compte rendu intégral
PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet
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OUVERTURE DE LA SESSION EXTRAORDINAIRE
M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre communication du décret de M. le Président de la République, en date du 5 juillet 2006, portant convocation du Parlement en session extraordinaire à compter du jeudi 7 septembre 2006.
L'article 2 de ce décret précise que l'ordre du jour de cette session extraordinaire comprendra l'examen et la poursuite de l'examen des textes suivants :
- projet de loi relatif au secteur de l'énergie ;
- projet de loi relatif à la prévention de la délinquance ;
- projet de loi sur l'eau et les milieux aquatiques.
J'ai reçu de M. le Premier ministre communication du décret de M. le Président de la République, en date du 28 août, complétant l'ordre du jour de la session extraordinaire par une déclaration du Gouvernement devant chaque assemblée, suivie d'un débat sur la situation au Proche-Orient et la participation de la France à la mise en oeuvre de la résolution 1701 (2006) adoptée par le Conseil de sécurité des Nations unies.
Acte est donné de ces communications.
En conséquence, en application des articles 29 et 30 de la Constitution, la session extraordinaire de 2005-2006 est ouverte.
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PROCÈS-VERBAL
M. le président. Le procès-verbal de la séance du vendredi 30 juin 2006 a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès verbal est adopté.
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DÉCÈS De SÉNATEURs
M. le président. J'ai le regret de vous rappeler que deux de nos collègues sont décédés pendant l'intersession : Marcel Vidal, sénateur de l'Hérault, le 8 juillet, et Raymond Courrière, sénateur de l'Aude, le 11 août.
En son temps, j'ai, en votre nom à tous, personnellement fait part à leur famille et à leurs proches de notre sentiment de tristesse.
Pour l'heure, je vous propose d'observer une minute de silence à la mémoire de nos regrettés collègues. (Mme la ministre, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et observent une minute de silence.)
Je prononcerai l'éloge funèbre de Marcel Vidal le mardi 10 octobre et celui de Raymond Courrière le mardi 17 octobre.
Je vous indique également que je prononcerai l'éloge funèbre de notre regretté collègue Pierre-Yvon Trémel le mardi 3 octobre.
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remplacement de sénateurs décédés
M. le président. M. le ministre de l'intérieur m'a fait savoir que Marcel Vidal et Raymond Courrière ont été remplacés respectivement par M. Robert Tropéano en qualité de sénateur de l'Hérault et M. Marcel Rainaud en qualité de sénateur de l'Aude.
Je leur souhaite à tous les deux une cordiale bienvenue dans cette maison. (Applaudissements.)
Je vous rappelle en outre que le remplaçant de Pierre-Yvon Trémel sera élu dans le cadre d'une élection partielle qui aura lieu le 24 septembre.
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DÉCÈS D'ANCIENs SÉNATEURs
M. le président. J'ai le regret de vous rappeler le décès de nos anciens collègues Jacques Augarde, sénateur de Constantine de 1951 à 1959, Franck Sérusclat, sénateur du Rhône de 1977 à 1999, Auguste Amic, sénateur du Var de 1972 à 1977, et François Lesein, sénateur de l'Aisne de 1988 à 1998.
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DÉCisions du conseil constitutionnel
M. le président. J'ai reçu de M. le Président du Conseil constitutionnel le texte des décisions rendues par le Conseil constitutionnel :
- le 13 juillet 2006, sur la loi portant règlement définitif du budget de 2005 ;
- le 20 juillet 2006, sur la loi relative à l'immigration et à l'intégration ;
- le 27 juillet 2006, sur la loi relative au droit d'auteur et aux droits voisins dans la société de l'information.
Acte est donné de ces communications.
Ces décisions du Conseil constitutionnel ont été publiées au Journal officiel.
J'ai reçu de M. le Président du Conseil constitutionnel une décision en date du 20 juillet 2006 relative à la situation de deux députés et de quatre sénateurs au regard du régime des incompatibilités parlementaires.
Acte est donné de cette communication.
Cette décision sera publiée en annexe au compte rendu intégral de la présente séance.
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DÉPÔT DE RAPPORTS
M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre :
- le rapport d'activité du Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante pour 2005-2006, en application de l'article 53 de la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000 de financement de la sécurité sociale pour 2001 ;
- le rapport sur les conditions de mise en oeuvre de l'agrément prévu en faveur des investissements réalisés outre-mer dans certains secteurs économiques pour 2005, en application de l'article 120 de la loi n° 91-1322 du 30 décembre 1991 de finances pour 1992 ;
- le rapport annuel, fait en application de l'article 52 de la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure, faisant état de la situation démographique, sanitaire et sociale des personnes prostituées ainsi que des moyens dont disposent les associations et les organismes qui leur viennent en aide ;
- le rapport relatif à l'autonomie financière des collectivités territoriales, en application de l'article 5 de la loi organique n° 2004-758 du 29 juillet 2004 ;
- le rapport 2006 de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie, en application de l'article L. 111-11 du code de la sécurité sociale ;
- et le rapport pour 2005 sur l'application des articles L. 1333-1 et suivants du code de la défense sur la protection et le contrôle des matières nucléaires, conformément à l'article L. 1333-7 du même code.
Par ailleurs, j'ai reçu :
- de M. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, conformément à la loi n° 2003-706 du 1er août 2003 de sécurité financière, le premier rapport annuel au titre de 2005 du Comité consultatif de la législation et de la réglementation financières (CCLRF) ;
- de Mme Marianne Lévy-Rosenwald, présidente du Conseil de surveillance du Fonds de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante, le rapport d'activité pour 2005 du Fonds, en application de l'article 41 de la loi n° 98-194 du 23 décembre 1998 de financement de la sécurité sociale pour 1999.
Acte est donné du dépôt de ces rapports.
Ils ont été transmis aux commissions compétentes et sont disponibles au bureau de la distribution.
J'ai reçu de M. le Premier ministre quinze rapports sur la mise en application de lois :
- loi n° 2005-157 du 23 février 2005 relative au développement des territoires ruraux ;
- loi n° 2005-882 du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises, conformément à l'article 67 de la loi n° 2004-1343 du 9 décembre 2004 de simplification du droit ;
- loi n° 2004-1484 du 30 décembre 2004 de finances pour 2005 ;
- loi n° 2004-1485 du 30 décembre 2004 de finances rectificative pour 2004 ;
- loi n° 2004-1487 du 30 décembre 2004 relative à l'ouverture du capital de la DCN et à la création par celle-ci de filiales ;
- loi n° 2005-811 du 20 juillet 2005 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine des marchés financiers ;
- loi n° 2005-358 du 20 avril 2005 tendant à créer un conseil des prélèvements obligatoires ;
- loi n° 2005-781 du 13 juillet 2005 de programme fixant les orientations de la politique énergétique ;
- loi n° 2005-1549 du 12 décembre 2005 relative au traitement de la récidive des infractions pénales ;
- loi n° 2005-750 du 4 juillet 2005 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la justice ;
- loi n° 2005-47 du 26 janvier 2005 relative aux compétences du tribunal d'instance, de la juridiction de proximité et du tribunal de grande instance ;
- loi n° 2005-1319 du 26 octobre 2005 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de l'environnement ;
- loi organique n° 2005-821 du 20 juillet 2005 modifiant la loi organique n° 76-97 du 31 janvier 1976 sur le vote des Français établis hors de France pour l'élection du Président de la République ;
- loi n° 2005-822 du 20 juillet 2005 modifiant la loi n° 82-471 du 7 juin 1982 relative à l'Assemblée des Français de l'étranger ;
- et loi n° 2006-64 du 23 janvier 2006 relative à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers.
Dans le courant de l'intersession, M. le Premier ministre a tenu à me faire savoir que le Gouvernement portait une grande attention à l'application rapide des lois votées par le Parlement et qu'il souhaitait donner une nouvelle impulsion à la procédure des études d'impact. Ces études, réalisées lors de la préparation des projets de loi, auront notamment pour objet de mieux apprécier les domaines respectifs de la loi et du règlement.
J'ai pu lui répondre que l'application de la loi dans les meilleurs délais était une préoccupation privilégiée du Sénat, comme en témoigne la mise en place dès 1972, sur l'initiative de nos commissions permanentes, d'un dispositif de veille sur la publication des décrets. Il va de soi cependant que cette méthode doit pouvoir encore être améliorée.
Aussi est-ce avec plaisir que je prends acte de l'engagement du Gouvernement de publier en temps et en heure les rapports sur l'application de la loi, comme il en a désormais l'obligation légale depuis deux ans.
Par-delà le traditionnel suivi des délais de publication des décrets, ce nouveau dispositif permettra, je l'espère, de faire un pas de plus, grâce à nos commissions, vers une véritable évaluation des effets de la loi.
Acte est donné du dépôt de ces rapports.
Ils ont été transmis aux commissions compétentes et sont disponibles au bureau de la distribution.
J'ai reçu deux rapports d'activité transmis par les présidents de deux autorités administratives indépendantes :
- de M. Philippe de Ladoucette, président de la Commission de régulation de l'énergie, le rapport d'activité de la Commission, en application de l'article 32 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité ;
- de M. le professeur Laurent Degos, président du collège de la Haute Autorité de santé, le rapport annuel d'activité de la Haute Autorité, conformément à l'article L. 161-37 du code de la sécurité sociale.
Ces rapports m'ont été remis directement et solennellement par les présidents de ces deux autorités indépendantes. Ainsi se trouve confirmé le rôle qui est celui du Sénat de garant institutionnel de l'indépendance de ces autorités.
Acte est donné du dépôt de ces rapports.
Ils ont été transmis aux commissions compétentes et sont disponibles au bureau de la distribution.
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CONFÉRENCE DES PRÉSIDENTS
M. le président. La conférence des présidents a établi comme suit l'ordre du jour des prochaines séances du Sénat :
session extraordinaire 2005-2006
Jeudi 7 septembre 2006 :
À 10 heures, à 15 heures et le soir :
1° Ouverture de la session extraordinaire ;
2° Deuxième lecture du projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale, sur l'eau et les milieux aquatiques (n° 370, 2005-2006) ;
(La conférence des présidents a fixé à trois heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe ;
Les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le mercredi 6 septembre 2006 ;
Le délai limite pour le dépôt des amendements est expiré.)
Vendredi 8 septembre 2006 :
À 9 heures 30, à 15 heures et le soir :
- Suite de la deuxième lecture du projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale, sur l'eau et les milieux aquatiques.
Lundi 11 septembre 2006 :
À 15 heures et le soir :
- Suite de la deuxième lecture du projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale, sur l'eau et les milieux aquatiques.
Mardi 12 septembre 2006 :
À 10 heures :
1° Suite de la deuxième lecture du projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale, sur l'eau et les milieux aquatiques ;
À 16 heures :
2° Déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat, sur la situation au Proche-Orient et la participation de la France à la mise en oeuvre de la résolution 1701 adoptée par le Conseil de sécurité des Nations unies ;
(La conférence des présidents :
- a accordé un temps de parole de dix minutes au président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées ;
- a fixé à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans le débat, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe ;
Les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le lundi 11 septembre 2006) ;
Le soir :
3° Suite de l'ordre du jour du matin.
Mercredi 13 septembre 2006 :
Éventuellement, à 9 heures 30 :
1° Suite de la deuxième lecture du projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale, sur l'eau et les milieux aquatiques ;
À 15 heures et le soir :
2° Projet de loi relatif à la prévention de la délinquance (n° 433, 2005-2006) ;
(La conférence des présidents a fixé :
- au mardi 12 septembre 2006, à 11 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements ;
- à trois heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe ;
Les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le mardi 12 septembre 2006).
Jeudi 14 septembre 2006 :
À 9 heures 30, à 15 heures et le soir :
- Suite du projet de loi relatif à la prévention de la délinquance.
La suite de l'ordre du jour de la session extraordinaire sera réglée lors de la prochaine réunion de la conférence des présidents, le mercredi 13 septembre 2006 à 19 heures.
Par ailleurs, la conférence des présidents a décidé de retenir les dates suivantes pour l'éloge funèbre des sénateurs décédés au cours de l'intersession :
- mardi 3 octobre à 16 heures 15 : éloge funèbre de Pierre-Yvon Trémel,
- mardi 10 octobre à 16 heures 15 : éloge funèbre de Marcel Vidal,
- mardi 17 octobre à 16 heures 15 : éloge funèbre de Raymond Courrière.
Y a-t-il des observations en ce qui concerne les propositions de la conférence des présidents relatives à la tenue des séances ?...
Ces propositions sont adoptées.
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CANDIDATURES À des commissions
M. le président. J'informe le Sénat que le groupe socialiste a fait connaître à la présidence le nom des candidats qu'il propose pour siéger :
- à la commission des affaires culturelles, à la place laissée vacante par Marcel Vidal, décédé ;
- à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, à la place laissée vacante par Raymond Courrière, décédé.
Ces candidatures vont être affichées et leur nomination aura lieu conformément à l'article 8 du règlement.
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Eau et milieux aquatiques
Discussion d'un projet de loi en deuxième lecture
M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion en deuxième lecture du projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale, sur l'eau et les milieux aquatiques (n°s 370, 461).
Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre.
Mme Nelly Olin, ministre de l'écologie et du développement durable. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je m'associe en mon nom et en celui du Gouvernement aux condoléances qui viennent d'être exprimées. Ayant siégé à leurs côtés, j'ai moi aussi pu apprécier les qualités de vos collègues disparus et je tiens à assurer leurs familles de notre soutien et de notre profonde sympathie.
Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, c'est pour moi un honneur et une grande satisfaction de vous présenter ce projet de loi, que je sais très attendu et qui a fait l'objet d'une large concertation.
Je veux d'ores et déjà saluer le travail de votre Haute Assemblée et de l'Assemblée nationale qui ont amélioré, en première lecture, le projet initial du Gouvernement.
Permettez-moi de remercier chaleureusement Jean-Paul Emorine, président de la commission des affaires économiques, Pierre Hérisson, vice-président, Bruno Sido, rapporteur de ce projet de loi, pour l'importance du travail qu'ils ont accompli et la concertation qu'ils ont menée en associant à ces travaux le groupe d'étude sur l'eau, sans oublier Fabienne Keller et Pierre Jarlier, rapporteurs pour avis en première lecture.
Notre responsabilité aujourd'hui est de mener à bien ce projet de loi.
Celui-ci s'intègre plus largement dans l'action conduite par le Gouvernement pour relever les grands défis environnementaux du XXIe siècle, tels que les relations santé-environnement ou encore le changement climatique, dont l'impact se fait directement sentir dans le domaine de l'eau.
Les deux dernières canicules, la répétition des périodes de sécheresse ou encore les fortes inondations tant en France qu'à l'étranger montrent combien les modifications du climat ont des conséquences qui touchent directement notre vie quotidienne.
Pourtant ce ne sont que les prémices d'évolutions plus significatives dont les conséquences écologiques, économiques, sociales et sanitaires pourraient être extrêmement graves.
C'est dans cet esprit que le Gouvernement conduit une action de fond pour prévenir le réchauffement climatique.
Comme vous le savez, la France respecte d'ores et déjà les objectifs fixés par le protocole de Kyoto, mais nous souhaitons aller plus loin en divisant par quatre nos émissions de gaz à effet de serre d'ici à 2050.
Les énergies renouvelables se développent à un rythme sans précédent.
Plusieurs mesures fiscales ont été mises en place pour réduire nos émissions de CO2, dans les transports comme dans le logement.
Les mesures destinées à accroître l'isolation et l'utilisation d'énergies renouvelables dans l'habitat rencontrent un très grand succès auprès de nos concitoyens.
Mais l'eau est aussi appelée à contribuer à l'amélioration de nos pratiques de transport. Ainsi, le projet de réalisation du canal Seine-Nord-Europe franchira une nouvelle étape avec le lancement de l'enquête publique à l'automne.
Le « merroutage », complément du ferroutage, avance lui aussi avec la création, par les ministres des transports français et espagnols, le 26 juillet 2006, d'une commission intergouvernementale pour l'ouverture d'une autoroute de la mer entre l'Espagne et le territoire français.
Cependant, les résultats de ces actions sur les plans national et international quels qu'ils soient ne pourront qu'atténuer le réchauffement.
Aussi devons-nous sans attendre nous adapter aux évolutions prévisibles, par exemple en trouvant des solutions pour mieux gérer les sécheresses et les inondations.
Le projet de loi que vous allez examiner y contribue directement, en permettant de donner une assise législative à plusieurs mesures prévues dans le plan de gestion de la rareté de l'eau que j'ai lancé en octobre 2005, ainsi que dans le plan de relance de lutte contre les inondations que j'ai annoncé le 12 juillet dernier.
Ce projet de loi vient également achever un travail très important de réforme de la politique de l'eau accompli par le Gouvernement depuis 2002 et dont les résultats sont concrets.
Je citerai quelques exemples.
La loi relative à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages de 2003 nous a permis de mettre en place un dispositif complet de prévision des inondations, de lancer une quarantaine de plans d'actions par bassin versant pour la prévention des inondations et d'accroître l'information des nouveaux acquéreurs et locataires de logements.
La loi de programme pour l'outre-mer de 2003 a créé les offices de l'eau dans les départements d'outre-mer qui ne bénéficiaient pas jusque-là du dispositif des agences de l'eau.
La loi portant transposition de la directive-cadre sur l'eau de 2003 nous permet aujourd'hui de respecter parfaitement le calendrier de mise en oeuvre de cette directive.
La loi d'orientation relative à la politique de santé publique de 2004 a simplifié les procédures de création de périmètres de captage permettant ainsi de doubler le rythme de leur mise en place.
La loi relative au développement des territoires ruraux de 2005 renforce la protection des zones humides.
Enfin, la réforme de la police de l'eau est achevée avec la mise en place dans les départements d'un service unique de police de l'eau, au lieu de cinq ou six services comme cela était le cas jusqu'à présent.
Au-delà de ces avancées sectorielles, le présent texte a pour objet d'adapter nos outils afin d'atteindre les objectifs fixés collectivement dans le cadre de la politique européenne de l'eau.
Nous avons trop souvent tendance à vivre ces engagements, auxquels les gouvernements successifs ont librement souscrit, comme une contrainte.
Il convient au contraire de les assumer pleinement comme des outils indispensables pour éviter un « dumping » environnemental.
Les questions environnementales doivent être abordées à des échelles appropriées : seule une action internationale nous permet de travailler sur le changement climatique, seule une Europe forte nous permettra de peser sur ces sujets dans le concert des nations.
C'est pourquoi la France, sous l'impulsion du Président de la République, milite aux côtés de l'Union européenne pour la création d'une Organisation des Nations unies pour l'environnement.
Nous le savons tous, la France est comptable devant la Commission européenne de la bonne mise en oeuvre des directives européennes, et c'est un objectif prioritaire que le Gouvernement s'est assigné.
À ce propos, la loi relative à diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire, promulguée le 27 octobre 2005, a permis de résorber tout le retard de transposition des directives environnementales.
Le nombre de contentieux européens en matière d'eau a été réduit de moitié en un an. Nous pouvons nous féliciter du classement du contentieux relatif à la qualité de l'eau potable distribuée en Bretagne.
Ce travail nous permet de reconquérir une image positive auprès de la Commission européenne en matière d'environnement.
Il doit également nous encourager à faire porter nos efforts sur les affaires en cours, certaines d'entre elles exposant la France à des sanctions financières lourdes et à brève échéance.
C'est le cas par exemple de l'assainissement puisque nous accusons un retard de huit ans dans la mise en oeuvre de la directive relative aux eaux résiduaires urbaines.
C'est aussi un risque très fort en ce qui concerne le respect de la norme de 50 milligrammes de nitrates par litre dans les eaux des rivières destinées à la production d'eau potable.
C'est dans cet esprit que le projet de loi sur l'eau et les milieux aquatiques nous permettra de renforcer nos outils pour mieux préserver les ressources en eau et les milieux aquatiques, de faciliter la tâche des élus notamment ruraux, dans le domaine de l'eau et de l'assainissement, d'améliorer la gouvernance de la politique de l'eau avec notamment le renforcement du dispositif des agences de l'eau en donnant une assise constitutionnelle aux redevances qu'elles prélèvent.
L'Assemblée nationale a confirmé globalement les orientations du projet du Gouvernement que vous aviez vous-même approuvées et complétées.
Dans le domaine de la préservation des ressources en eau et des milieux aquatiques, l'équilibre entre la nécessité de valoriser sur le plan énergétique les ressources hydrauliques au nom de la lutte contre l'effet de serre et de maintenir les continuités écologiques n'a pas été remis en cause, ce dont je me félicite.
L'amélioration de la signalisation des ouvrages hydrauliques à l'attention des engins nautiques non motorisés et la facilitation de l'accès des berges des cours d'eau domaniaux aux marcheurs me paraissent de bonnes choses. Les députés ont d'ailleurs souhaité qu'une plus grande place soit donnée dans le projet de loi aux activités nautiques non motorisées.
La ratification de l'ordonnance de simplification administrative du 18 juillet 2005, qui n'avait pu être opérée lors de la première lecture au Sénat, a été introduite dans le texte.
Celle-ci répond au souci constant des élus et de tous les acteurs de l'eau de simplifier nos procédures pour les rendre plus rapides et plus efficaces.
Je serai amenée à vous proposer un amendement complémentaire pour instaurer la transaction pénale prévue par cette ordonnance, mais sur des bases juridiques insuffisantes.
Des précisions ont été apportées sur la délimitation des eaux libres et des eaux closes, inspirées des conclusions du groupe de travail présidé par Mme Hélène Vestur, conseiller d'État.
J'espère que ces propositions, qui seront précisées par décret afin de garantir un juste équilibre entre les eaux libres et les eaux closes, apaiseront les tensions entre les pêcheurs et les propriétaires d'étangs.
Plusieurs mesures concernent plus spécifiquement le milieu marin et complètent de manière fort opportune le projet de loi dans le domaine de la protection des eaux littorales.
Vous aviez d'ailleurs donné l'exemple en commençant la transposition législative de la directive européenne sur les baignades alors que celle-ci n'était pas encore totalement adoptée.
Ainsi, les sanctions concernant la pollution par les eaux de ballast ont été alourdies et les bateaux de plaisance devront à l'avenir être équipés pour récupérer leurs eaux noires.
La possibilité de confisquer des navires en infraction en matière de pêche a été introduite et les sanctions pour délit de pêche dans les terres australes ont été renforcées.
Enfin, l'application de la directive « Habitats » en milieu marin a été précisée.
En matière de gestion quantitative, sujet ô combien d'actualité après la sécheresse de cet été, l'Assemblée nationale a adopté des amendements permettant la mise en oeuvre du plan de gestion de la rareté de l'eau adopté en Conseil des ministres le 26 octobre dernier, dont la mise en oeuvre est déjà bien avancée.
Dans le domaine de l'eau potable et de l'assainissement domestique, les députés ont choisi de supprimer la possibilité de créer une taxe communale sur les eaux de ruissellement. Je prends acte du fait que la commission n'a pas reconduit cette disposition.
Le volet concernant l'assainissement non collectif est certainement un de ceux qui aura fait l'objet du plus important travail de vos assemblées. Le Sénat en première lecture, puis l'Assemblée nationale, ont sensiblement amélioré la proposition initiale du Gouvernement, et je souscris très largement aux amendements adoptés par la commission.
En effet, il est indispensable de ne pas pénaliser les collectivités qui ont mis en place, comme le préconisait la loi, un service public d'assainissement non collectif.
Deux crédits d'impôt au profit des particuliers pour la réhabilitation des dispositifs d'assainissement non collectif ou la récupération d'eau de pluie ont été créés. L'encouragement fiscal de mesures innovantes en matière environnementale est une excellente chose.
Je proposerai donc un amendement pour aligner le crédit d'impôt visant la récupération d'eau sur le dispositif général des allégements fiscaux à visée environnementale.
En revanche, les travaux obligatoires de réhabilitation des dispositifs d'assainissement non collectifs ne sauraient être aidés par ce type d'allégement qui constituerait alors un effet d'aubaine.
D'autres dispositifs d'accompagnement financier, par exemple avec les agences de l'eau, existent.
Enfin, les députés ont choisi de supprimer le plafonnement de la part fixe dans la facturation de l'eau que vous aviez adopté à l'unanimité. Pour ma part, je regrette cette orientation, car le mécanisme de plafonnement permettrait de respecter les contraintes de gestion des communes, particulièrement touristiques, tout en évitant des situations où la part fixe est excessive.
En matière de gouvernance de l'eau, le fonds départemental pour l'alimentation en eau et l'assainissement proposé par le Sénat a été supprimé par l'Assemblée nationale. Je ne peux que rappeler, à cet égard, la position constante du Gouvernement de s'en remettre à la sagesse du Parlement.
L'Assemblée nationale a voté le retour à la répartition actuelle dans la composition des comités de bassin. Les députés ont montré leur attachement à la parité entre les deux collèges des élus et des usagers et je vous engage à suivre cette voie, comme votre commission vous le proposera.
Le plafond des dépenses des agences de l'eau pour leurs programmes d'intervention pendant la période 2006-2012 a été porté de 12 milliards à 14 milliards d'euros.
Les crédits destinés à assurer la solidarité envers les communes rurales ont été relevés de 950 millions d'euros à 1 milliard d'euros sur la période 2006-2013, ce qui permettra à ces dernières de bénéficier d'un niveau d'aide nettement supérieur à celui qui a été apporté par l'ancien fonds national d'adduction d'eau.
Le Gouvernement est néanmoins plus réservé sur l'augmentation de 2 milliards d'euros du plafond de dépenses des futurs programmes d'intervention des agences de l'eau, dont l'importance ne lui paraît pas justifiée au regard des premières esquisses de programme produites par les agences de l'eau.
J'ai relevé que votre commission proposait le retour au montant de 12 milliards d'euros initialement proposé par le Gouvernement.
Concernant enfin les redevances des agences de l'eau, une simplification importante de la redevance de pollution sur les élevages a été introduite, en prenant comme assiette le nombre d'unités de gros bétail tout en tenant compte d'un seuil de charge à l'hectare. Depuis, un intergroupe parlementaire, animé conjointement par Bruno Sido et André Flajolet, a affiné ces propositions. Je tiens à saluer le travail ainsi accompli et les propositions équilibrées retenues par votre commission.
Dès lors que le niveau global de participation de cette redevance au financement des agences de l'eau n'est pas remis en cause, la simplification prévue va dans le bon sens. Elle réduit la charge administrative et les coûts afférents à la collecte de cette redevance, que ce soit pour les agriculteurs ou les agences de l'eau.
L'alignement des taux plafond pour la redevance pour prélèvements d'eau des eaux de refroidissement sur ceux des autres usages économiques qui a été voté par l'Assemblée nationale me paraît, en revanche, excessif au regard des volumes importants d'eau en jeu, et l'amendement adopté par votre commission à ce sujet me semble, là aussi, aller dans le bon sens.
Par ailleurs, l'Assemblée nationale a proposé des mesures visant à donner aux maires les moyens de mieux maîtriser le stationnement de bateaux-résidences.
Outre ceux que j'ai déjà cités, je proposerai d'autres amendements gouvernementaux au cours de la discussion, le plus important d'entre eux étant sans doute celui qui permettra d'utiliser davantage les ressources du fonds Barnier sur les risques, afin de financer les travaux de prévention contre les crues.
Il est logique que les assurances participent, par le biais de ce fonds qu'elles alimentent, au financement d'actions visant à réduire les risques qu'elles dédommagent.
Ces crédits permettront de financer de nouveaux plans d'aménagement et de prévention des inondations, au-delà des quarante-trois plans déjà engagés depuis 2003, comme je l'avais dit le 12 juillet dernier s'agissant du plan de relance.
Je proposerai également un amendement tendant à intégrer clairement le droit d'accès à l'eau dans la loi. Cette mesure complétera le dispositif existant pour les impayés de facture d'eau mis en place dans le cadre de la loi de décentralisation d'août 2004, au titre du fonds de solidarité pour le logement, ainsi que pour l'interdiction des coupures d'eau pendant la période hivernale s'agissant des personnes en situation de précarité, prévue par la loi portant engagement national pour le logement, promulguée en juillet dernier.
Mesdames, messieurs les sénateurs, en supprimant les cautions et autres dépôts de garantie qui devront être remboursés aux particuliers, le présent texte apportera également une amélioration sensible. Nous disposerons ainsi d'un arsenal complet permettant de traiter les problèmes sociaux liés à l'eau.
Il s'agit également d'inciter d'autres pays à reconnaître l'accès à l'eau dans leur droit interne et de donner un sens encore plus fort et concret à l'engagement de la France sur ce thème lors des récents sommets internationaux sur l'eau à Mexico et à Stockholm.
Je proposerai également de renforcer les mesures destinées à assurer la traçabilité de l'utilisation des pesticides.
Comme vous le savez, la pollution des cours d'eau et des nappes par ces produits est généralisée, comme en témoigne encore le dernier rapport de l'Institut français de l'environnement.
Le 28 juin dernier, j'ai présenté en conseil des ministres un plan interministériel de lutte contre les pollutions par les pesticides associant les ministères de l'agriculture et de la santé ainsi que celui qui est chargé de la consommation.
Ce plan s'inscrit dans le cadre du plan national santé-environnement pour la période 2004-2008. Pour la première fois, un objectif chiffré de réduction de l'utilisation des pesticides a été fixé. Il s'agit de diminuer en trois ans de 50 % l'usage des produits les plus toxiques.
Par ailleurs, contrairement à ce que j'ai pu lire ici ou là, le Gouvernement institue bien une redevance sur les produits phytosanitaires d'un montant de 40 millions d'euros par an environ.
La création d'une classe spécifique de redevance pour ces produits, avec le relèvement significatif des taux voté par le Sénat en première lecture, est un élément important pour atteindre cet objectif. Les amendements qui vous seront proposés permettront de suivre les résultats obtenus.
Enfin, il est nécessaire de modifier les dates d'entrée en vigueur de certaines dispositions du projet de loi, compte tenu du retard pris pour son examen.
Ainsi, je vous proposerai de reporter au 1er janvier 2008 la mise en oeuvre de la réforme des redevances pour permettre la mise au point concertée des textes d'application et l'adaptation des différents acteurs aux nouvelles dispositions.
Néanmoins, les autres dispositions organisationnelles pourront être prises sans délai, concernant notamment les comités de bassin, les agences de l'eau ou encore l'ONEMA, l'Office national de l'eau et des milieux aquatiques. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Bruno Sido, rapporteur de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous avons à examiner aujourd'hui en deuxième lecture le projet de loi sur l'eau et les milieux aquatiques, après un intervalle de quelque dix-huit mois depuis son examen en première lecture par le Sénat en avril 2005.
En effet, l'Assemblée nationale n'a examiné ce texte qu'à la fin du mois de mai 2006. Sans bouleverser l'économie générale du dispositif, elle a néanmoins apporté beaucoup de corrections techniques et proposé des modifications de fond sur des sujets importants comme l'assainissement non collectif et la redevance élevage. Elle a, en outre, supprimé des dispositifs adoptés par le Sénat, comme le fonds départemental pour l'alimentation en eau et l'assainissement, puis adopté un grand nombre d'amendements tendant à insérer des articles additionnels sur des sujets aussi divers que la distinction entre eaux « libres » et eaux « closes », le renforcement des mesures concernant la pollution par les eaux de ballast et les eaux noires des bateaux de plaisance, ou encore l'application de la directive « Habitats naturels » en mer.
Au total, initialement composé de cinquante articles, le projet de loi en compte désormais cent dix, dont cent trois restent en discussion et qui sont structurés autour de six titres.
Très brièvement, je souhaite tout d'abord rappeler les principales dispositions que le Sénat avait adoptées en première lecture.
S'agissant des dispositions relatives à la préservation des ressources en eau et des milieux aquatiques, j'évoquerai celles qui permettent de mieux concilier la protection de la qualité de l'eau et des milieux aquatiques et le nécessaire développement des énergies renouvelables, au premier rang desquelles se place l'énergie hydroélectrique, avec une production de 14 %, et l'adoption, en conséquence, de plusieurs amendements relatifs à la variation du débit, au classement des cours d'eau ou encore à la définition du débit minimal.
Le Sénat avait introduit plusieurs précisions sur les obligations relatives à l'entretien des cours d'eau pour les propriétaires riverains, la protection des zones de frayère et la lutte contre les pollutions diffuses, en favorisant la mise en place des bonnes pratiques agricoles dans des zones d'érosion des sols.
En ce qui concerne les articles relatifs à l'alimentation en eau et à l'assainissement, le Sénat avait précisé les règles d'intervention du fonds de garantie des risques liés à l'épandage agricole de boues urbaines et industrielles.
S'agissant des dispositions relatives à l'assainissement, il avait rendu obligatoire la production d'un diagnostic certifiant l'existence d'un dispositif d'assainissement pour toute vente d'immeuble à usage d'habitation et autorisé pendant les quatre premières années le financement du service public de l'assainissement non collectif par le budget général de la commune ou du groupement compétent. En outre, il autorisait les communes à réaliser, à la demande du propriétaire et contre remboursement, les travaux de mise aux normes, et ce afin d'encourager les opérations groupées et l'obtention de subventions.
Le Sénat avait également renforcé les obligations du délégataire d'un service d'eau et d'assainissement, adopté le principe de l'encadrement de la part fixe de la facture d'eau, et renforcé les mesures obligeant à la déclaration des dispositifs de prélèvements d'eau en dehors du réseau de distribution et le comptage de cette eau prélevée.
À propos des règles de gouvernance et de planification, le Sénat avait tout d'abord autorisé les départements à créer un fonds départemental pour l'alimentation en eau et l'assainissement, doté d'une ressource spécifique prélevée à travers une contribution additionnelle sur le prix de l'eau.
Concernant la composition des comités de bassin des agences de l'eau, le Sénat avait souhaité renforcer le poids des collectivités territoriales en portant à 50 % le nombre des sièges revenant au premier collège.
Le Sénat avait également privilégié la contractualisation entre les agences de l'eau et les départements, s'agissant de la répartition des fonds affectés au mécanisme de solidarité envers les communes rurales, et fixé le montant minimal de ce mécanisme à 150 millions d'euros par an de 2007 à 2012.
En ce qui concerne la partie consacrée à l'organisation de la pêche en eau douce, le Sénat avait confirmé la création de l'ONEMA et adopté des propositions permettant de mieux prendre en compte les intérêts des pêcheurs aux engins et aux filets.
Comme je l'ai indiqué en introduction, sans bouleverser l'économie générale du projet de loi, l'Assemblée nationale a cependant apporté beaucoup de modifications et adopté plusieurs dispositions nouvelles.
S'agissant du titre Ier du projet de loi consacré à la préservation des ressources en eau et des milieux aquatiques, les députés ont tout d'abord élargi aux « marcheurs » le bénéfice de la servitude de marchepied dont bénéficient aujourd'hui les seuls pêcheurs le long des cours d'eau domaniaux.
Concernant le volet hydroélectrique du projet de loi, l'Assemblée nationale a conservé en grande partie les orientations que le Sénat avait retenues en première lecture, mais elle a supprimé l'article 4 bis qu'il avait introduit et qui donnait au préfet l'obligation de déterminer la liste des cours d'eau le long desquels il est nécessaire d'implanter des bandes enherbées, en application des critères d'écoconditionnalité de la politique agricole commune.
S'agissant du volet eau et assainissement ainsi que des dispositions relatives aux substances chimiques de traitement, les députés ont introduit un article 17 bis visant à réglementer la vente, la mise à disposition, l'application et la mise sur le marché de produits biocides, afin de tirer les conséquences de la crise du chikungunya, ainsi qu'un article 18 bis tendant à interdire la publicité de nature à banaliser les pesticides.
Les députés ont également apporté d'importantes modifications aux articles 22 et 26, qui prévoient les obligations des propriétaires et des collectivités en matière d'assainissement non collectif, en privilégiant un système « à la carte ». Le contrôle des installations relève de la seule commune, mais celle-ci ne peut fixer de calendrier pour la réalisation du diagnostic sur les travaux de mise aux normes qui l'accompagne. Les députés ont également restreint l'obligation de diagnostic en cas de vente d'immeuble aux seules installations d'assainissement non collectif.
Sur l'assainissement d'une façon générale, l'Assemblée nationale a introduit deux crédits d'impôt pour la réhabilitation des installations d'assainissement non collectif et pour la mise en place de systèmes de récupération et de traitement des eaux de pluie. Elle a par ailleurs supprimé la taxe sur les eaux pluviales, estimant son assiette trop complexe.
S'agissant de la tarification des services d'eau et d'assainissement, les députés ont supprimé l'encadrement de la « partie fixe » que nous avions introduit en première lecture.
L'Assemblée nationale a ensuite consacré un titre spécifique à la préservation du domaine public fluvial pour apporter des réponses pratiques au phénomène des « bateaux ventouses » stationnant sans autorisation le long des cours d'eaux.
Ce dispositif, qui a été présenté par M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, établit une procédure d'abandon et de déchéance des droits du propriétaire, soumet à l'accord du maire les autorisations de stationnement de bateaux supérieures à un mois et prévoit une indemnité d'occupation majorée pour les stationnements sans autorisation.
S'agissant des règles de planification et de gouvernance, l'Assemblée nationale a tout d'abord supprimé le fonds départemental pour l'alimentation en eau et l'assainissement, considérant que ce mécanisme renchérissait le prix de l'eau et que la reconnaissance des compétences du département en matière d'alimentation en eau potable et d'assainissement faisait double emploi avec les actions des agences de l'eau et induisait une confusion fâcheuse des responsabilités.
En ce qui concerne la composition des comités de bassin, l'Assemblée nationale a fixé la répartition des trois collèges - collectivités territoriales, usagers et professionnels, État - respectivement à 40 %, 40 % et 20 % et elle a porté le montant maximum des dépenses des agences de l'eau sur les années 2009 à 2012, de 12 milliards à 14 milliards d'euros, en évoquant les obligations de la directive-cadre sur l'eau.
S'agissant des redevances elles-mêmes, l'Assemblée nationale, après des discussions très longues, a adopté un mécanisme permettant de simplifier très judicieusement le mode de calcul de la redevance pollution des élevages et prenant en compte le taux de chargement des UGB, les unités de gros bétail, à l'hectare.
En ce qui concerne la partie « pêche », les députés ont introduit un important article 42 A modifiant le critère de qualification des eaux libres et des eaux closes, en s'appuyant sur le rapport Mme Hélène Vestur, conseiller d'État : au critère de l'écoulement de l'eau est substitué celui du passage du poisson.
Afin de préparer l'examen de ce projet de loi dans les meilleures conditions d'information possibles, les auditions avec le ministère de l'écologie et du développement durable et les professionnels concernés ont été organisées dans le cadre du groupe d'études sur l'eau. Par ailleurs, dans le but de faciliter l'adoption du texte avant la fin de l'année, j'ai eu plusieurs réunions de travail avec le rapporteur de ce texte à l'Assemblée nationale. Mon objectif était de mettre au point le plus grand nombre de rédactions susceptibles de recueillir son accord dès la deuxième lecture.
Je n'évoquerai ici que les amendements de fond les plus importants que la commission des affaires économiques a adoptés le 12 juillet dernier.
Sur le titre Ier du projet de loi, il s'agira de rétablir une disposition, supprimée par l'Assemblée nationale, concernant la modification des autorisations hydrauliques et d'insérer un article additionnel regroupant toutes les modifications apportées dans le présent texte à la loi du 16 octobre 1919 relative à l'utilisation de l'énergie hydraulique. Dans le même esprit de rationalisation du projet de loi, un des amendements aura pour objet de regrouper toutes les adaptations prévues par le texte pour les dispositions qui concernent la gestion équilibrée de la ressource en eau.
Dans le titre II, s'agissant plus précisément des articles 22 et 26 concernant l'assainissement non collectif, la commission vous proposera une réécriture globale clarifiant le système instauré par les députés, sans remettre en cause les services publics d'assainissement non collectifs, les SPANC, qui ont déjà été mis en place. Ainsi, les étapes du contrôle et du diagnostic, actuellement dissociées dans le texte, seront regroupées en une seule compétence que la commune pourra décider d'exercer dans les conditions qu'elle fixera, notamment s'agissant du calendrier de réalisation des diagnostics. En tout état de cause, la mise aux normes des installations devra être effectuée au plus tard en 2015.
Sur la tarification des services de l'eau, la commission a rétabli le plafonnement de la partie fixe, ce qui apparaît comme une mesure d'équité et de justice sociale. La définition par voie réglementaire des modalités du plafonnement permettra de tenir compte des situations particulières.
En ce qui concerne les mesures prises à l'encontre des « bateaux ventouses », dans le titre II bis, la commission a adopté un mécanisme permettant de délimiter des zones dans lesquelles le stationnement sera autorisé et soumettant toute modification ou création de zonage à l'accord préalable de la commune concernée.
S'agissant de la gouvernance dans le domaine de l'eau, qui est traitée au titre III, il vous sera proposé de rétablir l'article relatif au fonds départemental pour l'alimentation en eau et l'assainissement, compte tenu de l'engagement très fort des départements dans le domaine de l'eau qu'il convient de consacrer.
À propos de la nature des redevances, dont nous avons débattu en première lecture, je vous proposerai une rédaction mettant clairement en évidence qu'il s'agit d'une fiscalité spécifique découlant de la mise en oeuvre de la charte de l'environnement.
S'agissant de la redevance pollution sur les élevages, la rédaction qui vous sera proposée précise le mécanisme adopté par l'Assemblée nationale, confirmant ainsi notre volonté de simplifier son mode de recouvrement sans en alourdir le montant.
Enfin, pour ce qui est de la partie pêche, je vous proposerai un amendement permettant le transfert à titre gratuit des droits et biens entre la Fédération nationale de la pêche et de la protection des milieux aquatiques, nouvellement créée, et l'Union nationale de la pêche en France, qui existe déjà.
En conclusion, monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens à insister une fois encore sur la nécessité d'achever dans les meilleurs délais l'examen de ce projet de loi.
Il s'agit de conforter le rôle clé des agences de l'eau, alors même que la mise en oeuvre de la directive-cadre communautaire sur l'eau nous impose un calendrier très serré, assorti d'obligations de résultat majeures nécessitant la mobilisation de tous les acteurs concernés.
Il est donc essentiel que le IXe programme des agences de l'eau puisse démarrer en janvier 2007 sur des bases législatives connues et arrêtées.
Répondant à ces préoccupations, le projet de loi est inscrit au Sénat en tête de l'ordre du jour de la session extraordinaire, mais nous avons à examiner quasiment 500 amendements au total. Il importe d'achever cet examen dans les limites qui nous sont imparties, en utilisant judicieusement toutes les séances décidées par la conférence des présidents : chaque minute est précieuse !
Je rappelle également que nous sommes en deuxième lecture et que la commission, en examinant les amendements extérieurs, entend prendre en compte la récente jurisprudence du Conseil constitutionnel et ne pas ouvrir de débat sur des sujets non abordés en première lecture.
Nous sommes, en tant que parlementaires, placés devant nos responsabilités !
M. Paul Raoult. Le Gouvernement aussi.
M. le président. Le Gouvernement comme nous-mêmes.
M. Bruno Sido, rapporteur. Faisons en sorte que cette réforme, tant attendue par les collectivités territoriales et par les professionnels, et sur laquelle un consensus s'est dégagé, puisse être adoptée définitivement d'ici à la fin de l'année. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe Union pour un mouvement populaire, 75 minutes ;
Groupe socialiste, 49 minutes ;
Groupe Union centriste-UDF, 20 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 16 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 12 minutes ;
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe, 8 minutes.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Ambroise Dupont.
M. Ambroise Dupont. Madame la ministre, monsieur le rapporteur, je vous ai écouté avec une grande attention et nombre des questions que j'évoquerai dans mon intervention trouveront naturellement une réponse au cours du débat.
Comme vous l'avez rappelé, madame la ministre, voilà longtemps que nous attendons le projet de loi qui nous est soumis aujourd'hui en deuxième lecture. C'est le premier texte que nous avons à examiner pendant cette session extraordinaire et nous espérons nous aussi son aboutissement.
Je vous félicite du dépôt de ce projet de loi et je tiens d'emblée à saluer le travail de nos collègues de la commission, en particulier du rapporteur, M. Bruno Sido. Tous ont su faire preuve de beaucoup d'attention et d'un grand pragmatisme.
Qui ne parle d'eau aujourd'hui ?
Nous sommes nombreux dans les départements, les communautés de communes et les syndicats à nous inquiéter de ces questions. Pour les collectivités, ce sont des préoccupations de premier ordre que d'assurer une alimentation suffisante aux usagers et de gérer les problèmes d'assainissement, donc d'environnement.
J'aborderai seulement quelques points qui me tiennent à coeur. Je commencerai par les fameux SPANC, les services publics d'assainissement non collectif. C'est un des sujets qui suscitent le plus de réactions dans les communautés de communes que nous représentons.
Pour protéger l'environnement, le bien-fondé des contrôles des installations individuelles est évident. Les élus en ont pris la mesure. Mais, une fois le diagnostic effectué, comment envisager pratiquement la mise aux normes, donc la justification même des SPANC ?
Les communes rurales ont de faibles ressources. Le prix de l'eau y est souvent très élevé. Il n'est donc pas réaliste de demander aux communes et aux usagers de payer entièrement la réhabilitation.
Les agences de bassin doivent nous apporter leur aide. Leurs ressources sont conséquentes et constantes. Le relèvement des plafonds que vous avez annoncé constitue une bonne nouvelle, madame la ministre. Il faudra donc réviser leur politique pour que soit mieux pris en compte l'assainissement individuel en milieu rural.
A l'heure actuelle, les critères d'éligibilité que pratiquent les agences de bassin écartent une grande partie des installations en milieu très rural. C'est une politique exclusive qui repousse d'autant les décisions de réhabilitation. Nous nous devons pour les élus locaux, qui sont en première ligne, de réviser ces choix. Nombreux sont ceux qui sont déjà interpellés par les usagers qui contestent les redevances finançant les contrôles. Sans aide, les communes rurales et les particuliers n'auront pas les moyens de financer les réhabilitations. Et, sans contrepartie incitative, on peut gager que nos maires hésiteront à exercer leur pouvoir de police pour contraindre les usagers à se mettre aux normes.
Je souhaite également relayer l'inquiétude de certains SPANC. Les services qui ont été mis en place avant 2006, selon le calendrier initialement établi, craignent d'être désorganisés. Ils ont signé des contrats avec des prestataires et ont parfois embauché du personnel. Avec la diminution de la fréquence des contrôles et le report à 2012 de la date butoir, les postes créés ne seront-ils pas menacés ? Les élus qui ont déjà mis en place un SPANC et qui se sont engagés éprouvent un sentiment d'injustice alors que ceux qui n'ont pas respecté les délais ont maintenant moins de contraintes.
M. Ambroise Dupont. Si, pour les uns, cet assouplissement est apaisant, pour les autres, il est démobilisateur. Nous devons parvenir à un dispositif équilibré qui pérennise les actions engagées et encourage les retardataires.
Le financement de l'assainissement en milieu rural m'amène naturellement à parler des fonds départementaux pour l'alimentation en eau et l'assainissement. Je me félicite que la commission des affaires économiques propose de rétablir ce dispositif qui demeure néanmoins facultatif. C'est une bonne initiative.
Ces fonds répondent à une attente des conseils généraux qui ont une connaissance approfondie des besoins locaux, notamment en milieu rural. Il faut qu'ils aient les moyens financiers de leur engagement. Il s'agit non pas de disperser les fonds ou de délayer les responsabilités, mais de pallier les carences et le caractère exclusif de la politique des agences de bassin. C'est de l'équilibre de l'aménagement du territoire qu'il s'agit ici.
Ces fonds sont nécessaires, mais doit-on les encadrer ? La réponse relève, me semble-t-il, de la gouvernance locale. Les conseils généraux sont conscients de leurs responsabilités. Comme l'a souligné M. le rapporteur, les départements attendent impatiemment la mise en place de ces fonds.
Permettez-moi de dire un mot des SATESE, les services d'assistance technique pour l'exploitation des stations d'épuration.
La commission propose de rétablir les SATESE dans l'ensemble de leurs missions. Sans doute l'élargissement de leurs compétences à la protection de la ressource et à la restauration des milieux aquatiques est-il souhaitable. Encore faut-il s'assurer que les moyens seront là. Sinon, ne risque-t-on pas de créer encore de nouvelles charges de fonctionnement ?
J'évoquerai maintenant la redevance spécifique à l'élevage.
Les activités agricoles ont un impact certain sur la qualité de l'eau de nos rivières et de nos nappes. Mais nous devons reconnaître que, depuis de nombreuses années, les agriculteurs ont fait des efforts en rationalisant leurs pratiques. Ils ont notamment réduit considérablement l'épandage d'azote.
Aujourd'hui, les frais de perception de la redevance spécifique à l'élevage engloutissent 40 % de son produit. En outre, sa complexité entraîne des coûts implicites pour les éleveurs. On ne peut donc que saluer la volonté de simplifier d'urgence son calcul. Encore faut-il être certain que, ce faisant, on ne nuira pas à l'équité. Il faut seulement faire payer ceux qui polluent.
Il est légitime de cibler les élevages intensifs qui sont les principaux responsables de ces pollutions. Aussi le seuil de 100 « unités de gros bétail » me semblait équilibré.
C'est une petite divergence de vue avec M. le rapporteur, dont je tiens encore une fois à saluer le travail.
Je voudrais aussi profiter de l'occasion qui m'est donnée pour attirer votre attention, madame la ministre, sur les craintes des organisations professionnelles. Nos éleveurs sont soumis à une concurrence européenne accrue. La grande distribution fait pression sur eux alors qu'ils ont subi plusieurs crises sanitaires majeures, lesquelles ont abouti à une grande crise de confiance des consommateurs.
Malgré le soutien de l'État, ces évènements ont eu des conséquences catastrophiques pour de nombreuses exploitations. L'élevage se trouve aujourd'hui dans une situation paradoxale : sur le plan sanitaire, les filières sont de plus en plus sûres et pourtant, sur le plan économique, elles sont de plus en plus vulnérables. Ce constat doit nous inciter, me semble-t-il, à ne pas accabler de charges nos éleveurs.
Madame la ministre, les instances européennes nous pressent de renforcer notre législation ; soit ! C'est en effet le bon niveau de compétence pour aborder les grands sujets relatifs à l'environnement. Veillons cependant à ce que ces exigences n'alourdissent pas inconsidérément les charges pesant déjà sur nos éleveurs !
L'équilibre des exploitations et leur compétitivité au niveau européen doivent être préservés. Il faudra bien vous assurer, madame la ministre, que nos partenaires de l'Union européenne mettent en place des normes aussi rigoureuses que les nôtres.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je souhaite vous redire ma satisfaction devant les progrès apportés par ce projet de loi. Je tiens à remercier de nouveau le Gouvernement et la commission pour leur travail approfondi.
Mais certains points restent particulièrement sensibles. J'ai voulu attirer votre attention, madame la ministre, sur les inquiétudes des collectivités que nous représentons. La concertation doit se poursuivre et nos divergences avec l'Assemblée nationale devront être surmontées. Il est en effet souhaitable que ce texte soit adopté définitivement avant la fin de l'année, faute de quoi ce projet longtemps attendu sera de nouveau reporté aux calendes grecques.
En définitive, madame la ministre, mes chers collègues, je vois dans ce projet de loi et les propositions de la commission une vertu principale : ils renforcent une gestion locale et concertée de la ressource. L'environnement est mieux pris en compte, s'agissant en particulier des risques. Les structures locales sont les plus impliquées. Veillons à leur donner les moyens de leur engagement. Le bénéfice d'une gestion durable de l'eau n'est plus à démontrer. Assurons-nous que l'effort soit justement réparti, et ce projet sera porté par tous. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Pierre Laffitte.
M. Pierre Laffitte. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, comme l'a rappelé M. le rapporteur, depuis la première lecture au Sénat du projet de loi sur l'eau et les milieux aquatiques, près de dix-huit mois se sont écoulés, au cours desquels le dérèglement climatique s'est intensifié sur la planète : des sécheresses longues suivies de pluies torrentielles et de crues dévastatrices sont observées partout. L'ouest de l'Inde vient d'en faire l'expérience, avec un million et demi de paysans déplacés et des dizaines de milliers de morts. Nous savons que ces catastrophes sont la conséquence de l'effet de serre.
L'étude de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques réalisée par mon collègue socialiste Claude Saunier et moi-même et adoptée à l'unanimité - vous en avez parlé, madame la ministre- démontre qu'il y a urgence. Les apports de la science et de la technologie et une volonté politique forte et tenace permettront éventuellement de dépasser la crise, grâce à une transition énergétique massive. Le plan Climat, que vous avez évoqué, madame la ministre, est certainement la seule réponse possible pour éviter « d'aller dans le mur ».
Dans moins de quinze ans, en effet, des milliards de personnes crèveront de soif ; elles décideront d'émigrer là où se trouvera encore de l'eau. Par conséquent, pour tous les pays dont le climat est plus tempéré que le climat saharien ou subsaharien, un grave problème se pose ; je pense en particulier au sud de l'Europe, à l'Afrique du Nord, à la Turquie ou au Moyen-Orient.
La transition énergétique est une priorité. Nous avons besoin d'une volonté politique forte pour diminuer la quantité de gaz à effet de serre, capter et séquestrer ces émissions. Dans cette optique, il faut développer les énergies alternatives, dont le nucléaire et l'hydroélectricité sont les plus importantes. Une telle situation explique l'importance de ce projet de loi sur l'eau et les milieux aquatiques.
Oui, la transition énergétique est une priorité pour la planète. En France, nous pouvons en être les moteurs, suivis dans cette voie par les autres pays européens, afin de faire en sorte que les pays émergents, en particulier la Chine et l'Inde, nous emboîtent le pas.
Malgré ces efforts, on ne pourra éviter que de nombreux cours d'eau encore pérennes en France ne ressemblent à ceux d'Europe du Sud : débit d'eau visible presque nul, où ne résistent en période sèche que quelques flaques dans lesquelles ne peuvent vivre qu'anguilles et silures.
Il faut donc intensifier - c'est fondamental - les grands programmes permettant de réguler et de stocker les eaux. À cet égard, je me réjouis qu'existent, depuis un peu plus de deux ans, des accords régionaux entre les DRIRE, les directions régionales de l'industrie, de la recherche et de l'environnement, et les DIREN, les directions régionales de l'environnement. Les essais de coopération effectués ont été extraordinairement positifs, grâce à une mobilisation des cadres qu'il faut souligner, notamment dans la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, où plus de cent quarante projets communs ont été menés à la satisfaction générale.
Sur la Côte d'Azur, ces projets sont particulièrement importants, puisque l'arrivée de l'électricité ne dépend que d'une seule ligne, la ligne Boutre-Carros. Le Conseil d'État a décidé d'annuler le projet de doublement de cette ligne. Nous avons donc un besoin urgent de disposer d'autres sources d'énergie pour ne pas bloquer l'économie de notre département.
Ce besoin urgent doit se traduire au sein d'un grand programme, lequel concernera deux domaines, à savoir les microcentrales et les aménagements hydroélectriques, dont le nombre devra être massivement augmenté. Sur l'initiative de l'ancien sénateur Jean-François Pintat, trop tôt disparu, et d'EDF, un inventaire des sites de nos fleuves et rivières pouvant être équipés de microcentrales hydroélectriques a mis en évidence plus de 8 000 sites pouvant produire de 0,5 mégawatt à 5 mégawatts, ce qui représente un potentiel de l'ordre de 16 000 mégawatts, soit environ 10 centrales nucléaires de 1 600 mégawatts. C'est loin d'être négligeable !
Dans les Alpes-Maritimes, mon cher Charles Ginésy, un certain nombre de projets sont en cours. Des sociétés privées sont même prêtes à les financer avec de l'argent suisse. Ces aménagements sont possibles sur les cours d'eau - Var, Tinée, Vésubie, Estéron.
La plupart de ces microcentrales peuvent être équipées en liaison avec les collectivités locales, qui sont en général tout à fait demandeuses. Pour une grande part, elles peuvent être financées par le capital privé, compte tenu des obligations d'achat pour quinze ans imposées à EDF. Il s'agit par conséquents de projets rentables. Il n'est donc pas besoin de faire appel aux finances publiques pour les réaliser.
L'intérêt national est grand : non seulement les microcentrales permettent d'économiser des millions de tonnes équivalent pétrole, mais aussi leur mise en place est décentralisée. Les exploitations de centrales au fil de l'eau permettront de répondre aux pointes de consommation en un temps record, plus rapidement que les centrales à gaz les plus modernes. C'est d'autant plus important que cela permet de diminuer le nombre de centrales ne fonctionnant que quelques jours par an aux heures de pointe.
Les réseaux de microcentrales permettent aussi de transformer l'énergie électrique en énergie potentielle, comme c'est déjà d'usage courant pour certains grands barrages hydroélectriques. Par ailleurs, sur le plan social, la construction de milliers de microcentrales développera l'emploi de façon massive dans divers domaines - bâtiment, bureaux d'études, industries électriques et leur maintenance -, et ce de façon très décentralisée, auprès de chaque fleuve et affluent concerné.
Toutes ces structures devront être pilotées par les organismes compétents, en liaison étroite avec les collectivités locales, qui savent que les microcentrales ou les barrages ont des effets bénéfiques, aussi bien en matière d'emploi qu'en matière de rentrées fiscales.
Dans ce contexte, les aménagements visant à réguler dans le temps les écoulements sont une priorité absolue, du point de vue tant économique qu'humain et écologique. Il est en effet évident que nous devons prendre exemple sur ce qui a été fait, après la crue de 1910, pour le bassin de Paris. Ces problèmes sont de plus en plus aigus, même pour Paris d'ailleurs, en raison de l'urbanisation, qui augmente la surface minéralisée des sols et favorise les écoulements, ce qui renforce encore les effets du dérèglement climatique et rend les crues plus dévastatrices.
Il y a donc toute une série de travaux qu'il faut prévoir d'urgence. Les nouvelles structures retenues par le projet de loi devront, me semble-t-il, s'y consacrer en priorité. J'ai déposé un amendement visant à énoncer ces priorités dans le code de l'environnement. J'espère que vous voudrez bien l'adopter, mes chers collègues. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'UC-UDF et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées socialistes.)
M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier.
Mme Évelyne Didier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous engageons aujourd'hui la seconde lecture du projet de loi sur l'eau et les milieux aquatiques, avec l'espoir que ce texte sera adopté définitivement avant la fin de l'année, compte tenu de l'importance qu'il revêt, notamment pour les agences de l'eau et les collectivités qui doivent préparer l'avenir.
Il faut d'abord que la navette parlementaire s'achève rapidement, en raison, comme chacun le sait, du retard pris par notre pays s'agissant de la transposition des directives européennes, comme l'a bien expliqué notre collègue Fabienne Keller dans son rapport intitulé Les enjeux budgétaires liés au droit communautaire de l'environnement, qui précise les sanctions et les pénalités que nous devrions subir, a fortiori si nous tardons encore à nous mettre en règle.
Dans l'état actuel du projet de loi, de nombreuses questions méritent encore débat, eu égard aux enjeux, aux conflits et à la situation actuelle concernant les problèmes de l'eau. En effet, de nombreuses voix s'élèvent pour souligner une nouvelle fois les limites de ce texte, limites largement commentées par beaucoup d'acteurs de la protection de l'environnement. À titre d'exemple, je citerai les associations regroupées dans le réseau France Nature Environnement ou les pêcheurs.
Les élus locaux ne sont pas plus satisfaits des orientations qui se dessinent au vu des deux lectures d'ores et déjà effectuées. Je pense en particulier au risque de voir les services publics installés depuis quelques années mis en danger par le texte. Nous aurons l'occasion d'en reparler.
Par ailleurs, les problèmes liés à l'eau, en particulier les sécheresses et les inondations, s'accentuent dans notre pays. Les enquêtes, les rapports parlementaires, que personne ne conteste, montrent combien la situation est préoccupante. En outre, l'objectif de parvenir à un bon état des eaux en 2015 figure dans une directive-cadre. Tout cela dessine le paysage dans lequel s'inscrit notre travail.
Le projet de loi sur l'eau et les milieux aquatiques prétend proposer une démarche destinée à permettre ce « bon état » des eaux, à travers des mesures multiples traitant de nombreux sujets relatifs à la qualité de l'eau, à la gestion de la ressource et à la gouvernance, au sein de laquelle, bien sûr, on peut inclure les financements.
Au fond, la question que nous devons nous poser est la suivante : ce projet de loi permet-il de répondre à ces objectifs ? Permet-il de résoudre les difficultés qui se posent aux uns et aux autres ? Ne nous y trompons pas : c'est un sujet très vaste et très complexe, mais ce n'est pas un sujet technique ni même une question de gestion. En réalité, ce texte est éminemment politique.
C'est la raison pour laquelle je parle très peu, dans mon intervention générale, des questions techniques que nous aurons l'occasion d'aborder lorsque nous défendrons les amendements.
Ce texte, je le disais, est éminemment politique. Certes, loin de moi l'idée d'affirmer qu'il ne résout aucune question ; il permet d'avancer sur de nombreux points. Mais si nous regardons les choses d'un peu plus près, que constatons-nous ?
Tout d'abord, nous retrouvons dans ce projet, comme dans tous les textes de loi examinés depuis un certain temps, les mêmes orientations et tous les objectifs fondamentaux du Gouvernement.
Plus précisément, tout en veillant à la transposition des directives afin d'éviter les pénalités, ce texte assure le désengagement de l'État en transférant la mise en oeuvre de la loi vers les collectivités locales et les agences de l'eau.
Il reporte la dépense sur le consommateur - payeur, ce qui permet de réduire la dette publique et donc de satisfaire aux critères du pacte de stabilité.
Il applique aussi la règle de la concurrence en ouvrant davantage les portes des services de l'eau et de l'assainissement au privé.
Cette marchandisation va de pair avec une grande sollicitude - je le dis de manière courtoise - pour les acteurs économiques impliqués dans le domaine de l'eau, qu'il s'agisse des producteurs d'énergie hydroélectrique ou des prestataires de service.
Enfin, ce texte n'applique le principe pollueur - payeur que de manière totalement inéquitable, en faisant payer la pollution de façon disproportionnée aux particuliers, refusant de poser le problème de la pollution de l'eau à la source et donc d'impliquer davantage le milieu agricole.
Nous ne pouvons d'ailleurs que regretter que ce projet de loi soit marqué par la pression de certains intérêts, notamment au travers tant des amendements qui ont pu être adoptés que de ceux qui sont présentés à l'occasion de cette nouvelle lecture.
Après nous être demandé quels étaient les objectifs sous-jacents du texte, interrogeons-nous sur la méthode employée.
Force est de constater qu'elle est marquée par une démarche curative et non préventive. Je ne retiendrai que deux exemples.
À la question des pointes de consommation en énergie, nous répondons par un développement de la production hydroélectrique. À ce propos, on aura beau chercher ici et là à rajouter quelques kilowattheures à la production, je ne suis pas du tout persuadée que nous réglerons la question énergétique en rompant la continuité de nos fleuves et de nos rivières pour les découper en « petits morceaux ». À force d'y implanter des microcentrales, ils ne ressemblent plus à rien ! Je crois qu'il serait temps d'en revenir à une gestion beaucoup plus équilibrée et globale de nos fleuves et de nos rivières.
À la pollution des eaux, il est répondu par des normes toujours plus contraignantes et des techniques de dépollution toujours plus sophistiquées et coûteuses, renforçant ainsi l'emprise des entreprises privées et le coût des traitements pour obtenir une eau dépolluée. Au fond, on choisit de produire de l'eau purifiée plutôt que de fournir une eau pure à la source.
Je souhaiterais maintenant parler de l'eau en termes de responsabilité.
Le Gouvernement est garant devant l'Union européenne de la mise en application des directives, particulièrement de la directive-cadre. Il est par ailleurs responsable de la sécurité des citoyens et de leur santé. Mais il est aussi responsable de la politique de la France - celle qu'il met en oeuvre pour les Français - en Europe et dans le monde. Il a donc le devoir de défendre le droit à l'eau pour tous de manière solidaire et équitable.
Les agriculteurs, eux, sont au coeur de la question de l'eau. Nous ne pouvons pas atteindre le bon état écologique des eaux sans une implication forte du milieu agricole.
Les agriculteurs sont les premiers utilisateurs, à la fois de la ressource et des produits polluants. Je n'ai pas dit - vous le noterez au passage - que les agriculteurs sont des pollueurs. J'ai dit qu'ils sont les premiers utilisateurs des polluants, ce qui mérite tout de même d'être souligné. Les mesures environnementales de la PAC, si elles sont positives et constituent un premier pas, ne suffisent pas à résoudre la question.
Mais faut-il incriminer les seuls agriculteurs, alors que la politique agricole commune favorise, de fait, l'intensification des productions et la monoculture ? Comment s'y retrouver dans ces conditions ?
Les agriculteurs ne peuvent pas décréter seuls de remettre en cause notre système de production et de consommation.
Dans une économie de marché mondialisée, la course au rendement et la productivité sont malheureusement la règle.
En tout état de cause, et pour conclure, je veux seulement indiquer que rien ne peut se faire sans les agriculteurs et encore moins contre eux.
M. Claude Biwer. Très bien !
Mme Évelyne Didier. Notre responsabilité collective est de rechercher une démarche et des solutions qui auront un réel impact sur l'amélioration de la qualité de l'eau et le partage de la ressource.
Notre groupe n'a pas souhaité reprendre en seconde lecture l'ensemble des propositions qu'il avait faites en première lecture, sachant qu'après un rejet au Sénat, puis à l'Assemblée nationale, nos amendements n'avaient aucune chance d'être retenus. Les propositions que nous défendrons sont donc celles qui nous tiennent le plus à coeur.
Tout d'abord, sur la première partie du texte, nous nous sommes préoccupés de la préservation des milieux aquatiques, considérant que c'était une priorité.
Ensuite, nous avons été particulièrement sensibles aux arguments des élus locaux qui nous ont sollicités pour travailler sur les questions d'assainissement et de compétence.
Les nombreuses propositions d'amendements venues de tous les coins de France nous indiquent que cette question est très importante pour les élus, et donc pour nos concitoyens.
Nous défendrons l'idée d'un service public - cela ne vous étonnera pas ! - au service de la population et de l'environnement, contre une privatisation poussée à l'excès.
Nous reviendrons, bien entendu, sur la tarification de l'eau, le droit à l'eau et la solidarité nécessaire envers nos concitoyens les plus fragiles.
Enfin, nous poserons à nouveau la question des redevances, de leur calcul et de leur utilisation.
Pour conclure, je souhaite rappeler la première phrase de l'article VI de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen : « La loi est l'expression de la volonté générale. » Je forme le voeu que ce texte soit l'expression de la volonté générale plutôt que l'addition d'intérêts particuliers.
Je terminerai par l'article 6 de la Charte de l'environnement : « Les politiques publiques doivent promouvoir un développement durable. À cet effet, elles concilient la protection et la mise en valeur de l'environnement, le développement économique et le progrès social. » Puissions-nous - ce sera mon dernier voeu - concilier les trois piliers du développement durable sans privilégier systématiquement l'un - je pense bien entendu à l'économique - par rapport aux deux autres.
Je ne terminerai pas mon propos sans remercier une nouvelle fois notre rapporteur pour la méthode de travail qui a été employée tout au long de l'examen de ce projet de loi, ainsi que les services de la commission, qui ont été toujours à notre disposition et qui ont fait un travail remarquable. Je remercie également les services du ministère pour leur disponibilité, car ils ont toujours répondu à nos questions. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Claude Biwer.
M. Claude Biwer. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, voilà un plus d'un an le Sénat adoptait en première lecture le projet de loi sur l'eau après l'avoir considérablement modifié. Compte tenu de l'importance du sujet, je regrette que celui-ci n'ait été débattu qu'il y a peu de temps à l'Assemblée nationale et qu'il nous arrive maintenant en session extraordinaire. Au demeurant, nous essaierons d'y apporter notre contribution au mieux des intérêts de tous.
Madame la ministre, nos concitoyens sont de plus en plus sensibles à l'évolution du prix de l'eau, qui, nous le savons tous, commence à peser lourd dans le budget des ménages.
Il est vrai que, depuis de longues années, les collectivités territoriales se voient dans l'obligation d'appliquer de nouvelles dispositions et réglementations relatives à la qualité de l'eau. Cela les oblige à réaliser des travaux pharaoniques, dont le coût se retrouve tout naturellement sur les factures d'eau. Les mesures de solidarité envers les plus démunis, que vous avez évoquées voilà un instant, madame la ministre, constituent un élément à prendre en compte dans les budgets. De ce côté-là, il y a peut-être quelques abus ; certains peuvent saisir des opportunités... Cela pèse très lourd dans les budgets, souvent petits, des communes rurales et crée des difficultés devant lesquelles les élus demeurent impuissants.
Au surplus, j'observe que l'application des normes de plus en plus strictes conduit les maires à confier la gestion des services des eaux et de l'assainissement aux sociétés délégataires de service public, ce qui, de mon point de vue, est souvent préjudiciable aux administrés, surtout en matière financière.
Le texte que nous examinons contient un certain nombre de dispositions qui ne vont certainement pas aller dans le sens d'une diminution des factures d'eau ! Je pense, par exemple, à la multiplication des redevances mises en recouvrement par les agences de l'eau, à qui, madame la ministre, vous avez l'intention de donner davantage de pouvoirs. J'ai compté pas moins de sept types de redevances, ce qui n'est pas toujours facile ni pour les agences ni pour les élus. Je souhaite que ce texte soit l'occasion d'aller vers plus de simplification administrative.
S'agissant du financement des travaux que doivent réaliser les collectivités territoriales en vue du renforcement des réseaux d'eau ou d'assainissement, je souhaite formuler quelques observations.
En premier lieu, je me permets de regretter à nouveau que le Gouvernement ait cru devoir - vous l'avez confirmé tout à l'heure - procéder à la suppression du FNDAE, qui apportait un concours financier non négligeable aux communes rurales pour le financement des travaux et qui - je pense que M. le rapporteur ne me contredira pas - permettait aussi aux départements, par le biais des transferts de moyens, de jouer un peu le rôle de levier dans l'action qu'ils menaient, en tout cas un grand nombre d'entre eux, au profit des collectivités qui en avaient besoin.
Certes, vous l'avez aussi annoncé, les agences de l'eau devront, pendant la période considérée, consacrer un peu plus de un milliard d'euros à la « solidarité » envers les communes rurales, du fait de la suppression de ce FNDAE. Mais, rapporté aux 12 milliards ou 14 milliards d'euros du plafond de leurs dépenses, ce milliard représente finalement assez peu, sauf s'il s'agit d'un « plus » pour les communes rurales par rapport au budget qui, je n'en doute pas, leur est imparti dans les agences. Peut-être alors verrions-nous les choses autrement.
Compte tenu des immenses besoins des communes rurales dans ces domaines, je proposerai un amendement visant à relever quelque peu ce niveau, car l'incertitude qui règne sur la manière dont ce milliard sera transféré m'inquiète un peu. Au reste, monsieur le rapporteur, je crois savoir que la commission ne s'est pas montrée très sympathique envers certains amendements que j'aurai l'occasion de défendre.
Par ailleurs, je suis étonné que, parmi les modes de financement mis en oeuvre par certaines agences de l'eau exerçant une action forte envers les collectivités qui en ont besoin figure encore le versement « d'avances remboursables » aux collectivités territoriales. Non seulement ces avances ne peuvent pas être considérées comme acquises tant que la décision n'est pas prise, mais en plus les délais de mise en oeuvre rendent quelquefois difficile la réalisation des travaux. Des budgets sont donc ponctionnés par les premiers remboursements, alors que les collectivités n'y sont vraiment pour rien. C'est la raison pour laquelle je souhaite vivement que l'on en revienne, de manière claire, à des aides sous forme de subventions, les plus précises possible, afin que les budgets ne supportent pas des à-coups auxquels nous ne souhaitons pas faire face.
De plus, permettez-moi de vous le dire, cette sorte de tutelle - c'est ainsi que je la qualifie - pesante et tatillonne que font quelquefois peser les agences de l'eau sur les collectivités et leurs élus n'est guère appréciée par ces derniers.
À cet égard, je propose de supprimer la disposition suivant laquelle les concours financiers que les agences de l'eau apportent aux collectivités territoriales ou à leurs groupements ne seraient définitivement acquis que sous réserve du respect des prescriptions relatives à l'eau imposées par la réglementation en vigueur. En effet, les investissements que réalisent les collectivités en matière d'adduction d'eau potable ou d'assainissement ont nécessairement pour objectif une mise en conformité avec les nouvelles normes en vigueur et sont, au surplus, réalisés sous le contrôle des agences de l'eau et des services administratifs.
Le Sénat, toujours soucieux des contraintes financières qui pèsent sur les collectivités territoriales, avait introduit un article additionnel visant à permettre aux conseils généraux qui le souhaitent de créer un fonds départemental. Je regrette que ce ne soit pas, semble-t-il, la voie qui ait été choisie.
L'Assemblée nationale a cru devoir supprimer cette possibilité par crainte qu'elle ne fasse double emploi avec les attributions des agences de l'eau. Je pense que les relations qui existaient entre les uns et les autres - et qui continuent d'exister - étaient telles que ce risque aurait pu être écarté. Je considère pour ma part que ces fonds départementaux ne feraient nullement double emploi avec les actions des agences de l'eau.
Nous aurions tort de nous priver de cet instrument de financement supplémentaire d'autant qu'il s'agit d'une possibilité offerte aux conseils généraux et non d'une obligation.
Je voudrais enfin vous faire part du profond mécontentement des maires de mon département à l'égard de la fréquence - et donc du coût - des opérations de contrôle sanitaire des eaux qui leur sont imposées. Ce problème constitue un sujet de discussion récurrent lors des assemblées générales de l'association des maires de mon département, association que j'ai l'honneur de présider.
Comme souvent, l'autorité administrative qui impose la fréquence et le contenu des prélèvements et des analyses de contrôle n'est pas celle qui les paie, puisque les laboratoires agréés les facturent aux collectivités territoriales.
Ce principe est d'ailleurs rappelé à l'article 24 quinquies qui a été inséré dans le présent texte par nos collègues députés. Mais celui-ci rappelle également que le contrôle sanitaire des eaux destinées à la consommation humaine relève de la compétence de l'État.
Dans ces conditions, si l'on appliquait le principe « qui commande paie », vous devinez, madame la ministre, à qui j'adresserais volontiers la facture. (Sourires.)
J'ai déposé un amendement allant dans ce sens. Cependant, dans la mesure où celui-ci ne suscitera vraisemblablement pas un enthousiasme débordant de la part du Gouvernement (Nouveaux sourires.), je suggère une solution de repli sans doute plus acceptable, à savoir que la périodicité de ces contrôles ne soit pas supérieure à une analyse par an, sauf, bien entendu, en cas de détérioration manifeste de la qualité, détérioration qui devrait être constatée par les uns et les autres et non unilatéralement. J'entends par là qu'il y a quelquefois intérêt à contrôler les contrôles. Sur cette question, je souhaite que nous puissions trouver des solutions raisonnables qui rassurent toutes les parties.
Ce constat ne vaut pas pour tous les départements. Il ne faut déplorer que quelques abus. Un jour, à la suite de l'une de mes interventions, il m'a été répondu qu'il était regrettable que des difficultés existent dans une dizaine de départements, dont le mien. Je constate en effet des différences énormes entre les deux départements sur le territoire desquels sont situées les communes membres du syndicat des eaux que je préside. Je trouve cela dommage.
M. Paul Raoult. C'est vrai !
M. Claude Biwer. C'est la raison pour laquelle je me permets d'insister.
Sous le bénéfice de ces observations et en fonction de l'accueil qui sera réservé à mes amendements, je me prononcerai le moment venu en pleine connaissance de cause sur ce projet de loi que - du moins je l'espère -, je compte pouvoir soutenir. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Paul Raoult.
M. Paul Raoult. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous voici donc réunis pour la deuxième lecture du projet de loi sur l'eau et les milieux aquatiques après un temps d'attente qui nous a semblé bien long, puisque la première lecture remonte à avril 2005. Il aura donc fallu finalement deux mandatures, l'une de droite et l'autre de droite, pour que l'idée fasse son chemin.
Si j'ai un premier voeu à exprimer, madame la ministre, c'est que ce texte aille jusqu'à son terme avant les prochaines élections présidentielle et législatives. L'attente n'a que trop duré. Même imparfait, ce projet de loi est nécessaire, et les élus et partenaires des comités de bassin en ont besoin pour mettre en oeuvre le neuvième programme 2007-2013, dans l'esprit et les moyens qu'il aura définis.
Plus que jamais, l'actualité de ces derniers mois nous a rappelé, si cela était nécessaire, l'obligation morale, économique et sociale d'affronter courageusement ce problème de l'eau, qui est devenu crucial pour notre pays, notre économie et notre société tout entière.
L'alternance de périodes de crues ainsi que d'inondations répétées et soudaines et de périodes de sécheresses accentuées, l'ampleur avérée des changements climatiques à l'échelle de la planète nous obligent à réfléchir et à agir sur la maîtrise sociétale de la gestion de l'eau dans notre pays.
Certes, c'est un problème très difficile à résoudre tant les enjeux privés, particuliers et économiques sont lourds. En atteste la lecture très différente que font de ce texte la majorité de droite du Sénat et la majorité de droite de l'Assemblée nationale. Je dois ajouter qu'on retrouve les mêmes clivages entre les députés et les sénateurs socialistes.
Il faut donc ajuster nos consommations d'eau à des fonctions qui sont très diverses et parfois antinomiques, à savoir les fonctions domestiques et alimentaires - évidemment prioritaires et primordiales -, les fonctions économiques, en particulier pour l'agriculture et les industries agroalimentaires - en tant qu'élu du Nord, je suis bien conscient de l'importance de la consommation d'eau dans l'industrie agroalimentaire -, les fonctions sociales de loisirs - pêche, sport, tourisme - et les fonctions énergétiques.
Or, dans le même temps, nous sommes dans l'obligation absolue de garantir la protection de l'état biologique et écologique des cours d'eau et des nappes phréatiques. Les enjeux sont primordiaux pour l'avenir et la survie de notre société et de notre planète tout entière. Or j'ai le sentiment que cette prise de conscience collective est encore largement insuffisante. La lecture récente de certains programmes électoraux pourrait le démontrer.
Malgré certaines avancées notables, ce texte est loin de répondre aux attentes légitimes de ceux qui sont sensibles aux évolutions négatives s'agissant de la préservation de la ressource et de sa qualité. Certes, il tend à améliorer la « boîte à outils » mis à la disposition des décideurs économiques et politiques. Mais je continue de m'interroger tant il subsiste un énorme décalage entre les ambitions affichées et les propositions qui nous sont soumises. Je crains que nous ne soyons obligés de revenir dans quelque temps sur ce texte et d'aller beaucoup plus loin, face aux menaces qui s'amplifient jour après jour.
Je ne veux pas verser dans le catastrophisme. Néanmoins, il faut bien dire - pour ne citer que cet exemple -, qu'en raison de l'absence de tout contrôle de l'irrigation, l'agriculture représente aujourd'hui 68 % de la consommation d'eau et est à l'origine de la forte augmentation de celle-ci en France. Aussi, on peut s'interroger : jusqu'où et jusqu'à quand pourra-t-on continuer ainsi ? Peut-on maîtriser cette évolution, et par quels dispositifs, sans remettre en cause les enjeux économiques de production ? Quand arriverons-nous à éviter les gaspillages d'eau que ce soit par évaporation ou par une déperdition trop importante dans les réseaux de distribution ?
Nous devons aussi nous interroger sur « l'artificialisation » de la production agricole au détriment des équilibres naturels et environnementaux. La course indéfinie au progrès de la productivité nous mène droit dans le mur.
Nous devons nous poser les mêmes questions s'agissant de l'altération de la qualité de l'eau par l'utilisation non maîtrisée, sinon exagérée, des fertilisants azotés, des pesticides, des herbicides et autres produits phytosanitaires. Là encore, les agriculteurs ne sont pas seuls en cause. Sont aussi visés les utilisateurs publics et privées - communes, départements, régions, État -, le long des voies communales, départementales, nationales, le long des voies de chemin de fer, mais aussi le jardinier du dimanche.
Comment bloquer ces processus dangereux pour la santé et pour la vie ? « C'est une triste chose de penser que la nature parle et que le genre humain n'écoute pas » disait Victor Hugo. Je constate hélas ! que la maîtrise des pollutions diffuses, par exemple, n'est pas garantie par le présent texte.
Nous savons tous aussi que l'extraction de l'eau ne peut excéder son renouvellement. Or tel est le cas dans certains secteurs géographiques de notre pays. Certes, la concertation un peu rugueuse à laquelle vous avez participé sur le terrain est nécessaire et utile, mais je crois qu'elle ne peut suffire à régler définitivement les problèmes de fond. Encore faut-il rappeler que l'être humain a besoin d'un minimum de vingt-cinq litres d'eau par jour pour vivre. Cette priorité doit être absolument respectée.
Or, on a l'impression que, malgré les coups de semonce de la nature face à la pression d'intérêts économiques qui n'ont pour perspective que le court terme, ce texte ne prend pas les problèmes à bras-le-corps. Je sais bien qu'il faut beaucoup de courage politique et de persévérance, et vous n'en manquez pas, madame la ministre ! Mais, en la circonstance, je pense que vous vous arrêtez au milieu du gué. Il est vrai qu'il faudrait un fort volontarisme politique pour lutter contre les pollutions diffuses, pour promouvoir des modes de culture durables et, bien plus fortement, les bonnes pratiques agricoles. Il faudrait donner un rôle bien plus important qu'aujourd'hui à la puissance publique sous toutes ses formes pour contrôler, vérifier, sanctionner. Or les atermoiements et les reculades injustifiées, sur les SPANC par exemple, dans le texte voté à l'Assemblée nationale, me laissent perplexe et sans voix alors que onze millions d'habitants sont concernés. J'espère que nous reviendrons à des dispositions plus judicieuses dans ce domaine.
J'ajoute que le tableau injuste et inefficace du calcul des redevances selon les usages, la non-application du principe pollueur-payeur, l'affaiblissement, selon moi délibéré et organisé, des fédérations de pêcheurs par une révision qui me semble totalement malencontreuse de la définition des eaux libres et des eaux closes ainsi que le refus de mieux contrôler les délégataires dans le cadre des délégations de services publics me font craindre le pire.
Il faut une nouvelle éthique de la gouvernance de l'eau. L'accès à l'eau est un droit humain fondamental. Il nous faut des politiques plus rigoureuses, bien plus axées sur le préventif que sur le curatif. Par exemple, il faudrait restaurer les milieux aquatiques, les zones d'expansion de crues, préserver plus fortement les zones humides, mieux protéger les périmètres de protection des champs captants, relancer de manière significative les mesures agrienvironnementales - les contrats territoriaux d'exploitation, les CTE, et les contrats d'agriculture durable, les CAD - à travers tout le pays.
Nous sommes là au coeur du débat. Nous pouvons ainsi constater que la diminution des crédits en faveur des CAD a aujourd'hui des effets catastrophiques pour tous les contrats qui avaient été signés et qui justement devaient engager les agriculteurs sur la voie de la préservation du milieu environnemental, en particulier de l'eau.
On me reprochera de vouloir imposer plus de taxes aux agriculteurs. Mais si cet argent prélevé leur était effectivement rendu pour les amener à des pratiques culturales plus préservatrices de l'environnement - pratiques qui feraient l'objet d'une contractualisation -, nous irions véritablement dans le bon sens. Or je constate que l'application de toutes les mesures agrienvironnementales a été fortement perturbée en raison du manque de crédits.
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Paul Raoult. En tout cas, madame la ministre, nous participerons à ce débat dans un esprit constructif, s'agissant notamment du problème des SPANC, des services publics d'assainissement non collectifs, ou des fonds départementaux. Des avancées peuvent être réalisées en la matière : nous formulerons des propositions et appuierons les suggestions de la commission qui nous paraissent judicieuses.
Il est temps de convaincre nos concitoyens qu'il faut réagir avant qu'il ne soit trop tard. Face à l'ignorance, la négligence ou parfois la recherche du profit, nous devons rappeler en permanence que l'eau est unique, irremplaçable, indispensable à tout ce qui vit, mais qu'elle n'est pas inépuisable et qu'elle ne peut être soumise aux lois du marché.
Nous avons donc le devoir de préserver ce bien collectif pour le léguer à nos enfants dans les meilleures conditions. Ce texte mérite de notre part attention et respect. M. le rapporteur nous a aidés dans la réflexion que nous avons menée collectivement - dans le respect de la pluralité politique, je tiens à le souligner tout particulièrement - avec toute l'équipe qui l'entoure, ce dont je me réjouis. Au demeurant, globalement, ce texte reste encore insuffisant pour répondre aux attentes de la société. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE et de l'UC-UDF.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Murat.
M. Bernard Murat. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la réforme du cadre institutionnel de la politique de l'eau en France touche enfin à son terme, puisque l'adoption définitive du projet de loi sur l'eau et les milieux aquatiques est espérée avant la fin de l'année.
Conformément aux objectifs fixés, ce texte devrait permettre, pour l'essentiel, la mise en oeuvre des mesures tendant à parvenir à un bon état écologique des eaux d'ici à 2015. Profitons de cette deuxième lecture, qui commence ce jour, pour améliorer ce qui peut encore l'être et apporter les précisions nécessaires, avec le souci d'aboutir à des dispositifs consensuels et pragmatiques qui puissent recueillir l'assentiment de tous les acteurs de ce dossier.
Madame la ministre, je crois tout d'abord qu'il est de notre devoir de dire très clairement aux Français que l'eau, élément essentiel à la vie, n'a pas de prix, qu'elle a et qu'elle aura un coût de plus en plus élevé. Les maires et les collectivités ne font que répercuter les conséquences des conditions requises pour délivrer une eau de qualité en quantité suffisante.
Je souhaiterais attirer votre attention sur trois points.
En premier lieu, les dispositions relatives à la définition des eaux vives et eaux closes ont suscité - je peux en témoigner -, des réactions sur le terrain.
Comme le préconisait le rapport Vestur, la distinction entre « eaux vives » et « eaux closes » a été modifiée par l'introduction, dans le projet de loi initial, d'un article substituant au critère actuel de l'écoulement de l'eau celui du passage du poisson.
Si, en vue d'une meilleure détermination du champ d'application de la législation sur la pêche, la nécessité de préciser ou de redéfinir les notions d'« eaux libres » et d'« eaux closes » est acceptée par tous - il est en effet incontestable que le droit actuellement en vigueur, en raison de l'indétermination des notions utilisées, est source de trop nombreux contentieux -, l'abandon du critère de « la communication ou circulation de l'eau », et corrélativement l'adoption d'un nouveau critère de qualification, celui de « circulation ou passage du poisson », est contestée et provoque de nombreuses inquiétudes.
Notre excellent rapporteur lui-même, bien que souscrivant à la modification du critère de détermination des « eaux libres » et des « eaux closes » proposée, s'interrogeait sur ses incidences pratiques et sur sa portée.
L'alevin est-il considéré comme un poisson ? Vaste débat. Ériger le passage du poisson en critère qualifiant impose de s'interroger sur la notion de passage du poisson. À partir de quelle taille le poisson, en dépit du dispositif installé pour isoler l'eau libre du plan d'eau ou de l'étang, est-il considéré comme ne pouvant pas passer ? Il ne faudrait pas, en effet, que le contentieux relatif à la communication de l'eau se déporte vers un contentieux encore plus savant, celui de la taille du poisson et des mailles et grilles de séparation entre les « eaux libres » et les « eaux closes » : madame la ministre, Courteline n'est pas loin ! (Sourires.)
Il y a lieu également de s'inquiéter pour le statut des canaux, fossés, lacs, qui peut devenir problématique en fonction des choix qui seront faits pour la détermination des critères conduisant, ou non, au statut d'« eaux closes ». Certains imaginent le pire : seuls les cours d'eau resteraient des « eaux libres ».
Dès lors, s'il n'est bien entendu pas question pour moi de remettre en cause le fruit d'un travail qui a abouti à cette modification, permettez-moi, madame la ministre, au nom de nombreux maires ruraux, de vous demander de bien vouloir nous préciser le contenu du projet de décret qui est prévu et qui doit prendre en compte la variété des situations existantes, notamment en zone de montagne. De ce décret dépendra, en grande partie, la portée pratique de la modification adoptée. Cela permettra certainement de faire taire les inquiétudes des élus, de rassurer les pêcheurs et de calmer les esprits des différents protagonistes de ce dossier qui s'échauffent sérieusement, comme j'ai pu le constater cet été dans mon département de la Corrèze.
En second lieu, madame la ministre, je me dois d'aborder les problèmes liés à la qualité de l'eau et de rappeler à cette tribune combien l'eau, support incontournable du développement durable de nos territoires, est un enjeu vital pour nous tous, pour aujourd'hui et pour demain.
Le constat est sévère : à l'intensité des prélèvements s'est ajoutée la dégradation de la qualité de l'eau, notamment celle des eaux souterraines qui se détériore nettement sous l'effet de pollutions diffuses dues aux nitrates et autres pesticides. Et cette dégradation est d'autant plus grave que les eaux souterraines sont difficilement renouvelables et que la restauration de leur qualité nécessite au moins plusieurs années.
Quant à la qualité des eaux de surface, elle est, elle aussi, dégradée. Selon l'Institut français de l'environnement, 80 % des prélèvements effectués en eaux de surface révèlent la présence de produits phytosanitaires, et ces pollutions affectent autant les écosystèmes aquatiques que la santé des Français.
Il faut bien le dire, la pression sur les ressources hydriques est souvent d'origine agricole. Engrais, produits phytosanitaires - herbicides et pesticides -, déjections animales qui accompagnent les élevages intensifs, accumulations de métaux provenant des compléments alimentaires des animaux d'élevages : telles sont les causes des différentes formes de pollution agricole. Et parce que ces causes sont parfaitement identifiées depuis quelques années, les agriculteurs ne nous ont pas attendus pour se préoccuper des problèmes de la qualité de l'eau. Ils en sont d'ailleurs les premiers acteurs, pour en être les premières victimes.
Nul ne conteste que l'agriculture moderne ait une responsabilité dans la pollution de l'eau. Mais il faut reconnaître les efforts réalisés afin de mettre en place une agriculture plus respectueuse de l'environnement : application de la « directive nitrate », opération « Ferti-Mieux », application du PMPOA, le programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole, réglementation sur les produits phytosanitaires, conditionnalité des aides. Et pourtant, sur ce dossier, les agriculteurs sont encore trop souvent montrés du doigt et endossent le rôle de l'accusé.
Je sais, madame la ministre, combien vous êtes consciente des efforts réalisés. Vous l'avez dit, « il convient de sortir du climat actuel de défiance ; nous devons aller de l'avant, considérer la maîtrise des pollutions comme un enjeu stratégique du développement durable ». Je crois que nous ne pourrons atteindre cet objectif qu'en conjuguant nos efforts, qu'en responsabilisant les acteurs de ce dossier, mais avec équité, pragmatisme, et surtout, madame la ministre, en totale osmose avec les maires et les élus ruraux. Les intérêts des agriculteurs et des écologistes se rejoignent dès lors que l'environnement devient un enjeu et un atout.
Permettez à un élu du département des « milles sources » de préciser qu'il est simple de pousser des cris d'orfraie en accusant, en réclamant de réduire l'utilisation des engrais, des pesticides et fongicides en agriculture, mais que cela a une dimension économique : en effet, ces réductions entraînent automatiquement une baisse de rendement et donc une augmentation des prix pour les consommateurs.
C'est donc à l'ensemble de la société - je dirai même à l'État -, qui demande depuis plus d'un siècle aux agriculteurs de la nourrir à moindre de coût, de prendre en charge sa part d'efforts et de se réconcilier sur ce dossier, car il n'y a ni coupable ni victime. Cela permettra de « passer d'une écologie de division à une écologie de conjugaison », comme l'a dit récemment un ministre.
Pour en revenir au texte, je tiens à évoquer les dispositions relatives à la redevance pour pollution de l'eau appliquée aux élevages, dispositif radicalement différent de celui qui existe. Comme l'a indiqué M. le rapporteur, il apparaissait judicieux de mettre fin au système actuel fondé sur la déclaration d'activité polluante, déclaration complexe, coûteuse et source d'innombrables contrôles tatillons très mal supportés par les agriculteurs. Cette dernière est désormais assise sur le nombre des UGB - unité gros bétail - présentes sur les exploitations. Le nouveau système permettra d'alléger les coûts et de réduire les tracasseries administratives. C'est un point positif et je tenais à le souligner.
Pour autant, je me suis permis de vous alerter, monsieur le rapporteur, sur les inquiétudes des éleveurs corréziens quant à la mise en place de ce nouveau mécanisme, qui ne prend peut-être pas suffisamment en compte les particularismes des territoires de montagne et ceux de l'élevage extensif. À cet égard, je tiens à vous rappeler leur attachement au critère de chargement et de seuil de perception.
Vous proposerez, au cours de la discussion, d'abaisser le seuil de perception à 90 UGB et d'instituer une franchise de perception de la redevance pour les quarante premières UGB détenues. Il s'agit là d'une amélioration pour les petites exploitations.
Reste que le vrai critère à prendre en compte est celui du taux de chargement à l'hectare qui a été fixé à 1,4 UGB par hectare. Peut-être un taux de 1,6 UGB serait-il susceptible de mieux prendre en compte les spécificités de l'élevage extensif pratiqué en montagne, sur des prairies très souvent naturelles qui ne nécessitent pas ou peu l'utilisation d'engrais. Jusqu'à présent, les discussions qui ont eu lieu autour de cette redevance l'ont toujours été dans un esprit de conciliation : je ne peux que formuler le souhait que toutes les hypothèses raisonnables suggérées, notamment celles de l'amendement dont je suis l'un des signataires, puissent être analysées avec précision.
Pour conclure, madame la ministre, permettez-moi d'aborder le troisième point de mon propos, qui me tient particulièrement à coeur. De nombreux maires corréziens m'ont en effet interpellé sur l'importance des charges nouvelles qui résultent de la mise en oeuvre des dispositions relatives au contrôle sanitaire des eaux destinées à la consommation humaine. Le coût moyen des analyses pour les petites communes rurales, à partir de 500 habitants, risque d'être multiplié par six, coût exorbitant au regard de la modestie de leur budget, donc de leurs ressources.
J'ai abordé ce dossier à plusieurs reprises, et mon collègue Georges Mouly en a fait de même. Réduction de la fréquence des analyses, limitation de leur contenu, modernisation des contrôles, regroupement des points de captages, mise en place des périmètres de protection de ces points, information des maires, qui n'ont pas forcément connaissance des contrôles, mais qui sont tenus pour responsables lorsque les contrôles sont effectués chez les particuliers : telles sont les perspectives de réduction de coûts à long terme qui nous sont offertes.
C'est aujourd'hui que nos communes rurales, déjà fragilisées, espèrent des réponses concrètes. J'ai donc pris l'initiative de déposer un amendement tendant à insérer le coût de ces analyses dans la section investissement des budgets communaux, et ce afin qu'il puisse ouvrir droit aux attributions du fonds de compensation pour la TVA.
Je connais par avance les arguments qui me seront opposés, mais j'espère sincèrement que vous tiendrez compte de l'esprit de cet amendement - validé par mes collègues maires corréziens directement concernés - de sorte qu'à l'issue de l'examen de ce texte, une vraie solution soit trouvée ou, tout du moins, ébauchée, afin de répondre aux attentes des élus ruraux. En effet, je le répète, rien ne pourra se faire dans nos campagnes sans une participation responsable de ces derniers à la mise en oeuvre de ce texte sur l'eau et les milieux aquatiques, texte qui restera à mes yeux une des lois phares de cette législature, ce qui est tout à votre honneur, madame la ministre. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)