! Les Autrichiens semblent disposés à une telle éventualité, puisqu'ils feront tout pour conclure ce dossier. Nous nous tiendrons évidemment à leur côté.
Le contexte européen, c'est surtout le contexte engendré par le « non » du 29 mai 2005 et ses conséquences.
Ceux de nos partenaires qui avaient approuvé le projet de Constitution européenne nous reprochent de les avoir arrêtés dans la démarche qu'ils avaient choisie. Notre vote, en effet, concernait non pas uniquement les Français, mais tous les Européens, car notre destin est commun. Désormais, nos partenaires nous en veulent et n'attendent plus grand-chose de nous. Ils ne sont pas non plus spontanément disposés à nous faire beaucoup de cadeaux. Nous devrons dorénavant déployer des trésors de subtilité lorsque nous aurons des dossiers à présenter à Bruxelles !
Les autres États membres n'hésitent plus à dénoncer les distances que nous prenons avec la discipline européenne, par exemple en ce qui concerne la transcription des directives, domaine dans lequel nous sommes toujours en retard, et le pacte de stabilité et de croissance.
Plus rigoureux que nous pour la plupart, ils comprennent assez mal la légèreté avec laquelle nous accumulons les déficits et laissons filer la dette, alors que le principe de solidarité les conduit à la supporter avec nous !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Eh oui !
M. Denis Badré, rapporteur spécial. Aurons-nous l'humilité de reconnaître que nous ne sommes pas toujours les meilleurs et que nous n'avons pas tant de leçons à donner à nos partenaires ? Je souhaite, en tout cas, que nous adoptions cette attitude salutaire !
Un jour, le pape a demandé à la France de se souvenir des promesses de son baptême. Aujourd'hui, nous devons nous souvenir du message extraordinaire envoyé au monde en 1950 par la France et l'Allemagne, qui affirmaient qu'une autre manière de faire avancer le monde était possible. Restons donc fidèles à l'inspiration des pères fondateurs de l'Europe ! Sachons la retrouver aujourd'hui, car c'est plus que jamais nécessaire !
Au demeurant, nous n'avons pas d'autre choix, si nous voulons restaurer notre image en Europe et retrouver un rôle influent, si nous voulons que l'Europe elle-même retrouve son élan.
Il nous faut, sur la plupart de ces dossiers, revenir à l'expression de l'intérêt commun. C'est la clé de toute l'affaire !
À cet égard, je me contenterai de citer l'exemple de la politique agricole commune, la PAC. Ce n'est pas en refusant toute réforme de la PAC - elle n'a d'ailleurs plus de politique que le nom ! - que nous préparerons l'avenir. Il faut faire mieux aujourd'hui. Si, pour l'instant, cette attitude s'est révélée payante, c'est parce que nous l'avons payée assez cher, en acceptant des concessions sur d'autres dossiers. Mais, demain, la France ne sera plus écoutée !
Il faut d'urgence réaffirmer le principe de la préférence communautaire, découpler les marchés intérieurs et extérieurs, rappeler que la PAC a été élaborée pour les consommateurs de tous les pays de l'Union européenne et non pas simplement pour les agriculteurs français. Il convient de rappeler que, si la PAC n'avait pas existé, elle aurait été inventée de façon identique, pour résoudre les problèmes des pays nouvellement entrés dans l'Union. En effet, les difficultés qu'ils rencontrent rappellent étrangement celles qui étaient les nôtres voilà un demi-siècle.
En résumé, madame la ministre, je vous soumets la suggestion suivante. La stratégie de Lisbonne reste un discours très technocratique. C'est bien dommage, car elle répond à une question centrale - cruciale même - pour notre avenir, celle de savoir sur quelles activités nous fonderons les créations d'emplois.
Pourquoi ne pas plutôt afficher un double objectif, concret et précis, compréhensible par tous, avec du sens et une signification politique publique ?
Il s'agit, d'une part, de développer la recherche et l'innovation, afin que la compétitivité de la France soit confortée dans le concert des pays les plus en avance et que tous les pays de l'Union restent dans le wagon de tête du progrès.
Il convient, d'autre part, d'engager une véritable politique d'aide au développement sans laquelle non seulement nos emplois, mais également notre modèle social et nos acquis écologiques seraient compromis.
Il nous revient de décliner cette double proposition dans notre pays et d'en tirer toutes les conséquences.
Développer l'Europe de la recherche exige un projet de loi témoignant que l'avenir de la France s'inscrit dans une dynamique européenne. Cela suppose également un concours plus engagé de notre pays à la conception et à la construction du programme cadre de recherche et de développement, le PCRD.
Développer l'aide au développement suppose une Europe de la paix plus active, une Europe plus présente au monde, une Europe politique plus forte, une politique étrangère et de sécurité commune, la PESC, plus forte.
Le projet européen reprendrait alors des couleurs et les Européens s'y reconnaîtraient davantage. Le temps n'est-il pas venu, madame la ministre, d'introduire un peu de rupture dans la démarche européenne ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Soyons pour la rupture ! (Sourires.)
M. Denis Badré, rapporteur spécial. L'Union européenne et les États qui la constituent vont-ils si bien que nous puissions continuer à aller de marchandage en marchandage et de panne en panne ?
Madame la ministre, n'hésitez plus à afficher très fortement votre conviction européenne et celle du Gouvernement tout entier en renouant avec la méthode Schuman. L'Europe reste un projet, capable d'entraîner nos jeunes et de changer le monde. Nous avons conservé la volonté de construire ce projet, concrètement, jour après jour.
Je conclurai en citant un proverbe agricole bien connu, qui me semble le mieux illustrer la méthode Schuman : « Si tu veux que ton sillon soit droit, oriente ta charrue vers une étoile. »
M. Hubert Haenel, président de la délégation pour l'Union européenne. C'est de Saint-Exupéry !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Un agriculteur, comme chacun sait ! (Sourires.)
M. Denis Badré, rapporteur spécial. Le sillon, c'est la PAC, les réseaux transeuropéens, notre politique de recherche, la cohésion, les politiques structurelles. La charrue, ce sont les prélèvements, le budget européen, les perspectives financières. L'étoile, c'est l'Union que nous voulons offrir à nos enfants.
Mes chers collègues, l'Europe n'attend pas grand-chose de la France aujourd'hui. En tout cas, elle n'attend pas que notre pays ouvre une nouvelle crise en ne votant pas la contribution au budget des Communautés européennes.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Oui !
M. Denis Badré, rapporteur spécial. À tout le moins, il faut la voter. Ce faisant, la France enverra le signal suivant. Malgré les imperfections du budget des Communautés européennes, notre pays a la volonté de s'engager aux côtés de ceux qui souhaitent le sursaut de l'Europe, en particulier en apportant son soutien à la présidence autrichienne, pour préparer un avenir à l'Europe et lui permettre de croire de nouveau en elle.
Je vous propose donc, mes chers collègues, de voter l'article 50 du projet de loi de finances pour 2006. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, j'ajouterai quelques réflexions et quelques questions aux excellents propos de M. le rapporteur spécial.
Je commencerai par replacer ce débat dans le contexte du projet de loi de finances pour 2006 qui se caractérise par un déficit élevé et un fort endettement. D'ailleurs, la grande nouvelle était, hier, l'importante médiatisation qui a entouré l'estimation de la dette de l'État par un illustre missionnaire à qui le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a confié la tâche de s'exprimer sur le sujet. Comme si, d'ailleurs, on ne savait déjà pas tout sur l'évaluation de la dette et de la « quasi-dette » de l'État, en particulier grâce aux travaux des commissions des finances des assemblées parlementaires !
Toujours est-il que ce coup de projecteur braqué sur la dette et la « quasi-dette » - en particulier les engagements de notre pays en matière de retraite - nous met, sans doute de manière opportune, face à nos responsabilités, comme il vous place, madame la ministre, face aux vôtres.
Existe-t-il aujourd'hui en Europe une instance capable de délivrer, dans une méthodologie incontestable et unique, une information sur la situation financière des États ?
Sommes-nous capables de discuter des perspectives financières de l'Union européenne, si nous ne disposons pas de ce « régulateur européen des comptes des États » permettant aux citoyens européens, notamment à ceux de la zone euro, de savoir exactement de quoi il retourne, de connaître le degré de contrainte, les initiatives à prendre, les gestes à adopter, et ce pour respecter le pacte de stabilité et de croissance, c'est-à-dire rester dignes du statut de membre de la zone euro qui est la nôtre ?
M. Denis Badré, rapporteur spécial. Absolument !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Autorisez-moi ces rappels, madame la ministre, car ces questions constituent bien la toile de fond de ce débat sur la contribution au budget des Communautés européennes ! Vis-à-vis de l'Union européenne, il nous est impossible d'adopter une certaine attitude quand nous parlons du budget de la France aux différentes catégories solliciteuses et quémandeuses qui ne cessent de se présenter, et, dans le même temps, de tenir un discours autre lorsque nous tentons d'expliquer à nos partenaires européens que nous respectons les règles du jeu.
Permettez-moi de le répéter, madame la ministre. La crédibilité de notre pays en Europe en dépend !
M. Daniel Goulet. Absolument !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il nous faut donc pouvoir nous positionner par rapport aux autres grâce à cette méthodologie européenne qui, aujourd'hui, fait défaut. Qu'est-ce que la dette des États ? Que comprennent les 60 % ? Quels éléments auraient vocation à y être intégrés ? Faut-il tenir compte de la « quasi-dette », des engagements donnés, en d'autres termes du « hors-bilan », lequel comprend, par exemple, tous les organismes qui ne vivent que parce que l'État est leur garant en dernier ressort ?
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Et dont les dettes sont celles de l'État !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Faut-il en tenir compte de la même manière pour la France, l'Allemagne et l'ensemble des autres membres de la zone euro ? Est-ce d'ailleurs possible ?
Madame la ministre, si nous ne sommes pas capables de répondre à ces questions, nous sommes dans l'irréalité !
M. Daniel Goulet. Absolument !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Nos concitoyens en ont conscience : la réponse au référendum, madame la ministre, c'est cela !
M. Daniel Goulet. Très bien !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Nombreux sont ceux qui ont le sentiment que, s'agissant de l'Europe et de ses contraintes, on raconte des histoires,...
M. Daniel Goulet. Très bien !
M. Philippe Marini, rapporteur général. ...que l'Europe est un monde de gens convenables, traitant leurs affaires entre eux sans être jamais en mesure de les expliquer clairement et concrètement, alors que cela a des conséquences sur la vie de la population !
Mes chers collègues, si le débat sur la contribution de la France au budget des Communautés européennes a un sens, c'est bien celui de nous permettre de retrouver une cohérence.
Madame la ministre, nous approchons de la fin de la présidence britannique. Celle-ci, effective très peu de temps après la proposition de Luxembourg qui semblait pouvoir nous conduire à des perspectives financières a mis en relief les contradictions fortes qui menacent la construction européenne.
Je pense, par exemple, à la contradiction entre le rabais obtenu jadis par Margaret Thatcher et toutes les autres données des perspectives financières de l'Union européenne. Comment contourner cette difficulté ?
Je pense aussi à la position qu'a adoptée la présidence britannique à l'égard des nouveaux États membres d'Europe centrale et orientale. La déception de ces derniers a été vive, alors qu'ils se sont présentés avec les plus grands progrès, les meilleures performances financières, les finances publiques les plus flatteuses, même si le niveau de vie de la population, dans ces pays, est encore très bas par rapport au nôtre.
Il faut voir, dans cette dernière contradiction, un élément très caractéristique de la situation dans laquelle nous nous trouvons aujourd'hui.
Quant à la France, madame la ministre, est-elle isolée dans ce concert européen ? Si oui, peut-elle sortir de cet isolement ? Pour ma part, je ne crois pas la France si seule. En effet, elle peut s'appuyer non seulement sur les déceptions que la présidence britannique a suscitées parmi un certain nombre d'États membres, notamment les nouveaux, mais également sur certains membres du cercle le plus proche - celui de l'Europe occidentale -, même en ce qui concerne le dossier de la PAC.
Il n'est qu'à lire une déclaration du ministre des affaires étrangères irlandais sur la PAC. Après tout, il est de bonne guerre de comparer les déclarations irlandaises et britanniques. (Sourires.)
M. Jacques Blanc. Tout à fait !
M. Daniel Goulet. Oui !
M. Philippe Marini, rapporteur général. M. Dermot Ahern disait : « Pourquoi vouloir entamer d'autres réformes avant même que les précédentes aient produit leurs effets ? Nos agriculteurs doivent encore s'y adapter. Toute réforme de la PAC n'est donc envisageable qu'après 2013. Cela est pour nous clair et net. »
Sur le rabais, les propos de ce ministre sont également sans équivoque : « Le Royaume-Uni a certes des raisons pour défendre le principe du rabais, mais aujourd'hui nous sommes face à une nouvelle donne : l'élargissement de l'Union européenne. Les pays riches doivent y contribuer. Dans ce contexte, une solution serait de geler le rabais britannique pour que son montant ne s'aligne pas sur les augmentations du budget. »
On trouve quelquefois d'utiles exemples ou références chez nos amis de la verte Érin... Au demeurant, pour ce qui est de l'efficacité économique et de la transformation d'une nation tout entière, ils auraient beaucoup de leçons à nous donner.
Madame la ministre, mon intervention n'avait assurément pas pour objet d'asséner des certitudes. En ce domaine, je n'en ai point !
D'une certaine façon, je fais le même constat que beaucoup d'entre nous. L'Europe est notre famille naturelle, l'euro en quelque sorte notre bouclier ou notre parapluie. Ce sont des instruments utiles tant que l'on ne se place pas soi-même dans l'irréalité. En effet, la protection collective pourrait fort bien, un jour, ne plus exister, si notre gestion et notre manque de lucidité ne nous en rendent plus dignes.
Les considérations que je développe devant vous, madame la ministre, ont simplement pour objet d'animer le débat qui nous occupe ce matin. Elles visent à vous inviter à y répondre et à nous livrer votre vision de la fin de la présidence britannique, à nous indiquer comment aborder le prochain semestre, selon quelles lignes de force, en défendant quelles convictions et en exigeant quels efforts. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la délégation pour l'Union européenne.
M. Hubert Haenel, président de la délégation pour l'Union européenne. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous nous retrouvons aujourd'hui pour notre rendez-vous annuel, à l'occasion duquel nous sommes appelés à autoriser la contribution de la France au budget des Communautés européennes.
Je ferai une intervention classique, réservant mes considérations sur la crise européenne et la nécessité d'une relance sur l'initiative de la France pour le débat que nous aurons ici même avant le Conseil européen à une date et selon des modalités que la conférence des présidents fixera demain.
Le budget pour 2006 est le deuxième budget de plein exercice pour l'Union européenne élargie à vingt-cinq et le dernier budget de la programmation financière pour la période 2000-2006.
L'augmentation du budget communautaire entraîne logiquement un accroissement de la contribution française. Avec un montant de 18 milliards d'euros, la contribution de la France au budget communautaire pour 2006 enregistre une hausse relativement modeste de 4 % par rapport à la prévision d'exécution pour 2005. Mais celle-ci est sensiblement plus élevée que le montant voté en loi de finances initiale : 17,3 milliards d'euros contre 16,6 milliards d'euros. Ainsi, de loi de finances initiale à loi de finances initiale, l'accroissement serait en fait de 8,4 %, ce qui est considérable.
Mais la France a toujours accepté de bon gré de payer le prix de sa participation à la construction européenne, dont les bénéfices ne sont pas strictement mesurables Notre pays s'est même déclaré prêt à renforcer sensiblement sa position de contributeur net dans le cadre de la négociation des prochaines perspectives financières que j'évoquerai dans un instant.
Dans l'immédiat, j'aurais aimé pouvoir vous annoncer les progrès apportés à la procédure budgétaire européenne par le projet de traité constitutionnel signé le 18 juin 2004. Hélas, les Français ont majoritairement décidé de rejeter le projet de Constitution européenne lors du référendum du 29 mai dernier !
M. Denis Badré, rapporteur spécial. Eh oui !
M. Hubert Haenel, président de la délégation pour l'Union européenne. C'est un vote dont on n'a pas fini de mesurer les conséquences regrettables.
Le projet de Constitution européenne prévoyait de simplifier la procédure annuelle d'adoption du budget communautaire en la ramenant à une seule lecture au Conseil et au Parlement et en supprimant la distinction entre dépenses obligatoires et dépenses non obligatoires. En cas de désaccord, un comité de conciliation devait réunir les représentants du Conseil et ceux du Parlement européen, sans qu'aucune des deux institutions ne puisse imposer sa volonté à l'autre.
En outre, et surtout, le projet de Constitution européenne prévoyait d'inscrire dans le traité le mécanisme des perspectives financières, rebaptisé « cadre financier pluriannuel. ». Cela aurait permis de pérenniser une pratique qui s'est développée en marge des traités, sous la forme d'accords interinstitutionnels, mais qui a fait la preuve de son efficacité pour assurer un financement régulier aux grandes politiques communautaires.
Toutefois, le projet de Constitution maintenait le principe de l'unanimité pour l'adoption du cadre financier pluriannuel, en retrait par rapport au texte issu de la Convention, qui prévoyait une majorité qualifiée.
Force est de constater que l'Union européenne n'est pas encore mûre pour abandonner la règle de l'unanimité en matière de programmation financière.
Cette règle risque pourtant de déboucher sur des situations de blocage, comme nous le montre l'état de la négociation des perspectives financières pour l'après-2006
En effet, la difficile négociation des perspectives financières pour la période 2007-2013 est, malheureusement, suis-je tenté de dire, le grand sujet qui occupe actuellement le devant de la scène européenne.
Cette négociation représente un véritable défi en termes de calendrier. La discussion s'est engagée à partir de la présentation par la Commission d'une communication en février 2004. L'objectif était initialement de parvenir à un accord politique à la fin du premier semestre de 2005, sous présidence luxembourgeoise.
Cet accord ne s'étant pas fait, les débats se prolongent au second semestre 2005, sous présidence britannique, avec, en ligne de mire, le Conseil européen des 15 et 16 décembre prochains. Mais même cette ultime échéance risque de ne pas être tenue, en raison de la dureté, de l'intransigeance des positions adoptées de part et d'autre.
On a pourtant frôlé un accord lors du Conseil européen des 16 et 17 juin derniers. L'excellente présidence luxembourgeoise de Jean-Claude Juncker était parvenue à un compromis qui satisfaisait la plupart des États membres. Le montant global proposé pour les dépenses s'élevait à 871,5 milliards d'euros en crédits d'engagement sur la période 2007-2013, soit 1,06 % du revenu national brut de l'Union européenne.
Il faut tout de même le rappeler, la France, pour sa part, avait fait les concessions nécessaires pour parvenir à ce compromis.
Notre pays a consenti à la perpétuation de la compensation britannique au niveau de 5,5 milliards d'euros. Il a accepté, par ailleurs, une diminution des dépenses agricoles de 6 milliards d'euros sur la période, sans que soient toutefois affectées les aides directes Il a agréé, enfin, une augmentation de sa contribution au budget communautaire de 12 milliards à 13 milliards d'euros sur la période, soit, en conséquence, une dégradation sensible de son solde net. La France et le Royaume-Uni se seraient ainsi trouvés en situation de quasi-parité.
Aujourd'hui, le désaccord persistant ne porte pas tant sur le niveau des dépenses que sur la question des ressources propres.
La Commission avait initialement proposé de mettre fin progressivement au « chèque britannique », pour mettre en place un mécanisme de correction généralisée bénéficiant à tous les pays dont le solde net excède un certain niveau. En effet, le régime dérogatoire britannique n'a plus aucune raison d'être dans la mesure où le Royaume-Uni ne souffre plus du tout d'une « moindre prospérité relative », comme c'était le cas en 1984.
Le compromis dégagé par Jean-Claude Juncker n'était pas aussi radical, puisqu'il proposait simplement de plafonner la contribution britannique au niveau de 5,5 milliards d'euros. Il a recueilli l'assentiment de vingt États membres sur vingt-cinq, mais s'est heurté à l'opposition farouche du Royaume-Uni et de trois autres contributeurs nets, ainsi que, plus curieusement, de l'Espagne.
Or, c'est le Royaume-Uni - paradoxe ! - qui exerce aujourd'hui la présidence de l'Union. Nous nous trouvons donc dans une situation tout à fait paradoxale : le pays qui, en raison de sa situation institutionnelle, devrait faire des propositions pour relancer la discussion est aussi celui qui est le moins enclin au compromis.
Pour l'instant, M. Tony Blair a laissé entrevoir la possibilité d'une remise en cause du « chèque britannique », à la condition que soit réduite la part de la politique agricole commune dans le budget communautaire.
Il est permis de s'étonner de cet acharnement sur la politique agricole commune. Faut-il rappeler que la part, certes optiquement importante, des dépenses agricoles dans le budget communautaire s'explique par le fait que celles-ci correspondent à la seule politique commune complètement intégrée ? Ainsi, si l'on prend en compte les dépenses nationales, l'Union européenne consacre 2 % de son PIB à la recherche et seulement 0,43 % de son PIB à l'agriculture.
Enfin, cela a été dit par M. le rapporteur général et par M. le rapporteur spécial, on ne peut, sans mauvaise foi, omettre que des réformes de la politique agricole commune ont déjà été engagées en 1992, en 1999 et en 2003.
Le gel en valeur absolue des dépenses agricoles décidé jusqu'en 2013, sur l'initiative de la France et de l'Allemagne, avec, bien sûr, l'approbation britannique, équivaut à une baisse programmée de leur part relative dans le budget communautaire, qui passerait de 40 % aujourd'hui à 30 % en 2013. Elle était de 71 % en 1984, à l'époque où Margaret Thatcher a obtenu de haute lutte son « chèque » de compensation.
Il paraît donc douteux que l'on parvienne à un accord sur les perspectives financières sous la présidence britannique. Dans cette hypothèse, la négociation ne débouchera, au mieux, qu'au printemps 2006, sous l'excellente présidence autrichienne.
Une telle prolongation sera source de complications, compte tenu des délais nécessaires à un démarrage effectif de la nouvelle programmation des fonds structurels au ler janvier 2007. Il serait malheureux de renouveler pour la période 2007-2013 l'erreur de la période 2000-2006, pour laquelle les perspectives financières ont été adoptées trop tard.
Cela a retardé d'autant la mise en place des programmes et explique, en partie, certaines sous-consommations de crédits que nous observons aujourd'hui.
Pour autant, je ne crois pas que notre pays puisse guère aller au-delà des concessions qu'il a déjà faites au mois de juin dernier
En particulier, il ne serait pas concevable de transiger sur la politique agricole commune, avant même que les réformes en cours aient produit tous leurs effets.
La présidence britannique le sait, comme elle sait bien que c'est sur elle que reposerait un échec au prochain Conseil européen. Ses dernières propositions visant à diminuer le montant du budget européen en deçà de ce que prévoyait le paquet luxembourgeois ne semblent pas de nature à permettre de dynamiser l'économie européenne comme M. Tony Blair semblait le souhaiter. Dès lors, l'échec semble se profiler au Conseil européen de décembre. Ce serait autant de temps perdu pour l'Europe. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
Mme la présidente. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe Union pour un mouvement populaire, 26 minutes ;
Groupe socialiste, 18 minutes ;
Groupe Union centriste-UDF, 10 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 8 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 7 minutes.
Je rappelle qu'en application des décisions de la conférence des présidents aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
Par ailleurs, le temps programmé pour le Gouvernement est prévu au maximum pour vingt-cinq minutes.
La parole est à M. Jacques Blanc.
M. Jacques Blanc. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la qualité du rapport présenté par M. le rapporteur spécial, les interventions de M. le rapporteur général et du président de la délégation pour l'Union européenne et leur complémentarité me dispensent d'une analyse détaillée sur la participation de la France au budget de l'Union européenne. Je me bornerai à faire trois observations.
La première concerne la politique agricole commune. Nous ne devons avoir aucun complexe pour la défendre. Une intoxication a été provoquée par la présidence britannique et par d'autres pays pour rendre retardataire, archaïque, inadaptée cette politique qui a permis à l'agriculture française d'être notre « pétrole vert » et d'assurer une sécurité alimentaire à la fois en quantité, en qualité et dans le domaine de la santé.
Alors, n'ayons aucun complexe à le dire. Cette politique a su se réformer, s'adapter et répondre aux besoins unanimement exprimés de développement durable, participant à la protection de la qualité de notre environnement et garantissant le maintien de la vie sur l'ensemble du territoire.
Mes chers collègues, ne croyez-vous pas que tout ce qui s'est passé voilà quelques jours dans les grandes cités est le fruit d'une hyperconcentration urbaine tandis qu'on a laissé se désertifier certains espaces ruraux ? Ne pensez-vous pas que nous devrions en tirer des leçons ?
En France, comme tous les pays du monde, les mouvements qui aboutissent à des hyperconcentrations urbaines et vident les campagnes créent des problèmes insurmontables par l'absence de solidarité.
La politique que nous nous devons de défendre est conditionnée par les évolutions de la recherche et je tiens à préciser qu'elle ne coûte pas plus cher que les autres.
N'est-ce pas M. Haenel qui rappelait tout à l'heure que la politique agricole est la seule politique commune ? Dès lors, j'irai plus loin que vous, monsieur le rapporteur spécial, en proposant de faire de la recherche et du transfert de technologies une vraie politique commune respectant les objectifs de la stratégie de Lisbonne. Nous constaterons alors que le pourcentage des crédits européens, donc des crédits publics, consacrés à l'agriculture est plus faible que celui des crédits alloués à la recherche ou à l'innovation.
Ma deuxième observation a trait aux politiques régionales. J'avoue être très inquiet quand je lis les propos tenus par M. Blair. À cet égard, quel dommage, quel drame que le traité établissant une Constitution pour l'Europe n'ait pas été approuvé !
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est vrai !
M. Jacques Blanc. Si le président du Conseil européen n'avait pas exercé dans le même temps des responsabilités à la tête de son pays, cela aurait sans doute facilité les choses. Sans doute s'agit-il là d'un aspect mineur au regard du présent projet de loi de finances, mais il reste que la procédure budgétaire en aurait été modifiée.
Aussi, quand je constate qu'il est prévu de diminuer, voire de supprimer, les crédits destinés aux politiques régionales dans la plupart de nos régions, je dis qu'il faut faire attention, car ce sont les crédits européens qui ont permis, au-delà des investissements qu'ils ont pu engendrer - reportons-nous, pour nous en convaincre, à l'objectif 2 - d'impulser un lien nouveau, même si ce dernier s'est révélé insuffisant, entre l'Europe et les populations.
On ne parle de l'Europe que quand cela ne va pas. Quand cela va, il faut le dire. C'est le cas pour un certain nombre de politiques régionales. Je puis d'ailleurs moi-même en parler en connaissance de cause, puisque, en tant qu'élu de Lozère, j'ai pu participer à la mise en place de ces nouvelles politiques régionales grâce au programme de développement intégré, je pense au mezzogiorno, à l'Irlande et à la Lozère. C'est pourquoi je suis très inquiet face à une amputation éventuelle des crédits destinés aux politiques régionales.
J'ajoute, madame la ministre, qu'un projet émanant de la Commission européenne relatif à la réforme des aides d'État à finalité régionale nous a inquiétés. La délégation du Sénat pour l'Union européenne m'a d'ailleurs chargé de rédiger un rapport à ce sujet et nous avons mis l'accent les uns et les autres sur les risques non seulement d'une diminution, voire d'une suppression, des crédits concernés, car cela nous interdirait d'aider des implantations industrielles au nom du respect de la concurrence tel qu'il figure dans ce projet de directive.
Certes, la situation évolue quelque peu, mais nous comptons sur vous, madame la ministre, pour ne pas laisser se développer une sorte de blocage, voire une incapacité d'agir des régions, des départements et des communes qui sont confrontés à des situations difficiles dans certains bassins d'emplois. Il est légitime qu'ils puissent encourager l'investissement au sein de leurs entreprises. Nous nous interrogeons donc sur l'évolution de ces politiques régionales.
Enfin, ma troisième observation concerne la politique de voisinage.
À cet égard, je me réjouis de la proposition faite par M. le Président de la République lors du sommet euroméditerranéen de Barcelone consistant à consacrer deux tiers des crédits de la politique de voisinage à l'Euroméditerranée. Certes, le sommet de Barcelone fut un moment difficile, mais il a constitué un enjeu majeur et je crois, pour ma part, que l'avenir de l'Europe est conditionné par la volonté de parvenir à un équilibre entre le Nord et le Sud.
L'avenir de l'Europe dépend de notre capacité d'apporter des espérances nouvelles dans certains pays du bassin méditerranéen qui, sans faire partie de l'Europe, attendent cependant de celle-ci de véritables partenariats. Je pense, notamment à l'ensemble des pays du sud de la Méditerranée envers lesquels nous avons une grande responsabilité. Il est essentiel que nous affirmions notre détermination et fassions un effort particulier en faveur de ces pays dont la jeunesse attend des gestes forts de manière à être rassurée sur son avenir dans son propre pays, ce qui passe par une réponse à la fois sociale et culturelle.
Quant aux problèmes posés par l'immigration, osons aller plus loin et examinons de quelle façon l'Europe peut, grâce à cette politique de voisinage, mettre en place un vrai espace euroméditerranéen dans lequel, nous l'espérons, un processus de paix pourra enfin se développer.
Après ces trois observations à caractère limité, je voudrais dire pour terminer, madame la ministre, que la France est affaiblie par le résultat du dernier référendum. Même si je respecte les positions des uns et des autres, cela est patent. Pour avoir eu le privilège et l'honneur de présider les travaux du Comité des régions de l'Union européenne, je puis vous dire, mes chers collègues, que le « non » au référendum sur la ratification du traité établissant une Constitution pour l'Europe a été un coup dur !
Madame la ministre, vous avez la capacité, le tonus et la conviction de faire en sorte que la France ait l'ambition de porter le message de ses valeurs de démocratie et d'humanisme en direction d'une Europe forte tout en assurant l'équilibre indispensable entre les grandes parties du monde.
C'est la raison pour laquelle nous comptons sur vous, madame la ministre et, pour ce faire, nous suivrons la proposition de M. le rapporteur spécial.
Toutefois, l'essentiel est d'affirmer notre détermination et notre volonté politique pour que l'Europe reparte de l'avant. (Applaudissements sur les travées de l'UMP. M. le rapporteur spécial applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. François Fortassin.
M. François Fortassin. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, ce débat relatif à la participation de la France au budget des Communautés européennes doit, selon nous, être l'occasion de faire le point sur l'état de l'Union.
Sans entrer dans le détail des chiffres, puisqu'un certain nombre de mes collègues l'ont déjà fait, je souhaiterais, pour ma part, m'exprimer en tant qu'élu de base et comme citoyen.
J'appartiens à ceux, nombreux ici, qui ont fait campagne pour l'adoption du traité constitutionnel.
M. Denis Badré, rapporteur spécial. Très bien !
M. François Fortassin. Or, force est de constater que, si nous avons eu un succès d'estime, cela n'est pas allé au-delà, et sans doute conviendrait-il de méditer un tel échec.
Nos concitoyens ont le sentiment profond que l'on fait comme si rien ne s'était passé,...
M. Denis Badré, rapporteur spécial. C'est vrai !
M. François Fortassin. ...ce qui me paraît pour le moins inacceptable.
Je m'efforcerai ici de m'exprimer en termes mesurés, sans précaution oratoire excessive.
Nos concitoyens ont le sentiment que les politiques ont perdu la main, que les technocrates continuent à faire comme s'il ne s'était rien passé et comme s'ils restaient attachés à un certain nombre d'avantages, de privilèges et de prébendes !
Madame la ministre, nous souhaitons que vous nous apportiez des réponses qui revêtent un caractère politique fort, ce qui, jusqu'à ce jour, n'a pas toujours été le cas.
Quelles que soient nos sensibilités politiques, nous sommes en droit d'attendre ce langage de vérité.
C'est ainsi que les perspectives financières pour 2007-2013 paraissent s'enlisent dans des difficultés de négociations sans vision stratégique.
Par ailleurs, le rejet du traité constitutionnel, que j'évoquais à l'instant, aurait dû être l'occasion pour la France d'en tirer les conclusions et de prendre des initiatives. Or tout se passe comme si, je le répète, rien ne s'était passé, ce qui me paraît pour le moins inquiétant.
L'Europe vit une véritable crise de sens. Certes, nous sommes tous en mesure, les uns et les autres, de nous livrer à des effets de tribune dans cette enceinte, mais il ne faut pas oublier qu'à un moment donné nous aurons rendez-vous avec le peuple français...
M. Denis Badré, rapporteur spécial. Très bien !
M. François Fortassin. ...et c'est la raison pour laquelle il convient de dire un certain nombre de vérités.
Bien sûr, personne n'a le monopole de la vérité, mais, madame la ministre, nos concitoyens ont le sentiment que la France est isolée et que nous ne participons en quelque sorte au débat que sur le banc des remplaçants !
M. Denis Badré, rapporteur spécial. Peut-être, mais des remplaçants de qualité !
M. François Fortassin. Je connais bien le milieu du rugby pour savoir que, lorsque les remplaçants, en particulier s'il s'agit de joueurs internationaux, entrent sur le terrain à la soixantième minute, ils changent souvent le cours du match !
Toutefois, je crains, madame la ministre, que nous n'ayons dépassé la soixantième minute ! Il conviendra de revenir rapidement sur le terrain et d'y être particulièrement efficace.
Nous attendons aussi que vous nous apportiez quelques éléments de réponse concernant la future PAC. Nos agriculteurs doivent être rassurés, même s'il faut avoir le courage de rappeler que l'ancienne PAC n'a pas été exemplaire, ni irréprochable, qu'elle s'est peu occupée d'aménagement du territoire, qu'elle a beaucoup favorisé les grandes cultures et peu cette agriculture qui, dans de très nombreux départements français, joue un rôle social éminent.
Nous devons aussi cesser d'être frileux. Pouvons-nous accepter que la recherche, la technologie, l'éducation, la formation et, surtout, l'énergie, compte tenu des graves problèmes que nous connaîtrons demain, soient réduites à la portion congrue aux yeux de nos concitoyens ? Là encore, un certain nombre d'éléments de réponse doivent être apportés.
Je terminerai en soulignant que l'Europe a besoin de croissance, de solidarité, d'un nouveau souffle enfin. Nous attendons du Gouvernement qu'il s'y emploie, madame la ministre.
Mme Nicole Bricq. Attente sans espoir !
M. François Fortassin. Quelle est l'ambition de notre pays ? À ce jour, nous ne le savons pas.
Mme Nicole Bricq. Et nous ne le saurons jamais, tout simplement parce qu'il n'y en a pas !
M. François Fortassin. Nous avons le sentiment que les choses vont au gré du vent. Il convient que les politiques reprennent la main et signalent à la technocratie européenne que nous n'avons aucune envie de périr avec elle ! (Applaudissements sur les travées du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. Robert Bret.
M. Robert Bret. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le budget communautaire pour l'année 2006 revêt une importance toute particulière. Il est le second à prévoir des dépenses pour une Union européenne élargie à vingt-cinq États, mais aussi le dernier à s'inscrire dans le cadre des perspectives financières tendant à la réalisation de l'Agenda 2000.
Surtout, ce projet de budget est discuté alors que l'Europe traverse une crise profonde. Le rejet du traité constitutionnel par le peuple et le blocage des négociations sur les perspectives financières pour la période 2007-2013, de même que l'absence d'initiative de la présidence britannique, reflètent la déshérence de l'Union européenne.
Par leur vote du 29 mai, les Françaises et les Français, sur la base de leur expérience de la construction européenne, se sont insurgés contre l'Europe libérale. Ils ont manifesté leur refus d'une Europe vouée aux règles du marché, à la régression sociale, à la mise en concurrence des salariés et des peuples.
Il faut entendre la parole du peuple souverain et non agir comme si les Françaises et les Français ne s'étaient pas exprimés. Il faut réorienter la construction européenne, dans le sens d'une Europe des peuples, démocratique, synonyme de progrès social, de coopération et de paix.
Pour relever ce défi majeur, il aurait fallu accorder à l'Union européenne des moyens budgétaires nettement supérieurs et les consacrer aux secteurs qui sont primordiaux, selon nous, pour le projet européen, à savoir, notamment, l'éducation, la culture et les aides extérieures.
Mme Nicole Bricq. Et la recherche !
M. Robert Bret. Or, au contraire, le projet de budget pour 2006 s'inscrit seulement dans la continuité des précédents. Il ne représente que 1,05 % du revenu national brut, le RNB, des États membres de l'Union européenne, alors que les perspectives financières plafonnent les recettes de l'Union européenne à 1,08 % du RNB. On est loin de ce plafond, qui, lui-même, était d'ailleurs fixé, initialement, à 1,24 % du RNB de l'Union.
Les États ne sont pas à la hauteur de l'attente des peuples nationaux. En témoigne la position du groupe des six, dont la France fait partie, qui reste opposé à une forte croissance du budget européen et demande, au contraire, sa limitation à 1 % du RNB de l'Union. C'est là, sans aucun doute, le plus sûr moyen de construire une Europe incapable de faire face à la crise qu'elle traverse, empêtrée dans les individualismes nationaux et étrangère à tout esprit de solidarité !
L'intérêt général européen n'existe décidément pas aux yeux des gouvernements. Vous récusez, à raison, madame la ministre, le « chèque britannique ». Plus rien ne justifie le maintien de ce rabais. Le niveau de richesse par habitant du Royaume-Uni est maintenant l'un des plus élevés de l'Union européenne et la part des dépenses agricoles de marché, dont ce pays bénéficiait très peu, a fortement baissé dans le budget européen.
Certes, la France est le plus gros contributeur au rabais britannique. Il est regrettable que le coût de ce chèque pour notre pays s'élève à environ 1,6 milliard d'euros en 2006, soit 28 % du montant total de la correction, et qu'il représente ainsi près de 10 % de la contribution totale de la France au budget de l'Union européenne.
Mais, parallèlement, nous ne devons pas oublier que la France reçoit beaucoup du budget européen, au titre, principalement, de la politique agricole commune, dont elle est la principale bénéficiaire, mais aussi des fonds structurels.
De manière générale, nous désapprouvons les calculs comptables des retours nationaux des dépenses communautaires, lesquels empoisonnent les discussions dans l'Union européenne. Le principe, arrêté lors du Conseil européen de Fontainebleau de juin 1984, selon lequel « tout État membre supportant une charge budgétaire excessive au regard de sa prospérité relative est susceptible de bénéficier, le moment venu, d'une correction » s'oppose à l'esprit de solidarité qui devrait animer la construction communautaire.
La contribution des États membres devrait être présentée comme une ambition et non uniquement comme un coût. L'Europe a besoin d'un budget digne de ce nom pour fonctionner correctement, comme l'a rappelé le rapporteur spécial de la commission des finances, Denis Badré. Dans cette perspective, la création d'un impôt européen est une idée, parmi d'autres, qui mériterait d'être débattue.
Madame la ministre, comme les années précédentes, les deux principaux postes de dépenses de l'Union européenne sont la politique agricole commune et la politique régionale. En 2006, la PAC devrait représenter 42,4 % du budget communautaire. Si nous reconnaissons l'importance de cette politique, nous savons également qu'elle suscite des effets pervers.
Selon la Commission européenne, les 2 530 plus importantes exploitations françaises, soit moins de 1 % du total, reçoivent plus de subventions que les 182 270 plus petites, qui, elles, représentent près de 40 % du total.
Il est très difficile de rendre compte de toutes les disparités induites par la PAC, devenue si complexe qu'elle n'est plus gérée de façon transparente. La situation de l'agriculture en France reflète d'ailleurs ces inégalités, la PAC favorisant les plus grandes exploitations, comme l'a rappelé notre collègue M. Fortassin.
Nous tenons à réaffirmer, une nouvelle fois, notre inquiétude à l'égard de la PAC, qui crée des discriminations au détriment des petites et moyennes exploitations nationales, et dont les aides à l'exportation affectent l'agriculture des pays du tiers-monde ; cette question sera d'ailleurs examinée, dans quelques jours, lors du sommet de l'Organisation mondiale du commerce à Hong Kong.
Quant à l'action extérieure de l'Union européenne, sa dimension politique ne peut être ignorée, que ses programmes prennent la forme d'aide humanitaire, d'aide alimentaire, d'assistance technique ou d'aide au développement. Nous ne pouvons que regretter qu'elle subisse une diminution de 3,7 %. La réduction de l'engagement financier européen atteste un certain désengagement politique. Ce mouvement est en contradiction avec le rôle que l'Europe doit jouer sur la scène internationale.
Au Proche-Orient, par exemple, l'Union européenne doit être au rendez-vous de l'Histoire. Après le retrait israélien des colonies de Gaza et l'accord sur l'ouverture du point de passage de Rafah, le contexte politique évolue sensiblement. Amir Peretz, élu à la tête du parti travailliste, reconnaît la nécessité d'un État palestinien viable et d'un retrait des territoires occupés de Cisjordanie.
Toutefois, l'Autorité palestinienne demeure fragile. L'Union européenne doit prendre ses responsabilités et la soutenir activement. Il ne suffit pas qu'elle lui apporte un soutien financier, il est indispensable qu'elle s'engage politiquement. Il lui appartient de soutenir les propositions constructives qui seraient émises par les deux parties intéressées, palestinienne et israélienne.
N'attendons pas l'évolution de la position américaine, comme ce fut encore le cas lors de l'ouverture du poste frontière de Rafah entre Gaza et l'Égypte ! L'Europe doit prendre ses responsabilités et agir pour une paix juste et durable au Proche-Orient.
Enfin, madame la ministre, nous déplorons ce simulacre de démocratie qu'est le débat relatif au prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne. En effet, rappelons tout de même que, si notre assemblée votait contre ce projet de budget, comme elle en a, en principe, le droit, la France serait purement et simplement condamnée par la Cour de justice des Communautés européennes à verser le montant des sommes fixées, ce qui montre les limites du présent exercice.
En fait, le projet de budget pour 2006 témoigne du peu de cas que la Commission et le Conseil font de la situation exceptionnelle que nous vivons. Il ne contient aucune trace d'une politique de relance digne de ce nom. Il consacre une vision du monde que nous ne pouvons accepter.
Loin de dessiner un projet de société fondé sur la solidarité et la justice sociale, le budget que vous défendez, madame la ministre, s'inscrit dans la continuité du projet de société libérale que l'on nous propose et qu'ont refusé les Françaises et les Français. Le groupe communiste républicain et citoyen récuse l'esprit qui anime ce projet de budget et votera en conséquence contre le prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Yves Pozzo di Borgo.
M. Yves Pozzo di Borgo. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, l'article 50 du projet de loi de finances matérialise, comme chaque année, la participation de notre pays au fonctionnement de l'Union européenne.
Soyons plus précis, il évalue le prélèvement opéré sur les recettes de l'État au titre de la participation de la France au budget des Communautés européennes, qui, pour 2006, vous le savez, s'élève à 17,995 milliards d'euros, soit 6,8 % des recettes fiscales nettes, en hausse de 3,8 % par rapport à la prévision d'exécution pour 2005.
Je souhaite, au passage, souligner l'excellence du travail du rapporteur spécial, Denis Badré, non pas parce que j'appartiens au même groupe que lui, mais parce que son rapport est remarquable, complet et montre bien que nous avons besoin, dans nos assemblées délibérantes, de quelques-uns de ces représentants de l'élite administrative que sont les énarques ! (Sourires.)
L'exercice 2006 est le dernier de la perspective budgétaire 2000-2006. Je serais tenté d'ajouter : et ensuite ? Il semblerait, en effet, que les discussions sur les perspectives 2007-2013 aient peu de chance d'aboutir sous la présidence britannique et que nous attendions le début de la présidence autrichienne.
Cette situation résulte, en grande partie, vous le savez, de l'échec du référendum sur la constitution européenne et de l'absence du fameux plan B. Comment croire que voter « non » pouvait faire progresser l'Europe ?
Aujourd'hui, l'Europe est bloquée, figée par des processus de vote complexes et des crispations institutionnelles. Ces risques, nous les avions pressentis et il nous faut maintenant les affronter. Pour cela, nous devons compter, comme nous l'avons toujours fait, sur la dynamique propre à la construction européenne. Même si la crédibilité de notre pays est fragilisée, il nous faut dresser un constat et avancer pas à pas.
Le premier constat, déjà évoqué par M. le rapporteur, c'est l'absence d'un véritable budget communautaire, à cause de la renationalisation des ressources européennes. Le budget de l'Union n'assure pas réellement les trois fonctions de stabilisation, d'affectation et de redistribution, traditionnellement attribuées à la puissance publique, ce qui est bien dommage. Pour que cette situation change, il faudrait un véritable impôt européen. Je souhaite que la campagne présidentielle qui s'annonce aborde ce sujet ; d'ailleurs notre courant de pensée y contribuera.
Le deuxième constat, c'est que les perspectives financières qu'il nous faut dresser pour les années à venir devront le plus possible corriger les défaillances de la construction européenne.
Comme le soulignait M. le rapporteur spécial, il paraît nécessaire, en particulier, de redéfinir la PAC, afin de lui assigner d'autres objectifs, tels que la protection des consommateurs européens. Notre pays peut reprendre la main sur la plus communautaire des politiques européennes, tout en se préparant à la diminution inéluctable des retours de la France au titre de cette politique. Parallèlement, la « correction britannique » apparaît tout aussi obsolète.
La troisième défaillance de taille, c'est qu'il nous semble aujourd'hui difficile de nous mobiliser autour d'un projet politique fédérateur, ce qui n'est pas neutre sur le plan budgétaire, tout au contraire ! En l'absence d'un tel projet, le débat budgétaire continuera d'être « pollué » par la prévalence des intérêts nationaux.
Une fois ce constat fait, il faut reconstruire.
Nous ne pourrons réussir qu'en renouant avec le pragmatisme d'autrefois et en créant, pour paraphraser Robert Schuman, des solidarités concrètes. C'est à ce pragmatisme que nous devons toutes les avancées significatives en matière d'intégration communautaire.
La France a dit « non » : il ne faut pas contourner ce vote clair des Français ; je le dis d'autant plus librement que 82 % des électeurs de mon arrondissement parisien ont voté « oui ». Cessons de prendre les Français pour des imbéciles ! À la question de nature institutionnelle qui leur était posée, portant sur l'approbation des nouvelles institutions, ils ont répondu « non ». Quelles que soient nos idées personnelles, nous devons tenir compte de ce vote. La démocratie passe avant tout intérêt personnel, de parti ou de courant.
Le pragmatisme qui nous permettra de reconstruire l'Europe doit être le fait de toutes les forces politiques européennes, incarnées par les trois grands partis que sont le PPE - le parti populaire européen - le parti socialiste et les libéraux. Madame la ministre, mes chers collègues, vous le savez très bien, par le passé, toutes les avancées européennes ont été obtenues grâce à l'amitié franco-allemande et au consensus entre les grands partis.
Dans notre démarche de reconstruction, la LOLF peut nous aider à atteindre nos objectifs d'approfondissement, même si cet outil est perfectible. Comme le faisait remarquer M. le rapporteur spécial, la LOLF consacre le principe de prélèvements sur ressources propres. Cependant, elle manque encore de clarté, et l'absence d'un programme « Concours de la France à la construction européenne » est préjudiciable.
Mais il y est un objectif plus fondamental encore : les perspectives financières futures devront être établies en prenant en compte les trois grandes réformes, qui sont, à nos yeux, des éléments clés pour l'Union européenne.
Premièrement, sans éluder le vote des Français sur les institutions, il faut démocratiser l'Europe autour de son Parlement.
Il est en effet inconcevable de continuer à fonctionner avec un Parlement, élu au suffrage universel, qui se prononce sur les dépenses mais pas sur les recettes. La comparaison est certes excessive, mais il s'apparente à un « Parlement des enfants », se contentant de gérer le peu d'argent qui lui est attribué. Plus sérieusement, au-delà même du rejet du projet de constitution européenne, le renforcement des institutions européennes est une nécessité fondamentale.
Deuxièmement, il importe de relancer l'Europe de la défense.
C'est dans ce sens que les crédits transférés à l'Union européenne, sur lesquels nous nous prononçons aujourd'hui, devront être distribués. C'est une nécessité tant politique qu'économique : il nous faut une politique européenne de défense et de sécurité.
Pourrons-nous continuer, en France, à financer toutes les dépenses « guerrières » dont nous avons besoin pour notre sécurité ? Pourrons-nous continuer à assumer, seuls, notre marine, notre défense, notre programme nucléaire et spatial ? Nous aurons l'occasion de revenir sur ce débat fondamental lors de l'examen du projet de budget de la défense.
Troisièmement, il convient de relancer la stratégie de Lisbonne, en dépassant un contexte économique plus qu'incertain pour notre pays. En effet, même si les statistiques publiées hier montrent un recul du chômage, ce dernier ne semble pas marquer le pas significativement. Quant à la croissance, malgré une légère progression, elle est toujours en panne.
Dans ce cadre, il faut très vite lancer, ou plutôt relancer, mais de façon beaucoup plus complète, ce que j'appelle la PRC, la politique de recherche communautaire.
Madame la ministre, mes chers collègues, l'heure est donc à la reconstruction. Les outils pour y parvenir existent. Il ne nous reste plus qu'à les adapter et à les utiliser de manière efficace, pour atteindre les trois objectifs que nous assignons à l'Union européenne, à savoir sa démocratisation, le développement de sa puissance et l'essor de son économie.
Cela étant dit, Le groupe de l'UC-UDF votera les crédits proposés pour la participation française au budget des Communautés européennes. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF.)
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Frimat.
M. Bernard Frimat. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, l'article 50 du projet de loi de finances pour 2006 est l'un des rares articles que le groupe socialiste approuvera, puisqu'il ne s'agit, en l'espèce, que de prendre acte financièrement des engagements européens souscrits par la France et de les respecter.
Toutefois, au-delà de cet exercice habituel et curieux, qui consiste à voter annuellement une réduction de recettes dont le Parlement ne peut déterminer le montant, et de remplir ainsi une obligation à laquelle il ne peut se soustraire, ce débat est d'abord pour nous l'occasion d'évoquer l'état des rapports entre la France et l'Union européenne.
Le rapport spécial de notre collègue Denis Badré contient toutes les précisions chiffrées qui permettent une analyse détaillée. Aussi, il me semble préférable, à ce stade du débat, de ne pas insister sur des données connues de tous.
De plus, nous savons que, en matière chiffrée, tout est question d'interprétation et que, selon les besoins du raisonnement, il nous est loisible de mettre l'accent sur telle caractéristique plutôt que sur telle autre.
Quoi qu'il en soit, avec un concours de près de 18 milliards d'euros, la France reste le deuxième pays contributeur du budget de l'Union européenne, derrière l'Allemagne, et le deuxième pays bénéficiaire, derrière l'Espagne.
La France est à la fois le premier financeur du « chèque britannique » et le premier pays bénéficiaire de la PAC.
Enfin, si nous nous attachons au solde net de chaque pays, et quelle que soit la méthode de calcul utilisée, la France reste structurellement dans le camp des huit pays contributeurs nets. Elle y occupe cependant une modeste sixième ou septième place, selon la méthode de calcul employée, avec un solde estimé entre 0,11 % et 0,15 % du revenu national brut. Notre contribution nette mesurée en part de RNB est du même ordre que celle du Danemark et de l'Autriche, légèrement inférieure, en dépit du « chèque britannique », à celle de la Grande Bretagne, et très inférieure à celle de la Suède et de l'Allemagne et, surtout, des Pays-Bas, ce dernier pays étant, de très loin, le premier contributeur net de l'Union européenne.
Comme les années précédentes, dès que l'on ne réduit pas l'analyse au seul montant de la contribution brute de la France au budget de l'Union européenne, on s'aperçoit que l'effort financier net en faveur de l'Europe pèse très peu sur nos engagements.
S'il est toujours important, dans tout débat budgétaire, d'avoir une vision précise des coûts réels, il est en revanche particulièrement réducteur d'aborder le devenir de la construction européenne par le biais du solde net. À mon sens, l'ambition européenne ne pourra jamais s'identifier à un simple ratio comptable.
Après le refus français et néerlandais du traité constitutionnel, l'échec, lors du Conseil européen de juin dernier, de la négociation sur les perspectives financières pour la période 2007-2013 témoigne avec éclat de la crise profonde qui touche l'Europe, alors que, dans le même temps, celle-ci est confrontée au défi de l'élargissement.
La présidence britannique, qui se concentre sur ses seuls intérêts nationaux, semble incapable de sortir l'Europe de cette crise profonde. Le prochain sommet paraît déjà relever de la chronique des échecs annoncés. Si cette hypothèse se confirme, que reste-t-il de l'ambition européenne ?
Cinquante années de construction européenne doivent-elles avoir pour seul aboutissement une double crise, institutionnelle et financière, une Europe incapable de dépasser les égoïsmes nationaux et réduite à ressasser une stratégie de Lisbonne, au demeurant vidée de tout contenu, dans la mesure où les moyens nécessaires au développement d'une Europe de progrès favorisant l'emploi sont refusés ?
Le récent Conseil Affaires générales et relations extérieures, qui s'est tenu le 21 novembre dernier, n'a enregistré aucun progrès dans la recherche d'une solution. Chaque État membre campe sur ses positions, arc-bouté sur un intérêt national qui devient le moteur essentiel de sa participation à l'Union européenne. Tout le monde agit comme si la finalité de la construction européenne ne consistait qu'à privilégier les intérêts de chacun et à croire que l'intérêt général européen résultera de la somme des intérêts nationaux particuliers, même s'ils sont contradictoires.
Pensez-vous, madame la ministre, qu'il faille se contenter de s'accrocher au seul paquet financier, ficelé avec talent par M. Jean-Claude Juncker, alors que celui-ci n'a pu résoudre la crise ? Pensez-vous qu'il suffise d'attendre la présidence autrichienne pour trouver une solution au problème posé ?
L'impuissance du Conseil européen laisse le champ libre à la Commission. Devant la cacophonie intergouvernementale, devant le vide quasi sidéral des propositions de la présidence britannique et, de manière générale - il faut le déplorer - devant l'inexistence politique du Conseil européen, la Commission et son président multiplient les initiatives.
Le programme de travail de la Commission pour 2006, notamment dans le domaine législatif, qui a été transmis le 26 octobre dernier au Conseil et au Parlement européen, illustre cette situation. Sous couvert de simplification de l'acquis communautaire, nous pouvons craindre que la Commission n'édicte comme principe de base que mieux légiférer signifie, forcément, moins légiférer, afin de poursuivre l'opération de déréglementation en cours dans des domaines essentiels pour les citoyens européens.
À ce titre, le retrait de soixante-huit directives effectué par la Commission ne semble être que la phase la plus visible d'un travail silencieux de remise en cause systématique de l'acquis communautaire. Or, dans bien des cas, nous avons besoin d'un développement de la législation européenne, notamment dans les domaines des normes sociales, de l'environnement, de l'énergie et de l'harmonisation des fiscalités. Ce sont autant de secteurs pour lesquels les citoyens ont une attente à l'égard de l'Europe, qui peut d'ailleurs apporter une réelle valeur ajoutée.
L'Europe ne doit pas se réduire à une simple zone de libre-échange dotée d'un minimum de normes sociales et environnementales.
Madame la ministre, l'ambition européenne ne peut donc se satisfaire ni d'un échec sur les perspectives financières de l'Union ni d'un accord sur des perspectives financières anémiées.
Il est nécessaire de définir des perspectives financières, qui permettent non seulement aux nouveaux entrants de rattraper leur retard économique, mais aussi aux zones de l'ancienne Europe des Quinze, dont les caractéristiques économiques l'exigent, de bénéficier de la solidarité européenne.
La discussion ne peut se limiter à la mise en cause de la politique agricole commune et à la question du maintien du « chèque britannique ». L'Europe mérite mieux qu'une interminable et inefficace discussion parcellaire.
Si le budget européen doit effectivement être financé de manière équitable, il doit aussi être mis au service de la paix et de l'emploi.
Il n'est pas juste de maintenir en l'état le mécanisme du « chèque britannique ». Tout en se rappelant que, en solde net, la Grande-Bretagne finance l'Europe plus que la France, force est de constater que les raisons ayant présidé, en 1984, à l'adoption de ce mécanisme ont aujourd'hui disparu. La Grande-Bretagne est devenue l'un des pays les plus riches de l'Union européenne, et ce qui était fondé hier sur la solidarité est devenu une rente sans réelle justification.
Néanmoins, s'il faut revoir le « chèque britannique » et amplifier la politique de cohésion, il est illusoire de croire que cette orientation sera possible si l'Europe affiche des perspectives financières insuffisantes.
Le plafond du budget européen doit être fixé à un niveau suffisamment élevé pour rendre compatible le maintien d'une politique agricole rénovée et le développement des politiques d'avenir insuffisamment financées à ce jour par le budget de l'Union. Ma collègue Catherine Tasca détaillera plus particulièrement l'importance de ces dernières, qui représentent des objectifs essentiels pour les citoyens européens.
Les désaccords profonds que laisse apparaître l'état de la négociation sur les perspectives financières pour la période 2007-2013, l'absence de dynamique qui en découle pour les années à venir, dans une Union européenne incapable de se projeter dans le futur, le retard sans doute inévitable du démarrage d'une nouvelle politique de cohésion constituent, à des titres divers, des indicateurs de la crise de l'Union européenne. À cela s'ajoute un élément que personne n'a évoqué jusqu'à présent, c'est-à-dire l'échec, pour la première fois depuis bien longtemps, de la concertation entre le Parlement européen et le Conseil, avant la seconde lecture du projet de budget pour 2006.
La solution ne viendra pas d'une dérive autoritaire de la Commission européenne, elle ne peut reposer que sur une prise de conscience par le Gouvernement, le Parlement européen et les parlements nationaux de la gravité de la situation.
Les citoyens croiront de nouveau à l'Europe quand leurs propres États formuleront une vision européenne de l'action commune, quand ils concevront ensemble un projet global au bénéfice des Européens.
Là se trouve, à mes yeux, le véritable défi de l'Europe du xxie siècle. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Goulet.
M. Daniel Goulet. L'Europe a bon dos ! L'Europe, bouc émissaire de tous nos maux : de l'impossible baisse de la TVA dans la restauration,...
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Cela coûterait cher !
M. Daniel Goulet. ...des complexités administratives et technocratiques, de la logorrhée réglementaire, de l'agriculture subventionnée et déstructurée - ou en voie de l'être -, des agriculteurs mal dans leur peau, passant plus de temps à remplir de la paperasse qu'à travailler sur leurs exploitations, et je ne parle pas des normes de sécurité sanitaires, alimentaires et environnementales...
Comment avons-nous pu laisser se creuser un tel fossé dans l'esprit de nos concitoyens entre les réalités de l'action européenne et leur perception sur le terrain ? Nous en sommes sans doute responsables, de même que nous demeurons inconscients des causes profondes du résultat du référendum du 29 mai.
Il est un fait que la participation de la France au budget de l'Union européenne s'élève à un peu moins de 18 milliards d'euros, ce qui n'est pas rien ! Le budget communautaire demeure essentiellement consacré à la politique agricole commune et à la politique régionale, qui représentent respectivement 42 % et 37 % des crédits.
Nous n'avons pas su expliquer à l'opinion publique que la France est le deuxième pays bénéficiaire des dépenses opérationnelles de l'Union européenne. En effet, elle a reçu en 2004, un peu plus de 14% des versements de l'Union aux États membres, ce qui fait d'elle, comme en 2003, le deuxième pays bénéficiaire, devant l'Allemagne et l'Italie.
Élu d'un territoire rural et membre du Conseil de l'Europe, je voudrais faire trois séries d'observations : la première sur la politique agricole commune, la deuxième sur les fonds structurels et la troisième sur les actions extérieures de l'Union européenne.
La politique agricole commune - je serai bref sur le sujet, car nous en parlerons par ailleurs - doit être considérée comme un succès. Elle sert l'ensemble des consommateurs européens, au moins autant que les agriculteurs français. Elle constitue, finalement, l'une des rares vraies politiques communautaires.
Mais la réforme de 1992 a contribué à la dénaturer, en instaurant des aides directes dont il faudra, par la force des choses, réexaminer à la fois les modalités et les objectifs. Il n'est donc pas juste de critiquer l'Union européenne de façon systématique.
Mal expliquée, mal anticipée, la réforme de la politique agricole commune est pourtant une nécessité. Avec lucidité et courage, il convient d'ouvrir, une fois pour toutes, le grand débat franco-français sur la seule question qui vaille et qui demeure : quel est l'avenir de l'agriculture dans un pays dont la population rurale s'interroge sur sa propre destinée ?
La réforme s'impose sans doute, mais pas à n'importe quel prix ! La France a, dans ce domaine, des lettres de noblesse à faire valoir.
S'agissant des fonds structurels, je formulerai une première interrogation : comment notre pays a-t-il pu manquer l'occasion unique de bénéficier pleinement de cette politique communautaire, alors que des pays voisins, l'Espagne par exemple, ont su en profiter au maximum ? Nous pouvons le constater sur le terrain lorsque nous traversons certains de ces pays.
Certes, la procédure complexe applicable au début de la mise en oeuvre de cette politique tendait plutôt à dissuader les porteurs de projets. Mais elle a très vite, et fort heureusement, fait place, en France, à une application simplifiée, gérée par les préfectures de région, mettant fin à ce paradoxe inacceptable : d'un côté, une consommation insuffisante des crédits, de l'autre, des besoins de plus en plus importants et non satisfaits.
Dans ce domaine, bien que nos collectivités territoriales aient été placées sur un pied d'égalité, certaines ont su mieux que d'autres se distinguer et instaurer une saine gestion, mettant à profit les possibilités qui leur étaient offertes. Je pense à des régions comme l'Alsace, mais aussi à des départements, notamment la Manche, dont le président du conseil général, notre collègue M. Jean-François Le Grand, a été un acteur innovant, un pratiquant averti et efficace de l'utilisation des fonds européens, grâce à une gestion directe et coordonnées. Or, dans l'Orne, département voisin que je représente au Sénat, le conseil général n'a pas su - ou pas pu - faire preuve de la même volonté non plus que de la même compétence pour attirer la manne européenne, alors que les projets ne manquaient pas.
Pour être opérationnel dans ce domaine, il aurait fallu, en réalité, susciter une organisation et mutualiser les efforts et les projets, pour éviter l'addition de petits projets dont la dispersion entraîne un saupoudrage des aides qui ne peut produire l'effet escompté. Ainsi, 315 millions d'euros de crédits communautaires ont été alloués à ma région, la Basse-Normandie, pour la période en cours. Or 80 % seulement de ces crédits - quelle que soit leur forme d'éligibilité - ont été utilisés, ce qui représente un certain retard par rapport à la courbe de programmation optimale.
Madame le ministre, je voudrais vous parler maintenant de l'action extérieure de l'Union européenne. En ma qualité de membre de la commission des affaires étrangères et du Conseil de l'Europe, je voudrais attirer votre attention sur l'impérieuse nécessité d'agir réellement dans de nombreux domaines afin de ne pas se limiter aux discours et aux bonnes résolutions.
J'évoquerai brièvement l'Assemblée de l'Union de l'Europe occidentale, institution dont l'existence me paraît désormais devoir être remise en cause, pour être devenue inopérante et dispendieuse. Cette assemblée, à l'origine chargée de conduire la réflexion sur la défense européenne, a vu la totalité de ses prérogatives - les missions de Petersberg, qui constituent son objet social en quelque sorte - transférées au Parlement européen, voilà plus de cinq ans.
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est une organisation touristique !
M. Daniel Goulet. Cette assemblée est devenue une institution fantomatique, ne siégeant d'ailleurs que quelques jours par an...
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est scandaleux !
M. Daniel Goulet. ...afin de justifier simplement l'existence de ses 39 fonctionnaires, avec un budget de 7 367 118 euros, dont plus de 4 millions d'euros de charges en personnel, auxquels s'ajoutent 1 million d'euros environ de charges de pension.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Voilà du contrôle budgétaire ! Bravo, mon cher collègue !
M. Daniel Goulet. Certes, la création de l'UEO résulte d'une convention internationale, mais ne pourrait-on pas confier une réflexion sur cette institution à l'un des nombreux fonctionnaires du Quai d'Orsay, afin qu'il étudie les voies et moyens pour mettre un terme à ce singulier acharnement thérapeutique diplomatique ? Si nous devons réfléchir à une défense européenne, et par conséquent à la paix, 7 millions d'euros me semblent suffisants pour nourrir un véritable brain trust de prix Nobel.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !
M. Daniel Goulet. Savez-vous, madame le ministre, que la France entretient une ambassade à Strasbourg pour assurer les relations avec le Conseil de l'Europe, dont les travaux restent d'ailleurs totalement ignorés en France. Je le sais, je siège au sein de la délégation française à Strasbourg !
Ne pourrions-nous pas y déléguer un fonctionnaire du Quai d'Orsay, à l'écoute des sessions et des activités des représentants français, plutôt que d'y maintenir une ambassade ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Déposez un amendement de suppression de crédits !
M. Daniel Goulet. Madame le ministre, en dehors de toute question de personne, je suis obligé de faire remarquer que notre haute administration diplomatique n'est pas, que je sache, une agence de placement ou de réinsertion ! L'ascenseur social y est bloqué au sommet et s'apparente à un véritable monte-charge... pour notre budget. Comment justifier ce poste d'ambassadeur pour le partenariat euro-méditerranéen ? Et cet autre en charge de la parité, ou ce troisième chargé de la prévention des conflits ? On ignore d'ailleurs quel a été son rôle dans nos banlieues en feu, ces dernières semaines !
Ces trois postes cumulés nous coûtent plus de 600 000 euros par an. Cela représente l'équivalent de nombreux postes d'encadrement ou de travailleurs sociaux dans les banlieues, ne croyez-vous pas ?
Bien d'autres postes mériteraient sans doute de voir évaluer leur utilité. Nous parlions tout à l'heure d'économie et de bonne gestion, madame le ministre. Je crois que nous irions dans le sens des préoccupations de M. le ministre de l'économie et des finances, qui, devant l'importance de notre dette publique, dit et redit que la France vit au dessus de ses moyens, si nous comprenions enfin qu'il est temps de faire des choix dans nos dépenses.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !
M. Daniel Goulet. Permettez-moi enfin d'ajouter deux mots sur la politique européenne au Proche et au Moyen-Orient, ainsi que dans les pays du Golfe.
Dans cette région, mis à part quelques opérations de coopération franco-allemandes dans le secteur de la culture et de l'éducation, la politique européenne n'apparaît pas véritablement lisible et crédible. Elle ne manifeste pas d'une manière suffisamment explicite l'existence d'une volonté commune et d'intentions fortes, qui lui permettraient de jouer un rôle à sa mesure dans cette partie du monde, où la concurrence avec les grands pays des autres continents est redoutable, à la fois sur le plan géopolitique et en matière de coopération.
Comment sont définies concrètement les actions culturelles et politiques en Palestine, où, malgré nos efforts d'aide au peuple palestinien, les difficultés du quotidien demeurent ? Les craintes et le désespoir des jeunes de ce pays restent extrêmes.
Comment l'Union européenne pense-t-elle réagir, avant qu'il ne soit trop tard, à la poursuite de l'édification du mur de séparation, dit « mur de la honte » ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est le mot !
M. Daniel Goulet. Quant au projet de construction d'un tramway par des entreprises françaises, il risque d'aggraver encore une situation d'apartheid de fait au regard du droit international, rappelant la situation identique de triste mémoire que connut en d'autres temps le ghetto de Varsovie !
Mme Nicole Bricq. Comment peut-on tenir de tels propos ? C'est insensé !
M. Daniel Goulet. Un mot enfin, sur l'insupportable suspense du nucléaire iranien, implanté dans cette partie du monde grâce à l'intervention singulière de la Russie.
Qu'en est-il des rapports de l'Union européenne avec les pays du Caucase en pleine évolution vers la démocratie, après les diverses consultations électorales qui s'y sont déroulées ?
Quant au processus de coopération euro-méditerranée, nous pourrions, sous les feux de l'actualité, nous interroger également sur son devenir, après le sommet de Barcelone des 27 et 28 novembre dernier.
Grâce à une volonté commune mieux affirmée, au respect des exigences d'une solidarité sans faille, à une utilisation plus rigoureuse des moyens et de leur contrôle, il est certain que l'Europe que nous appelons de nos voeux pourrait donner au monde une image différente, ne se résumant pas à l'addition de particularismes ou d'égoïsmes nationaux.
Pour exister politiquement et participer avec autorité à la gouvernance d'un monde en pleine mutation, l'Union européenne, dans toutes ses composantes, doit réaliser les efforts nécessaires, dépasser ses contradictions, transcender les intérêts particuliers et se doter de moyens adéquats afin de faire prévaloir un état d'esprit communautaire de solidarité et de responsabilité partagée, sans lequel une saine union reste un objectif inaccessible.
Ce message, madame la ministre, ressort parfaitement de votre projet de budget. Par votre voix, la France démontre, une fois de plus, qu'elle reste fidèle aux idées et aux convictions des Pères fondateurs, c'est-à-dire fidèle aux fondements mêmes de notre idéal européen. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Tasca.
Mme Catherine Tasca. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la construction européenne est en crise. Les États membres ne semblent plus être capables aujourd'hui de dépasser leurs intérêts nationaux et de retrouver un élan collectif fondé sur la recherche d'avantages communs.
Dans ces conditions, comment demander aux citoyens de se sentir européens lorsque leurs propres États ne parviennent plus ni à formuler une vision vraiment européenne de l'action commune ni à concevoir un projet qui soit d'abord au bénéfice de l'Union dans son ensemble ?
Dépasser la conception de l'Union européenne comme la somme des intérêts individuels me semble aujourd'hui une urgence. Le budget doit être à l'image des objectifs politiques que l'on veut assigner à l'Union.
Notre collègue Bernard Frimat a fort bien rappelé tout à l'heure les problèmes liés au volume de la participation française au budget de l'Union européenne et les difficultés des négociations entre États européens sur la question. On ne pourra pas rêver d'une meilleure Europe, désormais à vingt-cinq, si on la bride dans ses moyens et si rien n'évolue dans ses priorités. Or, au Sommet de Hampton Court, aucune dynamique ne s'est dégagée.
Je voudrais pour ma part insister sur la nécessaire réorientation du budget européen. Elle part d'un constat simple : avoir un secteur de recherche performant est essentiel pour atteindre les objectifs de la stratégie de Lisbonne, c'est-à-dire faire de l'Union européenne l'économie de la connaissance la plus compétitive et la plus innovante au monde.
Or nous en sommes bien loin : 700 000 chercheurs supplémentaires doivent être recrutés pour atteindre l'objectif de 3% du PNB européen dédiés à la recherche et pour remplacer les effectifs actuels vieillissants.
En 2001, le nombre de chercheurs a augmenté de 5,7 ?. Cette progression est bien plus faible que celle qui est enregistrée tant aux États-Unis qu'au Japon et qui s'établit respectivement à 8,1 ? et à 9,1 ?.
Pour réaliser l'objectif fixé lors du sommet de Lisbonne, plusieurs pistes existent. J'en citerai quatre.
La première proposition consiste à faire de la recherche la priorité budgétaire de l'Union. La part des dépenses budgétaires consacrée à la recherche publique pourrait représenter, dans un premier temps, 0,25 % du PIB communautaire, puis augmenterait progressivement pour que la recherche devienne la première politique commune de l'Union.
Le Japon a montré son sens des enjeux en investissant dans la recherche et le développement à hauteur de 3 % de son PIB, en dépit de la crise économique profonde qu'il a traversée. À son tour, l'Europe doit se donner comme objectif d'être la zone du monde qui investit le plus dans la recherche et le développement. Cet effort mené dans ce secteur doit également compenser les carences des politiques nationales qui ont enregistré une baisse globale de 0,9 % à 0,75 % du PIB ces quinze dernières années, et c'est le cas en France.
À cet égard, je me réjouis que les ministres de la recherche européens, réunis lundi en conseil de compétitivité, se soient accordés sur la création d'un conseil européen de la recherche et sur les principes du programme de recherche pour les années 2007-2013, sans toutefois en budgéter les différents volets.
La deuxième proposition vise à créer une agence européenne pour la science et la recherche.
La recherche publique doit être rendue plus efficace. Actuellement, les crédits alloués le sont surtout en fonction de critères géographiques qui souffrent de procédures de sélection trop lourdes.
La création d'une agence européenne de la recherche indépendante, qui pourrait être composée de scientifiques réputés, qui couvrirait l'ensemble du champ scientifique et attribuerait des fonds sur la base de critères d'excellence scientifique, permettrait de remédier à cette situation.
La troisième proposition concerne l'incitation au développement de la recherche privée. Une loi-cadre européenne pourrait fixer un crédit d'impôt minimal pour les investissements d'entreprise effectués en matière de recherche et de développement.
L'effort financier européen consacré à la recherche privée est insuffisant. Il représente à peine 1,2 % du PIB alors qu'il s'établit aux États-Unis à 1,8 %. L'objectif de 2 %, fixé par le Conseil européen de Barcelone, est donc loin d'être atteint par l'Union dans son ensemble, même s'il a déjà été dépassé par certains pays membres. Ainsi, par exemple, la Suède consacre à cette recherche 3 % de son PIB.
Une directive-cadre pourrait fixer un plancher de défiscalisation commun à toute l'Europe, qui permettrait à chaque État membre de se doter d'un outil fiscal tel que le crédit d'impôt. Ce dernier constitue sans doute l'un des instruments appropriés pour stimuler la recherche privée.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Encore une dépense fiscale !
Mme Catherine Tasca. Enfin, la quatrième proposition consiste à investir dans l'enseignement supérieur par la constitution d'un réseau de centres universitaires européens d'excellence en consacrant au moins 0,15 % du PIB à cette action.
La comparaison des niveaux scolaires atteints par la population européenne montre que l'Union est confrontée à un double handicap en matière éducative.
Tout d'abord, il existe des disparités fortes. Dans certaines zones, au sud notamment, une part encore très importante de la population n'accède pas à l'enseignement secondaire. Certes, ce dernier relève de la compétence nationale et c'est aux États membres concernés de fournir l'effort nécessaire. Mais l'Union pourrait fixer des objectifs chiffrés incitant les États à agir plus efficacement.
Le second problème concerne l'enseignement supérieur. Ainsi, les États-Unis comptent 50 % d'universitaires de plus que l'Union européenne. Ils investissent 3 % de leur richesse nationale dans leurs universités, alors que l'Europe y consacre 1,4 %.
Naturellement, une telle réorientation du budget européen implique une évolution de la stratégie communautaire et, en France, une réflexion approfondie sur le devenir de la politique agricole commune, à laquelle l'Union européenne consacre près de 50 % de son budget. Or la PAC ne sert les intérêts que d'une partie des agriculteurs et vient parfois à l'encontre des objectifs de solidarité vis-à-vis des pays du sud.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, cette réorientation des objectifs budgétaires et politiques de l'Union peut être un moyen efficace de relancer la construction européenne. Nous attendons du Gouvernement qu'il rejoigne sur ce terrain des pays comme l'Espagne, qui vient de proposer la création d'un nouveau « fonds technologies » pour augmenter les investissements de recherche.
Quel rôle la France est-elle prête à jouer ? Quel projet est elle prête à impulser pour sortir l'Europe de la panne ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Au moment où s'achève cette discussion générale et avant d'écouter Mme la ministre, je souhaite insister sur l'exigence de transparence et de sincérité dont on doit faire preuve en matière d'information financière.
Force est de constater que l'Union européenne ne se distingue pas par le niveau de sa croissance. Depuis dix ans, cette dernière représente à peu près la moitié de la croissance mondiale. De ce fait, les résultats sont préoccupants en termes d'emploi et de perspective.
L'information financière et sa sincérité sont des gages de confiance. Or, madame la ministre, on ne peut pas dire que l'institution qui veille à la qualité de l'information soit à l'abri de tout soupçon et de tout reproche. Selon moi, EUROSTAT, l'Office statistique des Communautés européennes, n'a pas démontré son autorité. Je souhaite vivement que cet office puisse, sinon acquérir une plus grande indépendance, du moins s'entourer d'un comité de sages, comme le proposait M. le rapporteur général dans un rapport récent, de telle sorte que les petites tricheries, les petits truquages disparaissent des considérations européennes. On ne peut pas continuer ainsi.
L'accueil très accommodant des comptes publics par EUROSTAT n'est plus supportable. Il ne témoigne d'aucune pédagogie. Les exercices demeurent troubles et une grande duplicité continue à régner.
Madame la ministre, je souhaite que vous puissiez intervenir pour renforcer l'autorité d'EUROSTAT afin de nous mettre à l'abri du soupçon qui entache les avis que délivre l'Europe.
La stratégie adoptée lors du sommet de Lisbonne est jugée formidable. Elle a été adoptée dans l'allégresse. Mais, en fait, les politiques conduites par chaque État sont très éloignées des ambitions affichées.
Je souhaite aussi que l'Europe soit un peu plus cohérente dans son exercice budgétaire. L'esprit de la LOLF souffle-t-il dans les institutions européennes ? A-t-on une exigence d'efficacité de la dépense publique, fût-ce une dépense européenne ? Sur ce point également, les marges de progression sont assez considérables.
La croissance est au coeur de nos préoccupations. Le budget doit aider à la croissance. Or de nombreuses incohérences doivent être notées.
Certes, afficher une ambition en matière environnementale et écologique est une bonne chose. Mais le coût induit pour les industriels européens est tel que ceux-ci risquent d'être supplantés par leurs compétiteurs implantés ailleurs en Europe qui n'ont pas à obéir aux mêmes contraintes. Comment peut-on à la fois être aussi exigeant pour ceux qui produisent en Europe et aussi tolérants pour ceux qui importent et qui ne respectent aucune de ces contraintes environnementales ? (M. André Dulait approuve.)
C'est ainsi que l'on détruit le tissu économique et social. C'est ainsi que l'on organise méthodiquement la délocalisation des activités de production.
Voilà quelques jours, j'avais en main un dépliant émanant d'industriels turcs qui affichait les potentialités d'un parc d'activités qu'ils dénommaient European free zone. Ces industriels affirmaient qu'ils étaient en Europe et, par voie de conséquence, parfaitement compétitifs.
Je souhaite vivement que l'Europe se tienne à l'abri de tant de contradictions, faute de quoi elle pourrait susciter amertume et déception. Il ne faudrait pas s'étonner alors que des consultations comme celles du 29 mai dernier obtiennent un résultat aussi décevant.
L'Europe doit cesser de nous raconter des histoires pour se saisir des sujets fondamentaux et couper court à toutes ces incohérences et à toutes ces contradictions. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Catherine Colonna, ministre déléguée aux affaires européennes. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, dans un premier temps, j'aimerais vous présenter le niveau de la contribution de la France au budget communautaire et nos objectifs pour le budget 2006. Je décrirai ensuite le projet de budget communautaire lui-même. J'évoquerai enfin l'avenir de ce budget au-delà de 2006, c'est-à-dire les perspectives financières pour les années 2007-2013 et, ce faisant, je répondrai naturellement aux questions que vous avez soulevées dans vos différentes interventions.
Permettez-moi avant tout de saluer l'implication de chacun d'entre vous dans les dossiers européens et de remercier tout particulièrement le rapporteur spécial de la commission des finances, M. Denis Badré, pour son excellent rapport.
Je commencerai donc par la contribution et les objectifs de la France. En 2006, avec une contribution de 18 milliards d'euros, soit 16,4 % des recettes communautaires, notre pays devrait demeurer le deuxième contributeur du budget communautaire, derrière l'Allemagne, qui y consacre 22,6 milliards d'euros.
La France devrait rester également le deuxième bénéficiaire de ce budget, percevant 12,9 milliards d'euros en 2004, selon les derniers chiffres disponibles. Elle se situe derrière l'Espagne, qui reçoit 16,3 milliards d'euros.
Cette bonne performance est due, avant tout, à notre excellent taux de retour sur la politique agricole commune. En 2004, la France a bénéficié de 21,6 % des dépenses agricoles communautaires et a reçu 9,4 milliards d'euros au titre de la PAC de marché.
Si l'on raisonne en termes de solde net, bien que je n'aime pas, moi non plus, ce raisonnement si peu européen,...
M. Denis Badré, rapporteur spécial. Il est détestable !
Mme Catherine Colonna, ministre déléguée. ...c'est-à-dire en calculant la différence entre notre contribution brute et les dépenses réalisées sur notre territoire, la France est contributrice nette au budget communautaire, comme dix autres États membres. Son solde net s'est élevé, en 2004, à 2,9 milliards d'euros, soit environ 50 euros par habitant. Cette somme est plus que raisonnable, je tiens à le souligner, au regard des bénéfices que nous tirons de la construction européenne et qui sont loin d'être reflétés dans cette arithmétique purement comptable. Monsieur Frimat, je vous remercie d'avoir rappelé que l'ambition européenne n'est pas comptable.
Gardons à l'esprit les gains économiques du grand marché européen ou les gains encore plus difficiles à quantifier tels que les apports de la paix et de la stabilité du continent, que personne ne peut contester, tant ils sont précieux. Je remercie M. le rapporteur spécial de l'avoir rappelé. Par conséquent, n'attendons pas de les avoir perdus pour en mesurer le prix !
Dans ces conditions, quelles sont les ambitions de la France pour le budget communautaire ? Elles sont essentiellement de deux ordres.
D'une part, le budget doit prévoir les moyens nécessaires pour réaliser les programmes en cours et tenir les engagements pris. Je pense notamment à la mise en oeuvre dans des conditions satisfaisantes des réformes de la politique agricole commune de 2002 et de 2003, au financement de l'Europe élargie ou à la montée en puissance des dépenses liées à la compétitivité.
D'autre part, le budget doit naturellement répondre aux exigences de bonne gestion de l'argent public. Monsieur le rapporteur général, vous l'avez rappelé, cette bonne gestion est importante. Comme vous le savez, M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, Thierry Breton, s'est engagé à ce que la France respecte ses obligations européennes consistant à maintenir le niveau de ses déficits en dessous de la limite des 3 %.
Mme Nicole Bricq. C'est raté !
Mme Catherine Colonna, ministre déléguée. Madame le sénateur, il a réitéré cet engagement auprès du commissaire compétent voilà quelques jours.
Cela suppose que soient respectés les plafonds établis dans le cadre pluriannuel des perspectives financières pour les différentes rubriques budgétaires et que soit réduit l'écart entre le montant des crédits d'engagement et celui des crédits de paiement.
Sur ce point, de réels progrès peuvent être notés, puisqu'en 2004 le taux d'exécution budgétaire a atteint son plus haut niveau depuis 1997, soit 98,4 %, principalement grâce à la forte exécution observée sur les fonds structurels.
S'agissant de notre pays, je veux saluer la mobilisation des acteurs du partenariat régional, préfets et élus locaux, dans la gestion quotidienne des programmes communautaires, mobilisation qui a permis d'accélérer de façon très significative la consommation des crédits. Ainsi ont été consommés 1,3 milliard d'euros en 2002, 2 milliards d'euros en 2003 et 2,4 milliards d'euros en 2004.
Monsieur Goulet, il est en effet regrettable de constater qu'il subsiste parfois des reliquats mais, globalement, vous le voyez, les choses s'améliorent.
J'en viens à la description proprement dite du projet de budget communautaire pour 2006.
Où en sommes-nous en termes de procédure ? Après une proposition initiale de la Commission, ce projet a été adopté par le conseil des ministres de l'Union européenne le 15 juillet dernier et modifié par le Parlement européen en première lecture, le 5 octobre.
Un accord n'a pas été trouvé, lors du conseil des ministres du budget le 24 novembre, en raison de désaccords entre le Conseil et le Parlement européen, mais la présidence de l'Union européenne a repris rapidement le contact avec les députés européens, et ils se rencontrent dès aujourd'hui.
Les points de désaccord restants portent, d'une part, sur le recours à l'instrument de flexibilité et, d'autre part, sur le montant total des crédits de paiement.
Une solution raisonnable doit cependant pouvoir être trouvée, dans la mesure où l'écart entre les propositions de la présidence et les demandes du Parlement est désormais relativement réduit. Si elles sont traditionnelles, ces discussions difficiles démontrent combien il est nécessaire d'aboutir rapidement - lors du Conseil européen de décembre à un accord sur la programmation du projet de budget de l'Union européenne pour la période 2007-2013. J'y reviendrai.
Dans l'immédiat, il importe qu'un accord puisse être trouvé rapidement afin que, fin décembre, le Parlement européen soit en mesure de finaliser sa deuxième lecture.
Cette procédure budgétaire, actuellement en cours, entre les institutions européennes explique que, comme chaque année, des changements puissent intervenir entre le présent projet de budget et sa version finale.
Au total, si l'on prend pour base la réunion des ministres européens des finances du 15 juillet, ce projet de budget pour 2006 s'élève à 120,8 milliards d'euros en crédits d'engagement, soit une hausse de 4,9 % par rapport à 2005, et à 111,4 milliards d'euros en crédits de paiement, soit une augmentation de 3,7 %.
Les rubriques composant ce projet de budget correspondent aux différentes politiques européennes. J'évoquerai les principales d'entre elles.
Je commencerai par la rubrique 1, relative à agriculture. La part la plus importante du budget communautaire sera consacrée, en 2006 comme les années précédentes, à la politique agricole commune. Vous avez souligné à juste titre, monsieur le rapporteur spécial, ainsi que les autres orateurs d'ailleurs, le caractère essentiel de cette politique, qui garantit aux agriculteurs un niveau de vie équitable tout en maintenant l'équilibre territorial et environnemental dans notre pays et hors de nos frontières.
La PAC permet également d'assurer l'autosuffisance alimentaire. Dans un contexte de raréfaction des ressources en hydrocarbures, elle ouvre des perspectives d'avenir avec la recherche sur les biocarburants.
Enfin, elle contribue à préserver la qualité de l'alimentation et de la santé publique, qui, comme chacun le sait, représentent des enjeux essentiels ; vous l'avez souligné à juste titre, monsieur Pozzo di Borgo. M. Jacques Blanc a eu raison de dire qu'en tout cas nous ne devions avoir aucun complexe. C'est pourquoi la France défend le budget proposé, contre les tentatives d'y apporter des réductions substantielles.
Au total, 51,3 milliards d'euros sont consacrés à la PAC en crédits d'engagement dans le projet de budget pour 2006, soit une augmentation de 3,2 % par rapport à l'année précédente, dont 43,5 milliards d'euros pour les dépenses de marché et 7,8 milliards d'euros pour le développement rural. La PAC représente aujourd'hui environ 40 % du budget communautaire, madame Tasca, et non pas 50 %.
Je rappelle que, contrairement à ce que l'on dit parfois, la PAC a montré sa capacité à s'adapter. Elle a été réformée à plusieurs reprises : en 1992, en 1999 et encore récemment, en 2002 et en 2003, comme l'a souligné M. Haenel.
Ces réformes sont souvent difficiles, je le sais bien. C'est pourquoi nous resterons vigilants, avec l'appui de nombreux autres États membres, pour préserver la préférence communautaire, notamment dans la difficile négociation en cours à l'Organisation mondiale du commerce. Vous avez raison, monsieur le rapporteur spécial, ne laissons pas dire que la PAC ne sait pas se réformer ! Sur ce sujet, ne soyons pas sur la défensive ! Je vous remercie des propos que vous-même, comme tous les orateurs, avez tenus sur ce point.
Je vous indique, monsieur Bret, puisque vous avez évoqué l'OMC, que l'Union européenne est la seule à avoir proposé de réduire, puis d'éliminer les subventions à l'exportation, pour autant que ses partenaires fassent de même, et qu'elle absorbe à elle seule 85 % des exportations agricoles des pays africains, ainsi que, depuis 2001, et ce sans droits de douane ni contingents, toutes les productions des PMA, à savoir les pays « les moins avancés », sauf les armes. Que les autres pays fassent aussi bien avant de lui donner des leçons !
La rubrique 2, relative à la politique régionale, constitue le deuxième poste de dépenses du budget communautaire - peut-être le premier demain ! - et a pour objet le renforcement de la cohésion économique et sociale au sein de l'Union européenne.
Elle traduit concrètement notre ambition d'une Europe solidaire. Cette rubrique sera dotée, pour 2006, de crédits d'engagement de 44,5 milliards d'euros. Les postes de dépense principaux sont l'objectif 1, consacré aux régions en retard de développement, doté de 28,5 milliards d'euros, les objectifs 2 et 3, consacrés respectivement aux zones en difficulté structurelle et aux politiques d'éducation, de formation et d'emploi, qui représentent 7,4 milliards d'euros à eux deux, et le fonds de cohésion bénéficiant aux pays dont le revenu brut par habitant est inférieur à 90 % de la moyenne communautaire, pour 6 milliards d'euros.
Cet effort est une nécessité politique mais aussi un impératif économique afin de poursuivre le processus de rattrapage économique que ces nouveaux États membres ont déjà entamé, rattrapage qui - ne l'oublions pas, mesdames, messieurs les sénateurs ! - est aussi dans notre intérêt. N'oublions pas non plus que notre pays bénéficie également de fonds de cohésion. Le Gouvernement sera vigilant pour l'avenir, n'en doutez pas, monsieur Jacques Blanc !
Les politiques internes, qui font l'objet de la rubrique 3, sont dotées de 9,2 milliards d'euros en crédits d'engagements, soit une hausse de 1,4 % par rapport à 2005, et de 8,3 milliards d'euros en crédits de paiements, soit une hausse de 5 %.
Cette progression reflète la montée en puissance de certaines politiques communes qui répondent aux préoccupations concrètes de nos concitoyens.
Je prendrai deux exemples : la sécurité, avec le renforcement du contrôle des frontières externes, et la croissance et l'emploi, avec, notamment, les politiques de recherche-développement, qui bénéficient de 5,3 milliards d'euros au titre du programme-cadre pour la recherche-développement, ou l'énergie et les transports, dotées de 1,3 milliard d'euros.
La France a toujours soutenu le développement de ces politiques et continuera de le faire.
La rubrique 4, relative aux actions extérieures, et la rubrique 7, relative à la pré-adhésion, concernent les relations de l'Union européenne avec nos voisins et le monde.
En 2006, la rubrique 4, qui regroupe l'ensemble des actions en direction des pays tiers et la politique de sécurité commune, représente un total d'environ 5,2 milliards d'euros, soit une quasi-stabilité des montants.
En ce qui concerne l'aide apportée aux pays qui ambitionnent d'adhérer à l'Union européenne, la rubrique 7 est portée à 2,5 milliards d'euros en crédits d'engagement. Ces crédits bénéficieront, d'une part, aux États qui devraient adhérer à l'Union au 1er janvier 2007 si les conditions fixées dans les traités d'adhésion sont réunies, à savoir la Roumaine et la Bulgarie, et, d'autre part, aux deux États qui ont le statut de pays candidats, la Turquie et la Croatie.
Puisque je parle des relations avec le reste du monde, je tiens à saluer le rappel qui a été fait par M. Bret du rôle de l'Europe à Rafah et à m'efforcer de rassurer M. Goulet quant à l'importance du rôle du Conseil de l'Europe : je lui rappelle que c'est ce dernier qui a préconisé l'abolition de la peine de mort au sein de tous ses États membres. (M Yves Pozzo di Borgo applaudit.) Ce n'est pas négligeable.
Les dépenses administratives, qui forment la rubrique 5, s'établissent à 6,6 milliards en crédits d'engagement, soit une augmentation maîtrisée de 3,6 % par rapport au budget de 2005.
Les recettes du budget communautaire, qui équilibrent l'ensemble de ces dépenses, devraient en 2006 être composées pour 71,8 % par la ressource PNB, pour 14,3 % par la ressource TVA, et pour 11,6 % par les droits de douane, les autres recettes, prélèvements agricoles, recettes diverses, cotisations sur le sucre, représentant moins de 2,4 % du total.
Enfin, comme chaque année, la compensation accordée au Royaume-Uni depuis 1984, qu'il faut examiner au titre des recettes, sera à la charge des autres États membres et devrait atteindre 5,6 milliards d'euros pour 2006. Le montant de cette compensation poursuit donc son augmentation tendancielle, puisqu'elle n'était que de 1,5 milliard d'euros en 1995, de 3,5 milliards d'euros en moyenne entre 1995 et 2001, et de 4,7 milliards d'euros récemment, chiffre sur lequel ont été fondées nos dernières discussions budgétaires.
Le système actuel est ainsi fait, hélas ! que le montant du chèque britannique augmente au fur et à mesure que le budget communautaire croît. C'est pour cette raison, notamment, mais aussi pour beaucoup d'autres, qu'il doit être réformé.
La France financera environ 27 % de ce chèque, que plus rien ne justifie aujourd'hui, nombre d'entre vous l'ont souligné.
Monsieur le rapporteur général, vous m'avez demandé si la France était affaiblie ou isolée : non, ce n'est pas le cas. Ce qui est vrai, c'est que l'Europe ne va pas très bien depuis quelques mois. D'ailleurs, il est temps qu'elle sorte de cette période de doutes et d'incertitudes. Je tiens à rappeler, à cet égard, la responsabilité particulière de la présidence britannique, qui mène aujourd'hui les travaux pour les Vingt-cinq.
La France a, ces derniers mois, tenu sa place en Europe et, sur beaucoup de sujets, nos positions ont progressé. Je citerai quelques exemples à l'appui de mon propos.
Ainsi, s'agissant de la proposition de directive sur les services, beaucoup de pays partagent aujourd'hui nos préoccupations.
Il en va de même en ce qui concerne l'OMC, le Conseil ayant rappelé quel était le mandat de négociation de la Commission mais aussi quelles en était les limites, et en ce qui concerne le futur budget de l'Union européenne : vingt et un pays sur vingt-cinq, lors du Conseil européen de juin, et vingt-deux, plus récemment, ont donné leur accord à ce que la présidence britannique fasse des suggestions en s'inspirant de la dernière proposition de la présidence précédente et en en tenant compte.
La France reste donc un pays moteur en Europe. Elle continue à faire des propositions, comme celles que le Président de la République a faites lors du Conseil européen de Hampton Court, sur des sujets d'avenir importants, comme la recherche et l'innovation, l'énergie, la sécurité intérieure.
Par ailleurs, sur le plan économique, elle est adepte d'une meilleure coordination des politiques économiques, coordination indispensable pour que l'Union européenne soit davantage un cadre pour la croissance et pour l'emploi.
Vous le voyez, la France a une véritable ambition pour une Europe politique et solidaire, et elle ne compte nullement l'abandonner.
Au-delà de 2006, l'avenir du budget européen sera déterminé par la négociation sur les perspectives financières pour la période 2007-2013.
Malgré la disponibilité d'une très large majorité d'États membres, dont la France, la présidence luxembourgeoise n'a pu trouver un accord sur ces perspectives lors du Conseil européen de la mi-juin.
Pour l'avenir, à savoir pour la période suivant l'année 2013, nous savons tous qu'une réforme en profondeur de la structure du budget sera nécessaire, comme M. le rapporteur général l'a souligné.
Le budget de l'Union européenne n'a cependant jamais cessé d'être réformé. Cette modernisation devra se poursuivre pour la période 2007-2013. C'est d'ailleurs ce qu'envisageait le « paquet Juncker » s'agissant du financement de la PAC, dont la part relative, qui était en baisse dans le budget communautaire, représente aujourd'hui 40 %, au lieu des 33 % prévus dans la proposition luxembourgeoise.
Les dépenses en matière de recherche, d'innovation, de sécurité, de justice, mais aussi celles qui concernent les affaires intérieures ou la politique étrangère et de sécurité commune, la PESC, ont également progressé, dans une proportion bien plus considérable que l'augmentation de 33 % habituellement citée pour le seul secteur recherche et développement.
Il faudra poursuivre cet effort après 2013, en garantissant d'ici là la prévisibilité des politiques. Nous sommes d'accord pour rediscuter sans tabou avant 2013, mais pour une prise d'effet seulement après 2013. Nous sommes prêts, comme la plupart de nos partenaires, à parler aussi bien du financement, c'est-à-dire des ressources - PNB, chèque britannique, ou encore impôt européen que certains d'entre vous évoquent régulièrement -, que de l'ensemble des dépenses, qu'il s'agisse des dépenses agricoles, de cohésion ou de recherche.
Pour l'heure, l'enjeu de ces perspectives financières est le financement de l'Union élargie et de ses politiques. Chacun doit prendre part à ce financement de façon équitable, ce qui suppose notamment la réforme du rabais consenti à la Grande-Bretagne.
Soyons clairs : plus rien ne justifie aujourd'hui le maintien de ce rabais, ni la richesse relative du Royaume-Uni, ni son solde net, ni la part consacrée à la PAC, qui, elle, a été réformée à plusieurs reprises, à la différence du chèque britannique. Le dernier conseil Affaires générales du 21 novembre a montré que tous nos partenaires et la Commission européenne considèrent le rabais britannique comme l'enjeu central des négociations.
La raison en est simple : sans une réforme du rabais britannique, non seulement le solde net, mais également la contribution brute du Royaume-Uni s'amélioreraient. Les simulations chiffrées sont tout à fait incontestables à cet égard. En clair, le Royaume-Uni serait exonéré de sa contribution normale au financement de l'Europe élargie à vingt-cinq États membres.
La dernière proposition de la présidence luxembourgeoise au Conseil européen de juin dernier était bonne, puisqu'elle permettait, avec une dotation de 871 milliards d'euros sur la période, soit 1,056 % du revenu national brut, à la fois de consolider les politiques actuelles, de développer des politiques nouvelles, de financer l'Europe élargie et de maintenir les financements destinés aux régions des anciens États membres, notamment aux régions françaises. Cette proposition permettait tout autant de préserver le niveau des aides directes décidé dans la réforme de la PAC de 2003 que d'augmenter les dépenses d'avenir.
Monsieur le rapporteur général, vous avez souligné, comme M. Pozzo di Borgo, l'importance de la stratégie de Lisbonne. Sachez que le Gouvernement y est également attaché, car cette stratégie permet à l'Europe de mettre au coeur de son action les deux priorités de nos concitoyens et du Gouvernement que sont l'emploi et la croissance.
Le budget dont une projection avait été faite en juin prévoyait une augmentation des dépenses de recherche et développement. Cette ambition se retrouve, au plan national, dans le programme national de réforme intitulé « Pour une croissance sociale », établi par le Gouvernement.
Madame Tasca, le Gouvernement s'engage chaque jour dans cette action, en augmentant l'effort national consacré à la recherche, avec l'objectif d'atteindre le chiffre de 3 % du PIB - la France consacre actuellement à ce secteur 2,2 % de son PIB -, en lançant les pôles de compétitivité et en poursuivant les réformes nécessaires au renforcement de notre compétitivité, élément clef de notre politique.
Par ailleurs, comme vous le savez, madame Tasca, un projet de loi sur la recherche sera prochainement soumis à l'approbation de votre assemblée.
Dans le cadre de la stratégie de Lisbonne, la commission prépare également un programme de simplification intitulé « Mieux légiférer ». J'ai indiqué hier au Conseil et au vice-président de la Commission que, s'il s'agissait d'un objectif louable, « mieux légiférer » ne signifie cependant pas « moins légiférer ».
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Si ! Ce pourrait être moins légiférer !
Mme Catherine Colonna, ministre déléguée. Nous avions accepté ce budget, car c'était un bon projet. Pourtant, la proposition tendant à augmenter notre contribution brute de près de 11 milliards d'euros sur la période était à la limite de ce que nous pouvions supporter.
Quant au chèque britannique, il aurait été réformé uniquement sur les dépenses hors PAC de marché à destination des nouveaux États membres. Il était demandé au Royaume-Uni de prendre sa juste part du financement de l'Europe sur les seules dépenses à destination des nouveaux États membres, hors agriculture.
Était-ce vraiment trop demander ? Nous ne le croyons pas. Pourtant, la Grande-Bretagne a choisi une stratégie d'échec.
Il revient maintenant à la présidence britannique de trouver un accord avant la fin décembre 2005 car, comme vous l'avez rappelé, monsieur le rapporteur général, elle a la responsabilité particulière de travailler d'abord dans l'intérêt général de l'Union. Ainsi, la Grande-Bretagne n'a que quelques semaines pour bien faire et pour cesser de s'arc-bouter sur son seul intérêt national, comme l'a souhaité, à juste titre, M. Frimat.
Mais la méthode que cet État a employée jusqu'à présent s'est avérée décevante. Ainsi, nous ne disposons toujours pas de propositions chiffrées, alors que l'échéance se rapproche. Par ailleurs, les indications, dont la presse s'est fait l'écho, sur les intentions de la présidence britannique d'aller vers une réduction du budget, ne sont pas de nature à favoriser un consensus entre les États membres ni à permettre à l'Union d'atteindre ses objectifs.
Une réunion spéciale du conseil Affaires générales est prévue le 7 décembre, c'est-à-dire une semaine seulement avant le Conseil européen. Notre conclusion est simple : plus nous nous éloignerons du « paquet Juncker », auquel vingt-deux délégations ont exprimé leur attachement la semaine dernière, plus il sera difficile d'obtenir un accord.
Comme la très grande majorité de ses partenaires et la Commission européenne, la France appelle la présidence britannique à la responsabilité. Elle continuera à consacrer tous ses efforts à la conclusion d'un accord rapide et conforme à son ambition pour l'Europe, ainsi qu'au respect de l'un des principes fondateurs de la construction européenne : la solidarité.
Monsieur le rapporteur général, vous avez souligné que nos dix nouveaux partenaires avaient droit à l'équité et à la solidarité mais qu'aujourd'hui ils étaient déçus et inquiets. Je souhaite que la présidence britannique sache les rassurer rapidement, et je l'y encourage.
Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, comme vous êtes nombreux à l'avoir souligné, nos concitoyens ont exprimé le 29 mai dernier des préoccupations, des inquiétudes et des attentes : nous avons entendu leur message.
Méditons ce message, mais agissons aussi ! Si nous voulons que les Français adhèrent de nouveau au projet européen, il faut rendre l'Europe concrète, au moyen de politiques efficaces qui répondent aux défis d'aujourd'hui, en matière de développement économique et social, de sécurité, d'énergie et de démographie. Pour cela, il nous faut une Europe politique et solidaire.
Je sais que nous avons encore beaucoup à faire pour réaliser ces objectifs, comme l'a souligné à juste titre M. le rapporteur spécial. Mais sachez qu'à cet égard le Président de la République et le Gouvernement sont actifs, font des propositions et travaillent avec l'actuelle présidence, la future présidence autrichienne et tous nos partenaires des États membres. En effet, nous ne pourrons faire l'Europe que tous ensemble, même s'il est indiscutable que le couple franco-allemand doit continuer à jouer un rôle moteur.
Mesdames, messieurs les sénateurs, la France a de l'ambition pour l'Europe, tout simplement parce qu'elle a de l'ambition pour elle-même ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
Mme la présidente. Nous passons à la discussion de l'article 50.
Article 50
Le montant du prélèvement effectué sur les recettes de l'État au titre de la participation de la France au budget des Communautés européennes est évalué pour l'exercice 2006 à 17,995 milliards d'euros.
Mme la présidente. La parole est à M. François Fortassin, sur l'article.
M. François Fortassin. Il est de tradition de ne pas s'exprimer après un ministre. Mais, après tout, nous sommes la représentation nationale et, sans me départir de la courtoisie qui est de mise dans cette assemblée, je tiens à faire quelques remarques.
J'ai cru comprendre, en écoutant l'ensemble des sénateurs, de toutes sensibilités, qui se sont exprimés - certains avec force ! -, qu'ils étaient inquiets, que l'Europe ne correspondait plus à nos aspirations et qu'elle devait, sur le plan de la méthode, « changer de braquet » en s'efforçant à la pédagogie pour faire adhérer nos concitoyens à l'idée communautaire.
Madame la ministre, vous nous avez fait un exposé brillamment préparé par vos services. Vous nous avez donné des informations que nous connaissions déjà, pour avoir lu un certain nombre de documents sur le sujet. Mais j'ai vainement cherché dans votre intervention un souffle politique. Or je croyais que, dans notre République, un ministre était avant tout une personnalité politique !
Mme la présidente. L'amendement n° I-215 rectifié, présenté par MM. Retailleau et Darniche, est ainsi libellé :
Après les mots :
pour l'exercice 2006 à
rédiger comme suit la fin de cet article :
17 495 milliards d'euros, la France ne contribuant pas à l'ensemble des crédits de pré-adhésion versés à la Turquie
La parole est à M. Philippe Darniche.
M. Philippe Darniche. L'Europe qui se construit, et qui a été rejetée il y a six mois, lors du vote du traité constitutionnel, n'est pas celle que j'appelle de mes voeux. Elle a montré ses limites et ses difficultés, dues à un fonctionnement trop technocratique.
Depuis quarante ans, l'Europe se construit en annihilant la souveraineté des États qui la composent. Parce qu'on la souhaite fédérale, contrairement à ce que veulent les Françaises et les Français, elle est devenue sans âme.
La France reste attachée à la notion d'État-nation et à l'Europe des coopérations internationales, à l'Europe d'Airbus, à l'Europe qui laisse à chaque pays la possibilité de garder ses prérogatives juridiques sur son propre sol.
Madame le ministre, le peuple français, dans sa grande majorité, désapprouve le principe même de l'adhésion de la Turquie à l'Union européenne. En effet, ce pays n'est européen ni par sa géographie, ni par son histoire, ni par sa civilisation.
Ne nous leurrons pas ! L'adhésion, aujourd'hui probable, de la Turquie dans l'Union européenne sera sans précédent. Ne représente-t-elle pas, à elle seule, l'équivalent de l'élargissement à dix pays de l'Europe de l'Est ?
Or la Turquie, si elle était intégrée, serait à la fois le premier demandeur de fonds de l'Union, à hauteur de 25 milliards d'euros - soit un quart du budget européen, ce qui est considérable ! - et en position de décideur de premier rang à travers la nouvelle architecture institutionnelle contenue dans le traité constitutionnel. Jamais un pays entrant dans l'Europe n'aura autant profité d'un modèle « gagnant-gagnant » !
En se prononçant contre l'Europe, les Français ont massivement voté contre l'adhésion de la Turquie, qu'ils considèrent comme une véritable erreur historique. Or, depuis le référendum du 29 mai, il ne s'est rien passé. L'Europe et plus encore notre Président de la République ont fait la sourde oreille au message clair des Françaises et des Français. Ce qu'une majorité de nos concitoyens considèrent comme un contresens a été occulté par l'analyse du résultat du référendum.
Madame le ministre, mes chers collègues, l'amendement que Bruno Retailleau et moi-même avons déposé ne tend pas à supprimer la totalité des crédits affectés à la construction européenne, construction européenne que nous appelons de nos voeux tout en souhaitant un changement de méthode. Il a en revanche pour objet, dans la mesure où nous nous opposons catégoriquement à l'entrée de la Turquie dans l'Europe, de soustraire de l'engagement financier de 18 milliards d'euros les 500 millions d'euros affectés à l'adhésion de ce pays.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Denis Badré, rapporteur spécial. Mes chers collègues, la commission des finances vous demande, évidemment, de rejeter l'amendement de MM. Retailleau et Darniche, quel que soit le talent que M. Darniche vient de mettre à le défendre.
Il y a deux raisons à cet « évidemment », et d'abord une raison technique : c'est le Parlement européen qui vote les dépenses du budget européen.
M. Bernard Frimat. Absolument !
M. Denis Badré, rapporteur spécial. Le Parlement français n'a ni compétence ni qualité pour les voter, et c'est d'ailleurs l'un des défauts de la procédure budgétaire, défaut que je dénonçais tout à l'heure. Les parlements nationaux votent les ressources, le Parlement européen vote les dépenses. Il y a là quelque chose qui ne va pas, mais c'est ainsi, et l'amendement n° I-215 rectifié n'est donc pas recevable.
Mais, à cette raison, j'en ajouterai une un peu plus politique, en imaginant un instant que nous pouvons intervenir, afin de privilégier telle ou telle politique européenne, sur les dépenses que le prélèvement que nous votons permet d'engager.
Je pense que l'affaire de la candidature turque n'est pas pour rien dans l'échec du référendum du 29 mai et que l'arbre turc a un peu caché la forêt que représente l'Europe. Les arbres sont les dossiers que traite l'Union européenne et il nous faut les considérer comme tels - chaque arbre doit être planté, émondé, élagué, soigné et, le moment venu, coupé -mais pas plus, alors que l'Union européenne est notre projet. Nous ne devons jamais perdre de vue sa raison d'être, car elle n'est pas du même ordre.
Il faut de beaux arbres pour faire une belle forêt. Je souhaite qu'aujourd'hui on ne laisse pas à nouveau l'arbre turc qui a caché la forêt Europe le 29 mai nous empêcher de faire redémarrer le projet Europe, qui est la raison de l'engagement politique de nombre d'entre nous et qui est ce que notre génération pourra offrir de mieux à ses enfants. (M. Yves Pozzo di Borgo applaudit.)
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Colonna, ministre déléguée. Le Gouvernement fait volontiers sien l'avis de M. le rapporteur spécial.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Madame la ministre, cette histoire turque illustre assez bien toutes les ambiguïtés de l'Europe. En fait, le « problème » turc est déjà réglé, puisque la Turquie est entrée dans l'union douanière européenne au début des années quatre-vingt-dix, dans une espèce de clandestinité. Personne n'en a parlé !
J'amenais à l'époque, dans la Mayenne, un groupe de Chinois de Hong-Kong qui voulaient produire des téléviseurs à l'intérieur de l'Union européenne parce qu'ils avaient l'impression que l'Europe était une forteresse et qu'à défaut d'y produire leurs téléviseurs ils ne pourraient pas les vendre aux Européens. Les malheureux sont allés de déconvenues en déconvenues, car, au même moment, sans qu'il y ait eu le moindre débat démocratique, l'Europe s'est ouverte à la Turquie. Aujourd'hui, sur deux téléviseurs vendus dans l'Union européenne, un au moins est fabriqué en Turquie. Et, tout à l'heure j'évoquais le dépliant de ce parc d'activités turc qui s'appelle European Free Zone, et tout ce qui est envoyé aux industriels français...
Madame la ministre, il faut que nous sortions de toutes ces ambiguïtés : on ne peut pas avoir un discours pour les Français qui les « caresse dans le sens du poil » et laisser filer systématiquement les négociations. Y a-t-il eu un jour un commissaire à la concurrence, participant aux négociations de l'OMC, dont la feuille de route aurait pu être assumée par chaque chef d'État ou de gouvernement des pays membres de l'Union européenne ?
On laisse « filer le bouchon », puis, un beau jour, on est confronté aux réactions d'acteurs économiques souvent malmenés par les ouvertures douanières ! Si l'entrée de la Turquie doit se produire, il faut l'assumer et en tirer les conséquences en modifiant immédiatement nos propres législations internes plutôt que de rester accrochés à un modèle social qui n'est plus adapté à la mondialisation.
Vous rendriez donc un immense service à nos compatriotes, madame la ministre, en mettant fin à toutes ces ambiguïtés. L'Europe ne peut pas être le refuge et le paravent. Sinon, nous allons au devant d'autres déconvenues à côté desquelles le 29 mai apparaîtra comme bien peu de choses !
Comme notre débat sur la Turquie, notre discussion de ce matin ne changera rien, puisque nous sommes face à une obligation. Nous vivons un exercice formel,...
M. Robert Bret. C'est d'ailleurs vrai de tout le débat budgétaire !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. ...très intéressant d'ailleurs, et les interventions de Mme la ministre, du rapporteur spécial, du rapporteur général et de chacun d'entre vous, mes chers collègues, auront constitué un grand moment pour le débat parlementaire, mais pour la forme, car il s'agit ici, je le répète, d'entériner une obligation.
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote.
M. Bernard Frimat. Je rejoins M. Arthuis sur la fin de son propos. J'ai souligné tout à l'heure qu'en effet nous ne faisions, dans ce débat, que respecter les engagements internationaux de la France et que nous n'avions le pouvoir ni de fixer le montant du prélèvement ni de ne pas voter le montant prévu.
Cela est vrai alors même que nous avons, de surcroît, la quasi-certitude aujourd'hui que le montant que nous allons voter ne sera pas respecté. Sera-t-il plus ou moins élevé ? Nous l'ignorons, mais cela donne toute sa plénitude à ce débat qui nous permet en effet, monsieur le président de la commission, de ne parler que pour l'intérêt de la chose !
En tout état de cause, le groupe socialiste votera contre cet amendement, traduction financière d'une obsession déjà maintes fois ressassée, en premier lieu pour les raisons techniques excellemment rappelées par Denis Badré : nous ne sommes pas le Parlement européen et nous ne discutons pas des dépenses du budget européen. À la limite, nous ne discutons même pas du montant des recettes, puisque ce montant s'impose à nous. On a bien vu que l'augmenter ou le diminuer de 500 millions d'euros n'avait aucun effet.
En second lieu, nous ne pouvons pas admettre que des engagements de la France ne soient pas respectés. On peut être plus ou moins favorable à un engagement, mais, une signature, cela s'honore, et, dès lors que la signature a été apposée, la Turquie est effectivement entrée dans une mécanique de pré-adhésion. C'est peut-être la plus difficile, la plus sérieuse et la plus sévère qui puisse être imaginée, mais il faut respecter les règles de l'Union européenne telles qu'elles existent.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° I-215 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures quinze.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à treize heures dix, est reprise à quinze heures vingt, sous la présidence de M. Christian Poncelet.)