sommaire
présidence de M. Jean-Claude Gaudin
2. Dépôt d'un rapport du Gouvernement
3. Prévention de la délinquance. - Suite de la discussion d'un projet de loi
MM. Jean Desessard, Jean-Claude Peyronnet, Michel Dreyfus-Schmidt, Yves Détraigne, Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois ; Nicolas About, président de la commission des affaires sociales ; Brice Hortefeux, ministre délégué aux collectivités territoriales.
Amendements identiques nos 116 rectifié de Mme Jacqueline Gourault, 187 de Mme Eliane Assassi et 255 de M. Jean-Claude Peyronnet ; amendements nos 137 rectifié de M. Pierre Hérisson, 18 rectifié de la commission et sous-amendement no 330 de la commission ; amendement n° 303 de M. Alain Gournac. - M. Yves Détraigne, Mme Éliane Assassi, MM. Jean-Pierre Sueur, Michel Houel, Jean-René Lecerf, rapporteur de la commission des lois ; Jean-Claude Carle, le ministre délégué, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. Jean-Claude Peyronnet, Charles Guené, Paul Blanc. - Retrait des amendements nos 116 rectifié, 137 rectifié et 303 ; rejet, par scrutin public, des amendements nos 187 et 255 ; adoption de l'amendement no 18 rectifié.
Adoption, par scrutin public, de l'article modifié.
Article additionnel après l'article 8
Amendement no 296 rectifié bis de M. Alain Milon. - MM. Alain Milon, le rapporteur, le ministre délégué, Charles Guené, Michel Dreyfus-Schmidt, Jean-Pierre Sueur. - Retrait.
Articles additionnels avant l'article 9
Amendement no 190 de Mme Annie David. - Mme Annie David, MM. le rapporteur, le ministre délégué, Michel Dreyfus-Schmidt. - Rejet.
Amendement no 199 de Mme Annie David. - Mme Annie David, MM. le rapporteur, le ministre délégué. - Rejet.
Amendement no 189 de Mme Annie David. - Mme Éliane Assassi, MM. le rapporteur, le ministre délégué. - Rejet.
Amendement no 191 de Mme Annie David. - Mme Annie David, MM. le rapporteur, le ministre délégué. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement no 188 de Mme Annie David. - Mme Éliane Assassi, MM. le rapporteur, le ministre délégué. - Rejet.
Amendement no 195 de Mme Annie David. - Mme Annie David, MM. le rapporteur, le ministre délégué. - Rejet.
Amendement no 192 de Mme Annie David. - Mme Annie David, MM. le rapporteur, le ministre délégué, Michel Dreyfus-Schmidt. - Rejet.
Amendement no 193 de Mme Annie David. - Rejet.
Amendement no 194 de Mme Annie David. - Mme Éliane Assassi, MM. le rapporteur, le ministre délégué. - Rejet.
Amendement no 196 de Mme Annie David. - Mme Annie David, MM. le rapporteur, le ministre délégué. - Rejet.
Amendement no 197 de Mme Annie David. - Mme Annie David, MM. le rapporteur, le ministre délégué. - Rejet.
MM. Jean-Claude Carle, Jean Desessard
Amendements nos 200 de Mme Eliane Assassi, 100 de M. Jean-Marie Bockel, 175 rectifié ter de M. Alex Türk, 294 rectifié bis de M. Jean-Claude Carle, 138 rectifié de M. Pierre Hérisson, 86 de M. Nicolas About, rapporteur pour avis, 19 de la commission et 158 rectifié bis de M. Jean-Marie Bockel. - Mme Annie David, MM. Jean-Marie Bockel, Charles Revet, Jean-Claude Carle, Michel Houel, Nicolas About, président de la commission des affaires sociales, rapporteur pour avis ; le rapporteur, le président.
Suspension et reprise de la séance
présidence de M. Adrien Gouteyron
MM. le rapporteur, Christian Estrosi, ministre délégué à l'aménagement du territoire ; Mme Annie David. - Rejet de l'amendement no 200.
MM. Jacques Mahéas, Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois ; le président, Christian Estrosi, ministre délégué à l'aménagement du territoire.
5. Prévention de la délinquance. - Suite de la discussion d'un projet de loi
MM. Jean-René Lecerf, rapporteur de la commission des lois ; Nicolas About, président de la commission des affaires sociales, rapporteur pour avis ; Mmes Annie David, Nicole Borvo Cohen-Seat. - Retrait de l'amendement no 138 rectifié ; adoption des amendements nos 100, 175 rectifié quater, 294 rectifié bis, 86 et 158 rectifié bis, l'amendement no 19 devenant sans objet.
MM. Jacques Mahéas, Jean-Pierre Fourcade.
Adoption de l'article modifié.
Mme Adeline Gousseau.
Amendements nos 201 de Mme Eliane Assassi, 87 rectifié de M. Nicolas About, rapporteur pour avis et 20 de la commission. - Mme Éliane Assassi, MM. le rapporteur pour avis, le rapporteur, Christian Estrosi, ministre délégué à l'aménagement du territoire ; Mme Marie-France Beaufils, MM. Jean Desessard, Jean-Pierre Sueur. - Rejet de l'amendement no 201 ; adoption de l'amendement no 87 rectifié, l'amendement no 20 devenant sans objet.
Adoption de l'article modifié.
MM. Jean-Pierre Sueur, le ministre délégué.
Amendements identiques nos 165 de Mme Alima Boumediene Thiery et 202 de Mme Eliane Assassi ; amendements identiques nos 21 de la commission et 88 de M. Nicolas About, rapporteur pour avis. - M. Jean Desessard, Mme Marie-France Beaufils, MM. le rapporteur, le rapporteur pour avis, le ministre délégué, André Lardeux. - Rejet des amendements nos 165 et 202 ; adoption des amendements nos 21 et 88 rédigeant l'article.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, M. Christian Estrosi, ministre délégué à l'aménagement du territoire.
7. Prévention de la délinquance. - Suite de la discussion d'un projet de loi
Articles additionnels après l'article 11
Amendement no 154 rectifié de M. Philippe Goujon. - MM. Philippe Goujon, Jean-René Lecerf, rapporteur de la commission des lois ; Christian Estrosi, ministre délégué à l'aménagement du territoire ; Mme Marie-France Beaufils. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement no 157 rectifié de M. Philippe Goujon. - MM. Philippe Goujon, le rapporteur, le ministre délégué. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement no 244 rectifié bis de M. Christian Cambon. - MM. Christian Cambon, le rapporteur, Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice ; Jean-Claude Peyronnet. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendements identiques nos 203 de Mme Eliane Assassi et 309 de M. Jean-Claude Peyronnet. - Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. Jean-Claude Peyronnet, le rapporteur, le ministre délégué, Jean-Pierre Sueur, Mme Marie-France Beaufils, M. Louis Souvet. - Rejet des deux amendements.
Adoption de l'article.
Articles additionnels après l'article 12
Amendement no 22 rectifié de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre délégué, François Zocchetto, Jean-Claude Peyronnet. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement no 297 rectifié de M. Jean-Claude Carle. - MM. Jean-Claude Carle, le rapporteur, le ministre délégué. - Retrait.
M. le ministre délégué.
Amendement no 134 rectifié bis de M. Pierre Hérisson et sous-amendements nos 331, 320 de M. Jean-Claude Carle, 333 et 334 de la commission. - MM. Pierre Hérisson, Jean-Claude Carle, le rapporteur, le ministre délégué, Robert Bret, François Fortassin, Mme Marie-France Beaufils, M. Michel Dreyfus-Schmidt. - Retrait des sous-amendements nos 331 et 320 ; adoption des sous-amendements nos 333, 334 et de l'amendement no 134 rectifié bis modifié insérant un article additionnel.
Amendement no 135 de M. Pierre Hérisson. - MM. Pierre Hérisson, le rapporteur, le ministre délégué. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Article additionnel avant l'article 13
Amendement no 310 de M. Jean-Claude Peyronnet. - MM. Jean-Claude Peyronnet, le rapporteur, le ministre délégué, Michel Dreyfus-Schmidt. - Rejet.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.
Suspension et reprise de la séance
présidence de M. Philippe Richert
Amendements identiques nos 204 de Mme Eliane Assassi et 311 de M. Jean-Claude Peyronnet ; amendement no 23 de la commission et sous-amendement no 301 rectifié de M. Jean-Patrick Courtois ; amendements nos 24 rectifié à 26 de la commission. - Mme Éliane Assassi, MM. Jean-Claude Peyronnet, le rapporteur, Jean-Patrick Courtois, le ministre délégué. - Rejet des amendements nos 204 et 311 ; adoption du sous-amendement no 301 rectifié et des amendements nos 23, modifié, et 24 rectifié à 26.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Adoption de l'article modifié.
Article additionnel après l'article 13
Amendement no 291 de M. Charles Guené. - MM. Charles Guené, le rapporteur, le ministre délégué. - Retrait.
Amendement no 312 de M. Jean-Claude Peyronnet. - MM. Jean-Claude Peyronnet, le rapporteur, le ministre délégué. - Rejet.
Adoption de l'article.
Article additionnel avant l'article 15
Amendement no 205 de Mme Eliane Assassi. - Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. le rapporteur, le ministre délégué, Mme Gisèle Gautier. - Rejet.
Amendements nos 206 de Mme Eliane Assassi, 27 de la commission, 101 rectifié de Mme Gisèle Gautier, 276 de M. Jean-Claude Peyronnet, 28 de la commission et sous-amendements nos 102 rectifié bis de Mme Gisèle Gautier et 332 du Gouvernement. - Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, M. le rapporteur, Mme Gisèle Gautier, MM. Jean-Claude Peyronnet, le garde des sceaux. - Rejet des amendements nos 206 et 276 ; adoption de l'amendement no 27, des sous-amendements nos 102 rectifié bis, 332 et de l'amendement no 28 modifié, l'amendement no 101 rectifié devenant sans objet.
Adoption de l'article modifié.
Amendements identiques nos 207 de Mme Eliane Assassi et 277 de M. Jean-Claude Peyronnet ; amendement no 335 (priorité) de la commission. - Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. le président de la commission, Jean-Claude Peyronnet, le rapporteur, le garde des sceaux, le rapporteur pour avis, Jean-Pierre Sueur. - Adoption, après une demande de priorité, de l'amendement no 335, les amendements nos 207 et 277 devenant sans objet.
Amendement no 29 de la commission. - MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Amendement no 30 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre délégué. - Adoption.
Amendement no 31 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre délégué. - Adoption.
Amendement no 32 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre délégué. - Adoption.
Amendement no 33 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre délégué. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Article additionnel après l'article 17
Amendement no 173 de M. Georges Othily. - MM. Georges Othily, le rapporteur, le ministre délégué. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Articles additionnels avant l'article 18
Amendement no 256 de M. Jean-Pierre Godefroy. - MM. Jean-Pierre Godefroy, le rapporteur, Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités. - Retrait.
Amendement no 259 de M. Jean-Pierre Godefroy. - MM. Jean-Pierre Godefroy, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
MM. François Autain, Jean-Pierre Sueur.
Amendements identiques nos 208 de Mme Eliane Assassi et 257 de M. Jean-Pierre Godefroy ; amendements identiques nos 89 de M. Nicolas About, rapporteur pour avis, et 258 de M. Jean-Pierre Godefroy ; amendement no 34 de la commission. - MM. Roland Muzeau, Jean-Pierre Godefroy, le rapporteur pour avis, le rapporteur, le ministre, Nicolas Alfonsi. - Rejet des amendements nos 208 et 257 ; adoption des amendements nos 89, 258 et 34.
MM. Roland Muzeau, Jean-Pierre Sueur, le ministre, François Autain.
Adoption de l'article modifié.
Amendements nos 209 de Mme Eliane Assassi, 260 de M. Jean-Pierre Godefroy, 114 rectifié de Mme Valérie Létard et 35 de la commission. - MM. Robert Bret, Jean-Pierre Godefroy, Yves Détraigne, le rapporteur, le ministre, le rapporteur pour avis, le président de la commission. - Rejet des amendements nos 209 et 260 ; adoption de l'amendement no 114 rectifié, l'amendement no 35 devenant sans objet.
Adoption de l'article modifié.
Amendements identiques nos 210 de Mme Eliane Assassi et 261 de M. Jean-Pierre Godefroy. - MM. François Autain, Jean-Pierre Godefroy, le rapporteur, le ministre, Jean-Pierre Sueur. - Rejet des deux amendements.
Adoption de l'article.
Amendements identiques nos 211 de Mme Eliane Assassi et 262 de M. Jean-Pierre Godefroy ; amendements nos 171 rectifié de M. Yves Pozzo di Borgo, 263, 264 de M. Jean-Pierre Godefroy, 121 rectifié de M. François Zocchetto, 36 de la commission et 90 de M. Nicolas About, rapporteur pour avis. - MM. Jean-François Voguet, Jean-Pierre Godefroy, Yves Détraigne, le rapporteur, le rapporteur pour avis, le ministre, François Autain. - Retrait des amendements nos 171 rectifié et 121 rectifié ; rejet des amendements nos 211, 262, 263 et 264 ; adoption de l'amendement no 36, l'amendement no 90 devenant sans objet.
Adoption de l'article modifié.
Amendements identiques nos 212 de Mme Eliane Assassi et 265 de M. Jean-Pierre Godefroy ; amendement no 37 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre. - Rejet des amendements nos 212 et 265 ; adoption de l'amendement no 37.
Adoption de l'article modifié.
Amendements identiques nos 213 de Mme Eliane Assassi et 266 de M. Jean-Pierre Godefroy ; amendement no 91 de M. Nicolas About, rapporteur pour avis. - MM. le rapporteur, le ministre. - Rejet des amendements nos 213 et 266 ; adoption de l'amendement no 91.
Adoption de l'article modifié.
Amendements nos 267 et 268 de M. Jean-Pierre Godefroy ; amendements identiques nos 92 de M. Nicolas About, rapporteur pour avis, et 269 de M. Jean-Pierre Godefroy. - MM. Jean-Pierre Godefroy, le rapporteur pour avis, le rapporteur, le ministre. - Retrait de l'amendement no 268 ; rejet de l'amendement no 267 ; adoption des amendements nos 92 et 269.
Adoption de l'article modifié.
Renvoi de la suite de la discussion.
8. Texte soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution
compte rendu intégral
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Claude Gaudin
vice-président
1
PROCÈS-VERBAL
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
DÉPÔT D'UN RAPPORT DU GOUVERNEMENT
M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le rapport d'activité pour 2005 de l'établissement de gestion du Fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles, en application de l'article R. 731-6 du code rural.
Acte est donné du dépôt de ce rapport.
Il sera transmis à la commission des affaires sociales et sera disponible au bureau de la distribution.
3
Prévention de la délinquance
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi relatif à la prévention de la délinquance (nos 433, 476, 477).
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l'article 8.
Article 8
Après l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un article L. 2212-2-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 2212-2-1. - Lorsque des faits sont susceptibles de porter atteinte au bon ordre, à la sûreté, à la sécurité ou à la salubrité publiques, le maire ou son représentant désigné dans les conditions prévues à l'article L. 2122-18 peut procéder verbalement à l'endroit de leur auteur au rappel des dispositions qui s'imposent à celui-ci pour se conformer à l'ordre et à la tranquillité publics.
« Le rappel à l'ordre d'un mineur intervient, dans la mesure du possible, en présence de ses parents ou de ses représentants légaux. »
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, sur l'article.
M. Jean Desessard. Monsieur le ministre, on peut au moins reconnaître que l'orientation globale de la politique de justice et de répression de votre gouvernement présente une réelle cohérence et une vraie constante.
Il y a quelques semaines à peine, avec la loi du 31 mars 2006 pour l'égalité des chances, vous introduisiez dans le code de procédure pénale un article 44-1 donnant possibilité au maire de proposer au contrevenant qui a causé un préjudice à un bien de la commune ou sur le territoire de celle-ci une transaction destinée à réparer ce préjudice.
Vous esquissiez alors la direction que vous assumez totalement aujourd'hui consistant à octroyer des pouvoirs quasi judiciaires au maire et, de facto, à déjudiciariser la prévention.
Avec les dispositions de l'article 8 de ce projet de loi, qui donne le pouvoir au maire ou à son représentant de procéder à un rappel à l'ordre à l'endroit d'une personne qui commet des faits ne relevant d'aucune infraction prévue au code pénal, des faits « susceptibles de porter atteinte au bon ordre, à la sûreté ou à la salubrité publiques », cette dérive est accentuée.
Ce pouvoir, qui est comparable à celui dont dispose le juge en termes de rappel à la loi, contribue à affaiblir la portée du principe de la séparation des pouvoirs, d'autant plus que ces nouvelles dispositions soulèvent des questions essentielles.
Quelles sont la nature et la portée de ce rappel à l'ordre, alors que le rappel à la loi est strictement encadré et constitue une première réponse solennelle, qui permet, notamment, d'éviter au contrevenant un sentiment d'impunité et a une vertu éducative claire ?
Se pose en outre la question de la conservation des traces de ce rappel à l'ordre et de son utilisation ultérieure. Le maire pourra-t-il maintenir un registre de ces actes ? Si tel est le cas, que se passera-t-il en cas de réitération ou de récidive ? La juste qualification m'échappe, compte tenu de l'ambiguïté de ce texte.
Le syndicat de la magistrature et le syndicat des avocats de France ont exprimé deux points de vue qui démontrent à quel point cette disposition est dangereusement confuse.
Tout d'abord, le rappel à l'ordre par le maire, qui sanctionne les comportements constituant non pas des infractions pénales, mais de simples atteintes aux règles de la vie sociale, viole le principe fondamental de la légalité des délits et des peines.
Ensuite, la convocation d'un mineur en vue d'un rappel à l'ordre pourrait impliquer le respect de ses droits à une défense équitable et, donc, le droit de requérir l'assistance d'un avocat, notamment si ce rappel à l'ordre engendre une sanction.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet, sur l'article.
M. Jean-Claude Peyronnet. L'article 8, qui introduit le rappel à l'ordre du maire, ne semble pas clair.
Les réponses données entraînant un possible changement du positionnement du maire, je vais m'efforcer en toute sérénité et sans polémique de clarifier la situation.
Tout d'abord, on nous présente le maire comme la personne qui connaît le mieux la population. Certes ! Une telle approche a par ailleurs l'avantage de flatter les maires. Toutefois, les associations d'élus ont souligné que, si elles étaient satisfaites de cette reconnaissance, elles ne voulaient pas qu'on aille plus loin en s'engageant dans un processus pénal.
Monsieur le ministre, j'ai l'impression que vous avez fait une erreur de casting ! S'il est vrai que le maire d'une commune allant de 600 habitants à 20 000 habitants est celui qui connaît le mieux la population, il ne connaît sûrement pas toute la population, bien loin de là ! Et la situation est différente à Lille, Bordeaux ou Marseille.
C'est la raison pour laquelle la transmission des informations par les travailleurs sociaux pose un vrai problème, car ce ne sera pas le maire qui les recevra. Il faudrait vraiment que nous tranchions la question des délégations. Est-il question de confier ce rôle aux adjoints ? Seront-ils assez nombreux ? Rien n'est moins sûr ! Les services municipaux se verront-ils confier cette tâche ?
Dans les grandes villes, le fait de présenter le maire comme un acteur personnel qui agit auprès des familles est une mystification ! Ne s'agit-il pas plutôt du transfert d'un service d'État à un service municipal, puisque les maires et leurs adjoints ne seront pas assez nombreux pour remplir cette tâche ?
Ce transfert de compétences inavoué ne s'accompagnera d'aucun moyen nouveau malgré toutes les conséquences qui en résulteront.
Prenons l'exemple à Marseille. Je doute fort que le maire de Marseille reçoive, chaque jour, les dizaines ou centaines d'enfants ayant commis les actes susceptibles d'entraîner un rappel à l'ordre ! Les élus délégués seront-ils aptes à recevoir ces familles ? Cela m'étonnerait également ! Ce sera donc un fonctionnaire qui les recevra. Dès lors, pourra-t-on dire que l'autorité du maire aura des conséquences positives sur le comportement des familles et des enfants. Que ce soit un fonctionnaire d'État ou un fonctionnaire municipal qui les reçoivent ne change d'ailleurs pas grand-chose ! Il faut donc, monsieur le ministre, que vous nous donniez des explications sur ce point.
Par ailleurs, en supposant que ce premier point soit réglé, un tel rappel à l'ordre change la nature des relations du maire avec ses concitoyens. Il n'est plus un médiateur, il devient le premier maillon de la chaîne judiciaire. M. le rapporteur nous répond que tel n'est pas le cas, puisqu'il s'agit d'un simple rappel à l'ordre, qui porte bien son nom, puisqu'il « n'autorise nullement d'autres mesures (...) Le rappel à l'ordre ne doit pas être assimilé à une sanction. Il ne fait pas grief. (...) Aucune mémoire n'en est gardée. »
Si le maire de Marseille ou son adjoint - je suis magnanime envers vous, monsieur le président ! (Sourires.) - reçoit deux, trois, cinq ou dix personnes, sans noter les rappels à l'ordre auquel il aura procédé, comment s'en souviendra-t-il ? Je suis donc tout à fait sceptique sur le fait qu'il s'agit d'un simple rappel à l'ordre verbal.
Vous insistez beaucoup, monsieur le rapporteur, sur le fait que ce rappel à l'ordre n'entraîne pas de conséquences. À mon avis, les maires devront consigner leurs interventions, ne serait-ce que pour se souvenir qu'ils sont déjà, éventuellement, intervenus. Et je passe sous silence les cas pour lesquels, l'enfant ayant commis une infraction plus grave et le procureur ayant été saisi, le maire sera appelé à témoigner pour dire qu'il a déjà effectué un rappel à l'ordre. On pourra éventuellement lui reprocher de ne pas l'avoir fait. Selon les cas, le positionnement sera donc fort différent.
Selon vous, monsieur le rapporteur, les maires s'emploient d'ores et déjà, et c'est vrai, à « remonter les bretelles ». C'est une expression que tout le monde comprend. Une telle pratique déplaît au procureur de la République et vous la faites figurer dans la loi.
Or, si elle déplaît, c'est bien parce qu'il s'agit d'une infraction pénale. Sinon, le procureur n'a vraiment aucune raison de se plaindre. Alors s'il s'agit d'une infraction pénale, comment pouvez-vous affirmer que cette intervention ne relève pas d'un processus pénal ?
De plus, à quel titre le maire intervient-il ? En tant qu'autorité ayant un pouvoir de police administrative, comme le prévoit sa fonction, qui est décrite dans le code général des collectivités territoriales, ou bien en tant qu'officier de police judiciaire, pour l'État ? La marge est très étroite. Quelles sont les infractions qui ressortissent du premier cas et celles qui ressortissent du second ? Il y a là un glissement possible qui modifie complètement la nature de l'intervention.
Dans la situation actuelle, nous maintenons notre position. Nous considérons, monsieur le ministre, que vous dénaturez la fonction de maire, en lui faisant perdre le respect et l'aura qu'il a pu avoir et qui lui ont permis, peut-être en toute illégalité, d'intervenir non seulement auprès des familles, mais aussi face aux groupes qui se révoltaient à l'automne 2005. Vous banalisez sa fonction, en en faisant un maillon de la chaîne pénale, ce qui lui fera perdre toute l'autorité morale qu'il possédait. En réalité, c'est une perte de pouvoir qui en résultera. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, sur l'article.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Cela fait des années et des années que la majorité, en particulier la majorité sénatoriale, réclame qu'un rôle soit donné en la matière aux maires.
Si c'était une si bonne idée, pourquoi ne l'a-t-on pas mise en musique plus tôt ? On continue d'en parler pour une raison simple, par démagogie à l'égard des maires. Mais, pour toutes les raisons qui viennent d'être exposées par mes collègues, c'est leur faire un cadeau empoisonné.
Tout d'abord, cette disposition est illogique parce que les communes sont différentes. Dans de nombreux cas, ce sera le maire qui fera ce rappel à l'ordre, dans d'autres, ce pourra être n'importe qui. Monsieur le ministre, il faut que vous nous précisiez ce que vous entendez par « son représentant désigné ». Le fait de traiter différemment les personnes suivant l'importance de la commune constitue une inégalité importante devant la loi, ce qui représente un premier obstacle d'ordre constitutionnel.
Ce cadeau est empoisonné, car certains maires recourront à cette possibilité, tandis que d'autres ne le feront pas, lorsqu'il s'agira d'un délit, par exemple.
Aux termes de l'article 8, dont la rédaction est très générale, le maire ou son représentant désigné peuvent faire un rappel à l'ordre « lorsque des faits sont susceptibles de porter atteinte au bon ordre ». Il n'est pas précisé si c'est dans le cadre d'une infraction ou d'une simple contravention. Il suffit donc que les faits soient susceptibles de porter atteinte au bon ordre.
Or le maire qui ne fera pas ce rappel à l'ordre, prévu par la loi, pourra très rapidement voir sa responsabilité mise en cause. Il est bien évident que, dans les toutes petites communes, le maire connaît tous les habitants et a déjà la possibilité, s'il le souhaite, de « remonter les bretelles » aux jeunes - bien que ceux-ci n'en portent plus depuis longtemps ! (Sourires.) -, car on lui a justement toujours reconnu cette autorité morale pour le faire.
Si le jeune recommence et s'il est fait appel aux services municipaux, comment fera-t-on ? Vu le nombre de fichiers qui existent déjà, très rapidement, on nous en proposera un autre pour savoir qui a été rappelé à l'ordre et combien de fois il l'a été.
Personne ne s'intéresse à ce texte, pas même la presse, car personne ne croit qu'il pourra entrer en application avant la fin de cette législature. Alors le groupe socialiste pourrait avoir la tentation de laisser faire, d'autant qu'il connaît la majorité sénatoriale, qui, surtout lorsqu'elle n'est pas présente, vote, comme le Gouvernement le lui a demandé. Mais telle n'est pas notre volonté, car nous avons une conscience professionnelle au nom de laquelle nous nous devons de dire que ce texte nous heurte beaucoup et pourquoi il nous heurte. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne, sur l'article.
M. Yves Détraigne. Monsieur le ministre, nous souhaitons vous demander quelques précisions sur les raisons qui fondent l'article 8, tendant à introduire dans le code général des collectivités territoriales le rappel à l'ordre par les maires, une procédure qui est déjà souvent, et même spontanément, pratiquée, comme mes collègues viennent de le souligner.
Si un certain nombre de maires ont été rappelés à l'ordre par le procureur de la République, c'était plus parce qu'ils étaient allés au-delà du coup de semonce et avaient condamné d'eux-mêmes le jeune à procéder à la réparation du dommage que parce qu'ils l'avaient reçu. Dès lors, est-il bien utile d'inscrire dans la loi une mesure qui est déjà spontanément mise en oeuvre ?
Par ailleurs, dans certains cas, le jeune qui se retrouverait devant la justice, ou son conseil, ne risque-t-il pas d'alléguer le fait que le maire ne l'a pas rappelé à l'ordre, comme la loi lui en donnera désormais la possibilité ?
Nous nous interrogeons donc sur l'opportunité d'inscrire ce rappel à l'ordre dans la loi.
En outre, la loi prévoit déjà le « rappel à la loi », ce qui est une bonne chose. Le procureur de la République, ou, plus généralement, le délégué du procureur, reçoit les jeunes qui sont précisément visés par l'article 8 du projet de loi pour les rappeler à l'ordre.
En prévoyant deux procédures, ne risque-t-on pas de créer une confusion, le maire ne sachant pas si c'est à lui ou au procureur de la République d'intervenir ? Je tenais également à vous alerter sur cette crainte, monsieur le ministre.
Enfin, nous nous interrogeons sur la manière dont est rédigé l'article 8. Il est prévu que le rappel à l'ordre du jeune se fera en présence de ses parents ou de ses représentants légaux. S'agissant d'un mineur, la présence d'un adulte me semble certes légitime. Toutefois - et je ne pense pas être le seul à l'avoir vécue -, l'expérience m'a montré que la présence des parents n'est pas toujours bénéfique.
Sans vouloir allonger le débat, je vous livrerai une petite anecdote. Il y a quelques années, dans ma commune, lors d'un transport scolaire un élève s'est amusé à couper les cheveux de sa voisine. À leur arrivée au collège, le principal m'a alerté, en tant que maire, et nous sommes convenus de convoquer l'élève avec ses parents. Bien mal nous en a pris ! Avant même que nous n'ayons expliqué aux parents ce qui s'était passé et que nous n'ayons commencé notre leçon de morale, les parents nous disaient déjà qu'il était impossible que leur fils soit en cause, car personne n'avait jamais eu à se plaindre de lui. Il était, selon eux, victime d'un coup monté. Le visage de l'élève s'épanouissait au fur et à mesure que ses parents nous contraient. Franchement, ce rappel à l'ordre est tombé complètement à plat ; il a même eu un effet contraire.
C'est la raison pour laquelle nous nous demandons si le fait de prévoir la présence systématique des parents ou des représentants légaux est judicieux, même si nous comprenons le fait que les mineurs doivent être accompagnés d'un parent.
Telles sont, monsieur le ministre, les questions que nous nous posons.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Tous ceux qui ont eu à connaître des situations prévues par l'article 8 se sont interrogés, car il ne faut absolument pas que le maire soit le premier maillon de la chaîne judiciaire. Un certain nombre d'amendements qui visent à judiciariser la procédure tendent à faire exactement le contraire de ce qu'il faut faire.
M. le rapporteur a reçu de nombreuses associations, dont l'Association des maires de grandes villes de France et l'AMF, l'Association des maires de France. Nombre d'entre eux ont souhaité que cette disposition soit inscrite dans la loi. C'est donc une possibilité que nous offrons ; chaque maire l'utilisera avec précaution s'il le souhaite.
L'exemple des transports scolaires que vous avez cité, monsieur Détraigne, vise précisément le rappel à l'ordre et rien d'autre. Certaines autorités judiciaires ayant formulé un certain nombre d'observations, il me semble aujourd'hui indispensable d'inscrire ce possible rappel à l'ordre dans la loi.
Je rappelle qu'il ne s'agit pas là de viser une infraction pénale, délit ou crime, car le maire, en sa qualité d'autorité constituée, s'il a connaissance de crimes ou de délits, doit en informer le procureur de la République. Ce sont les termes de l'article 40 du code de procédure pénale, jusqu'à preuve du contraire. L'article 8 du projet de loi concerne toutes les incivilités et d'ailleurs ne vise pas que les jeunes.
Certes, la situation est différente selon qu'il s'agit d'une grande ville ou d'une petite commune. Lorsque l'on a le privilège d'être maire d'une petite commune, on peut, il est vrai, rappeler à l'ordre un certain nombre de concitoyens. Alors que j'ai longtemps été réticent à cette idée, il me semble aujourd'hui indispensable de sécuriser juridiquement les maires. N'en faisons pas une montagne !
Vous prétendez, mes chers collègues, que le maire pourrait être poursuivi s'il ne fait pas de rappel à l'ordre. Bien sûr que non, puisque cette procédure ne relève pas de l'ordre judiciaire ! Cette mesure n'a rien à voir avec les pouvoirs de police judiciaire du maire. Il n'est donc pas indispensable d'apporter cette précision, comme le souhaitait l'Association des maires de France
Franchement, mes chers collègues, connaissez-vous un maire qui ait pu exercer sa fonction d'officier de police judiciaire ?
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Il n'a pas d'agrément !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Il n'a pas besoin d'être agréé. De toute façon, cette fonction est une coquille vide. Tout ce que le maire peut faire, c'est dénoncer les crimes et les délits dont il a connaissance.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Comme tous les citoyens !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Non ! Les citoyens ne doivent dénoncer que les crimes. Les autorités publiques doivent également dénoncer les délits.
Dès lors que le maire est une autorité morale, il me paraît utile de préciser dans la loi qu'il peut faire un rappel à l'ordre, afin que personne ne puisse contester ce fait.
En revanche, je vous rejoins, monsieur Détraigne, sur la question de savoir si les parents doivent être présents.
Je ne comprends pas les critiques qui ont été émises sur l'article 8. Je le répète, les représentants de l'Association des maires de France et de l'Association des maires de grandes villes de France avec lesquels nous avons dialogué étaient d'accord avec cette disposition. (Non ! sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Claude Peyronnet. Qui le fait à Marseille ?
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ce sera au maire de dire qui le représentera ! Dans les grandes villes, il y a tout de même, mes chers collègues, beaucoup d'élus ! Le maire a donc la possibilité de déléguer cette mission à des élus de son choix.
M. Jean Desessard. Il y a beaucoup de problèmes dans les bus à Marseille !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Des poursuites sont-elles engagées ?
M. le président. Vous n'allez pas me prendre en otage toute la matinée ! (Sourires.)
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Telles sont les observations que je tenais à faire sur l'article 8.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales, rapporteur pour avis. Les difficultés auxquelles viennent de faire allusion tant M. Yves Détraigne que les membres du groupe socialiste ont également été évoquées en commission des affaires sociales.
Notre plus grande crainte a été que le maire ne soit carrément harcelé par ses concitoyens. En effet, à partir du moment où, ayant un support légal, ce rappel à l'ordre sera officialisé, le maire risque d'être sous la pression de ses concitoyens, qui lui demanderont pourquoi il ne procède pas à un rappel à l'ordre...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Absolument !
M. Nicolas About, rapporteur pour avis. ... des jeunes, des adultes, qui perturbent leur vie quotidienne.
M. Jean Desessard. Un shérif !
M. Nicolas About, rapporteur pour avis. Non, il ne deviendra pas un shérif ! Mais, même s'il ne s'agit que d'une possibilité, il se trouvera contraint plus qu'aujourd'hui - cela deviendra une quasi-obligation - de faire des rappels à l'ordre sous la pression de ses concitoyens et aussi sous la pression électorale.
Le risque de judiciarisation, qui a été évoqué, nous a aussi quelque peu inquiétés en commission des affaires sociales. En effet, après des rappels à l'ordre, la victime d'une affaire pourrait très bien, par exemple, demander que le maire soit cité comme témoin. Même si ces rappels ne sont que prononcés verbalement, ils seront petit à petit connus. Le maire lui-même dira qu'il a déjà procédé à des rappels à l'ordre sur telle affaire. On ne pourra donc pas éviter ce risque de voir les élus cités comme témoins.
Cela nous avait amenés à déposer un amendement non pour interdire le rappel à l'ordre, mais afin de marquer notre préférence pour que le maire agisse en quelque sorte en bon père de famille, et sans donner à cette action une très grande publicité. Je me suis laissé convaincre de retirer un tel amendement, afin que le rappel à l'ordre ait toutes les chances de remplir sa mission.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Dommage !
M. Nicolas About, rapporteur pour avis. Je reste toutefois extrêmement prudent sur l'avenir même de cette procédure.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Brice Hortefeux, ministre délégué aux collectivités territoriales. Je remercie tout d'abord le président Hyest d'avoir très brillamment résumé l'esprit de la mesure que nous proposons aujourd'hui. Je remercie également le président About d'avoir précisé les raisons qui ont amené la commission des affaires sociales, au terme d'un débat approfondi, à accepter l'article 8.
Face à la délinquance, tant celle des mineurs que celle des majeurs - car, comme l'a expliqué le président Hyest, la délinquance n'est pas simplement le fait des jeunes -, le rappel à l'ordre doit permettre, s'il est prononcé le plus tôt possible, de faire prendre conscience à l'auteur d'une incivilité des conséquences de son acte et aussi des risques qu'il encourt lui-même.
En réalité, nous voulons très concrètement - cela a été compris sur tous les bancs -, donner une base législative au pouvoir qu'a le maire de « remonter les bretelles » - comme l'a écrit M. Jean-René Lecerf dans son rapport et comme l'a rappelé M. Dreyfus-Schmidt avec une pointe d'interrogation - d'un habitant de sa commune qui commettrait une incivilité.
Par conséquent, il ne s'agit pas - je le répète afin qu'il n'y ait aucune ambiguïté - de transformer le maire en shérif ou en procureur amateur, car il ne serait précisément qu'un amateur. Le rappel à l'ordre n'est en aucun cas une mesure juridictionnelle et ne doit pas le devenir. De plus, il sera très souple et restera verbal.
Monsieur Peyronnet, comme cela a été précisé à l'occasion des longs débats qui ont eu lieu au Conseil d'État, cette procédure relève en réalité de la police administrative, donc la police dite générale. Le maire n'intervient aucunement en qualité d'officier de police judiciaire. Il intervient comme autorité ayant un pouvoir de police administrative, qui est une police de prévention.
Monsieur Dreyfus-Schmidt, dans les villes moyennes ou grandes, ce seront les adjoints aux maires ou les membres du conseil municipal titulaires d'une délégation qui pratiqueront le rappel à l'ordre. Cela est prévu dans le texte, puisque l'article 8 fait expressément référence au représentant du maire.
Je voudrais maintenant rassurer M. Yves Détraigne.
Le fait d'inscrire dans la loi le rappel à l'ordre donnera au maire - et c'est l'objectif recherché - une assise qui le confortera dans des pratiques qui n'avaient jusqu'alors aucun fondement juridique explicite. Le rappel à la loi exercé par le procureur est, vous le savez, tout à fait distinct, puisqu'il est dans le champ judiciaire. Celui qui est exercé par le maire intervient bien en amont.
Telles sont, monsieur le président, les précisions que je tenais à apporter en réponse aux différents intervenants sur l'article 8.
M. le président. Sur l'article 8, je suis saisi de six amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les trois premiers sont identiques.
L'amendement n° 116 rectifié est présenté par Mme Gourault, M. Détraigne, Mme Létard et les membres du groupe Union centriste - UDF.
L'amendement n°187 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen
L'amendement n° 255 est présenté par MM. Peyronnet, Godefroy, Badinter, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mahéas et Sueur, Mme Campion, MM. Cazeau et Domeizel, Mmes Demontès et Jarraud-Vergnolle, M. Michel, Mme Schillinger, MM. Guérini, Lagauche, Madec, Mélenchon, Mermaz et Ries, Mmes Tasca, Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Yves Détraigne, pour présenter l'amendement n° 116 rectifié.
M. Yves Détraigne. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour défendre l'amendement n° 187.
Mme Éliane Assassi. Je ferai deux remarques sur l'article 8.
Tout d'abord, personne n'est dupe. Le rappel à l'ordre est destiné essentiellement aux mineurs, tant la philosophie de ce texte est axée sur la délinquance de ces derniers. C'est si vrai que, dans l'exposé des motifs du projet de loi, pour décrire les dispositions de l'article 8, il n'est fait référence qu'aux mineurs, alors que le texte a une vocation générale. C'est d'ailleurs au début de l'exposé des motifs que nous trouvons le fondement d'un tel article : « Il convient d'apprendre aux enfants, dès le plus jeune âge, pourquoi il existe des règles indispensables à la vie en société et pourquoi il est impératif de les respecter. »
L'article 8 est très moralisateur. Non seulement il donne au maire un rôle de père fouettard peu approprié, mais encore il peut placer ce dernier dans une situation délicate au regard de la loi ou encore de la pression de la population de sa commune.
Par ailleurs, cet article organise une confusion des pouvoirs entre l'autorité judiciaire et l'autorité municipale. Ce rappel à l'ordre ressemble étrangement au rappel à la loi que peut prononcer le procureur. Cette nouvelle prérogative empiète donc sur les pouvoirs de l'autorité judiciaire et ce n'est malheureusement pas la première fois que cela se produit.
En effet, à l'article 51 de la loi sur l'égalité des chances, il est inséré dans le code pénal un article 44-1, qui précise entre autres que : « le maire peut, tant que l'action publique n'a pas été mise en mouvement, proposer au contrevenant une transaction consistant en la réparation de ce préjudice. » Mais le maire a-t-il vraiment vocation à se transformer en délégué du procureur ? La question mérite d'être posée au regard des multiples dispositions allant dans ce sens.
Un autre argument a toute son importance : ce n'est pas la même chose que de se faire rappeler à l'ordre dans le bureau du maire ou dans le bureau du procureur. Il existe une certaine solennité à se trouver face à un magistrat. Le rappel à l'ordre qui est prévu dans le texte n'aura pas ce caractère solennel. De plus, il tend même, me semble-t-il, à discréditer l'action de la justice.
Je suis d'accord avec le président de la commission des lois, M. Hyest : veillons à ce que le maire ne devienne pas le premier maillon de la chaîne judiciaire. Sans faire une montagne de cet article 8 - là n'est pas la question -, il me semble que, une fois encore, l'État se désengage de ses responsabilités régaliennes à l'échelon local, responsabilités qui vont, en l'occurrence, reposer sur le maire.
Telles sont les raisons pour lesquelles, logiquement, nous demandons la suppression de cet article.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour défendre l'amendement n° 255.
M. Jean-Pierre Sueur. Le débat a déjà été bien approfondi et, après avoir écouté les uns et les autres, nous considérons vraiment que cet article est soit inutile, soit ambigu.
Monsieur le ministre, cet article, avez-vous dit, s'appliquerait à des faits susceptibles de porter atteinte au bon ordre, à la sûreté, à la sécurité ou à la salubrité publique, et ne relevant que du pouvoir de police administrative. C'est une conception assez étrange !
Nous connaissons bien les maires de ce pays ; j'ai moi-même eu l'honneur d'exercer cette fonction un certain temps. Nous savons bien qu'étant tous les jours sur le terrain ils sont les premiers à intervenir lorsque des événements sont susceptibles de poser problème, voire de déclencher la violence. Ils le font depuis longtemps et peut-être même plus que par le passé. Ils bénéficient d'une autorité naturelle qui tient à leur statut de maire. Ils interviennent non pas en tant que représentant de l'ordre judiciaire, mais en tant qu'élu représentant leur population. Pourquoi ne pas continuer ainsi ?
Monsieur le ministre, la procédure de rappel à l'ordre relève, avez-vous dit, des pouvoirs de police administrative du maire. Mais ces pouvoirs sont d'ores et déjà définis par les textes. Je ne crois pas qu'il faille ajouter cet article 8, qui est inutile au regard des textes et de la réalité concrète du travail des maires, dont nous avons tous à nous féliciter dans cette République.
De plus, cet article est ambigu, car il fait du maire un maillon dans la chaîne judiciaire, jetant ainsi confusion avec l'article 41-1 du code de procédure pénale, qui institue le rappel à la loi relevant du procureur de la République. De plus, l'article 8 met en cause le principe fondamental de la légalité des délits et des peines.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous proposons la suppression de cet article.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Très bien !
M. le président. L'amendement n° 137 rectifié, présenté par MM. Hérisson, Jarlier, Girod et Houel, est ainsi libellé :
Au début du premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 2212-2-1 du code général des collectivités territoriales, ajouter les mots :
Dans le respect de la compétence des services de la justice et de la police judiciaire,
et, dans la même phrase, remplacer le mot :
verbalement
par les mots :
par tout moyen
La parole est à M. Michel Houel.
M. Michel Houel. Le texte donne la possibilité au maire de procéder à un rappel à l'ordre. Cette mesure consiste à informer une personne des sanctions juridiques qui lui sont opposables lorsqu'elle a été à l'origine de faits susceptibles de porter atteinte au bon ordre, à la sûreté, à la sécurité ou à la salubrité publiques.
M. le président. L'amendement n° 18, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Dans le second alinéa du texte proposé par cet article pour insérer un article L. 2212-2-1 dans le code général des collectivités territoriales, remplacer les mots :
dans la mesure du possible
par les mots :
sauf impossibilité
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Nous souhaitons que les parents soient présents lors du rappel à l'ordre, sauf impossibilité, et non « dans la mesure du possible », comme le précise le texte. Cela renforce l'obligation pour les parents d'être présents. Ce faisant, nous nous éloignons effectivement de l'argumentation de M. Yves Détraigne, mais il s'agit d'une demande majoritaire des membres de la commission des lois et aussi, je crois, de la commission des affaires sociales. C'est d'ailleurs à M. Jean-Pierre Godefroy, pour ne pas le nommer, que nous devons cet amendement.
Pour le mineur - puisque, dans ce cas de figure, il ne s'agit bien évidemment que des mineurs -, le rappel à l'ordre fait en présence des parents aura, nous semble-t-il, une influence beaucoup plus grande et donc des effets beaucoup plus positifs.
M. le président. L'amendement n° 18 est assorti d'un sous-amendement n° 330, présenté par M. Détraigne, et ainsi libellé :
Complétez le texte de l'amendement n° 18 par les mots :
en présence de ses parents, de ses représentants légaux ou d'une personne exerçant une responsabilité éducative à l'égard de ce mineur.
La parole est à M. Yves Détraigne.
M. Yves Détraigne. Ce sous-amendement complète l'amendement de la commission.
Comme je l'ai expliqué tout à l'heure, la présence des parents peut, parfois, poser plus de problèmes qu'elle n'en réglerait. C'est pourquoi je propose que le maire ait le choix de faire venir soit les parents, soit leurs représentants légaux ou une personne exerçant une responsabilité éducative à l'égard du mineur concerné. Cette plus grande souplesse permet au jeune, comme le veut la logique puisqu'il s'agit d'un mineur, d'être assisté par un adulte. Dans certains cas, c'est aussi un moyen d'éviter de faire entrer le loup dans la bergerie.
M. le président. L'amendement n° 303, présenté par MM. Gournac et Carle, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par cet article pour l'article L. 2212-2-1 du code général des collectivités territoriales par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque le maire procède à un rappel à l'ordre, il en informe le procureur de la République. »
La parole est à M. Jean-Claude Carle.
M. Jean-Claude Carle. Cet amendement a un double objet. D'une part, il vise à l'information réciproque des différents acteurs qui concourent au bon fonctionnement de la chaîne de prévention, dans la lutte contre la délinquance. D'autre part, il vise à renforcer la portée du rappel à l'ordre, dont le procureur doit être informé bien qu'il ne s'agisse certes pas d'une mesure préjuridictionnelle.
Cette information, connue du mineur, donnera plus de solennité et d'efficacité au rappel à l'ordre.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Je n'insisterai pas sur les trois amendements de suppression puisque la majorité de la commission des lois se retrouve complètement dans les propos tenus par le président Hyest.
Je ne comprends pas l'hostilité que suscite cette procédure du rappel à l'ordre, pas plus que ne la comprendraient les maires que j'ai reçus longuement lors de la préparation de ce débat, qu'ils soient élus de grandes villes ou élus de petites communes. Il est cependant exact que l'opinion s'est fait jour parmi eux que la procédure serait peut-être plus efficace dans les petites et moyennes communes que dans les très grandes communes.
La France compte 36 500 maires. Nous nous accordons tous à dire que c'est une chance considérable pour notre pays. Aussi, je ne comprends pas que certains se refusent à utiliser davantage ce potentiel, ainsi que cela nous est proposé.
Les maires nous ont dit qu'ils ne souhaitaient pas entrer dans la mêlée, et ce afin de préserver leur autorité morale. Sur ce point, leurs propos rejoignent ceux qu'ont tenus certains de nos collègues, notamment dans l'opposition. Mais ils voulaient dire par là qu'ils ne souhaitaient pas être le premier maillon de la chaîne pénale. De fait, nous serons très vigilants à ce que le maire ne le soit pas.
Pour le reste, 80 % d'entre eux nous ont affirmé que lorsqu'ils se livraient en quelque sorte à une réprimande, les effets en étaient particulièrement intéressants et efficaces dans la mesure où le mineur ou la personne qui en faisaient l'objet se conformaient davantage aux règles de la vie en société.
Nous nous plaignons constamment de certaines faiblesses de la justice pour les mineurs. Nous déplorons en particulier que, après qu'il eut bénéficié de décisions particulièrement indulgentes à la suite de ses premières infractions, un jeune puisse être condamné à une peine bien plus lourde. En l'espèce, le jeune ne comprend pas pourquoi, après s'être permis pendant un certain temps tel ou tel comportement, il se voit infliger plus tard pour le même comportement, une peine particulièrement lourde, dénuée de tout caractère pédagogique.
Le rappel à l'ordre permettra tout simplement au maire, dans une atmosphère qui restera très largement familiale et paternelle, de rappeler qu'il existe des règles en société et des limites à ne pas franchir.
Ayant été maire d'une commune de 40 000 habitants, j'ai souvent eu recours à cette procédure. Si je n'y ai pas eu davantage recours, la raison en est que je me suis moi-même fait rappeler à l'ordre par le procureur. Le présent texte a donc toute sa justification.
S'agissant de l'amendement n° 137 rectifié de M. Houel, la commission a émis un avis défavorable. Permettre de procéder au rappel à l'ordre par tout moyen ouvrirait la possibilité que celui-ci se fasse par écrit. Or il s'en trouverait formalisé et le risque, même s'il est mineur, serait de le transformer une procédure préjuridictionnelle organisée. Nous souhaitons au contraire qu'elle soit totalement déjudiciarisée.
En revanche, je suis tout à fait favorable au sous-amendement n° 330 de M. Détraigne, et ce à titre personnel puisque la commission ne l'a pas examiné. C'est la raison pour laquelle, monsieur le président, je propose à M. Détraigne d'intégrer son sous-amendement dans l'amendement n° 18 de la commission des lois. Le rappel à l'ordre des mineurs se ferait, sauf impossibilité, en présence des parents du mineur, de ses représentants légaux ou, à défaut, d'une personne exerçant une responsabilité éducative à l'égard de ce mineur. La présence des parents deviendrait ainsi la règle et leur suppléance par la personne exerçant une responsabilité éducative à l'égard du mineur ne serait possible que dans des hypothèses particulièrement aisées à imaginer.
M. le président. Monsieur Détraigne, acceptez-vous la proposition de M. le rapporteur ?
M. Yves Détraigne. Oui, monsieur le président, et je retire mon sous-amendement.
M. le président. Le sous-amendement n° 330 est retiré.
Je suis donc saisi d'un amendement n° 18 rectifié, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, et ainsi libellé :
Après le mot : « intervient, », rédiger comme suit la fin du second alinéa du texte proposé par cet article pour insérer un article L. 2212-2-1 dans le code général des collectivités territoriales :
« sauf impossibilité, en présence de ses parents, de ses représentants légaux ou, à défaut, d'une personne exerçant une responsabilité éducative à l'égard de ce mineur. »
Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. La commission est défavorable à l'amendement n° 303, présenté par M. Carle. À partir du moment où il est prévu que le procureur sera informé, on entre dans le premier maillon de la chaîne judiciaire. À l'instar de l'ensemble des orateurs qui se sont exprimés jusqu'à présent, nous souhaitons à tout prix l'éviter.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Brice Hortefeux, ministre délégué. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur les amendements de suppression n°s 116 rectifié, 187 et 255, pour les raisons que j'ai déjà évoquées et qu'a rappelées M. le rapporteur.
Concernant l'amendement n° 137 rectifié de M. Houel, je rejoins M. le rapporteur, qui a émis un avis défavorable. À l'évidence, il faut maintenir son caractère verbal au rappel à l'ordre, qui ne doit pas s'apparenter à un acte juridictionnel.
S'agissant de l'amendement n° 18 rectifié, la présence des parents ou des représentants légaux est utile pour que le mineur rappelé à l'ordre, mais aussi ses parents, prennent conscience des conséquences des incivilités qui ont été commises et de la nécessité de ne pas persévérer et de ne pas les renouveler. Cette présence doit être requise sauf impossibilité.
Je ne verrais d'ailleurs que des avantages à ce que soit présente, à défaut, une personne exerçant une responsabilité éducative à l'égard du mineur, à savoir un professeur ou un éducateur sportif.
C'est pourquoi le Gouvernement était favorable au sous-amendement présenté par M. Détraigne, avant qu'il ne le retire.
Enfin, le maire doit-il informer le procureur lorsqu'il met en oeuvre un rappel à l'ordre, ainsi que le prévoit l'amendement n° 303 ? C'est une vraie question, qu'il est utile de se poser. Le Gouvernement ne le croit pas, car il convient de ne pas judiciariser la mesure, qui se situe en amont de la procédure juridictionnelle. Aussi, monsieur Carle, le Gouvernement émet un avis défavorable sur votre amendement.
M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne, pour explication de vote.
M. Yves Détraigne. Je tiens à préciser à M. le rapporteur que mon groupe n'est pas opposé au rappel à l'ordre en tant que tel. Nous nous interrogions simplement sur le bien-fondé de l'inscription dans la loi de cette procédure dans la mesure où elle est déjà pratiquée.
Cela étant, compte tenu des réponses qui m'ont été apportées tant par le ministre que par le président de la commission des lois et par le président de la commission des affaires sociales, dans la mesure, en outre, où cette procédure a été recadrée, notamment dans son articulation avec le rappel à la loi, je retire mon amendement.
M. le président. L'amendement n° 116 rectifié est retiré.
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je m'étonne - c'est une clause de style - que, devant les problèmes soulevés, certes plus par l'opposition que par la majorité, cet article ne rende pas nos collègues de la majorité plus dubitatifs quant à son bien-fondé.
D'une part, cet article est totalement inutile, et là je rejoins notre collègue Jean-Pierre Sueur. Car le maire, en raison de son statut et en tant qu'officier de police judiciaire, peut faire des rappels à l'ordre à ses administrés, notamment aux jeunes puisque cet article ne concerne que les mineurs. Remonter les bretelles aux majeurs soulève d'autres problèmes.
Dans les petites communes, le maire peut s'adresser aux familles, surtout quand il les connaît. En revanche, dans les villes relativement peuplées - je ne parle même pas de la capitale -, le maire délègue, ce qui pose problème.
D'autre part, vous le savez pertinemment, bien que vous fassiez les naïfs, ce que vous n'êtes pas, cet article est dangereux, car il incombera désormais aux maires de procéder à ces rappels à l'ordre, qui ne sont rien d'autre que des rappels à la loi, quoi que vous disiez. Dès lors, il pourra lui être reproché de s'être abstenu de le faire. Et par qui ?
Que vous le vouliez ou non, les pouvoirs du maire s'en trouveront judiciarisés, d'une part, parce que sa responsabilité sera engagée s'il s'abstient, d'autre part, parce que le rappel à l'ordre constitue le premier maillon d'une procédure judiciaire.
De plus, l'attitude du maire diffèrera selon son électorat, selon sa couleur politique, selon ses convictions à l'égard des jeunes - est-il convaincu par le déterminisme des comportements ? -, selon la géographie, selon l'adjoint qu'il aura désigné. Tout cela est confus au possible.
À cet égard, monsieur le rapporteur, vous m'avez fait rire avec ce rappel à l'ordre « paternel ».
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. J'en suis content !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. S'il est maternel, ce n'est pas la même chose !
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. J'ai utilisé les adjectifs « familial » et « paternel » !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous oubliez que, depuis un certain temps, il y a des femmes élues, il y a des femmes maires. Un rappel à l'ordre paternel diffère d'un rappel à l'ordre maternel ! Ne rentrons pas dans ces espèces de discours moralisateurs du maire. Pourquoi pas les curés pendant qu'on y est ?
MM. Paul Blanc et Jean-Patrick Courtois. Parce qu'il n'y en a plus !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Le maire à la place du curé !
Le débat que nous avons maintenant montre bien que nous devons nous pencher plus à fond sur cet article 8. Les associations de maires sont plus dubitatives que vous le dites, et le sujet mérite une discussion approfondie avec ces derniers, car vous me semblez bien sûr de votre fait.
Pour ma part, j'estime que nous devons nous prononcer en conscience, par scrutin public, pour manifester notre opposition et dire aux maires : n'acceptez pas ce rôle que l'on veut vous faire jouer !
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Ils le font déjà !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. En tout cas, le fait que l'État se défausse ainsi de ses responsabilités sur les maires est inacceptable ! (Très bien ! sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Peyronnet. Je souscris tout à fait aux propos de Mme Borvo Cohen-Seat concernant le rôle du maire, que l'on veut placer dans un processus pénal. À cet égard, les associations d'élus ont été beaucoup plus nuancées et réservées que M. le rapporteur veut bien le dire.
Je suis toujours très préoccupé par la question de la délégation. Pour ma part, je souhaiterais que seuls des élus soient concernés et que cela figure dans la loi.
Mais faut-il toujours légiférer ? Ne risque-t-on pas, dans certains cas, d'atteindre le but inverse de celui que l'on s'est fixé ?
Je vais vous livrer une anecdote absolument véridique. Quand le petit Nicolas (Encore ! sur les travées de l'UMP) avait dix ans, à Neuilly, sur le chemin de l'école, il avait remarqué un cerisier magnifique dans un jardin. Il ne put résister, il escalada le mur, enjamba le grillage et prit une cerise. Comme il la trouva très bonne, il recommença le lendemain et prit deux cerises. Le propriétaire, qui n'était pas un mauvais homme - il s'agissait de M. Pasqua - appela le maire, et le petit Nicolas se fit « remonter les bretelles » ! (Sourires.)
M. Nicolas About, rapporteur pour avis. Il n'en avait pas !
M. Jean-Claude Peyronnet. Il est devenu par la suite un très bon citoyen, puisqu'il est aujourd'hui ministre de l'intérieur. (Nouveaux sourires.)
Pourra-t-on faire la même chose désormais ? Entrer chez autrui sans son autorisation pour voler une cerise, c'est un délit. Nous sommes d'accord ?
M. Nicolas About, rapporteur pour avis. Oui !
M. Jean-Claude Peyronnet. Le maire ne pourra donc plus intervenir. Autrement dit, ce qui était bénéfique - je pense aux procureurs qui fermaient les yeux sur les petites infractions - ne sera plus possible.
À tout vouloir réglementer et légiférer, vous aboutissez à des solutions inverses de celles que vous voudriez obtenir. Les maires se trouveront dans une situation extrêmement difficile parce qu'ils subiront la pression de leurs concitoyens pour prononcer ce rappel à l'ordre, tout en ayant moins d'autorité qu'auparavant.
M. le président. La parole est à M. Charles Guené, pour explication de vote.
M. Charles Guené. Je voudrais au contraire dire mon attachement à cet article 8, et ce pour plusieurs raisons.
D'une part, cet article consacre une pratique ancienne. Il faut le rappeler à ceux de nos collègues maires qui n'exercent pas cette mission.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous touchons du doigt la question !
M. Charles Guené. D'autre part, contrairement à ce que beaucoup semblent penser dans l'opposition, pour avoir exercé cette noble tâche depuis environ vingt-cinq ans, je sais que, lorsque le maire n'exerce pas ce rôle, ses concitoyens se demandent : « Mais que fait le maire ? ».
M. Paul Blanc. Exactement !
M. Charles Guené. Il est important qu'un article du projet de loi consacre ce rôle de police administrative du maire et pose des limites à l'exercice de ses fonctions. Devant une judiciarisation de notre société, il est important que l'on sache que le maire agit dans le cadre de sa mission.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Vous avez mis quatre ans à trouver cela !
M. Charles Guené. Il n'est jamais trop tard pour bien faire !
M. le président. La parole est à M. Paul Blanc, pour explication de vote.
M. Paul Blanc. Mon intervention ira dans le même sens que celle de M. Charles Guené. En tant que maire d'une toute petite commune, je me suis parfois trouvé dans une situation qui exigeait manifestement un rappel à l'ordre.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous ne l'avez pas fait ?
M. Paul Blanc. Je n'avais absolument aucun moyen juridique pour intervenir auprès de la famille. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'exclame.) Eh oui, que vous le vouliez ou non, quand quelqu'un vous demande de quel droit vous convoquez son fils, vous vous trouvez un peu désarmé !
S'agissant de l'amendement n° 18 rectifié, je dirai que la présence des parents me paraît être un devoir, et ce pour une raison très simple : si des dégradations sont commises lors de l'infraction, c'est l'assurance des parents qui est sollicitée. Il faut donc bien faire comprendre aux parents que, en raison du délit qui aura été commis,...
M. Nicolas About, rapporteur pour avis. Il ne s'agit pas des délits, mais des « incivilités » !
M. Paul Blanc. ...c'est leur responsabilité civile qui sera en cause (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'exclame.) et qu'ils devront rembourser les frais.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Arrêtez !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 187 et 255.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 227 :
Nombre de votants | 327 |
Nombre de suffrages exprimés | 325 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 163 |
Pour l'adoption | 127 |
Contre | 198 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Monsieur Houel, l'amendement n° 137 rectifié est-il maintenu ?
M. Michel Houel. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 137 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 18 rectifié.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Monsieur Carle, l'amendement n° 303 est-il maintenu ?
M. Jean-Claude Carle. Comme je l'ai dit lors de sa présentation, mon amendement visait à améliorer l'information réciproque de tous les acteurs.
Cela étant, j'ai été sensible aux arguments invoqués à la fois par M. le rapporteur et par M. le ministre, notamment au risque d'alourdissement de la procédure, qui pourrait devenir de fait juridictionnelle. Dans ces conditions, je retire mon amendement.
M. le président. L'amendement n° 303 est retiré.
Je mets aux voix l'article 8, modifié.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 228 :
Nombre de votants | 329 |
Nombre de suffrages exprimés | 329 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 165 |
Pour l'adoption | 202 |
Contre | 127 |
Le Sénat a adopté.
Article additionnel après l'article 8
M. le président. L'amendement n° 296 rectifié bis, présenté par MM. Milon et Guené, est ainsi libellé :
Après l'article 8, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article L. 2213-24 du même code, il est inséré un article additionnel ainsi rédigé :
« Art. L. ... - Le maire peut, par arrêté motivé, interdire de rien jeter qui puisse endommager les passants ou causer des exhalaisons nuisibles ainsi que les dépôts, déversements, déjections, projections de toute matière ou objet de nature à nuire, en quelque manière que ce soit, à la sûreté ou à la commodité du passage ou à la propreté des rues, quais, places et voies publiques. »
La parole est à M. Alain Milon.
M. Alain Milon. Les maires et les élus municipaux sont de plus en plus souvent confrontés aux nouvelles formes d'incivilités que représentent les jets de bouteilles, de canettes, de divers cartons et emballages.
L'augmentation constante de ces déchets divers pose un problème non seulement de propreté et de nuisance, mais aussi de sécurité, chacun d'entre nous risquant d'être blessé par les bris de verre laissés sur une pelouse, un square ou un terrain de jeux.
Les collectivités locales se doivent de faire ramasser ces déchets, mais tout élu local sait combien il est difficile d'organiser des passages réguliers sur tous les sites où les contrevenants jettent négligemment des bouteilles vides, au mépris du danger que représentent les tessons de verre.
Cet amendement vise à permettre au maire de prendre un arrêté motivé interdisant les jets de cette nature, afin de faire respecter la sûreté ou la commodité du passage.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Tout en comprenant le souci des auteurs de l'amendement, la commission émet un avis défavorable.
En effet, les pouvoirs de police actuels du maire permettent déjà largement à ce dernier de remédier au type de situations visées par l'amendement. En particulier, l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales semble satisfaire à cet objectif de manière assez précise.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Brice Hortefeux, ministre délégué. Monsieur le sénateur, vous proposez que les maires puissent prendre des arrêtés visant à interdire le jet d'objets ou de produits susceptibles de porter atteinte à la tranquillité, à la sûreté et à la salubrité publiques.
Sur ce problème, qui est réel, je confirme, comme vient de le souligner M. le rapporteur, que le droit actuel satisfait votre préoccupation, puisque les actes que vous citez sont déjà pénalement sanctionnés pour la plupart.
Ensuite, je vous précise que, dans le dispositif actuel du projet de loi, le rappel à l'ordre est l'une des mesures susceptibles d'être utilisées.
Enfin, les pouvoirs de police administrative générale des maires permettent à ces derniers de prendre des mesures répondant à votre inquiétude concernant la sûreté, la tranquillité et la sécurité publiques, dès lors qu'elles sont proportionnées et nécessaires. Les principes généraux du droit ne permettant pas de prendre des arrêtés d'interdiction générale et absolue en la matière, la disposition que vous proposez, bien qu'intéressante, soulèverait un problème d'ordre constitutionnel.
Aussi, le Gouvernement sollicite le retrait de cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Alain Milon, pour explication de vote.
M. Alain Milon. Voilà quelques mois, j'avais posé une question orale sur la possibilité de mettre en place un service de consigne pour les canettes de bière. Le Gouvernement m'avait répondu que l'instauration d'un tel système était impossible. Aujourd'hui, il nous est à nouveau répondu que la disposition que nous proposons est impossible à appliquer. Je regrette que l'on ne puisse pas avancer plus vite.
M. le président. La parole est à M. Charles Guené, pour explication de vote.
M. Charles Guené. Sur ce sujet, j'avais également déposé un amendement que je n'ai malheureusement pas pu défendre.
Je souhaite, en effet, que nous examinions le problème des libations sur les places publiques et dans les rues, car elles sont la cause réelle des déchets évoqués. Il faut en revenir aux sources.
Les pouvoirs publics et le législateur doivent se pencher sur cette question, car les arrêtés ont un champ limité. On ne peut interdire aux jeunes - il s'agit souvent d'eux - de boire sur la voie publique. Il n'empêche que les déchets y sont ensuite abandonnés et que de tels comportements non seulement ne contribuent pas à l'épanouissement de l'individu, mais se révèlent préjudiciables à la collectivité du fait de l'accumulation des immondices.
Encore limité en France, ce phénomène a tendance à s'accroître, devenant même majeur dans certains pays comme l'Espagne, où l'ensemble des places et des squares sont littéralement couverts de bouteilles vides le lundi matin, ce qui nécessite l'envoi de camions d'enlèvement des ordures.
Il faudra, un jour, trouver la parade à ces pratiques, qui constituent un facteur important de délinquance.
M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Cet amendement soulève un très grand nombre d'interrogations.
Nous venons de comprendre qu'il vise essentiellement les bouteilles, ce qui aurait pu être mentionné.
En fait, ce texte va infiniment plus loin, puisqu'il y est question d'« exhalaisons nuisibles » : pourquoi ne pas employer le terme d'odeurs ? Il évoque également la « propreté des rues, quais, places et voies publiques » : pourquoi les trottoirs n'y figurent-ils pas ? Vient ensuite la mention : « les dépôts... de toute matière ». Les dépôts en banque sont-ils visés ? (Sourires.) Pour quelle raison les mégots ne sont-ils pas concernés au même titre que les bouteilles ?
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Je tiens à féliciter M. le ministre et à rendre hommage à son sens de la mesure et de l'euphémisme.
En effet, il n'a pas dit - mais peut-être l'a-t-il pensé ? - que cet amendement, s'il était adopté, permettrait à un maire d'interdire l'usage des bombes lacrymogènes, sachant qu'il s'agit là d'instruments qui sont incontestablement de nature à endommager les passants et à causer des exhalaisons nuisibles.
Tout cela nous montre bien qu'il faut faire très attention à toutes les implications des textes dont nous discutons.
M. le président. Monsieur Milon, l'amendement n° 296 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Alain Milon. Non, monsieur le président, je le retire.
Je précise simplement que le terme « exhalaisons nuisibles » figure dans la loi n° 2001-1062 du 15 novembre 2001.
M. le président. L'amendement n° 296 rectifié bis est retiré.
Articles additionnels avant l'article 9
M. le président. L'amendement n° 190, présenté par Mmes David, Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La dernière phrase du premier alinéa de l'article L. 111-1 du code de l'éducation est ainsi rédigée : « Il contribue, sous des formes appropriées à chaque discipline d'enseignement, ainsi qu'à l'organisation de la vie scolaire, à la lutte contre toutes les inégalités, notamment sociales, scolaires, à caractère raciste et sexiste. »
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. En guise d'introduction à la série d'amendements que nous avons déposés sur cet article concernant l'école, permettez-moi de citer un extrait des conclusions du rapport de la commission des lois. Après avoir souligné les progrès accomplis dans la lutte contre la délinquance, M. Lecerf relève que « les violences non crapuleuses - qui n'ont pas pour objet principal l'accaparement d'un bien - tendent à progresser fortement. Or, face à ce phénomène - poursuit-il - la réponse ne peut être seulement policière, mais doit aussi comporter un volet social et éducatif. » C'est une remarque à laquelle nous souscrivons pleinement.
Nous évoquons ce point à cet instant du débat, car l'article 9 est le seul article du projet de loi à aborder explicitement la question de l'école et à modifier le code de l'éducation.
Mais la réponse éducative attendue légitimement à travers des actes nouveaux et forts en faveur de l'école ne porte en rien sur l'éducation nationale. Aussi, notre série d'amendements vise à apporter cette réponse.
L'amendement n 190 tend à préciser, dans le code de l'éducation, que le service public de l'éducation nationale, à travers l'ensemble de ses activités, doit contribuer à la lutte contre toutes les formes de discriminations.
Il a donc un double objet :
Le premier consiste à préciser qu'au sein de l'école, institution par excellence de la République, il ne doit exister aucune discrimination. L'idéal de justice à l'école revêt trois formes principales : l'égalité d'accès, l'égalité de traitement et l'égalité des acquis.
Pourtant, les inégalités sociales ont des effets ravageurs au sein de l'école. La crise de l'école est l'un des facteurs de la crise de la société. Qui peut croire que cette situation est sans incidence sur la scolarité des élèves et sur leur devenir ?
Bien sûr, il est illusoire de croire que l'école peut, à elle seule, résorber les inégalités sociales. Mais dire qu'elle n'y peut rien est tout aussi dangereux.
Pour cette raison, nous préférons parler de lutte contre les inégalités. Cette dernière implique avant tout le principe de non-discrimination, selon lequel tous les individus ayant les capacités requises pour accomplir une tâche donnée disposent des mêmes possibilités pour y accéder.
Par non-discrimination, il faut entendre que le sexe, la nationalité ou l'origine sociale ne doivent jouer aucun rôle dans les possibilités de réussite scolaire. La connaissance ne doit pas n'être accessible qu'à certains.
Le second objet de cet amendement a trait à l'une des missions essentielles de l'école de la République, qui consiste à former des citoyens éclairés, dénués de tout préjugé.
Chacun s'accorde à dire que les discriminations sont le fruit des préjugés, des stéréotypes. L'éducation est donc essentielle pour lutter contre les idées reçues et combattre la discrimination. À l'évidence, au-delà de tous les autres acteurs publics et privés, l'école représente un levier essentiel pour lutter contre les discriminations. En cela, elle concourt activement à la prévention de la délinquance.
C'est pourquoi, mes chers collègues, je vous demande d'adopter cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Je suis sensible au fait que Mme David partage certaines des observations du rapport de la commission et je suis tout à fait en phase avec les intentions, compréhensibles et louables, des auteurs de l'amendement.
Cependant, la disposition proposée dépasse le cadre du projet de loi et sa valeur normative n'est pas évidente.
C'est la raison pour laquelle la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Brice Hortefeux, ministre délégué. Le Gouvernement partage l'avis de la commission. Il n'est pas favorable à l'inscription dans le code de l'éducation d'intentions sans portée normative.
Il émet donc un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. J'observe une contradiction évidente entre la position du rapporteur et celle du Gouvernement.
Le rapporteur affirme, prudemment, que la disposition est très bonne, mais qu'elle ne se rapporte pas au texte. Pourtant, à mes yeux, il est incontestable que la lutte contre l'exclusion à l'école est un moyen premier de lutter contre la délinquance de la jeunesse.
Le Gouvernement affirme, quant à lui, que la disposition n'a pas de portée normative et que, à ce titre, ce n'est pas la peine de l'écrire dans la loi. Je lui objecterai que bon nombre de dispositions pourraient être supprimées dans ce texte au motif qu'elles ne sont pas normatives ou n'emportent pas de sanctions, encore que ces dernières y soient nombreuses.
En ce qui nous concerne, nous voterons l'amendement n° 190.
M. le président. L'amendement n° 199, présenté par Mmes David, Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - L'article L. 111-4 du code de l'éducation est ainsi modifié :
1. Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :
« Les parents d'élèves participent, par leurs représentants, au conseil d'école, au conseil pédagogique, au conseil d'administration et au conseil de classe des établissements publics locaux d'enseignement. » ;
2. Il est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Un local de réunion est mis, dans chaque établissement scolaire, à la disposition des représentants élus des parents d'élèves. » ;
II. - Après l'article L. 111-5 du code de l'éducation, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. L. .... - Les élèves sont des citoyens en formation. Ils bénéficient du droit à la parole, de réunion, d'association et, dans les lycées, du droit à l'activité syndicale et politique.
« L'État reconnaît la place et le rôle des organisations représentatives des lycéens dans la représentation et la formation citoyenne des élèves. Il organise leur participation effective dans toutes les instances consultatives mises en place, du lycée jusqu'au niveau national. »
III. - Le premier alinéa de l'article L. 236-1 du code de l'éducation est ainsi rédigé :
« Les représentants des parents d'élèves dans les instances locales, départementales et régionales, académiques et nationales mentionnées dans le présent code bénéficient de l'application des dispositions de l'article L. 225-8 du code du travail et des textes réglementaires pris pour son application. »
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Cet amendement, comme le précédent, nous semble tout à fait fidèle à l'esprit du projet de loi puisqu'il y est bien question de prévention.
L'amendement n° 199 a pour objet, d'une part, de reconnaître les jeunes comme des citoyens en formation et, d'autre part, de renforcer les liens entre l'équipe éducative et les parents : nous avons beaucoup entendu parler jusqu'à présent de délits, de mauvaises actions, de parents démissionnaires ; nous vous proposons donc de rendre à chacun sa place dans l'école.
Pour les lycéens, l'enjeu est qu'ils puissent appréhender pleinement la démocratie à partir de l'exercice de la citoyenneté scolaire. Les organisations représentatives de lycéens existent, il conviendrait simplement de leur permettre de s'exprimer dans les établissements.
Pour rendre les élèves responsables, nous semble-t-il, il faut les rendre acteurs dans tous les aspects de la vie de l'école, et non pas seulement leur infliger une double peine, avec la note de vie scolaire introduite au collège par la loi Fillon !
Quant aux parents d'élèves, responsables premiers de l'éducation de leurs enfants, ils partagent leur mission éducative avec l'école et d'autres partenaires dans une « coéducation ». Ils peuvent en outre apporter leur connaissance de la réalité du milieu de vie de leur enfant et du monde économique, ainsi que d'importantes ressources en temps bénévole au profit d'activités d'accompagnement scolaire et d'activités périscolaires, et, plus largement, toute la richesse des savoirs de la vie...
Or si, par le biais de leurs représentants, ils participent à de nombreuses structures de consultation et sont associés à la politique et à la gestion du système scolaire, ils se heurtent à des conditions matérielles parfois dissuasives pour l'émergence de candidatures.
Au même titre que les personnels, les parents et les élèves doivent être des partenaires à part entière. Aussi faut-il leur donner les moyens d'un véritable soutien aux activités de représentation en ce qui concerne aussi bien les parents d'élèves que les élèves eux-mêmes.
Cet amendement vise donc à reconnaître officiellement leur rôle et à leur allouer plus nettement des moyens supplémentaires.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Cet amendement, qui traite des droits et des devoirs des parents d'élèves et des élèves - surtout de leurs droits, d'ailleurs - ne nous semble pas relever de ce projet de loi.
La commission a donc émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 189, présenté par Mmes David, Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Après l'article L. 122-7 du code de l'éducation, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. L. ... . - L'éducation physique et sportive et le sport scolaire et universitaire contribuent à la rénovation du système éducatif, à la lutte contre l'échec scolaire et à la réduction des inégalités sociales et culturelles.
« L'éducation physique et sportive, dont l'enseignement est obligatoire pour tous à tous les niveaux, joue un rôle fondamental dans la formation de l'élève et son épanouissement personnel. Elle concourt à l'éducation, à la santé et à la sécurité. Elle favorise l'accès à la culture des activités physiques, sportives et artistiques, à la citoyenneté par les pratiques qu'elle développe et la socialisation qu'elle permet. Son enseignement facilite la scolarisation des élèves handicapés grâce à des pratiques et épreuves adaptées. La participation aux associations sportives d'établissement contribue à l'apprentissage de la vie associative.
« Elle est prise en compte, pour tous les élèves, dans les examens du second degré. »
II. - En conséquence après le sixième alinéa de l'article L. 122-1-1 du code de l'éducation, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« - l'éducation physique et sportive. »
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Dans le même esprit que les amendements que vient de défendre Mme David, celui-ci a pour objet de proposer l'intégration, dans le socle commun, de l'éducation physique et sportive, aujourd'hui jugée non indispensable à l'éducation des jeunes par le ministre de l'éducation nationale. En effet, on le sait, le socle commun est actuellement dépourvu de cet enseignement.
Cette mise à l'écart nous paraît incompréhensible quand les bilans concernant la santé des jeunes, la progression de l'obésité, les inégalités d'accès à la culture sportive et artistique, particulièrement pour les jeunes filles, sont alarmants.
C'est ignorer que l'éducation physique est au coeur du développement personnel des jeunes et offre des leviers considérables d'éducation. C'est aussi nier son rôle spécifique et irremplaçable dans l'apprentissage de la citoyenneté, de la responsabilité, de la solidarité et, plus généralement, dans l'équilibre des rythmes scolaires.
En effet, l'ancrage de l'éducation physique et sportive dans l'école en fait l'un des vecteurs importants du respect d'autrui, de l'acceptation des différences. Le sport est souvent perçu et compris par les sportifs et par la population comme un facteur de rencontre sociale, de cohésion sociale, de paix sociale. En cela, n'est-il pas un outil précieux dans la prévention de la délinquance ?
Monsieur le ministre, je le répète, la marginalisation de l'éducation physique est incompréhensible au regard de ses enjeux. Aussi, je vous invite et j'invite mes collègues, par cet amendement, à ne pas tomber dans les contradictions et les incohérences entre la volonté qu'affiche le Gouvernement de réduire la fracture scolaire et de prévenir la délinquance, et les actions qu'il met en oeuvre pour y parvenir !
Parce que l'éducation physique est créatrice de liens sociaux au sein de l'école, elle participe à l'harmonie de la vie dans la collectivité.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Sans contredire sur le fond les propos de Mme Assassi, nous estimons que cet amendement, qui porte sur les bienfaits du sport à l'école, est purement déclaratoire et, à ce titre, ne relève pas du présent projet de loi. La commission a donc émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Brice Hortefeux, ministre délégué. Il émet le même avis que la commission, monsieur le président, malgré cette formulation aussi ambitieuse qu'inattendue selon laquelle l'éducation physique « concourt à l'éducation, à la santé et à la sécurité ». C'est bien le moins !
M. le président. L'amendement n° 191, présenté par Mmes David, Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article L. 122-7 du code de l'éducation, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. L. ... . - Le service public d'éducation contribue à la lutte contre toutes les formes de violences. À cet effet, les programmes d'enseignement, les activités complémentaires, post- et périscolaires, ainsi que la vie scolaire elle-même prennent en compte cette exigence tant dans leur organisation que dans leur contenu. »
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Cet amendement, comme les précédents et les suivants, va pleinement dans le sens de la prévention de la délinquance puisque l'école est l'un des lieux où l'on forme les jeunes.
Il a pour objet de préciser que l'école a vocation à transmettre des méthodes permettant la résolution pacifique et non violente des conflits pouvant survenir. Il a en effet beaucoup été question de violence, mais on ne fait apparemment rien pour y remédier !
Gérer des situations de crise, éviter qu'elles ne dégénèrent, répondre aux violences scolaires, ne s'improvise pas : cela s'inculque. Qui mieux que l'école peut l'enseigner ?
Cela est d'autant plus vrai que, aujourd'hui comme hier, les violences scolaires sont inacceptables. Or 82 000 actes de violence ont été recensés en 2005-2006. Si une politique de sanction de ces actes est nécessaire, il convient de l'accompagner en amont d'une formation des jeunes à la non-violence et à la paix leur permettant d'acquérir les connaissances nécessaires à un « mieux-vivre-ensemble » à l'école et hors de l'école.
Une telle formation, destinée aux jeunes et aux enseignants, permettrait donc de répondre aux difficultés récurrentes rencontrées dans un nombre croissant d'établissements scolaires en offrant aux élèves, aux collégiens, aux lycéens et aux équipes éducatives les connaissances dont ils ont besoin pour développer une culture de la non-violence et de la paix, nécessaire pour faire reculer les divers comportements violents, qu'ils soient racistes, sexistes ou d'un autre ordre.
En outre, cet amendement rendrait conforme la législation française à la résolution A/53/25 de l'ONU, qui « invite les États membres à prendre les mesures nécessaires pour que la pratique de la non-violence et de la paix soit enseignée à tous les niveaux de leurs sociétés respectives, y compris dans les établissements d'enseignement ».
Plutôt que d'offrir au chef d'établissement, à l'instar de ce qui se pratique en Grande-Bretagne, la possibilité de demander la permanence d'un policier ou d'un gendarme à l'intérieur de l'établissement, ainsi que le prévoit la circulaire interministérielle du 16 août 2006, nous préférons, quant à nous, faire de la prévention !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Cet amendement vise à prévoir que l'éducation nationale « contribue à la lutte contre toutes les formes de violences ». Nous sommes donc bien dans le thème du projet de loi.
Sans doute n'a-t-il pas une portée extrêmement normative, mais il nous paraît malgré tout compléter utilement le 1° de l'article 9 du projet de loi, dans lequel il est prévu que les établissements scolaires « participent à la prévention de la délinquance ».
C'est la raison pour laquelle la commission a émis un avis de sagesse favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Brice Hortefeux, ministre délégué. Le Gouvernement a la même position que la commission et s'en remettra donc à la sagesse du Sénat.
Votre amendement, madame David, insiste à juste titre sur la nécessité pour le service public de l'éducation de contribuer à lutter contre les violences. C'est tout à fait conforme à l'esprit du projet de loi.
Je rejoins donc l'avis du rapporteur, ce qui, j'imagine, vous encouragera à examiner d'un oeil bienveillant l'article 9, dans lequel est précisément prévue l'implication du service public de l'éducation dans la prévention de la délinquance : une telle démarche aurait quelque cohérence !
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, avant l'article 9.
L'amendement n° 188, présenté par Mmes David, Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 131-1 du code de l'éducation est ainsi rédigé :
« Art. L. 131-1. - L'instruction est obligatoire pour les enfants des deux sexes, demeurant sur le sol français dès l'âge de trois ans révolus, jusqu'à l'âge de dix-huit ans.
« Les maires ont l'obligation de recenser tous les enfants atteignant l'âge de deux ans dans l'année scolaire à venir habitant sur leur territoire et de les inscrire à l'école lorsque les familles le demandent. Ces informations sont publiques. Elles doivent être communiquées à l'inspecteur d'académie, qui les prend en compte dans l'organisation de la carte scolaire. »
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Cet amendement vise la scolarisation obligatoire de l'âge de trois ans à l'âge de dix-huit ans.
Je rappellerai tout d'abord quelques chiffres : 98 % des enfants sont scolarisés en maternelle dès l'âge de trois ans, et 85 % d'une classe d'âge est scolarisée d'une manière ou d'une autre jusqu'à l'âge de dix-huit ans au moins. L'âge moyen de sortie d'études est de dix-neuf ans.
Ainsi, l'objet de cet amendement, au-delà de l'exigence d'allonger la scolarité obligatoire au regard des enjeux de notre société, ne contrevient pas à la réalité : au contraire, il s'y conforme. Il ne s'agit donc pas, nous semble-t-il, d'une mesure « extravagante » !
Le mouvement de la société justifie lui-même l'allongement de la scolarité obligatoire, qui, si l'on veut réduire les inégalités, doit être capable, d'une part, d'offrir une formation initiale à tous les élèves et de répondre aux besoins sociaux, technologiques et scientifiques de notre société, et, d'autre part, de faciliter ensuite, dans les meilleures conditions, la reprise éventuelle d'études en formation continue et la validation des acquis de l'expérience.
Cet amendement vise également à intégrer notre école maternelle à l'école primaire, dont elle constituerait le premier cycle, obligation étant faite à l'État d'assurer la scolarisation de tous les enfants de moins de trois ans dont les familles en font la demande.
En ce qui concerne la scolarisation des enfants de moins de trois ans, cette proposition se fonde bien évidemment sur de nombreuses études qui ont mis en exergue que, notamment pour les enfants issus de milieux défavorisés, l'école dès deux ans peut être un véritable atout, car elle leur permet de mieux réussir leur cours préparatoire et leur cours élémentaire première année. Or chacun sait qu'aujourd'hui la scolarisation des enfants de moins de trois ans est en chute libre, faute, malheureusement, d'enseignants.
Bien évidemment, nous sommes conscients qu'une telle mesure ne saurait être appliquée avec les moyens que l'État octroie aujourd'hui à l'école maternelle. Pour que celle-ci soit un véritable lieu de scolarisation, il faut que l'État lui en donne les moyens : chacun sait qu'actuellement les locaux et le matériel ne sont pas adaptés à ce type de scolarisation et que le personnel n'est pas à la hauteur des exigences.
Allonger la scolarité obligatoire permettrait, d'une part, de juguler l'échec scolaire et, d'autre part, de réduire le nombre de jeunes qui sortent du système scolaire sans qualification !
L'objet de cet amendement est donc d'attirer l'attention sur la nécessaire lutte contre l'échec scolaire et les inégalités sociales pour prévenir la délinquance.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. La commission estime que le thème de cet amendement ne relève pas du présent projet de loi.
En outre, sur le fond, l'extension de la scolarité obligatoire, que ce soit à son début, dès l'âge de trois ans, ou à sa fin, à dix-huit ans, nous paraît être un problème trop important pour être traité par un simple amendement.
La commission a donc émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Brice Hortefeux, ministre délégué. Même avis défavorable que la commission.
Au demeurant, je suggère à l'auteur de l'amendement de se rappeler qui, à l'occasion de la discussion générale, avait formulé le premier cette préconisation d'étendre la scolarité obligatoire jusqu'à l'âge de dix-huit ans. Je ne cite pas son nom parce que je pense, madame, que cela pourrait vous gêner.
M. le président. Eh oui, il y a un rapprochement entre Mme Assassi et M. Dassault, cela peut arriver !
Mme Éliane Assassi. Cela ne me gêne en rien !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Mais c'est notable !
M. le président. L'amendement n° 195, présenté par Mmes David, Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 311-3-1 du code de l'éducation est ainsi rédigé :
« Art. L. 311-3-1. - Le temps scolaire est organisé au sein de chaque cycle pour permettre à l'élève de disposer des aides nécessaires pour acquérir l'ensemble des connaissances et compétences défini dans l'article L. 122-1-1 du code de l'éducation.
« À tout moment de la scolarité obligatoire, lorsqu'il apparaît qu'un élève risque de ne pas maîtriser les connaissances et les compétences indispensables à la fin d'un cycle, le directeur d'école ou le chef d'établissement propose à l'élève et à sa famille, en concertation avec l'équipe éducative de son établissement, de mettre en place un dispositif d'aide à la réussite scolaire adapté à sa situation ».
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Cet amendement vise à supprimer les programmes personnalisés de réussite éducative, les PPRE, instaurés par la loi d'orientation et de programme pour l'avenir de l'école, et à leur substituer un dispositif d'aide à la réussite qui nous paraît mieux adapté.
En effet, au-delà du fait que le PPRE tel qu'il est prévu dans la loi est culpabilisant et stigmatisant pour l'enfant et sa famille, qu'il occulte le travail en équipe et la prise en charge collective de la difficulté scolaire, un récent rapport de l'inspection générale de l'éducation nationale, tirant de premières conclusions de l'expérimentation en cours dans 8 500 classes d'école primaire et dans 149 collèges, souligne « l'absence d'avancée significative dans l'aide aux élèves en difficulté ».
Cela s'explique en partie par les conditions de mise en oeuvre des PPRE, qui sont diverses et parfois divergentes. Ainsi, dans certaines écoles, ces programmes sont proposés à des élèves ne maîtrisant pas 40 % des connaissances attendues en cours élémentaire deuxième année, alors que dans d'autres ils concernent les élèves qui ne maîtrisent pas 75 % des connaissances.
Force est de constater que les PPRE, loin de traiter l'échec scolaire, font courir aux jeunes des risques d'enfermement dans des filières de relégation et dans des situations d'échec, tout en brisant les principes d'égalité sur l'ensemble du territoire en matière d'éducation auxquels nos concitoyens sont en droit de prétendre.
Aussi, lorsqu'il apparaît qu'un élève risque de ne pas maîtriser les connaissances et les compétences indispensables à la fin d'un cycle, nous demandons que le directeur d'école ou le chef d'établissement propose à l'élève et à sa famille, en concertation étroite avec l'équipe éducative de son établissement, de mettre en place un dispositif d'aide à la réussite scolaire adapté à sa situation. Nous pensons en effet que les personnels non enseignants membres de la communauté éducative, tels que les psychologues scolaires ou les éducateurs, peuvent aider à appréhender l'enfant dans sa globalité et, par là même, à rechercher les causes qui peuvent le conduire à l'échec scolaire.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, on ne peut décemment pas affirmer que l'échec scolaire fabrique à lui seul la délinquance. Quoi qu'il en soit, il joue un rôle de « basculement » chez certains jeunes, et si, fort heureusement, tous les jeunes en échec scolaire ne sont pas des délinquants, une immense majorité de ces derniers n'ont pas réussi à l'école.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. La commission émet un avis défavorable. Il existe déjà des programmes de réussite éducative qu'il faudrait se donner le temps d'évaluer. En outre, nous estimons que le caractère de la disposition proposée est peu normatif et que son thème ne relève guère du projet de loi.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Brice Hortefeux, ministre délégué. Pour les mêmes raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable. Le code de l'éducation prévoit déjà le droit des élèves à un programme personnalisé de réussite éducative.
M. le président. L'amendement n° 192, présenté par Mmes David, Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
D'ici à 2011, dans chaque groupe scolaire du premier degré, est affecté(e) un(e)infirmier(e) pour assurer un suivi sanitaire et social global de chaque élève. Outre cette mission qui lui incombe, il (elle) participe au repérage et à la prévention des élèves ayant des difficultés de mal-être ou en souffrance psychologique ainsi que des élèves victimes de maltraitance ou d'abus sexuel. A cet effet, il (elle) reçoit une formation spécifique concernant les problèmes de maltraitance et travaille avec l'ensemble de l'équipe éducative et des travailleurs sociaux du quartier. Les mesures d'accompagnement et les moyens financiers nécessaires à la réalisation de cet objectif sont programmés dans la loi de finances 2007.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Si vous le permettez, monsieur le président, je défendrai en même temps les amendements nos 192 et 193, qui concernent les mêmes personnels de santé, quoique dans des établissements différents, et tendent à en imposer la présence.
M. le président. L'amendement n° 193, présenté par Mmes David, Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article 9, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
D'ici à 2011, dans chaque établissement scolaire du second degré, est affectée une équipe permanente comprenant un(e) infirmier(e), un(e) éducateur(trice) et un(e) assistant(e) social(e) pour assurer un suivi sanitaire et social global de chaque élève. Outre cette mission qui incombe à ces personnels, ils participent au repérage et à la prévention des élèves ayant des difficultés de mal-être ou en souffrance psychologique ainsi que des élèves victimes de maltraitance ou d'abus sexuel. À cet effet, ils reçoivent une formation spécifique concernant les problèmes de maltraitance et travaillent avec l'ensemble de l'équipe éducative et des travailleurs sociaux du quartier.
L'affectation de ces personnels se fera en priorité dans les établissements classés « Ambition Réussite ». Les mesures d'accompagnement et les moyens financiers nécessaires à la réalisation de cet objectif sont programmés dans la loi de finances 2007.
Veuillez poursuivre, madame David.
Mme Annie David. Monsieur le ministre, il est vain de conférer à l'école une mission de prévention de la délinquance sans revaloriser les métiers et les conditions de travail des personnels non directement enseignants, qui concourent justement à prévenir, à dépister les problèmes qui, pour certains, peuvent conduire à la délinquance !
De par leur rôle d'écoute, d'éducation et de soins, ces personnels permettent aux jeunes d'acquérir les compétences nécessaires pour faire des choix de comportements responsables et adaptés. Ces exigences d'un service public de qualité ne peuvent être obtenues qu'avec des moyens en adéquation avec les besoins des élèves.
Or, concernant les infirmiers et infirmières scolaires, il n'y en a actuellement que 6 200 pour 7 850 collèges et lycées publics, 55 000 écoles et 2 millions d'étudiants.
Face à ce constat alarmant et surtout face aux nombreuses actions menées par le syndicat national des infirmières et infirmiers conseillers de santé, le ministre de l'éducation n'a pas eu d'autre choix que de promettre un plan pluriannuel de recrutement de 1 500 postes sur cinq ans. La loi de finances pour 2006 a prévu ainsi la création de 300 postes d'infirmiers et d'infirmières.
Mais, après les déclarations du ministre concernant les moyens redéployés en faveur des établissements classés « ambition réussite », ce corps de métier s'interroge et s'inquiète ! En effet, 300 postes d'infirmiers et d'infirmières vont être affectés dans ces établissements. Or ceux-ci, pour la plupart, disposent déjà de ces personnels. Dans ce cas, les autorités académiques vont-elles attribuer le surplus de postes dans les autres établissements ?
Quant aux assistantes sociales et aux éducateurs et éducatrices, ils sont eux aussi en nombre insuffisant, alors qu'ils ont un rôle indéniable à jouer en matière de prévention.
C'est pourquoi, nous préconisons de créer les postes budgétaires indispensables pour répondre aux besoins non satisfaits et résorber la précarité. Nous pensons qu'il faut engager, pour tous les personnels, une véritable revalorisation des métiers en rapport avec l'importance politique que la nation accorde à son ambition pour l'école.
Quant au premier degré, je souhaite simplement vous rappeler que le quatrième Parlement des enfants a déposé une proposition de loi en 1997 préconisant la présence d'une infirmière dans chaque groupe scolaire. La commission d'enquête parlementaire sur l'état des droits de l'enfant en France, qui a siégé en 1998, a souligné qu'il fallait répondre à cette attente des enfants. Le groupe communiste républicain et citoyen a d'ailleurs déposé la même année une proposition de loi allant dans ce sens.
Cette ambition que nous avons pour l'école participe pleinement à la prévention de la délinquance !
Tel est le sens de ces amendements que je vous demande d'adopter.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Ces amendements ont des intentions certes louables, mais leur adoption ne permettrait pas, nous semble-t-il, d'atteindre les buts qui sont visés et qui relèvent davantage de la loi de finances.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Brice Hortefeux, ministre délégué. Le Gouvernement émet le même avis défavorable que la commission car ce n'est pas à la loi de prévoir qu'un infirmier sera affecté d'ici à 2011 dans chaque groupe scolaire.
Cela dit - j'en ai déjà fait état lors de la discussion générale - nous nous donnons les moyens de satisfaire à cet objectif.
Je citerai un chiffre : 300 postes d'infirmières sont créés en 2006-2007 dans les écoles, avec l'objectif d'avoir en 2010 une infirmière de référence dans chaque établissement scolaire. En 2006, ces postes sont affectés dans les territoires d'éducation prioritaire, dans les collèges du réseau « ambition réussite » notamment.
S'agissant des psychologues, qui font l'objet de l'amendement n° 193, nous renforçons les moyens puisque nous avons créé 50 postes de psychologues en 2005, ce qui a abouti à un total de 3 671 postes en 2005. Quant aux emplois de conseillers d'orientation, ils atteignent 4 290, auxquels il convient d'ajouter 50 postes d'assistantes de service social qui seront créés en 2007.
M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Là encore, il y a une contradiction évidente entre les propos de M. le rapporteur et ceux de M. le ministre.
En effet, M. le rapporteur estime que ces mesures relèvent de la loi de finances. Or, c'est très exactement ce qui est indiqué dans les deux amendements. M. le ministre, quant à lui, affirme que l'objectif qui est visé par l'amendement correspond à celui du Gouvernement, dont la réalisation s'étalera sur deux ans. Dans ces conditions pourquoi ne pas l'inscrire dans le marbre de la loi ? Ce serait plus satisfaisant.
En conséquence, monsieur le ministre, nous vous demandons de réserver ces amendements et de nous proposer un texte qui nous permette de vous donner acte de vos engagements.
M. le président. L'amendement n° 194, présenté par Mmes David, Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
D'ici à 2011, une programmation des créations de postes de médecins scolaires est établie après concertation avec les organisations syndicales représentatives, afin de rabaisser le taux d'encadrement moyen à un médecin pour 4000 élèves. Un plan de titularisation permet de résorber les emplois hors statut, hors contrats, et précaires dans l'enseignement scolaire et l'enseignement supérieur. Les mesures d'accompagnement et les moyens financiers nécessaires à la réalisation de ces objectifs sont programmés dans la loi de finances 2007.
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, permettez-moi de faire un bref retour en arrière sur l'amendement n° 188, qui nous a valu quelques quolibets.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, je vous invite à relire la proposition de loi que nous avons déposée sur l'école où référence était faite à l'allongement de la scolarité de trois à dix-huit ans. Je trouve d'ailleurs étonnant que notre assemblée soit plus sensible à une formule lancée par un sénateur de l'UMP qu'à une proposition de loi déposée par le groupe communiste républicain et citoyen.
J'en viens à l'amendement n° 194.
À l'instar des infirmières scolaires, les médecins scolaires sont toujours en nombre insuffisant au regard de leurs missions de prévention au service de tous les élèves. Je vous ai bien entendu, monsieur le ministre, mais cette pénurie s'est aggravée en raison des arbitrages budgétaires du Gouvernement, puisque, depuis 2003, aucun poste de titulaire n'a été créé. Quant aux vacataires, leur nombre a chuté de 790 en 2003 à 423 en septembre 2005.
Ainsi, de fait, de nombreux enfants sont privés du bilan médical de fin de maternelle, étape visant à détecter les troubles du langage ou de la motricité susceptibles de gêner les apprentissages ultérieurs. En effet, cet examen nécessite un entretien d'environ trois quarts d'heure avec l'enfant et sa famille ! Or, au regard de l'effectif actuel, les médecins scolaires ne sont pas en mesure de réaliser l'ensemble de ces visites !
En ce qui concerne le collège, le bilan de fin de troisième est très rarement effectué.
L'objet de cet amendement est donc d'approcher un taux d'encadrement qui permettrait aux médecins scolaires d'assurer dans de bonnes conditions leurs missions définies par la loi, pour le bénéfice de tous les jeunes !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. La commission émet un avis défavorable. Cette mesure ne relève pas du projet de loi.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Brice Hortefeux, ministre délégué. Pour les mêmes raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable.
M. le président. L'amendement n° 196, présenté par Mmes David, Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les psychologues scolaires dans le premier degré et les conseillers d'orientation psychologues dans le second degré exercent une fonction essentielle d'aide et de conseil auprès des jeunes et des parents, notamment en les aidant à articuler les processus de construction identitaire, de représentation de l'avenir, des professions et des voies de formations. Une programmation pluriannuelle des créations de postes nécessaires est établie dans cette perspective en concertation étroite avec les organisations syndicales représentatives.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. J'ai bien entendu les chiffres annoncés tout à l'heure par M. le ministre, mais plus que jamais nous devons aujourd'hui affirmer l'identité professionnelle des psychologues de l'éducation nationale et préciser leur rôle primordial dans l'institution scolaire.
En effet, dans le premier degré, les psychologues n'ont toujours pas de statut reconnaissant la spécificité de leur rôle. Je vous rappelle d'ailleurs que le groupe communiste républicain et citoyen a déposé une proposition de loi allant dans ce sens.
Quant aux conseillers d'orientation psychologues, bien qu'ils aient le titre de psychologue, le discours actuel tenu par le Gouvernement est de les cantonner à des tâches d'informations ou de conseils ponctuels. Les recrutements sont dramatiquement insuffisants au regard des besoins et des départs à la retraite. Par exemple, les recrutements des conseillers d'orientation psychologues ont été divisés par cinq en cinq ans.
Actuellement, chaque conseiller d'orientation psychologue a en charge 1 400 collégiens et lycéens en moyenne, mais dans certaines académies ce chiffre peut dépasser 2 000 élèves.
Pourtant, nul ne peut nier le rôle de ces psychologues de l'éducation nationale en matière de prévention et d'accompagnement sur toutes les questions liées à la scolarité, au développement et à l'avenir de nos jeunes !
Une reconnaissance de ce corps de métier et une clarification de leurs missions permettraient une meilleure collaboration avec les équipes enseignantes, les autres personnels chargés de l'aide et du suivi et les parents.
Il conviendrait également de réfléchir à la création d'un service public commun à ce corps de métier, ce qui permettrait un meilleur suivi des enfants avec une meilleure liaison école-collège-lycée.
L'objet de cet amendement est en conséquence double puisqu'il s'agit, d'une part, de reconnaître le rôle spécifique de ces psychologues de l'éducation nationale et, d'autre part, d'insister sur la cohérence du travail qui existe entre le premier et le second degré.
Mes chers collègues, le rôle de ces acteurs de l'éducation nationale est essentiel en matière de prévention et de lutte contre l'échec scolaire. C'est pourquoi il nous semble important d'adopter cet amendement !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Pour les mêmes raisons que pour l'amendement précédent, la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Brice Hortefeux, ministre délégué. Le Gouvernement émet également un avis défavorable. Pourquoi prévoir dans la loi une programmation pluriannuelle des postes de psychologues ?
M. le président. L'amendement n° 197, présenté par Mmes David, Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
D'ici à cinq ans, aucun jeune ne sortira du système éducatif sans une qualification reconnue, sanctionnée par un diplôme, C.A.P et B.E.P. ouvrant l'accès au baccalauréat et au-delà. Ces diplômes doivent permettre l'accès à un métier correspondant au diplôme acquis et, pour ceux qui le souhaitent, la poursuite des études supérieures, notamment par l'instauration de classes passerelles pour chaque filière.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Cet amendement concerne les formations professionnelles et technologiques. Plus précisément, nous proposons que, d'ici à cinq ans, aucun jeune ne quitte le système éducatif sans une qualification reconnue, sanctionnée par un diplôme - CAP ou BEP - ouvrant la voie au baccalauréat, puis à des études supérieures si le jeune le souhaite.
La reconnaissance de la qualification doit permettre l'accès à un emploi, qui demeure l'un des objectifs de toute formation.
Le Gouvernement doit organiser le système de « sécurité emploi-formation » des jeunes, et ce dès l'obtention du diplôme. N'oublions pas que la première sanction de la réussite scolaire, c'est l'embauche.
Nous demandons non pas de soumettre l'organisation des filières au bon vouloir du marché, comme le souhaiterait le MEDEF, mais d'assurer un accès massif à l'emploi, par coordination des politiques scolaire et industrielle.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. La commission émet un avis défavorable. Il nous semble que tout diplôme sanctionne un certain niveau de connaissances. Cet amendement relève davantage de l'acte de foi que d'une disposition législative.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Brice Hortefeux, ministre délégué. Même si l'on ne peut qu'être d'accord sur le principe qu'il faut tout faire pour qu'aucun jeune ne sorte du système scolaire sans qualification, inscrire cet objectif dans la loi ne changera pas grand-chose. Ce n'est en réalité qu'une pétition de principe.
Le Gouvernement, quant à lui, préfère agir le plus concrètement possible.
C'est d'ailleurs la raison pour laquelle je soutiendrai l'amendement n° 158 rectifié, déposé par M. Bockel à l'article 9, qui pose les fondements des écoles de la deuxième chance. M. Bockel avait évoqué cette question dans la discussion générale et le Gouvernement est intéressé par cette initiative.
Je n'en dirai pas davantage afin de ne pas anticiper sur le débat que nous aurons dans un instant.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 197.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 9
Le code de l'éducation est ainsi modifié :
1° Après la deuxième phrase de l'article L. 121-1, il est inséré une phrase ainsi rédigée :
« Ils concourent à l'éducation à la responsabilité civique et participent à la prévention de la délinquance. » ;
2° À l'article L. 131-6, il est ajouté deux alinéas ainsi rédigés :
« Afin de procéder au recensement prévu au premier alinéa du présent article et d'améliorer le suivi de l'obligation d'assiduité scolaire, le maire peut mettre en oeuvre un traitement automatisé de données à caractère personnel, où sont enregistrées les données à caractère personnel relatives aux enfants en âge scolaire domiciliés dans la commune, qui lui sont transmises par les organismes chargés du versement des prestations familiales ainsi que par l'inspecteur d'académie en application de l'article L. 131-8.
« Un décret en Conseil d'État, pris après avis de la Commission nationale informatique et libertés, détermine les conditions d'application du précédent alinéa. » ;
3° À l'article L. 131-8, il est ajouté deux alinéas ainsi rédigés :
« Il communique au maire la liste des élèves domiciliés dans la commune pour lesquels un avertissement tel que défini au présent article a été notifié.
« Ces informations sont enregistrées dans le traitement prévu à l'article L. 131-6. » ;
4° Dans la première phrase du premier alinéa de l'article L. 131-10, après les mots : « l'instruction dans leur famille », sont insérés les mots : «, y compris dans le cadre d'une inscription dans un établissement d'enseignement à distance, » ;
5° Le premier alinéa du I de l'article L. 214-13 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Il comporte, au bénéfice en particulier des jeunes en difficulté et confrontés à un risque d'exclusion professionnelle, des actions de formation destinées à la prévention de la délinquance. »
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Carle, sur l'article.
M. Jean-Claude Carle. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'article 9 du projet de loi rejoint les préoccupations qui avaient été mises en avant lors de l'examen du projet de loi d'orientation et de programme pour l'avenir de l'école, dont j'étais le rapporteur pour la commission des affaires culturelles.
Les problèmes scolaires tels que l'absentéisme, dont il est ici question, exigent une action globale et partenariale : l'école ne peut pas tout faire toute seule, mais rien ne peut se faire sans elle ! Les enseignants et les équipes éducatives sont au premier front pour identifier, le plus tôt possible, les signes de fragilité des enfants.
C'est pourquoi, sur l'initiative de la commission des affaires culturelle du Sénat, la loi d'orientation et de programme pour l'avenir de l'école du 23 avril 2005 réaffirme la portée de la notion de « communauté éducative » et en donne une définition élargie qui ne se restreint pas aux seuls enseignants. En effet, la communauté éducative ainsi définie regroupe plusieurs acteurs de l'éducation autour des élèves.
Il s'agit d'abord des parents, puisque ce sont les premiers éducateurs des jeunes, sur lesquels l'école doit pouvoir s'appuyer pour mener les élèves vers la réussite.
Il s'agit ensuite de l'ensemble des personnels des écoles et des établissements scolaires. À cet égard, nous soulignons souvent dans cet hémicycle, et l'importance des équipes de direction, dont l'influence est centrale pour impulser et animer les partenariats autour de l'établissement, et le rôle des personnels médico-sociaux. La loi sur l'école a en effet prévu la présence d'une infirmière dans chaque collège ou lycée. Par ailleurs, on attend beaucoup des médecins scolaires s'agissant notamment du dépistage des troubles du langage ou du comportement chez les jeunes enfants.
La communauté éducative comprend enfin les acteurs de la cité, qui participent, aux côtés de l'école, à l'accomplissement de ses missions. Il s'agit notamment des collectivités territoriales, mais aussi des acteurs institutionnels économiques et sociaux, associés dans le cadre de partenariats. Ainsi, le protocole d'accord d'octobre 2004 entre le ministère de l'éducation nationale et le ministère de l'intérieur permet-il de renforcer la coopération entre les services afin d'améliorer la sécurité dans les établissements scolaires et à leurs abords.
Nous savons en effet que la réussite d'un enfant n'est pas seulement scolaire : elle est avant tout éducative. Comme cela a été dit lors du grand débat national sur l'avenir de l'école, si l'école va bien pour les enfants qui vont bien, nos efforts doivent être démultipliés et menés de concert pour les autres.
Ainsi, les dispositifs d'encadrement et de suivi individualisé mis en place ces derniers mois prennent désormais en compte cette approche globale avec les programmes personnalisés de réussite éducative. Ils intègrent également, en dehors du temps scolaire, les équipes pluridisciplinaires de réussite éducative instituées dans le cadre du plan de cohésion sociale.
Au-delà, par des actions de proximité, il faut, sans remettre en cause l'obligation scolaire jusqu'à seize ans, proposer des parcours plus diversifiés qui valorisent l'intelligence du geste, de la main, qui favorisent une découverte précoce mais non prématurée des métiers et du monde du travail et qui accordent au sport toute sa place.
Cette dimension partenariale, qui a encore parfois du mal à se concrétiser, est impérative afin que l'école joue son rôle en matière de prévention.
C'est en recherchant des cohérences et des synergies dans les actions, en partageant les informations, en consolidant les réponses de proximité, que nous serons plus efficaces et plus réactifs face aux appels de détresse des jeunes en situation d'échec.
L'article 9 fait un pas important dans ce sens. Il prévoit en effet des mesures pragmatiques qui permettront notamment au maire de disposer d'outils adaptés pour mieux assurer le suivi de l'obligation d'assiduité scolaire.
Cet article renforce par là même les mesures déjà mises en place depuis deux ans en matière de lutte contre l'absentéisme. Ces mesures tendent à responsabiliser les familles dès la première absence non justifiée et à les sanctionner pénalement, en dernier recours, quand toutes les voies de dialogue sont épuisées.
Les mesures qui sont proposées dans l'article 9, comme l'amendement que je vous présenterai dans un instant contribuent à améliorer le fonctionnement de l'école. Il est donc utile, dans l'intérêt de nos enfants, de nous y rallier. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Monsieur le ministre, avec l'article 9, voici de nouveau posée la question des fichiers.
Le paragraphe 2° de l'article 9 du projet de loi prévoit que le maire peut mettre en oeuvre un traitement automatisé de données à caractère personnel relatives aux enfants en âge scolaire domiciliés dans sa commune, données qui lui sont transmises par les organismes chargés du versement des prestations familiales ainsi que par l'inspecteur d'académie.
En outre, il est prévu d'obliger l'inspecteur d'académie à communiquer au maire la liste des élèves domiciliés dans sa commune pour lesquels un avertissement a été notifié.
Voilà donc un fichier de plus !
C'est un moyen supplémentaire, non seulement d'accroître le contrôle social du maire, mais également de rendre possible toute une série de dérives !
En effet, ce fichier, dont les conditions de transmission des informations seront fixées par décret en Conseil d'État, n'est pas seulement un fichier d'aide à la gestion. C'est aussi un outil permettant le marquage des mauvais sujets. Or il s'agit souvent « des enfants en souffrance », pour reprendre une expression de M. le ministre. Ce fichier sera-t-il efficace pour les aider et pour les accompagner ?
À notre avis, ces enfants se verront ainsi davantage stigmatisés, tout comme leurs parents, et encore plus précarisés, alors qu'ils sont déjà, dans leur majorité, issus de familles en grandes difficultés sociales et humaines. Sous prétexte de prévenir la délinquance, on handicape davantage encore des familles et des enfants déjà extrêmement fragilisés et en difficulté.
Comme le souligne la Ligue des droits de l'homme, l'article 2 de la loi du 6 janvier 1978 précise - il n'est pas inutile de le rappeler en cet instant - qu'« aucune décision administrative ou privée impliquant une appréciation sur un comportement humain ne peut avoir pour seul fondement un traitement automatisé d'informations donnant une définition du profil ou de la personnalité de l'intéressé ».
En outre, il n'existe aucune garantie que l'enregistrement des données nominatives de cette nature ne porte pas atteinte au principe de la présomption d'innocence, tel qu'il a été défini à l'article IX de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen : on ne sait pas si cette absence est de son fait ou non !
Nous sommes très surpris de constater l'absence complète de contrôle judiciaire au niveau de l'information elle-même et de la mise en oeuvre du traitement automatisé. Il en va de même du silence de votre texte quant à la consultation des données sur le droit d'opposition ou de rectification si des erreurs d'homonymies se révélaient.
Comme c'est le cas pour les missions des travailleurs sociaux, nous nous trouvons ici face à une volonté manifeste de détourner la nature même du travail éducatif.
Je vais sûrement être en désaccord avec nombre de mes collègues, mais j'estime que la mission de l'école consiste non pas à prévenir la délinquance, mais à éduquer. Que l'éducation soit le premier maillon de la prévention, c'est un fait, mais intégrer cette dernière dans les missions des établissements d'enseignement, c'est s'opposer à la notion même d'éducation.
Il est bien évident que mieux seront éduqués les enfants, mieux ils seront formés, cultivés, mieux ils seront protégés des maux de la société, et mieux se portera ladite société !
Après le maire, qui est intégré dans la chaîne répressive, après les travailleurs sociaux et les médecins, à qui vous imposez une obligation de délation, vous faites entrer l'éducation nationale dans une logique répressive, ce qui rendra encore plus difficiles les rapports, déjà complexes, entre élèves et enseignants, enseignants et parents, parents et élèves.
Pour certains d'entre eux, l'école est déjà le symbole de leur exclusion, de leur premier échec, celui qui les mènera au chômage. Pour d'autres, c'est également un espace de violence : violence entre enfants, violence à l'égard de leurs parents, à qui on reproche pêle-mêle leur origine culturelle, leur condition sociale ou leur situation personnelle.
Leur confiance dans l'école est déjà bien entamée, inutile d'en rajouter avec la délation auprès des services sociaux ou municipaux !
Bref, ces listes d'enfants font froid dans le dos. Et pour quelle efficacité ! Un fichier peut aider à repérer ou à trouver des suspects, mais pas à prévenir l'infraction. En fait, on va encore stigmatiser des enfants qui sont déjà montrés du doigt.
Telles sont les raisons pour lesquelles le groupe socialiste votera l'amendement n° 200, déposé pour le groupe CRC, visant à supprimer l'article 9.
M. le président. Je suis saisi de neuf amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 200, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Le premier alinéa de l'article 9 vise à inscrire dans le code de l'éducation que les écoles, les collèges, les lycées et les établissements d'enseignement supérieur participent à la prévention de la délinquance.
On soutient souvent qu'il est inutile de préciser des choses qui vont de soi. Pourtant, vous insistez en souhaitant que la mission de prévention de la délinquance que remplit l'école figure dans le code de l'éducation alors que, chacun le sait, elle participe déjà à cette prévention. Selon nous, il n'est donc pas nécessaire de l'inscrire dans le code de l'éducation.
Les missions du système d'éducation sont la transmission à tous des savoirs, des méthodes, des connaissances et des compétences constitutifs d'une culture scolaire de haut niveau, le développement de la personnalité des individus, la délivrance des clés pour comprendre le monde et le transformer. L'école doit éduquer le citoyen, le rendre apte à participer à la vie de la cité, à choisir, à décider de sa formation de futur travailleur afin de préparer son insertion professionnelle.
Avec ce droit à l'éducation, il s'agit d'assurer la réussite scolaire de tous les jeunes, donc de contribuer à la prévention de la délinquance.
Comme nous l'avons dénoncé précédemment, alors que nous attendons légitimement des actes nouveaux, supplémentaires, forts, en direction de l'école afin qu'elle assure cette mission, rien n'est prévu dans votre texte pour l'éducation nationale !
C'est même le contraire qui se produit. Ainsi avez-vous proposé à l'article 6, qui a fait l'objet d'un âpre débat, qu'un maire qui estime que l'ordre, la sécurité ou la tranquillité publics sont menacés à raison du défaut de surveillance ou d'assiduité scolaire d'un mineur, peut mettre en place des conseils pour les devoirs et droits des familles, dispositif de « dressage » et de « punition » des parents, sous couvert de l'alibi éducatif. Et dans l'article 9, le seul où il est question du code de l'éducation, vous enfoncez le clou !
En effet, tout en inscrivant au premier alinéa de l'article 9, le rôle préventif que doit avoir l'école, sous couvert, cette fois, de l'alibi de la prévention de l'absentéisme scolaire, vous donnez aux maires, dans le deuxième alinéa de ce même article, la possibilité de mettre en oeuvre un traitement automatisé de données à caractère personnel dont on peut d'ailleurs s'interroger sur l'utilisation qui en sera faite. Le contrôle de l'assiduité scolaire incombe principalement à l'inspecteur d'académie assisté, le cas échéant, du président du conseil général. N'allez-vous pas permettre, une fois de plus, de stigmatiser certaines familles ?
Par ailleurs, quid du côté éducatif de la réponse de l'éducation nationale ? À part une déclaration d'intention - dont on se demande le sens à la lecture de ce texte -, que lui accordez-vous pour réaliser sa mission de prévention de la délinquance, mission nouvelle que vous inscrivez vous-même dans la loi ?
Monsieur le ministre, le désengagement de l'État pour notre école est insupportable, d'autant qu'il vise des populations qui réclament le soutien de l'État et non pas son retrait.
Dans votre texte, comme dans le rapport Benisti, qui en pollue l'esprit, une partie de notre population est stigmatisée !
À mon tour, j'ai envie de vous demander, comme l'ont fait avant moi mes collègues : où est la prévention en matière éducative dans l'article 9, dans le chapitre Ier du texte et, d'une manière plus générale, dans l'ensemble du projet de loi ? À croire que, pour vous, la meilleure des préventions reste la répression et le contrôle social !
Aujourd'hui, il existe une crise de confiance dans l'école, institution par excellence de la République, et ses vertus d'ascension sociale sont sévèrement remises en question.
L'incapacité de l'école à lutter efficacement contre les inégalités, la perspective du chômage, le nombre de plus en plus important de personnes en situation d'urgence sociale, tous ces éléments expliquent sans doute la révolte de certains jeunes, pour qui l'école n'est plus qu'un outil de discrimination et d'exclusion parmi d'autres.
Les arbitrages budgétaires concernant l'école, à savoir la suppression de plus de 8 500 postes, les annonces et incantations de M. de Robien, les réformes de M. Fillon avec le socle de compétences notamment, vont aggraver cette crise de confiance envers l'école de la République, qui tend à devenir une école du « tri social », un instrument de légitimation d'une division sociale inégalitaire, tournant le dos à la réussite scolaire de toutes et tous nos jeunes.
Mais, bien évidemment, nous ne pouvons jeter la pierre à cette seule institution, quand l'ensemble de la société ne tient plus ses promesses d' « égalité, de liberté et de fraternité », qui sont au fondement de notre pacte social. Et si l'école peut jouer un rôle clé dans la prévention de la délinquance, elle ne peut pas, à elle seule, corriger toutes les injustices et les inégalités sociales, même si elle reste pour beaucoup le dernier rempart contre l'exclusion.
Pour toutes ces raisons, nous proposons de supprimer l'article 9 qui, sous couvert de réponse éducative, sous couvert d'accorder la prégnance de l'école en matière de prévention sans lui en donner les moyens, va en réalité, conformément à l'obsession sécuritaire du Gouvernement, stigmatiser certaines familles par la création, notamment, d'un fichier dont l'utilisation peut prêter à interrogation !
Pour toutes ces raisons, nous vous invitons, mes chers collègues, à adopter notre amendement visant à la suppression de l'article 9.
M. le président. L'amendement n° 100, présenté par M. Bockel, est ainsi libellé :
Compléter le premier alinéa du texte proposé par le 2° de cet article pour ajouter deux alinéas à l'article L. 131-6 du code de l'éducation par les mots :
et par le directeur de l'école ou le chef d'établissement en cas d'exclusion temporaire ou définitive d'une école ou d'un établissement scolaire ou en cas d'abandon en cours d'année scolaire
La parole est à M. Jean-Marie Bockel.
M. Jean-Marie Bockel. Nonobstant les considérations d'ordre général qui viennent d'être évoquées sur cet article et dont je reconnais la pertinence, notre amendement porte sur une question spécifique qui, d'une manière ou d'une autre, devrait être reconnue et prise en compte. Aujourd'hui, nous avons cette opportunité, c'est pourquoi nous avons proposé cet amendement.
Il s'agit des écoles de la deuxième chance. Vous les connaissez bien, monsieur le président, puisque la première école de ce type en France a été ouverte à Marseille. Comme elle était expérimentale, elle a d'ailleurs bénéficié de fonds européens importants. Nous avons ensuite créé de telles écoles dans d'autres villes, de plus en plus nombreuses d'ailleurs, de toutes sensibilités politiques. Il y en a également une à Mulhouse. Je connais bien ce sujet et je peux témoigner, comme d'autres certainement sur ces travées, de leur intérêt et de leur utilité.
Ces écoles de la deuxième chance, qui jouent un rôle à la fois éducatif et certainement aussi, par voie de conséquence, de prévention, n'ont pas d'existence juridique en France. Il est vrai qu'elles ont eu un peu de mal à s'imposer au départ parce qu'elles s'adressaient à des jeunes, par définition, en échec scolaire grave et durable. Elles ont dû trouver leur place dans un système qui ne les reconnaissait pas véritablement.
Aujourd'hui, elles obtiennent de vrais résultats. C'est d'ailleurs pour cette raison qu'elles se développent. Elles ont cependant besoin d'une reconnaissance légale et politique, reconnaissance qui serait importante également pour ceux qui y travaillent et s'y investissent, ainsi que pour les villes qui ont souvent été à leur initiative. La reconnaissance du diplôme de fin d'études qui est à la clé de cette démarche à la fois scolaire, d'insertion par l'emploi, de lien avec le monde économique, serait également essentielle pour la suite du cursus de ces jeunes adultes.
M. le président. L'amendement n° 175 rectifié ter, présenté par MM. Türk et Portelli, Mmes Debré et Hermange, M. Revet, Mme B. Dupont, MM. Haenel, Lardeux et Sido, Mme Malovry, MM. Courtois et Gélard, est ainsi libellé :
Compléter le second alinéa du texte proposé par le 2° de cet article par une phrase ainsi rédigée :
Il précise notamment la liste des données à caractère personnel collectées, la durée de conservation de ces données, les modalités d'habilitation des destinataires ainsi que les conditions dans lesquelles les personnes intéressées pourront exercer leur droit d'accès.
La parole est à M. Charles Revet.
M. Charles Revet. L'article 9 prévoit qu'un décret en Conseil d'État, pris après avis de la CNIL, doit intervenir en application des dispositions nouvelles.
Il est cependant nécessaire que la loi apporte des garanties supplémentaires en prévoyant que le décret devra notamment apporter des précisions quant aux catégories d'informations collectées et traitées dans le traitement et fixer la durée de conservation de ces données, les modalités d'habilitation des destinataires ainsi que les conditions dans lesquelles les personnes intéressées pourront exercer leur droit d'accès.
M. le président. L'amendement n° 161 rectifié, présenté par Mme Hermange et M. Gournac, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le 3° de cet article :
3° À l'article L. 131-8, les quatre derniers alinéas sont remplacés par sept alinéas ainsi rédigés :
« Le directeur ou la directrice de l'établissement d'enseignement, à la demande de l'inspecteur d'académie, adresse un avertissement aux personnes responsables de l'enfant et leur rappelle les sanctions pénales dans les cas suivants :
« 1º Lorsque, malgré son invitation, ils n'ont pas fait connaître les motifs d'absence de l'enfant ou qu'ils ont donné des motifs d'absence inexacts ;
« 2º Lorsque l'enfant a manqué la classe sans motif légitime ni excuses valables au moins quatre demi-journées dans le mois.
« Il communique au maire la liste des élèves domiciliés dans la commune pour lesquels un avertissement tel que défini au présent article a été notifié.
« Ces informations sont enregistrées dans le traitement prévu à l'article L. 131-6.
« L'inspecteur d'académie saisit le président du conseil général des situations qui lui paraissent justifier la mise en place d'un contrat de responsabilité parentale prévu à l'article L. 222-4-1 du code de l'action sociale et des familles.
« Il communique au président du conseil général la liste des élèves domiciliés dans le département pour lesquels un avertissement tel que défini au présent article a été notifié. »
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° 294 rectifié, présenté par MM. Carle, Garrec, Hérisson et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :
Remplacer le septième alinéa (3°) de cet article par quatre alinéas ainsi rédigés :
3° L'article L. 131-8 est ainsi modifié :
a) Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le directeur ou la directrice de l'établissement d'enseignement informe l'inspecteur d'académie et le maire de la commune dont l'élève est domicilié, lorsque les personnes responsables de l'enfant n'ont pas fait connaître les motifs de l'absence de l'enfant ou s'ils ont donné des motifs d'absence inexacts.
b) Cet article est complété in fine par deux alinéas ainsi rédigés :
La parole est à M. Jean-Claude Carle.
M. Jean-Claude Carle. Monsieur le ministre, l'article 9 du projet de loi prévoit que l'inspecteur d'académie transmet au maire l'identité des enfants ayant fait l'objet d'un avertissement, lorsque les personnes responsables de cet enfant n'ont pas fait connaître les motifs de son absence ou s'ils ont donné des motifs inexacts.
Cette mesure est particulièrement utile puisqu'elle contribue, au même titre que d'autres dispositions, à placer le maire au centre du dispositif de prévention de la délinquance en améliorant son information.
Toutefois, s'il est souhaitable, en aval de cet avertissement, que le maire soit informé par l'inspecteur d'académie, il me semble aussi opportun que le maire soit averti en amont de la situation, et pas seulement dans les cas où un avertissement aura été délivré.
Afin d'éviter une information trop importante, et souvent contreproductive du maire, cet amendement limite cette information à la source à deux situations : la première, lorsque les parents n'ont pas fait connaître les motifs d'absence de l'enfant malgré l'invitation du chef d'établissement ou que ces motifs sont inexacts ; la seconde, lorsque l'enfant a manqué la classe sans motif légitime ni excuse valable au moins quatre demi-journées dans le mois.
Dans ces deux cas de figure, le chef d'établissement devra informer le maire en même temps qu'il informe l'inspecteur d'académie. C'est parce que ces informations seront apportées très tôt qu'elles seront efficaces.
J'ai encore en mémoire le souvenir d'un chef d'établissement d'une école de Vaulx-en-Velin, qui, au cours d'une visite, m'avait indiqué qu'entre le moment où il avait signalé l'absence caractérisée d'un jeune et le moment où une action de placement adéquat avait été prise, il s'était écoulé trois années pendant lesquelles on avait eu à déplorer une tentative de meurtre et une tentative de suicide. Je suis persuadé que, si le maire avait été informé, la situation aurait bougé plus rapidement. On n'en serait pas arrivé à ces extrémités.
M. le président. L'amendement n° 138 rectifié, présenté par MM. Hérisson, Jarlier, Girod et Houel, est ainsi libellé :
I. Dans le premier alinéa du texte proposé par le 3° de cet article, après les mots :
au maire
insérer les mots :
, à titre d'information,
II. Après le premier alinéa du texte proposé par le 3° de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Cette liste ne peut être communiquée qu'aux personnes habilitées à en connaître. »
La parole est à M. Michel Houel.
M. Michel Houel. Aux termes de cet article, le maire est destinataire de la liste des élèves domiciliés dans la commune pour lesquels un avertissement scolaire a été notifié.
Les nouvelles compétences confiées aux maires par le projet de loi ne doivent pas entraîner une confusion entre les missions qui relèvent de l'éducation nationale, acteur à part entière de la prévention de la délinquance, et celles des maires. De la même façon, aucun transfert de responsabilités ne doit avoir lieu de la part des services de l'éducation nationale vers les maires.
Dès lors, la communication au maire de la liste des élèves domiciliés dans la commune pour lesquels un avertissement scolaire a été notifié, ne doit revêtir qu'un caractère exclusivement informatif. Elle ne doit en aucun cas imposer au maire une intervention, notamment en ce qui concerne le respect de l'assiduité scolaire.
En outre, contenant des informations personnelles, cette liste ne saurait être communiquée sans précaution et, dès lors, ne saurait être diffusée qu'aux personnes habilitées à en connaître, à savoir les autorités judiciaires, les travailleurs sociaux et les autorités de police et de gendarmerie.
M. le président. L'amendement n° 86, présenté par M. About, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Supprimer le 5° de cet article.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Nicolas About, rapporteur pour avis. Cet amendement vise à supprimer la précision selon laquelle les plans régionaux de développement de la formation professionnelle incluent des actions de formation destinées à la prévention de la délinquance, ou même à l'insertion sociale tel que prévu dans l'amendement de la commission des lois.
En effet, si la formation professionnelle et l'amélioration de l'insertion sur le marché de l'emploi qui en découle sont évidemment des facteurs de réduction des risques de délinquance, il semble complètement illusoire de prévoir et de définir le contenu d'actions de formation professionnelle spécifiquement dédiées à cette problématique. Je ne vois pas très bien en quoi le fait de préparer un CAP de maçon ou une formation d'informaticien devrait obligatoirement impliquer de suivre simultanément des actions de formation destinées à la prévention de la délinquance ou à l'insertion sociale. Si une telle disposition est prévue pour passer un CAP de maçon, il y aurait peut-être lieu de l'envisager aussi pour la formation des médecins ou des dentistes. Je ne vois pas pourquoi il faudrait stigmatiser particulièrement un type de public.
M. le président. L'amendement n° 19, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
À la fin du dernier alinéa (5°) de cet article, remplacer les mots :
destinées à la prévention de la délinquance
par les mots :
concourant à l'insertion sociale
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Cet amendement vise simplement à mieux circonscrire les actions de formation proposées dans le cadre du plan régional de développement de la formation.
Le projet de loi prévoit des actions de formation destinées à la prévention de la délinquance. Il a semblé ambigu à la commission de prévoir de telles actions de formation dans le cadre de la formation professionnelle. Cela lui a semblé emporter un risque de stigmatisation.
La commission n'a pas souhaité supprimer totalement l'alinéa, considérant que le rôle de la région en matière de prévention était également important. L'amendement tend donc à substituer aux actions de formation « destinées à la prévention de la délinquance » des actions « concourant à l'insertion sociale ». Cette notion nous semble plus large et de nature à mieux cibler le public concerné, c'est-à-dire des jeunes qui peuvent être en difficulté. En outre, l'insertion sociale ne se limite bien sûr pas à l'insertion professionnelle.
M. le président. L'amendement n° 158 rectifié, présenté par MM. Peyronnet, Godefroy et Bockel, Mme Blandin, MM. Badinter, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mahéas et Sueur, Mme Campion, MM. Cazeau et Domeizel, Mmes Demontès et Jarraud-Vergnolle, M. Michel, Mme Schillinger, MM. Guérini, Lagauche, Madec, Mélenchon, Mermaz et Ries, Mmes Tasca, Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter cet article par cinq alinéas ainsi rédigés :
... Après le premier alinéa du I du même article sont insérés quatre alinéas ainsi rédigés :
« Les Écoles de la deuxième chance, les Lycées de toutes les chances proposent une formation à des personnes âgées de dix-huit à vingt-cinq ans et dépourvues de qualification professionnelle ou de diplôme. Chaque élève y bénéficie d'un parcours de formation personnalisé.
« Ces Écoles et ces Lycées délivrent une attestation de fin de formation, indiquant le niveau de connaissances et de compétences acquis ainsi que la capacité à exercer une activité professionnelle qualifiée reconnue par une certification inscrite au répertoire national des certifications professionnelles.
« Un décret, pris après avis du conseil national de la formation professionnelle tout au long de la vie, fixe les modalités d'application du présent article et définit les conditions d'agrément en qualité d'École de la deuxième chance ou de Lycée de toutes les chances.
« Les projets portés par les organismes habilités à percevoir des financements au titre de la formation professionnelle ou de la taxe d'apprentissage sont soumis à l'avis du comité régional de coordination emploi-formation professionnelle. L'État et les régions apportent leur concours aux formations ainsi agréées, dans des conditions déterminées par convention. »
La parole est à M. Jean-Marie Bockel.
M. Jean-Marie Bockel. En défendant l'amendement n° 100, j'ai déjà présenté cet amendement.
M. le président. Mes chers collègues, j'invite du fond du coeur tous ceux d'entre vous qui le souhaitent à visiter l'école de la deuxième chance de Marseille que nous avons créée avec Mme Cresson, il y plusieurs années. C'est un véritable succès pour des garçons et des filles qui n'ont pas réussi dans le système traditionnel de l'éducation nationale. Ils retrouvent là, avec une possibilité d'emploi, une nouvelle chance et le goût de la vie.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures vingt-cinq, est reprise à seize heures cinq, sous la présidence de M. Adrien Gouteyron.)
PRÉSIDENCE DE M. Adrien Gouteyron
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons l'examen du projet de loi relatif à la prévention de la délinquance.
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l'avis de la commission sur les amendements à l'article 9, qui ont tous été présentés ce matin.
Article 9 (suite)
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. L'amendement n° 200 visant à supprimer l'article 9, la commission y est défavorable.
Elle considère en effet qu'au nombre des missions de l'école figurent non seulement la transmission des savoirs et des connaissances, mais également l'instruction civique. À ce titre, l'école participe donc à la prévention de la délinquance. Nous estimons d'ailleurs que l'amendement n° 191 du groupe CRC, qui a été adopté ce matin, s'inscrit dans la logique des dispositions de l'article 9.
En ce qui concerne l'amendement n° 100, la commission y est tout à fait favorable.
Les mesures présentées dans le projet de loi en matière d'information du maire semblaient ne pas répondre, en l'état, à un problème de prévention que les maires rencontrent presque quotidiennement, celui des exclusions temporaires ou définitives des établissements scolaires. Il importe en effet que le maire soit informé de ces exclusions, afin qu'il puisse mettre en oeuvre en temps utile l'accompagnement social nécessaire à la réinsertion.
À cet égard, l'amendement n° 100 tend donc à prévoir l'information du maire dans le cadre des dispositions législatives relatives à l'absentéisme scolaire.
Par ailleurs, la commission émet un avis favorable sur l'amendement n° 175 rectifié ter, qui a pour objet de préciser le contenu du décret d'application relatif aux fichiers que les maires pourraient mettre en place afin de recenser les enfants en âge scolaire.
S'agissant de l'amendement n° 294 rectifié bis, la commission, saisie de la version précédente, avait émis un avis défavorable sur le dispositif présenté. Bien qu'elle l'ait jugé tout à fait intéressant, elle avait en effet estimé qu'il ne permettrait pas d'alléger suffisamment la procédure. À titre personnel, il me semble que la nouvelle rectification répond à nombre des objections qui avaient pu être soulevées par la commission. Dans ces conditions, j'aimerais connaître l'avis du Gouvernement.
En ce qui concerne l'amendement n° 138 rectifié, il vise en fait à interdire au maire de faire un quelconque usage des avertissements qui lui sont transmis par l'inspecteur d'académie. La commission note qu'il est en parfaite cohérence avec un amendement des mêmes auteurs, déposé à l'article 6, qui tendait à supprimer la faculté, pour le maire, de proposer un accompagnement parental pour défaut d'assiduité scolaire. Ce dernier amendement ayant été retiré, la commission demande également le retrait de l'amendement n° 138 rectifié. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
S'agissant de l'amendement n° 86, la commission ne peut qu'y opposer un avis défavorable, car il va à l'encontre de son amendement n° 19.
Enfin, la commission avait émis un avis favorable sur l'amendement n° 158 rectifié, tendant à favoriser le développement d'un réseau d'écoles de la deuxième chance - établissements dont l'efficacité est désormais démontrée -, qui serait financé par l'État et les régions au titre de la formation professionnelle.
Toutefois, la commission n'a pas examiné la version rectifiée bis de cet amendement, qui vise également les « lycées de toutes les chances ». Cela ne me semble pas changer le dispositif sur le fond, et je me déclare donc, à titre personnel, favorable à cette nouvelle rédaction, même si l'on peut se demander si la notion d' « écoles de la deuxième chance » ne recouvre pas celle de « lycées de toutes les chances ».
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'ensemble des amendements ?
M. Christian Estrosi, ministre délégué à l'aménagement du territoire. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, mon collègue Brice Hortefeux m'a fait part du contenu et de la qualité de vos débats sur l'article 9. C'est maintenant au nom de M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, que je vais vous donner l'avis du Gouvernement sur l'ensemble des amendements déposés à cet article.
S'agissant de l'amendement de suppression n° 200, vous me donnez l'occasion, madame Assassi, de rappeler la portée de l'article 9.
Cet article tend à fonder la prévention de la délinquance sur l'éducation. Je m'étonne de la position de principe adoptée par le groupe CRC à son égard, au vu de la teneur des amendements tendant à insérer un article additionnel avant l'article 9 qu'il a défendus ce matin !
Comment en effet imaginer qu'un enfant n'allant pas à l'école pourra ensuite réussir dans la vie ? Notre conviction est qu'il faut apprendre aux enfants, dès leur plus jeune âge, les règles indispensables à la vie en société ; notre conviction est qu'il faut prévenir l'absentéisme scolaire, qui est fréquemment le premier signe de la dérive d'un enfant.
Or le nombre d'élèves en situation d'absence non régularisée représente de 2 % à 5 % des effectifs scolarisés. Au mois de novembre 2005, la proportion d'élèves se trouvant dans cette situation dépassait 13 % dans un établissement sur dix ! Les maires doivent donc être dotés d'outils leur permettant de mieux traiter l'absentéisme scolaire, en étroite relation avec les responsables de l'éducation nationale.
Tel est précisément le sens de l'article 9. Nous sommes donc, bien évidemment, défavorables à l'amendement n° 200.
En revanche, le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 100, dont M. le rapporteur vient de rappeler l'objet.
En matière de prévention de la délinquance, les maires sont confrontés non seulement à des cas d'enfants non scolarisés, mais également à des cas d'enfants en cours de déscolarisation à la suite d'une exclusion, temporaire ou définitive, ou d'un abandon en cours d'année scolaire. Ce sont autant d'enfants qui risquent d'être livrés à eux-mêmes, voire à de petits caïds de la rue.
L'amendement n° 100 vise donc à ce que le maire soit informé de ces exclusions et de ces abandons. Cela permettra de passer le relais rapidement et de mobiliser tous les acteurs.
S'agissant de l'amendement n° 175 rectifié ter de M. Türk, l'article 9 du projet de loi prévoit qu'un décret en Conseil d'État, pris après avis de la CNIL, précisera les conditions de mise en oeuvre du traitement automatisé des données sur les enfants d'âge scolaire domiciliés dans la commune. Il paraît tout à fait opportun de préciser, dans l'esprit de l'article 29 de la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, le contenu de ce décret. Nous sommes donc favorables à l'amendement n° 175 rectifié ter.
En ce qui concerne l'amendement n° 294 rectifié bis, il vise à ce que le maire soit informé non pas de tous les cas d'absences injustifiées, mais seulement lorsque cela est vraiment nécessaire, c'est-à-dire quand le directeur d'établissement saisit l'inspecteur d'académie pour que celui-ci adresse un avertissement aux personnes responsables de l'enfant. Cette saisine interviendra lorsque les parents auront donné un motif d'absence inexact ou en cas d'absence injustifiée d'au moins quatre demi-journées dans le mois.
Le Gouvernement, monsieur le rapporteur, est favorable à cet amendement du groupe de l'UMP. Il est utile que le maire soit informé par le chef d'établissement dès la saisine de l'inspecteur d'académie, c'est-à-dire sans attendre que celui-ci prononce effectivement l'avertissement.
S'agissant de l'amendement n° 138 rectifié, il illustre le souci d'équilibre et de respect des compétences spécifiques de l'éducation nationale et du maire qui doit présider à nos travaux. Ses auteurs craignent que la transmission au maire de la liste des élèves domiciliés dans sa commune ayant fait l'objet d'un avertissement n'entraîne une confusion des responsabilités, or cette crainte ne me semble pas justifiée. Il s'agit, pour le maire, non pas de s'immiscer dans les mécanismes de régulation interne de l'éducation nationale, mais de mettre en oeuvre, s'il l'estime nécessaire - et seulement dans ce cas -, les mesures que le projet de loi met à sa disposition, notamment l'accompagnement parental prévu à l'article 6.
Quant à la précision relative à la communication de la liste apportée par l'amendement, elle relève du décret en Conseil d'État dont M. Türk a proposé de préciser le contenu à l'amendement n° 175 rectifié ter. Nous souhaitons donc le retrait de cet amendement ; à défaut, le Gouvernement émettra un avis défavorable.
J'en viens à l'amendement n° 86, présenté par M. About et relatif aux formations mises en oeuvre dans le cadre du plan régional de développement des formations professionnelles. Il convient d'être clair : la formation professionnelle n'a pas pour finalité première de prévenir la délinquance, mais il est évident qu'elle y concourt. Un jeune bien formé, inséré sur le marché du travail, risquera moins de tomber dans la délinquance : on peut parler de « congruence » des objectifs.
Pour autant, je conçois que la rédaction actuelle de l'article soit perfectible. Sur ce plan, il me semble que l'amendement n° 19 présenté par la commission des lois permettra de lever toute ambiguïté : c'est bien l'insertion sociale, objet de la formation professionnelle, qui constitue la meilleure prévention de la délinquance.
Voilà pourquoi nous souhaitons le retrait de l'amendement n° 86, au bénéfice de l'amendement n° 19, auquel nous sommes donc favorables, pour les raisons que je viens d'indiquer.
Enfin, je remercie M. Bockel d'avoir déposé l'amendement n° 158 rectifié bis, sur lequel nous émettons un avis favorable. Le président Jean-Claude Gaudin en soulignait tout l'intérêt ce matin, en faisant référence à une expérience pilote menée à Marseille. Cet amendement tend à répondre à un défi : aujourd'hui, 6 % des jeunes quittent l'école sans qualification ; en incluant les jeunes qui n'ont ni CAP, ni BEP, ni baccalauréat, ce sont 18 % des jeunes qui sortent du système scolaire sans diplôme reconnu.
Vous nous proposez, monsieur Bockel, d'inscrire dans la loi l'engagement de l'État aux côtés des écoles de la deuxième chance. La loi pérennisera ainsi une expérience qui donne de très bons résultats, en encouragera le développement et en facilitera le financement. Les qualifications délivrées au titre de ces formations pourront également être reconnues dans le cadre d'un cahier des charges qui en garantira la qualité, sous le contrôle du Conseil national de la formation professionnelle tout au long de la vie, institué par la loi Fillon de 2004, ainsi que des comités régionaux de coordination emploi-formation professionnelle.
C'est donc un dispositif à la fois ambitieux et exigeant que vous nous présentez, monsieur le sénateur. La rédaction pourra être affinée au cours de la navette parlementaire afin de tenir compte des inquiétudes formulées par M. le rapporteur, mais le Gouvernement est, en tout état de cause, pleinement favorable à cette mesure.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote sur l'amendement n° 200.
Mme Annie David. M. le ministre délégué semble s'étonner que nous ayons déposé un amendement de suppression de l'article 9, au motif que nous avons présenté antérieurement plusieurs amendements relatifs à l'école.
Nous pensons en effet que l'école doit participer à la prévention de la délinquance. Or, par cet article, le Gouvernement se contente d'inscrire dans le code de l'éducation que l'école a un rôle à jouer en matière de prévention de la délinquance, sans lui accorder de moyens supplémentaires à ce titre. Cela me paraît tout de même un peu fort, d'autant que les arbitrages budgétaires se traduisent par des suppressions de postes et de moyens dans l'éducation nationale !
C'est pour cette raison que nous avions déposé des amendements visant à aider véritablement l'école à remplir ses missions. Je rappelle d'ailleurs que l'éducation nationale n'a pas pour mission première de prévenir la délinquance ; elle a pour vocation de faire réussir tous les élèves qui s'assoient sur les bancs de l'école, et c'est par cette réussite scolaire que cette dernière contribue à la prévention de la délinquance.
Par conséquent, plutôt que de nous en tenir à une déclaration de principe, donnons les moyens de leur réussite scolaire à tous nos jeunes, faisons en sorte qu'aucun d'entre eux ne reste sur le bord du chemin : c'est ainsi que nous contribuerons à la lutte contre la délinquance !
Si nous avons demandé la suppression de l'article 9, c'est donc parce qu'il ne répond en rien à l'objectif affiché dans le projet de loi !
4
RAPPEL AU RÈGLEMENT
M. le président. La parole est à M. Jacques Mahéas, pour un rappel au règlement.
M. Jacques Mahéas. Monsieur le président, mon rappel au règlement concerne le déroulement de nos travaux.
L'Assemblée nationale ne siégera pas demain, mercredi 20 septembre, en raison de la tenue ce jour de la journée parlementaire du parti socialiste. Or notre président de groupe ne nous a informés d'aucune modification de l'ordre du jour du Sénat.
C'est pourquoi je me vois dans l'obligation d'interroger le Gouvernement sur ce point : siégerons-nous demain ou sera-t-il tenu compte de la journée parlementaire du parti socialiste, comme on prend en considération, habituellement, la journée parlementaire de l'UMP ? (« Ce n'est pas vrai ! » sur les travées de l'UMP.) Je voudrais qu'il n'y ait pas deux poids, deux mesures...
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Compte tenu du nombre de séances qu'il est prévu de consacrer à l'examen de ce texte et de l'état d'avancement de nos travaux, la commission des lois ne verrait pas d'objection, si le Gouvernement l'accepte, à ce que nous ne siégions pas demain pour permettre à nos collègues de deux groupes d'assister aux journées parlementaires de leurs partis respectifs. Pour cela, il conviendra toutefois, monsieur le président, que nos travaux progressent bien ce soir et jeudi.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Ma réponse sera très claire : le Gouvernement est tout à fait favorable à ce que le Parlement ne siège pas demain, tant au Sénat qu'à l'Assemblée nationale.
Cela me donne l'occasion de rappeler, à la suite du ministre d'État, Nicolas Sarkozy, que nous avons tout notre temps pour examiner ce projet de loi relatif à la prévention de la délinquance, pour lequel l'urgence n'a pas été déclarée. Il fera l'objet de deux lectures dans chacune des assemblées, et vous pouvez constater, mesdames, messieurs les sénateurs, au fil de l'examen des articles et des amendements, que nous ne hâtons nullement la discussion.
M. Jacques Mahéas. Je vous remercie, monsieur le ministre.
M. le président. Le Sénat ne siégera donc pas demain.
5
Prévention de la délinquance
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi relatif à la prévention de la délinquance.
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus au vote sur les amendements à l'article 9.
Article 9 (suite)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Nous souhaiterions que les auteurs de l'amendement n° 175 rectifié ter acceptent de supprimer, dans la rédaction présentée, l'adverbe « notamment », qui n'a guère d'utilité.
M. le président. Il n'y a pas d'objection ? ...
Il s'agit donc de l'amendement n° 175 rectifié quater, présenté par MM. Türk et Portelli, Mmes Debré et Hermange, M. Revet, Mme B. Dupont, MM. Haenel, Lardeux et Sido, Mme Malovry, MM. Courtois et Gélard, et ainsi libellé :
Compléter le second alinéa du texte proposé par le 2° de cet article par une phrase ainsi rédigée :
Il précise la liste des données à caractère personnel collectées, la durée de conservation de ces données, les modalités d'habilitation des destinataires ainsi que les conditions dans lesquelles les personnes intéressées pourront exercer leur droit d'accès.
Je le mets aux voix.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Quel est finalement l'avis de la commission sur l'amendement n° 294 rectifié bis ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. La commission ne s'est pas expressément prononcée sur cette version de l'amendement : disons qu'elle s'en remet à la sagesse de la Haute Assemblée et que j'y suis, à titre personnel, favorable.
M. le président. La parole est à M. Michel Houel, pour explication de vote sur l'amendement n° 138 rectifié.
M. Michel Houel. Après avoir entendu M. le rapporteur et M. le ministre, je retire cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 138 rectifié est retiré.
La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour explication de vote sur l'amendement n° 86.
M. Nicolas About, rapporteur pour avis. J'ai entendu avec intérêt M. le ministre nous rappeler que nous avions tout notre temps pour débattre de ce texte et que la navette parlementaire pourrait faire son travail. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'exclame.) Cela vaut, en particulier, pour cet amendement, c'est pourquoi je maintiens ma demande de suppression du 5° de l'article 9.
En effet, on ne saurait laisser penser qu'il est nécessaire d'associer formation professionnelle et actions de prévention de la délinquance. Il n'est pas possible de donner à entendre que certains de nos jeunes, parce qu'ils ont choisi la voie de la formation professionnelle, sont des prédélinquants ou sont du moins plus susceptibles de tomber dans la délinquance que des étudiants en médecine ou en pharmacie... Cela n'est pas acceptable !
De mon point de vue, l'amendement n° 19 de la commission n'est pas non plus satisfaisant : prévoir des actions « destinées à la prévention de la délinquance » ou « concourant à l'insertion sociale », c'est la même chose. Nous ne pouvons stigmatiser certains jeunes de la sorte.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Bravo !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Je voudrais souligner qu'en proposant de faire référence à l'insertion sociale, la commission visait par exemple la délivrance d'informations concernant les cursus scolaires et universitaires ou les diverses aides ou allocations qui peuvent être attribuées, y compris par l'Union européenne, notamment en matière de logement.
Ce faisant, elle n'avait pas l'impression que la stigmatisation, si tant est qu'elle ait existé au départ, subsisterait dans la rédaction de l'article modifiée par le biais de son amendement.
M. le président. Monsieur le rapporteur pour avis, l'amendement n° 86 est-il maintenu ?
M. Nicolas About, rapporteur pour avis. Je le maintiens, sauf à ce que le champ de la disposition présentée par l'amendement de la commission des lois soit étendu à l'ensemble des formations universitaires. En effet, les sujets évoqués par M. le rapporteur intéressent tous les étudiants de France, et l'on ne saurait comprendre pourquoi certains n'auraient pas accès à des informations aussi essentielles que celles qui concernent les cursus, le logement ou les différentes aides et allocations.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Absolument !
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote sur l'amendement n° 86.
Mme Annie David. Je suis tout à fait d'accord avec les propos de M. About.
En tant que rapporteur pour avis, lors de chaque débat budgétaire, des crédits de l'enseignement technologique et professionnel, regroupés désormais au sein de la mission « enseignement scolaire », je pense que stigmatiser la voie professionnelle en lui associant des actions destinées à la prévention de la délinquance est en complète contradiction avec ce que nous réaffirmons chaque année, les uns et les autres, sur toutes les travées de cette assemblée, à savoir que l'enseignement professionnel est une filière à part entière, donnant accès à une éducation de qualité.
Il n'y a donc aucune raison de viser spécifiquement l'enseignement professionnel dans ce dispositif, c'est pourquoi nous sommes favorables à la suppression du 5° de l'article 9.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 86.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, adopte l'amendement. - Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. En conséquence, l'amendement n° 19 n'a plus d'objet.
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote sur l'amendement n° 158 rectifié bis.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je voudrais revenir, à l'occasion de cette intervention, sur le débat qui vient d'avoir lieu à propos de l'amendement n° 86.
Il serait logique que l'éducation nationale soit associée à la prévention de la délinquance, mais tel n'est pas le cas : si certains amendements ont cet objet, le projet de loi, quant à lui, ne le prévoit pas. Ce dernier traite d'ailleurs surtout de la répression, et très peu de la prévention.
Dans ces conditions, il faudrait tout de même que le Gouvernement assume certaines contradictions !
En effet, l'unanimité qui se fait jour s'agissant des écoles de la deuxième chance est sans doute bienvenue, mais elle ne peut occulter le fait que la première de nos préoccupations doit être que les élèves puissent réussir leur cursus scolaire et ne se trouvent pas amenés à devoir intégrer une telle école.
Certes, le ministre de l'éducation nationale n'intervient pas sur ce texte et on ne lui a pas demandé son avis sur la prévention de la délinquance, du moins pas officiellement, mais il se trouve que, plus tôt dans l'année, j'ai appelé son attention sur la situation d'un établissement régional d'enseignement adapté parisien, un EREA, structure financée dans une large mesure par la région.
Beaucoup de problèmes ont affecté cet établissement, car un grand nombre des élèves qui le fréquentent vivent dans une profonde précarité sociale. Les difficultés de fonctionnement sont récurrentes, et les moyens manquent pour assurer un enseignement efficace et permettre aux jeunes de se former. À la suite de nombreux incidents, la communauté éducative du lycée en question, sis dans le XIXe arrondissement de Paris, a donc réclamé la création d'un poste de psychologue scolaire, d'un poste d'infirmière, d'un poste d'assistante sociale et d'un poste d'éducateur.
J'avais interpellé le ministère de l'éducation nationale sur ce point, car nous avons tous, sans aucun doute, le souci de voir les élèves réussir, particulièrement dans des établissements où ils sont nombreux à rencontrer des difficultés, nous le savons, même s'il ne s'agit nullement, dans mon esprit, de les stigmatiser comme des prédélinquants.
J'ai obtenu une longue réponse du ministère de l'éducation nationale, selon laquelle la France connaît un recul général sur le plan démographique - soit dit par parenthèse, cette affirmation est contestable -, ce qui avait amené, pour l'académie de Paris, l'application d'une mesure d'ajustement dans le second degré au titre de la rentrée de 2006, consistant en la suppression de quarante et un équivalents temps plein !
On tentait ensuite de me rassurer en m'affirmant que cette mesure d'ajustement ne mettrait pas en cause les conditions de fonctionnement des établissements et que quatorze emplois d'infirmière avaient été créés... Vu le nombre d'établissements dépourvus d'infirmière, c'est très peu !
Enfin, on m'indiquait que les autorités académiques devraient se débrouiller pour répartir le mieux possible ces moyens. Autrement dit, si le recteur d'académie - auquel, on s'en doute, je m'étais déjà adressée - entend mieux doter l'EREA du XIXe arrondissement, il faudra qu'il prenne les personnels dans d'autres établissements, qui devront peut-être se passer d'infirmière... En ce qui concerne d'ailleurs les EREA, la réponse ministérielle ne disait pas un mot des spécificités de tels établissements.
En conséquence, si l'on veut vraiment associer l'éducation nationale à la prévention, non pas seulement de la délinquance, mais aussi de l'échec scolaire, il convient d'étudier sérieusement de quels moyens réels disposent les établissements, tout particulièrement ceux qui accueillent les populations les plus en difficulté sur le plan scolaire.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 158 rectifié bis.
(L'amendement est adopté à l'unanimité.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Mahéas, pour explication de vote sur l'article 9.
M. Jacques Mahéas. Nous aurions préféré que la rédaction de l'article 9 soit différente : plus explicite sur certains points, moins pointilleuse sur d'autres. En l'état, le groupe socialiste votera donc contre cet article.
Cela étant, j'aimerais appeler l'attention du Gouvernement sur les adaptations que pourraient permettre les décrets d'application et les circulaires.
S'il est vrai que l'éducation en général, et plus particulièrement l'éducation nationale, est le fer de lance de l'éducation civique, cela fait tout de même trente ans que je l'entends répéter, et cela fait aussi longtemps que j'entends des enseignants m'affirmer qu'ils font de l'éducation civique et de la prévention en matière de délinquance.
Certes, ce principe est inscrit explicitement dans le texte qui nous est présenté, mais pour qu'il trouve une application, il faudra impérativement aménager les programmes en conséquence. Peut-être conviendra-t-il en outre de prévoir, dans le cadre de certains examens, des épreuves spécifiques portant sur le fonctionnement de notre démocratie et le respect de l'autre.
En tout état de cause, il existe dans notre monde une dualité terrible entre l'éducation et ce que j'appellerai la contre-éducation, la première devant faire la chasse à la seconde. Je rencontre, dans des quartiers difficiles, de jeunes enfants qui se trouvent exposés à des programmes télévisés ou à des jeux vidéo d'une grande violence, livrés à la rue où l'on assiste quelquefois à des débordements de toute nature.
La liste est longue de toutes ces influences néfastes. Je m'aperçois, en faisant retour sur le passé, que je n'ai fréquenté, dans ma jeunesse, que des lieux éducatifs, tandis que les jeunes d'aujourd'hui sont exposés à des sources de contre-éducation. Qu'y a-t-il en effet de plus violent que les informations télévisées ? Regardez-les avec les yeux d'un enfant de douze ans, et vous comprendrez qu'il y a de quoi être horrifié ! D'ailleurs, certains parents éloignent leurs enfants du poste de télévision au moment de leur diffusion.
À mon sens, je le répète, l'éducation doit donc combattre la contre-éducation. Ce point me paraît extrêmement important.
Par ailleurs, nous sommes opposés à la mise en place par les conseils régionaux d'actions de formation destinées à la prévention de la délinquance, une telle mesure ne nous paraissant pas pertinente.
En ce qui concerne le contrôle du respect de l'obligation scolaire pour les enfants inscrits dans un établissement d'enseignement à distance, le dispositif semble tout à fait excessif.
Quant à l'information du maire sur l'absentéisme scolaire des élèves domiciliés dans sa commune, je ne suis pas sûr qu'une telle mesure permette un suivi plus spécifique par ses soins des familles concernées.
En effet, il est exceptionnel que ce genre de problème concerne des élèves de maternelle ou du primaire ; il touche la plupart du temps des élèves de collège. Or, s'agissant des collèges, un représentant du conseil général et des représentants de la mairie siègent au conseil d'établissement. La question de l'absentéisme est donc évoquée, notamment en conseil de discipline.
Par conséquent, ces problèmes relèvent de la responsabilité de l'éducation nationale, qui ne doit pas s'en remettre au maire. En l'occurrence, deux responsables, c'est un de trop. Comme nous l'avons indiqué tout au long de ce débat, nous voulons préserver l'identité de la fonction de maire. Sur ce plan, nous aurions préféré que la rédaction de l'article 9 soit plus simple.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Fourcade. Contrairement à M. Mahéas, je voterai l'article 9, car son dispositif permettra, à mon sens, de faciliter l'action du maire.
Nous avons très longuement discuté du rôle du maire, de l'étendue de ses pouvoirs et de ses difficultés au regard des autorités judiciaires, des associations, de la télévision. Or l'article 9 présuppose que les maires, d'une part, s'intéressent à la vie concrète de leur commune, ce qui est le cas de l'immense majorité d'entre eux, et, d'autre part, entretiennent avec les chefs d'établissement scolaire - ils sont au nombre de vingt-neuf dans ma ville - des rapports permanents, donnant lieu à l'évocation des différents problèmes pouvant se poser.
À cet égard, lorsqu'un enfant fréquentant une école primaire ou un collège est envoyé devant le conseil de discipline, cela signifie que le problème n'a pas été abordé suffisamment en amont. Un certain nombre de difficultés auraient pu être évitées si les absences avaient été notifiées et si l'on avait su les évoquer avec la famille.
À mes yeux, l'article 9 « boucle » le dispositif. Il permet au maire de mener une action à la fois informée et bien orientée. C'est la raison pour laquelle mes collègues du groupe de l'UMP et moi-même le voterons.
M. le président. Je mets aux voix l'article 9, modifié.
(L'article 9 est adopté.)
CHAPITRE III
DISPOSITIONS TENDANT À LIMITER LES ATTEINTES AUX BIENS ET À PRÉVENIR LES TROUBLES DE VOISINAGE
Article 10
Le code de l'urbanisme est modifié comme suit :
1° L'article L. 111-3-1 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, les mots : « entrepris par une collectivité publique ou nécessitant une autorisation administrative et » sont supprimés ;
b) Le troisième alinéa est supprimé ;
c) Le cinquième alinéa est complété par les phrases suivantes :
« Lorsque l'opération porte sur un établissement recevant du public, le permis de construire ne peut être délivré si l'autorité compétente a constaté, après avis de la commission compétente en matière de sécurité publique, que l'étude remise ne remplit pas les conditions définies par le décret en Conseil d'État prévu ci-dessus.
« L'étude de sécurité constitue un document relatif à la sécurité publique au sens du I de l'article 6 de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d'amélioration des relations entre l'administration et le public et diverses dispositions d'ordre administratif, social et fiscal. » ;
2° Après le sixième alinéa de l'article L. 160-1, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« e) En cas d'exécution, dans une zone d'aménagement concerté, de travaux dont la réalisation doit obligatoirement être précédée d'une étude de sécurité publique en application de l'article L. 111-3-1, avant la réception de cette étude par la commission compétente en matière de sécurité publique. »
M. le président. La parole est à Mme Adeline Gousseau, sur l'article.
Mme Adeline Gousseau. M. Dominique Braye, retenu par une réunion de la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, m'a priée de vous présenter ses observations sur cet article du projet de loi, qui est extrêmement important pour tous les opérateurs du logement, particulièrement pour les bailleurs sociaux.
La très récente promulgation de la loi portant engagement national pour le logement a démontré notre détermination à apporter une réponse à la grave crise du logement qui sévit dans notre pays et qui frappe l'ensemble des Français, y compris et surtout les ménages les plus modestes.
Cette grande ambition se manifeste également à travers la mise en oeuvre du plan de cohésion sociale et du programme national de rénovation urbaine. D'ores et déjà, nous ne pouvons que nous féliciter de la très forte reprise de la construction de logements, puisque le nombre des constructions a été porté à plus de 400 000 par an, tandis que celui des logements sociaux créés est passé à 77 000 en 2005. En d'autres termes, on n'avait pas construit autant de logements depuis vingt-cinq ans, ni autant de logements sociaux depuis dix ans.
L'article 10 vise à améliorer la prise en compte de la sécurité publique lors de la réalisation d'opérations d'aménagement, ce qui nous apparaît légitime sur le plan des principes. En effet, le fait d'instituer un dialogue entre les aménageurs et les forces de police en vue de la réalisation de très grandes opérations, de l'implantation de grandes gares ou de centres commerciaux, nous semble une bonne chose.
En revanche, il faut prendre garde à ne pas faire peser des contraintes excessives sur les constructeurs, notamment sur les bailleurs sociaux. De telles contraintes risqueraient en effet de ralentir la mise en oeuvre des projets et d'alourdir leur coût, ce qui porterait fortement atteinte au dynamisme actuel de la construction.
C'est pourquoi, monsieur le ministre, nous souhaiterions que vous puissiez nous éclairer précisément sur l'étendue du champ d'application de cette disposition. Un projet de décret, qui circule actuellement, prévoit que ne seront concernés que les opérations portant sur une surface hors oeuvre nette supérieure à 100 000 mètres carrés et les projets d'établissement recevant du public de première catégorie situés dans une agglomération de plus de 100 000 habitants. Pouvez-vous nous confirmer que ce sont bien ces seuils qui seront retenus ?
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 201, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. L'article 10 tend à modifier le code de l'urbanisme, plus précisément ses dispositions relatives aux études de sécurité publique, insérées par la loi du 21 janvier 1995.
Ces études devaient être pratiquées afin de rendre l'urbanisme moins anxiogène. Les policiers et les gendarmes devaient constituer une sorte de comité d'experts, dont l'avis avait vocation à être pris en compte dans les projets d'urbanisme.
Le décret d'application concernant les études de sécurité publique n'est jamais paru,...
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. C'est vrai !
Mme Éliane Assassi. ... et nous ne souhaitons pas que le présent texte amène sa parution.
Plusieurs raisons expliquent donc notre opposition à cet article 10.
Tout d'abord, il semble saugrenu de vouloir associer les policiers et les gendarmes à des études, fussent-elles de sécurité publique, concernant l'urbanisme, a fortiori s'il s'agit de rendre ce dernier moins anxiogène : ce ne sont pas des médecins, me semble-t-il ! À quel titre seraient-ils des experts dans ce domaine ?
Dans ces conditions, il paraît inopportun d'étendre le recours à une étude de sécurité publique à des opérations portant sur un établissement recevant du public.
Par ailleurs, cet article s'inscrit bien dans la logique de développement d'un habitat résidentiel sécurisé, logique confirmée par l'article 11 du projet de loi.
Voilà pourquoi nous demandons la suppression de l'article 10.
M. le président. L'amendement n° 87 rectifié, présenté par M. About, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le 1° de cet article :
1° L'article L. 111-3-1 est ainsi rédigé :
« Art. L. 111-3-1. - Les projets d'aménagement, la réalisation des équipements collectifs et des programmes de construction qui, par leur importance, leur localisation ou leurs caractéristiques propres, peuvent avoir des incidences sur la protection des personnes et des biens contre les menaces et les agressions, doivent faire l'objet d'une étude préalable de sécurité publique permettant d'en apprécier les conséquences.
« Un décret en Conseil d'État précise les modalités d'application du présent article. Il détermine :
« - les seuils à partir desquels les projets d'aménagement, les équipements collectifs et les programmes de construction sont soumis à l'obligation mentionnée au premier alinéa et les conditions dans lesquelles le préfet, à la demande ou après avis du maire, peut délimiter les secteurs dont les caractéristiques particulières justifient l'application de seuils inférieurs ;
« - le contenu de l'étude de sécurité publique, celle-ci devant porter au minimum sur les risques que peut entraîner le projet pour la protection des personnes et des biens contre la délinquance et sur les mesures envisagées pour les prévenir.
« Lorsque l'opération porte sur un établissement recevant du public, le permis de construire ne peut être délivré si l'autorité compétente a constaté, après avis de la commission compétente en matière de sécurité publique, que l'étude remise ne remplit pas les conditions définies par le décret en Conseil d'État prévu ci-dessus.
« L'étude de sécurité publique constitue un document non communicable au sens du I de l'article 6 de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d'amélioration des relations entre l'administration et le public et diverses dispositions d'ordre administratif, social et fiscal. »
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Nicolas About, rapporteur pour avis. Cet amendement vise à apporter des modifications d'ordre rédactionnel.
Par ailleurs, il tend à prévoir que, outre le contenu de l'étude de sécurité publique, le décret en Conseil d'État déterminera les seuils au-delà desquels les projets seront soumis à l'étude de sécurité publique et à l'avis de la commission compétente en la matière.
Il a également pour objet de prévoir que le préfet, sur demande ou après avis du maire de la commune concernée par le projet, peut décider de soumettre à une étude de sécurité publique des programmes de construction ou d'aménagement publics situés dans des périmètres où les seuils ne sont pas atteints, si des circonstances locales particulières le justifient.
Ainsi, les maires soucieux de développer des actions de prévention de la délinquance pourront le faire de façon cohérente sur le territoire de leur commune, au travers de projets d'aménagement et de construction qui ne sont légalement ou réglementairement pas soumis à cette obligation.
Enfin, notre amendement visait initialement à ce que la composition de la commission de sécurité publique soit fixée par décret simple. Nous avons accepté de supprimer cette mention, l'ordonnance du 1er juillet 2004 relative à la simplification de la composition et du fonctionnement des commissions administratives et à la réduction de leur nombre allégeant la procédure lorsque la nouvelle instance est une formation particulière d'une structure existante.
Tel devrait être le cas, puisque la commission de sécurité publique devrait être, si nos informations sont exactes, une sous-commission de la commission consultative départementale de sécurité publique.
Toutefois, monsieur le ministre, si tel ne devait pas être le cas, il faudrait préciser dans la loi la nature de cette commission ou prévoir, comme nous le suggérions, que la composition de la commission de sécurité publique soit fixée par décret. Je demande simplement au Gouvernement de confirmer ici ses intentions sur ce point.
M. le président. L'amendement n° 20, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le cinquième alinéa (c) de cet article :
c) Sont ajoutés deux alinéas ainsi rédigés :
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter cet amendement et donner l'avis de la commission sur les deux précédents.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. L'amendement n° 20 vise à rectifier une erreur matérielle.
Par ailleurs, la commission est défavorable à l'amendement n° 201, qui tend à supprimer l'article.
À ce propos, je rappellerai que M. Bernard Figiel, président du Conseil national de l'ordre des architectes, a déclaré, au cours de son audition par la commission, que l'architecture et l'urbanisme avaient des réponses fortes à apporter en matière de sécurité, à condition que cette préoccupation soit prise en compte dans la phase d'élaboration des projets. Il a ajouté que de nombreux principes pouvaient guider la réflexion : la visibilité, la lisibilité, le contrôle naturel de l'accès, la territorialité afin de permettre l'appropriation des lieux par les usagers, la socialisation de l'espace, afin de favoriser la fréquentation de celui-ci.
Nous ne voyons pas pourquoi nous devrions nous priver de cette approche situationnelle de la prévention de la délinquance, qui nous paraît tout à fait utile.
Quoi qu'il en soit, Mme Assassi a eu raison de rappeler que la loi de 1995 était restée lettre morte faute de parution d'un décret d'application, ce qui n'est pas une situation tout à fait normale. Il me semble que le texte qui nous occupe permettra d'éviter de tels travers, dans la mesure où le dispositif est moins ambitieux, n'exige pas l'élaboration de normes précises et reproductibles, mais vise essentiellement à créer les conditions d'un dialogue.
Eu égard à cette nouvelle approche de la prévention situationnelle, nous ne pouvons qu'être favorables à l'article 10, et donc défavorables à l'amendement n° 201.
En ce qui concerne l'amendement n° 87 rectifié de la commission des affaires sociales, il tend à modifier la rédaction de l'article et à mettre en place quelques ajustements qui paraissent bienvenus. La commission saisie au fond émet donc un avis favorable.
Je signale que si l'amendement n° 87 rectifié devait être adopté, l'amendement n° 20 de la commission des lois deviendrait sans objet.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les trois amendements ?
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Je tiens tout d'abord à remercier Mme Gousseau d'avoir exprimé son soutien à ce dispositif, très important aux yeux du Gouvernement.
On voit bien quelle est, au fil des ans, l'évolution des comportements et de la société. Des réformes successives sont intervenues dans l'organisation administrative de notre pays. Au regard de ces changements, le ministre d'État, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, a souhaité que les services de la police nationale se dotent d'équipes spécialisées, à même de rendre des avis sur la fonctionnalité d'un bâtiment ou d'un futur aménagement urbain, situé par exemple sur un territoire à densité importante de population.
Cela étant posé, il me semble important, madame Assassi, alors que le Sénat a adopté un amendement, présenté par le groupe socialiste, tendant à permettre à des travailleurs sociaux, relevant généralement des conseils généraux, d'intervenir dans des commissariats de police ou des gendarmeries, notamment pour y accompagner des victimes, que les services de sécurité puissent donner leur avis sur l'organisation fonctionnelle d'un hôtel de police, d'un commissariat ou d'une brigade de gendarmerie. Dans la même optique, la réorganisation de la police nationale et de la gendarmerie dans le cadre de la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure amène elle aussi différentes catégories de personnel à se côtoyer pour assurer l'accueil des personnes placées en garde à vue, celui des victimes ou le traitement de dépôts de plainte.
Il me paraît donc important, encore une fois, de prendre l'avis des personnes compétentes en matière de sécurité publique sur l'organisation des locaux, les modalités d'accueil du public ou la prévention de la délinquance, d'autant que la décentralisation a entraîné le transfert de nouvelles tâches et compétences aux collectivités territoriales. En effet, ce sont ces professionnels qui ont la plus grande expérience et la meilleure expertise dans ces domaines.
Ainsi, on a constaté, ces dernières années, la montée en puissance de certaines formes de délinquance, par exemple le car jacking, qui a imposé la mise en place de systèmes de télésurveillance. Pourquoi ne pas mettre la police ou la gendarmerie en situation de donner des conseils sur l'aménagement urbanistique des nouveaux quartiers, afin de prévenir le développement de ce type de délits, notamment aux carrefours et aux entrées des grandes agglomérations ? Prendre une telle mesure constitue à mon sens une avancée importante.
Voilà pourquoi, madame Assassi, le Gouvernement ne peut être favorable à cet amendement de suppression de l'article 10.
En ce qui concerne votre amendement n° 87 rectifié, monsieur About, nous ne pouvons que l'approuver, puisqu'il tend assurément à rendre plus fluide la rédaction du 1° de l'article 10. Je précise que la commission compétente est en réalité la commission consultative départementale de sécurité et d'accessibilité, dont le fonctionnement est régi par le décret du 8 mars 1995. Elle comprend d'ailleurs le directeur départemental de la sécurité publique et le commandant du groupement de gendarmerie départementale.
Enfin, j'émets également un avis favorable sur l'amendement n° 20, qui vise à rectifier une erreur matérielle.
M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote sur l'amendement n° 201.
Mme Marie-France Beaufils. Je suis tout de même assez surprise que nous légiférions de nouveau sur un point qui me semble relever plutôt de la formation des architectes ou des urbanistes. C'est en effet bien à eux qu'il incombe de réfléchir sur la conception et l'aménagement de nos futurs lieux de vie !
On veut ici imposer la réalisation d'une étude de sécurité publique. Cette façon de procéder me paraît quelque peu particulière ! Cela conduira à la création de nouveaux cabinets spécialisés qui produiront ces études, lesquelles viendront s'ajouter à toutes les autres déjà exigées.
Pourtant, si je vous comprends bien, monsieur le ministre, l'intention du Gouvernement est simplement de solliciter, s'agissant de bâtiments spécifiques, l'avis des personnels...
Mme Marie-France Beaufils. ... destinés à les utiliser.
Mme Marie-France Beaufils. Or, monsieur le ministre, ces futurs utilisateurs sont toujours consultés ! C'est ce que je fais, personnellement, chaque fois qu'un bâtiment spécifique doit être construit sur le territoire de ma commune. Ainsi, nous avons demandé à la police nationale de nous donner son avis sur la conception d'un nouveau poste de police.
En revanche, imposer la réalisation d'une étude supplémentaire, comme cela nous est proposé, alourdira inévitablement le coût de la réalisation des projets - comme si celui-ci n'était pas déjà assez élevé !
Pour ma part, il me semble que votre proposition, sous sa forme actuelle, traduit seulement un souci d'affichage médiatique. C'est pour vous une façon de rassurer les gens, de leur affirmer que vous vous préoccupez de leur sécurité.
Le problème de l'insécurité tient bien souvent surtout à la disparition de toute présence humaine dans nombre de bâtiments.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Tout à fait !
Mme Marie-France Beaufils. Comment voulez-vous assurer la sécurité de locaux devant accueillir du public s'il n'y a presque plus personne à l'accueil ? Ce ne sont pas les moyens techniques qui importent le plus à cet égard, c'est la présence humaine.
En tout état de cause, ce n'est pas un texte tendant à imposer la réalisation d'une étude de sécurité publique qui fera progresser la réflexion ! Je vous le dis très honnêtement, pour avoir beaucoup travaillé sur ces questions d'architecture et d'urbanisme, je suis atterrée de constater que l'on aborde le problème par ce biais, qui ne me semble nullement pertinent. Je suis en complet désaccord avec certaines formes de réponse à l'insécurité qui sont apportées aujourd'hui. On met en place des « périmètres de protection », avec des barrières, des fermetures, autour de certains bâtiments nouveaux. On en arrive à donner l'impression que certains d'entre nous ont peur des autres !
M. Jean Desessard. C'est vrai !
Mme Marie-France Beaufils. Dans ces conditions, il est évident que ces « autres » réagissent, se sentant rejetés !
Monsieur le ministre, si tel est votre projet pour améliorer les conditions de vie de la population, nous ne pouvons l'approuver !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Monsieur le ministre, il est intéressant de constater quelles sont les priorités du Gouvernement en matière d'aménagement et d'urbanisme !
J'ai défendu, lors de l'examen du projet de loi portant engagement national pour le logement, des amendements qui visaient à favoriser la construction de bâtiments économes en énergie, afin de réduire les émissions de gaz à effet de serre et de lutter ainsi contre le réchauffement climatique.
Ces amendements n'ont pas été adoptés par le Sénat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est trop cher !
M. Jean Desessard. Le Gouvernement était d'accord sur le principe, mais il a jugé, bien entendu, que le dispositif présenté était trop coûteux !
En revanche, quand il s'agit de la sécurité, il n'y a pas de limites : il faut réaliser des études, on ne regarde pas à la dépense !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Des caméras, des études, etc. !
M. Jean Desessard. Monsieur le ministre, croyez-vous que c'est ainsi que l'on résoudra les problèmes de violence ? Cela signifierait que certains aménagements permettraient, comme par magie, de réduire la violence, de prévenir les conflits !
Telle est votre conception de la démocratie participative : la gendarmerie discute avec la police des questions d'urbanisme. Eh bien non ! Si vous croyez pouvoir régler le problème de la violence par de simples aménagements sécuritaires, vous vous trompez ! La preuve en est que c'est dans les prisons que se posent en permanence des problèmes de violence que l'on ne parvient pas résoudre. Pourtant, les forces de sécurité y sont bien présentes, et les équipements de surveillance n'y manquent pas !
Dans ces conditions, croyez-vous qu'en installant des systèmes de sécurité dans tous les coins de nos villes, dans tous les quartiers, sans prendre les problèmes de société à leur racine, vous répondrez au défi de la violence ? Vous vous trompez ! C'est pourquoi je voterai la suppression de cet article.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Tout d'abord, je ferai remarquer que vous n'allez pas faciliter la tâche aux élus locaux, monsieur le ministre. En effet, créer une zone d'aménagement concerté est souvent, déjà, un parcours du combattant. Ajouter une nouvelle étude à toutes celles qui sont déjà prévues constituera un facteur supplémentaire de complexité et allongera le délai de mise en oeuvre des projets.
Par ailleurs, je souhaite relever ce qui m'apparaît comme une confusion.
Cet article traite des rapports entre la sécurité et l'urbanisme. Il me paraît parfaitement légitime, lorsque l'on construit un bâtiment destiné à recevoir du public, que l'on respecte des normes concernant la sécurité civile. Il existe, d'ores et déjà, des procédures qui permettent d'y veiller. Il ne s'agit nullement de contester cela, mais j'ai l'impression qu'il s'agit ici de tout autre chose.
Monsieur le rapporteur, vous avez cité les propos d'un architecte, que j'ai notés avec intérêt, selon lesquels, pour une bonne sécurité, des conditions de visibilité et de lisibilité devaient être remplies. Je pense que, à cet égard, il faut être vigilant.
Un de mes amis qui fut Premier ministre a dit un jour que certaines architectures étaient criminogènes. Ce n'est peut-être pas la meilleure phrase qu'il ait jamais prononcée. Il avait sans doute en tête l'exemple de constructions édifiées dans les années cinquante et soixante. Pourtant, si je me réfère aux critères de l'architecte cité par M. le rapporteur, il s'agit souvent de structures très visibles et très lisibles : des bâtiments et de grands espaces vides, dans lesquels peuvent aisément être installés tous les moyens de surveillance supposés contribuer à la lutte contre la délinquance.
Cela signifie-t-il, a contrario, que les ruelles, les venelles, les rues issues du Moyen Âge, les centres anciens ne seraient pas propices à la sécurité ? Cette question mérite que l'on y réfléchisse bien. Qu'est-ce qu'un urbanisme favorable à la sécurité ? Si c'est un urbanisme où tout est visible, lisible, rationnel, on risque de tomber dans le « kafkaïen », et je ne suis pas sûr que cela, justement, conforte la sécurité.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Les miradors !
M. Jean-Pierre Sueur. En revanche, nous avons hérité de nombreuses formes urbaines qui pourraient poser problème au regard de ces critères.
En conclusion, je pense qu'il faut refuser ce déterminisme simpliste : il n'y a pas des formes urbaines qui seraient propices par essence à la sécurité,...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Si, les ghettos de riches sont en général sécurisés !
M. Jean-Pierre Sueur. ... et d'autres qui, intrinsèquement, conduiraient à l'insécurité. C'est bien davantage une question de vie sociale, cela renvoie à la question de savoir comment l'on vit dans ces ensembles, dans ces quartiers, dans ces villes. Je ne suis pas d'accord avec le déterminisme que l'on entend ici établir.
M. le président. En conséquence, l'amendement n° 20 n'a plus d'objet.
Je mets aux voix l'article 10, modifié.
(L'article 10 est adopté.)
Article 11
La loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis est ainsi modifiée :
1° À l'article 25, il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« n) Les travaux à réaliser sur les parties communes en vue de prévenir les atteintes aux personnes et aux biens. Lorsque l'assemblée générale a décidé d'installer un dispositif de fermeture permettant d'organiser l'accès de l'immeuble, elle détermine aussi, aux mêmes conditions de majorité, les périodes de fermeture totale de l'immeuble compatibles avec l'exercice d'une activité autorisée par le règlement de copropriété. » ;
2° L'article 26 est modifié comme suit :
a) Le quatrième alinéa est remplacé par les dispositions suivantes :
« c) Les travaux comportant transformation, addition ou amélioration, à l'exception de ceux visés aux e, g, h, i, j, m et n de l'article 25. » ;
b) Après le quatrième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« d) L'ouverture matérielle des portes d'accès aux halls d'immeubles, lorsqu'elles existent. Cette décision d'ouverture est valable jusqu'à la tenue de l'assemblée générale suivante. » ;
3° Les articles 26-1 et 26-2 sont abrogés.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, sur l'article.
M. Jean-Pierre Sueur. La modification proposée, à cet article, des règles régissant la prise de décision dans les copropriétés me paraît aller dans le sens d'un urbanisme de la ségrégation.
En effet, nous voyons fleurir, dans la presse quotidienne et hebdomadaire, de nombreuses publicités vantant le haut degré de sécurité d'immeubles souvent luxueux, dotés d'un très grand nombre de caméras, de digicodes, de vigiles, etc. Sont ainsi créés de nouveaux remparts, de nouvelles fortifications.
Pour ma part, je ne veux pas d'une société, d'un urbanisme dans lequel il y aurait les ghettos des riches et les ghettos des pauvres, en quelque sorte, c'est-à-dire des quartiers hors de toute atteinte, parce que surprotégés, et d'autres voués à la misère, à la précarité et à l'accueil des populations en difficulté.
Ce serait une évolution caricaturale ; la ville que nous voulons n'est pas celle-là, c'est la ville du partage, dans laquelle on vit ensemble, dans laquelle on se rencontre. Notre conception de la sécurité, qui procède de cette ville de l'échange, de la rencontre et du partage, est à l'opposé de cet urbanisme qui incite les différentes populations à se calfeutrer dans des espaces distincts.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Monsieur Sueur, il est important que nous nous comprenions, or j'ai l'impression que tel n'est pas le cas.
La conception que vous êtes en train de défendre, c'est justement celle que vous dénoncez, notamment en faisant allusion à certaines publicités pour des immeubles dont les promoteurs garantissent la sécurité, par l'installation de dispositifs de surveillance, de digicodes, etc.
À l'heure actuelle, précisément, seules les personnes favorisées peuvent accéder à ce type de logements, tandis que les autres sont, dans un certain nombre de quartiers, confrontées à la délinquance et à l'insécurité parce qu'elles ne disposent pas des mêmes avantages.
Or, ce que nous proposons, c'est justement de répondre à votre attente, monsieur Sueur, en faisant en sorte d'instaurer une égalité pour tous, en imposant la réalisation d'études en matière de projets d'urbanisme, de grands aménagements urbains, puisque c'est bien de cela qu'il s'agit. Nous voulons que les mêmes conditions de sécurité soient offertes à tous, ainsi que le même accès à tous les services, qu'ils soient fournis par l'État, par les collectivités territoriales ou par des organismes divers. Nous voulons que tous les citoyens soient placés sur un pied d'égalité en termes de conditions de sécurité. (Exclamations sur les travées du groupe CRC.)
Par conséquent, l'article 11, comme le précédent, répond tout à fait, monsieur Sueur, à votre attente et à vos préoccupations. Je ne comprendrais pas que vous vous y opposiez.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet, sur l'article.
M. Jean-Claude Peyronnet. L'article 11 ne règle pas la question du financement. Il n'est pas égalitaire et ne traite que des procédures, avec d'ailleurs un luxe de détails qui ne me paraît pas relever du niveau législatif.
M. Jean Desessard. Absolument !
M. Jean-Claude Peyronnet. Cet article vise en fait à régler des questions de copropriété, par exemple les modalités d'ouverture et de fermeture des portes !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Portes fermées et miradors !
M. Jean-Claude Peyronnet. Il est donc d'un intérêt extrêmement limité sur le plan législatif, et ne règle en aucune façon le problème de l'égalité entre les citoyens. Les dispositions présentées ne leur donneront pas les moyens d'installer des digicodes, il s'agit seulement de définir dans quelles conditions ils pourront le faire.
M. Jean Desessard. Absolument ! Cela n'a rien à faire dans la loi !
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 165 est présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et M. Desessard.
L'amendement n° 202 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l'amendement n° 165.
M. Jean Desessard. Tout d'abord, je tiens à exprimer mon accord total avec M. Peyronnet lorsqu'il souligne que la décision d'ouvrir ou de fermer les portes des immeubles ne relève pas de la loi.
Il m'a été objecté à plusieurs reprises, alors que je présentais des amendements à visées environnementales, écologistes, que, en dépit de leur intérêt incontestable, mes propositions n'avaient pas leur place dans la loi mais relevaient du domaine réglementaire. Que ne pourrait-on dire, à cet égard, des dispositions qui nous sont ici soumises !
Cela étant, je suis d'accord avec M. le ministre sur un point : les articles 10 et 11 sont de la même veine, la veine sécuritaire ! C'est pourquoi je demande, comme mes collègues du groupe CRC, la suppression de l'article 11.
En effet, les dispositions qu'il contient illustrent la volonté du ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire de renforcer sa politique ultrasécuritaire à travers des procédures d'enfermement et de « bunkerisation » de la société.
Ces dispositions ont pour objet de faciliter la prise de décision relative à l'engagement de dépenses de sécurité dans les parties communes des copropriétés, en modifiant les articles 25 et 26 de la loi du 10 juillet 1965, qui fixe les statuts de la copropriété des immeubles bâtis. Or cette loi comporte déjà de nombreuses mesures relatives à la sécurité, notamment l'autorisation permanente donnée aux forces de l'ordre de pénétrer dans les parties communes de l'immeuble, qui doit être accordée à la majorité simple.
Nous assistons ici à un dévoiement de l'urbanisme et de l'architecture, soumis au prisme déformant du « tout-sécuritaire ». On édifie une société où l'obsession sécuritaire va jusqu'à modifier notre rapport à l'habitat. Or ce qui importe, c'est non pas de copier une méthode anglo-saxonne de prévention dite situationnelle lorsque l'on pense l'architecture et l'urbanisme de nos villes, mais bien de tout faire pour faciliter la création et le maintien du lien social.
Prévenir la délinquance, c'est permettre de faire émerger des villes et des quartiers où se développe un mieux-vivre social, culturel, intergénérationnel et environnemental, des villes où tout est mis en oeuvre pour que les gens se parlent, se côtoient, se respectent mutuellement, des villes où la solidarité et la diversité s'expriment dans des réalités quotidiennes. En tout cas, c'est s'opposer à la logique sécuritaire et répressive !
D'un côté, on pose partout des verrous, on s'enferme, on met en place une vidéosurveillance, on se « bunkerise » et on « ghettoïse » toujours plus. De l'autre, on fait en sorte qu'aucun espace n'échappe à l'emprise des forces de l'ordre ; c'est la suspicion permanente, on criminalise la présence des personnes en tout lieu, comme on a pu le constater s'agissant des jeunes stationnant dans les halls d'immeuble ou des femmes accusées de racolage passif.
Enfin, pour achever de justifier mon opposition totale à ce dispositif, je rappellerai qu'une partie des dispositions de l'article 11 sont issues d'un amendement déposé, entre autres signataires, par M. Serge Dassault, qui illustre cette crainte grandissante, chez les bourgeois, d'être assiégés par les pauvres, contre lesquels ils se défendent en se barricadant. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Philippe Goujon. Quelle caricature !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est la vérité !
M. Bernard Murat. Démagogie !
M. Christian Cambon. Arrêtez !
M. Jean Desessard. Soutenir un tel dispositif, c'est accepter cette forme de sectorisation, qui vise à protéger les riches de la proximité des pauvres,...
M. Christian Cambon. C'est la lutte finale !
M. Jean Desessard. ... alors que l'on nous parle de mixité sociale à longueur de discours ! Quelle contradiction ! Lors de l'examen du projet de loi portant engagement national pour le logement, il était question de mixité sociale, mais aujourd'hui, s'agissant de la prévention de la délinquance, on cherche au contraire à créer des ghettos !
M. Christian Cambon. Il est content de lui !
M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour présenter l'amendement n° 202.
Mme Marie-France Beaufils. L'article 11 modifie les règles de vote au sein des assemblées générales de copropriétaires, s'agissant des investissements de sécurité.
Il convient tout d'abord de souligner l'incohérence qui apparaît entre les dispositions de la loi du 10 juillet 1965, fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis et modifiée il y a peu par la loi du 13 juillet 2006 portant engagement national pour le logement, et les dispositions de ce projet de loi.
L'article 25 de la loi de 1965 prévoit déjà que les travaux à effectuer sur les parties communes en vue de prévenir les atteintes aux biens et aux personnes seront décidés à la majorité simple. En l'absence de dispositif d'ouverture à distance, le même article impose que les décisions de fermeture totale soient prises à l'unanimité.
Au contraire, ce projet de loi prévoit que, lorsque l'assemblée générale a décidé d'installer un dispositif de fermeture permettant d'organiser l'accès de l'immeuble, elle détermine à la majorité simple les périodes de fermeture totale de l'immeuble.
Nous ne pouvons imaginer que deux dispositions si incohérentes, si incompréhensibles, puissent coexister. Cet argument à lui seul nous semble justifier la suppression de l'article 11.
Nous pensons que les décisions concernant la sécurité et l'accès d'un immeuble ne peuvent être prises à la majorité simple ni même à la majorité des deux tiers, comme le prévoit le 2° de l'article 11.
M. Nicolas About, rapporteur pour avis. Alors, ces décisions ne seront jamais prises...
Mme Marie-France Beaufils. Cette logique est celle que nous dénoncions déjà lors de l'examen de l'article 10 : nous nous dirigeons vers une accentuation de la fermeture des immeubles et des résidences, ce qui entraînera le développement de quartiers complètement refermés sur eux-mêmes.
Tout cela favorise un climat et un urbanisme anxiogènes, pour reprendre les termes de M. le rapporteur sur l'article 10.
Je rappellerai que la présence des gardiens d'immeubles - les concierges, disait-on autrefois - était beaucoup plus efficace que tous ces systèmes que l'on nous vante aujourd'hui.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Évidemment !
Mme Marie-France Beaufils. Leur efficacité se fondait sur les liens humains qu'ils créaient avec les habitants. Les concierges connaissaient les habitants et leurs familles et, de ce fait, tous ceux qui entraient dans les immeubles avaient une relation première et directe avec eux.
Pour répondre à vos propos, monsieur le ministre, rappelons que la circulaire Lienemann prévoit un poste de gardien pour cent logements dans tout le parc de logements sociaux. Pour que cette mesure soit mise en oeuvre dans de bonnes conditions, les offices d'HLM, les organismes de construction de logements sociaux ont bénéficié d'allégements de la taxe sur le foncier bâti. Or il apparaît que, si cet allégement a été bien souvent accordé, le rapport « un gardien pour cent logements » n'est toujours pas respecté.
Et aujourd'hui nous légiférons sur la façon dont on va fermer des immeubles ? Il me semblerait à la fois plus pertinent et plus efficace que nous nous attelions à la mise en place des personnels qui doivent être véritablement présents dans l'ensemble des immeubles : nous gagnerions en tranquillité et en qualité de vie et, surtout, nous améliorerions l'apprentissage du « vivre ensemble », en concertation avec l'ensemble des habitants.
L'article qui nous est proposé n'apportera aucune amélioration de la qualité de vie ; il contribuera en revanche à une « ghettoïsation » des lieux. Et l'on sait de quelles actions violentes ce phénomène est responsable : on a mentionné tout à l'heure le Royaume-Uni ; on pourrait également citer l'Afrique du Sud, exemple marquant s'il en est.
Pour toutes ces raisons, nous demandons la suppression de l'article 11.
M. le président. Les deux amendements suivants sont également identiques.
L'amendement n° 21 est présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois.
L'amendement n° 88 est présenté par M. About, au nom de la commission des affaires sociales.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Rédiger comme suit cet article :
La loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis est ainsi modifiée :
1° Le second alinéa du n) de l'article 25 est supprimé.
2° Après le quatrième alinéa (c) de l'article 26, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« d) Les modalités d'ouverture des portes d'accès aux immeubles. En cas de fermeture totale de l'immeuble, celle-ci doit être compatible avec l'exercice d'une activité autorisée par le règlement de copropriété. La décision d'ouverture est valable jusqu'à la tenue de l'assemblée générale suivante. »
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 21.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. La rédaction de l'article 11 du présent projet de loi reprend largement celle de l'article 91 de la loi portant engagement national pour le logement.
Le droit en vigueur comporte toutefois plusieurs inconvénients.
D'une part, il maintient la règle de l'unanimité de l'assemblée générale des copropriétaires pour décider des horaires de fermeture totale des portes d'un immeuble compatible avec l'exercice d'une activité professionnelle, lorsqu'il n'existe pas de système d'ouverture à distance, c'est-à-dire, le plus souvent, d'interphone. En pratique, l'unanimité risque de bloquer toute décision.
Nous proposons donc de modifier cette règle. Peut-être y verrez-vous, monsieur Desessard, madame Beaufils, une mesure de « dé-bunkerisation » ou de « dé-ghettoïsation ».
D'autre part, le droit en vigueur est particulièrement complexe. Il comprend des règles de majorité qui diffèrent selon les horaires et le type de fermeture : majorité simple, unanimité, majorité des deux tiers.
Le b) du 2° du présent article tendait d'ailleurs à accroître encore cette complexité, en prévoyant une majorité spécifique pour les décisions d'ouverture matérielle des portes d'accès aux halls d'immeuble. Or la distinction est assez subtile entre une décision de fermeture totale et une décision d'ouverture matérielle.
L'amendement n° 21 tend donc à simplifier le dispositif, en harmonisant l'ensemble des règles de majorité pour les décisions relatives aux modalités d'ouverture des portes d'accès aux immeubles.
Si vous adoptez cet amendement, mes chers collègues, il reviendra aux copropriétaires de décider à la seule majorité des deux tiers, d'une part, des périodes d'ouverture ou de fermeture des portes des immeubles, d'autre part, du type de dispositif de fermeture qui sera activé pendant ces périodes.
Cela devrait aller dans le sens d'une plus grande sécurité et d'une meilleure protection des personnes et des biens dans les immeubles en copropriété, tout en permettant un accès compatible avec l'exercice d'une activité libérale autorisée par le règlement de copropriété.
Je signale que la commission des affaires sociales, qui a déposé un amendement identique au nôtre, est à l'origine de cette simplification des règles de majorité, initiative qui me paraît fort bienvenue.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour présenter l'amendement n° 88.
M. Nicolas About, rapporteur pour avis. En défendant l'amendement de la commission des lois, M. le rapporteur a remarquablement défendu celui de la commission des affaires sociales.
M. Jean-Claude Carle. Bravo !
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements nos 165, 202 et 88 ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. L'amendement n° 165, qui tend à la suppression de l'article 11, est bien sûr incompatible avec la position de la commission, qui a en conséquence émis un avis défavorable.
Il en va de même pour l'amendement n° 202, dont nous précisons que l'objet n'est d'ores et déjà plus exactement conforme à la réalité. En effet, les auteurs de l'amendement s'opposent au passage de la règle de l'unanimité à celle de la majorité simple pour les décisions des assemblées générales de copropriété relatives aux investissements de sécurité. Or les cas de décisions pour lesquelles l'unanimité est aujourd'hui requise sont exceptionnels. Dans la pratique, c'est la règle de la majorité qui prévaut aujourd'hui.
La commission est bien entendu favorable à l'amendement n° 88, identique au sien.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les quatre amendements ?
M. Christian Estrosi, ministre délégué. J'avoue que je n'ai pas bien compris le sens de l'intervention de Mme Beaufils. La seule chose que j'y ai décelée, c'est son souhait de voir les portes des immeubles ouvertes à tous les vents afin que tout le monde soit exposé à la délinquance et à l'insécurité. (Protestations sur les travées du groupe CRC.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Quelle caricature, monsieur le ministre !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Ces propos tenaient d'un mélange des genres inouï, puisqu'il a été à la fois question des immeubles en copropriété, le seul sujet qui nous occupe aujourd'hui, et de la circulaire Lienemann, qui ne concerne que le logement social locatif. Il ne s'agit pas du tout des mêmes domaines.
Mme Marie-France Beaufils. C'est vous, monsieur le ministre, qui avez abordé ce sujet !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Comme l'a indiqué M. le rapporteur, il s'agit seulement de rappeler que les immeubles sont des espaces privés, madame Beaufils, et qu'il suffit d'un vote à la majorité simple au sein d'une copropriété pour décider de travaux de sécurisation. Nous simplifions les choses et, grâce à la codécision, nous favorisons l'exercice de la démocratie à l'intérieur des immeubles.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur les amendements nos 165 et 202.
En revanche, nous émettons un avis très favorable sur les amendements nos 21 et 88, qui précisent les règles applicables.
M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 165 et 202.
Mme Marie-France Beaufils. Monsieur le ministre, vous faites semblant de ne pas me comprendre, mais vous m'avez fort bien entendue. Répondant à M. Sueur, c'est vous qui le premier avez établi un lien entre la façon dont on traitait les copropriétés et celle dont on traitait le logement social.
Je précise donc à nouveau ma pensée : il s'agit de régler les problèmes de sécurité dans les immeubles. Or on voudrait ici nous enfermer dans un débat sur l'ouverture et la fermeture des portes, questions qui sont au surplus déjà parfaitement traitées dans la loi.
Pour nous, ce sont les moyens humains qui permettront que, partout, les gens vivent dans de meilleures conditions.
En ce qui concerne maintenant la circulaire Lienemann, vous avez peut-être balayé d'un revers de la main mon argumentation, mais cela ne change rien au fait que la circulaire n'est toujours pas appliquée là où elle devrait l'être, c'est-à-dire dans le parc locatif social. Nous nous battons depuis des années sur le terrain pour obtenir cette application, sans jamais recevoir de réponse. Visiblement, vous ne souhaitez pas consacrer à cette action les moyens nécessaires.
En d'autres termes, je ne vois rien ni dans le texte ni dans votre attitude qui puisse laisser penser que vous avez l'intention de régler le problème !
M. le président. La parole est à M. André Lardeux, pour explication de vote.
M. André Lardeux. Je voterai bien évidemment l'article 11 et les amendements présentés par les commissions.
Je regrette tout de même que de telles dispositions relèvent du domaine législatif et non du domaine réglementaire : cela simplifierait grandement les choses.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. D'habitude, on est beaucoup plus strict, monsieur Lardeux !
M. André Lardeux. Cela dit, sur le fond du problème, je m'étonne des arguments de nos collègues de l'opposition. Je me demande où ils habitent et s'ils vivent dans des quartiers populaires. (Protestations sur les travées du groupe CRC.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous n'habitons pas des châteaux !
M. André Lardeux. Comme l'a rappelé M. le ministre, tous les immeubles sont des espaces privés, au sein desquels les gens ont droit à la tranquillité.
Pour habiter un quartier populaire, je puis en témoigner, il y a bien longtemps que les immeubles de logements sociaux sont fermés, et ils l'ont même souvent été bien avant les résidences du même quartier qualifiées de bourgeoises.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Est-ce que vous avez des gardiens ?
M. André Lardeux. Je crois donc, mes chers collègues, que vous ouvrez un faux débat sur ce thème et que vous ne le faites que pour vous opposer systématiquement à un texte qui ne mérite pas de telles critiques.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Bien sûr !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos165 et 202.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 21 et 88.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, l'article 11 est ainsi rédigé.
6
RAPPEL AU RÈGLEMENT
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour un rappel au règlement.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je profite de la présence de M. Estrosi pour faire état des incidents graves, dont vous avez sans doute eu tous connaissance, qui ont eu lieu cet après-midi à Cachan, dans le gymnase où sont enfermées...
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Abritées !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. ... où sont « abritées », mais dans des conditions déplorables, un certain nombre de personnes.
Plusieurs d'entre elles ont été blessées. La police, intervenue pour interpeller un père de famille qui se trouvait dans ce gymnase, ce qui a logiquement suscité des réactions, a apparemment usé de grenades lacrymogènes et de matraques. On compte au moins sept blessés, qui ont été évacués.
Je voudrais d'une part demander à M. le ministre de nous donner des explications, et d'autre part lui dire qu'il serait vraiment temps que l'on trouve une solution pour les personnes hébergées dans ce gymnase.
Il ne s'agit pas pour moi d'ouvrir le débat maintenant, mais chacun sait que les conditions d'hébergement sont déplorables, ce qui fait craindre notamment des maladies. En outre, certaines des personnes « abritées » sont en situation parfaitement régulière.
Bref, pensant particulièrement en cet instant aux enfants, j'estime qu'il est inadmissible pour un pays comme le nôtre de tolérer une telle situation. Il ne peut qu'en résulter de nouveaux problèmes.
Nous avons récemment entendu M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, nous indiquer que des mesures de relogement seraient prises. Nous les attendons encore aujourd'hui.
Par conséquent, je vous demande de prendre des dispositions immédiates, monsieur le ministre. À cet égard, le maire de Limeil-Brévannes a émis une proposition, à laquelle le préfet du département du Val-de-Marne s'oppose pour le moment. Dans ces conditions, monsieur le ministre, je vous demande solennellement de régler le problème et de faire droit à la proposition du maire de Limeil-Brévannes.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Christian Estrosi, ministre délégué à l'aménagement du territoire. Madame Borvo Cohen-Seat, je voudrais vous demander de faire preuve d'esprit de responsabilité.
L'affaire que vous évoquez est suffisamment sérieuse pour que personne ne jette d'huile sur le feu.
Permettez-moi d'ailleurs de vous rappeler qu'un relogement hôtelier a été proposé à l'ensemble des occupants du gymnase.
M. Jean Desessard. Seulement pour trois jours !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Certes, je ne puis que déplorer les événements de cet après-midi, mais j'observe que certains n'ont eu de cesse d'aviver les tensions, de pratiquer la désinformation...
M. Henri de Raincourt. Et de manipuler les personnes !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. ...et de pousser les occupants du gymnase à y demeurer.
Pour notre part, nous n'avons pas cessé de proposer des solutions, afin précisément de pouvoir loger les personnes concernées dans des conditions dignes au regard de la situation qui est la leur. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
7
Prévention de la délinquance
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi relatif à la prévention de la délinquance.
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l'examen des amendements tendant à insérer un article additionnel après l'article 11.
Articles additionnels après l'article 11
M. le président. L'amendement n° 154 rectifié, présenté par M. Goujon, Mme Hermange et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :
Après l'article 11, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 127-1 du code de la construction et de l'habitation, est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les communes ou leurs groupements peuvent contribuer à l'obligation prévue par le présent article, lorsque les immeubles ou groupes d'immeubles collectifs à usage d'habitation qui y sont assujettis sont particulièrement exposés à des risques de délinquance et font l'objet de dispositions des contrats locaux de sécurité. »
La parole est à M. Philippe Goujon.
M. Philippe Goujon. Les obligations en matière de gardiennage et de surveillance des immeubles collectifs à usage d'habitation incombent exclusivement aux bailleurs, en application de l'article L. 127-1 du code de la construction et de l'habitation. Ces dispositions ont d'ailleurs été prises sur le fondement de la loi du 21 janvier 1995 d'orientation et de programmation relative à la sécurité, adoptée sur l'initiative de notre collègue Charles Pasqua, qui était alors ministre d'État, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, et de la loi du 15 novembre 2001 relative à la sécurité quotidienne.
Même si elles sont très utiles, ces obligations, qui ont été précisées par les articles R. 127-1 et suivants du même code, sont extrêmement lourdes à supporter pour les bailleurs, notamment pour ceux qui assurent la gestion de logements sociaux.
À cet égard, l'Union sociale pour l'habitat a saisi le Gouvernement des difficultés d'application de ces obligations, en souhaitant un assouplissement de certaines d'entre elles, notamment de la règle d'un poste de gardien pour cent logements, qui a d'ailleurs été évoquée lors de l'examen de l'article 11 du présent projet de loi.
Plutôt que d'alléger les conditions de sécurité dans les immeubles gérés par les bailleurs sociaux si ces derniers, malgré les subventions, ne parviennent pas à mettre en oeuvre les dispositions légales, cet amendement tend à ouvrir la possibilité - bien entendu, il s'agira d'une possibilité, et non d'une obligation - aux communes ou à leurs groupements de concourir à la sécurité des personnes particulièrement exposées à des risques de délinquance et faisant l'objet de mesures particulières au titre des contrats locaux de sécurité.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. L'amendement présenté par notre collègue Philippe Goujon vise à permettre le cofinancement par les communes des frais de gardiennage qui s'imposent à certains immeubles collectifs à usage d'habitation.
En effet, certains bailleurs sociaux éprouvent de grandes difficultés à assumer cette charge ; les communes pourraient donc les y aider. Certes, il ne s'agit que d'une faculté ouverte à ces dernières, mais cela risque néanmoins de leur créer une charge supplémentaire.
La commission souhaite donc connaître l'avis du Gouvernement sur cet amendement.
M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Estrosi, ministre délégué. L'amendement de M. le sénateur Goujon vise à élargir et à renforcer, pour les communes, les possibilités de soutien aux propriétaires d'immeubles collectifs situés dans les secteurs les plus exposés à des risques de délinquance, afin de les aider à assumer effectivement leurs obligations en matière de sécurité.
Cette proposition va, nous semble-t-il, dans la bonne direction. Elle peut permettre de renforcer les dispositions actuelles et les mesures que le présent projet de loi tend à mettre en place.
Par conséquent, le Gouvernement émet un avis très favorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.
Mme Marie-France Beaufils. Je voudrais faire plusieurs observations sur cette proposition.
Tout d'abord, la règle d'un poste de gardien pour cent logements n'est actuellement pas appliquée. (M. Philippe Goujon s'exclame.)
Excusez-moi, mon cher collègue, mais je ne suis pas Parisienne ! Mon propos concerne donc non pas Paris, mais des villes de province présentant des taux de logements sociaux très supérieurs à ceux d'autres communes parfois mentionnées dans cet hémicycle. De ce point de vue, je n'ai aucune leçon à recevoir, puisque ma commune compte 42 % de logements sociaux. C'est donc une réalité que je connais bien. J'ai d'ailleurs vécu vingt-deux ans dans un logement social, et je sais donc comment on y vit.
Par conséquent, la circulaire du 1er février 2002 relative aux obligations de gardiennage ou de surveillance de certains immeubles d'habitation, dite circulaire « Lienemann », n'est pas appliquée.
Pourtant, les organismes d'HLM bénéficient tout de même de l'allégement de la taxe sur le foncier bâti. J'insiste sur ce point, parce qu'une dépense devrait normalement être la contrepartie de cet allégement, or tel n'est pas le cas.
Monsieur Goujon, vous entendez à présent demander aux communes qui connaissent les situations les plus difficiles de fournir un effort budgétaire pour contribuer à alléger la charge des organismes d'HLM, dont la mission est de traiter les problèmes évoqués, alors que les finances de ces collectivités sont déjà largement grevées par des interventions en faveur des personnes les plus fragiles !
À mon sens, l'effort de solidarité qui doit s'exprimer en la matière relève non pas de la commune dans laquelle se trouve le parc de logements sociaux, mais de la nation. En effet, le logement fait partie des compétences que l'État a décidé de conserver dans le cadre de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales. Les collectivités territoriales qui ont déjà à supporter le poids des difficultés rencontrées par les familles accueillies dans le parc de logements sociaux ne doivent pas être au surplus sollicitées pour intervenir dans le sens que vous prônez.
Une fois de plus, on nous propose de fausses solutions, en transférant aux collectivités territoriales qui disposent de moyens financiers toujours plus réduits et qui peinent de plus en plus à boucler leur budget une charge supplémentaire que l'État ne veut pas assumer.
M. le président. La parole est à M. Philippe Goujon, pour explication de vote.
M. Philippe Goujon. D'abord, cet amendement n'a pas pour objet d'imposer quoi que ce soit ; il vise simplement à ouvrir une faculté.
Mme Marie-France Beaufils. Mais bien sûr !
M. Philippe Goujon. Ensuite, la règle d'un poste de gardien pour cent logements est une disposition légale ; il me semble souhaitable que la loi soit respectée !
Enfin, la solidarité nationale, en matière de maintien de la sécurité, s'applique déjà : la police nationale et la gendarmerie ont évidemment pour mission d'assurer la sécurité lorsque cela est nécessaire.
Mme Marie-France Beaufils. Vous rêvez !
M. Philippe Goujon. S'il est décidé d'engager un effort supplémentaire dans ce domaine, il est légitime que les bailleurs sociaux ou les collectivités territoriales, si elles le souhaitent, assument les conséquences de ce choix.
Mme Marie-France Beaufils. Vous ne connaissez pas la réalité !
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 11.
L'amendement n° 157 rectifié, présenté par M. Goujon, Mme Hermange et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :
Après l'article 11, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le chapitre IX du titre II du livre Ier du code de la construction et de l'habitation est modifié comme suit :
I. - Après l'article L. 129-4, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. L. 129-4-1 - Lorsqu'un local entreposant des matières explosives ou inflammables d'un immeuble collectif à usage principal d'habitation est en infraction avec les règles de sécurité propres à ce type de local, le maire peut par arrêté motivé, pris après une mise en demeure non suivie d'effet de procéder à la mise en conformité du local avec lesdites règles, ordonner sa fermeture jusqu'à la réalisation des travaux de mise en conformité.
« Le fait pour le propriétaire ou l'exploitant, malgré une mise en demeure du maire d'avoir à se conformer à l'arrêté pris en application de l'alinéa précédent, de ne pas procéder à la fermeture du local est puni de 3 750 € d'amende. »
II. - À l'article L. 129-5, la référence « L. 129-4 » est remplacée par la référence : L. 129-4-1 ».
La parole est à M. Philippe Goujon.
M. Philippe Goujon. Cet amendement a pour objet d'attribuer aux maires des moyens juridiques suffisants pour que les arrêtés de fermeture qu'ils peuvent être amenés à prendre à l'encontre des locaux où sont entreposées des matières explosives ou inflammables dans les immeubles d'habitation en infraction avec les règles de sécurité préventive soient effectivement et pleinement respectés.
Chacun le sait, de nombreux manquements aux règles de sécurité sont constatés dans ce type de locaux. C'est le cas, notamment mais pas seulement, à Paris : selon les services de la préfecture de police, le taux de conformité des ateliers et dépôts abritant de telles matières dans des bâtiments d'habitation s'établirait à 44 % pour l'ensemble de la capitale, et à seulement 38 % dans le IIIe arrondissement, où de nombreux arrêtés de fermeture ont été pris.
Ce faible taux de conformité s'explique en partie au moins par le caractère peu dissuasif de la mesure administrative de fermeture. En effet, son non-respect est sanctionné par une amende prévue pour les contraventions de la première classe, dont le montant s'élève à seulement 38 euros.
Cet amendement tend donc à combler une lacune, en confiant aux maires, ou au préfet de police dans le cas de Paris, les moyens juridiques nécessaires pour que les arrêtés de fermeture pris à l'encontre de ce type de locaux en infraction avec les règles de sécurité soient effectivement respectés.
Le montant de l'amende, 3 750 euros, serait identique à celui qui est prévu à l'article L. 123-4 du code de construction et de l'habitation. Ce dernier, qui a été inséré par l'article 70 de la loi du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure, s'applique aux établissements recevant du public en infraction avec les règles de sécurité qui leur sont propres, selon des modalités identiques aux dispositions présentées ici.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Cet amendement tend à donner aux maires les moyens de faire respecter les arrêtés de fermeture des locaux abritant des matières explosives à l'intérieur d'un immeuble d'habitation et ne respectant pas les règles de sécurité.
Ainsi que Philippe Goujon vient de le préciser, il s'agit de combler une lacune juridique. En effet, ces arrêtés de fermeture n'étaient pratiquement jamais respectés, la sanction étant une amende de 38 euros, ce qui est totalement dérisoire.
Par conséquent, la commission émet un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Monsieur le sénateur Goujon, on ne peut effectivement tolérer que des locaux professionnels situés dans des immeubles d'habitation soient en infraction avec les règles de sécurité lorsque y sont entreposées des matières explosives ou inflammables.
Or de nombreux manquements ont en effet été constatés, notamment à Paris, où le taux de conformité des ateliers et des dépôts abritant de telles matières dans des bâtiments d'habitation s'établit à seulement 44 % pour l'ensemble de la capitale.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est abominable !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Les arrêtés de fermeture que l'autorité de police est amenée à prendre pour faire cesser cette situation sont peu respectés. Cela est notamment dû au caractère peu dissuasif de l'amende, dont le montant s'établit à seulement 38 euros, ce qui correspond à une contravention de première classe.
Dans ces conditions, le dispositif présenté répond à un véritable problème de sécurité. Le Gouvernement y est donc favorable.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 11.
L'amendement n° 244 rectifié bis, présenté par M. Cambon et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :
Après l'article 11, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La section 1 du chapitre II du titre VIII du livre III du code civil est ainsi modifiée :
1° Au deuxième alinéa de l'article 1728, après le mot : « famille », sont insérés les mots : « notamment en veillant à ne pas troubler le voisinage » ;
2° L'article 1729 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Si le preneur manque aux obligations définies à l'article 1728 ou emploie la chose louée à un autre usage que celui auquel elle a été destinée, ou dont il puisse résulter un dommage pour le bailleur, celui-ci peut, suivant les circonstances, faire résilier le bail. Lorsque la carence du bailleur dont le preneur est à l'origine de troubles anormaux du voisinage est avérée, l'action en résiliation du bail de ce preneur peut être exercée par le syndicat de la copropriété représenté par le syndic auquel peut se joindre au moins la moitié des preneurs de l'immeuble. »
La parole est à M. Christian Cambon.
M. Christian Cambon. Il n'est pas de semaine où les maires n'aient à connaître de plaintes de leurs concitoyens en raison de troubles de voisinage.
En effet, il est de plus en plus fréquent que certains de nos concitoyens s'affranchissent des règles élémentaires de la vie collective - c'est notamment le cas dans les habitats collectifs - en perturbant le voisinage par du bruit ou par des comportements incompatibles avec la tranquillité à laquelle l'ensemble de nos concitoyens, en particulier les plus modestes d'entre eux, ont droit.
De tels troubles de voisinage entraînent malheureusement de plus en plus souvent des faits divers extrêmement préoccupants, voire tragiques, la violence constituant souvent la réponse ultime de voisins excédés, qui ne supportent plus ces perturbations.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Surtout quand ils ont des armes !
M. Christian Cambon. Par conséquent, la première partie de cet amendement vise à confirmer par la loi que l'usage paisible des locaux fait partie des obligations du preneur.
Cela étant, on ne peut pas se limiter à cette seule affirmation.
Certes, la jurisprudence a consacré l'existence du trouble de voisinage en tant qu'élément servant à constituer le fondement à la résiliation du bail. Cependant, cette possibilité concerne les seules relations entre le bailleur et le preneur du bien.
Or ce sont des tiers, en l'occurrence les voisins, qui sont le plus souvent les victimes des troubles de voisinage, mais eux ne peuvent se fonder que sur le terrain de l'action en responsabilité délictuelle pour obtenir réparation. On en conviendra, il s'agit là d'une procédure onéreuse et extrêmement longue.
Bien entendu, lorsque l'immeuble appartient à un propriétaire unique - c'est le cas pour de nombreux ensembles immobiliers et locatifs libres ou sociaux -, celui-ci a les moyens d'agir sur le fondement des articles 1382 et suivants du code civil. À cet égard, les actions en résiliation des bailleurs, libres ou sociaux, ou des offices d'HLM montrent, par leur nombre, que ceux-ci remplissent parfaitement leur rôle.
Mais tel n'est pas le cas des copropriétés, notamment de celles dans lesquelles les bailleurs se désintéressent des troubles provoqués par leurs locataires. C'est à ce problème que le présent amendement tend à apporter une solution.
En effet, en cas d'inaction du copropriétaire bailleur, il nous parait légitime que les autres copropriétaires puissent demander la résiliation du bail du locataire qui ne respecte pas ses obligations.
Il convient bien sûr d'éviter toute possibilité d'action abusive ou dilatoire. C'est pourquoi cet amendement précise que ces copropriétaires ne pourront agir en résiliation que dans le cadre de leur syndicat de copropriété représenté par le syndic, et dans le respect des majorités applicables en la matière.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Cet amendement, dans la rédaction initiale examinée par la commission, tendait à permettre à un tiers, gêné par des troubles de voisinage, d'exercer à la place du bailleur une action en résiliation du bail à l'encontre du preneur. À ce jour, l'article 1729 du code civil n'ouvre cette action qu'au seul bailleur.
Bien que cet amendement ait paru utile dans un certain nombre de cas, la commission a craint que, par son caractère général, il ne donne lieu à des dérives, créant un contentieux important.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. On fera partir tous les gens qui ne sont pas « comme il faut » !
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Sur le plan des principes, la rédaction initiale de cet amendement aurait permis à un tiers de s'immiscer dans une relation contractuelle. La prudence a donc conduit la commission à donner un avis défavorable.
Depuis, cet amendement a fait l'objet d'une rectification. Afin de mieux encadrer le dispositif, l'action en résiliation ne pourrait être exercée que par le syndicat de copropriété représenté par le syndic, auquel pourrait se joindre au moins la moitié des preneurs de l'immeuble.
J'ajoute que le recours abusif pourrait être sanctionné, ce qui devrait limiter l'inflation contentieuse. Compte tenu des progrès résultant de cette rectification, et à titre strictement personnel, c'est avec un grand intérêt et un préjugé favorable que j'écouterai l'avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur Cambon, comme vient de le dire M. le rapporteur, votre première rédaction était très inquiétante puisqu'elle créait une action indirecte qui pouvait être intentée en cas de trouble de voisinage causé par un locataire indélicat ; le bailleur était obligé d'expulser contre son gré ce locataire.
Le deuxième aspect critiquable de votre amendement résidait dans l'atteinte au droit de propriété qui en résultait, puisque, dans l'hypothèse où le bailleur habite loin, la perturbation ne le gêne pas et lui est indifférente. Or, votre intention était de l'obliger à congédier le locataire indélicat, ce qui était impossible juridiquement.
Vous présentez une nouvelle rédaction qui consiste à autoriser le syndicat des copropriétaires, c'est-à-dire le syndic, le cas échéant avec la moitié des preneurs de l'immeuble, à saisir la justice afin d'obtenir l'expulsion du locataire qui crée la perturbation dans un immeuble, et cela malgré la volonté du bailleur. Cette rédaction rejoint une jurisprudence très récente de la Cour de cassation qui, dans ce cas d'espèce, avait admis cette entorse au droit de propriété.
Le Gouvernement émet donc un avis favorable sur cet amendement rectifié de M. Cambon.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Peyronnet. Je souhaite juste poser une question, monsieur le président : mais que fait le maire ? (Sourires sur les travées du groupe CRC.)
M. Jean-Pierre Sueur. Il se repose !
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 11.
Article 12
Le code de la route est ainsi modifié :
1° Après l'article L. 121-4, il est créé un article L. 121-4-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 121-4-1. - Lorsqu'un avis d'amende forfaitaire majorée concernant une contravention mentionnée à l'article L. 121-3 du présent code a été adressé par lettre recommandée au titulaire du certificat d'immatriculation ne pouvant justifier d'un domicile sur le territoire français et qu'il n'a pas été procédé, dans le délai de quatre mois à compter de sa date d'envoi, au paiement de l'amende ou à la réclamation prévue par l'article 530 du code de procédure pénale, le véhicule ayant servi à commettre l'infraction peut, en cas d'interception du véhicule conduit par ce titulaire, être retenu jusqu'à ce que celui-ci verse le montant de l'amende due aux agents mentionnés à l'article L. 121-4 du présent code. Il en est de même si le véhicule est conduit par un préposé du titulaire du certificat d'immatriculation ou par le représentant de ce titulaire s'il s'agit d'une personne morale.
« Le véhicule peut être mis en fourrière si ce versement n'est pas fait par l'intéressé et les frais en résultant sont mis à la charge de celui-ci.
« La personne est informée qu'elle peut demander que le procureur de la République du lieu de l'interception soit avisé de l'application des dispositions du présent article.
« Pour l'application de ces dispositions, est considérée comme le titulaire du certificat d'immatriculation, la personne dont l'identité figure sur un document équivalent délivré par les autorités étrangères. » ;
2° Au premier alinéa de l'article L. 325-7, le mot : « quarante-cinq » est remplacé par le mot : « trente » ;
3° L'article L. 325-8 est remplacé par les dispositions suivantes :
« Art. L. 325-8. - I. - L'autorité dont relève la fourrière remet au service chargé du domaine les véhicules gardés en fourrière dont elle a constaté l'abandon à l'issue du délai prévu à l'article L. 325-7, premier alinéa, en vue de leur mise en vente. Ceux d'entre eux que le service chargé du domaine estime invendables et ceux qui ont fait l'objet d'une tentative de vente infructueuse sont livrés sans délai par l'autorité dont relève la fourrière à la destruction.
« II. - La propriété d'un véhicule abandonné en fourrière est transférée selon le cas, soit au jour de son aliénation par le service chargé du domaine, soit à celui de sa remise à la personne chargée de la destruction. » ;
4° L'article L. 325-10 est abrogé ;
5° À l'article L. 330-2, 9°, après les mots : « aux autorités étrangères », sont supprimés les mots : « extérieures à l'Union européenne et à l'Espace économique européen ».
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 203 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
L'amendement n° 309 est présenté par MM. Peyronnet, Godefroy, Badinter, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mahéas et Sueur, Mme Campion, MM. Cazeau et Domeizel, Mmes Demontès et Jarraud-Vergnolle, M. Michel, Mme Schillinger, MM. Guérini, Lagauche, Madec, Mélenchon, Mermaz et Ries, Mmes Tasca, Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour présenter l'amendement n° 203.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Après avoir autorisé les copropriétaires à se débarrasser de leurs voisins gênants, le projet de loi comporte d'autres dispositions tout aussi intéressantes du point de vue de la prévention de la délinquance, à savoir celles qui concernent les infractions commises par les conducteurs étrangers et le fonctionnement des fourrières !
Cela prouve combien ce texte à peu de rapports avec la prévention de la délinquance : il comporte surtout des dispositions très disparates, qui ont toutes à voir avec la sécurité intérieure. Nous parlons, en réalité, de sécurité intérieure, de répression, et très peu de prévention.
Nous ne pensons pas que réprimer les conducteurs étrangers plus sévèrement soit une priorité dans le contexte où nous nous trouvons. Parler de sentiment d'impunité en ce qui les concerne nous semble tout à fait disproportionné. Je voudrais que l'on m'explique pour quelle raison ils éprouveraient, comme les jeunes, un sentiment d'impunité. C'est bien que quelque chose ne va pas dans la police !
De même, prétendre que la destruction plus rapide des épaves constitue le moyen de conserver un environnement urbain agréable constitue un affront pour les habitants des quartiers abandonnés par l'État, que les communes, en général pauvres, n'ont pas les moyens de rendre plus agréables. Ce ne sont pas les charges supplémentaires qu'elles doivent supporter chaque jour qui leur permettront de réaliser les investissements nécessaires pour améliorer les conditions de vie dans ces quartiers.
Vous avez donc compris pourquoi nous vous proposons de supprimer cet article 12, dont il vaudrait mieux se passer !
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet, pour présenter l'amendement n° 309.
M. Jean-Claude Peyronnet. L'article 12 instaure une procédure plus contraignante de récupération des amendes à l'encontre des conducteurs étrangers, dont il est vrai qu'un certain nombre - peut-être dans une proportion un peu plus grande que les ressortissants français - ne respecte pas les limitations de vitesse notamment. L'objectif n'est pas illégitime en soi, mais l'application demeure extrêmement aléatoire - je pense aux ressortissants de pays où il n'existe pas de limitations de vitesse, en particulier sur autoroute : il arrive qu'ils roulent effectivement très vite.
L'application de cet article sera aléatoire parce que les conducteurs étrangers, en cas d'interception de leur véhicule, doivent être définitivement condamnés pour se voir réclamer le paiement de l'amende. L'application de cette législation plus sévère ne pourra donc entrer en vigueur que six mois après la commission de l'infraction.
Par ailleurs, la nouvelle procédure ne vaudra que dans le cas où il est possible de connaître l'adresse du conducteur. De plus, elle suppose un contrôle routier, même en l'absence d'infraction. Sur quel faisceau de présomptions se fonderont ces contrôles ? Procédera-t-on en fonction des plaques d'immatriculation, du faciès du conducteur - s'il est très blond, on dira : c'est un Allemand du Nord... - par des opérations « coup de poing » ou un contrôle systématique ? Cette procédure semble donc extrêmement aléatoire et incertaine.
Par ailleurs, les garanties paraissent aussi insuffisantes, puisque le projet de loi prévoit que le conducteur « peut » demander que le procureur de la République soit avisé. Pour entrer dans le droit commun en vigueur, il faudrait que le procureur soit systématiquement avisé.
Enfin, il est question des fourrières et de leur fonctionnement. Je note avec intérêt qu'on évoque un « sentiment d'insécurité ». A-t-on suffisamment glosé lorsque nous avons parlé de ce sentiment avant 2002 ; il est vrai qu'il convient de distinguer l'insécurité de sa perception ...
Concernant les fourrières, j'observe une confusion entre la cause et l'effet. On peut toujours faciliter la procédure de destruction des épaves, mais encore faut-il que leur destruction réelle intervienne au niveau des fourrières. Nous avons le sentiment que l'encombrement des fourrières est dû à leur gestion ; c'est elle qui pose problème et non pas la lenteur alléguée des procédures.
Pour toutes ces raisons, nous demandons la suppression de l'article 12.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. La commission des lois est défavorable à ces deux amendements de suppression. Elle considère notamment que la délinquance automobile n'est pas une délinquance anodine : le développement des contrôles radar automatisés a permis de réaliser des progrès déterminants dans la lutte contre l'insécurité routière.
Toutefois, les conducteurs étrangers « flashés » pour excès de vitesse échappent à la répression car, dans leur immense majorité, ils ne paient pas les amendes forfaitaires qui leur sont adressées. Or, vous savez que près de 15 % des excès de vitesse relevés par les radars automatisés concernent des véhicules immatriculés à l'étranger. Les automobilistes étrangers éprouvent donc un sentiment d'impunité qui est de plus en plus difficilement acceptable par les automobilistes français.
En cas de non-paiement immédiat d'une amende forfaitaire ou d'une amende forfaitaire minorée, l'article L. 121-4 du code de la route permet déjà de retenir, voire de mettre en fourrière le véhicule d'un conducteur qui, à la suite de la constatation d'une infraction, ne peut justifier d'un emploi ou d'un domicile sur le territoire français, mais cette procédure est inopérante lors de contrôles radar automatisés, puisque le véhicule n'est pas intercepté.
Le présent article paraît donc compléter fort utilement le code de la route, en prévoyant que les personnes ne résidant pas en France, qui ont été définitivement condamnées pour des infractions routières, doivent payer leurs amendes en cas d'interception de leur véhicule, faute de quoi celui-ci sera mis en fourrière. Bien évidemment, ces mesures pourront désormais être décidées même en l'absence d'infraction.
Quant aux dispositions destinées à faciliter le fonctionnement des fourrières et la disparition des épaves, elles nous paraissent aussi, sur le plan de la qualité du cadre de vie, contribuer à la prévention de la délinquance.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Je suis très surpris par ces deux amendements de suppression. Les dispositions visées permettent en effet d'apporter des réponses aux préoccupations des Français.
Ceux-ci ne comprennent pas ce qui se passe dans certains quartiers, notamment au sujet des épaves. La situation est tout à fait surréaliste : certains de nos concitoyens peuvent éprouver un sentiment d'insécurité en voyant, en bas de chez eux, des véhicules, souvent volés, stationner pendant des semaines ou des mois sans que jamais personne n'intervienne -sinon en déposant régulièrement sous l'essuie-glace, quand il en reste un, un bulletin d'avertissement pour provoquer une réaction du propriétaire qui ne vient jamais. Or, ces véhicules abritent souvent un certain nombre de trafics, notamment de produits prohibés. Tout le monde le sait !
Ils fournissent aussi, chaque fois qu'il y a un mouvement dans un quartier ou une cité, les matériaux pour des incendies qui se propagent aux autres véhicules régulièrement stationnés appartenant à des propriétaires régulièrement installés dans les immeubles voisins.
Permettez-moi donc de vous dire que je ne comprends pas que l'on s'oppose à l'amélioration des dispositions qui permettent l'enlèvement de ces épaves !
Par ailleurs, concernant les conducteurs de véhicules étrangers, nous savons qu'un certain nombre de pays de l'Union européenne, à l'exemple de la Belgique, pays limitrophe de la France, mettent déjà en oeuvre ce genre de disposition. Au moment où le Gouvernement a durci considérablement la réglementation du code de la route en développant les dispositifs automatiques de contrôle de vitesse - avec les résultats que l'on connaît - les Français ont le sentiment qu'il existe deux traitements : celui où la sanction s'applique, qui les concerne, et celui où la sanction ne s'applique pas, dès lors que le conducteur serait de nationalité étrangère.
Tous ceux qui utilisent le réseau routier français doivent être placés sur un pied d'égalité, qu'ils soient citoyens français ou citoyens étrangers. Que l'on souhaite supprimer des dispositions qui permettent aux Français d'avoir le sentiment d'être traités à égalité, je ne peux le comprendre !
Bien évidemment, le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces amendements identiques. Au demeurant, madame, monsieur le sénateur, vous devriez les retirer, afin d'être mieux entendus d'un certain nombre de Français, qui ne comprennent pas, je le répète, pourquoi ils ne sont pas traités sur un pied d'égalité avec les conducteurs étrangers.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Peyronnet. Je ne voudrais pas que notre intervention ait été mal comprise. Il ne s'agit pas du tout de ne pas condamner les étrangers qui commettent des infractions en matière de circulation routière. Bien au contraire !
Si nous souhaitons supprimer cet article, c'est parce qu'il nous semble de pur affichage et sans aucune efficacité. Nous l'avons indiqué, il serait extrêmement difficile de le faire appliquer.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. J'observe que ni M. le rapporteur ni M. le ministre n'ont parlé du 3° de l'article 12, relatif aux fourrières.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Si, M. le ministre en a parlé !
M. Jean-Pierre Sueur. Je m'en étonne presque, tout en comprenant leur silence. En effet, mes chers collègues, s'il fallait trouver un exemple du caractère vétilleux, obsessionnel et parfois un peu dérisoire des mesures qui sont accumulées dans ce texte à tout propos, hors de propos, mais qui sont toujours rattachées à la prévention de la délinquance, ce serait ce 3° !
Vous nous proposez, monsieur le ministre, de modifier la loi relative non pas aux fourrières, mais aux véhicules hors d'usage qui se trouvent dans les fourrières. C'est un grand problème de délinquance dans ce pays, chacun en conviendra !
Permettez-moi d'analyser la modification proposée. Quel est l'état actuel de la loi ? Selon les termes de l'article L. 25-4 du code de la route, « les véhicules qui n'ont pas trouvé preneur, à l'expiration d'un délai fixé, pour chaque département, par le représentant de l'État dans le département, sont livrés à la destruction sur l'initiative de l'autorité administrative ».
Une telle disposition est assez simple à comprendre ! Je ne suis pas sûr qu'il soit nécessaire de la modifier. Or vous proposez, monsieur le ministre, la rédaction suivante : « Ceux d'entre eux » - il s'agit des véhicules - « que le service chargé du domaine estime invendables et ceux qui ont fait l'objet d'une tentative de vente infructueuse sont livrés sans délai par l'autorité dont relève la fourrière à la destruction. »
Deux cas de figure sont donc distingués. Tout d'abord, les véhicules que le service des domaines estime invendables. À ce propos, je m'étonne d'ailleurs - je vais ainsi dans votre sens, monsieur le ministre - que vous n'ayez pas fait inscrire la mention « sans délai ». (M. le ministre sourit.) Par exemple, on pourrait écrire : « Le service des domaines donne un avis sans délai » et « les véhicules sont sans délai remis au destructeur et la paix publique est ainsi rétablie ».
Ensuit, les véhicules pour lesquels une seule tentative de vente s'est révélée infructueuse. Comment cela se passe-t-il ? On trouve quelqu'un, et on lui demande s'il veut acheter. En cas de refus - je ne suis pas sûr que ce soit conforme à l'équité ! -, ce véhicule est livré sans délai à la destruction.
Très franchement, monsieur le ministre, le texte actuel convient très bien. Celui que vous proposez est moins clair, plus confus, plus compliqué.
Par ailleurs, je voudrais que vous nous expliquiez en quoi cette mesure relative aux véhicules usagés qui se trouvent dans une fourrière et qui sont, par conséquent, très bien gardés sera efficace. En apportant la précision « ils seront livrés sans délai à la destruction », vous pensez que le responsable de la fourrière, dès lors que ce projet de loi sera voté, enverra sans délai à la destruction toutes les épaves qu'il trouvera ? Êtes-vous sûr qu'il le fera ? Sinon, il n'appliquera pas la loi ! Or nul n'est censé l'ignorer !
Nous tombons ainsi, vous le voyez bien, dans un abîme dérisoire, avec cette obsession de mettre la prévention de la délinquance partout, y compris là où elle n'a franchement rien à faire !
M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.
Mme Marie-France Beaufils. J'ai bien entendu votre argumentaire, monsieur le ministre, sur cet article. Je ne reviendrai pas sur la vitesse inacceptable à laquelle roulent un certain nombre d'automobilistes.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ah ! Tout de même !
Mme Marie-France Beaufils. ... mais le texte que vous proposez ne permet pas, me semble-t-il, d'en faciliter la mise en oeuvre. J'ai pourtant lu et relu cet article, y compris durant la séance !
Comme mon collègue Jean-Pierre Sueur, je souhaite revenir sur la question des fourrières. Aujourd'hui, quelles sont les difficultés rencontrées quand un véhicule est laissé à l'abandon ? La plupart du temps, il faut, tout d'abord, trouver son propriétaire.
Mme Marie-France Beaufils. C'est la première des difficultés. En effet, bien souvent, le véhicule laissé dans un coin du quartier est déjà passé en de nombreuses mains, alors que la carte grise n'a pas été modifiée.
Il convient, ensuite, d'obtenir un enlèvement par la fourrière. Or c'est le délai entre le moment où une épave est découverte et celui où elle entre à la fourrière qui est le plus long. C'est notre deuxième difficulté.
Lorsqu'un véhicule a été détruit par un incendie, il est souvent difficile de le mettre à la fourrière. Si le service de police n'a pas donné l'autorisation et si l'expert de l'assurance n'est pas passé dans un délai raisonnable, cette voiture reste sur le terrain et pollue l'environnement dans lequel elle se trouve. Or cet article, monsieur le ministre, ne règle strictement rien dans ce domaine.
Troisième difficulté, les fourrières, bien souvent, ne disposent plus d'aucune place et sont elles-mêmes en difficulté.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C'est pour cela qu'il faut les vider ! CQFD !
Mme Marie-France Beaufils. Tenter d'éliminer les véhicules des fourrières semble donc tout à fait logique ! Mais, si vous voulez vraiment, monsieur le ministre, accompagner les communes qui s'efforcent de donner une image plus agréable de leurs quartiers, aidez-les à faire enlever très rapidement les épaves du lieu où elles se trouvent. C'est là que se situe notre principale difficulté, à laquelle ce texte ne répond pas. (M. Jean-Pierre Sueur applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Louis Souvet, pour explication de vote.
M. Louis Souvet. Bien évidemment, je ne voterai pas les deux amendements identiques proposés par nos collègues des groupes socialiste et CRC, qui font actuellement débat.
Monsieur le ministre, je souhaite obtenir de votre part une précision. Vous avez évoqué un traitement égalitaire pour tous ceux qui utilisent le réseau routier français, qu'ils soient français ou étrangers.
Les excès de vitesse donnent lieu, pour les Français, à une amende et à un retrait de points sur leur permis de conduire. Qu'en est-il pour les étrangers ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Monsieur Sueur, selon vous, les dispositions actuelles sont simples ; nous les compliquerions.
M. Jean-Pierre Sueur. Inutilement !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Faire passer le délai total de conservation des véhicules mis en fourrière et non réclamés de quarante-cinq jours à trente jours : c'est plus simple !
Le fait que le service des domaines ne soit plus obligé de tenter de vendre avant leur destruction des véhicules destinés à être broyés : c'est plus simple !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Les véhicules volés de Mme Beaufils !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Comme me le souffle M. le président de la commission des lois, il n'est pas besoin d'être grand clerc pour comprendre qu'un véhicule qui n'a plus ni roues ni moteur n'est pas vendable !
Les véhicules, notamment ceux qui sont considérés comme des épaves par l'expert, pourront être détruits aussitôt passé le délai de dix jours : c'est plus simple !
Enfin, les délais réduits s'appliqueront sur tout le territoire et il n'y aura plus lieu d'attendre qu'ils soient fixés par le représentant de l'État : c'est également plus simple !
Vous me dites, monsieur Sueur, que les dispositions actuelles sont simples et qu'on les complique ; pour ma part, j'ai plutôt l'impression que l'on va vers une simplification.
Mme Marie-France Beaufils. Ce n'est pas ce qui est écrit dans le texte !
M. Jean-Pierre Sueur. Vous l'inventez !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Si ! C'est ce qui est dans le texte ! Non, je n'invente pas !
Madame Beaufils, je ne vous donne pas totalement tort, car je partage une grande part de votre analyse.
Se pose tout d'abord le problème de la fourrière elle-même, auquel le texte qui vous est proposé permet de répondre.
Se pose ensuite le problème du délai durant lequel les véhicules restent sur le terrain, avant leur mise en fourrière. Je conçois aisément que le texte ne répond pas totalement à ce dernier aspect, lequel est mal vécu par un certain nombre de nos concitoyens. Lorsqu'ils nous en parlent, vous ressentez sans doute, comme moi, leur malaise. Ils souhaiteraient que les épaves qui se trouvent en bas de chez eux soient retirées plus rapidement.
Ce texte apporte malgré tout une réponse partielle. En effet, nous savons tous, en particulier ceux qui sont chargés des fourrières municipales, que les véhicules restant trop longtemps entreposés en fourrière provoquent un engorgement et ne permettent pas toujours que soient enlevées à un rythme suffisamment rapide un certain nombre d'épaves qui sont sur le terrain.
Par conséquent, ce texte apporte d'ores et déjà une réponse importante, en désengorgeant les fourrières, ce qui permettra, comme vous le souhaitez, un enlèvement plus rapide des épaves.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 203 et 309.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 12.
(L'article 12 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 12
M. le président. L'amendement n° 22, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Après l'article 12, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. Le code rural est ainsi modifié :
1° L'article L. 211-11 du code rural est ainsi modifié :
a) Au troisième alinéa du I, le mot : « mandaté » est remplacé par le mot : « désigné » ;
b) Les II et III sont ainsi rédigés :
« II.- En cas de danger grave et immédiat pour les personnes ou les animaux domestiques, le maire ou à défaut le préfet peut ordonner par arrêté que l'animal soit placé dans un lieu de dépôt adapté à la garde de celui-ci et faire procéder à son euthanasie.
« Est réputé présenter un danger grave et immédiat tout chien appartenant à une des catégories mentionnées à l'article L. 211-12, qui est détenu par une personne mentionnée à l'article L. 211-13 en méconnaissance de cet article ou qui se trouve dans un lieu où sa présence est interdite par le I de l'article L. 211-16, ou qui circule sans être muselé ou tenu en laisse dans les conditions prévues par le II du même article.
« L'euthanasie peut intervenir sans délai après avis d'un vétérinaire désigné par la direction départementale des services vétérinaires. Cet avis doit être donné au plus tard quarante-huit heures après le placement de l'animal. À défaut, l'avis est réputé favorable à l'euthanasie.
« III.- Les frais afférents aux opérations de capture, de transport, de garde et d'euthanasie de l'animal dangereux sont intégralement mis à la charge de son propriétaire ou de son détenteur. » ;
2° L'article L. 211-14 est complété par un IV ainsi rédigé :
« IV.- En cas de constatation de défaut de déclaration de l'animal, le maire ou à défaut le préfet met en demeure le propriétaire ou le détenteur de celui-ci, de procéder à la régularisation de la situation dans un délai d'un mois au plus. À défaut de régularisation au terme du délai prescrit, le maire ou à défaut le préfet peut ordonner que l'animal soit placé dans un lieu de dépôt adapté à l'accueil et à la garde de celui-ci et peut faire procéder sans délai et sans nouvelle mise en demeure à son euthanasie.
« Les frais afférents aux opérations de capture, de transport, de garde et d'euthanasie de l'animal dangereux sont intégralement mis à la charge de son propriétaire ou de son détenteur. » ;
3° Les articles L. 215-1 à L. 215-3 sont ainsi rédigés :
« Art. L. 215-1.- I.- Est puni de six mois d'emprisonnement et de 7.500 euros d'amende le fait de détenir un chien appartenant à la première ou à la deuxième catégories mentionnées à l'article L. 211-12, en contravention avec l'interdiction édictée à l'article L. 211-13.
« II.- Les personnes physiques encourent également les peines complémentaires suivantes :
« a) la confiscation du ou des chiens concernés ;
« b) l'interdiction pour cinq ans au plus de détenir un chien de la première ou deuxième catégories mentionnées à l'article L. 211-12.
« III.- Les personnes morales, reconnues pénalement responsables dans les conditions prévues à l'article 121-2 du code pénal de l'infraction prévue au I, encourent les peines suivantes :
« - l'amende, dans les conditions fixées à l'article 131-38 du code pénal ;
« - la confiscation du ou des chiens concernés ;
« - l'interdiction pour une durée de cinq ans au plus de détenir un chien de la première ou deuxième catégories mentionnées à l'article L. 211-12.
« Art. L. 215-2.- I.- Est puni de six mois d'emprisonnement et de 15.000 euros d'amende le fait d'acquérir, de céder à titre gratuit ou onéreux, hormis les cas prévus au troisième alinéa du I de l'article L. 211-11 ou au troisième alinéa de l'article L. 211-29, d'importer ou d'introduire sur le territoire métropolitain, dans les départements d'outre-mer et dans la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon des chiens de la première catégorie mentionnée à l'article L. 211-12.
« Le fait de détenir un chien de la première catégorie sans avoir fait procéder à sa stérilisation est puni des mêmes peines.
« II.- Les personnes physiques encourent également les peines complémentaires suivantes :
« 1° la confiscation du ou des chiens concernés ;
« 2° l'interdiction, pour une durée de cinq ans au plus, d'exercer une activité professionnelle ou sociale dès lors que les facilités que procure cette activité ont été sciemment utilisées pour préparer ou commettre l'infraction ;
« 3° l'interdiction pour une durée de cinq ans au plus de détenir un chien de la première ou deuxième catégorie mentionnées à l'article L. 211-12.
« III.- Les personnes morales, reconnues pénalement responsables dans les conditions prévues à l'article 121-2 du code pénal des infractions prévues au I encourent les peines suivantes :
« - l'amende, dans les conditions fixées à l'article 131-38 du code pénal ;
« - la confiscation du ou des chiens concernés ;
« - l'interdiction pour une durée de cinq ans au plus de détenir un chien de la première ou deuxième catégories mentionnées à l'article L. 211-12.
« Art. L. 215-3.- I.- Est puni de six mois d'emprisonnement et de 7.500 euros d'amende :
« - le fait de dresser ou de faire dresser des chiens au mordant, ou de les utiliser en dehors des activités mentionnées au premier alinéa de l'article L. 211-17.
« - le fait d'exercer une activité de dressage au mordant sans être titulaire du certificat de capacité mentionné à l'article L. 211-17 ;
« - le fait de vendre ou de céder des objets ou du matériel destinés au dressage au mordant à une personne non titulaire du certificat de capacité mentionné à l'article L. 211-17.
« II. Les personnes physiques encourent également les peines complémentaires suivantes :
« 1° la confiscation du ou des chiens concernés, des objets ou matériels qui ont servi au dressage ou du matériel proposé à la vente ou à la cession ;
« 2° l'interdiction, pour une durée de cinq ans au plus, d'exercer une activité professionnelle ou sociale dès lors que les facilités que procure cette activité ont été sciemment utilisées pour préparer ou commettre l'infraction ;
« 3° l'interdiction pour une durée de cinq ans au plus de détenir un chien de la première ou deuxième catégorie mentionnées à l'article L. 211-12.
« III.- Les personnes morales, reconnues pénalement responsables dans les conditions prévues à l'article 121-2 du code pénal des infractions prévues au I encourent les peines suivantes :
« - l'amende, dans les conditions fixées à l'article 131-38 du code pénal ;
« - la confiscation du ou des chiens concernés, des objets ou du matériel qui ont servi au dressage ou du matériel proposé à la vente ou à la cession ;
« - l'interdiction pour une durée de cinq ans au plus, d'exercer une activité professionnelle ou sociale dès lors que les facilités que procure cette activité ont été sciemment utilisées pour préparer ou commettre l'infraction, dans les conditions prévues à l'article 131-29 du même code ;
« - l'interdiction pour une durée de cinq ans au plus de détenir un chien de la première ou deuxième catégories mentionnées à l'article L. 211-12. »
4° Il est créé un article L. 215-2-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 215-2-1.- Le fait, pour le propriétaire ou le détenteur d'un animal mis en demeure par l'autorité administrative de procéder à la déclaration prévue à l'article L. 211-14, de ne pas procéder à la régularisation requise dans le délai prescrit, est puni de trois mois d'emprisonnement et de 3.750 euros d'amende.
« Les personnes physiques encourent également les peines complémentaires suivantes :
« - la confiscation du ou des chiens concernés dans le cas où l'euthanasie, telle que prévue à l'article L. 211-14, n'a pas été prononcée ;
« - l'interdiction de détenir un animal à titre définitif ou non. »
II.- le code pénal est ainsi modifié :
1° L'article 131-16 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« 9° L'interdiction pour une durée de trois ans au plus de détenir un animal. » ;
2° Après l'article 131-35-1, il est inséré un article 131-35-2 ainsi rédigé :
« Art. 131-35-2.- Le règlement qui prévoit, à titre de peine complémentaire, l'interdiction de détenir un animal peut limiter cette interdiction à certains animaux. »
3° L'article 222-44 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« 11° L'interdiction de détenir un chien de la première ou de la deuxième catégorie à titre définitif ou temporaire. » ;
4° Au premier alinéa de l'article 434-41, après les mots : « retrait du permis de chasser, » sont insérés les mots : « d'interdiction de détenir un animal, ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. La commission vous propose, mes chers collègues, un amendement ayant pour objet de durcir la législation relative aux chiens dangereux.
La loi du 6 janvier 1999 relative aux animaux dangereux et errants et à la protection des animaux, dont les dispositions ont été renforcées par la loi du 15 novembre 2001 dite de sécurité quotidienne, prévoit un certain nombre de mesures destinées à lutter contre les chiens dangereux, afin de garantir la protection des personnes et des biens.
À la suite d'événements dramatiques récents, il semble nécessaire d'aller plus loin, afin, notamment, de rendre effective l'obligation de déclaration de ces animaux.
En premier lieu, cet amendement précise que, par principe, un chien appartenant à la première catégorie, dite des chiens d'attaque, ou à la deuxième catégorie, dite des chiens de garde et de défense, représente un danger grave et immédiat, dès lors que l'animal se trouve dans un lieu qui lui est interdit ou circule sur la voie publique sans être muselé ou tenu en laisse.
Un tel chien sera également considéré comme présentant un danger grave et immédiat, dès lors qu'il est détenu par une personne à qui sa détention est interdite, notamment les mineurs et les personnes condamnées pour crime ou à une peine d'emprisonnement pour délit.
Vous le savez, la circonstance de danger grave et immédiat permet au maire de faire procéder sans délai à l'euthanasie du chien, après avis, qui doit être donné dans les quarante-huit heures, d'un vétérinaire spécialement désigné.
En deuxième lieu, afin de faire respecter l'obligation de déclaration d'un chien appartement à la première catégorie, l'amendement prévoit que, en cas de défaut de déclaration d'un animal, le propriétaire est mis en demeure de régulariser sa situation dans un délai de un mois au plus. À défaut, l'euthanasie de l'animal peut être ordonnée par le maire ou le préfet. Il faut rappeler à cet égard que le récépissé de déclaration d'un chien d'attaque n'est délivré que sur présentation d'un certificat de stérilisation de l'animal.
Enfin, cet amendement tend à modifier les sanctions pénales applicables en cas d'infractions à la législation sur les chiens dangereux.
Ainsi, il est proposé de sanctionner d'une peine de six mois d'emprisonnement et de 7 500 euros d'amende le fait pour une personne qui relève de l'une des catégories de personnes qui ne sont pas autorisées à détenir un chien de première ou de deuxième catégorie d'en détenir précisément un. Ce quantum de peine devrait permettre, le cas échéant, de juger ces infractions dans le cadre de la procédure de comparution immédiate en cas de flagrance et de prévoir des peines complémentaires de confiscation de l'animal et d'interdiction de détenir un chien de première ou deuxième catégorie.
Ces peines complémentaires seraient également étendues au délit d'acquisition ou de cession à titre onéreux ou gratuit d'un chien de la première catégorie défini à l'article L. 215-2 et au délit de dressage au mordant défini à l'article L. 215-3.
Enfin, cet amendement tend à punir de trois mois d'emprisonnement et de 3 750 euros d'amende le fait de ne pas procéder à la déclaration en mairie dans le délai prescrit par la mise en demeure.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Estrosi, ministre délégué. L'amendement proposé ne remet pas en cause l'économie générale du dispositif voté en 1999. Toutefois, force est de constater que ce dispositif n'est pas pleinement satisfaisant.
Nous sommes confrontés à deux problèmes.
Le premier est que certains chiens qui devraient être déclarés ne le sont pas. A ce jour, 120 000 chiens, dont 20 000 chiens de première catégorie, ont été déclarés. On constate une diminution du nombre de déclarations : 40 992 en 2000, 23 477 en 2001, 19 370 en 2002, 18 740 en 2003 et 17 855 en 2004.
Le ministère de l'agriculture estime que la population de chiens dangereux effectivement en circulation est bien supérieure aux chiffres enregistrés : il y aurait aujourd'hui dans notre pays 260 000 chiens d'attaque relevant de la première catégorie non déclarés.
Le second problème est que les maires et les préfets ont des moyens d'action encore insuffisants. Les trois mesures proposées par l'amendement seront très utiles pour leur permettre de mieux lutter contre des chiens représentant un danger pour les personnes.
Les accidents tragiques que nous avons connus ces derniers mois peuvent être évités. J'attire votre attention, mesdames, messieurs les sénateurs, quelles que soient les travées sur lesquelles vous siégez, car chacun, madame Borvo, peut considérer que les accidents intervenus, notamment sur des enfants, ont été particulièrement tragiques.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je n'ai jamais dit le contraire ! Pourquoi m'attaquez-vous ?
M. Christian Estrosi, ministre délégué. J'attire votre attention, car la proposition de la commission mérite vraiment de recueillir l'unanimité.
Pour renforcer les moyens d'action des maires et des préfets, il faut que la loi prévoie que, dans certaines situations, un chien de première ou de deuxième catégorie est réputé constituer « un danger grave et immédiat », ce qui permet le placement du chien sans formalités préalables, et son euthanasie après avis d'un vétérinaire.
L'amendement précise d'ailleurs très utilement de quelles situations il s'agit : lorsque l'animal se trouve dans un lieu qui lui est interdit ; lorsqu'il circule sur la voie publique sans être muselé ou tenu en laisse ; lorsqu'il est détenu par une personne à qui sa détention est interdite.
Pour inciter les propriétaires à déclarer leur « chien d'attaque » ou leur « chien de garde ou de défense », il est utile de prévoir que le maire ou le préfet peut les mettre en demeure de faire la déclaration dans un délai d'un mois, sans quoi le chien sera euthanasié.
Enfin, il faut revoir l'échelle des sanctions pénales contre les personnes ne respectant pas leurs obligations.
J'ajoute, pour m'en féliciter, que le dispositif proposé par la commission des lois est le fruit d'une concertation attentive avec les professionnels et les associations concernées : SPA, Société centrale canine, Syndicat national des professionnels du chien et du chat, Syndicat national des vétérinaires d'exercice libéral, FNSEA... Un groupe de travail a réuni ces différents partenaires avec les représentants des ministères de l'agriculture et de l'intérieur. Ces propositions ont été étudiées à cette occasion.
J'espère que cet amendement de la commission des lois sera approuvé sur toutes les travées. Ce serait un signe fort et rassurant adressé à toutes les familles, notamment à celles qui ont déjà subi un certain nombre de traumatismes dans notre pays. Ne pas adopter cet amendement serait n'avoir ni la volonté ni la détermination de protéger un certain nombre d'enfants notamment, qui sont malheureusement exposés au quotidien à ce type de menace dans leur quartier. (Très bien ! sur le banc de la commission.)
M. le président. La parole est à M. François Zocchetto, pour explication de vote.
M. François Zocchetto. Cet amendement répond à une attente de la population et sera de nature à faciliter l'euthanasie d'animaux qui sont réellement très dangereux. Personnellement, je crois beaucoup plus à la première partie du dispositif, susceptible de permettre l'euthanasie de ces animaux, qu'aux peines complémentaires. En effet, les personnes qui détiennent ces animaux sont malheureusement peu accessibles aux peines prononcées à leur encontre ou susceptibles de l'être.
Cela dit, permettez-moi de faire une petite remarque, que plusieurs d'entre nous partagent et qui concerne, dans le dispositif de l'amendement, la fin du deuxième alinéa du paragraphe II, à savoir, s'agissant du chien, les mots « qui circule sans être muselé ?ou? tenu en laisse ».
L'article L. 211-16 du code rural fait référence aux chiens qui « doivent être muselés ?et? tenus en laisse ». Un chien muselé et non tenu en laisse peut être dangereux, mais un chien tenu en laisse et non muselé peut l'être encore plus. Je ne sais pas si le rapporteur en sera d'accord, mais la rédaction devrait, me semble-t-il, être : « sans être muselé ?et? tenu en laisse », ne serait-ce que par cohérence avec l'article du code rural.
M. Philippe Nogrix. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Peyronnet. Nous voterons l'amendement n° 22, mais nous regrettons, une fois de plus, de légiférer sur le coup de l'émotion.
Voilà pourtant un certain temps que l'on se préoccupe du problème des chiens dangereux. Les ministres de l'intérieur, MM. Jean-Pierre Chevènement et Daniel Vaillant, avaient déjà fait voter en 1999 des lois en la matière. L'article 11 de la loi du 6 janvier 1999 relative aux animaux dangereux et errants et à la protection des animaux précisait d'ailleurs : « Le Gouvernement déposera sur le bureau des assemblées dans les deux ans qui suivent la promulgation de la présente loi un rapport dressant un bilan sur la portée de cette loi ». Que cela n'a-t-il était fait ! Avec un tel rapport, nous aurions peut-être amélioré - si tant est que l'amendement n° 22 l'améliore, ce que je crois - la législation dès ce moment-là.
Je regrette vraiment que les évaluations prévues par les textes et permettant au Gouvernement d'être contrôlé par les assemblées dans l'application des lois ne soient pas effectives. De plus, plusieurs réunions interministérielles sur ce sujet ont eu lieu depuis le mois de juin. Là encore, le Parlement aurait pu en être informé ! Nous regrettons, je le répète, de légiférer de cette façon.
Cela dit, étant aussi sensibles que vous aux événements dramatiques qui se sont produits cet été, nous voterons l'amendement de la commission. Mais, à l'avenir, une évaluation devrait vraiment être faite régulièrement, sur ce sujet comme sur bien d'autres.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Je remercie M. François Zocchetto de la pertinence de sa remarque. Effectivement, la substitution de la conjonction « et » à la conjonction « ou » me paraît aller au-delà d'une simple rectification d'ordre matériel ; elle apporte une précision qui est tout à fait importante. Par conséquent, j'accepte de modifier l'amendement n° 22 en ce sens. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF.)
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 22 rectifié, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, et ainsi libellé :
Après l'article 12, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. Le code rural est ainsi modifié :
1° L'article L. 211-11 du code rural est ainsi modifié :
a) Au troisième alinéa du I, le mot : « mandaté » est remplacé par le mot : « désigné » ;
b) Les II et III sont ainsi rédigés :
« II.- En cas de danger grave et immédiat pour les personnes ou les animaux domestiques, le maire ou à défaut le préfet peut ordonner par arrêté que l'animal soit placé dans un lieu de dépôt adapté à la garde de celui-ci et faire procéder à son euthanasie.
« Est réputé présenter un danger grave et immédiat tout chien appartenant à une des catégories mentionnées à l'article L. 211-12, qui est détenu par une personne mentionnée à l'article L. 211-13 en méconnaissance de cet article ou qui se trouve dans un lieu où sa présence est interdite par le I de l'article L. 211-16, ou qui circule sans être muselé et tenu en laisse dans les conditions prévues par le II du même article.
« L'euthanasie peut intervenir sans délai après avis d'un vétérinaire désigné par la direction départementale des services vétérinaires. Cet avis doit être donné au plus tard quarante-huit heures après le placement de l'animal. A défaut, l'avis est réputé favorable à l'euthanasie.
« III.- Les frais afférents aux opérations de capture, de transport, de garde et d'euthanasie de l'animal dangereux sont intégralement mis à la charge de son propriétaire ou de son détenteur. » ;
2° L'article L. 211-14 est complété par un IV ainsi rédigé :
« IV.- En cas de constatation de défaut de déclaration de l'animal, le maire ou à défaut le préfet met en demeure le propriétaire ou le détenteur de celui-ci, de procéder à la régularisation de la situation dans un délai d'un mois au plus. A défaut de régularisation au terme du délai prescrit, le maire ou à défaut le préfet peut ordonner que l'animal soit placé dans un lieu de dépôt adapté à l'accueil et à la garde de celui-ci et peut faire procéder sans délai et sans nouvelle mise en demeure à son euthanasie.
« Les frais afférents aux opérations de capture, de transport, de garde et d'euthanasie de l'animal dangereux sont intégralement mis à la charge de son propriétaire ou de son détenteur. » ;
3° Les articles L. 215-1 à L. 215-3 sont ainsi rédigés :
« Art. L. 215-1.- I.- Est puni de six mois d'emprisonnement et de 7.500 euros d'amende le fait de détenir un chien appartenant à la première ou à la deuxième catégorie mentionnées à l'article L. 211-12, en contravention avec l'interdiction édictée à l'article L. 211-13.
« II.- Les personnes physiques encourent également les peines complémentaires suivantes :
« a) la confiscation du ou des chiens concernés ;
« b) l'interdiction pour cinq ans au plus de détenir un chien de la première ou deuxième catégories mentionnées à l'article L. 211-12.
« III.- Les personnes morales, reconnues pénalement responsables dans les conditions prévues à l'article 121-2 du code pénal de l'infraction prévue au I, encourent les peines suivantes :
« - l'amende, dans les conditions fixées à l'article 131-38 du code pénal ;
« - la confiscation du ou des chiens concernés ;
« - l'interdiction pour une durée de cinq ans au plus de détenir un chien de la première ou deuxième catégories mentionnées à l'article L. 211-12.
« Art. L. 215-2.- I.- Est puni de six mois d'emprisonnement et de 15.000 euros d'amende le fait d'acquérir, de céder à titre gratuit ou onéreux, hormis les cas prévus au troisième alinéa du I de l'article L. 211-11 ou au troisième alinéa de l'article L. 211-29, d'importer ou d'introduire sur le territoire métropolitain, dans les départements d'outre-mer et dans la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon des chiens de la première catégorie mentionnée à l'article L. 211-12.
« Le fait de détenir un chien de la première catégorie sans avoir fait procéder à sa stérilisation est puni des mêmes peines.
« II.- Les personnes physiques encourent également les peines complémentaires suivantes :
« 1° la confiscation du ou des chiens concernés ;
« 2° l'interdiction, pour une durée de cinq ans au plus, d'exercer une activité professionnelle ou sociale dès lors que les facilités que procure cette activité ont été sciemment utilisées pour préparer ou commettre l'infraction ;
« 3° l'interdiction pour une durée de cinq ans au plus de détenir un chien de la première ou deuxième catégorie mentionnées à l'article L. 211-12.
« III.- Les personnes morales, reconnues pénalement responsables dans les conditions prévues à l'article 121-2 du code pénal des infractions prévues au I encourent les peines suivantes :
« - l'amende, dans les conditions fixées à l'article 131-38 du code pénal ;
« - la confiscation du ou des chiens concernés ;
« - l'interdiction pour une durée de cinq ans au plus de détenir un chien de la première ou deuxième catégories mentionnées à l'article L. 211-12.
« Art. L. 215-3.- I.- Est puni de six mois d'emprisonnement et de 7.500 euros d'amende :
« - le fait de dresser ou de faire dresser des chiens au mordant, ou de les utiliser en dehors des activités mentionnées au premier alinéa de l'article L. 211-17.
« - le fait d'exercer une activité de dressage au mordant sans être titulaire du certificat de capacité mentionné à l'article L. 211-17 ;
« - le fait de vendre ou de céder des objets ou du matériel destinés au dressage au mordant à une personne non titulaire du certificat de capacité mentionné à l'article L. 211-17.
« II. Les personnes physiques encourent également les peines complémentaires suivantes :
« 1° la confiscation du ou des chiens concernés, des objets ou matériels qui ont servi au dressage ou du matériel proposé à la vente ou à la cession ;
« 2° l'interdiction, pour une durée de cinq ans au plus, d'exercer une activité professionnelle ou sociale dès lors que les facilités que procure cette activité ont été sciemment utilisées pour préparer ou commettre l'infraction ;
« 3° l'interdiction pour une durée de cinq ans au plus de détenir un chien de la première ou deuxième catégorie mentionnées à l'article L. 211-12.
« III.- Les personnes morales, reconnues pénalement responsables dans les conditions prévues à l'article 121-2 du code pénal des infractions prévues au I encourent les peines suivantes :
« - l'amende, dans les conditions fixées à l'article 131-38 du code pénal ;
« - la confiscation du ou des chiens concernés, des objets ou du matériel qui ont servi au dressage ou du matériel proposé à la vente ou à la cession ;
« - l'interdiction pour une durée de cinq ans au plus, d'exercer une activité professionnelle ou sociale dès lors que les facilités que procure cette activité ont été sciemment utilisées pour préparer ou commettre l'infraction, dans les conditions prévues à l'article 131-29 du même code ;
« - l'interdiction pour une durée de cinq ans au plus de détenir un chien de la première ou deuxième catégories mentionnées à l'article L. 211-12. »
4° Il est créé un article L. 215-2-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 215-2-1.- Le fait, pour le propriétaire ou le détenteur d'un animal mis en demeure par l'autorité administrative de procéder à la déclaration prévue à l'article L. 211-14, de ne pas procéder à la régularisation requise dans le délai prescrit, est puni de trois mois d'emprisonnement et de 3.750 euros d'amende.
« Les personnes physiques encourent également les peines complémentaires suivantes :
« - la confiscation du ou des chiens concernés dans le cas où l'euthanasie, telle que prévue à l'article L. 211-14, n'a pas été prononcée ;
« - l'interdiction de détenir un animal à titre définitif ou non. »
II.- le code pénal est ainsi modifié :
1° L'article 131-16 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« 9° L'interdiction pour une durée de trois ans au plus de détenir un animal. » ;
2° Après l'article 131-35-1, il est inséré un article 131-35-2 ainsi rédigé :
« Art. 131-35-2.- Le règlement qui prévoit, à titre de peine complémentaire, l'interdiction de détenir un animal peut limiter cette interdiction à certains animaux. »
3° L'article 222-44 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« 11° L'interdiction de détenir un chien de la première ou de la deuxième catégorie à titre définitif ou temporaire. » ;
4° Au premier alinéa de l'article 434-41, après les mots : « retrait du permis de chasser, » sont insérés les mots : « d'interdiction de détenir un animal, ».
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Je voudrais simplement dire à M. Peyronnet que le rapport auquel il a fait référence est disponible. Nous allons veiller à ce qu'il soit diffusé auprès des deux assemblées dans les jours qui viennent.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 22 rectifié.
(L'amendement est adopté à l'unanimité.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 12.
L'amendement n° 297 rectifié, présenté par MM. Carle et Garrec, est ainsi libellé :
Après l'article 12, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Avant le dernier alinéa de l'article 311-4 du code pénal, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« 10° Lorsque la chose soustraite est un métal. »
La parole est à M. Jean-Claude Carle.
M. Jean-Claude Carle. L'actualité quotidienne se fait très souvent l'écho de l'évolution particulièrement inquiétante des vols de métaux depuis le début de l'année, vols liés à l'augmentation de près de 50 % du prix des métaux non ferreux. Sont concernées la plupart des entreprises qui utilisent ces métaux. L'absence de gardien est très vite repérée par les voleurs, qui pillent les locaux des entreprises, des câbles électriques jusqu'à la plomberie, quand ce ne sont pas les canalisations pour les eaux de pluie.
La situation devient particulièrement inquiétante sur les chantiers dans la mesure où il est difficile de mettre à l'abri ces matériaux chaque soir. Le préjudice dépasse de loin le simple prix des métaux volés, puisque ces vols peuvent conduire à des situations de chômage technique pour certains employés des entreprises concernées.
Ce qui vrai pour les entreprises l'est également pour les collectivités. Je pense au délit commis dans la banlieue de Nantes, où des plaques de fonte ont été volées. Ces vols touchent aussi la sécurité des personnes et des biens, et peuvent avoir des conséquences particulièrement graves.
Face au développement de cette nouvelle forme de délit, il me paraît être du rôle du législateur de donner un signal fort, de la même manière que la loi relative à la sécurité intérieure avait qualifié de nouvelles infractions pour mieux appréhender certaines pratiques délictuelles particulièrement graves, ou de la même manière que le Sénat avait adopté, sur mon initiative, des dispositions aggravantes pour les incendies de forêt dans le cadre de la loi Perben II, afin que ceux-ci ne soient pas considérés comme de simples dégradations.
L'article 311-4 du code pénal prévoit une série de circonstances portant la peine encourue de trois ans à cinq ans de prison et l'amende de 45 000 euros à 75 000 euros pour ces vols. Cet amendement précise que le vol de métaux sera l'une de ces circonstances.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Cet amendement, qui tend à faire du vol de métal une circonstance aggravante de l'infraction de vol, répond à un véritable problème, celui de l'augmentation considérable des vols de métaux dans la période récente.
Toutefois, en l'état du droit, l'application des circonstances aggravantes dépend soit des conditions dans lesquelles l'infraction est commise, en bande organisée par exemple, soit du caractère de l'auteur ou de celui de la victime, mais jamais de la nature de l'objet volé. La disposition proposée constituerait ainsi un précédent qui pourrait conduire à appliquer les circonstances aggravantes à d'autres objets, au risque de banaliser un dispositif destiné aux infractions les plus graves.
De même qu'il n'y a pas de circonstances aggravantes pour le vol de diamants, il est difficile de le prévoir pour le vol de métal. C'est pourquoi la commission est défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Carle, l'amendement n° 297 est-il maintenu ?
M. Jean-Claude Carle. Je prends acte des remarques faites par notre rapporteur et de la difficulté de la recevabilité de cet amendement. Je vais donc le retirer.
Toutefois, monsieur le ministre, je souhaite que des mesures soient mises en place - je pense à des mesures de surveillance - pour faire baisser le nombre de vols et, pour réduire ce type de délits, que soient renforcées les peines encourues tant par ceux qui les commettent que par ceux qui participent au recyclage de ces matériaux. Vous le savez comme moi, des cahiers sont tenus à jour dans les entreprises qui recyclent les matériaux.
M. Christian Estrosi, ministre délégué. M. Carle a parfaitement raison. Ce type de délit monte effectivement en puissance dans notre pays. Malheureusement, nous ne pouvons pas, dans ce texte, prendre de risque en retenant la mesure que vous proposez.
Pour autant, vous pouvez le constater tous les jours dans la presse quotidienne, qu'elle soit régionale ou nationale, le nombre d'affaires élucidées par la police nationale comme par la gendarmerie nationale dans la lutte contre le vol des métaux est très important.
Hier encore, a été résolue une affaire abracadabrantesque de vol de plaques d'égout. Cela montre que l'on obtient des résultats. Qu'a fait le ministre de l'intérieur ? Il a décidé de mobiliser, notamment, les groupements d'intervention régionaux, qui, je vous le rappelle, rassemblent de manière transversale à la fois la police nationale, la gendarmerie nationale, les douanes, l'inspection du travail, les services fiscaux et les magistrats, et il leur a donné des instructions très fermes à cet égard. La coordination, l'action et la synergie entre l'ensemble de ces services est en train de porter ses fruits.
Je ne dis pas qu'il ne faudra pas, à un moment ou à un autre, prendre des dispositions législatives allant dans le sens que vous souhaitez. Le ministre d'État entend votre message. Je veux simplement vous assurer, en son nom, que toutes les instructions sont données et que tous les services sont mobilisés. Nous ne pouvons tolérer que ce phénomène particulièrement inquiétant prenne des proportions plus importantes encore dans notre pays. Il faut notamment qu'un certain nombre d'organisations délinquantes - il est inutile que j'en dise plus, vous me comprenez parfaitement - sachent que, en dépassant la ligne blanche et en se rendant coupable de tels délits, elles seront immédiatement sanctionnées.
M. le président. L'amendement n° 134 rectifié bis, présenté par MM. Hérisson, Alduy, P. André, Bailly, Balarello, Baudot, Beaumont, Bécot, Belot, Bernardet, Besse, Béteille, Billard, Bizet, J. Blanc, P. Blanc, Bordier et Bourdin, Mme Bout, MM. Branger et Braye, Mme Brisepierre, MM. de Broissia, Buffet, Cambon, Cantegrit, Cazalet, César, Cléach, Cointat, Cornu, Courtois et Dassault, Mme Debré, MM. Del Picchia, Demuynck, Detcheverry, Doligé, Doublet, Dufaut, Dulait, A. Dupont, Duvernois, Émin, Emorine, Esneu, Etienne, Falco, Faure, Ferrand, Fillon, Flosse, Fouché, Fourcade, Fournier, François-Poncet et Gaillard, Mme Garriaud-Maylam, MM. J.C. Gaudin, Gélard, Gérard, Gerbaud, Ginésy, F. Giraud, Girod, Goujon, Goulet et Gournac, Mme Gousseau, MM. Gouteyron, Grignon, Gruillot, Guené, Guerry et Haenel, Mmes Henneron et Hermange, MM. Houel et Humbert, Mme Hummel, MM. Huré, Hyest, Ibrahim, Jarlier et Juilhard, Mme Kammermann, M. Karoutchi, Mme Keller, M. Lambert, Mme Lamure, MM. Lardeux, Lecerf, Leclerc, Legendre, Le Grand, Leroy, Lesbros, Longuet, Loueckhote et du Luart, Mme Malovry, MM. Marini et Martin, Mmes Mélot et Michaux-Chevry, MM. Milon, Miraux, Mortemousque, Murat et Nachbar, Mme Papon, MM. Pépin, Peyrat, Pierre, Pintat, Pointereau, Poncelet, Poniatowski et Portelli, Mme Procaccia, MM. Puech, Raffarin, de Raincourt, Revet, de Richemont, Richert, Rispat, de Rohan et Romani, Mme Rozier, MM. Saugey et Sido, Mme Sittler, MM. Souvet, Texier, Torre et Trillard, Mme Troendle, MM. Trucy, Valade, Vasselle, Vial, Vinçon et Virapoullé, est ainsi libellé :
Après l'article 12, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 9 de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage est ainsi modifié :
I - Le II est ainsi rédigé :
« II- En cas de stationnement effectué en violation de l'arrêté prévu au I, le propriétaire ou titulaire du droit d'usage du terrain occupé peut demander au préfet de mettre en demeure les occupants de quitter les lieux.
« La mise en demeure ne peut intervenir que si le stationnement est de nature à porter atteinte à la salubrité, la sécurité ou la tranquillité publiques.
« La mise en demeure est assortie d'un délai d'exécution qui ne peut être inférieur à vingt-quatre heures. Elle est notifiée aux occupants dans les formes habituelles et publiée sous forme d'affichage en mairie et sur les lieux. Le cas échéant, elle est notifiée au propriétaire ou titulaire du droit d'usage du terrain.
« Lorsque la mise en demeure de quitter les lieux n'a pas été suivie d'effets dans le délai fixé et n'a pas fait l'objet d'un recours dans les conditions fixées au II bis, le préfet peut procéder à l'évacuation forcée des résidences mobiles. »
II - Après le II, il est inséré un paragraphe ainsi rédigé :
« II bis - Les personnes destinataires de la décision de mise en demeure peuvent, dans le délai fixé par celle-ci, demander son annulation au tribunal administratif. Le recours suspend l'exécution de la décision du préfet à leur égard. Le tribunal statue dans un délai de soixante-douze heures à compter de sa saisine.»
La parole est à M. Pierre Hérisson.
M. Pierre Hérisson. En dépit de la mise en oeuvre des dispositions relatives à la tranquillité et à la sécurité publiques posées par la loi du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure modifiant la loi du 5 juillet 2000 relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage, les propriétaires de terrains publics ou privés rencontrent encore de grandes difficultés pour mettre fin aux occupations illicites de gens du voyage.
Il est ainsi proposé d'instituer une nouvelle procédure d'évacuation forcée décidée d'office par le préfet, sans autorisation préalable du juge et entourée des garanties fondamentales attendues pour les destinataires de ces mesures de police.
Le présent amendement modifie l'article 9 de la loi du 5 juillet 2000 précitée.
Aux termes de ce dispositif, le préfet, saisi par le propriétaire ou le titulaire du droit d'usage d'un terrain privé dont l'occupation porte atteinte à la sécurité, à la tranquillité ou à la salubrité publiques, peut mettre en demeure les occupants de quitter les lieux dans un délai qui ne peut être inférieur à vingt-quatre heures. Ces dispositions habilitent le préfet, sous conditions, à procéder à l'évacuation forcée des résidences mobiles.
La mise en oeuvre de ces dispositions reste subordonnée, conformément aux dispositions de la loi du 5 juillet 2000, à l'application des prescriptions du schéma départemental.
Par conséquent, il est attendu de ces mesures qu'elles incitent les communes et les établissements publics de coopération intercommunale qui n'ont pas satisfait à leurs obligations à entreprendre, dans les meilleurs délais, la réalisation de ces équipements afin d'être en mesure de bénéficier des moyens de coercition mis à leur disposition.
Ces dispositions s'appliquent, en effet, uniquement aux collectivités qui ont satisfait à leurs obligations légales de mise en oeuvre du schéma départemental d'accueil et de stationnement des gens du voyage.
M. le président. Le sous-amendement n° 331, présenté par MM. Carle et Garrec, est ainsi libellé :
Dans le dernier alinéa du I de l'amendement n° 134 rectifié bis, supprimer les mots :
et n'a pas fait l'objet d'un recours dans les conditions fixées au II bis
La parole est à M. Jean-Claude Carle.
M. Jean-Claude Carle. Il s'agit d'un sous-amendement de coordination avec le sous-amendement n° 320.
M. le président. Le sous-amendement n° 320, présenté par MM. Carle et Garrec, est ainsi libellé :
Supprimer les deux derniers alinéas (II) de l'amendement n° 134 rectifié bis.
La parole est à M. Jean-Claude Carle.
M. Jean-Claude Carle. Je partage l'esprit de l'amendement qu'a présenté notre collègue Pierre Hérisson. J'en profite pour saluer son action à la tête de la Commission nationale consultative des gens du voyage. Ce poste n'est pas facile et il faut reconnaître que, depuis qu'il a engagé la concertation, la situation s'est améliorée : on enregistre moins de difficultés et moins de conflits.
Cet amendement est intéressant dans la mesure où il vise à modifier la procédure. Jusqu'à présent, il appartenait au maire d'engager l'assignation en référé, processus long, coûteux et qui n'était pas très efficace. S'il est adopté, cet amendement permettra au préfet de faire évacuer les contrevenants en cas d'occupation illicite de terrains. C'est une avancée considérable.
Simplement, je crains que cette mesure ne soit rendue moins efficace, voire inefficace, si l'on autorise les contrevenants à introduire un recours de surcroît suspensif devant le juge administratif, ce à quoi visent les deux derniers alinéas de l'amendement. Si tel est le cas, les délais ne seront pas inférieurs, dans le meilleur des cas, à une semaine, et l'on reviendra peu ou prou à la case départ. Aussi, mon sous-amendement a pour objet de supprimer cette possibilité de recours.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. On ne peut que souscrire à l'objectif de notre collègue Pierre Hérisson, dont nul n'oublie les responsabilités qu'il exerce à la tête de la Commission nationale consultative des gens du voyage.
Son amendement a pour objet de mettre en place une procédure simple, rapide et peu onéreuse. Par ailleurs, il tend à garantir les droits des gens du voyage en leur ouvrant la possibilité d'introduire un recours suspensif devant le tribunal administratif contre la décision du préfet, le juge ayant alors l'obligation de statuer dans un délai de soixante-douze heures.
Le dispositif proposé n'en suscite pas moins plusieurs interrogations. J'en citerai trois.
En premier lieu, on peut se demander si cette nouvelle procédure n'est pas contraire à l'article 66 de la Constitution, aux termes duquel l'autorité judiciaire est la gardienne des libertés individuelles, en l'espèce le droit de propriété et la liberté d'aller et venir.
En deuxième lieu, bien souvent les difficultés rencontrées par les maires pour obtenir l'évacuation des terrains faisant l'objet d'une occupation illicite ne tiennent pas seulement à la longueur de la procédure, puisque le président du tribunal de grande instance statue en référé, mais sont liées également au refus des préfets de prêter le concours de la force publique. Il importe donc qu'à l'avenir les préfets soient moins timorés qu'aujourd'hui.
Enfin, en troisième lieu, la rédaction proposée est sans doute perfectible.
Premier exemple : il me semble que le maire n'aurait plus la possibilité de se substituer au propriétaire d'un terrain privé faisant l'objet d'une occupation illicite pour obtenir son évacuation. Que se passera-t-il en cas de carence du propriétaire ?
Second exemple : il est curieux d'exiger du préfet qu'il notifie aux occupants illicites d'un terrain sa mise en demeure « dans les formes habituelles », c'est-à-dire par voie postale. Cette mention pourrait être utilement supprimée.
Il importe donc que l'amendement soit rectifié ou fasse l'objet d'un sous-amendement, que la commission est prête à proposer. Mais elle souhaite tout d'abord connaître l'avis du Gouvernement.
Je n'évoquerai pas le sous-amendement n° 331, sous-amendement de coordination avec le sous-amendement n° 320.
Quant à ce dernier, il paraît difficile à la commission de ne pas émettre un avis défavorable. En effet, ce sous-amendement, proposé par notre collègue Jean-Claude Carle, a pour objet de supprimer la procédure de référé permettant aux occupants d'un terrain mis en demeure par le préfet de l'évacuer d'introduire un recours suspensif devant le tribunal administratif, ce dernier devant statuer dans les soixante-douze heures.
Ce sous-amendement n'a pas été examiné par la commission des lois. Cependant, je dois faire observer que le droit à l'exercice de recours juridictionnels effectifs est garanti par la Constitution.
Si l'objet de ce sous-amendement est de supprimer toute voie de recours contre une décision préfectorale mettant en demeure les gens du voyage d'évacuer le terrain qu'ils occupent, alors il est contraire à la Constitution.
Si son objet est de soumettre la décision préfectorale au droit commun des contentieux administratifs, alors il fait perdre à la procédure imaginée par notre collègue Hérisson une grande partie, voire la totalité, de son intérêt, puisque le tribunal administratif ne serait plus obligé de statuer dans les soixante-douze heures.
Dans le département du Nord, que je connais bien, le délai varie de un an et demi à trois ans.
C'est pourquoi la commission en demande le retrait. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Monsieur le sénateur Hérisson, je vous remercie d'avoir présenté l'amendement n° 134 rectifié bis.
En votre qualité de président de la Commission nationale consultative des gens du voyage, chacun sait que vous connaissez mieux que quiconque ici ces quelque quatre cent mille personnes qui ont choisi, par tradition, de ne pas vivre de manière sédentaire.
Que les choses soient très claires : comme vous, monsieur le sénateur, le Gouvernement respecte les choix de vie des gens du voyage, pour autant qu'ils ne troublent pas l'ordre public. Ils ont les mêmes droits et les mêmes devoirs que les autres Français, ni plus ni moins.
D'ailleurs, quand il s'agit d'aider les Tziganes à organiser leur rassemblement annuel, l'État répond présent. Cet été, quelque trente mille Tziganes ont été accueillis en Moselle, sur le terrain militaire de Grostenquin. Ce grand rassemblement s'est bien passé.
Je le dis à l'attention des rangs de l'opposition : si l'amendement de Pierre Hérisson trouve sa place dans ce projet de loi, ce n'est évidemment pas parce que nous pensons que les gens du voyage seraient des délinquants en puissance ! C'est parce que de très nombreux élus locaux nous demandent instamment de répondre mieux qu'aujourd'hui à une question : comment faire pour prévenir les troubles à l'ordre public occasionnés par les stationnements illicites des gens du voyage ?
M. Robert Bret. Que les élus respectent la loi !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Comment faire pour éviter les stationnements prolongés de gens du voyage sur des terrains qui ne sont pas les leurs et qui ne sont pas mis à leur disposition de manière volontaire ?
De tous bords, nombreux sont les élus locaux à être confrontés, chaque semaine ou presque, à cette question difficile. Il faut y répondre de manière déterminée et équilibrée, par deux actions complémentaires.
Premièrement, il n'est pas question de remettre en cause la loi du 31 mai 1990 visant à la mise en oeuvre du droit au logement, dite « loi Besson », qui invite les communes de plus de cinq mille habitants à se doter d'une aire d'accueil des gens du voyage.
Aujourd'hui, malheureusement, seuls huit mille emplacements ont été construits, sur les quarante mille nécessaires. C'est trop peu.
M. Henri de Raincourt. Cela coûte cher !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. C'est pourquoi le ministre d'État et le ministre de l'emploi et de la cohésion sociale ont abrogé en juillet une circulaire de 2001, prise par le gouvernement Jospin, qui imposait aux communes des normes techniques tout à fait excessives pour réaliser les aires d'accueil. Il faut en effet revenir à un peu de bon sens. Il ne s'agit pas de demander aux communes de financer des aires d'accueil luxueuses et paysagères. Plus les normes sont ambitieuses, plus les aires sont coûteuses, moins elles sont nombreuses.
Deuxièmement, il me semble nécessaire de mieux reconnaître les efforts des communes qui, bien qu'ayant aménagé une aire d'accueil, subissent la présence de gens du voyage sur des terrains où ils n'ont pas le droit de stationner.
Lors du vote de la loi du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure, nous avions abordé le problème sous l'angle pénal : s'installer sur un terrain sans autorisation dans une commune qui a satisfait à ses obligations peut être puni de six mois d'emprisonnement, d'une amende et d'une confiscation des voitures.
C'est un outil que l'autorité judiciaire a commencé à utiliser.
Mais le Gouvernement pense qu'il est nécessaire d'aller au-delà, non pas dans le domaine pénal, mais dans celui des procédures d'évacuation. C'est ce à quoi vise l'amendement n°134 rectifié bis présenté par M. Hérisson, auquel le Gouvernement est très favorable.
Aujourd'hui, vous le savez, la procédure d'évacuation est très lourde : pour obtenir l'évacuation forcée de caravanes occupant indûment un terrain, le maire doit saisir le président du tribunal de grande instance, ce qui est à la fois coûteux et complexe pour les petites communes. Il faut payer un huissier, il faut payer un avocat, et ce pour des résultats souvent très décevants.
L'intervention du tribunal de grande instance n'est enserrée dans aucun délai. Si les gens du voyage s'installent le week-end, il ne statuera, même en référé, que plusieurs jours plus tard.
Bien sûr, il faut attendre sa décision pour que le concours de la force publique soit accordé. Mais pendant ce temps, les nuisances continuent et, sur le terrain, les élus locaux et la population sont exaspérés.
Je rappelle en effet que nous parlons bien ici des élus qui ont fait des efforts pour aménager une aire d'accueil, ou des maires des petites communes de moins de cinq mille habitants qui ne sont pas soumises à cette obligation.
Votre amendement, monsieur le sénateur Hérisson, simplifie considérablement la procédure actuelle sans heurter les principes de notre droit.
Vous proposez en effet que, dans les communes qui respectent leurs obligations en matière d'aménagement d'une aire d'accueil, le propriétaire d'un terrain indûment occupé par des gens du voyage puisse demander au préfet de mettre en demeure les occupants de quitter les lieux, sous vingt-quatre heures au moins.
Pendant ce délai de mise en demeure, les gens du voyage, s'ils s'estiment fondés à le faire, peuvent aller devant le juge administratif contester la décision du préfet. C'est donc bien désormais sur les gens du voyage, et non plus sur les maires, que pèseraient les « formalités » de saisine d'un juge.
Enfin, à propos de l'intervention du juge, je veux souligner deux points, en réponse à la fois aux craintes exprimées par M. Lecerf, et aux sous-amendements nos 331 et 320 de M. Carle.
Aucun principe ne s'oppose à ce que, en cette matière, le juge judiciaire n'intervienne pas.
Compte tenu de la jurisprudence du Conseil constitutionnel relative à l'article 66 de la Constitution, l'évacuation forcée de véhicules ne nécessite pas l'intervention de l'autorité judiciaire en sa qualité de gardienne de la liberté individuelle. Il ne s'agit, en effet, ni de s'assurer des personnes ni de procéder à la fouille des véhicules.
La mesure ne se traduit pas non plus par une dépossession, dont l'autorité judiciaire devrait s'assurer qu'elle donne lieu à une juste indemnité.
Nous sommes dans un domaine de police administrative, destinée à mettre fin à un trouble à l'ordre public, à la tranquillité publique, à la salubrité publique. Il est normal que le juge compétent soit le juge administratif. Mais il est légitime, et même nécessaire, qu'un juge puisse se prononcer s'il est saisi.
Le Gouvernement ne peut donc être favorable aux sous-amendements nos 331 et 320 de M. Carle visant à supprimer la possibilité, pour les gens du voyage, de saisir le tribunal administratif d'un recours suspensif contre la décision d'évacuation forcée.
Sauf à méconnaître le droit au recours juridictionnel, on ne peut supprimer la possibilité qu'auront les gens du voyage de contester devant le tribunal administratif la décision d'évacuation.
Je mesure que, en maintenant cette voie de recours, nous donnons une possibilité de « blocage », pendant quelques jours, aux gens du voyage. Je crois que nous y sommes tenus par la Constitution. J'ajoute que le blocage sera, si j'ose dire, temporaire : le tribunal administratif, qui est sensible aux considérations d'ordre public, devra statuer dans un délai de soixante-douze heures.
Sous le bénéfice de ces explications, peut-être M. Carle acceptera-t-il de retirer ces sous-amendements.
Monsieur le président, je vous prie de m'excuser de cette intervention un peu longue, mais ces précisions sont importantes, compte tenu de l'importance de l'amendement n° 134 rectifié bis et de l'analyse que pourrait faire le Conseil constitutionnel.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Compte tenu des explications qui viennent d'être données par M. le ministre et qui permettent de nous rassurer sur un point important, à savoir le risque d'inconstitutionnalité lié à la compétence du juge administratif, je souhaiterais à mon tour sous-amender l'amendement n° 134 rectifié bis, afin de répondre aux autres préoccupations de la commission qui avaient été exprimées par mon intermédiaire.
Le premier sous-amendement aurait un triple objet.
Premièrement, il s'agirait de permettre au maire de demander au préfet l'évacuation forcée d'un terrain privé occupé illégalement lorsque le propriétaire ou le locataire du terrain s'abstient de le faire par carence, négligence ou manque d'information.
Deuxièmement, l'évacuation forcée n'interviendrait pas si, dans le délai d'exécution fixé par le préfet pour l'exécution de la mise en demeure, le propriétaire ou le locataire du terrain s'y était formellement opposé.
Troisièmement, ce sous-amendement tendrait à supprimer une mention inappropriée, celle qui fait référence aux formes habituelles.
Cela reviendrait à modifier comme suit le texte proposé par l'amendement n° 134 rectifié bis pour le II de l'article 9 de la loi du 5 juillet 2000 relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage.
Dans le premier alinéa, avant les mots « le propriétaire », sont insérés les mots « le maire ou ». C'est donc le maire ou le propriétaire ou le titulaire du droit d'usage du terrain qui peut demander au préfet de mettre en demeure les occupants de quitter les lieux.
Dans le troisième alinéa, sont supprimés les mots « dans les formes habituelles ». La mise en demeure est notifiée aux occupants et publiée sous forme d'affichage en mairie.
Enfin, le dernier alinéa prévu pour le II de l'article 9 est complété par l'expression suivante : «, sauf opposition du propriétaire ou du titulaire du droit d'usage du terrain dans le délai fixé pour l'exécution de la mise en demeure ».
Nous aurions ainsi répondu à l'ensemble des objections qui pouvaient être formulées à l'encontre de l'amendement n° 134 rectifié bis. Il ne resterait plus, de cet amendement, que l'immense utilité qui est la sienne.
Je souhaiterais également déposer un second sous-amendement de pure coordination visant à compléter l'amendement n° 134 rectifié bis par un alinéa extrêmement technique.
M. le président. Je suis donc saisi de deux sous-amendements, présentés par M. Lecerf, au nom de la commission des lois.
Le sous-amendement n° 333 est ainsi libellé :
Modifier comme suit le texte proposé par l'amendement n° 134 rectifié bis pour le II de l'article 9 de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage :
1° Dans le premier alinéa, avant les mots :
le propriétaire
insérer les mots :
le maire ou
2° Dans le troisième alinéa, supprimer les mots :
dans les formes habituelles
3° Compléter le dernier alinéa par les mots :
, sauf opposition du propriétaire ou du titulaire du droit d'usage du terrain dans le délai fixé pour l'exécution de la mise en demeure
Le sous-amendement n° 334 est ainsi libellé :
Compléter l'amendement n° 134 rectifié bis par un III ainsi rédigé :
III. - Dans le premier alinéa du III, les mots : « et du II » sont remplacés par les mots : «, du II et du II bis ».
Monsieur Carle, les sous-amendements n°s 331 et 320 sont-ils maintenus ?
M. Jean-Claude Carle. Je reste dubitatif quant à l'efficacité de la procédure liée au recours, suspensif qui plus est...
Cela étant, mon premier devoir est de respecter la Constitution et de ne pas m'exposer aux foudres du Conseil constitutionnel et à leurs conséquences, qui feraient tomber l'excellente proposition faite par notre collègue Pierre Hérisson.
Donc, je retire mes sous-amendements.
Néanmoins, monsieur le ministre, je souhaite que la navette soit mise à profit pour affiner encore la rédaction de ce texte, s'agissant notamment du recours et de son effet suspensif. Peut-être pourrions-nous examiner la situation avant d'établir un bilan, d'ici un an ou deux, sur l'efficacité de la mesure.
M. le président. Les sous-amendements n°s 331 et 320 sont retirés.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les sous-amendements nos 333 et 334 ?
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Je voudrais tout d'abord remercier M. Carle d'avoir conforté la démarche de M. Hérisson.
Bien évidemment, nous sommes favorables à la mise en place d'un système d'évaluation permettant de faire évoluer la mesure, comme vous le proposez, monsieur le sénateur.
Par ailleurs, le Gouvernement accepte les deux sous-amendements de la commission. Il est effectivement normal que le maire puisse demander lui-même au préfet de procéder à l'évacuation, sauf opposition du propriétaire.
M. le président. La parole est à M. Robert Bret, pour explication de vote.
M. Robert Bret. Mes chers collègues, trop, c'est trop !
Comme on l'avait dénoncé au moment du débat sur l'article 53 de la loi pour la sécurité intérieure du 18 mars 2003, le mode de vie des 400 000 gens du voyage a été criminalisé, puisque voyager, et donc stationner en groupes familiaux de plusieurs caravanes, s'assimile aujourd'hui à « s'installer en réunion », qualification juridique liée à l'accusation « d'association de malfaiteur ». Le simple fait d'être ensemble place donc les familles dans une situation de grave délinquance.
Ayons en tête, mes chers collègues, la disproportion entre le délit que je viens d'évoquer et les sanctions qu'encourent ces familles mises hors la loi, le plus souvent en raison - faut-il le rappeler ? - de l'absence de structures d'accueil dans les communes de plus de 5 000 habitants, comme l'impose pourtant la loi Besson du 5 juillet 2000.
Les sanctions sont les suivantes : six mois d'emprisonnement et 3 750 euros d'amende ; suspension du permis de conduire pour une durée de trois ans ; confiscation du véhicule tracteur. Outre l'absurdité de la suppression de mobilité et l'exigence d'un départ immédiat, ces sanctions sont particulièrement injustes et perverses. Elles atteignent la famille dans son mode de vie en la privant de son outil de travail, de ses revenus et de la sécurité fondamentale à laquelle toute famille a droit : cette liberté d'aller et venir est reconnue dans notre Constitution.
Le ministre de l'intérieur, Nicolas Sarkozy, prétendit au cours du débat que l'article 53 ne serait pas applicable tant que la commune n'aurait pas rempli ses obligations et que cette mesure devait inciter les communes à se mettre en conformité avec la loi.
On peut en mesurer aujourd'hui la portée et l'efficacité : seuls quinze schémas départementaux ont été adoptés. Il n'existe que 8 000 emplacements, alors qu'il en faudrait au minimum 40 000.
Face à l'inertie et aux blocages des municipalités concernant les structures d'accueil et les aires de grand passage, on se rend compte que l'État a préféré proroger de deux ans les délais légaux prévus par la loi afin de protéger les communes qui sont dans l'illégalité.
Mais, là aussi, au lieu de pénaliser les communes en infraction, l'amendement qui nous est proposé par Pierre Hérisson, président de la Commission nationale consultative des gens du voyage, a pour objet, une fois de plus, de désigner les gens du voyage comme coupables.
Nous devons réfléchir, mes chers collègues, car la Haute Assemblée représente les maires. Quand on veut faire respecter la loi, il faut déjà commencer par donner l'exemple. Il est contreproductif que la majorité des communes ne se mettent pas en conformité avec la loi.
Pour toutes ces raisons, nous ne pouvons voter cet amendement, ainsi que les sous-amendements proposés.
M. le président. La parole est à M. François Fortassin, pour explication de vote.
M. François Fortassin. Mes chers collègues, il faut respecter le mode de vie des gens du voyage. Or, comme cela a été dit, il est fréquent que les communes ne tiennent pas leurs engagements ; si elles le faisaient, nous pourrions alors expliquer de façon très simple que la loi républicaine s'applique aussi aux gens du voyage.
Aujourd'hui, tous les problèmes rencontrés ne peuvent être réglés par la loi. La force d'inertie des autorités judiciaires et de la force publique place, parfois, les maires dans des situations très inconfortables.
L'examen de ce projet de loi devrait être l'occasion de rappeler que chacun - autant les élus que les gens du voyage - a des droits et des devoirs. Ceux-ci s'imposent aussi à la force publique, qui hésite quelquefois à entrer dans des campements ou sur certains terrains.
Enfin, s'agissant de la mise en demeure des occupants de quitter les lieux, le texte de l'amendement est imprécis. En effet, la phrase suivante : « La mise en demeure est assortie d'un délai d'exécution qui ne peut être inférieur à vingt-quatre heures » implique la possibilité de faire traîner les choses en fixant le délai à huit ou dix jours. C'est pourquoi il me semblerait utile de fixer un délai minimal et un délai maximal.
M. le président. La parole est à M. Pierre Hérisson, pour explication de vote.
M. Pierre Hérisson. Que l'on ne se méprenne pas sur le sens de ma démarche. Le président de la Commission nationale consultative des gens du voyage que je suis - vous avez bien voulu le rappeler - n'a pas déposé cet amendement à la légère. Bien au contraire, ce dernier résulte d'une mûre réflexion.
En vérité, cet amendement est destiné aux élus locaux qui ont appliqué la loi républicaine et ont réalisé des terrains d'accueil, alors que d'autres en sont restés à l'annonce de projets ou n'ont rien entrepris du tout.
Le sens de cet amendement - et Dieu sait si la loi doit avoir du sens - consiste précisément à redonner un peu d'espoir aux maires et aux présidents d'intercommunalités qui gèrent des terrains d'accueil depuis maintenant deux ans, parce qu'ils n'ont pas attendu le dernier moment pour agir et qu'ils ont su surmonter divers obstacles, liés notamment aux difficultés d'application du code de l'urbanisme.
Ils se sont donc débrouillés pour accomplir leur tâche. Mais force est de constater que le système comporte une faille, et vous le savez bien, monsieur le ministre : il s'agit de son financement.
Ce n'est pas une question de mauvaise volonté des uns ou des autres. Je rappelle que la loi de 2000 avait prévu des subventions de l'État représentant 70 % des dépenses engagées par les collectivités pour la réalisation et l'équipement des terrains d'accueil.
Or, aujourd'hui, en 2006, alors que les prix ont quasiment doublé, en particulier dans le secteur de la construction, la subvention n'est pas à la hauteur des promesses, puisque, au bout du compte, elle ne représente que 30 % ou 40 %, voire 50 % dans le meilleur des cas, des dépenses des collectivités qui ont réalisé et mis en service les équipements.
C'est la raison pour laquelle nous devrons revoir notre copie sur ce sujet à un autre moment, monsieur le ministre.
M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.
Mme Marie-France Beaufils. Il me paraît important de souligner d'emblée que, dans les communes qui ont une aire d'accueil des gens du voyage, la situation s'est tout de même améliorée. Il faut le dire, car c'est la réalité.
Mme Marie-France Beaufils. Ensuite, il convient également d'observer les progrès réalisés dans l'application du texte permettant l'intervention du préfet lorsque des terrains sont occupés dans une commune qui satisfait aux obligations légales.
Le vrai problème qui se pose, et qui explique les difficultés actuelles, réside dans le fait qu'une décision d'évacuation prise au nom de la loi ne peut être exécutée par la police, les gens du voyage concernés n'ayant pas un autre terrain où s'installer dans un rayon kilométrique correct, en raison du nombre insuffisant d'aires d'accueil.
Notre plus grande difficulté est liée, à mon avis, à la réalisation des terrains d'accueil. Le préfet a un mal fou à faire appliquer les textes, parce qu'il n'a pas les moyens d'envoyer les gens sur un autre lieu.
Certes, je rejoins M. Hérisson au sujet des problèmes de financement que connaissent à l'évidence un certain nombre de communes, qui ont pris du retard parce que les subventions n'ont pas été à la hauteur des investissements et que les règles édictées ont été difficiles à mettre en oeuvre.
Mais, au-delà de cette question de financement, cet amendement n'apporte pas de vraie solution au problème de l'expulsion. Les gens passeront d'un terrain interdit à un autre ; le préfet ne pourra mettre en oeuvre les dispositions contenues dans cet amendement, pas plus qu'il ne peut appliquer la loi existante.
M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il n'est pas exact de dire que ce texte est répétitif, car je n'y ai vu aucune référence, par exemple, à des jeunes femmes dans la rue ou à des jeunes gens dans les couloirs d'escaliers !
En revanche, revoilà les gens du voyage ! Eux, il en est sans cesse question et, comme par hasard, dans un texte relatif à la prévention de la délinquance, même si l'on nous dit que la situation s'améliore considérablement.
S'agissant de cet amendement, je rappelle que M. le rapporteur a émis d'emblée d'importantes réserves : tout d'abord, l'article 66 de la Constitution implique que la compétence doit être donnée au juge du siège et non pas au juge administratif. Ensuite, bien souvent, les préfets ne saisissent pas les juges du siège, ce qui explique pourquoi certaines occupations durent plus longtemps qu'on ne l'aurait voulu.
Avez-vous oublié cela ? Ces points me paraissent pourtant essentiels. Si vous voulez donner l'occasion aux préfets de saisir plus souvent directement le juge du siège, il appartient sans doute au ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire de se faire obéir d'eux !
Le problème est aussi simple que cela. Dès lors, à quoi bon voter des amendements qui ne résolvent pas le problème !
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Monsieur Dreyfus-Schmidt, je regrette que vous n'arriviez qu'à l'instant dans l'hémicycle, car tous les points que vous venez de soulever, et que j'ai écoutés attentivement, ont eu une réponse dans mon intervention précédente. Aussi, je vous suggère de vous référer au compte rendu des débats.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. J'ai la télévision dans mon bureau. Je vous ai entendu, mais vous ne m'avez nullement convaincu. Le Conseil constitutionnel nous départagera !
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 333.
Mme Marie-France Beaufils. Le groupe communiste républicain et citoyen s'abstient.
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 334.
Mme Marie-France Beaufils. Le groupe communiste républicain et citoyen s'abstient.
M. le président. Je mets aux voix, modifié, l'amendement n° 134 rectifié bis.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 12.
L'amendement n° 135, présenté par M. Hérisson et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :
Après l'article 12, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 9-1 de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage est ainsi rédigé :
« Art. 9-1. - Dans les communes non inscrites au schéma départemental et non mentionnées à l'article 9, le préfet peut mettre en oeuvre la procédure de mise en demeure et d'évacuation prévue au II de cet article à la demande du maire ou du propriétaire ou titulaire du droit d'usage du terrain en vue de mettre fin au stationnement non autorisé de résidences mobiles de nature à porter atteinte à la salubrité, la sécurité ou la tranquillité publiques.
« Ces dispositions ne sont pas applicables aux personnes mentionnées au IV de l'article 9. Les personnes objets de la décision de mise en demeure bénéficient des voies de recours mentionnées au III de l'article 9. »
La parole est à M. Pierre Hérisson.
M. Pierre Hérisson. Cet amendement tend à étendre aux communes non inscrites au schéma départemental la procédure d'évacuation forcée par décision du préfet instituée par l'article 9 de la loi du 5 juillet 2000.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Sur cet amendement de coordination avec l'amendement n° 134 rectifié bis, la commission émet un avis favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Estrosi, ministre délégué. En donnant un coup de chapeau à l'auteur de ce très bon amendement, le Gouvernement émet un avis favorable.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 12.
chapitre iv
Dispositions fondées sur l'intégration
Article additionnel avant l'article 13
M. le président. L'amendement n° 310, présenté par MM. Peyronnet, Godefroy, Badinter, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mahéas et Sueur, Mme Campion, MM. Cazeau et Domeizel, Mmes Demontès et Jarraud-Vergnolle, M. Michel, Mme Schillinger, MM. Guérini, Lagauche, Madec, Mélenchon, Mermaz et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 13, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Il est créé un service civique pour les jeunes femmes et les jeunes hommes. Ce service civique est obligatoire pour les jeunes Français, résidant en France ou établis hors de France. Les jeunes femmes et les jeunes hommes étrangers résidant en France peuvent également effectuer ce service civique sur la base du volontariat.
Les modalités d'application du dispositif et sa durée obligatoire sont fixées par décret.
Les conditions d'accès à ce service civique pour les jeunes Français établis hors de France sont fixées par décret.
La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet.
M. Jean-Claude Peyronnet. L'article 13 prévoit d'instaurer un service volontaire citoyen de la police nationale
Nous proposons d'aller plus loin et de renforcer le lien entre la nation et la police, la solidarité et la médiation sociale, en créant un service civique obligatoire, destiné à instaurer une véritable intégration, puisque des jeunes de nationalité étrangère résidant en France pourraient intégrer ce service sur la base du volontariat.
Cette idée de service civique obligatoire n'est pas nouvelle. Nous la revendiquons depuis longtemps et au moins trois grandes formations politiques ont pris position en sa faveur. En outre, une proposition de loi en ce sens a déjà été adoptée par l'Assemblée nationale et le Sénat a débattu récemment de ce sujet dans le cadre de l'examen du texte pour l'égalité des chances.
Certes, je n'ignore pas que vous allez opposer l'article 40 à mon amendement, eu égard au coût de cette mesure qui se situe dans une fourchette comprise entre 3,5 et 5 milliards d'euros.
Toutefois, à ma décharge, et pour atténuer ma « faute », permettez-moi de citer le rapporteur général du budget, M. Marini : « C'est une priorité politique et sociétale et le raisonnement budgétaire dans ce domaine atteint vite ses limites ». L'on pourrait dire, d'une façon plus prosaïque : « Quand on aime, on ne compte pas. »
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Cet amendement est tellement intéressant et important qu'il mérite de faire partie du grand débat démocratique qui devrait vraisemblablement s'ouvrir au cours de l'année 2007 qui sera consacrée à quelques élections nationales.
C'est la raison pour laquelle la commission sollicite le retrait de cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Je remercie d'abord le groupe socialiste d'avoir déposé un amendement qui me permet de faire une mise au point très utile : ce n'est pas dans le présent projet de loi que l'on va créer en sept lignes un service civique obligatoire, même si - vous le savez parfaitement - nous sommes un certain nombre à considérer que cette proposition peut être une grande idée.
Je suis heureux, monsieur le sénateur, de vous entendre emboîter le pas en termes de réflexion, pour demain. Je vois que vous avez des modèles de référence qui me réjouissent.
M. Jean-Claude Peyronnet. J'ai de bonnes lectures !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Ensuite, je veux rendre hommage au Président de la République qui, à l'automne 2005, alors que les banlieues s'étaient embrasées, a lancé l'idée du service civil volontaire. Créé par la majorité qui a voté la loi du 31 mars 2006 pour l'égalité des chances, ce service est un premier pas dans la bonne direction, permettant à des jeunes de s'investir pendant plusieurs mois au service de missions d'intérêt général. Il s'inspire directement du dispositif des cadets de la République, mis en place au sein du ministère de l'intérieur et de l'aménagement du territoire par Nicolas Sarkozy.
Je me réjouis que le service civil volontaire, dont le dispositif a été précisé par un décret du 13 juillet 2006, connaisse une « montée en puissance » très encourageante. Nous pensons que, d'ici à la fin de l'année, 10 000 jeunes de seize à vingt-cinq ans pourraient bénéficier de ce « label », sous l'égide de la nouvelle Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances.
Après cette première étape, l'idée d'un service civique obligatoire a été avancée. Je le répète, c'est une très belle idée - dont vous n'avez pas forcément la paternité, monsieur Peyronnet.
Certes, personne ne songe à revenir sur la suppression du service militaire, qui a été la condition indispensable de la modernisation de nos armées. Il est également vrai que, avec le temps, le service militaire ne jouait plus son rôle d'intégration. Sur la fin, il était même devenu inégalitaire, autant le reconnaître : 150 000 appelés bénéficiaient de divers passe-droits pour se faire exempter. On était bien loin de ce « creuset républicain » censé réunir, dans une même caserne, l'étudiant bourgeois et le fils de paysan !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'était tout de même mieux que le chômage !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Il faut retrouver, dans un dispositif adapté au xxie siècle, les vertus civiques originelles du service militaire...
Ce qui, aujourd'hui, fait défaut à une partie de la jeunesse, c'est la prise de conscience qu'être citoyen entraîne non seulement des droits à l'égard de la collectivité, mais aussi des devoirs : il n'est pas de République sans obligation de chacun envers tous.
Néanmoins, cette belle idée qui nous est soumise, pour être mise en oeuvre, appelle un grand débat national et une expérimentation pratique.
Ce débat, le moment n'est pas venu de le tenir au détour du projet de loi relatif à la prévention de la délinquance. Nous l'aurons dans les mois à venir, les uns et les autres, avec les Français. Je souhaite, monsieur Peyronnet, qu'à cette occasion vous exprimiez clairement devant les Français ce qu'aujourd'hui vous proposez, peut-être au nom du groupe socialiste du Sénat, à l'instar de ce qui sera sans doute avancé par d'autres qui s'identifient au courant de pensée auquel j'appartiens et qu'un certain nombre d'entre nous n'ont pas manqué de rappeler depuis quelque temps déjà.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Demain, on rase gratis !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Ce que nous devons inventer, sans reproduire mécaniquement le service militaire, c'est un service civique adapté aux situations, aux parcours, aux aspirations de chacun.
Pour certains jeunes, le service civique doit être l'occasion de commencer une formation qui a manqué. Pour d'autres, il peut être le moment d'un engagement associatif, ou humanitaire. Pour d'autres encore, il peut s'agir d'un engagement dans la réserve militaire. Pour d'autres, enfin, ce sera un temps au service du codéveloppement de l'Afrique. Plusieurs formules sont à inventer, à préciser.
La conciliation du service obligatoire avec les études et l'entrée dans la vie active doit également être bien pensée. De même, nous devrons débattre de la tranche d'âge concernée, entre dix-huit et trente ans peut-être.
Bien des questions restent en suspens, et votre amendement d'appel ne saurait y répondre.
C'est peut-être une différence de méthode qui nous oppose : nous n'entendons pas procéder à une réforme fondamentale « à la sauvette », au détour d'un amendement. Nous souhaitons qu'elle soit précédée d'un véritable débat national.
Nous aurons l'occasion d'engager ce débat dans les semaines et les mois qui viennent. Chacun aura à convaincre, et je ne doute pas un seul instant que, sur la base de ce que je viens d'indiquer, les arguments qui seront les nôtres seront plus pertinents que les vôtres.
M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Nous sommes au coeur du débat.
Je ne sais pas si les discussions que nous menons depuis quelques jours sont un débat national ou non ; je le croyais. En tout état de cause, il est évident que, s'il est une solution pour combattre la délinquance en occupant les jeunes - et elle regroupe beaucoup d'adeptes -, c'est bien d'instaurer un service civil.
Je rappelle que La Vie claire a consulté de nombreux parlementaires sur la question et que plus de 400 d'entre eux, dont un certain nombre siégeant sur les bancs de la majorité, se sont déclarés d'accord avec une telle réforme.
Le service militaire a été supprimé. Il est vrai qu'il était difficile de résister et que, étant ce qu'il était devenu, il ne représentait plus vraiment une solution, bien qu'il permît la cohabitation de jeunes gens issus de tous les milieux.
C'est dès sa suppression qu'il fallait remplacer le service militaire par un service civil de six mois, obligatoire et pour les hommes, et pour les femmes, qui permette que tous servent en France, servent dans les associations, servent dans le tiers monde, bref, soient au service des autres.
Quelle meilleure réponse pouvez-vous apporter à ce que vous dites être votre souci : la prévention de la délinquance ? Il n'en est pas.
Pour notre part, nous avons déposé une proposition de loi, et vous-même, monsieur le ministre, semblez affirmer que cette mesure sera proposée par tout le monde. Dans ces conditions, pourquoi remettre à plus tard ce que l'on peut faire le jour même ?
Telles sont les raisons pour lesquelles nous vous demandons de voter cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 310.
Mme Marie-France Beaufils. Le groupe communiste républicain et citoyen s'abstient.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Monsieur le président, la commission des lois doit se réunir pour examiner un certain nombre d'amendements portant sur l'article 15. Aussi, je souhaiterais que nous suspendions maintenant nos travaux, de façon à être en mesure de les reprendre à vingt et une heures trente.
M. le président. Le Sénat va bien sûr accéder à votre demande.
Nous allons donc interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures vingt-cinq, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Philippe Richert.)
PRÉSIDENCE DE M. Philippe Richert
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi relatif à la prévention de la délinquance.
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l'article 13.
CHAPITRE IV
DISPOSITIONS FONDÉES SUR L'INTÉGRATION
Article 13
La loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure est ainsi modifiée :
1° Dans le libellé du chapitre III du titre Ier, après les mots : « De la réserve civile de la police nationale », sont ajoutés les mots : « et du service volontaire citoyen de la police nationale » ;
2° L'article 4 est modifié comme suit :
a) À la fin du premier alinéa, il est ajouté le membre de phrase suivant : « ainsi qu'un service volontaire citoyen de la police nationale destiné, dans le but de renforcer le lien entre la nation et la police nationale, à accomplir des missions de solidarité, de médiation sociale et de sensibilisation au respect de la loi, à l'exclusion de toutes prérogatives de puissance publique. » ;
b) À la fin du second alinéa, il est ajouté la phrase suivante : « Le service volontaire citoyen est composé de volontaires admis à ce service par l'autorité administrative. » ;
3° Après l'article 6, il est inséré un article 6-1 ainsi rédigé :
« Art. 6-1. - Pour être admis au titre du service volontaire citoyen de la police nationale, le candidat doit remplir les conditions suivantes :
« - être citoyen français ou ressortissant d'un État membre de l'Union européenne ;
« - être âgé d'au moins dix-sept ans ;
« - remplir des conditions d'aptitude correspondant aux missions du service volontaire citoyen ;
« - ne pas avoir fait l'objet d'une condamnation à une peine correctionnelle ou à une peine criminelle inscrite au bulletin n° 2 du casier judiciaire ou, pour les ressortissants étrangers, dans un document équivalent, pour des motifs incompatibles avec l'exercice des fonctions.
« L'agrément de l'autorité administrative ne peut être délivré que s'il résulte de l'enquête administrative à laquelle il est procédé, comportant le cas échéant la consultation des traitements de données à caractère personnel gérés par les services de police et de gendarmerie nationales relevant des dispositions des articles 21 et 23 de la présente loi, qu'il ne s'est pas rendu coupable d'un comportement ou d'agissements contraires à l'honneur, à la probité, aux bonnes moeurs ou de nature à porter atteinte à la sécurité des personnes ou des biens, à la sécurité publique ou à la sûreté de l'État.
« Le volontaire agréé souscrit un engagement d'une durée d'un à cinq ans renouvelable, qui lui confère la qualité de collaborateur occasionnel du service public. S'il accomplit ses missions pendant son temps de travail, il doit, lorsque leur durée dépasse dix jours ouvrés par année civile, obtenir l'accord de son employeur dans les conditions prévues à l'article 6, pour le réserviste volontaire.
« L'engagement peut être résilié lorsque son titulaire cesse de remplir l'une des conditions prévues au présent article. Il peut être suspendu en cas de nécessité tenant à l'ordre public.
« Un décret en Conseil d'État détermine les conditions d'application du présent article. » ;
4° L'article 7 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, après le mot : « réservistes » sont insérés les mots : « et des volontaires du service volontaire citoyen de la police nationale » ;
b) Au deuxième alinéa, les mots : « effectuées dans le cadre du volontariat ou de l'obligation de disponibilité », sont remplacés par les mots : « mentionnées à l'alinéa qui précède » ;
c) Au troisième alinéa, après les mots : « le réserviste », sont insérés les mots : « ou le volontaire du service volontaire citoyen de la police nationale » et après les mots : « au titre de la réserve civile » sont insérés les mots : « ou du service volontaire citoyen » ;
d) Au quatrième alinéa, après les mots : « d'un réserviste », sont insérés les mots : « ou d'un volontaire du service volontaire citoyen de la police nationale » ;
e) Au cinquième alinéa, après les mots : « en dehors de son service dans la réserve », sont insérés les mots : « ou dans le service volontaire citoyen de la police nationale ».
M. le président. Je suis saisi de six amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 204 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
L'amendement n° 311 est présenté par MM. Peyronnet, Godefroy, Badinter, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mahéas et Sueur, Mme Campion, MM. Cazeau et Domeizel, Mmes Demontès et Jarraud-Vergnolle, M. Michel, Mme Schillinger, MM. Guérini, Lagauche, Madec, Mélenchon, Mermaz et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Éliane Assassi, pour défendre l'amendement n° 204.
Mme Éliane Assassi. Nous en venons à la création d'un « service volontaire citoyen de la police nationale ».
Permettez-moi tout d'abord de m'étonner, monsieur le ministre, que vous nous demandiez de voter cette disposition alors qu'une expérimentation est en cours depuis le 14 juillet dernier dans certains départements et que nous n'avons à ce jour aucune information sur le déroulement de cette expérimentation.
Il est prévu que les participants à ce nouveau « service » effectueront des actions de médiation sociale, de solidarité et de sensibilisation au respect de la loi. Or le Gouvernement supprime, loi après loi, tout ce qui va dans le sens de telles actions. Les associations d'éducation populaire sur le terrain, qui oeuvrent précisément dans le domaine de la solidarité et de la médiation, n'ont pas les moyens de mener leur action. L'an dernier, le Gouvernement a tenté de leur retirer entre 10 millions et 15 millions d'euros de crédits.
Mme Éliane Assassi. C'est une réalité !
Les professionnels de l'action sociale, les enseignants, les éducateurs de rue sont en nombre notablement insuffisant.
D'une manière générale, vous fermez les services publics qui participent du lien social et de la solidarité.
Comme le note le préfet de la Seine-Saint-Denis dans un article paru dans un grand journal du soir - je ne m'étendrai pas ici sur ce qui figure dans la lettre dont le contenu nous a été révélé aujourd'hui, mais j'aurais beaucoup à dire -, la police déserte les quartiers, notamment les quartiers populaires, et les brigades des mineurs deviennent fantomatiques.
Vous avez considéré que les policiers qui intervenaient auprès des jeunes dans le cadre d'activités sportives avaient autre chose à faire. Quand on voit comment vous opérez un glissement des missions de sécurité vers les polices municipales, on peut se demander si les volontaires du service citoyen de la police ne vont pas devenir les supplétifs d'une police absente !
Les « volontaires » seront indemnisés et protégés vis-à-vis de leur employeur. En attendant, les bénévoles associatifs ne voient rien venir quant au statut qu'ils réclament depuis maintenant assez longtemps.
La commission des lois propose que des étrangers non communautaires puissent être recrutés comme volontaires. Je constate une nouvelle fois qu'on n'hésite pas à les instrumentaliser au service d'une cause dite « citoyenne », mais que leur citoyenneté vous intéresse beaucoup moins quand il s'agit de leur accorder le droit de vote et d'éligibilité.
La commission des lois souligne aussi que, durant les événements de novembre dernier, de nombreux habitants se sont regroupés spontanément pour oeuvrer au retour au calme. Pour avoir vécu beaucoup de ces moments avec eux, je présenterai les choses un peu autrement.
Il est vrai qu'ils sont allés à la rencontre de la population et des jeunes, qu'ils ont écouté leur colère, parfois leur désespoir, et surtout qu'ils ont tenté de trouver avec eux d'autres voies que la violence pour se faire entendre. Ils l'ont fait avec une grande responsabilité et en évitant tout comportement de type « légitime défense ».
Mais ce que l'on nous propose ici est tout à fait différent. Je ne peux m'empêcher de penser aux Minutemen américains, ces citoyens qui patrouillent aux frontières pour prévenir l'entrée d'« illégaux ».
Pour toutes les raisons que j'ai évoquées, nous ne pouvons que nous interroger sur les véritables objectifs de la création de ce service citoyen. Nous demandons donc la suppression de cet article 13.
M. Roland Muzeau. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet, pour présenter l'amendement n° 311.
M. Jean-Claude Peyronnet. Je serai bref, car j'avais déposé un amendement n° 310 qui visait à créer un service d'une telle ampleur que, je l'ai bien senti, il a fait une forte impression à M. le ministre ! (Sourires.) Cet amendement n 311 est un amendement de cohérence par rapport au précédent.
M. le président. L'amendement n° 23, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le deuxième alinéa du texte proposé par le 3° de cet article pour insérer un article 6-1 dans la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003:
« - être citoyen français, ressortissant d'un État membre de l'Union européenne ou résider régulièrement en France depuis au moins cinq ans ;
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Le service volontaire citoyen de la police nationale doit être, selon nous, un instrument d'intégration. Dès lors, il serait dommage de ne pas l'ouvrir aux étrangers non communautaires résidant régulièrement en France depuis au moins cinq ans.
M. le président. Le sous-amendement n° 301 rectifié, présenté par MM. Courtois, Dassault et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :
Compléter in fine le texte proposé par l'amendement n° 23 par les mots :
et satisfaire à la condition d'intégration définie à l'article L. 314-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile
La parole est à M. Jean-Patrick Courtois.
M. Jean-Patrick Courtois. Il est tout à fait légitime que des étrangers résidant régulièrement en France depuis quelques années puissent, aux côtés des Français et des citoyens de l'Union européenne, prendre part à des actions de médiation sociale, de solidarité et de sensibilisation au respect de la loi.
Cependant, le critère de résidence régulière en France depuis cinq ans n'est pas, à lui seul, suffisant pour veiller à ce que seuls les étrangers bien intégrés dans notre pays puissent participer au service volontaire citoyen de la police nationale. Il convient donc de préciser que ces ressortissants étrangers doivent satisfaire à la condition d'intégration définie à l'article L. 314-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
M. le président. L'amendement n° 24, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le sixième alinéa du texte proposé par le 3° de cet article pour insérer un article 6-1 dans la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 :
« L'agrément de l'autorité administrative ne peut être délivré s'il résulte de l'enquête administrative, ayant le cas échéant donné lieu à consultation des traitements de données à caractère personnel gérés par les services de police et de gendarmerie nationales relevant des dispositions de l'article 21 de la présente loi, que son comportement ou ses agissements sont contraires à l'honneur, à la probité, aux bonnes moeurs ou de nature à porter atteinte à la sécurité des personnes ou des biens, à la sécurité publique ou à la sûreté de l'État.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. L'amendement n° 24 est rédactionnel et supprime en outre la référence à l'article 23 de la loi du 18 mars 2003, c'est-à-dire au fichier des personnes recherchées. Nous estimons en effet peu probable qu'une personne figurant à ce fichier dépose sa candidature au service volontaire citoyen de la police nationale. Mais M. le ministre nous démontrera peut-être qu'il y a, en l'espèce, un risque.
J'ajoute que cet amendement est également souhaité par la Commission nationale de l'informatique et des libertés, la CNIL.
M. le président. L'amendement n° 25, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le dernier alinéa du texte proposé par le 3° de cet article pour insérer un article 6-1 dans la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 :
« Un décret en Conseil d'État pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés détermine les conditions d'application du présent article. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Il s'agit de préciser que le décret d'application sera pris après avis de la CNIL. Cela nous semble nécessaire puisque le présent article prévoit la consultation de fichiers.
M. le président. L'amendement n° 26, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le dernier alinéa de cet article :
e) Au cinquième alinéa, après les mots : « Pendant la période d'activité dans la réserve » et les mots : « en dehors de son service dans la réserve », sont insérés les mots : « ou dans le service volontaire citoyen de la police nationale ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. C'est un amendement de coordination.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements qui n'émanent pas d'elle ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. La commission estime que ce service volontaire citoyen de la police nationale a toute son utilité. Elle considère notamment que la prévention de la délinquance est une tâche relevant désormais de multiples autorités puisque l'État, y compris l'éducation nationale, le département, le maire, doivent y prendre toute leur part, mais qu'elle incombe aussi à chacun d'entre nous, surtout à chacun de ceux qui voudront se mobiliser au sein du service volontaire citoyen de la police nationale.
Cette initiative est très largement inspirée par la situation de l'automne 2005 et par le rôle de médiateur bénévole particulièrement efficace qu'ont joué dans l'apaisement un certain nombre de personnes de bonne volonté. Il serait particulièrement dommage de se priver de ce type de concours.
La commission émet, par conséquent, un avis défavorable sur les amendements identiques nos°204 et 311.
S'agissant du sous-amendement n° 301 rectifié, la commission y est favorable dans la mesure où il lui semble tout à fait justifié que les étrangers non communautaires qui voudront participer à ce service volontaire citoyen s'engagent à respecter les principes qui régissent la République française et aient une connaissance suffisante de la langue française.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Estrosi, ministre délégué. J'invite les auteurs des amendements nos 204 et 311 à analyser l'expérience de pays tels que l'Irlande, la Grande-Bretagne ou les Pays-Bas.
Dès 2003, avec la loi pour la sécurité intérieure, Nicolas Sarkozy avait souhaité que la police nationale puisse s'engager dans cette voie. Une réserve civile a donc été créée, ouverte aux seuls anciens policiers. Elle est un succès.
Aujourd'hui, il convient d'aller au-delà en définissant un service volontaire permettant à des citoyens de s'engager aux côtés de la police nationale. Il ne s'agit pas de leur faire faire le métier de policier. S'il y a confusion dans certains esprits, c'est que ceux-ci restent souvent attachés à une conception extrêmement dogmatique de la police de proximité ; vous savez ce que j'en pense.
Pour moi, il n'y aucune confusion. Les missions des policiers, même affectés à des unités de proximité, peuvent nécessiter l'usage de prérogatives de puissance publique, le recours à la contrainte et à la force. Un policier n'a pas vocation à être un éducateur sportif ni à enseigner le football du matin au soir.
Ce ne sera pas le cas des volontaires citoyens, qui seront dépourvus de toute prérogative de puissance publique. Ils accompliront exclusivement des tâches de médiation, de sensibilisation au respect des lois. Leur participation permettra de multiplier la présence de la police nationale dans les quartiers, auprès des associations, aux abords des établissements scolaires et dans le cadre des opérations « Ville-Vie-Vacances ».
On peut également songer à l'aide aux victimes. Après tout, ce ne serait peut-être pas une mauvaise idée de donner la priorité aux victimes dans notre pays ! Lorsqu'une personne vulnérable est victime d'un cambriolage, l'accueil et l'information sur l'avancement de l'enquête continueront, bien sûr, d'être assurés par des policiers. Mais des missions jusqu'alors non assurées pourront être confiées à des volontaires : aider la personne à ranger l'appartement mis sens dessus dessous, l'accompagner dans ses démarches d'indemnisation par sa compagnie d'assurance, maintenir dans la durée un lien afin de surmonter le choc de l'agression.
Telle est notre vision des choses au bénéfice de ceux qui ne se sont pas toujours sentis considérés alors qu'ils étaient pourtant les premières victimes.
Le nouveau dispositif sera donc un « plus ».
M. Roland Muzeau. Il y aura quand même des victimes !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Madame Assassi, vous avez indiqué que vous n'aviez pas eu connaissance du résultat des mesures que nous avons annoncées le 14 juillet.
Permettez-moi de vous dire que ces mesures sont expérimentées depuis le printemps dans dix départements et que nous bénéficions de retours très positifs. Il devient nécessaire et urgent de leur donner un cadre juridique sûr, dans la loi, pour conforter l'engagement des volontaires.
Telles sont les raisons pour lesquelles le Gouvernement émet un avis défavorable sur les deux amendements de suppression.
Le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 23 de la commission ainsi qu'au sous-amendement n° 301 rectifié présenté par M. Courtois.
Il souhaite le retrait ou, mieux, la rectification de l'amendement n° 24 de la commission, de manière que les préfets puissent consulter, comme le prévoit actuellement le texte, non seulement le système de traitement des infractions constatées, connu sous le nom de STIC, mais aussi le ficher des personnes recherchées, le FPR. Dès lors, si cet amendement n'est pas retiré, il conviendrait d'y réintroduire la référence à l'article 23 de la loi du 18 mars 2003.
Enfin, le Gouvernement est favorable aux amendements nos 25 et 26.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 204 et 311.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 301 rectifié.
(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. Monsieur le rapporteur, retirez-vous l'amendement n° 24 ou le rectifiez-vous dans le sens souhaité par M. le ministre ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Le retrait de cet amendement ne me paraît pas opportun dans la mesure où il apporte une amélioration rédactionnelle.
Monsieur le ministre, pouvez-vous préciser les raisons pour lesquelles vous estimez nécessaire de conserver la possibilité de consulter le fichier des personnes recherchées ?
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Monsieur le rapporteur, je reconnais bien volontiers que ma demande de rectification mérite de plus amples explications.
La consultation du STIC ne me paraît pas suffisante. En effet, le FPR comporte des données administratives ou judiciaires qui peuvent se révéler utiles pour écarter une candidature. Je citerai entre autres les interdictions de paraître dans certains lieux, les interdictions de port d'arme, les interdictions d'utilisation de véhicule : autant de données qui ne figurent pas dans le STIC.
J'ajoute que le FPR est également alimenté par des sources internationales dans le cadre de la coopération avec les services de police des pays voisins. Dès lors que le service volontaire citoyen sera ouvert à des ressortissants étrangers - y compris non communautaires, comme le Sénat vient de le décider sur votre suggestion, monsieur le rapporteur, et avec l'accord du Gouvernement -, il est tout à fait légitime de vérifier, par une consultation du FPR, que les candidats n'ont pas été signalés par des services de police étrangers.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Monsieur le ministre, je suis convaincu par vos arguments, qui sont d'un poids incontestable, et je rectifie l'amendement conformément à votre souhait.
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 24 rectifié, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, et ainsi libellé :
Rédiger comme suit le sixième alinéa du texte proposé par le 3° de cet article pour insérer un article 6-1 dans la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 :
« L'agrément de l'autorité administrative ne peut être délivré s'il résulte de l'enquête administrative, ayant le cas échéant donné lieu à consultation des traitements de données à caractère personnel gérés par les services de police et de gendarmerie nationales relevant des dispositions des articles 21 et 23 de la présente loi, que son comportement ou ses agissements sont contraires à l'honneur, à la probité, aux bonnes moeurs ou de nature à porter atteinte à la sécurité des personnes ou des biens, à la sécurité publique ou à la sûreté de l'État.
Je le mets aux voix.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote sur l'article 13.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. M. le ministre nous a indiqué que le service volontaire dans la police était expérimenté dans dix départements. Nous avons fait remarquer qu'il serait intéressant de connaître les premiers résultats de cette expérimentation.
M. le ministre nous affirme à l'instant qu'ils sont très positifs, qu'il convient donc d'étendre le dispositif en lui donnant une base légale.
Monsieur le ministre, nous sommes des parlementaires, c'est-à-dire des représentants de la nation. À ce titre, il serait légitime que nous disposions d'éléments concrets sur les leçons que l'on peut tirer de cette expérimentation : qui sont les candidats, que font-ils, comment cela se passe-t-il ? Or nous n'avons d'autres informations que celles que nous obtenons par nos propres moyens. Cela est absolument inadmissible.
Nous sommes certes hostiles à ce dispositif, mais je considère de toute façon que nous ne sommes pas traités comme devrait l'être la représentation nationale. Je réitère donc ma demande d'une évaluation précise de l'expérimentation qui est conduite dans les dix départements pilotes.
M. le président. Je mets aux voix l'article 13, modifié.
(L'article 13 est adopté.)
Article additionnel après l'article 13
M. le président. L'amendement n° 291, présenté par M. Guené, est ainsi libellé :
Après l'article 13, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article 40 de la loi n° 2004-811 du 13 août 2004 de modernisation de la sécurité civile, il est inséré une division additionnelle ainsi rédigée :
« Chapitre ...
« Service volontaire citoyen de la sécurité civile
« Art. ... - Il est créé un service volontaire citoyen de la sécurité civile destiné, dans le but de renforcer le lien entre la nation et la sécurité civile, à accomplir des missions de communication et de sensibilisation au rôle de la sécurité civile, ainsi qu'à ses besoins humains en matière de volontariat.
« Le service volontaire citoyen est composé de volontaires admis à ce service par l'autorité administrative.
« Art. ... - Pour être admis au titre du service volontaire citoyen de la sécurité civile, le candidat doit remplir les conditions suivantes :
« - être citoyen français, ressortissant d'un État membre de l'Union européenne ou résider régulièrement en France depuis au moins cinq ans ;
« - être âgé au moins de dix-sept ans ;
« - remplir des conditions d'aptitude correspondant aux missions du service volontaire citoyen ;
« - ne pas avoir fait l'objet d'une condamnation à une peine correctionnelle ou à une peine criminelle inscrite au bulletin n° 2 du casier judiciaire ou, pour les ressortissants étrangers, dans un document équivalent, pour des motifs incompatibles avec l'exercice des fonctions.
« L'agrément de l'autorité administrative ne peut être délivré s'il résulte de l'enquête administrative, ayant le cas échéant donné lieu à consultation des traitements de données à caractère personnel gérés par les services de police et de gendarmerie nationales relevant des dispositions de l'article 21 de la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 relative à la sécurité intérieure, que son comportement ou ses agissements sont contraires à l'honneur, à la probité, aux bonnes moeurs ou de nature à porter atteinte à la sécurité des personnes ou des biens, à la sécurité publique ou à la sûreté de l'État.
« Le volontaire agréé souscrit un engagement d'une durée d'un à cinq ans renouvelable, qui lui confère la qualité de collaborateur occasionnel du service public. S'il accomplit ses missions pendant son temps de travail, il doit, lorsque la durée dépasse dix jours ouvrés par année civile, obtenir l'accord de son employeur, sous réserve de dispositions plus favorables résultant du contrat de travail, de conventions ou accords collectifs de travail, ou de conventions conclues entre l'employeur et le ministre chargé de la sécurité civile.
« L'engagement peut être résilié lorsque le titulaire cesse de remplir l'une des conditions prévues au présent article. Il peut être suspendu an cas de nécessité tenant à l'ordre public.
« Un décret en Conseil d'État pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés détermine les conditions d'application du présent article.»
« Art. 40-3. - Les périodes d'emploi des volontaires du service volontaire citoyen de la sécurité civile sont indemnisées.
« Les indemnités perçues au titre de périodes mentionnées à l'alinéa qui précède ne sont pas soumises aux dispositions du premier alinéa de l'article 16 du décret du 29 octobre 1936 relatifs aux cumuls de retraites, de rémunérations et de fonctions.
« Dans le cas où le volontaire du service volontaire citoyen de la sécurité civile exerce une activité salariée, son contrat de travail est suspendu pendant la période où il effectue des missions au titre du service volontaire citoyen de la sécurité civile. Toutefois, cette période est considérée comme une période de travail effectif pour les avantages légaux et conventionnels en matière d'ancienneté, d'avancement, de congés payés et de droits aux prestations sociales.
« Aucun licenciement ou déclassement professionnel, aucune sanction disciplinaire ne peuvent être prononcés à l'encontre d'un volontaire du service volontaire citoyen de la sécurité civile en raison des absences résultant des présentes dispositions. « Pendant la période d'activité dans le service volontaire citoyen de la sécurité civile, l'intéressé bénéficie, pour lui et ses ayants droit, des prestations des assurances maladie, maternité, invalidité et décès, dans les conditions visées à l'article L. 161-8 du code de la sécurité sociale, du régime de sécurité sociale dont il relève en dehors de son service dans le service volontaire citoyen de la sécurité civile. Un décret en Conseil d'État détermine en tant que de besoin les modalités d'application du présent article.»
La parole est à M. Charles Guené
M. Charles Guené. Je propose de créer, à l'instar de ce qui est prévu pour la police nationale et dans le même esprit, un service volontaire citoyen de la sécurité civile.
Ce service permettrait aux volontaires de contribuer à des actions de médiation, de sensibilisation au rôle de la sécurité civile, dont les forces rencontrent parfois des difficultés au cours de leurs interventions, faisant l'objet de violences et d'agressions difficiles à comprendre compte tenu de leurs missions d'aide aux personnes et de protection des biens face aux sinistres.
La création de ce service présenterait un double intérêt au regard de la prévention de la délinquance : l'insertion des volontaires eux-mêmes et, surtout, la normalisation des relations entre les forces de la sécurité civile et une certaine catégorie de la population.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Bien que la commission comprenne et approuve les intentions de M. Charles Guené, elle émet cependant un avis défavorable sur cet amendement pour deux raisons principales.
Tout d'abord, le dispositif ne relève pas précisément d'un projet de loi relatif à la prévention de la délinquance.
Ensuite et surtout, il existe déjà de nombreux dispositifs de volontariat et de réserve en matière de sécurité civile, qu'il s'agisse des sapeurs-pompiers volontaires ou des réserves communales de sécurité civile. Ces dernières éprouvent d'ailleurs quelques difficultés pour atteindre les objectifs qui leur avaient été fixés.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Monsieur Guené, l'objectif qui consiste à renforcer le lien entre la nation et la sécurité civile est tout à fait louable et, au demeurant, conforme à l'esprit de la loi de modernisation de la sécurité civile du 13 août 2004.
Comme vous le savez, l'esprit de volontariat est très largement développé dans les forces de sécurité civile. Ainsi, on compte déjà 200 000 sapeurs-pompiers volontaires, 800 sapeurs-pompiers experts qui ont un statut de sapeur-pompier volontaire - statut qui vient d'ailleurs d'être assoupli - remplissent des missions spécifiques, par exemple en matière de communication.
J'ajoute que le volontariat civil s'adresse à 300 jeunes qui servent actuellement, pour une durée de six mois à deux ans, sous le statut du volontariat civil.
Enfin, depuis la promulgation de la loi du 13 août 2004, les maires peuvent créer des réserves communales de sécurité civile. À l'heure actuelle, près de 120 communes ont créé leur réserve communale ; d'autres y réfléchissent.
Monsieur le sénateur, votre amendement me donne donc l'occasion de souligner le grand nombre de dispositifs existants. Certains sont très récents et méritent de monter en puissance avant d'être complétés.
Je vous propose de constituer un groupe de travail afin de tirer, un peu plus de deux ans après le vote de la loi de modernisation de la sécurité civile, un premier bilan des quatre dispositifs que je viens d'évoquer. Certains ont montré beaucoup d'efficacité et doivent être renforcés. D'autres, moins performants, rencontrent des difficultés de gestion et devront être soit confortés soit remplacés. C'est pourquoi je suggère que nous dressions un bilan de la situation avant de présenter des dispositions visant à créer un nouveau service volontaire citoyen de la sécurité civile.
Après avoir procédé à des auditions, établi un diagnostic et tiré les leçons de l'expertise, ce groupe de travail présentera des propositions susceptibles de nous permettre d'aller plus loin.
M. le président. Monsieur Guené, l'amendement n° 291 est-il maintenu ?
M. Charles Guené. Monsieur le ministre, j'apprécie beaucoup votre initiative de créer un groupe de réflexion sur ce sujet. Mon intention était certes d'essayer de nous orienter vers un système comparable à celui qui figure à l'article 13, mais aussi de pointer les problèmes que posent les multiples options offertes dans le cadre de la sécurité civile. Dans ces conditions, je retire mon amendement.
M. le président. L'amendement n° 291 est retiré.
Article 14
Après l'article L. 121-19 du code de l'action sociale et des familles, il est inséré un article L. 121-20 ainsi rédigé :
« Art. L. 121-20. - Pour l'accès à un emploi de l'État, des collectivités territoriales, des établissements publics et des entreprises publiques dont le personnel est soumis à un statut défini par la loi ou le règlement, la limite d'âge est reculée d'un temps égal au temps effectif de volontariat au titre du service civil volontaire.
« Ce temps effectif est également pris en compte dans le calcul de l'ancienneté de service exigée pour la promotion interne au sein des trois fonctions publiques. »
M. le président. L'amendement n° 312, présenté par MM. Peyronnet, Godefroy, Badinter, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mahéas et Sueur, Mme Campion, MM. Cazeau et Domeizel, Mmes Demontès et Jarraud-Vergnolle, M. Michel, Mme Schillinger, MM. Guérini, Lagauche, Madec, Mélenchon, Mermaz et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet
M. Jean-Claude Peyronnet. Il s'agit d'un amendement de coordination avec l'amendement n° 310, qui a tant plu à M. le ministre, et qui proposait la création d'un service civique obligatoire.
Cet amendement est également en cohérence avec la position que le groupe socialiste a adoptée à l'occasion de la discussion du projet de loi pour l'égalité des chances concernant le service civil volontaire.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Je pensais que nos collègues socialistes retireraient leur amendement puisqu'il s'agit précisément d'un amendement de coordination avec leur amendement proposant un service civique obligatoire, que le Sénat l'a repoussé.
Je considère qu'il n'est pas de bonne politique de supprimer les très minces avantages qui sont accordés à ceux qui s'engagent dans le service volontaire citoyen, qu'il s'agisse des modalités de calcul des limites d'âge prévues pour l'accès à un emploi de l'État ou de l'ancienneté de service exigée pour la promotion interne dans la fonction publique. Il convient à tout le moins de laisser ces aspects perdurer.
Telles sont les raisons pour lesquelles la commission est défavorable à l'amendement n° 312.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 14.
(L'article 14 est adopté.)
CHAPITRE V
DISPOSITIONS RELATIVES À LA PRÉVENTION D'ACTES VIOLENTS POUR SOI-MÊME OU POUR AUTRUI
Article additionnel avant l'article 15
M. le président. L'amendement n° 205, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article 15, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. Les médecins, ainsi que l'ensemble des personnels médicaux et paramédicaux, les travailleurs sociaux, les magistrats et les personnels de la police nationale et de la gendarmerie nationale, reçoivent une formation initiale et continue propre à leur permettre de répondre aux cas de personnes victimes de violences conjugales et de prendre les mesures nécessaires de prévention et de protection qu'elles appellent. Cette formation est dispensée dans des conditions fixées par voie réglementaire.
II. Les pertes de recettes pour l'Etat résultant du I ci-dessus sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous constatons avec stupéfaction que, quelques mois seulement après le vote de dispositions relatives aux violences conjugales, la discussion du présent projet de loi, piloté par le ministre de l'intérieur, nous amène à légiférer de nouveau sur les violences conjugales.
Nous nous demandons pourquoi le Gouvernement a jugé utile de revenir sur une loi d'origine parlementaire, je le rappelle, qui avait fait l'objet d'un relatif consensus.
Par ailleurs, depuis le début de la discussion, nous constatons que, dans ce projet de loi relatif à la prévention de la délinquance, il est surtout question de répression. C'est encore le cas ici.
Puisque vous tenez absolument à reparler des violences conjugales, nous avons déposé cet amendement qui porte sur la prévention des violences commises au sein du couple. La prévention étant à nos yeux, pour cette forme de violence ou de délinquance comme pour toutes les autres, un levier d'action essentiel, nous proposons d'améliorer la formation des professionnels susceptibles d'aider des femmes victimes de violences conjugales ou d'être en contact avec elles.
Il est fort regrettable que tant la commission que le Gouvernement opposent à notre requête une fin de non-recevoir. En effet, la prévention des violences conjugales passe, selon nous, avant tout par une meilleure appréhension de ce phénomène par les professionnels qui y sont confrontés.
Lorsque nous avons examiné, il y a quelque six mois, la proposition de loi consacrée à ce sujet, tout le monde était d'accord pour reconnaître que le phénomène était complexe, difficile à appréhender, notamment dans ses dimensions psychologiques, qu'il requérait des qualités d'écoute et d'accueil particulières, que la police et la justice ne comprenaient pas toujours bien la réalité de la violence au sein du couple. Le sachant, des femmes hésitent encore à porter plainte ou, lorsqu'elles l'ont fait, à mener leur action à son terme.
La formation est donc un élément essentiel de la lutte contre les violences conjugales mais également de la prévention de ces violences. Une meilleure formation de tous les professionnels susceptibles d'être en contact avec des victimes de violences peut permettre que des réseaux se constituent avec plus d'efficacité.
Des dispositions sur la formation figuraient dans la proposition de loi sur les violences conjugales que j'avais moi-même déposée. Lorsque nous avons examiné le texte résultant des conclusions du rapport fait par un membre de la majorité à partir des deux propositions de loi issues de l'opposition, tout le chapitre concernant la formation avait disparu. Nous avions donc déposé un amendement dont l'objet tendait à préconiser la formation pour les professionnels en contact avec des victimes de violences conjugales. On nous avait alors opposé non pas des raisons de fond - tout le monde approuvait la nécessité d'organiser une telle formation -, mais la nature réglementaire de ces dispositions : il ne fallait pas légiférer sur la formation des professionnels, qui n'était vraiment pas digne de figurer dans des textes législatifs ! C'est assez piquant quand on voit certaines dispositions extrêmement précises qui nous ont été soumises aujourd'hui !
Puisque vous-mêmes remettez sur le métier la question des violences conjugales, je vous demande de bien vouloir prévoir dans la loi que les professionnels ont besoin de formation, afin que ce point soit acté.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Quels que soient les thèmes abordés et même si certains d'entre eux sont discutés à plusieurs reprises par les assemblées, il n'en reste pas moins que ce qui est du domaine de la loi est du domaine de la loi et que ce qui est du domaine du règlement est du domaine du règlement.
L'amendement de Mme Borvo est incontestablement du domaine du règlement. La commission demande donc le retrait de cet amendement.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je ne le retire pas !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Estrosi, ministre délégué. La réponse de M. le rapporteur est frappée au coin du bon sens. Même si l'amendement de Mme Borvo part d'une intention tout à fait louable, sa proposition témoigne d'une relative méconnaissance d'une pratique déjà bien engagée par les forces de police et de gendarmerie.
La gendarmerie nationale a, par exemple, institué des correspondants départementaux d'aide aux victimes de violences intrafamiliales. Le premier séminaire de formation de ces correspondants a déjà eu lieu en décembre et permis de former 99 officiers. Près de 1 800 sous-officiers référents ont été formés au niveau départemental.
Au sein de la police nationale, un effort de formation similaire a été entrepris.
Ces fonctionnaires peuvent désormais s'appuyer sur une documentation très complète. Je citerai notamment le guide de l'action publique de la lutte contre les violences au sein du couple, présenté en novembre 2004 par le garde des sceaux, et un outil informatique de formation intitulé « Les violences conjugales : professionnalisation de la réponse policière ».
Vous le voyez, madame Borvo, votre amendement ne se justifie pas. Voilà pourquoi le Gouvernement y est défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Gisèle Gautier, pour explication de vote.
Mme Gisèle Gautier. Tout en reconnaissant qu'il n'est pas possible d'intégrer cette disposition au texte législatif, j'appuie la demande de formation des agents qu'a formulée Mme Borvo Cohen-Seat.
En effet, dans le cadre de la délégation aux droits des femmes, lors de nos rencontres sur le terrain, nous avons assisté à des scènes extrêmement douloureuses. Nous avons également pu constater que certains personnels, notamment dans les commissariats de police, n'étaient pas suffisamment formés.
Je sais que vous allez souvent sur le terrain, monsieur le ministre. Nous y allons aussi et j'insiste beaucoup pour que cette demande, même si elle ne peut, je le répète, trouver une réponse dans un texte de loi, soit prise en compte et qu'un effort soit fait en direction du personnel d'accueil des personnes victimes de ces violences. C'est pourquoi je m'abstiendrai lors du vote sur cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 205.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 15
Le code pénal est ainsi modifié :
1° Il est inséré après l'article 222-14 un article 222-14-1 ainsi rédigé :
« Art. 222-14-1. - Les violences habituelles commises par le conjoint ou le concubin de la victime ou par le partenaire lié à celle-ci par un pacte civil de solidarité sont punies conformément aux dispositions de l'article 222-14. » ;
2° À l'article 222-15, la référence à l'article 222-14 est remplacée par une référence à l'article 222-14-1 ;
3° L'article 222-48-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les personnes physiques coupables des infractions définies aux articles 222-8, 222-10, 222-12, 222-13 et 222-14-1 peuvent également être condamnées à un suivi socio-judiciaire, selon les modalités prévues par les articles 131-36-1 à 131-36-13, lorsque l'infraction est commise par le conjoint ou le concubin de la victime ou par le partenaire lié à celle-ci par un pacte civil de solidarité. »
M. le président. Je suis saisi de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 206, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. L'article 15 tend à modifier la législation pénale en ce qui concerne la répression des violences commises au sein du couple.
Je ne vais pas répéter ici tout ce que je pense du fait de revenir sur un sujet déjà traité dans une loi récemment adoptée. En revanche, je tiens à souligner une fois de plus que l'article 15 ne vise qu'à la répression, alors que nous sommes censés parler de prévention, même si nous avons sans cesse l'illustration du contraire, et encore à l'instant avec le rejet de notre amendement sur la formation des professionnels.
Au-delà de cette remarque de forme, je rappelle que l'article 15 tend à prévoir l'incrimination spécifique des violences habituelles commises au sein du couple. La loi du 4 avril 2006 renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple ou commises contre les mineurs - je viens d'y faire référence - a étendu le champ des infractions auxquelles s'applique la circonstance aggravante d'être le conjoint, le concubin ou le partenaire pacsé de la victime. De même, la circonstance aggravante s'applique lorsque l'infraction a été commise par l'ancien conjoint, l'ancien concubin ou l'ancien partenaire pacsé de la victime. Les parlementaires avaient vraiment pensé à tous les cas !
Lorsque nous avons examiné la proposition de loi sur les violences au sein du couple, notre volonté n'était pas d'aggraver les sanctions prévues par le code pénal, la panoplie de ces sanctions étant suffisamment importante, mais bien de donner la priorité à la prévention et au traitement médical et psychologique de ce type très particulier de violences. Il n'est donc pas question pour nous d'ajouter aujourd'hui un deuxième degré d'aggravation pour les seules infractions de violences commises au sein du couple lorsque celles-ci présentent un caractère habituel.
La commission s'est d'ailleurs montrée réservée sur cette nouvelle circonstance aggravante puisqu'elle en propose la suppression.
Nous souhaitons aller plus loin en supprimant l'article 15. Le code pénal permet déjà à la justice de sanctionner les auteurs de violences au sein du couple ; la priorité se situe vraiment maintenant en amont, au niveau de la prévention et de l'aide à apporter aux femmes qui en sont victimes, mais aussi aux hommes qui peuvent se soigner et en guérir.
Je vous en prie : arrêtez d'aggraver les peines, préoccupez-vous surtout de prévention !
M. le président. L'amendement n° 27, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Supprimer le 1° et le 2° de cet article.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Lors de la discussion qui a précédé le vote de la loi du 4 avril 2006, le Sénat avait estimé qu'il n'était pas nécessaire de prévoir un degré supplémentaire d'aggravation de peines pour les violences habituelles au sein du couple. Il serait souhaitable, en effet, que les juridictions aggravent effectivement les peines lorsque les violences sont commises par le conjoint, comme le prévoit la loi depuis le nouveau code pénal. Il semble que ce soit loin d'être le cas.
En tout cas, les demandes exprimées par les magistrats mais aussi par les représentants des associations visent plutôt à la mise en oeuvre de l'arsenal répressif existant qu'à l'instauration d'un nouveau degré d'aggravation des peines.
M. le président. L'amendement n° 101 rectifié, présenté par Mme G. Gautier et les membres du groupe Union centriste - UDF et Mme Desmarescaux et M. Branger, est ainsi libellé :
Dans le texte proposé par le 1° de cet article pour l'article 222-14-1 du code pénal, après les mots :
par le partenaire lié à celle-ci par un pacte civil de solidarité
insérer les mots :
, ou par son ancien conjoint, son ancien concubin ou l'ancien partenaire à elle lié par un pacte civil de solidarité
La parole est à Mme Gisèle Gautier.
Mme Gisèle Gautier. Cet amendement tend à étendre aux « ex » - anciens conjoints, anciens concubins et anciens partenaires de PACS - la portée des dispositions de l'article 15 qui sanctionnent spécifiquement les violences habituelles commises par le conjoint, le concubin ou le partenaire de PACS de la victime.
En effet, ainsi que l'avait souligné la délégation du Sénat aux droits des femmes lors de l'examen des propositions de loi ayant abouti à la loi du 4 avril 2006 renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple ou commises contre les mineurs, les violences commises par les « ex » sont malheureusement assez fréquentes, notamment lorsque les femmes sont amenées à entrer régulièrement en contact avec leur « ex », par exemple pour régler les problèmes relatifs à la garde des enfants.
La délégation avait alors recommandé la sanction du caractère habituel des violences lorsqu'elles sont exercées par les anciens conjoints.
M. le président. L'amendement n° 276, présenté par MM. Peyronnet, Godefroy, Badinter, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mahéas et Sueur, Mme Campion, MM. Cazeau et Domeizel, Mmes Demontès et Jarraud-Vergnolle, M. Michel, Mme Schillinger, MM. Guérini, Lagauche, Madec, Mélenchon, Mermaz et Ries, Mmes Tasca, Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Supprimer le 3° de cet article.
La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet.
M. Jean-Claude Peyronnet. Il ne nous semble pas opportun d'établir une peine de suivi socio-judiciaire.
Nous partageons tout à fait les sentiments exprimés par Mme Borvo Cohen-Seat : d'une part, ce texte est discuté très rapidement après le vote d'une loi portant sur le même sujet sans évaluation de celle-ci - et pour cause, le laps de temps entre le vote de la loi et la discussion de ce nouveau projet étant très court - et, d'autre part, il ne nous paraît pas nécessaire d'étendre le champ d'application du suivi socio-judiciaire aux infractions autres que les infractions sexuelles auxquelles il était destiné initialement.
Nous demandons donc la suppression de ce suivi socio-judiciaire, en mesurant toutefois les efforts faits par la commission pour améliorer la rédaction du début de l'article 15.
M. le président. L'amendement n° 28, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le texte proposé par le 3° de cet article pour l'article 222-48-1 du code pénal :
« Les personnes physiques coupables des infractions définies aux articles 222-8, 222-10, 222-12, 222-13 et 222-14 peuvent également être condamnées à un suivi socio-judiciaire, selon les modalités prévues par les articles 131-36-1 à 131-36-13 lorsque l'infraction est commise soit par le conjoint ou le concubin de la victime ou par le partenaire lié à celle-ci par un pacte civil de solidarité soit, sur un mineur de quinze ans, par un ascendant légitime, naturel ou adoptif, ou par toute autre personne ayant autorité sur la victime. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. L'amendement n° 28 tend à étendre l'application du suivi socio-judiciaire non seulement aux auteurs de violences conjugales, comme le prévoit le projet de loi, mais aussi aux parents violents, ce qui nous paraît à la fois cohérent et légitime.
M. le président. Le sous-amendement n° 102 rectifié bis, présenté par Mme G. Gautier et les membres du groupe Union centriste - UDF, Mme Desmarescaux et M. Branger, est ainsi libellé :
Dans le texte proposé par l'amendement n° 28 pour compléter l'article 222-48-1 du code pénal, après les mots :
par le partenaire lié à celle-ci par un pacte civil de solidarité
insérer les mots :
, ou par son ancien conjoint, son ancien concubin ou l'ancien partenaire à elle lié par un pacte civil de solidarité,
La parole est à Mme Gisèle Gautier.
Mme Gisèle Gautier. De même qu'ont été rendues applicables aux « ex » les dispositions de la loi du 12 décembre 2005 relative au traitement de la récidive des infractions pénales permettant d'imposer aux auteurs de violences au sein du couple une prise en charge sanitaire, sociale ou psychologique, au titre des mesures alternatives aux poursuites, des mesures de contrôle judiciaire ou du sursis avec mise à l'épreuve, il apparaît justifié de permettre l'application aux « ex » de la condamnation à un suivi socio-judiciaire.
M. le président. Le sous-amendement n° 332, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par l'amendement n° 28 par un alinéa ainsi rédigé :
« Pour les infractions prévues par l'alinéa qui précède, le suivi socio judiciaire est obligatoire en matière correctionnelle lorsqu'il s'agit de violences habituelles, sauf en cas de condamnation à une peine d'emprisonnement assortie du sursis avec mise à l'épreuve ou si le tribunal correctionnel considère, par décision spécialement motivée, qu'il n'y a pas lieu à prononcer cette mesure ; en matière criminelle, la cour d'assisses délibère de façon spécifique sur le prononcé d'un suivi socio judiciaire. »
La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice. Permettez-moi, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, de faire le point de la situation.
Votre assemblée, il y a quelques mois, quand elle a examiné la proposition de loi portant sur les violences conjugales, a fait le choix de ne pas aller au-delà des circonstances aggravantes prévues en cas de violence dans le couple. À l'époque, rien n'a été entrepris pour distinguer les violences habituelles des autres violences.
La nouveauté du texte du Gouvernement tient précisément à cette prise en compte du caractère spécifique des violences habituelles.
Ce qui nous rassemble, c'est la reconnaissance d'une réalité particulièrement choquante, celle des violences exercées au sein du couple, et les chiffres à cet égard sont effectivement effarants : 35 000 cas sont recensés chaque année par la police, dont plus de 800 sont particulièrement graves. Grâce aux enquêtes, nous savons qu'une femme sur dix subit des violences au sein de son couple.
Le Gouvernement, quant à lui, considère qu'il faut distinguer violences habituelles et violences qu'on pourrait dire « passagères ».
Notre débat d'aujourd'hui diffère donc de celui qui fut le nôtre voilà quelques mois. Le Sénat ayant, semble-t-il, le sentiment de se dédire, je n'insisterai pas sur ce point, mais je tenais à le préciser. Je rappelle d'ailleurs que vous aviez alors trouvé cette distinction confuse.
Afin de mettre, si j'ose m'exprimer ainsi, « tous les plaideurs d'accord », le Gouvernement a donc déposé un sous-amendement sur l'amendement n° 28, qui tend à prévoir, à des fins préventives, un suivi socio-judiciaire obligatoire du conjoint en cas de violences habituelles.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur l'amendement n° 206. Si elle n'est pas opposée à la suppression de l'incrimination de violences habituelles au sein du couple, elle est en revanche favorable à l'application du suivi socio-judiciaire au conjoint violent, ce suivi lui paraissant utile.
S'agissant de l'amendement n° 101 rectifié, la commission demande à Mme Gauthier de bien vouloir le retirer. À défaut, elle émettra un avis défavorable dans la mesure où cet amendement est incompatible avec l'amendement n° 27 de la commission, qui tend à supprimer l'incrimination de violences habituelles.
La commission est défavorable à l'amendement n° 276, qui tend à supprimer l'application du suivi socio-judiciaire aux auteurs de violences au sein du couple. La commission estime au contraire, je le répète, qu'il s'agit là d'un progrès très important.
La commission est favorable au sous-amendement n° 102 rectifié bis, qui est cohérent avec les dispositions de la loi du 4 avril 2006 renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple ou commises contre les mineurs. Il convient de rappeler qu'il est précisé dans ce texte que la circonstance aggravante est applicable à « l'ancien conjoint, l'ancien concubin ou l'ancien partenaire lié par un pacte civil de solidarité [...] dès lors que l'infraction est commise en raison des relations ayant existé entre l'auteur des faits et la victime ».
La commission a également émis un avis favorable sur le sous-amendement n° 332, qu'elle a examiné pendant la suspension de séance. Ce sous-amendement tend à prévoir que, lorsque les violences au sein du couple présentent un caractère habituel, le suivi socio-judiciaire devra être prononcé en matière délictuelle, sauf si le tribunal correctionnel en décide autrement par décision spécialement motivée, tandis que, en matière criminelle, la cour d'assises devra spécialement délibérer sur le prononcé de cette peine.
Grâce à ce dispositif de sanction spécifique, le législateur permettra au juge de réprimer en tant que telles les violences habituelles.
Ce sous-amendement présente donc un double mérite : il institue, comme le souhaite le Gouvernement, une incrimination particulière pour les violences habituelles, sans pour autant conduire à une aggravation des peines, conformément aux préoccupations exprimées par la commission.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Le Gouvernement est défavorable à l'amendement de suppression n° 206.
S'agissant de l'amendement n° 27, dans la mesure où le sous-amendement n° 332 présenté par le Gouvernement à l'amendement n° 28 permettra, s'il est adopté, d'apporter une réponse spécifique en cas de violences habituelles, je m'en remets à la sagesse de la Haute Assemblée.
Le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 101 rectifié, étant entendu qu'il deviendra sans objet si l'amendement n° 27 est adopté.
Le Gouvernement émet un avis défavorable sur l'amendement n° 276.
Il est en revanche favorable au sous-amendement n° 102 rectifié bis.
M. le président. En conséquence, l'amendement n° 101 rectifié n'a plus d'objet.
Je mets aux voix l'amendement n° 276.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 102 rectifié bis.
(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 15, modifié.
(L'article 15 est adopté.)
Article 16
I. - Le 2° de l'article 226-14 du code pénal est complété par la phrase suivante : « Cet accord n'est pas non plus nécessaire lorsque la victime fait connaître au médecin que les violences dont elle a été l'objet ont été commises par son conjoint, son concubin ou le partenaire à elle lié par un pacte civil de solidarité, ou par son ancien conjoint, son ancien concubin ou l'ancien partenaire à elle lié par un pacte civil de solidarité. »
II. - Le premier alinéa de l'article 48-5 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse est complété par les mots : « ainsi que les délits de provocation prévus par le deuxième alinéa de ce même article, lorsque la provocation concerne des crimes ou délits d'agression sexuelle ou des crimes ou délits commis par le conjoint ou le concubin de la victime, ou par le partenaire lié à celle-ci par un pacte civil de solidarité. »
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 207 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
L'amendement n° 277 est présenté par MM. Peyronnet, Godefroy, Badinter, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mahéas et Sueur, Mme Campion, MM. Cazeau et Domeizel, Mmes Demontès et Jarraud-Vergnolle, M. Michel, Mme Schillinger, MM. Guérini, Lagauche, Madec, Mélenchon, Mermaz et Ries, Mmes Tasca, Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer le I de cet article.
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le ministre, pour préparer sa proposition de loi relative à la lutte contre les violences au sein des couples, le groupe CRC avait interrogé de nombreuses personnes, notamment des professionnels. La question de la dénonciation des violences conjugales sans l'accord de la victime a bien entendu été discutée. Après avoir écouté tant les professionnels que les victimes, nous avions alors décidé de ne pas proposer la dénonciation sans l'accord de la victime. Le Gouvernement, lui, a dû interroger d'autres professionnels, à moins qu'il ne se soit fait une opinion tout seul.
En tout cas, l'exposé des motifs du projet de loi est, sur ce point, proprement ahurissant : les femmes victimes de violences sont considérées comme des personnes vulnérables ; certes, elles le sont, mais elles sont mises sur le même plan que les mineurs.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Mais non ! Cela n'a rien à voir !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est ainsi que le médecin pourra porter à la connaissance du procureur de la République, sans que l'accord de la victime soit nécessaire, les faits de violences conjugales qu'il pourrait constater. Actuellement, je le rappelle, il peut saisir le procureur de tels faits, mais uniquement avec l'accord de la victime. Il ne peut se passer de cet accord et lever le secret professionnel que dans le cas où la victime est mineure.
Les femmes seraient-elles dénuées de discernement au point qu'il faille les traiter comme des mineures ? Apparemment oui, si l'on en juge par les dispositions que le Gouvernement souhaite nous faire adopter.
Allons un peu au-delà : se pose évidemment le problème de la confiance que la patiente accorde à son médecin.
M. le rapporteur parle, à juste titre, de loi du silence. C'est un fait : les femmes ne révèlent pas facilement les violences conjugales dont elles sont victimes, celles-ci survenant, chacun le sait, dans l'intimité de leur couple. Elles doivent donc pouvoir se confier à des personnes avec qui elles se sentent en confiance. Il est très important pour elles d'être accueillies dans un environnement neutre, où elles peuvent être écoutées avec respect, sans être jugées.
Bien évidemment, le travail des professionnels, des médecins, des travailleurs sociaux ou des autres personnes en qui ces femmes ont confiance est de les amener progressivement à accepter de dévoiler cette intimité, qui est ressentie comme étant honteuse et dont il leur est très difficile de parler à leur entourage.
Pensez-vous vraiment que, sachant que leur médecin n'est plus tenu au secret médical et qu'il peut saisir le procureur de la République, les femmes se confieront à l'interlocuteur privilégié qu'il est pour elles ?
Cette levée du secret professionnel ne pourra être ressentie que comme une trahison. Elle risque fort de remettre en cause la relation de confiance établie entre les patientes et leurs médecins. Elles continueront de subir des violences, mais n'en parleront pas, comme autrefois.
Cette disposition est franchement inacceptable et révèle une méconnaissance du sujet, que je ne pensais pas possible de la part du Gouvernement.
M. Roland Muzeau. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Madame Borvo Cohen-Seat, nous nous sommes interrogés à deux reprises sur cette levée du secret médical. Nous avons fait preuve de prudence et nous avons considéré qu'il nous fallait connaître le point de vue de l'ordre national des médecins avant de modifier les règles à cet égard.
Nous sentions bien que les médecins étaient parfois très embarrassés de ne pas pouvoir être déliés du secret médical lorsqu'ils avaient connaissance de violences régulières très graves. Je rappelle que seul le médecin est soumis au secret médical ; ce n'est pas le cas des autres professionnels de la santé - les infirmières, par exemple -, qui tous peuvent lever le secret médical en cas de violences, que ce soit vis-à-vis d'enfants ou au sein du couple.
Nous avons donc décidé de rendre possible, tout en prenant des précautions, la levée du secret médical, lequel ne s'applique pas lorsqu'il s'agit de mineurs, et on le comprend.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Oui, c'est compréhensible !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Les médecins nous ont dit qu'ils souhaitaient vraiment que le secret médical puisse être levé lorsque des gens sont en état de dépendance psychique ou physique ou qu'ils sont vulnérables, et cela ne concerne pas exclusivement les violences au sein du couple.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Là, on parle des violences conjugales !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Il peut également s'agir de personnes âgées dépendantes maltraitées par leur famille. Cela existe ! Et il y a de nombreux autres cas. Je pense d'ailleurs que ce serait une erreur que de limiter la levée du secret médical aux seuls cas de violences conjugales ; comme l'a dit notre collègue Nicolas About, cela reviendrait à ne pas lever le secret médical en cas de crime.
L'ordre national des médecins nous a donc dit qu'il souhaitait que le secret médical puisse être levé en cas de risque grave pour les personnes.
Je rappelle que c'est le médecin qui choisira de le lever ou non : on ne peut pas le lui imposer. Par ailleurs, le médecin ne peut pas se voir reprocher d'avoir levé le secret médical puisque la loi l'y autorise. Toutes les garanties sont donc prises.
De nombreux médecins nous ont dit - certains d'entre vous pourront éventuellement le confirmer - qu'ils aimeraient pouvoir, du moins dans certains cas, signaler lorsque des personnes sont en réel danger.
Nous sommes bien entendu d'accord avec vous, madame Borvo Cohen-Seat : il faut être prudent, permettre un cheminement, éviter à tout prix que la personne n'aille plus voir le médecin. Mais il est souhaitable, dans certains cas, que les médecins puissent lever le secret médical, comme on lève parfois le secret professionnel.
Tel est l'état de notre réflexion.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet, pour présenter l'amendement n° 277.
M. Jean-Claude Peyronnet. Je partage pleinement les arguments de Mme Borvo. La rédaction initiale de cet article est inadmissible : la possibilité, pour le médecin, de sa propre autorité, de lever le secret médical sans en avertir la victime, quelle que soit la situation physique et psychique de celle-ci, est inacceptable.
Cela étant, cette question a fait l'objet d'une réunion de la commission dont le président vient de rapporter la teneur. C'est pourquoi nous retirerons notre amendement en fonction des explications que nous donnera M. le rapporteur sur la nouvelle rédaction du paragraphe I de l'article 16.
M. le président. L'amendement n° 335, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi le I de cet article :
I.- La seconde phrase du 2° de l'article 226-14 du code pénal est ainsi rédigée : « Lorsque la victime est un mineur ou une personne qui n'est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son incapacité physique ou psychique, son accord n'est pas nécessaire ; ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. La présentation de cet amendement va m'amener à répéter - certainement de manière moins claire - ce que vient de dire M. le président de la commission des lois.
Cet amendement tend en effet à remplacer la disposition du projet de loi prévoyant que le médecin peut porter à la connaissance du procureur de la République, sans que l'accord de la victime soit nécessaire, les sévices ou privations qu'il a constatés dès lors que ces violences ont été commises au sein du couple.
Cette disposition a suscité, il est vrai, un très large débat au sein de la commission.
Trois risques ont, en particulier, été mis en avant. Tout d'abord, quelles seraient les conséquences pour la victime d'une divulgation à son insu, voire contre son gré, des violences dont elle a été l'objet ? Ensuite, la victime ne serait-elle pas dissuadée de consulter le médecin ? Enfin, la victime de violences - le plus souvent, dans le couple, la femme - n'était-elle pas, ce faisant, assimilée à un mineur ?
Inversement, comme l'avaient souligné les représentants des associations de lutte contre les violences conjugales, la volonté de la victime peut souvent être complètement brisée et, dans ce contexte, le silence du médecin pourrait s'assimiler à la non-assistance à personne en danger.
Nous sommes tous convenus, mes chers collègues, que les deux positions étaient également respectables.
La commission m'a alors mandaté, en ma qualité de rapporteur, pour recueillir la position du Conseil national de l'ordre des médecins sur cette disposition. Le représentant de l'ordre avec lequel je me suis entretenu a suggéré de prévoir, comme le disait le président Hyest, la levée du secret médical sans l'accord de la victime non seulement lorsque celle-ci est un mineur - c'est déjà le cas aujourd'hui -, mais aussi lorsqu'elle n'est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son incapacité physique ou psychique.
Cette proposition me paraît répondre aux préoccupations exprimées par la commission dans la mesure où elle permet de ne pas cibler le dispositif sur les victimes de violences conjugales et de réserver la levée du secret médical sans l'accord du patient aux personnes dont l'état physique ou psychique est à ce point fragilisé qu'elles ne sont pas en mesure de saisir la justice de leur propre chef.
Voilà donc l'amendement que je vous propose d'adopter, mes chers collègues, et dont la rédaction devrait permettre le retrait des deux amendements présentés par nos collègues communistes et socialistes.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Je suis choqué par la position des groupes CRC et socialiste, qui s'étonnent de voir le Gouvernement essayer de régler le problème de la levée du secret médical s'agissant d'une femme battue, et parfois même battue à mort ; car c'est de cela qu'il est ici question !
M. Roland Muzeau. On va se mettre d'accord : ce n'est pas la peine de polémiquer ainsi !
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Je réponds à Mme Borvo Cohen-Seat, monsieur le sénateur, qui est scandalisée que le Gouvernement puisse proposer cet article. Permettez que je lui réponde, ou alors dites-lui de ne pas agresser le Gouvernement ! Pour ma part, j'ai été profondément choqué par ses propos.
Il se pose un problème de conscience évident quand vous voyez une femme gravement battue ; dans ce cas, la levée du secret médical doit être envisagée. Je suis donc très satisfait de la solution proposée par la commission des lois de la Haute Assemblée, en accord avec l'ordre des médecins, car il s'agit tout de même de la levée du secret médical.
Vous avez évoqué, madame Borvo, le problème du retour chez le médecin après qu'il a levé le secret. S'agissant de cette femme battue si gravement, la question se posera en des termes tout à fait différents puisque le mari ou le compagnon sera poursuivi et sanctionné par la justice.
Sur un autre plan, tout le monde connaît l'article 40 du code de procédure pénale, selon lequel tout fonctionnaire est tenu de dénoncer au procureur de la République les faits délictueux dont il a connaissance. Cela vous scandalise-t-il ? Je l'imagine, ou alors vous n'êtes pas cohérente !
À un certain moment, on ne peut pas ne pas réagir face à un fait délictueux ou à une violence ; c'est ce que propose le Gouvernement. La solution choisie est la bonne et, grâce à l'initiative du Gouvernement, le problème a été réglé.
Donc, je vous en prie, ne dites pas que vous êtes choquée ! C'est moi qui suis fondé à être choqué par votre contre-proposition !
Je me réjouis de donner un avis favorable sur l'amendement de la commission et défavorable sur les amendements de M. Peyronnet et de Mme Borvo Cohen-Seat. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Quelle mauvaise foi !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Nicolas About, rapporteur pour avis. J'avais été, moi aussi, quelque peu perturbé et choqué par le texte qui nous était proposé. Je m'en étais ouvert, invité par la commission des lois, lors d'une réunion qui y était consacrée.
J'avais évoqué, le président Hyest le rappelait, le fait que le médecin n'était pas autorisé à trahir le secret professionnel en cas de viol. En ce cas, l'autorisation n'est pas donnée parce que le retour de la patiente chez elle ne la met pas en danger. Il est nécessaire, au contraire, de la convaincre de porter plainte et de l'accompagner dans sa démarche.
La situation dont il s'agit ici est profondément différente : nous sommes devant le cas d'une personne battue régulièrement et qui, de retour chez elle, va devoir affronter l'auteur des violences dont elle la victime si la justice n'a pas été mise en branle.
J'approuve totalement la solution retenue par le rapporteur et la commission des lois après consultation du Conseil de l'ordre : elle est sage et mesurée.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Monsieur le président, je demande le vote par priorité de l'amendement n° 335 de la commission.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur cette demande de priorité ?
M. le président. La priorité est de droit.
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote sur l'amendement n° 335.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous allons voter l'amendement de la commission, ce qui montre que les propos que vous avez tenus à mon égard, monsieur le garde des sceaux, n'étaient pas justifiés et qu'ils étaient même outranciers.
M. Jean-Claude Peyronnet. Absolument !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. D'ailleurs, la commission elle-même n'était pas favorable à la rédaction initiale.
Encore une fois, il serait normal que le Gouvernement recueille toutes les informations nécessaires avant de présenter des projets de loi.
M. Nicolas About, rapporteur pour avis. À quoi sert le Parlement, alors ?
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Mon argumentation s'inscrit exactement dans la même logique que celle de la commission. Nous souhaitons évidemment protéger les femmes victimes de violences. La question essentielle est de savoir si le médecin à qui elles se sont confiées pourra immédiatement saisir le procureur à son insu, voire contre leur gré.
Or, je le répète, le travail des professionnels est de les accompagner dans leur démarche.
M. Nicolas About, rapporteur pour avis. Tout à fait !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Évidemment, si l'on précise qu'il s'agit de personnes qui ne sont pas en mesure de se protéger en raison de leur incapacité physique ou psychique, ou qui sont susceptibles d'être tuées, la mesure est tout à fait légitime.
Pour conclure, monsieur le garde des sceaux, je note que vous n'avez pas répondu à la question que je vous avais posée sur la façon dont le Gouvernement a traité cette question !
M. Roland Muzeau. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Je voudrais en cet instant rendre hommage à notre collègue Roland Courteau : il a été à l'initiative d'une proposition de loi sur les violences à l'égard des femmes qui a donné lieu à un important débat au Sénat et qui a permis de faire avancer les choses.
Par ailleurs, je voudrais regretter, à mon tour, les propos pour le moins malencontreux que vient de tenir M. le garde des sceaux.
En effet, nous étions extrêmement choqués par le texte initial du projet de loi.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Non pas choqués, mais interrogatifs !
M. Jean-Pierre Sueur. Il ne faut pas tromper les citoyens. Aller voir le médecin, ce n'est pas la même chose que se rendre chez le juge. Il existe un rapport de confiance entre le médecin et le patient, reposant sur le secret médical, si bien qu'il peut tout à fait advenir que des personnes aillent consulter un médecin sans souhaiter pour autant porter plainte.
Porter plainte, saisir la justice, c'est une démarche volontaire.
M. François Autain. Eh oui !
M. Jean-Pierre Sueur. Mais il est très choquant, monsieur le garde des sceaux, que l'on ait pu envisager un dispositif dans lequel le médecin saisirait le juge sans l'accord de la personne venue le consulter sous le sceau du secret médical.
M. Nicolas About, rapporteur pour avis. C'est vrai !
M. Jean-Pierre Sueur. Or vous venez défendre cette disposition qui a choqué beaucoup d'entre nous, monsieur le garde des sceaux, au moment même où la commission des lois, après avoir consulté, notamment, le Conseil national de l'ordre des médecins, nous fait une proposition. Il eût été préférable de vous réjouir de cette avancée grâce au travail parlementaire, plutôt que de défendre un texte qui, à coup sûr, procède d'une lourde confusion. (Eh oui ! sur les travées du groupe CRC.)
Concernant l'amendement n° 335, nous pensons que des exceptions peuvent raisonnablement être apportées au principe essentiel du secret médical et du rapport de confiance avec le médecin dans le cas où la victime est mineure ou n'est pas en mesure de se protéger en raison de son état psychique. Comme nous l'avons dit en commission, nous ne sommes pas sûrs que la référence à l'âge et à l'état physique soit aussi pertinente.
Toutefois, nous avons considéré que l'amendement présenté par M. le rapporteur allait dans le bon sens et, surtout, permettait d'éviter les lourds inconvénients de la rédaction initiale du texte. C'est pourquoi nous le voterons.
Cela étant, je me permets de vous poser une question, monsieur le rapporteur. Considérez-vous que, lorsqu'un médecin accomplit l'acte de saisir la justice sans l'accord de la victime, dans la mesure où il s'agit de la protéger en raison de son âge, de son incapacité physique ou psychique, il serait utile que la personne concernée en fût informée ? Pour notre part, nous pensons que ce serait tout à fait judicieux.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Les dispositions relatives à l'âge peuvent légitimement interpeller chacun d'entre nous. De fait, ce n'est pas parce qu'une personne est âgée qu'elle est nécessairement fragile. Il n'en reste pas moins que, plus encore comme conseiller général que comme sénateur, je connais bien les problèmes de la maltraitance liée au grand âge.
Pour répondre à la question précise posée par M. Sueur, je ne suis pas sûr que le fait de prévenir la victime soit toujours opportun. Au contraire, cela pourrait parfois provoquer un profond désarroi chez elle. Il faut donc laisser le médecin juge de l'opportunité de l'en informer ou non.
M. le président. En conséquence, les amendements nos 207 et 277 n'ont plus d'objet.
J'observe que l'amendement n° 335 a été adopté à l'unanimité des présents.
L'amendement n° 29, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Supprimer le II de cet article.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Cet amendement tend à supprimer le paragraphe II de l'article 16, qui ouvre aux associations la possibilité de se porter partie civile en cas de délit de provocation à des crimes ou délits d'agression sexuelle ou commis au sein du couple. Les cas visés paraissent en effet très rares - à l'exception de l'affaire Bouziane, on n'a guère eu d'autres exemples - et relèvent en général des provocations à raison du sexe de la personne.
Cette disposition pourrait donc être supprimée sans présenter beaucoup d'inconvénients.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Je ne vais pas ouvrir avec M. le rapporteur une discussion sur cette question. Je reconnais que la loi sur la liberté de la presse permet déjà aux associations de se constituer partie civile, mais je note que cette faculté n'existe pas en cas de provocation à des crimes ou à des délits d'agression sexuelle. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement souhaitait compléter le dispositif juridique. Pour autant, il est vrai que les cas sont rares.
La commission des lois n'étant pas favorable à cette disposition, le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat sur cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l'article 16, modifié.
(L'article 16 est adopté.)
Article 17
I. - Les articles 32 à 39 de la loi n° 98-468 du 17 juin 1998 relative à la prévention et à la répression des infractions sexuelles ainsi qu'à la protection des mineurs sont remplacés par les dispositions suivantes :
« Art. 32. - Lorsqu'un document fixé soit sur support magnétique, soit sur support numérique à lecture optique, soit sur support semi-conducteur, tel que vidéocassette, vidéodisque ou jeu électronique présente un danger pour la jeunesse en raison de son caractère pornographique, ce document doit comporter, sur chaque unité de conditionnement, de façon visible, lisible et inaltérable, la mention « mise à disposition des mineurs interdite (article 227-24 du code pénal) ». Cette mention emporte interdiction de proposer, donner, louer ou vendre le produit en cause aux mineurs.
« Tout document répondant aux caractéristiques techniques citées au premier alinéa doit faire l'objet d'une signalétique spécifique au regard du risque qu'il peut présenter pour la jeunesse en raison de la place faite au crime, à la violence, à la discrimination ou à la haine raciales, à l'incitation à l'usage, à la détention ou au trafic de stupéfiants. Cette signalétique, dont les caractéristiques sont fixées par l'autorité administrative, est destinée à en limiter la mise à disposition à certaines catégories de mineurs, en fonction de leur âge.
« La mise en oeuvre de l'obligation fixée aux précédents alinéas incombe à l'éditeur ou, à défaut, au distributeur chargé de la diffusion en France du document.
« Art. 33. - L'autorité administrative peut en outre interdire :
« 1° De proposer, de donner, de louer ou de vendre à des mineurs les documents mentionnés au deuxième alinéa de l'article 32 ;
« 2° D'exposer les documents mentionnés à l'article 32 à la vue du public en quelque lieu que ce soit. Toutefois, l'exposition demeure possible dans les lieux dont l'accès est interdit aux mineurs ;
« 3° De faire, en faveur de ces documents, de la publicité par quelque moyen que ce soit. Toutefois, la publicité demeure possible dans les lieux dont l'accès est interdit aux mineurs.
« Art. 34. - Le fait de ne pas se conformer aux obligations et interdictions fixées au premier alinéa de l'article 32 et à l'article 33 est puni d'un an d'emprisonnement et d'une amende de 15 000 €.
« Le fait, par des changements de titres ou de supports, des artifices de présentation ou de publicité ou par tout autre moyen, d'éluder ou de tenter d'éluder l'application des dispositions du premier alinéa de l'article 32 et de l'article 33 est puni de deux ans d'emprisonnement et d'une amende de 30 000 €.
« Les personnes physiques coupables des infractions prévues aux précédents alinéas encourent également la peine complémentaire de confiscation de la chose qui a servi à commettre l'infraction ou était destinée à la commettre ou de la chose qui en est le produit.
« Les personnes morales déclarées pénalement responsables des infractions prévues aux deux premiers alinéas encourent les peines suivantes :
« - outre l'amende suivant les modalités prévues par l'article 131-38 du code pénal ;
« - la confiscation prévue par le 8° de l'article 131-39 du code pénal.
« Art. 35. - Les dispositions du présent chapitre ne s'appliquent pas aux documents qui constituent la reproduction intégrale d'une oeuvre cinématographique ayant obtenu le visa prévu à l'article 19 du code de l'industrie cinématographique.
« Toutefois les documents reproduisant des oeuvres cinématographiques auxquelles s'appliquent les articles 11 et 12 de la loi de finances pour 1976 (n° 75-1278 du 30 décembre 1975) sont soumis de plein droit à l'interdiction prévue au premier alinéa de l'article 32. »
II. - Après l'article 227-22 du code pénal, est inséré un article 227-22-1 ainsi rédigé :
« Art. 227-22-1. - Le fait pour un majeur de faire des propositions sexuelles à un mineur de quinze ans ou à une personne se présentant comme telle en utilisant un moyen de communication électronique est puni de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 € d'amende.
« Ces peines sont portées à cinq ans d'emprisonnement et 75 000 € d'amende lorsque les propositions ont été suivies d'une rencontre. »
III. - Après l'article 60-2 du code de procédure pénale, est inséré un article 60-3 ainsi rédigé :
« Art. 60-3. - Dans le but de constater les infractions mentionnées aux articles 227-18 à 227-24 du code pénal et, lorsque celles ci sont commises par un moyen de communication électronique, d'en rassembler les preuves et d'en rechercher les auteurs, les officiers ou agents de police judiciaire spécialement habilités par le procureur général près la cour d'appel de Paris et affectés dans un service spécialisé peuvent, sans être pénalement responsables de ces actes :
« 1° Participer sous un nom d'emprunt aux échanges électroniques ;
« 2° Être en contact par ce moyen avec les personnes susceptibles d'être les auteurs de ces infractions ;
« 3° Extraire et conserver des contenus illicites dans des conditions fixées par décret.
« À peine de nullité, ces actes ne peuvent constituer une incitation à commettre ces infractions. »
IV. - Après l'article 77-1-2 du même code, il est inséré un article 77-1-3 ainsi rédigé :
« Art. 77-1-3. - L'article 60-3 est applicable. »
V. - Au premier alinéa de l'article 99-4 du même code, après les mots : « de l'article 60-2 » sont ajoutés les mots : « ou aux mesures prévues par l'article 60-3 ».
M. le président. L'amendement n° 30, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le 1° du texte proposé par le I de cet article pour l'article 33 de la loi n° 98-468 du 17 juin 1998 :
« 1° De proposer, de donner, de louer ou de vendre à des mineurs les documents mentionnés à l'article 32 en cas de non-respect des obligations fixées à ce même article en matière de signalétique ; »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Cet amendement vise à rétablir la possibilité, pour l'autorité administrative, d'interdire la mise à la disposition des mineurs de documents à caractère pornographique.
Le projet de loi, en l'état, laisse aux professionnels la charge de s'autoréguler en faisant la part entre les documents pornographiques et les autres. Toutefois, il pourrait arriver que les professionnels ne classent pas un document dans la catégorie « pornographique » alors que l'autorité administrative estimerait le contraire.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Tout d'abord, je voudrais dire un mot de l'article 17.
Mieux protéger la jeunesse contre les représentations violentes ou pornographiques impose de moderniser le dispositif de protection contre les messages et les représentations à caractère violent ou pornographique.
Il est également nécessaire de permettre de mieux lutter contre les pédophiles qui agissent sur Internet.
Tel est l'objet de cet article, qui devrait recevoir l'assentiment de l'ensemble de la représentation nationale, notamment de la Haute Assemblée.
J'en viens à l'amendement n° 30.
Le Gouvernement ne souhaitant pas, comme la commission des lois, que soit supprimée la possibilité, pour l'autorité administrative, d'interdire la mise à la disposition des mineurs de documents dont elle estimerait qu'ils présentent un caractère pornographique, il émet évidemment un avis favorable sur ce très utile amendement.
M. le président. L'amendement n° 31, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Au début de l'avant-dernier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article 34 de la loi n° 98-468 du 17 juin 1998, supprimer le mot :
outre
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Il s'agit d'un amendement rédactionnel.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 32, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le III de cet article :
III. Après l'article 706-47-2 du code de procédure pénale, est inséré un article 706-47-3 ainsi rédigé :
« Art. 706-47-3.- Dans le but de constater les infractions mentionnées aux articles 227-18 à 227-24 du code pénal et, lorsque celles-ci sont commises par un moyen de communication électronique, d'en rassembler les preuves et d'en rechercher les auteurs, les officiers ou agents de police judiciaire agissant au cours de l'enquête ou sur commission rogatoire peuvent, s'ils sont spécialement habilités par le procureur général près la cour d'appel de Paris et affectés dans un service spécialisé, procéder aux actes suivants sans en être pénalement responsables :
« 1° Participer sous un nom d'emprunt aux échanges électroniques ;
« 2° Être en contact par ce moyen avec les personnes susceptibles d'être les auteurs de ces infractions ;
« 3° Extraire et conserver des contenus illicites dans des conditions fixées par décret.
« À peine de nullité, ces actes ne peuvent constituer une incitation à commettre ces infractions. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Cet amendement tend à insérer le dispositif d'infiltration sur Internet dans le titre XIX du code de procédure pénale, consacré à la procédure applicable aux infractions de nature sexuelle, de sorte qu'il puisse être utilisé dans l'enquête sur infraction flagrante, dans l'enquête préliminaire comme dans le cadre des commissions rogatoires, sans qu'il soit nécessaire de le préciser à chaque fois expressément.
En fait, il s'agit d'un amendement de simplification.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 33, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Supprimer les IV et V de cet article.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de conséquence.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 17, modifié.
(L'article 17 est adopté.)
Article additionnel après l'article 17
M. le président. L'amendement n° 173 rectifié, présenté par MM. Othily, Pelletier, Barbier, Laffitte, de Montesquiou, Mouly, Seillier et Thiollière, est ainsi libellé :
Après l'article 17, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article 434-4 du code pénal, il est inséré un article 434-4-1 ainsi rédigé :
« Art. 434-4-1. - Le fait pour une personne ayant connaissance de la disparition d'un mineur de quinze ans de ne pas en informer les autorités judiciaires ou administratives, en vue d'empêcher ou de retarder la mise en oeuvre des procédures de recherches prévues par l'article 74-1 du code de procédure pénale, est puni de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende ».
La parole est à M. Georges Othily.
M. Georges Othily. Le domaine de la disparition d'enfants est particulièrement sensible. M. le ministre d'État l'a rappelé dans son discours aux victimes, « les premières heures suivant la disparition sont capitales pour la réussite des recherches ».
Or, très souvent, par souci de leur propre confort ou par indifférence, des personnes qui pourraient témoigner ne signalent pas ces disparitions ou ne les signalent qu'après que s'est écoulé un laps de temps préjudiciable aux recherches. Mieux vaut en effet prévenir la police, la gendarmerie ou la justice le plus vite possible, même s'il s'avère ultérieurement que l'enfant n'a fait qu'une fugue ou s'est perdu.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous avons jugé utile de déposer cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Cet amendement semble compléter utilement les dispositions de l'article 74-1 du code de procédure pénale concernant la disparition d'un mineur ou d'un majeur protégé.
Il est à noter que plusieurs rectifications proposées par la commission ont été apportées : je pense à l'insertion de ces dispositions dans le code pénal au sein du chapitre consacré aux atteintes à l'action de justice et à la réduction du quantum des peines, par cohérence avec ce qui est déjà prévu par le code pénal.
La commission s'était en effet interrogée sur le champ d'application de cette nouvelle infraction, en particulier s'agissant des personnes dont le comportement pourrait être incriminé. L'amendement rectifié a apporté à cet égard une précision supplémentaire puisque l'infraction n'est constituée que si la non-dénonciation a pour but d'empêcher ou de retarder la mise en oeuvre des procédures de recherche.
Ces éléments conduisent la commission à se montrer plutôt favorable à cet amendement. Elle aimerait cependant connaître l'avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Il s'agit d'un amendement fort judicieux en ce qu'il comble une lacune. Il existe actuellement un délit de non-dénonciation de crime, mais, aussi bizarre que cela puisse paraître, aucun texte n'impose le signalement d'une disparition d'enfant.
Je rappelle que M. Othily propose de sanctionner le fait de chercher à empêcher ou à retarder de façon volontaire les procédures de recherche, ce qui suppose une volonté de nuire.
Dans ces conditions, le Gouvernement émet un avis tout à fait favorable.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 17.
Articles additionnels avant l'article 18
M. le président. L'amendement n° 256, présenté par MM. Godefroy et Peyronnet, Mme Campion, MM. Cazeau et Domeizel, Mmes Demontès et Jarraud-Vergnolle, M. Michel, Mme Schillinger, MM. Badinter, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mahéas, Sueur, Guérini, Lagauche, Madec, Mélenchon, Mermaz et Ries, Mmes Tasca, Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 18, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le chapitre premier, titre premier, livre II de la troisième partie du code de la santé publique, il est inséré un chapitre premier bis ainsi rédigé :
« CHAPITRE Ier BIS
« OBLIGATION DE SOINS ET PÉRIODE D'OBSERVATION
« Article L ... - Une personne atteinte de troubles mentaux ne peut être soignée sans son consentement :
« 1º Sur demande d'un tiers, que si ses troubles rendent impossible son consentement et que son état impose des soins immédiats assortis d'une surveillance médicale adaptée. La demande d'obligation de soins est présentée soit par un membre de la famille du malade, soit par une personne susceptible d'agir dans l'intérêt de celui-ci, à l'exclusion des personnels soignants dès lors qu'ils exercent dans l'établissement d'accueil. Elle s'accompagne d'un certificat médical circonstancié datant de moins de quinze jours, attestant que les conditions prévues par cet alinéa sont remplies. Ce certificat médical ne peut être établi que par un médecin, de préférence un psychiatre, n'exerçant pas dans l'établissement accueillant le malade ; il constate l'état mental de la personne à soigner, indique les particularités de sa maladie et la nécessité de le faire soigner sans son consentement.
« 2º À la demande du maire, à Paris des commissaires de police, ou du représentant de l'État dans le département, après avis médical, qu'en cas de danger imminent pour la sûreté des personnes.
« Le directeur qui prononce l'obligation de soins admet dans l'établissement la personne présentant des troubles mentaux pour une période d'observation d'une durée maximum de soixante-douze heures. Un certificat médical établi au bout de vingt-quatre heures confirme le bien fondé de la mesure ; ce certificat est établi par un médecin autre que l'auteur du certificat ayant constaté la nécessité d'obliger le patient à se soigner. À l'issue de la période d'observation, au plus tard dans les 48 heures suivantes, un certificat médical définit le protocole de soins adapté au patient, et prévoit y compris, le cas échéant, son hospitalisation. »
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. Les articles 18 à 24 sont relatifs aux hospitalisations sans consentement ; il s'agit d'un ensemble de mesures privilégiant la sécurité au détriment du soin. Nous l'avons déjà dit en commission, elles n'ont pas leur place dans ce texte, et nous ne sommes d'ailleurs pas les seuls à le penser. C'est la raison pour laquelle nous en proposerons tout à l'heure la suppression.
Sous couvert de garantir la sécurité de tout un chacun, ces mesures légitiment l'enfermement de l'autre. Bien loin de la prise en compte de la santé de l'individu et de la fragilité de certaines personnes, elles confortent nos concitoyens dans la vieille peur du malade mental. Cette façon d'aborder la question de la santé mentale sous l'angle exclusif de la sécurité, outre qu'elle procède essentiellement d'un affichage, est choquante et regrettable.
L'amalgame réalisé de fait entre troubles mentaux, dangerosité et délinquance jette ainsi une vision redoutable sur les patients comme sur la psychiatrie, en ruinant tous les efforts entrepris depuis des années. On est bien loin ici des recommandations de l'OMS, qui fait de la lutte contre la stigmatisation l'un des axes de sa politique de santé mentale.
D'un point de vue sanitaire, ces dispositions sont en rupture totale avec l'ouverture d'une pratique fondée sur l'observation clinique, le partenariat et la confiance.
Notre amendement traite de l'obligation de soins et de la période d'observation. Sans être exhaustif, il s'inspire des recommandations formulées dans le rapport conjoint de l'IGAS - inspection générale des affaires sociales - et de l'IGSJ - inspection générale des services judiciaires - de mai 2005 et aussi, pour une part, du rapport de l'IGPN - inspection générale de la police nationale - et de l'IGGN - inspection générale de la gendarmerie nationale -, rapports dont il apparaît ainsi clairement qu'il n'a été fait qu'une exploitation partielle dans l'élaboration du projet de loi.
Cet amendement met en avant l'obligation de soins, l'hospitalisation devenant une modalité des soins. En effet, à côté de l'hospitalisation, il existe d'autres modalités de soins qui sont d'ailleurs susceptibles d'être combinées entre elles. Peut-être un court rappel historique est-il nécessaire à cet égard.
Grâce à la loi fondatrice de 1838, la personne atteinte de troubles mentaux est considérée comme un malade nécessitant des soins. Pour les médecins qui ont inspiré cette loi, le malade mental est un malade qui peut guérir ; l'hôpital est, selon eux, le lieu où cette guérison peut être obtenue. Les premiers aliénistes pensaient que la mise à l'écart du milieu social et l'instauration d'un régime d'existence ordonné avaient des vertus thérapeutiques décisives. La loi de 1838 met donc en place une politique de soins en prévoyant l'implantation d'un asile dans chaque département français.
Cependant, en matière de soins, la doctrine psychiatrique a progressivement évolué. Pour certains malades, l'isolement se révèle inadapté. De nouvelles modalités de soins se sont donc développées - sorties d'essai et soins ambulatoires - afin de « favoriser la guérison, la réadaptation et la réinsertion sociale » des personnes malades. C'est le développement du milieu ouvert et des soins ambulatoires qui permet de traiter des personnes souffrant de troubles mentaux tout en les maintenant dans la cité.
C'est pourquoi une réforme globale de la loi de 1990 est nécessaire.
Cet amendement pose aussi le principe d'une période d'observation de 72 heures avant toute prise en charge obligatoire en offrant la possibilité d'un soin, contraint ou non, en dehors de l'hôpital ; il s'inscrit dans une optique de « mieux-soigner » et de respect les droits des personnes malades. C'est encore l'une des propositions des différents rapports administratifs précités.
Comme le précise l'IGAS, « quelques jours de recul par rapport aux circonstances ayant conduit la personne à l'hôpital peuvent en effet se révéler utiles pour étayer un diagnostic, engager une démarche thérapeutique, évaluer les réactions du patient après le début du traitement ou une mesure de contention, et enfin orienter le patient vers la forme de prise en charge la plus pertinente ». En effet, il nous semble que la qualité du diagnostic et de la thérapeutique est la meilleure garantie d'une prévention efficace des comportements potentiellement dangereux pour autrui comme pour les personnes elles-mêmes.
Voilà la direction dans laquelle il faudrait aller plutôt que de modifier les règles de l'hospitalisation d'office en ne prenant en compte, comme c'est le cas dans ce projet de loi, que des préoccupations sécuritaires.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Je tiens d'abord à dire que pas une seule seconde ce projet de loi ne se livre à un amalgame entre maladie mentale et délinquance ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Roland Muzeau. Mais si !
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. On se contente tout simplement de prendre acte du fait que des malades mentaux peuvent être dangereux pour la sécurité d'autrui, ce qui n'est absolument pas la même chose !
Pour le reste, cet amendement, lorsqu'il tente de définir une nouvelle procédure en matière d'hospitalisation d'office, se rapproche curieusement des modalités retenues par le projet de loi.
Enfin, cet amendement, comme il est indiqué d'ailleurs avec beaucoup de franchise dans l'objet, s'inscrit dans « l'optique d'une réforme prochaine » d'une plus grande envergure.
Il ne reste donc plus à ses auteurs qu'à bien vouloir le retirer, puisque M. Godefroy vient d'exprimer sur ce point tout ce qu'ils avaient à dire.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités. Ne cherchez pas à introduire une confusion là où il n'y a pas lieu d'en chercher !
Nous avons été clairs à toutes les étapes de la procédure parlementaire, et dernièrement encore en commission.
Vous cherchez à créer une confusion, notamment avec l'hospitalisation à la demande d'un tiers.
Vous l'avez rappelé, une évaluation a été demandée, dans le cadre du plan Santé mentale. Cette évaluation a été réalisée grâce aux différents rapports que vous avez cités. Il importe maintenant d'en tirer les conclusions. Ce sera fait dans le cadre d'une concertation avec tous les acteurs. Je me suis engagé sur ce point devant vous, mesdames, messieurs les sénateurs. Je me suis également engagé sur ce point devant tous les acteurs, et je tiens à vous annoncer que je les réunirai au ministère de la santé dès le 25 septembre prochain, en liaison avec le ministère de la justice, pour avancer sur ce sujet.
Vous le voyez, monsieur Godefroy, la demande de l'ensemble des professionnels est tout à fait exaucée, car c'est aussi notre volonté.
Je vous demande donc de bien vouloir retirer votre amendement. À défaut, je serai contraint d'émettre un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Godefroy, l'amendement n° 256 est-il maintenu ?
M. Jean-Pierre Godefroy. Vous avez bien compris, monsieur le ministre, qu'il s'agissait d'un amendement d'appel.
M. Roland Muzeau. L'appel a-t-il été entendu ? (Sourires.)
M. Jean-Pierre Godefroy. Bonne question !
Vous laissez supposer, monsieur le ministre, que cet appel a été entendu puisque vous nous annoncez que vous réunirez les professionnels le 25 septembre.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Attendons, alors !
M. Jean-Pierre Godefroy. Mais si vous réunissez les professionnels, qui nous ont dit tout le bien qu'ils pensent du texte présenté, pourquoi ne pas plutôt retirer d'emblée le présent texte ? (Marques d'approbation sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le ministre d'État, lorsqu'il est venu nous présenter son projet de loi, nous a affirmé qu'il s'agissait d'un texte fondateur. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'esclaffe.)
M. Roland Muzeau. C'est sûr !
M. Jean-Pierre Godefroy. Si tel est le cas, prenez le temps de lui en donner l'envergure et attendez d'avoir consulté tous ceux qui, aujourd'hui, les uns après les autres, professionnels aussi bien que familles, viennent nous dire qu'il faut retravailler de façon interministérielle le volet « santé » de ce projet de loi !
Monsieur le ministre, à quoi bon réunir ces personnes quand vous aurez obtenu un vote conforme à vos souhaits au Sénat - car c'est sans doute ce qui arrivera - et que votre texte continuera de faire la navette entre les deux assemblées ?
Non, véritablement, permettez-moi de vous le dire, c'est vous qui créez la confusion !
Mais on comprend de vos propos qu'il s'agit avant tout d'un texte d'affichage et que vous êtes inspiré d'une tout autre ambition que celle de régler le problème de l'hospitalisation des malades atteints de troubles psychiatriques.
Quoi qu'il en soit, je retire cet amendement, mais pour mieux tout à l'heure défendre un amendement de suppression de l'article 18 !
M. le président. L'amendement n° 256 est retiré.
L'amendement n° 259, présenté par MM. Godefroy et Peyronnet, Mme Campion, MM. Cazeau et Domeizel, Mmes Demontès et Jarraud-Vergnolle, M. Michel, Mme Schillinger, MM. Badinter, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mahéas, Sueur, Guérini, Lagauche, Madec, Mélenchon, Mermaz et Ries, Mmes Tasca, Boumediene-Thiery et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 18, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans l'article L. 3213-9 du code de la santé publique, après les mots : « le maire du domicile », sont insérés les mots : «, le maire de la commune où est implanté l'établissement ».
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. L'article 18 concerne les sorties d'essai des établissements psychiatriques. En vue de les encadrer plus strictement, il prévoit deux séries de mesures.
Outre un surplus d'informations requises pour les décisions de sortie d'essai, il prévoit une meilleure information du maire où est implanté l'établissement comme du maire où le malade a sa résidence habituelle.
Notre amendement traite de ce second point.
Soulignons-le, l'obligation d'informer les maires, sous vingt-quatre heures, des décisions de sortie d'essai ne concerne - sauf méprise de notre part - que les seules hospitalisations d'office - ce qui signifie que les maires - fort heureusement ! -ne seraient pas tenus informés en cas d'hospitalisation à la demande d'un tiers.
On comprend mal alors pourquoi les auteurs du projet de loi ont préféré compléter l'article sur les sorties d'essai -risquant la redondance et l'illisibilité - plutôt que d'insérer la seule référence manquante, c'est-à-dire celle du maire de la commune où est implanté l'établissement, à l'article L. 3213-9 du code de la santé publique.
En effet, aux termes de l'article L. 3213-9 actuellement en vigueur, « Le représentant de l'État dans le département avise dans les vingt-quatre heures le procureur de la République près le tribunal de grande instance dans le ressort duquel est situé l'établissement, le maire du domicile » - lorsque les maires ne sont pas informés, ils doivent se tourner vers ceux qui ont à les informer ! - « et la famille de la personne hospitalisée » - c'est fort heureux ! - « de toute hospitalisation d'office, de tout renouvellement et de toute sortie. »
Doit-on en déduire que ce projet de loi a été fait à la va-vite, ou que la volonté d'affichage politique l'a emporté sur une réécriture cohérente et minutieuse de certains articles du code de la santé publique ?
Quoi qu'il en soit, ce texte apporte une nouvelle démonstration de la nécessité de procéder à une révision globale et de fond de la loi du 27 juin 1990 au travers d'une grande loi de santé publique, aux lieu et place de ces ersatz de mesures centrées sur l'aspect purement sécuritaire. (Très bien ! sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. En résumé, cet amendement a pour objet de prévoir l'information du maire de la commune où est implanté l'établissement psychiatrique, pour toute hospitalisation d'office, tout renouvellement et toute sortie.
Cette disposition nous a semblé pouvoir compléter celle qui prévoit l'information du maire de la commune de résidence s'agissant des sorties d'essai.
En tout état de cause, la commission souhaite connaître sur ce point l'avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 259.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 18
L'article L. 3211-11 du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° Après le deuxième alinéa, est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« La décision de sortie mentionne l'identité du malade, l'adresse de la résidence habituelle ou du lieu de séjour du malade, le calendrier des visites médicales obligatoires et s'il en détient, un numéro de téléphone, ainsi que, le cas échéant, la date de retour à l'hôpital. » ;
2° Le cinquième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « Le maire de la commune où est implanté l'établissement et le maire de la commune où le malade a sa résidence habituelle ou son lieu de séjour sont informés de cette décision sous vingt-quatre heures. »
M. le président. La parole est à M. François Autain, sur l'article.
M. François Autain. Avec cet article 18, et les articles suivants jusqu'au 24 inclus, le Gouvernement nous propose une réforme de la loi du 27 juin 1990 relative aux droits et à la protection des personnes hospitalisées en raison de troubles mentaux et à leurs conditions d'hospitalisation.
Il eût été préférable d'ouvrir à cette occasion un véritable chapitre sur l'hospitalisation sans consentement, car il s'agit d'une réforme nécessaire et attendue.
Nous aurions pu nous féliciter que cette nécessaire réforme soit engagée. Malheureusement, les dispositions relatives au code de la santé publique nous sont présentées au nom du Gouvernement par le ministre d'État, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire - malgré la présence parmi nous, fort opportune aujourd'hui, du ministre de la santé - et elles sont intégrées dans un texte relatif à la prévention de la délinquance.
Ces considérations de pure forme ne sont pas sans conséquences : en dépit des assurances apportées par M. Lecerf, elles créent inévitablement une confusion dans les esprits entre maladie mentale et délinquance.
C'est du moins ce qu'en pense le président du syndicat des psychiatres d'exercice public, lui qui estime que ce projet de loi « fait l'amalgame entre maladie mentale et délinquance, ce qui est inacceptable pour nous comme pour les familles de malades ». Le président de ce syndicat reproche également au texte de n'envisager l'hospitalisation sous contrainte que sous l'angle sécuritaire.
Il faut se rappeler que la loi du 27 juin 1990 n'était pas une loi de police. À l'inverse de ce que l'on observe dans les articles qui nous sont soumis, les objectifs de sécurité n'avaient pas la primauté sur les objectifs sanitaires.
Cette loi avait pour objet de faciliter l'accès aux soins et de garantir les droits de la personne hospitalisée sans consentement, laquelle bénéficie des mêmes droits que tout autre malade, l'atteinte à la liberté d'aller et venir étant strictement encadrée dans la forme comme sur le fond.
Cette exigence est même renforcée par la loi du 4 mars 2002, qui impose le caractère thérapeutique de l'internement et la nécessité d'une atteinte grave à l'ordre public pour y recourir.
Ce projet de loi constitue une régression importante.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Non !
M. François Autain. Nous reviendrons tout à l'heure sur le rôle que l'on entend faire jouer au maire dans la décision d'internement en faisant de lui, en quelque sorte, le dépositaire des données médicales individuelles, ce qui excède manifestement ses compétences.
Quant au fichier national, à partir du moment où des personnes qui ne sont pas tenues au secret médical y auront accès - le procureur, le juge et le préfet -, on peut légitimement s'inquiéter.
Je passerai rapidement sur le manque endémique de moyens -ce texte, naturellement, n'y remédie en aucune façon - qui conduit à des prises en charge non satisfaisantes : cohabitation des malades hospitalisés sur leur demande avec les hospitalisés sous contrainte, mélange des pathologies, locaux mal adaptés.
Il y aurait pourtant beaucoup à dire si l'on voulait bien se souvenir que le nombre d'hospitalisations sans consentement a plus que doublé depuis 1990 !
Enfin, je déplore que ce texte ne permette pas de remédier aux nombreux dysfonctionnements recensés dans l'excellent rapport du mois de mai 2005 relatif à la réforme de la loi du 27 juin 1990, et réalisé conjointement par l'Inspection générale des affaires sociales et par l'Inspection générale des services judiciaires.
Les auteurs de ce rapport pourtant remarquable dont curieusement ni la commission des lois ni la commission des affaires sociales n'ont fait mention dans leurs travaux, constatent que l'information délivrée aux malades sur leurs droits et leurs possibilités de recours est souvent insuffisante, que les contrôles exercés sont dispersés et souvent formels et que le cadre procédural est flou.
Ils constatent également que les commissions départementales des hospitalisations psychiatriques, dont le rôle est de vérifier le respect des droits, sont bien trop effacées : faute de moyens suffisants, le contrôle des établissements est dispersé et souvent formel.
Les auteurs du rapport préconisent notamment pour remédier à cette situation de rendre plus effectif le contrôle a posteriori du juge des libertés et de la détention, notamment en enserrant la procédure dans des conditions de forme et de délai plus précises et contraignantes.
Je rappelle qu'en son temps, c'est-à-dire en 1990, la commission des lois du Sénat s'était prononcée en faveur de la judiciarisation des procédures !
Enfin, les auteurs de ce rapport préconisent de renforcer le statut des commissions départementales des hospitalisations psychiatriques en leur donnant un ancrage plus judiciaire.
Voilà, parmi d'autres, des propositions que j'aurais voulu voir figurer au titre de la sécurisation des procédures que vous réclamez.
En l'état actuel, les dispositions des articles 18 à 24 n'offrent qu'une vision sinon partiale du moins partielle d'une réforme pourtant nécessaire et réclamée de la loi du 27 juin 1990.
Mais il est vrai qu'il est toujours plus facile d'agiter le spectre de l'insécurité que de s'atteler à des réformes en profondeur !
Pour toutes ces raisons, le groupe CRC ne votera pas ces articles modifiant la loi du 27 juin 1990. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, sur l'article.
M. Jean-Pierre Sueur. Nous arrivons à cette importante question de fond qui, depuis 1838, suscite de grands et graves débats.
Monsieur le ministre, nous regrettons profondément que cette question arrive en discussion à l'occasion de l'examen de ce projet de loi.
En effet, il n'aura échappé à personne que ce texte a une dimension emblématique en ce qu'il additionne, récapitule, énumère, toutes les peurs de la société.
On a ainsi entendu parler successivement des familles en grande difficulté, des jeunes en difficulté, ainsi que, plus récemment, des chiens dangereux et des gens du voyage. Il est maintenant question des malades mentaux et, bientôt, ce sera le tour des toxicomanes.
Classer les personnes atteintes de maladies mentales dans les groupes qui font peur relève d'une très vieille habitude et d'une longue histoire. Mais cette énumération, cet amalgame, sont d'autant plus choquants qu'ils servent à justifier le présent texte, dont la vertu principale, aux yeux de M. Nicolas Sarkozy, serait qu'il frappe l'opinion.
Une fois encore, nous allons assister à l'instrumentalisation, à des fins politiques, d'un certain nombre de sujets - art dans lequel le gouvernement auquel vous appartenez, monsieur le ministre, est devenu expert - qui ont trait à la psychanalyse, à la psychothérapie et, aujourd'hui, à la psychiatrie.
Il suffit de se remémorer un certain nombre de débats...
M. François Autain. Homériques !
M. Jean-Pierre Sueur. ...que nous avons eus ici, sans compter ceux que nous aurons, monsieur Autain, sur la question du dépistage précoce, pour comprendre que nous sommes ici finalement confrontés à un nouvel avatar de ce comportementalisme qui, sous ses formes diverses, suscite un indéniable engouement. Mais peut-être aurons-nous l'occasion, au fil du débat, de revenir sur ces sujets de fond, autrement dit, sur tout ce qui est le soubassement idéologique de ce texte.
Pour l'instant, je m'en tiendrai à une réalité simple.
Un grand nombre de représentants des professionnels concernés ont exprimé leur refus de voir cette question abordée dans ce texte. J'ai sous les yeux la déclaration, que nous avons tous reçue, signée par un grand nombre d'associations professionnelles de psychiatres, notamment par la Fédération hospitalière de France - ce n'est quand même pas une petite instance - et par la conférence des présidents des commissions médicales d'établissements des centres hospitaliers spécialisés.
Les personnes représentatives de ces organisations, après avoir été reçues à Matignon par les représentants de M. le Premier ministre ont, dans cette déclaration, « indiqué leur attente que les dispositions concernant les soins psychiatriques figurant aujourd'hui dans le projet de loi sur la prévention de la délinquance, puissent être reconsidérées dans le cadre d'un texte de santé publique, traitant de l'ensemble des modalités de soins sans consentement pour constituer un ensemble cohérent. »
Ces mêmes personnes ajoutent : « Toute autre approche susceptible d'alimenter une confusion entre maladie et délinquance prendrait en effet le risque d'être gravement contre-productive au regard du légitime souci de sécurité de nos concitoyens. » J'insiste sur les termes « souci de sécurité ».
La conclusion de ces professionnels n'est pas moins intéressante : « Au terme d'un échange serein et constructif, les organisations signataires ont le sentiment que leurs arguments et leurs propositions ont pu être entendus par leurs interlocuteurs et pleinement compris. Elles sont dans l'attente d'une réponse [...]. »
Monsieur le ministre, dans le passé récent, vous n'avez, à cet égard, avancé aucun argument.
M. Jean-Pierre Sueur. Sans doute n'y en a-t-il pas, ce qui explique que vous ayez eu du mal à en fournir.
M. Jean-Pierre Sueur. Ce sujet nécessite une réponse globale, comme le demandent clairement la plupart des professionnels concernés, et cette réforme ne peut se concevoir que dans une grande loi de santé.
Aussi, monsieur le ministre de la santé, je ne comprends pas comment vous pouvez accepter que cette question de santé soit envisagée uniquement à travers le prisme de la sécurité. Nous espérons donc que vous allez répondre à notre attente, qui est aussi celle de tous les professionnels concernés.
M. le président. Je suis saisi de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune. Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 208 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 257 est présenté par MM. Godefroy et Peyronnet, Mme Campion, MM. Cazeau et Domeizel, Mmes Demontès et Jarraud-Vergnolle, M. Michel, Mme Schillinger, MM. Badinter, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mahéas, Sueur, Guérini, Lagauche, Madec, Mélenchon, Mermaz et Ries, Mmes Tasca, Boumediene-Thiery et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Roland Muzeau, pour présenter l'amendement n° 208.
M. Roland Muzeau. Cet article 18, s'il est adopté, va profondément modifier les pratiques en matière de soins psychiatriques, et ce dans un sens très inquiétant.
Monsieur le ministre, les changements que vous souhaitez introduire dans la procédure de sortie d'essai sont loin d'être anodins.
En effet, la loi de 1990, qui a prévu ces sorties d'essai, donne la possibilité à certains malades de recommencer à vivre à l'extérieur de l'hôpital, y compris sur des périodes relativement longues.
Ce dispositif, assez souple, permettait jusqu'ici au médecin de laisser son patient reconstruire sa vie en société, progressivement, parfois même sur plusieurs années. Et si des troubles survenaient de nouveau, si le traitement se révélait inefficace, le patient pouvait immédiatement réintégrer le service, sans nouvelle procédure d'hospitalisation sous contrainte.
De l'avis des professionnels, la souplesse du dispositif garantissait son efficacité.
Or, à travers cet article, vous souhaitez que soit mentionné sur la décision de sortie, outre les coordonnées précises de résidence du patient, le calendrier des visites médicales obligatoires.
Cette obligation de soins à l'extérieur recèle de nombreux effets pervers. En particulier, le malade serait dorénavant obligé de se présenter à chaque contrôle, sous peine de se voir immédiatement enfermé de nouveau.
Le caractère coercitif et systématique d'un tel dispositif est loin de correspondre à la réalité des pratiques en matière de traitement psychiatrique.
Le suivi de long terme du malade passe nécessairement par une adaptation à son évolution et à ses réactions aux évènements extérieurs. Comment cela sera-t-il encore possible si cet article est voté ?
Enfin, s'agissant du 2° de cet article, je m'interroge de la même manière : faut-il impérativement que le maire soit informé des allées et venues des malades dans sa commune, alors que le préfet l'est déjà ? Quelles peuvent être les visées d'une telle démarche ? Malheureusement, il ne peut s'agir que d'accroître le contrôle policier sur les personnes qui souffrent de troubles mentaux.
On est bel et bien ici au coeur de la confusion entre psychiatrie et délinquance, d'ailleurs dénoncée par mon collègue François Autain dans son intervention.
Cette confusion, dont l'objet politicien n'aura échappé à personne, est particulièrement dangereuse.
C'est pourquoi, monsieur le ministre, je demande la suppression de cet article, comme le demandent également l'ensemble des professionnels et des familles concernés.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour présenter l'amendement n° 257.
M. Jean-Pierre Godefroy. L'article 18 a pour objet de renforcer le dispositif de contrôle des sorties d'essai des établissements psychiatriques, afin, si du moins l'on en croit l'exposé des motifs du projet de loi, de protéger les plus vulnérables, c'est-à-dire les personnes « atteintes de souffrances psychiatriques ».
Rappelons que ces sorties d'essai, réglementées par la loi de 1990, ont un double objectif, sanitaire et social. Il s'agit en effet d'accompagner médicalement le patient tout en permettant une réadaptation ou une réinsertion sociales.
En vue d'encadrer plus strictement ces sorties, l'article 18 prévoit deux mesures.
Premièrement, il s'agit de préciser les informations contenues dans la décision de sortie d'essai : identité du malade, lieu de résidence ou de séjour, numéro de téléphone, calendrier des visites médicales obligatoires.
Deuxièmement, il s'agit de favoriser une meilleure information du maire de la commune où est implanté l'établissement comme du maire de la commune où le malade a sa résidence habituelle. Mon collègue Roland Muzeau vous a dit tout le bien que nous pensons conjointement de cette formulation...
Le problème que soulèvent ces mesures et ce surplus d'informations requises, c'est que l'on ne voit pas bien comment « l'accompagnement des personnes atteintes de souffrances psychiatriques » va pouvoir être « renforcé par un meilleur contrôle des sorties d'essai des établissements psychiatriques » dès lors que, dans leur majorité, ces mesures existent déjà ! Je vous renvoie à cet égard aux articles L. 3212-11 et L. 3213-9 du code de la santé publique.
En outre, on ne peut que déplorer qu'avec un tel objectif avoué l'aspect médical de la question soit totalement ignoré.
Ainsi, l'ensemble de cet article 18 semble plutôt relever d'une volonté d'affichage politique, une fois de plus, peut-être destinée à rassurer le citoyen bien dans son corps et bien dans sa tête - qui peut toutefois prétendre être en permanence et pour toujours bien dans son corps et dans sa tête ? - mais, bien évidemment, dénuée de toute efficacité.
Cela ne peut que nous conforter dans l'idée qu'aucune des dispositions relatives aux hospitalisations sans consentement n'a sa place dans un projet de loi traitant de la prévention de la délinquance, mais qu'elles doivent toutes être incluses dans un projet spécifique de réforme de la loi du 27 juin 1990.
S'agissant d'un enjeu majeur de santé publique, il est inadmissible que de nouvelles modalités d'organisation des soins sans consentement soient élaborées sans concertation - cela viendra le 25 septembre prochain, apparemment - avec les représentants des usagers et professionnels directement concernés et sans une mise à plat de l'ensemble des contributions et propositions existantes. Je vous renvoie sur ce sujet aux cinq rapports successifs.
Pour ces raisons, nous vous demandons la suppression de cet article.
Monsieur le ministre, il faut comprendre aussi le désarroi des familles des malades et, s'il faut expliquer, prendre le temps de le faire.
M. Roland Muzeau. Absolument !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Cela n'a rien à voir !
M. Jean-Pierre Godefroy. Vous le leur direz, monsieur le président de la commission des lois ! Je persiste à penser qu'il faudra bien prendre en compte le désarroi de ces familles, les écouter.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C'est vous qui n'écoutez pas !
M. Jean-Pierre Godefroy. Je sais bien, monsieur le président de la commission des lois, que, depuis le début de ce débat, nos interventions vous agacent. Nous avons chacun une vision différente des choses. Mais il ne sert à rien de m'interrompre, car nous allons continuer. Cela fait déjà deux fois que vous m'interrompez, je dois donc beaucoup vous déranger. Et, si je vous dérange, c'est que je ne dois pas avoir complètement tort !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C'est que vous êtes un perroquet !
M. Jean-Pierre Sueur. Cela est inacceptable !
M. Jean-Pierre Godefroy. Monsieur le président, ai-je mal entendu ? M. le président de la commission des lois, éminent personnage du Sénat, m'aurait traité de perroquet ? Cela mériterait un rappel au règlement !
M. Nicolas About, rapporteur pour avis. Les faits personnels sont traités en fin de séance !
M. le président. Les deux amendements suivants sont également identiques.
L'amendement n° 89 est présenté par M. About, au nom de la commission des affaires sociales.
L'amendement n° 258 est présenté par MM. Godefroy et Peyronnet, Mme Campion, MM. Cazeau et Domeizel, Mmes Demontès et Jarraud-Vergnolle, M. Michel, Mme Schillinger, MM. Badinter, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mahéas, Sueur, Guérini, Lagauche, Madec, Mélenchon, Mermaz et Ries, Mmes Tasca, Boumediene-Thiery et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer le 1° de cet article.
La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour présenter l'amendement n° 89.
M. Nicolas About, rapporteur pour avis. Cet amendement a pour objet de renvoyer au règlement les dispositions visant à préciser le contenu de la décision de sortie d'essai qui ne sont pas d'ordre législatif, c'est-à-dire des précisions concernant le nom, l'adresse, le numéro de téléphone des personnes hospitalisées d'office bénéficiant de ces sorties.
Bien sûr, certains textes de loi contiennent déjà ce type de précision, mais ce n'est pas une raison pour persévérer dans l'erreur. Voilà pourquoi nous proposons la suppression de ce premier alinéa.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour présenter l'amendement n° 258.
M. Jean-Pierre Godefroy. Le 1° de cet article tend à préciser les informations contenues dans la décision de sortie d'essai : identité du malade, lieu de résidence ou de séjour, numéro de téléphone, calendrier des visites médicales obligatoires.
Tout d'abord, monsieur le ministre, on peut se demander si ce surplus d'informations ne relève pas du domaine réglementaire plutôt que du domaine législatif. C'est un argument qui nous a été souvent opposé ces temps-ci.
Par ailleurs, on imagine aisément que, lorsqu'une telle décision de sortie d'essai est prise, bon nombre de ces renseignements figurent déjà soit sur le bulletin de sortie d'essai en cas d'hospitalisation à la demande d'un tiers, soit sur la proposition écrite et motivée du psychiatre de l'établissement en cas d'hospitalisation d'office.
Enfin, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, ce nouvel alinéa à l'article L. 3211-11 du code de la santé publique concernant les sorties d'essai n'est-il pas redondant ? Je vous rappelle en effet que l'article L. 3212-11 du même code, notamment ses 1° et 7°, prévoit, dans chaque établissement, la tenue d'un registre sur lequel l'ensemble de ces informations, hormis le numéro de téléphone, figurent, du moins pour ce qui concerne la procédure d'hospitalisation à la demande d'un tiers.
Pour mémoire, je citerai quelques extraits de cet article : « Dans chaque établissement est tenu un registre sur lequel sont transcrits dans les vingt-quatre heures : 1° Les nom, prénoms, profession, âge et domicile des personnes hospitalisées ; [...] 7° Les dates, durées et modalités des sorties d'essai prévues à l'article L.3211-11 ; ».
Je souligne aussi que cet article précise bien non seulement qui sont les destinataires des informations - représentants de l'État dans le département, maire de la commune ou procureur de la République -, mais aussi comment et où sont conservées ces informations, indications qui, à nos yeux, n'ont rien de négligeable mais que nous ne retrouvons pas dans le texte qui nous est proposé.
En conclusion, il ne nous semble ni convenable ni cohérent d'insérer de nouvelles mesures dans le code de la santé publique à seule fin d'affichage, sans se préoccuper de l'existant.
L'ensemble de ces remarques justifie pleinement, vous en conviendrez, la suppression de cet alinéa, source d'illisibilité majeure.
M. le président. L'amendement n° 34, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Dans le texte proposé par le 2° de cet article pour l'article L. 3211-11 du code de la santé publique, après les mots :
lieu de séjour
insérer les mots :
et les procureurs mentionnés à l'article L. 3212-5
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter cet amendement et donner l'avis de la commission sur les amendements identiques nos 208 et 257 ainsi que sur les amendements identiques nos 89 et 258.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. L'amendement n°34 vise à permettre au procureur de la République concerné d'être informé des sorties d'essai.
S'agissant des amendements de suppression nos 208 et 257, l'article 18 vise à mieux assurer le contrôle des personnes qui, dans le cadre d'une hospitalisation sans consentement, bénéficient de sorties d'essai.
Ne l'oublions pas, ces sorties d'essai ont pour objet de favoriser la guérison, la réadaptation ou la réinsertion sociale des intéressés.
Or, comme le remarquaient les auteurs du rapport sur les problèmes de sécurité liés au régime d'hospitalisation sans consentement, rapport établi sur l'initiative du ministre de l'intérieur en mai 2004, « le malade ne se conformant pas aux conditions de la sortie d'essai n'est pas toujours réintégré à l'hôpital, les médecins n'alertant ni systématiquement ni immédiatement l'autorité administrative quand le malade ne suit plus son traitement ou ne se présente pas aux rendez-vous médicaux. Souvent, les décisions d'hospitalisation sont même purement et simplement abrogées en cas de fugue. »
Le souci de mieux connaître la situation des personnes placées sous le régime des sorties d'essai est d'abord inspiré par l'intérêt des malades.
Cette simple raison nous semble justifier l'avis défavorable émis par la commission sur les amendements identiques nos 208 et 257.
En présentant l'amendement n° 89, M. About a dit que le caractère réglementaire des dispositions du 1° de cet article justifiait leur suppression.
Réfuter ce caractère réglementaire m'embarrasse, puisque je ne suis pas éloigné de partager cet avis.
M. About a par avance apporté, de plus, l'essentiel de la réponse que me proposais de lui faire.
On peut en effet observer que le code de la santé publique comporte d'ores et déjà des dispositions très détaillées. Il en est ainsi, et cet exemple a été cité par M. Godefroy, de la mention de toutes les informations figurant dans le registre de l'établissement psychiatrique.
On pourrait effectivement m'opposer l'adage selon lequel perseverare diabolicum mais, compte tenu des insuffisances que l'on observe en pratique dans le contrôle des sorties d'essai et, en particulier, s'agissant du respect par le patient de ses rendez-vous médicaux, il n'est peut-être pas inutile de rappeler dans la loi les différentes informations qui doivent figurer dans la décision de sortie d'essai, afin de mieux en encadrer la mise en oeuvre.
La commission émet donc, avec regret, un avis défavorable sur l'amendement n° 89.
Elle est également défavorable à l'amendement identique n° 258, défendu par M. Godefroy.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur les amendements identiques nos 208 et 257, ainsi que sur les amendements également identiques nos 89 et 258. S'agissant de ces deux derniers, je ne ferai que reprendre l'excellente argumentation de M. Lecerf, dans une véritable proximité de pensée, même si cet avis n'est pas conforme à votre souhait, monsieur About.
En revanche, le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 34.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 208 et 257.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. La parole est à M. Nicolas Alfonsi, pour explication de vote sur les amendements nos 89 et 258.
M. Nicolas Alfonsi. L'argument selon lequel une disposition de nature réglementaire doit être inscrite dans la loi afin d'être mieux appliqué est un argument atterrant.
Il est invraisemblable que, lors de l'examen de textes législatifs, on puisse évoquer en permanence des questions de téléphone, d'adresse ou autres éléments de ce type.
Il faut mettre de l'ordre dans la législation : je voterai donc en faveur de l'amendement n° 89, présenté par M. About.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 89 et 258.
(Les amendements sont adoptés.)
Mme Éliane Assassi. Bravo !
M. Nicolas About, rapporteur pour avis. La victoire est modeste...
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour explication de vote sur l'article 18.
M. Roland Muzeau. Plusieurs intervenants l'ont démontré, il est consternant d'insérer dans un texte relatif à la prévention de la délinquance des dispositions relatives aux maladies mentales et aux hospitalisations d'office.
Les personnes atteintes de troubles mentaux ont toujours été considérées avant tout comme des malades, et c'est pourquoi la société leur doit assistance et soins.
En mettant l'accent, de façon quasiment exclusive, sur la question du trouble à l'ordre public pour aborder la santé mentale, la majorité met en pièces les fondements de la psychiatrie.
En aucun cas les personnes atteintes de troubles mentaux ne sont des délinquants. De tels amalgames sont inacceptables, d'autant plus qu'ils servent à atténuer l'irresponsabilité pénale des malades, objectif que nombre de membres du Gouvernement cherche à atteindre de longue date. Cela peut être comparé à ce qui se produit aux États-unis, où l'on condamne à mort des malades mentaux.
La psychiatrie ne souffre pas d'une carence de dispositifs répressifs. Elle manque avant tout de moyens matériels et humains.
Quant à la question de l'hospitalisation d'office, le Gouvernement pourrait-il nous expliquer pourquoi on a renoncé à un texte spécifique, alors que les personnels et les familles attendent un grand débat national, comme sur la question de l'hôpital psychiatrique et des moyens qui lui sont alloués ?
Quatre syndicats de psychiatres ont d'ailleurs demandé hier le retrait des mesures concernant ces derniers et figurant dans le présent projet de loi.
Ils estiment que le texte « fait l'amalgame [...] entre troubles mentaux, dangerosité et délinquance ».
Le syndicat des psychiatres des hôpitaux, l'union syndicale de la psychiatrie d'exercice public et le syndicat des psychiatres de secteur estiment également que ce texte « jette une aura redoutable sur les patients et la discipline, en ruinant tous les efforts de déstigmatisation entrepris depuis des années ».
Il est donc regrettable que la commission des affaires sociales n'ait pas proposé la suppression de l'ensemble des articles relatifs aux hospitalisations d'office.
Si une réforme de la loi de 1990 doit avoir lieu, elle nécessite un texte spécifique, qui ne soit pas en relation avec la délinquance.
Par conséquent, le minimum que nous aurions pu faire aujourd'hui aurait été de supprimer l'article 18.
Votre majorité n'a pas voulu qu'il en soit ainsi, monsieur le ministre. C'est extrêmement regrettable. Nul doute que l'ensemble des professionnels et des familles auront leur mot à dire à ce sujet, que ce soit le 25 septembre, lors du rendez-vous que vous annonciez tout à l'heure, ou au cours des semaines et des mois à venir. (Très bien ! sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. J'interviens de nouveau parce que je suis extrêmement étonné, monsieur le ministre, que n'ayez pas apporté la moindre réponse aux interventions qui se sont succédé aujourd'hui concernant la question essentielle posée par la présence de ces articles au sein de ce projet de loi.
Lors de la discussion générale, monsieur le ministre, nous n'avons noté aucune intervention du ministre de la santé, alors qu'il s'agit d'un texte qui touche à la maladie mentale. Cette situation me semble sans précédent dans l'histoire des textes législatifs traitant de la maladie mentale.
Dans le cadre de la discussion générale, de nombreux collègues ont posé la question de l'opportunité de la présence des articles portant sur la maladie mentale dans un texte relatif à la prévention de la délinquance.
M. Nicolas About, rapporteur pour avis. C'est l'intitulé du texte qui prête à confusion !
M. Jean-Pierre Sueur. Plusieurs sénateurs ont abordé de nouveau cette question ce soir même. Nous avons remarqué que vous aviez donné l'avis du Gouvernement, de manière fort laconique, sur quelques amendements, mais que vous ne vous étiez pas exprimé devant le Sénat sur cette question de fond.
M. Jean-Pierre Sueur. Quoi qu'il en soit, monsieur le ministre, je constate que les professionnels et les représentants des familles se sont exprimés avec force.
Vous concevez bien ce qu'il y a de paradoxal - et j'emploie un euphémisme - dans votre démarche : nous débattons de ce texte ce 19 septembre, et vous recevrez toutes les parties prenantes le 25 septembre, afin de leur expliquer pourquoi c'est ainsi. Cela me semble absurde.
La logique la plus élémentaire vous eût conduit à dire que de telles dispositions touchant à la maladie mentale ne seraient pas inscrites dans ce projet de loi et qu'un projet de loi global relatif à la santé mentale serait élaboré. C'est ce que tous demandaient.
Tout le monde constate qu'il s'agit d'un texte Sarkozy, qui répond aux préoccupations et aux objectifs du ministre de l'intérieur et candidat à la prochaine élection présidentielle. La santé mentale est purement et simplement instrumentalisée au profit des fins politiques que je viens d'évoquer.
Nous ne pouvons accepter cela et, au-delà des clivages politiques, nous aimerions que le ministre de la santé en exercice ne l'accepte pas, précisément parce qu'il est ministre de la santé. Il s'agit d'une question fondamentale.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Xavier Bertrand, ministre. Monsieur le sénateur, ne croyez-vous pas qu'il est des moments où il faudrait savoir se débarrasser de ces habitudes de petite politique ? Ne croyez-vous pas que sur des sujets comme la santé mentale, comme la santé publique, il serait nécessaire de s'abstenir de cette sorte de dérapage auquel vous vous êtes encore laissé aller ?
Je me suis exprimé avant l'examen de l'article 18. Je ne vous ai certainement pas attendu pour rencontrer les associations concernées, pour engager un dialogue. Je ne vous ai certainement pas attendu pour leur écrire et travailler avec elles à cette réforme de la loi de 1990 que toutes et tous attendent.
Je vous prierai donc de ne pas faire de politique sur un tel sujet et de ne pas vous livrer à de petites polémiques. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Jean-Pierre Sueur. Ce n'est en aucun cas une réponse à la question de fond que j'ai posée : celle-ci reste entière... Et je ne fais pas de politique politicienne !
M. le président. La parole est à M. François Autain, pour explication de vote.
M. François Autain. M. le ministre, il faut le reconnaître, n'a joué dans l'élaboration de ce texte qu'un rôle périphérique. Il vient de rappeler, et nous nous en félicitons, qu'il allait rencontrer les parties prenantes. Il aurait peut-être été préférable que ces rencontres aient lieu avant l'élaboration du texte et qu'il en soit tenu compte. Mais, pour des raisons sans doute indépendantes de sa volonté, cela n'a pas été possible.
M. François Autain. D'ailleurs, nous ne nous attendions pas à des réponses très développées de la part de M le ministre, qui est habituellement beaucoup plus prolixe, et je suis le premier à m'en féliciter. Aujourd'hui, je ne sais pour quelle raison, il semble quelque peu coincé.
J'ai posé tout à l'heure une question très claire, qui ne s'adressait pas tant à M. le ministre qu'à MM. les rapporteurs, et en particulier à M. About.
Celui-ci, dans son rapport par ailleurs excellent, a fait état de trois rapports sur lesquels il se fondait : le rapport de mai 2004 émanant de l'inspection générale de l'administration, de l'inspection générale de la police nationale et de l'inspection générale de la gendarmerie nationale, le rapport de septembre 1997 de Mme Hélène Strohl et le rapport des docteurs Eric Piel et Jean-Luc Roelandt, intitulé De la psychiatrie vers la santé mentale et daté de juillet 2001.
M. About n'a cependant absolument pas mentionné l'excellent rapport établi en mai 2005 par l'inspection générale des affaires sociales et l'inspection générale des services judiciaires. C'est le plus récent des rapports portant sur la réforme de la loi de 1990 et, paradoxalement, il n'en est pas fait état. Serait-ce parce qu'il recèle un certain nombre de préconisations particulièrement intéressantes ?
À défaut d'une réponse de M. le ministre, j'aimerais que l'un des rapporteurs me donne quelques précisions à cet égard. Je ne puis imaginer que ce rapport soit passé inaperçu. La question est posée, j'espère qu'elle ne restera pas sans réponse.
M. le président. Je mets aux voix l'article 18, modifié.
(L'article 18 est adopté.)
Article 19
Après l'article L. 3213-9 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 3213-9-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 3213-9-1. - I. - Il est créé un traitement national de données à caractère personnel, placé sous l'autorité du ministre chargé de la santé, destiné à améliorer le suivi et l'instruction des mesures d'hospitalisation d'office prévu aux articles L. 3213-1 et suivants.
« Le traitement n'enregistre pas de données à caractère personnel de la nature de celles mentionnées au I de l'article 8 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, autres que celles en rapport avec la situation administrative des personnes ayant fait l'objet d'une hospitalisation d'office. Les données sont conservées pendant toute la durée de l'hospitalisation et jusqu'à la fin de la cinquième année civile suivant la fin de l'hospitalisation.
« Le représentant de l'État dans le département et, à Paris, le préfet de police, le procureur de la République et le directeur départemental des affaires sanitaires et sociales et les personnes habilitées par eux peuvent accéder directement, par des moyens sécurisés, aux données à caractère personnel enregistrées dans ce traitement.
« L'autorité judicaire est destinataire des données enregistrées dans ce traitement.
« Le traitement ne fait l'objet d'aucune mise à disposition, rapprochement ou interconnexion avec d'autres traitements de données à caractère personnel.
« II. - Dans le cadre de l'instruction des demandes de délivrance ou de renouvellement d'une autorisation d'acquisition ou de détention de matériels, d'armes ou de munitions des 1ère et 4ème catégories ou de déclaration de détention d'armes des 5ème et 7ème catégories prévues à l'article L. 2336-3 du code de la défense, le préfet du département et, à Paris, le préfet de police peuvent consulter les données à caractère personnel enregistrées dans le traitement prévu au premier alinéa.
« III. - Un décret en Conseil d'État, pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, fixe les modalités d'application du présent article. Il précise notamment la nature des données à caractère personnel enregistrées, la nature des données à caractère personnel consultées dans le cadre de l'application de l'article L. 2336-3 du code de la défense et les conditions dans lesquelles les personnes intéressées peuvent exercer leur droit d'accès. Il fixe les modalités d'alimentation du fichier national, de consultation et de mise à disposition des données, de sécurisation des informations et en particulier d'habilitation des personnels autorisés à accéder au fichier et à demander la communication des données. »
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 209, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Robert Bret.
M. Robert Bret. L'article 19 tend à fixer les modalités de création du fichier national des personnes ayant fait l'objet d'une hospitalisation d'office.
Il s'agit hélas ! d'un nouveau fichier, un de plus, qui viendra allonger la très importante liste de ceux qui existent déjà.
Bien évidemment, on ne peut que s'en inquiéter. En effet, les individus qui y seront répertoriés seront dorénavant considérés comme des délinquants.
La Commission nationale de l'informatique et des libertés, la CNIL, alarme de façon récurrente le Gouvernement et l'opinion publique sur les dérives inhérentes à ces types de fichiers.
Qu'il s'agisse du système de traitement des infractions constatées ou du fichier national automatisé des empreintes génétiques, on constate une augmentation vraiment dangereuse du nombre de personnes habilitées et du champ d'application.
Ainsi, de plus en plus d'individus sont fichés, avec d'ailleurs de nombreuses erreurs dans le contenu, et toujours plus de personnes peuvent avoir accès aux données, comme l'a rappelé à juste raison mon collègue François Autain.
En l'occurrence, nous sommes au coeur du problème, que nous ne cessons de dénoncer, créé par ces fichiers informatisés. En effet, une fois que ceux-ci sont ouverts, ils deviennent incontrôlables et dépassent systématiquement les objectifs limités qui ont été fixés au départ.
C'est pourquoi la CNIL avait alerté le Gouvernement dès le mois de juin dernier sur le fichier dont il est ici question. Dans son avis, elle avait encouragé le Gouvernement à modifier son texte, en particulier pour réserver l'accès direct du traitement, et non pour autoriser « toute personne habilitée à y accéder », et à en régler les modalités par voie réglementaire.
Malheureusement, le Gouvernement n'a pas tenu compte de ces mises en garde, ce que la CNIL regrette, et nous également, bien sûr.
Par ailleurs, et c'est un autre motif d'inquiétude, le projet de loi ne précise nullement l'étendue des objectifs d'un tel recensement.
Le fichier pourra servir au moment de la délivrance d'une autorisation de port d'armes, mais rien n'indique que son utilisation se limitera à cela.
Ficher les personnes souffrant de troubles mentaux dans le seul objectif de les ficher nous ramène hélas ! à des heures bien sombres de notre histoire.
Pour toutes ces raisons, mes collègues du groupe CRC et moi-même demandons la suppression de l'article 19.
M. le président. L'amendement n° 260, présenté par MM. Godefroy et Peyronnet, Mme Campion, MM. Cazeau et Domeizel, Mmes Demontès et Jarraud-Vergnolle, M. Michel, Mme Schillinger, MM. Badinter, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mahéas, Sueur, Guérini, Lagauche, Madec, Mélenchon, Mermaz et Ries, Mmes Tasca, Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Les fichiers HOPSY gérés par les directions départementales des affaires sanitaires et sociales sont interconnectés entre eux.
Un décret en Conseil d'État pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés fixe les modalités d'application du présent article.
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. L'article 19 vise à créer un fichier national des personnes hospitalisées d'office.
Bien que l'exposé des motifs du projet de loi tente de nous rassurer sur le contenu et l'utilisation d'un tel fichier, il est évident que ce traitement national des données en matière d'hospitalisation d'office est loin d'apporter les garanties prétendues tant pour les personnes hospitalisées sans leur consentement que s'agissant d'une éventuelle transgression du secret médical.
En effet, si ce fichier n'enregistre que des données à caractère personnel en rapport avec la situation administrative des personnes ayant fait l'objet d'une hospitalisation d'office, il n'en reste pas moins que la police pourra consulter un fichier de personnes étant ou ayant été hospitalisées, ce qui est bien sûr inadmissible.
Non seulement le secret médical n'est pas préservé, mais on imagine aisément comment ce fichier pourra être utilisé dès que se présentera le moindre problème de sécurité. Il est évident que toute personne y figurant sera considérée comme suspecte.
On l'aura compris, le problème posé par le dispositif que l'article 19 tend à mettre en place réside moins dans le contenu du fichier que dans le nombre et dans l'identité des acteurs pouvant accéder directement aux données à caractère personnel enregistrées ou les consulter. Ce qui est préoccupant, c'est le fait que cette possibilité soit largement ouverte pour tout un panel de personnes.
Pire encore, cet accès direct n'est même pas limité à un cadre précis et défini. Et, pour couronner le tout, le projet de loi dispose que « l'autorité judicaire est destinataire des données enregistrées dans ce traitement », ce qui n'est évidemment pas le cas pour le traitement automatisé nominatif HOPSY, géré exclusivement par les directions départementales des affaires sanitaires et sociales, les DDASS.
Il faut garantir l'effectivité des principes de la loi du 27 juin 1990, notamment le principe selon lequel une personne hospitalisée sans consentement en raison de ses troubles mentaux conserve ses droits et ses devoirs de citoyen sans que ses antécédents psychiatriques puissent lui être opposés - c'est l'article L. 3211-5 du code de la santé publique ; il faut également garantir l'effectivité des articles 226-13 et 226-14 du code pénal, qui ont trait au secret professionnel. C'est pourquoi nous vous proposons une nouvelle rédaction de cet article, monsieur le ministre. Pendant un temps, nous avions été tentés de déposer un amendement tendant à supprimer l'article 19, mais nous avons voulu voir si vous accepteriez de discuter de l'une de nos propositions. (M. le ministre sourit.)
L'article 19 est inspiré, nous dit-on, par les actuels fichiers HOPSY départementaux. Or ces derniers nous semblent présenter des garanties satisfaisantes en termes de libertés publiques et de partage de compétences entre les sphères médicale et judiciaire. Par conséquent, au lieu de créer un nouveau fichier, nous vous proposons de nous servir de ce qui existe déjà.
Il s'agirait d'interconnecter - cela nécessiterait évidemment l'accord de la CNIL, mais il doit être possible de l'obtenir - les fichiers départementaux actuels. Un tel dispositif devrait être de nature à répondre aux besoins sans poser de problèmes techniques spécifiques.
S'agissant particulièrement du renforcement du contrôle de la détention d'armes ou de munitions, je me permettrai de signaler aux auteurs de ce projet de loi qu'il existe une circulaire de la direction générale de la santé du 3 mai 2002 relative aux informations détenues par les DDASS communicables aux services de la préfecture dans le cadre de la vérification des autorisations de détention d'armes délivrées au titre du tir sportif et de la défense.
Ce document administratif a pour objet de répondre aux préoccupations de M. le ministre de l'intérieur s'agissant de la détention d'armes et de la vérification systématique des autorisations de détention, mais dans le respect de toutes les précautions qui s'imposent, notamment en ce qui concerne la protection des droits et des libertés des personnes suivies pour troubles mentaux.
M. le président. L'amendement n° 114 rectifié, présenté par Mme Létard, M. Nogrix et les membres du groupe Union centriste-UDF, est ainsi libellé :
Remplacer les troisième et quatrième alinéas du I du texte proposé par cet article pour l'article L. 3213-9-1 du code de la santé publique par cinq alinéas ainsi rédigés :
« Les directeurs départementaux des affaires sanitaires et sociales et les personnes individuellement habilitées et dûment désignées par eux peuvent accéder directement, par des moyens sécurisés, au traitement mentionné dans le premier alinéa.
« Sont destinataires des données enregistrées dans ce traitement à raison de leurs attributions respectives en matière d'instruction et de suivi des mesures d'hospitalisation d'office :
« 1° le préfet du département et, à Paris, le préfet de police, ainsi que les personnes individuellement habilitées et dûment désignées par lui ;
« 2° l'autorité judiciaire ;
« 3° le directeur départemental des affaires sanitaires et sociales et les personnes individuellement habilitées et dûment désignées par lui. »
La parole est à M. Yves Détraigne.
M. Yves Détraigne. Le fichier national des personnes hospitalisées d'office que l'article 19 tend à créer est institué sous l'autorité du ministre de la santé pour améliorer l'instruction et le suivi des mesures d'hospitalisation d'office prises par les préfets, au vu d'un certificat médical circonstancié, à l'égard des personnes dont les troubles mentaux nécessitent des soins et compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte, de façon grave, à l'ordre public.
La mise en place d'un tel fichier, dont le contenu sera précisé par un décret en Conseil d'État, pris après avis de la CNIL, permettra de disposer d'informations sur des hospitalisations intervenues dans un autre département que celui dans lequel est instruite la mesure de placement d'office ou la demande de détention d'armes.
Si la création d'un tel fichier n'est pas illégitime, en particulier s'agissant de la législation sur les armes, elle nécessite toutefois des garanties supplémentaires, en particulier en ce qui concerne la consultation et la transmission des données, compte tenu de la sensibilité des informations enregistrées relatives à la santé mentale des personnes.
À cet égard, dans sa délibération du 13 juin 2006, la CNIL insiste sur la nécessité de proposer au Gouvernement de préciser la rédaction en opérant une distinction claire entre les personnes ayant un accès direct au traitement par des moyens sécurisés, que ce soit en alimentation ou en consultation du fichier, et celles qui seraient destinataires des données enregistrées dans ce traitement à raison de leurs attributions respectives en matière de suivi et d'instruction des mesures d'hospitalisation d'office.
M. Nicolas About, rapporteur pour avis. Très bien ! C'est une exigence très raisonnable !
M. Yves Détraigne. Dans sa délibération, la CNIL avait proposé que l'accès direct aux données soit réservé, pour l'alimentation et la consultation, aux directeurs des DDASS et aux agents habilités par eux.
Aussi, cet amendement tient compte de ces recommandations et vise à modifier l'article 19, afin d'apporter deux précisions.
D'abord, seuls les directeurs des DDASS et les agents individuellement habilités par leurs soins peuvent consulter le traitement informatisé.
Ensuite, sont destinataires du fichier, s'agissant uniquement du suivi et de l'instruction des mesures d'hospitalisation d'office, le préfet ou, à Paris, le préfet de police, l'autorité judiciaire et le directeur de la DDASS ainsi que les personnes habilitées par lui.
En revanche, afin d'appliquer efficacement la législation sur les armes, il apparaît utile de maintenir la disposition selon laquelle les préfets et, à Paris, le préfet de police accèdent directement aux données du fichier dans le cadre de l'instruction des demandes de délivrance ou de renouvellement des autorisations d'acquisition et de détention d'armes.
Tel est donc l'objet de cet amendement, qui tend à prendre en compte les observations émises par la CNIL le 13 juin 2006.
M. Nicolas About, rapporteur pour avis. Très bien !
M. le président. L'amendement n° 35, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le troisième alinéa du I du texte proposé par cet article pour insérer un article L. 3213-9-1 dans le code de la santé publique :
« Dans le cadre de leurs attributions en matière d'hospitalisation d'office, le représentant de l'État dans le département et, à Paris, le préfet de police, le procureur de la République et le directeur départemental des affaires sanitaires et sociales ainsi que les personnes individuellement habilitées et dûment désignées par eux peuvent accéder directement, par des moyens sécurisés, aux données à caractère personnel enregistrées dans ce traitement.
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre cet amendement et pour donner l'avis de la commission sur les amendements nos 209, 260 et 114 rectifié.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. L'amendement n° 35 a pour objet, en tenant en partie compte des observations de la CNIL, d'apporter deux garanties supplémentaires s'agissant des conditions d'accès au fichier des personnes placées sous le régime de l'hospitalisation d'office.
D'une part, puisque ce qui va sans dire va encore mieux en le disant, cet amendement vise à préciser que l'accès direct aux informations prévu par le premier paragraphe de l'article 19 n'est possible que dans le cadre de l'hospitalisation d'office.
D'autre part, cet amendement a pour objet de prévoir que ce droit d'accès est ouvert à des personnes « spécialement habilitées et dûment désignées », alors que la rédaction actuelle du projet de loi mentionne seulement des personnes « habilitées ».
S'agissant de l'amendement n° 209 présenté par nos collègues du groupe CRC et qui vise à supprimer la disposition instituant un fichier national des personnes hospitalisées d'office, la commission a émis un avis défavorable, pour plusieurs raisons.
D'abord, les personnes hospitalisées d'office présentent un danger pour l'ordre public et pour la sécurité d'autrui.
Ensuite, la constitution et l'utilisation du traitement informatique sont assorties de plusieurs garanties. En effet, celui-ci reste placé sous l'autorité du ministère de la santé et ne concerne que les hospitalisations d'office, alors que les actuels fichiers HOPSY couvrent l'ensemble des hospitalisations psychiatriques sans consentement, y compris les hospitalisations sur demande d'un tiers.
En outre, il est précisé dans le projet de loi que le fichier ne comprend pas de données à caractère personnel autres que celles qui sont en rapport avec la situation administrative des personnes ayant fait l'objet d'une hospitalisation d'office.
Enfin, le projet de loi prévoit que le traitement ne peut faire l'objet d'aucun rapprochement ou interconnexion avec d'autres fichiers.
L'amendement n° 260 de nos collègues socialistes a pour objet de substituer au fichier national des personnes hospitalisées d'office le principe de l'interconnexion des fichiers HOPSY, qui existent actuellement à l'échelon départemental.
La commission estime que cet amendement suscite à tout le moins trois objections.
D'abord, plusieurs départements ne se sont pas dotés de fichiers HOPSY.
M. Jean-Pierre Godefroy. Ce n'est pas un argument !
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Ensuite, la durée de conservation des données est courte : elle n'est que d'une année après la fin de l'hospitalisation.
Enfin, ainsi que je viens de l'évoquer, les fichiers HOPSY concernent toutes les hospitalisations sans consentement.
Le fichier que le présent projet de loi tend à créer présente, au contraire, un caractère national. Les données seront conservées jusqu'à la fin de la cinquième année suivant la fin de l'hospitalisation. Enfin et surtout, le fichier ne concernerait que les hospitalisations d'office. À cet égard, on peut s'étonner que l'amendement de nos collègues socialistes ait pour objet de développer une application qui couvre tous les régimes de l'hospitalisation sous contrainte.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
L'amendement n° 114 rectifié, présenté par M. Détraigne, tend à réserver à la seule DDASS l'accès direct au fichier des hospitalisations d'office, le préfet et l'autorité judiciaire n'étant plus que les destinataires des informations, alors que la rédaction actuelle du projet de loi prévoit qu'ils disposent également d'un accès direct à ce fichier.
L'avis de la commission est défavorable, pour deux raisons essentielles.
D'abord, en matière d'hospitalisation d'office, la DDASS n'exerce qu'un rôle d'instruction et de suivi, alors que le préfet possède le pouvoir de décision.
Ensuite, la DDASS est placée sous l'autorité du préfet dans le département.
Il serait donc paradoxal de réserver l'accès direct au fichier à un service subordonné et chargé d'un rôle d'instruction et d'écarter l'autorité décisionnelle.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Concernant l'amendement n° 209, je tiens à signaler que, après discussion avec la CNIL et, d'ailleurs, à sa demande, une disposition a été introduite dans l'article 19 afin d'interdire la mise à disposition, le rapprochement ou l'interconnexion avec d'autres fichiers. Vous êtes donc exaucé, monsieur Bret.
En émettant un avis défavorable sur l'amendement n° 260, je vous évite, monsieur Godefroy, de faire le contraire de ce que vous prôniez au départ. Car, aller au bout de votre travail de réécriture conduirait à prendre le risque de transgresser le secret médical. Or ce n'est pas ce que vous souhaitez.
S'agissant de l'amendement n° 114 rectifié, je souscris tout à fait à l'argumentation du rapporteur. Il me semble de plus important que le préfet et le procureur de la République puissent bénéficier d'un accès direct au fichier, pour les raisons qui ont été évoquées. Voilà pourquoi le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
En revanche, il est favorable à l'amendement n° 35.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour explication de vote sur l'amendement n° 114 rectifié.
M. Nicolas About, rapporteur pour avis. En tant que rapporteur de la commission des affaires sociales, j'ai défendu les dispositions présentées par notre collègue Yves Détraigne, car c'est à juste titre qu'il reprend les préconisations de la CNIL : il n'y a pas lieu de multiplier les possibilités d'accès aux données ni les personnes habilitées.
En revanche, il est évident que tous ceux qui ont besoin de l'être sont destinataires des informations, qu'il s'agisse du préfet ou de l'autorité judiciaire. Il faut également rappeler que cet amendement n'interdit pas au préfet et, à Paris, au préfet de police d'avoir un accès direct en ce qui concerne la détention d'armes, bien au contraire.
L'amendement n° 114 rectifié est très protecteur des personnes et des libertés : j'y suis donc très favorable.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Pour résumer cet amendement, vous distinguez des catégories d'agents qui offrent absolument toutes garanties quant à l'accès aux données confidentielles - ce sont les agents des DDASS - et les préfets et l'autorité judiciaire, qui en offriraient beaucoup moins. C'est à peu près ce que vous dites !
On considère donc que les DDASS présentent une garantie absolue et qu'elles peuvent communiquer les données au préfet, dont elles dépendent d'ailleurs...
M. Nicolas About, rapporteur pour avis. Elles le doivent ! C'est le texte actuel !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Je ne vois vraiment pas en quoi les DDASS offrent plus de garanties que le préfet ou l'autorité judiciaire. Tout cela me semble un peu paradoxal !
M. le président. En conséquence, l'amendement n° 35 n'a plus d'objet.
Je mets aux voix l'article 19, modifié.
(L'article 19 est adopté.)
Article 20
Après le troisième alinéa de l'article L. 3212-1 du code de la santé publique est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Ne relèvent pas de ce dispositif les personnes dont les troubles mentaux compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte, de façon grave à l'ordre public. »
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 210 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
L'amendement n° 261 est présenté par MM. Godefroy et Peyronnet, Mme Campion, MM. Cazeau et Domeizel, Mmes Demontès et Jarraud-Vergnolle, M. Michel, Mme Schillinger, MM. Badinter, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mahéas, Sueur, Guérini, Lagauche, Madec, Mélenchon, Mermaz et Ries, Mmes Tasca, Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. François Autain, pour présenter l'amendement n° 210.
M. François Autain. Cet article de quelques lignes à peine risque, s'il est adopté, de modifier fondamentalement le modèle français de psychiatrie.
Il dispose en effet que « les personnes dont les troubles mentaux compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte, de façon grave, à l'ordre public » ne pourront plus désormais relever du dispositif d'hospitalisation sur demande d'un tiers.
Cette disposition introduit donc la création de deux catégories de malades : les « bons » malades mentaux qui souffrent de troubles et qui en sont victimes, et les autres, les « mauvais » malades mentaux, coupables des faits qu'ils pourraient provoquer. C'est un grave coup qui est ainsi porté à l'irresponsabilité pénale des malades mentaux.
En effet, les personnes atteintes de troubles mentaux et qui auraient provoqué des désordres vont se voir privées de toute possibilité de délivrance de soins en accord avec la famille, donc dans un cadre moins coercitif. Pour ces personnes, le seul mode d'hospitalisation sous contrainte possible sera l'hospitalisation d'office, c'est-à-dire une mesure administrative. Ainsi, les personnes atteintes de troubles mentaux ayant porté atteinte à l'ordre public sortent, de fait, du domaine médical pour basculer dans le seul domaine de la sécurité et de la répression. Ces personnes seront donc des délinquants ou des criminels avant d'être des malades, ce qui nie en quelques mots la spécificité de la psychiatrie. C'est pourquoi nous tenons particulièrement à la suppression de cet article.
M. Roland Muzeau. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour présenter l'amendement n° 261.
M. Jean-Pierre Godefroy. L'article 20 de ce projet de loi modifie l'article L. 3212-1 du code de la santé publique, relatif à l'hospitalisation sur demande d'un tiers.
Il s'agit, selon l'exposé des motifs, de mettre fin à la superposition des régimes d'hospitalisation et d'exclure de l'hospitalisation à la demande d'un tiers les personnes dont les troubles portent atteinte à la sûreté des personnes ou, de façon grave, à l'ordre public.
Rappelons que la loi du 27 juin 1990 relative aux droits et à la protection des personnes hospitalisées en raison de troubles mentaux et à leurs conditions d'hospitalisation, modifiée par la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, tout en posant le principe du consentement des personnes atteintes de troubles mentaux à leur hospitalisation, a aussi prévu l'exception de l'hospitalisation sans consentement selon deux modalités : l'hospitalisation sur demande d'un tiers et l'hospitalisation d'office.
Si ces deux procédures d'hospitalisation sans consentement répondent dans les textes à des critères différents, elles sont, dans la réalité, extrêmement imbriquées. En principe, en cas de menace pour l'ordre public, c'est l'hospitalisation d'office qui s'applique.
Dans la pratique, notamment en cas de crise aiguë, les acteurs de l'urgence soulignent que cette procédure longue à mettre en oeuvre est souvent inappropriée. En règle générale, on constate que l'hospitalisation d'office est aussi souvent considérée comme un ultime recours en raison de son caractère complexe, mais aussi stigmatisant pour le malade.
Quoi qu'il en soit, soulignons-le, dans le cas invoqué pour justifier un tel article, c'est-à-dire celui d'une personne qui s'avérerait réellement dangereuse pour la société, la possibilité de transformer une hospitalisation à la demande d'un tiers en une hospitalisation d'office existe toujours. Cette prérogative appartient au préfet ! Qu'il l'exerce...
On comprend mal alors pourquoi ce projet de loi, sous couvert de protéger le « bon citoyen », remet en cause des équilibres très fragiles entre les différents types d'hospitalisation. Il faudrait un large débat, qui n'est pas ouvert. Il le sera peut-être le 25 septembre, monsieur le ministre !
En outre, ce clivage définitif instauré entre hospitalisation d'office et hospitalisation à la demande d'un tiers ne résiste pas à l'expérience clinique de l'immense majorité des psychiatres, qui se sont d'ailleurs majoritairement prononcés contre un tel projet. Selon les derniers courriers reçus, seize présidents d'associations de psychiatres ont exprimé des remarques très dures sur ce projet de loi.
Dans un communiqué commun daté du 11 septembre, ils s'insurgent contre cet article 20, puisque, en opérant une distinction radicale entre les deux modes d'hospitalisation sous contrainte, « l'exercice de la psychiatrie se trouve déterminé, non plus par l'absence de consentement aux soins, mais par l'absence de trouble potentiel, ou actuel, à l'ordre public. Le soin au malade ne relève plus de règles issues d'un savoir clinique, ou d'un cadre déontologique, mais d'un impératif préalable sécuritaire. »
Encore une fois, si l'existence de différentes procédures peut créer des difficultés d'application, il conviendrait de procéder à une remise à plat des diverses propositions dans la concertation, pour réaliser une véritable réforme de fond, au lieu de recourir au vote de mesures sécuritaires bien moins efficaces et plus dangereuses.
Pour toutes ces raisons, nous demandons la suppression de cet article.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. J'avoue ne pas comprendre le raisonnement de mes collègues communistes et socialistes sur ces amendements.
En effet, les dispositions prévues par le projet de loi me paraissent beaucoup plus respectueuses des libertés que les dispositions actuellement en vigueur. Aujourd'hui, si je comprends bien, vous vous déclarez pleinement satisfaits d'une situation de confusion. En effet, d'une part, des personnes qui devraient être hospitalisées d'office parce qu'elles sont dangereuses pour l'ordre public et pour autrui vont être hospitalisées sur demande d'un tiers et ne feront donc l'objet que d'un contrôle relativement évanescent et, d'autre part, des personnes qui ne sont pas dangereuses pour l'ordre public ni pour autrui vont être hospitalisées d'office, parce que personne dans leur famille n'a demandé leur hospitalisation, et elles feront donc l'objet d'un contrôle que rien ne justifie.
Nous essayons de remettre un peu d'ordre dans ce désordre, non pas de discriminer les « bons » malades mentaux et les « mauvais », ce qui n'a aucun sens, vous le savez bien ! Nous essayons de faire la distinction entre des malades mentaux qui peuvent être dangereux pour autrui et d'autres qui ne le sont pas.
Concernant ceux qui peuvent être dangereux pour autrui, il est relativement logique que la société prenne quelques mesures destinées à sa protection, mais pour ceux qui ne sont pas dangereux pour autrui, cela n'a aucun intérêt ! Le projet de loi rétablit sur ce point la cohérence et il est bien plus respectueux des libertés que l'état actuel du droit.
La commission émet donc un avis radicalement défavorable sur ces deux amendements.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Même avis défavorable sur ces deux amendements. La clarification de ces deux procédures n'a jamais été tentée : elle a au moins le mérite d'instaurer un cadre législatif exclusif pour chacune d'entre elles.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Si les choses étaient si claires, si simples et si lumineuses, on ne comprendrait vraiment pas pourquoi l'Union nationale des amis et familles de malades psychiques, l'UNAFAM, se serait autant alarmée de cet article.
M. Xavier Bertrand, ministre. Ce n'est pas vrai ! Je ne suis pas sûr qu'elle vous choisisse comme porte-parole !
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le ministre, j'ai lu les prises de position publiques de cette association ainsi que celles de nombreux professionnels.
L'hospitalisation d'office, aujourd'hui, reste toujours possible, dans tous les cas prévus par la loi. C'est quand même la réalité.
Vous êtes dans la continuité du postulat de départ : à partir du moment où vous décidez d'ouvrir la concertation après la discussion de ce texte en première lecture, à partir du moment où vous ne voulez pas que les dispositions sur la santé mentale fassent l'objet d'un texte spécifique, à partir du moment où vous acceptez, vous tolérez et, même, vous défendez le fait que ce volet sur la santé mentale ne soit qu'un appendice, un codicille à une loi sur la sécurité, tout est faussé.
Nous en avons ici l'illustration, comme c'est malheureusement le cas à chaque article de la loi. Le présupposé de départ est fallacieux : il entraîne l'incompréhension qu'expriment les associations de familles et la très grande majorité des professionnels.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 210 et 261.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 20.
(L'article 20 est adopté.)
Article 21
L'article L. 3213-1 du code de la santé publique est remplacé par les dispositions suivantes :
« Art. L. 3213-1. - Le maire ou, à Paris, le commissaire de police, prononce par arrêté motivé, au vu d'un certificat médical ou, en cas d'urgence, d'un avis médical, l'hospitalisation des personnes dont les troubles mentaux nécessitent des soins et compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte de façon grave à l'ordre public, à charge d'en référer dans les vingt-quatre heures au représentant de l'État dans le département.
« Lorsque l'avis médical précité ne peut être immédiatement obtenu, ou lorsque l'arrêté évoqué à l'alinéa précédent a été rendu mais ne peut être exécuté sur-le-champ, la personne en cause est retenue, le temps strictement nécessaire et justifié, dans une structure médicale adaptée.
« En cas de nécessité, le représentant de l'État dans le département prononce cette hospitalisation.
« En cas d'absence de décision prise dans les formes prévues à l'article L. 3213-2, la mesure devient caduque au terme d'une durée de soixante-douze heures, sauf en cas de levée anticipée prononcée par le représentant de l'État dans le département ou, à Paris, par le préfet de police. »
M. le président. Je suis saisi de huit amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 211 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
L'amendement n° 262 est présenté par MM. Godefroy et Peyronnet, Mme Campion, MM. Cazeau et Domeizel, Mmes Demontès et Jarraud-Vergnolle, M. Michel, Mme Schillinger, MM. Badinter, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mahéas, Sueur, Guérini, Lagauche, Madec, Mélenchon, Mermaz et Ries, Mmes Tasca, Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean-François Voguet, pour défendre l'amendement n° 211.
M. Jean-François Voguet. L'article 21 vise à modifier les modalités d'hospitalisation d'office, même si le terme « d'office » disparaît.
En préambule, je tiens à souligner que la disparition de ce terme me paraît regrettable, car il ne s'agit non pas d'une simple hospitalisation, mais d'une hospitalisation sous contrainte, sans le consentement de la personne. C'est pourquoi le terme employé devrait continuer à rendre pleinement compte de la privation de liberté qu'il sous-entend.
Un autre mot disparaît, et c'est bien regrettable : il s'agit du terme « circonstancié », qui précisait la nature du certificat médical. Si cet article est adopté, plus rien n'imposera que le certificat demandé pour l'hospitalisation d'office relate les faits ou l'état pathologique qui motivent cette demande.
Il semble donc qu'un certificat attestant, par exemple, qu'une personne souffre de schizophrénie sera suffisant pour justifier une hospitalisation d'office, même si cette personne n'est pas en crise.
Enfin, un autre point particulièrement gênant - pour ne pas dire plus - est la mise en place de cette « garde à vue » psychiatrique de soixante-douze heures. Les personnes atteintes de troubles mentaux pourront être retenues durant soixante-douze heures, sans être présentées à un psychiatre, dans ce que vous appelez, monsieur le ministre, des « structures médicales adaptées ».
Là encore, il y a matière à s'inquiéter et à s'interroger. À quoi ces structures médicales seront-elles adaptées ? Au respect de la tranquillité publique ou aux soins nécessaires aux malades ? Car les structures peuvent être bien différentes selon les objectifs fixés, d'autant plus qu'il est à redouter que celles-ci ne soient, malheureusement, plutôt adaptées à une prétendue sécurité publique. S'agira-t-il des fameux centres de long séjour sous surveillance pénitentiaire, dont il est longuement question dans le rapport d'information sur les mesures de sûreté concernant les personnes dangereuses établi par MM. Philippe Goujon et Charles Gautier ?
Les atteintes aux libertés individuelles semblent bien réelles. Il est vraiment très regrettable de vouloir soumettre la médecine aux velléités sécuritaires de quelques-uns. Telle est la raison pour laquelle nous avons déposé cet amendement visant à supprimer l'article 21.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour présenter l'amendement n° 262.
M. Jean-Pierre Godefroy. Mon intervention portera sur les amendements de suppression nos 262 et 265, les articles 21 et 22 portant en effet tous deux sur les nouvelles modalités d'hospitalisation d'office prévues par le projet de loi.
Les dispositions contenues dans ces articles sont certainement les plus attentatoires aux libertés individuelles et les moins respectueuses des droits des malades.
Alors que l'exposé des motifs du projet de loi évoque l'accompagnement « renforcé » des « personnes atteintes de souffrances psychiatriques », par un vilain tour de passe-passe, ces articles confèrent des pouvoirs accrus aux maires et, à Paris, aux commissaires de police, pour les hospitalisations d'office et prolongent de un à trois jours la période d'observation d'un malade en crise, sans plus de contrôle - tout au contraire ! - ni même de garanties pour les patients.
Ainsi, les pouvoirs des maires en matière de déclenchement des hospitalisations d'office, qui sont aujourd'hui temporaires et justifiés par la seule urgence, deviendraient systématiques.
En outre, le certificat médical ne sera plus obligatoirement circonstancié et aucune précision n'est apportée sur son auteur.
Pire, pour les cas faisant l'objet d'un simple avis médical - l'ordre des médecins s'interroge d'ailleurs sur les termes « au vu d'un avis médical » -, aucune spécification n'est donnée sur ce qui relèvera désormais de l'urgence. Aujourd'hui, rappelons-le, la notion d'urgence est limitée au cas de « danger imminent pour la sûreté des personnes », attesté par un certificat médical ou, à défaut, par la « notoriété publique », cas de figure dont nous pouvons bien évidemment nous passer.
Comme si cela ne suffisait pas, l'article va encore plus loin en termes d'atteinte aux libertés individuelles, puisque son deuxième alinéa prévoit que « la personne en cause est retenue » - sans autre forme de procès ! -, « le temps strictement nécessaire et justifié » - sans autre précision ! -, « dans une structure médicale adaptée » - mais l'état de nos hôpitaux psychiatriques, que nous connaissons tous, nous permet-il de disposer, partout, de telles structures ? - dans deux cas : si l'avis médical ne peut être immédiatement obtenu ou si l'arrêté d'hospitalisation a été rendu mais ne peut être « exécuté sur-le-champ » ! On ne peut pas mieux dire !
En d'autres termes, si le médecin contacté est « aux abonnés absents » ou si l'établissement psychiatrique de référence est « complet », le fait de retenir la personne dans une structure médicale adaptée - s'agit-il des urgences des hôpitaux, qui connaissent déjà de grandes difficultés ? - devient donc légitime, sans qu'aucune durée limite ne soit fixée.
Par conséquent, le terrain sécuritaire est, une fois encore, privilégié par rapport au domaine médical. Plus « vicieux » même, on pourra retenir une personne, pour une durée non déterminée, dans une structure médicale - on se demande d'ailleurs de quoi il s'agit ! -, non pas pour la soigner, ni même l'observer, mais, en quelque sorte, pour la « garder à vue ». Se posent, évidemment, tous les problèmes engendrés par les modalités d'exercice d'une contrainte par corps, dont les raisons médicales ne seraient pas avérées, dans un lieu inadapté.
Concernant la période d'observation de soixante-douze heures avant toute prise en charge obligatoire, elle n'apparaît pas scandaleuse si elle permet de limiter le nombre et la durée des procédures de soins sans consentement, à condition - et c'est là toute la difficulté - que cette prolongation de un à trois jours profite effectivement au diagnostic et à l'action thérapeutique. Tout dépend donc de la manière dont elle sera effectuée et organisée et des fins qui seront poursuivies.
On l'aura constaté, l'aspect médical n'étant pas la préoccupation première du ministre de l'intérieur, il ne prévaut pas dans ce texte. On peut donc être sceptique sur les modalités d'application de cet allongement, ainsi que sur le but visé.
Pour toutes ces raisons, nous vous demandons, mes chers collègues, d'adopter l'amendement n° 262, qui vise à supprimer l'article 21 du projet de loi.
M. le président. L'amendement n° 171 rectifié, présenté par M. Pozzo di Borgo et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :
Dans le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 3213-1 du code de la santé publique, remplacer les mots :
commissaire de police
par les mots :
maire de Paris et par délégation les maires d'arrondissement
La parole est à M. Yves Détraigne.
M. Yves Détraigne. Cet amendement tend à rapprocher le système parisien du droit commun en matière d'hospitalisation d'office, puisque Paris fait exception. La loi prévoit en effet que, dans la capitale, le commissaire de police, et non pas le maire, prononce les hospitalisations d'office.
On comprend bien que, vu la taille de Paris, le maire puisse difficilement se prononcer sur tous les cas d'hospitalisation d'office, mais il existe également des maires d'arrondissement. Il est donc proposé de remplacer l'intervention du commissaire de police par celle du maire de Paris et, par délégation, des maires d'arrondissement.
M. le président. L'amendement n° 263, présenté par MM. Godefroy et Peyronnet, Mme Campion, MM. Cazeau et Domeizel, Mmes Demontès et Jarraud-Vergnolle, M. Michel, Mme Schillinger, MM. Badinter, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mahéas, Sueur, Guérini, Lagauche, Madec, Mélenchon, Mermaz et Ries, Mmes Tasca, Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 3213-1 du code de la santé publique, remplacer les mots :
en cas d'urgence
par les mots :
en cas de danger imminent
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. Concernant l'avis médical et la notion d'urgence en matière d'hospitalisation d'office, il me semble intéressant de se reporter aux recommandations professionnelles de la Haute autorité de santé, datant du mois d'avril 2005.
En effet, si la Haute autorité de santé convient que le maire ou, à Paris, le commissaire de police peuvent ordonner en urgence des mesures provisoires, lesquelles, dans la pratique, prennent le plus souvent la forme d'une hospitalisation d'office, elle recommande que « la décision s'appuie sur un certificat médical, même si la loi ne l'impose pas, plutôt que sur un simple avis ». Elle précise également : « Un médecin peut être mandaté par le maire ou le commissaire de police pour le rédiger, dès que la situation le permet. Le certificat doit mentionner que le patient, par son comportement, constitue un danger imminent pour la sûreté des personnes ou pour l'ordre public. »
Il aurait pu être opportun que les auteurs du projet de loi s'inspirent, pour cet article, des recommandations de la Haute autorité de santé, un certificat médical, même en cas d'urgence, restant préférable à un simple avis, puisqu'il permet de s'assurer que le malade a été vu.
L'amendement n° 263 concerne cette notion d'urgence. En effet, l'article 21 n'en donne aucune définition, ce qui ne nous semble pas concevable, alors même que seul un avis médical est requis dans ce cas. C'est pourquoi nous vous proposons, mes chers collègues, de reprendre une partie de la définition actuelle du code de la santé publique, à savoir la notion de « danger imminent », qui nous semble plus précise, en supprimant le concept de « notoriété publique » que j'évoquais tout à l'heure.
M. le président. L'amendement n° 264, présenté par MM. Godefroy et Peyronnet, Mme Campion, MM. Cazeau et Domeizel, Mmes Demontès et Jarraud-Vergnolle, M. Michel, Mme Schillinger, MM. Badinter, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mahéas, Sueur, Guérini, Lagauche, Madec, Mélenchon, Mermaz et Ries, Mmes Tasca, Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Supprimer le deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 3213-1 du code de la santé publique.
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. Selon les termes présentés par l'article 21 pour le deuxième alinéa de l'article L. 3213-1 du code de la santé publique, « lorsque l'avis médical précité ne peut être immédiatement obtenu, ou lorsque l'arrêté évoqué à l'alinéa précédent a été rendu mais ne peut être exécuté sur-le-champ, la personne en cause est retenue, le temps strictement nécessaire et justifié, dans une structure médicale adaptée. »
Cet alinéa méritait, me semble-t-il, d'être lu ou relu, tant il résume à lui seul la teneur du projet de loi en matière d'hospitalisation sans consentement : un amalgame entre troubles mentaux, dangerosité et délinquance ; une instrumentalisation de la psychiatrie et du domaine sanitaire dans son ensemble, tant de ses acteurs que de ses structures, au service d'un contrôle social sécuritaire ; des modifications partielles, sans concertation, improvisées et bâclées de la loi du 27 juin 1990, qui doit pourtant, depuis plus de dix ans, être évaluée et révisée dans sa globalité ; des mesures d'affichage stigmatisantes et inapplicables ou liberticides et inefficaces...
Nous avons déjà dit tout ce que nous pensions de la mise en place de ce que nous ne pouvons qualifier que de garde à vue d'un genre nouveau, conjoncturelle et administrative !
Avant de conclure, permettez-moi, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, de vous poser quelques questions.
Quel sera le statut de cette « personne en cause [...] retenue » ? Quels seront ses droits, ses possibilités de recours ? Lorsqu'il n'y a même pas d'avis médical, elle ne peut être ni un malade, ni un individu ayant fait l'objet d'une interpellation.
Qu'est-ce qui peut bien justifier le fait qu'un simple avis médical - on ne parle même pas de certificat - ne soit pas immédiatement obtenu ? S'agit-il, par exemple, d'un médecin qui ne répondrait pas au téléphone ?
Pourquoi un arrêté d'hospitalisation qui a été rendu ne pourrait-il pas être appliqué ? S'agit-il d'un manque de place dans un établissement psychiatrique ?
Quelle peut bien être cette prétendue « structure médicale adaptée » ? S'agit-il des urgences des hôpitaux ? On n'ose imaginer ce que cela signifierait en termes d'organisation et d'engorgement !
M. le rapporteur pour avis nous a donné une indication, en évoquant dans son rapport « l'infirmerie de la préfecture » ! Est-on bien sûr qu'une telle structure soit adaptée à l'exercice d'une contrainte par corps, qui plus est dans le domaine psychiatrique ? Sans mauvaise plaisanterie de ma part - car il n'y a vraiment pas de quoi rire avec cet article -, je ferai remarquer que les préfectures vont devoir se pourvoir en infirmiers grands et costauds, surtout lorsqu'il s'agira d'attendre qu'une place se libère dans l'hôpital psychiatrique du département !
Mes chers collègues, un peu de sérieux : supprimez l'alinéa que je viens d'évoquer, en adoptant le présent amendement.
M. le président. L'amendement n° 121 rectifié, présenté par M. Zocchetto et les membres du groupe Union centriste-UDF, est ainsi libellé :
Au début du deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour rédiger le premier alinéa de l'article L. 3213-1 du code de la santé publique, ajouter les mots :
Sans préjudice des droits visés au chapitre Ier du présent titre,
La parole est à M. Yves Détraigne.
M. Yves Détraigne. Il s'agit d'un amendement de précision, qui vise à rappeler que l'hospitalisation d'office doit respecter les droits des personnes hospitalisées visées aux articles L. 3211-1 à L. 3211-13 du code de la santé publique et, en particulier, le droit, pour la personne hospitalisée, de consulter un avocat de son choix, droit mentionné au 3° de l'article L. 3211-3 du code de la santé publique.
M. le président. L'amendement n° 36, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Compléter le troisième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 3213-1 du code de la santé publique par les mots :
dans les conditions prévues par le premier alinéa
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Le projet de loi prévoit que, en cas de nécessité, le préfet peut se substituer au maire pour prononcer l'hospitalisation d'office. Le présent amendement a pour objet de préciser qu'il doit alors se prononcer dans les mêmes conditions que celles qui sont prévues pour le maire, autrement dit par arrêté motivé, sur certificat médical ou, en cas d'urgence, sur avis médical, et, bien sûr, en respectant les conditions de trouble à l'ordre public et de nécessité de soins.
M. le président. L'amendement n° 90, présenté par M. About, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Compléter le troisième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 3213-1 du code de la santé publique par les mots :
pour les personnes dont les troubles mentaux nécessitent des soins et compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte de façon grave à l'ordre public, selon les mêmes modalités que celles définies au premier alinéa
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Nicolas About, rapporteur pour avis. Cet amendement a été défendu avec talent par M. le rapporteur : je n'ai rien à ajouter.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'ensemble de ces amendements à l'exception de celui qu'elle a elle-même présenté ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. S'agissant de l'amendement n° 211, dont l'objet est de supprimer l'article modifiant la procédure d'hospitalisation d'office afin de donner au maire la compétence initiale pour décider d'une telle hospitalisation d'office, la commission a émis un avis défavorable. Elle estime d'ailleurs que, d'ores et déjà, 65 % des hospitalisations d'office ont pour origine une intervention du maire. La commission rappelle que, en l'état actuel de la législation, le maire peut se prononcer sur la seule foi de la notoriété publique, alors que le dispositif mis en oeuvre par le projet de loi est éminemment plus protecteur.
L'amendement n° 262, qui est identique au précédent, se voit opposer le même avis défavorable. L'ensemble des dispositions relatives aux hospitalisations sans consentement auraient leur place, nous dit-on, non pas dans un projet de loi relatif à la prévention de la délinquance, mais dans un texte spécifique réformant la loi du 27 juin 1990. Or je rappelle que, parmi les personnes hospitalisées sans consentement, se trouvent aussi des personnes dangereuses pour l'ordre public et pour la sécurité d'autrui.
Concernant l'amendement n° 171 rectifié, la commission a également émis un avis défavorable. Le projet de loi tend à rester dans la logique actuelle, selon laquelle, en cas de danger imminent pour la sûreté des personnes, le maire et, à Paris, les commissaires de police peuvent prendre une mesure d'hospitalisation d'office. Ce texte, en consacrant pour une large part les pratiques actuelles, ne doit pas conduire, en ce qui concerne Paris, à un transfert de compétence des commissaires de police vers le maire.
M. Philippe Goujon. Évidemment !
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. L'amendement n° 263 présenté par nos collègues du groupe socialiste vise à prévoir que l'hypothèse dans laquelle l'exigence d'un simple avis médical, et non d'un certificat médical, suffit pour permettre l'hospitalisation d'office vise un danger imminent, et non l'urgence.
La commission s'en remet à la sagesse du Sénat sur cet amendement. Elle reconnaît que la notion de danger imminent paraît plus restrictive que celle d'urgence.
Les dispositions relatives aux mesures provisoires que peut prendre actuellement le maire font toutefois référence au danger imminent pour la sûreté des personnes. Cette référence pourrait donc, vraisemblablement, être maintenue.
L'amendement n° 264 de nos collègues socialistes prévoit la suppression de la disposition du projet de loi permettant le placement dans une « structure médicale adaptée » lorsque l'arrêté du maire décidant l'hospitalisation d'office ne peut être immédiatement exécuté.
Cette disposition permet pourtant de surmonter certaines difficultés pratiques, en particulier lorsque la personne hospitalisée d'office ne peut être immédiatement transférée dans un hôpital psychiatrique. En outre, la mesure est encadrée, puisque la personne ne peut être retenue que « le temps strictement nécessaire et justifié ». La structure médicale adaptée nous paraît hautement préférable à un local de police, par exemple. Aussi, la commission est défavorable à cet amendement.
L'amendement n° 121 rectifié de M. François Zocchetto, présenté par M. Yves Détraigne, vise à rappeler que l'hospitalisation d'office doit respecter les droits des personnes hospitalisées du code de la santé publique.
Nous sommes tout à fait d'accord avec cette préoccupation, mais nous estimons qu'elle est satisfaite dans la mesure où les dispositions relatives à l'hospitalisation d'office sont insérées au sein du Livre II du code de la santé publique concernant la lutte contre les maladies mentales. Ce livre s'ouvre par les dispositions relatives aux droits des patients applicables aux deux régimes de l'hospitalisation sans contrainte. Il nous semble peu utile de prévoir un renvoi spécifique à ces dispositions dans le chapitre consacré à l'hospitalisation d'office. C'est pourquoi la commission demande le retrait de cet amendement.
Enfin, la commission est bien évidemment favorable à l'amendement n° 90 de M. About, lequel est similaire à l'amendement n° 36 de la commission des lois.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Le Gouvernement est défavorable aux amendements identiques n°os 211 et 262 ainsi qu'à l'amendement n° 171 rectifié.
Je m'attarderai un instant sur l'amendement n° 263. À notre sens, il est beaucoup plus restrictif que le texte de l'article. En effet, il limite la possibilité de prononcer par arrêté l'hospitalisation aux « cas de danger imminent » et non plus aux « cas d'urgence ». Cela réduit les possibilités d'accès aux soins pour les malades concernés. C'est pourquoi je demande le rejet de cet amendement.
Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 264 ainsi qu'à l'amendement n° 121 rectifié.
En revanche, il aurait aimé donner un avis favorable aux amendements n os 36 et 90, mais ce dernier, aussi bien rédigé, deviendrait sans objet si l'amendement n° 36 était adopté.
M. le président. La parole est à M. François Autain, pour explication de vote sur les amendements identiques n os 211 et 262.
M. François Autain. L'article 21, notamment les deuxième et troisième alinéas, est particulièrement néfaste, car il permet de retenir une personne jusqu'à soixante-douze heures sur la seule initiative du maire. C'est une dénaturation de la notion de « période d'observation » dont pourtant il se réclame.
En effet, si cette notion est partagée par de nombreux professionnels, ses modalités sont loin de l'objectif de garantie pour les droits de la personne que l'article prétend défendre.
Combiné à l'article 22, l'article 21 aboutit à instituer, sous prétexte d'observation urgente, une possibilité d'internement sans justification médicale pendant vingt-quatre heures. Si les modifications proposées étaient adoptées, l'article L. 3213-1 permettrait en effet au maire, pour retenir une personne en hospitalisation contre son gré « le temps strictement nécessaire », de se dispenser de tout certificat ou avis médical qui, notons-le, n'a même plus à être « circonstancié », notion qui devait pourtant caractériser l'urgence.
M. François Autain. Sachant que, en tout état de cause, le premier certificat médical n'intervient pas avant la vingt-quatrième heure, on mesure l'étendue de l'arbitraire administratif auquel peuvent être soumises les personnes, alors même que, je vous le rappelle, l'exercice du droit de recours n'est pas assuré !
De plus, il faudra attendre soixante-douze heures pour que l'arrêté du maire prononçant l'internement d'office et dépourvu de justification médicale se trouve soumis au contrôle de l'autorité responsable en matière d'ordre public, à savoir le préfet. Ce n'est pas parce que 65 % des hospitalisations d'office actuelles sont précédées de mesures provisoires prononcées par les maires que ceux-ci sont infaillibles !
J'ai sous les yeux une décision sanctionnant l'hospitalisation d'office, sans aucune justification médicale, d'une femme de quatre-vingt-un ans, à la demande du maire d'une commune de la région parisienne, celle de Villemomble pour ne pas la nommer.
Au vu des articles L. 336 et suivants du code de la santé publique, le maire a ordonné l'hospitalisation d'office de la propriétaire à la suite d'un incendie survenu dans la propriété de cette personne. L'arrêté du maire reposait exclusivement sur des motifs d'ordre général, sans aucune référence au cas particulier de l'intéressée, sans mention de l'incendie et sans référence à un certificat médical. La preuve d'un trouble psychiatrique ou de comportement de l'intéressée n'est même pas rapportée. En conséquence, l'internement de dix jours est dépourvu de toute motivation.
Au surplus, aucun soin n'a été prodigué à l'intéressée. Celle-ci a subi un préjudice moral eu égard à son grand âge, au désarroi consécutif à l'incendie survenu en pleine nuit, à la disparition d'objets ou de meubles de son environnement familier et au choc résultant des conditions d'hospitalisation forcée. Ce préjudice a été évalué à 50 000 euros.
Je préfère, pour ma part, à la fois parce que les situations d'urgence rendent difficile l'appréciation exacte des troubles mentaux, et parce que l'hospitalisation sous contrainte constitue une entrave à la liberté fondamentale d'aller et venir, entourer de toutes les précautions nécessaires cette phase d'observation.
Pour ce faire, il faut conserver l'exigence d'un avis médical antérieur à la phase d'observation, lequel pourrait notamment préciser les modalités d'une obligation de soins demandée par le maire, et renvoyer au préfet, à l'issue de la période de vingt-quatre heures - soit à l'issue du premier certificat médical interne - le soin de confirmer ou d'infirmer la période d'observation préalable à l'entrée dans le circuit des hospitalisations sous contrainte.
Il faudrait préciser l'objectif de cette phase qui doit être d'établir un diagnostic et non pas de permettre la « rétention » de la personne, à la convenance du maire.
Ces raisons justifient pleinement, à mon sens, la pertinence de cet amendement de suppression. C'est la raison pour laquelle je le voterai.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n°os 211 et 262.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Monsieur Détraigne, l'amendement n° 171 rectifié est-il maintenu ?
M. Yves Détraigne. J'ai été convaincu par le rapporteur que ce projet de loi n'était pas forcément le bon véhicule législatif pour modifier le statut de Paris. Par conséquent, je retire cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 171 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 263.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Monsieur Détraigne, l'amendement n° 121 rectifié est-il maintenu ?
M. Yves Détraigne. Non, monsieur le président, je le retire.
M. le président. L'amendement n° 121 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 36.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'amendement n° 90 n'a plus d'objet.
Je mets aux voix l'article 21, modifié.
(L'article 21 est adopté.)
Article 22
Les articles L. 3212-4 et L. 3213-2 du code de la santé publique sont modifiés ainsi qu'il suit :
1° Au premier alinéa de l'article L. 3212-4, après les mots : « vingt-quatre heures » sont insérés les mots : «, puis dans les soixante-douze heures » ;
2° L'article L. 3213-2 est remplacé par les dispositions suivantes :
« Art. L. 3213--2. - Dans les vingt-quatre heures, puis dans les soixante-douze heures suivant la décision d'hospitalisation du maire, le directeur de l'établissement d'accueil transmet au représentant de l'État dans le département et à la commission mentionnée à l'article L. 3222-5, un certificat médical établi par un psychiatre de l'établissement. Ce psychiatre ne peut être l'auteur de l'avis médical mentionné à l'article L. 3213-1.
« Le représentant de l'État dans le département ou, à Paris, le préfet de police, prononce par arrêté, au vu de ce certificat médical, la confirmation de l'hospitalisation d'office dans un établissement mentionné à l'article L. 3222-1 des personnes dont les troubles mentaux nécessitent des soins et compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte de façon grave à l'ordre public. Les arrêtés préfectoraux sont motivés et énoncent avec précision les circonstances qui ont rendu l'hospitalisation nécessaire.
« Les arrêtés pris en application de l'alinéa précédent et des articles L. 3213-1, L. 3213-4, L. 3213-7 et L. 3211-11, sont inscrits sur un registre semblable à celui qui est prescrit par l'article L. 3212-11, dont toutes les dispositions sont applicables aux personnes hospitalisées d'office. »
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 212 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
L'amendement n° 265 est présenté par MM. Godefroy et Peyronnet, Mme Campion, MM. Cazeau et Domeizel, Mmes Demontès et Jarraud-Vergnolle, M. Michel, Mme Schillinger, MM. Badinter, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mahéas, Sueur, Guérini, Lagauche, Madec, Mélenchon, Mermaz et Ries, Mmes Tasca, Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Éliane Assassi, pour défendre l'amendement n° 212.
Mme Éliane Assassi. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 265 a précédemment été défendu par M. Jean-Pierre Godefroy.
L'amendement n° 37, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Dans la seconde phrase du premier alinéa du texte proposé par le 2° de cet article pour l'article L. 3213-2 du code de la santé publique, après les mots :
ne peut être l'auteur
insérer les mots :
du certificat médical ou
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter cet amendement et pour donner l'avis de la commission sur les amendements identiques n os 212 et 265.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. L'amendement n° 37 vise à réparer une omission.
La commission est défavorable aux amendements identiques - nous nous en sommes déjà longuement expliqués -, car ils visent à supprimer l'article 22, lequel prévoit l'institution d'une période de diagnostic de soixante-douze heures au cours de laquelle deux certificats médicaux sont successivement établis afin de permettre au préfet de confirmer ou d'infirmer l'hospitalisation d'office. Ce délai nous paraît nécessaire pour deux raisons.
D'abord, il permet de s'assurer qu'il y a effectivement maladie mentale et non troubles mentaux liés à la consommation de stupéfiants par exemple. Cette phase d'observation permet alors la dissipation de tels produits.
Ensuite, dans le cas d'une maladie mentale avérée, ce délai permet de savoir si la personne relève de l'hospitalisation d'office ou de l'hospitalisation à la demande d'un tiers, autrement dit si elle peut être dangereuse ou non pour autrui et pour l'ordre public.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Le Gouvernement est défavorable aux amendements identiques, car l'article introduit une garantie supplémentaire pour les patients. Par conséquent, il ne convient pas de se priver d'un tel avantage.
En revanche, il est favorable à l'amendement n° 37.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 212 et 265.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 22, modifié.
(L'article 22 est adopté.)
Article 23
Après l'article L. 3213-5 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 3213-5-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 3213-5-1. - Le représentant de l'État dans le département peut ordonner à tout moment l'expertise médicale des troubles de personnes relevant des articles L. 3212-1 et L. 3213-2. Cette expertise est conduite par un psychiatre n'appartenant pas à l'établissement d'accueil du malade, choisi par le représentant de l'État dans le département sur la liste des experts psychiatres inscrits près la cour d'appel du ressort de l'établissement. »
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 213 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
L'amendement n° 266 est présenté par MM. Godefroy et Peyronnet, Mme Campion, MM. Cazeau et Domeizel, Mmes Demontès et Jarraud-Vergnolle, M. Michel, Mme Schillinger, MM. Badinter, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mahéas, Sueur, Guérini, Lagauche, Madec, Mélenchon, Mermaz et Ries, Mmes Tasca, Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l'amendement n° 213.
Mme Éliane Assassi. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour présenter l'amendement n° 266.
M. Jean-Pierre Godefroy. Il est également défendu, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 91, présenté par M. About, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Dans la première phrase du texte proposé par cet article pour l'article L. 3213-5-1 du code de la santé publique, après les mots :
Le représentant de l'État dans le département
insérer les mots :
ou, à Paris, le préfet de police
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Nicolas About, rapporteur pour avis. Il s'agit d'un amendement de précision.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ces trois amendements ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. La commission est défavorable aux amendements identiques n os 213 et 266.
En revanche, elle est favorable à l'amendement n° 91.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 213 et 266.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 23, modifié.
(L'article 23 est adopté.)
Article 24
Les articles L. 3213-7 et L. 3213-8 du code de la santé publique sont modifiés ainsi qu'il suit :
1° Au premier alinéa de l'article L. 3213-7, après les mots : « qui a bénéficié », sont ajoutés les mots : « d'un classement sans suite, » ;
2° L'article L. 3213-8 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est remplacé par les dispositions suivantes :
« Il ne peut être mis fin aux hospitalisations d'office intervenues en application de l'article L. 3213-7 que sur les avis convergents de deux psychiatres n'appartenant pas à l'établissement et choisis par le représentant de l'État dans le département sur la liste des experts inscrits près la cour d'appel du ressort de l'établissement. » ;
b) Au second alinéa, les mots : « ces deux décisions », sont remplacés par les mots : « ces avis ».
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 267, présenté par MM. Godefroy et Peyronnet, Mme Campion, MM. Cazeau et Domeizel, Mmes Demontès et Jarraud-Vergnolle, M. Michel, Mme Schillinger, MM. Badinter, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mahéas, Sueur, Guérini, Lagauche, Madec, Mélenchon, Mermaz et Ries, Mmes Tasca, Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. L'article 24 concerne le régime d'hospitalisation d'office à la demande de l'autorité judiciaire et il encadre plus strictement la levée de ladite hospitalisation.
Dans sa première partie, l'article vise à mettre « fin à une anomalie juridique en mettant désormais sur le même plan le classement sans suite du parquet et les autres modalités procédurales » - non-lieu, relaxe ou acquittement.
Je suis surpris : le classement sans suite n'a-t-il pas lieu en amont de tout jugement, à la différence du non-lieu, de la relaxe ou de l'acquittement ?
Si le ministère public - à savoir le parquet - décide de ne pas exercer l'action publique faute d'infraction, d'auteur identifié ou de plainte opportune, on ne comprend pas comment et pourquoi l'autorité judiciaire pourrait estimer que l'état mental d'une personne dont le dossier a bénéficié d'un classement sans suite « nécessite des soins et compromet la sûreté des personnes ou porte atteinte, de façon grave, à l'ordre public ».
J'en viens à la seconde partie de l'article qui concerne la levée des hospitalisations d'office.
Désormais, il ne pourrait être mis fin à ces hospitalisations qu'après les « avis convergents de deux psychiatres ».
Dans sa rédaction actuelle, l'article L. 3218-8 du code de la santé publique prévoit qu'il ne peut être mis fin aux hospitalisations d'office que « sur les décisions conformes de deux psychiatres » et « après avis de la direction des affaires sanitaires et sociales du département ».
Encore une fois, la suppression de l'avis de la DDASS - qui semble être dans le collimateur du ministère de l'intérieur - en dit long sur le peu de cas accordé aux aspects sanitaires et sociaux.
En conséquence, si notre interprétation est bonne, la décision in fine appartiendrait désormais à l'autorité préfectorale et non plus au corps médical.
Cette rédaction est, une fois encore, emblématique du désintérêt du ministre d'État, pire de sa défiance à l'égard du secteur sanitaire, ce qui est évidemment problématique lorsqu'il est question des levées d'hospitalisations d'office.
En outre, on peut s'interroger sur le choix de simples avis convergents et non plus de décisions conformes.
En effet, dans le cadre décisionnel que lui octroie cette rédaction et au regard des enjeux en matière non seulement de libertés, mais également de soins, on ne peut que s'interroger sur la capacité du préfet à juger de la pertinence de simples avis convergents.
N'y a-t-il pas alors un risque que les préfets mus par le principe de précaution hésitent davantage à accorder des sorties d'hospitalisation ?
Telles sont les raisons pour lesquelles nous vous demandons, mes chers collègues, de supprimer cet article.
M. le président. L'amendement n° 268, présenté par MM. Godefroy et Peyronnet, Mme Campion, MM. Cazeau et Domeizel, Mmes Demontès et Jarraud-Vergnolle, M. Michel, Mme Schillinger, MM. Badinter, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mahéas, Sueur, Guérini, Lagauche, Madec, Mélenchon, Mermaz et Ries, Mmes Tasca, Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
I - Dans le texte proposé par le a) du 2° de cet article pour le premier alinéa de l'article L. 3213-8 du code de la santé publique, remplacer le mot :
avis
par les mots :
certificats médicaux
II - Procéder à la même substitution dans le b) du 2° de cet article.
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. Notre amendement concerne la levée d'hospitalisation d'office.
Il vise à remplacer le mot « avis » par les mots « certificats médicaux » afin d'offrir un cadre mieux défini à une procédure qui ne peut être purement administrative.
Il nous semble en effet que lors d'une décision de sortie, un certificat médical garantit que les conditions de levée d'hospitalisation sont médicalement constatées, notamment que le patient a été au moins vu.
Ce document répond aussi à un encadrement juridique précis - en l'occurrence l'article R. 4127-76 du code de la santé publique et l'article 76 du code de déontologie médicale. Rédigé par le praticien, le certificat engage sa responsabilité professionnelle, civile et pénale et constitue une garantie contre toute interprétation erronée qui pourrait survenir.
Il nous importe également que l'administration - le préfet en l'occurrence - respecte les conclusions convergentes des deux psychiatres.
Au regard des intérêts du patient, des médecins et des pouvoirs publics, il nous apparaît essentiel que la dimension sanitaire de la décision de sortie soit protégée.
M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 92 est présenté par M. About, au nom de la commission des affaires sociales.
L'amendement n° 269 est présenté par MM. Godefroy et Peyronnet, Mme Campion, MM. Cazeau et Domeizel, Mmes Demontès et Jarraud-Vergnolle, M. Michel, Mme Schillinger, MM. Badinter, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mahéas, Sueur, Guérini, Lagauche, Madec, Mélenchon, Mermaz et Ries, Mmes Tasca, Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Compléter le texte proposé par le a) du 2° de cet article pour remplacer le premier alinéa de l'article L. 3213-8 du code de la santé publique par les mots :
, après avis du directeur des affaires sanitaires et sociales du département dans lequel est situé l'établissement
La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour présenter l'amendement n° 92.
M. Nicolas About, rapporteur pour avis. Cet amendement a pour objet de réintroduire l'avis de la DDASS, qui avait disparu et qui nous semble nécessaire.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour présenter l'amendement n° 269.
M. Jean-Pierre Godefroy. Notre amendement vise à restituer dans le texte l'avis de la DDASS dans le cadre de la décision de sortie d'établissement psychiatrique des personnes hospitalisées d'office. Nous ne voyons pas en effet ce qui pourrait justifier que cet avis ne soit plus requis.
Doit-on préciser aux auteurs du projet de loi qu'une hospitalisation d'office n'est pas une procédure uniquement sécuritaire, mais qu'elle a une dimension sanitaire ?
Doit-on leur signaler qu'à force de penser la maladie mentale en termes de sécurité et d'alimenter ainsi la confusion entre maladie et délinquance, ils prennent le risque d'être contre-productifs au regard du légitime souci de sécurité de nos concitoyens ?
En conséquence, nous vous demandons, mes chers collègues, de redonner la place qui revient à la DDASS dans les décisions de sortie d'hospitalisation d'office.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur l'amendement n° 267. À cet égard, j'avoue avoir du mal à suivre l'argumentation de notre collègue Godefroy.
L'article 24 tend à appliquer au classement sans suite les dispositions spécifiques prévues par le code de la santé publique pour l'hospitalisation d'office après une décision de non-lieu, une relaxe ou un acquittement fondé sur l'article 122-1 du code pénal. Je rappelle qu'en vertu de cet article 122-1 « n'est pas pénalement responsable la personne qui était atteinte, au moment des faits, d'un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes ». Cette irresponsabilité peut être constatée par la juridiction de jugement, donner lieu à une décision de relaxe ou d'acquittement. Elle peut aussi avoir été déclarée auparavant par le juge d'instruction - décision de non-lieu - ou l'avoir été plus en amont encore de la procédure pénale par le procureur de la République - classement sans suite. Il n'y a donc vraiment aucune raison de discriminer ces différentes procédures. La commission émet donc un avis défavorable.
L'amendement n° 268 tend à faire référence à des certificats médicaux plutôt qu'aux avis des deux psychiatres requis avant la sortie de la personne qui a été hospitalisée d'office à la suite d'une décision de non-lieu, relaxe ou acquittement fondée sur l'abolition de son discernement. Là encore, je pense qu'il y a confusion.
La notion d'avis est bien sûr éminemment préférable. Les médecins sont bien appelés à donner leur avis sur la sortie de l'intéressé, avis qui est étayé par une expertise médicale. Un certificat médical en tant que tel n'implique pas une prise de position. Pour cette raison, la commission demande aux auteurs de cet amendement de bien vouloir le retirer, car il est incohérent.
En revanche, elle émet un avis favorable sur les amendements identiques n°os°92 et 269.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur l'amendement n° 267.
L'amendement n° 268, quant à lui, apporte une modification de forme alors que l'article apporte une garantie de fond. Il serait dommage de remplacer l'une par l'autre. Aussi, le Gouvernement demande aux auteurs de cet amendement de bien vouloir le retirer. À défaut, il émettra un avis défavorable.
En revanche, il est favorable aux amendements identiques n°os 92 et 269.
M. le président. Monsieur Godefroy, l'amendement n° 268 est-il maintenu ?
M. Jean-Pierre Godefroy. Non, monsieur le président, je le retire.
M. le président. L'amendement n° 268 est retiré.
Je mets aux voix les amendements identiques nos 92 et 269.
(Les amendements sont adoptés à l'unanimité.)
M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
8
TEXTE SOUMIS AU SÉNAT EN APPLICATION DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION
M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Projet de position commune du Conseil 20006/.../PESC du ... prorogeant la position commune 2004/694/PESC concernant de nouvelles mesures définies à l'appui d'une mise en oeuvre effective du mandat du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY).
Ce texte sera imprimé sous le n° E-3239 et distribué.
9
ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au jeudi 21 septembre 2006, à neuf heures trente, à quinze heures et le soir :
Suite de la discussion du projet de loi (n° 433, 2005-2006) relatif à la prévention de la délinquance.
Rapport (n° 476, 2005-2006) de M. Jean-René Lecerf, fait au nom de la commission des lois.
Avis (n° 477, 2005-2006) présenté par M. Nicolas About, au nom de la commission des affaires sociales.
Le délai limite pour le dépôt des amendements est expiré.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée le mercredi 20 septembre 2006, à zéro heure cinquante.)
La Directrice
du service du compte rendu intégral,
MONIQUE MUYARD