sommaire
présidence de M. Jean-Claude Gaudin
2. Décision du Conseil constitutionnel
3. Déductibilité de la pension alimentaire. - Adoption des conclusions modifiées du rapport d'une commission
Discussion générale : MM. Philippe Marini, rapporteur de la commission des finances ; François Loos, ministre délégué à l'industrie ; Nicolas About, Mme Marie-France Beaufils.
M. le ministre délégué.
Clôture de la discussion générale.
Amendement no 2 du Gouvernement. - MM. le ministre délégué, le rapporteur, Jean Arthuis, président de la commission des finances. - Adoption de l'amendement supprimant l'article.
M. Dominique Mortemousque.
Adoption de la proposition de loi.
Suspension et reprise de la séance
présidence de M. Adrien Gouteyron
4. Communication relative à une commission mixte paritaire
5. Demande d'autorisation de missions d'information
6. Droit de vote et d'éligibilité des étrangers aux élections municipales. - Demande de discussion immédiate d'une proposition de loi constitutionnelle
7. Application de la loi relative au développement des territoires ruraux. - Discussion d'une question orale avec débat
MM. Jean-Paul Émorine, auteur de la question ; Jean-Marc Pastor, Jacques Blanc, Aymeri de Montesquiou, Daniel Soulage, Paul Raoult, Bruno Sido, Gérard Delfau, Thierry Repentin.
M. Dominique Bussereau, ministre de l'agriculture et de la pêche.
Clôture du débat.
8. Prévention et répression des violences au sein du couple. - Adoption d'une proposition de loi en deuxième lecture
Discussion générale : M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice ; Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité ; MM. Jean-Jacques Hyest, en remplacement de M. Henri de Richemont, rapporteur de la commission des lois ; Philippe Goujon.
Suspension et reprise de la séance
Mmes Josiane Mathon-Poinat, M. le rapporteur, Mme Muguette Dini, M. Roland Courteau, Mmes Joëlle Garriaud-Maylam, Gisèle Gautier, M. Jean-Paul Virapoullé.
Clôture de la discussion générale.
Article additionnel avant l'article 1er B
Amendements identiques nos 1 de la commission et 27 de M. M. Robert Badinter. - MM. le rapporteur, Robert Badinter, Mme la ministre déléguée. - Adoption des deux amendements insérant un article additionnel.
Amendement no 2 de la commission. - MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Amendement no 3 de la commission. - MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption de l'amendement rédigeant l'article.
Amendement no 4 rectifié de la commission. - MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption de l'amendement rédigeant l'article.
Amendement no 5 de la commission. - MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption de l'amendement supprimant l'article.
Article additionnel avant l'article 1er
Amendement no 14 rectifié de Mme Muguette Dini. - Mme Muguette Dini, MM. le rapporteur, le garde des sceaux, Patrice Gélard. - Rejet.
Articles additionnels avant l'article 1er ou après l'article 5
Amendements nos 18 de Mme Josiane Mathon-Poinat et 30 de M. Roland Courteau. - Mmes Josiane Mathon-Poinat, Gisèle Printz, MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejet des deux amendements.
Article additionnel avant l'article 1er
Amendement no 19 de Mme Josiane Mathon-Poinat. - Mme Josiane Mathon-Poinat, M. le rapporteur, Mme la ministre déléguée. - Rejet.
Articles additionnels avant l'article 1er ou après l'article 5
Amendements nos 16 de Mme Muguette Dini, 20 de Mme Josiane Mathon-Poinat et 28 rectifié de M. M. Robert Badinter. - Mmes Muguette Dini, Annie David, Gisèle Printz, M. le rapporteur, Mme la ministre déléguée. - Rejet des trois amendements.
Article additionnel avant l'article 1er
Amendement no 21 de Mme Josiane Mathon-Poinat. - Mme Josiane Mathon-Poinat, MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejet.
Articles additionnels après l'article 1er
Amendements nos 13 rectifié de M. Guy Branger et 15 de Mme Muguette Dini. - Mmes Gisèle Gautier, Muguette Dini, MM. le rapporteur, le garde des sceaux, Roland Courteau, Patrice Gélard. - Rejet, par scrutin public, de l'amendement no 13 rectifié ; Rejet de l'amendement no 15.
Article additionnel après l'article 3
Amendement no 29 de M. Roland Courteau. - Mme Michèle André, MM. le rapporteur, le garde des sceaux, Roland Courteau. - Rejet.
Amendement no 6 de la commission. - M. le rapporteur, Mmes la ministre déléguée, Michèle André. - Adoption de l'amendement rédigeant l'article.
Article additionnel après l'article 4
Amendement no 11 de Mme Gisèle Gautier. - Mme Gisèle Gautier, MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Retrait.
Amendements identiques nos 7 rectifié de la commission et 32 de M. Roland Courteau. - MM. le rapporteur, Roland Courteau, Mme la ministre déléguée. - Adoption des deux amendements.
Adoption de l'article modifié.
Articles additionnels après l'article 5 ou avant l'article 5 bis
Amendements nos 24 de Mme Josiane Mathon-Poinat et 31 de M. Roland Courteau. - Mmes Josiane Mathon-Poinat, Michèle André, MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejet des deux amendements.
Amendement no 8 de la commission. - MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption de l'amendement supprimant l'article.
Articles additionnels après l'article 5 bis A ou après l'article 5 bis B
Amendements nos 12 de Mme Gisèle Gautier et 34 de M. Roland Courteau. - Mme Gisèle Gautier, MM. Roland Courteau, le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejet des deux amendements.
Amendements identiques nos 9 de la commission et 22 de Mme Josiane Mathon-Poinat ; amendement n° 33 de M. Roland Courteau. - M. le rapporteur, Mmes Josiane Mathon-Poinat, Gisèle Printz, M. le garde des sceaux. - Adoption des amendements nos 9 et 22 supprimant l'article, l'amendement no 33 devenant sans objet.
Articles additionnels après l'article 5 bis B
Amendement no 17 rectifié de Mme Muguette Dini. - Mme Muguette Dini, MM. le rapporteur, le garde des sceaux, Roland Courteau. - Rejet.
Amendement no 35 de M. Roland Courteau. - Mme Christiane Demontès, MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejet.
Article additionnel avant l'article 5 bis
Amendement no 23 de Mme Josiane Mathon-Poinat. - Mme Josiane Mathon-Poinat, MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejet.
Amendement no 25 de Mme Josiane Mathon-Poinat. - Mme Hélène Luc, M. le rapporteur, Mme la ministre déléguée. - Rejet.
Adoption de l'article.
Amendement no 10 de la commission. - MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Articles 5 quinquies et 5 sexies. - Adoption
Intitulé de la proposition de loi
Amendement no 26 de M. Roland Courteau. - MM. Roland Courteau, le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejet.
Mmes Michèle André, Josiane Mathon-Poinat.
Adoption de la proposition de loi.
9. Droit de vote et d'éligibilité des étrangers aux élections municipales. - Rejet d'une demande de discussion immédiate d'une proposition de loi constitutionnelle
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, auteur de la demande ; MM. Patrice Gélard, Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois ; Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice.
Rejet, par scrutin public, de la demande de discussion immédiate.
10. Mise au point au sujet d'un vote
MM. Pierre André, le président.
11. Dépôt d'une question orale avec débat
12. Dépôt de propositions de loi
13. Textes soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution
15. Ordre du jour
compte rendu intégral
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Claude Gaudin
vice-président
1
PROCÈS-VERBAL
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
DÉcision du Conseil constitutionnel
M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le président du Conseil constitutionnel, par lettre en date du 19 janvier 2006, la décision rendue par le Conseil constitutionnel qui concerne la conformité à la Constitution de la loi relative à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers.
Cette décision du Conseil constitutionnel a été publiée au Journal officiel, édition des lois et décrets.
Acte est donné de cette communication.
3
Déductibilité de la pension alimentaire
Adoption des conclusions modifiées du rapport d'une commission
M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions de la commission des finances sur la proposition de loi de M. Nicolas About visant à prolonger la déductibilité de la pension alimentaire versée par un parent séparé ou divorcé pour l'entretien de son enfant lorsque celui-ci devient majeur tout en restant rattaché au foyer fiscal de son autre parent (n° 162).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini, rapporteur de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi de notre collègue M. Nicolas About, sur laquelle je vous livrerai dans un instant les conclusions de la commission des finances, a le grand mérite de nous conduire à réfléchir ensemble, loin de l'urgence de l'examen des lois de finances, à un véritable problème de société.
Derrière un intitulé technique apparemment complexe, cette proposition de loi a pour objet de répondre à un problème matériel d'un nombre malheureusement toujours plus grand de familles.
La séparation et la fragilité des couples constituent un fait de société qu'il ne nous appartient pas de juger. En revanche, il nous incombe d'en tirer les conséquences fiscales aussi équitables que possible. Dans notre pays - et il faut s'en réjouir -, le régime fiscal fait une large place à l'enfant et à la famille dans la détermination de l'impôt sur le revenu des personnes physiques.
Je rappellerai quelques chiffres.
En France, le taux global de divorce atteindrait aujourd'hui plus de 45 %, contre 30 % voilà une vingtaine d'années et seulement 10 % en 1970. De ce point de vue, nous nous rapprochons lentement de la moyenne des pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques, l'OCDE.
En outre, en France, en ce début de siècle, sur un peu plus de 16 millions d'enfants de moins de vingt-cinq ans, trois enfants sur quatre vivent avec leurs deux parents, un sur quatre demeurant avec un seul de ses deux parents. On estime que 1,6 million d'enfants de moins de vingt-cinq ans sont membres de familles dites « recomposées ».
En d'autres termes, mes chers collègues, la famille, lieu d'équilibre et d'épanouissement à la fois personnel et collectif, lieu des apprentissages fondamentaux pour l'individu et pour la société, se trouve en première ligne face à ce que l'on pourrait appeler les accidents ou l'instabilité de la vie privée.
Devant cette situation, dans quelle mesure et sur quelles bases le régime de l'impôt sur le revenu doit-il tenir compte de ce phénomène de séparation et d'instabilité des couples ? C'est à cette question que la commission des finances a été amenée à réfléchir, grâce à la proposition de loi déposée par notre collègue M. Nicolas About.
Mon propos s'articulera autour de trois points. Tout d'abord, je rappellerai quelques éléments de la situation fiscale actuelle. Ensuite, je proposerai une réflexion sur les deux logiques d'équité qu'il nous faut concilier. Enfin, j'exposerai la position à laquelle la commission des finances est parvenue à l'issue d'une discussion tout à fait fournie et active. Ce sujet a, en effet, mobilisé nombre de nos collègues, monsieur le ministre.
La proposition de loi de M. Nicolas About pointe une iniquité. Pour le parent qui verse une pension alimentaire, le régime de déductibilité fiscale est soumis à deux dispositifs apparemment incohérents, selon que l'enfant est mineur ou non.
Lorsque l'enfant est mineur, la pension alimentaire est déductible sans limitation du revenu de celui qui la verse et est en revanche imposable au niveau du foyer fiscal de rattachement de l'enfant.
Toutefois, une fois que l'enfant a atteint dix-huit ans, la déductibilité est plafonnée à 4 489 euros, ce qui correspond à la limite de l'avantage fiscal de droit commun valable également pour les couples mariés.
Les raisons historiques d'une telle situation sont fort simples.
En 1982, lorsque l'avantage fiscal résultant du quotient familial a été plafonné, il a été décidé de ne pas appliquer cette mesure aux pensions. Sans doute a-t-on alors considéré que les pensions étaient une contrainte ayant un caractère indemnitaire et qu'elles ne relevaient pas, de ce fait, d'un choix délibéré du contribuable.
On aurait pu ajouter, à l'appui de cette règle, que ce régime de déplafonnement des pensions alimentaires - qu'il faut bien considérer comme un régime de faveur - se justifie pour permettre aux familles dissociées de faire face aux problèmes matériels et, sans doute aussi, dans une large mesure, aux troubles affectifs que peuvent connaître les enfants du fait de la séparation de leurs parents.
Pour la commission des finances, la seule question qui se pose est celle de l'égalité devant l'impôt. Or deux conceptions de la justice fiscale s'affrontent dans ce débat. Pour les simplifier, je les qualifierai respectivement d'« équité horizontale » et d'« équité verticale ».
D'une part, mes chers collègues, il est possible de comparer la situation des couples dissociés, ou couples rompus, avec celle des couples qui forment un seul foyer fiscal, au regard des charges consécutives à l'entretien d'un enfant majeur. Dans cette logique d'équité horizontale, ces charges étant peu ou prou les mêmes, nous sommes amenés à considérer que rien ne justifie de prolonger l'avantage accordé pour les enfants mineurs une fois que ceux-ci ont atteint leur majorité.
D'autre part, si l'on se borne à ne considérer que le cas des couples dissociés, et eu égard notamment au phénomène d'allongement de la durée des études, il faut considérer, à l'instar de notre collègue M. Nicolas About, que la rupture n'est pas compréhensible. Celui qui verse une pension est surpris de constater que la déductibilité de la pension alimentaire est subitement plafonnée, une fois que son enfant a atteint dix-huit ans.
Face à ce véritable dilemme, la commission des finances vous appelle, mes chers collègues, à adopter une position que je qualifierais de compromis entre les deux logiques. À la suite d'une discussion nourrie, elle a dégagé les orientations que je vous propose dans les présentes conclusions.
Dès lors qu'il n'est pas possible de revenir sur les droits acquis reconnus aux familles séparées pour les enfants mineurs, il semble raisonnable de vous proposer d'étendre le régime fiscal de déductibilité sans plafond, mais en restreignant le bénéfice de la mesure aux seules pensions versées en application d'une décision de justice.
En cantonnant ainsi la mesure, nous voulons surtout prévenir les tentations d'optimisation fiscale qui ne manqueraient pas de se faire jour si l'on ouvrait complètement le dispositif, car les capacités contributives des différents foyers fiscaux concernés peuvent être très diverses.
Notre objectif est donc essentiellement d'éviter de donner une prime aux plus astucieux, aux plus habiles. Il ne s'agit pas particulièrement d'un objectif budgétaire. En effet, même si l'on ne sait pas véritablement le chiffrer de façon rigoureuse, le coût de cette proposition de loi serait a priori relativement limité, à savoir de l'ordre de quelques dizaines de millions d'euros.
Pour conclure, je voudrais dire que la solution de compromis donne satisfaction pour l'essentiel au souhait exprimé à juste titre par M. Nicolas About sans contrevenir au principe constitutionnel d'égalité devant l'impôt, dès lors que l'avantage fiscal est limité aux pensions qui sont pour ainsi dire imposées de l'extérieur et dont la définition et le quantum sont des contraintes pour celui qui les verse. Cet avantage fiscal ne saurait donc s'appliquer aux pensions qui pourraient être librement décidées par les parties.
Bref, dans un souci de cohérence, nous avons cherché une voie étroite afin de préserver les intérêts de l'enfant sans créer de nouvelles commodités fiscales pour les parents.
Tels sont, monsieur le ministre, mes chers collègues, les éléments d'analyse que je voulais vous livrer au nom de la commission des finances. La rédaction tenant compte de l'option que nous recommandons permettrait de respecter l'esprit de la proposition de loi de M. About, tout en la délimitant. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. Michel Moreigne. Ad augusta per angusta !
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. François Loos, ministre délégué à l'industrie. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais d'abord remercier M. About d'avoir déposé cette proposition de loi, qui répond à une vraie difficulté à laquelle sont confrontés les parents divorcés. La discontinuité de traitement fiscal des parents séparés est difficile à comprendre.
Je voudrais également remercier la commission des finances, tout particulièrement son rapporteur, d'avoir mené cet important travail d'analyse des différentes logiques sous-tendant la situation actuelle, qui doit évoluer. J'ai d'ailleurs particulièrement apprécié, et trouvée parlante, la présentation sous la forme d'un équilibre vertical et d'un équilibre horizontal.
L'équilibre horizontal qui prévalait jusqu'à présent avait l'inconvénient de ne pas tenir compte du fait que les parents séparés n'habitent plus ensemble. La solution préconisée par la proposition de loi est meilleure.
Mon collègue Jean-François Copé avait annoncé au cours de la discussion budgétaire qu'une réflexion sur ce sujet serait engagée. Le Sénat l'a menée et elle a abouti à cette proposition de loi remaniée.
Souhaitant que cette proposition de loi soit adoptée en l'état, le Gouvernement donne un avis favorable sur ce texte et lèvera le gage sur le financement de la mesure en vous présentant tout à l'heure un amendement visant à supprimer l'article 3.
M. Philippe Marini, rapporteur. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Nicolas About.
M. Nicolas About. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en déposant en mai dernier la proposition de loi visant à prolonger la déductibilité de la pension alimentaire, que nous examinons aujourd'hui, j'ai surtout voulu dénoncer une inégalité de traitement en matière fiscale qui me paraissait particulièrement injuste.
En effet, comment comprendre qu'un parent divorcé ou séparé bénéficiant d'une déduction fiscale déplafonnée pendant toute la minorité de son enfant du fait qu'il verse une pension alimentaire pour son entretien puisse se voir appliquer un plafond dès les dix-huit ans de son enfant ?
L'obligation alimentaire, qui lie moralement et légalement un parent à ses enfants, ne cesse pas, quant à elle, à la majorité de ces derniers. On le sait bien, l'entrée beaucoup plus tardive des jeunes dans la vie active, la poursuite des études, les difficultés pour trouver un logement nécessitent aujourd'hui un soutien parental prolongé. Ce soutien est même souvent bien plus important lorsque l'enfant devient adulte, car les charges sont alors décuplées.
Appliquer un plafond est alors non seulement une injustice financière pour le parent débiteur, mais également une injustice morale dans la mesure où cela vient, en quelque sorte, taxer un lien symbolique qui unit un parent à son enfant dans des situations familiales complexes où la séparation laisse bien souvent des traces et crée des manques dans les liens affectifs.
Mais revenons à l'aspect financier.
Pour atteindre une réelle équité, il faudrait que l'opération soit parfaitement neutre pour l'administration fiscale. Or un rapide calcul à partir du barème de 2005 montre que, si l'on part de l'hypothèse d'un revenu imposable de 2 500 euros par mois pour les deux parents, soit 30 000 euros par an, avec le versement mensuel d'une pension alimentaire d'un parent à l'autre de 800 euros, on constate que ce qui était au départ une opération blanche, quand l'enfant était mineur - le parent débiteur déduisant la pension de ses revenus imposables et le parent receveur déclarant la pension dans ses revenus, tout en bénéficiant d'une demi-part supplémentaire -, apporte en fin de compte un gain de 112 euros à l'État, si mes calculs sont exacts, quand l'enfant devient majeur. Ce gain n'a pas de justification fiscale, puisque, je le rappelle, l'opération pour être plus juste aurait dû rester neutre.
J'ai également suivi les débats qui ont eu lieu dans cette enceinte autour de l'amendement que j'avais déposé sur le projet de loi de finances. Celui-ci, qui était identique à cette proposition de loi, fut repris et défendu avec talent par M. Philippe Marini, que je remercie à cette occasion.
Je comprends l'argument qui a été avancé par M. le ministre lors de ce débat et selon lequel le maintien d'un tel plafond s'explique par la nécessité de ne pas instaurer une nouvelle inégalité de traitement entre les contribuables : les uns, séparés ou divorcés dont les enfants majeurs seraient rattachés au foyer de leur autre parent, bénéficieraient d'un déplafonnement et les autres, contribuables de « droit commun » souhaitant pour des raisons fiscales - M. le rapporteur l'a rappelé - rattacher leur enfant majeur dans leur déclaration, n'en bénéficieraient pas. Ne remplaçons pas une inégalité fiscale par une autre !
L'objectif visé n'est certainement pas non plus d'accorder une déductibilité déplafonnée à tout le monde, ce qui, sous prétexte d'égalité « par le haut », offrirait un bon moyen d'évasion fiscale et créerait ainsi indirectement de plus graves inégalités en raison de la perte de recettes induites pour la collectivité.
En ce sens, la position adoptée par la commission des finances me paraît particulièrement sage et équilibrée. Accepter de prolonger la déductibilité des pensions alimentaires lorsque l'enfant devient majeur est une grande avancée. Limiter cette prolongation aux montants des pensions alimentaires fixés par le juge est une garantie nécessaire et suffisante pour éviter d'éventuelles ententes fiscales entre les ex-conjoints.
L'objectif de notre vote, mes chers collègues, doit rester clair : une plus grande équité fiscale, certes, mais dans le seul but de favoriser la permanence des liens de solidarité entre les parents et les enfants issus d'une séparation ou d'un divorce. N'offrons pas l'occasion à certains de se servir d'une situation de divorce comme d'une source d'économies fiscales supplémentaires, mais agissons dans l'intérêt même des familles !
Pour conclure, je tiens à remercier la commission des finances, en particulier son rapporteur et son président, ainsi que le Gouvernement, car la position qui a été adoptée devrait apporter un peu plus de sérénité dans nos familles. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le moins que l'on puisse dire est que le rapport qui présente les conclusions de la commission des finances sur la proposition de loi visant à prolonger la déductibilité de la pension alimentaire versée en cas de divorce est quelque peu contradictoire.
En effet, « M. Philippe Marini, rapporteur général, a identifié deux raisonnements concurrents, l'un consistant à rechercher l'équité horizontale en comparant la situation fiscale des couples mariés et des couples séparés, ce qui aboutissait au rejet de la proposition et tendait même à remettre en cause la déductibilité intégrale des pensions alimentaires versées au titre d'enfants mineurs, l'autre consistant à s'attacher à la continuité du traitement fiscal des situations en cours, ce qui aboutissait à accueillir favorablement la proposition. »
Pour ma part, je me bornerai à faire quelques observations soulevées par la proposition de loi de M. About.
En cas de divorce, le versement d'une pension alimentaire est déterminé par principe, en matière civile, à concurrence de la faculté contributive du parent assumant cette charge au bénéfice de celui qui assure l'essentiel de l'éducation du ou des enfants du ménage séparé.
L'allongement de la scolarité des enfants est probablement au coeur de la question posée - M. About vient de le rappeler -, d'autant que, face à la précarité de l'emploi des jeunes, l'exigence d'une formation initiale sérieuse apparaît comme un garde-fou. D'ailleurs, au moment même où se trouve mis sur orbite le contrat « première embauche », on ne peut que souligner que ce n'est malheureusement pas ce qui réduira la précarité, bien au contraire !
On doit aussi le souligner, comme nous l'avons vu lors du débat budgétaire, l'action sociale en direction des étudiants est dans une crise profonde, qu'il s'agisse du système des bourses d'études comme de l'aide sociale sous toutes ses formes, et je pense ici notamment à la question du logement étudiant.
Nous ne pouvons donc regarder le texte que sous le seul angle de la fiscalité.
Il y a aujourd'hui neutralité fiscale du versement des pensions. La déduction admise pour le débiteur, quel que soit son montant, est symétriquement reproduite en tant que revenu pour le créancier.
Dans l'absolu, un contribuable déduisant 6 000 euros par an pour un enfant mineur bénéficie d'une remise d'impôt plus ou moins importante, selon son niveau d'imposition.
Aujourd'hui, cette remise peut atteindre 2 885 euros au niveau de la tranche supérieure d'imposition, tandis que le créancier ou, plus souvent d'ailleurs, l'ex-épouse recevant la pension compte tenu de la réalité d'aujourd'hui peut se retrouver avec une imposition marginale de quelques dizaines ou centaines d'euros du fait du versement de cette pension.
Lorsque l'enfant atteint sa majorité, cette pension est plafonnée à 4 489 euros, au barème actuel, mais elle l'est dans les deux sens. Par conséquent, si notre contribuable débiteur ne peut plus déduire un peu plus de 1 500 euros, soit environ 727 euros de droits à payer en moins, le créancier n'a plus à déclarer le montant antérieur.
Autoriser demain, comme le prévoit la proposition de loi, même modifiée par la commission des finances, la déductibilité de la totalité de la pension alimentaire versée conduirait à permettre au débiteur de continuer à optimiser fiscalement ses obligations civiles et contraindrait le créancier à supporter une partie du coût de cette optimisation.
L'effet pervers induit par l'adoption et la mise en oeuvre de la présente proposition de loi pourrait donc être une demande de réduction du montant de la pension versée. Est-ce l'effet recherché ? Ce n'est pas ce que j'ai cru comprendre des propos de notre collègue !
À la vérité, on peut même se demander si une telle proposition de loi a vraiment un sens et un intérêt profond pour les contribuables.
En effet, pour assurer la neutralité fiscale du dispositif, on contraindrait les enfants majeurs à déposer une déclaration en leur nom propre, l'essentiel de leurs revenus imposables étant, dès lors, constitué par la pension alimentaire.
De fait, cette proposition de loi est discutable du point de vue de la justice fiscale et elle risque de ne jouer pleinement son rôle que pour les contribuables dont les obligations alimentaires excèdent le montant forfaitairement admis pour l'impact du quotient familial.
Cette proposition de loi ne peut donc véritablement intéresser que les contribuables les plus aisés. De plus, elle risque de pénaliser, même si ce n'est que marginalement, les parents ayant finalement assumé l'éducation des enfants.
Nous ne savons pas s'il convient de donner force de loi à ce qui n'est qu'une « niche fiscale » supplémentaire en faveur de tous ceux qui usent et abusent déjà de manière significative de ce genre de dispositif !
Nous n'approuvons ni le texte initial de la proposition de loi ni celui qui ressort des conclusions de la commission des finances et voterons contre.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. François Loos, ministre délégué. Tout d'abord, je voudrais remercier M. About de la proposition de loi dont il est l'auteur.
Ensuite, je répondrai à Mme Beaufils, qui désapprouve l'obligation de déclaration pour les enfants majeurs, que c'est déjà le cas et que cela fait partie des principes généraux de notre fiscalité.
Mme Marie-France Beaufils. Ce n'est pas l'objet de mon reproche !
M. François Loos, ministre délégué. Cette proposition n'a donc absolument rien de dommageable. Au contraire, elle favorise la fiscalité des personnes concernées.
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Article 1er
Après le troisième alinéa du 2° du II de l'article 156 du code général des impôts, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« La limite mentionnée à l'alinéa précédent ne s'applique pas aux pensions alimentaires versées en application des dispositions de l'article 373-2-2 du code civil, lorsque leurs modalités sont fixées par la convention homologuée visée à l'article 373-2-7 du code civil ou, à défaut, par le juge. »
M. le président. Je mets aux voix l'article 1er.
M. Yves Fréville. Je m'abstiens.
M. Michel Moreigne et Mme Marie-France Beaufils. Nous votons contre.
(L'article 1er est adopté.)
Article 2
Les dispositions de l'article 1er s'appliquent aux pensions alimentaires versées à compter du 1er janvier 2006. - (Adopté.)
Article 3
La perte de recettes entraînée par l'application de l'article 1er est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus à l'article 575 A du code général des impôts.
M. le président. L'amendement n° 2, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé
Supprimer cet article.
La parole est à M. le ministre délégué.
M. François Loos, ministre délégué. Dans la mesure où le Gouvernement est favorable aux conclusions du rapport fait au nom de la commission des finances sur cette proposition de loi, il lève le gage en demandant la suppression de l'article 3.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur. La commission est bien entendu favorable à cet amendement.
Je profite de cette occasion pour dire de nouveau tout l'intérêt qu'offre la méthode qui a été employée. Nous avons pratiqué, en quelque sorte, un jeu avisé qui tient compte de l'usage de la proposition de loi et du bon fonctionnement du débat sur la loi de finances.
C'est une bonne méthode, car un problème a été identifié et la discussion budgétaire a permis de faire avancer la réflexion, qui n'était pas encore complètement mûre en novembre et en décembre dernier. La proposition de loi que dont nous débattons aujourd'hui revient sur cette question afin de trouver le juste équilibre.
Contrairement à ce qu'a dit Mme Beaufils, je pense que nous y sommes réellement parvenus en limitant notre approche aux pensions versées sur décision de justice.
Ce texte ne porte pas atteinte aux principes de notre fiscalité, n'ouvre la voie à aucune optimisation particulière et évite ainsi, car beaucoup d'entre nous étaient sensibles à cet aspect, de favoriser fiscalement les couples séparés par rapport aux couples formant un foyer fiscal.
Je le répète, nous somme arrivés à un équilibre judicieux et je me réjouis que le Gouvernement partage ce point de vue et le manifeste en levant le gage.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je me réjouis de la position prise par le Gouvernement et de l'accueil si bienveillant qu'il a réservé à cette proposition de loi.
Je rappelle que la commission des finances prohibe toute discussion de nature fiscale en dehors de l'examen des projets de loi de finances ; mais vous aurez compris, mes chers collègues, qu'il s'agit ici d'un prolongement de la discussion budgétaire. (Mme Marie-France Beaufils s'esclaffe.)
M. Philippe Marini, rapporteur. Voilà !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Nous ne devons donc pas voir là une infraction à la règle que nous avons posée et que nous rappelons sans cesse !
Mme Marie-France Beaufils. C'est un peu tiré par les cheveux !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Nous obéissons simplement à la nécessité de pouvoir prolonger sereinement une discussion.
À cet égard, je salue Nicolas About pour son initiative, qui a suscité, comme l'a rappelé notre rapporteur, une discussion particulièrement vive. Il a donc « stimulé » la réflexion fiscale et je ne peux que l'en remercier.
Je remercie également Philippe Marini d'avoir fait émerger, au terme de ce débat très prometteur, une réponse qui me semble fondée sur l'équité.
En conséquence, j'espère que le Sénat votera dans l'enthousiasme les conclusions de la commission sur la proposition de loi. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. Avant de mettre aux voix les conclusions modifiées de la commission des finances sur la proposition de loi, je donne la parole à M. Dominique Mortemousque, pour explication de vote.
M. Dominique Mortemousque. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous venons d'assister à une explication claire sur le problème du plafond de déduction des 4 489 euros dès lors que l'enfant devient majeur.
La proposition de loi de Nicolas About tend à autoriser la déduction intégrale des pensions alimentaires afin de mettre un terme à une différence de régime qui, de prime abord, paraît choquante, comme cela est souligné dans l'exposé de motifs.
M. Marini a insisté sur un point fondamental, notamment pour le Sénat. La question n'est pas uniquement de savoir s'il faut créer ou non une « niche » fiscale ; nous devons plutôt nous interroger sur la cohérence d'une telle mesure avec les règles qui régissent les pensions alimentaires et le quotient familial.
Par ailleurs, M. le rapporteur a souligné les risques d'optimisation fiscale liés à un éventuel déplafonnement au-delà de la majorité des enfants.
Dans ces conditions, le groupe UMP approuve la volonté de cantonner les effets de la mesure proposée et de réserver la déductibilité aux pensions alimentaires fixées par une décision de justice.
Nous voterons les conclusions de la commission des finances, car elles constituent un bon point d'équilibre. Nous souhaitons néanmoins que la navette parlementaire soit mise à profit pour approfondir la réflexion sur ce sujet sensible dont nous devons bien mesurer les implications directes et surtout indirectes.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix, modifiées, les conclusions du rapport de la commission des finances sur la proposition de loi n° 331.
(La proposition de loi est adoptée.)
M. le président. Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à onze heures quarante, est reprise à seize heures cinq, sous la présidence de M. Adrien Gouteyron.)
PRÉSIDENCE DE M. Adrien Gouteyron
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
4
Communication relative À UNE COMMISSION MIXTE PARITAIRE
M. le président. J'informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à l'égalité salariale entre les femmes et les hommes est parvenue à l'adoption d'un texte commun.
5
DEMANDE D'AUTORISATION DE MISSIONs D'INFORMATION
M. le président. M. le président du Sénat a été saisi de deux demandes tendant à obtenir du Sénat l'autorisation de désigner des missions d'information par :
- M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois, en vue, d'une part, de mener des missions de contact dans plusieurs capitales de l'Union européenne avec les parlementaires de ces pays sur le processus de ratification de la Constitution européenne et, d'autre part, d'organiser des déplacements en Allemagne et aux Pays-Bas afin d'approfondir la question des mesures de sûreté vis-à-vis des personnes considérées comme dangereuses ;
- M. Serge Vinçon, président de la commission des affaires étrangères, en vue de se rendre en Chine pour apprécier les objectifs de la politique étrangère de ce pays ainsi que l'évolution de son outil militaire.
Le Sénat sera appelé à statuer sur ces demandes dans les formes fixées par l'article 21 du règlement.
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Droit de vote et d'éligibilité des étrangers aux élections municipales
Demande de discussion immédiate d'une proposition de loi constitutionnelle
M. le président. En application de l'article 30 du règlement, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, présidente du groupe CRC, et M. Jean-Pierre Bel, président du groupe socialiste, rattachés et apparentés, demandent la discussion immédiate de la proposition de loi constitutionnelle visant à accorder le droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales aux étrangers non ressortissants de l'Union européenne résidant en France (n° 167, 2005-2006).
Cette demande est signée par au moins trente sénateurs.
Conformément au quatrième alinéa de l'article 30 du règlement, il va être procédé à l'appel nominal des signataires.
Huissiers, veuillez procéder à l'appel nominal.
(Répondent à l'appel de leur nom les signataires suivants : Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, M. Jean-Pierre Bel, Mme Marie-Christine Blandin, MM. Jean-Pierre Godefroy, Jean-Pierre Sueur, Charles Gautier, Mme Patricia Schillinger, MM. Jean-Marc Todeschini, Jean-Claude Peyronnet, Bernard Frimat, Mme Odette Herviaux, MM. Didier Boulaud, Yannick Bodin, Jean-François Picheral, Pierre Mauroy, Claude Domeizel, Roland Courteau, Raymond Courrière, Richard Yung, Yves Dauge, Serge Lagauche, Jean-Marc Pastor, Daniel Reiner, Jean-Pierre Michel, Jean-Luc Mélenchon, Mme Dominique Voynet, M. Jacques Mahéas, Mmes Claire-Lise Campion, Raymonde Le Texier, Gisèle Printz, MM. André Vantomme, Robert Badinter, André Lejeune, Michel Moreigne, Bernard Piras, Paul Raoult, Daniel Raoul, André Vézinhet, Mmes Catherine Tasca, Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Thierry Repentin, Michel Sergent, François Marc, Mme Éliane Assassi, M. François Autain, Mme Marie-France Beaufils, MM. Michel Billout, Yves Coquelle, Mmes Annie David, Michelle Demessine, Évelyne Didier, MM. Guy Fischer, Thierry Foucaud, Pierre Biarnès, Robert Hue, Mmes Hélène Luc, Josiane Mathon-Poinat, MM. Roland Muzeau, Ivan Renar, Jean-François Voguet et Mme Bariza Khiari.)
M. le président. La présence d'au moins trente signataires ayant été constatée, il va être procédé à l'affichage de la demande de discussion immédiate sur laquelle le Sénat sera appelé à statuer, conformément à l'article 30 du règlement, au cours de la présente séance, après l'expiration du délai minimum d'une heure et après la fin de l'examen du dernier point inscrit par priorité à l'ordre du jour réservé du Sénat.
La demande va être communiquée sur-le-champ au Gouvernement.
7
Application de la loi relative au développement des territoires ruraux
Discussion d'une question orale avec débat
M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion de la question orale avec débat n° 7 de M. Jean-Paul Emorine à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche sur l'application de la loi relative au développement des territoires ruraux.
La parole est à M. Jean-Paul Emorine, auteur de la question.
M. Jean-Paul Emorine. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la bonne application des lois constitue une préoccupation constante de la commission des affaires économiques du Sénat, laquelle est également très attentive au monde rural et à son développement.
La double vigilance que je viens d'évoquer amène donc fort logiquement notre commission à s'intéresser tout particulièrement à la loi du 23 février 2005 relative au développement des territoires ruraux, dite « loi DTR », qui l'a beaucoup mobilisée en 2004 et en 2005, à l'occasion des lectures successives du projet de loi au Sénat.
Première loi destinée spécifiquement à l'espace rural, la loi DTR, qui comporte des avancées majeures sur de nombreux aspects de la vie de nos campagnes, a fait naître beaucoup d'espoirs.
Or, sur plusieurs points, un certain désenchantement commence à sourdre, car les mesures réglementaires qui permettraient la mise en oeuvre concrète des dispositions attendues tardent à être publiées.
C'est pourquoi, en l'absence du rapport sur la mise en application de la loi DTR qui aurait dû être remis au Parlement au titre de l'article 67 de la loi du 9 décembre 2004 de simplification du droit, la commission des affaires économiques souhaite maintenant obtenir des précisions sur les dates prévisionnelles de publication des nombreux décrets restant à paraître.
En effet, le taux d'application de la loi demeure bas, en dépit de la volonté exprimée initialement d'agir au plus vite.
Sans entrer dans les détails des discussions chiffrées, je signale que, près d'un an après l'adoption définitive de la loi DTR par le Parlement, deux tiers des décrets nécessaires à son application complète - une petite cinquantaine ! - restent à prendre. C'est beaucoup !
Pourtant, lors de la discussion du projet de loi, il avait été annoncé que la quasi-totalité des mesures d'application seraient adoptées avant la fin de l'année 2005. Nous en sommes loin !
Cela paraît d'autant plus paradoxal que l'engagement du Gouvernement d'agir le plus rapidement possible en matière d'application des lois a été clairement énoncé à plusieurs reprises. Le Premier Ministre l'a ainsi rappelé dans sa réponse à ma lettre de novembre dernier sur le problème de la résorption du « stock » des décrets attendus pour les lois relevant de la compétence de la commission des affaires économiques.
De surcroît, le Gouvernement a défini et encadré de manière générale les modalités d'application des lois dans la circulaire du 1er juillet 2004 et dans le guide légistique destiné à l'administration. Ces documents prévoient que le calendrier prévisionnel de publication des textes d'application ne doit pas comporter, en principe, d'échéance allant au-delà des six mois suivant la parution de la loi.
En outre, s'agissant de la loi DTR, le ministère de l'agriculture avait expliqué, le 12 mai 2005, à l'occasion d'une réponse à une question écrite de notre collègue M. Alain Fouché, que certains décrets seraient préparés parallèlement à la discussion du projet de loi. Une telle procédure aurait dû, à première vue, permettre de respecter le délai de six mois. Tel n'est malheureusement pas le cas !
Parmi les vingt-trois textes réglementaires adoptés, seuls huit ont été publiés dans le délai de six mois, les quinze autres l'ayant été dans un délai moyen de dix mois. Or ce délai moyen, certes honorable, ne peut que s'allonger s'agissant des textes réglementaires - deux tiers des décrets nécessaires à l'application complète de la loi - restant à prendre.
Il apparaît d'ores et déjà impossible que le délai ne soit pas supérieur au délai moyen actuellement constaté - huit mois - pour l'application des lois promulguées pendant la législature. On ne peut que le regretter !
En revanche, on doit, bien entendu, se féliciter de la parution des mesures réglementaires relatives aux zones de revitalisation rurale, les ZRR, ainsi que de celles qui portent sur l'attribution d'aides à l'installation des professionnels de santé dans les zones déficitaires.
Cependant, monsieur le ministre, je me dois d'insister sur les mesures législatives qui ne sont pas encore applicables et qui, pour nombre d'entre elles, sont d'une grande portée. Le monde rural et agricole attend en effet avec impatience que les dispositions les plus importantes entrent en vigueur.
Ainsi, nous avons du mal à comprendre pourquoi l'Agence française d'information et de communication agricole et rurale, prévue à l'article 233, n'est pas encore créée. Cette agence doit contribuer à revaloriser l'image des agriculteurs, si injustement malmenée aujourd'hui et permettre ainsi à l'opinion de mieux comprendre leur situation ; d'où le grand intérêt qui s'attache à la mise en place de cette agence. Or, en dépit des précisions apportées par le Sénat lors de l'examen du projet de loi relatif au développement des territoires ruraux, elle reste virtuelle !
Il en va de même s'agissant des unités touristiques nouvelles, prévues à l'article 190. Les enjeux de cette disposition pour le développement des zones de montagne, ainsi que le fait que le projet de décret d'application avait été transmis aux parlementaires au mois de janvier 2005, auraient dû, a priori, conduire à une parution rapide du décret en question. Or il n'en a rien été puisque nous attendons toujours ce texte, qui a pourtant été assez longuement évoqué au cours des débats législatifs.
M. Thierry Repentin. Vous avez tout à fait raison !
M. Jean-Paul Emorine. Quels sont donc les obstacles à sa parution ?
Ce projet de décret avait même fait l'objet, voilà maintenant un an, d'un accord des élus de la montagne. Dans ces conditions, vous comprendrez, je l'espère, monsieur le ministre, nos interrogations et nos inquiétudes face à tant de retard.
Je vous l'ai dit, les exemples de retard sont nombreux et divers. Ainsi, dans un contexte général de multiplication des aléas et de variation du revenu des agriculteurs, les modalités d'indemnisation de ces derniers pour les dommages causés à leurs récoltes par des organismes nuisibles, prévues à l'article 36 de la loi, sont naturellement très attendues.
Dans un tout autre domaine, nous souhaiterions également connaître l'état d'avancement des décrets d'application des articles 85 et 90, qui réforment en profondeur l'aménagement foncier, ainsi que les raisons du retard pris.
Certes, je n'ignore pas les difficultés auxquelles vous êtes confronté, monsieur le ministre. La nécessaire concertation interministérielle ainsi que la prise en compte des contraintes du droit communautaire peuvent compliquer les procédures et engendrer bien des retards. Cependant, il serait souhaitable que la loi relative au développement des territoires ruraux puisse être un exemple de l'effort accompli par le Gouvernement en matière d'application des lois au cours des dernières années.
Légiférer, c'est bien, mais appliquer les décisions du législateur, c'est encore mieux !
M. Raymond Courrière. Eh oui !
M. Jean-Paul Emorine. Comment répondre aux accusations d'inflation législative, qui portent atteinte à la crédibilité du travail normatif, quand de nombreux points d'un texte aussi important que la loi DTR sont dépourvus d'effets concrets ?
En conséquence, monsieur le ministre, pouvez-vous nous indiquer le calendrier que vous envisagez aujourd'hui pour la sortie des deux tiers des mesures réglementaires restant à prendre pour la pleine application de cette loi et nous préciser quelles seront vos priorités ?
Nous vous remercions par avance des réponses que vous voudrez bien nous apporter. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe Union pour un mouvement populaire, 47 minutes ;
Groupe socialiste, 32 minutes ;
Groupe Union centriste-UDF, 14 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 11 minutes ;
Groupe du rassemblement démocratique et social européen, 9 minutes ;
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe, 7 minutes ;
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Jean-Marc Pastor.
M. Jean-Marc Pastor. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je remercie tout d'abord mon collègue Jean-Paul Emorine, président de la commission des affaires économiques, d'avoir déposé cette question orale, qui nous permet aujourd'hui de débattre de l'application de la loi relative au développement des territoires ruraux, mais également, d'une manière générale, de la faible application des textes votés par les parlementaires, faiblesse qui soulève un problème de fond.
L'application des lois est un sujet que le Sénat, particulièrement la commission des affaires économiques, connaît bien. Celle-ci publie en effet chaque année une note sur ce sujet, laquelle est intégrée au rapport de notre assemblée concernant ce problème. C'est en effet principalement dans les secteurs économiques que la production réglementaire semble avoir le plus de mal à suivre le travail législatif.
La question qui nous occupe en est une illustration. Elle traduit la préoccupation de son auteur de ne pas laisser des secteurs de notre économie dans l'incertitude et sa volonté de résorber le décalage entre annonce et mise en oeuvre des mesures, un tel décalage aggravant, chacun le sait, la désaffection de l'opinion pour la vie publique.
M. Raymond Courrière. Très bien !
M. Jean-Marc Pastor. Dans sa dernière étude, la commission des affaires économiques a pointé les bilans semestriels effectués par les ministères. Elle n'a pas manqué de souligner que les indicateurs de suivi étaient appliqués de façon inégale par le Gouvernement et que les échéanciers étaient souvent incomplets, voire inexacts.
Par ailleurs, même si elle a reconnu la volonté du Gouvernement de résorber le retard pris dans les décrets d'application des lois votées, qui s'est traduite par la mise en place de procédures et d'outils de suivi, force lui est de constater que leurs effets n'ont jusqu'à présent été que partiellement visibles.
D'ailleurs, le taux d'application global des dispositions législatives pour lesquelles un texte réglementaire est prévu demeure très faible : 35 % seulement. Parallèlement, le « stock » des lois partiellement applicables s'est accru : trente-six en 2004-2005, contre trente-deux pour la session précédente.
En outre, comme l'indique encore la commission des affaires économiques, le principe d'une parution des décrets d'application dans les six mois paraît davantage ressortir du simple voeu que d'un objectif impérieux.
Quant à l'élaboration simultanée des lois et de leurs décrets, si j'en mesure la difficulté, je note tout de même qu'elle figure parmi les objectifs de la circulaire du 1er juillet 2004 sans pour autant trouver d'application concrète.
Dès lors, le Gouvernement doit encore fournir des efforts et, monsieur le ministre, cela est vrai notamment dans le secteur agricole. Vous allez probablement dire que des efforts ont été accomplis s'agissant de la loi qui fait l'objet de la question de notre éminent collègue. Au demeurant, cette loi a également motivé la création, au sein du ministère de l'agriculture et de la pêche, d'une mission spéciale pour la publication de ses décrets.
Quoi que je pense de l'efficacité de la loi relative au développement des territoires ruraux, qui constitue en fait une juxtaposition de dispositions dans des domaines variés liés au monde rural, sans ligne de conduite vraiment porteuse d'espoir, j'aborderai trois points particuliers.
Le premier concerne la pluriactivité, qui constitue le quotidien des éleveurs des zones de montagne. Celle-ci doit être favorisée, car les campagnes françaises connaissent un changement important, le champ d'application des politiques rurales s'étant progressivement étendu, notamment au tourisme et au commerce. À ce titre, l'État a contractualisé des crédits en faveur de la diversification dans les territoires ruraux.
Ces politiques contractuelles ont été réaffirmées par la loi relative au développement des territoires ruraux. Comment seront-elles mises en oeuvre, monsieur le ministre, alors que le jaune budgétaire « Aménagement du territoire » présente des crédits en baisse pour 2006, tant en autorisations d'engagement qu'en crédits de paiement, notamment pour ce qui concerne le ministère de l'agriculture et de la pêche ?
Le deuxième point a trait à l'emploi en zone rurale. Lors de l'examen en deuxième lecture du projet de loi, nous avions examiné un article instituant des groupements d'employeurs composés d'adhérents de droit privé et de collectivités locales, ce qui constitue le principe même de la vie en zone rurale.
J'avais alors déposé un amendement concernant le statut de l'employé rural en tant que multisalarié et nous nous étions alors mis d'accord sous le bénéfice d'un engagement pris par le secrétaire d'État de l'époque M. Nicolas Forissier. Le rapporteur de notre commission, en l'occurrence le président Jean-Paul Emorine, s'était dit très intéressé. Le secrétaire d'État avait déclaré qu'il comprenait la motivation de l'amendement et qu'il partageait le sentiment du rapporteur sur la nécessité de mettre de l'ordre dans les statuts liés aux groupements d'employeurs, plus particulièrement en zone rurale. Il avait ajouté que cette question devrait faire l'objet d'une étude - maintenant, quand on nous dit qu'une étude sera engagée, nous nous méfions ! - et, sur la foi de ces déclarations, j'avais retiré mon amendement. Or, monsieur le ministre, je n'ai eu aucune nouvelle depuis, alors que je vous ai sensibilisé sur l'article 59 à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances pour 2006.
Le décret d'application prévu par l'article 59 n'ayant toujours pas été publié, le statut de l'employé rural figurera-t-il, monsieur le ministre, dans ce futur règlement ?
Enfin, monsieur le ministre, le troisième aspect important du développement rural concerne la place de l'homme dans ces territoires. Pour ma part, je suis très attaché à la préservation et au développement de la notion de services, services publics bien sûr, mais aussi services privés d'utilité publique dans les zones rurales ; je songe à la présence des médecins, par exemple.
A cet égard, les articles 108 et suivants traduisent une certaine attention vis-à-vis des zones médicalement dépeuplées. Le dispositif prévu ne diffère de la proposition de loi que j'avais déposée à ce sujet que par le fait que ce sont les collectivités locales qui paient !
M. Gérard Delfau. Eh oui !
M. Jean-Marc Pastor. Un administré du Tarn m'a récemment écrit pour me faire part de son mécontentement : sa petite fille étant malade, il a fait appel à son médecin traitant dans la nuit du 22 au 23 décembre dernier; mais il n'a eu affaire qu'à son répondeur, qui l'a renvoyé vers un médecin régulateur installé... à Toulouse, soit à 110 kilomètres de son domicile ! Celui-ci a procédé à une auscultation de la fillette en demandant à son grand-père de poser le combiné du téléphone sur la poitrine de l'enfant pour finalement déclarer qu'elle n'avait rien ! (Murmures sur plusieurs travées.) Elle souffrait pourtant d'une crise d'asthme, que le grand-père a pu diagnostiquer avec l'aide de son épouse, qui est sage-femme. Aurait-il dû appeler les pompiers ou se rendre de lui-même aux urgences du centre hospitalier du chef-lieu du département, situé à plus de vingt-cinq minutes de chez lui ?
Je sais bien que, face à l'insécurité médicale ressentie de plus en plus vivement par nos populations, le décret en Conseil d'État qui est attendu pour l'application de l'article 108 ne permettra pas de changer la face du monde. J'aimerais néanmoins savoir où on en est à cet égard.
Pour terminer, qu'il me soit permis d'évoquer la sécurité des tracteurs anciens, dont le retournement intempestif cause encore, malheureusement, de trop nombreux décès dans la population agricole. À ce sujet, un amendement a été voté à l'unanimité par le Sénat lors du débat sur la loi du 23 février 2005. Une opération pilote est en cours dans mon département, le Tarn, concernant la mise en oeuvre de cet article. Cela signifie-t-il, monsieur le ministre, que l'arrêté prévu à l'article 72 et devant fixer les prescriptions techniques et les conditions de vérification n'interviendra qu'à l'issue de cette expérimentation ? Où en est-on s'agissant de l'application de cet article et de la publication de cet arrêté ?
M. le président du Conseil constitutionnel l'a clairement indiqué lors de ses voeux au Président de la République, voilà quelques jours : « [Les] mécanismes [démocratiques de prise de décision] arbitrent avec difficulté lorsque la problématique devient complexe. La griserie de l'annonce l'emporte bien souvent sur les contraintes austères de l'arbitrage et de la prévision. [...] D'où ces lois d'affichage dont on mesure après coup les conséquences décevantes ou inopportunes. »
Je suis persuadé, monsieur le ministre, que, disant cela, M. Pierre Mazeaud ne faisait pas allusion à la loi relative au développement des territoires ruraux. Il appartient au Gouvernement, et à vous-même désormais, de nous le démontrer. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Blanc.
M. Jacques Blanc. Monsieur le ministre, vous vous êtes fortement impliqué, avec M. Forissier, à l'époque secrétaire d'Etat, dans la loi relative au développement des territoires ruraux. Vous avez su en effet mener à bien la préparation, puis le vote de ce texte. Grâce à la volonté du Premier ministre d'alors, Jean-Pierre Raffarin, que je suis heureux de saluer, vous avez aussi fait voter un texte capital, la loi d'orientation agricole. Ces deux démarches sont complémentaires.
À mon sens, en effet, ces deux textes marquent une rupture (M. Gérard Delfau s'esclaffe)... oui, mon cher collègue, et d'abord parce que, pendant des années, les territoires ruraux ont été laissés à l'abandon. (Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste.)
M. Gérard Delfau. Ça continue !
M. Jacques Blanc. La loi relative au développement des territoires ruraux est venue traduire une volonté politique forte du Gouvernement et de ses soutiens de mettre un terme à la désertification d'un certain nombre de nos territoires, situés en particulier dans les zones de montagne.
M. Raymond Courrière. Il était temps que Georges Frêche arrive !
M. Jacques Blanc. Nous entendions donner des chances nouvelles à ces territoires ruraux : les discours sont aujourd'hui transformés en actes législatifs, en décrets et en réalisations. (M. Raymond Courrière rit.) Sous les gouvernements que vous avez soutenus, chers collègues de l'opposition, le pays rural était abandonné ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Paul Emorine. Très bien !
M. Jacques Blanc. Il est vrai que nous sommes parfois impatients de voir publier l'ensemble des décrets d'application, d'autant que le Sénat a joué un rôle positif important dans l'élaboration du texte. J'en félicite le président de la commission des affaires économiques, également rapporteur du projet de loi en question.
Nous sommes intervenus avec force au cours des débats, notamment pour défendre un certain nombre d'amendements qui ont été acceptés par la commission des affaires économiques et par le Gouvernement. Le Sénat exprime donc aujourd'hui sa reconnaissance pour la loi, ainsi que pour les décrets déjà parus.
M. Raymond Courrière. Il n'y en a pas beaucoup !
M. Jacques Blanc. Nous vous apportons notre soutien, monsieur le ministre, en vue de l'achèvement du travail d'élaboration de ces décrets.
M. Raymond Courrière. Ils sortent ou ils ne sortent pas ?
M. Jacques Blanc. On ne peut pas laisser dire qu'il s'agit là d'un texte d'affichage dans la mesure cette loi manifeste un volontarisme politique en matière d'aménagement du territoire.
M. Raymond Courrière. Ça traîne un peu !
M. Jacques Blanc. Notre pays en avait bien besoin.
Évidemment, ceux d'entre nous qui avaient montré beaucoup de réticence lors des débats sur le projet de loi sont maintenant les premiers à estimer que la prise des décrets traîne en longueur ! N'est-ce pas, monsieur Courrière ? Mais cette impatience prouve qu'il s'agit d'un bon texte ! Il faut aller plus vite précisément parce que cette loi est bonne et parce que le travail accompli est positif ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)
Voilà ce que nous devions d'emblée affirmer, en soulignant que ce texte a redonné un fondement aux zones de revitalisation rurale. Sur ce point, les décrets ont déjà été publiés.
En outre, dans sa sagesse, le Gouvernement a prolongé, pour les communes n'ayant pu entrer aussi vite que cela était souhaité dans une structure intercommunale, le délai accordé pour continuer à bénéficier des avantages liés aux zones de revitalisation rurale. Ayant défendu un amendement portant sur ce thème, je me réjouis de ce que la situation de ces communes ait été prise en compte. En effet, il leur est parfois difficile de rejoindre une communauté de communes, surtout quand elles faisaient jusqu'alors partie de syndicats intercommunaux à vocation multiple ou à vocation spécifique.
En tout état de cause, le problème de la rénovation des zonages est donc réglé puisqu'un décret concernant cette matière a paru en novembre 2005.
Par ailleurs, l'organisation des services publics en milieu rural a fait l'objet d'une circulaire en date du 3 mars 2005 et visant à encadrer les choses. Permettez-moi, mes chers collègues, de juger positifs les débats qui ont été ouverts sur ce sujet, s'agissant en particulier de La Poste.
M. Gérard Delfau. Nous ne vivons pas sur le même territoire !
M. Jacques Blanc. Cela étant, on nous dit qu'il existe une pénurie de médecins. Excusez-moi, chers collègues de l'opposition, mais ce n'est pas cette loi qui peut corriger les erreurs monumentales accumulées par le passé dans le domaine de la formation des médecins ou des personnels de santé !
M. Paul Raoult. C'est Simone Veil qui a commencé !
M. Jacques Blanc. Soit dit entre nous, si les responsabilités sont partagées à cet égard, elles vous incombent néanmoins pour la plus grande part ! (« Oui ! » sur les travées de l'UMP.)
M. Gérard Cornu. Absolument !
M. Josselin de Rohan. Ils n'ont rien fait !
M. Jacques Blanc. En effet, à l'époque où M. Jospin était Premier ministre, les facultés de médecine auraient pu être ouvertes à davantage d'étudiants : nous ne serions pas aujourd'hui en situation de pénurie ! Il faut tout de même le dire ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.) L'hypercentralisme contre lequel les gouvernements de M. Raffarin se sont battus a donné, dans ce domaine, des résultats que chacun devrait méditer !
M. Jacques Blanc. En effet, combien de jeunes originaires de nos campagnes ont été écartés à l'issue du concours de fin de première année organisé dans les facultés de médecine, alors qu'ils auraient pu faire de remarquables praticiens ? À l'heure actuelle, nous sommes obligés d'aller recruter des médecins à l'étranger, et la pénurie est générale ! Cela est vrai aussi pour les infirmières, pour les kinésithérapeutes, pour l'ensemble des professions médicales ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Jean-Pierre Raffarin. Bravo !
M. Jacques Blanc. Ce n'est tout de même pas la faute de Dominique Bussereau ou de Jean-Pierre Raffarin si nous nous trouvons aujourd'hui dans cette situation !
M. Paul Raoult. C'est Simone Veil qui a commencé !
M. Raymond Courrière. Mais bien sûr, c'est la faute de la gauche !
M. Jacques Blanc. Réjouissons-nous que, pour une fois, on ait osé aborder dans la loi la question des incitations à l'installation de professionnels de santé ou à la construction d'équipements sanitaires, qu'on ait donné la possibilité à des collectivités territoriales d'intervenir sur ce plan, ce que l'on aurait dû faire voilà bien des années, qu'on ait permis aux collectivités qui investissent dans ce domaine de récupérer la TVA. C'était, là aussi, une révolution culturelle.
Eh bien, un décret relatif à l'article 108, qui concerne les aides destinées à favoriser l'installation ou le maintien des professionnels de santé, a été publié.
J'ajoute que le Sénat, dans sa sagesse, a inséré des dispositions visant à faciliter, par des mécanismes fiscaux, la transmission des entreprises commerciales, artisanales ou libérales.
Nous avions mené, vous vous en souvenez, monsieur Émorine, un combat assez intense pour que soient étendus à la transmission des entreprises libérales les avantages qui étaient prévus dans le cadre des politiques territoriales : le Gouvernement nous a écoutés et entendus.
Par ailleurs, un décret du 14 décembre dernier tire les conséquences du vote de la loi pour la composition et le fonctionnement du Conseil national de la montagne.
M. Raymond Courrière. Cela ne coûte pas cher !
M. Jacques Blanc. Certes, il reste une cinquantaine de décrets à publier.
M. Raymond Courrière. Il ne reste plus que cela à faire ?
M. Jacques Blanc. La moitié d'entre eux concernent des modifications du code rural, d'autres sont relatifs au code général des impôts, au code de l'urbanisme, au code de l'environnement, au code général des collectivités territoriales, au code du travail, au code de la sécurité sociale ou même au code de procédure pénale. (Rires sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Raymond Courrière. À part ça, tout est fait !
M. Jacques Blanc. Cela dénote, mes chers collègues, l'ampleur du champ de cette loi, dont le texte a été enrichi par l'Assemblée nationale et, dans une large mesure, par le Sénat.
Le caractère interministériel de nombre des thèmes abordés explique d'ailleurs en partie les temps de latence constatés pour la parution des décrets. Cependant, nous voulons dire aujourd'hui à M. le ministre qu'il a bien travaillé, qu'il faut continuer dans cette voie en allant un peu plus vite, afin que l'ensemble des décrets nécessaires puissent paraître rapidement et qu'entrent en application des mesures positives, attendues et porteuses d'espérance pour le pays rural.
M. Raymond Courrière. L'espérance, c'est 2007 !
M. Jacques Blanc. Cela étant, un certain nombre d'interrogations demeurent. Sans revenir sur les débats que nous avons eus, je voudrais rappeler certaines d'entre elles.
Par exemple, où en sommes-nous exactement s'agissant de l'extension aux professions libérales des dispositions fiscales que j'évoquais à l'instant, visant à favoriser les reprises ? Je souhaite, en effet, que nous adressions un message fort à un pays rural où la place des activités agricoles est reconnue, mais où les activités commerciales, artisanales et libérales ont été trop longtemps négligées, alors qu'elles sont indispensables à la vie en milieu rural.
Je voudrais également vous interroger, monsieur le ministre, sur l'application de certaines des mesures d'exonération de charges patronales aux employeurs associatifs.
En effet, les articles 15 et 16 de la loi prévoient que le bénéfice d'un certain nombre d'exonérations de charges patronales peut être accordé à ces derniers. Or, dans certains départements ou régions, des questions peuvent se poser à cet égard. Je souhaiterais, pour ma part, que de telles dispositions, qui sont incitatives bien que de portée limitée, puissent s'appliquer aux associations qui gèrent, dans les espaces ruraux classés en zone de revitalisation rurale, des structures telles que des maisons de retraite, des centres d'aide par le travail, des établissements pour personnes handicapées ou des résidences pour vacanciers.
Il me semble nécessaire d'apporter des précisions et des éclaircissements sur ce point, eu égard à l'intérêt que nous avions témoigné, au cours des débats, à ce tissu associatif dont la vocation sociale est évidente, s'agissant en particulier du secteur de l'enfance handicapée, qui a toujours reçu dans le milieu rural un accueil très favorable et généreux. Il est à mes yeux légitime que des associations rendant un service d'une utilité manifeste à des populations en difficulté et contribuant, en même temps, à animer les espaces ruraux puissent bénéficier des allégements de charges inscrits dans la loi.
De même, je souhaiterais que vous puissiez, monsieur le ministre, accélérer les processus interministériels concernant la réduction d'impôts en faveur des résidences de tourisme situées dans les zones de revitalisation rurale, prévue à l'article 20 à la suite de l'adoption d'un amendement que nous avions présenté.
En outre, il me paraît essentiel que les ORIL, les opérations de réhabilitation de l'immobilier de loisir, à propos desquelles le Sénat s'était fortement mobilisé, puissent faire l'objet de mesures concrètes correspondant aux objectifs que nous avions fixés et qui ont été repris dans la loi. Sur des territoires donnés, les ORIL permettent d'inciter des propriétaires privés, regroupés au sein d'associations ou de sociétés, à améliorer un patrimoine qui représente un capital pour le pays rural, en particulier dans les zones de montagne, ainsi que des structures d'accueil très appréciées d'une clientèle familiale.
M. Raymond Courrière. Qui paiera ?
M. Jacques Blanc. C'est l'État, mon cher collègue ! Cela a été inscrit dans les textes. Là encore, c'est le Premier ministre de l'époque, M. Jean-Pierre Raffarin, aujourd'hui présent parmi nous, qui l'a voulu. Quel chantier avez-vous ouvert là, monsieur le Premier ministre ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP. - Rires sur les travées du groupe socialiste.)
L'histoire le retiendra : le chantier de la décentralisation n'est pas facile, mais vous avez tenu bon et vous avez avancé, comme sur d'autres sujets !
M. Gérard Delfau. Hélas ! À quel prix !
M. Jacques Blanc. Eh oui, monsieur Delfau, vous n'avez pas eu la chance de soutenir des premiers ministres de cette qualité ! (Rires et applaudissements sur les travées de l'UMP.) C'est dommage !
M. Gérard Delfau. J'ai soutenu Pierre Mauroy et Gaston Defferre ! C'était autre chose !
M. Josselin de Rohan. M. Delfau préfère Georges Frêche !
M. Jacques Blanc. Je passe à un autre sujet qui me préoccupe, celui des sociétés d'investissement pour le développement rural. La loi prévoit qu'une part de leur capital doit être prise par une ou des régions. Cependant, quand des régions bloquent... (Ah ? sur les travées de l'UMP.)
M. Gérard César. Cela existe ?
M. Jacques Blanc. Oui, cela peut exister ! (Sourires.)
M. Gérard Cornu. Des noms !
M. Henri de Raincourt. La Septimanie ?
M. Jacques Blanc. Je ne donnerai pas de noms, je souhaite prendre...
M. Thierry Repentin. De la hauteur !
M. Jacques Blanc. ... de la hauteur, en effet, mon cher collègue.
Dans un tel cas, ne serait-il pas envisageable que des structures régionales puissent se substituer aux régions ? La loi ne dit pas que c'est le conseil régional qui doit intervenir.
M. Raymond Courrière. Voilà ! Transfert de charges !
M. Jacques Blanc. Je souhaiterais donc, monsieur le ministre, que vous puissiez expliciter le texte à cet égard, dans la fidélité à la volonté manifestée par le législateur, qui entendait non pas octroyer un pouvoir de blocage aux conseils régionaux, mais donner une dimension régionale au dispositif, au travers de la répartition du capital.
Dans cette perspective, la solution que j'ai évoquée permettrait à la fois de contourner l'obstacle et de satisfaire à l'objet des sociétés visées, à savoir le développement des investissements dans le milieu rural, selon une approche régionale. Je me permets de soulever ce problème, car il s'avère, hélas, que nous le rencontrons sur le terrain.
Je voudrais enfin vous demander, monsieur le ministre, si les dispositions relatives au soutien des activités agricoles, qui portent sur les contrats de fourniture et qui concernent le plus souvent les interprofessions du secteur des vins, cidres et spiritueux, vont pouvoir entrer en application. Le décret d'application de l'article en cause, qui résulte d'un amendement que nous avions soutenu, n'est, à ma connaissance, pas encore publié.
Nous pourrions attirer votre attention sur un certain nombre d'autres points, monsieur le ministre, mais, connaissant votre détermination, je n'abuserai pas du temps de parole qui m'a été imparti.
Vous me permettrez néanmoins de dire en conclusion que, dans nos sociétés où nous avons besoin d'exprimer des volontés politiques fortes, il était utile et même nécessaire de traduire la nécessité de changer de cap et l'ambition d'aboutir à un aménagement équilibré et harmonieux de notre territoire.
Les femmes et les hommes de notre siècle ont besoin de se réconcilier avec eux-mêmes en retrouvant un environnement naturel. Pour ce faire, il est nécessaire de maintenir certains équilibres. La politique d'aménagement du territoire n'est pas un gadget ; c'est la concrétisation d'un choix politique fondamental : offrir à nos concitoyens la possibilité de choisir leur vie, de s'implanter dans l'espace rural, dans les zones de montagne, et d'apporter ainsi une espérance nouvelle, une espérance pour nos territoires.
M. Jean-Marc Pastor. Quelle poésie !
M. Jacques Blanc. C'est une grande satisfaction et un grand bonheur pour l'élu de la Lozère que je suis de voir se repeupler les zones rurales de ce département qui, après avoir subi les drames des grandes guerres, qui ont saigné la région et fait fuir les populations, a connu la désertification.
Encore faut-il que ce mouvement puisse bénéficier d'un accompagnement. C'est ce qui a conduit le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin à nous soumettre ce texte de loi, c'est ce qui a justifié nos débats, c'est ce qui a poussé le Sénat à prendre un certain nombre de positions très fortes.
Aujourd'hui, nous constatons que, si nous avons avancé,...
M. Raymond Courrière. Il reste du chemin à faire !
M. Jacques Blanc. ... une bonne partie du chemin reste à parcourir, mais nous savons que nous pouvons compter sur vous, monsieur le ministre, pour progresser dans cette voie : c'est la bonne ! Merci, monsieur le ministre ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis 2002, la loi relative au développement des territoires ruraux a été sans aucun doute l'un des textes les plus attendus par les élus de la ruralité : faut-il rappeler notre implication, notre motivation sans faille, de la première lecture, en avril 2004, à la deuxième lecture, en janvier 2005 ?
Faut-il rappeler que le nombre d'articles a triplé, soulignant le nombre des projets, des attentes, des revendications ?
Cette loi devait contribuer au rééquilibrage du territoire en prenant en compte les difficultés des zones à forte urbanisation et en stimulant l'attractivité des zones rurales. Elle devait notamment compenser par les nouvelles technologies les infrastructures de transports insuffisantes.
Qu'en est-il, près d'un an après la publication de cette loi ?
Il est inutile de lister les vingt-six mesures réglementaires prises, ou les cinquante mesures non encore prises. Soulignons néanmoins que les décrets relatifs à l'amélioration de l'offre de soins médicaux dans les zones rurales ont été publiés. Il est toutefois patent qu'en ne prenant pas les textes réglementaires dans le délai de six mois, le Gouvernement crée une forte déception et que nous devons, nous qui avons adopté ce texte, veiller à la réelle application de la loi et également peser sur les conditions de cette application.
Dans la palette des nouvelles dispositions contenues dans cette loi, je m'attacherai à deux points : les zones de revitalisation rurale et les services publics en milieu rural.
Alors que nous avons considéré positivement la nouvelle définition des zones de revitalisation rurale, forte de critères socio-économiques pertinents, d'une large prise en compte de l'intercommunalité permettant de faire bénéficier certaines communes des dispositions favorables dont elles seraient autrement exclues, il aura fallu neuf mois pour que le nouveau zonage soit enfin connu.
Cela retarde la mise en oeuvre de mesures pour la création ou la reprise d'entreprises. Est-ce cohérent avec la volonté affirmée de mener la bataille pour l'emploi ? Pourquoi les mesures de réduction d'impôt pour les résidences de tourisme en ZRR, ne sont-elles pas encore prises ?
Plus grave, sur le fond : alors que les maires viennent souvent s'enquérir des moyens de se protéger contre les délocalisations, le remboursement des aides, en cas de délocalisation hors de la ZRR avant la durée légale, n'est toujours pas organisé.
Les élus comme les contribuables considèrent à juste titre que ces effets d'aubaines sont scandaleux lorsque le contrat n'est pas respecté : quand auront-ils une réponse ?
M. Jean-Marc Pastor. Excellente question !
M. Gérard Delfau. Très bien !
M. Aymeri de Montesquiou. Sur la question des services publics en milieu rural, la loi a réformé le dispositif de concertation nationale et départementale, permettant de fixer pour chaque organisme en charge d'une mission de service public des objectifs d'aménagement du territoire dans le but d'assurer « l'égal accès de tous aux services publics ».
Une circulaire du 3 mars 2005, puis une autre, du 2 août 2005, ont mis en place une concertation locale sous l'autorité des préfets. Alors que la conférence nationale sur les services publics en milieu rural a rendu son rapport en novembre, quelles décisions va prendre le Gouvernement et avec quel appui budgétaire ?
Nous sommes, monsieur le ministre, très déçus de ces lenteurs, sans doute non imputables à votre ministère, et nous voulons que ce débat provoque un sursaut salutaire, entraîne des réactions concrètes et permette au rapport qui doit être déposé devant le Parlement avant le 23 février de dresser un bilan positif de l'application de cette loi. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Soulage.
M. Daniel Soulage. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la discussion de la loi relative au développement des territoires ruraux a montré l'intérêt de tous les parlementaires, et en particulier des sénatrices et sénateurs, pour une ruralité réinventée et moderne.
Les premiers résultats du recensement de l'INSEE, publiés la semaine dernière, sont intéressants puisqu'ils soulignent que les communes de moins de 2 000 habitants sont celles qui jouissent du plus important dynamisme démographique et que notamment les plus petites d'entre elles, celles de moins de 500 habitants, ont vu leur population tripler depuis 1999.
M. Charles Revet. On pourrait aller beaucoup plus loin.
M. Daniel Soulage. Elles attirent de plus en plus de monde. Qualité de vie, proximité, possibilité d'avoir plus d'espaces : autant d'atouts qui incitent nombre de jeunes couples à se réinstaller dans à la campagne.
L'étude souligne un second point intéressant : les communes rurales, malgré leur éloignement du centre urbain, retrouvent une certaine attractivité. En effet, les communes rurales continuent à se développer et leur développement s'étend de plus en plus : de 15 kilomètres d'un centre urbain entre 1990 et 1999, il est passé à 25 kilomètres aujourd'hui. Je ne peux que me réjouir de ce regain d'intérêt.
Ces nouveaux comportements, récemment confirmés par l'INSEE, entraînent une modification des attentes des citoyens vis-à-vis des services mis à leur disposition, modification que les élus ruraux ont déjà observée. C'est certainement là que se situent les défis auxquels nous devons faire face.
La loi relative au développement des territoires ruraux, adoptée il y a presque un an, avait pour but de donner des nouvelles perspectives à la ruralité française. Le Parlement a activement participé à son élaboration puisque, au terme des deux lectures, la loi contient 240 articles d'importance et d'ampleur très diverses.
S'il est aujourd'hui trop tôt pour évaluer ses effets, j'approuve pleinement l'initiative du président Emorine de nous réunir pour en évaluer l'application. Qu'en est-il de la mise en place de cette « boîte à outils » destinée à aider tous les acteurs du milieu rural ?
En premier lieu, je souhaite dire quelques mots sur l'application des lois en général et de la loi relative au développement des territoires ruraux en particulier.
En ce début d'année, il est de tradition de prendre de bonnes résolutions. Je forme donc le voeu, au demeurant tout à fait raisonnable, que l'amélioration, constatée par le Sénat, de l'application des lois votées lors de la session antérieure, se poursuive de manière nettement plus marquée.
Pour mémoire, j'indique que le taux d'application est de 14,4 % pour la session 2003-2004 et de 16,4 % pour la session 2004-2005 !
D'un point de vue global, le taux d'application de la loi relative au développement des territoires ruraux est loin d'être satisfaisant puisque, près d'un an après son adoption, seulement un tiers des mesures réglementaires ont été prises.
Cet état de fait est d'autant plus regrettable que, auditionné par la commission des affaires économiques en novembre 2004, Hervé Gaymard, alors ministre de l'agriculture, avait exprimé le souhait que les décrets d'application soient élaborés en même temps que la loi, afin de ramener à un mois leur transmission au Conseil État
Ce n'est, certes, pas toujours chose facile, nous en sommes conscients. Cela peut même parfois s'avérer contre-indiqué, une concertation étant souhaitable entre les différentes parties intéressées afin d'appliquer le dispositif adéquat.
Cependant, onze mois se sont écoulés depuis la promulgation de la loi, soit un laps de temps suffisant pour la concertation, l'élaboration et la publication des décrets.
La question orale de M. Emorine est d'autant plus justifiée que l'article 67 de la loi du 9 décembre 2004 de simplification du droit impose au Gouvernement de présenter au Parlement un rapport sur la mise en application de chaque loi à l'issue d'un délai de six mois. Ce rapport doit non seulement nous présenter l'état d'application de la loi, mais également nous permettre de connaître les raisons et les blocages qui empêchent la publication des décrets. C'est une source d'information essentielle pour les parlementaires.
A l'instar de M. Emorine et des collègues de mon groupe, je forme le voeu que cette disposition soit prise en considération par le Gouvernement. En effet, la loi pour le développement des territoires ruraux n'est malheureusement pas le seul texte de loi pour lequel le rapport d'application n'est pas remis.
Toutefois, les torts sont certainement partagés entre le Gouvernement et les parlementaires, ce que le Conseil constitutionnel a rappelé à plusieurs reprises.
Il l'a rappelé, d'abord, lors de la cérémonie de voeux au chef de l'État, l'année dernière, par l'intermédiaire de son président Pierre Mazeaud. Ce dernier avait en effet déclaré qu'il fallait « lutter plus activement contre les intrusions de la loi dans le domaine réglementaire » et qu' « une chose est que la loi soit claire, précise et normative, une autre qu'elle soit surchargée de détails ».
Il l'a rappelé, ensuite, dans sa dernière décision concernant la loi relative à la lutte contre le terrorisme. Le Conseil constitutionnel a en effet averti que, dorénavant, la règle dite « de l'entonnoir » serait applicable en deuxième lecture et qu'elle concernerait aussi bien les amendements des parlementaires que les amendements du Gouvernement
Je souhaite, monsieur le ministre, attirer l'attention du Gouvernement sur plusieurs dispositions de la loi. Certaines mesures ne relèvent pas directement de votre compétence, mais j'espère qu'en tant que représentant du Gouvernement vous pourrez m'éclairer sur le calendrier de leur application.
Premier point sur lequel je voudrais particulièrement attirer votre attention : les dispositions concernant la parution des décrets d'application des articles L. 145-8 à L. 145-11 du code de l'urbanisme. Ces articles, qui réforment en profondeur la procédure des unités touristiques nouvelles sont issus de l'article 190 de la loi relative au développement des territoires ruraux. Or, en l'absence de décret fixant les seuils financiers de déclenchement de la procédure des unités touristiques nouvelles, cette disposition est inapplicable.
C'est une situation d'autant moins acceptable que l'article 194 de la loi prévoit expressément que les dispositions de l'article 190 entreront en vigueur à une date fixée par décret en Conseil d'État et, au plus tard, un an après la publication de la présente loi, à savoir le 24 février 2006.
M. Thierry Repentin. Vous avez raison !
M. Daniel Soulage. Monsieur le ministre, pourriez-vous nous donner quelques explications sur le calendrier de mise en oeuvre des unités touristiques nouvelles ? Les décrets seront-ils prêts à temps ?
Le deuxième point sur lequel je souhaite obtenir des précisions concerne les réductions d'impôt pour les contribuables investissant dans des logements touristiques. En effet, aux termes de l'article 20 de la loi relative au développement des territoires ruraux, et notamment sur votre initiative, monsieur le ministre, la politique d'incitation fiscale en matière de logements touristiques a été améliorée sur deux volets.
D'une part, une réduction d'impôt est prévue pour les personnes qui investissent dans des résidences de tourisme neuves en zones de revitalisation rurale et en zones éligibles à l'objectif 2 des fonds structurels, à l'exception des communes de plus de 5 000 habitants.
D'autre part, un avantage fiscal est créé pour les réhabilitations d'immeubles de tourisme de plus de quinze ans situés dans les stations classées et dans les communes touristiques dont la liste est fixée par décret. Or, à ce jour, le décret établissant cette liste de communes pouvant offrir des mesures d'incitation fiscale pour la réhabilitation d'immeubles touristiques anciens n'a toujours pas été publié. Pourriez-vous nous en donner les raisons ?
Enfin, ce même article prévoit que l'exploitant de la résidence de tourisme réserve, dans des conditions fixées par décret, un pourcentage d'au moins 15 % de logements pour les salariés saisonniers.
Cette mesure avait suscité de nombreux débats au Parlement. Je n'y étais personnellement pas favorable, avec plusieurs collègues de mon groupe, car cette obligation, si elle est compréhensible pour les grandes stations, est plus difficilement applicable dans les petites. En effet, les saisonniers des petites stations sont souvent des résidents permanents et n'ont donc pas besoin d'un logement. Pour autant, cette disposition ayant été votée, il serait souhaitable d'avoir des éléments d'information sur son application.
Le troisième axe sur lequel je souhaite obtenir des précisions concerne la mise en place de plusieurs dispositifs destinés à favoriser l'emploi en milieu rural. L'emploi était un axe fort de cette loi et je regrette que, au terme d'un an, tous les dispositifs votés ne soient pas opérationnels.
Ainsi, l'article 59 permet la création de groupements d'employeurs, sous une forme associative, entre des collectivités locales ou leurs établissements publics et des personnes physiques ou morales. Cette mesure est destinée à faciliter l'organisation des services publics en milieu rural en assouplissant les règles de cumul d'emplois public et privé. Or, en la matière, le décret en Conseil d'État déterminant les modalités de choix de la convention collective applicable au groupement n'est pas encore publié.
De même, l'article 64 prévoyait d'améliorer les conditions des travailleurs saisonniers, notamment en rendant plus attractive la pluriactivité. Cependant, le décret définissant les conditions d'application de cet article, qui permet, en cas de pluriactivité entre activité principale et activité saisonnière, de rattacher le salarié au régime correspondant à son activité principale, n'a pas non plus été pris.
Ces dispositifs s'intégraient dans une politique globale en faveur de l'emploi en milieu rural et, surtout, procédaient d'une adaptation des règles du travail à la situation que connaissent les collectivités, les associations, les entreprises et les salariés de ces zones. Pourriez-vous me dire, monsieur le ministre, quels blocages empêchent la publication de ces décrets, qui étaient attendus pour septembre 2005 ?
Enfin, je terminerai mon propos sur une note positive concernant un secteur qui m'intéresse particulièrement, à savoir la gestion des crises dans le secteur des fruits et légumes.
M. Daniel Soulage. Sur l'initiative du Gouvernement et du législateur, un ensemble de mesures a été adopté afin de limiter les crises récurrentes que connaissent ces produits. Certaines de ces mesures nécessitaient un décret d'application. Monsieur le ministre, en la matière et sur ce sujet éminemment sensible, je tiens à vous féliciter.
Dès le mois de mai, les produits pour lesquels un encadrement des remises, rabais et ristournes est prévu par la loi étaient listés. En outre, le mécanisme de coefficient multiplicateur est opérationnel depuis le mois de juillet. Il n'a cependant pas encore été utilisé. Pour autant, son existence est déjà un facteur dissuasif qui peut contribuer à limiter la chute des prix des fruits et légumes lors des crises et inciter les distributeurs à adopter un comportement plus responsable.
Enfin, je sais, puisque vous avez bien voulu m'y associer, que vous menez des consultations pour ajuster efficacement les seuils de déclenchement de ce coefficient que vous envisagez d'utiliser si la situation l'exige.
M. Daniel Soulage. Monsieur le ministre, j'espère que vous pourrez nous apporter, en votre nom ou au nom des ministres concernés, des réponses sur ces quelques points.
Je remercie vivement le président de la commission des affaires économiques, M. Emorine, également rapporteur de la loi relative au développement des territoires ruraux, car son initiative nous permet de renouer une discussion intéressante sur les mesures votées l'année dernière.
Par ailleurs, monsieur le ministre, j'espère que vous nous informerez régulièrement sur l'application de cette loi ainsi que sur l'évaluation de ses effets.
Pour conclure, monsieur le ministre, l'élu rural que je suis vous félicite pour cette loi et vous remercie en particulier de votre capacité d'écoute des parlementaires. Je salue également l'action courageuse que vous menez à la tête d'un ministère dont l'administration est loin d'être facile. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)
M. Dominique Mortemousque. Bravo !
M. le président. La parole est à M. Paul Raoult.
M. Paul Raoult. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens tout d'abord à féliciter le président de la commission des affaires économiques, M. Emorine, d'avoir initié ce débat sur l'application de la loi relative aux territoires ruraux et le Gouvernement de l'avoir accepté.
Dans le passé, des retards très importants ont souvent été constatés. Un an après l'adoption de ce texte, il me semble donc utile que nous fassions publiquement le point. Cette piqûre de rappel stimulera peut-être M. le ministre s'agissant de la publication des décrets d'application.
J'espère surtout que cette initiative sera reprise pour d'autres textes. Pour ne prendre qu'un exemple, la loi d'orientation agricole que nous venons de voter appelle de très nombreux décrets d'application. Il serait donc intéressant qu'une séance de ce type nous permette, à intervalle régulier, de faire le point avec le Gouvernement sur l'application des lois.
M. Paul Raoult. Une telle initiative grandirait le rôle du Parlement.
Au-delà du comptage des décrets qui ne sont pas encore parus, je voudrais insister plus particulièrement, de manière très générale, sur quatre points.
Le premier, évoqué par M. Soulage, concerne l'ampleur du mouvement de populations vers les zones rurales, en particulier en zones périurbaines, confirmée par le dernier recensement partiel.
De nombreuses zones rurales connaissent une immigration spectaculaire, avec l'installation de jeunes foyers qui cherchent un cadre de vie plus agréable, plus sûr, en profitant d'une offre foncière à des prix nettement moins élevés. L'installation de nouvelles populations s'inscrit dans un rayon plus ou moins grand, pouvant atteindre jusqu'à cent kilomètres, par rapport aux agglomérations, en fonction des moyens de transport existants sur le territoire.
Ce phénomène pose plusieurs problèmes. Tout d'abord, comment accompagner les communes ou les intercommunalités dans la maîtrise de leur sol ? Beaucoup de communes rurales sont contraintes de réviser leur plan local d'urbanisme pour augmenter l'offre foncière ; d'autres, dépourvues de PLU ou de carte communale, souhaitent en élaborer un.
Aujourd'hui, l'administration de l'État, en clair la DDE, manque de moyens financiers et humains pour accompagner ces communes. Cela est dommage car l'attente des communes est forte, sous la pression des demandes de terrains en vue de bâtir des logements. Je souhaite donc que des moyens exceptionnels soient dégagés dans les secteurs géographiques les plus démunis.
J'évoquerai brièvement la difficulté de faire vivre ensemble des populations qui ont une culture et un mode de vie différents. Il conviendrait peut-être d'ajuster notre législation afin de mieux protéger l'activité économique traditionnelle de nos territoires, surtout en face de juges qui ont une culture urbaine.
Ainsi, dans un petit village du Cambrésis, un métier à broder a été condamné au silence - ce qui revient à condamner l'entreprise à disparaître - sous prétexte que le bruit trop élevé gênait le voisin. Et je passe sur le chant du coq, la sonnerie de l'angélus qui perturbe le sommeil de paisibles retraités, les odeurs insupportables de fumier, de pulpe de betterave, ou encore les salissures provoquées par les roues des tracteurs...
L'arrivée de ce flot de nouvelles populations nous contraint également à redéfinir les transports collectifs - cars, bus, trains. À cet égard, je souhaite que tous les partenaires s'impliquent dans une meilleure définition du réseau de transport.
Ensuite, je m'inquiète beaucoup de la poursuite de la politique de « déménagement » du territoire par certains services publics, au nom des nécessaires progrès de la productivité. Comme j'ai pu en être le témoin ces dernières semaines, on oublie, malgré la loi, les intérêts primordiaux des territoires, et on continue de proposer des suppressions de classes et d'écoles. Dans le Nord et au sein de mon propre canton, le nombre de suppressions de classes me fait vraiment frémir.
De même, voilà quelques jours, le directeur de La Poste de l'arrondissement d'Avesnes me proposait de transformer un bureau de poste en agence postale. Il convient d'ajouter les menaces qui pèsent sur certaines lignes ferroviaires, la dernière en date, la ligne Maubeuge-Paris, concernant les zones rurales de l'Avesnois.
Il serait tout de même temps d'inverser la tendance et de redonner élan et dynamisme aux services publics, en adoptant par exemple des horaires d'ouverture plus appropriés, en informant de façon plus percutante et répétée des services rendus par ces derniers.
Lorsqu'on ferme des services publics, c'est en quelque sorte de la substance de notre territoire qui s'en va, et peut-être regrettera-t-on, demain, cette disparition, comme on a pu regretter la disparition dans les zones urbaines, voilà une trentaine d'années, des réseaux de tramways ou des lignes de chemin de fer, que l'on tente aujourd'hui de rétablir à grands frais.
Le troisième point que je veux évoquer concerne les pôles d'excellence rurale, qui ont été annoncés par le Gouvernement après le vote de la loi relative au développement des territoires ruraux. Trois cents d'entre eux seraient programmés en 2006 et l'appel à candidatures a été lancé.
Les élus, toutes tendances politiques confondues, ont salué la pertinence de cette initiative. Plusieurs questions restent cependant en suspens : les moyens financiers seront-ils réellement dégagés ? Le zonage prendra-t-il en compte la singularité des territoires ruraux ? Qu'en sera-t-il de la concertation avec les collectivités territoriales qui devront obligatoirement participer au financement de ces pôles d'excellence rurale ? J'espère donc que cette idée, loin d'être un gadget, sera un outil susceptible de provoquer l'activité économique en milieu rural.
Mon dernier point concerne la téléphonie mobile. Monsieur le ministre, je veux exprimer ma colère devant la publicité mensongère des grands groupes de téléphonie mobile, qui font croire, par exemple lors du congrès des maires de France, que d'immenses territoires sont couverts.
M. Paul Blanc. Il a raison !
M. Paul Raoult. Dans l'Avesnois, de nombreux villages ne sont que très partiellement couverts, pour peu qu'il se trouve une vallée d'un dénivelé de dix ou vingt mètres à une altitude de cent vingt mètres !
M. Paul Blanc. Eh oui !
M. Paul Raoult. Je veux traduire ici le très vif mécontentement des populations, en particulier des médecins, des sapeurs-pompiers et des infirmières, qui ne peuvent utiliser dans de bonnes conditions leur téléphone portable pour exercer leur travail. Compte tenu du montant des dividendes distribués par ces grands opérateurs, je pense qu'une part plus importante de leurs profits devrait être réinvestie pour assurer une meilleure couverture des territoires. (M. Paul Blanc applaudit.).
J'aurais également pu évoquer le manque de médecins, ou les médecins introuvables le week-end. En effet, la situation s'est encore aggravée ces derniers mois sur mon territoire.
M. Jacques Blanc nous a fait tout à l'heure un numéro extraordinaire !
M. Jacques Blanc. Ce n'était pas un numéro !
M. Paul Raoult. Chacun peut réécrire l'histoire : la gauche comme la droite sont responsables de l'incapacité du pouvoir politique à résister au corporatisme d'un certain nombre de professions.
M. Gérard Delfau. Eh oui !
M. Paul Raoult. Qui a inventé le numerus clausus dans les facultés de médecine ? Ensuite, tout le monde a continué, à gauche comme à droite. Aujourd'hui, on manque de médecins et la situation est devenue dramatique, au point que je me demande si les mesures d'incitation proposées par la loi, qui peuvent paraître intéressantes, permettront de résoudre le problème. Dans mon secteur, cinq médecins qui ont entre 55 et 60 ans vont partir à la retraite et ils n'ont pas de successeurs. Il n'y a pas un médecin pour reprendre leur clientèle.
M. Gérard Delfau. Effectivement !
M. Paul Raoult. Notre responsabilité est réellement engagée par rapport aux décennies précédentes.
En conclusion, j'espère, monsieur le ministre, que vous aurez la possibilité de faire publier plus de décrets. Convenez tout de même qu'au-delà de cette loi des problèmes de fond subsistent, comme la diminution importante du revenu des agriculteurs au cours de l'année qui vient de s'écouler. C'est la raison pour laquelle, outre la nécessité d'appliquer ce texte à travers des décrets, il me semble nécessaire de prévoir d'autres avancées.
De ce point de vue, la réflexion sur les pôles d'excellence rurale me paraît une mesure intelligente, même si l'on constate aujourd'hui que l'évolution des zones rurales ne va plus dans le sens de ce que l'on a connu au cours des décennies précédentes, en raison de la spéculation foncière et de la volonté de nombre de nos concitoyens de venir habiter en milieu rural.
Par conséquent, monsieur le ministre, il nous faudra, me semble-t-il, redéfinir les fondamentaux de la politique des territoires ruraux dans les mois et les années à venir. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Bruno Sido.
M. Bruno Sido. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais, tout d'abord, remercier le président de notre commission des affaires économiques, M. Jean-Paul Emorine, d'avoir pris l'initiative de ce débat qui me paraît très important pour nos territoires ruraux.
Je souhaite, pour ma part, intervenir sur un dossier qui me tient particulièrement à coeur et qui joue un rôle essentiel dans le développement des territoires ruraux - dossier qui a été évoqué très rapidement, sans doute trop rapidement, d'ailleurs, par l'orateur qui m'a précédé à cette tribune -, je veux parler de la couverture du territoire en matière de téléphonie mobile.
Lors de la discussion du projet de loi pour la confiance dans l'économie numérique, le Sénat a, sur mon initiative, et grâce au Gouvernement qui avait inscrit ce texte à l'ordre du jour, après que l'Assemblée nationale l'eut voté, adopté un dispositif qui devait permettre, d'ici à juillet 2007, la couverture de l'essentiel des centres-bourgs ainsi que des grands axes de circulation. Dès lors, tout notre territoire devait être couvert, en particulier par le biais de l'itinérance locale en zone blanche.
Certes, je suis conscient que ce thème déborde quelque peu le cadre de la seule loi relative au développement des territoires ruraux, encore que nous ne soyons pas du tout éloignés du sujet qui renvoie aux mêmes questions de fond, à savoir l'attractivité des zones rurales et l'application des lois.
Or, de ce point de vue, je ne puis, monsieur le ministre, vous cacher ma vive préoccupation.
Je rappelle en effet que, selon l'article 52 de la loi pour la confiance dans l'économie numérique, le Gouvernement devait présenter, chaque année, devant le Parlement l'état d'avancement de la couverture en téléphonie mobile. Il s'agissait là d'un engagement tout à fait louable, mais qui, malheureusement, n'a pas été tenu.
Je dois rappeler que la première phase de déploiement de la téléphonie mobile devait couvrir 1 250 sites en 2003 et 2004, la seconde phase devant permettre de compléter le maillage de 2005 à 2007. Puis-je, en outre, souligner ici que la liste nationale établie et signée le 15 juillet 2003 ne comprenait pas les bourgs-centres ou les centres de bourgs concernés par la loi Marcellin, je veux parler des communes en fusion- association.
Certes, je comprends que le Gouvernement et l'administration les aient oubliées, puisque ces communes ayant perdu leur numéro INSEE n'existaient plus.
M. Bruno Sido. En effet, monsieur le ministre.
À cet égard, mon département, la Haute-Marne, est particulièrement concerné, puisqu'il est le champion en la matière, devant la Meuse.
Dès lors, force est de constater que l'article 52 de ce projet de loi tel qu'il a été présenté au Parlement n'a pas été tout à fait respecté.
Par conséquent, monsieur le ministre, j'aimerais savoir si l'objectif que nous nous étions fixé, à savoir la couverture de 99 % de la population - 100 % étant la perfection, ce qu'il est probablement impossible d'atteindre - est à notre portée dans les dix-huit mois à venir, ainsi que nous l'avions prévu. Je dois, pour ma part, vous avouer mon inquiétude sur ce point.
C'est la raison pour laquelle je tiens dès à présent à informer le Sénat et le Gouvernement que j'ai, à mon tour, déposé une question orale avec débat concernant l'application de l'article 52 de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique. Cela devrait aussi être pour nous, parlementaires, l'occasion de faire le point avec le Gouvernement sur la couverture du territoire en infrastructures de haut débit. J'émets le voeu que cette question orale soit rapidement inscrite à l'ordre du jour de notre assemblée.
En conclusion, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'attention accrue portée à l'application des lois que nous avons votées me semble très positive et nos efforts dans ce domaine doivent être poursuivis. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Gérard Delfau.
M. Gérard Delfau. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi initial sur le développement des territoires ruraux était sans véritable contenu et manquait d'ossature, tant il est vrai que ni la place du rural par rapport à l'urbain ni la dimension européenne de la PAC n'étaient clairement prises en compte. Heureusement, ce texte a été largement enrichi par la Haute Assemblée.
Un an après le vote de cette loi, où en sommes-nous ? Nous devons à l'heureuse initiative de M. le président de la commission des affaires économiques de pouvoir faire le point sur ce sujet aujourd'hui.
Or le constat est le suivant : beaucoup d'articles, mais peu de décrets parus, les deux tiers d'entre eux restant en attente, certains devant le Conseil d'État, alors que d'autres semblent tout simplement perdus de vue par votre administration, monsieur le ministre, ce qui, soit dit en passant, ne peut que renforcer la mauvaise humeur de M. Jean-Louis Debré, président de l'Assemblée nationale, lequel stigmatise régulièrement l'inflation des textes législatifs sans pour autant en convaincre le Gouvernement qu'il soutient !
Il convient de souligner qu'entre le dépôt de cette question par la commission des affaires économiques et le débat d'aujourd'hui, une dizaine de décrets sont parus en rafale durant les fêtes de fin d'année.
Ces décrets concernent des mesures destinées à favoriser l'installation des personnels de santé ainsi que la constitution d'établissements privés hospitaliers en zone de montagne ou dans des territoires peu peuplés. Si, du point de vue des délais, cela est satisfaisant, je ne puis toutefois que redire mon inquiétude quant au contenu de ces textes.
En effet, comment demander à des collectivités territoriales qui ne bénéficient pas de moyens financiers suffisants de contribuer au financement d'un service public aussi vital - et j'emploie le mot à dessein - que la présence sur leur territoire d'un médecin, d'une infirmière, d'un kinésithérapeute, voire la construction d'un établissement de soins privés ?
Il s'agit là d'un tournant dans la politique de santé publique qui a été menée depuis la Libération et je tenais à souligner en cet instant à quel point tout cela me paraît à la fois déraisonnable et peu efficace.
Cela étant dit, je voudrais vous poser trois questions, monsieur le ministre.
L'article 106 concerne la présence de services publics de proximité en milieu rural, en zone de montagne notamment. Le texte, long et diffus, n'a donné lieu à aucune application concrète. Le rapport de la conférence nationale des services publics en milieu rural demeure très vague. Les objectifs que devait arrêter le Gouvernement ne sont pas connus. Quant à la concertation locale, elle n'a pas empêché la fermeture de nombreux services publics, ainsi que plusieurs de mes collègues l'ont dit à cette tribune avant moi.
Dès lors, c'est ma première question, le moment n'est-il pas venu, monsieur le ministre, de réfléchir à la mise en place de lieux polyvalents, regroupant des services publics et/ou privés, dont les maisons des services publics pourraient esquisser l'esprit ? Ne faudrait-il pas généraliser les maisons de garde médicale, qui, en favorisant le regroupement des professionnels de la santé, permettraient d'assurer la permanence des soins la nuit, durant les week-ends et pendant la pause estivale ? J'ai récemment fait adopter un amendement à ce sujet. Envisagez-vous de saisir cette opportunité ?
Par ailleurs, et cela fera l'objet de ma deuxième question, le développement des territoires ruraux souffre d'un handicap majeur, et que nul ne conteste, à savoir la faiblesse des ressources de ses collectivités. En effet, l'écart ne cesse de se creuser entre, d'une part, les villes et les départements riches et, d'autre part, les territoires ruraux dépourvus de taxe professionnelle et qui sont frappés par la crise de l'agriculture.
Par conséquent, monsieur le ministre, le moment n'est-il pas venu de mettre à plat les inégalités de richesses entre collectivités et ne convient-il pas de proposer une nouvelle avancée en matière de péréquation horizontale et verticale, la dernière grande étape en la matière remontant à 1992-1993 ?
Ma troisième et dernière question est la suivante. Je ne puis faire autrement que d'évoquer un sujet qui se situe au coeur du développement des territoires ruraux pour beaucoup de départements du Midi de la France, je veux parler du maintien d'une viticulture de qualité, aujourd'hui menacée dans son existence même.
J'ai déjà eu l'occasion d'attirer votre attention sur l'aggravation de la crise. Ne pourriez-vous saisir, monsieur le ministre, l'opportunité de ce débat pour réitérer votre engagement dans ce domaine, mais aussi et surtout pour esquisser les mesures que vous comptez prendre à court et à moyen terme ?
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Gérard Delfau. En conséquence, monsieur le ministre, nous attendons de vous des réponses précises, de nature à redonner espoir à l'ensemble des territoires ruraux quelles que soient leur diversité et leur spécificité. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Thierry Repentin.
M. Thierry Repentin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, tout en prenant acte du rythme de parution des décrets d'application de la loi relative au développement des territoires ruraux, je tiens à souligner, comme l'ont d'ailleurs fait un certain nombre de mes collègues, la diversité des thématiques contenues dans ces décrets, diversité qui renforce le sentiment que nous avions exprimé lors du débat parlementaire portant sur un projet de loi manquant de ligne directrice et comportant de nombreuses mesures sectorielles, même si ces dernières pouvaient parfois constituer un progrès.
S'agissant des zones de revitalisation rurale, les ZRR, qui concernent les parties les plus fragilisées de nos territoires, l'application de l'article tendant à étendre l'exonération dans ces zones aux créations d'activités commerciales ou aux reprises d'activités commerciales et artisanales constitue sans doute une avancée pour les porteurs de projets, même s'il n'en va pas de même pour les communes ou leurs groupements puisque leurs rentrées fiscales seront moins importantes.
Quant à la circulaire sur « le service public en milieu rural », si elle définit, certes, la mise en oeuvre de mécanismes de concertation, elle n'a de sens que s'il existe une volonté réelle de maintien des services publics de proximité, ce que ne laissent pas augurer un certain nombre de textes qui ont été votés depuis la publication de ce texte, je pense en particulier à la restructuration du réseau postal, sujet sur lequel mon collègue Pierre-Yvon Trémel a beaucoup travaillé. (M. Pierre-Yvon Trémel opine.)
Par ailleurs, dans un contexte de crise conjoncturelle particulièrement sévère en cette saison 2005-2006, notamment en ce qui concerne l'arboriculture, le décret relatif à la mise en oeuvre d'un mécanisme de coefficient multiplicateur entre l'achat et la vente de fruits peut prendre tout son sens ; le temps nous dira si tel est le cas.
Pourtant, force m'est de constater que de nombreuses mesures n'ont pas encore pu trouver une traduction concrète et M. le rapporteur au fond a d'ailleurs beaucoup insisté sur ce point dans son propos.
Pour ma part, j'aborderai, en premier lieu, les espaces qui ne concernent pas la montagne, puis j'évoquerai les problèmes liés à la montagne proprement dits.
En dehors de l'espace montagne, s'agissant de la thématique de protection des espaces naturels, en particulier celle de la mise en valeur des espaces agricoles périurbain, à un moment où les recensements partiels de population effectués font apparaître l'image d'une France périurbaine, avec les conséquences sur le paysage et sur l'agriculture que l'on sait, l'article 73 concernant la protection et la mise en valeur des espaces agricoles périurbains n'a toujours pas fait l'objet d'un décret.
Il en va de même des mesures significatives concernant les zones humides ou les zones Natura 2000 qui n'ont pas toutes été mises en application, je pense en particulier à l'exonération de taxe foncière des propriétés dès lors qu'a été pris un engagement de gestion de l'avifaune.
Concernant les ZRR, alors que l'opinion s'interroge sur le bien-fondé des aides aux entreprises, encouragée en cela par plusieurs exemples très médiatisés de suppressions d'emplois au sein d'unités de production qui avaient pourtant fait l'objet d'un accompagnement des pouvoirs publics, l'article 6 relatif remboursement des aides en cas de délocalisation d'une entreprise ou d'un organisme n'a toujours pas fait l'objet d'un décret.
En ce qui concerne la montagne, trois points me semblent particulièrement importants.
Il s'agit tout d'abord de l'économie, et notamment de l'activité touristique des territoires. À un moment où le Gouvernement affirme sa volonté de lutter contre le phénomène dit des « volets clos », car le remplissage permet d'éviter la densification de l'urbanisation, l'article 20 de la loi, relatif à la réduction d'impôt dans les résidences de tourisme en ZRR, tout comme le régime des opérations de rénovation de l'immobilier de loisir, ne se trouve pas encore complètement appliqué, notamment parce que la liste des communes touristiques concernées n'a toujours pas été établie.
Sur ce point, je rappellerai à notre collègue Jacques Blanc qu'un dispositif a déjà été mis en place dans le passé. Je suis bien placé pour l'affirmer, puisque le hasard de mes pérégrinations d'élu m'a conduit la semaine dernière en Haute-Maurienne, notamment dans la vallée des Arves, à Valmeinier et à Aussois, afin d'inaugurer des résidences touristiques, qui se développent aujourd'hui. Or, les panneaux publicitaires qui vantaient l'achat de plusieurs résidences faisaient référence au régime de défiscalisation dit « Demessine ». Même si notre collègue Michelle Demessine ne se trouve pas présente aujourd'hui, il me semble qu'il faut rendre à César ce qui lui appartient...
M. Jacques Blanc. En l'occurrence, c'est la femme de César ! (Sourires.)
M. Thierry Repentin. ...et que la vertu se rencontre partout.
Je développerai en deuxième lieu l'exemple du logement social. Au moment où celui-ci se trouve érigé en priorité nationale et où la presse se fait l'écho des conditions de logement souvent difficiles, et parfois inadmissibles, des salariés saisonniers dans les stations, le dispositif qui permet de réserver au profit de ces derniers au moins 15 % des logements ne dispose toujours pas de fondement légal !
Nous sommes très attachés à cette disposition. En effet, s'il faut tout mettre en oeuvre pour garantir l'attractivité touristique de notre pays, essentielle pour notre balance des paiements, nous devons, parallèlement, assurer des conditions de vie décentes à celles et ceux qui se trouvent à l'origine de cette attractivité, par la qualité de leurs services et de leurs prestations.
Ainsi, nous contribuerons en même temps à rendre attrayants les métiers du tourisme dans nos territoires, et notamment dans les zones de montagne, où la question du logement, chacun peut le comprendre, prend une acuité toute particulière pendant la période hivernale.
Je rappellerai également une disposition qui date de 2000 et fut, à l'époque, l'oeuvre commune de la secrétaire d'État au tourisme, Michelle Demessine, et du secrétaire d'État au logement, Louis Besson. Après concertation avec les partenaires sociaux, les syndicats et les principaux employeurs saisonniers, tous deux avaient élaboré un plan dans lequel ils s'engageaient à susciter la création de 5000 logements dans les stations de sports d'hiver.
Sous la houlette du ministère de l'équipement, nous sommes en train de dresser le bilan de cet engagement. Or il apparaît que plus de 4000 logements ont déjà été réalisés, dont 70 % en montagne. Vous le voyez, une nouvelle fois, il arrive que la vertu se rencontre partout, ce que vous avez tendance à oublier, même si je ne doute pas que dans cette omission n'entre aucune malice.
En outre, depuis l'entrée en vigueur de la loi SRU, il n'est plus possible de déposer un dossier tendant à la création d'une UTN, c'est-à-dire d'une unité touristique nouvelle, sans que soit traitée spécifiquement la question du logement des saisonniers.
S'agissant justement des UTN, et ce sera mon troisième point, les règles régissant leur procédure n'ont pas non plus été définies, alors que nous connaissons leur importance pour le développement des territoires de montagne.
Monsieur le ministre, vous vous étiez engagé à favoriser la concertation entre les acteurs de la montagne, les parlementaires qui étaient intervenus dans le débat et les différents ministères concernés, afin de clarifier la mise en oeuvre de ce dispositif. Vous savez combien les enjeux sont ici importants. Comment les différents acteurs seront-ils représentés, par exemple au sein des commissions départementales ? Le système retenu sera-t-il proche de celui qui existe à l'échelle des massifs ?
De même, quel seuil de déclenchement sera retenu pour les remontées mécaniques, et quelles procédures mises en oeuvre, tant à l'échelle des massifs qu'à celle des départements ? Quelles dispositions s'appliqueront au projet d'installation des « ascenseurs », qui assurent la liaison, par exemple, entre un parking et un site de loisir de neige, ou entre deux hébergements éloignés ?
Vous connaissez l'importance des seuils de déclenchement des procédures pour les débits et les dénivelés pris en compte. Le projet de décret, qui n'a guère fait l'objet de concertation, a été, dit-on, « bleui » la semaine dernière. Monsieur le ministre, pourriez-vous dévoiler son contenu à la représentation nationale ? Il intéresse, en effet, tous les porteurs de projets, mais aussi les partenaires associatifs, présents sur les territoires, ou les regroupements d'élus et d'acteurs tels que l'ANEM, l'association nationale des élus de montagne, chère au coeur de nombreux membres de cette assemblée, l'association des maires de stations, voire le syndicat national des téléphériques de France.
Enfin, monsieur le ministre, même si depuis quelques mois cette question ne relève plus de votre responsabilité, me semble-t-il - le confirmerez-vous ? -, vous ne serez pas étonné que de nombreux maires dans nos territoires attendent le décret qui dressera la liste des communes urbaines figurant en annexe du code général des collectivités territoriales.
En effet, cette liste désigne, a contrario, les communes classées « rurales » et ainsi éligibles aux subventions du FNDAE, le Fonds national pour le développement des adductions d'eau, ainsi qu'à la DGE, la dotation globale d'équipement. En septembre dernier, vous assuriez, à moi et à d'autres parlementaires, à l'occasion de questions écrites, que le décret paraîtrait au bout de quelques mois. Or nous y sommes ! Nous attendons donc vos réponses. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste - M. Gérard Delfau applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Dominique Bussereau, ministre de l'agriculture et de la pêche. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je me félicite que M. Emorine ait pris l'initiative de cette question orale, qui pourrait d'ailleurs, me semble-t-il, être répétée dans quelques mois au sujet de la loi d'orientation agricole. En effet, il s'agit là d'un bon moyen pour les ministres d'administrer à leurs services des piqûres de rappel.
M. Charles Revet. Est-ce nécessaire ? (Sourires.)
M. Dominique Bussereau, ministre. Bien sûr que c'est nécessaire, monsieur Revet, vous le savez comme moi : vous connaissez le fonctionnement d'une grande administration, même départementale, puisque vous avez été président de conseil général, et du reste un excellent président.
M. Charles Revet. Merci, monsieur le ministre !
M. Dominique Bussereau, ministre. Ce type de question permet utilement de suivre l'état d'avancement des décrets d'application de la loi du 23 février 2005, d'autant que la Haute Assemblée a très fortement contribué à enrichir ce texte, dont le ministère de l'agriculture et de la pêche a coordonné l'élaboration.
Je remercie chacun des orateurs de la qualité des réflexions et des échanges, qui ont tracé des perspectives nouvelles pour le développement de nos territoires ruraux.
De fait, en adoptant la loi d'orientation agricole, vous avez souhaité procéder, par rapport au texte sur le développement des territoires ruraux, à des avancées complémentaires. Celles-ci ont porté, notamment, sur le renforcement des politiques de soutien à l'emploi dans les campagnes, grâce aux pôles d'excellence rurale. Ces dispositions complètent le socle législatif que constitue la loi du 23 février 2005. Elles permettront d'en prolonger les effets dès 2006.
Je rappellerai que la loi relative au développement des territoires ruraux a été le fruit d'une volonté politique forte. Elle découle d'un souhait du Président de la République, qui a conduit le Gouvernement à lancer, dès 2003, sous la tutelle d'Hervé Gaymard et de Nicolas Forissier, une nouvelle dynamique au profit des espaces ruraux.
Cette loi a été complète, abordant des thèmes multiples, de nature interministérielle. Elle a cherché à souligner la spécificité des besoins et des solutions à apporter aux problèmes ruraux. Elle a rappelé les objectifs du développement de ces territoires et défini les actions à mener autour de trois grands principes, qui sont le développement de l'économie et de l'emploi, l'offre de services au public et la préservation des espaces spécifiques et sensibles.
Ces enjeux étant posés, il est nécessaire, en effet, que tous les instruments d'application soient le plus complètement et le plus rapidement mis en place.
Je partage naturellement votre souci de disposer des textes nécessaires dans les meilleurs délais. J'ai été député suffisamment longtemps pour savoir que rien n'est plus exaspérant pour la représentation nationale que de voter des lois et constater que les textes d'application ne suivent pas.
M. Charles Revet. C'est vrai !
M. Dominique Bussereau, ministre. Souvenez-vous : quand ce texte est venu devant le Parlement - les discussions ont commencé au Sénat, me semble-t-il, alors que je n'étais pas encore chargé du ministère de l'agriculture -, il comportait 76 articles, dont l'application nécessitait plus d'une vingtaine de décrets. Or, au terme d'un débat parlementaire que vous avez vous-même qualifié de riche, et que nous pourrions même dire opulent, le texte promulgué compte 240 articles et requiert la publication d'environ 70 décrets ! Nous avons changé de dimension.
Comme je l'avais annoncé, pour suivre régulièrement l'avancement de ces textes d'application, nous avons installé une mission spécifique interministérielle, placée auprès du ministère de l'agriculture et de la pêche. J'attire votre attention sur la complexité particulière de la tâche, puisque onze ministères sont conjointement impliqués dans la rédaction des textes d'application.
S'agissant du ministère de l'agriculture et de la pêche, au risque de paraître immodeste, je tiens à souligner que, sur 32 décrets à prendre, 27 sont parus ou doivent prochainement être signés. Aujourd'hui même, et c'est un hasard, a été publié le décret relatif au financement de la médecine du travail, qui complète l'article 71 de la loi. Les cinq décrets qui sont de ma responsabilité et n'ont pas encore été publiés le seront tous d'ici à la fin du mois d'avril.
Bien sûr, la parution des décrets d'application dépend également de la progression du travail au sein du Conseil d'État, qui a fort à faire. En effet, sur les 69 décrets nécessaires, 47 doivent être pris en Conseil d'État.
Vous l'avez souligné dans vos interventions, la pluralité des intervenants concernés par la loi est la condition de l'efficacité des mesures en faveur du monde rural. Certes, celles-ci doivent dépasser les cloisonnements administratifs habituels. Toutefois, à l'évidence, il s'agit d'une difficulté supplémentaire pour une publication rapide des textes d'application.
J'ai vu, ici ou là, dans les médias, qui se sont fondés sur une dépêche de l'Agence France-presse, qu'au terme du bilan d'étape les deux tiers des textes d'application n'auraient pas été pris. C'est faux ! En réalité 80 % des articles de la loi sont applicables à ce jour et 92 % le seront très prochainement.
Un tiers des décrets, ceux qui dépendent de mon ministère, sont d'ores et déjà publiés ; un deuxième tiers se trouve en cours d'examen au Conseil d'État ou dans le circuit de signature des différents ministères. Je l'affirme solennellement devant la Haute Assemblée : le Gouvernement s'engage désormais à publier l'ensemble des décrets dans des délais raisonnables.
Je visais déjà un tel objectif. Après vous avoir entendu, je travaillerai encore davantage en ce sens. Je vous rendrai compte des progrès accomplis quand vous le souhaiterez.
Compte tenu de la richesse de cette loi, je porterai seulement quelques coups de projecteur sur des thèmes importants pour l'avenir de la ruralité, en commençant naturellement, parce qu'elles se situent au coeur de l'action du Gouvernement, par les dispositions qui contribuent à nous faire gagner la bataille de l'emploi.
Outil essentiel de dynamisation des territoires et de rééquilibrage en faveur des espaces les plus défavorisés, les zones de revitalisation rurale constituent véritablement l'essence de la loi. Le chapitre qui leur est consacré se trouve à peu près complètement opérationnel, car le décret sur les critères d'actualisation des ZRR a été publié le 21 novembre dernier.
L'arrêté qui dresse la liste des communes classées en ZRR, répondant à une préoccupation de MM. Jean-Paul Emorine et Jacques Blanc, a été publié le 31 décembre 2005. Vous avez donc pu le lire pendant la soirée du réveillon. (Sourires.)
Un décret doit encore être finalisé pour permettre l'application de l'article 6 de la loi, qui a été proposé par le Parlement et qui est relatif au remboursement des avantages consentis aux entreprises installées en ZRR, lorsqu'elles décident...
M. Thierry Repentin. ...de délocaliser !
M. Dominique Bussereau, ministre. ...de cesser leur activité dans ces zones. Toutes les autres mesures concernant les ZRR sont d'ores et déjà applicables.
Monsieur Jacques Blanc, pour vous répondre plus précisément, et s'agissant tout d'abord de l'exonération des charges sociales pour les employeurs associatifs dans les ZRR, je précise que les associations qui gèrent les centres pour handicapés, dont je sais qu'ils vous sont chers - une grande loi porte votre nom -, les maisons de retraite ou les centres de vacances pourront bénéficier des exonérations prévues à l'article 15 de la loi relative au développement des territoires ruraux, sous réserve qu'elles aient leur siège en ZRR, n'exercent pas d'activité lucrative et ne fonctionnent pas au bénéfice d'un cercle trop restreint de personnes.
M. Jacques Blanc. C'est parfait !
M. Thierry Repentin. Mais quand est-ce que cela s'appliquera ?
M. Dominique Bussereau, ministre. Quasi immédiatement, monsieur Repentin !
Monsieur Jacques Blanc, vous m'avez également posé une question sur l'extension aux professions libérales du dispositif d'exonération fiscale favorisant les reprises d'activité. Ce point ne nécessitant pas de texte d'application particulier, la mesure est donc applicable depuis la publication de la loi, et même pour les revenus fiscaux de l'année 2004.
S'agissant des autres activités économiques en milieu rural, les dispositions sont toutes applicables. À cet égard, cela a été évoqué, la loi a permis de définir, grâce à la concertation, quatre mesures exemplaires pour répondre aux difficultés du secteur des fruits et légumes. Les textes réglementaires concernant l'encadrement de l'annonce de prix, les remises commerciales, la définition des crises et, enfin, monsieur Soulage, le coefficient multiplicateur, projet dont vous avez été l'un des porteurs, ont tous été publiés avant l'été dernier. Certes, nous n'avons pas utilisé cet outil, peut-être à tort, d'ailleurs, pendant les crises de l'été, de la fin de l'été en particulier. Nous devons donc porter un regard attentif sur ce point et c'est pourquoi nous travaillons avec vous sur une meilleure régulation du coefficient multiplicateur. Cela étant, son existence même, un peu à la manière d'une arme de dissuasion, a certainement permis de renouer le dialogue interprofessionnel et de fonder la restructuration de l'interprofession des fruits et légumes, ce dont je me félicite.
Le dispositif présente, c'est vrai, des insuffisances. Nous avons donc organisé des réunions de travail, auxquelles vous avez bien voulu participer, monsieur Soulage, avec les représentants du nouvel office VINIFHLOR, pour évaluer et faire évoluer le mécanisme avec les professionnels. Je le répète et je le redirai encore devant les professionnels des fruits et légumes que je rencontrerai en Isère à la fin de la semaine, je suis prêt à adapter les textes réglementaires, en particulier sur le délai et le seuil de déclenchement du coefficient multiplicateur. Pour l'avenir, nous associerons tous les parlementaires aux réunions programmées en vue de définir les modalités de déclenchement du coefficient multiplicateur lorsque le seuil d'alerte est atteint.
En ce qui concerne toujours le domaine économique, la mesure sur la régulation de l'offre par les interprofessions viticoles a été évoquée par M. Jacques Blanc et intéresse notamment M. Delfau, qui connaît bien ces sujets. Cette mesure a bien été prise et le décret a été publié le 5 novembre dernier.
Monsieur Emorine, vous m'avez interrogé sur l'Agence française d'information et de communication agricole et rurale, l'AFICAR. Elle constitue en effet un enjeu important pour promouvoir l'image de l'agriculture et de la ruralité. J'ai le plaisir de vous annoncer que mes collègues Thierry Breton et Jean-François Copé ont signé le décret aujourd'hui même, ce qui devrait permettre une publication très rapide au Journal officiel.
Pour aller un peu plus loin que le volet économique, j'aborde maintenant le volet emploi la loi relative au développement des territoires ruraux. Dans ce domaine, nous constatons une véritable avancée, puisque, sur vingt-quatre articles concernant l'emploi, vingt, soit 85 %, disposent des textes d'application.
Le décret attendu sur l'extension des services de remplacement aux chefs d'entreprise est publié. S'agissant des trois décrets nécessaires à la totalité de l'application de ces mesures, ils sont devant le Conseil d'État. C'est notamment le cas du décret, à propos duquel s'inquiétait M. Pastor, sur l'ouverture des groupements d'employeurs aux collectivités ou les règles de rattachement social des pluriactifs. L'arrêté sur la sécurité des tracteurs, également cité par M. Pastor, est prêt. Il a été notifié à la Commission européenne, qui, vous le savez, pour ce type de mesures, dispose d'un délai suspensif de trois mois. Ce délai s'achève le 16 février. Si rien n'intervient d'ici là, cet arrêté pourra être publié dans la foulée. Mesdames, messieurs les sénateurs, le volet emploi, priorité du Gouvernement et de la majorité qui le soutient, sera donc rapidement applicable en totalité.
Au cours des débats, les dispositions relatives à la gestion foncière et à la rénovation du patrimoine bâti rural ont suscité des échanges intéressants et importants. Le décret concernant la procédure d'aménagement foncier et, notamment, les modalités de décentralisation aux départements a été transmis au Conseil d'État en octobre dernier, après un large travail de concertation. Monsieur Emorine, celui-ci devrait se prononcer le 31 janvier et le décret sera, alors, publié en février. Nous déplorons donc un léger retard, mais il n'aura eu, heureusement, que peu de conséquences. L'État restant compétent pour toutes les procédures lancées avant le 1er janvier, le transfert du personnel concerné se fera progressivement.
Quant à la procédure de périmètre de protection des espaces agricoles et naturels - dispositif prévu à l'article 73 -, monsieur Repentin, le projet de décret est au Conseil d'État depuis décembre. D'après les informations à ce jour en ma possession, il devrait être publié en mars prochain.
Les services au public, qui ont été évoqués par nombre d'entre vous, constituent un autre élément déterminant de l'attractivité des territoires ruraux. Je voudrais, en particulier, rassurer MM. Pastor et Delfau. En effet, les mesures relatives à l'installation des professionnels de santé et à l'action sanitaire et sociale sont toutes applicables. D'ailleurs, MM. de Montesquiou et Jacques Blanc l'ont justement relevé dans leurs interventions respectives.
Seul, c'est vrai, le décret relatif à l'organisation des maisons de services publics, qui est un sujet important, n'a pas été publié à ce jour. Cela sera fait prochainement puisqu'il est venu en section de l'intérieur du Conseil d'État le 10 janvier dernier. De plus, de nombreuses dispositions ont déjà inspiré fortement les travaux conduits en matière de services publics et de services au public, notamment au sein de la Conférence nationale des services publics en milieu rural, qui s'est réunie il y a quelque temps.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je serai très vigilant, notamment dans le cadre de la future Conférence de la ruralité, aux préoccupations que vous avez tous exprimées, en particulier M. Raoult, sur le maintien des services publics en milieu rural.
Concernant, monsieur Repentin, les exonérations de taxe sur le foncier non bâti pour les zones humides et les zones Natura 2000, le décret préparé par ma collègue Nelly Olin est actuellement soumis à la concertation interministérielle et l'instruction fiscale devrait être prête dans les meilleurs délais.
Enfin, connaissant l'intérêt du Sénat pour la montagne, je conclurai ce tableau, cette « feuille de route » des applications de la loi, par l'examen des dispositions relatives à la montagne. Vingt-quatre des vingt-sept articles concernés sont aujourd'hui applicables et donnent à la montagne des outils nouveaux de développement économique.
Quant au décret touchant les unités touristiques nouvelles, les fameuses UTN, sur lesquelles MM. Emorine, Jacques Blanc, Soulage et Repentin m'ont interrogé, il a fait l'objet, vous le savez, d'une longue concertation avec les élus et les professionnels de la montagne, qui a été menée par mes collègues chargés de l'équipement et de l'aménagement du territoire. Cette concertation est achevée et le décret sera transmis dans les prochains jours au Conseil d'État. Je peux vous l'assurer, dans l'état actuel de sa rédaction, ce décret permettra une véritable simplification. Ne seront désormais soumis à la procédure prévue que les projets de grande ampleur et ceux qui concernent des sites jusqu'à présent vierges. De même, la procédure sera supprimée pour les communes inscrites dans un schéma de cohérence territoriale et dont les documents d'urbanisme correspondent à un tel schéma à l'échelle d'une intercommunalité.
Pour répondre à MM. Soulage, Jacques Blanc, Repentin et de Montesquiou, mes collègues Jean-François Copé et Léon Bertrand m'ont assuré que les deux décrets concernant les exonérations fiscales pour les investissements dans les résidences de tourisme en zones de revitalisation rurale et le logement des travailleurs saisonniers seraient prêts d'ici à la fin du mois.
D'ailleurs, s'agissant de la situation des travailleurs saisonniers, monsieur Repentin, si l'État peut effectivement jouer un rôle, il convient également de tenir compte des initiatives des collectivités territoriales. Je suis élu d'une intercommunalité, sur le littoral atlantique, dans laquelle nous avons décidé de construire des logements pour les travailleurs saisonniers. Nous utilisons ces logements principalement l'été puisque, dans ces régions, la saison touristique est avant tout estivale. L'hiver, nous les mettons à la disposition d'associations de personnes âgées et de tourisme populaire, afin d'en faire des lieux d'accueil. Les collectivités concernées ont pris en charge le financement, avec une participation du département et de la région.
En outre, monsieur Repentin, certaines collectivités de mer et de montagne peuvent décider de mettre en place des échanges entre elles. J'ai pu le constater dans ma région et vous-même devez connaître ce phénomène. (M. Thierry Repentin acquiesce.) Cette initiative est intéressante : une station de sport d'hiver et une station du littoral s'accordent pour prévoir des logements à la disposition des travailleurs saisonniers, jeunes en particulier, afin de favoriser leur « échange » ; elles font ainsi en sorte que ceux qui travaillent l'été au bord de la mer et l'hiver en montagne ne connaissent qu'une intersaison de deux mois, un mois étant réservé à la formation et l'autre, naturellement, aux congés.
Un autre point a été évoqué et concerne la liste des communes rurales qui servait à l'attribution des aides du FNDAE, le Fonds national pour le développement des adductions d'eau, et de la dotation globale d'équipement deuxième part. À la suite de la suppression du FNDAE, il existe un problème de base législative. Nous avons donc mené un travail commun, entre mes services, ceux de ma collègue Brigitte Girardin chargée de l'outre-mer et ceux de mon collègue ministre des collectivités territoriales, qui est désormais chargé de ce dossier. Cette affaire est semble-t-il réglée. Un décret sera prochainement soumis au Comité des finances locales, qui l'examinera, je l'espère, lors de sa réunion prévue en février, et devrait paraître rapidement.
Mesdames, messieurs les sénateurs, ces diverses dispositions permettent de relever le défi de l'attractivité des territoires et, donc, de la cohésion nationale. Mais nous devons aller plus loin. À ce titre, j'insisterai sur trois points : la programmation du développement rural, la Conférence de la ruralité et les pôles d'excellence rurale.
En ce qui concerne, d'abord, la programmation du développement rural, vous connaissez toutes et tous l'accord du 17 décembre dernier sur les perspectives financières de l'Europe. Comme le président Barroso l'a évoqué cet après-midi devant vos collègues de l'Assemblée nationale, il s'agissait en effet d'un moment historique pour l'avenir de l'Europe.
Nous savons maintenant quelles sont les perspectives financières pour l'Europe. En la matière, pour la France, elles consistent dans le maintien, d'une part, des aides du premier pilier, c'est-à-dire les 8 milliards d'euros prévus pour la politique d'aide au monde rural, et, d'autre part, des aides du deuxième pilier, soit 2 milliards d'euros.
Nous connaissons le niveau de la dotation du FEADER, le Fonds européen de développement agricole et rural, et, grosso modo, le montant de l'enveloppe destinée à la France, sous réserve de l'accord du Parlement européen. Or, vous l'avez noté, celui-ci a rejeté pour l'instant ces perspectives financières. Il y aura donc une négociation entre le Conseil, la Commission et le Parlement européen.
Nous disposerons, chaque année, d'une enveloppe moyenne d'environ 846 millions d'euros. Il nous faudra bien la gérer puisqu'elle sera sensiblement en baisse par rapport à la programmation précédente. Nous devrons donc définir de vraies priorités pour l'action du FEADER et prévoir, en contrepartie, des moyens au niveau de l'État.
Quant à la programmation nationale, nous devons, d'ici au mois de mars, conclure le plan stratégique national pour le développement rural. Quatre axes sont prévus : l'amélioration de la compétitivité des secteurs agricole et forestier ; l'amélioration de la gestion de l'espace ; la diversification de l'économie rurale et la qualité de vie ; la mise en oeuvre de stratégies de développement local dans le cadre des programmes LEADER.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je mène actuellement une concertation avec les associations d'élus et les organisations professionnelles sur le choix du niveau de programmation. J'attire votre attention sur ce point pour susciter votre réflexion, car les décisions ne sont pas encore prises. En effet, nous devons opter pour un niveau de programmation soit national, soit régional. Les régions me soutiennent que le niveau régional permet de gérer les priorités locales avec plus de proximité et de mieux articuler le FEADER avec le FEDER, le Fonds européen de développement régional. La programmation nationale présente quant à elle l'avantage d'assurer une plus grande complémentarité entre la gestion du deuxième pilier et celle du premier pilier.
Il y a donc débat, et je serais heureux de connaître les réflexions de la Haute Assemblée sur ce point, puisque nous devrons soumettre dans quelque temps au Premier ministre le niveau de programmation qui sera retenu.
Ensuite, le 23 février prochain, j'installerai la très importante Conférence de la ruralité. Trois sénateurs et trois députés, proposés par leurs assemblées, participeront aux travaux de cette conférence.
Monsieur Sido, vous avez évoqué, parmi d'autres, l'essor des technologies de l'information et de la communication. C'est un sujet très important. M. le Président de la République, vous l'avez entendu, a fixé l'objectif de permettre l'accès de toutes les communes de France à l'Internet haut débit à l'horizon 2007.
Le plan de résorption des zones blanches pour la téléphonie mobile concerne plus de 3 000 communes rurales, qui ne sont couvertes actuellement par aucun opérateur de téléphonie mobile. Monsieur Sido, il est vrai que la Haute-Marne est sans conteste le département le plus touché par ce phénomène puisqu'il concentre à lui seul près de 180 communes non couvertes. Ayant été votre hôte, j'ai pu le constater moi-même, non pas de visu, mais avec les oreilles, même si je ne connais pas l'expression équivalente en latin !
Le ministre délégué à l'aménagement du territoire, Christian Estrosi, a donné une nouvelle impulsion à ce programme. Seules 91 communes « zones blanches » avaient été couvertes au 31 mai. Elles sont désormais plus de 500, dont 90 en Haute-Marne, grâce aux politiques que vous avez accompagnées avec votre collectivité territoriale.
Enfin, je veux attirer votre attention, mesdames, messieurs les sénateurs, sur les pôles d'excellence rurale.
M. Charles Revet. Très beau projet !
M. Dominique Bussereau, ministre. Il s'agit d'un sujet très important. Ces pôles d'excellence rurale, qui ont fait l'objet d'une communication en conseil des ministres mercredi dernier, sont destinés à renforcer l'attractivité des zones rurales en matière d'emploi. Comme certains d'entre vous l'ont dit, le taux de progression de l'emploi depuis 1990 en zone rurale, hors agriculture, atteint presque 10 %.
Les dossiers de candidature devront être remis soit au 1er mars, soit au 1er septembre 2006. Il s'agit, dans un premier temps, de retenir et de labelliser 300 pôles, et d'y consacrer 150 millions d'euros entre 2006 et 2008, l'État pouvant financer certains projets à hauteur de 50 %.
De quoi pourra-t-il s'agir ? De tout ce qui concerne la valorisation du patrimoine culturel, l'emploi, les PME. Dans le domaine de l'agriculture, je suis bien sûr intéressé par tous les projets concernant la forêt, le bois et la valorisation de la biomasse, qui est une des priorités de la présidence autrichienne de l'Europe. Il y a là de formidables gisements d'emplois et cela contribue à la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Les projets seront très nombreux. J'ajouterai le tourisme. Nous allons travailler dans cette direction. Aussi, mesdames et messieurs les sénateurs, puisque vous avez une vision d'ensemble de vos départements et de vos territoires, je me permets de vous engager, avec les intercommunalités qui sont proches de vous, à être les porteurs de ces projets dans les délais que je viens de vous rappeler.
M. Éric Doligé. Les départements ne le peuvent pas ?
M. Dominique Bussereau, ministre. Les départements, monsieur Doligé, peuvent s'y associer d'une manière ou d'une autre, notamment par le biais de leurs comités départementaux du tourisme. Les mécanismes sont en nombre suffisant pour permettent aux départements de s'engager pleinement dans les pôles d'excellence rurale afin d'en favoriser l'éclosion sur leur territoire. Je suis persuadé que, dans le Loiret, l'imagination sera au pouvoir.
M. Éric Doligé. Comme toujours !
M. Dominique Bussereau, ministre. La politique des territoires ruraux est très importante et la loi dont nous avons débattu de nouveau est un élément fondamental. Avoir une loi, c'est bien ; encore faut-il l'appliquer.
Le bilan de l'application de la loi, après sa publication il y a un an à peine, me semble positif. Néanmoins, je vous assure de mon engagement personnel, et de celui de l'ensemble des ministres du Gouvernement, à mener un suivi vigilant des textes d'application.
Comme le montre le dernier recensement de l'INSEE, les territoires ruraux, avec leurs richesses et leur vitalité, sont un atout pour le développement de notre pays.
Nous devons accompagner cette évolution au service de nos concitoyens. S'ils vivent en milieu rural, c'est parce qu'ils s'y plaisent, c'est parce qu'ils l'aiment. Nous devons les aider à y être plus heureux encore et à y avoir des emplois. Puissions-nous, ensemble, concrétiser cette ambition. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. Monsieur le ministre, merci pour ces informations très précises. Ce débat a été utile.
En application de l'article 83 du règlement, je constate que le débat est clos.
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Prévention et répression des violences au sein du couple
Adoption d'une proposition de loi en deuxième lecture
M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion, en deuxième lecture, de la proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale, renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple ou commises contre les mineurs (nos 138, 160).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le garde des sceaux.
M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, une femme sur dix est victime de violences conjugales, vous vous souvenez des constats qui avaient été faits lors de la première lecture.
Consciente de ces drames, la justice a fait de la lutte contre les violences au sein du couple une de ses priorités.
Je ne peux donc que me féliciter de l'examen en deuxième lecture par votre assemblée de la proposition de loi sénatoriale renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple ou commises contre les mineurs.
Cette proposition de loi, adoptée initialement par votre assemblée le 29 mars 2005, fait suite au plan « Dix mesures pour l'autonomie des femmes » présenté en conseil des ministres le 24 novembre 2004.
Les amendements adoptés en première lecture par l'Assemblée nationale ont permis de prolonger la réflexion engagée par la Haute Assemblée.
D'une manière générale, il importe de souligner la remarquable complémentarité du travail des deux assemblées et la communauté de vue sur les moyens juridiques nécessaires pour atteindre les objectifs visés.
Avant d'examiner le contenu de ce texte, je voudrais en quelques mots rappeler la mobilisation et la sensibilisation des juridictions en cette matière.
Le ministère de la justice, en liaison avec les autres départements ministériels concernés et les associations, est intervenu à plusieurs reprises au cours des dernières années pour améliorer l'efficacité de la réponse judiciaire contre les violences conjugales.
Le volume du contentieux des violences au sein du couple ne doit pas, pour autant, conduire les parquets à automatiser la réponse pénale.
Derrière chaque violence, il y a des femmes, des hommes et des enfants qui souffrent.
C'est la raison pour laquelle le ministère de la justice a élaboré et diffusé l'année dernière un guide de l'action publique sur la lutte contre les violences au sein du couple.
Ce guide, qui est consultable sur le site Internet du ministère de la justice, formule de nombreuses recommandations.
Ces préconisations portent notamment sur la révélation des faits, avec la création d'un protocole de recueil de la plainte.
Elles portent également sur l'élaboration des procédures, en donnant par exemple des précisions sur les protocoles de rédaction des certificats médicaux et sur les conditions de prise en compte de la situation des enfants du couple.
Elles concernent aussi les réponses pénales, puisqu'elles rappellent la possibilité d'éviction du conjoint ou concubin violent du domicile familial à tous les stades de la procédure et encouragent l'élaboration d'un protocole de recours à la médiation pénale.
La Direction des affaires criminelles et des grâces participe aux travaux interministériels en cours relatifs à l'élaboration par le ministère délégué à la parité et à l'égalité professionnelle d'un précis sur les droits des femmes récapitulant l'ensemble des dispositions législatives existantes.
Enfin, lors de la journée de la femme, le 8 mars dernier, le ministère de la justice a diffusé sur les chaînes hertziennes le film contre les violences conjugales intitulé Plus d'une femme par jour.
Je voudrais maintenant évoquer avec vous les dispositions de nature civile et de nature pénale prévues par la proposition de loi.
S'agissant des dispositions civiles, permettez-moi tout d'abord de revenir sur la modification d'ores et déjà adoptée de l'article 144 du code civil, élevant de quinze ans à dix-huit ans l'âge du mariage des filles.
C'est à votre assemblée que revient l'initiative de cette mesure.
Je me réjouis du consensus qui s'est établi autour de cette question, qui a permis de mettre fin à une distinction d'un autre temps entre hommes et femmes.
Cette mesure permettra également de lutter plus efficacement contre les mariages forcés, car, il faut le redire, les mariages forcés sont l'une des pires - sinon la première - forme de violence conjugale.
M. Roland Courteau. C'est vrai !
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Les chiffres qui ont été avancés par plusieurs associations, puis largement repris, sont certes difficiles à vérifier. Ils sont en tout cas suffisamment alarmants pour que nous réagissions et que nous trouvions des solutions afin de lutter plus efficacement contre cette pratique intolérable.
C'est pourquoi je me félicite que l'examen de ce texte soit également l'occasion de faire évoluer notre législation sur ce point.
Les mesures qui ont été adoptées par l'Assemblée nationale, à la suite des propositions formulées par sa mission d'information sur la famille et les droits des enfants, rejoignent les travaux engagés depuis plusieurs mois par le Gouvernement pour défendre la liberté dans le mariage.
Ainsi, les conditions dans lesquelles se déroule l'audition des futurs époux en vue du mariage seront simplifiées afin de permettre sa généralisation. En outre, les pouvoirs du procureur de la République en matière de lutte contre les mariages forcés seront clarifiés.
Je me réjouis du travail accompli sur ce point par la commission des lois du Sénat qui, par plusieurs amendements, propose de préciser ces dispositions, notamment dans le cas des mariages célébrés à l'étranger.
Toutes ces mesures constituent un symbole fort de notre volonté commune d'empêcher que des femmes et des hommes, de tous âges et de toutes conditions, ne soient contraints de se marier contre leur volonté.
S'agissant des dispositions de nature pénale, l'Assemblée nationale a procédé aux modifications ou ajouts suivants.
Elle a précisé, à l'article 1er, la définition de la circonstance aggravante des violences commises au sein du couple.
Cette modification permet, je le crois, de répondre à la légitime interrogation formulée par le Sénat en première lecture.
En ce qui concerne l'article 4 sur le viol entre époux, l'Assemblée nationale a décidé d'en faire une circonstance aggravante, comme pour le meurtre ou pour les violences.
Nous aurons l'occasion de revenir sur cette question lors de l'examen des amendements de votre commission.
L'Assemblée nationale a par ailleurs réécrit les dispositions relatives à l'éloignement du conjoint ou du concubin violent du domicile familial à tous les stades de la procédure pénale, afin de tenir compte des dispositions identiques adoptées dans le cadre de la loi du 12 décembre 2005 relative au traitement de la récidive des infractions pénales.
Les députés leur ont substitué des dispositions permettant la révocation du contrôle judiciaire des conjoints ou concubins qui n'ont pas respecté l'obligation d'éloignement.
L'Assemblée nationale a en outre pris en compte la volonté du Sénat de réprimer la privation des pièces d'identité d'une personne par son conjoint ou par son concubin.
Les députés ont toutefois estimé qu'il n'était pas nécessaire de créer à cette fin une incrimination spécifique comme l'avait décidé la Haute Assemblée, mais qu'il suffisait de limiter le champ d'application de l'article 311-12 du code pénal qui interdit de poursuivre le vol entre époux. Ils ont donc modifié en conséquence l'article 2 bis de la proposition de loi. Cette solution recueille l'accord de votre commission, et je m'en félicite.
L'Assemblée nationale a également complété la proposition de loi par plusieurs dispositions, qui étaient toutes particulièrement opportunes.
Ainsi, la répression des mutilations sexuelles, et notamment l'excision, sera désormais facilitée grâce à la possibilité de poursuivre les faits commis à l'étranger sur une mineure étrangère mais résidant habituellement en France, grâce également à la levée du secret médical dans de tels cas et grâce à l'allongement de la prescription, laquelle sera celle qui est applicable en matière d'inceste.
De même, l'article 5 quinquies transpose dans notre droit la décision-cadre du Conseil de l'Union européenne du 23 décembre 2003 relative à la lutte contre l'exploitation sexuelle des enfants et à la lutte contre la pédopornographie, en aggravant notamment les peines applicables en ces matières.
Enfin, les articles 5 quater et 5 sexies renforcent la lutte contre le tourisme sexuel, en créant la peine d'interdiction du territoire en matière de viol ou d'agression sexuelle sur mineur et en permettant l'inscription au fichier des empreintes génétiques des Français ou des personnes résidant habituellement en France condamnés à l'étranger pour des infractions sexuelles.
En conclusion, je veux remercier les membres de la commission des lois du Sénat et, par l'intermédiaire de M. le président Hyest, M. Henri de Richemont pour l'excellent travail qu'ils ont accompli.
La proposition de loi que nous examinons répond en effet à une indéniable nécessité juridique. Elle présente en outre un caractère symbolique fort. Dans l'intérêt des victimes comme de celui de leurs enfants, nous nous devons de mettre en place un arsenal législatif plus cohérent et plus efficace.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous demande en conséquence d'adopter cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, comme chacun le sait, l'humanité progresse à mesure que la violence diminue.
Votre assemblée s'honore une fois de plus avec cette proposition de loi, qui a été déposée par les groupes socialiste et communiste et que vous avez adoptée à l'unanimité en première lecture.
Elle a été reprise par l'Assemblée nationale, dont les membres l'ont approuvée quels que soient les bancs sur lesquels ils siègent, tant il est des sujets qui font d'emblée consensus parce qu'ils touchent à un enjeu de civilisation.
M. Roland Courteau. Très bien !
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. La prise de conscience publique des violences au sein du couple est récente car, malheureusement, très peu de victimes portent plainte.
Le phénomène a pourtant une ampleur et une gravité considérables, que deux enquêtes approfondies ont récemment mises en évidence.
La première, menée en 2000, a montré que, dans notre pays, une femme sur dix est victime de violences conjugales.
La seconde, que j'ai rendue publique au mois de novembre dernier, a révélé qu'en France une femme meurt tous les quatre jours des suites de violences au sein du couple.
Les hommes aussi sont victimes puisque près d'un quart des violences ayant entraîné la mort sont commises par des femmes.
Une situation aussi dramatique, dont la prise de conscience est si tardive, appelle une mobilisation de l'ensemble de notre société pour mettre un terme à des actes insupportables, et quelquefois particulièrement barbares.
C'est pourquoi, au mois de novembre dernier, j'ai souhaité donner une impulsion nouvelle à l'action que conduit le Gouvernement pour prévenir et lutter contre ces violences et pour mieux accompagner les femmes - et les hommes - qui en sont victimes.
Cette action est globale : elle concerne tout à la fois les victimes, le grand public et les professionnels, ainsi que les auteurs de violences eux-mêmes.
Nous devons d'abord répondre au premier besoin qu'éprouvent les victimes de violence : se mettre à l'abri pour mieux se protéger.
C'est pourquoi nous allons mettre en place une nouvelle mesure, qui complétera la palette des dispositions existantes. Il s'agit de rendre possible l'hébergement dans des familles d'accueil. Cette formule, différente, est mieux adaptée à la période de nécessaire reconstruction à laquelle sont notamment confrontées les femmes victimes de violences.
En étroite collaboration avec Xavier Bertrand, nous allons également améliorer leur accompagnement médical. En effet, comme chacun le sait, au-delà des blessures physiques, qu'il convient bien sûr de soigner, apparaît très souvent un drame moral, qu'il faut également prendre en considération, pour permettre à ces victimes de « redémarrer » et de se reconstruire.
Pour ce faire, nous allons mettre en place de nouveaux protocoles de prise en charge, afin de nous assurer, notamment, que ces femmes bénéficient d'un suivi moral, à l'hôpital comme chez les praticiens de ville. Des parcours de soins vont être organisés, à travers la mise en place de réseaux d'accueil.
La prévention des violences et le traitement des victimes exigent aussi que nous renforcions la formation des acteurs institutionnels tout comme la sensibilisation du public.
Au second semestre de cette année, nous allons lancer une campagne de communication pour le grand public parce que si l'on veut que les victimes dénoncent les faits, il faut les y inciter.
Par ailleurs, mon ministère a élaboré un document en direction des professionnels afin de les aider à appréhender ces difficultés.
Enfin, le troisième axe de mon action porte sur les auteurs de violence. En partenariat avec le garde des sceaux, je souhaite que nous puissions non seulement renforcer les sanctions, mais aussi favoriser le soin et la prévention. On sait en effet que 51 % des victimes succombant à la suite de violences ont déjà subi de tels actes auparavant. L'idée est de pouvoir intervenir beaucoup plus tôt, dès le début des violences, afin de pouvoir mieux y remédier.
À cet effet, j'ai confié une mission au docteur Roland Coutanceau dont les résultats me seront communiqués dès le mois de février prochain. Il s'agit de pouvoir avancer rapidement.
Selon les experts, 20 % des hommes violents changent profondément de comportement lorsqu'ils s'engagent dans un processus de soins.
Mesdames, messieurs les sénateurs, incontestablement, il n'y a pas de fatalité irrémédiable à la répétition de la violence.
Le volet répressif doit s'inscrire dans un dispositif plus complet, qui s'attache également à prévenir et à soigner.
Cette proposition de loi, enrichie par les travaux de l'Assemblée nationale, comporte de nouvelles mesures essentielles qui complètent notre action.
Elle renforce, tout d'abord, la possibilité d'éloignement du conjoint auteur de violences.
L'obligation d'éloignement adresse un signal fort aux agresseurs et aide les victimes à se sentir mieux entourées pour prendre au plus vite les décisions qui s'imposent, pour leur bien comme pour celui de leurs enfants. C'est à l'auteur des violences qu'il revient de déménager, et non à la victime, qu'il est indispensable de protéger.
La loi du 12 décembre 2005 relative au traitement de la récidive des infractions pénales a instauré une mesure d'éloignement et d'obligation de soins dans le cas des couples mariés ou des concubins.
Cependant, comme nous le savons tous, 31 % des décès dus à des violences conjugales surviennent au moment de la rupture ou postérieurement à celle-ci, et la violence n'est pas cantonnée aux couples mariés ou aux concubins. Nous devons donc encore étendre la mesure d'éloignement aux pacsés ainsi qu'aux anciens conjoints, aux anciens concubins et aux anciens pacsés, c'est-à-dire à tous ceux qui, en raison des relations qu'ils ont pu avoir à un moment ou à un autre, sont conduits à avoir ce type d'attitude.
L'attention du législateur doit aussi porter sur les relations au sein du couple.
C'est pourquoi le texte légalise la jurisprudence de la Cour de cassation qui reconnaît la notion de viol entre époux.
Mais il convient également de prévenir autant que possible les violences, qui trouvent essentiellement leur origine dans l'absence de reconnaissance et de respect.
Depuis son origine, le code civil mentionne le respect que l'enfant doit à ses père et mère. La loi du 4 mars 2002 y a ajouté le respect que doivent les parents à la personne de l'enfant.
Ajouter aujourd'hui la notion de respect au devoir mutuel de fidélité, de secours et d'assistance que se doivent les époux permettrait de parachever l'évolution de notre droit en matière de relations intrafamiliales.
Cet ajout donnerait l'occasion à l'officier d'état civil, lorsqu'il célèbre un mariage, de mettre l'accent sur cette valeur fondamentale. C'est aussi un moyen de lutter contre toute violence ultérieure.
Cette prévention suppose enfin de garantir la liberté du consentement des époux.
C'est pourquoi je suis particulièrement attachée à l'une des dispositions de cette proposition de loi qui vise à supprimer l'une des dernières discriminations fondées sur le sexe encore présentes dans le code civil en harmonisant l'âge nubile à dix-huit ans, aussi bien pour les jeunes filles que pour les jeunes gens, et en renforçant le contrôle de la liberté d'expression du consentement matrimonial. Nous savons effectivement que le mariage forcé reste une préoccupation dans notre pays.
La prévention de tels mariages passe aussi par la sensibilisation des jeunes et de leur famille. C'est pourquoi j'ai souhaité que leur interdiction soit explicitée dans un guide général sur les droits des femmes de l'immigration.
Mon ministère apporte aussi un soutien appuyé aux associations de terrain qui accompagnent ces jeunes femmes et ces jeunes hommes dans leur parcours vers l'autonomie.
Il s'agit non pas de les pousser à une rupture avec leur famille mais de faciliter et de renforcer le dialogue avec l'entourage.
Par ailleurs, j'ai pris contact avec mon collègue Gilles de Robien pour que l'information auprès des adolescents soit renforcée dans le cadre scolaire. La liberté matrimoniale est une liberté fondamentale. Nous devons aider les jeunes à comprendre qu'ils ont toutes et tous le droit de l'exercer.
Mesdames, messieurs les sénateurs, en conclusion je veux remercier la commission des lois du Sénat pour le travail qu'elle a bien voulu effectuer et je souhaite, comme M. le garde des sceaux, que les mesures que nous examinons aujourd'hui puissent être adoptées dans les toutes prochaines semaines pour que leur entrée en vigueur permette à la France, pays des droits de l'homme, d'être ainsi, plus que jamais, fidèle à son image. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Jacques Hyest, en remplacement de M. Henri de Richemont, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, madame le ministre, mes chers collègues, je supplée bien volontiers notre excellent collègue M. de Richemont, empêché, qui a beaucoup travaillé sur ce texte.
Comme vous l'avez souligné, madame le ministre, il s'agit d'un texte d'initiative sénatoriale, élaboré par la commission des lois à partir de deux propositions de loi, la première déposée par M. Roland Courteau et plusieurs des membres du groupe socialiste, la seconde présentée par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen. Je rappelle que ce texte a été adopté par notre assemblée en première lecture le 29 mars 2005. Bien entendu, je ne saurais oublier que nombre de nos collègues ont apporté leur concours à l'élaboration de ce texte, je pense notamment à la présidente de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes.
S'agissant d'une proposition de loi, il est à noter une relative célérité dans le déroulement de la procédure, certains ayant même voulu aller très vite. Un consensus s'est dégagé tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat, ce qui montre bien la volonté du législateur de faire aboutir le plus rapidement possible ce texte.
Je rappelle aussi l'accord intervenu en commission mixte paritaire sur la proposition de loi relative au traitement de la récidive des infractions pénales. L'Assemblée nationale avait cru bon d'adopter un certain nombre de dispositions relatives à l'éloignement du conjoint violent qui figuraient déjà dans le texte d'initiative sénatoriale. Mes chers collègues, vous vous souvenez sans doute que nous avions accepté de voter lesdites dispositions à condition que l'Assemblée nationale se saisisse de la proposition de loi émanant du Sénat. L'engagement pris en la matière par le président de la commission des lois de l'Assemblée nationale a été respecté puisque ce texte a été examiné par l'Assemblée nationale au cours de ses séances des 13 et 15 décembre dernier.
Au fil de la procédure parlementaire, et même si le Sénat souhaitait mettre davantage l'accent sur le thème des violences conjugales, la portée du texte a été progressivement étendue.
D'abord, et vous l'avez souligné, madame le ministre, le Sénat a adopté en première lecture, par voie d'amendement, sur l'initiative notamment de Mme Garriaud-Maylam et de M. Courteau, un article additionnel portant de quinze à dix-huit ans l'âge légal du mariage des femmes.
Pour leur part, les députés ont introduit des dispositions renforçant, d'une part, la lutte contre les mariages forcés et, d'autre part, la répression contre les violences faites aux mineurs, qui, bien qu'utiles, étaient un peu hors sujet, mais je ne proposerai pas pour autant de les supprimer. C'est pourquoi l'intitulé de la proposition de loi a été modifié et vise non plus seulement les violences au sein du couple mais également celles qui sont commises à l'encontre des mineurs.
Comme je l'ai rappelé, les lectures successives au sein des deux assemblées se sont traduites par une constante, à savoir le consensus de la représentation nationale. En effet, la proposition de loi a été adoptée à l'unanimité tant par le Sénat que par l'Assemblée nationale. C'est le signe le plus évident de la volonté de dénoncer l'extrême gravité de ces formes de violences, que vous avez rappelée, madame la ministre, et de mettre en place l'arsenal juridique le plus efficace pour les prévenir et les réprimer.
Tel est l'esprit général dans lequel la commission vous propose, monsieur le garde des sceaux, madame la ministre déléguée, mes chers collègues, de poursuivre l'examen de ce texte, en confortant encore le dispositif issu des travaux de l'Assemblée nationale, dont je me permets de rappeler la teneur.
Si les députés ont adopté sans modification le relèvement de l'âge du mariage des femmes, ils ont inséré plusieurs dispositions nouvelles destinées à renforcer la lutte contre les mariages forcés, dispositions qui nous paraissent fort bonnes.
Ces mesures visent, tout d'abord, à préciser que l'audition des futurs époux pour s'assurer de leur consentement et la saisine du procureur de la République, en cas de doute, s'appliquent non seulement aux mariages de complaisance, mais aussi aux mariages forcés.
Par ailleurs, ils ont cherché à faciliter l'annulation des mariages forcés en permettant au ministère public d'engager une action en nullité et en portant le délai de recevabilité de cette action en nullité, qu'elle soit engagée par les époux ou par le procureur de la République, à deux ans, au lieu de six mois antérieurement, lorsque les époux cohabitent.
Enfin, les députés ont précisé que l'article 1114 du code civil - « La seule crainte révérencielle envers le père, la mère, ou autre ascendant, sans qu'il y ait eu de violence exercée, ne suffit point pour annuler le contrat » - ne peut faire obstacle à l'annulation d'un mariage pour vice du consentement.
En matière pénale, les députés ont confirmé, pour l'essentiel, le dispositif adopté par le Sénat.
Ils ont ainsi adopté dans les mêmes termes les dispositions permettant l'application des circonstances aggravantes, d'une part, aux faits commis par la personne liée à la victime par un PACS, d'autre part, au meurtre perpétré au sein du couple.
Ils l'ont également précisé en prévoyant que l'application de la circonstance aggravante aux « ex » ne pourrait être retenue que si « l'infraction est commise en raison des relations ayant existé entre l'auteur des faits et la victime ».
Les députés ont proposé une nouvelle rédaction pour deux dispositions, que vous avez évoquées l'un et l'autre, monsieur le garde des sceaux, madame la ministre déléguée.
Ils ont, tout d'abord, s'agissant du délit de privation de pièces d'identité au sein du couple, prévu que les dispositions de l'article 311-12 du code pénal, selon lesquelles le vol ne peut donner lieu à des poursuites pénales quand il est commis au préjudice du conjoint, ne seraient pas applicables lorsque le vol porte sur des objets ou documents indispensables à la vie quotidienne de la victime.
Ensuite, alors que le Sénat avait prévu, à l'article 4, que la qualité de conjoint ne saurait être, en matière de viol, une cause d'irresponsabilité ou d'atténuation de la responsabilité, les députés ont fait de la qualité de conjoint une circonstance aggravante du viol et des agressions sexuelles commises au sein du couple.
En outre, ils ont modifié l'article 5, prévoyant l'éloignement du domicile du couple de l'auteur des violences.
En effet, je le rappelle, ces dispositions ont été adoptées par le Parlement, sous une forme encore plus complète, dans la loi relative au traitement de la récidive des infractions pénales ; elles n'ont donc pas été retenues dans la présente proposition de loi par l'Assemblée nationale, ce qui est dans la suite logique de nos travaux.
Enfin, les députés ont souhaité compléter le dispositif pénal sur cinq points.
Ils ont décidé d'interdire au procureur de la République de proposer une seconde médiation en cas de violences conjugales si la première médiation a été sans effet, d'étendre aux couples non mariés ayant un enfant commun mineur le dispositif civil d'éviction du conjoint violent du domicile conjugal, et d'étendre la répression de l'excision et des autres mutilations sexuelles à celles qui sont commises à l'étranger à l'encontre d'une victime mineure résidant habituellement en France.
Ils ont profité de l'occasion pour transposer la décision-cadre du Conseil de l'Union européenne relative à la lutte contre l'exploitation sexuelle des enfants et la pédopornographie.
Ils ont, enfin, voulu renforcer la lutte contre le tourisme sexuel.
J'en viens maintenant aux propositions de la commission des lois du Sénat.
En ce qui concerne le volet civil, la commission partage bien entendu le souci de l'Assemblée nationale de mieux lutter contre les mariages forcés et propose, à ce titre, deux mesures principales.
Madame la ministre déléguée, vous vous en réjouissiez à l'avance (Mme la ministre déléguée fait un signe d'assentiment), mais ce n'est qu'une proposition de la commission, qui n'est pas encore adoptée : un certain nombre d'entre nous, dont M. Badinter, souhaitent compléter l'article 212 du code civil en prévoyant que les époux se doivent mutuellement non seulement fidélité, secours et assistance, mais aussi respect.
Mesdames, messieurs les maires, il faudra vous recycler ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Cette précision est, bien sûr, symbolique, mais le respect est en tout état de cause à la base des relations humaines, de la vie en société.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Tout individu doit être respecté et aucun ne doit être abaissé par rapport à un autre, a fortiori au sein d'un couple. Le respect mutuel me paraît être indispensable dans la vie sociale, en particulier dans la vie du couple. Or, notre société oubliant trop souvent cette notion de respect, la rappeler symboliquement aux futurs époux me paraît tout à fait bienvenu.
Il convient aussi de porter le délai de recevabilité de l'action en nullité pour vice du consentement à cinq ans, tant pour les époux que pour le procureur de la République. Je rappelle qu'il s'agit d'une nullité relative.
En ce qui concerne le volet pénal, la commission propose de compléter ou de modifier le texte sur trois points.
Elle souhaite, tout d'abord, revenir à la position qu'avait adoptée le Sénat en première lecture afin de prévoir explicitement que le viol et les autres agressions sexuelles peuvent être incriminés au sein du couple sans faire, cependant, comme l'a prévu l'Assemblée nationale, de la qualité d'époux une circonstance aggravante de cette infraction.
Néanmoins, la commission a modifié substantiellement la rédaction initiale, en tenant le plus grand compte de la jurisprudence de la Cour de cassation, avec laquelle le texte issu de la première lecture aurait pu sembler légèrement en contradiction. La rédaction à laquelle nous sommes parvenus devrait satisfaire tout le monde.
Ensuite, la commission a prévu que les mesures d'éloignement du domicile conjugal, adoptées dans la loi du 12 décembre 2005 relative au traitement de la récidive des infractions pénales, peuvent s'appliquer aux personnes pacsées ainsi qu'aux « ex ».
Enfin, la commission a tenu à supprimer l'interdiction de proposer une deuxième médiation pénale afin de ménager au procureur de la République toute sa liberté d'appréciation, une médiation pénale étant, en tout état de cause, tout à fait inopportune dès lors que les violences présentent une certaine gravité.
Comme vous l'avez dit, madame la ministre déléguée, il faut essayer de lutter contre les violences conjugales le plus tôt possible, avant qu'elles ne s'aggravent. Il faut agir tant qu'il s'agit d'actes de peu de gravité.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Je m'entretenais, hier soir, avec le procureur de Douai, qui mène une expérience tout à fait positive...
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. ...et, certes, remarquable. Il me rapportait que, si l'on intervient dès le premier incident, les violences peuvent alors s'arrêter.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. C'est un fait constaté qu'il convient de prendre en compte, car il est d'importance.
En conclusion, mes chers collègues, la commission vous invite à adopter la proposition de loi ainsi modifiée. Ces dispositions sont tout à fait indispensables, et je souhaite que, comme lors de la première lecture, elles suscitent un vote unanime de notre assemblée.
Madame la ministre déléguée, vous avez évoqué toute la politique menée par le Gouvernement, notamment les instructions : mes collègues souhaiteront évoquer un certain nombre de dispositions - j'espère que vous pourrez les satisfaire sur ce point - qui, manifestement, ne relèvent pas du domaine de la loi. Comme nous avons eu l'occasion de le souligner en première lecture, il faut nous en tenir à ce qui relève du domaine de la loi, à savoir le code civil, le code pénal et, éventuellement, des dispositions de procédure pénale.
Monsieur le garde des sceaux, comme nous désirons que cette proposition de loi soit adoptée définitivement le plus rapidement possible, il nous reste à trouver une solution pour être parfaitement d'accord avec l'Assemblée nationale. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe Union pour un mouvement populaire, 47 minutes ;
Groupe socialiste, 32 minutes ;
Groupe Union centriste-UDF, 14 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 11 minutes ;
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Philippe Goujon.
M. Philippe Goujon. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, madame la ministre déléguée, mes chers collègues, le constat est sans appel : dans notre pays, 1 400 000 femmes sont victimes au quotidien de violences au sein de leur couple, et 164 en sont mortes en 2004, ce qui représente un décès tous les quatre jours.
Notre condamnation de l'inacceptable est également sans appel.
Depuis la présentation, en conseil des ministres, le 24 novembre 2004, de « dix mesures pour l'autonomie des femmes », le Gouvernement a fait de la lutte contre les violences conjugales une de ses priorités. Vous venez de le rappeler, madame la ministre déléguée.
Sous votre impulsion, le plan d'action global mis en oeuvre établit un lien indissociable entre prévention et répression, ce qui permet d'intégrer tout le parcours de martyre des victimes.
Pour adapter la réponse judiciaire, un guide de l'action publique a été élaboré et diffusé, des efforts importants ont été engagés en faveur d'un meilleur accompagnement des victimes, des logements d'urgence sont mobilisés pour les femmes victimes de violences conjugales, et un hébergement en familles d'accueil - c'est une innovation tout à fait opportune - est également rendu possible.
Les associations qui interviennent en ce domaine ont vu leurs moyens considérablement renforcés. Des actions de communication seront, par ailleurs, entreprises à destination du grand public. Les acteurs médico-sociaux, quant à eux, feront l'objet d'une sensibilisation toute particulière. Enfin, des parcours de soins seront prévus.
Dans cet esprit, le ministre de l'intérieur a décidé de doubler le nombre de travailleurs sociaux dans les commissariats, afin que les victimes de ces violences y trouvent la mise en confiance dont elles ont besoin, et d'expérimenter, dans trois départements, l'intervention de psychologues aux côtés des policiers pour apaiser les tensions intrafamiliales.
Faut-il encore l'ajouter, pour lutter contre les violences à l'intérieur du cercle familial, lesquelles représentent une part très importante des violences aux personnes et expliquent pour partie leur augmentation, des services spécialisés sont en cours de développement depuis l'automne sur l'ensemble du territoire.
Pour ne citer que le seul exemple de Paris, cent quarante référents policiers ont été formés (Mme la ministre déléguée fait un signe d'assentiment), et cet effort devra être poursuivi et prolongé par une formation spécifique des agents du « 17 », qui, dans la salle « Police Secours » de la préfecture de police, répondent à plus de trois mille appels de femmes battues par an.
La mobilisation de tous les acteurs impliqués dans la lutte contre les violences conjugales est aujourd'hui une réalité, même s'il faut encore faire évoluer les mentalités à l'école, améliorer la formation des médecins pour qu'ils décèlent mieux ces violences, ainsi que celle des policiers, qui n'orientent pas encore assez souvent les victimes vers le dépôt de plainte, et même celle des magistrats, monsieur le garde des sceaux, afin de développer le recours aux mesures alternatives aux poursuites.
À cette volonté, la représentation nationale entend aujourd'hui donner les moyens juridiques adaptés, de telle sorte que le problème puisse être efficacement traité dans sa globalité.
Cette démarche est consacrée par la proposition de loi qui nous est soumise en deuxième lecture et qui, je l'espère, sera adoptée à l'unanimité, comme elle l'a été, en première lecture, dans les deux assemblées.
À ce stade, qu'il me soit permis de saluer l'esprit d'ouverture, résolument constructif, qui a caractérisé les travaux de notre commission des lois, notamment celui de son président, M. Jean-Jacques Hyest, et de son rapporteur, M. Henri de Richemont. Sur un sujet aussi difficile, l'un et l'autre sont parvenus à formuler des propositions équilibrées qui permettent de faire passer un message fort : il n'existe pas de violences privées qui pourraient être tolérées,...
M. Philippe Goujon. ... mais seulement des violences qui intéressent toute la société parce qu'elles sont constitutives de délits et de crimes.
Il importe, tout d'abord, que notre droit positif ne légitime pas les situations d'infériorité d'un membre du couple.
À ce titre, d'ailleurs, la commission des lois du Sénat a fort opportunément ajouté, à l'article 212 du code civil, comme l'a rappelé M. le rapporteur, le devoir de respect entre époux.
C'est aussi la raison pour laquelle la première mesure d'importance de ce texte est, sans conteste, le relèvement de l'âge du mariage des femmes de quinze ans à dix-huit ans ; nous la devons à l'initiative, notamment, de notre collègue Mme Joëlle Garriaud-Maylam, qui aura beaucoup fait avancer la cause des femmes grâce à cette proposition.
Après avoir approuvé cette disposition fondamentale, les députés ont souhaité renforcer la lutte contre les mariages forcés, car la première violence est bien celle qui consiste à contraindre ses propres enfants à une union non désirée.
Souvent célébrés à l'étranger, entre une femme française ou binationale et un ressortissant étranger, ces mariages contreviennent au principe d'égalité entre époux comme à celui du libre consentement au mariage posé par l'article 146 de notre code civil.
Alors que 70 000 femmes se verraient ainsi imposer le choix de leur conjoint, il est primordial de garantir à toutes les femmes vivant sur notre territoire le droit de se marier librement.
Suite à l'audition des futurs époux, l'officier d'état civil ou l'agent diplomatique ou consulaire pourra saisir le ministère public en cas d'indices sérieux d'absence de consentement. L'annulation des mariages forcés sera ainsi facilitée, l'action en nullité étant recevable dans un délai de deux ans lorsque les époux cohabitent.
Sur ce sujet délicat, c'est le choix de la responsabilité et de l'efficacité qui a été fait, là aussi.
Il est néanmoins une absence de consentement bien singulière, mes chers collègues, que nous devons aborder sans polémique et donc sans stigmatiser telle ou telle religion, telle ou telle origine, mais en ayant seulement à l'esprit la nécessaire dignité de la femme : c'est celle qui caractérise les 20 000 à 30 000 ménages polygames qui résideraient sur notre territoire.
La polygamie est incontestablement un asservissement de la femme, puisqu'elle est pour l'épouse un mariage forcé, donc une violence en soi.
Force est de constater que si, selon le droit français, la bigamie est passible de prison, l'administration tolère depuis longtemps la polygamie pour les étrangers, en vertu du respect traditionnel du statut personnel des étrangers, dont l'arrêt du Conseil d'État du 11 juillet 1980, l'arrêt Montcho, fut la traduction logique.
En autorisant le regroupement familial d'une famille polygame, cette décision du Conseil d'État a ouvert la brèche et fait jurisprudence.
Il serait grand temps de revenir à plus de réalisme et de mettre sous tutelle les prestations familiales dans les cas de polygamie.
En instituant un tuteur aux prestations familiales, le juge pourrait s'assurer que les intérêts des enfants sont préservés et aider à la « décohabitation » des mères.
Cela étant, placée en situation d'égalité, la victime de violences conjugales bénéficie de la protection que lui confère la loi n° 2005-1549 du 12 décembre 2005 relative au traitement de la récidive des infractions pénales, qui permet d'éloigner le conjoint violent du domicile conjugal.
En intégrant tous les stades de la procédure, le dispositif d'éloignement sera désormais complet. La victime ne subira donc plus le traumatisme supplémentaire d'un déménagement, souvent ressenti comme une « double peine ».
M. Philippe Goujon. En revanche, madame la ministre déléguée, après l'éloignement du conjoint violent, il faut aider la victime à se reconstruire, et c'est tout l'objet de votre action.
Pour ce faire, il convient de favoriser la mobilité géographique des femmes qui ont un emploi, en faisant de la démission consécutive à des violences de couples avérées un cas de démission légitime, ouvrant droit aux allocations chômage.
De même, un droit prioritaire à la mutation devrait être reconnu aux fonctionnaires qui se trouvent dans ces situations.
L'idée de ce travail de reconstruction, forcément long et difficile, me conduit logiquement à aborder la question, délicate, de la médiation pénale.
Il est pour le moins légitime en effet de se demander comment une personne victime de violences physiques et psychologiques, les secondes étant souvent le préalable des premières, peut accepter le principe même d'une médiation.
Une telle procédure ne revient-elle pas, en fait, à demander à la victime de commencer à partager la responsabilité de ce qui lui arrive ?
La médiation suspend la pénalisation, ce que les victimes ressentent très mal. De plus, on ne peut exercer de médiation qu'entre des protagonistes dont la situation est égale par rapport à la loi. Or, en l'espèce, l'agresseur n'est évidemment pas dans la même position que la victime. J'ai cependant bien entendu les propos de M. Hyest, et je suis sensible à ses arguments.
Il nous est par conséquent suggéré de supprimer l'interdiction de proposer une deuxième médiation pénale en cas de violences conjugales, afin de ne pas restreindre la marge d'appréciation du magistrat. Cela va incontestablement dans le bon sens.
Il pourrait également paraître opportun de recourir plus systématiquement à l'injonction de soins qui, selon les experts, amène 20 % des hommes à changer de comportement, comme vous le rappeliez, madame la ministre déléguée. Certes, c'est encore insuffisant, mais ce pourcentage est une première réussite.
M. Philippe Goujon. La prévention des violences conjugales ne saurait prendre tout son sens sans l'existence d'un volet répressif, aussi efficace que dissuasif.
Le principe général d'aggravation de la peine pour les infractions commises au sein du couple et l'extension de cette circonstance aggravante aux faits commis par l'ancien conjoint, concubin ou pacsé, s'imposent ainsi comme une nécessité.
L'incrimination explicite du viol entre conjoints, concubins ou pacsés, relève de la même logique.
En première lecture, la Haute Assemblée avait souhaité incriminer la privation des pièces d'identité, des titres de séjour ou de résidence d'un étranger par le conjoint, concubin ou pacsé, de la victime ou par l'ex de celle-ci.
L'Assemblée nationale a rattaché la privation des documents d'identité au vol, en prévoyant une exception au principe d'immunité fixé par l'article 311-12 du code pénal.
La privation des documents indispensables à la vie quotidienne de la victime serait ainsi passible de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende.
En outre, le champ d'application de cette proposition de loi a été étendu à la lutte contre les violences à l'égard des mineurs, ce qui relève d'une nécessité hélas ! corroborée par une actualité récente.
La répression de l'excision et des autres mutilations sexuelles sera ainsi étendue à celles qui seraient commises à l'étranger à l'encontre d'une victime mineure résidant habituellement en France.
Faut-il le rappeler, l'excision relève d'une tradition que l'on peut qualifier d'arriérée et qui est toujours très vivace. Près de 150 millions de femmes sont ainsi mutilées de par le monde. Dans notre pays, 10 000 à 20 000 petites filles seraient exposées au risque d'excision, selon différentes associations.
Aussi l'extension de la répression doit-elle inciter les femmes et les mères des ethnies concernées à abandonner ces pratiques, afin que ces femmes ne soient plus victimes, mais actrices de leur destin.
Le renforcement de la protection des mineurs est également concrétisé par la transposition de la décision-cadre du Conseil de l'Union européenne du 22 décembre 2003, relative à la lutte contre l'exploitation sexuelle des enfants et la pédopornographie.
Enfin, le tourisme sexuel est, à juste titre, plus fortement réprimé, puisque l'interdiction de sortie du territoire pourra être prononcée à l'encontre de l'auteur d'un viol ou d'une autre agression sexuelle commis à l'étranger sur un mineur.
Le procureur de la République pourra ordonner l'inscription des empreintes génétiques d'une personne condamnée par une juridiction étrangère pour des infractions de nature sexuelle dans le fichier national automatisé des empreintes génétiques.
Cette proposition de loi témoigne donc de la volonté commune de la représentation nationale de hisser la lutte contre les violences au sein du couple et contre les mineurs au rang des priorités de l'action gouvernementale.
Prenons donc acte de ce qui nous rassemble, et sachons dépasser nos clivages, comme ce fut le cas à l'occasion de la réforme du dispositif de protection de l'enfance. Il est important de dépasser ces clivages : la famille n'est-elle pas le fondement même de notre société ?
Certes, la loi ne peut pas tout. Les moeurs évoluent à leur rythme. Pour la première fois toutefois, ce fléau social sera ainsi reconnu, et il sera traité avec justice et efficacité, au moyen de règles qui garantiront, dans la patrie des droits de l'homme, le respect et la dignité de chacun. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures cinquante, est reprise à vingt et une heures trente.)
M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion en deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale, renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple ou commises contre les mineurs.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est Mme Josiane Mathon-Poinat.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Monsieur le président, madame la ministre déléguée, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, en préambule, je tenais à vous faire part de l'étonnement qui a été le mien lorsque j'ai pris connaissance de l'avant-projet de loi de M. Sarkozy relatif au plan de prévention de la délinquance, qui contient des mesures concernant les violences conjugales.
En effet, nous traitons aujourd'hui de ce sujet, à l'occasion de l'examen en deuxième lecture de cette proposition de loi. Le Gouvernement renierait-il à ce point le travail des parlementaires ? M. le ministre de l'intérieur placerait-il les violences conjugales sur le même plan que la délinquance juvénile ? Ces questions ne nous laissent pas indifférents.
Ma collègue et présidente de groupe, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, vous a adressé, monsieur Hyest, un courrier afin d'obtenir quelques éclaircissements
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Ce matin !
Mme Josiane Mathon-Poinat. J'ose espérer que vous soutiendrez sa demande !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Ma chère collègue, m'autorisez-vous à vous interrompre ?
Mme Josiane Mathon-Poinat. Je vous en prie, monsieur le rapporteur.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur, avec l'autorisation de l'orateur.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Madame Mathon-Poinat, j'ai effectivement reçu ce matin une lettre de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et je vais y répondre devant vous.
L'avant-projet de loi sur la délinquance préparé conjointement par la Chancellerie et le ministère de l'intérieur comportait de longue date des dispositions sur les violences conjugales. (Mme Gisèle Printz fait un geste de dénégation.)
Bien entendu, dans le cas où les dispositions en question auraient déjà été votées par le Parlement, celles-ci disparaîtraient du futur projet de loi. Il n'y a donc pas lieu de s'étonner ou de s'émouvoir outre mesure, ma chère collègue. Quelquefois, le Parlement va plus vite que le Gouvernement, et tant mieux !
M. le président. Veuillez poursuivre, madame Mathon-Poinat.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Je vous remercie de votre réponse, monsieur Hyest.
La violence au sein du couple ne constituant pas un phénomène de délinquance juvénile ou de délinquance ordinaire, elle doit par conséquent être traitée sous tous ses aspects, directement ou indirectement perceptibles.
La violence conjugale touche principalement - dans 95 % des cas - les femmes. L'ampleur du phénomène a été révélée, bien tardivement, grâce à l'Enquête nationale sur les violences envers les femmes en France, l'ENVEFF, réalisée en 2000. Cette enquête nous a permis à tous de ne plus pouvoir occulter, de ne plus pouvoir relativiser ce problème.
Il s'agit donc clairement d'une violence de genre, sexiste. Il conviendrait également d'aborder le problème de la violence conjugale dans le cadre plus global de la promotion des valeurs d'égalité entre les femmes et les hommes.
Par ailleurs, un acte de violence commis par un conjoint intervient dans un contexte bien particulier - la sphère privée, l'espace de l'intime -, se vit et se subit dans le non-avouable. La violence exercée par le partenaire au sein de la famille se présente sous la forme d'un ensemble de comportements qui tendent à établir et à entretenir le contrôle sur la femme et, parfois, sur les enfants.
Il s'agit de véritables stratégies visant à exercer un pouvoir sur l'autre, en utilisant différents types de comportements violents : dévaloriser, dénigrer, imposer des contrôles ou des limites, brutaliser. La liste en est malheureusement longue.
Généralement, la violence s'installe progressivement, voire de façon insidieuse. Elle débute par des remarques vexantes, des insultes, et aboutit parfois à la mort, par homicide ou suicide. Violences physiques et violences psychologiques apparaissent simultanément.
C'est ce caractère très particulier qui rend le phénomène des violences conjugales difficile à repérer, la femme elle-même ne se reconnaissant pas comme victime et des sentiments d'amour et de désamour se mêlant et s'entremêlant dans ce drame conjugal. D''où l'importance de la prévention et des campagnes de sensibilisation, afin que la victime puisse s'identifier comme telle et trouver les appuis et les aides nécessaires.
Nous voulons être efficaces. La prévention, notamment grâce à une meilleure formation des professionnels, la sensibilisation des femmes et l'information des jeunes, sont pour nous des priorités dans le cadre d'une lutte agissante contre les violences.
Notre proposition de loi initiale reposait d'ailleurs sur la formation, la prévention, l'éloignement du conjoint violent et l'aide financière accordée à la victime.
Nous examinons en deuxième lecture un texte remodelé, qui me navre quelque peu. Nous pensions mettre en oeuvre tous les moyens pour éradiquer ce fléau en proposant des mesures complètes aux victimes et à tous les intervenants confrontés à ces drames humains, en privilégiant une approche éducative en direction des jeunes et en misant ainsi sur le futur. Or ce texte opère un véritable glissement vers les mariages forcés et les cas de nullité. Son intitulé lui-même est d'ailleurs révélateur.
C'est pourquoi nous avons jugé nécessaire de déposer à nouveau des amendements qui, je l'espère, vous convaincront de l'utilité d'apporter aux professionnels une meilleure formation en matière de soins et de sécurité, mais aussi en termes d'accueil, d'écoute et de conseils à prodiguer aux femmes victimes de violences conjugales.
La violence conjugale est un véritable problème de santé publique dont l'ampleur est considérable puisqu'il touche une femme sur dix. La pénalisation du comportement violent du conjoint ne peut être la seule réponse à apporter face à une violence qui découle, plus ou moins directement, d'une conception machiste de la société.
Cela explique aussi qu'il n'existe pas de profil type de victime, toutes les femmes étant potentiellement susceptibles de subir la violence de leur conjoint. L'ENVEFF a ainsi révélé que, dans toutes les formes de violences conjugales, les femmes les plus jeunes avaient déclaré subir nettement plus de violences que leurs aînées. Les violences physiques sont perpétrées dans tous les milieux sociaux, et la pression psychologique occasionnelle est plus fréquemment dénoncée par les étudiantes et les femmes les plus diplômées.
Dans l'ensemble, les violences conjugales sont tout aussi fréquentes que les femmes exercent ou non une activité professionnelle. En revanche, les plus jeunes d'entre elles, qui connaissent quelquefois des situations de relative instabilité ou de précarité économique, déclarent plus souvent des relations de couple violentes. La catégorie socioprofessionnelle n'est donc pas forcément un facteur aggravant, ou au contraire protecteur, face à une éventuelle situation de violence au sein du couple.
Un autre aspect est également à prendre en compte, celui des violences psychologiques et verbales répétées, qui seraient aussi destructrices que les agressions physiques. Une femme sur dix vit une telle situation et trois femmes sur dix la vivaient parmi celles qui se sont séparées récemment.
Ces divers constats m'amènent donc à la plus grande prudence lorsqu'il s'agit d'appréhender les violences conjugales d'un point de vue strictement pénal, d'autant plus que notre droit, notamment notre code de procédure pénale, n'est pas dépourvu de sanctions et de mesures permettant de lutter contre les violences au sein du couple.
Je prendrai l'exemple de l'article 138 du code de procédure pénale relatif au contrôle judiciaire, qui prévoit notamment que le juge d'instruction peut interdire à la personne mise en examen de se rendre sur certains lieux ou d'entrer en relation avec la victime. Nous souhaitions inciter les magistrats à utiliser plus souvent les possibilités offertes par notre législation pénale, et plus particulièrement par l'article 138, afin de protéger la victime du conjoint violent.
C'est pourquoi, dans notre proposition de loi, nous avions ajouté la mention « en cas de violences au sein du couple » à la liste des cas pouvant donner lieu à des interdictions susceptibles d'être décidées par le juge. De même, nous souhaitions que celui-ci puisse prononcer une injonction de soins, toujours dans le cadre du contrôle judiciaire.
Nous regrettons bien évidemment que ces deux propositions n'aient pas été retenues, et ce au profit d'une pénalisation accrue.
Nous regrettons également que la question du soutien financier accordé à la victime de violences conjugales ait été écartée par le Gouvernement. Il s'agit pourtant d'un point essentiel dans la lutte contre cette forme de violence. La solidarité nationale doit pouvoir être sollicitée dans ces cas de figure où, bien souvent, les femmes se trouvent dans l'obligation de quitter le domicile conjugal tout en étant privées de ressources.
À cet égard, je ne pense pas que la proposition avancée il y a quelque temps, notamment par Mme la ministre déléguée, consistant à mettre en place des familles d'accueil susceptibles de recueillir ces femmes, éventuellement accompagnées de leurs enfants, soit la solution.
C'est à la solidarité nationale, à l'État, de pourvoir aux besoins de ces femmes en détresse, en développant les centres d'accueil d'urgence ou encore en leur accordant une indemnité spécifique, comme nous le proposerons dans un amendement. L'État ne peut se désengager sur ce point.
De même, je pense qu'il serait intéressant de prévoir que les offices d'HLM réservent ou, tout au moins, attribuent en priorité des logements aux femmes qui sont obligées de quitter leur domicile. Malheureusement, nous connaissons tous la situation actuelle de pénurie de logements sociaux, aggravée par le fait que de nombreuses communes refusent délibérément d'appliquer la loi SRU, la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains.
La question du logement d'urgence des femmes victimes de violences se pose donc dans le cadre plus global de l'offre de logements sociaux, qui est bien insuffisante par rapport aux besoins.
J'en viens maintenant aux dispositions relatives à la lutte contre les mariages forcés. Si nous nous réjouissons de l'adoption par les deux assemblées du relèvement de l'âge légal du mariage à dix-huit ans pour les filles, nous nous interrogeons néanmoins sur l'opportunité d'introduire dans un texte sur les violences conjugales diverses dispositions destinées à lutter contre les mariages forcés. De surcroît, ces articles risquent de renforcer la suspicion, déjà grande, qui existe à l'encontre des mariages mixtes, ce que nous ne souhaitons évidemment pas.
Je pourrais exprimer les mêmes réserves s'agissant des dispositions relatives à la lutte contre les mutilations sexuelles. Bien qu'il soit positif que le Parlement engage la discussion sur ce sujet et se décide à légiférer en la matière, je pense que ces dispositions n'ont pas leur place dans un texte relatif aux violences au sein du couple.
Alors que le texte initial, tant attendu par les associations, avait pour objectif de lutter contre le fléau que représentent les violences conjugales, nous voici tenus d'examiner une proposition de loi dans laquelle les mesures de lutte contre les violences au sein du couple se retrouvent cernées par des dispositions relatives au mariage, à la lutte contre les atteintes et mutilations sexuelles envers les mineurs, ainsi qu'au tourisme sexuel.
Loin de moi l'idée de minimiser ces pratiques inhumaines et non respectueuses de l'intégrité des enfants. Mais notre message envers les femmes victimes de violences conjugales est-il toujours aussi clair ? Je n'en suis pas sûre.
Néanmoins, le rapporteur et la commission nous proposent des amendements qui ont retenu toute notre attention. Nous en prenons bonne note et nous demandons au Gouvernement, en retour, de prendre en compte nos propositions. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
Mme Hélène Luc. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Muguette Dini.
Mme Muguette Dini. Monsieur le président, madame la ministre déléguée, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, la lutte contre les violences au sein des couples est devenue l'affaire de tous.
C'est sur cette affirmation que j'avais commencé mon intervention lors de la première lecture. J'avais alors attiré votre attention sur quelques points et je souhaiterais y revenir.
Tout d'abord, les effets de cette proposition de loi doivent être étendus aux frères exerçant sur leurs soeurs des violences inadmissibles.
Ensuite, l'accueil dans les commissariats et les gendarmeries doit être confié de préférence à des agents de sexe féminin et, dans tous les cas, spécifiquement formés à cette écoute, et non à de jeunes agents n'ayant qu'une courte expérience de la vie en couple et réalisant parfois avec difficulté la gravité de la situation.
Les policiers et les gendarmes, mais également les magistrats et les médecins, doivent recevoir une formation spécifique et continue.
Les associations concernées par ces violences envers les femmes et spécialisées dans l'accueil de ces dernières doivent être soutenues et sollicitées dans la réalisation d'une prévention, notamment au moyen de modules de sensibilisation dans les établissements scolaires.
Il est nécessaire de porter une attention particulière aux jeunes filles étrangères mariées contre leur volonté hors de France, dans des pays autorisant le mariage avant l'âge de la majorité française, qui rentrent en France accompagnées de leur mari. Les dispositions sur le mariage forcé adoptées, à l'unanimité, à l'Assemblée nationale et la possibilité offerte au ministère public d'attaquer le mariage sur le fondement de l'absence de libre consentement vont dans ce sens. Interdire le regroupement familial avant que la jeune femme ait atteint l'âge légal du mariage en France donnerait à l'intéressée plus de chance de réagir contre cette violence.
Ces vérités d'hier sont celles d'aujourd'hui, et je reste persuadée que de telles avancées sont nécessaires.
Je souhaite maintenant faire porter l'essentiel de mon intervention sur une mesure que je juge absolument inacceptable et qui demeure malheureusement sous-jacente dans la présente proposition de loi : la médiation.
La médiation est un coup supplémentaire porté aux victimes. Elle ne peut décemment pas s'appliquer aux situations de violence au sein des couples.
M. Roland Courteau. Tout à fait !
Mme Muguette Dini. Peut-on raisonnablement proposer une médiation entre une victime et son bourreau, entre l'agresseur et l'agressé ?
Nous ne sommes pas en présence de voisins qui se chamaillent au sujet de la hauteur d'une haie. Nous avons affaire à un homme violent et à une femme victime, meurtrie dans son esprit et dans son corps. Je parle de femmes victimes parce que, nous le savons, la violence dans les couples s'exerce le plus souvent dans ce sens. Envisager la médiation, c'est donc reconnaître que la victime a des torts et que, peut-être, il est juste qu'elle soit maltraitée. Cela me paraît inacceptable.
M. Roland Courteau. Très bien !
Mme Muguette Dini. Emmanuelle Piet, présidente du collectif féministe contre le viol, a illustré les dangers de la médiation pénale en matière de lutte contre les violences au sein du couple, le juge proposant aux femmes victimes le retrait de leur plainte et aux agresseurs la « renonciation à leurs actes involontaires ».
Cette procédure ne prend pas en compte l'intérêt de la femme victime de violences. L'arbitrage est alors trop partial et les efforts ne sont pas partagés, la médiation se concluant principalement au bénéfice de l'agresseur.
M. Roland Courteau. Eh oui !
Mme Muguette Dini. Par ailleurs, en mettant les deux parties sur le même plan, la médiation atténue la lisibilité de l'infraction et, par là même, la prise de conscience par l'auteur.
Avec la médiation, les femmes ne peuvent pas se sentir reconnues comme victimes, ce qui est très grave pour elles, bien sûr, mais aussi pour les enfants.
Peu de dossiers vont au-delà de la médiation, beaucoup se concluent par un arrangement, au lieu d'aboutir à l'établissement de la culpabilité par la voie judiciaire.
La médiation a donc montré ses limites, et le texte en discussion doit affirmer la responsabilité du conjoint violent.
Si ce texte n'est pas adapté, c'est que le dépôt de plainte est déjà souvent l'aboutissement d'une réflexion longue et pénible.
La difficulté qu'éprouvent les femmes à réagir est d'autant plus grande que soit elles sont dépendantes économiquement de leur conjoint, soit elles refusent de séparer leurs enfants de leur père. En effet, nombre de femmes ne souhaitent pas porter plainte, car elles se refusent à dénoncer leur conjoint, le père de leurs enfants ; elles craignent des représailles, des menaces, en particulier au moment des séparations ; elles éprouvent un sentiment de culpabilité et espèrent parfois que les choses vont s'arranger.
Le dépôt de plainte est alors le dernier recours quand toutes les médiations internes ont échoué, quand la violence est devenue systématique et la situation intenable. Or la médiation pénale risque d'aboutir au rejet sur la victime de l'échec de la procédure : cette victime qui ne retire pas sa plainte est alors considérée comme responsable de la situation.
Pour éviter cette stigmatisation, les victimes, sous la contrainte, acceptent souvent les termes de l'arbitrage. C'est aussi une des raisons qui poussent nombre de victimes de violences conjugales à taire leur situation. La médiation est alors un renoncement à la justice, sous la pression financière ou psychologique. Elle constitue une arme supplémentaire pour le conjoint violent, un outil lui permettant à la fois d'affermir son pouvoir et son contrôle, et de se soustraire au processus judiciaire.
Comment reconnaître que les violences commises au sein du couple constituent une circonstance aggravante et, en même temps, prévoir que celles-ci puissent faire l'objet d'une médiation et leurs auteurs ainsi exonérés de toute sanction ?
M. Roland Courteau. Bien dit !
Mme Muguette Dini. On connaît maintenant un peu mieux les chiffres relatifs aux conséquences de la violence au sein des couples : suicides, homicides, décès dus à des pathologies spécifiques. Ils sont scandaleux. Trop de femmes sont encore battues et leurs agresseurs impunis.
Le domicile conjugal ne doit plus être un lieu de non-droit. La violence au sein du couple est trop souvent minimisée, considérée comme un problème interne au couple, une « scène de ménage » dans laquelle il convient de ne pas s'immiscer.
Les procédures pénales exemplaires qui établissent clairement les responsabilités sont encore minoritaires. Nous ne pouvons pas cautionner la violence en donnant à ses auteurs les moyens de se soustraire à la sanction. Je demande donc que le présent texte supprime toute possibilité de médiation.
Une femme qui a le courage de porter plainte après avoir subi des violences ne doit pas être confrontée à l'auteur des actes dans le cadre d'une médiation. Aucune tolérance, aucune compréhension, ne doivent être manifestées à l'égard de l'homme violent.
Mes chers collègues, il est indispensable de voter la suppression de la médiation pénale afin de permettre à cette loi de peser de façon irrévocable dans le combat contre la violence. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF. - Mme Gisèle Printz applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau.
M. Roland Courteau. Même si le temps nous a paru long entre la première lecture au Sénat et la première lecture à l'Assemblée nationale, puisque neuf mois se sont écoulés entre les deux, nous n'allons pas bouder notre satisfaction devant la rapidité avec laquelle le texte a été inscrit en deuxième lecture à l'ordre du jour du Sénat.
Je ne reviendrai pas dans le détail sur les chiffres relatifs aux violences à l'égard des femmes au sein du couple, chiffres que nous avons amplement présentés lors de la première lecture et qui soulignent cruellement que ces violences ne doivent pas être prises à la légère.
Je ferai simplement quelques remarques sur ce phénomène indigne de la France des droits de l'homme, en rappelant d'abord que, selon certaines études, cette violence serait la première cause d'invalidité ou de décès, bien avant le cancer et les accidents de la route, chez les femmes de seize à quarante-quatre ans.
Deuxième remarque, dans 68 % des cas, les violences ont lieu devant les enfants et, dans 10 % des cas, sur les enfants...
Troisième remarque, si plusieurs dizaines de milliers d'hommes exercent des violences sur leur compagne, seulement quelques centaines d'entre eux font l'objet de soins et sont accueillis dans des centres spécialisés.
Enfin, doit-on encore rappeler que nous avons affaire à un mal qui touche tous les milieux sociaux sans exception ? Chassons donc l'idée selon laquelle les violences seraient propres à certaines catégories sociales ou à certaines pratiques culturelles ou religieuses.
Un tel phénomène n'est pas une affaire privée mais bien l'affaire de tous. Manifestement, un signe fort s'imposait, la loi pouvant effectivement constituer dans ce domaine un vrai moteur de changement.
Cependant, force est de constater que, jusqu'alors, nous n'avions que des réponses partielles dans des textes de loi épars, preuve s'il en est du peu d'importance que l'on attribuait à un tel problème, peut-être par ignorance, mais peut-être aussi parce que l'on considérait que le meilleur moyen de s'accommoder d'un mal qui dérangeait était de l'ignorer. Songez, mes chers collègues, qu'il fallut attendre 1989 et les premières initiatives prises en ce domaine par notre collègue Michèle André, que je salue, alors secrétaire d'État chargée des droits des femmes, pour que l'on se préoccupe enfin de ce mal.
De même fallut-il attendre 1994 pour que l'on reconnaisse, dans le nouveau code pénal, les violences comme un délit spécifique lorsqu'elles sont commises par le conjoint ou le concubin.
Mais depuis, plus rien ! En tout cas, plus rien jusqu'à ce 29 mars 2005 où, sur décision de la conférence des présidents, le Sénat inscrivait à l'ordre du jour de sa séance mensuelle notre proposition de loi ainsi que celle de Nicole Borvo Cohen-Seat.
C'était la première fois, et c'est tout à l'honneur du Sénat, qu'un texte spécifique portant sur la prévention et la répression des violences au sein du couple était soumis à l'examen du Parlement. Enfin osions-nous regarder la vérité en face. Enfin osions-nous nous saisir d'un des problèmes les plus préoccupants au regard tant de la santé publique que du respect de la dignité humaine !
Mieux encore, par une sorte d'union des volontés pour porter, selon la formule d'un de nos collègues, la lutte contre les violences conjugales au rang des grandes priorités, nous avons adopté le texte - certes, après des modifications - à l'unanimité et sous les applaudissements, ce qui est suffisamment rare pour être souligné.
Je le dis avec satisfaction, même si, mes chers collègues, le groupe socialiste n'a pas été totalement suivi dans ses propositions sur les volets « prévention » et « aide aux victimes, » ainsi que dans sa volonté d'aller plutôt vers une loi-cadre complète comme ont su s'en doter l'Espagne ou encore l'Allemagne, l'Autriche ou le Canada.
Telle était l'ambition de notre proposition de loi initiale, car, pour reprendre certains propos, nous restons convaincus que la violence contre les femmes « est souvent la conséquence de certains conditionnements socioculturels [...], les causes étant probablement à rechercher dans un modèle de société qui situe les femmes dans une position d'infériorité naturelle ».
Mais peut-être, je l'espère en tout cas, parviendrons-nous à améliorer encore le texte au cours de cette deuxième lecture. À cette fin, nous proposerons plusieurs amendements au Sénat, à commencer par l'amendement, porté par Robert. Badinter, visant à compléter l'article 212 du code civil en prévoyant que les époux se doivent mutuellement non seulement fidélité, secours et assistance, mais également respect. Peut-être aurions-nous dû commencer par là,...
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. C'est ce que nous avons fait !
M. Roland Courteau. ...car le respect mutuel est un élément fondamental de la vie conjugale.
Cela étant dit, le caractère imminent, du moins, je l'espère, de l'adoption définitive de notre proposition de loi ne semble faire désormais plus aucun doute, et c'est en soi une bonne nouvelle, car, ainsi, nous aurons contribué non seulement à briser la loi du silence, mais aussi à lutter plus efficacement contre un fléau trop longtemps minimisé et sous-estimé.
Gardons-nous cependant d'oublier que c'est aussi par la connaissance de leurs droits que les femmes victimes de violences trouveront le moyen de faire reculer ce fléau., même si nous savons combien les chemins de la dénonciation d'abord, de la reconstruction, ensuite, sont ardus.
En la matière, un gros travail d'information reste à réaliser, madame la ministre déléguée. Il nous faudra mieux communiquer, mieux sensibiliser, mieux former, mieux éduquer pour améliorer la prévention des violences et mieux accompagner les victimes.
Qu'il me soit donc permis de saluer l'énorme travail des associations qui, les premières, ont su se saisir de ce problème. Si elles n'existaient pas, il nous faudrait les inventer !
Tant mieux, mes chers collègues, si les tabous ont commencé à tomber, tant mieux si nous pouvons, par cette proposition de loi, contribuer à faire en sorte que le droit et la justice pénètrent enfin la sphère privée. Mais, de grâce, chassons également de nos esprits l'idée, parfois défendue, selon laquelle violences conjugales et conflits conjugaux seraient la même chose. Nous retrouverons cette question que j'avais évoquée en première lecture à l'article 5 bis B, qui traite des limites de la médiation pénale.
Rappelons une fois encore que, comme l'a si bien expliqué le professeur Benghozi, « la violence constitue une attaque contre l'humain, elle est destructive, [...] car elle nie l'altérité et l'intégrité de la personne ».
Dans le conflit, les membres du couple s'interpellent : il y a enjeu, et le rapport de force peut passer de l'un à l'autre, ce qui n'est pas le cas dans les violences conjugales physiques, sexuelles, psychologiques, où la domination, l'emprise même sont toujours exercées par la même personne.
Comme on l'aura également compris, je ne fais pas davantage de distinction, au niveau de leur gravité, entre violences physiques et violences psychologiques, ces dernières étant, à mon sens, tout aussi terribles que les violences physiques, si ce n'est plus. Comment d'ailleurs douter que, portées à leur paroxysme, ces violences psychologiques n'entraînent la personne sur des pentes extrêmement périlleuses pour sa santé et pour sa vie ?
Le pire est que ce type de violence est par excellence l'arme de l'agresseur habile, car elle ne laisse aucune trace visible, tout en pouvant être particulièrement destructrice.
C'est là un sujet extrêmement grave, et nous avons eu en première lecture un très long et riche débat, madame Gisèle Gautier, sur le fait de criminaliser ou non spécifiquement le harcèlement moral envers le conjoint, le concubin ou le partenaire pacsé. Par 160 voix contre 159, je vous le rappelle, mes chers collègues, le Sénat n'avait pas adopté ce point de vue. Mais nous reviendrons, j'imagine, sur ce sujet lors de la discussion des articles.
J'en viens maintenant aux dispositions relatives à la lutte contre ce qui peut aussi être considéré comme la première des violences : je veux parler des mariages forcés.
Faut-il rappeler que le libre consentement au mariage est inscrit dans la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948 ?
Je me réjouis que notre proposition de loi ait pu servir de support à plusieurs dispositions, dont celle que nous avons adoptée à l'unanimité sur l'initiative de la plupart des groupes parlementaires et qui porte l'âge légal du mariage des femmes à dix-huit ans révolus ; l'Assemblée nationale l'a d'ailleurs adoptée conforme. Nous rejoignons ainsi sur ce point la presque totalité de nos partenaires européens.
Il fallait en effet en finir avec cette discrimination fondée sur le sexe qui fixait l'âge du mariage à quinze ans pour les jeunes filles depuis 1804 !
C'est là un signe fort, car les jeunes filles mineures sont très vulnérables en raison de leur âge et très dépendantes de leur famille. Cette mesure peut libérer des jeunes filles de certaines pressions familiales.
Nous nous devions donc de réagir, mes chers collègues, face à un phénomène qui est loin d'être marginal puisque des milliers de jeunes filles - selon les associations, 70 000 seraient concernées - sont « données » ainsi chaque année en mariage.
Cette disposition trouvait donc légitimement sa place dans notre proposition de loi, d'autant que, nous le savons, le mariage forcé, qui est en soi une violence à répétition, aboutit souvent à d'autres violences, physiques et psychologiques, avec tous les drames qui s'ensuivent, certains d'entre nous n'hésitant pas à y voir une forme moderne d'esclavage.
Je ferai remarquer que nous ne stigmatisons aucune catégorie de femmes en particulier.
Par ailleurs, nous ne souhaitons pas qu'il y ait pénalisation en la matière. Mieux vaut, en effet, en rester à une démarche de prévention et de contrôle. Toute pénalisation dirigée contre la famille, par exemple, risque de poser problème à la jeune fille et pourrait même la dissuader de réagir.
Je suis également conscient que cette disposition sur l'âge légal, même si elle est essentielle, ne résoudra pas pour autant à elle seule le problème du mariage forcé.
Je constate que l'Assemblée nationale a adopté à l'unanimité plusieurs dispositions, notamment celles qui visent à étendre plus explicitement l'audition des futurs époux et la saisine du ministère public par l'officier d'état civil non seulement quand il existe un doute sur l'existence du consentement au mariage, mais aussi quand il y a doute sur la liberté de consentement, les mêmes dispositions étant prévues dans le cas d'un mariage à l'étranger avec audition des futurs époux par les agents diplomatiques ou consulaires.
Rappelons cependant que ces dispositions, complétées par l'Assemblée nationale, ont été insérées dans le code civil par la loi du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l'immigration : il est hautement souhaitable que cette procédure ne soit pas utilisée à cette seule fin.
Cela étant, la lutte contre les mariages forcés passera aussi par l'information et l'éducation. Les jeunes filles doivent pouvoir en effet connaître leurs droits et savoir notamment que le « oui » sous la contrainte tombe sous le coup de la loi pour vice du consentement.
Nous retrouvons là l'une des préoccupations que nous avions déjà exprimée en première lecture ainsi que dans notre proposition de loi initiale : la volonté de transmettre l'information dès l'école, le collège ou le lycée. Je reviendrai sur ce point dans quelques instants.
Concernant les circonstances aggravantes tirées de la commission de certains faits au sein d'un couple, le Sénat, comme nous l'avions prévu dans notre proposition de loi, a aggravé la répression envers les violences commises non seulement par le conjoint ou le concubin, comme le prévoyait déjà le code pénal depuis 1994, mais aussi lorsqu'elles sont le fait du partenaire lié par un pacte civil de solidarité, ou de l'ancien conjoint, de l'ancien concubin ou de l'ancien partenaire pacsé.
Force est de constater que le temps de la séparation pour un couple constitue bien, dans certains cas, une épreuve à risque, car 31 % des violences ont lieu après la séparation et 10 % des actes homicides également.
Reste la question de la limitation ou non dans le temps de la circonstance aggravante pour l'ex-conjoint, l'ex-concubin ou l'ex-partenaire.
Nous étions de ceux qui ne souhaitaient pas fixer un délai parce que nous estimions, et nous estimons toujours que, même plusieurs années après la séparation, de nombreux actes de violence sont commis du fait des relations antérieures.
C'est pourquoi la proposition qui nous est faite par l'Assemblée nationale, précisant que la circonstance aggravante n'est reconnue que si l'infraction a été commise « en raison des relations ayant existé entre l'auteur des faits et la victime », nous convient tout à fait.
Par ailleurs, notre collègue Dominique Voynet avait défendu avec succès, en première lecture, un amendement visant à créer un nouveau délit de privation de pièce d'identité, de titre de séjour ou de titre de résidence d'un étranger par le conjoint, le concubin ou le partenaire pacsé.
Nous avions soutenu cette initiative, car la personne ainsi privée de papiers ne dispose alors ni de statut, ni d'identité, ni de moyens financiers, et se trouve ainsi tenue en état de sujétion pour ne pas dire d'esclavage. Elle est ainsi condamnée à rester au domicile ou, si elle l'a quitté pour se mettre à l'abri des violences, à y retourner.
Mme Voynet a eu le mérite de soulever ce point particulièrement important.
L'Assemblée nationale a préféré considérer que la privation de ces pièces ainsi que des moyens de paiement s'apparente à un vol, infraction qui peut être sanctionnée par trois ans d'emprisonnement, au lieu de un an dans le cas de la disposition adoptée par le Sénat.
Au-delà du quantum d'une peine qui n'est que rarement prononcée en totalité, je ferai remarquer que la privation de pièces d'identité - notamment - est beaucoup plus qu'un vol puisque c'est bien de son identité que la femme est en fait privée, étant dès lors enchaînée, en quelque sorte, à l'agresseur. L'acte nous paraît être plus pénalisant et donc bien plus grave que le simple vol.
J'en viens maintenant à l'incrimination, dans notre droit, du viol au sein du couple.
Le Sénat, avec certes une rédaction différente, nous avait également suivis sur ce point.
Le viol, malheureusement, tient une place non négligeable parmi les actes de violence au sein du couple, d'autant que, comme vous l'avez souligné, madame la ministre déléguée, la proximité avec l'agresseur, derrière les murs du domicile, rend la victime particulièrement vulnérable.
Même si la jurisprudence a établi qu'il pouvait y avoir viol entre époux, elle n'est pas suivie systématiquement, comme ont pu le faire remarquer certains magistrats.
Il convenait donc, comme cela a été déjà dit, de donner un fondement légal à cette jurisprudence tout en donnant une plus grande visibilité à la gravité de l'acte, car, dans l'esprit de beaucoup, le viol entre époux n'existe pas.
Cependant, l'Assemblée nationale a modifié la rédaction du Sénat en faisant du mariage, du concubinage ou du PACS une circonstance aggravante du viol et des autres agressions sexuelles.
Le groupe socialiste n'est pas favorable à cette disposition. Il vous suivra donc, monsieur le rapporteur, dans cette voie et dans votre souhait d'améliorer la rédaction de cet article et de viser aussi bien le viol que les autres agressions sexuelles.
Concernant les mesures de prévention, et plus précisément la question de l'éloignement du domicile de l'auteur des violences, le Sénat nous avait là aussi donné satisfaction dans le cadre tant du contrôle judiciaire que du sursis avec mise à l'épreuve. C'était l'une de nos principales préoccupations, mise en avant dans notre proposition de loi initiale dans laquelle nous avions suggéré, pour mieux protéger la victime, de permettre au juge d'ordonner, d'une manière explicite, l'éloignement de l'agresseur.
En effet, la rédaction actuelle de l'article 138 du code de procédure pénale suscite, semble-t-il, trop souvent les hésitations du juge, notamment dans le cas où l'agresseur est le propriétaire ou le locataire du logement.
Je reste persuadé que, si la victime a pleinement conscience que, dans le cas de poursuites, c'est plutôt son agresseur qu'elle-même qui pourra être amené à quitter le domicile, elle hésitera certainement moins à porter plainte et n'acceptera plus de subir sans réagir.
En revanche, nous n'avions pas été suivis sur notre amendement qui visait à donner la possibilité au juge de prononcer envers les auteurs de violences au sein du couple l'obligation de se soumettre à des soins spécialisés, pas plus que nous ne l'avions été sur notre proposition visant à donner une base légale à certaines expériences conduites notamment par les parquets de Paris, de Nîmes ou de Douai.
Bien évidemment, nous avons remarqué que l'ensemble de ces dispositions ont été entre-temps satisfaites par l'article 35 de la proposition de loi relative au traitement de la récidive des infractions pénales, que ce soient les mesures d'éloignement du domicile ou celles qui permettent, sous l'autorité du procureur de la République, dans le cadre de l'enquête, d'astreindre l'agresseur à une prise en charge sanitaire et sociale, consacrant ainsi les pratiques des parquets précités.
Peut-être sur ce dernier point avons-nous eu le tort, à quelques mois près, d'avoir eu raison trop tôt ! Cela dit, nous constatons que la loi du 12 décembre 2005 n'a pas prévu d'étendre ces mesures aux auteurs de violences qui se trouvent être des anciens conjoints, des anciens concubins, des anciens ou actuels partenaires pacsés. Il convenait donc de compléter le dispositif en ce sens, et c'est pourquoi nous proposerons un amendement à cet effet.
Nous considérons également qu'il était utile que le dispositif soit complété s'agissant de la révocation du contrôle judiciaire ou des modifications apportées au régime de la mise à l'épreuve avec incarcération de l'agresseur dès lors que ce dernier se soustrait aux obligations qui lui sont imposées, par exemple l'interdiction de revenir au domicile.
Concernant toujours la prévention, pardonnez-moi de le rappeler encore une fois, notre proposition de loi initiale faisait justement de la prévention le coeur même d'un dispositif global.
Punir sévèrement est nécessaire ; informer, éduquer, et donc prévenir les violences est encore mieux, d'autant que celles-ci ne régressent pas, particulièrement chez les jeunes.
Ainsi, il est nécessaire d'aller au-delà de la seule sensibilisation des adultes et de prévenir les comportements sexistes entre filles et garçons dès l'enfance, et donc dès l'école, puis au collège et au lycée, par l'éducation non seulement au respect de l'autre, mais aussi plus spécifiquement au respect de l'autre sexe.
Je reste convaincu que notre droit doit prendre en compte cette nécessité afin de mieux mobiliser la communauté scolaire, car c'est là l'un des points de départ pour contribuer à favoriser l'évolution des mentalités.
Cela valait donc bien un complément explicite au code de l'éducation, dans la mesure où nous voulons vraiment inscrire notre action dans la durée.
Mais le Sénat, dans sa majorité, ne nous a pas suivis, au prétexte que nos amendements seraient déjà satisfaits par certaines dispositions du code de l'éducation.
Il n'y a rien de redondant à inscrire dans ce code qu'une information sur le respect de l'autre sexe, sur la violence, les propos sexistes et leurs conséquences, doit être également dispensée. Non, il n'y a rien là de redondant, puisque cette disposition n'est pas explicitement affichée dans le code de l'éducation.
Je crois savoir qu'à l'Assemblée nationale le débat a surtout porté sur le fait que les dispositions ainsi proposées par amendements étaient de nature réglementaire. Je crois me souvenir aussi que le législateur n'a pas eu de tels états d'âme lors de l'examen de la loi Fillon.
Vous avez par ailleurs, madame la ministre délégué, proposé, en liaison avec le ministère de l'éducation nationale, de donner à ce texte, une fois adopté, la publicité la plus large.
C'est une excellente idée qu'il sera très utile de mettre en oeuvre, et nous espérons que vous nous le confirmerez ici même. Cela dit, une telle campagne de sensibilisation ne sera que ponctuelle. Or, je le redis, il nous faut nous inscrire dans la durée et, jusqu'à preuve du contraire, il n'y a pas pour ce faire de meilleure garantie que celle qu'apporte la loi.
Nous défendrons donc un amendement fixant un cadre, tout en renvoyant au décret le soin de fixer les modalités et le contenu.
Nous reviendrons aussi sur la question relative à la formation des personnels médicaux, de police et de gendarmerie, ainsi que des magistrats et des avocats.
De même, et c'est là un autre sujet, peut-être faudrait-il également veiller à ce que les émissions publicitaires ne contiennent aucune incitation à la violence et aucune image dégradante de la femme.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Pourquoi ne pas avoir déposé d'amendements sur ces points ?
M. Roland Courteau. Monsieur le rapporteur, il reste beaucoup à faire, mais au moins commençons par appliquer la loi de 1986 relative à la liberté de communication, qui précise notamment que « l'exercice de cette liberté ne peut être limité que dans la mesure requise par le respect de la dignité de la personne humaine ».
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Tout est dit ! Il n'y a donc rien à ajouter !
M. Roland Courteau. C'est pourquoi nous n'avons pas déposé d'amendements, monsieur le rapporteur : la loi se suffit à elle-même, et il faut l'appliquer !
Je souhaite maintenant évoquer la question de la médiation pénale.
Les représentants des associations confrontées sur le terrain aux dures réalités disent que la médiation « n'est pas mieux que rien », pour reprendre une formule lancée à l'Assemblée nationale, mais qu'elle peut être pire que tout !
Le ministère de la justice, dans son guide, attire, lui, l'attention des magistrats sur « la vigilance particulière quant aux décisions de médiations pénales ordonnées, en cas de violences conjugales ».
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Oui, bien sûr !
M. Roland Courteau. Il semble donc que la médiation pénale soit inappropriée dans les cas de violences.
On me faisait remarquer que les violences conjugales traduisent un rapport de domination et une emprise de l'agresseur sur la victime, et que, dans ces conditions, la mise en présence, lors de la médiation, des deux parties souvent inégales sur un plan psychologique renforçait la vulnérabilité de la victime et induisait un sentiment d'impunité ainsi que de toute puissance chez l'agresseur.
Bref, en rendant interactive la responsabilité de l'acte, la médiation pénale rendrait, de fait, la victime en partie responsable.
Il est vrai que, bien souvent, la médiation aboutit au retrait de la plainte par la plaignante et conduit, d'une certaine manière, à une dépénalisation.
Dans bien des cas, et selon les associations elles-mêmes, cela aboutit à entériner le rapport de domination existant plutôt que de le mettre à mal, tandis que les femmes qui ont rencontré ce type de situation finissent par ne plus porter plainte non parce que les violences ont cessé mais parce qu'elles ne croient plus en la justice !
Nos collègues députés ont certainement cru bien faire en adoptant un amendement limitant le dispositif à une seule médiation. Mais ne risque-t-on pas d'inciter à comprendre ce « une fois » comme un « au moins une fois » ? C'est une vraie question !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Eh oui !
M. Roland Courteau. Le seul fait de limiter à une le nombre de médiation pourrait être compris comme une recommandation en ce sens.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Voilà !
M. Roland Courteau. C'est la raison pour laquelle nous proposerons un amendement tendant à exclure la possibilité, pour le procureur de la République, de faire procéder à une mission de médiation pénale lorsqu'il s'agit de violences conjugales. Je précise, mes chers collègues, que tel est actuellement le cas en Espagne et au Luxembourg.
Par ailleurs, le Sénat avait adopté l'un de nos amendements tendant à prévoir que le Gouvernement dépose sur le bureau des assemblées un rapport relatif à la politique nationale de lutte contre les violences au sein du couple, portant sur les conditions d'accueil et d'hébergement des victimes, sur leur réinsertion sociale ainsi que sur les structures de soin des auteurs de violences conjugales.
L'article 5 bis, tel qu'il nous est proposé, précise la périodicité de ce rapport et élargit son contenu aux modalités de prise en charge sanitaire, sociale ou psychologique des auteurs des faits. Cela nous convient parfaitement.
De même, concernant les articles suivants, nous approuvons les dispositions relatives à la lutte contre l'excision et le tourisme sexuel tout autant que nous approuvons la transposition de la décision-cadre du Conseil de l'Union européenne contre l'exploitation sexuelle des enfants et la pédopornographie.
Nous reviendrons également sur la question de la réparation intégrale des dommages et de son extension à certaines violences, ainsi que sur les conditions d'accès à l'aide juridictionnelle.
De même, nous vous proposerons au travers d'un amendement de traiter d'une question très sensible sur les plans du droit et de l'éthique.
En effet, il arrive que, pour protéger la victime, on l'installe dans un lieu inconnu du conjoint violent. Cela ne pose pas de problème a priori, sauf lorsque les deux époux ont des enfants communs. Dans ce cas de figure s'impose l'article 373 - 2 du code civil.
Toute la question est de savoir si, pour des motifs graves - dont les violences -, il convient de permettre au juge de déroger à l'obligation de déclaration de changement de domicile pour une durée déterminée. Cette question fait l'objet d'un amendement de notre part.
Nous retrouverons un problème similaire au sujet de l'exercice du droit de visite.
Enfin, dernière remarque, je regrette que l'on ait modifié le titre de cette proposition de loi, lui faisant ainsi perdre une partie de son impact. Bien sûr, cela relève du symbole mais, de grâce, ne brouillons pas ce message essentiel par un titre à rallonge qui dilue le sens même de notre démarche ! C'est tout de même la première fois que le Parlement légifère sur un tel problème de société. Autant donc souligner nettement l'objet de ce texte !
Pour conclure, je rappellerai que M. de Richemont, rapporteur, avait signalé, à la fin de l'examen du texte en première lecture, que le Sénat avait retenu les plus importantes de nos propositions initiales.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Oui, c'est vrai !
M. Roland Courteau. Je l'en avais d'ailleurs remercié, comme je vous remercie, monsieur Hyest, de le confirmer en votre double qualité aujourd'hui de président et de rapporteur de la commission des lois.
Peut-être franchirons-nous aujourd'hui du même coup une autre étape importante ? Nous verrons, monsieur Hyest, ce qu'en pensent nos collègues sénateurs !
En tout état de cause, je crois que le Sénat peut être fier d'avoir joué un rôle de précurseur dans le domaine qui aujourd'hui nous mobilise.
Si quelques pas supplémentaires pouvaient encore être effectués sur les points que j'ai évoqués, alors, vraiment, mes chers collègues, nous en serions extrêmement satisfaits ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Monsieur le garde des sceaux, madame la ministre déléguée, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, depuis cette tribune, je veux vous dire toute ma satisfaction de voir revenir en discussion, aujourd'hui, ce texte qui fera date, ne serait-ce que par la modernisation du code civil qu'il entraîne.
Il est - faut-il le rappeler ? - d'origine parlementaire, ce qui explique sans doute également le remarquable consensus qui s'est exprimé, tant au Sénat en première lecture qu'à l'Assemblée nationale, marquant la volonté unanime des représentants du peuple que nous sommes de mettre un frein à ces formes de violences quotidiennes trop longtemps tues et acceptées au sein des couples ou commises sur les mineurs.
La vertu du bicamérisme et des navettes s'est encore une fois vérifiée puisque des dispositions introduites par le Sénat il y a bientôt un an ont été amplifiées et étendues par l'Assemblée nationale, à la faveur de plusieurs mois de réflexion, et que des sujets aussi sensibles que la lutte contre l'excision et autres mutilations sexuelles, l'exploitation des enfants et la pédopornographie, la polygamie et même le tourisme sexuel, ont pu être longuement débattus.
C'est bien de la protection de la dignité humaine dont il est question, et nous ne pouvons plus tolérer cette barbarie infâme qui entraîne le décès d'une femme tous les quatre jours !
Je suis aussi reconnaissante aux députés d'avoir renforcé le dispositif de lutte contre les mariages forcés, sujet qui me préoccupe particulièrement en tant qu'élue des Français de l'étranger.
Le relèvement de quinze à dix-huit ans de l'âge légal du mariage pour la femme n'est qu'une première étape, indispensable, mais insuffisante, comme je l'ai souligné dans l'exposé des motifs de la proposition de loi que j'ai déposée le 7 mars dernier, puis dans l'objet de mon amendement adopté à l'unanimité le 29 mars dans cet hémicycle.
Il était urgent, à mes yeux comme à ceux de la Défenseure des enfants et des membres d'associations de défense des droits des femmes, de faire un pas décisif en modifiant l'article 144 du code civil, supprimant d'un coup cette violence inouïe faite aux jeunes mineures au nom de coutumes héritées d'un autre âge et mettant, dès lors, la France en conformité avec les recommandations du comité de suivi de la Convention internationale relative aux droits de l'enfant.
C'était tellement urgent que j'avais décidé ne pas alourdir le texte ni de risquer une opposition en tentant d'y introduire d'autres dispositions tendant à lutter contre les mariages forcés.
Cependant, j'avais énoncé dès le 28 mars plusieurs pistes en ce sens dans deux grands quotidiens nationaux, notamment la nécessité d'un accord explicite du procureur avant transcription des actes de mariage, l'augmentation du nombre de structures d'accueil et d'hébergement et le renforcement de la prévention par une meilleure information.
Je ne peux donc que souscrire aux dispositions introduites par nos collègues députés, qui vont dans le sens de mes propositions, quand elles ne vont pas au-delà.
La mission d'information sur la famille et les droits de l'enfant, notamment son rapporteur, Valérie Pecresse, a fait un travail en profondeur qui a nettement amélioré, grâce à cinq articles additionnels, le dispositif voté par le Sénat. Qu'elle en soit ici remerciée.
Je commenterai rapidement les mesures visant les mariages célébrés à l'étranger, lesquels sont en constante augmentation. Ainsi, le nombre d'unions entre Français et étrangers transcrites par les services consulaires français a augmenté de 89 % entre 1994 et 2003, et il est aujourd'hui supérieur à celui des mariages mixtes célébrés en France.
Ces mariages ont engendré la transmission par les consulats au parquet de 340 dossiers en 2002, 713 dossiers en 2003 et 1 114 dossiers en 2004. Cette augmentation est parlante !
Face à cette évolution, la systématisation des auditions des futurs mariés, conjointement ou séparément, par un agent diplomatique, consulaire ou son délégué, assortie de l'assurance qu'une audition pourra être effectuée, quel que soit le pays où résident les futurs époux, participe en amont à la présomption du défaut de consentement. Cela réduira d'autant les transmissions de dossiers au procureur de la République de Nantes, déjà surchargé.
Encore faudrait-il que nos agents à l'étranger aient le temps de se consacrer à cette tâche, alors que les effectifs en personnel sont, hélas, en constante diminution dans nos postes !
Afin d'assurer le bon déroulement de ces auditions, des directives devraient être données pour le respect strict de la confidentialité, la prise en compte de la dignité de la personne et la possibilité d'un choix d'interprète par les intéressés en cas de nécessité.
S'il s'agit d'une transcription de mariage, le fait que les époux ne vivent pas ensemble au moment de la demande ne devrait pas faire préjuger la nullité du mariage, car leur réunion peut dépendre de l'obtention du visa pour le conjoint étranger, qui est, elle-même, liée à la transcription du mariage !
Le fait d'avoir un enfant ou d'en attendre un devrait également être pris en compte pour établir la sincérité de l'union.
Enfin, des agents consulaires compétents en matière d'état civil devraient pouvoir distinguer dans certains pays sensibles - je pense notamment à l'Inde - ce qui ressortit à la coutume honnêtement pratiquée et ce qui relève de l'arrangement et du consentement extorqué.
La formation et l'information des agents consulaires sont, à cet égard, à considérer.
Ces précisions sont essentielles, car il ne s'agit pas de porter le soupçon sur l'ensemble des mariages mixtes réalisés à l'étranger, la grande majorité de nos compatriotes expatriés se mariant dans des conditions tout à fait normales et conformes à notre droit.
La possibilité nouvelle de saisine systématique du ministère public par l'agent diplomatique ou consulaire en cas d'indices sérieux d'absence de consentement est un progrès dans la lutte contre les mariages forcés et dans la protection du conjoint qui n'oserait se déclarer contraint.
Pour autant, l'information systématique des futurs mariés ne doit pas être négligée, et la distribution d'un guide des droits et devoirs reste indispensable, car les mariages forcés ne disparaîtront véritablement que s'ils sont refusés par les intéressés eux-mêmes.
Il faut que ce guide soit largement diffusé et qu'il soit rédigé dans d'autres langues que le français. Nous ne devons pas oublier, en effet, que beaucoup de conjoints de Français ne parlent pas notre langue et qu'il est d'autant plus nécessaire de les informer de leurs droits et de leurs devoirs.
Je tiens à féliciter chaleureusement la commission des lois et son rapporteur pour la sagesse dont ils ont fait preuve en proposant la suppression de l'article 5 bis B, qui était loin de faire l'unanimité, comme l'attestent les nombreux courriers reçus sur ce sujet de la médiation pénale.
J'approuve également l'excellent amendement de la commission des lois qui tend à enrichir l'article 212 du code civil en prévoyant que les époux se doivent mutuellement non seulement fidélité, secours et assistance, mais aussi respect.
Cet apport est particulièrement opportun quand on sait que l'irrespect, qui s'est malheureusement généralisé dans notre société, est à l'origine de toute violence, qu'elle soit verbale, physique, psychologique ou morale.
Le respect est essentiel à la vie en communauté, au développement de relations harmonieuses, à la dignité de chacun.
Pour terminer, je remercie le Gouvernement, et en particulier vous-même, monsieur le garde des sceaux, ainsi que votre prédécesseur, d'avoir accepté notre proposition de réforme de l'article 144 du code civil et d'avoir compris l'attente des femmes, que nous avons relayée.
Ce soutien nous a été indispensable pour aboutir à ce qui sera, après le vote définitif de ce texte, un outil très efficace pour renforcer la prévention et la répression des violences au sein du couple ou celles qui sont commises contre les mineurs.
Je voterai donc le texte tel qu'il est proposé par la commission des lois, en espérant une entrée en vigueur rapide de ses dispositions issues d'un consensus exemplaire. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Gisèle Gautier.
Mme Gisèle Gautier. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, madame la ministre déléguée, mes chers collègues, je le rappelle, l'adoption de la proposition de loi au Sénat, le 29 mars 2005, s'inscrivait dans le prolongement des travaux de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes.
La convergence des propositions de la commission des lois et des recommandations de la délégation aux droits des femmes, présentées par notre collègue Jean-Guy Branger, avait ainsi permis d'obtenir des avancées considérables en matière de lutte contre les violences au sein du couple, qui constituent un fléau d'autant plus insidieux qu'elles ont longtemps été occultées et qu'elles le demeurent en partie, aujourd'hui encore, car il s'agit d'un sujet tabou et méconnu par beaucoup.
Si je dis que ce sujet est méconnu, c'est parce que, lors de la première lecture dans notre Haute Assemblée, l'un de nos éminents collègues m'a confié être surpris par les chiffres énoncés. Il m'a même paru quelque peu sceptique quant à l'ampleur du phénomène affiché lors de nos discussions, considérant qu'il s'agissait d'un combat d'arrière-garde et que ce phénomène, d'ailleurs connu dans d'autres pays, était peut-être un peu amplifié par les médias.
Nos discussions rappelaient simplement que, tous les quatre jours, en France - il faut le redire en permanence -, une femme meurt des suites des violences subies au sein de son couple et que bien d'autres, malheureusement, gardent des séquelles toute leur vie.
En première lecture, le Sénat avait introduit dans la partie générale du code pénal une définition de la circonstance aggravante liée à la commission d'infractions au sein du couple. Il avait également étendu cette circonstance aggravante, actuellement déjà retenue pour les violences commises par le conjoint ou le concubin de la victime, aux violences commises par le partenaire pacsé ainsi qu'à celles commises par les « ex » de la victime, ancien conjoint, concubin ou pacsé.
Nous avions également voté l'application de la circonstance aggravante en cas de meurtre commis au sein du couple et l'inscription explicite dans le code pénal de la reconnaissance du viol entre conjoints, concubins ou pacsés, dont le fondement n'était jusqu'à présent que jurisprudentiel.
Enfin, pour lutter contre les mariages forcés, nous avions, à la suite d'un amendement présenté par notre collègue Joëlle Garriaud-Maylam, harmonisé l'âge légal du mariage pour les garçons et les filles, en élevant pour celles-ci à dix-huit ans l'âge minimum qui était fixé à quinze ans depuis la rédaction du code civil, il y a plus de deux cents ans, comme vous l'aviez à juste titre rappelé, madame la ministre déléguée.
L'Assemblée nationale, qui a adopté cette proposition de loi le 15 décembre dernier, a considérablement enrichi le texte, qui est ainsi passé de neuf à vingt articles. En clair, cela signifie que ce texte de loi n'a pas laissé indifférent, c'est le moins que l'on puisse dire !
Nos collègues députés ont souhaité conforter très sensiblement la lutte contre les mariages forcés, les dispositions introduites sur ce point ayant notamment été inspirées par les travaux de la mission d'information de l'Assemblée nationale sur la famille et les droits de l'enfant ainsi que par les recommandations du Médiateur de la République et de la Défenseure des enfants.
Le texte a également été complété par deux nouveaux volets, l'un consacré à la lutte contre le tourisme sexuel et l'autre à la lutte contre les mutilations sexuelles.
L'Assemblée nationale a notamment précisé que le champ d'application de la circonstance aggravante de violences conjugales ne serait applicable aux « ex » que si l'infraction a été commise en raison des relations ayant existé entre l'auteur des faits et la victime. Elle a également donné une reconnaissance légale au vol entre époux lorsque celui-ci porte sur des objets ou des documents indispensables à la vie quotidienne de la victime, tels qu'un document d'identité, un titre de séjour ou un moyen de paiement.
Par ailleurs, les députés ont décidé de limiter le recours à la médiation pénale en cas de violences conjugales. Ce point, comme j'ai pu le constater, fait débat parmi nous.
Les associations de défense des victimes de violences sont favorables à l'interdiction pure et simple du recours à la médiation pénale en cas de violences conjugales. Pourquoi tant d'obstination ? Tout simplement, parce qu'il faut à tout prix éviter de mettre sur un pied d'égalité l'auteur des violences et sa victime, alors qu'il existe bien un agresseur et un agressé.
L'agression d'une femme par son conjoint ou par son concubin n'est en effet pas un simple désaccord qu'une discussion pourrait suffire à régler. Faire entrer une victime dans une procédure de médiation reviendrait à relativiser l'agression dont elle a été l'objet et, finalement, à la minimiser. De nombreux témoignages sont là pour le prouver : la médiation aboutit le plus souvent au retrait de la plainte, ce qui entérine le rapport de force entre le conjoint violent et celui qui subit les violences.
M. Roland Courteau. Eh oui !
Mme Gisèle Gautier. De même, je dois avouer que je m'interroge sur l'instauration par nos collègues députés d'une circonstance aggravante lorsque le viol est commis par le conjoint, le concubin ou le partenaire lié par un PACS. Pour moi, un viol est un viol, c'est-à-dire un crime. Le Sénat, en consacrant la jurisprudence de la Cour de cassation reconnaissant le viol entre époux, avait voté un dispositif satisfaisant, car équilibré.
Enfin, j'ai bien noté, monsieur le garde des sceaux, votre volonté de mettre en oeuvre les recommandations qui avaient été adoptées par la délégation aux droits des femmes afin d'inciter les pouvoirs publics à entreprendre des actions destinées à susciter une prise de conscience de l'opinion publique et des différents intervenants et à améliorer l'efficacité de l'accueil et de la prise en charge des victimes.
Je citerai, à titre d'exemple, la nécessité de mettre en place des statistiques sexuées permettant de chiffrer les infractions liées aux violences au sein du couple. Nous nous sommes en effet déplacés dans les commissariats, dans les associations, et nous avons constaté que les données chiffrées collectées sont très incertaines, voire floues. Nous avons quelques indications, mais elles ne sont pas tout à fait fiables.
Je citerai également la conduite d'une étude sur le coût budgétaire et social de ces violences, qui n'a jamais été réalisée, la constitution de groupes de parole destinés aux hommes violents, mais aussi aux femmes bien sûr, ainsi que l'amélioration de la présence des associations d'aide aux victimes dans les commissariats, associations qui effectuent un travail remarquable, comme nous avons pu le constater avec la délégation lors d'un déplacement à Tours. Je citerai encore l'amélioration de la formation continue à cette problématique des policiers, des magistrats et des personnels médicaux. Il paraît en effet indispensable que les agents soient sensibilisés, puis formés afin de mieux écouter et de mieux accueillir les femmes et les hommes en détresse.
Par ailleurs, mes chers collègues, je soumettrai à votre vote deux amendements qui me tiennent à coeur.
Le premier concerne le troisième alinéa de l'article 373-2 du code civil, qui fait obligation à un parent changeant de résidence d'en informer l'autre parent. Il ne me paraît pas judicieux de maintenir cet alinéa en l'état lorsqu'il s'agit d'une séparation causée par des violences conjugales répétées. En effet, il est alors aisé à l'agresseur de retrouver sa victime et de menacer ainsi sa sécurité et celle des enfants dont elle a la garde. Il conviendrait que le juge puisse se prononcer dans des cas douloureux, et pour une période provisoire, lorsque des enfants vivent au foyer.
Le second amendement, soutenu par de nombreux réseaux associatifs nationaux, concerne l'article 226-10 du code pénal relatif aux dénonciations calomnieuses, qui dispose que la fausseté des faits énoncés résulte « nécessairement » - cet adverbe est important - de la décision de justice antérieure, alors qu'une décision d'acquittement, de relaxe ou de non-lieu signifie non pas que les faits énoncés sont faux mais bien que la justice n'a pas eu suffisamment d'éléments pour se prononcer. De nombreux cas démontrent que des femmes victimes de violences sexuelles sont déclarées coupables de dénonciations calomnieuses. Coupables d'avoir porté plainte contre les hommes qui les ont harcelées, agressées, violées !
L'article 226-10 concerné viole, c'est patent, la présomption d'innocence des plaignantes et des plaignants. Il rend donc, à mon avis, totalement illusoire le droit de dénoncer les violences vécues et il contraint au silence, par peur d'être condamnées, les femmes victimes. Vous conviendrez avec moi que ce résultat est contraire aux objectifs que nous nous sommes fixés. Je souhaite donc ardemment que le Gouvernement émette un avis favorable sur cet amendement et que le Sénat adopte le dispositif que je propose.
En conclusion, je me félicite à nouveau de la perspective d'un aboutissement rapide de la navette sur cette proposition de loi, qui permettra, je l'espère, de lutter plus efficacement contre un fléau affectant, hélas ! douloureusement la vie quotidienne, non seulement de très nombreuses femmes, mais également, rappelons-le, de leurs enfants, témoins impuissants lorsqu'il y a violence, qu'elle soit physique, verbale ou psychologique.
On ne peut tolérer l'intolérable, lorsque l'on sait que, trop souvent, pour un jeune garçon témoin de violences, le même schéma se reproduit lorsqu'il devient adulte. C'est un choix que nous devons faire.
Mes chers collègues, dans quelle société voulons-nous vivre demain ?
Alors que les formes de violences se multiplient, que ce soit à l'école, dans les stades, dans les rues, nous nous devons, de par cette loi, de démontrer que le foyer doit être un espace de liberté, de respect et, surtout, d'apprentissage de la dignité humaine. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Virapoullé.
M. Jean-Paul Virapoullé. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, madame la ministre déléguée, mes chers collègues, avec le drame de la violence conjugale, nous sommes au coeur d'un véritable problème de société, qui, malheureusement, s'aggrave.
Que l'alcool, la misère, le manque de logement, la précarité ou une éducation sommaire en soient les causes, cela reste avant tout un drame humain, qui laisse sur le bord de la route des familles éclatées, des personnes privées de vie et des enfants à l'avenir compromis, sans même parler de ce terrible sentiment de honte dont je fais le triste constat lorsque je reçois des victimes dans mon bureau de maire.
Car il faut bien comprendre que toute la complexité du problème tient au fait que la victime de violences conjugales a honte. Et, quand elle vient timidement se confier au maire, en sa qualité d'officier de police judiciaire, et lui expliquer le drame qu'elle vit, c'est aussitôt pour lui demander de garder le secret, car elle a peur des coups, et peur que cela ne recommence.
Nous sommes donc là dans un cercle pernicieux où la violence se développe d'autant plus aisément qu'elle est tenue cachée, bien sûr par l'auteur lui-même, mais aussi par la victime. C'est la raison pour laquelle j'estime que le dispositif de sanction pénale prévu dans cette proposition de loi est une bonne chose. Mais vous l'avez dit, madame la ministre déléguée, ce n'est qu'un élément d'une palette qu'il faudra compléter encore. C'est le sens de mon intervention.
Je ne reviendrai pas sur les rapports qui ont été remis ni sur les excellentes interventions qui ont précisé le cadre et la portée juridique de la proposition de loi. Je me contenterai de quelques brèves remarques qui ont pour ambition de pousser un peu plus loin la réflexion, car, si le texte prévoit des mesures nécessaires à l'amélioration de la situation de la victime, elles demeurent insuffisantes.
Ma première remarque, qui n'est pas une attaque contre M. Badinter, que j'apprécie, vise l'article 212 du code civil. Celui-ci dispose que les époux se doivent mutuellement fidélité, secours, assistance. Ajouter le mot « respect » à cette liste nous fera certainement plaisir, mais ne changera rien. Ceux qui ont déjà célébré des mariages le savent bien, lorsque vous procédez à la lecture des articles du code civil, les époux endimanchés ne vous écoutent pas.
Mme Gisèle Printz. Mais si !
M. Jean-Paul Virapoullé. Ils inspectent leurs chaussures, leur noeud de cravate, leur chemise, consultent leur montre. Moi, je ne lis pas, j'explique, mais l'auditoire est hilare et peu accessible, les uns et les autres se demandant quand la cérémonie sera finie afin de pouvoir aller faire la fête. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Vous pouvez protester, c'est la vérité ! Il y en a même qui doivent se dire : « Je l'ai déjà trompée, et je vais continuer. » (Sourires.)
En fait, je ne comprends pas pourquoi il ne serait pas possible d'organiser une préparation au mariage. S'il s'agit véritablement d'un acte d'état civil d'une grande portée, il faut une information minimale. Or le droit français ne la prévoit pas.
Si vous voulez lutter contre les mariages forcés, contre le consentement extorqué, si vous voulez un acte d'état civil fondé sur des bases équitables, sur une information commune des parties et un consentement mutuel éclairé, rendez obligatoires par la loi - si ce n'est par celle-ci, du moins par un prochain texte - l'information et la préparation au mariage au bénéfice des futurs époux et sous l'égide d'un officier d'état civil, le maire ou son officier d'état civil délégué.
Vous donnerez ainsi un sens à l'article 212. En effet, les uns et les autres pourront s'expliquer et discuter ; il y aura un véritable débat. Dès lors, ceux auxquels on aura un peu forcé la main pourront se confier à l'officier d'état civil, en lui expliquant qu'ils n'étaient pas réellement désireux de se marier, mais qu'ils y ont été contraints.
Par conséquent, monsieur le garde des sceaux, madame la ministre, ma proposition est la suivante : instaurer dans un prochain volet - voire dans le code civil -, après discussion et réflexion, une séance de préparation au mariage animée par un officier d'état civil, afin de conférer à une telle démarche non pas seulement un aspect formel ou festif, mais un véritable sens.
Ma deuxième remarque est liée à mon intervention liminaire.
Une victime de violences conjugales a à la fois peur et honte. Des progrès ont certes déjà été accomplis, mais nous devons, me semble-t-il, aller encore plus loin. Je propose notamment que, dans les écoles de gendarmerie et de police, les officiers de police judiciaire soient formés par des cours adaptés à l'écoute de ces victimes. On ne reçoit pas une victime de violences conjugales comme l'on reçoit une personne ayant subi un vol ; ce n'est pas pareil !
Les victimes de violences conjugales sont dans une situation d'infériorité et éprouvent souvent un sentiment de culpabilité personnelle. Il leur faudrait donc des interlocuteurs capables de les comprendre.
Les officiers de police ne doivent pas seulement demander à la victime quel est le nombre de jours d'interruption temporaire de travail, si son mari l'a frappée ou si elle a un certificat médical. De telles questions ne constituent pas un dialogue ! La victime se replie alors sur elle-même et ne reviendra plus. La prochaine fois qu'on la verra, elle sera mutilée ou peut-être plus gravement atteinte.
C'est pourquoi je propose un cours de préparation destiné aux officiers de police judiciaire accueillant des victimes de violences conjugales.
Par ailleurs, s'agissant du volet prévention, je souhaite évoquer une expérience que nous avons menée à la Réunion et qui a porté ses fruits : les structures d'accueil en milieu familial.
En effet, lorsqu'un drame se produit - ou est sur le point de se produire -, il est parfois souhaitable d'offrir à la mère et à ses enfants une structure d'accueil, fût-ce à titre temporaire. Cela permet aux victimes - réelles ou potentielles - de bénéficier d'un temps de répit et de repos, afin de faire le point, et aux époux ou aux personnes pacsées de souffler un peu et peut-être d'arriver à reprendre une vie commune.
Dans ma commune, nous avons mis un tel dispositif en place. Nous en suivons les actions de près et nous avons pu constater que cela ne fonctionnait pas mal. C'est peut-être une solution qu'il faudrait étendre.
Je voudrais également insister sur l'importance de l'accompagnement social, qui peut remédier à de tels drames lorsque le problème est lié - et c'est souvent le cas dès qu'il s'agit de violence - à l'alcool.
C'est pourquoi je voterai la présente proposition de loi, en espérant qu'elle améliorera la situation de personnes connaissant des drames familiaux. Je pense notamment aux partenaires, mais également aux enfants. J'ai en effet une pensée particulière pour les enfants. Leur vie est brisée, alors que ce sont des innocents. Ainsi que le rappelait ma collègue tout à l'heure, ils risquent de reproduire à l'âge adulte ce qu'ils ont vécu plus jeunes, brisant ainsi de nouvelles familles.
Je pense donc que le Sénat s'honore en mettant en place de telles mesures de répression ; il s'honorera encore plus en instituant un dispositif de prévention, afin de compléter le système des sanctions pénales. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Je rappelle que, aux termes de l'article 42, alinéa 10, du règlement, à partir de la deuxième lecture au Sénat des propositions de loi, la discussion des articles est limitée à ceux pour lesquels les deux chambres du Parlement n'ont pas encore adopté un texte identique.
Article additionnel avant l'article 1er B
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 1 est présenté par M. de Richemont, au nom de la commission.
L'amendement n° 27 est présenté par MM. Badinter, Courteau et Bel, Mmes M. André et Alquier, MM. Assouline et Bodin, Mmes Boumediene-Thiery, Y. Boyer, Bricq, Cerisier-ben Guiga et Demontès, MM. Guérini et Lagauche, Mme Le Texier, M. Mauroy, Mmes Printz, Schillinger, Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Avant l'article 1er B, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans l'article 212 du code civil, après le mot : « mutuellement », est inséré le mot : « respect ».
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 1.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Plusieurs orateurs ont évoqué cet amendement, qui tend à faire en sorte que le mot « respect » soit ajouté aux autres caractéristiques du mariage que sont la fidélité, le secours et l'assistance. Bien entendu, nous plaçons le respect en tête des devoirs conjugaux.
Permettez-moi également d'adresser un message particulier à notre ami Jean-Paul Virapoullé, qui a une véritable âme de pédagogue. Je suis convaincu que, lorsqu'il procède à des mariages, notre collègue explique bien le sens des articles du code civil que les futurs époux s'engagent à respecter. Il n'y a, me semble-t-il, aucun doute possible quant au sérieux avec lequel sont célébrés les mariages dans sa commune.
M. le président. La parole est à M. Robert Badinter, pour présenter l'amendement n° 27.
M. Robert Badinter. Je rejoins les observations qui ont été formulées par M. le rapporteur.
Si les sénateurs du groupe socialiste ont tenu à déposer cet amendement, qui est d'ailleurs identique à celui qui vient d'être présenté, c'est afin d'insister sur l'importance d'une telle disposition.
J'avais moi-même tenu, avant même que le groupe socialiste ait déposé son amendement, à ce que la commission des lois puisse se prononcer sur la nécessité d'inscrire la notion de « respect » - respect de l'autre, du conjoint, du concubin ou du pacsé - dans le code civil.
Il ne s'agit pas là d'un moment mince de la discussion ! Nous nous trouvons en effet en présence, avec l'article 212, de l'un des derniers textes du code civil dans sa version d'origine. C'est un article qui a son histoire. Je rappelle au passage que, à l'occasion de l'élaboration du code civil, on s'était beaucoup interrogé sur le point de savoir s'il fallait ou non reprendre la formule contenue dans le traité du contrat de mariage de Robert-Joseph Pothier : l'obligation de l'amour conjugal.
Le sujet a été débattu avec un certain scepticisme, ce qui ne surprendra pas de la part de Cambacérès. D'aucuns ont fait remarquer qu'il était difficile de faire de l'amour une obligation, ainsi que d'apprécier si une telle obligation serait ou non respectée.
Finalement, Cambacérès, dont chacun sait qu'il avait une langue effilée, a fait observer que, de toute façon, Robert-Joseph Pothier était célibataire. (Sourires.)
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. C'était un homme sage !
M. Robert Badinter. On a donc conclu qu'il suffisait d'inscrire la fidélité, l'assistance et le secours dans le code civil.
Alors, pourquoi y ajouter aujourd'hui le respect ? Parce que le respect - le mot est l'un des plus beaux de la langue française - traduit, s'agissant des droits fondamentaux de la personne humaine, une exigence contemporaine. Vous avez d'ailleurs sans doute été frappés de constater que, bien souvent, dans les banlieues, on entend des jeunes dire : « On ne nous respecte pas ! ».
L'exigence de respect est première dans la société contemporaine. Elle traduit l'aspiration, qui figure d'ailleurs en tête de la Déclaration universelle des droits de l'homme, à la reconnaissance de la dignité de l'être humain. La dignité, cela signifie que l'autre me respecte. Et comment ne pas penser là à Emmanuel Lévinas : en reconnaissant l'autre, je lui dois et je lui rends le respect, parce qu'il est un autre moi-même.
Par conséquent, à plus forte raison s'agissant d'un couple, inscrire le respect de l'autre parmi les obligations du mariage ou du concubinage est conforme aux aspirations de nos contemporains.
J'ajoute qu'une telle connotation morale, le respect dû à l'autre, à tout moment, respect de sa personne physique - c'est ce sur quoi vous devez vous prononcer -, mais également respect de sa personnalité, est, au moment où le mariage se conclura, l'expression d'un idéal qui n'est pas indifférent.
En conclusion, je vous livrerai une phrase du doyen Carbonnier, notre maître à tous. Après avoir évoqué les différents devoirs conjugaux, comme la patience, le doyen Carbonnier écrivait : « Sans doute pourrait-on résumer le code de morale conjugale en disant que chaque époux a le devoir de respecter la personnalité de l'autre. » On ne saurait mieux dire. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. La notion de respect de l'enfant pour ses parents date du XIXe siècle. Puis, l'idée du respect de la personnalité de l'enfant a été consacrée par une loi de 2002.
Dans ces conditions, inscrire dans la présente proposition de loi le respect au sein du couple me semble une étape non seulement hautement symbolique, mais également forte.
C'est pourquoi le Gouvernement émet un avis favorable sur ces deux amendements identiques.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 1 et 27.
(Les amendements sont adoptés à l'unanimité.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, avant l'article 1er B.
Article 1er B
Le code civil est ainsi modifié :
1° Dans la première phrase de l'avant-dernier alinéa de l'article 63, les mots : « pas nécessaire au regard de l'article 146 » sont remplacés par les mots : « nécessaire ni au regard de l'article 146, ni au regard de l'article 180 » ;
2° Dans la première phrase du dernier alinéa de l'article 170, les mots : « pas nécessaire au regard de l'article 146 » sont remplacés par les mots : « nécessaire ni au regard de l'article 146, ni au regard de l'article 180 » ;
3° Dans le premier alinéa de l'article 170-1, après le mot : « articles », est insérée la référence : « 180, » ;
4° Dans la première phrase du premier alinéa de l'article 175-2, après la référence : « 146 », sont insérés les mots : « ou de l'article 180 ». (Adopté.)
Article 1er C
Le code civil est ainsi modifié :
1° L'avant-dernier alinéa de l'article 63 est complété par deux phrases ainsi rédigées :
« Il peut déléguer à un ou à plusieurs fonctionnaires titulaires du service de l'état civil de la commune la réalisation de l'audition commune ou des entretiens séparés. Si l'un des futurs époux réside dans un pays étranger, l'officier de l'état civil peut demander à un agent diplomatique ou consulaire français en poste dans ce pays de procéder à son audition. » ;
2° Avant la dernière phrase du dernier alinéa de l'article 170, sont insérées deux phrases ainsi rédigées :
« Ils peuvent déléguer à un ou à plusieurs fonctionnaires titulaires chargés de l'état civil la réalisation de l'audition commune ou des entretiens séparés. Si l'un des futurs époux ou des époux réside en France, ils peuvent demander à un officier de l'état civil de sa commune de résidence de procéder à son audition. »
M. le président. L'amendement n° 2, présenté par M. de Richemont, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit la seconde phrase du texte proposé par le 2° de cet article pour insérer deux phrases avant la dernière phrase du dernier alinéa de l'article 170 du code civil :
Si l'un des époux ou des futurs époux réside dans un pays autre que celui de la célébration, ils peuvent demander à l'officier de l'état civil territorialement compétent de procéder à l'audition.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. C'est un amendement de précision.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 1er C, modifié.
(L'article 1er C est adopté.)
Article 1er D
Après les mots : « l'un d'eux, », la fin du premier alinéa de l'article 180 du code civil est ainsi rédigée : « peut être attaqué soit par les époux, soit par celui des deux dont le consentement n'a pas été libre, soit par le ministère public. L'exercice d'une contrainte au mariage constitue un cas de nullité de celui-ci. »
M. le président. L'amendement n° 3, présenté par M. de Richemont, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
Le premier alinéa de l'article 180 du code civil est complété par les mots : «, ou par le ministère public ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Cet amendement tend à supprimer la précision introduite par l'Assemblée nationale selon laquelle l'exercice d'une contrainte au mariage constitue un cas de nullité de celui-ci.
Il vaut mieux conserver l'article 146 du code civil, qui prévoit déjà qu'il n'y a pas de mariage sans consentement. Cela paraît suffisamment explicite.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement.
En effet, comme pour le précédent amendement, les préoccupations de la commission des lois rejoignent celles du Gouvernement.
Il est vrai que le ministère public a désormais le pouvoir de poursuivre en annulation les mariages forcés, qui constituent une atteinte grave à l'ordre public, ce qui est essentiel.
Mais, plus intéressant, le parquet a en outre aujourd'hui les moyens d'enquêter pour rassembler les preuves soit pour se substituer à la victime si celle-ci se trouve encore sous la contrainte, soit pour se joindre à l'action de celle-ci.
M. le président. En conséquence, l'article 1er D est ainsi rédigé.
Article 1er E
Le code civil est ainsi modifié :
1° Dans l'article 181, les mots : « six mois » sont remplacés par les mots : « deux ans » ;
2° Dans l'article 183, les mots : « une année » sont remplacés, par deux fois, par les mots : « deux années ».
M. le président. L'amendement n° 4 rectifié, présenté par M. de Richemont, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
Le code civil est ainsi modifié :
1° Dans l'article 181 les mots : «, toutes les fois qu'il y a eu cohabitation continuée pendant six mois » sont remplacés par les mots : « à l'issue d'un délai de cinq ans à compter du mariage ou ».
2° Dans l'article 183, les mots : « une année » sont remplacés deux fois par les mots : « cinq années ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. En vertu de l'article 181 du code civil, le délai de recevabilité d'une action en nullité pour violence ou erreur sur la personne ou sur ses qualités essentielles, qui est normalement de cinq ans à compter de la célébration du mariage, est, en cas de cohabitation continuée des mariés, de six mois après que l'époux a acquis sa pleine liberté ou reconnu son erreur.
L'Assemblée nationale a prévu de porter ce délai à deux ans, en considérant que le délai de six mois était trop court pour permettre à l'époux victime de violence d'acquérir véritablement son autonomie.
Cet amendement tend à porter le délai à cinq ans dans tous les cas, pour les époux, mais également pour le procureur de la République. Le délai serait désormais le même, que les époux cohabitent ou non.
Si le deuxième alinéa de l'article 1304 du code civil prévoit déjà que le délai de cinq ans ne commence à courir qu'à partir du jour où la violence a cessé et où l'erreur a été découverte, il paraît nécessaire de rappeler à l'article 180 qu'il s'agit bien d'une nullité relative, malgré la présence du ministère public, afin d'éviter toute ambiguïté.
Par coordination, il convient également de porter de deux à cinq ans le délai de recevabilité de l'action en nullité contre le mariage d'un mineur conclu sans l'accord des parents ; il s'agit de l'article 183.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Il s'agit d'un amendement de simplification, sur lequel le Gouvernement émet un avis favorable. Il est vrai que telle n'était pas la tradition jurisprudentielle.
M. le président. En conséquence, l'article 1er E est ainsi rédigé.
Article 1er F
L'article 1114 du code civil est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Cette disposition ne fait pas obstacle à l'annulation d'un mariage demandée en application de l'article 180. »
M. le président. L'amendement n° 5, présenté par M. de Richemont, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Cet amendement tend à supprimer la précision apportée par l'Assemblée nationale selon laquelle l'article 1114 du code civil, qui prévoit que la seule crainte révérencielle envers un ascendant, sans qu'il y ait eu de violence exercée, n'est pas une cause de nullité du contrat, ne peut faire obstacle à l'annulation d'un mariage pour vice du consentement.
Si la commission des lois comprend les motivations de l'Assemblé nationale, elle estime cette précision inutile, l'article 1114 du code civil relevant du droit général des contrats et n'ayant jamais été utilisé pour empêcher l'annulation d'un mariage forcé.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Comme M. le rapporteur vient de l'expliquer, cela n'a jamais été un élément d'annulation.
Le Gouvernement émet donc un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. En conséquence, l'article 1er F est supprimé.
Article additionnel avant l'article 1er
M. le président. L'amendement n° 14 rectifié, présenté par Mme Dini, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 411-5 du code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« ... ° Le demandeur a moins de 18 ans. »
La parole est à Mme Muguette Dini.
Mme Muguette Dini. Nous avons adopté, en première lecture, un amendement repoussant l'âge légal du mariage. Toutefois, celui-ci ne règlera pas tous les cas de mariages forcés.
Une jeune fille, résidente en France, mariée pendant les vacances dans son pays selon le droit coutumier, n'aura pas la possibilité d'empêcher son mari de la rejoindre en vertu de l'article L. 411-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Le présent amendement vise à reculer l'âge de cette arrivée au moins jusqu'aux dix-huit ans de la jeune fille, afin de laisser le temps à celle-ci de réagir et de trouver, en France, l'aide nécessaire à une action en annulation.
Aux termes de l'article L. 411-5, le regroupement familial ne peut être refusé que pour deux motifs. Je propose d'en ajouter un troisième, à savoir si le demandeur a moins de dix-huit ans.
Si nous avons décidé de porter en France l'âge légal du mariage des filles à dix-huit ans, c'est que nous estimons que c'est, entre autres, un moyen efficace de freiner les mariages forcés.
Qu'en est-il des jeunes filles étrangères, résidentes permanentes en France ou binationales ? Considère-t-on que, pour elles, un mariage avant dix-huit ans, sans leur consentement, n'est pas une violence ? Si tel est le cas, il faut le dire ! Sinon, l'un des moyens de les protéger c'est de leur permettre d'avoir le temps de faire connaître cette violence et de faire annuler leur mariage.
Il nous semble donc nécessaire de donner aux parents de ces jeunes filles mariées de force « au pays » un signe fort de notre détermination à empêcher ces pratiques et, aux jeunes filles, les moyens d'y résister.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Nous avons eu un long débat en première lecture sur cette question et, les arguments étant identiques, je ne vois pas pourquoi la commission changerait d'avis.
Madame Dini, apparemment, nous ne vous avons pas convaincue en première lecture, mais vous n'avez pas non plus convaincu le Sénat. Compte tenu de l'importance du sujet, je vais néanmoins vous rappeler les raisons pour lesquelles la commission est défavorable à votre amendement.
Afin de lutter contre les mariages forcés, vous souhaitez interdire le regroupement familial lorsque la personne cherchant à faire venir son conjoint en France est mineure. Cet amendement ne peut viser qu'un demandeur étranger. Or le risque de mariage forcé destiné à permettre au conjoint étranger d'obtenir des papiers concerne essentiellement les femmes françaises ou binationales. Des dispositions spécifiques ont d'ailleurs été prévues par la loi du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité.
En outre, cet amendement porte une atteinte disproportionnée à la vie familiale. Or, en vertu de l'article 3 du code civil, et à défaut de convention bilatérale contraire, les personnes étrangères ont droit au respect de leur statut personnel en France, pour autant qu'il ne soit pas contraire à l'ordre public français, par exemple en cas de polygamie.
Même si l'âge légal du mariage des femmes était porté à dix-huit ans, il demeurerait difficile de prétendre que l'ordre public français s'oppose au mariage des mineurs sans distinction d'âge. L'ordre public français s'oppose uniquement à la reconnaissance des mariages de jeunes filles non pubères célébrés à l'étranger.
Telles sont les raisons pour lesquelles la commission ne peut qu'être défavorable à cet amendement, même si, bien entendu, elle en comprend les motivations.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Ma réponse sera identique à celle de la commission des lois.
Madame le sénateur, l'exemple que vous donnez est trompeur, même si vos préoccupations sont profondément légitimes.
En effet, votre amendement est déjà satisfait par l'article L. 411-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui prévoit qu'un regroupement familial n'est accessible qu'aux étrangers séjournant régulièrement en France depuis au moins un an, ce qui n'est pas le cas de l'époux étranger que vous citez en exemple, marié selon le droit coutumier. Le regroupement familial n'est donc pas possible dans ce cas.
De plus, cette personne doit être en possession d'un titre de séjour d'une durée de validité d'au moins un an. Cela signifie que même si elle venait en France en touriste, un regroupement familial ne serait pas possible. Or, en principe, les mineurs étrangers n'ont pas de titre de séjour.
Enfin, et ce sera mon dernier argument, ce mineur doit également être capable de prouver qu'il dispose des ressources personnelles et du logement permettant la venue en France de son conjoint. Cela paraît difficilement compatible avec le mariage forcé.
M. le président. La parole est à Mme Muguette Dini, pour explication de vote.
Mme Muguette Dini. J'ai l'impression que nous ne parlons pas la même langue ! À vous entendre, on a l'impression qu'aucune des jeunes filles résidant en France ne part célibataire dans son pays et n'en revient mariée.
Vous me dites, monsieur le garde des sceaux, que la loi ne permet pas à ces jeunes filles de faire venir leur mari en France. Or je connais des gens - ils ne sont d'ailleurs pas mineurs - qui ont fait venir leur conjoint trois mois après leur mariage. Pour être précise, il s'agissait d'une jeune fille et d'un jeune homme marocains, qui sont l'un et l'autre allés se marier dans leur pays et en ont ramené respectivement un mari et une femme. J'ignore comment ils se sont débrouillés, mais cela ne leur a pas demandé un an !
Nous connaissons tous des jeunes filles qui vont au pays l'été et en reviennent mariées, et probablement violées, soyons clairs ! En effet, quand on est mariée à seize ans, je ne suis pas certaine qu'on soit d'accord.
Vous invoquez, monsieur le rapporteur, une atteinte disproportionnée à la vie familiale, alors que je vous parle d'une gamine violée par une personne ayant autorité ! Vous invoquez le respect du statut personnel s'agissant d'une jeune fille qui n'a rien à dire, qui subit la loi et les coutumes de ses parents ! Nous sommes confrontés en permanence à de telles situations.
Je n'ai peut-être pas avancé le bon argument au bon endroit, mais les faits sont là.
M. le président. La parole est à M. Patrice Gélard, pour explication de vote.
M. Patrice Gélard. Mon intervention portera sur la forme. Nous revenons sur le débat qui a déjà eu lieu en première lecture, et ce n'est pas admissible ! Le Conseil constitutionnel nous a plusieurs fois rappelés à l'ordre s'agissant de telles méthodes de travail. La démocratie commande que, lorsqu'une position a été adoptée en première lecture, elle est définitive, même si elle déplait à certains.
Si nous continuons en permanence à voter des dispositions à caractère réglementaire...
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. On va y venir !
M. Patrice Gélard. ... et à revenir systématiquement sur des mesures qui n'ont pas été adoptées en première lecture, nous dérapons dans notre travail de législateur.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous ne pouvons pas vous suivre, madame Dini, quels que soient vos arguments. (Mme Marie-Thérèse Hermange applaudit. - Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Madame Dini, je ne peux pas vous laisser dire que, si nous ne votons pas votre amendement, c'est que nous acceptons les mariages forcés. (Mme Muguette Dini proteste.) Je suis désolé, mais c'est à peu près ce que vous avez dit, ma chère collègue !
On peut prévoir des moyens visant à empêcher ou à annuler les mariages forcés - un certain nombre de dispositions ont d'ailleurs été adoptées en ce sens - mais si votre amendement était adopté, il y aurait présomption de mariage forcé lorsque l'un des époux est mineur. Cela ne peut être inscrit dans le code civil !
Je suis désolé, mais je maintiens mon avis défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 14 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article additionnel avant l'article 1er ou après l'article 5
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 18, présenté par Mmes Mathon-Poinat, Borvo Cohen-Seat, Assassi, David, Luc et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les médecins, ainsi que l'ensemble des personnels médicaux et paramédicaux, les travailleurs sociaux, les magistrats et les personnels de la police nationale et de la gendarmerie nationale, reçoivent une formation initiale et continue propre à leur permettre de répondre aux cas de personnes victimes de violences conjugales et de prendre les mesures nécessaires de prévention et de protection qu'elles appellent. Cette formation est dispensée dans des conditions fixées par voie réglementaire.
La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Malgré ce que laisse entendre le Gouvernement, qui n'a pas d'autre argument pour le rejeter, cet amendement n'est pas de nature réglementaire.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Si !
Mme Josiane Mathon-Poinat. En fait, il est la transcription exacte, adaptée au cas précis des violences conjugales, de l'article L. 542-1 du code de l'éducation et de l'article L. 226-12 du code de l'action sociale et des familles relatifs à la formation des professionnels de santé, des travailleurs sociaux, des magistrats et des policiers aux questions de maltraitance des mineurs.
L'argument utilisé par le Gouvernement quant à la nature réglementaire de cet amendement est donc sans fondement et doit être immédiatement rejeté. Cela nous permettra de discuter un peu plus sérieusement sur le fond.
Je crois en effet nécessaire de rappeler que la répression n'est pas le seul moyen de lutter contre les violences conjugales. Les personnes qui, par leur profession, peuvent être amenées à rencontrer, à examiner ou à recevoir dans leur cabinet ou au commissariat des victimes de violences conjugales doivent impérativement être sensibilisés à ces cas très particuliers afin de trouver les mots justes, les solutions adaptées et les moyens de mettre fin à ces situations. Cela requiert des qualités d'accueil et d'écoute. La formation est donc un élément essentiel de la lutte contre ces violences.
Il nous apparaît donc indispensable que les médecins, ainsi que l'ensemble des personnels médicaux et paramédicaux, les travailleurs sociaux, les magistrats et les personnels de la police nationale et de la gendarmerie nationale soient formés à recueillir la parole de victimes, afin de leur apporter les réponses les plus appropriées.
M. le président. L'amendement n° 30, présenté par MM. Courteau et Bel, Mmes M. André et Alquier, MM. Assouline et Bodin, Mmes Boumediene-Thiery, Y. Boyer, Bricq, Cerisier-ben Guiga et Demontès, MM. Guérini et Lagauche, Mme Le Texier, M. Mauroy, Mmes Printz, Schillinger, Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement détermine par décrets, pour les personnels médicaux et paramédicaux, les travailleurs sociaux, les magistrats et les personnels de la police nationale et de la gendarmerie ainsi que pour les avocats, les modalités d'une formation initiale et continue obligatoire permettant de prévenir, dépister et assurer la protection des victimes de violences au sein des couples.
La parole est à Mme Gisèle Printz.
Mme Gisèle Printz. Les enquêtes ont montré que le médecin est, le plus souvent, le premier interlocuteur et un acteur privilégié dans la chaîne de prise en charge des victimes de violences au sein des couples. Il joue un rôle clef dans le dépistage de ces violences, dans le recueil de l'histoire, dans le constat des lésions et dans la rédaction des certificats médicaux, pièces essentielles lors d'un dépôt de plainte. Il tient également une place stratégique en donnant des conseils aux victimes, en les informant de leurs droits et en les orientant au mieux selon les circonstances.
L'enquête nationale sur les violences envers les femmes en France a confirmé cette prééminence, en montrant que les femmes victimes d'agressions physiques au cours des douze mois précédents s'étaient souvent confiées, en premier lieu, à un médecin - 24 % des cas - plutôt qu'à la police ou à la gendarmerie - 13 % des cas - à la justice ou à des associations.
Quoi qu'il en soit, tous ces intervenants doivent être en mesure d'accueillir les victimes et d'être à leur écoute, de dépister les violences, d'évaluer la gravité des blessures, d'assurer les soins, de constituer un dossier, de rédiger un certificat ou d'enregistrer une plainte, d'informer et d'orienter.
Or les personnels médicaux ou paramédicaux, les travailleurs sociaux, les magistrats, les personnels de police et de gendarmerie et les avocats ne sont pas en mesure de faire face aussi efficacement qu'ils le pourraient et qu'ils le voudraient, par manque de formation.
Parfois, comme l'a indiqué M. Bernard Basset, sous-directeur de la santé et de la société à la direction générale de la santé du ministère de la santé et des solidarités, certains praticiens sont réticents à s'investir dans la prévention et la lutte contre les violences.
Le sujet des violences au sein des couples, longtemps tabou, doit être envisagé dans sa globalité, pour que chacun des acteurs puisse faire face avec efficacité aux problèmes posés par les victimes. C'est la raison pour laquelle, comme le suggèrent le rapport Henrion, la Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, ainsi que de nombreuses associations qui luttent contre les violences au sein des couples, une formation, initiale et continue, doit être obligatoirement dispensée à tous les professionnels susceptibles d'être confrontés à de tels cas de violences.
Nous proposons donc, par notre amendement, que le Gouvernement détermine par décrets, pour les personnels médicaux et paramédicaux, les travailleurs sociaux, les magistrats, les personnels de la police nationale et de la gendarmerie, ainsi que pour les avocats, les modalités d'une formation initiale et continue obligatoire sur les violences au sein des couples, afin de leur permettre de détecter ces violences, de les prévenir et d'orienter celles et ceux qui en sont victimes.
Il va de soi que les associations spécialisées qui ont oeuvré pour la reconnaissance publique des violences au sein des couples devront être systématiquement consultées pour l'élaboration des modalités de ces formations.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Les préoccupations de nos collègues me semblent tout à fait justifiées.
Cela étant, j'objecterai à Mme Mathon-Poinat que ce n'est pas parce que le code de l'éducation et le code de la santé publique comportent des dispositions de portée largement réglementaire qu'il faut persévérer dans cette voie : errare humanum est, perseverare diabolicum !
Nous sommes donc incités à la sobriété. Tout ce qui concerne la formation relève du pouvoir réglementaire autonome et de la responsabilité de Mme le ministre, qui fera certainement tout pour l'améliorer. (Mme la ministre déléguée approuve.) Cependant, il n'est pas souhaitable d'inscrire des dispositions de cet ordre dans la loi.
La loi n'est pas une circulaire ! Franchement, je ne pense pas que nous améliorions la loi et la rendions plus lisible en travaillant de cette façon. Par conséquent, j'émets un avis défavorable sur les deux amendements.
En revanche, les recommandations qu'a faites Mme la présidente de la Délégation du Sénat aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes me paraissent extrêmement utiles. Je souhaite que le Gouvernement prenne toute la mesure des besoins de formation dans les diverses professions qui ont été citées, mais sans recourir à la loi pour définir une réponse à ces besoins.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 30.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article additionnel avant l'article 1er
M. le président. L'amendement n° 19, présenté par Mmes Mathon-Poinat, Borvo Cohen-Seat, Assassi, David, Luc et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Un plan national d'action contre la violence à l'égard des femmes est mis en oeuvre pour la période 2006-2009.
Ce plan doit intégrer des actions visant à améliorer l'accueil, l'accompagnement et la protection des victimes, la formation des professionnels concernés, à éviter le classement sans suite des plaintes et à développer la prévention, notamment à l'intention des jeunes.
La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.
Mme Josiane Mathon-Poinat. La perception des violences conjugales va de pair avec la perception plus ou moins sexiste que l'on a de la société. C'est ainsi que la lutte contre les violences dans le couple est menée parallèlement à la lutte pour l'égalité entre les hommes et les femmes.
L'État a donc un rôle à jouer dans cette lutte. Même si les associations spécialisées dans l'aide aux femmes sont des partenaires irremplaçables à cet égard, l'État doit tout mettre en oeuvre pour prévenir et éradiquer cette forme de violence. En effet, les violences conjugales sont un problème de sécurité publique autant que de santé publique.
À l'occasion de l'examen de ce même amendement en première lecture, Mme Ameline, alors ministre de la parité et de l'égalité professionnelle, nous avait assurés de l'engagement du Gouvernement en la matière, au travers d'un plan global de lutte contre les violences faites aux femmes présenté lors du conseil des ministres du 24 novembre 2004. Où en sommes-nous aujourd'hui, madame la ministre ? L'avantage du plan national pluriannuel que nous présentons serait d'obliger le Gouvernement à s'engager concrètement et dans la durée de l'action prévue.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Hélas ! j'ai l'air d'être...
Mme Gisèle Printz. Un père Fouettard ! (Sourires.)
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. ...un père Fouettard, effectivement, ce que je ne suis pourtant pas, vous le savez bien ! (Nouveaux sourires.)
Je tiens néanmoins, en tant que président de la commission des lois, à veiller à ce que l'on n'introduise pas dans les lois des éléments certes très intéressants, mais qui ne sont pas de nature législative.
De surcroît, la mise en oeuvre du plan global contre les violences faites aux femmes, adopté lors du conseil des ministres du 24 novembre 2004, se poursuit. Cela répond exactement à vos préoccupations, madame Josiane Mathon-Poinat.
Par conséquent, je suis au regret d'émettre un avis défavorable sur votre amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Le Gouvernement est bien sûr défavorable à cet amendement, pour toutes les raisons qu'a exprimées M. Hyest.
Cela étant, je voudrais répondre à Mme Mathon-Poinat, qui m'a interrogée sur la mise en oeuvre du plan global de lutte contre les violences faites aux femmes.
À cet instant, je souhaite tout d'abord m'associer à l'hommage qui a été rendu à l'ensemble des associations actives dans ce domaine, dont chacun connaît l'excellent travail sur le terrain. Une première mesure concrète a été l'augmentation de 20 % des subventions qui leur sont versées. D'ailleurs, au cours de l'exercice 2006, nous maintiendrons ce niveau d'accompagnement financier, ce qui est la première réponse et le premier moyen que nous pouvons donner aux associations.
En ce qui concerne la désignation par la préfecture, dans chaque département français, d'un référent en matière d'hébergement, cela est chose faite.
S'agissant du protocole de prévention et d'action, dix-neuf départements l'ont déjà signé à l'heure actuelle. J'obtiendrai la signature de l'ensemble des départements au cours de l'année 2006.
Pour ce qui est de l'information du grand public, une campagne sera lancée au second semestre, comme je l'ai indiqué au cours de la discussion générale.
En ce qui concerne la répression des propos sexistes, elle est prévue par la loi du 30 décembre 2004 portant création de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, texte sur lequel nous aurons d'ailleurs à revenir lors de la discussion, en mars prochain, du projet de loi pour l'égalité des chances.
Parallèlement, j'ai complété le plan global en matière d'accompagnement des femmes victimes, s'agissant notamment de leur parcours de soins et de tout ce qui concerne l'hébergement, ainsi que de l'obligation de soins pour l'auteur des violences. Nous nous inscrivons donc dans une approche réglementaire, qui traduit l'engagement du Gouvernement pour faire progresser la lutte contre les violences dans le couple.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 19.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Articles additionnels avant l'article 1er ou après l'article 5
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 16, présenté par Mme Dini, est ainsi libellé :
Après l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 312-15 du code de l'éducation est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« L'enseignement d'éducation civique comporte également une formation au respect de l'égalité de l'homme et de la femme, ainsi qu'une sensibilisation aux violences conjugales et aux actes et propos sexistes. »
La parole est à Mme Muguette Dini.
Mme Muguette Dini. Cet amendement vise à sensibiliser les élèves aux violences conjugales et au sexisme. Il tend à ajouter une formation au respect de l'égalité de l'homme et de la femme, ainsi qu'une sensibilisation aux violences conjugales et aux actes et propos sexistes au programme d'éducation civique tel qu'il est prévu par le code de l'éducation.
J'avais indiqué, lors du débat sur le projet de loi d'orientation pour l'avenir de l'école, qu'un travail de sensibilisation à la violence, en particulier à l'égard des petites filles, doit être mené dès le plus jeune âge.
En effet, nous constatons que les violences envers les femmes sont à nouveau en augmentation, particulièrement chez les jeunes. Il est de notre devoir d'aborder cette question dès la petite enfance, afin d'apprendre à tous les enfants à se respecter les uns les autres.
Il doit être dit clairement aux garçons, dans les familles, à l'école et partout, qu'ils ne peuvent pas s'attaquer à ceux qui sont plus faibles qu'eux physiquement, en particulier aux filles. Je ne parle pas ici des bagarres enfantines, habituelles dans les familles et à l'école, mais des frères et des « grands » qui se permettent de corriger leurs petites soeurs ou d'autres petites filles.
Il faut leur rappeler qu'une fille est leur égale, qu'elle peut penser et vivre sa vie comme eux et qu'ils n'ont aucun droit sur elle, pas plus que sur tout autre être humain.
Mme Marie-Thérèse Hermange. Les parents le leur apprennent !
Mme Muguette Dini. On ne frappe pas sa petite soeur, on ne frappe pas sa petite camarade, on ne frappe pas une fille, on ne frappe pas une femme... Il faut le répéter sans relâche et faire respecter ce principe.
Une sensibilisation constante au respect de la différence sexuelle, comme de toute autre différence d'ailleurs, est capitale, dès la petite enfance.
M. le président. L'amendement n° 20, présenté par Mmes Mathon-Poinat, Borvo Cohen-Seat, Assassi, David, Luc et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 312-15 du code de l'éducation est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« L'enseignement d'éducation civique comporte également une formation au respect de l'égalité de l'homme et de la femme, ainsi qu'une sensibilisation aux violences conjugales et aux actes et propos sexistes. »
La parole est à Mme Annie David
Mme Annie David. La question de la sensibilisation au problème des violences conjugales et de la prévention de celles-ci est primordiale. Nous venons de le montrer au travers de nos deux précédents amendements.
Nous sommes d'ailleurs quelque peu déçus que le Gouvernement ne veuille pas s'engager sur ces points, même s'ils relèvent du domaine réglementaire, monsieur Hyest.
Nous avons certes entendu Mme la ministre annoncer l'augmentation des subventions aux associations, mais nous pensons qu'agir en amont est l'un des moyens de lutter efficacement contre les violences conjugales.
C'est pourquoi nous avons déposé de nouveau cet amendement. À nos yeux, l'école est un endroit où l'on peut sensibiliser les enfants dès leur plus jeune âge à la question de l'égalité entre les femmes et les hommes et du respect mutuel qu'ils se doivent.
Nous en avions déjà parlé ici même lors de la première lecture. Vous m'aviez alors objecté, monsieur Hyest, qu'il s'agissait là d'une disposition de nature réglementaire, et non pas législative. L'argumentation que j'avais développée à cette occasion est toujours valable, mais j'espère cette fois la compléter, avec l'aide de Mme Dini, et trouver les mots pour convaincre mes collègues de voter cet amendement.
Tout d'abord, j'évoquerai quelques constats tirés de l'enquête nationale sur les violences envers les femmes en France dont a parlé tout à l'heure Mme Josiane Mathon-Poinat dans son intervention liminaire.
La violence physique est un aboutissement. Elle est souvent précédée par du dénigrement, du harcèlement. On constate que ce sont les femmes les plus jeunes qui font le plus état de violences. S'il est inacceptable que ces violences perdurent, il est toutefois positif que les femmes soient aujourd'hui plus promptes à les dénoncer et à les rejeter. Les risques de subir des violences graves sont plus grands lorsque l'on ne vit pas en couple, et il apparaît que, contrairement aux idées reçues, les violences conjugales concernent toutes les couches sociales.
Par ailleurs, le moment où la femme quitte le domicile est lourd de dangers. Il convient à cet égard de rappeler que, souvent, la question de la garde des enfants oblige les conjoints à engager une négociation, ce qui ne facilite pas la situation de la femme, comme le dénoncent de nombreuses associations. C'est le moment où va survenir le crime, commis par l'homme abandonné. La mortalité est très forte dans ces situations : en Europe, pour une femme âgée de 15 à 45 ans, le risque est plus élevé de mourir de violences que du cancer ou d'un accident de la circulation.
Dans notre société occidentale, on a tendance à nous faire croire que la violence n'est présente que dans la rue. Le danger viendrait seulement de celle-ci, or la violence dans la rue ne s'oppose pas à celle du conjoint : c'est un continuum. Aujourd'hui, la crainte de la violence est structurée autour de l'autre, autour du monde extérieur, et non pas des personnes proches. Il existe une sorte de déni de cette violence, une résistance de la société. C'est la raison pour laquelle l'apprentissage que nous proposons d'instaurer, pourquoi pas dès l'école maternelle, est important.
En effet, les garçons, comme quelquefois les filles, sont aujourd'hui enfermés dans des représentations très stéréotypées de leur rôle et ont souvent une idée préconçue de leur place dans une société qui reste, il faut bien l'admettre, globalement machiste. Je ne reviendrai ici ni sur les commentaires sexistes qui ont suivi l'annonce de la candidature possible de Ségolène Royal à la présidence de la République (Murmures sur les travées de l'UMP.), ni sur les propos déplacés du ministre François Goulard sur la nomination de femmes au sein des instances de direction de la recherche française.
Aussi est-il important que les enfants et les professeurs puissent dialoguer sur ce sujet, afin de briser certains schémas comportementaux qui ne sont pas admissibles.
Cet amendement a pour objet de faire prendre conscience de cette nécessité et de marquer notre engagement pour la prévention des violences faites aux femmes, prévention qui doit débuter dès le plus jeune âge.
M. le président. L'amendement n° 28 rectifié, présenté par MM. Courteau et Bel, Mmes M. André et Alquier, MM. Assouline et Bodin, Mmes Boumediene-Thiery, Y. Boyer, Bricq, Cerisier-ben Guiga et Demontès, MM. Guérini et Lagauche, Mme Le Texier, M. Mauroy, Mmes Printz, Schillinger, Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 312-15 du code de l'éducation est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Une information sur le respect des autres, la violence et ses conséquences est également dispensée. Les modalités et le contenu de cette information seront fixés par décret. »
La parole est à Mme Gisèle Printz
Mme Gisèle Printz. L'article 4 de la proposition de loi prévoyait initialement qu'une information sur la violence au sein des couples serait dispensée dans les collèges et les lycées, à raison d'au moins une séance annuelle. Cette disposition n'a pas été maintenue.
Si la répression est nécessaire, elle ne peut tout résoudre. Je regrette donc l'absence, dans ce texte, d'un volet relatif à l'éducation. La peur de la répression n'a, en effet, jamais arrêté les auteurs de violences ; elle peut au mieux diminuer celles-ci, mais elle ne les empêche pas. Par conséquent, le problème de l'éducation est fondamental.
Il faut éduquer les enfants dès leur plus jeune âge en les prévenant contre les représentations stéréotypées des rôles de la femme et de l'homme, en combattant la culture machiste, en les convainquant que l'on peut être un homme sans utiliser ses poings, notamment sur sa femme ou sur ses enfants.
Les enfants ne font souvent que reproduire ce qu'ils ont eux-mêmes vécu, les scènes de violence auxquelles ils ont assisté.
Nous devons chercher ensemble à changer nos comportements.
Parallèlement aux campagnes d'information nationale, qui doivent viser à déconsidérer les hommes qui frappent leur femme, comme on a déconsidéré, avec des résultats tangibles, les excès de vitesse, l'insécurité routière ou l'alcool au volant, il faut affiner et évaluer divers outils pédagogiques, orientés principalement vers les jeunes.
C'est la raison pour laquelle je propose, par cet amendement, de compléter le code de l'éducation afin qu'une information sur la violence en général, qui, cela va de soi, traitera également des violences au sein des couples, soit dispensée dans les établissements primaires et secondaires dans le cadre des cours d'éducation civique. Les modalités et le contenu de cette information seront renvoyés à un décret.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Ces trois amendements sont quasiment identiques. Toutefois, l'amendement n °28 rectifié vise à faire en sorte que soit diffusée une information sur le respect des autres.
Lorsque les instituteurs enseignaient la morale laïque, aucun texte n'était nécessaire en la matière !
M. Bernard Piras. Elle ne suffit plus !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Si, déjà, on respectait cette morale-là, ce ne serait pas mal !
M. Bernard Piras. La société a évolué !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Certes, mais si la société évolue mal, c'est peut-être aussi parce que l'on a supprimé l'instruction civique ! Il faut que tous ceux qui concourent à l'éducation prônent en permanence un certain nombre de valeurs. Mais cet apprentissage doit également avoir lieu au sein des familles. Fort heureusement, la violence sur les soeurs n'est pas généralisée.
M. Bernard Piras. Cela arrive !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Effectivement ! Pour autant, cela ne justifie pas d'inscrire dans la loi ce qui peut figurer dans une simple circulaire.
C'est pourquoi, tout en partageant votre souci concernant l'instruction civique, nous ne sommes pas favorables à ces amendements.
Nous estimons que des circulaires du ministère du l'éducation nationale peuvent rappeler qu'il est indispensable d'évoquer ces questions lors des séances d'instruction civique, dès lors qu'elles existent.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. L'avis du Gouvernement est identique à celui de la commission.
J'ajouterai d'ailleurs que l'article L.121-1 du code de l'éducation dispose déjà que l'une des missions de l'école est la promotion de l'égalité entre les femmes et les hommes et le respect des droits de la personne.
Par ailleurs, une circulaire du 17 février 2003 a plus précisément prévu d'inclure dans les programmes de l'enseignement secondaire une éducation à la sexualité intégrant la prévention des violences sexistes et sexuelles.
À l'évidence, j'ai étudié ce dossier avec mon collègue Gilles de Robien et j'ai souhaité que nous puissions veiller à ce qu'en 2006, lors de son renouvellement, la convention pour la promotion de l'égalité des chances entre les filles et les garçons, qui d'ailleurs implique pas moins de six ministères, puisse reprendre de façon extrêmement soutenue cette question des violences, des mutilations et même des mariages forcés. Je vous rappelle qu'en 2005 deux tiers des académies ont décliné cette convention au niveau régional, en introduisant un axe sur la prévention des violences sexuelles.
Par conséquent, mesdames, messieurs les sénateurs, nous avons les outils pour agir. Il reste maintenant à les utiliser, et c'est évidemment le travail que je m'emploierai à réaliser avec Gilles de Robien.
Le Gouvernement est donc défavorable à ces amendements.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 28 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article additionnel avant l'article 1er
M. le président. L'amendement n° 21, présenté par Mmes Mathon-Poinat, Borvo Cohen-Seat, Assassi, David, Luc et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le ministère de l'intérieur, dans son recensement des crimes et délits, édite des statistiques sexuées.
La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Sans statistiques élaborées sur le plan national, il est très difficile de mesurer l'ampleur des violences commises au sein des couples. Cependant, grâce aux associations et à l'enquête nationale sur les violences faites aux femmes, de l'année 2000, nous avons pu prendre conscience que ces violences étaient beaucoup plus importantes et plus graves que l'on pouvait l'imaginer.
Malgré ce travail de terrain et d'enquête, il manquait un outil permettant de centraliser et, de ce fait, de mieux appréhender et prévenir les violences au sein du couple.
En première lecture, il nous avait été répondu que plusieurs outils de mesure étaient soit exploitables, soit en cours d'élaboration.
Nous aimerions, par exemple, savoir où en est la mise en place, au sein des services du ministère de l'intérieur, d'un nouveau projet informatique de traitement des informations sur les infractions, lequel devrait être opérationnel, selon Mme Ameline, avant la fin de l'année 2006.
De même et parallèlement à ce projet, l'Observatoire national de la délinquance devait introduire l'analyse sexuée dans le domaine des violences.
Mme Ameline avait également demandé à la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques, la DREES, du ministère de la solidarité, de la santé et de la famille, d'élaborer une étude « violences et santé », qui doit tenir compte de ces critères.
Pouvez-vous nous dire où en est la mise en place de ces divers projets ?
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. L'amendement appelle une double observation.
Tout d'abord, le ministère de la justice a d'ores et déjà élaboré une étude statistique permettant de recenser les condamnations pour lesquelles la circonstance aggravante liée à l'état de conjoint ou de concubin a été retenue. Ces statistiques figuraient d'ailleurs dans le rapport de M. de Richemont de première lecture.
En outre, comme le Gouvernement l'avait indiqué en première lecture, l'Observatoire national de la délinquance va introduire une analyse sexuée dans le domaine des violences ; M. le garde des sceaux pourra vous le confirmer.
Ensuite, cet amendement ne relève pas du domaine législatif.
Pour autant, comme il semble satisfait, j'en demande le retrait, faute de quoi je me verrai contraint d'émettre un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement, qui avait déjà été présenté en première lecture.
Sur la forme, il est du domaine réglementaire.
Sur le fond, l'évolution du traitement informatique du ministère de l'intérieur devant permettre d'obtenir des statistiques sexuées, il devrait être satisfait, d'autant que l'Observatoire national de la délinquance produira des statistiques du même ordre.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 21.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 1er
Après l'article 132-79 du code pénal, il est inséré un article 132-80 ainsi rédigé :
« Art. 132-80. - Dans les cas prévus par la loi, les peines encourues pour un crime ou un délit sont aggravées lorsque l'infraction est commise par le conjoint, le concubin ou le partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité.
« La circonstance aggravante prévue au premier alinéa est également constituée lorsque les faits sont commis par l'ancien conjoint, l'ancien concubin ou l'ancien partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité. Les dispositions du présent alinéa sont applicables dès lors que l'infraction est commise en raison des relations ayant existé entre l'auteur des faits et la victime. » - (Adopté.)
Article additionnel après l'article 1er
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 13 rectifié, présenté par M. Branger, Mme G. Gautier, MM. Alduy, Baudot, Beaumont, Belot, Besse, P. Blanc et Bordier, Mmes Brisepierre et Bout, MM. de Broissia, Cazalet et Dassault, Mme Debré, MM. Del Picchia, Doublet et Dulait, Mme B. Dupont, MM. Duvernois et Esneu, Mme Garriaud-Maylam, M. Gournac, Mmes Gousseau, Henneron, Hermange et Hummel, M. Legendre, Mmes Malovry, Mélot et Papon, MM. Portelli, Pierre et Romani, Mme Sittler, MM. Trillard et Carle, est ainsi libellé :
Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article 222-13 du code pénal, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. ... - Est puni d'une peine d'emprisonnement de trois ans toute personne qui se livre de façon habituelle à des actes de violence physique, morale ou psychologique sur son conjoint, son ex-conjoint, son concubin ou son ex-concubin et, dans le cadre d'un pacte civil de solidarité, son partenaire ou son ex-partenaire. »
La parole est à Mme Gisèle Gautier.
Mme Gisèle Gautier. Cet amendement a pour objet de permettre d'incriminer les violences au sein des couples, qu'elles soient physiques, morales ou psychologiques, qui se produisent de manière répétée. Il s'inspire, sur ce point, de la législation espagnole.
Rappelons que la Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, dans sa recommandation n° 1, avait approuvé le principe d'une telle incrimination. En effet, il existe des faits, en particulier de nature psychologique, qui peuvent être supportables lorsqu'ils se produisent peu fréquemment, mais qui ne le sont plus quand ils prennent un caractère habituel et répété.
En février 2001, le rapport du professeur Roger Henrion, consacré au rôle des professionnels de santé face aux cas de femmes victimes de violences conjugales, notait ainsi, à propos de la violence psychologique : « C'est une violence faite d'attitudes ou de propos humiliants, dénigrants, méprisants, de menaces ou de chantage. Cette violence insidieuse se poursuit sur une période souvent très longue. Par un phénomène d'emprise, la victime, paralysée, subit sans rien dire les pires avanies pendant des années, cherchant parfois même des excuses à son partenaire. L'état de tension, de peur et d'angoisse dans lequel les femmes maltraitées sont maintenues par leur agresseur peut produire différentes formes de troubles psychiques. »
M. le président. L'amendement n° 15, présenté par Mme Dini, est ainsi libellé :
Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 222-33-2 du code pénal, est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Est puni des mêmes peines, le fait pour une personne de harceler son conjoint, son concubin ou son partenaire lié par un pacte civil de solidarité, par des agissements répétés ayant pour objet de porter atteinte à sa dignité ou d'altérer sa santé physique ou mentale. »
La parole est à Mme Muguette Dini.
Mme Muguette Dini. Je considère que cet amendement vient d'être défendu.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Je suis un peu désolé que ces amendements reviennent en discussion, car nous avons très longuement débattu de cette question en première lecture.
Vous voulez incriminer spécifiquement les violences répétées au sein du couple présentant un caractère physique ou psychologique, ce dernier point constituant la nouveauté.
Je rappelle que le Sénat a débattu en première lecture de l'éventualité d'une incrimination spécifique des violences psychologiques. Bien que les violences au sein du couple comportent certainement une forte dimension psychologique - et le rapport du professeur Henrion est très explicite sur ce point - le principe d'une telle incrimination n'a toutefois pas été retenu pour deux raisons.
D'une part, elle soulèverait de réelles difficultés quant au moyen d'établir le lien de causalité entre le fait générateur et le préjudice, ce qui est un principe général de droit.
D'autre part, elle n'apparaît pas indispensable dans la mesure où la jurisprudence considère que l'infraction de violence concerne les violences physiques et psychologiques. La seule condition requise tient à l'existence d'un acte sciemment commis dans l'intention d'atteindre la personne d'autrui.
Il se peut que les juridictions n'utilisent pas suffisamment le code pénal, mais la jurisprudence est très claire.
Pour toutes ces raisons, la commission demande le retrait de ces amendements, comme elle l'a fait en première lecture. À défaut, elle se verrait obligée d'émettre un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux. L'amendement présenté par Mme Dini comporte deux aspects : l'aspect harcèlement et l'aspect violences psychologiques.
Concernant le harcèlement, si l'on vous suivait, madame Dini, tous les couples en désaccord dont l'un des conjoints adopterait un comportement s'apparentant à du harcèlement se retrouveraient devant les tribunaux. Ce n'est pas réaliste ! Au sein d'un couple, on n'imagine pas comment les choses peuvent tourner. En cas de séparation, il y aurait automatiquement plainte contre l'autre pour harcèlement ?...
Franchement, pour une raison de bon sens, il est impossible de vous suivre sur la question du harcèlement.
En revanche, il en va tout autrement s'agissant des violences psychologiques. Néanmoins, je vous rappelle qu'elles sont déjà sanctionnées par notre droit pénal, qui réprime toutes les formes de violence. Vous avez donc satisfaction en la matière.
Par conséquent, le Gouvernement est défavorable à ces deux amendements.
M. le président. Madame Gautier, l'amendement n° 13 rectifié est-il maintenu ?
Mme Gisèle Gautier. Malheureusement, monsieur le rapporteur, monsieur le garde des sceaux, je ne partage pas votre approche. Nous savons très bien que les violences psychologiques peuvent détruire encore plus que les violences physiques.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Nous sommes d'accord !
Mme Gisèle Gautier. Si nous ne l'inscrivons pas dans cette proposition de loi, nous l'occultons totalement et nous ne pouvons pas considérer que les violences psychologiques sont intégrées dans le texte. Cela équivaut à rédiger une loi incomplète, confortant un vide juridique, ce qui n'est pas satisfaisant au regard de l'objet principal de cette proposition de loi.
Par ailleurs, le risque de disparité des sanctions sur le territoire me semble évident si la loi n'est pas suffisamment explicite.
Telles sont les raisons pour lesquelles je maintiens cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, pour explication de vote sur l'amendement n° 13 rectifié.
M. Roland Courteau. Avec cet amendement, je retrouve avec plaisir l'article 1er de notre proposition de loi initiale, à deux mots près, article qui avait fait couler beaucoup d'encre et qui nous avait valu nombre de critiques. Dès lors, chacun le comprendra, je ne bouderai pas mon plaisir à soutenir l'amendement de Mme Gautier et de ses collègues.
Je rappellerai que, dans notre proposition de loi initiale, nous nous étions inspirés de la législation espagnole, qui prévoit explicitement une peine d'emprisonnement de six mois à trois ans à l'encontre de toute personne qui se livre de façon habituelle à des actes de violence physique, sexuelle ou psychologique sur son conjoint, son ex-conjoint, son concubin ou son ex-concubin. C'est clair, net et précis !
M. le président. La parole est à M. Patrice Gélard, pour explication de vote.
M. Patrice Gélard. J'ai l'impression qu'il subsiste un doute quant à l'interprétation juridique.
Tout d'abord, il est extrêmement néfaste de modifier à tout bout de champ le code pénal !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. C'est vrai !
M. Patrice Gélard. Je rappelle que nous l'avons adopté à l'unanimité et modifié avec beaucoup de précautions. Or pratiquement toutes les lois que nous adoptons comportent une initiative de réforme du code pénal. Rien n'est plus mauvais, parce que l'on ne saurait modifier celui-ci, article par article, sans avoir une vision d'ensemble.
Ensuite, madame Gautier, le code pénal est clair. Comme l'a dit M. le garde des sceaux, toutes les violences sont visées. Pourquoi les énumérer ? Pourquoi ajouter des adjectifs - et je suis persuadé que nous en oublierons - puisque les violences sont condamnées ? En réalité, ces précisions compliquent les choses.
Par ailleurs, je rappelle que nous violons ainsi systématiquement les dispositions de notre règlement et de la Constitution, rappelées par le Conseil constitutionnel.
Nous avons discuté de cette question en première lecture. L'Assemblée nationale en a rediscuté, et nous en rediscutons à notre tour. Si nous pratiquons de la sorte, nous n'arriverons jamais à travailler !
En revanche, je comprends parfaitement que certains de mes collègues de l'UMP aient signé ce texte, tant il est vrai que nous nous sentons tous concernés par les violences sexuelles. Mais les amendements qui nous sont proposés n'apportent rien au débat.
C'est la raison pour laquelle je demande à tous mes collègues de voter contre les amendements nos 13 rectifié et 15.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Les dispositions du code pénal doivent rester assez générales pour viser toutes les violences. D'ailleurs, le code pénal dispose : « ou n'ayant entraîné aucune incapacité de travail », ce qui montre bien que certaines violences, telles les violences psychologiques, ne sont pas de nature à entraîner d'incapacité. Celles-ci peuvent entraîner des incapacités, mais pas au sens d'une ITT de huit jours.
De nombreuses jurisprudences prennent en compte les violences psychologiques. Gardons au code pénal sa généralité et laissons la jurisprudence développer tous les cas dans lesquels il peut y avoir des violences physiques ou psychologiques.
J'ai le privilège, avec quelques-uns d'entre nous, d'avoir participé, en tant que parlementaire, à l'élaboration du nouveau code pénal. Nous avons passé des heures à peser au trébuchet la simplicité des textes pour qu'ils soient parfaitement clairs. Je souhaiterais que nous continuions, bien que le travail initial ait déjà été passablement détruit depuis quelques années. Si M. Badinter était présent, je pense qu'il confirmerait mes propos.
C'est pourquoi, madame Gautier, et puisque vous avez satisfaction sur le fond, je ne souhaite pas que l'on modifie le code pénal sur ce point.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 13 rectifié.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 77 :
Nombre de votants | 327 |
Nombre de suffrages exprimés | 319 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 160 |
Pour l'adoption | 153 |
Contre | 166 |
Le Sénat n'a pas adopté.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 15.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 2 bis
L'article 311-12 du code pénal est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les dispositions du présent article ne sont pas applicables lorsque le vol porte sur des objets ou documents indispensables à la vie quotidienne de la victime, tels que des documents d'identité, relatifs au titre de séjour ou de résidence d'un étranger, ou des moyens de paiement. » - (Adopté.)
Article additionnel après l'article 3
M. le président. L'amendement n° 29, présenté par MM. Courteau et Bel, Mmes M. André et Alquier, MM. Assouline et Bodin, Mmes Boumediene-Thiery, Y. Boyer, Bricq, Cerisier-ben Guiga et Demontès, MM. Guérini et Lagauche, Mme Le Texier, M. Mauroy, Mmes Printz, Schillinger, Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 3, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I - Dans l'article 9-2 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, après la référence : « 222-10 » sont insérées les références : « 222-12, 222-13 »
II - Les conséquences financières entraînées par l'application du I ci-dessus sont compensées par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Michèle André.
Mme Michèle André. L'article 65 de la loi Perben I du 9 septembre 2002 a créé, au sein de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, un article 9-2 prévoyant que la condition de ressources pour l'accès à l'aide juridictionnelle n'est pas exigée des victimes de crimes, d'atteintes volontaires à la vie ou à l'intégrité de la personne, de violences aggravées, de violences ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente aggravée, de violences habituelles sur les mineurs ou sur les personnes vulnérables ayant entraîné la mort, une mutilation ou une infirmité, de viol ou de viol aggravé, ainsi que des atteintes commises par acte terroriste.
Par cet amendement, nous proposons d'étendre ce dispositif aux violences aggravées ayant entraîné une incapacité totale de travail, une ITT, pendant plus de huit jours, ainsi qu'à celles, également aggravées, ayant entraîné une ITT de moins de huit jours ou pas d'ITT.
Ainsi, toutes les victimes de violences au sein du couple pourront bénéficier de l'aide juridictionnelle sans condition de ressources.
Car ces personnes sont également souvent victimes de violences économiques, ou dépendantes financièrement de leur conjoint. Pour elles, cette dépendance constitue un frein. En effet, le fait de porter plainte implique de prendre un avocat. De deux choses l'une, soit ces victimes, compte tenu des ressources du ménage, ne peuvent bénéficier de l'aide juridictionnelle, soit elles peuvent en bénéficier, mais, dans les deux cas, elles devront à l'appui de leur demande produire des pièces justificatives dont elles ne disposent peut-être pas, ou bien faire des chèques qui n'échapperont pas à la vigilance de certains conjoints.
Il faut bien avoir présent à l'esprit que ces victimes sont, le plus souvent, dans un état psychique et physique grave et qu'elles sont rongées par la peur de représailles sur elles ou sur leurs enfants ; la presse s'en fait l'écho bien trop souvent.
Lorsque l'on est dans une situation inextricable, le fait de savoir que l'on pourra être aidé financièrement, que l'on aura les moyens de faire appel à la justice, est psychologiquement fondamental, d'autant que cela ne suppose vraisemblablement pas de dépense extraordinaire.
Il me semble que cette aide juridictionnelle étendue à toutes les violences irait dans le sens de ce que le précédent garde des sceaux a mis en place de façon générale pour les victimes dans la loi du 9 septembre 2002 et du plan de lutte contre les violences exercées à l'encontre des femmes, que vous défendez, madame la ministre, à la suite de Mme Ameline.
Nous proposons que les conséquences financières de la mise en application de cette mesure soient compensées par une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Cet amendement a pour objet d'étendre le bénéfice de l'aide juridictionnelle sans condition de ressources aux victimes de toutes les violences, y compris celles n'ayant pas entraîné d'ITT, quand ces violences s'accompagnent de circonstances aggravantes.
Je rappelle que la loi d'orientation et de programmation pour la justice du 9 septembre 2002 a d'ores et déjà ouvert le bénéfice automatique de l'aide juridictionnelle aux victimes des infractions les plus graves. D'ailleurs, l'enveloppe consacrée à l'aide juridictionnelle est passée de 187 millions d'euros à 300 millions d'euros en 2005.
Faut-il aller plus loin et étendre l'aide juridictionnelle sans conditions de ressources à de nouvelles infractions, alors que l'esprit de la loi du 10 juillet 1991 avait institué cette aide pour favoriser l'accès au droit des plus démunis ?
En tout état de cause, un éventuel élargissement du champ de l'aide juridictionnelle mériterait une évaluation de son coût financier. En outre, qu'il me soit permis de dire que cela pose tout de même un problème de finances publiques. Mais il n'appartient pas à la commission des lois du Sénat de viser tel ou tel article de la Constitution.
Pour toutes ces raisons, la commission est défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Je comprends parfaitement les arguments qui ont été défendus par Mme André. Cela étant, je tiens à préciser que les dispositions actuelles permettent d'ores et déjà d'accorder l'aide juridictionnelle aux victimes de violences conjugales. Je citerai plusieurs exemples.
En premier lieu, l'article 5 de la loi du 10 juillet 1991 permet de ne pas tenir compte, pour ce qui est de l'appréciation des ressources, de celles du conjoint du demandeur ; autrement dit, les ressources des deux membres du foyer ne sont pas additionnées.
En deuxième lieu, l'article 6 de cette même loi, qui est encore plus intéressant, va tout à fait dans le sens que vous souhaitez, madame la sénatrice, puisqu'il permet de déroger à la condition des ressources si la situation du demandeur apparaît digne d'intérêt au regard de l'objet du litige. Dès lors, la situation devient totalement subjective. Il ne s'agit plus d'un problème de ressources et la victime de violences conjugales peut, à ce titre, être éligible à l'aide juridictionnelle en raison des circonstances dans lesquelles ont été commises les violences.
En troisième lieu, l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 permet à la victime de violences d'obtenir sans délai le bénéfice de l'aide juridictionnelle en cas de procédure pénale d'urgence, telle que l'audience de comparution immédiate.
L'admission de plein droit à l'aide juridictionnelle de l'ensemble des victimes de violences, quelle que soit la gravité de l'infraction, n'est, contrairement à ce que vous souhaitez, ni envisageable ni généralisable. En effet, je vous rappelle que le montant de l'aide juridictionnelle s'élève à environ 300 millions d'euros. Dès lors, vous pouvez facilement imaginer le coût d'une telle opération, alors que des exceptions sont de nature à répondre à votre souhait légitime.
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, pour explication de vote.
M. Roland Courteau. J'aimerais savoir, monsieur le ministre, si l'aide juridictionnelle sera bien accordée sans conditions de ressources pour les cas où les violences ont entraîné une ITT de plus de huit jours, ou égale ou inférieure à huit jours. Il s'agit là d'une question précise !
M. Roland Courteau. C'est pourquoi nous avons déposé cet amendement !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 29.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 4
I. - L'article 222-24 du code pénal est complété par un 11° ainsi rédigé :
« 11° Lorsqu'il est commis par le conjoint, le concubin ou le partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité. »
II. - L'article 222-28 du même code est complété par un 7° ainsi rédigé :
« 7° Lorsqu'elle est commise par le conjoint, le concubin ou le partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité. »
M. le président. L'amendement n° 6, présenté par M. de Richemont, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
Après le premier alinéa de l'article 222-22 du code pénal, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le viol et les autres agressions sexuelles sont constitués lorsqu'ils ont été imposés à la victime dans les circonstances prévues par la présente section, quelle que soit la nature des relations existant entre l'agresseur et sa victime, y compris s'ils sont unis par les liens du mariage. Dans ce cas, la présomption de consentement des époux à l'acte sexuel ne vaut que jusqu'à preuve contraire. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. La disposition dont il est ici question a fait l'objet d'un long débat au cours de la discussion générale et cet amendement vise à proposer une nouvelle rédaction pour ce qui concerne le viol entre conjoints.
En première lecture, le Sénat avait souhaité consacrer la jurisprudence de la Cour de cassation en explicitant le fait que l'infraction de viol peut être constituée au sein du couple.
L'Assemblée nationale a décidé d'aller plus loin en décidant de faire du lien du mariage une circonstance aggravante du viol. Nous comprenons parfaitement la logique juridique qui inspire une telle mesure, la circonstance aggravante étant d'ores et déjà prévue pour les actes de violence au sein du couple.
La commission des lois du Sénat s'est donc longuement interrogée sur le fait de considérer comme plus grave le viol commis contre le conjoint que celui qui serait commis contre une personne étrangère à l'auteur des faits.
Je note, en outre, que la position du Sénat en première lecture avait fait l'objet d'une concertation approfondie et de l'accord de l'ensemble des groupes politiques. Elle paraissait répondre aux préoccupations exprimées par les représentants des associations que le rapporteur avait rencontrés.
La commission vous propose donc, mes chers collègues, de revenir à la position initiale du Sénat, en retenant toutefois une formulation améliorée par rapport à celle qui avait été élaborée en première lecture. En effet, cette rédaction, qui prévoyait que la qualité de conjoint ne pouvait être considérée comme une cause d'irresponsabilité de l'auteur du viol, n'était pas tout à fait satisfaisante, en ce sens qu'elle laissait entendre, par un raisonnement a contrario, que dans d'autres circonstances la qualité de conjoint pourrait être retenue comme cause d'irresponsabilité.
Par conséquent, nous reprenons largement la jurisprudence de la Cour de cassation en l'explicitant, ce qui nous paraît parfaitement clair, même si - et c'est là un point de divergence avec l'Assemblée nationale - nous ne considérons pas qu'il s'agit là d'une circonstance aggravante.
Entre la logique juridique et l'équilibre, le Sénat, en particulier sa commission des lois, à l'unanimité, a choisi l'équilibre.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Il s'agit là d'un sujet important qui a également fait l'objet d'un débat à l'Assemblée nationale. Ainsi, chacun a bien pris conscience de la volonté de la Haute Assemblée de consacrer la reconnaissance jurisprudentielle du viol entre époux lors de l'examen de ce texte en première lecture.
Pour autant, ce qui a animé le rapporteur du texte à l'Assemblée nationale, c'est le fait que le viol entre époux est une réalité, et que, souvent, les femmes violées par leur compagnon l'ont été après avoir reçu des coups ou des menaces sur elles-mêmes, voire sur leurs enfants, ce qui constitue indubitablement une forme de violence.
D'ailleurs, vous venez de le préciser une nouvelle fois, monsieur le rapporteur : le lien contracté volontairement à un moment de la vie ne saurait remettre en cause le principe de consentement - il me semble que, sur ce point, tout le monde est d'accord - et donc le droit des femmes à disposer de leur intégrité physique, puisque c'est bien le fond du problème posé dans cet amendement.
Au-delà de la violence faite à la victime, ces faits portent atteinte au respect mutuel et à la confiance partagée qui doivent exister entre deux personnes liées par une communauté de vie.
Certes, je mesure bien le problème juridique que soulève la question du viol entre époux, en particulier s'agissant de la preuve, qui reste toujours un élément important. Toutefois, le débat qui a eu lieu à l'Assemblée nationale a été pour nous l'occasion de nous demander au nom de quoi un homme ivre qui bat sa femme verrait finalement sa sanction aggravée, alors que s'il la viole la notion de circonstance aggravante ne serait pas prise en compte.
Sur ces sujets extrêmement délicats, le Gouvernement pense qu'il convient de s'en remettre à la sagesse du Sénat, tout en insistant sur la prise en considération de situations très difficiles auxquelles peut conduire l'intimité du couple et à propos desquelles la victime a beaucoup de mal à exprimer les problèmes qu'elle rencontre au quotidien.
M. le président. La parole est à Mme Michèle André, pour explication de vote.
Mme Michèle André. Le groupe socialiste votera cet amendement, comme il l'a fait en commission, après en avoir débattu longuement. Il considère, en effet, qu'il est utile d'inscrire le fait du viol dans la loi.
Cela dit, madame la ministre, je suis moins optimiste que vous. De nos jours, certaines personnes semblent penser que le viol entre époux n'existe pas. C'est ainsi que j'ai pu entendre certains, y compris des collègues qui ne sont pas présents ce soir, évoquer cette question en « rigolant », ce qui est fort déplaisant, d'autant que l'on ne peut pas considérer que cette assemblée est constituée d'êtres incultes. Il me semble que nous savons de quoi nous parlons lorsque nous évoquons ces problèmes.
Peut-être existe-t-il encore des femmes qui « se laissent faire », parce qu'elles considèrent que cela relève du devoir conjugal. Certains hommes n'ont aucun état d'âme à ce sujet !
C'est la raison pour laquelle je pense qu'il est utile que le viol soit inscrit dans la loi. Mais pourquoi y ajouter une circonstance aggravante ? En général, la sanction prévue en la matière est tout de même de quinze ans, ce qui paraît suffisant pour faire réfléchir certains.
Nous soutenons donc l'amendement de la commission, car nous préférons sa rédaction à celle qui a été retenue par l'Assemblée nationale.
M. le président. En conséquence, l'article 4 est ainsi rédigé.
Article additionnel après l'article 4
M. le président. L'amendement n° 11, présenté par Mmes G. Gautier et Dini, est ainsi libellé :
Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. Le deuxième alinéa de l'article 226- 10 du code pénal est supprimé.
II. En conséquence, au début du troisième alinéa du même article, les mots : « En tout autre cas, » sont supprimés.
La parole est à Mme Gisèle Gautier.
Mme Gisèle Gautier. Certaines femmes victimes de violences sexuelles sont déclarées coupables de dénonciation calomnieuse, autrement dit, coupables d'avoir porté plainte contre les hommes qui les ont harcelées, agressées, violées. Leur condamnation révèle l'absurdité juridique que constitue l'actuelle rédaction du délit de dénonciation calomnieuse.
Cet article permet en effet de faire condamner, de façon quasi automatique, une plaignante, ou un plaignant, pour dénonciation calomnieuse, simplement parce que sa plainte n'a pas abouti à la condamnation de la personne mise en cause. Il viole ainsi la présomption d'innocence des plaignants.
L'article 226-10 du code pénal dispose, en effet, que la fausseté des faits dénoncés résulte « nécessairement » de la décision de justice : ordonnance de non-lieu, relaxe ou acquittement. Or les raisons qui conduisent à une ordonnance de non-lieu, à la relaxe ou à un acquittement sont diverses. Il peut s'agir, par exemple, de prescription du crime ou du délit, de charges insuffisantes, voire d'un doute sur l'intentionnalité de l'auteur des infractions, doute qui profite à ce dernier.
Cela signifie donc non pas que les faits dénoncés sont faux, mais que la justice n'a pas suffisamment d'éléments pour condamner les personnes mises en cause.
Pour autant, si ces dernières ont déposé une plainte pour dénonciation calomnieuse - et elles le font fréquemment -, l'article 226- 10 du code pénal, il faut le savoir, enjoint les magistrats de condamner la personne qui a dénoncé et qui devient ainsi coupable. En effet, le terme « nécessairement », sur lequel j'ai insisté précédemment, leur interdit d'analyser les violences dénoncées initialement, qui sont, du fait de la décision de justice, réputées fausses.
Comment les plaignants peuvent-ils se défendre si on leur interdit d'évoquer les violences qui les ont poussés à déposer une plainte ?
La présomption d'innocence des plaignants est ainsi bafouée, le code pénal instituant une présomption de culpabilité.
Cet article 226-10 du code pénal, de par l'application qu'en font les magistrats, expose les victimes à une condamnation pénale. Il rend donc illusoire le droit de dénoncer les violences subies et contraint les femmes victimes au silence.
Ce résultat est, évidemment, contraire aux objectifs affichés par le législateur en matière de lutte contre les violences faites aux femmes.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Tout d'abord, madame Gautier, votre amendement s'applique à toutes les dénonciations calomnieuses. Il ne s'agit pas uniquement des violences conjugales ! En fait, vous modifiez complètement le sens de l'article 226-10 du code pénal.
J'espère vous convaincre, mais sans doute n'y parviendrai-je pas puisque, tout en reconnaissant à chaque fois que j'ai raison, vous demandez tout de même que les dispositions figurent dans la loi. Ou bien vous dites que vous ne comprenez pas. Pour ma part, j'ai essayé de comprendre l'article 226- 10 du code pénal.
En fait, votre préoccupation repose sur un malentendu. Si la décision d'acquittement, de relaxe ou de non-lieu déclarant que la réalité des faits n'est pas établie représente la condition nécessaire de l'incrimination de la dénonciation, elle n'en est cependant pas une condition suffisante. En effet, comme l'indique clairement le premier alinéa de l'article 226- 10 du code pénal, encore faut-il que l'auteur de la dénonciation ait agi en sachant que le fait était totalement ou partiellement inexact.
En d'autres termes, il faut démontrer que l'auteur de la dénonciation était de mauvaise foi, ce qui précisément constitue la définition de la calomnie. Or il va de soi qu'être victime de violences ne pourrait tomber sous le coup d'une telle incrimination.
Si les craintes qu'inspire cette disposition ne paraissent pas fondées, la suppression de cet alinéa présenterait, en outre, l'inconvénient de supprimer une condition objective permettant d'établir le délit de dénonciation calomnieuse sans laquelle cette incrimination pourrait recevoir une interprétation excessivement extensive.
C'est la raison pour laquelle j'ai le regret de vous dire, madame Gautier, que tout ce que l'on a pu raconter sur ce sujet est inexact et relève d'une fausse lecture. Je ne pense pas qu'il y ait de décision de condamnation pour dénonciation calomnieuse. En tout cas, personnellement, je n'en connais pas.
J'ignore peut-être la jurisprudence ou le droit, mais permettez-moi de vous dire que votre préoccupation repose sur un malentendu !
Je ne puis être d'accord avec ceux qui déduisent de leur lecture du code pénal certaines interprétations hasardeuses : ce texte est parfaitement clair ; il donne une définition qui a été longuement débattue et élaborée lors de la réforme du code. Restons-en là et ne modifions pas ce texte équilibré.
J'émets donc un avis très défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux. La modification de l'article 226-10 du code pénal réprimant la dénonciation calomnieuse, que propose cet amendement, n'est pas justifiée.
Vous soutenez, madame Gautier, que, dans sa rédaction actuelle, cet article oblige le juge pénal à condamner automatiquement l'auteur d'une dénonciation dès lors que la procédure qui s'est ensuivie a abouti à une relaxe, un acquittement ou un non-lieu. Or c'est doublement inexact.
Tout d'abord, seules les décisions de relaxe, d'acquittement ou de non-lieu qui sont motivées par le fait que la réalité de l'infraction dénoncée n'est pas établie entraînent nécessairement la fausseté du fait dénoncé. Tel n'est pas le cas si la décision a un autre fondement, tel que la prescription, le trouble mental ou l'amnistie, ou si elle est rendue au bénéfice du doute.
Ensuite, même si le juge qui statue sur la dénonciation calomnieuse ne peut donner une appréciation de la réalité des faits différente de celle qui a déjà été portée, il doit établir que le dénonciateur savait que les faits étaient totalement ou partiellement inexacts.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Mais oui !
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Si le dénonciateur était de bonne foi, il n'y a pas de dénonciation calomnieuse.
Par ailleurs, la modification proposée par l'amendement est dangereuse au regard des libertés individuelles. Non seulement elle porterait atteinte à l'autorité de la chose jugée et à la présomption d'innocence, en permettant de revenir sur une décision qui aurait déclaré une personne innocente, mais elle favoriserait également l'impunité des dénonciateurs de mauvaise foi et donc encouragerait des poursuites abusives.
Nous nous trouvons en présence d'une disposition traditionnelle de notre droit pénal, qui a été améliorée par le Parlement lors de la rédaction du nouveau code pénal.
L'avis du Gouvernement est défavorable.
M. le président. Madame Gautier, l'amendement n° 11 est-il maintenu ?
Mme Gisèle Gautier. Ce point me paraissait équivoque et justifiait mon intervention et le dépôt d'un amendement. Compte tenu des précisions qui m'ont été apportées, je retire cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 11 est retiré.
Article 5
I. - Le dernier alinéa de l'article 394 du code de procédure pénale est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Si le prévenu placé sous contrôle judiciaire se soustrait aux obligations qui lui sont imposées, les dispositions du deuxième alinéa de l'article 141-2 sont applicables. »
II. - Le dernier alinéa de l'article 396 du même code est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Si le prévenu placé sous contrôle judiciaire se soustrait aux obligations qui lui sont imposées, les dispositions du deuxième alinéa de l'article 141-2 sont applicables. »
III. - Le premier alinéa de l'article 397-3 du même code est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Si le prévenu placé sous contrôle judiciaire se soustrait aux obligations qui lui sont imposées, les dispositions du deuxième alinéa de l'article 141-2 sont applicables. »
IV. - L'article 471 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Si le tribunal a ordonné le maintien du contrôle judiciaire et que la personne se soustrait aux obligations qui lui sont imposées, les dispositions du deuxième alinéa de l'article 141-2 sont applicables. Lorsque le jugement est exécutoire et que la personne est placée sous le régime de la mise à l'épreuve, le juge de l'application des peines peut désigner, pour veiller au respect des obligations, le service qui était chargé de suivre la personne dans le cadre du contrôle judiciaire. »
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 7 rectifié est présenté par M. de Richemont, au nom de la commission.
L'amendement n° 32 est présenté par MM. Courteau et Bel, Mmes M. André et Alquier, MM. Assouline et Bodin, Mmes Boumediene-Thiery, Y. Boyer, Bricq, Cerisier-ben Guiga et Demontès, MM. Guérini et Lagauche, Mme Le Texier, M. Mauroy, Mmes Printz, Schillinger, Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Au début de cet article, ajouter quatre paragraphes ainsi rédigés :
IA. - Le 6°de l'article 41-1 du code de procédure pénale est complété par les mots suivants : « ; les dispositions du présent alinéa sont également applicables lorsque l'infraction est commise par l'ancien conjoint ou concubin de la victime, ou par la personne liée ou ayant été liée à la victime par un pacte civil de solidarité ».
IB. - Le 14° de l'article 41-2 du même code est complété par les mots suivants : « ; les dispositions du présent alinéa sont également applicables lorsque l'infraction est commise par l'ancien conjoint ou concubin de la victime, ou par la personne liée ou ayant été liée à la victime par un pacte civil de solidarité ».
IC. - Le 17° de l'article 138 du même code est complété par les mots suivants : « ; les dispositions du présent alinéa sont également applicables lorsque l'infraction est commise par l'ancien conjoint ou concubin de la victime, ou par la personne liée ou ayant été liée à la victime par un pacte civil de solidarité ».
ID. - Le 19° de l'article 132-45 du code pénal est complété par les mots suivants : « ; les dispositions du présent alinéa sont également applicables lorsque l'infraction est commise par l'ancien conjoint ou concubin de la victime, ou par la personne liée ou ayant été liée à la victime par un pacte civil de solidarité ».
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 7 rectifié.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de coordination qui a pour objet d'étendre aux ex-conjoints ou aux ex-concubins, ainsi qu'aux pacsés et aux ex-pacsés, les dispositions adoptées par le Sénat en première lecture, puis insérées dans la loi du 12 décembre 2005 relative au traitement de la récidive des infractions pénales. Celles-ci permettent l'éloignement des auteurs de violences au sein du couple.
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, pour présenter l'amendement n° 32.
M. Roland Courteau. En première lecture, nous avions proposé des amendements tendant à généraliser à tous les tribunaux de grande instance les antennes de psychiatrie et de psychologie légales mises en place dans certains parquets, comme à Paris, Douai ou Nîmes.
Nous avions également souhaité inscrire dans le code de procédure pénale la faculté pour le procureur de la République d'obliger le conjoint violent à se soumettre à une prise en charge sanitaire, sociale ou psychologique.
Ces amendements avaient été rejetés tant par la commission que par le Gouvernement.
Or la loi du 12 décembre 2005 relative au traitement de la récidive des infractions pénales a retenu un dispositif qui permet au juge d'interdire à l'auteur de violences commises au sein du couple de résider au domicile commun, dans le cadre du sursis avec mise à l'épreuve et du contrôle judiciaire. Ce dispositif permet également au procureur de la République d'obliger l'auteur de violences à résider hors du domicile conjugal dans le cadre de la médiation pénale et de la composition pénale. Par ailleurs, il prévoit que l'auteur de violences peut faire l'objet d'une prise en charge sanitaire, sociale et psychologique.
Ces mesures sont très satisfaisantes. Toutefois, il conviendrait de les étendre aux ex-conjoints, aux ex-concubins ou aux ex-partenaires liés par un PACS.
En effet, lorsque les victimes ont trouvé en elles ou autour d'elles les ressources leur permettant de briser l'emprise d'un conjoint violent et qu'elles ont quitté celui-ci, un second enfer commence parfois pour elles : parmi les auteurs de violences conjugales, certains ne peuvent ni concevoir ni admettre que leur conjoint ait pris la décision de rompre.
Dans la fureur de la frustration, ils consacrent alors leur énergie à nuire de toutes les façons possibles à leur ex-conjoint ou ex-concubin, à perturber sa vie, son équilibre, sa santé et ses relations avec ses enfants.
Cet amendement a donc pour objet d'étendre aux ex-conjoints, ex-concubins et ex-partenaires liés par un PACS la disposition adoptée dans la loi relative au traitement de la récidive des infractions pénales.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n°s 7 rectifié et 32.
(Les amendements sont adoptés.)
Je mets aux voix l'article 5, modifié.
(L'article 5 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 5 ou avant l'article 5 bis
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 24, présenté par Mmes Mathon-Poinat, Borvo Cohen-Seat, Assassi, David, Luc et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article 5 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le 2° de l'article 706-3 du code de procédure pénale est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« - soit ont été commis à l'égard d'un conjoint, d'un concubin ou d'un partenaire lié par un pacte civil de solidarité dans le cadre des articles 222-3, 222-8, 222-10, 222-12, 222-13, 221-1, 221-3, 222-15, 222-16, 222-17, 222-18, 222-23, 222-29, 222-30, 223-1, 223-5, 224-1 du code pénal ».
La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Nous avons choisi de redéposer cet amendement en seconde lecture, car la réponse qui nous avait été apportée voilà presque un an ne nous avait pas satisfaits.
Le dispositif que nous proposons ne vise ni à déresponsabiliser l'auteur de l'agression ni à lui éviter d'indemniser sa victime. Il s'agit pour nous de faire en sorte que les femmes victimes de violences conjugales puissent être indemnisées comme les autres victimes d'agressions, en parallèle d'une éventuelle action judiciaire. D'ailleurs, la décision de la commission d'indemnisation peut intervenir avant qu'il ait été statué sur l'action publique.
Tel est le premier objet de notre amendement : permettre aux femmes de se libérer de l'emprise de leur conjoint en leur accordant un statut et des droits en tant que victimes.
Toutefois, cet amendement vise aussi à assurer aux femmes une indemnisation en cas d'agression ou de blessure. Tout porte à croire qu'elles seraient davantage incitées à quitter leur conjoint violent si elles avaient l'assurance d'obtenir une réparation de leur préjudice. En effet, la victime de violences éprouve d'autant plus de difficultés à réagir qu'elle dépend économiquement de son conjoint ; envisager de quitter celui-ci devient alors presque impossible. D'où l'importance de savoir qu'elle pourra être indemnisée du préjudice subi.
Notre souhaitons que les difficultés pécuniaires ne fassent plus partie des problèmes que doivent affronter les femmes victimes de violence. C'est pourquoi nous avons également déposé un amendement qui vise à octroyer une aide aux femmes en difficulté financière et contraintes de quitter leur domicile.
M. le président. L'amendement n° 31, présenté par MM. Courteau et Bel, Mmes M. André et Alquier, MM. Assouline et Bodin, Mmes Boumediene-Thiery, Y. Boyer, Bricq, Cerisier-ben Guiga et Demontès, MM. Guérini et Lagauche, Mme Le Texier, M. Mauroy, Mmes Printz, Schillinger, Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Dans le troisième alinéa du 2° de l'article 706-3 du code de procédure pénale, après le mot : « réprimés », sont insérés les mots : « par le 4° bis de l'article 221-4, le 6° des articles 222-3, 222-8, 222-10 et 222-12 et ».
II. - La perte de recettes pour l'État résultant du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Michèle André.
Mme Michèle André. L'argumentaire que Mme Mathon-Poinat a développé pour l'amendement n° 24 vaut également pour cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur ces deux amendements, pour la même raison qu'en première lecture.
Il existe aujourd'hui un équilibre entre la solidarité nationale pour les infractions les plus graves, qui peuvent faire l'objet d'une indemnisation totale, et la responsabilité des auteurs de ces actes, qui doivent en assumer les conséquences. Il n'y a pas lieu, me semble-t-il, de rompre cet équilibre.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Je suis défavorable à ces amendements, essentiellement parce que la plupart des violences susceptibles d'être commises au sein du couple donnent déjà droit à une indemnisation intégrale de la victime, sans condition de ressources, de la part des commissions d'indemnisation des victimes d'infraction, les CIVI. C'est notamment le cas pour les viols, les agressions sexuelles et les violences entraînant une ITT d'au moins un mois.
La solidarité nationale s'exerce donc de façon satisfaisante, sans qu'il soit nécessaire de prévoir un régime d'indemnisation spécifique pour toutes les infractions commises au sein du couple, y compris celles qui causent un préjudice minime. Dans ces hypothèses, d'ailleurs, l'indemnisation demeure tout de même possible si les ressources de la victime sont inférieures au seuil de l'aide juridictionnelle.
Je demande donc au Sénat de confirmer ses votes de première lecture.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 31.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 5 bis A
L'avant-dernier alinéa de l'article 220-1 du code civil est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Ces mesures de protection en cas de violences conjugales s'appliquent également aux couples non mariés, s'ils ont un enfant commun mineur. »
M. le président. L'amendement n° 8, présenté par M. de Richemont, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Cet amendement tend à supprimer l'extension par l'Assemblée nationale du dispositif civil introduit par la loi du 26 mai 2004 relative au divorce, qui permet l'éviction du conjoint violent du domicile conjugal, aux couples non mariés qui ont un enfant commun mineur.
Dans sa rédaction actuelle, cet article pose plusieurs problèmes.
Tout d'abord, l'article 220-1 du code civil figure dans le chapitre concernant les devoirs et droits respectifs des époux et s'applique dans des circonstances très précises.
Ensuite, sur le fond, il paraît d'autant moins pertinent d'étendre ce régime civil aux couples non mariés qu'un dispositif particulièrement complet d'éviction du membre violent du couple est prévu par la présente proposition de loi, ainsi que par la récente loi relative au traitement de la récidive des infractions pénales.
L'éloignement du conjoint, du concubin ou du partenaire d'un pacte civil de solidarité est désormais prévu à tous les stades d'une procédure devant les juridictions répressives. Dès lors, le dispositif pénal paraît suffisant.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. En conséquence, l'article 5 bis A est supprimé.
Articles additionnels après l'article 5 bis A ou après l'article 5 bis B
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 12, présenté par Mme G. Gautier et M. Branger, est ainsi libellé :
Après l'article 5 bis A, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après la première phrase du troisième alinéa de l'article 373-2 du code civil, il est inséré une phrase ainsi rédigée :
« Toutefois, le juge aux affaires familiales peut dispenser de cette obligation d'information le parent ayant changé de résidence, sur le fondement d'un motif grave et pour une durée déterminée. »
La parole est à Mme Gisèle Gautier.
Mme Gisèle Gautier. Le troisième alinéa de l'article 373-2 du code civil fait obligation à l'un des deux parents qui change de résidence d'en informer l'autre, dès lors que ce changement de résidence modifie les modalités d'exercice de l'autorité parentale.
En cas de violences conjugales et lorsqu'il existe des enfants communs, une victime qui a quitté le domicile conjugal se trouve donc tenue de communiquer sa nouvelle adresse à son agresseur, qui peut ainsi la retrouver et menacer sa sécurité.
Cet amendement vise à concilier les exigences de l'exercice conjoint de l'autorité parentale et la protection de la victime de violences conjugales, en permettant au juge aux affaires familiales de dispenser le parent concerné de l'obligation d'information du changement de résidence, sur le fondement d'un motif grave, j'y insiste, et pour une durée déterminée, jusqu'à ce que la crise s'apaise.
M. le président. L'amendement n° 34, présenté par MM. Courteau et Bel, Mmes M. André et Alquier, MM. Assouline et Bodin, Mmes Boumediene-Thiery, Y. Boyer, Bricq, Cerisier-ben Guiga et Demontès, MM. Guérini et Lagauche, Mme Le Texier, M. Mauroy, Mmes Printz, Schillinger, Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 5 bis B, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Avant la dernière phrase du troisième alinéa de l'article 373-2 du code civil, il est inséré une phrase ainsi rédigée :
« Le juge peut déroger à l'obligation de déclaration de domicile pour des motifs graves et pour une durée déterminée. »
La parole est à M. Roland Courteau.
M. Roland Courteau. Cet amendement est relatif à l'exercice de l'autorité parentale et à la protection du conjoint victime de violences conjugales.
Les associations de défense soulignent que, dans une situation de crise, la meilleure façon de protéger la victime est de la placer dans un lieu sécurisé, tel qu'un foyer ou un lieu d'hébergement. Une protection efficace impliquerait que ce lieu reste inconnu du conjoint violent, ce qui ne pose a priori aucun problème, sauf lorsqu'il existe des enfants communs.
En effet, l'article 373-2, alinéa 3, du code civil dispose : « Tout changement de résidence de l'un des parents, dès lors qu'il modifie les modalités d'exercice de l'autorité parentale, doit faire l'objet d'une information préalable et en temps utile de l'autre parent. »
La victime se trouve donc tenue de communiquer à l'autre parent l'adresse des enfants communs, ce qui revient à lui fournir le moyen de la retrouver. Le refus de révéler le lieu où se trouve l'enfant pendant plus de cinq jours constitue, de surcroît, une circonstance aggravante.
Certes, aux termes de l'article 373-2-1 du code civil, une victime peut obtenir du juge, si elle dispose d'éléments de preuve suffisants, une suspension provisoire des droits de visite de l'autre parent pour motif grave.
Si une plainte est déposée et des poursuites intentées contre l'auteur de violences, le code de procédure pénale permet également, au moyen d'un contrôle judiciaire, d'interdire au conjoint violent d'approcher la victime ou les enfants jusqu'à la date du jugement.
Toutefois, comme les victimes se considèrent insuffisamment protégées, nous avons déposé cet amendement, qui permet explicitement au juge de déroger à l'obligation de déclaration de domicile prévue à l'article 373-2, alinéa 3, du code civil, sur la base d'un motif grave et pour une durée limitée.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Ces amendements ont conduit la commission des lois à réfléchir sur plusieurs points.
Nous nous sommes interrogés, tout d'abord, sur la portée de l'article 373-2 du code civil, car nous sommes bien ici dans le cadre de l'autorité parentale. Pour un parent qui déménage, faut-il considérer qu'il doit donner sa nouvelle adresse ou simplement indiquer la région, par exemple le Midi, dans laquelle il compte s'installer ? Cet article n'étant pas d'une clarté infinie sur ce point, est-ce qu'il s'applique bien à ce que proposent nos collègues ? En définitive, nous ne savons pas s'il implique une indication de domicile générale ou précise.
Par ailleurs, la victime ne peut-elle pas déjà saisir le juge aux affaires familiales, par référé, pour obtenir la suspension des droits de visite et d'hébergement en cas de violences envers l'enfant ?
Enfin, s'agissant de violences portées uniquement à l'un des parents, sans que l'enfant soit touché, est-il judicieux de priver cet enfant de relations avec l'un de ses parents ? Cela ne peut-il entraîner le développement de fausses allégations de violences ? Rappelons que, en cas de mésentente des parents, le droit de visite peut s'exercer, à la demande du juge, dans des points relais.
Monsieur le garde des sceaux, à l'évidence, nos collègues ont soulevé un problème réel. La commission n'a pas tranché et a souhaité connaître l'avis du Gouvernement sur ces deux amendements.
M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Je crains que les auteurs de ces amendements n'aient mal interprété l'article 373-2 du code civil.
Contrairement à ce qui a été dit, cet article impose au parent qui déménage non pas de donner son adresse, mais d'informer l'autre parent de son déménagement. Ce sont là deux notions différentes.
Le but de cet article est explicitement écrit : il s'agit de permettre à l'autre parent de saisir rapidement le juge aux affaires familiales, pour que celui-ci statue sur un éventuel changement de résidence de l'enfant. Tel est bien le problème visé.
Par ailleurs, le même article est destiné à assurer le maintien des liens de l'enfant avec le parent chez lequel il ne réside pas. S'il s'applique à des parents déjà séparés, et dont l'un change de résidence, il ne concerne pas le cas du conjoint qui quitte le domicile conjugal en raison de violences.
Enfin, cet article n'est pas lié au problème soulevé par les auteurs des deux amendements, à savoir la protection de la victime contre le risque de réitération des faits. Cette question relève en fait du droit pénal et non point du droit civil.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur les amendements nos 12 et 34.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 34.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 5 bis B
Le 5° de l'article 41-1 du code de procédure pénale est complété par une phrase ainsi rédigée :
« En cas de violences conjugales, si cette mission de médiation s'est avérée non suivie d'effet une première fois, il ne pourra en être proposé une seconde pour des faits de même nature. »
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 9 est présenté par M. de Richemont, au nom de la commission.
L'amendement n° 22 est présenté par Mmes Mathon-Poinat, Borvo Cohen-Seat, Assassi, David, Luc et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 9.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Cet amendement est important puisqu'il concerne la médiation pénale dont nombre de nos collègues ont parlé au cours de la discussion générale.
L'article 5 bis B, adopté par l'Assemblée nationale, tend à interdire au procureur de la République, en cas de violences conjugales, de proposer une nouvelle médiation pénale. Le Sénat avait eu l'occasion de discuter longuement, avant de le rejeter, un amendement ayant le même objet.
Il va de soi qu'une médiation pénale n'est pas adaptée en cas de violences graves répétées et que, dans ce cas de figure, elle ne saurait même être envisagée, et encore moins proposée une deuxième fois. Toutefois, les situations individuelles peuvent être extrêmement variées et il serait regrettable de limiter la marge d'appréciation du juge.
En effet, d'une part, la perspective de poursuites et d'un procès peut dissuader la victime de porter plainte. D'autre part, la prise en charge de la victime paraît parfois plus satisfaisante dans le cadre de la médiation pénale. À ces deux titres, cette procédure peut présenter un intérêt.
Le guide de l'action publique en matière de lutte contre les violences au sein du couple, élaboré par le ministère de la justice en 2005, circonscrit d'ailleurs étroitement les cas dans lesquels une médiation pénale peut être pertinente : « violences isolées et de moindre gravité et mis en cause sans antécédent et couple vivant sous le même toit et désirant maintenir le lien conjugal, de concubinage ou le PACS ».
Selon les informations recueillies auprès du ministère de la justice, la circulaire d'application de la présente proposition de loi devrait confirmer et renforcer encore ces orientations. Aussi la restriction proposée ne paraît-elle pas indispensable. C'est pourquoi nous avons proposé la suppression de cet article.
J'ai entendu certains orateurs critiquer la médiation pénale, en affirmant que cette procédure reviendrait à faire de la victime un quasi délinquant et à entériner l'acceptation des violences. Au contraire, la médiation pénale reconnaît le statut de la victime, qui n'est absolument pas responsable. Il peut y avoir des cas où, au lieu d'aller au procès, la victime peut ainsi obtenir une solution à son problème, par une indemnisation ou un engagement de l'auteur des violences de ne plus les réitérer. Cette voie est donc parfois bien préférable au procès et à la judiciarisation. De toute façon, sans la médiation, après de très longues procédures, le procès risque de ne pas aboutir ou d'aboutir à un classement sans suite.
Au demeurant, la médiation pénale ne s'applique pas seulement à de telles situations. D'une manière générale, les critiques que j'ai entendues sur l'intérêt de cette procédure ne me paraissent pas fondées. Je le rappelle, la médiation pénale est tout autre chose, notamment, que la conciliation civile entre voisins. C'est une nouvelle procédure, qui a été mise en place progressivement et qui présente un intérêt, notamment dans les cas « légers ». Monsieur le garde des sceaux, elle a prouvé qu'elle fonctionnait bien dans certaines juridictions.
M. le président. La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat, pour présenter l'amendement n° 22.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Notre position sur la médiation pénale est très claire : elle ne nous semble pas du tout adaptée aux cas de violences commises au sein du couple.
Tout d'abord, la médiation suspend, en quelque sorte, l'action en justice puisqu'elle a pour objectif d'assurer la réparation du dommage subi par la victime autrement que par une sanction prononcée par un juge, ce que la victime perçoit évidemment très mal.
Ensuite, la médiation ne peut s'exercer qu'entre deux protagonistes qui se trouvent dans une position d'égalité par rapport à la loi. Or l'agresseur n'est pas dans la même position que la victime. Dans ce cas, la médiation pénale tend donc à partager la responsabilité de l'acte violent et, donc, à donner à la victime une part de responsabilité dans cet acte.
Enfin, dans certaines juridictions, la convocation à la médiation pénale remise à la victime est la même que celle qui est remise à l'auteur des violences, ce qui renforce la non-prise en compte de la victime en tant que telle.
C'est pourquoi il nous semble maladroit et pour le moins inadapté d'inscrire dans la loi que, en cas d'échec d'une première médiation, une seconde ne pourra être proposée.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Cela sous-entend que le procureur doit recourir à la médiation pénale dans les cas de violences conjugales. Il nous semble plus opportun de conserver en l'état la rédaction de l'article 41-1 du code de procédure pénale, afin de laisser le procureur libre d'apprécier si telle situation se prête ou non à la médiation.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Voilà !
Mme Josiane Mathon-Poinat. Tel est le sens de notre amendement. Monsieur le rapporteur, si nous sommes d'accord avec vous sur la nécessité de supprimer l'article 5 bis B, nous avons cependant une analyse un tout petit peu différente de la vôtre.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Pas si éloignée !
M. le président. L'amendement n° 33, présenté par MM. Courteau et Bel, Mmes M. André et Alquier, MM. Assouline et Bodin, Mmes Boumediene-Thiery, Y. Boyer, Bricq, Cerisier-ben Guiga et Demontès, MM. Guérini et Lagauche, Mme Le Texier, M. Mauroy, Mmes Printz, Schillinger, Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
Le 5° de l'article 41-1 du code de procédure pénale est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Cette disposition ne s'applique pas en matière de violences conjugales. »
La parole est à Mme Gisèle Printz.
Mme Gisèle Printz. Lors de la première lecture de cette proposition de loi devant notre assemblée, Mmes Dini et Gautier avaient déposé un amendement tendant à supprimer la médiation en cas de violences conjugales, lequel avait été rejeté. L'Assemblée nationale, quant à elle, a adopté en première lecture un amendement tendant à interdire au procureur de la République, dans ces mêmes cas, de proposer une nouvelle médiation pénale lorsque la première a échoué.
Je voudrais rappeler un certain nombre de points sur ce sujet.
À l'exception des cas dans lesquels la durée de l'incapacité temporaire totale de travail, ou ITT, était importante ou les blessures graves, les violences conjugales ont longtemps été banalisées par les services de police et la justice.
Si de nombreux parquets ont effectivement une politique pénale en la matière, force est de constater que ces directives sont très disparates d'un tribunal de grande instance à l'autre ; une telle absence de cohérence est très dommageable et incompréhensible pour les victimes et les associations qui les soutiennent.
Les réponses judiciaires mises en place dans les différentes politiques pénales font appel à l'ensemble de la palette des mesures existantes. En effet, en application de l'article 40 du code de procédure pénale, le « procureur de la République reçoit les plaintes et les dénonciations et apprécie la suite à leur donner ». Les critères d'appréciation pour l'orientation vont s'articuler essentiellement autour de l'incapacité temporaire totale de travail et de la réitération ou non desdites violences.
Même si, depuis le nouveau code pénal de 1994, les violences sur les conjoints ont été érigées en circonstance aggravante, force est de constater que le critère de la durée de l'incapacité temporaire totale de travail est déterminant dans l'orientation de la procédure. Ainsi, en cas d'une durée d'ITT importante, des poursuites sont généralement exercées à l'encontre du conjoint violent, avec déferrement à l'issue de la garde à vue et présentation au magistrat du parquet. En présence d'une faible durée, la mise en oeuvre de mesures alternatives reste un axe majeur des politiques pénales.
Parmi ces mesures, se trouve donc le recours à la médiation pénale. Or le traitement de ces violences est-il compatible avec un appel à la médiation pénale ?
Justice de proximité, préventive, éducative et réparatrice plus que répressive, la médiation a pour objectif d'aboutir à la satisfaction de la victime, avec son accord, et à la restauration de l'ordre public, sans recours aux poursuites pénales et à la peine. Elle est régulatrice de petits désordres sociaux par le recours à un tiers qui favorise la confrontation des points de vue des deux parties, pour rechercher une solution au conflit et une réparation du trouble causé. Les gouvernements socialistes successifs ont contribué à son développement, et je m'en félicite.
Toutefois, à partir de la définition de la médiation, je m'interroge sur la pertinence de son emploi en matière de violences conjugales.
En effet, dans un tel contexte, les critères de la médiation, tels que la volonté de coopération, le respect de l'autre dans la recherche de solutions, la reconnaissance des faits, deviennent difficilement applicables. Ces critères font référence à un état d'esprit absent chez les conjoints violents, à un contexte de liberté de pensée et de parole impossible pour les victimes, de même qu'à une égalité de pouvoir inexistante dans ces couples. Ainsi, la médiation constituera alors une arme supplémentaire pour le conjoint violent, un outil lui permettant à la fois de raffermir son pouvoir et son contrôle et de se soustraire au processus judiciaire. Elle aura pour conséquence de renforcer la vulnérabilité de la victime et le sentiment d'impunité et de toute puissance de l'auteur.
En effet, la médiation pénale aboutit le plus souvent au retrait de la plainte par la plaignante et induit une dépénalisation de la procédure.
Le problème du couple est mis au premier plan au détriment du phénomène de délinquance, qui est relégué au second plan. In fine, la médiation entérine le rapport de force entre le conjoint violent et celui subissant les violences, au lieu d'y mettre un terme. Le ministère de la justice lui-même, dans son guide de l'action publique relative à la lutte contre les violences au sein des couples, met l'accent sur le fait que la médiation pénale n'est pertinente que dans certains cas bien définis.
Certes, le dispositif adopté par l'Assemblée nationale circonscrit le recours à la médiation, puisque que le procureur de la République ne pourra pas proposer une nouvelle médiation si la précédente a échoué. Cette disposition n'accentue-t-elle pas le recours à la médiation en en faisant une première solution à essayer avant les poursuites pénales ? Les victimes, alors qu'elles ont eu enfin le courage de faire appel à la justice, sont en fait déboutées !
Convaincue par les associations, je propose de supprimer purement et simplement le recours à la médiation pour les violences conjugales. Cet amendement a donc pour objet de modifier l'article 41-1, cinquième alinéa, du code de procédure pénale pour interdire au procureur de la République de proposer une médiation pénale en cas de violences conjugales.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Le Gouvernement considère que la disposition concernée relève non pas du domaine de la loi, mais du domaine du règlement.
Certes, madame Mathon-Poinat, cette réponse ne peut pas vous satisfaire. Mais, vous l'avez dit vous-même à la fin de votre présentation, à partir du moment où nous admettons qu'il n'existe pas de situations particulières qui appellent la médiation et d'autres qui la récusent, à partir du moment où la médiation peut être définie par la loi, il faut laisser le choix du recours à cette procédure à l'appréciation des parquets.
Il m'appartient de leur donner des directives pour les appeler au plus grand discernement dans l'utilisation de la médiation. Si, dans certains cas, celle-ci ne peut effectivement pas s'appliquer, dans d'autres, lors de violences réciproques, par exemple, elle est la meilleure solution pour essayer d'arranger la situation.
Par conséquent, il n'y a pas d'application claire de la médiation qui puisse être définie par le législateur, ni même, d'ailleurs, par le pouvoir règlementaire, ce dernier pouvant simplement souligner la nécessité d'appliquer la médiation avec un infini discernement. Vous l'avez dit vous-même, c'est au cas par cas que le procureur doit décider.
C'est la raison pour laquelle je suis favorable aux amendements identiques nos 9 et 22. Fondamentalement, une telle disposition est indéfinissable par la loi.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 9 et 22.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, l'article 5 bis B est supprimé et l'amendement n° 33 n'a plus d'objet.
Articles additionnels après l'article 5 bis B
M. le président. L'amendement n° 17 rectifié, présenté par Mme Dini, est ainsi libellé :
Après l'article 5 bis B, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 41-1 du code de procédure pénale est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le 5° de cet article ne s'applique pas dans les cas visés au 6° de l'article 222-10, au 6° de l'article 222-12 et au 6° de l'article 222-13 du code pénal. »
La parole est à Mme Muguette Dini.
Mme Muguette Dini. Comme je l'ai indiqué lors de la discussion générale, les violences conjugales n'entrent pas dans le cadre d'une violence que je qualifierais d'ordinaire. Il s'agit, en effet, d'une violence entre un fort et un faible ; à cet égard, j'évoque l'emprise aussi bien physique que psychologique.
Les deux personnes sont unies par des liens qui n'appartiennent qu'aux couples : les sentiments, les enfants, la dépendance financière.
Quand un homme a, une première fois, maltraité sa femme, il a brisé un tabou. Soit c'est un accident et il ne recommencera jamais, soit c'est une pulsion et il recommencera, qu'il y ait médiateur ou non, dans un délai variant de quelques jours à quelques semaines.
Lors de la première lecture, M. de Richemont nous avait dit : « Si la violence n'est pas trop grave, la médiation pénale peut alors être une réponse appropriée ». Je vous laisse le soin de définir ce qu'est « la violence pas trop grave » ! En fait, il n'y a pas de « violence pas trop grave » ; il y a la violence, qui est intolérable.
Recourir à la médiation, c'est aussi envisager a priori que les torts sont réciproques, c'est sous-entendre que, si une femme est battue, au fond, elle l'a peut-être mérité.
Lui proposer une médiation, c'est la confirmer dans le sentiment qu'elle connaît bien et qui consiste à se dire que, si elle est battue, c'est parce qu'elle a fait quelque chose de mal.
Lui proposer une médiation, c'est lui dire : « Faites ce que votre mari exige de vous et il ne vous battra plus. Retirez votre plainte, car, grâce à nous, tout va s'arranger ».
Où trouvera-t-elle alors le courage de se plaindre de nouveau si le mari recommence à être violent ?
Les associations ont clairement exprimé leur hostilité à toute médiation lors des auditions de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes.
L'amendement que j'ai déposé, et qui tend à supprimer la médiation en cas de violences conjugales, a d'abord pour objet de protéger toutes les femmes qui en sont victimes et de leur permettre de retrouver ainsi leur dignité.
Si nous refusons de supprimer la médiation, on constatera, une fois encore, un immense décalage entre la loi et ce qu'attendent les femmes victimes de violences.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Nous l'avons dit, nous estimons que la médiation, dans un certain nombre de cas limités et avec la prudence qui s'impose, peut être une bonne formule.
L'Assemblée nationale visait à ne prévoir qu'une seule médiation, alors que nous, nous pensons qu'il faut laisser au magistrat la possibilité d'y avoir recours.
Je ne comprends pas pourquoi certaines associations font courir le bruit que la médiation pénale serait désastreuse. Ce n'est pas vrai ! Si elle est bien menée, elle peut aboutir à un résultat constructif.
M. le garde des sceaux a donné des instructions, qui figurent dans le guide de l'action publique. Il faut, en effet, être extrêmement vigilant pour que la médiation pénale ne remplace pas d'autres formules qui sont plus adaptées dans certains cas.
La médiation pénale a été créée par une loi de 1999. Cela rappellera peut-être quelque chose à certains...
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Pourquoi refuser que la médiation s'applique dans certains cas où elle paraît opportune ?
Mme Dominique Voynet. Elle n'est pas toujours adaptée !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Il me semble, au contraire, qu'elle est extrêmement utile.
Vous vous rendez bien compte, madame Dini, que la commission ne peut qu'être défavorable à votre amendement, compte tenu du vote qui vient d'intervenir.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux. On peut concevoir, comme vous le dites, madame Dini, que la médiation ne peut s'appliquer que dans certains cas, par hypothèse, rares. Mais pourquoi vouloir la supprimer ? Agir ainsi, c'est se substituer aux victimes ; il me semble que nous n'en avons pas le droit
Faites donc confiance aux magistrats ! Cette défiance à leur égard me choque un peu !
La médiation fait partie des réponses pénales possibles, alors, gardons-la !
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, pour explication de vote.
M. Roland Courteau. Pour revenir sur ce que vient de dire M. Hyest, je reconnais que les gouvernements que nous avons soutenus ont contribué au développement de la médiation pénale. C'est vrai et l'on doit s'en féliciter, car elle a une mission préventive, éducative, réparatrice, bien plus que répressive. Elle a pour objet d'aboutir à la satisfaction des deux parties, avec leur accord. Elle favorise la confrontation des points de vue pour rechercher une solution.
Cependant, il s'agit de savoir si le traitement des violences est compatible avec un appel à la médiation pénale. Or, je le répète, lorsque des violences sont commises, les deux parties sont inégales sur le plan psychologique.
Par ailleurs, on privilégie le problème de couple et non plus l'acte de délinquance, et l'expérience prouve que l'agresseur en ressort avec un sentiment d'impunité alors que la victime est plus vulnérable que jamais. Trop souvent, d'ailleurs, la médiation aboutit au retrait de la plainte par la victime. C'est un marché de dupes, et jamais plus cette dernière ne déposera de plainte, car elle ne croit plus en la justice.
Je vous signale, mes chers collègues, que, en Espagne, on a réussi à écarter la médiation pénale pour les affaires de violences conjugales.
M. Pascal Clément, garde des sceaux. L'Espagne, c'est l'Espagne ! Vous êtes peut-être contre la corrida ?
M. Roland Courteau. Au Luxembourg on a fait de même.
Voilà pourquoi il faut exclure la possibilité de tout recours à la médiation pénale en matière de violences conjugales.
M. le président. L'amendement n° 35, présenté par MM. Courteau et Bel, Mmes M. André et Alquier, MM. Assouline et Bodin, Mmes Boumediene-Thiery, Y. Boyer, Bricq, Cerisier-ben Guiga et Demontès, MM. Guérini et Lagauche, Mme Le Texier, M. Mauroy, Mmes Printz, Schillinger, Voynet et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 5 bis B, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Le deuxième alinéa de l'article 373-2-1 du code civil est complété par les mots :
«, notamment des violences exercées sur l'autre parent ».
II. - L'article 227-5 du code pénal est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Les violences constatées exercées par le parent titulaire du droit de visite et d'hébergement sur l'autre parent constituent un motif de refus par ce dernier de présentation de l'enfant mineur. »
La parole est à Mme Christiane Demontès.
Mme Christiane Demontès. Nous l'avons constaté, depuis trente ans, d'importantes améliorations ont été apportées par les gouvernements successifs et par le législateur dans la lutte contre les violences conjugales.
Malheureusement, cette évolution est parfois amoindrie par la juxtaposition de l'application non concertée de décisions relevant du juge pénal et du juge civil. Ainsi, il peut arriver que le juge pénal prononce à l'encontre du conjoint violent une interdiction de se présenter au domicile familial et de contacter la victime, alors que, dans le même temps, le juge aux affaires familiales lui accorde, en tant que père des enfants, un droit de visite à ce même domicile.
Or, il faut savoir que les violences au sein des couples ont des conséquences sur les enfants. En effet, ces derniers sont souvent instrumentalisés par les auteurs des violences pour maintenir une emprise sur l'autre parent. Mais, s'ils sont dans ce cas des victimes collatérales, ils sont aussi les victimes directes de ce que l'auteur des violences leur fait vivre en étant violent avec leur autre parent. (M. Roland Courteau approuve.)
Ces rapports masculin-féminin et la confusion entre les sentiments d'amour et de violence nuisent à la construction de la personnalité de ces enfants. Quand on éduque un enfant sous la loi du plus fort, on l'éduque non pas comme un bon parent, mais comme un parent qui a tous les droits ; ce n'est pas l'exercice normal de l'autorité parentale.
Aussi, dans le souci de préserver l'intérêt de l'enfant et sa sécurité, il convient de réserver pour un temps le droit de visite et d'hébergement, et de prévoir que les violences exercées par le parent titulaire du droit de visite et d'hébergement sur l'autre parent constituent, pour ce dernier, un motif de refus de présentation de l'enfant.
Cet amendement tend donc à compléter l'article 373-2-1 du code civil, relatif à l'exercice de l'autorité parentale, qui dispose que « l'exercice du droit de visite et d'hébergement ne peut être refusé à l'autre parent que pour des motifs graves », afin de préciser que les violences conjugales constituent bien un motif grave.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. L'amendement n° 35 a pour objet de prévoir que les violences exercées par le parent titulaire d'un droit de visite sur l'autre parent constituent un motif grave permettant de lui refuser l'exercice du droit de visite et d'hébergement - article 373-2-1 du code civil - ainsi qu'un motif de refus par le parent victime de présentation de l'enfant mineur - article 227-5 du code pénal.
Or il appartient de distinguer les relations entre les parents de celles de chaque parent avec son enfant.
Dans le cas de violences exercées à l'encontre d'un enfant, le droit de visite et d'hébergement doit, bien évidemment, être supprimé. Au contraire, de mauvaises relations entre les parents ne doivent pas affecter la relation de chaque parent avec son enfant, qui doit survivre au naufrage du couple parental. Un mauvais mari n'est pas forcément un mauvais père.
Par conséquent, un certain nombre de dispositifs ont été mis en place pour garantir des rencontres plus sereines entre les parents et les enfants, notamment par l'intermédiaire d'associations et de points relais. Le juge aux affaires familiales a la possibilité de prescrire ce genre de disposition lorsqu'il y a un risque.
La commission émet donc un avis défavorable sur l'amendement n° 35, car on ne peut pas mélanger les violences dans le couple et les violences vis-à-vis des enfants et parce qu'il convient de préserver les liens familiaux.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Je souhaite revenir sur ce sujet, même si je donne l'impression de répéter ce que vient de dire M. Hyest.
L'amendement n° 35 vise à interdire à l'auteur de violences conjugales de voir ses enfants. C'est une solution bien radicale, vous en conviendrez !
Il repose sur un préjugé, à savoir que toutes les violences conjugales sont commises par des personnes qui sont également dangereuses pour leurs enfants.
Certes, on peut convenir que les enfants sont aussi les victimes des violences conjugales, qu'ils sont victimes du déchirement du couple. Cependant, cela ne signifie pas qu'il faille couper tout lien entre l'enfant et l'auteur des violences. Au contraire, la réflexion menée sur ce sujet depuis de nombreuses années conduit à penser qu'il faut préserver les enfants des litiges qui opposent leurs parents.
Or, madame Demontès, votre amendement va exactement dans le sens inverse. En effet, il fait de la privation des droits de visite une sorte de peine complémentaire contre l'auteur de violences.
Il faut laisser au code pénal le soin d'organiser la sanction contre l'auteur des violences et au code civil celui de veiller à l'intérêt de l'enfant. Ne mélangeons pas les deux codes.
C'est la raison pour laquelle je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, j'émettrais un avis défavorable.
M. le président. L'amendement n° 35 est-il maintenu, madame Demontès ?
Mme Christiane Demontès. Oui, monsieur le président.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 35.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article additionnel avant l'article 5 bis
M. le président. L'amendement n° 23, présenté par Mmes Mathon-Poinat, Borvo Cohen-Seat, Assassi, David, Luc et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article 5 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. Les victimes de violences au sein de leur couple, qui ont des revenus inférieurs à 75 % du salaire minimum interprofessionnel de croissance, bénéficient d'une aide financière payable en une seule fois et correspondant à six fois le salaire minimum interprofessionnel de croissance.
II. Le taux prévu à l'article 219 du code général des impôts est relevé à due concurrence.
La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat
Mme Josiane Mathon-Poinat. Nous proposons que les femmes victimes de violences conjugales et disposant de revenus inférieurs à 75 % du SMIC perçoivent une aide financière équivalente à six fois le SMIC.
Certes, ces femmes peuvent bénéficier du revenu minimum d'insertion, le RMI, ou de l'allocation de parent isolé, l'API, si elles ne disposent pas de ressources suffisantes pour vivre après un départ précipité de leur domicile. Mais, mes chers collègues, dois-je vous rappeler que ces deux allocations ne permettent pas de répondre à l'urgence de la situation, le montant mensuel du RMI étant fixé à 433,06 euros pour une personne sans enfant et celui de l'API à 735,75 euros pour une personne ayant un enfant à charge ?
Nous refusons d'autant plus de faire dépendre les femmes victimes de violences de ces allocations que le projet de loi pour le retour à l'emploi et sur les droits et les devoirs des bénéficiaires de minima sociaux, que le Sénat va examiner dès demain, a pour objet de fusionner RMI et API, comme le préconise le rapport de MM. Mercier et de Raincourt, remis au Gouvernement voilà un mois. Vous comprenez donc notre inquiétude.
Ces femmes sont en droit d'attendre un peu plus de la solidarité nationale, d'autant que le Gouvernement n'hésite pas à multiplier les cadeaux fiscaux en faveur des entreprises et des foyers les plus riches. Il est donc temps de faire un geste en direction de celles et de ceux qui en ont le plus besoin.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Pour des raisons qui ont déjà été exposées en première lecture et parce que d'autres solutions existent, la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 23.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 5 bis
Le Gouvernement dépose, tous les deux ans, sur le bureau des assemblées parlementaires un rapport sur la politique nationale de lutte contre les violences au sein des couples, portant notamment sur les conditions d'accueil, de soin et d'hébergement des victimes, leur réinsertion sociale, les modalités de la prise en charge sanitaire, sociale ou psychologique des auteurs des faits ainsi que le nombre, la durée et le fondement juridique des mesures judiciaires tendant à leur ordonner de résider hors du domicile ou de la résidence du couple.
M. le président. L'amendement n° 25, présenté par Mmes Mathon-Poinat, Borvo Cohen-Seat, Assassi, David, Luc et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :
Pour établir ce rapport, il est créé dans chaque département, un observatoire départemental des violences à l'encontre des femmes qui sera chargé d'établir un état des lieux, de faire des propositions et de permettre la mutualisation des bonnes pratiques. Ces observatoires départementaux, créés auprès des conseils généraux, auront une démarche partenariale.
Afin de permettre une réelle visibilité de la politique gouvernementale, des objectifs annuels précis seront fixés, les moyens financiers de leur réalisation seront précisés et votés par le Parlement.
La parole est à Mme Hélène Luc.
Mme Hélène Luc. En première lecture, les membres du groupe CRC avaient fait le choix de présenter un amendement prévoyant que, tous les ans, le Gouvernement déposerait sur le bureau des assemblées parlementaires un rapport relatif à la politique menée en faveur de la lutte contre les violences conjugales.
Aujourd'hui, si nous souscrivons plus ou moins à la proposition formulée à l'article 5 bis du texte que nous examinons, aux termes de laquelle le Gouvernement dépose un rapport non pas tous les ans mais tous les deux ans, nous aimerions néanmoins que ce document soit fondé sur un travail de terrain par le biais d'observatoires départementaux des violences à l'encontre des femmes. Des objectifs annuels seraient fixés à ces instances, constituées dans chaque département, afin de ne pas attendre deux ans le dépôt du rapport gouvernemental.
Par ailleurs, il nous semple opportun de mutualiser les bonnes pratiques déjà mises en oeuvre dans certains départements comme la Seine-Saint-Denis au sein d'un observatoire départemental. Dans le Val-de-Marne, par exemple, une association départementale mène à bien cette tâche, aide également les femmes, mais elle ne présente pas l'avantage d'être un organisme officiel.
Nous aimerions avoir une meilleure connaissance des actions entreprises sur le terrain et nous pensons que lesdits observatoires peuvent y aider. Ce n'est qu'avec une telle connaissance que pourront être affinées les mesures d'éducation et de prévention nécessaires. En effet, il est très préoccupant de constater que de nombreux jeunes hommes commettent des brutalités envers leur femme.
Pour toutes ces raisons, nous souhaitons très vivement que l'amendement n° 25 soit adopté à l'unanimité, ce qui ne devrait pas poser de problème.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Nous disposons d'ores et déjà de l'Observatoire national de la délinquance ainsi que d'un certain nombre d'autres outils. De plus, je ne suis pas certain que le cadre des conseils généraux, auprès desquels seraient créés les observatoires départementaux en question, soit le plus approprié, à moins qu'ils n'aient trop d'argent et qu'ils ne puissent alors mettre en place un certain nombre de dispositifs supplémentaires !
Au niveau des départements, des commissions existent et des statistiques départementales peuvent être élaborées par l'Observatoire. Ces dispositions suffisent.
De plus, la mesure proposée n'est pas du domaine de la loi. Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. D'une part, la disposition proposée n'est pas du ressort de la loi. D'autre part, madame Luc, je ne méconnais pas le travail réalisé par les observatoires, mais comme je l'ai déjà indiqué voilà quelques semaines à Mme Jacquaint, des commissions existent déjà dans chaque département. J'ai proposé à votre collègue de l'Assemblée nationale de fusionner les outils existants de façon que puisse travailler l'ensemble des acteurs concernés sur le sujet afin d'obtenir des informations précises. Nous disposerons ainsi des éléments nécessaires sans multiplier les structures.
C'est pourquoi le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Hélène Luc, pour explication de vote.
Mme Hélène Luc. Je pense que l'on sous-estime l'ampleur de ce qui reste à faire, je vous l'ai d'ailleurs déjà dit, madame la ministre
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Mais non !
Mme Hélène Luc. Il faut prendre des mesures concrètes et savoir où en est la lutte contre les violences conjugales.
En première lecture, Mme Assassi a expliqué ce que faisait l'observatoire. On comprend les actions qui doivent être entreprises et qui ne sont pas mises en oeuvre de manière continue. J'insiste sur ce point : si tous les deux ans seulement est déposé sur le bureau des assemblées parlementaires un rapport gouvernemental qui ne s'appuie pas sur une connaissance concrète de ce qui se passe dans les départements, le but recherché ne sera pas atteint.
M. le président. Je mets aux voix l'article 5 bis.
(L'article 5 bis est adopté.)
Article 5 ter
I. - Après l'article 222-16-1 du code pénal, il est inséré un article 222-16-2 ainsi rédigé :
« Art. 222-16-2. - Dans le cas où les crimes et délits prévus par les articles 222-8, 222-10 ou 222-12 sont commis à l'étranger sur une victime mineure résidant habituellement sur le territoire français, la loi française est applicable par dérogation aux dispositions de l'article 113-7. S'il s'agit d'un délit, les dispositions de la seconde phrase de l'article 113-8 ne sont pas applicables. »
II. - Dans le 1° de l'article 226-14 du même code, après le mot : « atteintes », sont insérés les mots : « ou mutilations ».
III. - Dans le dernier alinéa de l'article 7 du code de procédure pénale, les mots : « et commis contre des mineurs » sont remplacés par les mots : « du présent code et le crime prévu par l'article 222-10 du code pénal, lorsqu'ils sont commis sur des mineurs, ».
IV. - Dans le dernier alinéa de l'article 8 du même code, les références : « 222-30 et 227-26 » sont remplacées par les références : « 222-12, 222-30 et 227-26 du code pénal ». - (Adopté.)
Article 5 quater
Dans le dernier alinéa de l'article 222-47 du code pénal, après les mots : « par les articles », sont insérés les mots : « 222-23 à 222-31, lorsqu'ils sont commis sur des mineurs, et par les articles ».
M. le président. L'amendement n° 10, présenté par M. de Richemont, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Dans cet article, remplacer la référence :
222-31
par la référence :
222-30
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de coordination.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 5 quater, modifié.
(L'article 5 quater est adopté.)
Article 5 quinquies
I. - Après l'article 225-11-1 du code pénal, il est inséré un article 225-11-2 ainsi rédigé :
« Art. 225-11-2. - Dans le cas où le délit prévu par le 1° de l'article 225-7 est commis à l'étranger par un Français ou par une personne résidant habituellement sur le territoire français, la loi française est applicable par dérogation au deuxième alinéa de l'article 113-6 et les dispositions de la seconde phrase de l'article 113-8 ne sont pas applicables. »
II. - Après le 3° de l'article 225-12-2 du même code, il est inséré un 4° ainsi rédigé :
« 4° Lorsque l'auteur des faits a délibérément ou par imprudence mis la vie de la personne en danger ou a commis contre elle des violences. »
III. - L'article 225-20 du même code est complété par un 7° ainsi rédigé :
« 7° L'interdiction d'exercer, soit à titre définitif, soit pour une durée de dix ans au plus, une activité professionnelle ou bénévole impliquant un contact habituel avec des mineurs. »
IV. - L'article 227-23 du même code est ainsi modifié :
1° Dans la première phrase du premier alinéa, les mots : « trois ans d'emprisonnement et de 45 000 € » sont remplacés par les mots : « cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 € » ;
2° La seconde phrase du premier alinéa est supprimée ;
3° Dans le deuxième alinéa, après les mots : « Le fait d'offrir », sont insérés les mots : «, de rendre disponible » ;
4° Dans le troisième alinéa, les mots : « cinq ans d'emprisonnement et à 75 000 € » sont remplacés par les mots : « sept ans d'emprisonnement et à 100 000 € » ;
5° Après le troisième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« La tentative des délits prévus aux alinéas précédents est punie des mêmes peines. » ;
6° Dans l'avant-dernier alinéa, les mots : « aux deuxième, troisième et quatrième alinéas » sont remplacés par les mots : « au présent article ».
V. - Après l'article 227-28-2 du même code, il est inséré un article 227-28-3 ainsi rédigé :
« Art. 227-28-3. - Le fait de faire à une personne des offres ou des promesses ou de lui proposer des dons, présents ou avantages quelconques afin qu'elle commette à l'encontre d'un mineur l'un des crimes ou délits visés aux articles 222-22 à 222-31, 225-5 à 225-11, 227-22, 227-23 et 227-25 à 227-28 est puni, lorsque cette infraction n'a été ni commise ni tentée, de trois ans d'emprisonnement et 45 000 € d'amende si cette infraction constitue un délit, et de sept ans d'emprisonnement et 100 000 € d'amende si elle constitue un crime. »
VI. - Dans l'article 706-47 du code de procédure pénale, après les mots : « d'atteintes sexuelles », sont insérés les mots : « ou de proxénétisme à l'égard d'un mineur », et la référence : « 225-12-1 » est remplacée par les références : « 225-7 (1°), 225-7-1, 225-12-1, 225-12-2 ». - (Adopté.)
Article 5 sexies
Après l'article 706-56 du code de procédure pénale, il est inséré un article 706-56-1 ainsi rédigé :
« Art. 706-56-1. - Sur instruction du procureur de la République du lieu de résidence ou de détention de l'intéressé, sont inscrites, dans le fichier prévu par le présent titre, les empreintes génétiques des personnes de nationalité française, ou de nationalité étrangère résidant de façon habituelle sur le territoire national, et qui ont été condamnées par une juridiction pénale étrangère pour une infraction de même nature que celles mentionnées aux 1° et 2° de l'article 706-55, lorsque ces condamnations, en application d'une convention ou d'un accord international, ont fait l'objet d'un avis aux autorités françaises ou ont été exécutées en France à la suite du transfèrement des personnes condamnées. Les dispositions de l'article 706-56 sont applicables à ces personnes. » - (Adopté.)
Intitulé de la proposition de loi
M. le président. L'amendement n° 26, présenté par MM. Courteau et Bel, Mmes M. André et Alquier, MM. Assouline et Bodin, Mmes Boumediene-Thiery, Y. Boyer, Bricq, Cerisier-ben Guiga et Demontès, MM. Guérini et Lagauche, Mme Le Texier, M. Mauroy, Mmes Printz, Schillinger, Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après les mots :
au sein des couples
supprimer la fin de l'intitulé de la proposition de loi
La parole est à M. Roland Courteau.
M. Roland Courteau. La proposition de loi que nous examinons aujourd'hui a été saluée par l'ensemble des associations qui oeuvrent depuis tant d'années pour la reconnaissance de ce fléau et pour sa prise en charge.
Certes, s'il est indispensable de lutter contre les mariages forcés et les mutilations sexuelles, il faut veiller, d'une part, à ne pas laisser tout doucement s'insinuer l'idée que les violences dont sont victimes les femmes seraient uniquement liées à des pratiques culturelles ou religieuses venues d'ailleurs et, d'autre part, à ne pas brouiller le message.
Or, le titre d'une loi, d'un point de vue pédagogique, a une très grande importance. C'est la raison pour laquelle je vous propose de revenir à l'intitulé initial de la proposition de loi, à savoir « proposition de loi renforçant la prévention et la répression des violences au sein des couples ». Bref, il s'agit de conserver toute sa force à ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Monsieur Courteau, c'est admirable ! Vous avez approuvé les dispositions visant notamment les mineurs et le tourisme sexuel. Dès lors, il faut bien compléter l'intitulé de la proposition de loi !
M. Roland Courteau. Non !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Mais si, mon cher collègue, sinon on se heurterait à la sanction du Conseil constitutionnel. Vous êtes en pleine contradiction !
M. Roland Courteau. Si vous le dites !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. J'ai moi-même regretté que le domaine des violences conjugales ne constitue pas un ensemble distinct de tout autre sujet. Mais, mes chers collègues, au cours de l'examen d'un projet ou d'une proposition de loi, il nous arrive souvent d'introduire dans le texte examiné des dispositions, certes intéressantes, mais qui s'écartent quelque peu du sujet abordé.
En l'occurrence, nous avons adopté des mesures concernant les mineurs et le tourisme sexuel. Par conséquent, il faut en tenir compte dans le titre de la proposition de loi.
Monsieur Courteau, je vous adresse un appel : je vous demande bien vouloir retirer votre amendement, faute de quoi la commission émettra un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Courteau, l'amendement n° 26 est-il retiré ?
M. Roland Courteau. Non, je le maintiens, monsieur le président, car M. le rapporteur ne m'a pas convaincu.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Les autres dispositions de la proposition de loi ne font pas l'objet de la deuxième lecture.
Vote sur l'ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à Mme Michèle André, pour explication de vote.
Mme Michèle André. Je me réjouis grandement du cheminement de cette proposition de loi que nous avions déposée l'an passé et qui a pu être inscrite à l'ordre du jour des travaux de la Haute Assemblée, ce dont je remercie le Gouvernement. Je suis certaine qu'au cours des prochains mois le Sénat et l'Assemblée nationale arriveront à adopter définitivement ce texte.
Je vous remercie également, monsieur Hyest, du travail que nous avons effectué ensemble sur cette question. Comme vous, je regrette qu'aient été ajoutées des dispositions qui vont bien au-delà des violences conjugales, telle la question des mariages mixtes, au risque de voir surgir des amalgames qui pourraient être préjudiciables et quelques méfiances injustifiées.
Cependant, un grand progrès a été réalisé. Madame la ministre, vous avez une charge admirable, mais ô combien lourde quand il s'agit de faire évoluer les mentalités.
Pour ce qui concerne les violences faites aux femmes, lors de la rédaction, en 1989, de la première circulaire qui a servi de base au travail des commissions départementales, alors que j'étais secrétaire d'État chargée des droits des femmes, nous n'étions pas du tout certains de trouver un écho favorable auprès de l'opinion publique. Nous craignions même de nous heurter à des hostilités pour atteinte à la vie privée.
Seize années se sont écoulées depuis. Est-ce trop court ou trop long ? Compte tenu de l'enjeu, des mauvaises pensées qui animent encore certains de nos concitoyens et des pratiques, je considère que notre travail constitue un progrès.
Selon une étude réalisée par la déléguée régionale en Île-de-France en 1989, 75 % des appels à Police secours, la nuit, concernaient des violences familiales, de tels appels pouvant intéresser également des enfants.
Il était nécessaire d'oeuvrer en la matière. Je suis heureuse que nos collègues masculins se soient mis au travail avec nous et j'apprécie la manière dont ils l'ont fait. Les graines que nous avons semées voilà seize ans ont produit quelques feuilles et quelques fleurs !
Je veux également saluer le travail qu'effectuent les magistrats, la justice en général. Mes chers collègues, comme certains d'entre vous, j'ai eu l'occasion de faire un stage en juridiction, plus précisément à Nanterre. Les longs après-midi de cette juridiction commencent à quinze heures et s'achèvent à deux heures du matin. Lors des audiences en comparution immédiate auxquelles j'ai assisté, trois problèmes ont été traités. Le juge, examinant un cas particulièrement grave, a condamné la personne en cause à aller directement en prison. Les magistrats, la police et la gendarmerie ont pris très au sérieux ces problèmes.
D'une manière générale, le traitement des violences évolue favorablement. Il faut cependant continuer dans cette voie car, lorsque la violence commise dans l'enceinte du domicile n'est pas réprimée, elle gagne les établissements scolaires, la rue. Nous savons fort bien à quoi nous nous exposons.
Les membres du groupe socialiste voteront cette proposition de loi et se réjouissent de l'avancée qu'elle constitue. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat, pour explication de vote.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Nous voulions, dès le départ, un texte efficace, traduisant un certain dynamisme. La proposition initiale visait à tout prendre en charge, comme une loi cadre. Bien que le texte qui nous est soumis aujourd'hui ait quelque peu « glissé » par rapport à l'original, il comporte cependant des points positifs.
Madame la ministre, vous nous avez annoncé un certain nombre de mesures, de protocoles, de moyens financiers. Nous serons extrêmement vigilants à ce que tout cela soit mis en place très vite, à ce que les moyens destinés aux associations leur parviennent rapidement ; nous serons sans cesse en éveil et saurons vous rappeler à l'ordre si la mise en oeuvre de toutes ces mesures tarde un peu trop.
Pour l'heure, nous voterons ce texte.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.
(La proposition de loi est adoptée.)
M. le président. Je constate que la proposition de loi a été adoptée à l'unanimité. (Applaudissements.)
9
Droit de vote et d'éligibilité des étrangers aux élections municipales
Rejet d'une demande de discussion immédiate d'une proposition de loi constitutionnelle
M. le président. Je rappelle au Sénat que, en application de l'article 30, alinéas 1 et 4, du règlement du Sénat, Mme la présidente Nicole Borvo Cohen-Seat et M. le président Jean-Pierre Bel ont demandé la discussion immédiate de la proposition de loi constitutionnelle visant à accorder le droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales aux étrangers non ressortissants de l'Union européenne résidant en France.
Cette demande a été signée par au moins trente sénateurs dont la présence en séance publique a été constatée par appel nominal.
Le délai prévu par l'article 30, alinéa 2, du règlement est expiré et le Sénat a terminé l'examen du dernier point inscrit par priorité à l'ordre du jour réservé du Sénat.
En conséquence, je vais appeler le Sénat à statuer sur la demande de discussion immédiate.
Je rappelle que, en application de l'alinéa 6 de l'article 30 du règlement, le débat engagé sur cette demande « ne peut jamais porter sur le fond ».
Ont seuls droit à la parole l'auteur de la demande, un orateur contre, le président ou le rapporteur de la commission, et le Gouvernement.
Aucune explication de vote n'est admise.
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, auteur de la demande.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, je parle ici au nom de M. Jean-Pierre Bel, de Mme Marie-Christine Blandin, et, plus généralement, de l'ensemble des membres du groupe socialiste et apparenté ainsi que du groupe CRC du Sénat.
Décidément - l'heure tardive le montre - il faut beaucoup d'opiniâtreté pour bousculer le fait majoritaire dans notre assemblée.
La mise en oeuvre, aujourd'hui, de la procédure de discussion immédiate par au moins trente sénatrices et sénateurs pour que vienne en débat une proposition de loi constitutionnelle relative au droit de vote et d'éligibilité des étrangers non communautaires aux élections municipales constitue une réponse au refus systématique d'inscription à l'ordre du jour des propositions de loi présentées par l'opposition sénatoriale.
Pourtant, aux termes de la réforme constitutionnelle de 1995, a été instaurée une journée d'initiative parlementaire qui, dans l'esprit et selon la lettre de la Constitution, doit être organisée de façon pluraliste. Or, à la différence de ce qui se passe à l'Assemblée nationale, la majorité sénatoriale n'a jamais accepté que les groupes de l'opposition aient la liberté de choisir les thèmes qu'ils souhaitaient pour ce qu'il est convenu d'appeler leur « niche parlementaire ».
Au moment où certaines personnalités de la majorité évoquent un statut pour l'opposition, nous en sommes, au Sénat, réduits à utiliser des procédures indirectes pour obliger la majorité à débattre - seulement débattre - des propositions de l'opposition.
Ici, la journée d'initiative parlementaire s'est réduite, au fil des années, à un ordre du jour complémentaire, souvent, d'ailleurs, très utile au Gouvernement.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Nous venons d'adopter une de vos propositions de loi. Votre propos est un peu paradoxal !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cette journée mensuelle devrait être un moment de respiration démocratique dans notre assemblée, un moment de confrontations des idées, un moment de vrais débats, à la différence de cette litanie de textes imposés souvent à marche forcée par un gouvernement qui n'a jamais autant considéré Sénat et Assemblée nationale comme de vulgaires chambres d'enregistrement.
Nous voulons témoigner ici qu'il est temps de mettre fin à cette domination sans partage de notre assemblée par une majorité assise sur un mode de scrutin injuste. C'est pour cette raison que le groupe communiste républicain et citoyen ainsi que le groupe socialiste et apparenté ont décidé de « prendre le taureau par les cornes » en soumettant au débat une proposition de loi qui leur tient particulièrement à coeur : le droit de vote et d'éligibilité des étrangers aux élections municipales.
D'emblée, je tiens à préciser que le texte qui est soumis aujourd'hui est une reprise de la proposition de loi constitutionnelle adoptée par l'Assemblée nationale le 3 mai 2000.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission. Pas tout à fait !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il n'est pas possible, en effet, en application de l'article 30 du règlement du Sénat, de reprendre un projet de loi. C'est la raison pour laquelle nous avons, en commun, déposé une nouvelle proposition de loi, dont les termes sont identiques à ceux du texte que je viens d'évoquer.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission. Pas tout à fait !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cette référence à l'étape importante franchie voilà cinq ans, par le biais, justement, d'une niche parlementaire, explique que nous ne proposions pas d'aller plus loin dans l'instauration du droit de vote et d'éligibilité. Le débat devra avoir lieu pour d'autres élections.
Pour l'heure, nous proposons de franchir un cap significatif, déjà validé par l'une des deux chambres du Parlement : l'Assemblée nationale. Il s'agit d'un cap démocratique d'une adresse solennelle au monde : la République française est fidèle à ses idéaux de justice, de citoyenneté, d'ouverture.
En ces heures de doute sur la capacité de notre pays à accueillir, à intégrer des populations d'origine étrangère, l'accès au droit de vote manifesterait sans ambiguïté que notre société est bien tournée vers l'avenir.
Cette proposition de loi constitutionnelle répond également à un objectif immédiat : réparer la discrimination, que nous avons, nous, membres de l'opposition, toujours regrettée, entre étrangers communautaires et étrangers non communautaires.
Ainsi, dès 1992, nous avions souligné la grande injustice qui consistait à accorder le droit de vote et d'éligibilité à un ressortissant de l'Union européenne récemment établi sur notre sol et à le refuser à un salarié algérien ou marocain résidant en France depuis trente ans.
En 1992, le droit de vote des étrangers communautaires a, en effet, été intégré dans la Constitution. Une directive du 19 décembre 1994 a généralisé ce principe à tous les pays membres. Elle a été transposée en droit interne par une loi organique promulguée le 25 mai 1998.
Un intéressant rapport publié par le Sénat, comparant les législations de différents pays européens, l'indique : « Les ressortissants des pays de l'Union européenne ont pu voter aux élections européennes pour la première fois en 2001. Quant aux autres étrangers, quelle que soit la durée de leur séjour dans notre pays, ils sont exclus du droit de vote. »
Ce même rapport souligne les prises de position d'un certain nombre de personnalités en faveur du droit de vote et rappelle le vote émis par l'Assemblée nationale le 3 mai 2000.
Il montre que de nombreux pays européens ouvrent la citoyenneté aux résidents étrangers. Ainsi, l'Irlande a pris cette décision depuis 1963. La Belgique, le Danemark, le Luxembourg, les Pays-Bas, la Suède et certains cantons suisses ont déjà adopté une législation comparable au texte que nous souhaitons voir examiné aujourd'hui. L'Espagne, le Portugal, le Royaume-Uni accordent le droit de vote à des ressortissants de certains pays.
La France peut-elle longtemps rester en retrait ?
Cette discrimination entre étrangers communautaires et étrangers non communautaires est difficile à admettre et suscite une grande frustration, notamment chez les enfants de ces hommes et de ces femmes qui, devenus Français, n'ont jamais vu leur parents ou leurs grands-parents voter.
Les résidents étrangers établis sur notre sol disposent des droits civils, économiques et sociaux. Ils en partagent les devoirs, mais leurs droits s'arrêtent à la porte des bureaux de vote. Une telle discrimination est indéfendable.
Depuis de nombreuses années, les groupes parlementaires de gauche ont déposé des propositions de loi pour mettre fin à cette injustice. Pour notre part, c'est le 5 avril 1990, sur l'initiative de Mme Luc, que nous avons déposé la première sur le bureau du Sénat.
Celle que nous défendons aujourd'hui est celle de toute la gauche et je me réjouis de l'initiative commune que j'ai l'honneur de présenter aujourd'hui.
L'opinion publique, longtemps réticente, est maintenant majoritairement favorable. Un sondage rendu public en octobre indique, en effet, que 63 % des Françaises et des Français sont favorables au droit de vote des étrangers aux élections municipales
Peut-être cette évolution explique-t-elle un ralliement progressif, tout au moins en paroles, de certains membres de la majorité...
En 1999, M. de Robien s'est prononcé pour le droit de vote des étrangers aux élections locales ; le 3 mai 2000, M. Borloo a voté pour le texte que j'évoquais ; en 2001, ce fut au tour de M. Bayrou de basculer ; enfin - cerise sur le gâteau ! - c'est M. Sarkozy qui, le 25 octobre, a pris à revers son propre parti, qu'il préside au demeurant, en s'exprimant pour le droit de vote, ce avant - notons-le - de mettre le feu aux banlieues !
Il s'agit tout de même de trois ministres, et non des moindres, ainsi que des deux présidents des deux partis de la majorité. Et je ne rappellerai pas que M. Jacques Chirac, futur Président de la République, s'était exprimé dès 1977 en faveur du droit de vote des étrangers aux élections municipales.
Pourtant, tout indique, à moins d'une heureuse surprise, que la majorité sénatoriale, nonobstant les prises de positions loin d'être anodines que je viens d'évoquer, s'apprête, non seulement à refuser d'approuver la proposition de loi constitutionnelle présentée par le groupe socialiste et apparenté et par le groupe communiste républicain et citoyen, mais, surtout, à écarter l'idée même d'une discussion sur le sujet.
Il faut, en effet, préciser que les largesses du règlement du Sénat à l'égard de l'opposition ont leur limite.
Ainsi, l'article 30, présentement mis en oeuvre, comporte deux étapes. Il est d'abord procédé à un vote sur l'ouverture ou non de la discussion sur la proposition de loi visée, au terme d'un débat réduit à sa plus simple expression : un orateur pour, un orateur contre, une intervention de la commission et, éventuellement, du Gouvernement, aucune explication de vote n'étant autorisée. C'est regrettable, puisque cela empêche certains de s'exprimer.
Tout porte à croire que nous ne dépasserons pas cette étape ce soir.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission. C'est vraisemblable !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. La majorité se trouve donc devant une contradiction : déjuger ses propres responsables ou donner, pour une fois, du crédit à une proposition de l'opposition, au risque de froisser une partie des siens.
Certains déclarent, à l'UMP notamment, qu'il est trop tôt pour agir, qu'il faut attendre 2007 pour engager cette réforme. J'estime, avec les signataires de cette proposition de loi, qu'il ne serait pas tolérable de repousser aux élections municipales de 2014 l'instauration du droit de vote et d'éligibilité des étrangers à ces élections, alors que de nombreux pays de l'Union européenne ont fait leur cette avancée démocratique.
Mme Marie-Christine Blandin le disait avec pertinence : la France n'a déjà pas été parmi les premiers pays européens à accorder le droit de vote aux femmes ; souhaitons qu'elle ne soit pas le dernier à l'accorder aux étrangers lors des élections municipales !
M. Roland Courteau. Très bien !
Mme Hélène Luc. Absolument !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il est trop simple d'afficher des positions pour séduire telle ou telle frange de l'électorat et de ne pas les assumer au moment du vote.
Je considère qu'un éventuel refus de discussion de la part de la majorité sénatoriale serait grave à deux titres : sur le plan de la forme, tout d'abord, car cela signifierait une nouvelle fois le refus d'accorder tout pouvoir d'initiative digne de ce nom à l'opposition.
Je rappelle que la demande d'inscription à l'ordre du jour de cette proposition de loi est récurrente ; jamais elle n'a été acceptée par la conférence des présidents du Sénat. Sachez, monsieur le président, que nous prendrons date et que nous n'aurons de cesse de faire respecter nos droits dans cette institution qui doit enfin rompre ave une conception monolithique, archaïque et antidémocratique du fait majoritaire.
Quel est le sens de notre assemblée, quel sera son devenir s'il ne peut supporter d'aborder un tel sujet dans la sérénité ? Le Sénat, qui se prévaut d'assurer la représentation des collectivités territoriales, offre pourtant un cadre tout désigné pour débattre des conditions de mise en oeuvre du mode de scrutin pour les élections municipales.
Ce refus de discuter serait grave, ensuite, sur le fond, car la majorité sénatoriale bloquerait la possibilité d'entamer un débat fondamental sur l'évolution de la citoyenneté, sur les rapports entre citoyenneté et nationalité, sur l'intégration.
La toute récente explosion de violence dans les quartiers difficiles manifeste, au-delà du caractère répréhensible des dégradations perpétrées à cette occasion, un mal-être, une crise d'appartenance qui interpelle fortement l'ensemble de la société. Que les jeunes concernés soient Français - ce qu'ils sont pour la plupart - ou non, tous vivent leur rapport à l'immigration comme une exclusion, comme un facteur de discrimination.
Cette explosion, comme l'ont noté les premières études, y compris celles de la police elle-même, n'avait pas de caractère communautariste. C'était un cri que la majorité devra bien entendre un jour.
Bien entendu, la réponse doit être apportée sur le plan de la formation, de l'emploi, de l'accès à la culture, du logement, de la lutte contre la pauvreté et les discriminations. En un mot, il doit s'agir d'une réponse globale. L'envoi d'un signe fort d'ouverture de la société française, la manifestation franche d'une volonté d'intégration permettront sans nul doute d'établir un dialogue avec cette jeunesse trop souvent méprisée et exclue.
Le droit de vote est l'un de ces signaux tant attendus par de nombreux jeunes, pour leurs parents et leurs grands-parents.
Monsieur le président, mes chers collègues, le Sénat va devoir trancher entre une attitude de progrès, d'épanouissement démocratique, et une posture de repli, de fermeture, d'exclusion.
Nous souhaitons que la Haute Assemblée opte pour le débat, qui permettra d'échanger et de confronter nos points de vue.
Mes chers collègues, sachons montrer une conception ouverte de notre nation, fidèle aux promesses universalistes de la République ; sachons relever le défi du vivre ensemble.
Sachons aussi être les héritiers de ceux qui ont fait la République, qui en ont diffusé le rayonnement de par le monde ; sachons démontrer, à l'instar de Jean Jaurès, que la République est un acte permanent de confiance en l'homme. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Patrice Gélard, contre la demande de discussion immédiate.
M. Patrice Gélard. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, ce qui me frappe aujourd'hui, dans le dépôt de cette proposition de loi, ce sont les objectifs visés.
Mme Dominique Voynet. Ils sont limpides !
M. Patrice Gélard. Il s'agit, dans l'immédiat, non pas de proposer une révision de la Constitution, mais de réaliser un coup médiatique et de nous mettre en difficulté. (Protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. Philippe Goujon. C'est évident !
Mme Hélène Luc. Vous êtes vraiment défensif !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cela ne vous honore pas !
M. Patrice Gélard. Je vais tenter de le démontrer simplement.
On nous a rappelé à plusieurs reprises qu'avait été adoptée, en mai 2000, une proposition de loi déposée par un groupe qui n'existe plus mais qui existait à l'époque, le groupe RCV, qui comprenait des républicains, des chevènementistes et des écologistes.
Mme Dominique Voynet. Radicaux et citoyens !
M. Patrice Gélard. Ce qui est étonnant, c'est que la majorité de l'époque a donné l'impression de vouloir accepter cette proposition, mais l'a profondément dénaturée, et ce de trois façons.
Elle a d'abord dénaturé le texte en l'amendant pour en atténuer la portée. Les élections municipales devaient ainsi être seules concernées, et non les élections locales dans leur ensemble.
Mme Dominique Voynet. C'était pour vous convaincre !
M. Patrice Gélard. Il était précisé, par ailleurs, que les étrangers ne pouvaient accéder aux fonctions de maire ou d'adjoint et ne pouvaient participer aux élections sénatoriales.
Ensuite, elle a limité la portée de la proposition de loi pour donner des gages à différents partenaires.
Cette proposition de loi a, bien évidemment, été adoptée par la majorité de l'Assemblée nationale, mais - c'est le troisième point - les choses se sont arrêtées là. Pendant deux ans, le texte adopté par l'Assemblée nationale n'est pas parvenu au Sénat. Or qui avait, à cette époque, de 2000 à 2002, le quasi-monopole de la fixation de l'ordre du jour du Sénat,...
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Le Gouvernement : M. Jospin.
M. Patrice Gélard. ...si ce n'est le Gouvernement, alors dirigé par M. Jospin ?
En d'autres termes, vous avez adopté ce texte à l'Assemblée nationale, puis vous l'avez enterré. (Murmures sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
Tout à coup, aujourd'hui, cette proposition de loi reparaît, peut-être justement parce que l'UMP, comme l'UDF d'ailleurs, ont abordé ce problème clairement !
Nous avons, en effet, décidé d'examiner en profondeur les différentes dispositions que ce texte entraînait et les conséquences qu'il portait en lui.
Mme Hélène Luc. Vous n'allez pas l'adopter !
M. Patrice Gélard. Mais je parle contre cette demande, madame Luc !
Mme Hélène Luc. Cela se voit !
M. Patrice Gélard. Il est vrai que, en 2000, nous n'avons pas voté en faveur de ce texte. Toutefois, comme l'a souligné tout à l'heure Mme Borvo, nous avons évolué, les uns et les autres, et nous avons décidé d'engager le débat.
Cela pose cependant un certain nombre de problèmes. Ainsi, on constate une certaine confusion entre citoyenneté et droit de vote : l'article 3 de la Constitution porte à l'heure actuelle très clairement que « sont électeurs tous les nationaux français majeurs des deux sexes », voilà tout.
Madame Borvo, vous avez cité tout à l'heure un certain nombre de pays où les étrangers jouissent effectivement du droit de vote aux élections locales.
Mme Hélène Luc. Oui !
M. Patrice Gélard. Ce que l'on oublie de dire pourtant, c'est que, dans ces pays, il est impossible, ou presque, d'acquérir la nationalité. (Marques d'approbation sur les travées de l'UMP.) Le droit de vote aux élections locales est donc le seul moyen d'associer à la vie démocratique locale des gens présents sur ces territoires depuis cinq, dix ou quinze ans et qui ne deviendront jamais ressortissants de ces pays.
Or la tradition française, c'est la tradition de l'intégration,...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous avez raison d'en parler !
M. Patrice Gélard. ...la tradition de l'acquisition de la nationalité française par le mariage, par la naissance sur le territoire national, par l'acquisition de diplômes français ou par d'autres moyens.
La France est le pays du monde où l'acquisition de la nationalité est la plus facile et la plus simple. (Protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
Mme Hélène Luc. Ce n'est pas simple, pourtant !
M. Patrice Gélard. Il y a donc un choix à faire : on devient Français et l'on acquiert le droit de vote ainsi qu'une série d'autres droits, ou bien l'on refuse la nationalité française. (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)
Nous vous avons écoutés et, nous aussi, nous avons le droit de parler. C'est cela la démocratie !
Le système français, par conséquent, réside dans la facilité d'accès à la nationalité, dans la volonté d'une intégration pleine et entière par la nationalité française, et non par l'acquisition d'un droit de vote partiel et limité.
Pour conclure, je tiens à dire que nous sommes prêts à engager le débat, mais nous ne voulons pas de la discussion en catimini, à la va-vite, que vous nous demandez ce soir.
Nous sommes prêts à débattre sur une longue période, parce que cette question remet en cause les fondements mêmes de la démocratie française, qui remontent à 1789.
N'oublions pas que la notion de citoyen ne saurait être modifiée en un tour de main ou par une proposition de loi.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est pourtant ce que l'on a fait au sujet des ressortissants communautaires !
M. Patrice Gélard. La méthode qui consiste à déposer brutalement une proposition de loi, si intéressante soit-elle, afin de l'adopter à toute vitesse et en catimini, à cette heure tardive,...
Mme Hélène Luc. Ce n'est pas un argument !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous vous égarez !
M. Patrice Gélard. ... n'est pas bonne, n'est pas logique.
Le vrai débat devra donc avoir lieu, notamment, à l'occasion de l'élection présidentielle de 2007.
Soyons sérieux : allons-nous demander au Président de la République d'organiser un référendum sur cette question, quand nous savons que les référendums aboutissent, en France, au résultat exactement inverse de celui que l'on recherche ?
Allons-nous organiser un référendum sur une question aussi importante que le droit de vote des étrangers, alors que ce point réclame un débat de fond qui n'a encore jamais eu lieu au sein du Parlement français ?
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Justement !
Mme Hélène Luc. Des sondages montrent que les Français y sont favorables !
M. Patrice Gélard. C'est pourquoi le groupe UMP refuse la discussion immédiate de cette proposition de loi constitutionnelle et demande qu'elle soit renvoyée à une date ultérieure, afin qu'elle fasse l'objet d'un véritable débat, lors de l'élection présidentielle, par exemple. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Guy Fischer. Ou aux calendes grecques !
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission. Je ferai tout d'abord observer à Mme Borvo, qui disait que l'on n'examinait jamais les propositions de loi déposées par son groupe, que tel n'a pas été le cas ce soir, puisque nous venons justement d'adopter, avec une notable unanimité, des propositions de loi issues de l'opposition.
M. Guy Fischer. Combien cela en fait-il, en définitive ?
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous avez accepté des propositions de loi, mais nous n'avons pas l'initiative !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission. Pour en revenir à la demande qui a été formulée, je dirai que l'utilisation de la procédure de discussion immédiate, prévue à l'article 30 du règlement, imposerait à la commission des lois et au Sénat un débat sans préparation, ce qui me paraît particulièrement inopportun s'agissant d'une révision constitutionnelle.
Le paradoxe est, d'ailleurs, que la procédure de discussion immédiate s'applique manifestement à l'examen des textes de loi ordinaires. En effet, un délai de quinze jours est nécessaire avant de délibérer d'un texte de loi organique.
Réviser la Constitution de cette manière n'est donc pas possible. L'examen d'un sujet aussi fondamental pour la démocratie ne peut avoir lieu dans la précipitation, après l'épuisement de l'ordre du jour - et sans doute des parlementaires ! -, en fin de séance publique.
La question du droit de vote des étrangers aux élections municipales ne saurait être débattue sereinement dans de telles conditions.
L'adoption définitive d'une proposition de loi constitutionnelle suppose une procédure lourde de révision de la Constitution, je le rappelle.
Le débat sur le droit de vote des étrangers aux élections locales est récurrent en France. Si le texte adopté par l'Assemblée nationale n'a jamais été présenté devant le Sénat, c'est sans doute parce que, quoi qu'on en dise, il n'y avait pas consensus sur ce sujet.
Quant aux sondages, madame Luc, je n'y crois guère. Si l'on devait élaborer les lois d'après les sondages, ce serait fort intéressant !
Mme Hélène Luc. Les sondages relatifs au référendum du 29 mai 2005 montraient bien quelle direction on prenait !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission. Durant peu de temps !
Pour répondre à un certain nombre d'allégations qui ont été émises, je dirai que le Sénat procède à de très intéressantes études de droit comparé. Notre pays se caractérise par le droit du sol, par une acquisition de la nationalité française par naturalisation qui est beaucoup plus facile que dans d'autres pays où le droit du sang prime.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cette position ne tient pas au regard des mesures touchant les ressortissants communautaires !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission. Le débat portant sur le statut des citoyens communautaires pour les élections locales a eu lieu. Ces citoyens se trouvent dans une situation précise : la France reconnaît une citoyenneté de l'Union européenne. La question est donc absolument différente.
Je me souviens que, lorsque nous avons institué le droit de vote aux élections locales des citoyens européens, certains voulaient étendre ce droit à tous les étrangers. Nous avions justement établi une distinction entre les uns et les autres.
Pour tous ces motifs, il me semble que ce débat mérite mieux qu'une discussion immédiate.
Mme Hélène Luc. Ce n'est pas un argument !
M. Robert Bret. Supprimez l'article 30, ce sera plus rapide !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission. Vos arguments ne m'ont pas convaincu, et je considère que l'on ne peut pas examiner ainsi cette proposition de loi ; ce ne serait pas utile en l'instant. Nous pourrons, en revanche, en débattre le moment venu.
Mme Hélène Luc. Démagogie !
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, vous me permettrez d'intervenir brièvement.
Le débat que vous lancez une fois de plus, madame Borvo, est évidemment légitime puisque, comme l'a dit M. Hyest, un certain nombre de pays, certes dans un contexte différent, ont instauré le droit de vote des étrangers aux élections municipales.
Notons l'évolution de la société française qui, grâce à l'Europe, a déjà accepté l'extension du droit de vote aux citoyens de l'Union, pour les élections européennes bien sûr, mais également pour les élections municipales. Si l'on veut bien se souvenir des mentalités françaises voilà une quinzaine d'années encore, « ce n'était pas gagné » !
Nous sommes donc témoins de cette évolution que la plupart d'entre nous, me semble-t-il, juge positive.
Le mérite de cette proposition de loi est de faire réfléchir. Elle fait réfléchir à nouveau, puisque vous l'avez déposée et redéposée. Je crois qu'il faut respecter l'évolution de la société française en organisant le débat, comme vous le faites ce soir, un peu tardivement. Peut être, toutefois, trouvera-t-il un écho.
D'année en année, de décennie en décennie, les Français acceptent une évolution de la citoyenneté, nous le voyons bien. Le fond du débat, en effet, est de répondre à cette question : quels sont les droits attachés à la citoyenneté ? Cette notion était très fermée, en droit français ; elle a tendance à s'ouvrir à cause de l'Europe.
S'ouvre-t-elle au-delà de l'Europe ? C'est une autre question, qui ne pourra être tranchée qu'après une consultation nationale ; elle ne saurait évidemment l'être à deux heures du matin devant la Haute Assemblée.
C'est une consultation nationale qu'il s'agit d'organiser, avec les maires, avec l'ensemble des élus français, avec les associations et, globalement, avec tous les citoyens français, qui doivent prendre part à la discussion.
Lorsque nous sentirons, les uns et les autres, que le débat est mûr, alors - mais je ne veux pas présumer de l'évolution de la société française -, peut-être le gouvernement du moment déposera-t-il, non pas incidemment mais avec une volonté forte, un projet en ce sens sur le bureau des assemblées parlementaires.
C'est ainsi, je crois, qu'il convient de procéder. Je respecte tout à fait le point de vue que vous défendez, mais l'heure est venue d'aller nous coucher et non point de voter !
M. le président. Je mets aux voix la demande de discussion immédiate.
Je suis saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l'une, du groupe CRC et, l'autre, du groupe UMP.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 52 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 78 :
Nombre de votants | 312 |
Nombre de suffrages exprimés | 312 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 157 |
Pour l'adoption | 119 |
Contre | 193 |
La discussion immédiate n'est pas ordonnée.
10
MISE AU POINT AU SUJET D'UN VOTE
M. le président. La parole est à M. Pierre André.
M. Pierre André. Je souhaite faire un rectificatif à propos du scrutin n° 70. MM. Jean-Guy Branger et Jackie Pierre, qui ont été considérés comme n'ayant pas pris part au vote, ont en fait voté pour l'amendement n° 13 rectifié.
M. le président. Acte vous est donné de cette mise au point, monsieur André.
11
DÉPÔT D'UNE question orale avec débat
M. le président. J'informe le Sénat que j'ai été saisi de la question orale avec débat suivante :
N° 9 - Le 26 janvier 2006 - M. Bruno Sido demande à M. le ministre délégué à l'industrie de dresser le bilan de l'application de la loi n° 2004 496 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique et en particulier de son article 52 relatif à la couverture du territoire national en téléphonie mobile. Il souhaiterait également savoir quelles sont les perspectives de couverture du pays en infrastructures de communications électroniques à haut débit.
Conformément aux articles 79, 80 du règlement, cette question orale avec débat a été communiquée au Gouvernement et la fixation de la date de la discussion aura lieu ultérieurement.
12
DÉPÔT DE PROPOSITIONS DE LOI
M. le président. J'ai reçu de MM. André Vantomme, Roland Courteau, Claude Domeizel, Jean Claude Frécon, Bernard Frimat, Charles Gautier, Mmes Odette Herviaux, Bariza Khiari, MM. Yves Krattinger, Louis Le Pensec, François Marc, Jean-Marc Pastor, Daniel Percheron, Mme Gisèle Printz, MM. Daniel Raoul, Paul Raoult, Thierry Repentin, Roland Ries, Gérard Roujas, Mmes Michèle San Vicente, Patricia Schillinger, MM. Michel Sergent, Simon Sutour, Jean-Marc Todeschini et Marcel Vidal une proposition de loi visant à renforcer la coopération entre les départements et les services départementaux d'incendies et de secours.
La proposition de loi sera imprimée sous le n° 168, distribuée et renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
J'ai reçu de M. Jean-Louis Masson une proposition de loi tendant à instaurer une obligation minimale de parité pour l'élection des sénateurs dans les départements où le scrutin majoritaire est appliqué.
La proposition de loi sera imprimée sous le n° 169, distribuée et renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
J'ai reçu de Mme Elisabeth Lamure, MM. Jean Boyer, Bernard Fournier, Jean-Claude Frécon et Michel Thiollière une proposition de loi relative à la réalisation de l'autoroute A 89 entre Lyon et Balbigny.
La proposition de loi sera imprimée sous le n° 171, distribuée et renvoyée à la commission des affaires économiques et du Plan, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
13
TEXTES SOUMIS AU SÉNAT EN APPLICATION DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION
M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de règlement du Conseil modifiant les règlements (CE) nº 6/2002 et (CE) nº 40/94 en vue de donner effet à l'adhésion de la Communauté européenne à l'acte de Genève de l'arrangement de La Haye concernant l'enregistrement international des dessins et modèles industriels.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-3070 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de règlement du Conseil relatif à la protection des indications géographiques et des appellations d'origine des produits agricoles et des denrées alimentaires.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-3071 et distribué.
14
DÉPÔT D'UN RAPPORT
M. le président. J'ai reçu de Mme Esther Sittler, rapporteur pour le Sénat, un rapport fait au nom de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à l'égalité salariale entre les femmes et les hommes.
Le rapport sera imprimé sous le n° 170 et distribué.
15
ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd'hui, mercredi 25 janvier 2006 à quinze heures et le soir :
Discussion du projet de loi (n° 118, 2005-2006), adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, pour le retour à l'emploi et sur les droits et les devoirs des bénéficiaires de minima sociaux.
Rapport (n° 161, 2005-2006) de M. Bernard Seillier, fait au nom de la commission des affaires sociales.
Aucune inscription de parole dans la discussion générale n'est plus recevable.
Le délai limite pour le dépôt des amendements est expiré.
Délai limite pour les inscriptions de parole et pour le dépôt des amendements
Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif aux parcs nationaux et aux parcs naturels marins (n° 114, 2005-2006) ;
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 30 janvier 2006, à dix-sept heures.
Projet de loi relatif aux obtentions végétales et modifiant le code de la propriété intellectuelle et le code rural (n° 145, 1996 1997) ;
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 31 janvier 2006, à dix-sept heures ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 31 janvier 2006, à onze heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée le mercredi 25 janvier 2006, à une heure cinquante.)
La Directrice
du service du compte rendu intégral,
MONIQUE MUYARD