PRÉSIDENCE DE M. Guy Fischer
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
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Droit d'auteur et droits voisins dans la société de l'information
Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence
M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, relatif au droit d'auteur et aux droits voisins dans la société de l'information (nos 269, 308).
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l'article 2.
Article 2
L'article L. 211-3 du code de la propriété intellectuelle est complété par trois alinéas ainsi rédigés :
« 5° La reproduction provisoire présentant un caractère transitoire ou accessoire, lorsqu'elle est une partie intégrante et essentielle d'un procédé technique et qu'elle a pour unique objet de permettre l'utilisation licite de l'oeuvre ou sa transmission entre tiers par la voie d'un réseau faisant appel à un intermédiaire ; toutefois, cette reproduction provisoire ne doit pas avoir de valeur économique propre ;
« 6° La reproduction et la communication au public d'une interprétation, d'un phonogramme, d'un vidéogramme ou d'un programme dans les conditions définies au treizième alinéa (7°) et au quatorzième alinéa de l'article L. 122-5.
« Les exceptions énumérées aux alinéas précédents ne peuvent porter atteinte à l'exploitation normale de l'interprétation, du phonogramme, du vidéogramme ou du programme ni causer un préjudice injustifié aux intérêts légitimes de l'artiste-interprète, du producteur ou de l'entreprise de communication audiovisuelle. »
M. le président. Je suis saisi de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 10 rectifié, présenté par M. Thiollière, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
L'article L. 211-3 du code de la propriété intellectuelle est ainsi modifié :
1° Le 3° est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« - la représentation ou la reproduction de courtes oeuvres ou d'extraits d'oeuvre, autres que des oeuvres elles-mêmes conçues à des fins pédagogiques, à des fins exclusives d'illustration ou d'analyse dans le cadre de l'enseignement et de la recherche, à l'exclusion de toute activité ludique ou récréative, et sous réserve que le public auquel elles sont destinées soit strictement circonscrit à un cercle composé majoritairement d'élèves, d'étudiants, d'enseignants et de chercheurs directement concernés, que leur utilisation ne donne lieu à aucune exploitation commerciale, et qu'elle soit compensée par une rémunération négociée sur une base forfaitaire. »
2° Il est complété par quatre alinéas ainsi rédigés :
« 5° La reproduction provisoire présentant un caractère transitoire ou accessoire, lorsqu'elle est une partie intégrante et essentielle d'un procédé technique et qu'elle a pour unique objet de permettre l'utilisation licite de l'oeuvre ou sa transmission entre tiers par la voie d'un réseau faisant appel à un intermédiaire ; toutefois, cette reproduction provisoire ne doit pas avoir de valeur économique propre ;
« 6° La reproduction et la communication au public d'une interprétation, d'un phonogramme, d'un vidéogramme ou d'un programme dans les conditions définies aux deux premiers alinéas du 7° de l'article L. 122-5.
« 7° Les actes de reproduction d'une oeuvre, d'une interprétation, d'un phonogramme, d'un vidéogramme ou d'un programme, effectués à des fins de conservation, ou destinés à préserver les conditions de sa consultation sur place, effectués par des bibliothèques accessibles au public, par des musées, ou par des services d'archives, sous réserve que ceux-ci ne recherchent aucun avantage économique ou commercial ;
« Les exceptions énumérées aux alinéas précédents ne peuvent porter atteinte à l'exploitation normale de l'interprétation, du phonogramme, du vidéogramme ou du programme ni causer un préjudice injustifié aux intérêts légitimes de l'artiste-interprète, du producteur ou de l'entreprise de communication audiovisuelle. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Michel Thiollière, rapporteur de la commission des affaires culturelles. Le présent amendement a pour objet d'ajouter à la liste des exceptions aux droits voisins deux nouvelles exceptions : l'exception en faveur des bibliothèques, ajoutée par l'Assemblée nationale aux exceptions au droit d'auteur, et l'exception en faveur de l'éducation et de la recherche, que la commission vous a proposé d'ajouter aux exceptions au droit d'auteur.
Cet amendement a été rectifié afin de prendre en compte la préoccupation exprimée au travers du sous-amendement n° 232 de Mme Blandin.
Nous nous sommes également inspirés de la rédaction qui nous avait été proposée par M. Charasse, lors de l'examen de l'exception correspondante en matière de droit d'auteur : « circonscrit à un cercle composé majoritairement d'élèves, d'étudiants, d'enseignants et de chercheurs ».
Ces deux compléments permettront de respecter le parallélisme entre les exceptions au droit d'auteur et les exceptions aux droits voisins.
En revanche, il n'y a pas lieu d'intégrer dans l'article L. 211-3 du code de la propriété intellectuelle une exception relative aux oeuvres graphiques, plastiques ou architecturales, qui, par définition, ne peut concerner que le droit d'auteur.
M. le président. Le sous-amendement n° 110, présenté par M. Dufaut et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :
Dans le texte proposé par le 1° de l'amendement n° 10 pour compléter le 3° de l'article L. 211-3 du code de la propriété intellectuelle, remplacer le mot :
représentation
par les mots :
communication au public
La parole est à M. Alain Dufaut.
M. Alain Dufaut. S'agissant d'une exception aux droits voisins, et non au droit d'auteur, l'expression usuelle correspondant à la représentation est la « communication au public ».
M. le président. Le sous-amendement n° 109, présenté par M. Dufaut et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :
Dans le texte proposé par le 1° de l'amendement n°10 pour compléter le 3° de l'article L. 211-3 du code de la propriété intellectuelle, remplacer les mots :
de courtes oeuvres ou d'extraits d'oeuvre, autres que des oeuvres elles-mêmes conçues à des fins pédagogiques
par les mots :
d'extraits d'objets protégés par un droit voisin ou de courts objets, autres que des objets eux-mêmes conçus à des fins pédagogiques
La parole est à M. Alain Dufaut.
M. Alain Dufaut. Ce sous-amendement a le même objet que le sous-amendement n° 108, que j'aurai ainsi également défendu.
S'agissant d'une exception aux droits voisins, de manière qu'il n'y ait pas de confusion, il convient d'éviter le terme « oeuvre », qui renvoie systématiquement au droit d'auteur, et d'y substituer le terme juridique « objet ».
M. le président. Le sous-amendement n° 108, présenté par M. Dufaut et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :
Dans le premier alinéa du 7° du texte proposé par le 2° de l'amendement n° 10 pour compléter l'article L. 211-3 du code de la propriété intellectuelle, supprimer les mots :
d'une oeuvre,
Ce sous-amendement a été défendu.
Le sous-amendement n° 247, présenté par MM. Ralite, Renar et Voguet, Mme David et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Compléter le premier alinéa du 7° du texte proposé par l'amendement n° 10 pour compléter l'article L. 211-3 du code de la propriété intellectuelle, par les mots :
et que ces actes soient compensés par une rémunération négociée sur une base forfaitaire perçue pour le compte des ayants droit et répartie entre ceux-ci par un ou plusieurs organismes mentionnés au titre II du livre III
La parole est à M. Ivan Renar.
M. Ivan Renar. Ce sous-amendement vise à garantir aux ayants droit une juste rémunération correspondant à l'exception en faveur des bibliothèques.
Nous pensons, nous l'avons déjà dit, que le devoir de rémunération au titre des exceptions doit apparaître dans la loi.
Il ne faut certes pas que la loi rende plus complexes, plus coûteux, plus bureaucratiques, les efforts des bibliothèques et des médiathèques afin de remplir leurs missions traditionnelles. Nous soutenons le service public de la lecture. Nous avons conscience des efforts fournis par les collectivités territoriales et les maires de France pour respecter les ayants droit.
Il s'agit ici de confirmer et de garantir les droits des auteurs en continuant d'assurer, en collaboration avec l'État, les droits fondamentaux à l'accès, au partage et à la diffusion des savoirs, de la culture, de la création et de l'information.
M. le président. L'amendement n° 124 rectifié, présenté par MM. Assouline et Lagauche, Mme Tasca, MM. Yung, Bockel, Lise, Vidal et les membres du groupe Socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Avant le premier alinéa de cet article, ajouter deux alinéas ainsi rédigés :
Le 3° de l'article L.211-3 du code de la propriété intellectuelle est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« - la représentation ou la reproduction de courtes oeuvres ou d'extraits d'oeuvres, autres que des oeuvres conçues à des fins pédagogiques, à des fins exclusives d'apprentissage, d'illustration ou d'analyse, dans le cadre d'activités d'enseignement et de recherche, sous réserve que le public auquel elles sont destinées soit strictement circonscrit au cercle des étudiants, enseignants et chercheurs directement concernés et qu'elle soit compensée par une rémunération négociée sur une base forfaitaire . »
La parole est à M. David Assouline.
M. David Assouline. Cet amendement constitue, pour les droits voisins, le pendant de celui que nous avons déposé à l'article 1er bis, afin de prévoir une exception pédagogique au droit d'auteur.
Comme nous le faisions valoir lors de la défense de cette exception à l'article 1er bis, on constate de lourdes charges pour la catégorie principalement concernée par l'exception pédagogique, à savoir les universités, qui versent déjà, chaque année, environ 2,4 millions d'euros au titre de la photocopie d'oeuvres protégées et 1,5 million d'euros au titre de la redevance pour le droit de prêt en bibliothèque, afin d'assurer la juste rémunération des ayants droit.
Les accords précipités par la reprise du débat à l'Assemblée nationale, en mars dernier, ont été signés par le ministère de l'éducation nationale avec les représentants des ayants droit, branche par branche, portant la date globale du 27 février 2006.
Ils ont permis d'aboutir à des accords pour l'utilisation des oeuvres et objets à des fins pédagogiques ouvrant droit à rémunération des ayants droit des secteurs concernés : écrit, audiovisuel, musique, arts visuels, presse.
Ces accords sont satisfaisants, mais notre amendement tend à leur octroyer une base légale - alors qu'ils ne valent que jusqu'à la fin de 2008 -, tout en insérant, dans nos droits voisins, une exception pédagogique légitime, mais restrictivement définie.
M. le président. Le sous-amendement n° 232, présenté par Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet et M. Desessard, est ainsi libellé :
Dans le dernier alinéa de l'amendement n°124, remplacer le mot :
strictement
par le mot :
majoritairement
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. Ce sous-amendement se justifiait par le fait que le public de l'enseignement et de la recherche ne pouvait être strictement limité aux enseignants, aux élèves et aux chercheurs.
M. le rapporteur, par la rectification qu'il vient d'apporter à son texte, a repris le contenu de ce sous-amendement. Ce dernier n'a donc plus lieu d'être.
M. le président. Le sous-amendement n° 232 est retiré.
L'amendement n° 125, présenté par M. Assouline, Mme Blandin, M. Lagauche, Mme Tasca, MM. Yung, Bockel, Lise, Vidal et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après le deuxième alinéa (6°) du texte proposé par cet article pour compléter l'article L. 211-3 du code de la propriété intellectuelle, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Les actes de reproduction d'une oeuvre, d'une interprétation, d'un phonogramme, d'un vidéogramme ou d'un programme effectués, à des fins de conservation ou pour permettre sa consultation sur place, par les bibliothèques accessibles au public, par des musées ou par des services d'archives qui ne recherchent aucun avantage commercial ou économique direct ou indirect ;
La parole est à M. David Assouline.
M. David Assouline. Cet amendement constitue le pendant, pour les droits voisins, de celui que nous avons déposé sur l'article 1er bis, afin d'encadrer davantage l'exception au droit d'auteur pour les bibliothèques, musées et services d'archives.
Cette exception, prévue par l'article 5-2c de la directive, se justifie, dans le cadre français, notamment au regard des lourdes charges auxquelles doivent faire face plus particulièrement les bibliothèques, charges qui se trouvent accrues depuis l'entrée en vigueur de la loi du 18 juin 2003 relative à la rémunération au titre du prêt en bibliothèque et renforçant la protection sociale des auteurs.
Néanmoins, cette exception ne saurait en aucun cas porter atteinte à l'exploitation normale des objets protégés par les droits voisins ni procéder à une diffusion incontrôlée de ce type d'objet.
Ainsi, il nous a semblé qu'il convenait de circonscrire davantage cette exception.
À ce titre, nous proposons une double limitation de l'exercice de cette exception : pour le cas des bibliothèques, elle ne s'appliquerait qu'à celles qui sont accessibles au public ; de façon générale, l'exception ne concernerait que la reproduction d'oeuvres ou d'objets effectuée dans une optique de conservation ou pour être consultée sur place.
Ces restrictions du champ de l'exception permettront d'éviter qu'un véritable droit à la copie illimitée des oeuvres et objets protégés ne soit ouvert par l'insertion dans notre droit de cette nouvelle exception.
M. le président. L'amendement n° 224, présenté par Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet et M. Desessard, est ainsi libellé :
Supprimer le dernier alinéa du texte proposé par cet article pour compléter l'article L. 211-3 du code de la propriété intellectuelle.
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. Le texte de l'article 2 tel qu'il nous est soumis, tout comme l'amendement n° 10 rectifié de la commission, introduit la rédaction définissant le test en trois étapes, à l'instar de ce qui a été fait à l'article 1er bis. Or ni la convention de Berne ni la directive ne nous y obligent. La seule contrainte est de respecter les critères, c'est-à-dire les étapes.
Aujourd'hui, l'Union européenne va remettre en discussion cette rédaction, fruit d'un compromis et surtout du lissage des traducteurs. Cette remise en cause est liée aux incertitudes engendrées par l'application des critères, qui s'avère être potentiellement « à géométrie variable » tant les termes sont généraux et vagues.
Au fond, entre nous, que signifie l'expression « cas spéciaux » ? Que signifient « exploitation normale » ou « préjudice injustifié » ? Est-ce à dire que certains préjudices sont justifiés ? Cela se réfère-t-il à l'intérêt public ?
La justification ne saurait être l'exception écrite puisque c'est l'exception écrite qui est la conséquence du critère, et non l'inverse !
Que feront les juges saisis, par exemple, pour une courte citation de chanson ? Est-ce ou non un cas spécial ? S'agit-il ou non d'une exploitation normale ? Le préjudice est-il justifié ou injustifié ? Le tribunal de grande instance de Bayonne, celui de Paris et celui de Bordeaux feront-ils les mêmes interprétations ? N'y aura-t-il pas relaxe dans l'un et condamnation à une amende de 1 000 euros pour contrefaçon dans les deux autres ?
La prudence voudrait donc que nous ne fassions pas figurer dans la loi ce test aux contours impressionnistes, peu apte à clarifier ce qui est licite ou non, ce que nos débats ont, en revanche, bien arbitré, avec des exceptions choisies et bien définies, après avoir fait l'objet d'amendements.
M. le président. L'amendement n° 144, présenté par MM. Ralite, Renar et Voguet, Mme David et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le dernier alinéa du texte proposé par cet article pour compléter l'article L. 211-3 du code de la propriété intellectuelle :
« Les exceptions énumérées par le présent article ne peuvent causer un préjudice injustifié aux intérêts légitimes de l'auteur. Le préjudice injustifié sera apprécié en fonction de l'équilibre nécessaire entre les conditions de l'exploitation normale de l'oeuvre et son utilisation sociale. »
La parole est à M. Ivan Renar.
M. Ivan Renar. Les préoccupations exprimées au travers de cet amendement sont identiques à celles que vient de formuler Marie-Christine Blandin.
Cependant, nous proposons non pas de supprimer cet alinéa, mais de le rédiger différemment.
L'objet de la directive européenne est de transposer les traités de l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle, l'OMPI, d'harmoniser les législations des États membres, d'assurer un niveau élevé de protection pour les industries de la culture européenne.
Selon nous, il est d'abord ici question de préserver et de développer le droit français en tenant compte des accords internationaux que notre pays a passés, sans forcément s'y soumettre.
Il s'agit donc d'accompagner le développement des technologies en préservant l'exercice des exceptions anciennes et nouvelles entérinées par notre législation.
C'est pourquoi, comme nous l'avons déjà signifié, nous voudrions que le juriste puisse considérer efficacement les nécessités de l'exploitation de l'oeuvre approuvées par l'auteur et celles de son utilisation sociale.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Michel Thiollière, rapporteur. La commission est favorable au sous-amendement n° 110, qui est rédactionnel.
Pour les mêmes raisons, elle est favorable aux sous-amendements nos 109 et 108.
La commission émet en revanche un avis défavorable sur le sous-amendement n° 247, car elle n'a pas souhaité que toutes les exceptions soient compensées, comme cela a déjà été expliqué lors de l'examen de l'article 1er bis.
La commission a estimé que les amendements nos 124 rectifié et 125 étaient satisfaits par l'amendement n° 10 rectifié. Elle a donc émis un avis défavorable.
S'agissant de l'amendement n° 224, le paragraphe 5 de l'article 5 de la directive impose de transposer le test en trois étapes. C'est la raison pour laquelle la commission a émis un avis défavorable.
Quant à l'amendement n° 144, comme cela a déjà été expliqué à l'occasion d'un précédent amendement, il ne permet pas d'assurer une transposition fidèle du test en trois étapes. Aussi, la commission a émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication. En ce qui concerne l'amendement n° 10 rectifié, comme je l'ai indiqué précédemment, le Gouvernement a fait signer des accords par l'ensemble des titulaires de droits. Je souhaite bien sûr préserver ces accords, que je suis prêt à adapter si le besoin s'en fait sentir. Ils renvoient à une négociation entre les partenaires afin de définir le périmètre de l'exception, ce qui me paraît souple et plus adapté à l'évolution des usages liés au numérique qu'un mécanisme reposant sur la loi et le contentieux.
Pour des raisons de coordination, je propose de modifier cet amendement afin que les dispositions concernées s'appliquent à compter du 1er janvier 2009. Nous avons déjà débattu de cette question lors de l'examen de l'article 1er bis. Cette solution permettrait au Gouvernement de s'en remettre à la sagesse du Sénat.
M. le président. Monsieur le rapporteur, la commission accepte-t-elle de modifier son amendement dans le sens suggéré par M. le ministre.
M. Michel Thiollière, rapporteur. Oui, monsieur le président.
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 10 rectifié bis, qui est ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
L'article L. 211-3 du code de la propriété intellectuelle est ainsi modifié :
1° a. Le 3° est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« - la représentation ou la reproduction de courtes oeuvres ou d'extraits d'oeuvre, autres que des oeuvres elles-mêmes conçues à des fins pédagogiques, à des fins exclusives d'illustration ou d'analyse dans le cadre de l'enseignement et de la recherche, à l'exclusion de toute activité ludique ou récréative, et sous réserve que le public auquel elles sont destinées soit strictement circonscrit à un cercle composé majoritairement d'élèves, d'étudiants, d'enseignants et de chercheurs directement concernés, que leur utilisation ne donne lieu à aucune exploitation commerciale, et qu'elle soit compensée par une rémunération négociée sur une base forfaitaire. »
b. Les dispositions du a s'appliquent à compter du 1er janvier 2009 ;
2° Il est complété par quatre alinéas ainsi rédigés :
« 5° La reproduction provisoire présentant un caractère transitoire ou accessoire, lorsqu'elle est une partie intégrante et essentielle d'un procédé technique et qu'elle a pour unique objet de permettre l'utilisation licite de l'oeuvre ou sa transmission entre tiers par la voie d'un réseau faisant appel à un intermédiaire ; toutefois, cette reproduction provisoire ne doit pas avoir de valeur économique propre ;
« 6° La reproduction et la communication au public d'une interprétation, d'un phonogramme, d'un vidéogramme ou d'un programme dans les conditions définies aux deux premiers alinéas du 7° de l'article L. 122-5.
« 7° Les actes de reproduction d'une oeuvre, d'une interprétation, d'un phonogramme, d'un vidéogramme ou d'un programme, effectués à des fins de conservation, ou destinés à préserver les conditions de sa consultation sur place, effectués par des bibliothèques accessibles au public, par des musées, ou par des services d'archives, sous réserve que ceux-ci ne recherchent aucun avantage économique ou commercial ;
« Les exceptions énumérées aux alinéas précédents ne peuvent porter atteinte à l'exploitation normale de l'interprétation, du phonogramme, du vidéogramme ou du programme ni causer un préjudice injustifié aux intérêts légitimes de l'artiste-interprète, du producteur ou de l'entreprise de communication audiovisuelle. »
Veuillez poursuivre, monsieur le ministre.
M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. En ce qui concerne les sous-amendements nos 110, 109 et 108, le Gouvernement émet un avis favorable.
S'agissant du sous-amendement n° 247, le Gouvernement souhaite s'en tenir à une exception suffisamment claire et encadrée afin que celle-ci ne nécessite pas de compensation financière.
Le fait de souhaiter mettre en place une rémunération des ayants droit en contrepartie d'une exception au droit d'auteur est tout à fait louable dans son principe. Il convient néanmoins d'examiner attentivement les termes de la directive européenne à ce sujet. En effet, le considérant 35 précise bien que le principe d'une compensation équitable au bénéfice des titulaires de droits n'est pas automatique et qu'il doit être apprécié en fonction du contenu de l'exception elle-même.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur ce sous-amendement.
Il émet également un avis défavorable sur les amendements nos 124 rectifié, 125, 224 et 144.
M. le président. Je mets aux voix, modifié, l'amendement n° 10 rectifié bis.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 2 est ainsi rédigé et les amendements nos 124 rectifié, 125, 224 et 144 n'ont plus d'objet.
Article 3
L'article L. 342-3 du même code est ainsi modifié :
1° Après le 2°, il est inséré un 3° ainsi rédigé :
« 3° L'extraction et la réutilisation d'une base de données dans les conditions définies au treizième alinéa (7°) et au quatorzième alinéa de l'article L. 122-5. » ;
2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Les exceptions énumérées aux alinéas précédents ne peuvent porter atteinte à l'exploitation normale de la base de données ni causer un préjudice injustifié aux intérêts légitimes du producteur de la base. »
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 11, présenté par M. Thiollière, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
L'article L. 342-3 du même code est ainsi modifié :
1° Après le 2°, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« 3° L'extraction et la réutilisation d'une base de données dans les conditions définies aux deux premiers alinéas du 7° de l'article L. 122-5 ;
« 4° L'extraction et la réutilisation d'une partie non substantielle, appréciée de façon qualitative ou quantitative, du contenu de la base, à des fins exclusives d'illustration ou d'analyse dans le cadre de l'enseignement et de la recherche, à l'exclusion de toute activité ludique ou récréative, sous réserve d'en indiquer la source, que le public auquel elles sont destinées soit strictement circonscrit au cercle des élèves, des étudiants, des enseignants, et des chercheurs concernés, et que leur utilisation ne donne lieu à aucune exploitation commerciale, et qu'elle soit compensée par une rémunération négociée sur une base forfaitaire ; »
2° Il est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les exceptions énumérées aux alinéas précédents ne peuvent porter atteinte à l'exploitation normale de la base de données ni causer un préjudice injustifié aux intérêts légitimes du producteur de la base. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Michel Thiollière, rapporteur. Cet amendement complète la liste des exceptions aux droits des producteurs de bases de données afin d'y intégrer une exception en faveur de l'enseignement et de la recherche comparable à celle que la commission avait proposée et qui avait été adoptée par notre assemblée.
Cette exception est autorisée par les articles 6 et 9 de la directive du 11 mars 1996 concernant la protection juridique des bases de données. Celle-ci permet en effet les extractions réalisées « à des fins d'illustration de l'enseignement ou de la recherche scientifique » sous réserve de l'indication de la source et de l'absence de but commercial.
Par ailleurs, la commission rectifie son amendement afin de prendre en compte la préoccupation exprimée par Mme Blandin dans son sous-amendement n° 233, suivant en cela le même modèle que pour l'exception pédagogique au droit d'auteur et aux droits voisins, en limitant son bénéfice à un public strictement circonscrit à un cercle composé majoritairement d'élèves, d'étudiants, d'enseignants et de chercheurs.
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 11 rectifié, présenté par M. Thiollière, au nom de la commission, et qui est ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
L'article L. 342-3 du même code est ainsi modifié :
1° Après le 2°, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« 3° L'extraction et la réutilisation d'une base de données dans les conditions définies aux deux premiers alinéas du 7° de l'article L. 122-5 ;
« 4° L'extraction et la réutilisation d'une partie non substantielle, appréciée de façon qualitative ou quantitative, du contenu de la base, à des fins exclusives d'illustration ou d'analyse dans le cadre de l'enseignement et de la recherche, à l'exclusion de toute activité ludique ou récréative, sous réserve d'en indiquer la source, que le public auquel elles sont destinées soit strictement circonscrit à un cercle composé majoritairement d'élèves, d'étudiants, d'enseignants et de chercheurs concernés, et que leur utilisation ne donne lieu à aucune exploitation commerciale, et qu'elle soit compensée par une rémunération négociée sur une base forfaitaire ; ».
2° Il est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les exceptions énumérées aux alinéas précédents ne peuvent porter atteinte à l'exploitation normale de la base de données ni causer un préjudice injustifié aux intérêts légitimes du producteur de la base. »
L'amendement n° 126, présenté par MM. Assouline et Lagauche, Mme Tasca, MM. Yung, Bockel, Lise, Vidal et les membres du groupe Socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Avant le 2° de cet article, insérer deux alinéas ainsi rédigés :
... ° Avant le dernier alinéa sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« ... ° L'extraction et l'utilisation d'une partie non substantielle, appréciée de façon qualitative ou quantitative, du contenu de la base, à des fins exclusives d'apprentissage, d'illustration ou d'analyse, dans le cadre d'activités d'enseignement et de recherche, sous réserve que le public auquel elles sont destinées soit strictement circonscrit au cercle des étudiants, enseignants et chercheurs directement concernés, que la source soit indiquée, que son utilisation ne donne lieu à aucune exploitation commerciale et qu'elle soit compensée par une rémunération négociée sur une base forfaitaire.
« Les exceptions énumérées aux alinéas précédents ne peuvent porter atteinte à l'exploitation normale de la base de données, ni causer un préjudice injustifié aux intérêts légitimes du producteur de la base. »
La parole est à M. David Assouline, pour présenter cet amendement.
M. David Assouline. L'amendement n° 126 constitue le pendant pour les droits des producteurs de bases de données des amendements déposés à l'article 1er bis et à l'article 2 afin de prévoir une exception pédagogique au droit d'auteur et aux droits voisins. Nous avons d'ailleurs précédemment fait valoir nos arguments. Les universités versent déjà des sommes au titre de la photocopie d'oeuvres protégées, de la redevance pour droit de prêt en bibliothèque afin d'assurer la juste rémunération des ayants droit.
De surcroît, cette exception est prévue par la directive du 11 mars 1996 concernant la protection juridique des bases de données, qui, dans ses articles 6 et 9, permet les extractions dans un but d'illustration de l'enseignement ou de la recherche scientifique. Il ne s'agit donc que de transposer dans notre droit positif une directive vieille d'il y a déjà dix ans.
M. le président. Le sous-amendement n° 233, présenté par Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet et M. Desessard, est ainsi libellé :
Dans l'avant-dernier alinéa de l'amendement n°126, remplacer le mot :
strictement
par le mot :
majoritairement
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. Prenant acte de la rectification de l'amendement de la commission, je retire ce sous-amendement, monsieur le président.
M. le président. Le sous-amendement n° 233 est retiré.
L'amendement n° 225, présenté par Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet et M. Desessard, est ainsi libellé :
Supprimer le 2° de cet article.
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. Cet amendement, comme ceux qui ont été déposés à l'article 1er bis ou à l'article 2, vise à supprimer la rédaction qui reprend le test en trois étapes prôné par la directive.
Je n'argumenterai pas davantage sur ce sujet. Je vous donne simplement rendez-vous lors des contentieux judiciaires et, surtout, des arbitrages qui seront rendus, lesquels risquent d'être épars et divers.
M. le président. L'amendement n° 145, présenté par MM. Ralite, Renar et Voguet, Mme David et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le texte proposé par le 2° de cet article pour compléter l'article L. 342-3 du code de la propriété intellectuelle :
« Les exceptions énumérées par le présent article ne peuvent causer un préjudice injustifié aux intérêts légitimes de l'auteur. Le préjudice injustifié sera apprécié en fonction de l'équilibre nécessaire entre les conditions de l'exploitation normale de l'oeuvre et son utilisation sociale. »
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Nous poursuivons le même but que Marie-Christine Blandin, mais nous ne voulons pas supprimer complètement cet alinéa. Pour notre part, nous proposons de le réécrire.
Ce texte pose, sans qu'il en soit débattu, la question de l'utilisation sociale de l'oeuvre. La copie privée comme les exceptions répondent, en partie, à cette question.
L'utilisation sociale à laquelle nous nous référons n'est pas tout à fait celle qui a été retenue par l'OMPI, l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle. En effet, alors que vient de se tenir la Journée mondiale de la propriété intellectuelle, l'OMPI met sur le même plan l'oeuvre d'art et l'avancée technique ou technologique.
Or, et sans définir aucune hiérarchie entre ces deux aspects de l'activité de l'esprit, les utilisations sociales de ces réalisations ne sont pas du même tenant : les brevets sont des prototypes réalisés pour être copiés en série, alors que l'oeuvre d'art reste un prototype et n'est considéré que comme tel. C'est pourquoi son accès doit être facilité dans le cadre tant commercial que non commercial, et cela bien évidemment dans le respect de chacun. C'est ce qui justifie le présent amendement.
Pour compléter la défense de cet amendement, je reprendrai quelques-unes des expressions utilisées par Jack Ralite dans la discussion générale.
« Nous rejetons tous les aménagements "confettis" au droit d'auteur, qui le grignotent. »
« Nous sommes pour rechercher des modalités de rémunération des auteurs et des ayants droit en dehors du destin de leurs oeuvres sur le marché. »
« Nous sommes pour que les exceptions ne piétinent pas le droit moral. »
« Nous sommes pour travailler dans le sens d'un investissement public en faveur de la création. »
« Nous sommes pour l'interopérabilité. »
Enfin, sans reprendre toute son intervention, nous sommes pour la mise en débat et la mise en place d'une responsabilité publique et sociale non seulement en matière de création, mais aussi de diffusion culturelle.
Aussi, comme j'ai eu l'occasion de le dire lors de la séance précédente, nous sommes pour une participation de l'État à la juste rémunération des auteurs et de l'ensemble des ayants droit.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Michel Thiollière, rapporteur. L'amendement n° 126 est satisfait pour l'essentiel par l'amendement n° 11 rectifié. Je propose de rectifier ce dernier en y intégrant les mots « que la source soit indiquée ».
M. David Assouline. D'accord.
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 11 rectifié bis, qui est ainsi rédigé :
Rédiger comme suit cet article :
L'article L. 342-3 du même code est ainsi modifié :
1° Après le 2°, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« 3° L'extraction et la réutilisation d'une base de données dans les conditions définies aux deux premiers alinéas du 7° de l'article L. 122-5 ;
« 4° L'extraction et la réutilisation d'une partie non substantielle, appréciée de façon qualitative ou quantitative, du contenu de la base, à des fins exclusives d'illustration ou d'analyse dans le cadre de l'enseignement et de la recherche, à l'exclusion de toute activité ludique ou récréative, sous réserve que le public auquel elles sont destinées soit strictement circonscrit à un cercle composé majoritairement d'élèves, d'étudiants, d'enseignants et de chercheurs concernés, que la source soit indiquée et que leur utilisation ne donne lieu à aucune exploitation commerciale, et qu'elle soit compensée par une rémunération négociée sur une base forfaitaire ; ».
2° Il est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les exceptions énumérées aux alinéas précédents ne peuvent porter atteinte à l'exploitation normale de la base de données ni causer un préjudice injustifié aux intérêts légitimes du producteur de la base. »
L'amendement n° 126 est retiré.
Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur.
M. Michel Thiollière, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur l'amendement n° 225, puisqu'il vise à supprimer la transposition du test en trois étapes.
La commission est également défavorable à l'amendement n° 145, car il tend à prévoir une transposition qui ne serait pas fidèle au test en trois étapes.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. Si l'amendement n° 11 rectifié bis est modifié afin qu'il prévoit que les dispositions ne s'appliqueront qu'à compter du 1er janvier 2009, le Gouvernement s'en remettra à la sagesse du Sénat.
En ce qui concerne les amendements nos 225 et 145, le Gouvernement émet un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Michel Thiollière, rapporteur. Monsieur le président, je rectifie l'amendement de la commission pour ajouter la référence au 1er janvier 2009.
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 11 rectifié ter, présenté par M. Thiollière, au nom de la commission, et ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
L'article L. 342?3 du même code est ainsi modifié :
1° a. Après le 2°, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« 3° L'extraction et la réutilisation d'une base de données dans les conditions définies aux deux premiers alinéas du 7° de l'article L. 122-5 ;
« 4° L'extraction et la réutilisation d'une partie non substantielle, appréciée de façon qualitative ou quantitative, du contenu de la base, à des fins exclusives d'illustration ou d'analyse dans le cadre de l'enseignement et de la recherche, à l'exclusion de toute activité ludique ou récréative, sous réserve que le public auquel elles sont destinées soit strictement circonscrit à un cercle composé majoritairement d'élèves, d'étudiants, d'enseignants et de chercheurs concernés, que la source soit indiquée et que leur utilisation ne donne lieu à aucune exploitation commerciale, et qu'elle soit compensée par une rémunération négociée sur un base forfaitaire ; ».
b. Les dispositions du a s'appliquent à compter du 1er janvier 2009 ;
2° Il est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les exceptions énumérées aux alinéas précédents ne peuvent porter atteinte à l'exploitation normale de la base de données ni causer un préjudice injustifié aux intérêts légitimes du producteur de la base. »
Je mets aux voix l'amendement n° 11 rectifié ter.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 3 est ainsi rédigé et les amendements nos 225 et 145 n'ont plus d'objet.
Article additionnel après l'article 3
M. le président. L'amendement n° 127, présenté par M. Assouline, Mme Blandin, M. Lagauche, Mme Tasca, MM. Yung, Bockel, Lise, Vidal et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 3, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique dépose, chaque année, sur le bureau des deux assemblées, un rapport évaluant les incidences financières pour les ayants droit des différentes exceptions prévues aux articles L. 122-5, L. 211-3 et L. 342-3 du code de la propriété intellectuelle. Ce rapport donne lieu à un débat dans les deux assemblées.
La parole est à M. David Assouline.
M. David Assouline. Par cet amendement, il s'agit d'atteindre un objectif pédagogique.
On entend dire tout et son contraire concernant les pertes qui résulteraient pour les différents secteurs de l'industrie culturelle des nouvelles exceptions mises en oeuvre. Un éclairage sur cette question d'une importance primordiale s'impose donc.
C'est pourquoi nous souhaitons qu'un rapport fasse annuellement le point sur ce sujet et qu'il donne lieu à un débat devant la représentation nationale. Selon nous, un tel rapport doit être élaboré par le Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique, le CSPLA, et ce pour deux raisons.
D'abord, les questions de cette nature relèvent déjà des compétences du CSPLA. À cet égard, permettez-moi de rappeler les termes de l'arrêté du 10 juillet 2000 portant création cet organisme : « Le Conseil supérieur remplit une fonction d'observatoire de l'exercice et du respect des droits d'auteur et droits voisins et de suivi de l'évolution des pratiques et des marchés ».
Ensuite, confier dans la loi une mission supplémentaire à cette instance revient à lui octroyer de fait une base légale, donc une crédibilité, ce qui lui fait aujourd'hui défaut.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Michel Thiollière, rapporteur. En déposant l'amendement n° 40, la commission a déjà eu l'occasion de se prononcer en faveur de la présentation d'un rapport relatif à l'application de la présente loi, rapport qui évoquera naturellement les incidences financières des nouvelles exceptions. Il ne nous paraît donc pas utile de le doublonner par un rapport du CSPLA.
C'est la raison pour laquelle la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. L'amendement présenté par M. Assouline comporte un hommage au CSLPA auquel je souscris. En effet, les membres de ce conseil ont effectué un remarquable travail de concertation pour préparer la transposition de la directive.
Cela étant dit, si vous adoptez l'amendement n° 40, qui tend à insérer un article additionnel après l'article 30 du présent projet de loi, c'est au Gouvernement que vous confierez le soin de présenter un rapport au Parlement pour vérifier l'adéquation entre les évolutions de la technologie et le dispositif juridique nécessaire.
Cela n'exclut d'ailleurs absolument pas que le CSPLA émette un avis sur cette question afin de contribuer à l'analyse de la situation.
Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 127.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 4
I. - Après l'article L. 131-8 du même code, il est inséré un article L. 131-9 ainsi rédigé :
« Art. L. 131-9. - Lorsque la première vente d'un exemplaire matériel d'une oeuvre a été autorisée par l'auteur ou ses ayants droit sur le territoire d'un État membre de la Communauté européenne ou d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen, la revente de cet exemplaire ne peut être interdite dans la Communauté européenne et l'Espace économique européen. »
II. - Après l'article L. 211-5 du même code, il est inséré un article L. 211-6 ainsi rédigé :
« Art. L. 211-6. - Lorsque la première vente d'un exemplaire matériel d'une fixation protégée par un droit voisin a été autorisée par le titulaire du droit ou ses ayants droit sur le territoire d'un État membre de la Communauté européenne ou d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen, la revente de cet exemplaire ne peut être interdite dans la Communauté européenne et l'Espace économique européen. »
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 146, présenté par MM. Ralite, Renar et Voguet, Mme David et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Ivan Renar.
M. Ivan Renar. L'article 4 correspond à la lettre à la directive européenne du 22 mai 2001 sur l'harmonisation de certains aspects du droit d'auteur et des droits voisins dans la société de l'information concernée. Aux termes de celle-ci, pour permettre la libre circulation des biens culturels au sein de l'Union européenne ou de l'Espace économique européen, la première vente autorisée de l'oeuvre dans un pays de l'Union ou de l'Espace économique européen autorise la revente dans les autres pays de l'Europe. Une telle façon de voir ne nous semble pas convenable.
Le traitement des oeuvres et leur commerce ne sauraient avoir un caractère mécanique sans entamer furieusement le droit moral de l'auteur ou des ayants droit. L'exportation des films, des livres, des tableaux de peinture et des objets d'art est réglementée. Des accords de pays à pays et d'État à État facilitent et encadrent les métiers de l'exportation de notre patrimoine artistique traditionnel, classique ou contemporain.
L'Europe uniformisée et « efficace » des marchands ne saurait empiéter de façon si impersonnelle sur les relations des auteurs avec leurs diffuseurs.
Dans ce domaine, la diversité nécessite un partenariat d'homme à homme pour ne pas abandonner les oeuvres aux flux des catalogues anonymes des majors et renvoyer nos artistes à l'anonymat.
C'est la raison pour laquelle nous demandons la suppression de cet article.
M. le président. L'amendement n° 12 rectifié, présenté par M. Thiollière, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
I. - Après l'article L. 122-3 du même code, il est inséré un article L. 122-3-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 122-3-1. - Dès lors que la première vente d'un ou des exemplaires matériels d'une oeuvre a été autorisée par l'auteur ou ses ayants droit sur le territoire d'un État membre de la Communauté européenne ou d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen, la vente des exemplaires de cette oeuvre ne peut plus être interdite dans les autres États membres.
II. - Après l'article L. 211-5 du même code, il est inséré un article L. 211-6 ainsi rédigé :
« Art. L. 211-6 - Dès lors que la première vente d'un ou des exemplaires matériels d'une fixation protégée par un droit voisin a été autorisée par le titulaire du droit ou ses ayants droit sur le territoire d'un État membre de la Communauté européenne ou d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen, la vente des exemplaires de cette fixation ne peut plus être interdite dans les autres États membres. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Michel Thiollière, rapporteur. Cet amendement a pour objet d'améliorer le dispositif de l'article 4, qui introduit le principe de l'épuisement du droit de distribution dans le code de la propriété intellectuelle, et de modifier son emplacement dans la partie du code concernant le droit d'auteur, son insertion après l'article L. 122-3 paraissant plus indiquée.
M. le président. Le sous-amendement n° 279, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. À la fin du texte proposé par l'amendement n° 12 rectifié pour l'article L. 122-3-1 du code de la propriété intellectuelle, remplacer les mots :
des exemplaires
par les mots :
de ces exemplaires
II. À la fin du texte proposé par l'amendement n° 12 rectifié pour l'article L. 211-6 du code de la propriété intellectuelle, remplacer les mots :
des exemplaires
par les mots :
de ces exemplaires
La parole est à M. le ministre.
M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. Ce sous-amendement vise à préciser la portée de la règle de l'épuisement des droits pour la mettre en conformité avec la directive du 22 mai 2001 sur l'harmonisation de certains aspects du droit d'auteur et des droits voisins dans la société de l'information.
Il a également pour objet de rendre la rédaction proposée par M. le rapporteur conforme à la directive, qui prévoit un droit de distribution permettant à l'auteur de contrôler la distribution de l'original ou des copies de son oeuvre. C'est ainsi que certains exemplaires de DVD sont réservés à la location d'autres à la vente.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Michel Thiollière, rapporteur. S'agissant de l'amendement n° 146, la directive nous fait obligation de transposer en droit français les dispositions relatives à l'épuisement du droit de distribution communautaire. Le projet de loi ne peut donc pas s'en dispenser. Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
En revanche, la commission est favorable au sous-amendement n° 279.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur l'amendement n° 146.
M. le président. La parole est à M. Michel Charasse.
M. Michel Charasse. Monsieur le ministre, je souhaite juste obtenir une précision sur votre sous-amendement.
Vous nous proposez de remplacer les mots « des exemplaires » par les mots « de ces exemplaires ». Or la mention « des exemplaires » figure deux fois dans chaque article. Elle est d'abord dans la première ligne de l'article L. 122-3-1 : « dès lors que la première vente d'un ou des exemplaires ». Même chose pour l'article L. 211-6.
Je suppose que cette rédaction reste inchangée et que c'est l'expression « ces exemplaires » qui vient à la fin des deux articles que vous proposez de modifier.
Mais le premier groupe de mots « des exemplaires » dans chaque article ne change pas.
M. le président. En conséquence, l'article 4 est ainsi rédigé.
Article 4 bis
Le 2° de l'article L. 214-1 du même code est ainsi rédigé :
« 2° À sa radiodiffusion directe ou indirecte et à sa câblo-distribution simultanée et intégrale, ainsi qu'à sa reproduction strictement réservée à ces fins, effectuée par ou pour le compte d'entreprises de communication audiovisuelle en vue de sonoriser ses programmes propres diffusés sur son antenne ainsi que sur celles des entreprises de communication audiovisuelle qui acquittent la rémunération équitable.
« Dans tous les autres cas, il incombe aux producteurs desdits programmes de se conformer au droit exclusif des titulaires de droits voisins prévu aux articles L. 212-3 et L. 213-1 ; ».
M. le président. Je suis saisi de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les trois premiers sont identiques.
L'amendement n° 13 est présenté par M. Thiollière, au nom de la commission.
L'amendement n° 69 est présenté par M. Charasse.
L'amendement n° 128 est présenté par M. Assouline, Mme Blandin, M. Lagauche, Mme Tasca, MM. Yung, Bockel, Lise, Vidal et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 13.
M. Michel Thiollière, rapporteur. L'article 4 bis tend à autoriser la radiodiffusion et la distribution par câble simultanée intégrale des phonogrammes du commerce sans l'autorisation de l'artiste-interprète et du producteur.
La commission propose de supprimer cet article et de revenir à la rédaction initiale du 2° de l'article L. 214-1 du code de la propriété intellectuelle, et ce pour deux raisons.
La première raison est d'ordre juridique. La rédaction adoptée par l'Assemblée nationale ne paraît pas compatible avec le point d du paragraphe 2 de l'article 5 de la directive du 22 mai 2001 sur l'harmonisation de certains aspects du droit d'auteur et des droits voisins dans la société de l'information concernée, qui autorise les États membres à prévoir une exception au droit de reproduction « lorsqu'il s'agit d'enregistrements éphémères d'oeuvres effectués par des organismes de radiodiffusion par leurs propres moyens et pour leurs propres émissions ».
Dans le détail, l'exception apportée aux droits exclusifs des ayants droit par le présent article pose trois difficultés.
Premièrement, l'article 4 bis ne respecte pas les dispositions communautaires en ne restreignant pas l'exception aux « enregistrements éphémères ».
Deuxièmement, cet article vise les reproductions effectuées par ou pour le compte d'entreprises de communication audiovisuelle quand les dispositions communautaires ne concernent que les actes effectués par des organismes de radiodiffusion par leurs propres moyens.
Troisièmement, l'article 4 bis fait entrer dans le champ de l'exception la sonorisation des programmes propres de l'entreprise de communication audiovisuelle effectués.
La seconde raison justifiant la suppression de l'article se situe au niveau des principes. Il convient, me semble-t-il, de préserver les intérêts des détenteurs de droits exclusifs en limitant le champ de la rémunération équitable aux seuls actes de radiodiffusion et en laissant à la négociation contractuelle le soin de fixer des montants de rémunération concernant les actes de reproduction.
C'est pourquoi la commission propose de supprimer l'article 4 bis.
M. le président. La parole est à M. Michel Charasse, pour présenter l'amendement n° 69.
M. Michel Charasse. Monsieur le président, j'ai une démarche analogue à celle de M. le rapporteur et à celle de mes amis du groupe socialiste, ce qui n'étonnera personne. Je propose la suppression de l'article 4 bis.
Conformément au texte du code de la propriété intellectuelle et au principe de l'interprétation stricte des exceptions, la Cour de cassation a jugé que la licence légale « phonogrammes du commerce » ne pouvait pas être étendue à la reproduction de ces phonogrammes et à leur inclusion dans des vidéogrammes ou dans les programmes ou génériques des services de communication audiovisuelle.
Cette jurisprudence très claire préserve donc l'étendue des droits exclusifs des artistes interprètes, droits qui sont rémunérés dans le cadre de licences contractuelles susceptibles de leur garantir une rémunération certainement plus « équitable »» et, en tout cas, plus transparente et plus contrôlable que la répartition approximative par les sociétés de droits des sommes collectées en contrepartie de la licence légale.
Les contrats d'artistes comportent déjà des clauses prévoyant la rémunération de ces formes d'utilisation des phonogrammes. Les conditions de cette rémunération devraient être précisées et améliorées, en particulier pour les artistes d'accompagnement, dans le cadre d'une convention collective actuellement négociée sous l'égide du ministère de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement
À mon avis, il convient donc de supprimer cet article 4 bis - c'est également ce que pensent la commission et mes amis du groupe socialiste -, dont l'adoption porterait une atteinte supplémentaire aux principes du droit de la propriété littéraire et artistique et aux droits exclusifs des artistes-interprètes.
Il se trouve que cet amendement de suppression est identique à l'amendement n° 128. Je retire donc mon amendement au profit de ce dernier.
M. le président. L'amendement n° 69 est retiré.
La parole est à M. David Assouline, pour présenter l'amendement n° 128.
M. David Assouline. J'argumenterai dans le même sens que M. le rapporteur et que M. Charasse.
L'Assemblée nationale a souhaité étendre le régime de licence légale - celui-ci est actuellement réservé à la diffusion radio d'un phonogramme, en vertu de l'article L. 214-1 du code de la propriété intellectuelle - aux services de télévision incluant dans leurs programmes des reproductions de ces mêmes phonogrammes.
L'objectif des députés était de contrecarrer plusieurs décisions récentes de la Cour de cassation, qui viennent d'ailleurs d'être mentionnées - je pense à celle du 29 janvier 2002 et à celle du 16 novembre 2004. La Cour avait estimé que la licence légale applicable aux « phonogrammes du commerce » ne pouvait pas être étendue à la reproduction de ces phonogrammes et à leur inclusion dans des vidéogrammes ou dans les programmes et génériques des services de télévision.
L'Assemblée nationale a assurément légiféré en ce sens, sous la pression tout à fait légitime, mais qu'il faut tout de même rappeler, des services de télévision, insatisfaits de cette jurisprudence. En effet, la rémunération ainsi versée par les services audiovisuels aux ayants droit ne serait manifestement pas « équitable », compte tenu de son montant dérisoire, qui est à l'inverse satisfaisant pour les services concernés.
À l'heure où les droits exclusifs semblent de plus en plus menacés, il convient de supprimer cette disposition qui aurait pour principale conséquence de priver encore plus les ayants droit du bénéfice de l'exercice de ces droits.
Les contrats des artistes comportent déjà des clauses sur la rémunération des phonogrammes ainsi diffusés par les services de communication audiovisuelle. Une convention collective est d'ailleurs en cours de négociation afin de régler les problèmes afférents à ce type de rémunération. Point n'est donc besoin de figer dans la loi un dispositif manifestement défavorable aux ayants droit.
M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 147 est présenté par MM. Ralite, Renar et Voguet, Mme David et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
L'amendement n° 204 est présenté par Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet et M. Desessard.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Rédiger ainsi cet article :
L'article L. 214-1 du code de la propriété intellectuelle est ainsi rédigé :
« Art. L. 214-1. - Lorsqu'un phonogramme a été publié à des fins de commerce, l'artiste-interprète et le producteur ne peuvent s'opposer à la communication au public de ce phonogramme ou d'une reproduction de ce phonogramme, dès lors qu'il n'est pas utilisé dans un spectacle, par fil ou sans fil, sauf en cas de mise à la disposition du public de manière que chacun puisse y avoir accès de l'endroit et au moment qu'il choisit individuellement.
« Ces utilisations des phonogrammes publiés à des fins de commerce, qu'ils soient reproduits ou non dans un vidéogramme, ouvrent droit à rémunération au profit des artistes-interprètes et des producteurs, quel que soit le lieu de fixation de ces phonogrammes.
« Cette rémunération est versée par les personnes qui utilisent les phonogrammes publiés à des fins de commerce dans les conditions mentionnées au premier alinéa.
« Elle est assise sur les recettes de l'exploitation ou, à défaut, évaluée forfaitairement dans les cas à l'article L. 131-4.
« Elle est répartie par moitié entre les artistes-interprètes et les producteurs de phonogrammes. »
La parole est à M. Ivan Renar, pour présenter l'amendement n° 147.
M. Ivan Renar. Nous proposons non pas de supprimer l'article 4 bis, mais de le rédiger différemment.
L'avènement du numérique a bouleversé la distinction entre les deux prérogatives patrimoniales, le droit de représentation et le droit de reproduction : « la dématérialisation liée aux nouvelles technologies de la communication brouille la frontière entre le vecteur qui porte l'oeuvre - exercice du droit de représentation - et le support qui la fixe - droit de reproduction », ainsi que le dit le juriste André Lucas.
Il est donc difficile de démêler le droit quand un phonogramme du commerce est communiqué au public via les modes modernes de diffusion, notamment Internet.
Les « nécessités techniques » de radiodiffusion pourraient se passer de l'application du droit exclusif, plusieurs textes internationaux allant d'ailleurs dans le sens d'une interprétation extensive. En effet, le procédé technique a pour unique finalité de permettre une utilisation licite d'une oeuvre.
Notre amendement vise à inclure légitimement les web radios et le simulcast dans le champ de la rémunération équitable et à les assujettir ainsi au même régime que celui des radios hertziennes.
Cet amendement vise également à mettre fin à l'incertitude créée par l'arrêt de la Cour de cassation en date du 16 novembre 2004, en prévoyant que l'utilisation d'un phonogramme, même incorporé dans un vidéogramme, appartient au champ de la rémunération équitable.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous vous demandons de voter cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour présenter l'amendement n° 204.
Mme Marie-Christine Blandin. Cet amendement est identique à l'amendement n° 147.
Tout transfert de matière, d'énergie, de signal occasionne des pertes en ligne.
Certains droits, ceux des artistes-interprètes, se sont en effet perdus lors du passage du signal sonore véhiculé par voie hertzienne - nos bonnes vieilles radios ! - au signal numérique des web radios et d'Internet.
Certains droits, les mêmes - ceux des artistes-interprètes - se sont perdus lors du passage du signal sonore au signal sonore et visuel. Ainsi, lorsqu'une chanson est diffusée dans un café - par un bon vieux juke-box -, l'interprète est rémunéré. Mais lorsque cette même chanson, chantée par le même interprète, est diffusée dans le même café sous forme de clip sur un écran numérique, c'est terminé. Dès lors qu'il s'agit d'images, l'interprète n'est plus payé.
Il faut saisir l'opportunité de l'examen du présent projet de loi pour nous mettre en conformité avec les textes européens et pour reconstruire une rémunération équitable et juridiquement sûre. Cet amendement rendra possible une rémunération qu'il était peu réaliste de renvoyer à la négociation avec les producteurs. D'ailleurs, l'article 8-2 de la directive du 19 novembre 1992 prévoit clairement que l'utilisateur participe à la rémunération.
Cet article est également sans ambiguïté s'agissant du support. Il précise en effet : « par le moyen des ondes radioélectriques ou pour une communication quelconque au public ».
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Michel Thiollière, rapporteur. L'amendement n° 128 étant identique à l'amendement n° 13 de la commission, j'estime qu'il est satisfait.
L'amendement n° 147 tend à modifier profondément le régime de licence légale pour les phonogrammes du commerce, mis en place par la loi Lang de 1985. Il vise en effet à étendre cette licence aux reproductions de phonogrammes par les diffuseurs, y compris les web radios.
Le Parlement devra probablement étudier l'extension de la licence globale à toutes les web radios, lorsque ce secteur aura trouvé un modèle économique viable. Toutefois, afin d'éviter toute confusion sur ce sujet, je tiens à rappeler que l'extension proposée par M. Renar concernerait avant tout les web radios n'ayant pas à ce jour conclu de convention avec le CSA. En effet, les radios hertziennes jouissent d'ores et déjà d'une tolérance leur permettant d'utiliser les phonogrammes du commerce dans les programmes qu'elles proposent à leurs auditeurs par l'intermédiaire d'Internet.
Pour toutes ces raisons, il paraît souhaitable de maintenir en l'état la rédaction de l'article L. 214-1 du code de la propriété intellectuelle.
J'émets donc un avis défavorable sur l'amendement n° 147, ainsi que sur l'amendement identique n° 204.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. J'émets un avis favorable sur l'amendement n° 13, ainsi que sur l'amendement identique n° 128.
En revanche, j'émets un avis défavorable sur l'amendement n° 147.
S'agissant de l'extension de la licence légale aux web radios, je tiens à rappeler que la justification originelle de l'absence de droit exclusif réside dans le fait que la radiodiffusion est considérée comme un marché secondaire d'exploitation des phonogrammes.
Or les techniques numériques de radiodiffusion bouleversent la hiérarchie entre marché primaire et le marché secondaire. Des services proposent ainsi une programmation dédiée à un artiste ou à un auteur déterminé et exclusivement constituée de phonogrammes publiés à des fins de commerce.
Le maintien d'un droit exclusif paraît nécessaire pour maîtriser ce nouveau mode d'exploitation, dont les contours sont mal définis.
Une démarche contractuelle est tout à fait envisageable. Plusieurs accords ont d'ailleurs déjà été signés, notamment avec AOL ou Yahoo, qui ont lancé ce type de services.
Quant à l'extension de la licence légale à la télévision, nous l'avons déjà évoquée à propos des précédents amendements. J'émets donc également un avis défavorable sur l'amendement n° 204.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 13 et 128.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, l'article 4 bis est supprimé et les amendements nos 147 et 204 n'ont plus d'objet.
Article 4 ter
Dans l'article L. 331-4 du même code, après le mot : « procédure », sont insérés les mots : « parlementaire de contrôle, ».
M. le président. L'amendement n° 14, présenté par M. Thiollière, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Michel Thiollière, rapporteur. Je propose de supprimer cet article, qui a été ajouté par l'Assemblée nationale et qui a pour objet d'étendre aux procédures parlementaires de contrôle une exception que l'article L. 331-4 du code de la propriété intellectuelle prévoit déjà en faveur des procédures juridictionnelles et administratives.
Certes, cette nouvelle exception est autorisée par la directive. On peut toutefois s'interroger sur son opportunité. Nous n'avons en effet pas le sentiment que l'utilisation d'oeuvres publiées dans le cadre de nos rapports justifie d'aller au-delà de l'exception de citation, qui nous permet déjà d'analyser et de reproduire de courts extraits d'un texte, sous réserve d'en indiquer la source et l'auteur.
Il ne nous a donc pas paru nécessaire d'aller au-delà, d'autant plus qu'une telle disposition pourrait apparaître comme une mesure faite uniquement pour les parlementaires. Elle ne serait pas forcément la bienvenue.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. En conséquence, l'article 4 ter est supprimé.
CHAPITRE II
Durée des droits voisins
Article 5
L'article L. 211-4 du code de la propriété intellectuelle est ainsi rédigé :
« Art. L. 211-4. - La durée des droits patrimoniaux objets du présent titre est de cinquante années à compter du 1er janvier de l'année civile suivant celle :
« 1° De l'interprétation pour les artistes-interprètes. Toutefois, si une fixation de l'interprétation fait l'objet d'une mise à disposition du public, par des exemplaires matériels, ou d'une communication au public pendant la période définie au premier alinéa, les droits patrimoniaux de l'artiste-interprète n'expirent que cinquante ans après le 1er janvier de l'année civile suivant le premier de ces faits ;
« 2° De la première fixation d'une séquence de son pour les producteurs de phonogrammes. Toutefois, si un phonogramme fait l'objet, par des exemplaires matériels, d'une mise à disposition du public pendant la période définie au premier alinéa, les droits patrimoniaux du producteur de phonogramme n'expirent que cinquante ans après le 1er janvier de l'année civile suivant ce fait. En l'absence de mise à disposition du public, ses droits expirent cinquante ans après le 1er janvier de l'année civile suivant la première communication au public ;
« 3° De la première fixation d'une séquence d'images sonorisées ou non pour les producteurs de vidéogrammes. Toutefois, si un vidéogramme fait l'objet, par des exemplaires matériels, d'une mise à disposition du public ou d'une communication au public pendant la période définie au premier alinéa, les droits patrimoniaux du producteur de vidéogramme n'expirent que cinquante ans après le 1er janvier de l'année civile suivant le premier de ces faits ;
« 4° De la première communication au public des programmes mentionnés à l'article L. 216-1 pour des entreprises de communication audiovisuelle. »
M. le président. L'amendement n° 193, présenté par M. Fournier, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi le 3° du texte proposé par cet article pour l'article L. 211-4 du code de la propriété intellectuelle :
« 3° De la première fixation d'une séquence d'images sonorisées ou non pour les producteurs de vidéogrammes. Toutefois, si un vidéogramme fait l'objet, par des exemplaires matériels, d'une mise à disposition du public pendant la période définie au premier alinéa précité, les droits patrimoniaux du producteur de vidéogrammes n'expirent que 50 ans après le 1er janvier de l'année civile suivant ce fait.
« En l'absence de mise à disposition du public pendant la période définie au premier alinéa précité, ses droits expirent 50 ans après le 1er janvier de l'année civile suivant la première communication au public.
La parole est à M. Bernard Fournier.
M. Bernard Fournier. Le chapitre II du projet de loi a pour effet d'allonger la durée des droits des producteurs de phonogrammes, mais non celle des producteurs de vidéogrammes.
En effet, pour les producteurs de phonogrammes, le délai de protection de cinquante ans débute à la date de première publication, alors que, pour les producteurs de vidéogrammes, il débute à la date de première communication au public.
Cette différence de régime me semble inéquitable pour les producteurs de vidéogrammes.
Le présent amendement a donc pour objet de prolonger la durée des droits des producteurs de vidéogrammes, à l'instar de celle des producteurs de phonogrammes, et ainsi d'harmoniser la durée des droits voisins des producteurs de phonogrammes et de vidéogrammes.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Michel Thiollière, rapporteur. Par cet amendement, il s'agit d'aligner le décompte de la durée des droits voisins des producteurs de vidéogrammes sur celui des producteurs de phonogrammes.
La directive de 2001 ne prévoyant pas cette mesure, la commission s'en remet à la sagesse de notre assemblée.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. Je suis malheureusement obligé d'émettre un avis défavorable sur cet amendement, car l'extension de cette modification aux producteurs de vidéogrammes aurait pour conséquence de remettre en cause l'effet d'harmonisation des législations de cette directive. Les producteurs de vidéogrammes français pourraient en effet bénéficier d'une durée de protection plus longue que leurs homologues européens.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Michel Thiollière, rapporteur. Compte tenu de l'avis que vient d'émettre M. le ministre, je demande à notre collègue Bernard Fournier de bien vouloir retirer son amendement.
M. le président. Monsieur Fournier, l'amendement n° 193 est-il maintenu ?
M. Bernard Fournier. J'ai écouté, un peu déçu, les propos de M. le ministre. Je m'incline donc et retire mon amendement, pour ne pas lui être désagréable ! (Sourires.)
M. le président. L'amendement n° 193 est retiré.
Je mets aux voix l'article 5.
(L'article 5 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 5
M. le président. L'amendement n° 70, présenté par M. Charasse, est ainsi libellé :
Après l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I.- La dernière phrase de l'article L. 212-7 du code de la propriété intellectuelle est supprimée.
II.- Les dispositions de l'article L. 212-7 du code de la propriété intellectuelle :
1° ne sont pas applicables aux actes d'exploitation de l'interprétation d'un artiste-interprète décédé antérieurs à la date d'entrée en vigueur de la présente loi ;
2° ne sont pas opposables à l'exploitation des oeuvres, fixations ou programmes en vue de la réalisation desquels les actes d'exploitation mentionnés au 1° ont été autorisés.
M. le président. La parole est à M. Michel Charasse.
M. Michel Charasse. Cet amendement propose de mettre enfin un terme à une injustice incompréhensible. Il a déjà une histoire un peu longue, puisque je l'ai présenté au moins à deux ou trois reprises au Sénat, qui, dans un souci de justice, l'a même adopté au moins une fois, lors de la discussion de la loi du 1er août 2000.
À chaque fois cependant, le gouvernement, quel qu'il soit, en a obtenu le retrait ici ou à l'Assemblée nationale, en arguant que, pour adopter cette disposition, à laquelle il n'était pas défavorable sur le fond, il nous fallait attendre d'être saisis de la transposition de la directive. Or nous y sommes !
Cet amendement vise donc à supprimer une disposition de la loi de 1985, qui figure dans l'article L. 212-7 du code de la propriété intellectuelle. Cette disposition prévoit l'extinction, au décès des artistes-interprètes, de leurs droits à rémunération - cela concerne donc leurs héritiers - pour les modes d'exploitation des oeuvres audiovisuelles non prévus par les contrats antérieurs au 1er janvier 1986.
Le texte en vigueur lèse donc gravement les héritiers des artistes disparus avant le terme de leurs droits. Il est à l'origine de situations particulièrement injustes et de graves difficultés pour certaines familles. Un certain nombre d'enfants, dont certains sont aujourd'hui majeurs, d'artistes décédés - je pense à Joe Dassin, à Claude François, à Coluche - sont ainsi privés des droits considérés en raison de cette disposition.
Surtout, ce texte n'est pas conforme à la directive n° 93/98 CEE du 29 octobre 1993, qui a harmonisé la durée des droits des artistes-interprètes - en prévoyant si nécessaire le rappel à la protection de certains droits. Son application pourrait donc être contestée de ce fait.
Aussi, l'amendement n° 70 a pour objet de mettre en conformité l'article L. 212-7 du code de la propriété intellectuelle avec le droit communautaire et de rétablir les droits des artistes décédés.
Afin de tenir compte des observations qui m'avaient été faites par l'un de vos prédécesseurs, monsieur le ministre, mon amendement préserve les droits acquis sous l'empire du texte en vigueur. Ainsi, les droits acquis sous l'empire de la loi de 1985 ne seront pas remis en cause. Simplement, cette loi ne produira plus d'effets pour l'avenir.
Telle est, monsieur le président, la mesure que je propose au Parlement, par la voie du Sénat, d'adopter enfin pour mettre un terme à cette injustice et se conformer au droit communautaire.
M. le président. Le sous-amendement n° 282, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Supprimer le II de cet amendement.
La parole est à M. le ministre.
M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. Monsieur Charasse, comme je fais un pas dans votre direction, je souhaiterais que vous en fassiez un dans la mienne. En d'autres termes, j'émets un avis favorable sur le paragraphe I de votre amendement et un avis défavorable sur le paragraphe II. Par le sous-amendement n° 282, le Gouvernement propose donc la suppression de la deuxième partie de l'amendement n° 70.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 70 et sur le sous-amendement n° 282 ?
M. Michel Thiollière, rapporteur. La commission est favorable au I de l'amendement n° 70 et au sous-amendement n° 282.
M. le président. La parole est à M. Michel Charasse.
M. Michel Charasse. Il me semble, monsieur le ministre, que vous allez plus loin que moi. Si les dispositions que je qualifierai de « scélérates » de la loi de 1985 « sautent » bien - et, à mon avis, tel est le cas -, je me rallie à votre position. Si je comprends bien, vous supprimez purement et simplement la spoliation.
M. Michel Charasse. Dans ces conditions, je suis d'accord avec vous.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 5.
L'amendement n° 49, présenté par Mme Morin-Desailly, M. Nogrix et les membres du groupe Union centriste-UDF, est ainsi libellé :
Après l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa de l'article L. 311-4 du code de la propriété intellectuelle est complété par une phrase ainsi rédigée : « Cette rémunération est également versée par les personnes dont l'activité est d'offrir un accès à des services de communication au public en ligne, au titre des copies privées d'oeuvres effectuées par les utilisateurs de leurs services sur tout support, quelle qu'en soit leur source. »
L'amendement n° 50, présenté par Mme Morin-Desailly, M. Nogrix et les membres du groupe Union centriste-UDF, est ainsi libellé :
Après l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans le premier alinéa de l'article L. 311-5 du code de la propriété intellectuelle, après les mots : « ou importateurs des supports » sont insérés les mots : « et les organisations représentant les personnes dont l'activité est d'offrir un accès à des services de communication au public en ligne, tels que »
La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour défendre ces deux amendements.
Mme Catherine Morin-Desailly. Ce sont deux amendements d'appel, qui ont pour objet d'assujettir les fournisseurs d'accès à Internet au paiement de la rémunération pour copie privée et donc de les faire participer au financement de la culture.
Il ne s'agit pas, je le précise d'emblée pour que l'on ne m'oppose pas ultérieurement cet argument, de réintroduire subrepticement la licence légale ou globale, telle qu'elle a été votée au mois de décembre dernier à l'Assemblée nationale. Ces amendements n'en ont ni l'odeur, ni la couleur. Le groupe UDF avait unanimement rappelé, à la différence d'autres groupes, que la licence globale était une fausse bonne idée qui menaçait la création française. Je souhaite non pas que l'on nous fasse ce procès, mais que nous engagions une véritable réflexion sur les nouveaux modes de financement de la création artistique.
La proposition que je vous soumets n'est également en aucune manière assortie d'une autorisation à copier des fichiers musicaux ou audiovisuels sur les réseaux de peer to peer. Il s'agit simplement de faire contribuer les fournisseurs d'accès au financement de la culture.
L'amendement n° 49 tend à prendre en compte une réalité : les fournisseurs d'accès à Internet se sont enrichis et ont fondé leur stratégie de développement du haut débit sur l'accès aux oeuvres culturelles, qu'elles soient musicales ou audiovisuelles. Parallèlement, on peut constater que les besoins de financement de la création culturelle sont très importants.
Cet amendement se justifie d'autant plus qu'Internet est aujourd'hui un mode de diffusion essentiel des oeuvres et prestations artistiques protégées.
Rappelons-nous que les fournisseurs d'accès à Internet ne voyaient aucun inconvénient à diffuser des publicités en faveur du téléchargement et des logiciels de peer to peer - légal ou non - pour attirer de nouveaux abonnés au haut débit.
Il y a donc une certaine hypocrisie à profiter d'une technologie et du développement des échanges d'oeuvres culturelles et à ne pas participer au financement de la culture. En outre, les fournisseurs précités ont aujourd'hui amorti leur investissement et le risque de voir répercuter le surcoût sur les internautes est faible, étant donné la concurrence acharnée que connaît ce secteur.
Les fournisseurs d'accès à Internet ne sont pas obligatoirement les seuls à devoir participer au financement culturel. Nous savons tous que, dans les années à venir, il faudra trouver de nouvelles sources de financement pour alimenter l'exception pour copie privée et que nous devrons définir ceux qui contribueront demain à la rémunération pour copie privée.
. D'autres supports - et cela nécessite d'importantes réflexions - pourraient être mis à contribution. Je pense aux disques durs d'ordinateurs, qui permettent de stocker de nombreuses copies d'oeuvres et qui ne sont pas assujettis à la redevance pour copie privée, alors que d'autres supports liés au numérique le sont, comme les MP3 ou les clés USB. Je pense également aux téléchargements sur les plates-formes légales, ou encore aux opérateurs de téléphonie mobile qui font des bénéfices en tirant profit du téléchargement de sonneries musicales. Je reviendrai sur ce point tout à l'heure.
Avec le développement de l'internet et du téléchargement, qui constituent un nouveau mode de diffusion de la culture, il s'agit d'engager la réflexion sur les modes de financement de la culture. Force est de reconnaître qu'Internet sera un mode privilégié de diffusion des oeuvres susvisées. Il apparaît donc justifié, comme le préconisait le rapport du Conseil économique et social, que les fournisseurs d'accès participent au financement de la création artistique et littéraire.
Quant à l'amendement n° 50, il est le corollaire des dispositions prévues à l'article L. 311-4 du code de la propriété intellectuelle et permet aux fournisseurs d'accès de participer aux négociations relatives à l'établissement des différents barèmes de la rémunération pour copie privée.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Michel Thiollière, rapporteur. Nous prenons bien volontiers acte de la position que vient d'exprimer Mme Morin-Desailly. Nous partageons son intérêt pour la réflexion à conduire sur ce sujet.
En revanche, il nous paraît aujourd'hui prématuré d'étendre l'assiette de la rémunération pour copie privée aux fournisseurs d'accès à Internet. C'est la raison pour laquelle la commission émet un avis défavorable sur l'amendement n° 49, tout en gardant à l'esprit l'intérêt de la démarche proposée par notre collègue.
La commission est également défavorable à l'amendement n° 50.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. L'amendement n° 49 s'inscrit dans la perspective d'une licence globale qui n'est souhaitable ni pour la création, ni pour les internautes.
S'agissant de la contribution des fournisseurs d'accès à la création, je voudrais faire référence à l'accord sur la vidéo à la demande qui a été conclu le 20 décembre dernier entre les fournisseurs d'accès à Internet et les organisations professionnelles du cinéma et de l'audiovisuel et qui prévoit qu'une part de leur chiffre d'affaires sera consacrée aux investissements dans la production d'oeuvres. Aux yeux du Gouvernement, ce mode d'intervention paraît plus favorable à la création et à la diversité culturelle. Grâce à cet accord et au dispositif de sécurité juridique que, j'espère, vous adopterez, mesdames, messieurs les sénateurs, il existera un surcroît de financement pour la création. C'est cette voie que je vous propose de suivre. Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable sur les amendements nos 49 et 50.
M. le président. Madame Morin-Desailly, ces amendements sont-ils maintenus ?
Mme Catherine Morin-Desailly. Non, monsieur le président, je les retire. J'avais bien précisé qu'il s'agissait d'amendements d'appel. Je souhaite simplement que nous engagions une réflexion sur les nouveaux modes de financement de la culture liés à l'apparition du numérique.
M. le président. Les amendements nos 49 et 50 sont retirés.
CHAPITRE II BIS
Commission de la copie privée
Article 5 bis
L'article L. 311-4 du code de la propriété intellectuelle est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Ce montant tient compte des éventuelles incidences, sur les usages des consommateurs, de l'utilisation effective des mesures techniques mentionnées à l'article L. 331-5. »
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 51 est présenté par Mme Morin-Desailly, M. Nogrix et les membres du groupe Union centriste-UDF.
L'amendement n° 148 est présenté par MM. Ralite, Renar et Voguet, Mme David et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour présenter l'amendement n° 51.
Mme Catherine Morin-Desailly. Cet amendement vise à supprimer l'article 5 bis, introduit par l'Assemblée nationale et qui prévoit que le montant de la rémunération pour copie privée tiendra compte des incidences de l'utilisation effective des mesures techniques de protection sur les usages des consommateurs.
La rémunération pour copie privée a été instituée par la loi de juillet 1985 pour apporter aux auteurs et artistes-interprètes une compensation pour le préjudice que portait à leurs intérêts le développement des pratiques de copie.
Elle est versée par le fabricant ou l'importateur de supports d'enregistrement utilisables pour la reproduction à usage privé et la commission pour copie privée tient compte du type de support et de la durée d'enregistrement qu'il permet.
Si nous comprenons bien la disposition introduite par l'Assemblée nationale, ses conséquences pour l'exception pour copie privée nous semblent dangereuses.
Premièrement, avec les mesures techniques de protection, on restreint potentiellement l'exercice de l'exception pour copie privée puisqu'un utilisateur ne pourra peut-être plus copier pour son usage personnel et dans le cadre privé un bien légalement acquis.
Dans ce cas, on peut se demander s'il est encore logique de prélever une rémunération pour copie privée sur les supports vierges s'il n'est plus possible techniquement de faire une copie.
Deuxièmement, si l'exercice de l'exception pour copie privée n'est pas devenu impossible du fait des mesures techniques de protection, prévoir dans la loi que le montant de la rémunération pour copie privée dépendra de l'utilisation des mesures techniques nous semble également dangereux.
En effet, cela veut dire qu'à terme le montant de la rémunération pour copie privée sera réduit puisque, avec les mesures techniques de protection, les consommateurs ne pourront plus faire de copie. Logiquement, la rémunération pour copie privée sera de moins en moins alimentée par la redevance sur les supports vierges, qui eux-mêmes, tels les CD ou les cassettes VHS, vont peu à peu disparaître. Ensuite, cette rémunération disparaîtra purement et simplement, faute de pouvoir bénéficier de cette exception.
Il faut bien s'en rendre compte, derrière cette disposition, c'est le financement du secteur culturel qui peut être menacé. En 2005, plus de 160 millions d'euros sont affectés à la rémunération des ayants droit via les sociétés de répartition des droits et la loi prévoit que 25 % de cette somme, soit 40 millions d'euros, sont alloués à des aides à la création artistique, à la diffusion du spectacle vivant et à la formation d'artistes.
Je m'adresse donc aux élus locaux, qui connaissent l'importance des festivals et des manifestations pour la vie culturelle et économique de leur région. Sans ces financements, issus directement de l'exception pour copie privée, ce sont des structures et des festivals qui pourraient être partiellement remis en cause.
Au moment où le spectacle vivant connaît une crise, il me semble dangereux de réduire encore une de ses sources de financement.
L'article 5 bis nous semble menacer la rémunération pour copie privée qui, avec l'utilisation des mesures techniques de protection, peut être amenée à disparaître. Il s'agit donc, en supprimant ce texte, de la sauvegarder.
Cela conduira peut-être aussi à réfléchir dès aujourd'hui aux nouvelles sources sur lesquelles la redevance pour copie privée pourrait être prélevée dans le monde numérique. Plusieurs pistes en ce sens ont déjà été évoquées précédemment.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour présenter l'amendement n° 148.
Mme Annie David. Cet amendement est identique à celui qui vient d'être présenté. Nos préoccupations sont semblables à celles de ses auteurs.
Nombreuses et nombreux sont les artistes, interprètes, auteurs, compositeurs, créateurs, mais aussi celles et ceux qui, soucieux de la diversité culturelle dans notre pays, nous ont alertés sur le danger que fait planer le présent projet de loi sur la rémunération pour copie privée.
Il s'agit là non pas, bien évidemment, de « contrefaçon », qui consiste en la mise à disposition publique d'oeuvres sans autorisation, mais bien de la copie privée instituée par la loi qui constitue, quant à elle, une exception au droit exclusif. Elle autorise les particuliers à réaliser des copies pour leur usage privé sur tout support permettant l'enregistrement des oeuvres.
En contrepartie, cette exception ouvre droit à une rémunération au bénéfice des auteurs, artistes-interprètes et producteurs d'oeuvres audiovisuelles ou musicales, ainsi qu'aux auteurs et éditeurs de l'écrit et de l'image fixe.
Une commission de négociation professionnelle détermine les taux de rémunération en fonction des types de supports utilisables pour la reproduction à usage privé. Les perceptions au titre de cette rémunération s'élèvent en 2005, en masse globale, à environ 154 666 millions d'euros hors taxe, dont à peu près 82 millions d'euros sont affectés aux ayants droit du sonore, 69 millions d'euros à ceux de l'audiovisuel et 3 millions d'euros aux ayants droit de l'écrit et de l'image fixe.
Un quart de la somme perçue est alors affecté aux actions d'intérêt général culturelles : aide à la création, à la diffusion du spectacle vivant, à des actions de formations des artistes. Nous connaissons toutes et tous, dans nos départements, des compagnies très actives dans le domaine culturel qui bénéficient de subventions résultant de ce droit à rémunération pour copie privée. Ces subventions participent à leur financement.
Or cet article 5 bis, qui, selon vous, monsieur le ministre, a pour objet de prendre en compte les incidences éventuelles des mesures techniques sur les pratiques de copie effectuées par les consommateurs, remet en cause le calcul de ce droit à rémunération pour copie privée.
Cependant, ces fameuses DRM, ou, pour parler français, ces mesures techniques de protection, hormis le fait, qui n'est pas des moindres, qu'elles sont des possibilités d'intrusion dans la vie privée des internautes par le fichage de chaque utilisateur en fonction de ses pratiques, ne risquent-elles pas, à terme, d'empêcher toute copie privée ? Elles priveraient alors l'ensemble du monde de la création artistique et culturelle de toute rémunération équitable au titre de l'exception de copie privée et le condamneraient aux seules rémunérations perçues par l'achat ou par les copies contrôlées par les producteurs et intermédiaires de la culture.
Vous organiseriez ainsi le tarissement des aides à la création artistique dont je parlais il y a un instant.
Mme Annie David. À cette raréfaction s'ajouteront les effets de l'interdiction des téléchargements autres que payants, grâce auxquels, pourtant, nombre de nouveaux talents se font connaître aujourd'hui.
Nous savons, comme vous, monsieur le ministre, mes chers collègues, que ce ne sont pas les multinationales, grandes gagnantes de ce projet de loi (M. le ministre et plusieurs sénateurs de l'UMP protestent), qui apporteront les financements manquant à la culture.
Le risque sera dès lors grand d'un repli de la création artistique et culturel de notre pays. D'où notre amendement, qui vise à supprimer cet article, afin de ne pas tenir compte des DRM, dont nous ne voulons pas, sous leur forme actuelle, en tout cas, pas plus dans le mode de calcul du droit à rémunération pour copie privée qu'ailleurs.
Si votre objectif, monsieur le ministre, n'est effectivement pas de réduire le financement accordé au monde de la culture, vous allez émettre un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 15, présenté par M. Thiollière, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi le texte proposé par cet article pour compléter l'article L. 311-4 du code de la propriété intellectuelle :
« Ce montant tient compte du degré d'utilisation des mesures techniques définies à l'article L. 331-5 et de leur incidence sur le préjudice potentiel subi par les titulaires de droit. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Michel Thiollière, rapporteur. La mise en oeuvre des mesures techniques de protection est susceptible soit de limiter, voire d'interdire, la réalisation de copie privée, soit de moduler les possibilités de copies en fonction de dispositions contractuelles librement négociées avec les bénéficiaires, et donc, à ce titre, déjà rémunérées.
Aussi, la commission propose une nouvelle rédaction pour prendre en compte ces deux aspects, en se rapprochant encore plus des termes et de l'esprit de la directive, qui, dans son considérant 35, précise que « le niveau de compensation équitable doit prendre en compte le degré d'utilisation des mesures techniques de protection », et suggère de retenir comme critère « le préjudice potentiel subi par les titulaires de droits ».
M. le président. Le sous-amendement n° 184, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Dans le texte proposé par cet amendement pour compléter l'article L. 311-4 du code de la propriété intellectuelle, remplacer les mots :
le préjudice potentiel subi par les titulaires de droit
par les mots :
les usages relevant de l'exception pour copie privée
La parole est à M. le ministre.
M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. Pour le cas où il y aurait quelque crainte dans cet hémicycle, je tiens à dire que, par définition, le Gouvernement et le ministre que je suis souhaitent que tous les financements soient assurés pour toutes les formes de spectacles vivants, notamment, bien sûr, les festivals.
Instance autonome, la commission pour copie privée fonctionne par négociation et arbitrage entre les représentants des intérêts concernés en bénéficiant de l'apport de leur compétence et en conduisant des études extérieures.
Elle détermine les taux de rémunération en fonction des types de supports utilisables pour la reproduction à usage privé.
La pratique établie et reconnue de ladite commission consiste à évaluer les usages de copie et la part des usages relevant de la copie privée. Cette dernière notion est la clé de voûte du dispositif, puisqu'elle permet de distinguer les usages qui doivent donner lieu à rémunération des autres usages pour en déduire un abattement sur la rémunération.
Ce mécanisme, validé, d'ailleurs, par deux arrêts du Conseil d'État, permet de tenir compte des éventuelles limitations d'usage qu'entraînent les mesures techniques.
La notion de préjudice potentiel paraît trop floue pour rendre cette disposition réellement applicable. Elle remettrait en cause la nature même de la rémunération pour copie privée. Or, comme vous l'avez souligné les uns et les autres, la rémunération pour copie privée est essentielle pour les créateurs, mais elle contribue également, par un soutien financier, à la vitalité de la création du spectacle vivant français, à hauteur de 25 % des sommes collectées.
Je tiens à souligner, d'ailleurs, que la commission de la rémunération pour copie privée est une instance distincte de l'autorité de régulation des mesures techniques. La commission évalue les rémunérations alors que l'autorité sera chargée de garantir et de concilier le droit d'auteur, l'interopérabilité et la copie privée.
C'est la raison pour laquelle je souhaite l'adoption de ce sous-amendement. S'il est adopté, j'émettrai un avis favorable sur l'amendement n° 15.
Quant aux amendements identiques nos 51 et 48, j'y suis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Michel Thiollière, rapporteur. S'agissant des amendements identiques nos 51 et 148, la directive du 22 mai 2001 subordonne l'exception pour copie privée à la condition que les titulaires de droits reçoivent une compensation équitable qui prend en compte l'application ou la non-application des mesures techniques. Ajuster la rémunération pour copie privée à ces exigences de la directive, au demeurant conformes à l'équité, devrait en renforcer la légitimité plutôt que l'affaiblir.
C'est la raison pour laquelle la commission émet un avis défavorable sur ces amendements, qui sont contraires à son amendement n° 15, lequel, loin de préluder à la disparition de la rémunération pour copie privée, tend à l'adapter aux nouvelles réalités de la diffusion numérique des oeuvres.
Quant au sous-amendement n° 184, la commission y est favorable, puisque la notion d'usage, qui relève de l'exception pour copie privée, est, semble-t-il, plus conforme au mode de fonctionnement de la commission de la rémunération pour copie privée que la notion de préjudice potentiel, qui avait d'abord été retenue par la commission.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 51 et 148.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 5 bis, modifié.
(L'article 5 bis est adopté.)
Article 5 ter
Le troisième alinéa de l'article L. 311-5 du même code est complété par deux phrases ainsi rédigées :
« Le compte rendu des réunions de la commission est rendu public, selon des modalités fixées par décret en Conseil d'État. La commission publie également un rapport annuel, transmis au Parlement. »
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 71, présenté par M. Charasse, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
L'article L. 311-5 du code de la propriété intellectuelle est ainsi rédigé :
« Art. L. 311-5. - Les types de supports, les taux et les modalités de versement de la rémunération sont déterminés par décret après avis d'une commission composée, pour moitié, de personnes désignées par les organisations représentant les bénéficiaires du droit à rémunération, pour un quart, de personnes désignées par les organisations représentant les personnes mentionnées au premier alinéa de l'article L. 311-4 et, pour un quart, de personnes désignées par les personnes représentant les consommateurs.
« Le compte rendu des réunions de la commission est rendu public selon des modalités définies par décret en Conseil d'État. La commission publie également un rapport annuel, transmis au Parlement. »
La parole est à M. Michel Charasse.
M. Michel Charasse. L'article 5 ter prévoit, à juste titre, d'assurer une certaine transparence aux travaux de la « commission copie privée ».
Cependant, il ne résout pas le problème de fond que pose la « délégation de décision », selon les termes du rapport de l'Assemblée nationale, accordée par le législateur de 1985 à une commission qui peut ainsi fixer, par des décisions exécutoires publiées au Journal Officiel, le montant d'un prélèvement dont, comme le rappelle également le rapport de l'Assemblée nationale, le non-paiement est passible de sanctions pénales.
Le présent amendement a donc pour objet de confier à une autorité plus légitime que l'actuelle commission « de l'article L. 311-5 », qui serait seulement investie d'un rôle consultatif, le soin de définir le régime de la rémunération pour copie privée.
Il serait sans doute souhaitable que, comme pour le droit de prêt en bibliothèque, la loi fixe des règles relatives au mode de calcul et à l'importance de la rémunération, par exemple par rapport au prix des supports d'enregistrements.
Dans l'immédiat, le texte proposé répond simplement à l'ambition plus modeste de franchir une première étape vers une définition moins contestable des conditions de compensation de l'exception de copie privée.
Il reprend in fine les dispositions du texte de l'Assemblée nationale, les mesures de transparence prévues gardant toute leur utilité pour éclairer le Parlement et l'opinion publique sur un sujet complexe et appelé à évoluer.
En fait, je suis un peu inquiet du sort qui pourrait être réservé, par une juridiction comme la Cour européenne de Strasbourg, à des mesures de fixation de dispositifs de rémunération obligatoire, sanctionnées pénalement si elles ne sont pas respectées.
Dans la mesure où la commission devient simplement consultative, c'est le ministre qui est l'autorité compétente pour exercer le pouvoir réglementaire : nous sommes alors à l'abri de toute difficulté.
M. le président. L'amendement n° 111, présenté par MM. Dufaut, Karoutchi et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :
À la fin de la première phrase du texte proposé par cet article pour compléter le troisième alinéa de l'article L. 311-5 du code de la propriété intellectuelle, supprimer les mots :
en Conseil d'État
La parole est à M. Alain Dufaut.
M. Alain Dufaut. Cet amendement a pour objet de supprimer la référence au Conseil d'État. En effet, un décret simple paraît suffisant pour préciser les conditions de publication du compte rendu des réunions de la commission de la rémunération pour copie privée. Ce serait plus simple, plus rapide et plus efficace.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Michel Thiollière, rapporteur. L'amendement n° 71 reprend une proposition formulée dans un précédent rapport de M. Didier Migaud, rapporteur général de la commission des finances à l'Assemblée nationale, qui préconisait, en 2001, une réforme en profondeur de la rémunération pour copie privée afin de l'ériger en une forme de taxe parafiscale dont les caractéristiques auraient dès lors relevé des pouvoirs publics.
Je souhaite, sur ce point, entendre l'avis du Gouvernement, étant toutefois précisé que cette réforme mériterait d'être conduite à l'occasion d'un autre débat.
Quant à l'amendement n° 111, la commission estime qu'il va dans le sens d'une simplification de procédure et elle émet donc un avis favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 71 : en effet, la fixation des types de supports, des taux et des modalités de versement par décret provoquerait une rigidité du système et transformerait la nature de la rémunération, qui est une rémunération de droit d'auteur, en véritable taxe sur les supports d'enregistrement.
Or notre souci est de faire en sorte qu'aux évolutions de la technologie puisse s'adapter, bien évidemment, l'évolution de l'assiette, qui permet de garantir la rémunération pour copie privée.
Je saisis d'ailleurs cette occasion pour vous annoncer, mesdames, messieurs les sénateurs, que je viens de renouveler la composition de la commission de la rémunération pour copie privée, qui constitue le mode adéquat de concertation interprofessionnelle. Ses travaux doivent se poursuivre afin de suivre les évolutions technologiques et celles des usages.
Quant à l'amendement n° 111, le Gouvernement y est favorable.
M. le président. Quel est à présent l'avis de la commission sur l'amendement n° 71 ?
M. Michel Thiollière, rapporteur. Défavorable.
M. le président. La parole est à M. Michel Charasse.
M. Michel Charasse. Je ne vais pas faire perdre son temps au Sénat, car je vois bien que je ne convaincrai pas M. le ministre, mais je remercie en revanche M. le rapporteur de son ouverture.
En réalité, je veux bien admettre que cette réforme est peut-être prématurée ou, plus exactement, ne peut sans doute pas être engagée dès maintenant, comme l'a dit M. le rapporteur. Il n'empêche qu'à mon avis il faudra la mettre en oeuvre très vite, car le système actuel est fragile.
Il est fragile parce que, contrairement à ce qui se passe lorsque, par exemple, quelqu'un ne paye pas son loyer, le loyer étant une forme de rémunération de la propriété, c'est au civil que cela se règle. Or, là, c'est au pénal.
Par conséquent, un jour viendra sans doute, selon moi, où la Cour européenne de Strasbourg pourrait considérer que nous ne sommes pas là dans les règles du procès équitable, dans la mesure où le droit qui s'impose au pénal est fabriqué par une commission Théodule qui n'a aucune légitimité (M. le ministre fait un signe de protestation), ce - monsieur le ministre, ne prenez pas un air indigné ! - au sens des règles habituelles de notre droit. Je ne vise pas les personnes ! Je ne le fais d'ailleurs jamais. Ou quand il m'arrive de le faire, et contrairement à d'autres, je préviens à l'avance. (Sourires.)
Tout cela est fragile et se terminera mal un jour. Mais je ne veux pas prolonger indéfiniment le débat. Je retire donc l'amendement n° 71, me réservant le droit d'y revenir ultérieurement.
M. le président. L'amendement n° 71 est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 111.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 5 ter, modifié.
(L'article 5 ter est adopté.)
Article 5 quater
L'article L. 311-8 du même code est complété par un 4° ainsi rédigé :
« 4° Les personnes morales ou organismes, dont la liste est arrêtée par le ministre chargé de la santé, qui utilisent les supports d'enregistrement à des fins d'imagerie médicale. »
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 16, présenté par M. Thiollière, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Michel Thiollière, rapporteur. Cet amendement tend à supprimer l'article 5 quater, car même si celui-ci soulève un vrai problème, la solution qu'il y apporte nous semble partielle et inadaptée.
La commission chargée par l'article L. 311-5 de déterminer les modalités de calcul de la rémunération pour copie privée a décidé, le 4 janvier 2001, d'étendre la perception de ce prélèvement à l'ensemble des supports d'enregistrement susceptibles d'être utilisés à des fins de copie privée, et notamment aux supports numériques.
Cette décision n'était pas dépourvue de fondement quand ces supports se substituaient rapidement aux supports analogiques et, ces derniers étant seuls taxés, entraînaient une chute de la rémunération, dans le même temps où les pratiques de copie continuaient à se développer. Mais cette extension soulève une importante difficulté, qui tient au fait que les supports numériques se prêtent, beaucoup plus que les supports analogiques, à de multiples usages, y compris professionnels, et sans lien avec la copie privée.
La commission de la copie privée s'efforce certes de prendre en compte ces usages professionnels à travers un abattement forfaitaire, mais il n'en demeure pas moins qu'il existe un relâchement de la corrélation entre copie privée et multiplicité des usages, incitant certains professionnels à réclamer un remboursement à leur profit de la rémunération qu'ils doivent verser.
Je reconnais que cette revendication n'est pas dépourvue de fondement, notamment dans le domaine de l'imagerie médicale qui fait un usage important de ces supports d'enregistrement. Pour autant, devons-nous leur donner satisfaction, au risque d'ouvrir la voie à d'autres demandes, qui mettraient rapidement à mal la logique de mutualisation sur laquelle repose ce dispositif ?
C'est la raison pour laquelle la commission propose de supprimer cet article.
M. le président. L'amendement n° 72, présenté par M. Charasse, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
L'article L. 311-8 du code de la propriété intellectuelle est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« La rémunération pour copie privée peut également donner lieu à remboursement, dans des conditions déterminées par décret en Conseil d'État, lorsque le support a été acquis pour un usage professionnel. »
La parole est à M. Michel Charasse.
M. Michel Charasse. Je suis dans une situation bizarre. En effet, je vais plutôt dans le sens du rapporteur car mon amendement n'est pas incompatible avec l'explication qu'il vient de donner. Pourtant, l'un est un amendement de suppression et pas l'autre.
Monsieur le ministre, ou tout le monde est concerné, ou personne ne l'est. M. le rapporteur pense que personne ne doit être bénéficiaire du dispositif même si le Sénat a déjà adopté en 2001 une disposition qui visait tous les professionnels. Pour ma part, j'ai une autre position : je propose que la rémunération pour copie privée puisse donner lieu à remboursement dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État quand le support a été acquis pour un usage professionnel. Je ne vise donc pas seulement l'imagerie médicale comme l'Assemblée nationale.
Le Sénat a donc le choix : ou bien on en reste au droit actuel, et c'est l'amendement de M. Thiollière qui est adopté, ou bien on choisit d'étendre cette solution à tous les professionnels, et c'est le mien qui passe. (Sourires.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 72 ?
M. Michel Thiollière, rapporteur. M. Charasse a bien résumé la situation. C'est la raison pour laquelle nous nous en tenons à l'amendement déposé par la commission. Mais nous pensons qu'une réflexion d'ensemble sur l'élargissement éventuel des exemptions pour usage professionnel serait préférable à une succession d'exonérations ponctuelles.
Une réforme aussi importante que celle qui est préconisée dans l'amendement de M. Charasse ne peut pas être décidée sans une évaluation préalable et approfondie, conduite, par exemple, dans le cadre du rapport sur l'application de la présente loi, qui devra de toute façon apprécier aussi les conséquences sur les pratiques de la copie privée.
Je demande donc à M. Charasse de bien vouloir retirer son amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements nos 16 et 72 ?
M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. Je ne sais pas si cela pourra influencer la décision de M. Charasse, mais je m'en remets à la sagesse du Sénat s'agissant de l'amendement n° 16.
Par ailleurs, j'émets un avis défavorable sur l'amendement n°72, M. Charasse n'en sera pas surpris puisqu'il avait compris que ces deux amendements s'excluaient l'un l'autre.
M. le président. Monsieur Charasse, l'amendement n° 72 est-il maintenu ?
M. Michel Charasse. Si, à cette heure tardive, le Sénat n'est pas sage et ne retient pas l'amendement de M. Thiollière, à ce moment-là, M. le ministre sera favorable au mien. (Sourires.) Sinon, je ne comprends plus rien !
J'ai le sentiment que l'article 5 quater ne va pas passer la nuit : je vais donc retirer l'amendement n° 72. Mais je dois dire que je n'ai fait que reprendre une suggestion formulée par l'ancien président de la « commission de la copie privée », pour laquelle M. le ministre a les yeux de Chimène.
Ceci étant dit, l'amendement n° 72 est mort, mais j'espère que l'article 5 quater le suivra.
M. le président. L'amendement n° 72 est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 16.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 5 quater est supprimé.
Vous aviez vu juste, Michel Charasse.
CHAPITRE III
Mesures techniques de protection et d'information
Article 6 A
I. - Après l'article L. 131-8 du code de la propriété intellectuelle, il est inséré un article L. 131-9 ainsi rédigé :
« Art. L. 131-9. - Le contrat mentionne la faculté pour le producteur de recourir aux mesures techniques prévues à l'article L. 331-5 ainsi qu'aux informations sous forme électronique prévues à l'article L. 331-10 en précisant les objectifs poursuivis pour chaque mode d'exploitation, de même que les conditions dans lesquelles l'auteur peut avoir accès aux caractéristiques essentielles desdites mesures techniques ou informations sous forme électronique auxquelles le producteur a effectivement recours pour assurer l'exploitation de l'oeuvre. »
II. - Après l'article L. 212-10 du même code, il est inséré un article L. 212-11 ainsi rédigé :
« Art. L. 212-11. - Les dispositions de l'article L. 131-9 sont applicables aux contrats valant autorisation d'exploitation en application des articles L. 212-3 et L. 212-4, entre les producteurs et les artistes-interprètes. »
III. - Les dispositions des I et II s'appliquent aux contrats conclus à compter de l'entrée en vigueur de la présente loi. - (Adopté.)
Articles additionnels avant l'article 6 ou après l'article 10
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 149, présenté par MM. Ralite, Renar et Voguet, Mme David et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article 6, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article L. 214-5 du code de la propriété intellectuelle, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. L. ... - Selon les modalités conformes aux usages, le producteur de phonogrammes est tenu de délivrer aux sociétés visées à l'article L. 321-1, sans frais, toutes les informations nécessaires à la répartition des droits perçus par elles, et principalement, le lieu de fixation, la nationalité du producteur et l'année de fixation du phonogramme.
« Le non-respect de l'obligation définie ci-dessus est puni de 3 750 euros d'amende. »
La parole est à M. Ivan Renar.
M. Ivan Renar. Par cet amendement, il s'agit d'assurer la transmission des informations qui ne sont généralement pas communiquées par le producteur, alors qu'elles sont nécessaires à une juste répartition des droits par les sociétés de gestion.
Nous constatons que la nouvelle rédaction de l'article 14 quater proposée par la commission va dans ce sens puisqu'elle tend à créer un registre public des oeuvres diffusées sur Internet.
Nous connaissons les difficultés rencontrées par les sociétés de gestion pour obtenir des producteurs concernés les informations légales nécessaires à leur travail. Ces mêmes producteurs ne feront certainement pas l'effort de déposer ces données au registre public des oeuvres diffusées sur Internet puisqu'ils ne le font pas en direction des sociétés civiles concernées. C'est pourquoi nous proposons une pénalisation en cas de non-respect de cette obligation.
Les deux textes, monsieur le rapporteur, monsieur le président de la commission, ne sont pas incompatibles. Nous pourrions donc les fusionner : une fois n'est pas coutume !
M. le président. L'amendement n° 211, présenté par Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet et M. Desessard, est ainsi libellé :
Après l'article 10, insérer un article additionnel un article ainsi rédigé :
Après l'article L. 214-5 du code de la propriété intellectuelle, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. L. ... - Selon des modalités conformes aux usages, le producteur de phonogrammes est tenu de délivrer aux sociétés visées à l'article L. 321-1, sans frais, toutes les informations nécessaires à la répartition des droits perçus par elles, et principalement : le lieu de fixation, la nationalité du producteur et l'année de fixation du phonogramme. »
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. Cet amendement a le même objet que le précédent puisque les sociétés de gestion des droits d'auteur, d'artistes-interprètes et de producteurs nous disent ne pas disposer des listings qui leur seraient nécessaires pour distribuer ces sommes aux ayants droit : elles sont bien perçues mais ne peuvent être correctement réparties.
Il est donc nécessaire que les informations concernant le lieu de fixation, la nationalité du producteur et l'année de fixation du phonogramme, ainsi que les autres renseignements qui manquent à ces sociétés, deviennent obligatoires.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Michel Thiollière, rapporteur. La préoccupation exprimée dans l'amendement n° 149 devrait être satisfaite par le nouveau dispositif que la commission propose d'adopter à l'article 14 quater. Celui-ci tend en effet à créer un registre public dans lequel les titulaires des droits, notamment les producteurs de phonogrammes, seront tenus d'inscrire les informations relatives à l'identification, aux droits et aux conditions d'accès des oeuvres et ainsi qu'aux objets protégés par un droit voisin.
Dans ces conditions, la commission émet un avis défavorable sur les amendements nos 149. Elle est également défavorable à l'amendement n° 211.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.
Mme Marie-Christine Blandin. Monsieur le rapporteur, certains amendements visent à supprimer l'article 14 quater. Même si on ne peut préjuger la décision du Sénat, ils pourraient être adoptés et votre proposition de registre n'aurait alors plus de support. Par ailleurs, si l'article 14 quater était voté, l'adoption d'un sous-amendement déposé sur notre initiative permettrait d'être plus impérieux à l'égard de ceux qui doivent fournir les renseignements destinés à ce registre.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 211.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 6
Dans le chapitre Ier du titre III du livre III du même code intitulé « Dispositions générales », sont créées une section 1 intitulée : « Règles générales de procédure », qui comprend les articles L. 331-1 à L. 331-4, et une section 2 intitulée : « Mesures techniques de protection et d'information ». - (Adopté.)
Article 7
Dans la section 2 du chapitre Ier du titre III du livre III du même code, il est inséré un article L. 331-5 ainsi rédigé :
« Art. L. 331-5. - Les mesures techniques efficaces destinées à empêcher ou limiter les utilisations non autorisées par le titulaire d'un droit d'auteur ou d'un droit voisin du droit d'auteur, d'une oeuvre, autre qu'un logiciel, d'une interprétation, d'un phonogramme, d'un vidéogramme ou d'un programme, sont protégées dans les conditions prévues au présent titre.
« On entend par mesure technique au sens de l'alinéa précédent, toute technologie, dispositif, composant, qui, dans le cadre normal de son fonctionnement, accomplit la fonction prévue à l'alinéa précédent. Ces mesures techniques sont réputées efficaces lorsqu'une utilisation visée à l'alinéa précédent est contrôlée grâce à l'application d'un code d'accès, d'un procédé de protection, tel que le cryptage, le brouillage ou toute autre transformation de l'objet de la protection, ou d'un mécanisme de contrôle de la copie qui atteint cet objectif de protection.
« Un protocole, un format, une méthode de cryptage, de brouillage ou de transformation ne constitue pas en tant que tel une mesure technique au sens du présent article.
« Les mesures techniques ne doivent pas avoir pour effet d'empêcher la mise en oeuvre effective de l'interopérabilité, dans le respect du droit d'auteur. Les fournisseurs de mesures techniques donnent l'accès aux informations essentielles à l'interopérabilité.
« On entend par informations essentielles à l'interopérabilité la documentation technique et les interfaces de programmation nécessaires pour obtenir dans un standard ouvert, au sens de l'article 4 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique, une copie d'une reproduction protégée par une mesure technique, et une copie des informations sous forme électronique jointes à cette reproduction.
« Tout intéressé peut demander au président du tribunal de grande instance statuant en référé d'enjoindre sous astreinte à un fournisseur de mesures techniques de fournir les informations essentielles à l'interopérabilité. Seuls les frais de logistique sont exigibles en contrepartie par le fournisseur.
« Toute personne désireuse de mettre en oeuvre l'interopérabilité est autorisée à procéder aux travaux de décompilation qui lui seraient nécessaires pour disposer des informations essentielles. Cette disposition s'applique sans préjudice de celles prévues à l'article L. 122-6-1.
« Les mesures techniques ne peuvent faire obstacle au libre usage de l'oeuvre ou de l'objet protégé dans les limites des droits prévus par le présent code ainsi que de ceux accordés par les détenteurs de droits.
« Ces dispositions ne remettent pas en cause celles prévues aux articles 79-1 à 79-6 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication.
« On ne peut pas interdire la publication du code source et de la documentation technique d'un logiciel indépendant interopérant pour des usages licites avec une mesure technique de protection d'une oeuvre. »
M. le président. Je suis saisi, par M. Ralite et les membres du groupe CRC, d'une motion n° 283, tendant au renvoi à la commission.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l'article 44, alinéa 5, du règlement du Sénat, le Sénat demande le renvoi à la commission de l'article 7 du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, relatif au droit d'auteur et aux droits voisins dans la société de l'information (n° 269, 2005-2006).
Je rappelle que, en application de l'article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative ou son représentant, pour cinq minutes, et un orateur d'opinion contraire pour cinq minutes également.
Aucune explication de vote n'est admise.
La parole est M. Jack Ralite, auteur de la motion.
M. Jack Ralite. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au moment d'aborder l'examen de l'article 7, je dois dire mon trouble à propos des traits que revêtent les transformations proposées par cet article.
Il y a eu un débat à l'Assemblée nationale, un débat difficile, dru, au cours duquel se sont exprimées des oppositions résolues,...
M. Jack Ralite. ...mais riche, en effet.
Pourtant, malgré ces oppositions, auxquelles on a pu assister à la télévision, l'article 7 a été voté à l'unanimité des groupes et avec l'accord du Gouvernement.
On peut certes crier au miracle. Pour ma part, je pense que le caractère dru de la discussion et l'authenticité de la confrontation ont amené chacun des groupes présents à élaborer non pas un consensus mou, mais une sorte de construction convergente qui, par le vote acquis, signifiait qu'il était possible de faire quelque chose ensemble.
Ce texte arrive au Sénat, lieu de sagesse, dit-on. Or la première des sagesses consiste à mettre dans cet article une petite bombe, qui est non pas à retardement mais à effet immédiat.
J'avoue que je ne comprends pas, car il s'agit d'un article important. Si on lit cet article et si on se penche sur cette question de l'interopérabilité, on constate que nous sommes confrontés à un sujet général, qui concerne le monde entier : la primauté et le monopole de sociétés géantes, comme Microsoft, auxquels il faudrait pouvoir opposer un droit anti-concentration, qui, pour le moment, n'existe pas.
Je me souviens qu'ici, au Sénat, lorsque Mme Catherine Trautmann, alors ministre de la culture, avait proposé des mesures anti-concentration concernant la télévision, il n'y avait rien eu à faire. Il ne fallait pas que cela passe et cela n'est pas passé.
Aux États-Unis, il existe un texte, le Sherman Act, qui date du siècle dernier. Le président Clinton, qui avait accepté une espèce de monopole provisoire afin de permettre à Microsoft un retour sur investissement, avait cependant décidé, à un moment donné, de s'attaquer à ce problème. Neuf états américains l'avaient suivi. Ils allaient de l'avant. Je rappelle que Microsoft réalise 84 % de profits par an, fait unique dans l'histoire du monde.
Or M. Bush arrive et, sans nous dire pourquoi, il renonce à cette politique, et Microsoft continue donc à triompher.
Selon moi, l'article 7 permettait, sans régler cette question, à travers la technique, de mettre en cause cette forme de monopole, qui touche notamment les logiciels libres.
C'est la deuxième question.
Il est vrai que cela apporte une réponse intéressante s'agissant des logiciels libres, mais on peut s'interroger sur les conséquences pour le droit d'auteur. C'est une question que je me pose, mais sans parvenir à l'élucider. Je dirai même qu'au fur et à mesure que l'on pénètre ce document on le comprend de moins en moins !
Nous, législateurs, devrions utiliser des mots, des phrases qui renvoient à des réalités intelligibles. Or, nous sommes devant une accumulation de mots machines qui rompent avec le français ordinaire, et même avec la langue du droit, ce qui nous prive en définitive de nos réels droits de législateurs.
M. Jack Ralite. Les amendements qui nous sont proposés sont souvent rédigés ailleurs. Aux Etats-Unis, on les vend aux parlementaires ! Ici, on nous les prête !
M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Pas ici !
M. Jack Ralite. Cela me choque profondément. J'ai l'impression d'être un élu du peuple diminué.
La troisième et dernière remarque que je ferai avant de formuler ma proposition est que nous sommes dans le domaine du transitoire.
M. Jack Ralite. La situation n'est pas stabilisée. La Commission européenne revoit la question. Je ne lui donne pas plus de vertus qu'elle n'en a, mais elle fait le même constat. Nous devrions donc être plus prudents.
J'en viens à ma proposition.
Que l'on ne me fasse pas dire que le Sénat doit enregistrer purement et simplement tout ce que fait l'Assemblée nationale, mais je ne comprends pas. Je voudrais que l'on m'explique pourquoi on ne reprend pas un texte qui a été voté à l'unanimité. Au lieu de conforter une construction qui, malgré des défauts formels - et même pas seulement formels -, en quelque sorte tient, on la catapulte !
J'estime que cette méthode n'est pas bonne. La commission n'a pas pu travailler vraiment cette question... (M. le président de la commission proteste) et notre assemblée n'y travaillera pas vraiment ce soir.
Mes chers collègues, depuis le début du débat, tous les votes sont préparés ! On parle, mais on n'écoute pas. On est face à un rouleau compresseur,...
M. Jack Ralite. ...mais je considère que l'interactivité, portée richement dans les mots, se trouve ici mutilée.
C'est pourquoi, utilisant l'article 44, alinéa 5, de notre règlement, je propose que la commission se réunisse pour examiner comment sortir de cet imbroglio.
Je sais que j'ai développé mes arguments avec passion, mais la question est trop importante pour que l'on y réponde dans une langue étrangère. Le vocabulaire technique ne m'impressionne pas, il me désarçonne et, en tout cas, il désarçonne la démocratie ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Michel Thiollière, rapporteur. J'entends bien les propos de M. Ralite, mais je ne peux pas accepter certains des termes qu'il a utilisés compte tenu du fait que nous travaillons sur ce texte depuis de nombreux mois, voire deux années.
Qu'il s'agisse d'un texte complexe, chacun en convient, parce qu'il nous interpelle à la fois sur des pratiques et des usages, sur la propriété intellectuelle et sur la propriété industrielle. Pour autant, j'estime que la commission a fait un travail, sérieux et approfondi, d'écoute et d'échange avec tous ceux qui avaient à s'exprimer sur ce sujet. Elle l'a fait sans prêter le moindre flanc à la critique non plus qu'aux pressions, diverses et variées, qui peuvent s'exercer, sur ce texte comme sur d'autres.
Comme nous avons procédé à de nombreuses auditions en commission ou, en ce qui me concerne, à titre de rapporteur et comme nous avons un avis à émettre, avis qui n'est certes pas celui de l'Assemblée nationale, mais qui permet de mieux sérier les problèmes constituant l'enjeu de l'article 7, il nous paraîtrait tout à fait déplacé de considérer que le débat n'a pas eu lieu et que cet article doit être renvoyé en commission.
Le débat a lieu ce soir. Il est nourri d'échanges constructifs. En tant que rapporteur, j'entends des avis, j'apprécie certains amendements et nous faisons nôtres diverses considérations qui nous permettront d'améliorer ce texte, certes difficile, mais dont nous devons poursuivre l'examen dans le même esprit que celui qui a présidé au début de nos travaux.
C'est la raison pour laquelle je ne souhaite pas, monsieur le président, le renvoi en commission de l'article 7.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Monsieur Ralite, vous faites partie, comme beaucoup d'entre nous, de la commission des affaires culturelles. Je ne peux pas accepter la critique que vous venez de développer.
Sans doute n'avons-nous pas eu, en effet, assez de temps en commission pour auditionner collectivement tel ou tel, encore que les différentes parties prenantes ont été largement entendues par le rapporteur et par moi-même, mais également par nombre d'entre nous au travers des organisations que nous avons mises en place, et notamment des tables rondes.
Je ne vois donc pas ce que le renvoi de l'article 7 en commission apporterait à nos travaux, d'autant que nous savons bien qu'au fur et à mesure que le temps passe et que se rapproche l'échéance du vote définitif nous faisons l'objet, non pas de pressions, mais de nouvelles suggestions. Si nous nous donnions un délai supplémentaire, ce serait encore pire !
Par ailleurs, monsieur Ralite, je ne comprends pas très bien votre raisonnement, car il est en contradiction avec vos critiques de cet après-midi à propos du vote conforme que nous avons émis sur un texte à propos duquel il y avait un accord entre l'Assemblée nationale et le Sénat. Ce soir, vous nous reprochez de revenir sur un texte voté par l'Assemblée nationale : votre attitude n'est pas homogène !
Nous sommes le Sénat et, en notre âme et conscience, compte tenu des informations dont nous disposons, de la culture et des engagements qui sont les nôtres, nous prenons une position que nous défendons. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le Sénat fait un travail remarquable et, pour le ministre que je suis, c'est un interlocuteur très précieux, car, sur les différents axes de la politique que j'entends mener, la commission des affaires culturelles est toujours présente et agit avec beaucoup de détermination et d'intelligence.
Pour autant, je ne peux pas émettre un avis favorable sur cette demande de renvoi en commission.
D'abord, sur le plan de la vérité historique, il faut, monsieur Ralite, que vous sachiez qu'à deux reprises j'ai émis sur des sous-amendements de l'Assemblée nationale un avis défavorable et que le vote de ces sous-amendements s'est donc fait contre l'avis du Gouvernement.
Ensuite, ce ne sont pas sur des termes techniques, mais sur de vraies valeurs que vous allez délibérer. Il s'agit en effet de trouver un point d'équilibre entre deux concepts : d'une part - et ce concept est intelligible pour chacun des internautes de notre pays -, la possibilité et le droit de lire une oeuvre quel que soit le support ; d'autre part, le respect du droit d'auteur.
C'est la synthèse, la conciliation entre ces deux concepts qu'il faut opérer et, en la matière, vous n'êtes pas dans le provisoire, vous êtes des précurseurs. En d'autres termes, le Parlement français sera le premier des parlements à délibérer de ce sujet qui va mobiliser l'ensemble de la communauté internationale des internautes. Nous ne sommes pas dans le provisoire, nous sommes dans un rôle d'éclaireurs et de précurseurs.
C'est un sujet très difficile pour lequel il vous appartiendra de définir le bon point d'équilibre, travail très minutieux qui suppose de bien comprendre les opinions qui s'expriment. Je ne cherche pas à opposer les uns aux autres, je m'efforce de les concilier.
M. le président. En conséquence, nous poursuivons la discussion de l'article 7.
La parole est à M. Yann Gaillard, sur l'article.
M. Yann Gaillard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'avoue être très embarrassé au seuil de cet article 7 relatif à l'interopérabilité, noeud essentiel du présent projet de loi.
Je le suis d'autant plus que l'intervention de M. Ralite, que je trouve exagérée bien que j'admire le talent de celui-ci, rend ma tâche encore plus difficile, car je ne voudrais pas donner le sentiment d'être d'accord avec lui, ce qui peut m'arriver, mais ce qui, en l'occurrence, n'était pas mon intention.
M. le ministre l'a dit à plusieurs reprises, à l'Assemblée nationale comme ici, l'interopérabilité est véritablement, dans les technologies de l'information et de la communication, le fondement de la concurrence, donc celui de la liberté. Aussi, l'interopérabilité est absolument essentielle.
La commission des affaires culturelles et son rapporteur, M. Thiollière, ont accompli un travail gigantesque pour éclairer la question et trouver, par rapport à l'option retenue par l'Assemblée nationale, qui, il faut bien le dire, était celle d'une certaine liberté sous le contrôle de la justice, une solution qui respecte et même protège l'interopérabilité, mais qui le fait dans le cadre d'une institutionnalisation inquiétant divers milieux.
L'introduction d'une autorité administrative dans le dispositif voté - peut-être dans les conditions décrites par M. Ralite, mais je n'en sais rien puisque je n'y étais pas - a en effet paru, dans un secteur économique innovant et à évolution très rapide, lourde de menaces et, pour ma part, je n'aurais pas le moins du monde été mobilisé par cette affaire si je n'avais été profondément choqué par certaines des menaces qui ont été brandies au moment où cet article 7 a été voté à l'Assemblée nationale.
Il y a eu la déclaration d'Apple, menaçant de déserter le marché français,...
M. Yann Gaillard. ...parue en première page de l'International Herald Tribune, édition européenne d'un journal américain, et qui, manifestement, constituait une forme de pression, et il y a eu les déclarations du ministre américain du commerce contre le vote de l'Assemblée nationale.
Il y a tout de même là quelque chose qui m'inquiète, même si je ne veux pas entrer dans la critique des grands trusts, Apple, Microsoft, etc., qui sont d'immenses et admirables entreprises, même si elles sont un peu étouffantes.
Nul n'ignore, en tout cas parmi ceux qui ont approché ces milieux, que la France est riche en ce domaine d'inventeurs, d'expérimentateurs et, pour employer une expression familière, de « petites boîtes » qui créent de petits logiciels, inventent de nouvelles solutions et qui, au fond, ne sont que des échappées libres par rapport à ces admirables monstres que sont Apple, Microsoft et autres.
Les créateurs de ces logiciels libres, pour employer leur expression, tiennent essentiellement à ce que les mesures techniques de protection implémentées par un distributeur puissent faire l'objet d'une réalisation indépendante. Il voudrait être sûr, ce petit créateur, que la technique de protection ne soit pas elle-même protégée et qu'ainsi apparaisse dans le paysage un système de simili brevet, de brevet de fait, ni coûteux, ni limité dans sa durée, utilisé par des tiers et applicable à des logiciels, contrairement à une décision du Parlement européen, qui avait repoussé la brevetabilité du logiciel.
Je suis désolé de devoir traduire un mouvement d'inquiétude profond et d'aller dans un sens qui n'est pas celui de la Haute Assemblée, que je respecte profondément.
En outre, le passage par une autorité indépendante ne risque-t-il pas d'entraîner une grande lourdeur dans un domaine où les petites structures, les PME, les créateurs de logiciels libres, auront beaucoup de mal à se faire entendre face aux grandes firmes internationales, particulièrement aptes à utiliser ce genre de mécanisme ?
J'ajoute que, sur un plan plus général, comme nombre de mes collègues, je redoute la multiplication dans notre droit de ces autorités. C'est une véritable invasion, perturbant notre droit administratif, notre droit public.
Faut-il confier à une nouvelle venue la maîtrise de ces deux points cruciaux de notre débat, interopérabilité et copie privée ? En effet, là aussi, on va revoir une autorité indépendante dans l'article 7 bis sur la copie privée, alors même qu'on vient de raisonner très efficacement sur la commission de la copie privée, dont j'ignore si elle ferait double emploi ou non avec cette autorité indépendante.
Tout cela suscite en moi une certaine appréhension. C'est pourquoi, à mon grand regret, et tout en rendant hommage au grand travail intellectuel de notre commission, je ne me sens pas en mesure d'approuver la nouvelle version qui nous est proposée de l'article 7 et son nouveau complément à l'article 7 bis. Je n'irai pas jusqu'à défendre des sous-amendements, tant je crois qu'il y a vraiment deux systèmes et qu'il est très difficile de les concilier. Mme Morin-Desailly a, elle, choisi cette autre démarche. Pour ma part, je dois dire que, sur cette question importante, je ne pourrai approuver ces deux articles et je ne prendrai pas part au vote. (Applaudissements sur certaines travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, sur l'article.
Mme Marie-Christine Blandin. L'article 7, s'il n'était rédigé en termes aussi hermétiques et plus techniques que chargés de valeur - je suis désolée, monsieur le ministre, « techniques chargés de valeur », j'avais écrit mon intervention avant que vous n'interveniez - pourrait fort bien faire l'objet de l'illustration d'un sujet de philosophie : « La fin justifie-t-elle les moyens ? » avec, pour exemple, « La légitime rémunération des auteurs justifie-t-elle que l'on sacrifie le logiciel libre et les libertés individuelles ? » Et, pour réponse de la part de l'Assemblée nationale, on va essayer de faire en sorte que non !
Parce que les députés ont été alertés sur les effets collatéraux des dispositifs envisagés avec imprudence, ils ont élaboré une rédaction relativement équilibrée qui, à défaut d'être réellement consensuelle, est pratiquement aujourd'hui identifiée par une très large majorité d'acteurs comme celle du moindre mal !
Les cryptages et autres mesures que les Anglo-saxons regroupent sous le sigle DRM ne feront pas renoncer les contrefacteurs performants qui persisteront dans leur commerce frauduleux.
Or ils traînent un cortège de ventes liées entre matériel de lecture et objets musicaux ou vidéos compatibles entre eux, mais pas avec le matériel du concurrent, un cortège d'insécurité juridique pour tous les acteurs du logiciel libre.
Et c'est, d'une part, un secteur dynamique et compétitif qui est menacé. C'est, d'autre part, une philosophie d'échanges et de partage qui devient suspecte ou entravée.
Les DRM sont, enfin, une menace même pour la diversité culturelle : entendre ceux qui ne sont pas promus comme rentables, pouvoir garder la mémoire sans risque de destruction, pouvoir faire connaître d'autres choix que ceux de la standardisation, tout cela est indispensable à la société humaine.
Enfin, ce sont les progrès de l'informatique elle-même qui peuvent se trouver fragilisés par les DRM. On ne compte déjà plus les exemples de malfaçons induites sous prétexte de protection de propriété artistique - et quand je dis prétexte, je m'adresse aux fabricants d'informatique et aux majors, aux capitaux liés, et non au législateur.
Les Verts ne souhaitent pas que le Sénat ouvre la porte à ces procédés incontrôlés et incontrôlables avec des textes imprudents.
D'autres pistes de ressources garanties ont été évoquées tout à l'heure.
Nous ajouterons à la rédaction initiale deux compléments : que les oeuvres tombées dans le domaine public puissent être libérées de leur protection sans risque de pénalité ; que soit prohibée l'introduction d'éléments parasites dans le matériel de l'internaute. Cette protection repose non pas sur la paranoïa de quelques abonnés, mais bien sur une réalité vécue par les internautes et des mécanismes techniques opérationnels et répandus.
J'ai évoqué en commission la connexion, via un grand moteur de recherche, à « sncf-horaires », un jour de grève, qui nous faisait apparaître une fenêtre avec la promotion d'un certain parti prônant le service minimum obligatoire, ainsi que « banlieues-en-novembre », qui faisait apparaître le nom du leader du même parti.
Il est des usages moins tendancieux nommés cookies. Ils prétendent identifier et diffuser votre profil pour, disent-ils, mieux vous servir et ne vous faire parvenir que les offres qui vous concernent. Il est d'autres usages beaucoup plus sinistres, en d'autres lieux.
Dans la dernière parution de Reporters sans frontières, que voici (Mme Blandin montre la photocopie d'un document.) - il s'agit d'une copie privée, mes chers collègues, j'ai payé mes droits, j'ai acheté le livre ! -, on peut lire, dans un article intitulé « Tout le monde s'intéresse à Internet, surtout les dictateurs », signé de Julien Pain, comment Cisco-système a bâti l'infrastructure internet de la Chine et équipé la police pour le surveiller, comment le journaliste Shi Tao a été condamné à dix ans de prison grâce à la fourniture à la police chinoise par Yahoo ! des données compromettantes récoltées sur son ordinateur.
Parce que ce sont les mêmes entreprises occidentales à qui l'on risque de donner le chèque en blanc de méthodes de cryptage non protégées, nous disons que la confiance n'est pas de mise.
J'attire votre attention sur la notion de chèque en blanc. Prenons une comparaison : il est légitime de vouloir éviter le vol de son véhicule. Une canne qui immobilise le volant ou l'accélérateur est possible. Un anti-démarrage aussi. On envisage un système de reconnaissance vocale du propriétaire, mais il est hors de question que se bloque en pleine vitesse la direction, même si c'est le voleur qui s'est emparé du véhicule et qui conduit.
Jack Ralite a proposé le renvoi en commission. N'en soyez pas ému, monsieur le président, le travail de cette commission n'est pas en cause, c'est simplement le signe de notre désarroi devant la complexité du texte.
On aurait pu envisager que soit saisie la commission des finances pour nous aider à mesurer les flux financiers dans la vente d'un disque, ce qui revient à l'auteur, au compositeur, au producteur et à tous les dispositifs acteurs intermédiaires.
On aurait pu envisager la saisine de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, qui nous aurait aidés le cas échéant à y voir clair dans ces dispositifs de cryptage, à comprendre leur fiabilité, les conséquences de leur mise en oeuvre, la façon de les limiter.
En attendant, nous fonderons notre démarche sur l'impérieuse nécessité de l'interopérabilité et l'autorisation pour les usages légitimes de la sphère privée du contournement des verrous numériques.
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, sur l'article.
M. Bruno Retailleau. Du débat à l'Assemblée nationale, on a retenu le problème de la licence globale, c'est-à-dire, schématiquement, une liberté débridée contre la protection. Il se pourrait bien que, de ce débat dans la Haute Assemblée, on retienne le débat sur l'interopérabilité qui pourrait être, si rien ne changeait, une protection verrouillée contre une liberté anémiée.
Je crois, monsieur le ministre, que de là où vous allez placer le curseur sur l'interopérabilité dépendra très exactement le point de l'équilibre que vous entendez établir entre, d'un côté, la protection des oeuvres et, de l'autre côté, la liberté.
J'ai déjà insisté, lors de la discussion générale, sur le problème fondamental de l'interopérabilité. Qu'il me soit simplement permis de redire que les enjeux sont énormes : enjeux culturels, bien sûr, accès non discriminatoire à la culture, diversité des diffuseurs d'oeuvres, mais aussi et surtout, mes chers collègues, enjeux économiques, contre les abus de position dominante, contre les pratiques anticoncurrentielles.
Devrai-je ici rappeler que ce qui a valu la condamnation de Microsoft, en mars 2004, par la Cour de justice des Communautés européennes, puis ce qui lui a valu de comparaître à nouveau, il y a quinze jours, et d'écoper d'une amende de pratiquement 500 millions d'euros, c'était de n'avoir pas accepté de fournir des éléments essentiels d'interopérabilité ?
Pratiques anticoncurrentielles, donc, et enjeux économiques aussi parce que l'interopérabilité est un élément stratégique fondamental pour l'économie française, la France étant l'un des trois pays leaders au monde pour le logiciel libre.
C'est un marché qui se développe très vite - 46 % de plus en 2004, contre 7 % de plus pour le marché du logiciel propriétaire -, avec de grandes entreprises, en dehors de ce que l'on appelle les développeurs de logiciels indépendants. Ainsi, 80 % des entreprises du CAC 40 utilisent des logiciels libres, 56 % des collectivités territoriales ou locales sont sous système Linux. L'interopérabilité va déterminer le champ des libertés que nous allons accorder ou refuser à ce secteur important de l'économie française.
J'avais rappelé lors de la discussion générale que l'interopérabilité est parfaitement compatible avec le code de la propriété intellectuelle. Et, s'il le faut, nous le démontrerons tout à l'heure lors de la discussion des amendements et sous-amendements.
Je voudrais souligner, après notre ami Yann Gaillard, qu'il ne s'agit pas de faire de l'anti-américanisme. En effet, lorsque les députés ont voté ce texte - évidemment, cher collègue Jack Ralite, à l'unanimité -, un grand magazine américain intitulé Wired avait titré : « Vive la France ! », et avait même sous-titré : « La France sauve la civilisation », en parlant de l'interopérabilité.
Monsieur le ministre, deux conceptions sont défendues, comme l'attestent les deux déclarations que je vais citer. L'une, pour laquelle je n'ai pas payé de copyright (Sourires.), est celle de notre excellent rapporteur : « Il ne faut peut-être pas imposer l'interopérabilité, mais la rendre possible. »
La deuxième conception, c'est la vôtre, monsieur le ministre, que je trouve dans le Herald Tribune : « Notre intention, avec cette loi, est de casser l'emprise d'une technologie sur des oeuvres culturelles. Quand j'achète un CD ou une vidéo sur Internet, je dois pouvoir les lire sur n'importe quelle machine. »
Il faudra choisir, car ces deux positions sont inconciliables, et ce pour trois raisons.
Premièrement, ce que les députés ont voté, ce que nous voulons promouvoir, c'est une opérabilité de droit, une opérabilité de principe, et non pas une opérabilité placée sous la surveillance d'une énième autorité administrative indépendante.
La première raison se situe donc dans cette différence capitale, je dirais même abyssale, entre le principe, le droit ou une simple éventualité.
La deuxième raison tient à une autre différence de conception, concernant cette fois la décompilation qui, dois-je le rappeler, est également parfaitement compatible avec le droit. C'est ainsi que deux directives européennes, l'une datant de 1991, l'autre de 2001 et que nous nous apprêtons d'ailleurs à transcrire, y renvoient directement ou indirectement.
Enfin, troisième raison qui explique que ces deux conceptions sont inconciliables, la question reste encore à trancher de savoir s'il s'agit d'une interopérabilité gratuite ou bien payante au moyen d'un ticket d'entrée sur le marché, au risque de rejeter beaucoup de petites entreprises et de fermer le marché aux standards dit ouverts.
Tel est le débat qui fera l'objet de l'article 7, débat, à mon avis, capital en ce qu'il indiquera l'endroit où sera placé le curseur entre protection et liberté. S'il ne fallait pas à l'Assemblée nationale sacrifier la protection à la liberté, il ne convient pas de faire l'inverse au Sénat, c'est-à-dire de sacrifier la liberté à la protection ! (Applaudissements sur certaines travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, sur l'article.
Mme Catherine Morin-Desailly. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous l'avons bien compris, avec cet article, nous entrons vraiment dans le vif de la directive et nous abordons un enjeu de société essentiel du présent projet de loi.
En effet, l'article 7 intègre dans notre droit interne les mesures techniques de protection proposées dans la directive comme étant légitimes pour répondre au téléchargement illégal. Il concerne aussi, à la suite des modifications apportées par l'Assemblée nationale, l'interopérabilité.
L'interopérabilité constitue, selon nous, la contrepartie indispensable de la protection juridique des MTP.
En effet, on ne peut comprendre la notion d'interopérabilité que si l'on a également à l'esprit les risques que représente la généralisation de ce que l'on appelle les Digital Rights Management, ou DRM, c'est-à-dire, en français, les « mesures techniques de protection », ou MTP, suivant une traduction qui n'est pas parfaite, ainsi que cela a été souligné à de nombreuses reprises.
Pour ma part, je vois quatre dangers majeurs à la généralisation des mesures techniques de protection.
Le premier d'entre eux réside dans le fait que la généralisation des mesures techniques de protection peut menacer le droit des consommateurs. En effet, relisons la définition minimale de l'interopérabilité est la suivante : il s'agit de pouvoir jouir d'une oeuvre légalement acquise, en la rendant lisible sur tous les supports.
Or je pense pouvoir dire à cet égard que nous sommes tous d'accord pour estimer normal qu'une oeuvre acquise licitement puisse être lue sur n'importe quel support ou n'importe quel logiciel. Cela garantit l'exception pour copie privée remise en cause par les « verrous numériques » que sont les MTP, et qui empêchent l'utilisateur de faire une copie, alors qu'il a payé la redevance pour copie privée en achetant un support vierge. Il faut donc assurer la compatibilité entre tous les systèmes en limitant les procédés anticopie.
Le deuxième danger concerne les mesures techniques de protection qui remettent également en cause les libertés publiques et individuelles, puisque le respect de la vie privée peut être menacé par les dispositifs techniques destinés à contrôler à distance certaines fonctionnalités des ordinateurs personnels, dispositifs qui sont susceptibles de donner ainsi accès aux données personnelles de l'utilisateur.
Les exemples foisonnent de fabricants ayant installé des logiciels espions à l'insu des utilisateurs pour contrôler leur ordinateur. Il n'y a là rien moins qu'une atteinte à la vie privée causée par le caractère intrusif des mesures techniques.
En outre - c'est le troisième danger -, les MTP menacent le développement des logiciels libres et pourraient ainsi porter préjudice, comme l'ont souligné plusieurs de mes collègues, aux petites entreprises innovantes, c'est-à-dire à tout un secteur de la recherche et de l'innovation, autrement dit à la compétitivité industrielle française et européenne.
Je n'aurais garde d'oublier un quatrième danger, je veux parler des risques de monopole industriel qui se profilent derrière les mesures techniques de protection. Notre collègue Yann Gaillard a d'ailleurs évoqué les pressions dont nous avons pu faire l'objet de la part de grandes firmes américaines. Nous savons pertinemment comment agissent Apple et Microsoft dans ce domaine, en empêchant de rendre leurs systèmes interopérables et en obligeant au paiement de licences.
Enfin, il est un argument qui milite en faveur de l'interopérabilité, à savoir les intérêts stratégiques de la France en matière de recherche, de compétitivité, de sûreté nationale, ainsi que l'ont bien compris nos collègues députés en adoptant l'article 7 bis.
Dès lors, les mesures techniques de protection peuvent être considérées comme des obstacles à la recherche industrielle sur des logiciels en ce qu'elles prévoient des sanctions à l'encontre de ceux qui travaillent sur ces logiciels.
Pour tous ces motifs, nous pensons, comme d'autres, qu'il revient au législateur de fixer des règles générales concernant l'interopérabilité, et que celles-ci doivent apparaître noir sur blanc dans la loi, plutôt que de laisser à l'autorité de régulation des mesures techniques de protection le soin de décider des modalités d'existence de l'interopérabilité.
Telle est la raison fondamentale de notre scepticisme, mais nous aurons l'occasion d'évoquer à nouveau, lors de l'examen de l'amendement n° 18, les missions de l'autorité de régulation dont la mise en place a été suggérée par la commission des affaires culturelles.
Quoi qu'il en soit, nous regrettons, chacun l'aura compris, que la commission revienne sur les dispositions prises en faveur de l'interopérabilité qui, pour nous, constituent, je le répète, une avancée considérable, ce qu'a d'ailleurs également reconnu M. le ministre. Pour ma part, je ne citerai pas le Herald Tribune, mais je sais que, dans les colonnes du Monde, monsieur le ministre, vous avez récemment déclaré souhaiter « briser l'emprise de la technologie iTunes développée par Apple sur le téléchargement de la musique », précisant bien qu'il ne s'agissait pas là d'une vengeance ou d'une mesure de protection à l'encontre d'une société étrangère.
Nos six sous-amendements à l'amendement n° 17 rectifié de la commission des affaires culturelles viseront donc à rétablir les dispositions adoptées à l'unanimité par l'Assemblée nationale, avec l'avis favorable du Gouvernement, dispositions qui garantissent pleinement, selon nous, l'interopérabilité en plaçant la France en pointe dans ce domaine, mais aussi et surtout en la mettant sur la bonne voie pour répondre aux enjeux énormes que mes collègues avant moi ont mentionnés, qu'il s'agisse des enjeux culturels et économiques, bien sûr, mais aussi sociétaux, et ce à l'échelle de la planète. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF.)
M. le président. Je suis saisi d'un certain nombre d'amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 17 rectifié, présenté par M. Thiollière, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le texte proposé par cet article pour l'article L. 331- 5 du code de la propriété intellectuelle :
« Art. L. 331- 5. - Les mesures techniques efficaces destinées à empêcher ou limiter les utilisations non autorisées par les titulaires d'un droit d'auteur ou d'un droit voisin du droit d'auteur, d'une oeuvre, autre qu'un logiciel, d'une interprétation, d'un phonogramme, d'un vidéogramme ou d'un programme, sont protégées dans les conditions prévues au présent titre.
« On entend par mesure technique au sens de l'alinéa précédent, toute technologie, dispositif, composant, qui, dans le cadre normal de son fonctionnement, accomplit la fonction prévue à l'alinéa précédent. Ces mesures techniques sont réputées efficaces lorsqu'une utilisation visée à l'alinéa précédent est contrôlée grâce à l'application d'un code d'accès, d'un procédé de protection, tel que le cryptage, le brouillage ou toute autre transformation de l'objet de la protection, ou d'un mécanisme de contrôle de la copie qui atteint cet objectif de protection.
« La protection assurée aux mesures techniques efficaces par le présent article ne modifie pas le régime juridique de leurs éléments constitutifs, protocoles, formats et méthodes de protection tel qu'il est défini à l'article L. 611-10.
« Ces dispositions ne remettent pas en cause la protection juridique résultant des articles 79- 1 à 79- 6 et de l'article 95 de la loi n° 86- 1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Michel Thiollière, rapporteur. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je rappellerai que l'article 7 adopté par l'Assemblée nationale comportait deux séries de dispositions, la première constituée par les trois premiers alinéas ainsi que le neuvième alinéa du texte proposé pour l'article L.331- 5 du code de la propriété intellectuelle, qui a pour objet de définir les mesures techniques de protection et de leur conférer un statut juridique protecteur, et la seconde, constituée par les autres alinéas du même texte, dont l'objet est de veiller à ce que ces mesures techniques n'entravent pas l'interopérabilité.
La commission qui, comme je le rappelle, attache une grande importance à ces questions d'interopérabilité, a souhaité une refonte profonde de ce dispositif. C'est la raison pour laquelle, pour plus de clarté, elle souhaite regrouper les dispositions pertinentes au sein d'un article additionnel avant l'article 7 bis, ce qui lui permettra, en outre, de les rattacher aux compétences de l'autorité de régulation des mesures techniques de protection.
En revanche, le présent amendement recentre, quant à lui, l'article 7 sur la consécration juridique des mesures techniques. Les deux premiers alinéas, qui figuraient déjà dans le projet de loi initial, constituent une reprise presque littérale de la directive et laissent donc peu de marge au législateur national ; quant aux deux derniers alinéas, ils reprennent, cette fois, des dispositions ajoutées par l'Assemblée nationale, moyennant certains aménagements ponctuels.
Certains ont craint que la consécration de mesures techniques de protection ne fournisse un levier à des industriels pour remettre en cause la non-brevetabilité des logiciels, pourtant récemment confirmée par le Parlement européen.
À cette fin, le dispositif adopté par l'Assemblée nationale précisait que les méthodes de cryptage, de brouillage et de transformation destinées à rendre la mesure technique efficace ne constituaient pas, en tant que telles, des mesures techniques de protection.
Le présent amendement a donc pour objet de clarifier cette distinction par référence à l'article L.611- 10 du code de la protection intellectuelle, qui précise ce qui est brevetable et ce qui ne l'est pas, article dont la portée a déjà été précisée par une abondante jurisprudence.
M. le président. Je suis saisi de deux sous-amendements identiques.
Le premier, n° 52, est présenté par Mme Morin- Desailly, M. Nogrix et les membres du groupe de l'Union centriste.
Le second, n° 188 rectifié bis, est proposé par MM. Retailleau et Darniche.
Ces deux sous-amendements sont ainsi libellés :
Rédiger ainsi le troisième alinéa du texte proposé par l'amendement n° 17 rectifié pour l'article L. 331- 5 du code de la propriété intellectuelle :
« Un protocole, un format, une méthode de cryptage, de brouillage ou de transformation ne constitue pas en tant que tel une mesure technique au sens du présent article.
La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly pour défendre le sous-amendement n° 52.
Mme Catherine Morin-Desailly. Ce sous-amendement est le premier d'une série de sous-amendements visant à mettre en cohérence le principe et les règles de l'interopérabilité avec les mesures techniques de protection.
Il a pour objet de rétablir dans sa version initiale le troisième alinéa du texte proposé par l'article 7 pour l'article L. 331-5 tendant à préciser qu'un protocole, un format, une méthode de cryptage, de brouillage et de transformation ne constitue pas une mesure technique de protection.
En effet, la commission, selon ses propres termes, propose une rédaction plus claire de cet alinéa en précisant que « la consécration juridique des mesures techniques de protection ne remet pas en cause le régime juridique de ses éléments constitutifs tels qu'ils résultent de l'article L.611- 10 du code de la propriété industrielle, qui précise ce qui est brevetable et ce qui ne l'est pas ».
Or la brevetabilité répond à un tout autre souci juridique que celui qui est visé par le troisième alinéa dans la rédaction prévue par l'Assemblée nationale.
Il s'agit, à travers le sous-amendement n° 52, de ne pas intégrer dans le champ des mesures de protection les méthodes et composantes d'une mesure technique de protection telle que le cryptage ou le brouillage. En effet, ces composantes n'ont rien à voir avec des dispositifs opérationnels.
Il est donc important de maintenir la rédaction initiale, car il s'agit d'éviter que les mesures de protection ne constituent un avantage sur certains grands opérateurs.
Cette précision est d'ailleurs conforme à la directive et a déjà été adoptée par d'autres États membres.
L'alinéa qu'il vous est ici proposé de remplacer, mes chers collègues, ne restreint en aucune manière la définition qui figure au sein de la directive. Il s'agit uniquement d'une condition de lisibilité et de sécurité juridique.
Je rappellerai seulement que cette précision avait déjà fait l'objet d'amendements similaires émanant de tous les groupes à l'Assemblée nationale et qu'elle avait recueilli un avis favorable du Gouvernement. Par conséquent, il serait pour le moins dommage, me semble-t-il, de casser cette belle unanimité. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour présenter l'amendement n° 188 rectifié bis.
M. Bruno Retailleau. J'ajouterai simplement à ce qu'a dit excellemment ma collègue Catherine Morin-Desailly que le rapporteur, en introduisant la référence à l'article L. 611 - 10 du code de la propriété intellectuelle, renvoie effectivement au problème de la brevetabilité proprement dit.
Pourquoi, sans entrer dans des détails techniques, faut-il écarter, voire s'y opposer, cette idée de brevetabilité d'un logiciel ? Pour deux raisons, l'une étant juridique et l'autre, économique.
La raison juridique est que, depuis le vote de l'article 52 de la convention sur le brevet européen de 1973, l'Europe a toujours écarté l'idée de la brevetabilité du logiciel, et donc toute mesure technique de protection.
Le Parlement européen a tenu, l'an dernier, à rappeler cette position extrêmement ferme qui n'a pas varié depuis toutes ces années.
La deuxième raison est d'ordre économique, le problème étant que les logiciels constituent des innovations cumulatives. En d'autres termes, il faut souvent procéder à des assemblages de plusieurs logiciels pour composer un nouveau logiciel.
Or, si vous ouvrez la porte à la brevetabilité d'un certain nombre de séquences, mes chers collègues, vous allez complètement bloquer la recherche et le développement pour quantité de logiciels !
Par conséquent, pour ces deux raisons, à la fois juridique et économique, la sagesse vous recommande, me semble-t-il, de voter ce sous-amendement n° 188 rectifié bis.
M. le président. Le sous-amendement n° 115 rectifié, présenté par Mme Morin-Desailly, M. Nogrix et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :
Après le troisième alinéa du texte proposé par l'amendement n° 17 rectifié pour l'article L. 331-5 du code de la propriété intellectuelle, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Les mesures techniques ne doivent pas avoir pour effet d'empêcher la mise en oeuvre effective de l'interopérabilité. Les fournisseurs de mesures techniques donnent l'accès aux informations essentielles à l'interopérabilité.
La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly.
Mme Catherine Morin-Desailly. Ce sous-amendement tend à préciser les obligations des fournisseurs de mesures techniques en matière d'interopérabilité, en reprenant la formulation utilisée par la directive 91/250 CEE sur la protection des programmes d'ordinateurs.
Ainsi, à travers ce sous-amendement, nous visons un double objectif. D'une part, nous cherchons à éviter que les mesures techniques n'aient pour effet d'empêcher la mise en oeuvre effective de l'interopérabilité. D'autre part, nous souhaitons contraindre les fournisseurs de mesures techniques à donner accès aux informations essentielles à l'interopérabilité.
L'article 6 de la directive de 2001 précise que les mesures techniques sont destinées à empêcher ou à limiter les actes non autorisés par le titulaire d'un droit d'auteur ou d'un droit voisin du droit d'auteur, conformément à l'article 11 du traité de l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle sur le droit d'auteur, adopté à Genève en 1996, qui stipule que « les mesures techniques efficaces sont mises en oeuvre pour restreindre l'accomplissement, à l'égard de leurs oeuvres, d'actes qui ne sont pas autorisés par les auteurs concernés ou permis par la loi ».
Les mesures techniques ne peuvent donc empêcher ou limiter les actes autorisés sans constituer une grave lésion aux droits acquis par le consommateur.
M. le président. Le sous-amendement n° 189 rectifié bis, présenté par MM. Retailleau et Darniche, est ainsi libellé :
Après le troisième alinéa du texte proposé par l'amendement n° 17 rectifié pour l'article L. 331-5 du code de la propriété intellectuelle, insérer deux alinéas ainsi rédigés :
« Les mesures techniques ne doivent pas avoir pour effet d'empêcher la mise en oeuvre effective de l'interopérabilité. Les fournisseurs de mesures techniques donnent l'accès aux informations essentielles à l'interopérabilité.
« On entend par informations essentielles à l'interopérabilité la documentation technique et les interfaces de programmation ainsi que le format de protection et l'accès au système de gestion des droits nécessaires pour obtenir dans un standard ouvert, au sens de l'article 4 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique, une copie d'une reproduction protégée par une mesure technique, et une copie des informations sous forme électronique jointes à cette reproduction.
La parole est à M. Bruno Retailleau.
M. Bruno Retailleau. S'agissant de l'interopérabilité, nous arrivons au coeur du sujet.
M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Nous y sommes déjà !
M. Bruno Retailleau. À travers ce sous-amendement, je propose de reprendre un paragraphe que nos collègues députés avaient voté, afin de préciser ce que sont les informations essentielles à l'interopérabilité. En effet, la mention des seules interfaces de programmation peut sembler insuffisante.
L'évolution technologique est telle qu'il convient, à mon avis, d'élargir la définition des informations essentielles à l'interopérabilité, en ajoutant aux interfaces de programmation les formats de protection et les accès au système de gestion des droits. Ceux-ci, en effet, comme chacun peut le comprendre, sont susceptibles de revêtir différents habillages technologiques.
S'agissant des propositions de la commission des affaires culturelles relatives à l'interopérabilité, je soulignais dans mon intervention préalable qu'elles marquent un changement radical par rapport à l'approche retenue par l'Assemblée nationale.
M. Bruno Retailleau. Tout d'abord, l'interopérabilité n'est plus de droit, mais elle est négociée et placée sous la surveillance d'une autorité administrative indépendante. Celle-ci pourra d'ailleurs parfaitement refuser l'interopérabilité, ou en tout cas l'accès aux informations et à la documentation.
M. Jacques Valade, président de la commission. Mais non !
M. Bruno Retailleau. Mais si, monsieur Valade ! C'est pourquoi j'estime que nous passons d'une interopérabilité de droit et de principe à une interopérabilité potentielle. Et la différence est d'importance !
Je reviendrai plus longuement tout à l'heure sur cette autorité administrative indépendante. Je vous renvoie au rapport du Conseil d'État qui, il y a quelques années, pointait le foisonnement de ces AAI.
M. Jacques Valade, président de la commission. C'est un lieu commun !
M. Bruno Retailleau. Est-il bien raisonnable d'instituer une autorité de plus ? À chaque fois que nous confions une responsabilité à une autorité administrative indépendante, nous démembrons un peu plus notre État.
Je vous proposerai une solution qui consiste à utiliser une autorité administrative indépendante existante plutôt qu'à en créer une nouvelle.
En effet, l'autorité que vous vous apprêtez à instituer soit ne disposera d'aucun moyen, auquel cas elle ne servira à rien, soit en aura d'importants, et il nous faudra alors invoquer l'article 40 de la Constitution, ...
M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Cela n'a rien à voir !
M. Bruno Retailleau. ... parce qu'une charge financière serait créée par voie d'amendement.
Une fois encore, il me semble que l'interopérabilité n'est pas négociable et doit s'inscrire dans le plein champ du texte. Pour cela, il faut en revenir à un paragraphe voté par l'Assemblée nationale, d'ailleurs à l'unanimité.
M. le président. Le sous-amendement n° 190 rectifié bis, présenté par MM. Retailleau et Darniche, est ainsi libellé :
Après le troisième alinéa du texte proposé par l'amendement n° 17 rectifié pour l'article L. 331-5 du code de la propriété intellectuelle, insérer deux alinéas ainsi rédigés :
« Tout intéressé peut demander au fournisseur de mesures techniques de lui communiquer les informations essentielles à l'interopérabilité.
« À défaut de leur obtention dans un délai de soixante jours, l'intéressé peut saisir le conseil de la concurrence. Il est autorisé à procéder aux travaux de décompilation dans les conditions prévues à l'article L. 122-6-1 du présent code.
La parole est à M. Bruno Retailleau.
M. Bruno Retailleau. À travers ce sous-amendement, je propose d'instituer une procédure en plusieurs étapes destinée à garantir l'interopérabilité.
Tout intéressé pourra demander au fournisseur de MTP les informations essentielles à l'interopérabilité. S'il ne les obtient pas, il pourra saisir le Conseil de la concurrence.
Pourquoi confier cette mission au Conseil de la concurrence plutôt qu'à une nouvelle autorité administrative indépendante ? Parce que, comme je l'ai souligné dans mon intervention liminaire, les abus de position dominante et les pratiques anticoncurrentielles ressortissent à la compétence du Conseil de la concurrence, qui se trouve parfaitement outillé pour les apprécier.
Ne nous leurrons pas ! Lorsqu'il s'agit d'examiner une pratique anticoncurrentielle, la technique informatique n'est guère un obstacle. La difficulté est de savoir s'il y a réellement abus de position dominante ou pratique anticoncurrentielle. Le Conseil de la concurrence est parfaitement à même de se prononcer sur de telles questions.
Très sincèrement, il ne me semble pas sérieux de créer une nouvelle autorité administrative indépendante. Si nous mettons en place une telle autorité à chaque fois que nous sommes confrontés à un problème technique, nous n'en finirons plus, d'autant que les MTP, les mesures techniques de protection, ne suscitent guère de difficultés !
Par ailleurs, se pose le problème de la décompilation. Pour moi, celle-ci est de droit et se trouve parfaitement garantie juridiquement.
La directive européenne que nous transposons renvoie explicitement à l'article 6 d'une précédente directive communautaire de 1991, qui a été intégré dans notre ordre juridique interne par une loi de 1994, à l'article L. 122-6-1 du code de la propriété intellectuelle. Il en résulte que la décompilation est de droit et qu'elle constitue une pratique parfaitement conforme au droit communautaire comme au droit national.
Si nous voulons donner toute sa force à l'interopérabilité, il convient tout d'abord d'autoriser explicitement dans notre droit la décompilation, qui est parfaitement conforme au code de la propriété intellectuelle. Il faut ensuite attribuer les contentieux qui pourraient survenir au Conseil de la concurrence, au lieu d'inventer une énième autorité administrative indépendante.
M. le président. Je suis saisi de deux sous-amendements identiques.
Le sous-amendement n° 191 rectifié bis est présenté par MM. Retailleau et Darniche.
Le sous-amendement n° 271 est présenté par Mme Morin-Desailly, M. Nogrix et les membres du groupe Union centriste - UDF.
Ces deux sous-amendements sont ainsi libellés :
Après le troisième alinéa du texte proposé par l'amendement n° 17 rectifié pour l'article L. 331-5 du code de la propriété intellectuelle, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Les fournisseurs de mesures techniques ne peuvent exiger de contrepartie financière pour la fourniture d'informations essentielles à l'interopérabilité que lorsque ces informations sont transmises sur un support physique et uniquement pour couvrir les frais d'impression, de stockage et de transport.
La parole est à M. Bruno Retailleau, pour présenter le sous-amendement n° 191 rectifié bis.
M. Bruno Retailleau. L'interopérabilité doit-elle être gratuite ou payante ?
Le texte voté par l'Assemblée nationale précisait que les fournisseurs de mesures techniques ne pourraient exiger de contreparties financières que pour les « les frais logistiques » entraînées par la délivrance d'informations essentielles à l'interopérabilité. Cette expression est un peu vague, je le reconnais.
Dans la rédaction proposée par notre commission des affaires culturelles, c'est l'autorité de régulation des mesures techniques de protection qui définira la rémunération des fournisseurs.
Or nous pouvons fort bien imaginer que cette disposition entraîne le passage d'une interopérabilité quasiment gratuite, pour laquelle seuls les « frais logistiques » seraient facturés - ce qui serait normal, me semble-t-il -, à une interopérabilité payante.
Pour écarter ce risque, et afin d'être plus précis que l'Assemblée nationale, je définis ces frais logistiques comme étant ceux qui sont liés, notamment, au transport éventuel et à l'impression. Allons-nous en rester là ou taxer l'interopérabilité, c'est-à-dire instituer un droit d'entrer sur le marché ?
La question est trop importante pour être confiée à une autorité administrative indépendante. Nous n'avons pas le droit de nous défausser de nos responsabilités et de laisser une autorité qui, pour l'instant, n'existe pas, déterminer comme elle l'entend la rémunération des frais liés à l'interopérabilité ! Cela reviendrait à instaurer un ticket d'entrée sur ce marché.
En adoptant ce sous-amendement, nous pourrions, me semble-t-il, mieux cadrer ce dispositif, expliciter la notion de frais logistiques proposée par les députés et refuser catégoriquement l'instauration d'un droit d'entrée sur le marché de l'interopérabilité. Celui-ci aurait en effet pour conséquence d'écarter les petites entreprises et les standards ouverts qui, de facto, n'auraient plus droit de cité.
M. le président. La parole est à M. Philippe Nogrix, pour présenter le sous-amendement n° 271.
M. Philippe Nogrix. Les fournisseurs de mesures techniques ne peuvent exiger de contreparties financières pour la fourniture d'informations essentielles à l'interopérabilité que lorsque ces dernières sont transmises sur un support physique, et uniquement pour couvrir les frais d'impression, de stockage et de transport.
Comme la Commission européenne vient de le rappeler lors du procès de Microsoft, qu'a évoqué mon collègue Bruno Retailleau, la fourniture des informations essentielles à l'interopérabilité n'est pas une question de droit de propriété intellectuelle.
Afin de garantir à tout développeur qui en fait la demande l'accès aux informations essentielles à l'interopérabilité, dans des conditions de prix accessibles à tous, et donc réellement non discriminatoires, il convient de préciser que le prix de ces informations ne peut excéder le coût logistique de leur mise à disposition.
Toute autre mode de calcul du prix des informations nécessaires reviendrait à créer une nouvelle forme de propriété intellectuelle, aux effets inconnus. Comme vous l'avez souligné, monsieur le ministre, nous nous engagerions alors sur des sentiers aventureux.
Si le législateur ne précise pas le projet de loi sur ce point, les auteurs de logiciels interopérant avec des mesures techniques pourraient se voir imposer des conditions de prix que seuls quelques grands groupes ou quelques grands éditeurs - nous les connaissons bien ! - pourraient acquitter. Ce serait désastreux pour les auteurs indépendants, pour les bénévoles et pour les associations et les petites entreprises françaises créant des logiciels libres.
M. le président. Le sous-amendement n° 277 rectifié bis, présenté par MM. Assouline et Lagauche, Mme Tasca, MM. Yung, Bockel, Lise, Vidal et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Compléter le dernier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 17 rectifié pour l'article L. 331-5 du code de la propriété intellectuelle par une phrase ainsi rédigée :
Ces mesures s'appliquent sans préjudice des dispositions de l'article L. 122-6-1.
La parole est à M. David Assouline.
M. David Assouline. Comme nous l'avons souligné lors de la discussion générale, l'usage des mesures de protection doit être rigoureusement encadré, afin d'éviter toute atteinte à la vie privée et tout contrôle des échanges.
Les pouvoirs publics doivent également garantir que la concurrence sera assurée sur le marché de l'édition des mesures techniques de protection. Ne laissons pas ce dernier aux mains des seules grandes firmes éditrices de logiciels propriétaires !
Comme nous l'avons déjà souligné, nous sommes extrêmement attachés à l'effectivité de l'interopérabilité. Nous demandons au Gouvernement d'être vigilant et de faire en sorte que cette interopérabilité soit réellement garantie par les industriels.
En effet, la loi à elle seule ne sera pas suffisamment forte face aux grands groupes. Ceux-ci disposent d'énormes moyens juridiques pour retarder l'application de l'interopérabilité, qui constitue justement l'une des principales avancées du débat à l'Assemblée nationale.
En revanche, nous souhaitons que la garantie de l'interopérabilité s'inscrive dans la continuité des dispositions de l'article L. 122-6-1 du code de la propriété intellectuelle, qui sont issues de la transposition de la directive de 1991.
Ces dispositions permettent d'ores et déjà la décompilation des logiciels libres à des fins d'interopérabilité, notamment pour les propriétaires de licence. Il convient donc d'étendre ce régime dans le cadre de la protection des oeuvres par des mesures techniques.
Une telle extension ne remettra pas en cause les droits exclusifs des ayants droit, puisque le dispositif même du paragraphe IV de l'article L. 122-6-1 du code de la propriété intellectuelle, auquel renvoie le texte de notre sous-amendement, soumet l'exception de décompilation au test en trois étapes qui figure dans la directive de 2001 et dans le projet de loi que nous examinons.
Notre position est claire. Nous demandons à M. le rapporteur et au Gouvernement d'y être attentifs.
M. le président. Le sous-amendement n° 228, présenté par Mme Morin-Desailly, M. Nogrix et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par l'amendement n° 17 rectifié pour l'article L. 331-5 du code de la propriété intellectuelle par un alinéa ainsi rédigé :
« Les mesures techniques ne peuvent s'opposer au libre usage de l'oeuvre ou de l'objet protégé dans les limites des droits prévus par le présent code, ainsi que de ceux accordés par les détenteurs de droits. »
La parole est à M. Philippe Nogrix.
M. Philippe Nogrix. Monsieur le ministre, ce sous-amendement a pour objet de préserver l'équilibre du droit d'auteur français, auquel vous tenez tant, et d'éviter un contrôle excessif des usages culturels par la technique. Son texte reprend une disposition adoptée par l'Assemblée nationale à l'unanimité voilà seulement quelques jours, afin de préciser ce que ne peut faire une mesure technique.
Par ailleurs, à travers ce sous-amendement, nous souhaitons réaffirmer la primauté du droit moral de l'auteur sur la technique.
Ainsi, il ne nous semble pas envisageable qu'une personne qui achète via internet en toute légalité ne puisse écouter ce qu'elle a acquis sur tout type de support, ne serait-ce que son autoradio.
Ce sous-amendement a donc pour objet de permettre aux usagers de lire normalement les oeuvres achetées, quels que soient le format ou les appareils utilisés à cette fin.
Il s'agit, là encore, d'affirmer un principe de bon sens au regard de l'interopérabilité, principe qui doit guider l'autorité de régulation chargée de faire respecter cette interopérabilité.
À l'Assemblée nationale, monsieur le ministre, vous avez déclaré que cette disposition était très importante, car elle clarifiait les enjeux de l'interopérabilité. Nous ne pouvons donc pas nous permettre de la retirer du texte. En tout état de cause, vous devriez accepter ce sous-amendement, sinon je ne comprendrais pas comment vous pourriez changer d'avis en si peu de temps !
M. Michel Charasse. C'est vrai que nous n'en avons pas l'habitude...
M. le président. Le sous-amendement n° 229, présenté par Mme Morin-Desailly, M. Nogrix et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par l'amendement n° 17 pour l'article L. 331-5 du code de la propriété intellectuelle par un alinéa ainsi rédigé :
« Les dispositions prévues au présent chapitre s'appliquent sans préjudice de celles prévues à l'article L. 122-6-1 du présent code. »
La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly.
Mme Catherine Morin-Desailly. Le considérant 50 de la directive 2001/29/CE précise que la protection juridique des mesures techniques « ne doit ni empêcher, ni gêner la mise au point ou l'utilisation de tout moyen permettant de contourner une mesure technique nécessaire pour permettre d'effectuer les actes réalisés conformément à l'article 5, paragraphe 3, ou à l'article 6 de la directive 91/250/CEE. »
Pour garantir une sécurité juridique et éviter, comme cela s'est déjà produit, que de grands éditeurs ne menacent arbitrairement les développeurs pratiquant la décompilation ou l'ingénierie inverse à des fins d'interopérabilité, il convient donc de réaffirmer le droit à l'exercice des exceptions visant à permettre la recherche de l'interopérabilité. Ces exceptions sont essentielles à la libre concurrence sur le marché du logiciel.
Il importe cependant de ne pas instaurer une autorisation de recherche de l'interopérabilité par décompilation si les informations nécessaires à sa mise en oeuvre sont déjà facilement et rapidement accessibles aux utilisateurs légitimes.
L'article 6 de la directive 91/250/CEE précise, en effet, que les actes de décompilation ne peuvent être effectués que « par le licencié ou par une autre personne jouissant du droit d'utiliser une copie d'un programme ou pour leur compte par une personne habilitée à cette fin » et uniquement si « les informations nécessaires à l'interopérabilité n'ont pas déjà été facilement et rapidement accessibles ».
Ces limitations à l'exception de décompilation sont reprises dans le IV de l'article L. 122-6-1 du code de la propriété intellectuelle.
Par ce sous-amendement, nous souhaitons donc supprimer la rédaction actuelle de la première phrase du septième alinéa du texte proposé par l'article 7 pour l'article L. 331-5 du code de la propriété intellectuelle, de façon à rester en conformité avec nos obligations communautaires, tout en rappelant que la protection juridique des mesures techniques ne peut empêcher l'exercice des exceptions prévues à l'article L. 122-6-1 du code précité, qui transpose l'article 5, paragraphe 3, et l'article 6 de la directive 91/250/CEE.
M. le président. Le sous-amendement n° 272, présenté par Mme Morin-Desailly, M. Nogrix et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par l'amendement n° 17 rectifié pour l'article L. 331-5 du code de la propriété intellectuelle par un alinéa ainsi rédigé :
« On ne peut pas interdire la publication du code source et de la documentation technique d'un logiciel indépendant interopérant avec une mesure technique de protection de l'oeuvre. »
La parole est à M. Philippe Nogrix.
M. Michel Charasse. « On ne peut pas interdire » ? Comment pouvez-vous proposer une telle formule ?
M. Philippe Nogrix. Il y aura une rectification rédactionnelle, mon cher collègue.
M. Michel Charasse. Cela vaudrait mieux !
M. Philippe Nogrix. Nous souhaitons rétablir cette disposition majeure pour la mise en oeuvre du principe de l'interopérabilité, qui autorise la publication de codes source de logiciels indépendants interopérant avec une mesure technique, ne serait-ce, par exemple, que pour « lire » une oeuvre protégée.
D'une part, interdire la publication de ces codes reviendrait à porter atteinte à la liberté pour les auteurs des logiciels, protégés par le droit d'auteur, de disposer de leurs oeuvres. En effet, comme le précise l'article L. 121-2 du code de la propriété intellectuelle, qui fonde le droit moral de divulgation, l'auteur « a seul le droit de divulguer son oeuvre [...] il détermine le procédé de divulgation et fixe les conditions de celle-ci ».
D'autre part, sans cette précision, il serait impossible ensuite de développer et d'encourager la recherche informatique en matière de logiciel libre. En effet, ce dernier repose sur le principe de la publication des codes source. Ainsi, le fait d'interdire une telle publication reviendrait à interdire purement et simplement le principe du logiciel libre en France.
Sans cette précision, l'autorité de régulation des mesures techniques de protection pourrait revenir sur la liberté de publication d'un code source par des auteurs de logiciels à codes source ouverts. Ce serait véritablement donner à cette autorité administrative un rôle sans doute trop important au regard de l'enjeu industriel que représentent les logiciels libres.
M. le président. Le sous-amendement n° 278, présenté par MM. Ralite, Renar et Voguet, Mme David et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par l'amendement n° 17 rectifié pour l'article L. 331-5 du code de la propriété intellectuelle par un alinéa ainsi rédigé :
« Tout utilisateur légitime est autorisé à procéder aux travaux de la décompilation et d'ingénierie inverse nécessaires à la mise en oeuvre de l'interopérabilité avec une mesure technique, dans les limites prévues à l'article L. 122-6-1 du présent code. »
La parole est à M. Jack Ralite.
M. Jack Ralite. Je me suis senti d'un seul coup tout seul quand j'ai entendu M. le rapporteur me répondre ; mais, pour le moment, c'est lui qui, dans les faits, se retrouve isolé ! (Sourires sur les travées du groupe CRC.) En effet, quelles que soient les travées sur lesquelles nous siégeons, nous déplorons tous cette béance organisée et soulignons la nécessité de la voir « bouchée », en rétablissant le texte voté à l'Assemblée nationale et en y ajoutant quelques enrichissements.
À cet égard, le présent sous-amendement ne vise qu'à apporter des précisions à l'article 7, qui a donc été voté à l'unanimité à l'Assemblée nationale. Son adoption nous permettrait de nous mettre en conformité totale avec nos obligations communautaires, tout en garantissant aux petites et moyennes entreprises françaises l'accès à des marchés porteurs et stratégiques. Il convient, en effet, de réaffirmer le droit à la recherche de l'interopérabilité tel qu'il est prévu à l'article L. 122-6-1 du code de la propriété intellectuelle.
Il existe un conflit entre l'article 6 de la directive 2001/29/CE, que transpose le projet de loi, et les articles 5, paragraphe 3, et 6 de la directive 91/250/CEE.
Nous avons d'ailleurs déjà eu l'occasion de dénoncer ici le conflit juridique, qui génère une insécurité sur le marché du logiciel, notamment pour les petites entreprises et les auteurs indépendants : les fournisseurs de mesures techniques, qui sont souvent en position dominante, arguent de la protection juridique des mesures techniques pour menacer les développeurs ayant exercé leur droit à la recherche de l'interopérabilité.
Par ce sous-amendement, nous souhaitons donc rappeler clairement que les activités autorisées au titre des exceptions prévues à l'article L. 122-6-1, qui reprend les articles 5, paragraphe 3, et 6 de la directive 91/250/CEE, incluent les cas de rétention d'informations essentielles à l'interopérabilité.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous vous invitons, mes chers collègues, à voter ce sous-amendement.
M. le président. Le sous-amendement n° 284, présenté par Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet et M. Desessard, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par l'amendement n° 17 rectifié par un alinéa ainsi rédigé :
« Les dispositions du présent chapitre n'autorisent pas la mise en place de dispositifs matériels ou logiciels permettant la surveillance des données émises, traitées ou reçues par les personnes, sans autorisation préalable de l'autorité judiciaire. »
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. Les dispositions présentées dans ce sous-amendement, ainsi que dans le suivant, figuraient à l'origine dans des amendements à part entière à l'article 7. Elles sont donc désormais proposées en complément de l'amendement n° 17 rectifié, qui sera éventuellement adopté.
Par le sous-amendement n° 284, nous vous proposons simplement d'affirmer que les éditeurs ne peuvent recourir à des mesures techniques qui modifieraient de façon durable les appareils de lecture des consommateurs ou les rendraient émetteurs de données personnelles.
L'adoption de cette disposition complémentaire ne toucherait pas à l'équilibre de la rédaction de l'article 7, mais apporterait une garantie, tant pour l'usager d'Internet, car de nombreux réseaux ont été financés sur fonds publics, que pour le « consommateur » de signaux, car il s'agit là d'échanges le plus souvent commerciaux.
Mes chers collègues, je vous ai cité tout à l'heure quelques exemples, les uns amusants, les autres dramatiques. Certes, nous n'en sommes pas encore arrivés à de tels extrêmes. Et c'est d'ailleurs bien pour cela que vous aurez le courage, je l'espère, de voter ce sous-amendement.
Je le répète, l'adoption d'un tel ajout n'entamerait pas l'équilibre trouvé à l'Assemblée nationale et permettrait d'assurer la protection la plus élémentaire de l'usager et du consommateur.
Lors de la discussion générale, j'ai évoqué l'impérieuse nécessité que la loi soit compréhensible par tous.
M. Michel Charasse. C'est une exigence constitutionnelle !
Mme Marie-Christine Blandin. À mon sens, l'objet de ce sous-amendement répond à une telle exigence.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, que croyez-vous qu'un citoyen répondrait à la question : « Si vous achetez ou utilisez un matériel crypté, accepteriez-vous qu'il installe un ajout dans votre lecteur ou qu'il renseigne par Internet le vendeur ou le prestataire de services à votre insu et sans que votre accord soit sollicité ? » Non, bien évidemment ! D'ailleurs, ce citoyen n'imaginerait pas un seul instant que celui ou celle qui le représente ne le protège pas sur ce sujet.
M. le président. Le sous-amendement n° 285, présenté par Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet et M. Desessard, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par l'amendement n° 17 rectifié par un alinéa ainsi rédigé :
« Toute personne peut désactiver les mesures techniques de protection lorsque l'oeuvre n'est plus protégée par le droit d'auteur. »
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. Ce sous-amendement vise également à tenir compte des oeuvres qui ne sont plus protégées par le droit d'auteur et qui sont tombées dans le domaine public.
Il vise donc à préciser que toute personne peut désactiver les mesures techniques de protection, sans encourir quoi que ce soit, et ce quelles que soient les peines que voterait, malgré moi, le législateur.
M. le président. L'amendement n° 181, présenté par MM. Ralite, Renar et Voguet, Mme David et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Dans la seconde phrase du deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 331-5 du code de la propriété intellectuelle, après le mot :
contrôlée
insérer les mots :
par les titulaires de droits
La parole est à M. Jack Ralite.
M. Jack Ralite. Le présent amendement apparaît, à première vue, comme un simple amendement de précision. Mais nous y tenons beaucoup, et il nous semblerait inconcevable qu'il soit rejeté tant il se rattache à un principe sur lequel nous sommes tous d'accord : les titulaires de droits, qu'ils soient auteurs, artistes ou ayants droit, sont les véritables « contrôleurs » des mesures dites de protection, qui devraient être d'abord des mesures d'information et de prévention.
Ces mesures doivent être considérées comme le relais, l'expression de la volonté de tous les titulaires de droits, ce qui inclut, outre les auteurs et les producteurs, les artistes interprètes.
L'objectif déclaré de la loi est de prévenir les échanges illicites, qui amputent les revenus des créateurs, auteurs, artistes et producteurs. Sa motivation première est la question de l'interopérabilité, qui serait la cause de ces échanges considérés, tous confondus, comme illicites.
À propos de ces échanges, nous ne pouvons l'ignorer, toute mesure technique est intrinsèquement contournable et aucune loi ne suffit ou ne suffira à éviter les abus ou le piratage, qu'il faut d'ailleurs bien distinguer.
C'est pourquoi, comme nous l'avons déjà dit, la définition légale et réglementaire de la contrefaçon, ainsi que les outils de sanction des fraudes à la disposition de la police, de la gendarmerie et des douanes sont suffisants. Il aurait seulement fallu, pour ne pas en arriver à la prolifération actuelle des échanges et à l'« émoi » des majors, que le législateur et la justice se prononcent.
De plus, la protection juridique des mesures techniques prévue à cet article introduit un conflit entre cette protection, prévue dans la directive 2001/29/CE, et l'autorisation de recherche des informations essentielles à l'interopérabilité, via ingénierie inverse ou décompilation dont il est question dans la directive 91/250/CEE.
La protection juridique des mesures techniques place également les auteurs, éditeurs et distributeurs de logiciels libres dans une insécurité juridique, puisque la publication du code source du logiciel est en contradiction avec les DRM. La Commission européenne a conscience de ce fait, mais elle ne propose pas de solution.
In fine, il en résulte une mise en captivité des utilisateurs-consommateurs et la création d'un péage incontournable sur des technologies bas niveau d'accès à la culture et à l'information. Les auteurs et les oeuvres en pâtissent déjà.
L'article 7, voté à l'unanimité par l'Assemblée nationale, apportait une solution moyenne à ces problèmes, et nous regrettons qu'il y soit touché. Il serait bon, donc, de le maintenir en l'état.
C'est aussi le sens de notre amendement.
M. le président. L'amendement n° 73, présenté par M. Charasse, est ainsi libellé :
Supprimer les huit derniers alinéas du texte proposé par cet article pour l'article L. 331-5 du code de la propriété intellectuelle.
La parole est à M. Michel Charasse.
M. Michel Charasse. La rédaction de l'amendement de la commission traduit un réel effort de simplification d'un texte très compliqué et bien mal écrit. Ainsi, il est même écrit au dernier alinéa de l'article 7 : « On ne peut pas interdire ». Cette formule a dû être soufflée par un jeune sur Internet, car cela ressemble au langage moderne ! Pour ma part, je n'ai jamais vu des dispositions pareilles dans la loi, mais passons...
Mon amendement a donc pour objet de supprimer les huit derniers alinéas du texte proposé par cet article pour l'article L. 331-5 du code de la propriété intellectuelle.
À cet égard, chacun convient que les dispositifs de gestion des droits ne doivent pas être utilisés par les fournisseurs de services, de biens culturels ou de matériels électroniques pour fausser la concurrence et constituer des marchés captifs. C'est ce que soulignait tout à l'heure notre collègue Yann Gaillard.
Toutefois, mes chers collègues, de telles pratiques sont du ressort des autorités de régulation de la concurrence. Le Conseil de la concurrence a d'ailleurs déjà été saisi d'une affaire de cet ordre et a rendu une décision fort intéressante, le 9 novembre 2004, dans laquelle, accessoirement, il donne la solution technique - très simple et connue, sans doute, de nombreux adolescents - du problème qui a occupé une partie non négligeable des débats de l'Assemblée nationale sur le présent projet de loi, à savoir l'impossibilité alléguée de transférer sur certains baladeurs des titres téléchargés sur certaines plateformes.
Chacun convient, également, que les consommateurs ne doivent pas être « trompés sur la marchandise » et qu'ils ont le droit d'être exactement informés des conditions d'utilisation des biens et services qu'ils achètent.
Le texte qui nous est soumis renforce opportunément cette obligation d'information du consommateur, dont l'absence est déjà sanctionnée par le juge. En outre, si les conditions d'utilisation de certains supports ou services sont trop restreintes, les consommateurs s'en détourneront, ce qui constituera évidemment une puissante incitation à l'interopérabilité...
En revanche, il convient aussi d'être conscient des conséquences catastrophiques que peut avoir le dispositif, aussi critiquable dans le fond que dans la forme, introduit à l'article 7 du projet de loi ; le Gouvernement en est le premier responsable pour avoir eu l'idée surprenante de recopier, dans le projet de loi initial, des dispositions de la loi sur la liberté de communication qui s'inscrivaient pourtant, on s'en souvient, dans un tout autre contexte.
Outre qu'elles portent atteinte au droit de propriété, au droit des contrats, aux droits des titulaires de droits sur les mesures techniques de protection et à celui des titulaires de droits de propriété littéraire et artistique de les protéger aussi efficacement que l'état de la technique le permet, ces dispositions nous isolent au sein du marché européen et mondial des NTI. N'en déplaise aux tenants du logiciel libre tous azimuts et à certaines associations, ce n'est pas en violant le droit de propriété, base du droit français et du droit européen, que nous défendrons efficacement notre place ni dans l'univers de la culture ni dans celui du numérique.
Enfin, on saisit mal ce que ces dispositions un peu absurdes et sans doute absconses ont à voir avec la transposition de la directive 2001/29. On peut en revanche douter de leur compatibilité avec les directives « logiciels ».
Le présent amendement a donc pour objet de les supprimer.
M. le président. La parole est à M. Philippe Nogrix.
M. Philippe Nogrix. Monsieur le président, pour répondre à l'observation de notre collègue Michel Charasse, je rectifie le sous-amendement n° 272 et en améliore ainsi la rédaction.
M. le président. Je suis donc saisi d'un sous-amendement n° 272 rectifié présenté par Mme Morin-Desailly, M. Nogrix et les membres du groupe Union centriste - UDF, et ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par l'amendement n° 17 rectifié pour l'article L. 331-5 du code de la propriété intellectuelle par un alinéa ainsi rédigé :
« La publication du code source et de la documentation technique d'un logiciel indépendant interopérant avec une mesure technique de protection de l'oeuvre ne peut être interdite. »
L'amendement n° 114, présenté par Mme Morin-Desailly, M. Nogrix et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :
À la fin de la première phrase du quatrième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 331-5 du code de la propriété intellectuelle, supprimer les mots :
, dans le respect du droit d'auteur
La parole est à M. Philippe Nogrix.
M. Philippe Nogrix. Il s'agit d'un amendement de clarification. En effet, la mise en oeuvre de l'interopérabilité en violation du droit d'auteur constituerait une contrefaçon. Cette disposition est donc superfétatoire et confondante quant à la légitimité de l'interopérabilité.
M. le président. L'amendement n° 129 rectifié, présenté par M. Lagauche, Mme Tasca, MM. Yung, Bockel, Lise, Vidal et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Supprimer le septième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 331-5 du code de la propriété intellectuelle.
La parole est à M. Serge Lagauche.
M. Serge Lagauche. En raison du dépôt du sous-amendement n °277 rectifié, nous retirons cet amendement.
M. le président. L'amendement n °129 rectifié est retiré.
L'amendement n° 116, présenté par Mme Morin-Desailly, M. Nogrix et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi le septième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 331-5 du code de la propriété intellectuelle :
« Les dispositions prévues au présent chapitre s'appliquent sans préjudice de celles prévues à l'article L. 122-6-1 du présent code.
La parole est à M. Philippe Nogrix.
M. Philippe Nogrix. Cet amendement a le même objet que le sous-amendement n °229.
À des fins de sécurité juridique, il réaffirme le droit à l'exercice des exceptions, notamment la décompilation visant à permettre la recherche de l'interopérabilité. Ces exceptions sont essentielles à la libre concurrence sur le marché du logiciel.
M. le président. L'amendement n° 117, présenté par Mme Morin-Desailly, M. Nogrix et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi l'antépénultième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L.331-5 du code de la propriété intellectuelle :
« Les mesures techniques ne peuvent limiter ou empêcher les actes autorisés par la loi ou par les détenteurs de droits.
La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly.
Mme Catherine Morin-Desailly. Il s'agit encore une fois par cet amendement de clarifier les dispositions de l'article 7 voté par l'Assemblée nationale. La notion de « libre usage » pouvant prêter à confusion, cet amendement vise à la clarifier.
L'article 6 de la directive 2001/29 CE précise que les mesures techniques sont destinées à « empêcher ou limiter [...] les actes non autorisés par le titulaire d'un droit d'auteur ou d'un droit voisin du droit d'auteur », conformément à l'article 11 du traité de l'OMPI sur le droit d'auteur, adopté à Genève en 1996, qui dispose que les mesures techniques efficaces sont mises en oeuvre pour « [restreindre] l'accomplissement, à l'égard de leurs oeuvres, d'actes qui ne sont pas autorisés par les auteurs concernés ou permis par la loi ».
Les mesures techniques ne peuvent donc empêcher ou limiter les actes autorisés sans constituer une grave lésion aux droits acquis par le consommateur.
M. le président. L'amendement n° 118, présenté par Mme Morin-Desailly, M. Nogrix et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :
Dans le dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L.331-5 du code de la propriété intellectuelle, supprimer les mots :
pour des usages licites.
La parole est à M. Philippe Nogrix.
M. Philippe Nogrix. L'amendement n °118 sera notre dernier amendement de clarification. Il vise à supprimer la notion d'usage licite dans la mesure où un logiciel indépendant interopérant avec une mesure technique pour des usages illicites serait tout simplement interdit ; sa conception et sa mise à disposition du public seraient passibles des sanctions prévues aux articles 13 et 14 de ce projet de loi.
Cette disposition est donc superfétatoire et toujours aussi confondante quant à la légitimité de l'interopérabilité, que nous défendons, comme vous le savez.
M. le président. L'amendement n° 205, présenté par Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet et M. Desessard, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par cet article pour l'article L. 331-5 du code de la propriété intellectuelle par un alinéa ainsi rédigé :
« Les dispositions du présent chapitre n'autorisent pas la mise en place de dispositifs matériels ou logiciels permettant la surveillance des données émises, traitées ou reçues par les personnes, sans autorisation préalable de l'autorité judiciaire. »
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. J'ai déjà défendu cet amendement en présentant le sous-amendement n °284. Je rappelle qu'il s'agit de protéger le consommateur contre l'entrée contre son gré dans son matériel de dispositifs permanents ou émetteurs de données.
Cela étant, monsieur le président, et pour faire suite à une remarque de la commission, je souhaite rectifier le sous-amendement et l'amendement en remplaçant la mention de l'autorité judiciaire, qui n'était donc pas judicieuse, par celle de la Commission nationale de l'informatique et des libertés.
M. le président. Je suis donc saisi d'un sous-amendement n °284 rectifié, présenté par Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet et M. Desessard, qui est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par l'amendement n° 17 rectifié par un alinéa ainsi rédigé :
« Les dispositions du présent chapitre n'autorisent pas la mise en place de dispositifs matériels ou logiciels permettant la surveillance des données émises, traitées ou reçues par les personnes, sans autorisation préalable de la Commission nationale de l'informatique et des libertés. »
Je suis également saisi d'un amendement n ° 205 rectifié présenté par Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet et M. Desessard, qui est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par cet article pour l'article L. 331-5 du code de la propriété intellectuelle par un alinéa ainsi rédigé :
« Les dispositions du présent chapitre n'autorisent pas la mise en place de dispositifs matériels ou logiciels permettant la surveillance des données émises, traitées ou reçues par les personnes, sans autorisation préalable de la Commission nationale de l'informatique et des libertés. »
Le sous-amendement n° 257, présenté par M. Assouline, est ainsi libellé :
Dans le texte proposé par l'amendement n° 205 pour compléter l'article L. 331-5 du code de la propriété intellectuelle, remplacer les mots :
l'autorité judiciaire
par les mots :
la Commission nationale de l'informatique et des libertés
Ce sous-amendement n'a plus d'objet.
L'amendement n° 206, présenté par Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet et M. Desessard, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par cet article pour l'article L. 331-5 du code de la propriété intellectuelle par un alinéa ainsi rédigé :
« Toute personne peut désactiver les mesures techniques de protection lorsque l'oeuvre n'est plus protégée par le droit d'auteur. »
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. J'ai déjà défendu cet amendement en présentant le sous-amendement n° 285, monsieur le président.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Michel Thiollière, rapporteur. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avant de donner l'avis de la commission sur les différents amendements et sous-amendements présentés ce soir par nos collègues, je voudrais redire en quelques mots les principes qui ont guidé sa réflexion et les principes qu'elle a suivis en rédigeant ses propres amendements.
Je souhaiterais d'abord rappeler avec solennité que la commission a souhaité distinguer les deux parties de cet article 7 dans la rédaction issue de travaux de l'Assemblée nationale de manière à bien sérier les problèmes et à garantir les deux fonctions : d'une part, la définition, qui figure de façon très précise dans la directive, des mesures techniques de protection, d'autre part, le statut protecteur qui doit leur être conféré. C'est une exigence forte de la directive que nous avons souhaité inscrire dans cet article 7, de façon que les choses soient précises, comprises et ainsi connues de tous.
De la même manière, la directive encourage fortement, sans en formuler fermement la demande, l'interopérabilité.
Or, comme le soulignait précédemment M. le ministre, aucun parlement européen ne s'est jusqu'à ce jour engagé dans cette voie. Le parlement français est donc sans doute le premier au monde à viser à l'interopérabilité et à la consacrer dans une loi en lui conférant donc toute l'effectivité qui s'attache à un texte de cette nature.
L'interopérabilité, si j'ai bien compris ce qui a été dit ce soir, est souhaitée par l'immense majorité d'entre nous, mais encore faut-il qu'elle puisse être suivie d'effets... C'est la raison pour laquelle la commission a souhaité la mise en place d'une autorité administrative indépendante.
Cette dernière ne se substitue pas à la loi, mais elle vient l'appliquer de façon concrète. Elle lui permet donc de rendre effectif notre souhait d'interopérabilité, d'abord, parce que l'autorité administrative aura comme cadre général la loi que nous voterons, ensuite, parce qu'elle permettra d'adapter, au fur et à mesure de l'avancée des technologies, notamment, et des usages éventuellement, le principe d'interopérabilité à l'évolution de la société tout en prenant le plus grand soin de ce qui est l'acte fondateur de ce que nous défendons ce soir, à savoir le droit d'auteur.
Il est important que l'interopérabilité ne se fasse pas au détriment du droit d'auteur mais qu'elle le préserve d'abord tout en garantissant l'interopérabilité. Dans ce cadre, nous avons confié à l'autorité administrative deux missions essentielles : premièrement, favoriser, dans un acte de conciliation des parties, l'interopérabilité et, deuxièmement, au cas où la conciliation se révélerait impossible, garantir par voie d'injonction avec éventuellement mise sous astreinte, l'interopérabilité.
Je pense donc que nous faisons oeuvre utile, d'abord en dissociant les deux problèmes principaux qui sont eux-mêmes dissociés dans la directive européenne. À ce propos, je rappelle que, si nous avons l'obligation de transposer les mesures techniques de protection, leur définition et la garantie d'un statut protecteur pour elles, il n'en va pas de même pour l'interopérabilité, qui ne fait l'objet que d'un encouragement de la directive européenne.
Pour ce qui nous concerne, nous allons beaucoup plus loin puisque, alors que la France est l'avant-dernier État membre à transposer cette directive, son parlement est le premier d'Europe, et sans doute le premier au monde, à inscrire dans la loi le principe d'interopérabilité. Cependant, cette seule inscription dans la loi, je le répète, ne garantit pas l'effectivité de la loi et c'est la raison pour laquelle nous avons souhaité mettre en place cette autorité administrative.
C'est à la lumière de ces quelques précisions que je vais maintenant vous communiquer les avis de la commission sur les différents amendements et sous-amendements qui ont été déposés sur cet article.
Les sous-amendements nos52 et 188 rectifié bis tendent à revenir à la rédaction adoptée par l'Assemblée nationale pour le troisième alinéa du texte proposé par l'amendement n° 17 rectifié pour l'article L. 331-5. Nos deux rédactions ciblent le même objectif : distinguer les mesures de protection, qui doivent être juridiquement protégées, de leurs composants, qui ne doivent pas nécessairement l'être.
La rédaction proposée par l'Assemblée nationale ne nous est pas parue d'une parfaite lisibilité.
Dans un premier temps, comme je l'ai déjà signalé, elle reprend le texte de la directive, et érige un certain nombre de procédés en critères justifiant qu'une mesure soit juridiquement protégée, et, dans un second temps, elle dénie toute protection à ces mêmes éléments.
Cette ambivalence avait conduit le rapporteur de la commission des lois de l'Assemblée nationale à émettre un avis défavorable sur cette adjonction, qu'il jugeait contraire à la directive.
Nous avons pensé clarifier les choses en nous adossant à l'article L. 611-10 du code de la propriété intellectuelle, dont la portée a été précisée par la jurisprudence et qui distingue clairement, en matière de brevetabilité, ce qui est brevetable et ce qui ne l'est pas.
C'est la raison pour laquelle la commission émet un avis favorable, sous réserve que les auteurs des deux sous-amendements identiques acceptent de les modifier en remplaçant la formule « méthode de cryptage » par les mots « algorithme de cryptage »
M. le président. Acceptez-vous de rectifier vos sous-amendements respectifs dans le sens souhaité par la commission, madame Morin-Desailly, monsieur Retailleau ?
Mme Catherine Morin-Desailly. Oui, monsieur le président, je rectifie en ce sens le sous-amendement n° 52.
M. Bruno Retailleau. Et je fais de même pour le sous-amendement n° 188 rectifié bis.
M. le président. Je suis donc saisi de deux sous-amendements identiques.
Le sous-amendement n° 52 rectifié est présenté par Mme Morin-Desailly, M. Nogrix et les membres du groupe Union centriste - UDF.
Le sous-amendement n° 188 rectifié ter est présenté par MM. Retailleau et Darniche.
Ces deux sous-amendements sont ainsi libellés :
Rédiger ainsi le troisième alinéa du texte proposé par l'amendement n° 17 rectifié pour l'article L. 331-5 du code de la propriété intellectuelle :
« Un protocole, un format, un algorithme de cryptage, de brouillage ou de transformation ne constitue pas en tant que tel une mesure technique au sens du présent article.
Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur.
M. Michel Thiollière, rapporteur. Dans ces conditions, la commission émet un avis favorable sur les sous-amendements identiques nos 52 rectifié et 188 rectifié ter.
La commission est en revanche défavorable au sous-amendement n° 115 rectifié. Elle est également défavorable à l'amendement n° 189 rectifié bis, car la régulation de l'interopérabilité doit relever des compétences de l'autorité de régulation créée par amendement de la commission, et paraît très éloignée des compétences actuelles du Conseil de la concurrence telles qu'elles sont actuellement définies par le code de commerce et qui portent sur les entraves à la concurrence et les abus de position dominante.
S'agissant du sous-amendement n° 190 rectifié bis, la commission, comme vous le savez, a profondément remanié ce dispositif dans son amendement n° 18 et a prévu que l'autorité de régulation s'assurerait que la fourniture des informations essentielles à l'interopérabilité serait rémunérée de façon appropriée, répondant ainsi à la préoccupation exprimée dans ce sous-amendement. La commission émet donc un avis défavorable.
Pour les mêmes raisons, la commission émet un avis défavorable aux sous-amendements identiques nos 191 rectifié bis et 271.
Elle est en revanche favorable au sous-amendement n° 277 rectifié bis.
M. David Assouline. Je ne suis pas venu pour rien ! (Sourires.)
M. Michel Thiollière, rapporteur. Le sous-amendement n° 228, qui reprend une disposition adoptée par l'Assemblée nationale, a pour objet de préciser que les mesures techniques de protection ne peuvent faire obstacle au libre usage de l'oeuvre dans le respect des droits protégés. Cette disposition est guidée par le souci de permettre aux usagers de lire normalement les oeuvres achetées, quels que soient les formats ou les appareils utilisés. C'est un objectif que partage la commission et qu'elle s'efforce de garantir à travers les dispositions nouvelles qu'elle vous proposera à l'amendement n° 18 portant article additionnel avant l'article 7 bis.
Elle estime donc que le sous-amendement n° 228 est en quelque sorte déjà satisfait ou sur le point de l'être. Toutefois, compte tenu de l'engagement que le sous-amendement traduit en faveur de l'interopérabilité, la commission n'a pas voulu émettre un avis défavorable et s'en remet à la sagesse du Sénat.
Sur le sous-amendement n° 229, la commission estimant qu'il est satisfait par le sous-amendement n° 277 rectifié bis, elle demande à son auteur de bien vouloir le retirer.
Sur le sous-amendement n° 272 rectifié, la commission émet un avis défavorable.
En effet, nous devons nous efforcer de concilier la publication du code source avec la protection des mesures techniques, à la fois parce que la directive nous y oblige et parce qu'elle conditionne la protection du droit d'auteur et des droits voisins que ces mesures garantissent.
Certains, comme les auteurs du sous-amendement n° 272 rectifié, souhaiteraient que l'on grave dans la loi « l'interdiction d'interdire » la publication du code source, et d'autres, comme les auteurs du sous-amendement n° 241 rectifié bis portant article additionnel avant l'article 7 bis, ont souhaité subordonner la publication du code source à de telles conditions qu'elle serait en fait impossible.
Là encore, la commission a privilégié une voie d'équilibre : la liberté de publier le code source sera plutôt la règle, mais le titulaire des droits sur les mesures techniques ne pourra l'interdire que s'il apporte la preuve que la publication aurait pour effet de porter gravement atteinte à la sécurité et à l'efficacité de la mesure technique.
Sur le sous-amendement n° 278, la commission a donné un avis défavorable.
En ce qui concerne le sous-amendement n° 284 rectifié, que vous avez eu raison de modifier, madame Blandin, car le contrôle du dispositif de traitement automatisé des données personnelles relève d'une autorisation préalable de la CNIL et non pas de l'autorité judiciaire, la commission s'en remet à la sagesse du Sénat.
Le sous-amendement n° 285 procède d'une idée intéressante puisqu'il consiste à ne pas prolonger la protection des mesures techniques au-delà de la protection des oeuvres auxquelles elles s'appliquent. Il devrait cependant prendre en compte non seulement la protection du droit d'auteur mais également celle des droits voisins, dont la durée peut ne pas coïncider.
Il convient en outre de s'assurer que les utilisateurs pourront être clairement informés sur le caractère libre de droits ou non des oeuvres et des objets protégés dont ils envisageraient de désactiver les mesures techniques de protection.
Peut-être le registre des oeuvres envisagé à travers la nouvelle rédaction de l'article 14 quater pourrait-il y contribuer. Cependant, compte tenu des difficultés pratiques que soulèverait la mise en oeuvre de cette disposition, la commission souhaiterait connaître l'avis du Gouvernement avant, éventuellement, de s'en remettre à la sagesse du Sénat.
L'amendement n° 181 a pour objet de réaffirmer le contrôle des titulaires de droits sur les utilisations de leurs oeuvres ou enregistrements protégés par des mesures techniques. Il rejoint la préoccupation de la commission, qui a prévu de rappeler, à l'amendement n° 18 portant article additionnel avant l'article 7 bis, que les mesures techniques ne devaient pas entraîner dans l'utilisation d'une oeuvre des limitations supplémentaires et indépendantes de celles expressément décidées par des titulaires de droits.
Bien que la commission estime que cet amendement est déjà satisfait par la rédaction qu'elle propose, elle n'a pas souhaité lui donner un avis défavorable, dans la mesure où cet amendement tend à rapprocher la rédaction de l'article L.331-5 du code de la propriété intellectuelle de celle de l'article 6, alinéa 3, de la directive. La commission émet donc un avis favorable.
Sur l'amendement n° 73, qui est contraire à l'amendement n° 18 qu'elle présentera ultérieurement, la commission a émis un avis défavorable.
Sur l'amendement n° 114, là encore, dans la mesure où la commission s'est livrée à une refonte globale du dispositif relatif à l'interopérabilité, l'avis est défavorable
L'amendement n° 116 nous semble satisfait par un sous-amendement à l'amendement n° 18. C'est la raison pour laquelle la commission émet un avis défavorable.
En ce qui concerne l'amendement n° 117, les dispositions concernées ont été profondément remaniées dans l'amendement n° 18 de la commission, qui a notamment prévu que les mesures techniques ne devaient pas avoir pour conséquence d'entraîner dans l'utilisation d'une oeuvre des limitations supplémentaires et indépendantes de celles qui auront été expressément décidées par les détenteurs des droits, et elle a chargé la nouvelle autorité de régulation d'y veiller. L'avis est donc défavorable.
Sur l'amendement n° 118, pour les mêmes raisons, la commission émet également un avis défavorable.
La commission était défavorable à l'amendement n° 205, puisque le contrôle des dispositifs permettant un traitement automatisé des données personnelles semble davantage relever d'une autorisation préalable de la CNIL que de celle de l'autorité judiciaire. Mme Blandin ayant opportunément rectifié son amendement, comme elle l'avait déjà fait pour le sous-amendement n° 284 rectifié, la commission s'en remet à la sagesse du Sénat sur l'amendement n° 205 rectifié.
Enfin, sur l'amendement n° 206, la commission s'en remet également à la sagesse du Sénat.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. Tout d'abord, s'agissant du concept d'interopérabilité, je souligne, monsieur Retailleau, que ce qui importe, c'est de définir non pas un mécanisme optionnel mais une garantie. Le rapporteur l'a tout à l'heure parfaitement exprimé.
De la même manière, en définissant, en précurseurs, ce nouveau concept, nous formulons, sans arrogance aucune vis-à-vis de quiconque, un principe qui sera repris par l'ensemble des autres pays. Il ne s'agit pas de régler des comptes, il s'agit de définir une valeur opérationnelle à l'ère du numérique.
En ce qui concerne l'amendement n° 17 rectifié, j'émets un avis favorable. En effet, la rédaction proposée par la commission contribue à la clarification du texte en consacrant un certain nombre de dispositifs relatifs à l'interopérabilité.
En ce qui concerne les sous-amendements identiques nos 52 rectifié et 188 rectifié ter, j'émets un avis favorable puisque leurs auteurs ont opéré la substitution entre algorithme et méthode.
Sur le sous-amendement n° 115 rectifié, j'émets un avis défavorable.
Le sous-amendement n° 189 rectifié bis est satisfait par l'amendement n° 18 de la commission, qui prévoit que l'autorité de régulation pourra ordonner la délivrance des informations nécessaires à l'interopérabilité, complété par le sous-amendement n° 113 de M. Dufaut, auquel le Gouvernement est d'ores et déjà favorable. J'émets donc un avis défavorable sur le sous-amendement n° 189 rectifié bis.
Je suis également défavorable au sous-amendement n° 190 rectifié bis.
Sur les sous-amendements identiques nos°191 rectifié bis et 271, j'émets un avis défavorable. C'est en effet le mécanisme de la décompilation qui permet d'offrir une voie à la gratuité. L'accès aux informations essentielles qui font l'objet d'investissements doit répondre à des conditions équilibrées et non discriminatoires.
Le sous-amendement n° 277 rectifié bis est très important, car il permet de rappeler que ce projet de loi n'a pas pour objet de revenir sur le droit existant en matière de logiciels. L'exception de décompilation est le mode actuellement privilégié pour permettre aux auteurs de logiciels, en particulier de logiciels libres, d'accéder aux informations essentielles à l'interopérabilité. Elle présente, en effet, de nombreux avantages puisqu'elle ne nécessite ni autorisation, ni procédure de nature juridictionnelle, ni rémunération de l'auteur - ou compensation pour celui-ci - du logiciel ainsi décompilé.
Pour le ministre de la culture et de la communication que je suis, c'est une garantie que la technique n'a pas pour objectif de brider l'accès aux oeuvres ou d'enfermer le consommateur dans des modèles propriétaires. Au contraire, elle doit être un vecteur d'une circulation plus large des oeuvres, d'une relation la plus directe possible entre les créateurs et leur public et d'un développement de nouveaux modèles de distribution ou de diffusion des musiques et des films sur Internet.
J'émets donc un avis favorable sur ce sous-amendement n°277 rectifié bis.
Sur le sous-amendement n° 228, je m'en remets à la sagesse de la Haute Assemblée.
En effet, je partage votre préoccupation, madame Catherine Morin-Desailly, mais la notion d'acte autorisé par la loi est trop large et, surtout, trop vague. Ce sont les mesures techniques qui permettent d'offrir aux consommateurs, en contrepartie d'un abonnement très modique, des possibilités d'écoutes illimitées d'un nombre considérable d'oeuvres. Elles favorisent ainsi une offre d'une très grande diversité, et des plus attractives, ce qui est très important. Il est urgent que ces nouvelles offres et ces nouveaux modèles apparaissent ; cela changera d'ailleurs complètement la perception du travail que vous êtes en train d'accomplir.
Je rappelle par ailleurs que seules sont protégées les mesures techniques portant sur une oeuvre protégée, point que nous reverrons dans un autre sous-amendement. Mesdames, messieurs les sénateurs, qui dit « mesures techniques » dit « oeuvres protégées ». S'il n'y a pas d'oeuvres protégées, il n'y a pas de mesures techniques. La mise en place de mesures techniques ne saurait donc entraver l'utilisation des oeuvres du domaine public.
En ce qui concerne le sous-amendement n° 229, qui est satisfait par le sous-amendement n° 277 rectifié bis, j'en demande le retrait.
Sur le sous-amendement n° 272 rectifié, j'émets un avis défavorable.
L'amendement de la commission, sous-amendé, répond à votre préoccupation d'un équilibre entre la sécurité des droits des créateurs et les intérêts des développeurs de logiciels libres. Rien dans la rédaction proposée n'interdit la publication du code source d'un logiciel indépendant. La lecture d'un DVD sous logiciel libre Linux ou sous tout autre système est parfaitement légale. Un code source doit être soumis aux mêmes règles que le logiciel correspondant. Il est notamment nécessaire d'éviter qu'un code source ne puisse contenir des indications telles qu'un commentaire facilitant une atteinte au droit d'auteur.
Voilà les principes positifs qui conduisent le Gouvernement à émettre un avis défavorable sur ce sous-amendement n° 272 rectifié.
En ce qui concerne le sous-amendement n° 278, le Gouvernement émet un avis défavorable.
De même, sur le sous-amendement n° 284 rectifié, l'avis du Gouvernement est défavorable. En effet, le projet de loi ne remet nullement en cause l'application des dispositions protectrices de la vie privée que vous avez adoptées en 2004, en modifiant la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés. La surveillance des communications d'une personne à son insu est ainsi contraire à cette loi, il faut le rappeler pour éviter un certain nombre de peurs inutiles parmi nos concitoyens. Cette loi impose notamment dans son article 6 que les données soient « collectées et traitées de manière loyale et licite ».
Sur le sous-amendement n° 285, je rappelle qu'il n'y a aucune ambiguïté : seules sont protégées les mesures techniques portant sur une oeuvre elle-même protégée. J'émets donc un avis défavorable.
En revanche, pour ce qui concerne l'amendement n° 181, le Gouvernement s'en remet à la sagesse de la Haute Assemblée. Le contrôle visé par cet amendement est celui qui est assuré par la mesure technique elle-même. Ce type de contrôle permet précisément de garantir le respect des autorisations consenties en amont par les titulaires de droits.
Par ailleurs, le nouvel article 6 A introduit par l'Assemblée nationale impose au producteur d'obtenir le consentement des auteurs et artistes interprètes pour mettre en place une mesure technique. Il répond donc, monsieur le sénateur, à votre légitime préoccupation.
S'agissant de l'amendement n° 73, il me paraît nécessaire de garantir dans le cadre du présent projet de loi le principe de l'interopérabilité, c'est-à-dire, faut-il le rappeler, la liberté pour l'internaute de lire une oeuvre acquise légalement sur tout type de support.
J'en profite pour apporter une précision sémantique : une oeuvre acquise « légalement » ne l'est pas nécessairement « commercialement ». J'y insiste parce d'autres interprétations sont parfois données. Cette précision fait d'ailleurs l'objet de l'article 7 bis dans la rédaction résultant des amendements de votre rapporteur. De surcroît, un amendement n° 113 de M. Dufaut, auquel le Gouvernement est favorable et que nous examinerons ultérieurement, répond à cet objectif en articulant clairement les missions de l'autorité de régulation des mesures techniques de protection avec celles du Conseil de la concurrence. Ces deux organismes ne sont pas antagonistes, leurs interventions peuvent s'articuler, leurs vocations ne sont pas les mêmes.
L'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 73 est donc défavorable.
En ce qui concerne l'amendement n° 114, l'avis du Gouvernement est défavorable.
Sur l'amendement n° 116, l'avis du Gouvernement est également défavorable, tout simplement parce que le sous-amendement n° 277 rectifié bis répond déjà à votre préoccupation, madame la sénatrice.
En ce qui concerne l'amendement n° 117, l'avis du Gouvernement est défavorable.
Sur l'amendement n° 118, l'avis est également défavorable. Cet amendement souligne avec une grande perspicacité l'ambiguïté qui entoure la notion d'interopérabilité. Je me réjouis que nous nous rejoignions sur la nécessité de garantir cette interopérabilité, tout en précisant très clairement que cette garantie ne saurait servir de prétexte à porter atteinte aux droits des créateurs. L'amendement n° 18 de la commission répond de manière plus précise à cette préoccupation dont je suis heureux qu'elle soit partagée.
S'agissant de l'amendement n° 205 rectifié, l'avis du Gouvernement est défavorable pour des raisons que j'ai déjà indiquées, notamment le respect de la vie privée.
Concernant l'amendement n° 206, l'avis du Gouvernement est défavorable. Je rappelle une fois de plus qu'il n'y a aucune ambiguïté : seules sont protégées les mesures techniques portant sur une oeuvre protégée. La mise en place de mesures techniques ne saurait donc entraver l'utilisation des oeuvres du domaine public, qui est très souhaitable pour l'accès le plus large à la culture et à la connaissance.
M. le président. Monsieur Ralite, pour éviter qu'il ne devienne sans objet, il conviendrait que votre amendement n° 181 soit transformé en sous-amendement à l'amendement n° 17 rectifié.
M. Jack Ralite. Monsieur le président, je vous remercie de cette remarque et je transforme l'amendement n° 181 pour en faire un sous-amendement à l'amendement n° 17 rectifié.
M. le président. Je suis donc saisi d'un sous-amendement n° 181 rectifié à l'amendement n° 17 rectifié de la commission, présenté par MM. Ralite, Renar et Voguet, Mme David et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, et ainsi libellé :
Dans la seconde phrase du deuxième alinéa du texte proposé par l'amendement n° 17 rectifié pour l'article L. 331-5 du code de la propriété intellectuelle, après le mot :
contrôlée
insérer les mots :
par les titulaires de droits
Je le mets aux voix.
(Le sous-amendement est adopté à l'unanimité.)
M. le président. Je mets aux voix les sous-amendements identiques nos 52 rectifié et 188 rectifié ter.
(Les sous-amendements sont adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 115 rectifié.
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 189 rectifié bis.
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 190 rectifié bis.
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix les sous-amendements identiques nos 191 rectifié bis et 271.
(Les sous-amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 277 rectifié bis.
(Le sous-amendement est adopté à l'unanimité.)
M. le président. Le sous-amendement n° 229 n'a plus d'objet.
Je mets aux voix le sous-amendement n° 272 rectifié.
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 284 rectifié.
(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote sur l'amendement n° 17 rectifié, modifié.
M. Bruno Retailleau. Les craintes que nous avions exprimées lors de la discussion générale sont malheureusement vérifiées.
Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, vous avez tout à l'heure parlé de la France comme de l'un des pays précurseurs en la matière. C'était bien le cas en effet grâce au texte voté à l'unanimité par l'Assemblée nationale. Il n'en sera plus de même désormais si nous adoptons cet amendement. D'une interopérabilité pleine et entière, nous passons en effet à une interopérabilité diminuée.
Nous serons peut-être même l'un des tout premiers pays à tuer ce concept d'interopérabilité, car nous aurons une interopérabilité négociée. L'autorité de régulation des mesures techniques de protection, nous le verrons lors de l'examen des articles suivants, aura le pouvoir d'émettre un avis défavorable à une demande. Il y aura donc un droit d'entrée sur le marché, droit que l'autorité fixera librement. Attendons de voir la suite, mais cela ne fait aucun doute.
L'effectivité de la mise en oeuvre de l'interopérabilité sera tout à fait aléatoire car, avec l'adoption du sous-amendement de M. Assouline, qui précise que « ces mesures s'appliquent sans préjudice de l'article L. 122-6-1 du code de la propriété intellectuelle », je ne pense pas que vous puissiez dire, monsieur le ministre, que la décompilation soit parfaitement reconnue. Si vous vouliez la reconnaître, il eût fallu à ce moment-là l'inscrire de plein droit dans l'article 7, comme les députés l'avaient fait au dernier alinéa de cet article.
C'est la raison pour laquelle je ne pourrai pas voter l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Yann Gaillard, pour explication de vote.
M. Yann Gaillard. Sur le fond, je suis d'accord avec la plus grande partie des analyses de notre collègue Retailleau.
Notre seule divergence porte sur l'impossibilité, selon moi, de modifier par amendement le dispositif de régulation de l'interopérabilité proposé par la commission des affaires culturelles pour le rapprocher de celui qui avait été adopté par l'Assemblée nationale. Ces dispositifs obéissent à deux analyses différentes qui, d'ailleurs, peuvent très bien se justifier l'une et l'autre.
Je m'abstiendrai donc sur cet amendement. Je souhaite vivement, si la commission mixte paritaire retient le dispositif du Sénat, que ses auteurs soient comblés, eux qui ont mis beaucoup d'espoirs en lui. En fait, nous cherchons tous à défendre l'interopérabilité, c'est simplement sur les moyens que nous différons.
M. le président. La parole est à M. Philippe Nogrix, pour explication de vote.
M. Philippe Nogrix. Le vote que nous devons émettre ce soir revêt sans doute beaucoup plus d'importance que la compréhension trop légère que certains d'entre nous ont de leur propre position.
Nous comprenons tous que les enjeux sont extrêmement importants. Personnellement, je regrette que nous ne travaillions pas comme nos collègues parlementaires d'autres pays, ou que nous n'ayons pas fait d'enquête poussée pour évaluer toutes les conséquences de ce que nous allons voter.
Monsieur le ministre, ni vous, ni la commission, n'êtes en mesure de nous dire quelles sont les incidences financières de ce dispositif, ni quelles sont les répartitions possibles entre les auteurs, les éditeurs, les fournisseurs.
Je trouve donc très dangereux de nous prononcer sur cet amendement n° 17 rectifié. D'autant que vous n'avez pas accepté notre sous-amendement n° 115 rectifié, qui imposait aux fournisseurs de mesures techniques de donner l'accès aux informations essentielles de l'interopérabilité.
Par ailleurs, il ne vous a pas paru nécessaire d'autoriser la publication des codes source.
Dans ces conditions, les précisions que nous demandions d'insérer n'ayant pas été acceptées, on peut craindre que des pratiques censées protéger les droits des auteurs ne brident la liberté d'un grand nombre de ceux-ci.
C'est pourquoi la majorité des membres du groupe de l'UC-UDF voteront contre l'amendement n° 17 rectifié, quelques-uns d'entre eux s'abstenant.
M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. Ce débat sur un point crucial du texte a été riche. Maintenant que nous sommes parvenus à son terme, et malgré tout ce qui a pu être dit, je voudrais souscrire à une partie des propos qui ont été tenus par M. Ralite : on sent bien que le travail est inachevé et qu'il va falloir poursuivre la réflexion.
Il conviendra en particulier, sur le plan très pratique de l'application de la loi, de vérifier si certaines préventions qui ont été exprimées ici, s'agissant notamment du monopole, des mesures techniques de protection, des atteintes à la vie privée, du contrôle des échanges, étaient fondées.
Pour notre part, nous avons en tout cas essayé d'affirmer des principes. Nous serons vigilants à l'avenir et, quand il faudra légiférer à nouveau, car il le faudra, n'en doutons pas, nous envisagerons d'intégrer dans la loi les enseignements que l'on aura pu tirer du fonctionnement du marché dans les mois qui viennent.
Cela étant, si nous avons décidé, pour les raisons que nous avons indiquées lors de la discussion générale, de ne pas entrer dans une bataille d'amendements s'agissant d'un texte qui, à notre sens, devra être remis sur le métier dès que possible, je voudrais souligner que, à propos de l'article 7, les éditeurs de logiciels libres ont attiré à juste titre notre attention sur le fait qu'ils n'avaient pas demandé que l'Assemblée nationale aille aussi loin. Leur crainte principale était de subir le retour du bâton, c'est-à-dire de se voir interdire de pratiquer, comme auparavant, la décompilation.
M. Philippe Nogrix. Oui !
M. David Assouline. Le sous-amendement du groupe socialiste qui a été adopté à l'unanimité par le Sénat représente une avancée considérable. Quoi que l'on puisse penser de ses imperfections, son adoption permettra, pour les logiciels libres, une sécurité juridique que réclamaient les éditeurs. D'autres directives interviendront, mais, en tout état de cause, nous apprécions que cette avancée, qui répond à la principale demande émanant des éditeurs de logiciels libres, ait pu être obtenue.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 17 rectifié, modifié.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 187 :
Nombre de votants | 328 |
Nombre de suffrages exprimés | 234 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 118 |
Pour l'adoption | 173 |
Contre | 61 |
Le Sénat a adopté.
En conséquence, les amendements nos 73, 114, 116, 117, 118, 205 rectifié et 206 n'ont plus d'objet.
Je mets aux voix l'article 7, modifié.
(L'article 7 est adopté.)
M. le président. La suite du débat est renvoyée à la prochaine séance.