M. le président. L'amendement n° 310, présenté par MM. Peyronnet, Godefroy, Badinter, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mahéas et Sueur, Mme Campion, MM. Cazeau et Domeizel, Mmes Demontès et Jarraud-Vergnolle, M. Michel, Mme Schillinger, MM. Guérini, Lagauche, Madec, Mélenchon, Mermaz et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 13, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Il est créé un service civique pour les jeunes femmes et les jeunes hommes. Ce service civique est obligatoire pour les jeunes Français, résidant en France ou établis hors de France. Les jeunes femmes et les jeunes hommes étrangers résidant en France peuvent également effectuer ce service civique sur la base du volontariat.
Les modalités d'application du dispositif et sa durée obligatoire sont fixées par décret.
Les conditions d'accès à ce service civique pour les jeunes Français établis hors de France sont fixées par décret.
La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet.
M. Jean-Claude Peyronnet. L'article 13 prévoit d'instaurer un service volontaire citoyen de la police nationale
Nous proposons d'aller plus loin et de renforcer le lien entre la nation et la police, la solidarité et la médiation sociale, en créant un service civique obligatoire, destiné à instaurer une véritable intégration, puisque des jeunes de nationalité étrangère résidant en France pourraient intégrer ce service sur la base du volontariat.
Cette idée de service civique obligatoire n'est pas nouvelle. Nous la revendiquons depuis longtemps et au moins trois grandes formations politiques ont pris position en sa faveur. En outre, une proposition de loi en ce sens a déjà été adoptée par l'Assemblée nationale et le Sénat a débattu récemment de ce sujet dans le cadre de l'examen du texte pour l'égalité des chances.
Certes, je n'ignore pas que vous allez opposer l'article 40 à mon amendement, eu égard au coût de cette mesure qui se situe dans une fourchette comprise entre 3,5 et 5 milliards d'euros.
Toutefois, à ma décharge, et pour atténuer ma « faute », permettez-moi de citer le rapporteur général du budget, M. Marini : « C'est une priorité politique et sociétale et le raisonnement budgétaire dans ce domaine atteint vite ses limites ». L'on pourrait dire, d'une façon plus prosaïque : « Quand on aime, on ne compte pas. »
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Cet amendement est tellement intéressant et important qu'il mérite de faire partie du grand débat démocratique qui devrait vraisemblablement s'ouvrir au cours de l'année 2007 qui sera consacrée à quelques élections nationales.
C'est la raison pour laquelle la commission sollicite le retrait de cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Je remercie d'abord le groupe socialiste d'avoir déposé un amendement qui me permet de faire une mise au point très utile : ce n'est pas dans le présent projet de loi que l'on va créer en sept lignes un service civique obligatoire, même si - vous le savez parfaitement - nous sommes un certain nombre à considérer que cette proposition peut être une grande idée.
Je suis heureux, monsieur le sénateur, de vous entendre emboîter le pas en termes de réflexion, pour demain. Je vois que vous avez des modèles de référence qui me réjouissent.
M. Jean-Claude Peyronnet. J'ai de bonnes lectures !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Ensuite, je veux rendre hommage au Président de la République qui, à l'automne 2005, alors que les banlieues s'étaient embrasées, a lancé l'idée du service civil volontaire. Créé par la majorité qui a voté la loi du 31 mars 2006 pour l'égalité des chances, ce service est un premier pas dans la bonne direction, permettant à des jeunes de s'investir pendant plusieurs mois au service de missions d'intérêt général. Il s'inspire directement du dispositif des cadets de la République, mis en place au sein du ministère de l'intérieur et de l'aménagement du territoire par Nicolas Sarkozy.
Je me réjouis que le service civil volontaire, dont le dispositif a été précisé par un décret du 13 juillet 2006, connaisse une « montée en puissance » très encourageante. Nous pensons que, d'ici à la fin de l'année, 10 000 jeunes de seize à vingt-cinq ans pourraient bénéficier de ce « label », sous l'égide de la nouvelle Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances.
Après cette première étape, l'idée d'un service civique obligatoire a été avancée. Je le répète, c'est une très belle idée - dont vous n'avez pas forcément la paternité, monsieur Peyronnet.
Certes, personne ne songe à revenir sur la suppression du service militaire, qui a été la condition indispensable de la modernisation de nos armées. Il est également vrai que, avec le temps, le service militaire ne jouait plus son rôle d'intégration. Sur la fin, il était même devenu inégalitaire, autant le reconnaître : 150 000 appelés bénéficiaient de divers passe-droits pour se faire exempter. On était bien loin de ce « creuset républicain » censé réunir, dans une même caserne, l'étudiant bourgeois et le fils de paysan !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'était tout de même mieux que le chômage !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Il faut retrouver, dans un dispositif adapté au xxie siècle, les vertus civiques originelles du service militaire...
Ce qui, aujourd'hui, fait défaut à une partie de la jeunesse, c'est la prise de conscience qu'être citoyen entraîne non seulement des droits à l'égard de la collectivité, mais aussi des devoirs : il n'est pas de République sans obligation de chacun envers tous.
Néanmoins, cette belle idée qui nous est soumise, pour être mise en oeuvre, appelle un grand débat national et une expérimentation pratique.
Ce débat, le moment n'est pas venu de le tenir au détour du projet de loi relatif à la prévention de la délinquance. Nous l'aurons dans les mois à venir, les uns et les autres, avec les Français. Je souhaite, monsieur Peyronnet, qu'à cette occasion vous exprimiez clairement devant les Français ce qu'aujourd'hui vous proposez, peut-être au nom du groupe socialiste du Sénat, à l'instar de ce qui sera sans doute avancé par d'autres qui s'identifient au courant de pensée auquel j'appartiens et qu'un certain nombre d'entre nous n'ont pas manqué de rappeler depuis quelque temps déjà.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Demain, on rase gratis !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Ce que nous devons inventer, sans reproduire mécaniquement le service militaire, c'est un service civique adapté aux situations, aux parcours, aux aspirations de chacun.
Pour certains jeunes, le service civique doit être l'occasion de commencer une formation qui a manqué. Pour d'autres, il peut être le moment d'un engagement associatif, ou humanitaire. Pour d'autres encore, il peut s'agir d'un engagement dans la réserve militaire. Pour d'autres, enfin, ce sera un temps au service du codéveloppement de l'Afrique. Plusieurs formules sont à inventer, à préciser.
La conciliation du service obligatoire avec les études et l'entrée dans la vie active doit également être bien pensée. De même, nous devrons débattre de la tranche d'âge concernée, entre dix-huit et trente ans peut-être.
Bien des questions restent en suspens, et votre amendement d'appel ne saurait y répondre.
C'est peut-être une différence de méthode qui nous oppose : nous n'entendons pas procéder à une réforme fondamentale « à la sauvette », au détour d'un amendement. Nous souhaitons qu'elle soit précédée d'un véritable débat national.
Nous aurons l'occasion d'engager ce débat dans les semaines et les mois qui viennent. Chacun aura à convaincre, et je ne doute pas un seul instant que, sur la base de ce que je viens d'indiquer, les arguments qui seront les nôtres seront plus pertinents que les vôtres.
M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Nous sommes au coeur du débat.
Je ne sais pas si les discussions que nous menons depuis quelques jours sont un débat national ou non ; je le croyais. En tout état de cause, il est évident que, s'il est une solution pour combattre la délinquance en occupant les jeunes - et elle regroupe beaucoup d'adeptes -, c'est bien d'instaurer un service civil.
Je rappelle que La Vie claire a consulté de nombreux parlementaires sur la question et que plus de 400 d'entre eux, dont un certain nombre siégeant sur les bancs de la majorité, se sont déclarés d'accord avec une telle réforme.
Le service militaire a été supprimé. Il est vrai qu'il était difficile de résister et que, étant ce qu'il était devenu, il ne représentait plus vraiment une solution, bien qu'il permît la cohabitation de jeunes gens issus de tous les milieux.
C'est dès sa suppression qu'il fallait remplacer le service militaire par un service civil de six mois, obligatoire et pour les hommes, et pour les femmes, qui permette que tous servent en France, servent dans les associations, servent dans le tiers monde, bref, soient au service des autres.
Quelle meilleure réponse pouvez-vous apporter à ce que vous dites être votre souci : la prévention de la délinquance ? Il n'en est pas.
Pour notre part, nous avons déposé une proposition de loi, et vous-même, monsieur le ministre, semblez affirmer que cette mesure sera proposée par tout le monde. Dans ces conditions, pourquoi remettre à plus tard ce que l'on peut faire le jour même ?
Telles sont les raisons pour lesquelles nous vous demandons de voter cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 310.
Mme Marie-France Beaufils. Le groupe communiste républicain et citoyen s'abstient.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Monsieur le président, la commission des lois doit se réunir pour examiner un certain nombre d'amendements portant sur l'article 15. Aussi, je souhaiterais que nous suspendions maintenant nos travaux, de façon à être en mesure de les reprendre à vingt et une heures trente.
M. le président. Le Sénat va bien sûr accéder à votre demande.
Nous allons donc interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures vingt-cinq, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Philippe Richert.)
PRÉSIDENCE DE M. Philippe Richert
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi relatif à la prévention de la délinquance.
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l'article 13.
CHAPITRE IV
DISPOSITIONS FONDÉES SUR L'INTÉGRATION
Article 13
La loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure est ainsi modifiée :
1° Dans le libellé du chapitre III du titre Ier, après les mots : « De la réserve civile de la police nationale », sont ajoutés les mots : « et du service volontaire citoyen de la police nationale » ;
2° L'article 4 est modifié comme suit :
a) À la fin du premier alinéa, il est ajouté le membre de phrase suivant : « ainsi qu'un service volontaire citoyen de la police nationale destiné, dans le but de renforcer le lien entre la nation et la police nationale, à accomplir des missions de solidarité, de médiation sociale et de sensibilisation au respect de la loi, à l'exclusion de toutes prérogatives de puissance publique. » ;
b) À la fin du second alinéa, il est ajouté la phrase suivante : « Le service volontaire citoyen est composé de volontaires admis à ce service par l'autorité administrative. » ;
3° Après l'article 6, il est inséré un article 6-1 ainsi rédigé :
« Art. 6-1. - Pour être admis au titre du service volontaire citoyen de la police nationale, le candidat doit remplir les conditions suivantes :
« - être citoyen français ou ressortissant d'un État membre de l'Union européenne ;
« - être âgé d'au moins dix-sept ans ;
« - remplir des conditions d'aptitude correspondant aux missions du service volontaire citoyen ;
« - ne pas avoir fait l'objet d'une condamnation à une peine correctionnelle ou à une peine criminelle inscrite au bulletin n° 2 du casier judiciaire ou, pour les ressortissants étrangers, dans un document équivalent, pour des motifs incompatibles avec l'exercice des fonctions.
« L'agrément de l'autorité administrative ne peut être délivré que s'il résulte de l'enquête administrative à laquelle il est procédé, comportant le cas échéant la consultation des traitements de données à caractère personnel gérés par les services de police et de gendarmerie nationales relevant des dispositions des articles 21 et 23 de la présente loi, qu'il ne s'est pas rendu coupable d'un comportement ou d'agissements contraires à l'honneur, à la probité, aux bonnes moeurs ou de nature à porter atteinte à la sécurité des personnes ou des biens, à la sécurité publique ou à la sûreté de l'État.
« Le volontaire agréé souscrit un engagement d'une durée d'un à cinq ans renouvelable, qui lui confère la qualité de collaborateur occasionnel du service public. S'il accomplit ses missions pendant son temps de travail, il doit, lorsque leur durée dépasse dix jours ouvrés par année civile, obtenir l'accord de son employeur dans les conditions prévues à l'article 6, pour le réserviste volontaire.
« L'engagement peut être résilié lorsque son titulaire cesse de remplir l'une des conditions prévues au présent article. Il peut être suspendu en cas de nécessité tenant à l'ordre public.
« Un décret en Conseil d'État détermine les conditions d'application du présent article. » ;
4° L'article 7 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, après le mot : « réservistes » sont insérés les mots : « et des volontaires du service volontaire citoyen de la police nationale » ;
b) Au deuxième alinéa, les mots : « effectuées dans le cadre du volontariat ou de l'obligation de disponibilité », sont remplacés par les mots : « mentionnées à l'alinéa qui précède » ;
c) Au troisième alinéa, après les mots : « le réserviste », sont insérés les mots : « ou le volontaire du service volontaire citoyen de la police nationale » et après les mots : « au titre de la réserve civile » sont insérés les mots : « ou du service volontaire citoyen » ;
d) Au quatrième alinéa, après les mots : « d'un réserviste », sont insérés les mots : « ou d'un volontaire du service volontaire citoyen de la police nationale » ;
e) Au cinquième alinéa, après les mots : « en dehors de son service dans la réserve », sont insérés les mots : « ou dans le service volontaire citoyen de la police nationale ».
M. le président. Je suis saisi de six amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 204 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
L'amendement n° 311 est présenté par MM. Peyronnet, Godefroy, Badinter, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mahéas et Sueur, Mme Campion, MM. Cazeau et Domeizel, Mmes Demontès et Jarraud-Vergnolle, M. Michel, Mme Schillinger, MM. Guérini, Lagauche, Madec, Mélenchon, Mermaz et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Éliane Assassi, pour défendre l'amendement n° 204.
Mme Éliane Assassi. Nous en venons à la création d'un « service volontaire citoyen de la police nationale ».
Permettez-moi tout d'abord de m'étonner, monsieur le ministre, que vous nous demandiez de voter cette disposition alors qu'une expérimentation est en cours depuis le 14 juillet dernier dans certains départements et que nous n'avons à ce jour aucune information sur le déroulement de cette expérimentation.
Il est prévu que les participants à ce nouveau « service » effectueront des actions de médiation sociale, de solidarité et de sensibilisation au respect de la loi. Or le Gouvernement supprime, loi après loi, tout ce qui va dans le sens de telles actions. Les associations d'éducation populaire sur le terrain, qui oeuvrent précisément dans le domaine de la solidarité et de la médiation, n'ont pas les moyens de mener leur action. L'an dernier, le Gouvernement a tenté de leur retirer entre 10 millions et 15 millions d'euros de crédits.
Mme Éliane Assassi. C'est une réalité !
Les professionnels de l'action sociale, les enseignants, les éducateurs de rue sont en nombre notablement insuffisant.
D'une manière générale, vous fermez les services publics qui participent du lien social et de la solidarité.
Comme le note le préfet de la Seine-Saint-Denis dans un article paru dans un grand journal du soir - je ne m'étendrai pas ici sur ce qui figure dans la lettre dont le contenu nous a été révélé aujourd'hui, mais j'aurais beaucoup à dire -, la police déserte les quartiers, notamment les quartiers populaires, et les brigades des mineurs deviennent fantomatiques.
Vous avez considéré que les policiers qui intervenaient auprès des jeunes dans le cadre d'activités sportives avaient autre chose à faire. Quand on voit comment vous opérez un glissement des missions de sécurité vers les polices municipales, on peut se demander si les volontaires du service citoyen de la police ne vont pas devenir les supplétifs d'une police absente !
Les « volontaires » seront indemnisés et protégés vis-à-vis de leur employeur. En attendant, les bénévoles associatifs ne voient rien venir quant au statut qu'ils réclament depuis maintenant assez longtemps.
La commission des lois propose que des étrangers non communautaires puissent être recrutés comme volontaires. Je constate une nouvelle fois qu'on n'hésite pas à les instrumentaliser au service d'une cause dite « citoyenne », mais que leur citoyenneté vous intéresse beaucoup moins quand il s'agit de leur accorder le droit de vote et d'éligibilité.
La commission des lois souligne aussi que, durant les événements de novembre dernier, de nombreux habitants se sont regroupés spontanément pour oeuvrer au retour au calme. Pour avoir vécu beaucoup de ces moments avec eux, je présenterai les choses un peu autrement.
Il est vrai qu'ils sont allés à la rencontre de la population et des jeunes, qu'ils ont écouté leur colère, parfois leur désespoir, et surtout qu'ils ont tenté de trouver avec eux d'autres voies que la violence pour se faire entendre. Ils l'ont fait avec une grande responsabilité et en évitant tout comportement de type « légitime défense ».
Mais ce que l'on nous propose ici est tout à fait différent. Je ne peux m'empêcher de penser aux Minutemen américains, ces citoyens qui patrouillent aux frontières pour prévenir l'entrée d'« illégaux ».
Pour toutes les raisons que j'ai évoquées, nous ne pouvons que nous interroger sur les véritables objectifs de la création de ce service citoyen. Nous demandons donc la suppression de cet article 13.
M. Roland Muzeau. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet, pour présenter l'amendement n° 311.
M. Jean-Claude Peyronnet. Je serai bref, car j'avais déposé un amendement n° 310 qui visait à créer un service d'une telle ampleur que, je l'ai bien senti, il a fait une forte impression à M. le ministre ! (Sourires.) Cet amendement n 311 est un amendement de cohérence par rapport au précédent.
M. le président. L'amendement n° 23, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le deuxième alinéa du texte proposé par le 3° de cet article pour insérer un article 6-1 dans la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003:
« - être citoyen français, ressortissant d'un État membre de l'Union européenne ou résider régulièrement en France depuis au moins cinq ans ;
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Le service volontaire citoyen de la police nationale doit être, selon nous, un instrument d'intégration. Dès lors, il serait dommage de ne pas l'ouvrir aux étrangers non communautaires résidant régulièrement en France depuis au moins cinq ans.
M. le président. Le sous-amendement n° 301 rectifié, présenté par MM. Courtois, Dassault et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :
Compléter in fine le texte proposé par l'amendement n° 23 par les mots :
et satisfaire à la condition d'intégration définie à l'article L. 314-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile
La parole est à M. Jean-Patrick Courtois.
M. Jean-Patrick Courtois. Il est tout à fait légitime que des étrangers résidant régulièrement en France depuis quelques années puissent, aux côtés des Français et des citoyens de l'Union européenne, prendre part à des actions de médiation sociale, de solidarité et de sensibilisation au respect de la loi.
Cependant, le critère de résidence régulière en France depuis cinq ans n'est pas, à lui seul, suffisant pour veiller à ce que seuls les étrangers bien intégrés dans notre pays puissent participer au service volontaire citoyen de la police nationale. Il convient donc de préciser que ces ressortissants étrangers doivent satisfaire à la condition d'intégration définie à l'article L. 314-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
M. le président. L'amendement n° 24, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le sixième alinéa du texte proposé par le 3° de cet article pour insérer un article 6-1 dans la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 :
« L'agrément de l'autorité administrative ne peut être délivré s'il résulte de l'enquête administrative, ayant le cas échéant donné lieu à consultation des traitements de données à caractère personnel gérés par les services de police et de gendarmerie nationales relevant des dispositions de l'article 21 de la présente loi, que son comportement ou ses agissements sont contraires à l'honneur, à la probité, aux bonnes moeurs ou de nature à porter atteinte à la sécurité des personnes ou des biens, à la sécurité publique ou à la sûreté de l'État.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. L'amendement n° 24 est rédactionnel et supprime en outre la référence à l'article 23 de la loi du 18 mars 2003, c'est-à-dire au fichier des personnes recherchées. Nous estimons en effet peu probable qu'une personne figurant à ce fichier dépose sa candidature au service volontaire citoyen de la police nationale. Mais M. le ministre nous démontrera peut-être qu'il y a, en l'espèce, un risque.
J'ajoute que cet amendement est également souhaité par la Commission nationale de l'informatique et des libertés, la CNIL.
M. le président. L'amendement n° 25, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le dernier alinéa du texte proposé par le 3° de cet article pour insérer un article 6-1 dans la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 :
« Un décret en Conseil d'État pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés détermine les conditions d'application du présent article. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Il s'agit de préciser que le décret d'application sera pris après avis de la CNIL. Cela nous semble nécessaire puisque le présent article prévoit la consultation de fichiers.
M. le président. L'amendement n° 26, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le dernier alinéa de cet article :
e) Au cinquième alinéa, après les mots : « Pendant la période d'activité dans la réserve » et les mots : « en dehors de son service dans la réserve », sont insérés les mots : « ou dans le service volontaire citoyen de la police nationale ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. C'est un amendement de coordination.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements qui n'émanent pas d'elle ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. La commission estime que ce service volontaire citoyen de la police nationale a toute son utilité. Elle considère notamment que la prévention de la délinquance est une tâche relevant désormais de multiples autorités puisque l'État, y compris l'éducation nationale, le département, le maire, doivent y prendre toute leur part, mais qu'elle incombe aussi à chacun d'entre nous, surtout à chacun de ceux qui voudront se mobiliser au sein du service volontaire citoyen de la police nationale.
Cette initiative est très largement inspirée par la situation de l'automne 2005 et par le rôle de médiateur bénévole particulièrement efficace qu'ont joué dans l'apaisement un certain nombre de personnes de bonne volonté. Il serait particulièrement dommage de se priver de ce type de concours.
La commission émet, par conséquent, un avis défavorable sur les amendements identiques nos°204 et 311.
S'agissant du sous-amendement n° 301 rectifié, la commission y est favorable dans la mesure où il lui semble tout à fait justifié que les étrangers non communautaires qui voudront participer à ce service volontaire citoyen s'engagent à respecter les principes qui régissent la République française et aient une connaissance suffisante de la langue française.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Estrosi, ministre délégué. J'invite les auteurs des amendements nos 204 et 311 à analyser l'expérience de pays tels que l'Irlande, la Grande-Bretagne ou les Pays-Bas.
Dès 2003, avec la loi pour la sécurité intérieure, Nicolas Sarkozy avait souhaité que la police nationale puisse s'engager dans cette voie. Une réserve civile a donc été créée, ouverte aux seuls anciens policiers. Elle est un succès.
Aujourd'hui, il convient d'aller au-delà en définissant un service volontaire permettant à des citoyens de s'engager aux côtés de la police nationale. Il ne s'agit pas de leur faire faire le métier de policier. S'il y a confusion dans certains esprits, c'est que ceux-ci restent souvent attachés à une conception extrêmement dogmatique de la police de proximité ; vous savez ce que j'en pense.
Pour moi, il n'y aucune confusion. Les missions des policiers, même affectés à des unités de proximité, peuvent nécessiter l'usage de prérogatives de puissance publique, le recours à la contrainte et à la force. Un policier n'a pas vocation à être un éducateur sportif ni à enseigner le football du matin au soir.
Ce ne sera pas le cas des volontaires citoyens, qui seront dépourvus de toute prérogative de puissance publique. Ils accompliront exclusivement des tâches de médiation, de sensibilisation au respect des lois. Leur participation permettra de multiplier la présence de la police nationale dans les quartiers, auprès des associations, aux abords des établissements scolaires et dans le cadre des opérations « Ville-Vie-Vacances ».
On peut également songer à l'aide aux victimes. Après tout, ce ne serait peut-être pas une mauvaise idée de donner la priorité aux victimes dans notre pays ! Lorsqu'une personne vulnérable est victime d'un cambriolage, l'accueil et l'information sur l'avancement de l'enquête continueront, bien sûr, d'être assurés par des policiers. Mais des missions jusqu'alors non assurées pourront être confiées à des volontaires : aider la personne à ranger l'appartement mis sens dessus dessous, l'accompagner dans ses démarches d'indemnisation par sa compagnie d'assurance, maintenir dans la durée un lien afin de surmonter le choc de l'agression.
Telle est notre vision des choses au bénéfice de ceux qui ne se sont pas toujours sentis considérés alors qu'ils étaient pourtant les premières victimes.
Le nouveau dispositif sera donc un « plus ».
M. Roland Muzeau. Il y aura quand même des victimes !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Madame Assassi, vous avez indiqué que vous n'aviez pas eu connaissance du résultat des mesures que nous avons annoncées le 14 juillet.
Permettez-moi de vous dire que ces mesures sont expérimentées depuis le printemps dans dix départements et que nous bénéficions de retours très positifs. Il devient nécessaire et urgent de leur donner un cadre juridique sûr, dans la loi, pour conforter l'engagement des volontaires.
Telles sont les raisons pour lesquelles le Gouvernement émet un avis défavorable sur les deux amendements de suppression.
Le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 23 de la commission ainsi qu'au sous-amendement n° 301 rectifié présenté par M. Courtois.
Il souhaite le retrait ou, mieux, la rectification de l'amendement n° 24 de la commission, de manière que les préfets puissent consulter, comme le prévoit actuellement le texte, non seulement le système de traitement des infractions constatées, connu sous le nom de STIC, mais aussi le ficher des personnes recherchées, le FPR. Dès lors, si cet amendement n'est pas retiré, il conviendrait d'y réintroduire la référence à l'article 23 de la loi du 18 mars 2003.
Enfin, le Gouvernement est favorable aux amendements nos 25 et 26.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 204 et 311.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 301 rectifié.
(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. Monsieur le rapporteur, retirez-vous l'amendement n° 24 ou le rectifiez-vous dans le sens souhaité par M. le ministre ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Le retrait de cet amendement ne me paraît pas opportun dans la mesure où il apporte une amélioration rédactionnelle.
Monsieur le ministre, pouvez-vous préciser les raisons pour lesquelles vous estimez nécessaire de conserver la possibilité de consulter le fichier des personnes recherchées ?
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Monsieur le rapporteur, je reconnais bien volontiers que ma demande de rectification mérite de plus amples explications.
La consultation du STIC ne me paraît pas suffisante. En effet, le FPR comporte des données administratives ou judiciaires qui peuvent se révéler utiles pour écarter une candidature. Je citerai entre autres les interdictions de paraître dans certains lieux, les interdictions de port d'arme, les interdictions d'utilisation de véhicule : autant de données qui ne figurent pas dans le STIC.
J'ajoute que le FPR est également alimenté par des sources internationales dans le cadre de la coopération avec les services de police des pays voisins. Dès lors que le service volontaire citoyen sera ouvert à des ressortissants étrangers - y compris non communautaires, comme le Sénat vient de le décider sur votre suggestion, monsieur le rapporteur, et avec l'accord du Gouvernement -, il est tout à fait légitime de vérifier, par une consultation du FPR, que les candidats n'ont pas été signalés par des services de police étrangers.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Monsieur le ministre, je suis convaincu par vos arguments, qui sont d'un poids incontestable, et je rectifie l'amendement conformément à votre souhait.
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 24 rectifié, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, et ainsi libellé :
Rédiger comme suit le sixième alinéa du texte proposé par le 3° de cet article pour insérer un article 6-1 dans la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 :
« L'agrément de l'autorité administrative ne peut être délivré s'il résulte de l'enquête administrative, ayant le cas échéant donné lieu à consultation des traitements de données à caractère personnel gérés par les services de police et de gendarmerie nationales relevant des dispositions des articles 21 et 23 de la présente loi, que son comportement ou ses agissements sont contraires à l'honneur, à la probité, aux bonnes moeurs ou de nature à porter atteinte à la sécurité des personnes ou des biens, à la sécurité publique ou à la sûreté de l'État.
Je le mets aux voix.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote sur l'article 13.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. M. le ministre nous a indiqué que le service volontaire dans la police était expérimenté dans dix départements. Nous avons fait remarquer qu'il serait intéressant de connaître les premiers résultats de cette expérimentation.
M. le ministre nous affirme à l'instant qu'ils sont très positifs, qu'il convient donc d'étendre le dispositif en lui donnant une base légale.
Monsieur le ministre, nous sommes des parlementaires, c'est-à-dire des représentants de la nation. À ce titre, il serait légitime que nous disposions d'éléments concrets sur les leçons que l'on peut tirer de cette expérimentation : qui sont les candidats, que font-ils, comment cela se passe-t-il ? Or nous n'avons d'autres informations que celles que nous obtenons par nos propres moyens. Cela est absolument inadmissible.
Nous sommes certes hostiles à ce dispositif, mais je considère de toute façon que nous ne sommes pas traités comme devrait l'être la représentation nationale. Je réitère donc ma demande d'une évaluation précise de l'expérimentation qui est conduite dans les dix départements pilotes.