sommaire
PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet
2. Prévention de la délinquance. - Suite de la discussion d'un projet de loi
Motion no 3 de Mme Éliane Assassi. - Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. Jean-René Lecerf, rapporteur de la commission des lois ; Christian Estrosi, ministre délégué à l'aménagement du territoire. - Rejet par scrutin public.
Motion no 1 de M. Jean-Pierre Bel. - MM. Louis Mermaz, le rapporteur, le ministre délégué. - Rejet par scrutin public.
Demande de renvoi à la commission
Motion no 79 de Mme Charles Gautier. - MM. Charles Gautier, Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois ; le ministre délégué. - Rejet par scrutin public.
présidence de M. Adrien Gouteyron
Article additionnel avant l'article 1er ou après l'article 2
Amendement no 9 de la commission et sous-amendement no 323 rectifié de M. Jean-Claude Peyronnet ; amendement no 245 de M. Jean-Claude Peyronnet. - MM. le rapporteur, Jean-Claude Peyronnet, le ministre délégué, Pierre-Yves Collombat, Jean-Pierre Sueur, Mme Valérie Létard, MM. André Lardeux, Jean-Pierre Michel, Jean-Luc Mélenchon, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. Michel Dreyfus-Schmidt, Michel Mercier. - Rejet du sous-amendement no 323 rectifié ; adoption de l'amendement no 9 insérant un article additionnel, l'amendement no 245 devenant sans objet.
Articles additionnels avant l'article 1er
Amendement no 246 de M. Jean-Claude Peyronnet. - MM. Jean-Claude Peyronnet, le rapporteur, le ministre délégué. - Rejet.
Amendement no 172 rectifié de M. Yves Pozzo di Borgo. - MM. Yves Pozzo di Borgo, le rapporteur, le ministre délégué, Philippe Goujon, Jean-Pierre Michel, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Retrait.
Mmes Alima Boumediene-Thiery, Eliane Assassi, MM. Jean-Pierre Michel, le ministre délégué.
Amendements identiques nos 180 de Mme Eliane Assassi et 247 de M. Jean-Claude Peyronnet ; amendements nos 293 rectifié de Mme Catherine Troendle et 128 rectifié de M. de Louis de Broissia. - Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, M. Jean-Claude Peyronnet, Mme Catherine Troendle, M. Bruno Retailleau.
Suspension et reprise de la séance
présidence de Mme Michèle André
3. Dépôt d'un rapport de la Cour des comptes
4. Prévention de la délinquance. - Suite de la discussion d'un projet de loi
Amendements identiques nos 180 de Mme Eliane Assassi et 247 de M. Jean-Claude Peyronnet ; amendements nos 293 rectifié de Mme Catherine Troendle, 128 rectifié de M. de Louis de Broissia et sous-amendement no 324 de M. Michel Mercier ; amendements nos 163 de Mme Alima Boumediene Thiery, 4 de la commission, 133 rectifié de M. Jean-Marie Bockel, 241 rectifié bis de Mme Jacqueline Gourault, 170 rectifié de M. Yves Pozzo di Borgo, 103 rectifié de M. Michel Mercier, 5, 6 de la commission et sous-amendement no 319 de M. Philippe Goujon ; amendements nos 318 rectifié de M. Jean-Marie Bockel, 104 rectifié de M. Michel Mercier, 129 rectifié bis de M. de Louis de Broissia, 248 de M. Jean-Claude Peyronnet, 7 de la commission, 164 de Mme Alima Boumediene Thiery, 300 de M. Jean-Patrick Courtois et 242 rectifié bis de Mme Jacqueline Gourault. - Mme Alima Boumediene-Thiery, MM. Jean-René Lecerf, rapporteur de la commission des lois ; Jean-Claude Peyronnet, Yves Détraigne, Mme Valérie Létard, MM. Philippe Goujon, Michel Houel, Brice Hortefeux, ministre délégué aux collectivités territoriales ; Pierre-Yves Collombat, Jacques Mahéas, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Retrait des amendements nos 103 rectifié, 241 rectifié bis, 170 rectifié et 242 rectifié bis ; rejet des amendements nos 180, 247, 163, 318 rectifié, 104 rectifié, 248 et 164 ; adoption de l'amendement no 293 rectifié, du sous-amendement no 324, des amendements nos 128 rectifié, modifié, 4, 133 rectifié, 5, du sous-amendement no 319, et des amendements nos 6, modifié, 129 rectifié bis, 7 et 300.
Adoption, par scrutin public, de l'article modifié.
Article additionnel avant l'article 2
Amendement no 249 de M. Jean-Claude Peyronnet. - MM. Jean-Claude Peyronnet, le rapporteur, le ministre délégué, Mme Marie-Thérèse Hermange, M. Jacques Mahéas.
Suspension et reprise de la séance
Amendement no 249 rectifié de M. Jean-Claude Peyronnet. - MM. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois ; le ministre délégué, Roland Muzeau, Jean-Claude Peyronnet. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendements identiques nos 181 de Mme Eliane Assassi et 250 de M. Jean-Claude Peyronnet ; amendements nos 130 rectifié de M. de Louis de Broissia, 105 rectifié de M. Michel Mercier et 8 de la commission. - Mme Josiane Mathon-Poinat, MM. Louis Mermaz, Bruno Retailleau, le rapporteur, le ministre délégué. - Retrait de l'amendement no 105 rectifié ; rejet des deux amendements nos 181 et 250 ; adoption des amendements nos 130 rectifié et 8.
Adoption de l'article modifié.
Amendements nos 182 de Mme Eliane Assassi et 299 de M. Roger Karoutchi. - Mme Annie David, MM. Michel Houel, le rapporteur, le ministre délégué. - Rejet de l'amendement no 182 ; adoption de l'amendement no 299.
Adoption de l'article modifié.
Amendements nos 251 de M. Jean-Claude Peyronnet et 10 de la commission. - MM. Jean-Claude Peyronnet, le rapporteur, Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice ; Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Rejet de l'amendement no 251 ; adoption de l'amendement no 10.
Adoption de l'article modifié.
Articles additionnels avant l'article 5
Amendements nos 113 rectifié de M. Michel Mercier, 306 rectifié et 305 rectifié de M. André Lardeux. - Mme Valérie Létard, MM. André Lardeux, le rapporteur, Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. - Retrait des trois amendements.
Mmes Marie-Thérèse Hermange, Patricia Schillinger, M. Roland Muzeau, M. Michel Mercier, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, M. Philippe Bas, ministre délégué.
Amendements identiques nos 183 de Mme Eliane Assassi et 252 de M. Jean-Pierre Godefroy ; amendement no 11 rectifié de la commission et sous-amendements nos 321, 322 de M. Michel Mercier, 325 (identique au sous-amendement no 322), 326 et 327 de M. Nicolas About, rapporteur pour avis, 315 rectifié et 317 rectifié de Mme Valérie Létard ; amendements nos 80 de M. Nicolas About, rapporteur pour avis, 117 rectifié, 106 rectifié, 110 rectifié, 111 rectifié de M. Michel Mercier, 140 rectifié à 142 rectifié de M. Pierre Hérisson et 81 de M. Nicolas About, rapporteur pour avis. - M. Roland Muzeau, Mme Christiane Demontès, M. le rapporteur, Mme Valérie Létard, MM. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales, rapporteur pour avis ; Michel Houel, Yves Détraigne. - Retrait des amendements nos 80 et 81.
MM. le rapporteur, Michel Mercier, Jean-Claude Peyronnet, le rapporteur pour avis.
Suspension et reprise de la séance
Amendement no 11 rectifié bis de la commission. - MM. le rapporteur, le rapporteur pour avis, Michel Mercier, Philippe Bas, ministre délégué ; Louis Mermaz, Roland Muzeau, Jean-Claude Peyronnet. - Retrait des sous-amendements nos 321, 322, 325, 315 rectifié, 317 rectifié et des amendements nos 142 rectifié et 141 rectifié ; rejet des amendements nos 183, 252 et des sous-amendements nos 326 rectifié et 327 ; adoption de l'amendement no 11 rectifié bis, l'amendement no 111 rectifié devenant sans objet.
Adoption, par scrutin public, de l'article modifié.
Article additionnel avant l'article 6
Amendement no 184 de Mme Eliane Assassi. - Mme Josiane Mathon-Poinat, MM. le rapporteur, Philippe Bas, ministre délégué. - Rejet.
Mme Alima Boumediene Thiery.
Amendements identiques nos 127 rectifié de M. Yves Détraigne, 185 de Mme Eliane Assassi et 253 de M. Jean-Pierre Godefroy ; amendements nos 159, 82 rectifié de M. Nicolas About, rapporteur pour avis, 12 à 16 rectifié de la commission et sous-amendement no 328 du Gouvernement ; amendements nos 139 rectifié, 136 rectifié de M. Pierre Hérisson et 107 rectifié de M. Michel Mercier ; amendements identiques nos 108 rectifié de M. Michel Mercier et 132 rectifié de M. de Louis de Broissia. - M. Yves Détraigne, Mmes Josiane Mathon-Poinat, Patricia Schillinger, MM. le rapporteur pour avis, le rapporteur, Michel Houel, Christian Estrosi, ministre délégué à l'aménagement du territoire ; Philippe Bas, ministre délégué ; Jean-Claude Peyronnet, Jean-Pierre Godefroy. - Retrait des amendements nos 127 rectifié, 159, 139 rectifié, 82 rectifié, 136 rectifié ; rejet, par scrutin public, des amendements nos 185 et 253 ; adoption des amendements nos 12 à 15, 107 rectifié, du sous-amendement no 328 et des amendements nos 16 rectifié, modifié, 108 rectifié et 132 rectifié.
Adoption de l'article modifié.
Amendements identiques nos 83 de M. Nicolas About, rapporteur pour avis, 115 rectifié de M. Michel Mercier, 186 de Mme Eliane Assassi et 254 de M. Jean-Pierre Godefroy ; amendements nos 143 rectifié bis de M. Pierre Hérisson, 329, 17 de la commission et 109 rectifié de M. Michel Mercier. - MM. le rapporteur pour avis, Michel Mercier, Mmes Josiane Mathon-Poinat, Patricia Schillinger, MM. Michel Houel, le rapporteur, Philippe Bas, ministre délégué ; Jean-Pierre Godefroy, Mme Bernadette Dupont, MM. Jean-Claude Peyronnet, Michel Mercier. - Retrait des amendements nos 115 rectifié, 109 rectifié, 83 et 143 rectifié bis ; rejet, par scrutin public, des amendements nos 186 et 254 ; adoption des amendements nos 329 et 17.
Adoption de l'article modifié.
Renvoi de la suite de la discussion.
6. Texte soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution
compte rendu intégral
PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet
1
PROCÈS-VERBAL
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
Prévention de la délinquance
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi relatif à la prévention de la délinquance (n° 433, 476-477).
Je rappelle que la discussion générale a été close.
Exception d'irrecevabilité
M. le président. Je suis saisi, par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, d'une motion n° 3, tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l'article 44, alinéa 2, du règlement, le Sénat déclare irrecevable le projet de loi relatif à la prévention de la délinquance (n° 433, 2005-2006).
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour la motion. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'examen des motions après la clôture de la discussion générale constitue une bizarrerie de notre règlement. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. Louis Mermaz. Bravo !
M. Robert Bret. Il faudrait défendre les motions avant la discussion générale !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous reviendrons peut-être un jour sur cette disposition, mais en attendant nous sommes obligés de nous exprimer après que le ministre a répondu aux orateurs qui sont intervenus dans la discussion générale.
Le premier des motifs d'irrecevabilité que je voudrais exposer est le mépris que manifeste le Gouvernement envers le Parlement.
Mesdames, messieurs les sénateurs de la majorité - je constate d'ailleurs que vous êtes assez peu nombreux parmi nous ! -, vous avez voté durant la dernière législature sept textes de loi relatifs à la délinquance, comme l'a rappelé Éliane Assassi lors de la discussion générale, soit plus d'un par an, ce qui constitue un record !
Les uns après les autres, ces textes étendent le champ des infractions, augmentent le quantum des peines, abaissent l'âge de la majorité pénale, stigmatisent certaines catégories de la population, accroissent les pouvoirs de police et amoindrissent les garanties de la défense !
Or, monsieur le ministre, sans qu'aucune évaluation sérieuse de l'application de ces lois, réalisée avec le recul nécessaire, ne soit présentée au Parlement - et pour cause, tant elles ont été votées récemment ! -, vous nous soumettez, au nom du Gouvernement, un huitième texte sur la délinquance.
Pire encore, M. le ministre de l'intérieur affirmait hier que la délinquance baisse, sans doute grâce à son action, (Sourires sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.) ...
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C'est vrai !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. ... mais il arguait en même temps de l'augmentation de la délinquance pour demander au Parlement d'aggraver les sanctions pénales !
Mes chers collègues, nous valons mieux que cela.
M. Robert Bret. Je le crois aussi !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il faut dire que le présent projet de loi est annoncé depuis trois ans par le même ministre de l'intérieur, tandis qu'entre-temps l'INSERM, l'Institut national de la santé et de la recherche médicale, a publié un « pavé » sur le dépistage précoce des comportements prédélinquants dès l'âge de trois ans !
Cette proposition, qui a soulevé une émotion légitime, exprimée par 200 000 professionnels et citoyens, ne figure plus dans le projet de loi. Pourtant, certains parmi nous rêvent d'y revenir ; M. Goujon nous en a donné un avant-goût hier. D'ailleurs, le ministre de l'intérieur ne manque pas une occasion de manifester son adhésion aux thèses déterministes, particulièrement prisées aux États-Unis. Il est vrai que ce pays constitue son modèle, y compris, probablement, pour le traitement de la délinquance, ...
M. Robert Bret. Comme pour la politique étrangère !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. ... alors que les résultats obtenus en la matière n'y sont guère probants, il devrait se tenir au courant !
De même, M. Sarkozy s'inspire, hélas, de la Grande-Bretagne, où M. Blair a préconisé le contrôle social obligatoire des futures mères adolescentes ! Comment faire pour aller plus loin que le contrôle des foetus ? Pour le ministre de l'intérieur, la prévention, le travail social, la justice des mineurs, cela ne va pas ! Mais pourquoi ? Les citoyens n'en sauront rien ! Surtout, ils ignoreront tout de la misère des moyens publics mis en oeuvre, au regard, précisément, des énormes besoins d'une société si dure pour la plupart des jeunes.
Monsieur le ministre, les équations entre la désespérance sociale et la délinquance, d'une part, et la prévention et la sanction, d'autre part, sont difficiles à résoudre, mais vous vous y prenez de la pire manière.
J'ajoute, s'agissant toujours de l'irrecevabilité de ce projet de loi pour cause de mépris des parlementaires, que le Gouvernement doit nous soumettre, si nous sommes bien informés, un projet de réforme de la justice. Nous ne pouvons donc accepter de débattre dès à présent d'une réorganisation de la justice des mineurs, à l'occasion de l'examen de ce projet de loi du ministre de l'intérieur qui traite de tout, pêle-mêle - de la santé, de la protection sociale, des collectivités territoriales, de la justice -, sauf de la police !
Un deuxième motif d'irrecevabilité réside dans le contenu du texte qui nous est soumis, car plusieurs de ses dispositions heurtent les principes fondamentaux de notre droit.
La commission nationale consultative des droits de l'homme, interrogée en 2002 sur le projet de loi relatif à la sécurité intérieure, soulignait que « l'inflation des règles encadrant l'exercice des libertés publiques, et parfois même la vie privée des individus, suscite l'inquiétude de notre société démocratique ».
Le présent projet de loi ne fait qu'accentuer cette tendance. J'en veux pour preuve la multiplication des fichiers informatiques, d'autant plus inquiétante que le nombre des personnes habilitées à les consulter ne cesse, lui aussi, de croître.
De plus, la CNIL, la commission nationale de l'informatique et des libertés, faisait récemment état des très nombreuses erreurs non corrigées contenues dans le STIC, le système de traitement des infractions constatées, qui ont de lourdes conséquences pour les personnes. Ainsi, des agents de sécurité ont été licenciés sur la base de données erronées et non corrigées contenues dans le STIC !
Le dispositif instauré par l'article 6 du présent projet de loi, aux termes duquel le conseil pour les droits et devoirs des familles pourra disposer d'informations individuelles, illustre parfaitement mon propos : aucune garantie n'est apportée, ni sur l'origine des informations qui seraient utilisées pour procéder à ce signalement, ni sur les critères qui déclencheraient ce dernier, ni sur les modalités de la transmission et du traitement des données et sur leur nécessaire confidentialité. En outre, ces informations pourraient être communiquées à des tiers concernés. Or, ceux-ci ne sont nullement définis de façon explicite par l'article 6 du projet de loi.
J'évoquerai encore l'exemple du traitement national des personnes hospitalisées d'office, instauré par l'article 19 du projet de loi.
La CNIL relève que la mention de « l'autorité judiciaire » comme destinataire des informations enregistrées dans le fichier national est trop générale, au regard de la finalité de ce fichier, qui est « d'améliorer le suivi et l'instruction des mesures d'hospitalisation d'office ».
En outre, la mention de l'autorité judiciaire au titre des destinataires des données de ce fichier, qui est envisagée dans le projet de loi afin de permettre aux magistrats de contrôler la responsabilité pénale des personnes mises en cause judiciairement, relève, en raison de son caractère ponctuel et limité, de la définition du tiers autorisé à accéder aux données enregistrées dans un traitement, et non de celle du destinataire permanent des données, dont l'application serait, en l'espèce, disproportionnée.
De façon générale, la multiplication des fichiers informatiques, telle qu'elle est prévue dans ce projet de loi, paraît excessive et disproportionnée eu égard à leur finalité et au danger qu'ils représentent pour les personnes concernées.
C'est ce que relève la CNIL dans son avis du 13 juin dernier. Elle juge disproportionnées les dispositions de l'article 5 du projet de loi, qui autorisent les maires à obtenir la communication des données relatives aux difficultés sociales de leurs administrés.
Pour la CNIL, je cite, « si le maire a vocation à connaître, de façon ponctuelle, de données sur les personnes sollicitant des aides sociales facultatives qui relèvent traditionnellement de ses compétences, il ne devrait pas être rendu systématiquement destinataire des informations que les professionnels de l'action sociale sont conduits à recueillir auprès des personnes et des familles en difficulté. »
Il en est de même avec l'article 6 du projet de loi, qui institue un conseil pour les droits et devoirs des familles. Selon la CNIL, « dans la mesure où des informations individuelles sensibles, relevant de l'intimité de la vie privée des familles, seraient ainsi recueillies, traitées et conservées, il appartient au législateur, pour assurer le respect du principe de proportionnalité, de définir précisément les garanties qui devraient être apportées afin qu'un tel dispositif d'accompagnement soit mis en place dans le respect des droits des personnes et, en particulier, de leur droit au respect de leur vie privée. »
Monsieur le ministre, ces dispositions s'ajoutent ou se superposent aux moyens de contrôle institués par les lois antérieures que vous avez fait voter, comme les caméras vidéo, les contrôles d'identité et les fouilles, qui touchent les individus considérés a priori comme des suspects. Elles organisent peu à peu « l'État Léviathan » comme alternative libérale à ce que vous avez appelé « l'État Providence ». Elles portent atteinte aux libertés individuelles et au respect de la vie privée, tels qu'ils ressortent de nos principes constitutionnels.
D'autres principes constitutionnels se trouvent mis en cause dans ce projet de loi. Ainsi, les dispositions qui accordent aux maires un rôle central dans le domaine social, mais aussi en matière de la prévention de la délinquance, et même de délinquance tout court, tant il est peu question de prévention dans ce texte, posent, eux aussi, des problèmes de constitutionnalité.
Tout d'abord, l'égalité de traitement des citoyens sur le territoire est menacée.
Ainsi, le maire disposera de multiples compétences, qui s'enchevêtreront avec celles des conseils généraux ; nous évoquerons sans doute cette question au cours de nos débats.
La mise en oeuvre de ces compétences entraînera des disparités. Les réponses apportées par le maire aux problèmes qu'il rencontre varieront d'une commune à l'autre. Elles dépendront des moyens de la municipalité et de la politique que le maire souhaite mener. D'ailleurs, celui-ci devra peut-être renoncer au programme sur lequel il a été élu afin de remplir des missions régaliennes !
De plus, le projet de loi introduit une inégalité de traitement, puisqu'il distingue les communes de plus de 10 000 habitants, qui devront créer un conseil pour les droits et devoirs des familles, et les autres. Il s'agit là véritablement d'une confusion institutionnelle.
L'article 8, en donnant au maire le pouvoir de procéder à des rappels à l'ordre pour sanctionner des comportements constituant non pas des infractions pénales, mais des atteintes au « au bon ordre, à la sûreté, à la sécurité ou à la salubrité publiques », crée une confusion entre pouvoir exécutif et autorité judiciaire. C'est une chose que le maire se préoccupe de la prévention pour les enfants de sa commune sur le plan social, civique et humain, mais c'en est une autre que de lui demander d'exercer des pouvoirs judiciaires ou de police.
Cette confusion des rôles est contraire à la séparation des pouvoirs consacrée par la Constitution, ainsi qu'à votre propre définition des domaines régaliens et à votre loi de décentralisation, monsieur le ministre.
Je vous rappelle aussi la recommandation du Comité des droits de l'enfant des Nations unies, reprise par le Conseil constitutionnel en 2002, qui prône le traitement des affaires concernant des mineurs par des instances spécialisées.
J'en viens maintenant à la réforme de l'ordonnance de 1945.
Permettez-moi d'abord d'exprimer mon étonnement devant l'intégration, dans un projet de loi piloté par le ministère de l'intérieur, de dispositions relatives à la justice des mineurs en dehors de tout débat de fond, comme le préconise pourtant l'Association française des magistrats de la jeunesse et de la famille, sur la responsabilité non seulement des jeunes délinquants, mais aussi sur celle des adultes à leur égard et sur la prise en charge des jeunes en difficulté.
Quant aux modifications apportées par le texte à l'ordonnance de 1945, elles poursuivent l'alignement du traitement des mineurs sur celui des majeurs, déjà largement engagé avec la loi de 2002, la loi relative au traitement de la récidive des infractions pénales et la création d'un fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles.
Marteler, comme le fait M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, que les mineurs délinquants de 2006 ne sont pas ceux de 1945 s'apparente à des propos de « comptoir ». C'est tout à la fois ignorer que la délinquance juvénile était un phénomène grave en 1945, faire comme si l'ordonnance de 1945 n'avait pas été modifiée, alors qu'elle l'a été, on le sait, vingt fois depuis lors, et dire des évidences, à savoir que la délinquance a effectivement évolué, comme la société, le monde, les médias, la violence ! Bush n'est pas Roosevelt ! Chirac n'est pas de Gaulle ! Et quoi encore !
C'est surtout également occulter l'essentiel qui fonde la spécificité de la justice des mineurs, à savoir qu'un mineur n'est pas un adulte ! Tel est le fond de l'ordonnance de 1945, et vous l'oubliez !
Cette spécificité est l'un des principes fondamentaux de notre droit pénal consacré par le Conseil constitutionnel le 11 août 1993. Elle est également inscrite dans les textes internationaux ratifiés par la France.
L'article 14, alinéa 4, du pacte international relatif aux droits civils et politiques dispose que « la procédure applicable aux jeunes gens qui ne sont pas encore majeurs au regard de la loi pénale tiendra compte de leur âge et de l'intérêt que présente leur rééducation ».
De même, la convention internationale des droits de l'enfant, dans son article 40, invite les États parties à « promouvoir l'adoption de lois, de procédures, la mise en place d'autorités et d'institutions spécialement conçues pour les enfants suspectés, accusés ou convaincus d'infraction à la loi pénale ».
En 2002, le groupe CRC dénonçait déjà le rapprochement entre la procédure de comparution immédiate pour les majeurs et celle de jugement à délai rapproché pour les mineurs. Aujourd'hui, cette procédure renommée « présentation immédiate devant le juge des enfants aux fins de jugement » devient une quasi-comparution immédiate pour les mineurs.
Les amendements proposés par la commission des lois qui ne le permettent que lorsque des investigations sur la personnalité du mineur ont déjà été conduites n'y changeront rien.
Cette procédure remet en cause le principe d'égalité puisque des mêmes faits pourraient être jugés selon les cas par une juridiction collégiale ou par un juge unique. Elle porte gravement atteinte à l'ordonnance de 1945, dont les principes ont valeur constitutionnelle, puisqu'elle aboutira à instaurer un régime procédural plus sévère pour les mineurs que pour les majeurs - je me permets de rappeler les termes employés par la Chancellerie -, en créant, pour les premiers, une comparution immédiate à juge unique alors qu'elle n'existe pas pour les seconds. Le Gouvernement ne peut donc nous reprocher de parler de comparution immédiate pour les mineurs, puisque ce sont les termes utilisés par la Chancellerie elle-même !
Enfin, cette procédure ne garantit pas aux mineurs le respect des droits de la défense, en raison de la quasi-absence de délai avant la comparution devant le juge des enfants.
Ces droits, comme la spécificité de la justice des mineurs, sont également remis en cause par l'extension aux mineurs de la composition pénale. Je rappelle que, avant seize ans, un mineur n'a pas la possibilité de contracter. Comment justifier donc que le « plaider coupable » vaille pour les moins de seize ans ? Aucune garantie n'est prévue dans le cadre de cette procédure pour assurer la prise en compte de l'état de minorité du jeune mis en cause.
J'ajoute que la pénalisation systématique des comportements, en l'espèce des mineurs, est contraire aux textes internationaux. La convention internationale des droits de l'enfant, toujours dans son article 40, préconise de « prendre des mesures, chaque fois que cela est possible et souhaitable, pour traiter ces enfants sans recourir à la procédure judiciaire, étant cependant entendu que les droits de l'homme et les garanties légales doivent être pleinement respectés ».
À l'évidence, les fondements mêmes de l'ordonnance de 1945 que sont la complémentarité entre l'assistance éducative et le pénal sont dévoyés. Les mesures dites éducatives comme la réparation - chères à tout un chacun - deviennent des modalités de sanction pénale.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ce n'est pas mal !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Plusieurs autres dispositions n'ont pas manqué de soulever des questions quant au respect des libertés individuelles ou tout simplement de la dignité des personnes.
L'article 16, qui, en dispensant le médecin de l'accord de la victime pour le signalement de violences conjugales, fait des femmes des incapables majeures et, je le dis entre parenthèses, est totalement contre-productif pour qui connaît un tant soit peu la problématique des violences conjugales.
Les articles 20 à 23 visent à renforcer le pouvoir administratif en matière d'hospitalisation psychiatrique, en rapprochant la procédure d'hospitalisation obligatoire de la procédure d'urgence, et à élargir le champ de l'hospitalisation d'office, ce qui restreint les garanties de la personne.
L'article 28 relatif au dépistage de la toxicomanie dans les lieux à usage professionnel, notamment le 3° tendant à autoriser l'entrée de la police dans ces lieux, n'est pas suffisamment encadré pour respecter les libertés individuelles et le droit du travail. Je citerai encore les articles 45 à 51, regroupés sous la dénomination « dispositions diverses », qui, sous couvert de sécurité, visent à poursuivre votre volonté, monsieur le ministre, de criminaliser l'action syndicale, comme de porter atteinte au droit de grève. J'en veux pour preuve la création d'un « délit d'occupation des infrastructures de transport, quel que soit son type ».
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C'est bien cela !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Le temps me manque, mais les quelques questions que j'ai évoquées me paraissent largement justifier l'irrecevabilité de ce texte pour méconnaissance des principes fondamentaux de notre Constitution en matière de libertés individuelles et de garantie des droits de la personne.
Je voudrais enfin vous rappeler ici, mes chers collègues, que notre assemblée a produit un long rapport sur la délinquance des mineurs en 2002 ; certains d'entre vous l'ont d'ailleurs cité hier.
Mon groupe avait émis des réserves à l'époque sur un certain nombre de conclusions, notamment sur l'abaissement de la majorité pénale et l'enfermement des mineurs. Mais - et nous l'avions souligné -, ce rapport comptait de nombreux éléments positifs quant à l'appréciation de la situation de la délinquance des mineurs et les recommandations qu'il faisait en termes d'action sociale, d'éducation et de moyens.
Depuis 2002, le Gouvernement a ignoré toute préconisation dans ces trois domaines. Il n'en a retenu que les mesures répressives dans les différents textes votés depuis lors. Le projet de loi qui nous est aujourd'hui soumis en est une illustration encore plus cynique. Un de nos collègues a indiqué hier que l'on est habitué à l'immobilisme préélectoral ; nous sommes plutôt dans l'agitation préélectorale tous azimuts.
Toutefois, pour les raisons que j'ai évoquées, le groupe CRC vous demande, mes chers collègues, de voter pour la motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Mes chers collègues, la commission des lois vous demande bien évidemment de rejeter cette motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.
Vous venez de dire, ma chère collègue, qu'une effervescence politicienne ...
M. Robert Bret. On en reparlera !
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. ... aurait pu justifier quelque peu ce texte. (Protestations sur les travées de l'UMP.)
Mme Hélène Luc. Les associations vont être contentes !
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Je sais bien que « la bonne foi est toujours présumée, et c'est à celui qui allègue la mauvaise foi à la prouver ». Mais je suis si surpris à la lecture de l'objet de cette motion que je finis par me demander si vous avez suffisamment lu le projet de loi puisque vous ne pouvez pas faire preuve de mauvaise foi. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'exclame.)
Mme Hélène Luc. Quel mépris !
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Vous prétendez, par exemple, que les dispositions relatives à l'hospitalisation d'office menacent les libertés individuelles. Dois-je rappeler que la première décision en matière d'hospitalisation d'office peut être aujourd'hui prise par le maire sur le seul fondement de la notoriété publique ?
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales, et M. Georges Othily. Absolument !
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Désormais, ce sera totalement impossible.
Certes, vous n'êtes pas totalement responsable puisqu'un journaliste sur France 2 a commis hier la même erreur à propos des fichiers.
Aujourd'hui, les fichiers HOPSY concernent les personnes hospitalisées sous contrainte à la fois dans le cadre de l'hospitalisation d'office et à la demande d'un tiers. Demain, les personnes qui ne seront pas dangereuses pour autrui ou pour l'ordre public ne seront absolument plus concernées par ces fichiers.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ah, l'ordre public !
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Ainsi, objectivement, on ne peut que penser que la réforme qui sera mise en place demain sera beaucoup plus respectueuse des libertés publiques qu'aujourd'hui.
Vous avez également indiqué, ma chère collègue, que le rappel à l'ordre du maire risque de remettre en cause le principe de séparation des pouvoirs exécutif et judiciaire. La réprimande du maire dans son bureau ou, pour parler plus familièrement, la « remontée de bretelles », porterait donc atteinte au principe de la séparation des pouvoirs.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ce n'est pas la peine de nous dire cela ! C'est la méthode Coué !
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Je suis désolé, mais c'est ce qui est écrit dans l'objet de votre motion !
Enfin, l'application de mesures de composition pénale et de mesures alternatives aux poursuites constituerait une violation de l'égalité des droits. Mais, autant que je sache, les mesures alternatives aux poursuites existent déjà, et elles permettent d'éviter la mise en oeuvre plus lourde de l'action judiciaire.
Avec toute la bonne foi qui me caractérise, je ne trouve pas un seul argument valable qui justifierait l'adoption de votre motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité. C'est la raison pour laquelle je vous demande, mes chers collègues, de bien vouloir rejeter cette motion. (M. le président de la commission des affaires sociales applaudit.)
M. Robert Bret. Encore faudrait-il que vous ayez une majorité de sénateurs de droite !
Mme Hélène Luc. Il n'y a que sept sénateurs de droite !
M. Robert Bret. Marquez votre soutien au président de l'UMP, mes chers collègues !
M. Guy Fischer. C'est lamentable !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Estrosi, ministre délégué à l'aménagement du territoire. Madame Borvo Cohen-Seat, ce qui me satisfait dans votre intervention, c'est le fait que vous ayez reconnu l'efficacité de l'action du ministre d'État, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, dans la baisse de la délinquance.
M. Guy Fischer. Ce n'est pas vrai !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Ce sont vos propos ! Ce qui est paradoxal, c'est que, d'un côté, vous dites qu'il y a une baisse de la délinquance et, de l'autre, vous vous demandez pourquoi nous vous proposons un texte supplémentaire. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat proteste.)
MM. François Trucy et Jean-Patrick Courtois. Eh oui !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Nous savons tous qu'une baisse de la délinquance signifie des victimes épargnées, des traumatismes évités et des coupables sanctionnés. Or, vous n'avez pas manqué de me surprendre, madame Borvo Cohen-Seat, en disant aux Françaises et aux Français que le Gouvernement aurait tort d'avoir la volonté et la détermination d'aller plus loin pour assurer à chacune et chacun d'entre eux la première des libertés qu'est la sécurité individuelle. Cette seule introduction de votre part pourrait justifier à elle seule le fait que j'appelle l'ensemble de la Haute Assemblée à rejeter votre motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.
Je ne reviendrai pas dans le détail sur les raisons que vous avez invoquées pour justifier le vote de cette motion, car Jean-René Lecerf a particulièrement bien argumenté son raisonnement.
Le premier de ces motifs d'inconstitutionnalité devant justifier le rejet par le Conseil constitutionnel du projet de loi serait ainsi, mesdames, messieurs les sénateurs, le mépris du Parlement parce que c'est le septième texte que lui proposerait le Gouvernement !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Le huitième !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Permettez-moi de vous dire, madame Borvo Cohen-Seat, que ce motif d'inconstitutionnalité, je ne le comprends pas !
Il me semble même qu'au moins autant de textes - j'ai demandé à mes services de faire quelques recherches et, dans la matinée, je vous donnerai les chiffres - sur les thèmes de la justice et de la sécurité ont été présentés au cours de la précédente législature par le Gouvernement de M. Jospin que depuis 2002, et c'est bien le rôle d'un gouvernement que de proposer régulièrement au Parlement, justement parce qu'il le respecte, de modifier les textes pour les adapter aux évolutions de notre société.
Hélas ! comme le rappelait parfaitement hier le ministre d'État, la délinquance s'adapte, elle, en permanence aux évolutions de la société, notamment en matière de nouvelles technologies de l'information et de la communication. Nous savons par exemple qu'elle se développe dans certains lieux publics comme les cyber-cafés. Si les parlementaires de l'opposition n'avaient pas retardé, en déposant un recours devant le Conseil constitutionnel, l'entrée en vigueur d'un certain nombre de décrets d'application de la loi relative à la lutte contre le terrorisme, dans le cadre de laquelle nous avions pris des dispositions dans ce domaine, peut-être aurions-nous pu éviter plusieurs drames dans notre pays !
M. Guy Fischer. Nous voilà accusés !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. On est en pleine campagne !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Chacun se souvient d'Ilan Halimi...
Il est donc du devoir du Gouvernement de proposer en permanence au Parlement, par respect pour celui-ci, un débat auquel chaque sénateur, chaque député puisse apporter sa contribution pour qu'enfin nous prenions une longueur d'avance sur l'évolution de la délinquance. Mais de contribution de votre part, je n'en ai trouvé aucune trace dans votre intervention, madame Borvo Cohen-Seat, et c'est un temps de retard que vous nous suggérez de prendre !
D'ailleurs, vous parlez de mépris du Parlement, mais c'est de votre mépris des élus locaux et de la place du maire dans notre organisation tant institutionnelle que territoriale que témoigne un autre « motif » d'inconstitutionnalité que vous invoquez.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ne faites pas comme si tous les maires vous approuvaient !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Non seulement un maire doit avoir le droit de disposer des informations nécessaires, mais il est le mieux placé, de par ses relations avec l'ensemble de ses administrés, pour les porter à la connaissance des différentes institutions concernées et contribuer à éviter des drames.
Je vous rappelle à ce propos qu'il s'agit d'un texte de prévention et non pas de sanction de la délinquance.
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Nous préférons en effet prévenir qu'avoir à guérir, madame Borvo Cohen-Seat.
En soumettant au Parlement ce texte, qui est bien un texte de prévention, nous espérons que, dans quelques mois ou dans quelques années - et je crois que, tous ensemble, nous aurons alors gagné -, la justice française aura moins souvent à sanctionner les mineurs parce que, grâce aux effets des politiques d'anticipation dont nous proposons aujourd'hui la mise en oeuvre, il y aura moins de comportements délinquants et donc moins de drames dans notre pays.
L'ambitieuse réforme de l'ordonnance de 1945 visant à adapter celle-ci aux mineurs de 2006 en donnant la primauté à l'éducatif et en respectant la spécialisation de la justice des mineurs va bien dans ce sens.
J'ajoute, car ce point est fondamental, que nous ne proposons évidemment pas une quelconque confusion entre les pouvoirs exécutif et judiciaire. En aucune manière, nous ne souhaitons faire du maire, contrairement à ce que vous dites, un procureur amateur ou un juge occasionnel. Chacun doit rester à sa place.
Le rappel à l'ordre que le maire pourra prononcer n'est pas une mesure juridictionnelle.
Enfin, s'agissant de la question des fichiers, à laquelle Jean-René Lecerf vous a parfaitement répondu, je puis vous confirmer, madame Borvo Cohen-Seat, tout le soin que nous avons apporté à examiner avec attention l'avis rendu par la Commission nationale de l'informatique et des libertés.
Plusieurs ajustements du projet de loi proposés en commission permettront en outre, avec l'avis favorable du Gouvernement, d'améliorer encore, je n'en doute pas, les garanties apportées aux personnes faisant l'objet des traitements automatisés que la loi crée ou développe.
À vous entendre, madame Borvo Cohen-Seat, une fois encore le Gouvernement présente à la représentation nationale un texte qui bafoue les principes de notre Constitution.
J'observe que ce projet de loi a été soumis à l'examen du Conseil d'État, qui n'a pas estimé devoir le désapprouver, ce qui signifie sans doute qu'il ne heurte pas de front les principes généraux du droit, mais j'observe aussi que vous aviez déjà tenu le même discours à la fin de la dernière session, alors que nous débattions du projet de loi relatif à l'immigration et à l'intégration. Nous avions eu droit, dans un autre registre, aux mêmes grandes déclarations de votre part sur le fait que le Conseil constitutionnel vous donnerait raison. Pourtant il a écarté chacun des griefs que vous avez soulevés ...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il est là pour cela !
M. Guy Fischer. Très bien, monsieur Dreyfus-Schmidt !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. ...et il a confirmé en tout point la parfaite constitutionnalité du texte qui avait été adopté. Mais, sachant que rien ne vous sert de leçon, je me contente de faire ce rappel pour mémoire.
Je me permets simplement de former le voeu qu'au cours de la discussion, article après article, madame Borvo Cohen-Seat, vous qui avez plutôt l'habitude de détruire que de construire,...
M. Guy Fischer. Facile !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. ... vous ne vous contenterez pas d'allégations, car j'espère pouvoir débattre à partir d'arguments précis.
Pour l'heure, vous n'avez présenté aucun argument démontrant que le projet de loi méconnaîtrait les principes constitutionnels et c'est la raison pour laquelle j'invite la Haute Assemblée à rejeter votre motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. Je mets aux voix la motion n° 3, tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.
Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission des lois.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 220 :
Nombre de votants | 329 |
Nombre de suffrages exprimés | 329 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 165 |
Pour l'adoption | 119 |
Contre | 210 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Question préalable
M. le président. Je suis saisi, par MM. Bel, Peyronnet, Godefroy et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, d'une motion n° 1, tendant à opposer la question préalable.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l'article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi relatif à la prévention de la délinquance (n° 433, 2005-2006).
La parole est à M. Louis Mermaz, pour la motion.
M. Louis Mermaz. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, prévenir la délinquance, qui parmi nos groupes pourrait être contre ?
M. Robert Bret. Évidemment !
M. Louis Mermaz. Au cours de la dernière année, la situation s'est très sensiblement détériorée. On enregistre, ce qui est inquiétant, davantage de violences graves contre les personnes : plus 27 % en quatre ans.
On nous dira qu'il faut dorénavant distinguer entre violences non crapuleuses et violences crapuleuses. Le professeur Diafoirus n'aurait pas trouvé mieux : si vous vous faites « casser la figure » dans la rue, mais qu'on vous laisse votre portefeuille et votre portable, je ne suis pas sûr que vous trouviez une consolation dans le fait que l'attaque n'était, finalement, pas crapuleuse !
Mais ne perdons pas trop de temps, monsieur le ministre, à débattre de chiffres. Je pense comme Mme Borvo Cohen-Seat que le seul fait que le Gouvernement dépose un texte de plus prouve que, contrairement à ce que prétend le discours officiel, la situation ne s'est pas tellement arrangée. Les magistrats commencent d'ailleurs à avoir le tournis : le code pénal est sans arrêt malaxé, et tout le monde finit par y perdre son latin et même son français !
En fait, on a retiré la police nationale des quartiers difficiles...
M. Guy Fischer. Voilà la vérité !
M. Louis Mermaz. ...où elle intervient plutôt pour des opérations « coup de poing » médiatisées qui ne règlent rien quand elles n'aggravent pas la situation.
M. Guy Fischer. C'est du spectacle !
M. Louis Mermaz. Cette carence est d'autant plus préjudiciable qu'il a été mis fin depuis quatre ans à la police de proximité, qui obtenait de bons résultats. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
La désertion de quartiers entiers par la police nationale sur instruction du Gouvernement est un scandale permanent dont les maires de beaucoup de villes, quelle que soit d'ailleurs leur opinion politique, témoignent souvent.
Les causes du durcissement de la délinquance sont multiples : la misère sociale, les inégalités, la pauvreté, la précarité, le sentiment d'abandon de populations entières, la déshérence culturelle qui livre les jeunes aux pratiques de la violence par l'intermédiaire de certaines émissions de télévision...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Absolument !
M. Louis Mermaz. ...ou de certains jeux vidéos, sources de profits importants pour des chaînes et des entreprises.
M. Guy Fischer. Et quelles chaînes !
M. Louis Mermaz. Dans le même temps, on constate que les moyens dont disposaient jusqu'alors les travailleurs sociaux ont été considérablement réduits.
Les associations ont vu leurs subventions diminuer.
Quant à la protection judiciaire de la jeunesse, elle est traitée en parent pauvre et même si vous nous parlez d'un certain pourcentage d'augmentation, on part de si peu !
Les collèges dans les quartiers difficiles ne disposent pas des moyens nécessaires pour remplir leurs missions. Ajoutez à cela l'indigence des services de la justice et vous aurez alors les causes essentielles de la crise actuelle dont le Gouvernement porte la responsabilité.
Depuis 2003, le ministère de l'intérieur a cru répondre à l'urgence de la situation en préparant ce projet de loi. Il aurait eu tout le temps d'écouter les personnes qui, pour le vivre, connaissent le sujet et d'engager une vraie réforme, efficace et juste. Il eût fallu d'abord ouvrir les yeux ou bien se les laisser ouvrir, réfléchir sérieusement aux moyens tant humains que financiers, ne pas se laisser enfermer dans une politique du coup de menton.
Les acteurs du présent dossier que le groupe de travail des sénateurs socialistes a longuement reçus ne nous ont pas donné l'impression d'être, contrairement à ce que nous disait hier soir M. Hortefeux, aussi satisfaits de la concertation et des échanges que le Gouvernement aurait eus avec eux.
Vous nous proposez, monsieur le ministre, toute une série de dispositions législatives qui ne régleront rien, bien au contraire, tant elles sont mal ciblées et dangereuses pour la société et les libertés.
Politique du coup de menton, disais-je.
Je dois constater qu'hier soir M. Hortefeux s'est comporté différemment de M. Sarkozy. En effet, alors que le ministre d'Etat, tout feu tout flamme, brandit le sabre, le ministre délégué, dans un exposé brillant, s'est présenté devant nous les bras plein de rameaux d'olivier !
M. Robert Bret. Il n'est pas candidat à la présidence de la République !
M. Louis Mermaz. Il s'est livré à un exercice consistant à féliciter et à encourager les uns à la fermeté, je pense en particulier à nos collègues Jean-Claude Carle et Philippe Goujon, et à apporter apaisements et paroles conciliantes aux membres de l'opposition dans l'attente de la discussion de leurs amendements, entourant de la sorte ses propos de l'atmosphère obscure qui semblait lui convenir. Mais soyons lucides : il faudrait reprendre le texte à la base et c'est pourquoi je défends cette question préalable.
Il conviendrait de mettre en oeuvre une politique de prévention, alors que le projet de loi qui nous est soumis, ainsi que l'ont dit de nombreux orateurs, est essentiellement répressif.
Le ministre de l'intérieur ne déclarait-il pas le 4 février 2003, à Toulouse : « La meilleure prévention, c'est la sanction », ou encore, à Sens, le 24 mai dernier : « La sanction est une partie intégrante de la prévention » ? Telle est bien la philosophie de ce texte. Or, pour notre part, c'est justement avec ce concept de répression préventive que nous ne sommes pas d'accord, dans la mesure où il s'agit, selon nous, d'un contresens absolu. On comprend comment, tout au long de la préparation de ce projet de loi, le ministère de l'intérieur a su mettre sous tutelle les ministères de la justice, de la santé et quelques autres.
Je prendrai quelques exemples.
Le Gouvernement voudrait entraîner sur le terrain qu'il a choisi les maires en leur demandant d'être les pivots de cette pseudo-prévention à finalité répressive, alors qu'ils n'ont pas attendu ce projet de loi pour faire de la prévention comme ils respirent !
Mme Hélène Luc. Heureusement !
M. Louis Mermaz. Et on leur demanderait maintenant, dans un esprit bien différent, de ficher, par exemple, l'absence d'assiduité scolaire des enfants de leur commune, de recueillir des informations confidentielles touchant à la vie privée auprès des travailleurs sociaux et des professionnels de santé au mépris du respect du secret professionnel !
En outre, ils devraient intervenir systématiquement dans les placements d'office en hôpital psychiatrique et seraient informés de l'identité et du suivi des malades mentaux, désormais inscrits dans un fichier national. J'ai bien écouté ce qu'a déclaré notre rapporteur Jean-René Lecerf. Nous lui donnons rendez-vous au moment de la discussion des amendements que nous avons déposés sur ce sujet.
Les maires entreraient ainsi dans la chaîne pénale soit par des rappels à l'ordre - ils pourraient donc par la suite se voir convoqués au tribunal en tant que témoins à charge -, soit par le déclenchement de mesures d'accompagnement parental, ou encore par des demandes de mise sous tutelle des allocations familiales qui pourraient être adressées aux juges, voire directement aux directeurs des caisses d'allocations familiales.
Nous estimons qu'il ne doit pas y avoir confusion dans les responsabilités et que les maires doivent non pas être transformés en supplétifs de la police, mais continuer de disposer d'une autorité morale intacte pour agir en médiateur. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Pour ce faire, ils doivent être tenus au courant des faits délictuels qui se produisent dans leur commune - et c'est d'ailleurs bien ce qui se passe aujourd'hui, car les maires ne sont pas des gens enfermés dans une bulle -, c'est-à-dire qu'ils doivent être informés sans avoir à se substituer, à quelque moment que ce soit, à l'État.
On ne le répétera jamais assez, nous avons pu mesurer le rôle important des maires comme médiateurs lors de la crise des banlieues de novembre dernier. Or, s'ils acceptaient aujourd'hui de se livrer - je n'ai pas peur des mots - à un certain contrôle social, policier ou pseudo-judiciaire de leur population, ils ne seraient plus à même d'agir selon l'essence même de leur pouvoir fondé sur un minimum de confiance et même, très souvent, d'estime. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Dans le même ordre d'idée, les travailleurs sociaux, les professionnels de santé et d'éducation doivent demeurer à l'écoute des jeunes et des familles en difficulté, s'enquérir de leurs souffrances en toute confidentialité, les conseiller, les détourner des tentations et leur ouvrir la voie de l'espoir, aussi difficile que cela soit dans la société actuelle où l'injustice sociale est, hélas, pour beaucoup la règle !
Un second volet du texte concerne les mineurs, entendons en fait ceux qui appartiennent aux milieux sociaux défavorisés.
Après les reculs des lois Perben, c'est à nouveau l'ordonnance de 1945, oeuvre des hommes issus de la Résistance, qui est entamée, ordonnance qui privilégiait l'éducatif sur le répressif et instituait une justice spéciale pour les mineurs en prenant en compte cette notion fondamentale de discernement. Or, faisant fi de cet aspect humain et psychologique, vous ciblez désormais l'enfant de dix à treize ans, prévoyant son placement en internat spécialisé pour un an.
M. Guy Fischer. C'est inadmissible !
M. Louis Mermaz. Vous étendez la mesure de composition pénale à la disposition du procureur aux mineurs dès l'âge de treize ans, comme si ces derniers étaient en mesure, même accompagnés de leurs parents, souvent issus de milieux modestes, de faire front à ce que le procureur va pouvoir leur dire ou leur proposer ! Il y a donc là une inégalité dans les comportements.
Vous prévoyez, en outre, la présentation immédiate au tribunal pour enfants aux fins de jugement - façon détournée de parler de comparution immédiate - des mineurs de seize à dix-huit ans, ce qui ne permettra pas, faute d'une instruction juste, une prise en compte sérieuse de la personnalité, du parcours et de l'environnement social du jeune ; en d'autres termes, cela reviendra tout simplement à une justice hâtive.
Enfin, les moins de seize ans pourront désormais être placés sous contrôle judiciaire dès la première infraction. S'ils ne respectent pas ce contrôle judiciaire, ils seront dirigés vers un centre d'éducation fermée qui, contrairement à la formule, n'est pas vraiment fermé, et, s'ils se dérobent à cette décision, ils connaîtront alors la prison sous forme de détention provisoire.
Dans ce climat répressif, on constate purement et simplement que vous souhaitez accroître les pouvoirs des procureurs de la République au détriment des juges qui seraient trop indépendants. Vous pensez, en effet, que le procureur - ce qui, d'ailleurs n'est pas toujours le cas - sera davantage « dans la main » du procureur général et du Gouvernement.
Pourquoi remettre en cause le rôle des juges des enfants qui font un excellent travail ? Le rapport de la commission d'enquête sénatoriale de 2002 sur la délinquance des mineurs ne dressait-il pas le constat que la justice des mineurs n'était pas laxiste ?
Le taux de réponses pénales dans les affaires les impliquant a été de 85 % en 2005. Par conséquent, s'il y a un problème, il se situe en amont et tient au faible taux d'élucidation des affaires par les services de police. Ce taux est d'un tiers, sachant qu'un cas sur cinq seulement est connu d'elle, ce qui s'explique en grande partie par le retrait de la police de nombreux quartiers où il se commet deux fois plus d'agressions que dans le reste du pays.
Le travail des juges des enfants est, à cet égard, tout à fait bénéfique puisque 90 % des jeunes dont ils ont traité l'affaire n'ont pas récidivé ; il s'avère que 5 % seulement d'entre eux s'ancreraient dans la délinquance, ce qui implique non pas que l'on baisse les bras, mais que, là aussi, on mette en oeuvre de nouveaux moyens adaptés.
Dès lors, pourquoi accroître les prérogatives des procureurs qui auraient compétence pour décider s'il convient de prévoir pour tel ou tel mineur un stage de formation civique, un suivi de scolarité ou une formation professionnelle, voire la surveillance d'une décision de placement dans un établissement public ou privé, la consultation d'un psychiatre ou d'un psychologue, ou encore l'exécution d'une mesure d'activité de jour ?
Pourquoi confier au procureur ou au président du tribunal de grande instance l'audiencement, alors que les délais, souvent longs, il est vrai, s'expliquent uniquement par l'insuffisance du nombre de greffiers et par l'encombrement des juridictions ? Pourquoi, au lieu de créer des moyens adaptés, vous défausser en voulant dessaisir le juge des enfants ? Je répète ma question : pourquoi un tel dessaisissement ?
En fait, ce projet de loi, dans la logique de la loi pour la sécurité intérieure de mars 2003 qui visait à réprimer les concentrations dans les halls d'immeubles, la mendicité, la prostitution, les gens du voyage, le nomadisme et réservait un régime spécial et un régime de contrainte à certaines catégories de population, vise à la mise en place d'un contrôle social, voire politique de populations considérées comme dangereuses ou suspectes.
Comment ne pas relever que ces nouvelles dispositions sont en contradiction avec la Charte des droits de l'enfant de l'ONU, dont la France est, bien entendu, signataire ?
Avant de vous inviter, mes chers collègues, à voter la motion tendant à opposer la question préalable, je tiens à affirmer une nouvelle fois que le combat pour la sécurité n'est pas dissociable de la volonté de construire une société plus juste. Il n'y a pas, d'un côté, des gens comme il faut qu'il conviendrait de protéger et, de l'autre, des gens qui seraient enclins à de mauvais comportements, donc voués à la sanction, à l'enfermement, au refoulement et, en fin de compte, à l'exclusion sociale.
Il existe dans notre pays des enfants, des jeunes qui souffrent parce que leur famille présente des carences graves. Cela peut être la faute des parents, mais, généralement, cette situation résulte du fait que ces derniers sont eux-mêmes malheureux, en proie à la misère et à la pauvreté. Il y a aujourd'hui dans nos villes des enfants dont les parents n'ont pas assez d'argent pour acquitter le prix de la cantine scolaire. Souvent, l'école n'a pas les moyens de leur offrir le contrepoids nécessaire par manque d'enseignants spécialisés, d'éducateurs, de médecins scolaires, de surveillants, ni de leur assurer, en plus de l'enseignement de base, l'apprentissage de la vie commune, l'ouverture aux autres, et ce malgré le mérite des maîtres qui accomplissent leur tâche au milieu de grandes difficultés.
À ce propos, j'invite le Gouvernement à lire le livre émouvant, publié récemment, de cette enseignante d'arts plastiques qui a été poignardée à Étampes.
Ces mêmes enfants ne connaissent pas non plus le monde des loisirs, enfermés qu'ils sont dans leurs quartiers et, de ce fait, livrés à la rue et à ses tentations.
Ce n'est pas par une répression accrue que l'on réglera les problèmes de tranquillité publique et d'harmonie sociale. Il faut s'attaquer aux racines du mal et en même temps donner la priorité à une vraie prévention.
Là aussi, il convient de mettre en place les moyens humains et financiers nécessaires, de former des hommes et des femmes aux métiers de la prévention, de permettre à tous les acteurs de travailler en réseau non seulement pour comprendre et écouter, mais aussi pour trouver des réponses à l'attente des jeunes, ce qui suppose, bien entendu, une transformation en profondeur de la société.
Or, faute d'ouvrir des perspectives aux jeunes, vous multipliez les effets d'affichage et, plus la situation s'aggrave, plus vous tentez d'accréditer l'idée que la répression est nécessaire. Plus cela va mal, plus vous tentez de faire croire que vous êtes indispensable !
C'est cette logique perverse que nous voulons briser pour retrouver les voies de la République et de la démocratie. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Monsieur Mermaz, il y a deux façons de voir le monde : soit on le regarde tel qu'il est, soit on le regarde tel que l'on souhaiterait qu'il soit.
S'agissant des chiffres en matière de réitération de la délinquance des mineurs, ceux dont je dispose et qui, je crois, ne sont guère contestables, sont tout de même beaucoup moins angéliques que ceux qui viennent de nous être présentés.
C'est ainsi que la part des mineurs jugés plus d'une fois au cours des douze derniers mois s'établit à 18,5 %. Une étude menée en 2002, sous les auspices du ministère de la justice, précisait que, sur 18 000 mineurs condamnés en 1996, plus de 49 % avaient été condamnés à nouveau dans les cinq années suivantes, qu'ils aient ou non été encore mineurs lors de cette seconde condamnation.
Notre conception est moins manichéenne que celle de M. Mermaz, qui en est resté à un monde où il y aurait, d'un côté, la sanction et, de l'autre, l'éducation.
Nous sommes, quant à nous, beaucoup plus favorables à la notion de sanction éducative. Nous pensons d'ailleurs que toute une série de dispositifs existent dans ce domaine, qu'il s'agisse du travail d'intérêt général ou d'un grand nombre d'alternatives aux poursuites, qui, si elles présentent, certes, un caractère de sanction par rapport à des faits inacceptables, sont néanmoins largement éducatives et permettent d'espérer que la récidive sera évitée.
Pour toutes ces raisons, la commission vous demande, mes chers collègues, de rejeter cette motion tendant à opposer la question préalable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Monsieur Mermaz, vous avez tenté d'opposer la parole du ministre d'État à celle de son ministre délégué. Or c'est par ma voix que le ministre d'État s'exprime aujourd'hui. Sur ce terrain, vous ne nous prendrez jamais en défaut !
Ce texte, qui est présenté par le ministre d'État, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, est d'abord celui du Gouvernement. Sachez que, quelle que soit la forme de l'expression, c'est animés de la même conviction que Nicolas Sarkozy, Brice Hortefeux et moi-même défendons ce texte voulu par le ministre de l'intérieur et qui apporte une réponse concrète à une vive préoccupation de l'ensemble de nos concitoyens.
Monsieur Mermaz, au nom du ministre d'État et du Gouvernement tout entier, je tiens à vous dire que nous n'accepterons jamais que vous mettiez en cause l'action de la police. Oser dire que l'action de la police créerait aujourd'hui plus de désordre que lorsque vous meniez une prétendue politique de police de proximité est une injure inacceptable à l'égard de ce corps !
M. Jean-Patrick Courtois. Très bien !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Les policiers méritent d'être respectés : ils ont fait un choix de métier, ils ont fait un choix d'engagement au service des personnes et des biens. Que ce soit sous un gouvernement de gauche ou sous un gouvernement de droite, ils servent tout simplement la République. À ce titre, ils méritent le respect de la représentation nationale ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP. - M. Bruno Retailleau applaudit également)
Quant au bilan de votre fameuse police de proximité, monsieur Mermaz, vous avez essayé de nous expliquer par je ne sais quelle formule et quelle acrobatie que l'action de la police de proximité avait donné des résultats. Pour moi, ce n'était qu'une petite police de politesse, ...
Mme Hélène Luc. Elle a donné des résultats !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. ...le policier de proximité priant gentiment le jeune de la cité de disparaître de sa vue et d'aller fumer son joint un peu plus loin, pour que cela ne fasse pas de vague. Car c'était cela, l'objet principal de la police de proximité : ne pas créer de problèmes dans la cité, même si, pour cela, il fallait faire semblant de ne rien voir !
M. Guy Fischer. C'est une injure à la police !
M. Jean-Pierre Sueur. C'est caricatural !
M. Guy Fischer. C'est une vision partisane !
M. Charles Gautier. Vous insultez la police !
M. Pierre-Yves Collombat. C'est une critique déplacée !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Nous avons, nous, fait un choix différent, celui d'agir, et les résultats sont là.
Que vous le vouliez ou non, monsieur Mermaz, l'action de votre police de proximité s'est traduite - l'état 4001 est là pour en témoigner -, par une augmentation de 14,5 % de la délinquance entre 1998 et 2002. Depuis que nous sommes passés à une police d'action, la délinquance a baissé de 9 % dans l'ensemble de notre pays. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Jean-Pierre Sueur. Les violences aux personnes ont augmenté de 27 % !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Les résultats sont incontestables ; il est donc inutile d'essayer de les maquiller ou de les habiller à votre manière comme vous le faites. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Parallèlement, le nombre de gardes à vue et de placements sou écrou a augmenté. Nous ne pouvons que nous réjouir de cette évolution.
Et, pendant ce temps, une fois de plus enfermés dans vos idéologies et dans vos dogmes fumeux ... (Protestations sur les mêmes travées.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Vous élevez le débat, monsieur le ministre délégué !
M. Christian Estrosi, ministre délégué.... vous vous efforcez, encore et toujours, d'édulcorer les comportements des uns et des autres. Pour vous, voler un portable, agresser une dame âgée dans la rue, ce ne serait pas qualifiable de crapuleux ! Eh bien, pour moi, cela relève tout simplement d'un comportement crapuleux !
Mme Hélène Luc. Ce n'est pas vrai !
M. Jean-Pierre Michel. Et détourner l'argent public de la ville de Nice, ce n'est pas crapuleux ?
M. Jean-Pierre Michel. À certains qui sont sur ces bancs !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Vous vous adressez à des sénateurs sur ces bancs ? Vos propos seront publiés au Journal officiel et vous aurez à en répondre.
M. le président. Monsieur Michel, voulez-vous prendre la parole ? (M. Jean-Pierre Michel fait un signe de dénégation.)
Dans ce cas, veuillez poursuivre, monsieur le ministre délégué.
M. Christian Estrosi, ministre délégué. M. Mermaz soutient que ces actes ne sont en rien crapuleux. Cette perception s'inscrit parfaitement dans le droit fil de ce vocabulaire édulcoré que l'on a entendu pendant si longtemps, grâce auquel une agression quelconque devenait une petite « incivilité » !
Quel mot extraordinaire que celui d'incivilité !
À cette époque, la délinquance n'existait pas : seul régnait un « sentiment » de délinquance... De la même façon, lorsqu'une dizaine de jeunes attentaient à l'intégrité physique d'une jeune fille, ce n'était qu'une tournante, ce n'était pas un viol ! (Vives protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Charles Gautier. Mais qu'est-ce que vous racontez ?
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. De quoi parlez-vous ?
M. Guy Fischer. C'est de la provocation !
M. Pierre-Yves Collombat. C'est honteux !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est la police qui disait qu'il n'y avait pas viol !
M. Guy Fischer. C'est scandaleux de la part d'un ministre ! Ces arguments sont bas !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Et voilà comment, tout doucement, une espèce de venin a été instillée dans la conscience collective.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous êtes ministre, pas bateleur !
M. Pierre-Yves Collombat. Quelle honte !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il fait sa campagne électorale !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Il fallait bien qu'à un moment un comportement de voyou soit reconnu comme tel, que son auteur ait seize ans ou trente ans ! Quand on a un comportement barbare, que l'on ait seize ans ou trente ans, on a un comportement barbare, monsieur Mermaz ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Ce sont les seules vérités qu'il nous appartient d'affirmer ici, dans cette assemblée !
Alors, oui, les dispositions du projet de loi relatif à la prévention de la délinquance ont pour objectif principal de répondre rapidement, sur le plan judiciaire, par des mesures et sanctions éducatives et des peines adaptées aux délits commis par les jeunes.
M. Charles Gautier. C'est mal parti !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Les grands principes de l'ordonnance de 1945 ne sont pas négligés : ils sont au contraire réaffirmés. Ainsi, la mesure éducative d'activité de jour permettra de mieux insérer professionnellement les mineurs et donc de prévenir la délinquance. Il faut à tout prix lutter contre le sentiment d'impunité qui peut se développer chez certains jeunes. Faire en sorte que ceux-ci soient jugés plus rapidement, c'est leur permettre de prendre conscience de la gravité de leurs actes et les responsabiliser. C'est aussi cela, une démarche éducative.
Enfin, il n'est pas question de faire du maire un shérif ou un procureur : le rappel à l'ordre n'est pas une mesure juridictionnelle. Il n'est pas question non plus d'en faire le seul acteur de la prévention : cela n'aurait pas de sens. Il s'agit d'en faire un coordonnateur de l'action territoriale mieux informé et plus à même qu'aujourd'hui de passer le relais aux autres intervenants.
Mme Hélène Luc. Cela crée la confusion !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Je suis moi-même président de conseil général : que ce soit en matière d'action sociale, d'action préventive ou de protection de l'enfance, qui relève des présidents de conseils généraux, les politiques que mène mon département sont regardées comme exemplaires. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC)
Je serais d'ailleurs bien heureux qu'une meilleure coordination avec les maires donne à ces politiques de prévention une efficacité beaucoup plus concrète au quotidien - les maires la réclament d'ailleurs. Il ne s'agit que de cela et c'est la plus-value que le Gouvernement entend apporter à travers ce texte.
Monsieur Mermaz, il y a trop de détresse dans notre pays, trop d'enfants livrés à eux-mêmes, et trop d'exigences insatisfaites, aussi, ...
M. Jean-Pierre Godefroy. C'est le bilan de Nicolas Sarkozy !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. ... pour que nous, responsables politiques, manquions l'occasion qui nous est offerte par le débat d'aujourd'hui et ne fassions pas en sorte d'aider les plus déshérités, les plus modestes, les plus défavorisés, tous ceux qui, malheureusement, dans un certain nombre de quartiers et de cités de notre pays, n'ont pas été traités avec justice et équité, et ce au nom d'un égalitarisme de principe qui a longtemps été revendiqué sur certaines de ces travées.
En ce qui nous concerne, nous voulons dépasser cet égalitarisme pour donner plus à ceux qui sont plus faibles, à ceux qui sont les plus en difficulté.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Mais oui, votre politique en témoigne tous les jours !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Par ce projet de loi relatif à la prévention de la délinquance nous entendons mobiliser tous les moyens au service de ceux qui ont besoin d'être mieux accompagnés...
M. Guy Fischer. Les inégalités s'accroissent !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. ...pour que, demain, la délinquance des mineurs diminue et qu'il y ait moins à sanctionner.
Telle est notre détermination. C'est la raison pour laquelle j'appelle au rejet de cette motion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur les travées de l'UMP. - M. Bruno Retailleau applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Louis Mermaz, pour explication de vote.
M. Louis Mermaz. Je ne surprendrai personne en disant que notre groupe votera cette motion. Je veux cependant profiter de mon intervention pour mettre quelques points sur les « i » de M. le ministre délégué, qui ne m'a pas l'air bien réveillé. (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Monsieur le ministre délégué, je trouve étonnant que vous fassiez de pareils contresens. Pourtant, vous n'êtes pas sourd !
Monsieur le ministre délégué, je reproche au Gouvernement d'avoir retiré d'un certain nombre de villes et de quartiers la police nationale, là où sa présence est pourtant indispensable. Je n'ai pas mis en cause la police, mais bien le Gouvernement. C'est vous, monsieur le ministre délégué, qui avez mis en cause la police de proximité,...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Oui, et c'est honteux !
M. Louis Mermaz. ...en affirmant que ses agents n'étaient là que pour regarder ailleurs quand les jeunes fument leur joint !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Propos d'estrade !
M. Louis Mermaz. Vous avez l'air d'oublier que la police de proximité était composée de policiers professionnels, monsieur le ministre délégué ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) C'est donc bien vous qui avez insulté la police !
Je n'ai pas la religion de la police. Il est des policiers excellents : ma section socialiste à Vienne en compte deux qui viennent de prendre leur retraite et avec lesquels nous avons fait du très bon travail ! Il y a, de même, des syndicats de police qui comprennent ce qu'on leur dit.
Mme Hélène Luc. Absolument !
M. Louis Mermaz. Au demeurant, les policiers sont comme tous les fonctionnaires : certains sont bons, d'autres le sont moins. Il n'est donc nullement nécessaire de sacraliser la police, composée de fonctionnaires au service de la République qui se comportent souvent très bien ; il suffit de sanctionner les auteurs de bavures, sachant que leurs actes ne doivent pas ternir la réputation d'un corps tout à fait respectable.
Tout cela pour dire, monsieur le ministre délégué, que vous n'avez pas le privilège de défendre la police nationale. (Nouveaux applaudissements sur les mêmes travées.) Je vous reproche simplement de la retirer des quartiers et des villes où elle devrait être présente !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Très bien !
M. Louis Mermaz. Pour ce qui est de la qualification de crapuleux, vous avez encore fait mine de ne pas comprendre mes propos. Si j'ai parlé de Professeur Diafoirus, c'est parce que, pour moi, tout crime est forcément crapuleux ! Ce n'est pas moi qui ai inventé cette distinction absurde entre délit crapuleux et délit non crapuleux ! J'ai d'ailleurs pris l'exemple d'une personne agressée physiquement : même si on ne lui vole pas son téléphone portable, elle est victime d'un acte crapuleux. Si elle est blessée et volée, c'est tout aussi crapuleux ! Alors, ne faites pas comme si vous n'aviez pas compris !
Et comment osez-vous vous soutenir que des élus socialistes aient pu prétendre qu'un viol n'était « qu'une tournante » ?
M. Charles Gautier. Quelle honte !
M. Jacques Mahéas. C'est scandaleux !
M. Louis Mermaz. Je vous mets au défi de me citer le nom d'un élu socialiste qui ait pu prononcer une phrase aussi scandaleuse.
Vous ne vous comportez pas ce matin, monsieur, comme un ministre, mais comme un provocateur ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) Je vous demande donc de revenir à un ton qui soit digne du Sénat !
M. Jacques Mahéas. Irrespect du Sénat !
M. le président. Je mets aux voix la motion n° 1, tendant à opposer la question préalable.
Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission des lois.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 221 :
Nombre de votants | 328 |
Nombre de suffrages exprimés | 326 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 164 |
Pour l'adoption | 125 |
Contre | 201 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Demande de renvoi à la commission
M. le président. Je suis saisi, par MM. C. Gautier, Peyronnet, Godefroy et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, d'une motion n° 79 tendant au renvoi à la commission.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l'article 44, alinéa 5, du règlement du Sénat, le Sénat décide qu'il y a lieu de renvoyer à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, le projet de loi relatif à la prévention de la délinquance (n° 433, 2005-2006).
La parole est à M. Charles Gautier, auteur de la motion.
M. Charles Gautier. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, j'ai l'honneur de présenter, au nom de mon groupe, la motion que nous avons déposée tendant au renvoi en commission du projet de loi relatif à la prévention de la délinquance.
Nous y avons été poussés tout d'abord par une raison toute simple : le temps imparti pour la préparation de ce texte a été nettement insuffisant. On peut même parler de conditions d'examen du projet de loi inconvenantes et irrespectueuses à l'égard du Parlement.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Absolument !
M. Charles Gautier. Certes, la commission des lois a procédé à de nombreuses auditions, mais ces dernières ont eu lieu au mois d'août et trop peu de sénateurs ont pu y participer.
De surcroît, les présidents des deux assemblées ne déplorent-ils pas eux-mêmes depuis longtemps déjà la surenchère législative qui fait que, chaque année, le Parlement siège systématiquement en session extraordinaire et que, chaque année aussi, il dépasse le précédent record du nombre d'heures de séance publique ?
Lors de la séance d'ouverture de l'actuelle session extraordinaire, vous-même, monsieur le président, vous nous invitiez, sur les conseils de M. le Premier ministre, à « donner une nouvelle impulsion à la procédure des études d'impact » Où est aujourd'hui cette procédure ? En l'espèce, elle fait cruellement défaut.
Une telle précipitation est-elle justifiée, alors que nous examinons un texte que nous attendions depuis quatre ans ?
La longueur de la préparation de ce texte démontre bien qu'il n'y avait aucune urgence particulière et, surtout, que le sujet, complexe et touchant de nombreux domaines, demande un travail approfondi.
Mais entrons plutôt dans le vif du sujet, la prévention de la délinquance.
Une première question vient à l'esprit sitôt faite la lecture du projet de loi : pourquoi ce texte est-il présenté par le ministre de l'intérieur ? Il vise des domaines tellement divers que l'on comprendrait mieux qu'il relève plutôt du Premier ministre.
Aussitôt après se pose une seconde question : pourquoi avoir retenu l'intitulé « prévention de la délinquance » ?
En effet, ce texte porte très mal son titre, car il mélange des mesures bien différentes. Par certaines, très pragmatiques, on tente d'entraîner l'adhésion de nombreux élus locaux, notamment des maires. Ce sont d'ailleurs les rares dispositions qui touchent à la prévention pure et simple.
Monsieur le ministre délégué, les élus se rendent bien compte qu'en réalité, vous ne faites que consacrer des mesures qui existent déjà ou entériner des situations de fait.
En fait, vous vous appropriez le talent et le dévouement que déploient les maires sur le terrain. Ce projet de loi n'apporte rien. Bien au contraire, il ne fait que rigidifier les rapports sur place et les rend donc moins efficaces.
En cet instant, je parle du rôle du maire dans la politique locale de sécurité.
Dans les villes où se manifeste une volonté de lutter contre l'insécurité et de préserver le droit des citoyens à vivre en paix, les maires travaillent au quotidien et ils utilisent déjà les outils mis à leur disposition par l'État.
Ainsi, lorsque la gauche a créé les conseils communaux de prévention de la délinquance, les CCPD, les maires se sont saisis de cet outil. Vous avez changé le nom de ces instances, mais il s'agit bien de la même chose. Vous « toilettez » encore le dispositif, mais la mesure phare que vous exposez aux médias et qui consiste à faire du maire le pivot de la politique locale de sécurité, ...
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. De prévention !
M. Charles Gautier. ...existe déjà !
Le seul point positif de ce texte aurait pu être la mesure tendant à inciter les acteurs de la prévention à informer le maire. Mais telle est déjà la situation, dans tous les cas où les acteurs s'entendent. La future loi ne pourra pas inventer le lien de confiance qui doit exister entre tous ces acteurs.
Le maire ne doit être destinataire que des informations dont il a besoin dans l'exercice de ses missions. L'adoption de ce projet de loi, monsieur le ministre délégué, aura pour conséquence de le rendre tout à coup suspect aux yeux de ses concitoyens, qui se méfieront, craignant ne plus disposer d'espaces personnels inviolables.
En revanche, lors de toutes les auditions que nous avons faites, il est bien apparu qu'il serait urgent de redéfinir la place exacte du maire. Mais cela, vous ne le faites pas ! Il y a trop de confusions dans le partage des pouvoirs entre les maires, les autres collectivités territoriales et l'État.
La diversité et l'ampleur de ces mesures de clarification auraient largement justifié la constitution d'une commission spéciale. Ce point a été quelque peu abordé par la commission des lois, mais faute de temps, n'a pu être approfondi.
Mes chers collègues, le présent projet de loi comporte une seconde catégorie de mesures, destinées, cette fois, à être entendues par les plus sécuritaires de nos concitoyens. Elles consistent en un affichage démagogique d'un durcissement des mesures concernant les malades mentaux, les toxicomanes, les familles défaillantes et les mineurs en difficulté.
Or toutes ces dispositions ne concernent que de loin la prévention. Il s'agit, en réalité, de mesures répressives, qui n'ont donc rien à faire dans un texte intitulé « Prévention de la délinquance ».
Monsieur le ministre délégué, si vous me permettez de vous donner un conseil, je vous suggère de modifier le titre de ce projet de loi et de l'intituler désormais « Nouvelles mesures en faveur de la répression des mineurs, des malades mentaux, des toxicomanes et des délinquants potentiels ».
M. Jacques Mahéas. Très bien !
M. Robert Bret. Ce serait plus clair !
M. Charles Gautier. Vous nous répondrez que nous ne sommes que des inconscients et, à grand renfort d'exemples les plus tristes et les plus sordides, vous justifierez votre texte. Or, la plupart des exemples que vous avez cités en commission ou même en séance publique hier, se rapportent à des faits qui, de toute façon, n'auraient pu être empêchés par le présent projet de loi.
Bien évidemment, personne ne cherche à justifier de tels actes, mais il est tout à fait dangereux de faire croire aux Français que les politiques peuvent leur promettre une société totalement sans risques. Une telle méthode vous autoriserait, lors de la constatation de tout nouveau malheur, à proposer indéfiniment de nouveaux textes comportant toujours plus de sanctions. En tenant ce type de discours, vous entrez dans un cercle dont il sera impossible de sortir.
Pour faire moderne, vous vous en prenez très souvent à l'ordonnance de 1945 dont vous justifiez la modification en soutenant que la jeunesse d'aujourd'hui n'est plus celle de 1945. Mais qui dit l'inverse ? C'est d'ailleurs pour cela que cette fameuse ordonnance a déjà été maintes fois réformée.
M. Guy Fischer. Vingt fois !
M. Charles Gautier. D'ailleurs, il ne lui reste d'originel que...
M. Jean-Patrick Courtois. Son titre !
M. Charles Gautier. ...son exposé des motifs et, effectivement, son titre. À un moment ou à un autre, tous les articles de cette ordonnance ont été modifiés. En cinquante ans, rares en effet sont les gouvernements qui n'en ont rectifié aucun. Quant à ce qui reste du texte original, outre le titre, c'est-à-dire l'exposé des motifs, il comporte le principe aux termes duquel on reconnaît qu'un mineur ne peut pas être jugé comme un majeur, et la particularité même de la minorité fait que cette distinction est essentielle. Oui, cela reste une valeur à l'honneur de notre République. Qui pourrait aujourd'hui dire le contraire ?
Lors de son audition par la commission des lois, Philippe bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille, nous a présenté sa vision du système judiciaire, qui devait comporter, selon lui, deux volets : la répression, par le biais des sanctions, et la prévention. Or, dans ce texte, nous ne trouvons que des sanctions. Où est la logique ?
En ce qui concerne les drogues, par exemple, vous constatez que la loi est trop sévère, donc inapplicable. En conséquence, vous proposez de nouvelles sanctions à l'encontre des usagers de stupéfiants !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Il n'y a pas de nouvelles sanctions !
M. Charles Gautier. En quoi ces nouvelles sanctions ont-elles plus de chances d'être appliquées ? On peut vraiment douter non seulement de leur efficacité mais même de leur exécution !
Autre exemple, les mesures concernant les malades mentaux. Je déplore que le texte comprenne des dispositions qui ne prennent pas en compte les conclusions d'un rapport du Sénat sur le sujet publié au mois de juillet dernier et validé à l'unanimité de la commission des lois.
En effet, avec notre collègue Philippe Goujon, durant plusieurs mois, nous avons procédé à un travail d'enquête sur les délinquants dangereux atteints de troubles psychiatriques.
Il s'agissait de trouver la façon de concilier la protection de la société et une meilleure prise en charge médicale, tout en respectant les principes fondamentaux de notre droit.
C'est pourquoi, tout au long de nos travaux, nous avons tenu à réaffirmer qu'il était important que les décisions tendant à la suppression de la liberté d'aller et venir soient toujours prises par l'autorité judiciaire. Or, dans le texte que nous allons examiner aujourd'hui, c'est le pouvoir administratif qui reprend le dessus.
Il est vraiment dommage que nos conclusions de juillet n'aient pas été reprises.
Pour finir, je voudrais vous poser une question, monsieur le ministre délégué : d'où vous vient cette « fichiermania », cette manie de constituer des fichiers nouveaux ? Un problème nouveau, un nouveau fichier ! Cette fois-ci, devront être fichés les détenteurs d'armes, les personnes ayant subi des hospitalisations d'office, les élèves absents de l'école, et ma liste n'est pas exhaustive !
Qui peut croire que la constitution d'un fichier soit la clé de la réussite d'une politique de prévention ? Il s'agit bien là de mesures d'affichage qui ont bien peu à voir avec une politique de prévention de la délinquance.
Ce texte porte décidément bien mal son nom !
Pour nous, socialistes, une politique de prévention de la délinquance est celle par laquelle nous nous attachons à prévenir les actes délictueux, et ce en cherchant à combattre la misère, en luttant contre les logements insalubres, en privilégiant les encadrements scolaires dans les quartiers difficiles.
Dans ce projet de loi, rien de tout cela n'est abordé : la prévention est bien la grande absente !
Au lieu de cela, nous est proposée en quelques années une série de lois à répétition sur les mêmes sujets. On assiste ainsi à un véritable feuilleton sécuritaire à épisodes livrés tous les six mois : c'est bien le constat de l'échec de la politique du Gouvernement en matière de sécurité.
Nous nous interrogeons donc sur la réelle visée de ce texte et sur le fait que le Gouvernement exige de nous que nous travaillions dans la précipitation, alors qu'il lui aura fallu quatre ans pour préparer le projet de loi.
M. Jacques Mahéas. Très bien !
M. Charles Gautier. Pour toutes ces raisons, nous jugeons qu'il convient de reprendre le travail : que la commission des lois reprenne sa réflexion sur la prévention ; que celle des affaires sociales étudie à nouveau les problèmes de santé publique ici évoqués, et que la commission des affaires culturelles se saisisse de l'aspect éducatif. Alors, oui, ensuite, nous pourrons nous retrouver, et cette fois parler vraiment de prévention de la délinquance. Tel est le sens de cette motion. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Je me contenterai de répondre aux seuls arguments de notre collègue qui portent sur le renvoi en commission, ne souhaitant pas tenter une énième fois de le convaincre que ce texte n'est pas du tout tel qu'il le voit.
M. Guy Fischer. Mais si !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous êtes tout de même bizarre !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. En tant que maire, je préfère le nouveau texte sur l'hospitalisation d'office à l'ancien, je le dis franchement, même si je reconnais qu'une réforme d'ensemble de l'hospitalisation sous contrainte, hors hospitalisation d'office, est nécessaire.
M. Jean-Patrick Courtois. Tout à fait !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Tous les maires de France sont certainement de cet avis.
M. Jacques Mahéas. Il y a onze ans qu'on nous la promet !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Je vous rappelle, mon cher collègue, que la commission des lois a procédé à soixante auditions. Certes, nous avons été contraints, les uns et les autres, à rentrer plus tôt de vacances, mais je note que jamais la participation de nos collègues de la commission n'avait été aussi importante.
M. Charles Gautier. Les collègues de gauche !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Et de droite ! Pour siéger au sein de la commission des lois et la présider depuis un certain nombre d'années, je puis vous assurer qu'une telle assiduité était inédite, mais elle a permis à toutes les opinions de s'exprimer dans leur diversité sur chacun des sujets abordés dans le texte.
Peut-être, d'ailleurs, la période des vacances a-t-elle été plus propice précisément parce que, libérés d'une grande partie de nos nombreuses obligations à ce moment-là, nous avons pu travailler dans de meilleures conditions et oeuvrer dans la sérénité.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Écourter les vacances n'aura pas permis de régler les contradictions de ce texte !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. La commission des lois a entendu tous les ministres concernés.
À cet égard, je rappelle que ce projet de loi, comme tous les autres, a été signé par le Premier ministre, qu'il a été délibéré en conseil des ministres, même si l'on peut dire qu'il est porté plus spécialement par tel ou tel ministre.
Doit-on regretter que, de plus en plus souvent, les projets de loi soient interministériels ? Ce n'est pas nouveau, et jamais il n'a été reproché aux gouvernements successifs de présenter des textes interministériels. Il faut bien qu'un ministre en particulier soit responsable de l'ensemble.
Dans le cas présent, il était essentiel qu'il s'agisse du ministère de l'intérieur ; cela n'a pas empêché M. le garde des sceaux de venir s'exprimer également.
Votre argument ne saurait donc être retenu, monsieur Gautier.
Enfin, la commission des lois a consacré deux longues matinées à l'audition de tous les ministres concernés. Tous les amendements sans exception ont été examinés à fond. Bref, la commission des lois a travaillé dans de bonnes conditions et la commission des affaires sociales a apporté une contribution extrêmement importante sur les sujets relevant de sa compétence.
Voilà pourquoi, mes chers collègues, les commissions ayant déjà fait leur travail, il n'y a pas lieu d'adopter cette motion.
Vous avez évoqué l'organisation des travaux parlementaires, monsieur Gautier, et déploré, notamment, l'accumulation des heures de travail. Mais peut-on vraiment nous reprocher de beaucoup travailler, plus, même, que l'Assemblée nationale ? Si nous travaillons un peu plus que nos collègues députés, peut-être est-ce parce que nous approfondissons davantage l'étude des dossiers qui nous sont soumis.
Cela dit, la dérive de nos horaires est réelle : moi qui suis parlementaire depuis vingt ans, je puis l'affirmer.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il fallait voter la question préalable !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois Chacun de nous en conviendra, nous siégeons trop longtemps et il y a une véritable inflation législative.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Vous le dites à chaque fois !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Si nous voulons améliorer la qualité du travail parlementaire, mes chers collègues, il nous faudra procéder à une profonde réforme du règlement de nos assemblées.
M. Jean-Patrick Courtois. Très bien !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Estrosi, ministre délégué. La motion qui vient d'être présentée n'a pas lieu d'être.
En effet, les rapports des deux commissions sont d'une très grande qualité.
Par ailleurs, je souligne que le Gouvernement, notamment le ministre d'État, alors que voilà maintenant trois ans que la concertation avec tous les acteurs de terrain est engagée, n'a pas souhaité l'urgence sur ce texte : il y aura donc une première puis une deuxième lecture dans chaque assemblée, ce qui donnera à tous le temps de défendre leurs propositions pour un débat toujours plus riche.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ce qui donnera le temps de faire campagne électorale !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Entrons donc de plain-pied dans le débat pour que chacun, ici, puisse exprimer son talent et faire des propositions concrètes. Il n'y a plus une seconde à perdre !
M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que, en application de l'article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, aucune explication de vote n'est admise en l'occurrence.
M. Jacques Mahéas. Hélas !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Quel dommage !
M. le président. Je mets aux voix la motion n° 79, tendant au renvoi à la commission.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission des lois.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 222 :
Nombre de votants | 329 |
Nombre de suffrages exprimés | 327 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 164 |
Pour l'adoption | 125 |
Contre | 202 |
Le Sénat n'a pas adopté.
En conséquence, nous passons à la discussion des articles.
(M. Adrien Gouteyron remplace M. Christian Poncelet au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. Adrien Gouteyron
vice-président
CHAPITRE IER
DISPOSITIONS GÉNÉRALES
Article additionnel avant l'article 1er ou après l'article 2
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 9, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Il est créé un Fonds pour la prévention de la délinquance, destiné à financer la réalisation d'actions dans le cadre des instances territoriales de prévention de la délinquance définies par décret.
Il est fait rapport une fois par an à ces instances des résultats des actions financées par le Fonds pour la prévention de la délinquance, en regard des moyens financiers engagés et des objectifs poursuivis.
Les crédits du Fonds sont répartis entre les départements selon les critères définis par décret en Conseil d'État.
Ces crédits sont délégués au représentant de l'État dans le département, qui arrête le montant des dotations versées aux communes et établissements publics de coopération intercommunale de son ressort territorial, après examen, par les instances territoriales de prévention de la délinquance définies par décret, du rapport prévu au deuxième alinéa. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Afin de satisfaire une demande qui a été exprimée très largement au cours des auditions par les associations d'élus locaux, ce premier amendement a pour objet de mettre en place un fonds interministériel de prévention de la délinquance, pour répondre au problème récurrent de l'insuffisance des moyens dans ce domaine.
Trois objectifs sont ainsi visés.
Il s'agit, premièrement, d'assurer une meilleure lisibilité des financements des actions de prévention de la délinquance, qui sont actuellement fondus dans la politique de la Ville tout en relevant également d'un certain nombre de politiques sectorielles.
Il s'agit, deuxièmement, de renforcer l'efficacité des actions menées localement. Nous proposons d'instaurer des évaluations obligatoires, dont les résultats pourraient conditionner la reconduction éventuelle de ces actions.
Il s'agit, troisièmement, de cibler les actions de prévention de la délinquance menées sur les territoires définis comme prioritaires en la matière.
Le montant des moyens d'ores et déjà identifiés est de l'ordre de 30 millions d'euros. Le fonds pourrait, d'une part, financer le fonctionnement d'actions menées, notamment, par des associations de prévention, sur la base de diagnostics élaborés en commun dans le cadre des CLSPD, les conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance, et, d'autre part, soutenir certains investissements dans des équipements de sécurité, notamment pour les lycées et collèges, dans des équipements de transport collectif et dans l'habitat social.
Par le biais de cet amendement, nous souhaitons simplement mettre en place un véhicule financier. Bien évidemment, il conviendra que, lors de la discussion du projet de loi de finances, nous précisions les modalités de fonctionnement prévues pour sa mise en oeuvre. Ce fonds pourra alors avoir une vie propre et être alimenté par d'autres crédits que ceux qui existent actuellement.
M. le président. Le sous-amendement n° 323, présenté par MM. Peyronnet, Godefroy, Badinter, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mahéas et Sueur, Mme Campion, MM. Cazeau et Domeizel, Mmes Demontès et Jarraud-Vergnolle, M. Michel, Mme Schillinger, MM. Bockel, Guérini, Lagauche, Madec, Mélenchon, Mermaz et Ries, Mmes Tasca, Boumediene-Thiery et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans le deuxième alinéa du texte de l'amendement n° 9, après le mot :
délinquance,
insérer les mots :
alimenté par une taxe prélevée sur le secteur de la grande distribution, les compagnies d'assurance et les sociétés de gardiennage,
La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet.
M. Jean-Claude Peyronnet. Souhaitant également proposer la création d'un fonds interministériel pour la prévention de la délinquance, nous avons déposé en ce sens un amendement n° 245 tendant à insérer un article additionnel avant l'article 1er.
Or nous découvrons aujourd'hui, en séance, que la commission des lois, qui partage notre objectif, a déplacé son propre amendement pour le situer, dans l'ordre de discussion, au même endroit que le nôtre. Loin de lui en faire le reproche, nous estimons qu'elle démontre ainsi la pertinence de notre démarche, et nous nous en félicitons.
Comme vous l'avez souligné, monsieur le rapporteur, la création, opportune, de ce fonds répond à une demande des associations et permettra d'assurer une meilleure lisibilité des actions menées grâce à leur évaluation. En effet, dans le cadre de la mise en oeuvre de la LOLF, il est bon d'avoir une vue globale et comparative du montant des crédits inscrits et des crédits consommés au fil des années.
En réalité, monsieur le ministre délégué, la commission est venue à votre secours pour, d'une certaine façon, « sauver » le projet du Gouvernement. Pour notre part, nous avons déjà expliqué fort longuement pourquoi nous le rejetions en bloc. Malgré tout, comme nous sommes des gens de bonne volonté, nous préparons l'avenir : or l'une des raisons du manque total de crédibilité de ce projet est précisément l'absence de financement prévu.
En l'espèce, monsieur le rapporteur, la commission prévoit d'alimenter le fonds qu'elle propose de créer avec des crédits existants. Vous l'avez encore répété à l'instant, ce fonds servira d'« appelant ». On se croirait à la chasse ! Pour vous résumer, puisqu'un fonds est créé, il faudra bien le garnir : quel acte de foi ! Mais il n'est pas du tout évident que les choses se passent ainsi.
Par le sous-amendement n° 323, nous vous proposons un moyen d'abonder ce fonds, en tout cas partiellement. M. Hortefeux a déclaré hier qu'il bénéficierait de crédits « bunkérisés ». Soit, mais un bunker est par définition une construction beaucoup trop solide pour pouvoir être agrandie rien qu'en poussant les murs !
De ce point de vue, nous craignons donc que le financement de ce fonds ne se limite aux crédits que vous avez pointés tout à l'heure. D'après le texte de l'amendement, ceux-ci seront délégués aux préfets, qui les répartiront ensuite entre les communes. Or ce sont précisément ces mêmes crédits qui subissent une très forte diminution depuis des années, notamment l'année dernière.
Ainsi, d'après la cellule interministérielle de suivi et d'animation des CLS, les collectivités locales financeraient actuellement 50 % des actions prévues par les CLS, et l'État seulement 30 %.
En outre, nous pouvons légitimement supposer que certains de ces crédits sont utilisés pour soutenir les associations s'occupant des familles en difficulté, associations qui, c'est indéniable, font de la prévention. Or nous savons combien ces associations sont prises à la gorge, souvent pour des difficultés de trésorerie, parce que l'État rechigne manifestement à leur assurer un financement suffisant et se contente de racler les fonds de tiroir.
Afin, justement, d'assurer un tel financement, nous proposons donc d'alimenter ce fonds par une taxe prélevée sur le secteur de la grande distribution, les compagnies d'assurance et les sociétés de gardiennage. Le montant ainsi récupéré devrait être très intéressant, notamment du côté des sociétés de gardiennage.
Mes chers collègues, une telle idée n'est pas complètement nouvelle puisqu'elle figurait déjà dans le rapport de Gilbert Bonnemaison. Peut-être que certains d'entre vous me rétorqueront que nous sommes ringards. Mais pas du tout ! Nombreuses sont les propositions de Gilbert Bonnemaison qui ont été reprises et qui restent d'actualité, à l'image des CSLPD ou de la police de proximité. Il avait d'ailleurs tout prévu, y compris le financement. Si ses idées n'ont pas produit plus de résultats, c'est que la politique qui s'en inspirait a été brutalement abandonnée en 1986, puis de nouveau en 2002.
En définitive, le financement que nous vous proposons est réel et repose sur une assise solide. Il est vrai que la littérature sur les sociétés de gardiennage n'est pas très abondante, mais les estimations connues sur leurs profits varient tout de même de 2 milliards d'euros à 4,5 milliards d'euros. Le taux de la taxe reste à fixer, mais, en tout état de cause, nous disposerions d'une marge assez intéressante et de moyens suffisants pour pouvoir mener une véritable politique, ce qui n'est pas le cas actuellement et ce qui ne pourra pas plus être le cas avec le seul amendement de la commission.
Je le répète, la commission ne prévoit pour ce fonds aucune ressource complémentaire dans un secteur où les besoins sont pourtant criants.
M. Jean-Pierre Michel. C'est un fonds sans fonds !
M. le président. L'amendement n° 245, présenté par MM. Peyronnet, Godefroy, Bockel, Badinter, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mahéas et Sueur, Mme Campion, MM. Cazeau et Domeizel, Mmes Demontès et Jarraud-Vergnolle, M. Michel, Mme Schillinger, MM. Guérini, Lagauche, Madec, Mélenchon, Mermaz et Ries, Mmes Tasca, Boumediene-Thiery et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Il est créé un fonds interministériel pour la prévention de la délinquance alimenté par une taxe prélevée sur le secteur de la grande distribution, les compagnies d'assurance et les sociétés de gardiennage.
II. - Les modalités de création de ce fonds sont précisées dans la prochaine loi de finances.
La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet.
M. Jean-Claude Peyronnet. J'ai défendu cet amendement, monsieur le président, en m'exprimant sur le sous-amendement n° 323.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. La commission des lois n'a pu examiner le sous-amendement n° 323, mais, comme M. Peyronnet vient de le souligner, il vise à compléter l'amendement n° 245 qui, lui, a été soumis à la commission.
Dans ce domaine, la commission et le groupe socialiste ne sont pas totalement en désaccord, puisqu'ils prônent la mise en place d'un fonds pour financer les actions en matière de prévention de la délinquance.
Cela étant, notre préoccupation est double : nous souhaitons non seulement trouver des crédits supplémentaires, mais également assurer une meilleure utilisation des crédits existants. La lisibilité obtenue grâce à ce fonds permettra déjà aux parlementaires de mieux appréhender l'évolution des crédits, d'une part, et leur utilisation, d'autre part.
Pour le reste, j'ai un peu l'impression d'être déjà en porte-à-faux par rapport à mes collègues de la commission des finances, qui, n'ayant pas été saisis pour avis, n'ont pas pu donner leur avis sur la mise en place de ce fonds. Je ne souhaite donc pas aller plus loin que ce qui est proposé par la commission des lois en m'engageant sur la détermination précise d'une nouvelle taxe.
Au demeurant, il semble que le Gouvernement ne s'oppose pas à la création de ce fonds interministériel. Nous reprendrons donc cette discussion au moment de l'examen du projet de loi de finances. À ce moment-là, le Gouvernement pourra d'ailleurs, s'il le souhaite, faire lui-même de nouvelles propositions.
En cette matière, le mieux est l'ennemi du bien. Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur le sous-amendement n° 323 et sur l'amendement n° 245.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Monsieur le rapporteur, la commission a le mérite, au début de l'examen des articles de ce projet de loi, de poser un problème soulevé, d'ailleurs, sur toutes les travées de cet hémicycle et auquel le Gouvernement entend apporter une réponse très claire.
Nous voulons en effet sanctuariser, et non pas « bunkériser », les moyens que l'État consacre à la prévention de la délinquance, et ce dans un double objectif.
Nous entendons ainsi d'abord assurer une meilleure lisibilité des financements concourant à la prévention de la délinquance sur le plan national, pour obtenir ensuite, sur le plan local, une gestion coordonnée et transparente de ces crédits afin de prendre en compte les actions menées par les collectivités locales et de mieux les soutenir.
C'est bien pour montrer notre volonté de travailler dans cette direction que nous accueillons avec satisfaction la proposition la commission des lois et émettons un avis favorable sur l'amendement n° 9. Le fonds interministériel de prévention sera en effet un outil très utile.
Monsieur Peyronnet, si, sur le fond, nous sommes favorables à votre démarche, nous estimons que les modalités d'application doivent être précisées en loi de finances. C'est la raison pour laquelle je vous demande de bien vouloir retirer le sous-amendement n° 323 et l'amendement n° 245. À défaut, j'émettrai un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 323.
M. Pierre-Yves Collombat. Mes chers collègues, nous abordons ici un problème essentiel. Il est tout à fait bienvenu de le faire en début de discussion, car c'est bien dans ce domaine que le bât blesse : quelle peut être, en effet, une nouvelle politique de prévention de la délinquance sans moyens financiers nouveaux pour l'assumer ?
Je ne voudrais pas être désagréable envers M. le rapporteur, pour lequel j'ai beaucoup d'estime, mais l'amendement de la commission s'apparente tout de même à une manoeuvre de diversion : pas un sou supplémentaire n'est prévu ! Elle baptise « fonds » ce qui est en fait la mise en commun de lignes de crédits existantes. Il s'agit en somme d'un fonds sans fonds !
Nous avons malheureusement pris l'habitude de déplorer une telle façon de procéder : ainsi, pour La Poste, le fonds de péréquation créé ne disposait d'aucun fonds ! Je pourrais d'ailleurs citer d'autres exemples de création de fonds non abondés ou reprenant, sous une étiquette nouvelle, ce qui existe déjà.
En l'espèce, mon collègue l'a déjà souligné, le fait de prévoir 30 millions d'euros est tout de même très insuffisant quand nous connaissons l'ampleur du problème et savons à quoi renvoie la montée de la délinquance.
Il s'agit d'essayer de réparer un tissu social qui se délite. Si l'on veut vraiment mener une politique de prévention de la délinquance et si l'on considère qu'il y a urgence en la matière, il faut accepter d'y consacrer les fonds nécessaires. Tout le reste n'est que fumée. Dire le contraire revient à se moquer du monde !
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Je défendrai à mon tour le sous-amendement n° 323 de M. Peyronnet.
Dans cette affaire comme dans beaucoup d'autres, ce sont les fonds qui manquent le plus. (Sourires sur les travées du groupe socialiste.) Comme vient de le dire M. Collombat, nul ne peut penser qu'une politique de prévention de la délinquance puisse être mise en place sans moyens.
Or, depuis un certain nombre d'années, la tendance consiste à consacrer prioritairement les moyens existants et les moyens complémentaires à la répression. Celle-ci est nécessaire, nous n'en disconvenons pas, mais il faut également mener une importante politique de prévention.
Alors le Gouvernement dépose un projet de loi. Mais où sont les moyens ? À la lecture de ce texte, chacun peut constater que les moyens nécessaires pour mener cette politique ne sont pas mis sur la table et que les responsabilités des communes sont en revanche accrues. Comme on le disait tout à l'heure, c'est un fonds sans fonds ! (Sourires.)
Je souhaite rendre ici hommage à la grande honnêteté de notre rapporteur, M. Lecerf, qui nous a dit très clairement que ce fonds résultait de l'addition de lignes budgétaires existantes. S'il en est ainsi, il ne s'agit que d'une manoeuvre verbale consistant à nommer autrement des crédits qui existent déjà, sans même qu'un sou supplémentaire soit prévu.
Jean-Claude Peyronnet, lui, a cité des chiffres et fait des propositions concrètes. L'amendement de M. le rapporteur gagnerait donc en force si son sous-amendement était adopté.
Par exemple, les sociétés de gardiennage se sont énormément développées dans ce pays. Dans ces conditions, qui trouverait anormal qu'elles s'acquittent d'une contribution permettant de mettre en oeuvre une politique de prévention de la délinquance ? Il s'agit là de mesures très concrètes. Or, si nous refusons d'entrer dans le concret, nous commençons bien mal l'examen des articles de ce projet de loi.
M. le président. La parole est à Mme Valérie Létard, pour explication de vote.
Mme Valérie Létard. J'ai rappelé hier, en conclusion de mon intervention, que toutes les collectivités locales qui se sont engagées dans la prévention de la délinquance, au travers de leurs conseils communaux ou intercommunaux de prévention, connaissaient aujourd'hui des difficultés pour financer leurs actions de prévention et les pérenniser. Certaines collectivités ont d'ailleurs été obligées d'en réduire la voilure.
Ces actions sont pourtant tout à fait dans l'axe des mesures que vous défendez depuis hier, monsieur le ministre délégué. Je citerai par exemple le service d'aide aux victimes que nous avons mis en place dans le département du Nord, ou le traitement des incivilités en temps réel. Ainsi, l'année dernière, une de ces associations a dû racler les fonds de tiroir pour empêcher la suppression d'une partie des actions qu'elle mène afin d'accompagner les jeunes mineurs dès la première incivilité et de prévenir la récidive.
Ces actions sont financées par les crédits relevant de la justice de droit commun, qui sont destinés à accompagner toutes les initiatives proposées dans le cadre des CLSPD et du travail mené avec les délégués du procureur. Or ces actions souffrent aujourd'hui d'énormes problèmes de pérennisation quant à leurs financements. Chacun d'entre nous devra donc faire en sorte de renforcer et d'augmenter ces crédits lors de l'examen du projet de loi de finances, car ils font partie intégrante de la politique de prévention de la délinquance, politique prioritaire que vous défendez aujourd'hui, monsieur le ministre délégué.
Il est un deuxième type de crédits qui interviennent dans le financement de ces actions, alors qu'ils n'y sont normalement pas affectés, ce sont ceux du fonds interministériels d'intervention pour la ville, le FIV. Ces crédits servent aujourd'hui de variable d'ajustement, car les autres fonds ne sont pas suffisants. Les fonds du FIV sont donc détournés de leur destination initiale, alors que nous en avons tant besoin pour agir dans les quartiers, pour accompagner les familles et les enfants dès leur plus jeune âge, pour éviter l'échec scolaire.
Une véritable politique de prévention consiste en effet à faire en sorte que ces enfants ne rencontrent pas de problèmes dès l'école ou même au sein de leur famille. Il ne faut donc surtout pas utiliser le FIV pour alimenter un autre fonds !
Vous voyez donc où je veux en venir, monsieur le ministre délégué. Je considère, comme toutes les personnes qui agissent sur le terrain, maires ou travailleurs sociaux, que la création d'un tel fonds est essentielle, à condition toutefois que vous nous garantissiez que nous pourrons prétendre à des crédits nouveaux, mobilisés par le ministère de l'intérieur, pour renforcer ces missions essentielles que sont l'action éducative, l'action sociale et la prévention de la délinquance.
Mon intervention a donc pour objet non pas de contester le bien-fondé de la proposition de M. Lecerf, mais bien plutôt de m'assurer que tous les ministères fourniront un effort conjoint afin de dégager des crédits supplémentaires, et que l'on n'assistera pas à un simple redéploiement. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et sur certaines travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. André Lardeux, pour explication de vote.
M. André Lardeux. Je voterai l'amendement de M. le rapporteur de la commission des lois dans sa rédaction actuelle, dans la mesure où ce fonds a pour fonction d'individualiser et de rendre lisible la politique menée en la matière.
En revanche, je ne peux pas souscrire au sous-amendement de nos collègues socialistes. C'est bien joli de vouloir créer une nouvelle charge, mais il faudrait tout de même se pencher sur l'état de nos finances publiques !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Sans moyens, on ne peut rien faire !
M. André Lardeux. Les finances publiques sont en effet dans un état qui est loin d'être satisfaisant. Mais nous en reparlerons au moment de l'examen du projet de loi de finances. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Si l'on veut consacrer davantage d'argent à ce fonds, mes chers collègues, il faut avoir le courage de dire sur quelles autres dépenses on compte faire des efforts et des sacrifices. Notre mission est non pas de créer de nouvelles charges, mais de dépenser autrement.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. .Nous prenons l'argent là où il est !
M. Jacques Mahéas. Pourquoi pas plus de rentrées fiscales ?
M. André Lardeux. Nos concitoyens seraient sinon en droit de nous adresser des reproches et nous ferions une mauvaise action pour l'avenir.
De grâce, arrêtons de semer des fonctionnaires et de faire pousser des impôts !
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Michel, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Michel. Au nom du groupe socialiste, je vous propose en fait de rectifier le sous-amendement n° 323. Je reconnais que cette méthode de travail n'est pas bonne, car nous sommes en séance publique et non en commission. Mais, si nous avons demandé le renvoi du texte en commission, ce n'était pas par hasard !
J'ai bien entendu les propos de M. le ministre délégué. En général, j'écoute ce que disent les ministres lorsqu'ils parlent calmement.
Je vous propose donc de prévoir que ce fonds sera abondé par des crédits nouveaux qui seront votés dans la prochaine loi de finances. Il pourra s'agir d'un redéploiement de crédits mais aussi de crédits nouveaux. Cette nouvelle rédaction ne prévoit donc pas précisément la création d'une nouvelle taxe.
En effet, je pense que la proposition de la commission des lois n'est valable qu'à la condition d'être modifiée en ce sens. Sinon, elle n'est même pas de nature législative. Je m'étonne d'ailleurs que notre éminent rapporteur, professeur de droit de son état, et notre éminent président de la commission des lois, dont la pratique parlementaire est grande, puissent déposer des amendements qui ne sont pas de nature législative. En l'occurrence, il n'est pas de bonne méthode législative de proposer la création d'un fonds sans déterminer la façon dont il sera financé. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 323 rectifié, présenté par MM. Peyronnet, Godefroy, Badinter, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mahéas et Sueur, Mme Campion, MM. Cazeau et Domeizel, Mmes Demontès et Jarraud-Vergnolle, M. Michel, Mme Schillinger, MM. Bockel, Guérini, Lagauche, Madec, Mélenchon, Mermaz et Ries, Mmes Tasca, Boumediene-Thiery et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, et ainsi libellé :
Dans le deuxième alinéa du texte de l'amendement n° 9, après le mot :
délinquance,
insérer les mots :
abondé par des crédits nouveaux votés dans le cadre de la prochaine loi de finances,
La parole est à M. Jean-Luc Mélenchon, pour explication de vote.
M. Jean-Luc Mélenchon. Je voudrais réagir, tout en soutenant mes amis, aux propos tenus tout à l'heure par l'un de nos collègues, qui soutenait que la création d'un tel fonds et son abondement entraîneraient la création de charges nouvelles. En général, j'entends bien ce genre d'argument. Mais, dans ce cas particulier, je demande que l'on y réfléchisse à deux fois.
Il s'agit en l'occurrence de tendre ce filet à petites mailles qui permet à la société de protéger les jeunes les plus fragiles et de rattraper ceux qui ne sont pas encore passés « de l'autre côté », c'est-à-dire tombés dans la délinquance.
Je ne crois pas que ce soit le moment de dire que l'on dépense trop. Je vous rappelle qu'actuellement une personne dont les revenus mensuels sont de 15 550 euros a droit à 450 euros de réduction d'impôt par mois. Nous sommes donc fondés à penser qu'une certaine redistribution est possible, notamment grâce à des fonds de cette nature, entre ceux qui ont beaucoup et ceux qui ont davantage besoin d'être aidés.
J'insiste sur ce point, car des propos fort injustes sont tenus, ici et là, sur le rapport Bonnemaison et les pratiques qui ont résulté de la politique de prévention de la délinquance et des conseils locaux, ainsi que sur le rapport Schwartz. Ces travaux nous ont pourtant permis, dans les années quatre-vingt, de poser les bases d'une politique active de prévention, menée au plus près du terrain, afin de prendre en compte ces réalités nouvelles qu'aucun d'entre nous ne savait maîtriser à l'époque, et je m'inclus dans ce groupe.
Nous avons alors découvert les méthodes d'intervention de « l'informel », c'est-à-dire des éducateurs de rue, que nous ne connaissions pas, car nous étions habitués à des institutions beaucoup plus globalisantes d'intervention en prévention de la délinquance.
Lorsque les praticiens de terrain, et pas l'opinion publique, non, ceux qui sont sur la ligne de front et doivent retrouver tous les jours l'énergie de repartir au contact de la réalité pour recommencer un travail qui, quelquefois, a été défait en une soirée, lorsque ceux-là donc pensent que la création d'un fonds nouveau ne changera rien à la situation, alors ils perdent confiance. C'est cela que je veux souligner.
Mes chers collègues, une décision de la représentation nationale peut redonner du courage et de l'énergie aux travailleurs sociaux. Mais elle peut aussi leur faire considérer que « les politiques », comme ils nous appellent, s'agitent, font des mots, créent des institutions, mais ne prévoient rien pour les aider concrètement dans leur travail. Et nous, parlementaires de droite comme de gauche, nous croyons avoir fait « avancer le schmilblick », alors qu'en réalité, le mouvement serait plutôt inverse !
Je souhaite, monsieur le ministre délégué, que vous acceptiez ce sous-amendement tel qu'il a été rectifié par Jean-Pierre Michel, dans la mesure où il ne vous engage qu'à respecter ce que vous proposez vous-même.
Vous dites que vous allez créer un fonds. Il nous faut maintenant décider comment et quand. La parole des pouvoirs publics sera alors beaucoup plus crédible et dynamisante pour les travailleurs sociaux de terrain qui sont confrontés à ces difficultés.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous ne voterons pas cet amendement, car nous n'avons pas l'hypocrisie de voter les moyens de financer un dispositif auquel nous sommes totalement opposés.
Cela étant, en tant que parlementaires, nous avons tout de même le droit de savoir comment le Gouvernement entend financer des mesures qualifiées de « supplémentaires », en matière de prévention, encore que ces mesures n'aient rien de préventif. En effet, dans ce texte, rien n'est dit sur les moyens de financer ce dispositif. Mais peut-être allons-nous obtenir ces informations dans la suite du débat : elles nous seraient fort utiles.
M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Si j'avais été hésitant en la matière, M. Lardeux m'aurait convaincu de voter le sous-amendement « socialiste », comme il dit. Au passage, ce qui est intéressant, ce n'est pas de savoir de qui émane une proposition mais ce qu'elle contient.
Pourquoi m'aurait-il convaincu ?
Mon cher collègue, pour vous, il ne faut pas créer de charges nouvelles, car il en existe déjà suffisamment. Et vous ne voyez donc aucun inconvénient à voter l'amendement proposé par la commission des lois puisque celui-ci n'entraîne aucun effet : un fonds est créé sans rien dedans. Cet amendement vous satisfait donc, car aucune charge nouvelle n'est prévue.
Nous estimons au contraire, et je crois que c'est un avis unanime dans cet hémicycle - excepté vous, monsieur Lardeux -, que des fonds sont nécessaires pour assumer les dépenses nouvelles entraînées par ce projet de loi. Nous proposons non pas de prélever sur des crédits existant dans le budget, mais bien de dégager des ressources nouvelles en prenant l'argent là où il est.
Je pense, en particulier, aux sociétés de gardiennage qui, on le sait bien, gagnent beaucoup d'argent. C'est pourquoi, je le répète, vous m'avez convaincu, mon cher collègue, qu'il est tout à fait nécessaire de voter notre sous-amendement !
M. le président. Compte tenu de l'importance de la rectification, et dans la mesure où le sous-amendement n° 323 rectifié ne fait plus état d'une taxe nouvelle, je me dois de consulter de nouveau la commission et le Gouvernement.
Quel est donc l'avis de la commission sur le sous-amendement n° 323 rectifié ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur Juriste de droit public, je suis au regret de devoir rappeler à mon collègue Jean-Pierre Michel, juriste de droit privé, que la création du fonds est indiscutablement de compétence législative.
En outre, à mon collègue Collombat, qui voit dans l'amendement une éventuelle manoeuvre de diversion, je répondrai que la sanctuarisation, ou la « bunkérisation », de crédits dont certains se plaignaient de la diminution d'année en année me paraît déjà importante : au moins nous aurons ainsi l'assurance que cette diminution, si du moins elle existe, ne pourra pas perdurer. Je n'aurai pas la cruauté de rappeler certains travaux de la Cour des comptes pointant une utilisation des crédits parfois quelque peu sujette à caution.
En l'état actuel des choses, il me paraît tout aussi important d'avoir fléché, dans notre amendement, le lieu où seront mobilisés les crédits susceptibles de servir à ces politiques de prévention de la délinquance.
Enfin, je ne vois pas en quoi il est particulièrement scandaleux d'attendre le prochain projet de loi de finances qui, faut-il le dire, ne tardera pas à venir en discussion devant les assemblées. En outre, il me paraît difficile que le législateur d'aujourd'hui vienne tenir la main du législateur du mois de décembre.
Nous en convenons tous, ce fonds est important, car il permettra un meilleur contrôle parlementaire et une plus grande lisibilité des crédits disponibles. Je remercie donc le Gouvernement d'en accepter la création. Nous rediscuterons des modalités de son alimentation lors de la discussion du projet de loi de finances. Mes chers collègues, à chaque jour suffit sa peine !
Donc, monsieur le président, la commission des lois maintient son avis défavorable sur l'amendement n° 245, comme sur le sous-amendement n ° 323 même rectifié.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur le sous-amendement n° 323 rectifié ?
M. Christian Estrosi, ministre délégué. J'ai le sentiment que toutes les interventions expriment un même souci, mobiliser là où il faut les crédits nécessaires pour atteindre l'objectif.
Les uns et les autres, nous le savons d'expérience, les réponses apportées par les multiples fonds d'intervention existants sont quelquefois trop ponctuelles et pas toujours aussi efficaces que nous le voudrions. Pour autant, ces fonds ont le mérite d'exister et nous ne souhaiterions pas plus que Mme Létard qu'ils soient récupérés pour abonder le futur fonds aux mêmes fins, mais d'une manière différente.
Donc, madame Létard, je souscris complètement à ce que vous avez dit. Je souscris aussi au propos de M. Mélenchon : le Gouvernement connaît trop les difficultés auxquelles sont confrontés les travailleurs sociaux, leurs espérances d'un jour, leur désespoir du lendemain, pour ne pas être favorable à la création de ce fonds.
M. le rapporteur l'a rappelé, l'objectif, c'est la sanctuarisation. Je m'y engage personnellement au nom du Gouvernement.
Cela étant, nous ne sommes qu'au début de la discussion parlementaire. Je l'ai déjà dit, il nous paraît souhaitable, au ministre d'État et à moi-même, que, dans la perspective de l'examen de la prochaine loi de finances, une proposition supplémentaire intervienne avant la fin de vos travaux.
La navette nous donnera le temps d'affiner le dispositif, de déterminer avec précision le périmètre de ce fonds et d'assurer la coordination entre sa création par le projet de loi de prévention de la délinquance et les dispositions qui devront, en tant que de besoin, en assurer la traduction dans la loi de finances, compte tenu notamment du nouveau cadre budgétaire fixé par la LOLF.
Pour préparer un document de politique transversale, mission a été confiée à l'Inspection générale de l'administration de recenser tous les crédits concernés actuellement dispersés.
Encore une fois, nous ne sommes pas dans l'urgence, nous n'en sommes qu'au début d'une discussion qui, entre les différentes lectures des deux assemblées, nous laisse tout le temps nécessaire. Le Gouvernement accepte d'ores et déjà l'amendement visant à créer ce fonds sanctuarisé.
Rappelez-vous : sur le projet de loi relatif à l'immigration et à l'intégration, nous étions dans l'urgence. Pour autant, cela ne nous a pas empêchés, dès la discussion à l'Assemblée nationale, d'annoncer, sur la politique du codéveloppement, par exemple, que Bercy allait évaluer les moyens envoyés vers leur pays d'origine par les étrangers en situation régulière et travaillant en France. L'objectif était d'être en mesure, au moment de la discussion au Sénat, d'apprécier comment nous pourrions mobiliser des moyens en faveur du codéveloppement. Et nous y sommes arrivés, ce qui a été salué sur quasiment toutes les travées du Sénat.
Ce que nous avons réussi dans l'urgence, nous allons pouvoir le faire sur un texte dont la discussion va prendre du temps - deux lectures au Sénat et deux lectures à l'Assemblée nationale -, pour mieux définir le périmètre de ce fonds et mieux l'ajuster.
Ce que je demande, au nom du Gouvernement, c'est, premièrement, que le Sénat adopte l'amendement de la commission et, deuxièmement, que le groupe socialiste accepte de retirer son sous-amendement ainsi que son amendement, même si leur finalité n'est pas contestable. Ainsi, d'ici au terme de la discussion, nous serons capables, grâce aux éléments transversaux qui nous seront communiqués, notamment par l'IGA, d'aller plus loin dans nos échanges et sur les propositions destinées à mieux définir le mode d'intervention de ce fonds.
Telle est la proposition que je fais au nom du Gouvernement. Si toutefois le groupe socialiste ne retirait pas son sous-amendement et son amendement, l'avis du Gouvernement serait défavorable.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Qu'en dit le ministre des finances ?
M. le président. La parole est à M. Michel Mercier, pour explication de vote.
M. Michel Mercier. Je reconnais aux derniers propos de M. le ministre délégué le mérite de la clarté. Il le dit, nous n'en sommes qu'au début, d'autres discussions suivront.
On l'a bien vu, les deux textes, celui de la commission et celui de nos collègues socialistes, sont très proches l'un de l'autre. En effet, dans les deux cas, on crée un fonds, et on laisse au Parlement, comme la LOLF y oblige, le soin d'abonder ce fonds lors de la discussion de la loi de finances.
On voit bien aussi où sont les différences.
Pour M. le ministre délégué, nous avons du temps puisqu'il n'y a pas d'urgence.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cela fait quatre ans qu'ils préparent cette loi !
M. Michel Mercier. M. le ministre délégué va donc d'abord faire recenser les crédits existants, que les parlementaires ne connaissent peut-être pas parce qu'ils sont trop émiettés, pour mieux ensuite nous informer, en deuxième lecture, des crédits disponibles pour ce fonds.
Mais, pour la commission comme pour nos collègues socialistes, il doit s'agir de crédits supplémentaires.
M. Jean-Pierre Michel. Pas pour la commission !
M. Michel Mercier. Les deux propositions sont très proches. La commission propose de créer un fonds après avoir constaté l'absence de moyens. Si on crée un fonds, c'est pour qu'il ait des moyens, ce n'est pas simplement pour rassembler ceux qui existent.
M. Jean-Pierre Michel. Ce n'est pas ce que dit le rapport !
M. Michel Mercier. Je dis ce que je comprends.
M. Jean-Pierre Michel. Je n'ai pas compris la même chose !
M. Michel Mercier. C'est au moins une différence entre nous qui vaut la peine d'être soulignée !
Moi, j'ai compris cela parce que, sinon, créer un fonds simplement pour rassembler tous les crédits existants ne présente pas un grand intérêt.
M. Jean-Pierre Michel. Peut-être, mais ce n'est pas ce que dit le rapport !
M. Charles Gautier. Nous sommes au coeur du débat !
M. Michel Mercier. Monsieur le président, je n'ai interrompu personne ; j'ai écouté tout le monde et j'ai bien l'intention de continuer, mais tout de même ...
M. le président. Veuillez poursuivre, mon cher collègue.
M. Michel Mercier. Je souhaite très vivement que, par mesure de sauvegarde, le texte évoque la création d'un fonds, sous une forme ou sous une autre. Puis, lors de la deuxième lecture, le ministre nous dira les crédits qui lui seront affectés.
Monsieur le ministre délégué, les maires se voient investis d'un rôle nouveau ; je n'ose pas parler de compétence parce que cela ne figure pas dans le projet de loi. Il faudra bien faire quelque chose si l'on ne veut pas aigrir les maires, bientôt réduits à constater que ce rôle nouveau ne s'accompagne pas de crédits nouveaux. À défaut, nous n'aurons fait qu'aggraver la situation.
Monsieur le ministre délégué, nous vous faisons confiance. Nous attendons que vous reveniez devant nous pour nous présenter le recensement des crédits existants et pour y ajouter de nouveaux. Il me semble qu'il faut vous laisser ce délai pour pouvoir travailler. (Mme Valérie Létard applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Peyronnet. Je ne retirerai pas l'amendement n° 323 rectifié. Certes, je comprends les arguments avancés.
La commission, au terme d'un véritable acte de foi, s'en tient à la création d'un fonds, considérant qu'il devra bien un jour être rempli. Sauf que ce n'est pas évident : cela peut arriver, mais cela peut ne pas se faire.
La rectification proposée par M. Jean-Pierre Michel est judicieuse parce que de la sorte nous n'entrons pas dans le détail des crédits nouveaux qui devront venir abonder le fonds. Nous répondons également au souhait de M. Lardeux, puisqu'il pourra s'agir de crédits de redéploiement ; je ne doute pas que notre collègue se ralliera à notre proposition.
En tout cas, nous ne voterons pas l'amendement de M. le rapporteur si notre sous-amendement n'est pas adopté. Encore une fois, mes chers collègues, un fonds sans fonds ne présente qu'un intérêt comptable dans le cadre de la LOLF, ce qui est tout à fait insuffisant eu égard au sujet.
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 323 rectifié.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 2, et l'amendement n° 245 n'a plus d'objet.
Articles additionnels avant l'article 1er
M. le président. L'amendement n° 246, présenté par MM. Peyronnet, Godefroy, Bockel, Badinter, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mahéas et Sueur, Mme Campion, MM. Cazeau et Domeizel, Mmes Demontès et Jarraud-Vergnolle, M. Michel, Mme Schillinger, MM. Guérini, Lagauche, Madec, Mélenchon, Mermaz et Ries, Mmes Tasca, Boumediene-Thiery et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Il est créé un conseil interministériel de prévention de la délinquance.
Ce conseil est présidé par le Premier ministre.
Le conseil détermine les orientations de la politique gouvernementale en matière de prévention de la délinquance et veille à leur mise en oeuvre. Il coordonne l'action des ministères et l'utilisation des moyens budgétaires consacrés à la politique de prévention de la délinquance, notamment ceux provenant du fonds interministériel pour la prévention de la délinquance. Il adopte chaque année un rapport transmis au Parlement, rendu public, retraçant les résultats de la politique de prévention de la délinquance et exposant les orientations de l'État en ce domaine.
Un secrétaire général, nommé par décret et placé auprès du Premier ministre, assure le secrétariat du conseil interministériel de prévention de la délinquance. Il prépare les travaux et délibérations du conseil et veille à la cohérence de la mise en oeuvre des orientations définies par ce dernier. Il réunit en tant que de besoin les directeurs d'administration centrale concernés par la prévention de la délinquance ainsi que les dirigeants d'organismes publics intéressés. Il prépare le rapport au Parlement mentionné au troisième alinéa.
La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet.
M. Jean-Claude Peyronnet. Nous restons dans le sujet. Qui défendra le fonds que vous venez de voter ? Il est intéressant de constater que les moyens actuellement dispersés entre missions et ministères seront forcément défendus à un moment ou à un autre. Vous venez de créer un fonds regroupant les différents crédits alloués à la prévention de la délinquance sans qu'on sache encore qui le défendra. Nous proposons donc de créer un conseil interministériel de prévention de la délinquance qui sera présidé par le Premier ministre.
Je relève, d'ailleurs, que bien des ministères, pourtant concernés, n'ont été auditionnés ni par la commission des lois ni par la commission des affaires sociales. C'est le cas du ministère de la justice.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ah non ! Tous les services ont été consultés !
M. Jean-Claude Peyronnet. Peut-être, mais ceux du ministère de l'éducation nationale ?
Au moins une dizaine de ministères sont concernés. Par conséquent, cela justifie pleinement que cette question ne soit pas traitée uniquement par le ministère de l'intérieur ou un ministère particulier, ce rôle devant être dévolu au Premier ministre.
Telle est la raison pour laquelle nous souhaitons la création d'un conseil interministériel de prévention de la délinquance. Nous pourrons ainsi connaître les moyens budgétaires demandés par chaque ministère, à charge pour le Premier ministre de coordonner leur utilisation.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. La commission est défavorable à cet amendement parce qu'elle considère que, dans les faits, la proposition de nos collègues est d'ores et déjà satisfaite. Il existe en effet, depuis le début de l'année, un Comité interministériel de prévention de la délinquance. Par son caractère interministériel, il se trouve naturellement placé sous l'autorité du Premier ministre. Qu'ajouterait ce conseil au comité déjà existant ? S'agit-il simplement de transformer un comité en conseil ? Puisqu'un comité vient d'être créé, laissons-le fonctionner !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Ce que vous proposez, monsieur Peyronnet, est à la fois pertinent et étonnant parce que, comme l'a rappelé M. le rapporteur, un comité placé sous l'autorité du Premier ministre a déjà été mis en place par un décret du 7 janvier 2006.
Par conséquent, cet amendement mériterait d'être retiré puisqu'il est satisfait.
M. le président. L'amendement n° 246 est-il maintenu, monsieur Peyronnet ?
M. Jean-Claude Peyronnet. Je le maintiens, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 172 rectifié, présenté par M. Pozzo di Borgo et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
I - Les articles 2 à 40 de l'arrêté du 12 messidor an VIII sont abrogés.
II - Le premier alinéa de l'article L. 2512-13 du code général des collectivités territoriales est supprimé.
III - Les articles L. 2214-3 et L. 2214-4 du code général des collectivités territoriales sont applicables à Paris.
IV - Les charges éventuelles qui découleraient, pour les collectivités territoriales, de l'application de la présente loi sont compensées à due concurrence par une augmentation de la dotation globale de fonctionnement et de la dotation générale de décentralisation.
Les charges éventuelles qui résulteraient pour l'État de l'application de la présente loi sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux tarifs visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Yves Pozzo di Borgo.
M. Yves Pozzo di Borgo. Apparemment, l'objet de cet amendement ne correspond pas à l'esprit du texte, mais, s'il était voté, il permettrait évidemment à Paris de mieux appliquer les dispositions prévues dans ce projet de loi.
La loi du 31 décembre 1975, qui a modifié l'organisation de Paris en instituant un conseil et un maire élus, visait à aligner le statut de la capitale sur le droit commun de l'administration communale. Mais cette évolution fut partielle : le maintien d'un régime dérogatoire concernant les pouvoirs de police dans la capitale fut, à l'occasion, réaffirmé.
Le passé révolutionnaire de Paris, sa démographie exceptionnelle, sa situation particulière de siège des pouvoirs publics et des représentations diplomatiques, expliquent, à défaut de le justifier, le maintien d'un texte vieux de quelque deux cents ans, à savoir l'arrêté du 12 messidor an VIII, qui a fixé l'exception parisienne.
Cet arrêté avait vocation à préciser les attributions du préfet de police institué par la loi administrative du 28 pluviôse an VIII. Certes, nul ne contestera le principe selon lequel l'État assure par ses propres agents la sécurité des institutions de la République et celle des membres des représentations diplomatiques. En revanche, cette spécificité parisienne ne saurait légitimer que, deux siècles plus tard, et quand bien même quelques attributions ont été reconnues au maire de Paris, le champ des pouvoirs de police communale dévolus au préfet de police reste quasi entier.
Ainsi, le mouvement communal, dont l'amorce est bien antérieure aux lois de décentralisation, ne bénéficie pas, au moins dans ce domaine, à Paris. Au moment où la gestion de proximité est tant vantée, ce n'est pas là l'un des moindres paradoxes que de priver le maire de Paris et les élus parisiens de moyens réglementaires tendant à en assurer l'exercice et à prémunir les Parisiens contre les risques, d'origine humaine ou naturelle, qui les menacent.
L'ordre public communal ne cesse d'évoluer pour mieux s'adapter aux évolutions de la société elle-même. Le maire, autorité de police communale dans tout le reste de la France, dispose ainsi d'une gamme de prérogatives faisant de lui un véritable protagoniste dans des domaines aussi variés que l'organisation de la circulation et du stationnement, la protection de l'environnement, la tranquillité et la sécurité publiques, pour ne citer que ceux-là.
En revanche, l'arrêté consulaire ne pouvait, à l'évidence, anticiper ce mouvement ni vouloir en figer définitivement les acteurs. L'abrogation d'une législation archaïque non seulement fournirait au maire de Paris les moyens réglementaires pour définir et faire respecter les choix des Parisiens, mais aussi devrait lui ouvrir la faculté de se doter d'un corps d'agents de police municipale.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. La commission est défavorable à cet amendement, même si elle en comprend bien la portée et l'ambition, et admet qu'il s'inscrit tout à fait dans la logique de la décentralisation. Il est vrai que l'arrêté du 12 messidor an VIII commence à avoir un âge respectable, mais il a été modifié à de très nombreuses reprises, en 1964, en 1975 et en 1982, puis en 2002 par la loi relative à la démocratie de proximité, laquelle a réparti les compétences en matière de pouvoirs de police à Paris.
Sur le fond, sans être opposé à cet amendement, je constate cependant que son adoption reviendrait à démembrer la préfecture de police. Il ne pourrait donc être adopté sans un minimum de concertation ni une réflexion plus approfondie sur le rôle de l'État dans la capitale.
Sur la forme, il paraît également difficile d'introduire une telle disposition en adoptant un amendement à ce projet de loi.
Par conséquent, pour des raisons plus de forme que de fond, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Monsieur Pozzo di Borgo, à mes yeux, il s'agit d'un amendement d'appel. Vous imaginez bien, en effet, que ce n'est pas à l'occasion de l'examen d'un simple amendement que l'on peut engager une réforme d'une telle ampleur. Je ne doute pas que le temps viendra où devra se poser cette grande question.
Quoi qu'il en soit, l'article 1er du projet de loi que nous examinons aujourd'hui, pour ce qui est de Paris, prévoit une co-animation des actions de prévention de la délinquance entre le maire et le préfet de police.
Il nous paraît donc difficile d'émettre un avis favorable sur cet amendement, que je vous demande de bien vouloir retirer, tout en comprenant le message que vous avez voulu adresser à cette occasion.
M. le président. La parole est à M. Philippe Goujon, pour explication de vote.
M. Philippe Goujon. Je ne suis pas opposé à l'argumentaire présenté par notre collègue Yves Pozzo di Borgo. Il s'agit, depuis de nombreuses années, d'un débat récurrent, auquel nos prédécesseurs au Conseil de Paris ont également apporté leur contribution.
Je ne voudrais pas vous infliger un débat sur le statut de la capitale et la répartition des pouvoirs de police entre le maire et le préfet, mais il est parfaitement vrai, comme l'a rappelé notre collègue Yves Pozzo di Borgo, que nous payons encore, plus de deux siècles plus tard, la protection par les sectionnaires parisiens et la garde municipale parisienne de la fuite de Robespierre, poursuivi par les Thermidoriens, à l'Hôtel de ville. Bonaparte a parfaitement compris que la foule parisienne avait joué un rôle éminent sous la Révolution française. C'est la raison pour laquelle il a privé de leurs pouvoirs de police, sinon pour l'éternité, en tout cas jusqu'à aujourd'hui, tous les maires de Paris qui se sont succédé. Le préfet de police, depuis l'arrêté consulaire du 12 messidor an VIII et la loi du 28 pluviôse de la même année, est le seul à détenir ces pouvoirs de police.
Par conséquent, nous devons, selon moi, avoir un débat sur le statut de Paris et, peut-être, proposer un nouveau statut de la ville capitale déconnecté de la loi relative à l'organisation administrative de Paris, Marseille et Lyon, dite « loi PML », laquelle a été imposée dans les conditions que l'on sait.
Mais ce n'est évidemment pas, comme l'ont rappelé M. le ministre délégué et M. le rapporteur, à l'occasion de l'examen de ce projet de loi relatif à la prévention de la délinquance que l'on peut modifier la répartition actuelle des pouvoirs. Néanmoins, ce texte, comme d'autres, comporte un certain nombre de dispositions qui améliorent quelque peu la situation. Je pense notamment aux pouvoirs de police accrus des agents de sécurité de la Ville de Paris s'agissant des relevés d'identité.
Par ailleurs, les différentes lois relatives à la sécurité intérieure présentées par Nicolas Sarkozy depuis 2002 ont permis des avancées remarquables, en octroyant à un certain nombre d'agents de la Ville de Paris quelques pouvoirs de police, y compris de police judiciaire.
C'est donc dans cette voie que nous devons progresser, en attendant un nouveau statut pour la ville de Paris, qui est aussi la capitale de notre pays, nouveau statut que tous les sénateurs parisiens appellent de leurs voeux.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Michel, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Michel. Je serai bref, puisque le groupe socialiste souscrit à la plupart des propos qui viennent d'être tenus.
La question du statut de Paris fait l'objet de façon récurrente d'un débat au Parlement. Pour des raisons d'ordre républicain, les pouvoirs de police, à Paris, sont confiés à l'État et non pas au maire.
Si la situation est, certes, issue de l'histoire, elle doit cependant, selon moi, être maintenue aujourd'hui. Quoi qu'il en soit, ce n'est pas au détour d'un amendement de cette nature, sur un tel projet de loi, que cette question pourrait être réglée, sans concertation préalable avec le Conseil de Paris ni avec le maire de Paris.
Pour ces raisons, nous ne voterons pas l'amendement n° 172 rectifié.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Mes chers collègues, on voit ici, à l'occasion de l'examen de ce projet de loi, comment les sénateurs de droite de Paris, qui appartiennent à la minorité municipale, veulent lancer un débat sur le statut de la capitale.
Monsieur Pozzo di Borgo, je vous rappelle que, si nous avons effectivement des débats récurrents sur ce sujet, la majorité municipale, à l'heure actuelle, est opposée à un changement de statut de la ville de Paris concernant la répartition des pouvoirs de police entre l'État et la municipalité.
Par conséquent, je vous en prie, n'engagez pas le débat ici avant qu'il ait eu lieu au Conseil de Paris et, surtout, en feignant d'ignorer la position de la majorité municipale.
M. le président. Monsieur Pozzo di Borgo, maintenez-vous l'amendement n° 172 rectifié ?
M. Yves Pozzo di Borgo. M. le ministre délégué a bien compris qu'il s'agissait d'un amendement d'appel.
Mes chers collègues, vous qui êtes des élus locaux, si vous étiez dans la situation parisienne, vous soutiendriez, me semble-t-il, les élus parisiens.
Je vous rappelle par ailleurs que, au cours de l'histoire, les élus de Paris communistes ou socialistes, avant leur arrivé au pouvoir en 1997, étaient très favorables à une nouvelle répartition. Après le changement de majorité, M. Vaillant, ministre de l'intérieur, et par ailleurs élu de Paris, s'y est opposé, suivant en cela la position du préfet de police. Les élus, toujours très indépendants, se sont alors déclarés hostiles aux positions qu'ils soutenaient deux ans auparavant. La situation fut identique au RPR.
Je remercie Philippe Goujon de m'avoir suivi dans cette affaire. Au demeurant, je vais retirer cet amendement, car ce n'est évidemment pas par ce biais que l'on peut changer le statut de Paris.
Pour ma part, lors des prochaines élections présidentielles, je soutiendrai un candidat « révolutionnaire », tandis que M. Estrosi soutiendra un candidat de « rupture ». J'espère que ce dernier intégrera dans son programme des propositions de ce genre !
Je retire donc l'amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 172 rectifié est retiré.
Article 1er
Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° À l'article L. 2211-1, après les mots : « sécurité publique », sont insérés les mots : « et de prévention de la délinquance » ;
2° Après l'article L. 2211-3, il est inséré un article L. 2211-4 ainsi rédigé :
« Art. L. 2211-4. - Sous réserve des pouvoirs de l'autorité judiciaire et dans le respect des compétences du représentant de l'État ainsi que des collectivités publiques, des établissements et des organismes intéressés, le maire anime, sur le territoire de la commune, la politique de prévention de la délinquance et en coordonne la mise en oeuvre.
« Dans les communes de plus de 10 000 habitants, il préside un conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance mis en place dans des conditions fixées par décret. » ;
3° Après l'article L. 2512-13, il est inséré un article L. 2512-13-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 2512-13-1. - Sous réserve des pouvoirs de l'autorité judiciaire et dans le cadre de leurs compétences respectives, le préfet de police et le maire de Paris animent la politique de prévention de la délinquance et en coordonnent la mise en oeuvre à Paris.
« Ils président le conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance. » ;
4° L'article L. 2215-2 est remplacé par les dispositions suivantes :
« Art. L. 2215-2. - Sous réserve des dispositions du code de procédure pénale relatives à l'exercice de la mission de police judiciaire, le représentant de l'État dans le département associe le maire à la définition des actions de lutte contre l'insécurité et l'informe régulièrement des résultats obtenus. Les modalités de l'association et de l'information du maire peuvent être définies par des conventions que le maire signe avec l'État.
« Les actions de prévention conduites par les collectivités territoriales et leurs établissements publics doivent être compatibles avec le plan de prévention de la délinquance arrêté par le représentant de l'État dans le département, dans des conditions fixées par décret. » ;
5° Le second alinéa de l'article L. 3214-1 est remplacé par les dispositions suivantes :
« Il statue sur l'organisation et le financement des services et des actions sanitaires et sociaux qui relèvent de sa compétence, notamment des actions qui concourent à la politique de prévention de la délinquance. Pour la mise en oeuvre des actions de prévention de la délinquance, une convention entre la commune ou l'établissement public de coopération intercommunale intéressé et le département détermine notamment les territoires prioritaires, les moyens communaux et départementaux engagés et leur mode de coordination, l'organisation du suivi et de l'évaluation des actions mises en oeuvre. » ;
6° Après l'article L. 5211-58, sont insérés les articles L. 5211-59 et L. 5211-60 ainsi rédigés :
« Art. L. 5211-59. - Lorsqu'un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre exerce la compétence relative aux dispositifs locaux de prévention de la délinquance, son président anime et coordonne, sous réserve du pouvoir de police des maires des communes membres, les actions qui concourent à l'exercice de cette compétence. Il préside un conseil intercommunal de sécurité et de prévention de la délinquance, mis en place dans des conditions fixées par décret.
« Art. L. 5211-60. - Lorsqu'un établissement public de coopération intercommunale exerce la compétence relative aux dispositifs locaux de prévention de la délinquance, il peut décider, sous réserve de l'accord de la commune d'implantation, d'acquérir, installer et entretenir des dispositifs de vidéosurveillance. Il peut mettre à disposition de la ou des communes intéressées du personnel pour visionner les images. »
M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, sur l'article.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Cet article, mes chers collègues, nous conduit à nous poser la question du rôle du maire.
En effet, l'extension de ses pouvoirs va entraîner une série de conséquences extrêmement dommageables pour notre démocratie, pour la situation des mineurs et de leur famille, ainsi que pour les maires eux-mêmes et les travailleurs sociaux.
Ces nouveaux pouvoirs sont dommageables pour notre démocratie, car ils remettent en cause, d'une part, l'autorité de la justice et, d'autre part, le principe de séparation des pouvoirs. En outre, votre réforme, monsieur le ministre délégué, contribue à la confusion totale des pouvoirs et des compétences.
On a envie de demander à M. le ministre de l'intérieur, qui paraît fasciné par le modèle américain, s'il n'est pas tenté de l'appliquer à tous les niveaux de notre société. Il a ainsi décidé de faire de nos maires des petits shérifs, des contrôleurs sociaux et des instructeurs locaux.
Il s'agit ainsi de procéder à la municipalisation non seulement des pouvoirs de police, qui sont aujourd'hui confiés à l'État, mais aussi de la prévention et de l'action sociale, qui sont du ressort du conseil général.
Monsieur le ministre délégué, après avoir commencé à déléguer certains pouvoirs aux maires dans la loi pour l'égalité des chances, vous poursuivez votre lent mais constant travail de sape de nos institutions judiciaires en voulant déjudiciariser la prévention. Comme l'a d'ailleurs dit le président de la Ligue des droits de l'homme lors d'une audition, avec ce projet de loi, vous nous faites basculer dans une ère d'incertitudes et de dangers inacceptables.
Avec la possibilité, pour les maires, de procéder officiellement à des rappels à l'ordre, de convoquer les familles à ce nouvel ovni juridique que sera le conseil des droits et des devoirs des familles, vous battez en brèche le principe de séparation des pouvoirs entre l'exécutif et le judiciaire, sans aucune garantie ni même aucun droit à la défense.
En introduisant aussi formellement le maire dans la chaîne pénale, non seulement vous créez une rupture de confiance entre les habitants et lui, confiance née d'une pratique informelle d'intermédiation, de conciliation et de prévention, mais, surtout, vous oeuvrez à la mise en place d'une sorte de para-juridiction aux contours les plus flous et aux conséquences les plus dommageables pour tous.
La délégation de nouvelles compétences au maire ainsi que la structure de la prévention que vous dessinez, vont causer d'autres dommages à notre société.
Tout d'abord, bien entendu, ces délégations supplémentaires de compétences ne s'accompagnent pas de délégation de moyens financiers.
Encore une fois, ce sera donc aux villes les plus pauvres, les plus vulnérables, les plus démunies, d'assumer le délestage financier auquel vous procédez aujourd'hui. Quand, dans ces villes, des drames interviendront pour cause d'absence de moyens, le maire se verra davantage reprocher ces faits, en plus de sa responsabilité d'élu. Ainsi, vous l'affaiblissez davantage encore, en jetant sur lui un discrédit probable, au lieu de le renforcer et le protéger.
Dans le même sens, avec les obligations nouvelles que fait également peser votre projet de loi sur les travailleurs sociaux ou l'inspecteur d'académie, c'est la responsabilité civile, voire pénale, de ces personnes que vous alourdissez.
Alors que, dans l'actuel du droit, les maires voient très souvent leur responsabilité pénale engagée pour diverses raisons - du panier de basket qui s'effondre sur un enfant dans une école à la voiture du cortège de la fête de village qui dérape et fauche des habitants -, le niveau de mise en cause de leurs responsabilités civile et pénale est tel - l'Association des maires de France nous l'a souvent dit - qu'il est de plus en plus difficile de susciter des vocations. Avec cet article, vous décidez d'alourdir encore cette responsabilité !
De plus, à cette délégation de responsabilité juridique supplémentaire qui pèsera sur les maires et tous les acteurs de la chaîne de prévention, vous ajoutez une délégation de responsabilités politique et morale.
En surfant sur la vague des peurs et des craintes que vous aurez vous-même attisées, vous pourrez, demain, admonester publiquement les maires des villes où se produiront des événements graves, émeutes de banlieues, par exemple. Vous pourrez ainsi mieux reprocher aux maires les violences urbaines - notre pays n'est malheureusement pas à l'abri de ces phénomènes ! -, en disant que vous leur avez pourtant donné tous les pouvoirs et les moyens d'agir !
Enfin, ce projet de loi entraînera une profonde dénaturation de la fonction des acteurs locaux majeurs que sont les maires et les travailleurs sociaux. Le maire n'est pas un agent de répression, ni un agent de contrôle social, même sous le prétexte de prévenir la délinquance. Nos élus n'ont pas vocation à se substituer aux juges, et encore moins aux travailleurs sociaux. Les maires de France doivent résister à la tentation de tout savoir et tout contrôler.
Il en va de même du rôle et du sens de l'action sociale : elle va ainsi perdre sa spécificité, qui consiste en un maillage étroit entre le conseil général, les associations de prévention, les travailleurs sociaux et la justice pour une action de proximité.
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, sur l'article.
Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, nous avons été plusieurs à le dire, ce texte, particulièrement en son article 1er, donne aux maires un rôle central dans l'animation et la coordination de la politique de prévention de la délinquance.
Nous pensons que ces nouvelles compétences du maire en matière de sécurité risquent, à terme, d'être contreproductives. Les maires vont subir une énorme pression de la part de leurs concitoyens, qui attendront des résultats à court terme en matière de sécurité et de lutte contre la délinquance.
Dans ces circonstances, c'est bien souvent la politique du chiffre et de l'urgence qui guide toute action, ce qui est en totale contradiction avec des actions de prévention. Les maires se retrouveront en quelque sorte piégés : ils seront obligés d'agir vite, sans forcément avoir des moyens à la hauteur des enjeux.
La prévention demande, me semble-t-il, non seulement des moyens, mais également du temps. La commune n'est pas toujours l'échelon qui permet de mener une politique sur le long terme, surtout en ce qui concerne la sécurité.
Or, si de nouvelles compétences sont octroyées aux maires et aux communes, aucune mesure de compensation n'est prévue. J'ai bien suivi le débat sur le fameux fonds sans fonds, qui est donc aujourd'hui un objet non identifié. À mon sens, une politique se fait non avec du virtuel, mais avec du réel !
Nous réaffirmons également que l'État doit être le seul à pouvoir mener une telle action. Or l'article 1er opère un glissement insidieux de la responsabilité des missions de prévention de la délinquance de l'État vers les collectivités territoriales, en particulier les maires.
En résumé, que constatons-nous ? La politique de prévention de la délinquance est éclatée au niveau des communes. Malgré ce que l'on ne cesse de nous affirmer, il s'ensuivra d'inévitables disparités entre celles-ci, cela au détriment non seulement des populations, mais également des maires, qui ne manqueront pas de subir, lors d'échéances électorales, les conséquences de l'éventuel mécontentement de leurs administrés.
Depuis 2002, le Gouvernement a considéré que lutter contre la délinquance signifiait rendre le droit plus répressif et la police plus agressive. Devant l'échec de cette option, il renvoie la balle de la mise en oeuvre de ces actions de prévention de la délinquance aux collectivités locales, en particulier à la commune.
L'enjeu est d'une telle importance que les élus de mon groupe ont souhaité lancer un appel aux maires pour les alerter sur les risques inhérents à de tels choix.
Vous l'avez compris, nous n'acceptons pas l'orientation qui est proposée ici. C'est pourquoi nous rejetterons l'article 1er.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Michel, sur l'article.
M. Jean-Pierre Michel. L'article 1er, qui contient les dispositions générales destinées à préciser les compétences de chacun des acteurs de la politique de prévention de la délinquance, relève bien du ministre d'État, ministre de l'intérieur, puisqu'il vise à modifier le code général des collectivités territoriales.
En revanche, on s'étonne que le même ministre d'État soit compétent pour modifier le code pénal, le code de procédure pénale, le code de l'action sociale et des familles, le code de l'éducation et le code de la santé publique. On s'étonne également que le texte de loi, signé par le Premier ministre, bien sûr, ne le soit que par un seul ministre, le ministre d'État, ministre de l'intérieur.
Les autres ministres ne sont pas cosignataires de ce texte. C'est donc bien le ministre d'État, ministre de l'intérieur, qui est le grand, le seul responsable de ce texte relatif à la prévention de la délinquance.
Après avoir écouté M. Sarkozy hier, je me suis interrogé pour comprendre quelle était véritablement sa pensée. En effet, on constate un énorme hiatus entre le ministre d'État, ministre de l'intérieur, et un certain nombre d'entre nous, qui considèrent que le texte ne comporte que des mesures répressives. Ce n'est donc pas de la prévention, c'est bien de la répression !
Ce texte reprend d'ailleurs très exactement ce qui avait été, à juste titre, dénoncé par Michel Foucault dans Surveiller et punir en tendant à assurer un contrôle social sur les classes populaires, en mettant en place des procédures de délation, des procédures qui vont à l'encontre du respect du secret professionnel, en multipliant les fichiers tout en permettant leur accès à des personnes n'ayant pas la compétence sur le fond, contrairement au principe même des fichiers.
Tout cela rend bien évidemment suspects tous les citoyens, y compris les mineurs. Un simple usager de substances addictives devient un délinquant en puissance et non une personne qu'il faudrait inciter à se soigner, comme le penseraient un certain nombre d'entre nous. Les malades mentaux sont aussi considérés comme des délinquants en puissance, alors qu'ils ne le sont pas tous.
Cette façon de penser me surprend beaucoup. Aussi ai-je essayé d'en savoir plus. Je me suis donc reporté aux écrits de celui qui considère aujourd'hui Nicolas Sarkozy comme son « petit maître à penser », je veux parler de M. Bruno Beausir, alias Doc Gynéco.
Ce dernier a publié un certain nombre d'ouvrages qui sont très intéressants à lire...
M. Jean-Pierre Michel. ... et sur lesquels je reviendrai tout au court du débat. On y trouve en effet, sur l'usage des produits toxiques, par exemple, beaucoup de pensées très fortes de Bruno Beausir, lesquelles ne vont pas exactement dans le sens de son petit maître à penser ! Mais peut-être Bruno Beausir va-t-il modifier la pensée du ministre d'État ?
M. Pierre-Yves Collombat. C'est en train d'évoluer !
M. Jean-Pierre Michel. Il fait du ministre d'État, ministre de l'intérieur, c'est-à-dire de son petit maître à penser, une description que je vais vous livrer, car elle m'a beaucoup éclairé. J'espère, mes chers collègues, qu'il en sera de même pour vous. Il le compare à George Bush.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est normal !
M. Jean-Pierre Michel. « George Bush n'est pas bon pour l'homme. En tant qu'homme lui-même, il est mauvais, mais il est certainement bon pour la nation, pour l'Amérique. C'est pour ça qu'on prend Sarko. (M. Charles Gautier rit.) On sait qu'il n'est pas bon humainement, qu'il est zéro, mais on a l'impression que, pour diriger le pays, il serait bien. Pourquoi ? Parce que Sarkozy veut virer les pauvres renois qui sont dans les squats. » (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Charles Gautier. La suite au prochain article !
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Je veux dire à M. Michel que son intervention n'est pas digne d'un élu de la République ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP. -Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Pierre Sueur. Qui a invité Doc Gynéco ? Qui l'a placé au premier rang, lors du discours de clôture de l'université d'été de l'UMP ?
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Monsieur Michel, celles et ceux qui vous ont fait confiance pensaient sans doute qu'ils pourraient s'appuyer sur un représentant au Sénat capable d'argumenter sur des textes fondamentaux pour rétablir, dans notre pays, l'équilibre en matière de sécurité. Le fait que vous en soyez venu à des attaques personnelles d'une telle bassesse à l'égard du ministre d'État n'est vraiment pas digne de ceux que vous représentez au sein de cet hémicycle !
M. Jean-Pierre Sueur. C'est une citation !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Cela dit, en cet instant précis, par votre intervention, vous affaiblissez considérablement un grand nombre de démonstrations qui pourront être faites sur d'autres amendements dans le prolongement de notre discussion et qui auraient été perçues comme plus crédibles aux yeux de certains de vos collègues. C'est votre responsabilité. En tout cas, selon moi, monsieur Michel, à cette occasion, vous vous êtes réduit vous-même !
M. Jean-Pierre Sueur. Pourquoi avoir invité Doc Gynéco à l'université d'été de l'UMP et pourquoi l'avoir placé au premier rang ? Il a même eu droit à la bise !
M. le président. S'il vous plaît, monsieur Sueur !
M. Jean-Pierre Sueur. C'est la vérité, monsieur le président !
M. le président. Sur l'article 1er, je suis saisi de vingt amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 180 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 247 est présenté par MM. Peyronnet, Godefroy, Badinter, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mahéas et Sueur, Mme Campion, MM. Cazeau et Domeizel, Mmes Demontès et Jarraud-Vergnolle, M. Michel, Mme Schillinger, MM. Guérini, Lagauche, Madec, Mélenchon, Mermaz et Ries, Mmes Tasca, Boumediene-Thiery et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour présenter l'amendement n° 180.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je souscris aux interventions sur l'article de ma collègue Éliane Assassi et de M. Jean-Pierre Michel, y compris la façon tout à fait intéressante avec laquelle ce dernier a exprimé ce qu'il avait envie de dire. Franchement, monsieur le ministre délégué, vous êtes mal placé pour affirmer que les propos qu'il a tenus ne sont pas dignes de notre assemblée !
Pourquoi voulons-nous supprimer l'article 1er ?
Vous envisagez d'accroître les pouvoirs du maire, mais quelle est la réalité derrière ce texte ? Je rappelle au passage que le maire a d'ores et déjà des pouvoirs et des obligations fixés par des textes et qu'il dispose de structures permettant d'échanger et d'évaluer la situation dans sa commune au regard de l'insécurité. Affirmer qu'il faut, par la loi, lui conférer en la matière de nouveaux pouvoirs cache donc quelque chose.
Que cela cache-t-il effectivement ? Vous proposez que le maire ait de nouvelles compétences, mais aucun pouvoir de décision ne lui sera accordé pour sa collectivité. Il sera animateur et coordinateur de la prévention de la délinquance dans sa commune. De plus, ses actions devront être « compatibles » - il y aurait toute une exégèse à faire de ce qualificatif - avec le plan départemental de prévention de la délinquance élaboré par le préfet, ce qui représente une contrainte pour le maire. La commission des lois nous a d'ailleurs soumis un amendement visant à assouplir quelque peu ce qui serait sinon une véritable tutelle du préfet.
C'est la première fois que serait introduite aussi clairement dans une loi une disposition enlevant au maire le droit, sinon l'obligation, issu du suffrage universel de respecter les engagements qu'il a pris lui-même envers les habitants de sa commune. Pourtant, vous aimez beaucoup parler de l'autonomie des communes !
Il aura d'autant moins de pouvoirs que le projet de loi ne prévoit aucun moyen spécifique à cette fin et que nous avons eu la démonstration que le fonds créé sera sans fonds.
J'ajoute que le transfert des charges en matière de police de proximité aux collectivités locales est sous-jacent dans ce texte. Une fois de plus, vous voulez faire porter la responsabilité des conséquences de votre politique par les élus locaux, alors que vous avez décrété que l'État devait continuer à exercer ses pouvoirs régaliens de police et de justice, les seuls que vous voulez bien lui laisser.
Déjà, la police nationale se retire des villes et ce sont bien souvent la police municipale ou des médiateurs qui interviennent sur le terrain. Tout le monde s'accorde à reconnaître que l'existence de deux polices - la police nationale et la gendarmerie - est suffisante. Vous allez de ce fait introduire de nouvelles inégalités de traitement.
Le maire aura en revanche des pouvoirs de sanction sur les individus. L'obligation pour les professionnels de l'action sociale de lui donner des informations sur les familles en difficulté - informations qui aujourd'hui relèvent du secret professionnel -, les rappels à l'ordre, le conseil pour les droits et devoirs des familles, participent de ce pouvoir de sanction.
Le travail social et l'accompagnement demandent du temps, de la confiance. C'est pourquoi les travailleurs sociaux refusent leur instrumentalisation - les personnes la ressentiront comme telle - au service de politiques répressives.
Alors que les maires ont pour mission de recréer du lien social, et on a mesuré, en novembre dernier, le rôle positif que les compétences dont ils sont dotés d'ores et déjà leur ont permis de jouer, du moins à ceux qui l'ont bien voulu, on leur demande de faire l'inverse.
Il est évident que le maire ne peut pas être exonéré de certaines responsabilités en matière de délinquance et que sa proximité lui permet de jouer un rôle essentiel en ce domaine. Mais attention à ce que vous voulez lui faire faire : il n'est pas question ici d'un échange avec les travailleurs sociaux ; il s'agit de lui permettre de prendre seul une décision, avec le risque d'arbitraire qu'elle comporte.
Si les décisions collégiales et, ponctuellement, l'échange d'informations sont nécessaires, ce ne peut être une norme et la concertation peut se faire dans le respect des règles de confidentialité.
Votre projet a non pas pour objet de contribuer au règlement des problèmes, mais bien de faire des maires des « Pères Fouettards», ce que certains refusent.
Car vous semblez penser que tous les maires sont d'accord. C'est faux ! Nombre d'entre eux ne le sont pas, ils nous l'ont dit, et il serait intéressant de les dénombrer.
Votre texte consiste donc à transférer aux maires la responsabilité du maintien de l'ordre et de faire payer les communes. En cela, il est en tout point conforme à vos conceptions puisque l'État se décharge ainsi de ses responsabilités sur les collectivités territoriales. Mais si certains maires espèrent être mieux à même de réagir avec ces dispositions, ils déchanteront vite, notamment dans les communes qui rencontrent le plus de difficultés, notamment les communes les plus pauvres.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet, pour présenter l'amendement n° 247.
M. Jean-Claude Peyronnet. Je ne prétends pas être exhaustif sur ce thème. Nous aurons l'occasion, au fil de l'examen des différents alinéas de cet article, d'expliciter notre position.
S'agissant de la dignité de nos débats et de la crédibilité de nos arguments, je veux dire à M. Estrosi que ni M. Sarkozy ni M. Hortefeux n'ont écouté un mot du discours que j'ai prononcé hier. Tout le monde a pu le remarquer.
M. Jean-Claude Peyronnet. Je l'avais remarqué et je vous en remercie.
Pour autant, cela n'a pas empêché M. Hortefeux, qui doit être tout à fait génial, de me répondre quand même. C'est merveilleux !
M. Charles Gautier. C'est une grande oreille ! (Sourires.)
M. Jean-Claude Peyronnet. Je suppose que des gens écoutaient à sa place et qu'il a pu bénéficier de petites notes manuscrites. Reste que, si l'on veut parler de dignité et de respect des uns et des autres, il faut alors au moins faire semblant d'écouter.
À cet égard, je vous remercie, monsieur le ministre délégué, de ne pas faire seulement semblant d'écouter, et de ne pas manquer de nous dire sur des points précis en quoi vous êtes d'accord ou non avec nous.
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Je suis au moins d'accord avec vous sur un point : M. Hortefeux est génial ! (Sourires.)
M. Jean-Claude Peyronnet. J'ai dit qu'il devait l'être, monsieur le ministre délégué...Mais nous n'allons pas comparer les mérites des uns et des autres, surtout sur ces thèmes.
Personne ne sera surpris que nous demandions la suppression de cet article, après tout ce que nous avons dit tant au cours de la discussion générale qu'à l'instant, lors de l'examen de l'amendement tendant à insérer un article additionnel avant l'article 1er. Cet article est au coeur du dispositif que vous voulez mettre en place s'agissant du rôle du maire.
Je souscris à ce qu'a dit Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il est quelque peu malhonnête de dire que les maires sont d'accord avec ce que vous proposez. Autant ils saluent le fait que ce texte reconnaît leur rôle en la matière, autant ils sont nombreux - si l'on se réfère aux débats qui ont eu lieu au sein de l'Association des maires de France - à exprimer des positions bien plus nuancées sur le rôle qu'on veut leur faire jouer, sur le manque de moyens. Il s'agit même parfois plus que des nuances.
Il faut en effet avoir à l'esprit que, l'AMF étant une association pluraliste, la parole d'un certain nombre de ses membres a été bridée. Si tel n'avait pas été le cas, certains se seraient exprimés de façon sinon beaucoup plus violente du moins beaucoup plus claire.
La consécration législative du rôle des maires, si elle flatte un peu leur ego, est purement symbolique et, de ce fait, ne les satisfait pas complètement. Aux termes d'une sentence déclaratoire, on fait du maire un pilote et un chef d'orchestre sans qu'il soit légitimé en tant qu'acteur efficace de la prévention de la délinquance. Les maires ont joué ce rôle et continuent de le jouer, en l'absence de toute disposition législative. À certains égards, on peut se demander si la loi n'aura pas pour conséquence de les brimer et les brider dans leur action en les positionnant dans un rôle qui n'est pas vraiment le leur et qui les desservira vis-à-vis de leurs concitoyens.
Je passe rapidement sur le manque de moyens financiers de l'État et sur la baisse constante ces dernières années des crédits en faveur de la politique de sécurité dans le cadre notamment de la politique de la Ville et des contrats locaux. Désormais, les collectivités concourent bien plus que l'État au financement de la politique de sécurité, alors même qu'elles manquent d'argent. Les associations qui devraient les soutenir ne le peuvent plus, toujours faute de moyens.
On peut aussi discuter la méthode. Il faudrait mener des actions de prévention, c'est-à-dire devancer et avertir. Or la quasi-totalité de ce qui nous est présenté ici est purement réactif. La définition de la prévention telle qu'elle s'inscrit en filigrane de votre action et du rôle que vous voulez assigner aux maires ressortit en réalité à la répression.
Enfin, une confusion s'instaure dans les transferts de responsabilités. Il n'est pas bon d'imposer aux maires des communes de plus de 10 000 habitants la création d'un conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance. En effet, les conseils existants ne fonctionnent bien que parce qu'ils ont suscité l'adhésion, parce qu'il s'est trouvé des personnes convaincues de la nécessité de les mettre en place. Sinon, cela ne sert à rien. Ce n'est pas en imposant la création d'un conseil « dormant », car il en sera forcément ainsi, que les choses iront mieux.
De la même manière, je doute que les relations entre le président du conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance et le conseil général puissent être très efficaces à cet égard. Mais cette confusion institutionnelle ne fait que s'ajouter aux défauts que j'ai déjà mentionnés plus haut.
Pour toutes ces raisons, nous demandons la suppression de l'article 1er.
M. le président. L'amendement n° 293, présenté par Mme Troendle, MM. Carle, Gournac et les membres du groupe Union pour un mouvement populaire, est ainsi libellé :
Après le deuxième alinéa (1°) de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :
...° À l'article L. 2211-3, les mots : « infractions causant un trouble grave à l'ordre public commises » sont remplacés par les mots : « actes graves de délinquance commis »
La parole est à Mme Catherine Troendle.
Mme Catherine Troendle. Mon intervention sera un peu longue, mais cela me semble indispensable pour une juste compréhension de ma démarche.
Le texte que nous discutons représente, ainsi que nous l'avons largement développé dans la discussion générale, une véritable avancée en faisant du maire le pivot de la politique de prévention de la délinquance à l'échelle de son territoire.
Pourtant, nous savons tous qu'une des premières préoccupations des maires tient au fait qu'ils ne sont pas informés des délits et des crimes qui sont commis sur le territoire de leur commune. J'adhère évidemment à l'ensemble des dispositions qui renforcent leur rôle de coordination. Mais comment pourront-ils l'assurer s'ils ne sont pas mieux informés des infractions qui les concernent par la police ou la gendarmerie ?
L'information des maires est une problématique que nous portons depuis de nombreuses années au Sénat. Cette idée fut initialement développée en 2000 dans des travaux de la majorité sénatoriale. Les conclusions de ces ateliers avaient alors donné lieu au dépôt d'une proposition de loi cosignée par les quatre présidents de groupe de la majorité de l'époque - Henri de Raincourt, Jean Arthuis, Guy Cabanel et Josselin de Rohan. Cette disposition fut adoptée par le Sénat, sous la forme d'un amendement du rapporteur, notre ancien collègue Jean-Pierre Schosteck, lors de l'examen de la loi du 15 novembre 2001 relative à la sécurité quotidienne, soutenue par Daniel Vaillant. La navette n'avait pas alors permis le maintien de cette disposition.
Dès l'alternance, le décret du 17 juillet 2002 relatif aux dispositifs territoriaux de sécurité et de coopération pour la prévention et la lutte contre la délinquance pris par Nicolas Sarkozy a apporté des précisions sur cette question. Son article 4 prévoit notamment que « les maires sont informés sans délai des actes graves de délinquance commis dans leur commune ». Cette information doit être donnée par les responsables locaux de la police et de la gendarmerie.
Enfin, l'examen du projet de loi Perben II en octobre 2003 a permis de consacrer législativement cette mesure. Dominique Perben avait mis en place un groupe de travail rassemblant des élus et des procureurs de la République, notamment pour réfléchir à la question de l'information des maires afin d'aboutir à une rédaction permettant de « respecter le secret de l'instruction et les règles de la procédure pénale ».
Aux termes de la rédaction actuelle de l'article L. 2211-3 du code général des collectivités territoriales : « Les maires sont informés sans délai par les responsables locaux de la police ou de la gendarmerie des infractions causant un trouble grave à l'ordre public commises sur le territoire de leur commune, dans le respect des dispositions de l'article 11 du code de procédure pénale ».
Or, forts de quatre années de pratique, nous savons tous maintenant que la notion de « trouble grave à l'ordre public » restreint considérablement le champ d'application des dispositions alors souhaitées par le législateur.
Pour que ce principe trouve sa pleine application, il convient de consacrer législativement la forme la plus protectrice du droit à l'information des maires, alors même que nous souhaitons faire d'eux les personnages centraux de la coordination de la prévention des actes de délinquance.
En conséquence, l'amendement que je vous propose en revient à la rédaction du décret de 2002, lequel proposait que les maires soient « informés sans délai des actes graves de délinquance commis dans leur commune », étant toutefois entendu que cette information devra s'inscrire dans le respect des dispositions actuelles de l'article 11 du code de procédure pénale, qui garantit le respect du secret de l'instruction.
Cette évolution peut susciter, je le sais, un certain nombre de réticences, notamment de la part des parquets. Je sais aussi qu'il vaut parfois mieux un accord mesuré que l'adoption d'une disposition de posture qui ne sera jamais suivie d'effet dans la pratique.
Pour ces raisons, je suis prête à rectifier mon amendement pour vous proposer une rédaction moins extensive mais qui représentera, néanmoins, une réelle avancée pour les maires. La notion de « trouble grave à l'ordre public » est trop restrictive, mais nous pourrions nous contenter de supprimer le terme « grave ».
Je souhaite néanmoins vous poser deux questions au préalable, monsieur le ministre délégué.
En premier lieu, pouvez-vous nous assurer que, en dépit du maintien de la notion de trouble à l'ordre public, les actes de délinquance qui concernent le maire, notamment parce qu'ils touchent à des relations de voisinage ou affectent la vie d'un quartier, lui seront signalés avec la rédaction que je vous propose ?
En second lieu, comptez-vous prendre devant nous un engagement solennel que la loi, si nous la modifions, sera suivie d'effet et que des instructions seront données aux responsables locaux de la police ou de la gendarmerie afin de garantir aux maires cette information si précieuse ?
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 293 rectifié, présenté par Mme Troendle, MM. Carle, Gournac et les membres du groupe Union pour un mouvement populaire, et ainsi libellé :
Après le deuxième alinéa (1°) de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :
...° Dans l'article L. 2211-3, le mot : « grave » est supprimé ;
L'amendement n° 128 rectifié, présenté par M. de Broissia, Mme Garriaud-Maylam, MM. Huré, Grignon, Doligé, Milon, Besse, Cléach, Houel, Jarlier, Sido, Billard, Fournier, Esneu, Vial, Leroy et les membres du groupe Union pour un mouvement populaire et M. Retailleau, est ainsi libellé :
Dans le premier alinéa du texte proposé par le 2° de cet article pour l'article L. 2211-4 du code général des collectivités territoriales, remplacer les mots :
ainsi que des collectivités publiques
par les mots :
du département et des autres collectivités publiques
La parole est à M. Bruno Retailleau.
M. Bruno Retailleau. Cet amendement a pour objet d'éviter une regrettable confusion institutionnelle. Placer le maire au centre des actions de coordination pour la politique de prévention est une mesure de bon sens. Mais nous souhaitons que l'articulation des actions de prévention du maire avec celles du département soit reconnue. Il s'agit donc simplement de citer le département. Les différentes lois de décentralisation en font d'ailleurs un acteur primordial en matière d'action sociale. Cela va de soi, mais cela va encore mieux en le disant !
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures quarante-cinq, est reprise à quinze heures cinq, sous la présidence de Mme Michèle André.)
PRÉSIDENCE DE Mme Michèle André
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
3
DÉPÔT D'UN RAPPORT De la cour des comptes
Mme la présidente. M. le président du Sénat a reçu de M. Philippe Séguin, Premier président de la Cour des comptes, le rapport de la Cour sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale, conformément à l'article L.O. 132-3 du code des juridictions financières.
Acte est donné du dépôt de ce rapport.
Il sera transmis à la commission des affaires sociales et sera disponible au bureau de la distribution.
4
Prévention de la délinquance
Suite de la discussion d'un projet de loi
Mme la présidente. Nous reprenons la discussion du projet de loi relatif à la prévention de la délinquance.
Article 1er (suite)
Mme la présidente. Nous poursuivons la discussion de l'article 1er.
Au sein des amendements faisant l'objet d'une discussion commune, nous en sommes parvenus à l'amendement n° 163.
L'amendement n° 163, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et M. Desessard, est ainsi libellé :
I. Dans le premier alinéa du texte proposé par le 2° de cet article pour insérer un article L. 2211-4 dans le code général des collectivités territoriales, après les mots :
le territoire de la commune,
insérer les mots :
la réflexion sur
II. Après les mots :
prévention de la délinquance
supprimer la fin de ce même alinéa
La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Puisque nous avons le plaisir de débattre en présence du ministre délégué aux collectivités territoriales, nous pouvons revenir sur la question essentielle, à savoir le rôle du maire.
Cela a été dit à plusieurs reprises, le maire, malgré l'importance de son rôle, n'a pas vocation à diriger la politique de prévention de la délinquance dans sa ville.
Je comprends que ce rôle, qui relève souvent de l'informel, soit reconnu comme étant au coeur de la prévention. Mais cela ne peut en rien justifier le fait que soient accordés au maire des pouvoirs exorbitants, lesquels se retourneront inévitablement contre lui, car ils porteront atteinte, à un moment donné, à sa crédibilité.
Élu favori des Françaises et des Français, le maire ne peut continuer à bénéficier de ce statut privilégié qu'à la condition qu'il demeure dans son rôle de réflexion, d'animation et de coordination d'une politique de prévention.
D'ailleurs, les maires, dans leur majorité, sont réticents à cet accroissement de leurs pouvoirs. Au cours des auditions, nous avons souvent entendu les maires souligner l'importance qu'ils attachaient à la reconnaissance de leur rôle et dire combien il pouvait être risqué et dangereux de codifier ce rôle de manière officielle.
Nombreux sont ceux qui demandent que leur rôle actuel soit reconnu par les différents partenaires - la police nationale, la justice, le préfet - qui, trop souvent, ne daignent même pas répondre à leurs courriers ou à leurs appels. Les maires veulent que s'instaure un véritable partenariat, sans que ce dernier soit obligatoirement axé sur cette politique.
D'un côté, vous clamez haut et fort que vous désirez faire du maire le patron de la politique de prévention de la délinquance, alors que, de l'autre, vous maintenez sa soumission au plan préfectoral de prévention de la délinquance et, pratiquement, vous le maintenez sous la tutelle du préfet en ce domaine ! N'est-ce pas contradictoire ?
Du reste, ce projet de loi est truffé de dispositions qui entretiennent la confusion des compétences et des responsabilités, et sont parfois en contradiction avec d'autres textes.
On observe une confusion entre les compétences et les responsabilités du maire, mais aussi avec celles du préfet, du juge, des conseillers généraux - car c'est souvent le conseil général qui gère la politique sociale -, des travailleurs sociaux, voire des membres du corps enseignant.
Cette confusion institutionnelle est de nature à entraîner une rupture de confiance à trois niveaux.
Il s'agit, d'abord, d'une rupture de confiance entre le maire et ses habitants. Ces derniers considéreront désormais que le maire a basculé du camp de la prévention à celui de la répression. Ce personnage politique le plus proche des préoccupations des citoyens, celui qui représente souvent l'espoir, suscitera, à n'en pas douter, la crainte, voire la délation.
Il s'agit, ensuite, d'une rupture de confiance entre les familles en difficulté et les travailleurs sociaux, lesquels risquent d'apparaître aux yeux de celles-ci comme des agents de contrôle social, contraints de communiquer des informations confidentielles, nominatives, à un grand nombre de personnes, dont le maire et ses représentants.
Il s'agit, enfin, d'une rupture de confiance entre le maire et les travailleurs sociaux, qui peuvent être amenés à considérer le maire non plus comme un recours, une personne au plus près du terrain, avec qui l'on collabore librement et efficacement, mais plutôt comme quelqu'un qui imposera une politique dans ce domaine d'intervention, au risque de perturber le modèle de la coopération et d'aller parfois jusqu'à la délation.
Cet amendement tend précisément à faire en sorte que cet élu voit sa place reconnue au coeur de ce partenariat, sans que sa mission soit dénaturée.
Mme la présidente. L'amendement n° 4, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Au second alinéa du texte proposé par le 2° de cet article pour insérer un article L. 2211-4 dans le code général des collectivités territoriales, remplacer les mots :
il préside
par les mots :
le maire ou son représentant préside
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Cet amendement a simplement pour objet de remédier à une lacune juridique, puisque, en l'état actuel des textes, il n'est pas évident que le maire puisse être représenté à la présidence du conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance.
La commission prévoit donc cette possibilité de manière expresse, ce qui permet d'ailleurs d'aligner le droit sur le fait. En effet, nombre de maires se font d'ores et déjà représenter, ce qui est indispensable, car, outre ce conseil, d'autres organismes existent, comme les cellules de veille, et on ne peut demander au maire d'être présent partout.
Mme la présidente. L'amendement n° 133 rectifié, présenté par M. Bockel et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter le second alinéa du texte proposé par le 2° de cet article pour insérer un article L. 2211-4 dans le code général des collectivités territoriales par une phrase ainsi rédigée :
Lorsqu'il est fait application de l'article L. 5211-59, la mise en place par les communes membres de l'établissement public de coopération intercommunale d'un conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance est facultative.
La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet.
M. Jean-Claude Peyronnet. Cet amendement est défendu.
Mme la présidente. L'amendement n° 241 rectifié bis, présenté par Mme Gourault, MM. Hérisson, Jarlier, Détraigne et Houel, est ainsi libellé :
Compléter le 2° de cet article par un article ainsi rédigé :
« Art. L. 2211-5. - Les membres composant un conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance sont autorisés à partager entre eux les informations et documents nécessaires à la continuité et à l'efficacité de leurs interventions. Les informations ainsi communiquées ne peuvent être divulguées à des tiers, non membres du conseil, sous peine des sanctions prévues à l'article 226-13 du code pénal ».
La parole est à M. Yves Détraigne
M. Yves Détraigne. Cet amendement vise à transposer au conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance le dispositif du secret partagé qui est prévu pour le conseil pour les droits et devoirs des familles.
L'objet du CLSPD étant très proche de celui du conseil pour les droits et devoirs des familles, celui-ci jouant un rôle éminent dans la lutte contre la délinquance et la prévention de la délinquance, il nous semble utile, par souci d'efficacité, que les membres du CLSPD soient autorisés à partager entre eux les informations et les documents nécessaires à l'efficacité de leurs interventions.
J'ajoute que cette disposition est pratiquement la copie conforme de celle qui nous est soumise par le Gouvernement à l'article 5 du projet de loi s'agissant du conseil pour les droits et devoirs des familles.
Mme la présidente. L'amendement n° 170 rectifié, présenté par M. Pozzo di Borgo et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :
Dans le premier alinéa du texte proposé par le 3° de cet article pour l'article L. 2512-13-1 du code général des collectivités territoriales, remplacer les mots :
et le maire de Paris
par les mots :
, le maire de Paris et, par délégation, les maires d'arrondissement
La parole est à M. Yves Détraigne
M. Yves Détraigne. Il s'agit de prévoir que les compétences du maire de Paris pourraient être déléguées aux maires d'arrondissement.
Les arrondissements parisiens ont bien souvent une taille supérieure à celle de la plupart des communes et de plusieurs villes de province. Dès lors, il paraît quelque peu anachronique que les maires d'arrondissement ne puissent pas recevoir délégation du maire de Paris dans un certain nombre de domaines.
Mme la présidente. L'amendement n° 103 rectifié, présenté par M. Mercier, Mme Létard, MM. Détraigne, Zocchetto et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :
Au début du second alinéa du texte proposé par le 4° de cet article pour l'article L. 2215-2 du code général des collectivités territoriales, ajouter les mots :
Sous réserve des compétences d'action sociale confiées au département,
La parole est à Mme Valérie Létard.
Mme Valérie Létard. Cet amendement tend simplement à réaffirmer la compétence générale du département en matière d'action sociale.
Mme la présidente. L'amendement n° 5, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Au dernier alinéa du texte proposé par le 4° de cet article pour l'article L. 2215-2 du code général des collectivités territoriales, remplacer les mots :
doivent être compatibles
par les mots:
ne doivent pas être incompatibles
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Le projet de loi prévoit que les actions de prévention conduites par les collectivités territoriales devraient être compatibles avec le plan de prévention de la délinquance arrêté par le représentant de l'État. Lors des auditions, la crainte a été exprimée à de nombreuses reprises par des maires de voir une compétence qu'on leur donne d'une main leur être reprise de l'autre.
Il ne faut pas exagérer la portée de cette disposition. De toute manière, l'État ne pourrait pas contraindre une commune à engager des actions de prévention de la délinquance contre son gré, en vertu du principe de libre administration des collectivités territoriales. Ces mesures expriment uniquement le souci de préserver la cohérence globale de la politique de prévention de la délinquance.
Il n'en reste pas moins qu'afin de trouver un équilibre plus respectueux du rôle du maire, la commission vous soumet cet amendement prévoyant que les actions de prévention de la délinquance des collectivités territoriales doivent non pas être compatibles, mais ne pas être incompatibles avec le plan départemental de prévention de la délinquance, ce qui modifie sensiblement les choses.
Mme la présidente. L'amendement n° 6, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Après le 4° de cet article, insérer un 4° bis ainsi rédigé :
4° bis L'article L. 2512-15 est ainsi rédigé :
« Art. L. 2512-15. - Sous réserve des dispositions du code de procédure pénale relatives à l'exercice de la mission de police judiciaire, le préfet de police associe le maire à la définition des actions de lutte contre l'insécurité et l'informe régulièrement des résultats obtenus.
« Les modalités de l'association et de l'information du maire mentionnées au précédent alinéa peuvent être définies par des conventions que le maire signe avec l'État.
« Les actions de prévention de la délinquance conduites par le département de Paris, la commune de Paris et leurs établissements publics, ne doivent pas être incompatibles avec le plan de prévention de la délinquance arrêté par le préfet de police, dans des conditions fixées par décret. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. L'article L. 2512-15 du code général des collectivités territoriales dispose que, à Paris, le préfet de police « associe le maire à la définition des actions de prévention de la délinquance et de lutte contre l'insécurité ».
Cet article ne peut plus être maintenu en l'état puisqu'il est prévu au 3° de l'article 1er du projet de loi que le préfet de police et le maire de Paris animent ensemble la politique de prévention de la délinquance.
L'amendement vise donc à corriger l'article L. 2512-15 de façon que l'association du maire de Paris et du préfet de police ne soit désormais prévue que pour la lutte contre l'insécurité, et non plus pour la prévention de la délinquance. Il a également pour objet de clarifier la répartition de leurs compétences.
Mme la présidente. Le sous-amendement n° 319, présenté par M. Goujon, est ainsi libellé :
Dans le dernier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 6 pour l'article L. 2512-15 du code général des collectivités territoriales, remplacer les mots :
par le préfet de police
par les mots :
conjointement par le préfet de Paris et le préfet de police
La parole est à M. Philippe Goujon.
M. Philippe Goujon. L'amendement n° 6, que vient de présenter M. le rapporteur, a pour objet de tenir compte de la dévolution tout à fait particulière des pouvoirs de police à Paris. Nous avons eu ce matin un long débat à ce sujet, je n'y reviendrai pas, même s'il me semble inévitable que nous le rouvrions un jour.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Le débat n'a pas été long ; en tous les cas, il n'est pas clos !
M. Philippe Goujon. Le sous-amendement n° 319 tend à faire également état du rôle important que joue l'État, en dehors de la préfecture de police, en ce qui concerne la politique de prévention de la délinquance, notamment dans l'établissement du plan de prévention de la délinquance, puisque le préfet de Paris est amené à diriger les actions de l'État qui ne relèvent pas de la police en matière sanitaire et sociale ou au titre de la politique de la ville.
Mme la présidente. L'amendement n° 318 rectifié, présenté par MM. Bockel, Peyronnet, Godefroy, Badinter, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mahéas et Sueur, Mme Campion, MM. Cazeau et Domeizel, Mmes Demontès et Jarraud-Vergnolle, M. Michel, Mme Schillinger, MM. Guérini, Lagauche, Madec, Mélenchon, Mermaz et Ries, Mmes Tasca, Boumediene-Thiery et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Au début du texte proposé par le 5° de cet article pour le second alinéa de l'article L. 3214-1 du code général des collectivités territoriales, ajouter une phrase ainsi rédigée :
Le conseil général concourt aux actions de prévention de la délinquance, dans le cadre de l'exercice de ses compétences d'action sociale.
La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet.
M. Jean-Claude Peyronnet. L'amendement est défendu.
Mme la présidente. L'amendement n° 104 rectifié, présenté par M. Mercier, Mme Létard, MM. Détraigne, Zocchetto et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :
Remplacer la seconde phrase du texte proposé par le 5° de cet article pour le second alinéa de l'article L. 3214-1 du code général des collectivités territoriales par deux phrases ainsi rédigées :
Pour la mise en oeuvre des actions de prévention de la délinquance, une convention peut être conclue entre la commune ou l'établissement public de coopération intercommunale intéressé et le département. Elle détermine notamment les territoires prioritaires, les moyens communaux et départementaux engagés et leur mode de coordination, l'organisation du suivi et de l'évaluation des actions mises en oeuvre.
La parole est à M. Yves Détraigne.
M. Yves Détraigne. Nous souhaitons que ne soit pas bouleversée la logique de la répartition actuelle des compétences. Cet amendement tend donc à rendre facultative la signature de conventions entre les communes et le département pour la mise en oeuvre des actions de prévention de la délinquance.
Mme la présidente. L'amendement n° 129 rectifié, présenté par M. de Broissia, Mme Garriaud-Maylam, MM. Huré, Grignon, Doligé, Milon, Besse, Cléach, Houel, Jarlier, Sido, Billard, Fournier, Esneu, Vial, Leroy et les membres du groupe Union pour un mouvement populaire et M. Retailleau, est ainsi libellé :
Dans la seconde phrase du texte proposé par le 5° de cet article pour le second alinéa de l'article L. 3214-1 du code général des collectivités territoriales, après les mots :
Pour la mise en oeuvre des actions de prévention de la délinquance
insérer les mots :
, dans les communes définies à l'article L. 2211-4 du code général des collectivités territoriales ou les établissements publics de coopération intercommunale définis à l'article L. 5211-59,
La parole est à M. Michel Houel.
M. Michel Houel. L'idée d'une convention passée entre la commune ou l'établissement public de coopération intercommunale et le département est très opportune. Toutefois, sa généralisation risquerait d'alourdir inutilement la mise en oeuvre du dispositif.
C'est pourquoi le présent amendement vise à ne rendre obligatoire la signature d'une convention que dans les communes et EPCI disposant d'un conseil local ou intercommunal de prévention de la délinquance.
Mme la présidente. L'amendement n° 248, présenté par MM. Peyronnet, Godefroy, Badinter, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mahéas et Sueur, Mme Campion, MM. Cazeau et Domeizel, Mmes Demontès et Jarraud-Vergnolle, M. Michel, Mme Schillinger, MM. Guérini, Lagauche, Madec, Mélenchon, Mermaz et Ries, Mmes Tasca, Boumediene-Thiery et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans la seconde phrase du texte proposé par le 5° de cet article pour le second alinéa de l'article L. 3214-1 du code général des collectivités territoriales, remplacer le mot :
détermine
par les mots :
peut déterminer
La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet.
M. Jean-Claude Peyronnet. S'inscrivant dans la logique des amendements nos 104 rectifié et 129 rectifié, l'amendement n° 248 illustre lui aussi le fait que le projet de loi rend les choses plus complexes encore et que les sénateurs « rament », si je puis employer cette expression, pour essayer d'y réintroduire une certaine cohérence.
Il a donc pour objet que les conventions soient librement consenties. Ce n'est pas ici le principe qui est visé, comme dans les amendements précédents, mais plutôt le contenu : la discussion entre les collectivités est nécessaire et doit être volontaire ; à défaut, on risquerait d'aboutir à des coquilles vides.
Mme la présidente. L'amendement n° 7, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Dans la seconde phrase du texte proposé par le 5° de cet article pour le second alinéa de l'article L. 3214-1 du code général des collectivités territoriales, après les mots :
le département détermine
supprimer le mot :
notamment
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Cet amendement rédactionnel vise à sanctionner un « notamment ».
Mme la présidente. L'amendement n° 164, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et M. Desessard, est ainsi libellé :
Supprimer le 6° de cet article.
La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Le sujet abordé dans cet amendement a déjà été plus ou moins évoqué, puisque le transfert de compétences dont il a été question aura des conséquences importantes. Dans la plupart des cas, en effet, les nouvelles compétences du maire seront, dans les faits, exercées par ses représentants, en particulier par nombre d'adjoints et de conseillers municipaux qu'il déléguera : dans les grandes villes, on le sait, le maire ne peut pas tout faire. Seront également concernées de nombreuses personnes à la légitimité parfois plus contestable.
La loi du 23 janvier 2006 relative à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers assouplissait de façon tout à fait inacceptable le régime de la mise en oeuvre de la vidéosurveillance. Aujourd'hui, vous amoindrissez encore les garanties résiduelles en permettant aux responsables des établissements publics intercommunaux d'acquérir, d'installer et d'entretenir des dispositifs de vidéosurveillance. C'est un saut supplémentaire vers une situation dont l'ambiguïté ne fera que renforcer les risques de dérive et d'abus de droit.
Qui plus est, votre texte reste muet quant à la qualité des personnes chargées d'exploiter ce système de vidéosurveillance ou habilitées à visionner les images enregistrées et quant à l'utilisation de celles-ci.
Ces divers aspects nous laissent tout à fait pantois, et c'est la raison pour laquelle nous avons proposé cet amendement.
Mme la présidente. L'amendement n° 300, présenté par MM. Courtois, Dassault et les membres du groupe Union pour un mouvement populaire, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le texte proposé par le 6° de cet article pour l'article L. 5211-60 du code général des collectivités territoriales :
« Art. L. 5211-60. - Lorsqu'un établissement public de coopération intercommunale exerce la compétence relative aux dispositifs locaux de prévention de la délinquance, il peut décider, sous réserve de l'accord de la commune d'implantation, en application de l'article 10 de la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995 d'orientation et de programmation relative à la sécurité, d'acquérir, installer et entretenir des dispositifs de vidéosurveillance. Il peut mettre à disposition de la ou des communes intéressées du personnel pour visionner les images. »
La parole est à M. Philippe Goujon.
M. Philippe Goujon. L'objet de cet amendement est de favoriser le développement de la vidéosurveillance en précisant les compétences respectives de la commune et de l'EPCI pour la mise en oeuvre de ces dispositifs.
En effet, l'article 10 de la loi d'orientation et de programmation relative à la sécurité, dont M. Courtois, cosignataire de cet amendement, avait été le rapporteur pour la Haute Assemblée, prévoit que les moyens de vidéosurveillance « peuvent être mis en oeuvre par les autorités publiques compétentes ».
En matière de prévention de la délinquance, il faut entendre par « autorité publique compétente » une autorité investie du pouvoir de police. Or, le président de l'EPCI n'ayant bien évidemment pas de pouvoir de police, seul le maire de la commune d'implantation peut décider de mettre en oeuvre un dispositif de vidéosurveillance.
Mme la présidente. L'amendement n° 242 rectifié bis, présenté par Mme Gourault, MM. Hérisson, Jarlier, Détraigne et Houel, est ainsi libellé :
Compléter le 6° de cet article par un article ainsi rédigé :
« Art. L. ... . - Les membres composant un conseil intercommunal de sécurité et de prévention de la délinquance sont autorisés à partager entre eux les informations et documents nécessaires à la continuité et à l'efficacité de leurs interventions. Les informations ainsi communiquées ne peuvent être divulguées à des tiers, non membres du conseil, sous peine des sanctions prévues à l'article 226-13 du code pénal. »
La parole est à M. Yves Détraigne.
M. Yves Détraigne. Comme l'amendement n° 241 rectifié bis pour les CLSPD, cet amendement a pour objet que le principe du secret partagé puisse être instauré dans les conseils intercommunaux de sécurité et de prévention de la délinquance, afin d'améliorer leur efficacité.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur les amendements identiques de suppression nos 180 et 247. Je crois avoir suffisamment abordé ce point dans la discussion générale pour que mes collègues ne se formalisent pas du fait que je ne m'en explique pas davantage.
La commission s'en remet à la sagesse du Sénat sur l'amendement n° 293 rectifié, qui soulève un problème relativement complexe.
En effet, l'article L. 2211-3 du code général des collectivités territoriales dispose que « les maires sont informés sans délai par les responsables locaux de la police ou de la gendarmerie des infractions causant un trouble grave à l'ordre public », dans le respect du secret de l'instruction et de l'enquête. L'amendement n° 293 tendait à remplacer la notion d'« infractions causant un trouble grave à l'ordre public » par celle d'« actes graves de délinquance commis ». La commission n'est pas certaine que celle-ci soit plus précise ou soit plus large que celle-là.
Ce matin, Mme Troendle a rectifié ledit amendement, qui vise désormais à supprimer de l'article L. 2211-3 le qualificatif « grave ». Notre crainte est que le maire ne soit éventuellement débordé d'informations, ce qui peut être une façon de ne pas lui en donner : quand il y en a trop, c'est comme s'il n'y en avait pas assez.
Sur cet amendement, nous nous rangerons à l'avis du Gouvernement.
L'amendement n° 128 rectifié vise à affirmer la place particulière du département en matière de prévention de la délinquance, à laquelle sa compétence en matière d'action sociale contribue, indirectement, de façon importante. La précision apportée nous paraît tout à fait utile, et nous avons émis un avis favorable.
Aux termes de l'amendement n° 163, le maire ne ferait qu'animer la réflexion sur la politique de prévention de la délinquance : il ne s'agirait donc que de l'amorce de l'esquisse d'un début de compétence. Dans la mesure où cela nous paraît retirer toute sa portée à l'article 1er du projet de loi, nous émettons un avis défavorable.
La commission a émis à l'unanimité un avis favorable sur l'amendement n° 133 rectifié. Celui-ci précise en effet que, lorsqu'il existe un conseil intercommunal de sécurité et de prévention de la délinquance, les communes de plus de 10 000 habitants membres de cet établissement public ne sont pas obligées de créer un CLSPD. Cela nous paraît effectivement frappé au coin du bon sens.
L'amendement n° 241 rectifié bis vise à lever partiellement le secret professionnel dans le cadre des CLSPD. Bien qu'il soit inspiré par l'Association des maires de France, la commission s'est prononcée défavorablement, et ce pour deux raisons.
D'une part, elle estime que la composition du conseil local est trop vaste pour autoriser une levée du secret. Les formations générales des CLSPD peuvent compter jusqu'à une cinquantaine de personnes : un secret partagé à cinquante n'est plus un secret du tout.
D'autre part, à la différence du conseil des droits et devoirs des familles, siègent souvent au sein des CLSPD, et c'est tout à fait naturel, des personnes dont les objectifs peuvent être diamétralement opposés. Il ne serait donc pas opportun d'ouvrir à ce point le secret, et les travailleurs sociaux risqueraient de considérer cela comme dommageable du point de vue de leur déontologie.
L'amendement n° 170 rectifié tend à prévoir que, à Paris, le CLSPD soit coprésidé par les maires d'arrondissement, par délégation du maire de Paris. La commission des lois a émis, là aussi, un avis défavorable, ce pour deux raisons : d'abord, elle redoute une complexité accrue, alors que la situation parisienne est déjà dérogatoire au droit commun ; ensuite, il est bien évident que les maires d'arrondissement, si c'est la volonté des électeurs, peuvent être d'une sensibilité politique différente de celle du maire de Paris, ce qui ajoute encore à la complexité et peut éventuellement nuire à la cohérence du plan général de prévention de la délinquance communal.
La commission demande le retrait de l'amendement n° 103 rectifié au bénéfice de l'amendement n° 128 rectifié, dans lequel sont déjà posées la compétence particulière du département en matière d'action sociale et son autonomie par rapport à la politique de prévention de la délinquance. Il ne nous semble pas utile d'aller plus loin.
Sur le fond, nous n'avons bien évidemment aucune objection à la proposition de Mme Létard, et si d'autres rédactions permettaient de concilier ces deux amendements, je pense pouvoir affirmer, au nom de la commission, que nous n'y serions pas hostiles. Néanmoins, sa rédaction actuelle nous paraissant alourdir par trop les choses, nous demandons le retrait de cet amendement.
La commission n'ayant pu l'examiner, je ne m'exprimerai qu'à titre personnel sur le sous-amendement n° 319, qui vise à préciser qu'à Paris le plan de prévention de la délinquance est élaboré conjointement par le préfet de Paris et le préfet de police. Le préfet de Paris paraît être également compétent puisqu'il a la responsabilité de la politique de la ville et des affaires sanitaires et sociales. J'émets donc un avis favorable.
Sur l'amendement n° 318 rectifié, nous formulons une objection de forme et non de fond, car il nous semble redondant.
Mes chers collègues, si nous acceptions l'amendement, le début du second alinéa de l'article L. 3214-1 du code général des collectivités territoriales serait ainsi rédigé : « Le conseil général concourt aux actions de prévention de la délinquance, dans le cadre de l'exercice de ses compétences d'action sociale. Il statue sur l'organisation et le financement des services et des actions sanitaires et sociaux qui relèvent de sa compétence, notamment des actions qui concourent à la politique de prévention de la délinquance. »
La commission émet donc un avis défavorable.
L'amendement n° 104 rectifié tend à rendre facultative la conclusion de conventions entre le département et les communes pour coordonner leurs actions de prévention de la délinquance. La commission des lois en demande le retrait au profit de l'amendement n° 129 rectifié, qui limite le caractère obligatoire de ces conventions aux seules communes disposant d'un CLSPD ou aux EPCI comportant un conseil intercommunal de sécurité et de prévention de la délinquance.
S'agissant de l'amendement n° 129 rectifié, la commission émet un avis favorable sous réserve d'une légère rectification. Le 5° de l'article 1er du projet de loi prévoit en effet la conclusion obligatoire de conventions entre le département et les communes afin de coordonner leurs actions respectives en matière de prévention de la délinquance. Cet amendement vise donc à limiter la conclusion de cette convention aux seules communes de plus de 10 000 habitants et aux intercommunalités qui sont dotées d'un conseil intercommunal de sécurité et de prévention de la délinquance. La généralisation de ces conventions risquerait à notre sens d'alourdir inutilement la mise en oeuvre du dispositif.
Il nous semble qu'il conviendrait de viser non pas l'article L. 2211-4 du code général des collectivités territoriales mais le deuxième alinéa dudit article. Dès lors, la commission émettrait un avis favorable.
L'amendement n° 248 a le même objet que l'amendement n° 104 rectifié. Il rendrait totalement facultative la conclusion de conventions entre le département et les communes. La commission en demande le retrait au profit de l'amendement n° 129 rectifié.
L'amendement n° 164 est totalement contraire à la position de la commission. Il remet en cause toute possibilité de prévention de la délinquance dans un cadre intercommunal. La commission émet un avis défavorable.
L'amendement n° 300 est un amendement de précision qui vise à rappeler que, dans un EPCI, chaque maire devra obtenir individuellement une autorisation préfectorale pour installer des systèmes de vidéosurveillance, même si c'est l'EPCI qui finance tout le réseau. C'est une façon de rappeler le caractère tout à fait propre de la compétence des maires en matière de police. La commission émet donc un avis favorable.
S'agissant de l'amendement n° 242 rectifié bis, la réponse est de même nature que celle qui a été faite précédemment. La commission émet un avis défavorable, car elle craint que cette levée de la confidentialité ne soit par trop dangereuse.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Brice Hortefeux, ministre délégué. En ce qui concerne les amendements identiques nos 180 et 247, le Gouvernement émet un avis défavorable puisqu'il est, bien sûr, hostile aux amendements de suppression.
À ce stade de la discussion, permettez-moi de préciser de nouveau l'esprit de l'article 1er, car cet article a une histoire.
Depuis la loi du 15 novembre 2001 relative à la sécurité quotidienne, le maire est associé par le préfet à la définition des actions de prévention de la délinquance et de lutte contre l'insécurité. Le décret de juillet 2002 a institutionnalisé les conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance, qui sont présidés par les maires et qui constituent l'instance de concertation des différents partenaires sur le plan local.
Cependant, il est vrai que les différentes politiques de prévention de la délinquance ne sont pas suffisamment coordonnées ; le constat à cet égard est à peu près unanime. Cela signifie qu'il manque une autorité qui soit clairement identifiée, qui soit capable d'agir dans la proximité et de faciliter la cohérence des différentes interventions. C'est pourquoi le projet de loi confie aux maires la responsabilité de la prévention de la délinquance. Mais cette attribution s'exerce dans le respect des compétences du préfet, de l'autorité judiciaire et des autres collectivités locales. Le rôle du maire est ainsi consacré, tout en fixant les limites de sa responsabilité.
Pour autant, nous avons entendu les préoccupations qui ont été exprimées sur les différentes travées de cet hémicycle, notamment de la part des présidents de conseils généraux.
Je remercie de nouveau MM. Mercier et de Broissia des signaux explicites qu'ils nous ont adressés. Je veillerai - je l'ai dit ce matin lors du congrès de l'Assemblée des départements de France - à ce que nous trouvions ensemble les formulations les plus appropriées pour bien manifester notre intention : nous ne souhaitons revenir ni sur les lois de décentralisation ni sur le rôle primordial que jouent aujourd'hui les départements en matière sociale.
Le Gouvernement a choisi de présenter d'abord devant la Haute Assemblée ce texte important, de manière qu'un certain nombre de remarques puissent être intégrées dans l'intérêt de tous.
J'en viens à l'amendement n° 293 rectifié. L'article L. 2211-3 du code général des collectivités territoriales est issu de la loi de 2004 présentée par Dominique Perben, alors garde des sceaux, et le texte qui est proposé est inspiré du décret du 17 juillet 2002. Entre les deux, il est difficile de choisir.
Pour autant, je comprends la préoccupation de Mme Troendle. Les dispositions de 2002 comme celles de la loi Perben sont encore, il est vrai, inégalement appliquées. Il n'est donc pas question de fermer la porte à cette démarche visant à une application non seulement renforcée mais élargie de ces mesures.
A ce titre, la notion de « trouble grave à l'ordre public » nous semble trop restrictive. Le Gouvernement est donc favorable à l'amendement rectifié qui, en supprimant le mot « grave », retient la notion plus large et moins subjective de « trouble à l'ordre public ». Cela permettra d'assurer sans ambiguïté l'information du maire quand il s'agira de troubles de voisinage et de troubles touchant à la vie d'un quartier, puisque ce sont à l'évidence des troubles à l'ordre public.
Quant à l'application effective de ces dispositions, je m'engage devant vous à la rappeler aux services de la police et de la gendarmerie et je sais que le garde des sceaux agira de même auprès des parquets.
L'amendement n° 128 rectifié vise à faire une mention particulière du département dans l'ensemble des collectivités publiques ; le maire doit tenir compte des compétences du département dans sa politique de la prévention de la délinquance.
À l'évidence, l'objet du projet de loi n'est pas d'aller à l'encontre du mouvement de décentralisation qui, loi après loi, - ce débat a été tranché en 2004 - renforce le rôle confié au département en matière d'action sociale.
Il ne s'agit pas de créer une forme de concurrence entre les différents niveaux de collectivité. Nous donnons au contraire la priorité à la complémentarité, c'est-à-dire que nous veillons à mettre en place toutes les articulations nécessaires entre les différents dispositifs.
Le Gouvernement émet donc un avis favorable.
L'amendement n° 163 vise à priver le maire de son pouvoir de coordonner la mise en oeuvre des actions de prévention de la délinquance. Je ne sais pas, madame Boumediene-Thiery, comment vous envisagez concrètement la vie d'un maire qui animerait une politique sans en coordonner la mise en oeuvre. Ce serait ne faire que la moitié du chemin. Telle n'est pas la volonté du Gouvernement et il émet donc un avis défavorable.
S'agissant de l'amendement n° 4, avec un bon sens une nouvelle fois renouvelé, la commission propose de prévoir explicitement que le maire puisse être représenté par un adjoint ou un membre du conseil municipal dans son rôle de président de conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance. Cela permettra à l'évidence d'en favoriser le fonctionnement. Le Gouvernement émet donc un avis favorable.
L'amendement n° 133 rectifié vise à ne pas imposer la coexistence, sur le territoire d'un établissement public de coopération intercommunale, d'un conseil intercommunal et d'un conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance, tout en respectant la liberté de chaque maire de se doter, s'il le souhaite, de cette instance. Le Gouvernement émet un avis favorable.
L'amendement n° 241 rectifié bis tend à préciser que les informations et documents communiqués aux membres du conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance ne peuvent pas être divulgués auprès de tiers.
Il faut bien distinguer le rôle du conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance et celui que le projet de loi confie aussi bien au coordonnateur institué par l'article 5 qu'au conseil des droits et devoirs des familles créé par l'article 6.
Le conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance a vocation non pas à examiner des situations individuelles, mais à jouer un rôle de pilotage sur son territoire. Le Gouvernement souhaite éviter qu'il n'y ait une confusion en sous-entendant que les membres du CLSPD peuvent disposer d'informations couvertes par le secret professionnel.
Telle est la raison pour laquelle il demande le retrait de cet amendement.
S'agissant de l'amendement n° 170 rectifié, j'ai déjà répondu à un amendement de cette nature présenté par M. Pozzo di Borgo. Nous ne souhaitons pas bouleverser l'équilibre des pouvoirs à Paris, ni entre le maire et le préfet de police ni entre le maire et les maires d'arrondissements actuels ou futurs.
D'ailleurs, s'agissant du cas de Paris, il existe dans les arrondissements des conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance qui ont permis d'aboutir à la signature, dans les vingt arrondissements, de contrats locaux de sécurité.
L'amendement n° 103 rectifié a, me semble-t-il, le même objet que l'amendement n° 128 rectifié, c'est-à-dire la réaffirmation solennelle dans le texte des compétences d'action sociale du département. Mais cette proposition est difficilement acceptable en l'état car, au 4° de l'article 1er, on se situerait dans le champ de la lutte contre l'insécurité et on inscrirait la réserve relative aux compétences d'action sociale du département à côté d'une réserve concernant les dispositions du code de procédure pénale relatives à l'exercice de la mission de police judiciaire. Ce n'est pas le meilleur moyen de clarifier les rôles respectifs des différentes institutions.
En revanche, monsieur Mercier, si vous retiriez cet amendement n° 103 rectifié et que vous présentiez un sous-amendement à l'amendement n° 128 rectifié pour bien viser les compétences d'action sociale confiées aux départements, le Gouvernement serait favorable à cette nouvelle rédaction.
J'en viens à l'amendement n° 5. Le projet de loi pose le principe selon lequel les actions de prévention conduites par les collectivités doivent être compatibles avec le plan de prévention de la délinquance adopté par le préfet. Je comprends que cette disposition puisse susciter quelques interrogations, en particulier au sein de la Haute Assemblée qui est attachée aux libertés locales et à la libre administration des collectivités locales. Cela mérite donc quelques explications.
La prévention de la délinquance est à la fois une politique locale et une politique nationale. Pour être efficace, elle doit être menée de manière cohérente et coordonnée.
J'ajoute que le fait de donner un cadre aux politiques locales de prévention de la délinquance par le biais du plan départemental constitue un élément important pour dissiper certaines inquiétudes tant des maires que de certains de nos concitoyens.
Pour autant, je comprends les interrogations que peut susciter la notion de compatibilité et, même si nous n'en avons pas parlé, mais cela va de soi, celle de conformité.
Pour lever toutes les ambiguïtés, je suis donc favorable à cet amendement.
L'amendement n° 6 vise à clarifier la répartition des compétences entre le maire de Paris et le préfet de police. À la différence de ceux que nous venons d'examiner, il s'agit d'un amendement de cohérence avec les dispositions déjà prévues par le projet de loi. En effet, dès lors que le maire et le préfet de police animent ensemble la politique de prévention de la délinquance, il n'y a plus lieu de prévoir que le préfet de police associe le maire à la prévention de la délinquance. Cette disposition reste en revanche tout à fait pertinente s'agissant de la lutte contre l'insécurité.
M. Goujon propose que le plan de prévention de la délinquance de Paris soit arrêté conjointement par le préfet de police et le préfet de Paris, compte tenu de leurs compétences respectives. Je n'y suis pas hostile.
Le Gouvernement est donc favorable à l'amendement n° 6 et au sous-amendement n° 319.
Avec l'amendement n° 318 rectifié, monsieur Peyronnet, vous souhaitez apporter une contribution à la clarification des rôles respectifs des différents niveaux de collectivités locales. M. le rapporteur vous a fait part des interrogations que suscite votre amendement. Le Gouvernement partage ces interrogations dans une large mesure.
Initialement, cet amendement était présenté par M. Bockel. Vous avez observé que nous avons retenu un certain nombre de ses propositions. Toutefois, je ne peux être favorable à l'amendement n° 318 rectifié et j'en demande le retrait.
J'en viens à l'amendement n°104 rectifié. L'article 1er prévoit que les départements passeront des conventions avec les communes et avec les établissements publics de coopération intercommunale pour la mise en oeuvre des actions de prévention de la délinquance.
Sur ce point, le souci du Gouvernement est clairement de garantir la coordination entre ces différentes collectivités, afin qu'elles définissent conjointement les territoires prioritaires et, surtout, les moyens qu'elles engagent.
Le Gouvernement ne souhaite pas rendre cette convention facultative. La coordination des acteurs publics en matière de prévention de la délinquance est, sans doute plus que dans tout autre domaine, une nécessité et non pas une possibilité.
L'auteur de l'amendement a souligné, dans une observation pleine de bon sens, que l'obligation générale posée par le projet de loi était sans doute excessivement contraignante et très vraisemblablement peu réaliste. Que cette nécessité ne soit pas partout de même intensité, c'est une évidence. M. de Broissia nous propose d'ailleurs, dans l'amendement n° 129 rectifié, de limiter ces obligations aux seules villes de plus de 10 000 habitants et aux EPCI qui sont dotés d'un conseil intercommunal de prévention de la délinquance, c'est-à-dire au coeur de cible du projet de loi.
J'ajoute que la signature de la convention suppose un accord entre les parties sur le contenu de celle-ci et sur les moyens.
Au-delà de cette obligation apparente, le projet de loi préserve la liberté des collectivités locales, à laquelle vous êtes, monsieur Mercier, à juste titre très attaché.
Je vous invite donc à retirer l'amendement n° 104 rectifié au bénéfice de l'amendement n° 129 rectifié.
S'agissant précisément de l'amendement n° 129 rectifié, la nécessité de coordonner les actions de prévention de la délinquance que mène le conseil général dans son champ de compétences avec celles des communes et de leurs groupements n'a pas la même portée dans une commune rurale et dans une commune urbaine. C'est la raison pour laquelle il est proposé de limiter le champ de cette coordination aux communes et groupements qui constituent, comme je viens de le dire, le coeur de cible du texte et qui sont dotés des instances facilitant cette coordination, c'est-à-dire le conseil local ou le conseil intercommunal de prévention de la délinquance.
Le Gouvernement émet donc un avis favorable sur cet amendement.
L'amendement n° 248 a le même objet que celui de M. Mercier. J'en demande donc le retrait au profit de l'amendement n° 128 rectifié.
En revanche, je suis favorable à l'amendement n° 7 qui tend à supprimer le mot « notamment ».
Madame Boumediene-Thiery, je ne comprends pas très bien l'objet de votre amendement de suppression n° 164 puisque le sixième alinéa de l'article 1er renforce la dimension intercommunale de prévention de la délinquance.
S'agissant du caractère liberticide du régime de vidéosurveillance, je tiens à rappeler à la Haute Assemblée que le Conseil constitutionnel, qui a été saisi, n'a pas trouvé matière à censurer ces dispositions.
Le Gouvernement est donc défavorable à l'amendement n° 164.
J'en viens à l'amendement n° 300. La LOPSI dispose effectivement que les systèmes de vidéosurveillance peuvent être mis en oeuvre par les autorités compétentes, en l'occurrence par les maires qui sont investis des pouvoirs de police.
Il faut donc qu'un EPCI qui décide de mettre en place un dispositif de vidéosurveillance recueille d'abord l'avis du maire de la commune d'implantation. Cette précaution me paraît indispensable et c'est pourquoi le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement.
Enfin, l'amendement n° 242 rectifié bis est très proche de l'amendement n° 241 rectifié bis. Ses auteurs souhaitent que les informations et documents communiqués aux membres du conseil intercommunal de sécurité et de prévention de la délinquance ne puissent être divulgués à des tiers. Qu'il soit intercommunal ou local, le conseil de sécurité et de prévention de la délinquance n'a pas vocation, je le répète, à examiner les situations individuelles ; il doit jouer un rôle de pilotage sur son territoire. Je ne souhaite pas qu'il y ait de confusion sur ce point. Si tel était le cas, cette confusion devrait désormais être dissipée.
Je souhaite donc le retrait de l'amendement n° 242 rectifié bis. À défaut, le Gouvernement y sera défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 180 et 247.
M. Pierre-Yves Collombat. Je souhaite revenir sur deux points qui demeurent confus après cette longue discussion.
Tout d'abord, quelle est la position des associations d'élus sur ce texte ?
On nous a affirmé que tout le monde était content. Je continue de penser, à la lecture de ce qui a été publié sur ce sujet, que tel n'est pas le cas. Hormis l'Association des maires ruraux de France, qui ne comprend pas très bien en quoi peut consister la fonction de coordinateur pour un maire rural, l'Association des maires de France, l'Association des maires des villes de banlieue, comme les associations regroupant les petites villes et les villes moyennes adoptent des positions qui sont toutes le même modèle : d'un côté, elles reconnaissent avec satisfaction la gratification symbolique accordée aux maires qui deviendront des coordinateurs, des fédérateurs, mais, de l'autre côté, elles mettent unanimement en garde contre l'objet essentiel du texte, c'est-à-dire le caractère obligatoire des dispositions prévues, le risque de confusion lié au nouveau rôle du maire et le manque de moyens nouveaux pour accompagner ces mesures.
Ensuite, et c'est essentiel, on ne sait pas trop en quoi le rôle du maire sera différent.
D'une part, on nous dit : voilà enfin des mesures révolutionnaires, qui changent les choses. Avant Nicolas Sarkozy, il n'y avait rien !
D'autre part, lorsqu'on demande quel sera le rôle du maire, lorsqu'on souhaite savoir s'il pourra continuer à jouer son rôle de médiateur et quelles seront les conséquences de ce texte en matière de responsabilité pénale, on nous répond : Ne vous inquiétez pas, cela ne change rien !
Il faut savoir : soit c'est la révolution, soit on continue comme par le passé. L'ambiguïté est totale !
Tous ces éléments constituent pour moi un obstacle majeur au vote de ce texte.
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Mahéas, pour explication de vote.
M. Jacques Mahéas. Mon explication de vote vaudra également pour l'article 1er.
Les maires, qui sont bien évidemment au plus près du terrain, jouent un rôle essentiel dans l'animation et la coordination des actions de prévention de la délinquance.
Le texte que vous nous présentez va, doucement, faire glisser cette animation de la prévention vers une responsabilité de la sécurité, l'une étant la conséquence logique de l'autre : une mauvaise prévention entraîne de mauvais résultats, donc une mauvaise sécurité.
En outre, vous ne prévoyez pas de crédits supplémentaires. Les maires devront donc travailler à moyens constants.
Permettez-moi d'insister sur un point qui nous a profondément opposés à M. Sarkozy, à savoir les chiffres de la délinquance.
Si un maire ne dispose pas de données exactes, il travaillera dans le flou. Il pourra croire que la situation de sa commune s'est améliorée alors qu'elle s'est au contraire détériorée.
Je prendrai l'exemple de ma commune. J'ai bien conscience que les plaintes n'y sont pas toutes répertoriées. Malgré cela, la délinquance sur la voie publique augmente de 14 % alors qu'elle aurait dû diminuer de 24 %.
Les chiffres traduisent-ils la réalité de la délinquance sur le plan national ? Est-ce que l'on nous trompe ? Eh bien ! oui, manifestement, on nous trompe !
À l'appui de mon affirmation, permettez-moi de faire état d'un rapport sur les modalités d'évaluation de la qualité de l'accueil dans les services de police et de gendarmerie, qui a été établi par des responsables : contrôleur général de la police, inspecteur général de l'administration, inspecteur de l'administration, colonel de la gendarmerie nationale.
Je vous donne lecture de ce rapport : « L'illustration la plus flagrante en est indiscutablement la propension des services à ne pas systématiquement prendre de plaintes pour des faits apparemment avérés.
« Les dysfonctionnements à ce sujet sont au coeur de doléances itératives relayées par plusieurs canaux :
« selon la DGPN, le thème majeur des courriers relatifs à l'accueil adressés au cabinet du ministre traite de refus de prise de plainte ;
« et, selon les principales associations de victimes, le refus de prise de plainte est la question qu'elles placent sans hésitation, compte tenu de son acuité, au premier rang de celles auxquelles il convient à présent de s'attaquer. »
L'Observatoire national de la délinquance, dont je suis membre, a conduit une enquête de victimation, que j'ai suivie avec intérêt. Celle-ci a permis d'obtenir une première mesure globale.
Permettez-moi de vous donner également lecture de ses observations, car elles valent leur pesant d'or.
« L'analyse des chiffres publiés au mois d'octobre dernier par l'Observatoire national de la délinquance montre qu'en 2004, parmi les faits signalés aux services de police et de gendarmerie, ont été classés en main courante - donc pas comptés dans les chiffres de la délinquance, puisque le maire ne reçoit pas d'informations concernant les mains courantes - notamment :
« près d'un quart des vols et tentatives de vols (23,2 %), soit près de 400 000 faits ;
« près d'un tiers des violences physiques (31,8 %), soit plus de 92 000 faits ;
« et près d'un quart des vols avec violence (24,8 %), soit plus de 36 000 faits ».
« Ainsi, s'agissant des vols ou des tentatives de vol de téléphones portables (qu'ils soient avec ou sans violence), ce sont plus de 158 000 faits déclarés aux services compétents qui auraient donné lieu à une seule inscription sur le registre de main courante, soit entre un cas sur 4 et un cas sur 5 des vols signalés. »
Et le rapport conclut en ces termes : « L'ampleur de ces chiffres surprend. »
Si j'insiste sur ce point, c'est parce que votre raisonnement est trop facile. Vous affirmez que vous avez fait baisser la délinquance - moins 9 % s'agissant de la délinquance générale et moins 24 % pour celle de voie publique - et vous en tirez argument pour justifier la poursuite de votre politique de répression.
Or la réalité est tout autre ! Le refus de déclarer les plaintes, qui sont simplement inscrites sur le registre de main courante, est devenu un sport national.
Tant que les mains courantes des commissariats n'auront pas été supprimées, les chiffres de la délinquance ne seront pas fiables. Vous me répondrez que, du temps du gouvernement de Lionel Jospin, il en allait déjà de même.
M. Nicolas About, rapporteur pour avis. C'était pire !
M. Jacques Mahéas. Non, car la police de proximité faisait alors son travail !
M. Nicolas About, rapporteur pour avis. Elle empêchait les gens de porter plainte !
M. Jacques Mahéas. La police de la proximité était à l'écoute et elle enregistrait les plaintes ; j'ai pu l'observer dans la commune dont je suis le maire.
Pour que tout le monde s'accorde sur les statistiques, il faudra un jour ou l'autre supprimer ces mains courantes et confier aux procureurs, et non plus aux officiers de police, le pouvoir de décider si une plainte doit ou non être classée.
Pour être les animateurs de la politique de prévention de la délinquance, les maires doivent disposer de chiffres fiables et non d'interprétations. Le plus terrible, c'est que M. Sarkozy, qui a créé l'Observatoire national de la délinquance, n'attend pas que cet établissement fasse connaître ses statistiques : il les publie avant ! Cette méthode est sans doute plus sûre pour obtenir de bons chiffres.
Monsieur le ministre, vous faites fausse route, de façon générale, avec les lois sur la délinquance, car vos hypothèses de départ sont fausses ; vous proposez donc des mesures qui ne contribuent pas à la prévention de la délinquance.
Si vous agissez de façon identique à l'échelon local, si les maires, eux aussi, sont privés d'informations fiables, les mêmes erreurs risquent d'être commises, ce qui serait dommage pour nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Une mission avait été confiée sur ce thème à Robert Pandraud et Christophe Caresche, ce qui supposait un certain pluralisme. Or leur rapport est enterré depuis 2002, ce qui est regrettable, car il aurait pu contribuer utilement à la mise en place d'un nouvel outil statistique.
À l'évidence, les maires ont aujourd'hui beaucoup de pouvoir, et surtout de nombreuses responsabilités, ce qui mériterait, me semble-t-il, un débat plus large. C'est le sens de l'appel que nous avons adressé à tous les maires, et pas seulement aux maires communistes, pour leur expliquer que ce projet de loi méritait d'être rejeté et qu'en tout cas ils devaient, pour leur part, refuser d'exercer des responsabilités supplémentaires en matière de délinquance.
La loi pour la sécurité intérieure de 2003 a déjà attribué d'importants pouvoirs de police au maire et la loi sur l'égalité des chances de 2006 des attributions quasi-judiciaires. Or, avec ce texte, nous augmentons encore ses pouvoirs de police et nous lui attribuons clairement des pouvoirs de contrôle social qui, bien sûr, rendront extrêmement difficile sa mission ordinaire. En effet, le maire ne peut en même temps jouer un rôle de médiateur, garantir l'exécution des politiques pour lesquelles il a été élu et être le juge de ses concitoyens et le responsable de tout ce qui pose problème dans la commune.
D'ailleurs, qui peut croire que le maire n'est pas soucieux que tout se passe au mieux dans sa commune ? Le problème n'est pas là ! Il est évident que le maire s'intéresse à la prévention de la délinquance et à la sécurité. Toutefois, je crois qu'il ne peut à la fois être élu au suffrage universel et exercer un contrôle social sur la population de sa commune !
En outre, comment accepter que d'importantes politiques relevant de l'État soient de plus en plus fréquemment confiées aux maires, avec toutes les responsabilités qu'elles impliquent, sans que les conséquences en soient tirées s'agissant des finances locales ?
J'ai souligné tout à l'heure que, derrière ce projet de loi, se profilait un transfert des charges de police vers les collectivités territoriales, car la police nationale se désinvestit de plus en plus des missions de proximité. Il ne suffit pas d'ergoter sur la police de proximité, car celle-ci n'a rien à voir avec la proximité de la police avec les habitants !
Personne ne m'a contredite, mais rien n'a été dit des moyens dont disposeraient les collectivités locales et, en particulier, les communes, pour exercer les nouvelles attributions qui leur sont confiées. Pourtant, chacun le sait, tout transfert de compétence doit s'accompagner de transferts financiers de l'État vers les collectivités locales.
Mes chers collègues, je sais que je ne vous convaincrai pas et que je n'aurai pas de réponse sur ce point de la part du ministre des collectivités territoriales. Toutefois, les maires devraient se préoccuper activement de ce problème, car leur vision de ce projet de loi changerait peut-être. Ceux qui trouvent positif la reconnaissance de leur rôle - ce qui, en effet, est une nécessité -, pourraient dire alors s'ils approuvent vraiment le texte qui nous est soumis.
C'est pourquoi nous proposons de supprimer cet article du projet de loi.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 180 et 247.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je suis saisie d'un sous-amendement n° 324, présenté par M. Mercier, qui est ainsi libellé :
Remplacer le texte proposé par l'amendement n° 128 rectifié pour remplacer les mots :
ainsi que des collectivités publiques
par les mots :
, des compétences d'action sociale confiées au département et des compétences des collectivités publiques
La parole est à M. Michel Mercier.
M. Michel Mercier. M. le rapporteur et M. le ministre m'ont tous deux indiqué que l'amendement n° 103 rectifié n'était pas forcément à sa place, et qu'il serait préférable de modifier la rédaction de l'amendement n° 128 rectifié de M. de Broissia.
C'est bien volontiers que je contribue à améliorer cette oeuvre collective en déposant ce sous-amendement n° 324 et en retirant l'amendement n° 103 rectifié.
Mme la présidente. L'amendement n° 103 rectifié est retiré.
Je mets aux voix le sous-amendement n° 324.
(Le sous-amendement est adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 128 rectifié, modifié.
(L'amendement est adopté.)
Mme la présidente. Monsieur Détraigne, l'amendement n° 241 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Yves Détraigne. Les explications de M. le rapporteur et de M. le ministre m'ont convaincu que, compte tenu du nombre des membres du CLSPD, le secret professionnel serait mis à mal.
Je retire donc cet amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 241 rectifié bis est retiré.
Monsieur Détraigne, l'amendement n° 170 rectifié est-il maintenu ?
M. Yves Détraigne. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 170 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 5.
(L'amendement est adopté.)
Mme la présidente. Monsieur Mercier, l'amendement n° 104 rectifié est-il maintenu ?
M. Michel Mercier. Oui, je le maintiens, madame la présidente.
En effet, dans le département dont je suis l'élu, le conseil général propose depuis quatre ans aux communes qui comptent des équipes de prévention de la délinquance de signer des conventions, qui ont exactement le même objet que celui qui se trouve visé dans les trois dernières lignes du 5° de l'article 1er du projet de loi : « le département détermine notamment les territoires prioritaires, les moyens communaux et départementaux engagés et leur mode de coordination, l'organisation du suivi et de l'évaluation des actions mises en oeuvre. »
Un certain nombre de communes ont accepté de signer ces conventions et cela fonctionne très bien. J'invite d'ailleurs ceux qui le voudront, notamment les représentants du ministère, à venir le constater sur place. Des réunions d'évaluation avec les maires ont lieu tous les quinze jours. Ces maires sont de toutes tendances politiques.
Plusieurs communes n'ont pas souhaité passer de convention, et ce pour une raison fort simple : elles devaient, comme cela est prévu, participer financièrement en apportant des moyens communaux. Or ces communes, pour des raisons qui leur sont propres, ne le souhaitaient pas.
Nous avons décidé, bien qu'aucune convention n'ait pas été passée, de continuer à mettre en place des équipes de prévention dans ces communes, car une action devait être menée.
Si nous adoptions le texte tel qu'il nous est présenté, la convention deviendrait obligatoire, puisqu'il est indiqué très exactement que la convention « détermine » les modes d'intervention.
Il me semble donc qu'il faut laisser aux communes la possibilité de passer de telles conventions, mais non leur imposer d'apporter des moyens dont elles ne disposent peut-être pas. Dans le même temps, on maintiendrait sur le territoire de ces communes la présence d'équipes de prévention ou de clubs de prévention.
C'est pourquoi nous maintenons l'amendement n° 104 rectifié, qui vise à prévoir le caractère facultatif des conventions.
Il s'agit ici non pas de préserver un pouvoir du département mais, au contraire, de permettre aux communes qui ne peuvent pas participer à ces actions, ou qui ne le souhaitent pas, d'en bénéficier quand même+.
Mme la présidente. Monsieur Houel, acceptez-vous la modification suggérée par la commission pour l'amendement n° 129 rectifié ?
M. Michel Houel. Je l'accepte, madame la présidente.
Mme la présidente. Je suis donc saisie d'un amendement n° 129 rectifié bis, présenté par M. de Broissia, Mme Garriaud-Maylam, MM. Huré, Grignon, Doligé, Milon, Besse, Cléach, Houel, Jarlier, Sido, Billard, Fournier, Esneu, Vial, Leroy et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire et M. Retailleau, et ainsi libellé :
Dans la seconde phrase du texte proposé par le 5° de cet article pour le second alinéa de l'article L. 3214 1 du code général des collectivités territoriales, après les mots :
Pour la mise en oeuvre des actions de prévention de la délinquance
insérer les mots :
, dans les communes définies au deuxième alinéa de l'article L. 2211-4 du code général des collectivités territoriales ou les établissements publics de coopération intercommunale définis à l'article L. 5211-59,
Je le mets aux voix.
(L'amendement est adopté.)
Mme la présidente. Monsieur Peyronnet, l'amendement n° 248 est-il maintenu ?
M. Jean-Claude Peyronnet. Je le maintiens, madame la présidente, d'autant qu'il a le même objet que l'amendement de M. Mercier.
Les collectivités territoriales doivent absolument conserver leur liberté dans ce domaine, faute de quoi les conventions perdront tout leur sens.
Mme la présidente. Monsieur Détraigne, l'amendement n° 242 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Yves Détraigne. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 242 rectifié bis est retiré.
Je mets aux voix l'article 1er.
Je suis saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
Mme la présidente. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 223 :
Nombre de votants | 281 |
Nombre de suffrages exprimés | 281 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 141 |
Pour l'adoption | 162 |
Contre | 119 |
Le Sénat a adopté.
Article additionnel avant l'article 2
Mme la présidente. L'amendement n° 249, présenté par MM. Peyronnet, Godefroy, Badinter, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mahéas et Sueur, Mme Campion, MM. Cazeau et Domeizel, Mmes Demontès et Jarraud-Vergnolle, M. Michel, Mme Schillinger, MM. Guérini, Lagauche, Madec, Mélenchon, Mermaz et Ries, Mmes Tasca, Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article L. 121-1 du code de l'action sociale et des familles, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. L. ... - Dans chaque commissariat, il est créé un poste de travailleur social, financé conjointement par l'État et le département, qui aura pour mission, dès l'accueil des plaignants, d'assurer la prise en charge sur le plan social des publics en détresse dont le traitement et le suivi ne relèvent pas de la compétence ni des attributions de la police nationale et orienter et accompagner ces personnes vers les instances les plus adéquates grâce aux réseaux existants ou à créer le cas échéant. »
La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet.
M. Jean-Claude Peyronnet. Cet amendement tend à créer des postes de travailleurs sociaux dans les commissariats, postes qui seraient cofinancés par les conseils généraux et l'Etat.
Cette proposition n'est pas nouvelle. Certains conseils généraux ont déjà mis en oeuvre une telle mesure depuis une quinzaine d'années, mais celle-ci n'a pas été généralisée, comme cela avait été imaginé à la suite du rapport de Mme Marie-Noëlle Lienemann en 1999.
L'intérêt d'un tel dispositif est double : il permet un meilleur accueil des victimes et, de ce fait, une meilleure orientation.
Le travailleur social peut constituer une interface entre la police et le monde social, alors que ces deux parties ne communiquent pas toujours facilement : elles obéissent parfois à des logiques, à des idéologies différentes. Le travailleur social permet, en quelque sorte, de les souder et d'obtenir des informations à la fois plus fiables et plus rapides et un meilleur ciblage des personnes vulnérables ou en situation de risque. Le conseil général est ainsi à même de mieux travailler à la prévention.
Par ailleurs, et c'est ce qui justifie la participation de l'État au financement de ces postes, les travailleurs sociaux doivent contribuer à la reconnaissance du droit des victimes. Ils améliorent les conditions d'accueil des victimes.
Il s'agit d'un vaste chantier qui avait été ébauché au commencement de l'an 2000, mais qui n'a pas été mené à son terme faute de moyens. Le gouvernement actuel a privilégié la répression.
Il me semble nécessaire de réfléchir aux conditions d'accueil des victimes : c'est une question majeure. Les travailleurs sociaux, au contact des victimes d'agression ou d'autres délits, doivent assurer un accueil et une information plus adaptés. Ils doivent permettre aux victimes de mieux connaître leurs droits et de les faire respecter.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. L'objectif poursuivi est tout à fait pertinent. Les premières expériences montrent d'ailleurs la grande utilité de ces travailleurs sociaux, notamment en ce qui concerne l'accueil des victimes.
La commission note également que le financement serait réparti entre l'État et les départements. Les auteurs de l'amendement ne demandent donc pas à l'État de financer la totalité de cette mesure.
Toutefois, la question du financement n'est pas totalement réglée. La portée normative de cet amendement n'est pas évidente. Et la généralisation de ce dispositif à tous les commissariats pourrait peut-être poser problème.
La commission souhaite donc connaître l'avis du Gouvernement, notamment afin d'obtenir des informations quant au nombre de travailleurs sociaux actuellement présents au sein des commissariats et s'agissant des objectifs que se fixe le Gouvernement en ce domaine.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Brice Hortefeux, ministre délégué. Cet amendement vise à créer dans chaque commissariat un poste de travailleur social qui serait financé, pour partie du moins, par le département.
Sur le fond, j'approuve l'idée de développer la présence de travailleurs sociaux au sein des commissariats : cela permettrait sans doute une meilleure prise en charge des victimes.
Je rappelle d'ailleurs que Nicolas Sarkozy, ministre d'État, avait lui-même demandé l'extension de ce réseau, qui compte aujourd'hui trente postes. Ce sont donc quarante-six postes qui sont en cours de création, en partenariat avec les collectivités volontaires, et le volontariat est ici d'importance. Le ministre de l'intérieur a adressé une circulaire en ce sens aux préfets le 1er août dernier.
Nous bénéficions également de la très efficace coopération des associations d'aide aux victimes.
Enfin, pour faire face à la montée des violences, notamment intrafamiliales, nous avons décidé d'ouvrir les commissariats à des psychologues. On peut considérer qu'au 1er janvier 2007 une trentaine de psychologues seront affectés aux commissariats.
Je vois dans une telle démarche le signal positif que les collectivités s'engageront dans ce dispositif. Pour autant, je ne suis pas favorable à ce qu'une obligation en la matière figure dans le code de l'action sociale et des familles, d'autant que la présence des travailleurs sociaux dans les commissariats est déjà très encadrée.
En clair, à une démarche unilatérale et contraignante, je préfère une démarche progressive et qui avance à son rythme, rythme que j'estime positif.
C'est pourquoi je préconise le retrait de l'amendement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Thérèse Hermange, pour explication de vote.
Mme Marie-Thérèse Hermange. La préparation du rapport sur la sécurité des mineurs qu'avec Luc Rudolph j'ai remis, voilà près de deux ans, au ministre de l'intérieur m'a amenée à visiter l'ensemble des départements où cette expérience des travailleurs sociaux en commissariat était conduite, expérience menée pour la première fois dans les Yvelines et dont l'initiative revient à ce même Luc Rudolph, à qui je voudrais rendre hommage.
Il s'agit d'une expérience remarquable, mais je ne crois qu'elle puisse être généralisée de la même façon sur l'ensemble du territoire.
Cela étant, monsieur le ministre, il est en effet important qu'elle soit largement connue, car elle permet de conduire une action de prévention conjointe, ce qui permet d'éviter certains drames.
M. Louis de Broissia. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Peyronnet. Madame Hermange, si vous me le permettez, j'apporterai une petite correction à vos propos : c'est non pas dans les Yvelines qu'a eu lieu la première expérience, mais à Limoges, alors que j'étais président du conseil général, et nous avons travaillé avec M. Rudolph.
Monsieur le ministre, je connais bien ce dossier et c'est pourquoi je propose cette solution.
J'ignorais que vous aviez envoyé une circulaire, mais, si vous demandez un financement total par les communes, il est compréhensible que les maires soient réticents, à l'image de ces trois maires de la région parisienne qui ont fait l'objet d'une saisine par le préfet pour créer, à la charge de leur commune, des postes de travailleurs sociaux dans les commissariats.
Cependant, le fait que les conseils généraux soient responsables de l'action sociale et ma propre expérience m'incitent, au regard des très bons résultats obtenus dans mon département - je sais, madame Hermange, que M. Rudolph a ensuite fait « essaimer » l'expérience dans d'autres départements -, à vous dire que nous pouvons, si vous le voulez, en rester là, mais que cette question devra être reprise à un moment donné pour déterminer par qui seront financés les postes de travailleurs sociaux en commissariat.
Je conçois qu'imposer une telle mesure puisse créer des problèmes, mais soyez assurés que si ces postes sont cofinancés les maires seront beaucoup moins réticents qu'ils ne le sont actuellement.
M. Jean-Pierre Sueur. C'est le bon sens même !
M. Jean-Claude Peyronnet. Je devine le sort qui sera réservé à mon amendement, mais je le maintiens et j'exprime le souhait que la question soit reprise.
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Mahéas, pour explication de vote.
M. Jacques Mahéas. Je veux insister sur ce que vient de dire M. Peyronnet.
Je fais partie des maires qui, dans mon département, ont été sollicités par le responsable de la police du département pour créer un poste de travailleur social dans le commissariat de leur commune. J'étais, bien sûr, favorable à cette proposition tout à fait positive. Eh bien ! m'a-t-il été dit, il faut que vous déléguiez un salarié à ce poste, lequel sera payé par la commune, mais exercera dans le commissariat.
Outre le fait que les communes ne sont pas responsables de l'action sociale, j'ai quand même trouvé « fort de café » que l'on fasse la manche auprès d'une commune pauvre pour financer un accueil social, auquel elle est évidemment favorable, mais qui devrait relever de la responsabilité conjointe du département et de l'État, puisque cet accueil serait assuré sous la responsabilité départementale et dans un lieu où exercent des fonctionnaires d'État.
J'insiste, monsieur le ministre, car il est peut-être possible de trouver un terrain d'entente. Certes, il est un peu péremptoire de prévoir la création d'un poste dans chaque commissariat et sans doute conviendrait-il de préciser qu'il doit s'agir d'une démarche volontaire, mais permettre une telle coopération est une nécessité.
Je suis désolé d'avoir à vous dire que, dernièrement, j'ai été obligé de demander à Mme la commissaire de venir me voir en raison de l'attitude de certains fonctionnaires se conduisant comme des shérifs. On peut aussi être victime de certaines attitudes policières et, dans ce cas, la présence d'un travailleur social peut permettre d'adoucir les moeurs. (M. Charles Pasqua s'exclame.)
Monsieur Pasqua, vous avez toujours été partisan de la manière forte, voire très forte, mais cela n'a jamais donné de bons résultats ! Au contraire : quand on veut juguler la violence par la violence, on augmente la violence. Ce genre de petite guerre est inadmissible sur les travées de notre assemblée.
Monsieur le ministre, je vous demande donc de ne pas rejeter cet amendement et de faire en sorte que nous puissions trouver un terrain d'entente. Nous n'y parviendrons peut-être pas dans l'immédiat mais, en mettant en quelque sorte cet amendement en réserve, nous nous donnerions le temps d'y réfléchir pour y revenir plus tard dans la discussion.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Brice Hortefeux, ministre délégué. Je veux préciser un point et formuler une proposition.
Tout d'abord, monsieur Peyronnet, comme pour la circulaire, il n'a visiblement pas été porté à votre connaissance qu'une réunion du comité interministériel de prévention de la délinquance qui s'est tenue au mois de mai dernier a prévu,sans entrer dans le détail, le principe d'une participation financière de l'État pouvant aller jusqu'à 50 % du budget des projets sur une période de trois ans, ce qui répond à votre préoccupation.
L'État ne fait donc preuve ni d'incompréhension ni d'inaction en ce domaine, mais accomplit au contraire un effort. Je ne mets pas du tout en cause la sincérité de votre intervention ; je vous communique un élément d'information que vous n'aviez pas.
Ensuite, monsieur Mahéas, dans votre intervention, je mets de côté les propos injustifiés concernant l'action menée par Charles Pasqua lorsqu'il était ministre d'État, ministre de l'intérieur, pour m'en tenir au fond de votre proposition : je ne suis pas hostile à ce que nous prenions quelques minutes pour affiner la rédaction de l'amendement, car si, comme vous le proposez, l'on se place sur la base du volontariat, je ne suis pas défavorable à ce que l'on inscrive ces mesures dans la loi.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. La commission rejoint d'autant plus volontiers M. le ministre qu'elle a déjà manifesté son intérêt pour cette proposition.
Afin de permettre l'élaboration d'une nouvelle rédaction, je demande donc, madame la présidente, une brève suspension de séance.
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons donc interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures quarante, est reprise à seize heures cinquante-cinq.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
Je suis saisie d'un amendement n° 249 rectifié, présenté par MM. Peyronnet, Godefroy, Badinter, Collombat, Dreyfus- Schmidt, C. Gautier, Mahéas et Sueur, Mme Campion, MM. Cazeau et Domeizel, Mmes Demontès et Jarraud- Vergnolle, M. Michel, Mme Schillinger, MM. Guérini, Lagauche, Madec, Mélenchon, Mermaz et Ries, Mmes Tasca, Boumediene- Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, et ainsi libellé :
Avant l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article L. 121-1 du code de l'action sociale et des familles, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. L. ... - Une convention entre l'Etat, le département et, le cas échéant, la commune peut prévoir les conditions dans lesquelles un ou plusieurs travailleurs sociaux participent, au sein des commissariats, à une mission de prévention à l'attention des publics en détresse. »
La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Cet amendement me paraît excellent en ce qu'il permet de développer un partenariat entre les départements et les commissariats ; je pense qu'il s'agit là d'une disposition suffisante pour le moment.
Cela étant, la France dispose, à l'heure actuelle, de deux forces de sécurité, celle des villes et celle des campagnes, et il existe de très grosses brigades de gendarmerie, qui sont parfois situées dans les zones périurbaines. Dès lors, ne devrait-on pas, au cours de la navette, s'intéresser également aux gendarmeries, sauf à prétendre que les gendarmes accomplissent un travail social et que la présence de travailleurs sociaux n'est pas nécessaire ; mais ce serait sans doute excessif !
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Brice Hortefeux, ministre délégué. À l'évidence, j'émets un avis favorable sur cet amendement n° 249 rectifié.
J'indiquerai simplement à M. Hyest qu'il convient de profiter du délai que nous laisse la navette pour étendre le processus à la gendarmerie.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Tout à fait !
M. Brice Hortefeux, ministre délégué. Sous réserve de cette remarque, je rejoins la position défendue par M. le président de la commission des lois.
Mme la présidente. La parole est à M. Roland Muzeau, pour explication de vote.
M. Roland Muzeau. Je souhaite vous faire part de mon étonnement devant l'objet de cet amendement : « Il convient de poursuivre l'effort engagé par le Gouvernement...».
Or, depuis le début de l'examen de ce texte, tant les sénateurs du groupe CRC que les travailleurs sociaux ou certains professionnels travaillant en liaison étroite avec les collectivités locales, notamment les départements, ne cessent d'émettre de vives protestations contre le texte qui nous est présenté.
Lors de la suspension de séance, vous avez tout de même réussi le tour de force de glisser dans l'objet de l'amendement un élément tout à fait significatif, à savoir que ce texte est non seulement dangereux, mais aussi et surtout électoraliste. Ainsi est confirmé le fait que le Gouvernement persévère dans sa démarche de stigmatisation d'un certain nombre de publics et, surtout, poursuit des visées électorales, ce qui est très largement dénoncé dans notre pays.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Peyronnet. Il est vrai que l'objet de cet amendement offre peut-être au Gouvernement l'occasion de se tailler une part qui n'est pas tout à fait la sienne.
Cela étant, ce qui restera, c'est le texte de l'amendement et non pas son objet, et si M. Muzeau craint la collaboration de classes, qu'il se rassure : nous sommes tout à fait hostiles à la philosophie générale du texte qui nous est soumis, texte que nous rejetons en bloc.
Toutefois, cela ne nous empêche pas de penser que toute amélioration en faveur des familles et des victimes est une bonne chose.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, avant l'article 2.
Article 2
Le code de l'action sociale et des familles est ainsi modifié :
1° À l'article L. 121-2, après le 3°, il est inséré un 4° ainsi rédigé :
« 4° Actions de prévention de la délinquance. » ;
2° L'article L. 121-6 est remplacé par les dispositions suivantes :
« Art. L. 121-6. - Par convention passée avec le département, une commune peut exercer directement tout ou partie des compétences qui, dans le domaine de l'action sociale, sont attribuées au département en vertu des articles L. 121-1 et L. 121-2.
« La convention précise l'étendue et les conditions financières du transfert de compétences. Les services départementaux correspondants sont mis à la disposition de la commune. »
Mme la présidente. Je suis saisie de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers amendements sont identiques.
L'amendement n° 181 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
L'amendement n° 250 est présenté par MM. Peyronnet, Godefroy, Badinter, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mahéas et Sueur, Mme Campion, MM. Cazeau et Domeizel, Mmes Demontès et Jarraud-Vergnolle, M. Michel, Mme Schillinger, MM. Guérini, Lagauche, Madec, Mélenchon, Mermaz et Ries, Mmes Tasca, Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat, pour présenter l'amendement n° 181.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Cet article contient deux dispositions que nous refusons catégoriquement.
La première disposition tend à inscrire dans le code de l'action sociale et des familles que l'une des missions d'action sociale menées par le département est la prévention de la délinquance.
Cette mesure dénature complètement la mission principale de chef d'orchestre de la protection de l'enfance qui est celle du conseil général. De façon plus insidieuse encore, elle entretient la confusion voulue entre protection de l'enfance et prévention de la délinquance. De quelle délinquance est-il question ? La protection de l'enfance doit-elle être confondue avec les actions de prévention de la délinquance ?
Cet amalgame est particulièrement inquiétant.
Nous savons tous que M. le ministre d'État aime à proclamer haut et fort que la meilleure prévention reste la répression. Que restera-t-il des missions d'action sociale des départements en direction de l'enfance et de la jeunesse ?
Et cette inquiétude est nourrie par la seconde disposition de l'article, car celle-ci va dans le même sens. Elle prévoit, en effet, que, par dérogation, une commune peut se voir octroyer les pouvoirs du président du conseil général en matière d'action sociale.
Cette mesure s'annonce particulièrement floue et complexe. Comment les services d'un département pourront-ils être mis à la disposition d'une commune ? On peut même s'interroger sur l'avenir des centres d'action sociale.
Au-delà de ces incohérences, c'est surtout le fond de cette disposition qui est alarmant. Pourquoi retirer ses prérogatives au président du conseil général ? Pour des raisons d'efficacité, de proximité ?
L'argument de l'inefficacité des services départementaux n'est pas recevable. En effet, les initiatives sont nombreuses, les réussites aussi, même si elles sont moins visibles que les échecs. Ce sont les moyens qui manquent, en personnel notamment.
Tout le monde le sait, cette disposition n'est qu'un moyen d'accroître la répression sur certaines catégories de population. Vous souhaitez centraliser les informations de toute sorte concernant les familles pour justifier une politique d'exclusion.
Si un tel article était adopté, le maire se retrouverait omnipotent, sans aucun contre-pouvoir. Les citoyens n'auraient aucun moyen pour contrer les décisions que celui-ci pourrait prendre de façon tout à fait arbitraire.
Mme la présidente. La parole est à M. Louis Mermaz, pour présenter l'amendement n° 250.
M. Louis Mermaz. Le code de l'action sociale et des familles prévoit trois types d'action relevant de la responsabilité du département : des actions tendant à permettre aux intéressés d'assurer leur propre prise en charge et leur insertion sociale, des actions dites de prévention spécialisée auprès des jeunes et des familles en difficulté ou en rupture avec leur milieu, enfin des actions d'animation socio-éducatives. Le Gouvernement propose d'ajouter une quatrième compétence, et c'est ce que nous récusons.
La suppression de l'article 2 se justifie pour trois raisons.
Premièrement, l'extension du champ des compétences du département en matière de prévention de la délinquance représenterait un glissement du champ éducatif vers le champ sécuritaire, au risque de dénaturer la mission d'action sociale des conseils généraux.
Ce n'est pas parce que le département exerce des compétences à la lisière de la prévention de la délinquance qu'il doit nécessairement recourir à des actions en ce domaine où il n'est pas directement compétent ; cela ne relève pas de sa mission.
La protection de l'enfance et l'action sociale font l'objet d'une législation et de procédures spécifiques, dont la responsabilité incombe aux conseils généraux dans un maillage étroit avec les autorités judiciaires, les travailleurs sociaux et les associations. La présence de ces deux dernières catégories d'acteurs nous rappelle d'ailleurs que la prévention spécialisée est une forme d'action éducative née en 1945. En d'autres termes, la prévention spécialisée s'inscrit dans le prolongement de l'action éducative, et non de la prévention à vocation répressive.
Par ailleurs, les missions de protection de l'enfance ne doivent pas être confondues avec la prévention de la délinquance. Avec cette nouvelle mesure, le département pourrait participer à toutes formes d'actions de prévention de la délinquance, y compris celles qui ne revêtiraient plus un aspect social. Les animateurs de la prévention spécialisée prédisent que de nombreuses associations seraient déconventionnées et leurs actions remises en causes dans le cadre d'appels d'offre aujourd'hui obligatoires au profit d'associations qui seraient retenues parce qu'elles auraient inscrit dans leur cahier des charges, prioritairement, un objectif de sécurité et de contrôle.
Deuxièmement, cette spécificité en matière d'action sociale doit être préservée et confirmée, sauf à créer des incohérences et des confusions hasardeuses entre le rôle du département et celui des communes. Lorsque les institutions se mettent à croître démesurément, c'est mauvais signe : à force d'ajouter des compétences, des organismes, à force de compliquer, de créer de nouvelles strates, on rend le dispositif illisible. C'est cette confusion que nous ne cessons de dénoncer depuis le début de ce débat.
Troisièmement, la possibilité de délégation des compétences du département en matière d'aide sociale existe déjà, mais elle reste peu utilisée en direction des communautés urbaines ou des communautés d'agglomération, sinon de façon exceptionnelle en dehors de Paris.
Pour toutes ces raisons, nous souhaitons la suppression de l'article 2.
Mme la présidente. L'amendement n° 130 rectifié, présenté par M. de Broissia, Mme Garriaud-Maylam, MM. Huré, Grignon, Doligé et Milon, Mme B. Dupont, MM. Besse, Cléach, Houel, Jarlier, Sido, Billard, Fournier, Esneu, Vial, Leroy et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire et M. Retailleau, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi le second alinéa du texte proposé par le 2° de cet article pour l'article L. 121-6 du code de l'action sociale et des familles :
« La convention précise l'étendue et les conditions financières de la délégation de compétence, ainsi que les conditions dans lesquelles les services départementaux correspondants sont mis à la disposition de la commune. »
La parole est à M. Bruno Retailleau.
M. Bruno Retailleau. Cet amendement vise à la fois à lever une ambiguïté et à combler une lacune.
S'agissant de l'ambiguïté, l'article 2 utilise l'expression « transfert de compétences ». Il convient de lui préférer celle de « délégation de compétences ». En effet, le transfert est définitif et la délégation provisoire. À plusieurs reprises, il a été rappelé que les lois de décentralisation avaient confié la compétence sociale au département.
Pour ce qui est de la lacune à combler, il convient, bien entendu, d'inclure les moyens financiers dans le champ de la convention, mais les présidents de conseils généraux souhaitent y inclure également les services mis à disposition. Il convient d'apporter cette précision dans l'article, afin que cela soit explicitement prévu dans les futures conventions.
Mme la présidente. L'amendement n° 105 rectifié, présenté par M. Mercier, Mme Létard, MM. Détraigne, Zocchetto et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit la seconde phrase du second alinéa du texte proposé par le 2° de cet article pour l'article L. 121-6 du code de l'action sociale et des familles :
Elle précise également les conditions dans lesquelles les services départementaux concourent à la mise en oeuvre du présent article.
La parole est à M. Michel Mercier.
M. Michel Mercier. Cet amendement est retiré.
Mme la présidente. L'amendement n° 105 rectifié est retiré.
L'amendement n° 8, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Compléter cet article par deux paragraphes 3° et 4° ainsi rédigés :
3° Le III de l'article L. 5215-20 du code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
a) Les mots : « d'aide sociale que celui-ci lui confie » sont remplacés par les mots : « qui, dans le domaine de l'action sociale, sont attribuées au département en vertu des articles L. 121-1 et L. 121-2 du code de l'action sociale et des familles ».
b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« La convention précise l'étendue et les conditions financières de la délégation. Les services départementaux correspondants sont mis à la disposition de la communauté urbaine. »
4° Le V de l'article L. 5216-5 du code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
a) Les mots : « d'aide sociale que celui-ci lui confie » sont remplacés par les mots : « qui, dans le domaine de l'action sociale, sont attribuées au département en vertu des articles L. 121-1 et L. 121-2 du code de l'action sociale et des familles ».
b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« La convention précise l'étendue et les conditions financières de la délégation. Les services départementaux correspondants sont mis à la disposition de la communauté d'agglomération. ».
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter cet amendement et pour donner l'avis de la commission sur les autres amendements.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. L'amendement n° 8 vise à mettre en cohérence les conditions de délégation de compétences, d'une part, entre le département et la commune, d'autre part, entre le département et les établissements publics de coopération intercommunale, c'est-à-dire les communautés urbaines et les communautés d'agglomération. Actuellement, la terminologie utilisée n'est pas la même, ce qui pourrait susciter des interprétations divergentes.
S'agissant des amendements identiques nos 181 et 250, la commission émet un avis défavorable.
Concernant les délégations de compétences, j'ai quelques difficultés à comprendre votre raisonnement, Mme Mathon-Poinat. Ces dispositions remontent à la loi du 22 juillet 1983 ; elles ont donc été mises en place par une majorité que vous souteniez. Si elles n'ont pas donné des résultats très importants sur le plan quantitatif, il n'en reste pas moins qu'elles répondent aux principes affirmés lors de l'acte I de la décentralisation.
Pour ce qui est de la compétence des départements en matière de prévention de la délinquance, je perçois mal la dichotomie dans les fonctions des clubs de prévention entre l'aspect social et la prévention de la délinquance.
De nombreux départements - notamment celui du Nord, dont je suis l'élu -, incitent les clubs de prévention à se préoccuper exclusivement des vieux adolescents, si je puis m'exprimer ainsi, ou des jeunes adultes. Ils se heurtent à d'importantes difficultés pour convaincre les éducateurs spécialisés, qui oeuvrent de façon tout à fait remarquable à des heures où d'autres ne travaillent généralement plus, à centrer leurs actions sur des publics beaucoup plus jeunes, où la dimension sociale est beaucoup plus marquée.
Aujourd'hui, il s'agit davantage du suivi individuel de jeunes adultes rencontrant de très grandes difficultés. C'est donc déjà un travail de prévention de la délinquance.
S'agissant de l'amendement n° 130 rectifié, la commission émet un avis favorable. L'expression « délégation » est en effet préférable à celle de « transfert » : la délégation entraîne une possibilité de précarité, alors que le transfert présente un caractère définitif.
Par ailleurs, assouplir la rédaction de l'article sera de nature à inciter un plus grand nombre de départements à déléguer certaines de leurs compétences aux communes.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Brice Hortefeux, ministre délégué. S'agissant des amendements identiques nos 181 et 250, le Gouvernement émet un avis défavorable.
Il est prévu que le département apporte, au travers de ses actions sociales, notamment celles qui sont relatives à la prévention spécialisée, un concours à la prévention de la délinquance, en prévenant la marginalisation des personnes et en facilitant leur insertion. La coopération entre le département et les communes pourra être mise en oeuvre en fonction des besoins locaux : elle pourra concerner aussi bien l'aide sociale que la prévention spécialisée ou l'action sociale départementale. Une convention fixera l'étendue de la délégation.
Dans ces conditions, comment considérer que l'effort qui est engagé pour définir le rôle de chaque niveau de collectivité aboutirait à un démantèlement de l'action sociale et familiale des départements ?
L'amendement n° 130 rectifié concerne les conventions qui permettront à un département de déléguer tout ou partie de ses compétences d'action sociale à une commune. La mise à disposition des services concernés du conseil général est prévue, afin d'éviter les doublons et de favoriser non seulement les délégations de compétences, mais aussi les transferts d'expériences.
Le Gouvernement ne souhaite pas revenir sur le principe de mise à disposition, qui figure dans le droit positif actuel. Il émet donc un avis favorable sur cet amendement.
En ce qui concerne l'amendement n° 8, le Gouvernement ne peut que partager le souci de rendre homogènes les conditions dans lesquelles un département peut déléguer ses compétences en matière d'action sociale, que le délégataire soit la commune, la communauté urbaine ou la communauté d'agglomération.
Cette mise en cohérence étant très utile, le Gouvernement émet un avis favorable
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 181 et 250.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 2, modifié.
(L'article 2 est adopté.)
Article 3
I. - La loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 d'orientation des transports intérieurs est ainsi modifiée :
1° Après l'article 13-2, il est inséré un article 13-3 ainsi rédigé :
« Art. 13-3. - Les autorités organisatrices de transports collectifs de voyageurs concourent, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État, aux actions de prévention de la délinquance et de sécurisation des usagers dans ces transports. » ;
2° Après la première phrase du quatrième alinéa de l'article 21-1, il est inséré une phrase ainsi rédigée : « Elle concourt aux actions de prévention de la délinquance et de sécurisation des usagers dans ces transports. »
II. - Après la deuxième phrase du premier alinéa du II de l'article 1er de l'ordonnance n° 59-151 du 7 janvier 1959 relative à l'organisation des transports de voyageurs en Ile-de-France, il est inséré une phrase ainsi rédigée : « Il concourt aux actions de prévention de la délinquance et de sécurisation des usagers. »
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 182, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. L'article 3 du projet de loi organise la participation des autorités administratives de transports collectifs de voyageurs aux actions de prévention de la délinquance et de sécurisation des usagers. Il vise donc indirectement les régions puisque, y compris l'Île-de-France, elles sont maintenant des autorités organisatrices de transports collectifs.
De ce fait, elles devront à l'avenir concourir aux actions d'une part, de prévention de la délinquance, et, d'autre part, de sécurisation des usagers, ce qui est également une nouveauté, et non plus se contenter seulement des actions de sécurité technique.
Deux remarques peuvent être formulées.
Tout d'abord, la rédaction de cet article consacre légalement la possibilité offerte aux autorités administratives de transports collectifs de généraliser, par exemple, la mise en place de dispositifs de vidéosurveillance. Sur ce point, les membres de mon groupe partagent les inquiétudes émises par Mme Boumediene-Thiery lors de la présentation de l'un de ses amendements.
Une telle mesure ne constitue pas un progrès pour les voyageurs, non seulement parce que ces derniers seront filmés lors de tous leurs déplacements sans savoir ce que deviendront ces films, mais aussi parce que la vidéosurveillance n'empêche pas la commission d'une infraction. Les membres du groupe CRC ayant développé cette idée à l'occasion de l'examen de la loi sur le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers, je n'y reviendrai pas.
Par ailleurs, le transfert de compétence de l'État vers les régions est, en l'occurrence, évident. Une fois de plus, l'État se décharge de ses missions fondamentales, en l'espèce la sécurité, sur les collectivités locales.
Or, la sécurité des voyageurs est confiée aux régions sans aucun transfert financier, ce qui est manifestement en contradiction avec le quatrième alinéa de l'article 72-2 de la Constitution.
Par conséquent, sans ce transfert financier indispensable, ce seront inévitablement les impôts locaux et le prix du billet de transport qui financeront ces actions de prévention de la délinquance et de sécurisation des usagers.
Pour toutes ces raisons, il convient de supprimer cet article 3.
Mme la présidente. L'amendement n° 299, présenté par MM. Karoutchi, Courtois et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :
Dans le II de cet article, après les mots :
il concourt
insérer les mots :
, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat,
La parole est à M. Michel Houel.
M. Michel Houel. La rédaction actuelle de l'article 3 ne permet pas d'inclure dans le décret en Conseil d'État envisagé, en application de la loi du 30 décembre 1982 d'orientation des transports intérieurs, la définition des modalités du concours de l'autorité organisatrice de transports compétente dans la région d'Île-de-France, à savoir le syndicat des transports d'Île-de-France, le STIF, aux actions de prévention de la délinquance et de sécurisation des usagers.
Par conséquent, il est nécessaire de compléter le dispositif proposé par un nouvel ajout à l'ordonnance du 7 janvier 1959 relative à l'organisation des transports de voyageurs en Île-de-France, ce qui permettra de préciser les mesures envisagées dans un décret unique, s'appliquant sur l'ensemble du territoire.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. La commission est bien évidemment défavorable à l'amendement n° 182, qui tend à supprimer l'article 3 du projet de loi.
Ce dernier tend à placer la prévention de la délinquance parmi les responsabilités collectives. De ce fait, au-delà du maire, du conseil général, de l'État, les autorités organisatrices de transports doivent également exercer des compétences en la matière.
Par ailleurs, s'il était présent en cet instant dans cet hémicycle, le président de la communauté urbaine de Lille, dont j'ai été vice-président pendant longtemps, pourrait peut-être mieux que moi encore évoquer l'importance de la présence de dispositifs de vidéosurveillance pour assurer une sécurité élémentaire dans le métro, le tramway et, plus généralement, dans les transports en commun de voyageurs.
L'amendement n° 299, quant à lui, tend simplement à préciser qu'un décret en Conseil d'État fixera les conditions dans lesquelles le syndicat des transports d'Île-de-France concourt aux actions de prévention de la délinquance et de sécurisation des usagers. Cette précision est tout à fait naturelle, puisque l'article 3 fait référence à un tel décret à l'égard des autres autorités organisatrices de transports collectifs de voyageurs. La commission émet donc un avis favorable.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Brice Hortefeux, ministre délégué. Madame Assassi, j'ai déjà évoqué vos principales préoccupations lors de la discussion générale comme cet après-midi.
Le Gouvernement rejoint la position de la commission sur l'amendement n° 182 et émet donc un avis défavorable.
L'amendement n° 299 a pour objet de réparer un oubli. En effet, la rédaction actuelle de l'article 3 ne permet pas d'inclure le STIF dans le décret qui encadrera l'élaboration d'un plan de sécurité et de prévention de la délinquance. Pour cette raison, le Gouvernement est favorable à cet amendement.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 3, modifié.
(L'article 3 est adopté.)
Article 4
1° Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
a) Au deuxième alinéa de l'article 35, après les mots : « procureurs de la République » sont insérés les mots : «, en ce qui concerne tant la prévention que la répression des infractions à la loi pénale, » ;
b) Après l'article 39, il est inséré un article 39-1 ainsi rédigé :
« Art. 39-1. - Dans le cadre de ses attributions en matière d'alternative aux poursuites, de mise en mouvement et d'exercice de l'action publique, de direction de la police judiciaire, de contrôle d'identité et d'exécution des peines, le procureur de la République veille à la prévention des infractions à la loi pénale.
« À cette fin, il anime et coordonne dans le ressort du tribunal de grande instance la politique de prévention de la délinquance dans sa composante judiciaire, conformément aux orientations nationales de cette politique déterminées par l'État, telles que précisées par le procureur général en application des dispositions de l'article 35. » ;
2° L'article L. 2211-2 du code général des collectivités territoriales est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les modalités d'échange d'informations prévues au présent article peuvent être définies par les conventions mentionnées aux articles L. 2215-2 et L. 2512-15 que signe également le procureur de la République. »
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 251, présenté par MM. Peyronnet, Godefroy, Badinter, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mahéas et Sueur, Mme Campion, MM. Cazeau et Domeizel, Mmes Demontès et Jarraud-Vergnolle, M. Michel, Mme Schillinger, MM. Guérini, Lagauche, Madec, Mélenchon, Mermaz et Ries, Mmes Tasca, Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet.
M. Jean-Claude Peyronnet. L'article 4 du projet de loi nous semble inopportun pour deux raisons.
Il est vrai que si le traitement des plaintes et des procès-verbaux individuels constitue l'axe majeur des missions du procureur de la République, ce dernier est aussi chargé d'appliquer la politique pénale définie par le Gouvernement. Le présent projet de loi ajoute à ses missions la prévention de la délinquance.
Mais, en pratique, comment le ministère public s'y prendra-t-il ? Par définition, une infraction n'est constituée qu'à partir du moment où un acte délictueux est commis. Avant la commission de l'infraction, le parquet n'a pas vocation à être saisi. La simple intention n'est pas, en principe, punissable. Par conséquent, dans un tel cas de figure, les missions confiées au procureur de la République sont ambiguës.
Qu'il soit chargé de l'application de la loi pénale et donc, éventuellement, de la prévention de la récidive est justifié, mais il n'en est pas de même pour ce qui concerne la prévention de la délinquance.
De surcroît, l'article 4 risque d'entretenir un climat de défiance entre le juge des enfants et le procureur.
Rappelons que l'article 38 du présent projet de loi vise à étendre explicitement au tribunal pour enfants les dispositions de l'article 399 du code de procédure pénale actuellement applicables au tribunal correctionnel. J'ai déjà évoqué cette question lors de la discussion générale. Cependant, en renforçant le rôle du ministère public, le projet de loi risque d'accroître l'emprise de ce dernier sur le magistrat du siège, spécifiquement sur le juge des enfants à l'égard duquel le projet de loi que nous examinons fait preuve d'une grande défiance.
Les préoccupations d'ordre public et de célérité des décisions de justice vont prendre le pas sur les considérations éducatives. Il est à craindre que l'équilibre entre les fonctions civiles et pénales de la juridiction des mineurs ne soit rompu.
Ces raisons font partie de celles qui nous ont conduits à être opposés au présent projet de loi, dont la philosophie ne nous satisfait pas, comme nous avons pu l'indiquer à plusieurs reprises.
Mme la présidente. L'amendement n° 10, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par le troisième alinéa (b) du 1° de cet article pour insérer un article 39-1 dans le code de procédure pénale par un alinéa ainsi rédigé :
« Il est également consulté par le représentant de l'État dans le département avant que ce dernier n'arrête le plan de prévention de la délinquance. »
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter cet amendement et pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 251.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Cet amendement tend à prévoir la consultation du procureur de la République sur le plan de prévention de la délinquance avant que ce dernier ne soit arrêté par le préfet, puisque le procureur de la République devient l'une des autorités en charge de la prévention de la délinquance.
Pour ce qui concerne l'amendement n° 251, il est à noter une opposition de fond entre M. Peyronnet et la majorité des membres de la commission des lois. En effet, ces derniers estiment que prévention et sanction ne font pas l'objet d'un clivage aussi étanche que notre collègue semble le supposer.
Nous avons d'ailleurs un peu de mal à comprendre que les maires puissent à la fois reprocher que le procureur de la République ne soit pas assez associé à l'élaboration des contrats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance et ne noue pas de suffisamment relations de confiance avec les élus locaux et évoquer parallèlement une éventuelle confusion des missions dès lors que ledit procureur est intégré à cette action de prévention.
Au contraire, il est de l'intérêt des uns et des autres que les différents partenaires agissent de conserve. Associer encore plus les autorités judiciaires à la prévention de la délinquance permettra d'améliorer non seulement la prévention, mais également la réponse à l'infraction.
Pour toutes ces raisons, la commission émet un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice. Tout d'abord, monsieur Peyronnet, vous êtes un élu local de longue date. Comme nous tous dans cette enceinte, vous connaissez les conseils départementaux de prévention de la délinquance, mis en place régulièrement par les préfets. Dans l'hypothèse où le procureur de la République n'y participerait pas, je vous imagine aisément prendre la parole pour dénoncer cette absence. Vous seriez le premier choqué. Or, le procureur assiste auxdits conseils. Je suppose que vous avez déjà pu le constater à Limoges.
En réalité, de quoi s'agit-il ? L'article 4 vise à consacrer législativement une pratique qui relève actuellement du domaine réglementaire. Il ne s'agit en aucun cas, comme vous l'avez soutenu, d'une atteinte à l'indépendance du juge du siège. Vous faites fausse route.
À ce jour, la présence du procureur de la République dans les différents conseils départementaux de prévention de la délinquance est déjà effective, même si elle peut paraître quelque peu subsidiaire puisqu'elle n'est pas expressément prévue par un texte législatif. Or, il convient de la rendre essentielle et obligatoire afin, notamment, qu'il donne un avis autorisé sur le plan de prévention de la délinquance.
À ce sujet, monsieur le rapporteur, permettez-moi de vous faire remarquer que, par définition, s'il est présent, c'est bien pour donner son avis. Par conséquent, la demande formulée par la commission dans l'amendement n° 10 est presque un peu redondante.
Comme chacun le sait, la prévention de la délinquance fait bien partie des responsabilités du parquet.
Le Gouvernement est donc défavorable à l'amendement n° 251 et favorable à l'amendement n° 10.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Pourquoi pas un juge pour enfants ?
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet, pour explication de vote sur l'amendement n° 251.
M. Jean-Claude Peyronnet. Je n'ai pas du tout été convaincu par les explications, ni de M. le rapporteur, ni de M. le garde des sceaux. Si la situation actuelle est satisfaisante, pourquoi avoir recours à la loi ? C'est bien la manifestation d'une volonté de procéder autrement et de renforcer la position de tel ou tel.
Lorsque nous étudierons ultérieurement le cas du maire, nous vous tiendrons des propos semblables au sujet des rappels à l'ordre. Pourquoi vouloir absolument inscrire dans la loi une situation de fait ? Des changements d'attitude et de comportement, nécessaires, doivent être notés.
Conforter la présence du procureur dans ce cadre là va de pair avec les dispositions figurant à l'article 18 relatives à l'audiencement.
Il existe un danger quant à la mainmise sur les magistrats du siège.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je partage totalement les propos de M. Peyronnet. Quelle est l'utilité de faire relever du domaine législatif un état de fait jusqu'à présent d'ordre réglementaire ? En réalité, il s'agit d'une volonté affirmée du Gouvernement de donner plus de poids au parquet. En l'occurrence, on peut s'interroger sur la distinction opérée entre prévention de la délinquance et prévention de la récidive.
D'ailleurs, tout le texte est imprégné de cette préoccupation - si l'on peut dire ! - de la prévention de la récidive, qui suscite un battage médiatique.
Cependant, la prévention de la délinquance touche un domaine beaucoup plus large - certes, la présence du procureur est prévue, mais pourquoi pas celle des juges pour enfants ? - et correspond, pour nous, à une position de fond.
Nous aurons l'occasion de revenir sur le deuxième attendu de l'amendement de M. Peyronnet lors de l'examen de l'article 38.
Il ne faut pas nous prendre pour des idiots ! Cette nouvelle disposition législative n'est absolument pas indispensable au bon fonctionnement des conseils locaux.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 251.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas l'amendement.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 4, modifié.
(L'article 4 est adopté.)
CHAPITRE II
DISPOSITIONS DE PRÉVENTION FONDÉES SUR L'ACTION SOCIALE ET ÉDUCATIVE
Articles additionnels avant l'article 5
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 113 rectifié, présenté par M. Mercier, Mme Létard, MM. Détraigne, Zocchetto et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :
Avant l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
A- Le chapitre VI du titre II du livre II du code de l'action sociale et des familles est ainsi modifié :
1° Après l'article L. 226-2, il est inséré un article L. 226-2-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 226-2-1. - Sans préjudice des dispositions du II de l'article L. 226-4, les personnes qui mettent en oeuvre la politique de protection de l'enfance définie à l'article L. 112-3 ainsi que celles qui lui apportent leur concours transmettent dans les meilleurs délais au président du conseil général ou au responsable désigné par lui, conformément aux dispositions de l'article L. 226-3, toute information préoccupante sur un mineur en danger ou risquant de l'être, au sens de l'article 375 du code civil. Lorsque cette information est couverte par le secret professionnel, sa transmission est assurée dans le respect des dispositions de l'article L. 221-6-1. Cette transmission a pour but de permettre d'évaluer sa situation et de déterminer les actions de protection et d'aide dont ce mineur et sa famille peuvent bénéficier. Le père, la mère, toute autre personne exerçant l'autorité parentale ou le tuteur en sont préalablement informés selon des modalités adaptées, sauf si cette information est contraire à l'intérêt de l'enfant. » ;
2° L'article L. 226-3 est ainsi rédigé :
« Art. L. 226-3. - Le président du conseil général est chargé du recueil, du traitement et de l'évaluation, à tout moment et quelle qu'en soit l'origine, des informations préoccupantes relatives aux mineurs en danger ou qui risquent de l'être. Le représentant de l'État et l'autorité judiciaire lui apportent leur concours.
« Des protocoles sont établis à cette fin entre le président du conseil général, le représentant de l'État dans le département et l'autorité judiciaire en vue de centraliser le recueil des informations préoccupantes au sein d'une cellule opérationnelle de recueil, de traitement et d'évaluation de ces informations.
« Après évaluation, les informations individuelles font, si nécessaire, l'objet d'un signalement à l'autorité judiciaire.
« Les services publics, ainsi que les établissements publics et privés susceptibles de connaître des situations de mineurs en danger ou qui risquent de l'être, participent au dispositif départemental. Le président du conseil général peut requérir la collaboration d'associations concourant à la protection de l'enfance.
« Les informations mentionnées au premier alinéa ne peuvent être collectées, conservées et utilisées que pour assurer les missions prévues au 5° de l'article L. 221-1. Elles sont transmises sous forme anonyme à l'observatoire départemental de la protection de l'enfance prévu à l'article L. 226-3-1 et à l'Observatoire national de l'enfance en danger prévu à l'article L. 226-6. La nature et les modalités de transmission de ces informations sont fixées par décret. » ;
3° L'article L. 226-4 est ainsi rédigé :
« Art. L. 226-4. - I. - Le président du conseil général avise sans délai le procureur de la République :
« 1° Lorsqu'un mineur est en danger au sens de l'article 375 du code civil et que les actions mentionnées aux articles L. 222-3 et L. 222-4-2 et au 1° de l'article L. 222-5 ne permettent pas de remédier à la situation ;
« 2° Lorsqu'un mineur est présumé être en situation de danger au sens de l'article 375 du code civil et qu'il est impossible d'évaluer cette situation, ou que la famille refuse manifestement d'accepter l'intervention du service de l'aide sociale à l'enfance ou qu'elle est dans l'impossibilité de collaborer avec le service.
« Le président du conseil général fait connaître au procureur de la République les actions déjà menées, le cas échéant, auprès du mineur et de la famille intéressés.
« Le procureur de la République informe dans les meilleurs délais le président du conseil général des suites qui ont été données à sa saisine.
« II. - Toute personne travaillant au sein des organismes mentionnés au quatrième alinéa de l'article L. 226-3 qui avise directement le procureur de la République de la situation d'un mineur en danger adresse une copie de cette transmission au président du conseil général. Lorsque le procureur a été avisé par une autre personne, il transmet au président du conseil général les informations qui sont nécessaires à l'accomplissement de la mission de protection de l'enfance confiée à ce dernier. » ;
B- Après l'article L. 226-2 du code de l'action sociale et des familles, il est inséré un article L. 226-2-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 226-2-2. - Par exception à l'article 226-13 du code pénal, les personnes soumises au secret professionnel qui mettent en oeuvre la politique de protection de l'enfance définie à l'article L. 112-3 ou qui lui apportent leur concours sont autorisées à partager entre elles des informations à caractère secret afin d'évaluer une situation individuelle, de déterminer et de mettre en oeuvre les actions de protection et d'aide dont les mineurs et leur famille peuvent bénéficier. Le partage des informations relatives à une situation individuelle est strictement limité à ce qui est nécessaire à l'accomplissement de la mission de protection de l'enfance. Le père, la mère, toute autre personne exerçant l'autorité parentale, le tuteur, l'enfant en fonction de son âge et de sa maturité sont préalablement informés, selon des modalités adaptées, sauf si cette information est contraire à l'intérêt de l'enfant. »
La parole est à Mme Valérie Létard.
Mme Valérie Létard. Cet amendement reprend deux articles du projet de loi relatif à la protection de l'enfance, l'un ayant trait au signalement des mineurs en danger, l'autre au secret professionnel partagé.
Compte tenu de la similitude des sujets traités par ces deux articles avec l'objet du présent projet de loi, nous avons souhaité interroger solennellement le Gouvernement pour qu'il nous garantisse que l'examen du texte relatif à la protection de l'enfance sera bien poursuivi et qu'une véritable réflexion sur l'articulation entre ces deux projets de loi sera entamée.
Le fait que les sujets traités par ces deux textes soient très proches est susceptible de créer une confusion pour les acteurs de la protection de l'enfance. En outre, il nous semble important de signaler clairement notre attachement au texte relatif à la protection de l'enfance, qui a déjà fait l'objet, ici, d'un travail long, sérieux et concerté.
Nous espérons donc que la navette parlementaire nous permettra de progresser sur cette question. (M. Philippe Bas, ministre, fait un signe d'assentiment.)
Mme la présidente. L'amendement n° 306 rectifié, présenté par M. Lardeux, est ainsi libellé :
Avant l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article L. 226-2 du code de l'action sociale et des familles, il est inséré un article additionnel ainsi rédigé :
« Art. L. ... - Par exception à l'article 226-13 du code pénal, les personnes soumises au secret professionnel qui mettent en oeuvre la politique de protection de l'enfance définie à l'article L. 112-3 ou qui lui apportent leur concours sont autorisées à partager entre elles des informations à caractère secret afin d'évaluer une situation individuelle, de déterminer et de mettre en oeuvre les actions de protection et d'aide dont les mineurs et leur famille peuvent bénéficier. Le partage des informations relatives à une situation individuelle est strictement limité à ce qui est nécessaire à l'accomplissement de la mission de protection de l'enfance. Le père, la mère, toute autre personne exerçant l'autorité parentale, le tuteur, l'enfant en fonction de son âge et de sa maturité sont préalablement informés, selon des modalités adaptées, sauf si cette information est contraire à l'intérêt de l'enfant. »
L'amendement n° 305 rectifié, présenté par M. Lardeux, est ainsi libellé :
Avant l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article L. 226-2 du code de l'action sociale et des familles, il est inséré un article additionnel ainsi rédigé :
« Art. L. ... - Sans préjudice des dispositions du II de l'article L. 226-4, les personnes qui mettent en oeuvre la politique de protection de l'enfance définie à l'article L. 112-3 ainsi que celles qui lui apportent leur concours transmettent dans les meilleurs délais au président du conseil général ou au responsable désigné par lui, toute information préoccupante sur un mineur en danger ou risquant de l'être, au sens de l'article 375 du code civil. Lorsque cette information est couverte par le secret professionnel, sa transmission est assurée dans le respect des dispositions de l'article L. 221-6-1. Cette transmission a pour but de permettre d'évaluer sa situation et de déterminer les actions de protection et d'aide dont ce mineur et sa famille peuvent bénéficier. Le père, la mère, toute autre personne exerçant l'autorité parentale ou le tuteur en sont préalablement informés selon des modalités adaptées, sauf si cette information est contraire à l'intérêt de l'enfant. »
La parole est à M. André Lardeux.
M. André Lardeux. Ces deux amendements ont le même objet.
En juin dernier, notre assemblée examinait et votait à l'unanimité des suffrages exprimés le projet de loi relatif à la protection de l'enfance. Celui-ci prévoit un dispositif de coordination et de partage d'informations entre les professionnels qui interviennent dans le champ particulier de l'action sociale.
Selon ce dispositif est confiée de façon logique au département la coordination des interventions sociales en la matière. Il permet aux travailleurs sociaux, normalement soumis au secret professionnel, d'échanger entre eux des informations sur les situations individuelles sans encourir de mise en cause de leur responsabilité pénale.
Très équilibré, il avait recueilli l'assentiment de toutes les parties prenantes, qu'il s'agisse des élus, des professionnels ou des associations représentant les enfants victimes de maltraitances.
Le présent projet de loi traite lui aussi de la question de la coordination des travailleurs sociaux et du partage des informations entre intervenants. Malheureusement, il prévoit en la matière un mécanisme sensiblement différent de celui que nous avons adopté en juin dernier.
Or, quoi qu'on en dise, ces procédures concerneront les mêmes travailleurs sociaux et la problématique des familles en grande difficulté se trouve souvent à cheval entre la protection de l'enfance et l'action sociale générale.
Il me paraît donc indispensable de coordonner ces deux textes. D'ailleurs, lors du débat, au mois de juin dernier, chacun était convenu de cette nécessité, aussi bien les différents intervenants dans l'hémicycle que le Gouvernement.
Plus encore, il est primordial que le projet de loi sur la protection de l'enfance, qui fait l'objet d'une forte attente sur le terrain, aille à son terme.
La commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale l'a déjà étudié et a élaboré son rapport. Il devrait donc être possible d'avancer rapidement sur ce sujet.
Vous l'aurez compris, messieurs les ministres : ces deux amendements sont des amendements d'appel ou, si je puis me permettre, des piqûres de rappel. Ils reprennent la rédaction des articles 5 et 7 du projet de loi relatif à la protection de l'enfance. J'attends un engagement du Gouvernement de poursuivre la navette dans les meilleurs délais et des précisions sur le calendrier qu'il envisage.
Si le projet de loi sur l'enfance devait ne pas aboutir, j'estime, au nom du principe selon lequel un « tiens vaut mieux que deux tu l'auras », que l'adoption de ces amendements dans le projet de loi relatif à la prévention de la délinquance permettra au moins d'avancer sur la question du signalement des enfants en danger.
Comme, de plus, je suis présomptueux, je suis d'avis que leur adoption permettrait de gagner du temps dans l'examen de l'article 5, qui va débuter dans quelques instants.
J'ajoute que la question du secret professionnel est extrêmement sensible, non seulement pour les travailleurs sociaux, qui, bien sûr, risquent à chaque fois la mise en cause, malgré les précautions qu'ils peuvent prendre - il ne faudrait pas que, dans chacun des deux textes, on aboutisse à des positions divergentes - mais aussi pour les familles concernées, puisque des informations parfois très confidentielles seront puisées au sein de leur intimité.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. L'avis de la commission est similaire sur les trois amendements, puisque tous trois posent exactement le même type de problèmes : elle souhaite leur retrait.
Ils tendent, comme vient de le dire M. Lardeux, à ce que soient repris dans le présent projet de loi les articles 5 et 7 du texte relatif à la protection de l'enfance, qui a été adopté en juin dernier par le Sénat.
Ces articles sont relatifs à la procédure du secret partagé en matière de protection de l'enfance et au dispositif départemental de signalement des enfants en danger.
Comme je l'ai indiqué devant la commission, le présent projet de loi n'est nullement incompatible avec le texte relatif à la protection de l'enfance et ne remet absolument pas en cause le rôle de chef de file du département en matière d'action sociale.
L'article 5 du présent projet de loi, qui a trait au partage de l'information, fixe un cadre général.
Toutefois, en matière de protection de l'enfance, la procédure applicable sera spécifique en raison de la nature même des problématiques qui lui sont liées. Nous nous trouvons dans l'hypothèse de l'application d'une règle assez traditionnelle, selon laquelle le spécial déroge au général.
J'ajoute que le projet de loi relatif à l'enfance a une cohérence très forte et que le dépouiller de deux articles fondamentaux n'aurait, à mon avis, pas de sens. Si nous adoptions ces articles, y aurait-il encore un espoir pour que, globalement, le texte restant soit lui-même adopté ?
J'ai cru comprendre que le dépôt de ces amendements était guidé par le principe de précaution. J'ai entendu le Gouvernement s'engager de la manière la plus ferme, à trois reprises déjà, à ce que les deux projets de loi aillent de concert au terme du parcours parlementaire. La répétition étant l'art de la pédagogie, je ne doute pas qu'il pourra le répéter une quatrième fois.
Cette demande de retrait va dans le sens de la préoccupation exprimée par les auteurs des amendements.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Je tiens, tout d'abord, à remercier les auteurs de ces amendements : en effet, ils ont entendu renouveler leur soutien à la réforme de la protection de l'enfance, examinée dans cette enceinte voilà maintenant quelques mois et adoptée sans la moindre opposition de quelque groupe que ce soit de cette assemblée...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je rappelle que nous ne l'avons pas votée !
M. Philippe Bas, ministre délégué. ..., et même avec l' « abstention positive » du groupe socialiste, que rappelait hier M. Godefroy.
Ce projet de loi, qui a été élaboré au terme d'une grande concertation et qui vise tout simplement à promouvoir les meilleures pratiques de protection de l'enfance, à développer la prévention mais aussi à diversifier les modes d'action en faveur des enfants en difficulté, sera, je l'espère, adopté également - en tout cas examiné - par l'Assemblée nationale avant la fin de cette année.
Je réitère là un engagement formulé non seulement par le Gouvernement, ici même, hier, au cours du débat, mais aussi par le Président de la République, lors de l'entretien du 14 juillet dernier qu'il a accordé à plusieurs chaînes de télévision. Je rappelle, d'ailleurs, que, lors de l'examen du texte relatif à la protection de l'enfance en conseil des ministres, il avait souhaité que ce dernier soit adopté avant la fin de cette année 2006.
Il s'agit donc bien, pour le Gouvernement, d'une priorité.
De même est une priorité la discussion du présent projet de loi, relatif à la prévention de la délinquance.
Le Gouvernement est soucieux de la bonne articulation de ces deux textes qui, bien que l'un concerne l'action sociale et l'autre l'aide sociale à l'enfance, s'inspirent des mêmes principes, notamment - nous allons le voir en examinant l'article 5 - s'agissant du partage de l'information, de la coordination et du rôle respectif du président du conseil général et du maire, et souhaite donc qu'ils connaissent une égale progression au sein du Parlement afin d'aboutir à deux grandes lois d'ici à la fin de cette année.
J'espère être parvenu à rassurer les auteurs de ces amendements et, peut-être, ceux des membres de cette assemblée qui s'inquiètent au sujet de la discussion de ces projets à l'Assemblée nationale.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous ne nous rassurez pas !
M. Philippe Bas, ministre délégué. Tous deux y seront examinés d'ici à la fin de cette année.
Sous le bénéfice de ces explications, je demande à mon tour aux auteurs de ces amendements de bien vouloir les retirer.
Mme la présidente. Madame Létard, l'amendement n° 113 rectifié est-il maintenu ?
Mme Valérie Létard. Mon souhait n'est pas que nous n'ayons plus, ici, l'occasion de traiter de textes relatifs à la protection de l'enfance. Bien au contraire !
Je rappelle, une fois de plus, que la clé de la réussite de toute politique d'accompagnement des jeunes vers la réussite de leur projet de vie réside dans l'équilibre entre une véritable prévention précoce, une véritable action familiale et sociale menée dès la petite enfance, et - nous en avons très peu parlé jusqu'à présent et j'espère que nous aurons l'occasion d'aborder ce sujet plus tard - la prévention spécialisée, conduite par les départements.
Celle-ci concerne aujourd'hui les jeunes de quatorze à dix-huit ans. Or, les jeunes âgés de dix à quatorze ans commencent à connaître des problèmes du fait, quelquefois, d'un système qui fait qu'ils sont plus vulnérables, plus fragiles, plus sujets à des risques de dérive vers la délinquance.
Les jeunes peuvent bénéficier de l'accompagnement dispensé par les clubs de prévention à partir de treize ou quatorze ans mais, bien souvent, il est trop tard. Une action éducative menée plus tôt, dès l'âge de dix ou onze ans, serait sans doute beaucoup plus efficace.
Ainsi, dès les premières difficultés rencontrées par le jeune, dès les premières difficultés rencontrées par sa famille pour l'accompagner, il conviendrait de mettre en place une mesure d'action sociale et familiale. Elle pourrait consister en un retour à l'école ou un travail en relation avec les services de l'éducation nationale, par le biais des dispositifs de réussite éducative. C'est bien cette réflexion que nous devons engager, afin d'articuler les mécanismes existants avec les dispositions du présent projet de loi.
Le sujet ne doit pas être éludé. Il y a véritablement des liens à trouver entre le volet « prévention spécialisée », qui doit être mis en oeuvre en liaison avec les départements, et les propositions que nous sommes en train d'examiner. Dans le cadre de cette navette parlementaire, dans le cadre du travail mené sur ce texte par toute l'équipe gouvernementale, notamment par vous-même, monsieur Bas, nous pourrons peut-être trouver de nouveaux liens et de nouvelles articulations. Il s'agira alors de les mettre en oeuvre, pour ne plus avoir l'impression que la seule solution à notre disposition à l'égard des jeunes, c'est la sanction.
Certes, vous avez tous travaillé dans le même sens, mais votre action n'est pas lisible. L'objectif est de trouver un équilibre. C'était ce que nous voulions rappeler par cet amendement, que, bien évidement, je vais retirer. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Roland Muzeau. Nous l'aurions voté !
Mme Valérie Létard. Monsieur le ministre, l'essentiel était de préciser les choses. Je vous fais effectivement confiance puisque vous venez de prendre l'engagement de poursuivre le travail sur la protection de l'enfance, pour que le projet de loi soit voté avant la fin de l'année. (Exclamations sur les travées du groupe CRC.)
M. Roland Muzeau. Mais non !
Mme Valérie Létard. Il serait en effet dommage de « mettre au panier » tout le travail qui a été réalisé avec les conseils généraux, les services sociaux de terrain et les services de votre ministère et d'oublier les promesses d'aujourd'hui. J'espère que vous tiendrez compte de mes observations.
Mme la présidente. L'amendement n° 113 rectifié est retiré.
Monsieur Lardeux, les amendements nos 306 rectifié et 305 rectifié sont-ils maintenus ?
M. André Lardeux. L'objectif était, bien sûr, d'obtenir des assurances de la part du Gouvernement, ce qui a été fait. J'en prends acte et je n'ai pas de raison, bien au contraire, de mettre en doute les propos de M. le ministre, qui s'est clairement engagé sur ce sujet.
Simplement, sur le secret professionnel, il ne faudrait pas que les règles édictées dans les divers textes soient trop différentes les unes des autres, s'agissant notamment des exceptions prévues. Si les travailleurs sociaux ne sont pas soumis aux mêmes règles en matière de partage du secret professionnel selon les actions menées, ils seront incités, pour se protéger, à ne rien partager du tout, je vous le garantis !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est sûr !
M. André Lardeux. Cela étant dit, je retire ces amendements.
Mme la présidente. Les amendements nos 306 rectifié et 305 rectifié sont retirés.
Article 5
Après l'article L. 121-6-1 du code de l'action sociale et des familles, il est inséré un article L. 121-6-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 121-6-2. - Lorsque la gravité des difficultés sociales, éducatives ou matérielles d'une personne ou de personnes composant une même famille, constatée par un professionnel de l'action sociale telle que définie à l'article L. 116-1, appelle l'action de plusieurs intervenants, celui-ci en informe le maire de la commune de résidence pour assurer une meilleure efficacité de l'action sociale.
« Lorsque plusieurs professionnels interviennent auprès d'une même personne ou de personnes composant une même famille, un coordonnateur est désigné parmi eux par le maire, après consultation du président du conseil général. À défaut, le président du conseil général peut procéder à cette désignation.
« Ces professionnels et le coordonnateur sont autorisés à partager les informations et documents nécessaires à la continuité et à l'efficacité de leurs interventions. Les informations ainsi communiquées ne peuvent être divulguées à des tiers sous peine des sanctions prévues à l'article 226-13 du code pénal.
« Le professionnel intervenant seul dans les conditions prévues au premier alinéa et le coordonnateur sont autorisés à révéler au maire ou à son représentant, au sens de l'article L. 2122-18 du code général des collectivités territoriales, les informations confidentielles qui sont nécessaires à l'exercice de ses compétences dans les domaines sanitaire, social et éducatif. »
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Thérèse Hermange, sur l'article.
Mme Marie-Thérèse Hermange. Messieurs les ministres, l'article 5 est l'un des piliers de la politique de prévention que vous nous proposez : il prévoit d'assurer une coordination, qui, si elle est effectivement mise en place au moment adéquat, permettra d'éviter bien des drames.
M. le ministre d'État a cité hier l'exemple du petit Nicolas. Neuf intervenants ont été consultés sur ce dossier, mais il n'y a eu aucune coordination entre eux. Comme nombre de mes collègues qui ont également été chargés du secteur de l'aide sociale à l'enfance, je me suis toujours interrogée sur le fait qu'autant d'enfants maltraités et violentés étaient si tardivement orientés vers l'ASE, jusqu'au jour où je me suis aperçue qu'il pouvait y avoir jusqu'à dix-sept intervenants sur un même dossier et que la situation d'urgence et de prévention n'entrait donc pas en ligne de compte ! Au sein même du conseil général, il n'existait aucune coordination entre les services. Même à Paris, où il est possible de réunir ces compétences, le département, la commune et les CHU ne se coordonnaient pas.
La situation a commencé à évoluer lorsqu'un gynécologue du Var a pris conscience du problème en découvrant un jour dans Var Matin qu'une femme qu'il avait suivie pendant sa grossesse avait défenestré son enfant âgé de quatre mois. Il a alors mis en place un staff sanitaire et social, à l'instar des staffs médicaux, pour assurer une bonne coordination, poser le bon diagnostic et, au final, délivrer la bonne ordonnance.
Au demeurant, j'avais moi-même préconisé d'assurer la coordination de l'ensemble des intervenants autour d'un chef de réseau, à savoir le gynécologue à la maternité et le directeur à la crèche ou à l'école. Ainsi, lorsqu'un élève trop souvent absent appartient à une famille connue de l'assistante sociale, lorsqu'un bébé ne supportant pas la crèche est le énième enfant d'une mère qui a subi des violences, une telle coordination est essentielle : il faut aider au mieux les professionnels à travailler sur l'ensemble des données, pour qu'ils disposent d'une vision qui ne soit plus uniquement parcellaire. Il importe donc de faire le bon choix, au moment adéquat, en identifiant les professionnels qui seront concernés, ainsi que l'instance qui sera chargée de les coordonner.
C'est dans ce but que j'avais déposé le sous-amendement n° 176 rectifié. Or, dans l'amendement n° 11 rectifié, la commission des lois a décidé de reprendre l'essentiel du dispositif que j'ai proposé et qui, je le répète, me paraît fondamental. Madame la présidente, j'en remercie vivement mes collègues et je retire donc par avance ce sous-amendement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Patricia Schillinger, sur l'article.
Mme Patricia Schillinger. Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, le chapitre II, notamment ses articles 5, 6 et 7, engendre la confusion.
S'agissant du rôle du maire en matière de coordination de l'action sociale, la définition retenue dans le projet de loi est en contradiction avec celle de l'article L. 121-1 du code de l'action sociale et des familles, lequel énonce : « Le département définit et met en oeuvre la politique d'action sociale, en tenant compte des compétences confiées par la loi à l'État, aux autres collectivités territoriales ainsi qu'aux organismes de sécurité sociale. Il coordonne les actions menées sur son territoire qui y concourent. »
En définitive, qui fait quoi ?
Une telle confusion des rôles risque de conduire à des malentendus regrettables et d'instaurer une concurrence entre les prérogatives du maire et celles du conseil général. Dans tous les cas, cette situation paradoxale conduira le maire à coordonner l'intervention de services qui relèvent d'une autre collectivité.
S'agissant du secret professionnel partagé, une confusion apparaît également, cette fois-ci entre les dispositions du projet de loi réformant la protection de l'enfance, qui a été voté en première lecture au Sénat, et celles qui nous sont soumises aujourd'hui. Le législateur aurait pu imaginer plus de cohérence entre ces deux textes : d'une session à l'autre, nous sont proposées deux versions différentes sur le même sujet !
Les logiques affichées dans ces deux textes sont, il est vrai, diamétralement opposées : la prévention pour l'un, la répression pour l'autre !
D'un coté, le secret professionnel est strictement bordé. Seules les personnes préalablement et également soumises au secret professionnel peuvent se partager les informations, qui restent confidentielles à l'égard des tiers.
De l'autre, le secret professionnel explose. Les informations peuvent être partagées avec des professionnels, qui ne sont d'ailleurs pas soumis au secret professionnel, et peuvent être révélées à un tiers, notamment au maire.
Tout cela participe à la confusion. Comment les travailleurs sociaux vont-ils pouvoir s'y retrouver ?
D'un coté, la vie privée est préservée et respectée ; de l'autre, elle est sacrifiée à un intérêt de sécurité publique. Je le répète, alors que le projet de loi réformant la protection de l'enfance privilégie l'action sociale, le texte relatif à la prévention de la délinquance met en avant la répression et l'exclusion.
En outre, la mise en place du contrat de responsabilité parentale n'échappe pas à cette confusion.
Dans le décret paru le 1er septembre dernier, en corrélation avec les dispositions de la loi pour l'égalité des chances, c'est le président du conseil général qui propose un tel contrat. Dans le texte qui nous est soumis aujourd'hui, c'est le maire qui peut proposer l'accompagnement parental.
Comment la coordination va-t-elle s'effectuer ?
Les mesures proposées ici diffèrent peu de celles qui sont proposées dans la loi pour l'égalité des chances. Ainsi, aux termes de l'article L. 222-4-1 du code de l'action sociale et des familles inséré par cette dernière, en cas d'absentéisme scolaire, de trouble porté au fonctionnement d'un établissement d'enseignement ou de toute autre difficulté liée à une carence de l'autorité parentale, il pourra être proposé un contrat de responsabilité parentale.
Par conséquent, deux formes d'accompagnement parental sont en train de se mettre en place. Nous assistons à une superposition des rôles avec, d'un coté, le conseil général dans le rôle du gentil, puisqu'il fera de la prévention et, de l'autre, le maire dans le rôle du méchant, puisqu'il fera de la répression. (M. Michel Mercier approuve.)
Le risque de confusion prévaut également pour ce qui est de l'aide à la gestion ou au contrôle de la gestion des prestations familiales.
Ainsi, le présent projet de loi fait intervenir les caisses d'allocations familiales pour la mise en place d'une aide à la gestion des prestations familiales, alors que le projet de loi réformant la protection de l'enfance met en place un accompagnement en économie sociale et familiale.
D'un coté, il s'agit de s'attacher à gérer le budget des familles qui ont des difficultés pour répondre aux besoins de leurs enfants : c'est une mesure éducative et préventive. De l'autre, il s'agit de pénaliser les familles des enfants dont le comportement est susceptible de compromettre l'ordre public : c'est une mesure répressive.
En définitive, nous sommes, non plus dans l'éducatif, mais dans la sanction.
Par ailleurs, le risque de confusion et de mauvaise coordination apparaît également en matière de tutelle aux prestations familiales.
Dans le texte réformant la protection de l'enfance, cette tutelle est supprimée et remplacée par une mesure judiciaire d'aide à la gestion du budget familial relevant du code civil.
Dans le présent projet de loi, le professionnel coordonnateur d'une commune peut, dans le cadre des dispositions du code de la sécurité sociale, exercer la tutelle aux prestations familiales. D'un coté, on supprime, de l'autre, on renforce !
Messieurs les ministres, avez-vous pensé aux travailleurs sociaux ?
Outre le fait qu'ils seront pieds et poings liés à la politique sécuritaire du maire, comment pourront-ils s'y retrouver dans cet amalgame et dans cette confusion des rôles et des textes ?
Les membres de la commission des affaires sociales, qui ont travaillé sur ces deux textes, sont à même, aujourd'hui, de relever toutes ces incohérences. À ce sujet, le rapport de M. About est tout à fait révélateur, et nous partageons bon nombre de ses positions.
Deux logiques s'opposent, deux postures idéologiques semblent s'affronter. Mais qui va gagner ? Il semble aujourd'hui que le texte réformant la protection de l'enfance n'ait jamais existé. À cet égard, monsieur Bas, nous aurions aimé vous voir intervenir hier dans la discussion générale, mais il est vrai que vous, vous n'êtes pas en campagne électorale !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Qui sait ?
Mme Patricia Schillinger. Pourtant, ce texte, que nous avons adopté en première lecture, est fondamental et constitue le socle du dispositif.
C'est indéniable, les enfants délinquants sont souvent des enfants en difficulté. Par conséquent, ce qui est bon pour la protection de l'enfance est évidemment, au final, bon pour la prévention de la délinquance des mineurs.
Or, dans le climat politique de cette rentrée, le risque est majeur qu'une nouvelle fois le débat sur la délinquance vienne polluer celui sur la protection de l'enfance.
La protection sociale doit être la règle et le préliminaire à toute politique dans ces domaines, l'intervention de la justice devant être réservée à résoudre les conflits, pour garantir le droit de chacun.
En conclusion, le trop grand recours à la justice et la multiplication des sanctions et des mesures de répression nous inquiètent. La lutte contre la délinquance passe, à notre avis, par une augmentation de l'offre de service social aux familles, dans le respect des compétences de chacun, et non pas par des réponses textuelles et artificielles, comme celles qui nous sont aujourd'hui proposées. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Roland Muzeau, sur l'article.
M. Roland Muzeau. Les articles que nous nous apprêtons à examiner sont particulièrement dangereux. S'ils sont votés, ils vont mettre en pièce, sachons-le, toute notre tradition d'action sociale.
Dans ce chapitre II, la confusion est totale entre les enjeux sociaux d'une politique de la famille et les questions liées à la délinquance. D'ailleurs, cette confusion n'a pas échappé au rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, M. Nicolas About, et je me permettrai de citer plusieurs des positions énoncées dans son rapport.
À ses yeux, en effet, il ne faudrait pas que ce texte conduise à une confusion des rôles. Il note pourtant que, en matière d'action sociale, la plupart des moyens d'intervention ne relèvent pas de la commune.
M. About dit comprendre le souci du Gouvernement, mais il indique immédiatement après que la délégation de compétence, avec le président du conseil général en tant que maître d'oeuvre, aurait encore plus de sens que les modifications sur lesquelles nous sommes appelés à délibérer.
Sa deuxième observation concerne le contrat de responsabilité parentale que nous avons créé en mars dernier -ce n'est pas loin ! - dans la loi pour l'égalité des chances et qui n'a pas encore eu le temps de faire ses preuves. Il souligne que le présent projet de loi institue un dispositif d'accompagnement parental qui ressemble étrangement à ce contrat, à cette nuance près qu'il relève du maire et non du président du conseil général.
Bien évidemment, M. About, qui appartient à la majorité présidentielle, dit tout cela avec tendresse (sourires), mais ses critiques sont somme toute assez pertinentes et il est bon que notre assemblée en prenne connaissance.
Dans une troisième observation, qui porte sur la sécurisation des règles de partage d'informations entre travailleurs sociaux intervenant auprès d'une même famille, il précise que ce dispositif diffère sensiblement de celui qui a été retenu dans le cadre de la protection de l'enfance, ce qui risque de semer la confusion parmi les travailleurs sociaux.
Enfin, et j'enfonce le clou, M. About indique que sa préférence va au mécanisme de secret professionnel partagé, plus protecteur et mieux encadré, retenu par le projet de loi réformant la protection de l'enfance, et suggère que nous nous en inspirions pour amender le présent texte. Malheureusement, ce n'est pas possible, car les amendements de l'UC-UDF et de notre collègue M. Lardeux, qui étaient pourtant pertinents, ont été retirés.
La volonté du Gouvernement est ici clairement exprimée : il veut organiser le dépistage des prétendus « asociaux » dès la maternelle et organiser sa politique de répression en direction des plus démunis.
Messieurs les ministres, vous encouragez la stigmatisation des familles pauvres et vous voulez transformer les caisses d'allocations familiales en organismes de contrôle et de délation des familles. Le maire deviendrait le pivot de ce dispositif, en tant que détenteur d'éléments confidentiels qui lui seront obligatoirement fournis par les professionnels sociaux et éducatifs. Il se trouverait doté d'un pouvoir discrétionnaire énorme, qui lui permettrait d'accroître la répression policière sur les adolescents.
Son pouvoir ne s'arrêterait malheureusement pas là puisqu'il aurait aussi la possibilité de sanctionner les familles en leur imposant des stages de responsabilité parentale ou en plaçant leurs allocations familiales sous tutelle, tout en ayant connaissance de la profonde détresse dans laquelle elles sont plongées. Pénaliser toute une famille pour un enfant qui commet des actes délictueux, ce n'est pas la formule que nous avions envisagée en juin, monsieur Bas !
Les nouvelles fonctions dévolues aux CAF sont unanimement contestées. Le conseil d'administration de la CNAF est ainsi sorti de sa réserve, en s'inquiétant ouvertement de cette dérive.
Les CAF souhaitent fondamentalement demeurer des organismes sociaux et non pas être transformées en auxiliaires de police. Elles ont pour mission une redistribution plus juste des richesses et, en aucun cas, elles ne sont des organes de sanction ou de délation. C'est pourquoi la transmission au maire de données relatives aux enfants scolarisés s'avère particulièrement inadmissible.
En conclusion, je rappellerai que l'empilement des textes législatifs relatifs aux familles que vous considérez comme « mauvaises » devient caricatural. La suspension des allocations familiales a été instaurée, puis supprimée. Quant aux stages parentaux, ils existent déjà. En outre, voilà quelques mois, cette même majorité a mis en place le contrat de responsabilité parentale. Plus récemment encore, le projet de loi réformant la protection de l'enfance a modifié la législation relative aux conseillères en économie sociale et familiale.
Pourquoi un tel acharnement législatif sur les mêmes catégories de population ? Pourquoi multiplier à tout prix les possibilités de sanction et de culpabilisation à l'encontre des familles les plus démunies ?
Cette majorité, nous le savons, souhaite par ce biais accroître la confusion dans l'opinion publique entre pauvreté, difficultés sociales, difficultés scolaires et délinquance, voire - et c'est plus grave - entre délinquance et immigration. Nous nous opposons fermement à une telle conception de la société et c'est pourquoi nous défendrons la suppression de chacun des articles suivants.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Mercier, sur l'article.
M. Michel Mercier. L'article 5 de ce projet de loi est l'un de ceux qui soulève le plus d'interrogations et de questions de principe.
Quelles sont les principales dispositions prévues par cet article ?
Son champ d'application couvre l'ensemble du domaine de l'action sociale et contient deux mesures très importantes, l'une relative au secret professionnel partagé et l'autre à l'organisation même des services d'action sociale.
Une question préalable se pose cependant. Dans son intervention d'hier, le ministre d'État chargé de l'intérieur a très judicieusement rappelé que l'action sociale et la prévention de la délinquance constituaient deux politiques distinctes. Je ne suis donc pas certain que cet article soit à sa place dans un texte qui ne traite que de l'action sociale et pas spécifiquement de la prévention de la délinquance.
Le ministre d'État a eu raison de le dire. Aujourd'hui, nous devons, ensemble, affirmer clairement que l'objet de la politique de l'action sociale est d'abord d'aider les personnes les plus démunies qui connaissent des difficultés, et que ce n'est pas parce que l'on est pauvre que l'on est délinquant ! (Murmures d'approbation sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Ne pas le dire serait déplacé de notre part et, en tant que législateurs, nous commettrions une grave faute. Il me paraissait fondamental de commencer par cette introduction.
J'en viens désormais aux deux mesures essentielles contenues dans l'article 5.
La première concerne le secret professionnel partagé.
Le secret professionnel, ce n'est pas le secret pour le secret. Ce n'est pas la CIA ! Quant aux services sociaux, ce ne sont pas des services de renseignements ! L'objet du secret professionnel est de rendre le travail social le plus efficace possible, afin qu'il puisse s'accomplir dans la confiance réciproque entre les plus démunis et les travailleurs sociaux.
M. Roland Muzeau. Très bien !
M. Michel Mercier. C'est le fondement de l'action sociale ; je dirais même que c'est le but de la politique. Aujourd'hui, la politique doit d'abord et avant tout se préoccuper des plus faibles. Les autres se débrouillent tout seuls et n'ont pas besoin de nous ! Il ne faut jamais perdre de vue cet aspect des choses.
Le projet de loi dispose que des travailleurs sociaux intervenant sur un cas particulier peuvent partager entre eux ce qui relève du secret professionnel, dans la mesure où ce partage est nécessaire à l'efficacité de leur travail. Nous sommes tout à fait d'accord sur ce point.
Dans le département que j'ai l'honneur d'administrer, nous avons créé il y a bien longtemps des groupes techniques qui se réunissent régulièrement sous la présidence du responsable du service de l'enfance : les travailleurs sociaux, qu'ils relèvent de la mairie, de la CAF ou du département, y partagent des informations, dans le respect des personnes susceptibles d'être aidées.
Que la loi officialise ces pratiques, cela ne nous pose pas de problème. Mais il n'en reste pas moins qu'elles existent déjà : on n'invente pas l'eau tiède tous les matins !
Le projet de loi dispose ensuite que ce secret pourra être partagé avec le maire, mais uniquement dans le domaine de compétences de ce dernier, notamment en matière sociale et éducative.
Pour ma part, je n'ai jamais demandé aux travailleurs sociaux de partager leurs secrets avec moi, mais je ne suis pas hostile au fait que l'on informe le maire sur ce qu'il doit faire, notamment en matière éducative. Je rappelle d'ailleurs que la loi du 30 octobre 1886 dispose que le maire doit procéder à l'inscription des enfants dans les écoles primaires et qu'il est chargé d'y vérifier leur présence. Là encore - pourquoi ne pas le rappeler ? -, il suffisait d'appliquer la loi existante.
Enfin, le maire n'est concerné par le secret partagé que dans le cadre de ses compétences, et aucunement de façon générale.
En ce qui concerne le domaine d'application du secret professionnel partagé, qui vise en premier lieu l'enfance, il existe deux hypothèses d'intervention des travailleurs sociaux.
La première hypothèse est le mandat judiciaire : un juge confie au département, dans le cadre de l'aide sociale à l'enfance, le mandat de placer un jeune dans un établissement ou de faire l'objet d'une mission d'éducation en milieu ouvert. C'est alors au juge que l'on doit rendre compte.
Pour ma part, en tant que président de conseil général, je n'autoriserai pas les fonctionnaires de mon département à partager leur secret professionnel tant que le juge n'aura pas autorisé ce partage par écrit, dans la mesure où c'est lui qui nous a confié la mission. Nous ne pouvons donc agir qu'en liaison avec le juge.
Dans la seconde hypothèse, le recours au juge a été évité et les travailleurs sociaux ont pu convaincre les parents d'accepter une mesure administrative. Il ne faut pas rompre cette relation de confiance qui s'est établie entre le travailleur social et les parents.
Si l'on doit donner des renseignements sur la famille ou sur l'enfant visé par cette mesure éducative décidée en concertation avec ses parents, la moindre des choses est d'obtenir l'accord préalable de ceux-ci : c'est une question de confiance. Si on ne le fait pas, le lendemain matin, les parents sauront que l'on a divulgué ces informations et nous retireront l'autorisation de prendre la mesure administrative.
Messieurs les ministres, je souhaite que nous précisions entre nous tous ces points, de façon très concrète. Il ne s'agit pas de corporatisme de notre part. Vous savez bien que les conseillers généraux n'ont jamais gagné les élections grâce au travail social. Pourtant, ils s'en occupent, car ce travail est nécessaire à notre vie en société. Il ne faut pas casser le ressort du bon fonctionnement du travail social.
J'ai été maire pendant de longues années, jusqu'à la loi sur le cumul des mandats. Je pense donc qu'il faut informer le maire, afin qu'il ne se sente pas frustré et participe pleinement à ces opérations, mais que cela doit se faire dans un cadre strict et défini.
S'agissant du secret professionnel partagé, il me semble que nous parviendrons facilement à un accord.
En revanche, la seconde mesure, qui concerne la nouvelle organisation du travail social, peut davantage prêter à discussion. Elle fait l'objet d'un article L. 121-6-2 nouveau, inséré dans le code de l'action sociale et des familles.
Je rappelle que la loi sur le handicap que nous avons votée ici oblige le département à désigner au moins cinq travailleurs sociaux pour traiter le cas d'une même personne. L'un d'eux ira-t-il informer le maire que cinq travailleurs sociaux travaillent sur ce cas difficile ? Non seulement le maire en aura vite assez, mais cela ne présente aucun intérêt pour lui. Ce n'est pas du tout ce qu'il faut faire !
Je comprends que l'on veuille coordonner les actions et que le maire souhaite participer au travail social. Il est en effet frustrant pour un maire, que ses administrés viennent consulter et qui est seul face à eux, de ne pas pouvoir leur répondre. Il faut donc qu'il sache, mais il ne saurait être question de lui reprocher de ne pas faire. Nous devons donc veiller à protéger les maires.
En effet, si le maire doit coordonner, être responsable sans avoir de moyens, on aura vite des problèmes ! Il faut trouver le bon système.
Notre département, qui n'est pas meilleur que les autres, pratique la convention. M'obligerez-vous, par une position un peu brutale, à retirer toutes les équipes de prévention maintenues dans les communes malgré l'absence de moyens ?
Non, les départements ne veulent pas garder toute l'aide sociale pour eux. Pas du tout. ! L'aide sociale, plus cela se partage, mieux c'est. Il n'y a pas de corporatisme, mais, face à la demande, il faut que les textes autorisent un peu de souplesse.
Imaginons un département où cinq travailleurs sociaux interviennent sur un même cas. Va-t-on demander au maire de nommer un coordonnateur? Aussi inconcevable que cela paraisse, le texte le prévoit ! On ne peut pas faire cela, sauf à casser l'administration de l'aide sociale qui a mis si longtemps à voir le jour.
Je suis tout à fait d'accord pour trouver des systèmes qui, informant les maires, rompent leur isolement. Voilà bien longtemps que je leur envoie tous les deux mois la liste des bénéficiaires du RMI de leur commune. Jamais un seul ne m'a répondu par écrit que telle personne ne devrait pas y figurer. Il arrive que j'en entende parler, rien de plus.
Il est tout aussi normal qu'on envoie régulièrement au maire le montant des allocations journalières versées par le département à des familles de sa commune. Il faut bien lui permettre de voir ce qu'il donne dans le cadre du bureau d'aide sociale et ce que les gens reçoivent déjà du département.
Honnêtement, connaissez-vous un ministre, un préfet, un maire qui accepterait, parce que plusieurs personnes dans son service interviennent sur un cas, qu'une personne nommée par l'extérieur soit chargée de la coordination ? C'est mettre par terre toute l'organisation hiérarchique du travail social !
Il faut réfléchir avant de casser ce qui existe et qui s'est construit lentement. Je suis tout à fait d'accord pour qu'on cherche à améliorer la place des maires. Il faut les rendre plus réactifs.
On pourrait, par exemple, rétablir les commissions cantonales qui leur permettaient de connaître tous les bénéficiaires d'une action.
Il existe des formules plus modernes. Profitons de la navette pour trouver une solution qui préserve l'organisation de toute l'administration, donnant leur place aux maires sans casser les outils du travail social.
Transférer aux communes l'action sociale, après tout, pourquoi pas ? Il n'y a pas de raison de l'exclure d'emblée. Mais il faudra établir la relation de confiance entre le bénéficiaire de l'action sociale et le travailleur social. Sinon, cela ne marchera pas. Et le maire, pas plus que le président du conseil général, ne pourra pas tout faire.
Mon intervention, qui n'a rien de corporatiste - si d'autres voulaient faire cet énorme travail, ce serait très bien - ! -vise à éviter que notre vote ne détruise des outils qui, pour gagner à être améliorés, n'en sont pas moins vraiment nécessaires au maintien de notre cohésion sociale. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je partage ce que vient de dire Michel Mercier, en tout cas la philosophie qu'il a exprimée sur le travail social, qui se fait dans la durée, et sur le secret professionnel, qui répond à un souci d'efficacité. Je suis tout particulièrement d'accord quand il dit que ce n'est pas parce qu'on est pauvre qu'on est délinquant.
Néanmoins, je ne partage pas les conclusions qu'il en tire parce que je rejette complètement les dispositions de ce texte.
Oui, il s'agit bien d'une question d'idéologie. La vôtre est décelable à l'oeil nu. Pas besoin d'être expert pour s'en rendre compte !
Ce texte est en préparation depuis trois ou quatre ans. Les commissions ont auditionné quantité de personnes. Je suppose que le Gouvernement a auditionné tant et plus et qu'il a consulté des travailleurs sociaux, des élus, les médecins, des psychiatres, des magistrats, des éducateurs... En tout cas, on peut le penser.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Oui, nous l'avons fait ! Il fallait venir !
M. Robert Bret. Avec ce résultat, on peut se poser la question !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Moi aussi, j'en ai auditionné, ne vous inquiétez pas !
D'ailleurs, je m'adressais aux représentants du Gouvernement. Monsieur le rapporteur, ne prenez pas tout pour vous !
Entendez-vous la misère sociale ? Entendez-vous la misère de la médecine scolaire ? Entendez-vous la misère de la psychiatrie de proximité ?
Mme Marie-Thérèse Hermange. Quand vous étiez au pouvoir, l'entendiez-vous ? (Exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Madame Hermange, il vaudrait mieux ne pas intervenir dans cette discussion et, en tout cas, ne pas me couper la parole pour dire ce que je viens d'entendre ! C'est parfaitement inutile !
Le travail de prévention s'inscrit dans la durée et demande beaucoup de moyens, mais, alors, cela marche. Si vous ne l'entendez pas, c'est que vous partez d'un a priori : pour vous, d'abord, il ne faut pas plus de moyens et, ensuite, le travail social, « c'est du pipeau », cela ne sert à rien. (Murmures sur les travées de l'UMP.)
En revanche - et cette philosophie, on la retrouve dans tout le texte, particulièrement aux articles 5 et 6 - la prévention, c'est la sanction et le contrôle social pour se débarrasser des nuisibles.
Devant l'énorme mobilisation des psychologues, psychiatres, chercheurs, travailleurs sociaux, infirmiers, enseignants..., vous avez retiré de votre projet de loi les dispositions préconisées dans le rapport de la commission Bénisti, à savoir le dépistage précoce des difficultés chez les enfants dès trois ans.
Les 200 000 signataires de l'appel « pas de zéro de conduite pour les enfants de trois ans » - je vous invite, les uns et les autres, à lire ce qui est consigné dans le livre recueil ; je vous assure que vous apprendrez beaucoup de choses - vous ont fait reculer. Allez, convenez- en, vous avez reculé, peut-être pour mieux sauter, hélas ! mais vous avez provisoirement reculé.
Pourquoi ces 200 000 pétitionnaires ? Ce n'est pas rien de recueillir 200 000 signatures dans ces professions ! Parce que vous avez catalogué un être humain dès l'enfance ! Cette mobilisation est profondément importante parce qu'elle est le fait de gens de terrain, qui connaissent la réalité du travail social, la réalité des problèmes psychiatriques et, surtout, leurs liens avec tout ce que la société inflige aux plus défavorisés.
Cataloguer dès l'enfance un être humain qui l'est déjà par sa situation sociale, c'est totalement incohérent sur le plan scientifique. Comme vous n'avez pas la capacité de démontrer le contraire, mieux vaudrait vous abstenir de cette démarche éthiquement scandaleuse, en particulier du point de vue des élus de la République. Elle aboutit à un véritable enfermement de l'enfant dans les difficultés du parcours qui lui est attribué, pour lequel il est désigné d'avance, parce qu'elle vise tout particulièrement les enfants des familles le plus en difficulté.
Vous voulez dépister les comportements tous azimuts ? Soit ! Il y aurait beaucoup à dire sur les enfants de toutes les familles de France et de Navarre. Mais ce ne sont pas eux que vous visez, ce sont les enfants des familles en difficulté, soyons clairs !
La courbe évolutive d'un jeune qui, au fur et à mesure des années, s'écarte du droit chemin pour s'enfoncer dans la délinquance, sur laquelle se fondaient les propositions du rapport Bénisti, est particulièrement édifiante : elle témoigne d'une volonté préétablie de faire croire qu'il existe chez certains enfants une tendance, une sorte de prédisposition à devenir un jour quasi inévitablement délinquants.
Au fil des lois que votre majorité a votées, vous déclinez des populations à risques qu'il faut montrer du doigt, ficher, contrôler et, le cas échéant, enfermer pour que la société puisse se sentir à l'abri.
Une nouvelle fois, vous stigmatisez les pauvres, les enfants de pauvres, coupables précisément d'être pauvres. Pour vous, chacun est responsable de son propre malheur social. La société n'y est pour rien, et les réponses de fond, solidaires, n'ont pas lieu d'être, et surtout pas sur le long terme.
Allez-vous reprendre à votre compte la proposition de Tony Blair qui n'hésite pas à prôner le contrôle des foetus en voulant contraindre les adolescentes enceintes à accepter l'intervention de l'État ?
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je vous parle de Tony Blair, de la Grande-Bretagne et des théories comportementalistes américaines et anglo-saxonnes !
S'agit-il d'aider une adolescente enceinte à trouver des structures sociales, à l'accompagner pour avoir un enfant ? Non ! Il s'agit d'éviter que ces futurs enfants ne deviennent « une menace pour la société » ! Franchement, c'est tout à fait la philosophie qui transpire dans tous vos textes !
M. Nicolas About, rapporteur pour avis. Non !
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. On nous accuse de ce que fait Tony Blair !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. De plus, l'idée pour le moins paradoxale de « contraindre » à « accepter », c'est ce que vous faites avec le contrat de responsabilité parentale, par exemple.
Nous avons bien conscience que vous n'avez pas renoncé à mettre ces idées en oeuvre et, avec nos collègues députés, nous resterons vigilants pour que cela ne se fasse pas.
Je ne crois pas qu'on puisse se contenter de faire attention et d'essayer d'aménager les choses face à cette philosophie qui imprègne votre texte, assortie d'une l'absence totale de moyens réels pour le travail social.
Madame Létard, vous dites qu'il faut débattre. Mais il y a deux textes. Celui sur la protection de l'enfance que, pour notre part, nous n'avons pas voté même s'il contenait des éléments tout à fait intéressants et acceptables, et celui-ci, qui vient en contrepoids. Pourquoi ne sont-ils discutés en même temps, alors qu'ils traitent des mêmes sujets ? Pourquoi ce texte, qui annihile tout ce que contient l'autre ?
Je pose la question : quand débattrons-nous ? Nous ne débattrons pas et on ne peut donc que rejeter ces dispositions. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Philippe Bas, ministre délégué. Je voudrais répondre à l'ensemble de ces interventions, dont certaines m'ont surpris et d'autres beaucoup intéressé.
Non seulement j'ai été surpris, mais j'ai été un peu choqué par les propos que nous venons d'entendre : quand on veut renforcer l'efficacité de l'action sociale, on stigmatise les pauvres ! Madame Borvo Cohen-Seat, vous prétendez définir vous-même les intentions du Gouvernement. Permettez-moi de vous dire que nous sommes mieux placés que vous pour les exprimer !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je lis, tout simplement !
M. Philippe Bas, ministre délégué. Notre souci, dans ce texte, comme d'ailleurs dans la loi réformant la protection de l'enfance, c'est de venir en aide à des familles en difficulté et à des parents désemparés.
Eh oui, j'ose le dire, à partir du moment où nous permettrons à ces familles de jouer pleinement leur rôle, à ces enfants de s'épanouir, l'une des conséquences de notre action sera sans doute que nous aurons dans notre pays moins d'enfants livrés à eux-mêmes, moins d'enfants tentés par la délinquance, moins d'enfants séduits par des caïds de quartiers qui les entraînent sur le mauvais chemin.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. A trois ans ?
M. Philippe Bas, ministre délégué. Alors, oui, madame la sénatrice, je crois à l'efficacité de l'action sociale ! C'est la raison pour laquelle je voulais défendre aujourd'hui cet article 5, qui, je le pense, va dans le sens d'une meilleure protection des enfants, dans leur propre intérêt. Mais lorsque les enfants s'épanouissent, c'est aussi l'intérêt de la société, je n'hésite pas à le dire ; je le dis même avec fierté.
Monsieur Mercier, notre souci est, bien sûr, d'améliorer l'organisation du travail social, dont la situation n'est pas satisfaisante. Qui peut s'accommoder - Mme Hermange le disait justement tout à l'heure - de tous ces cloisonnements, qui nous empêchent de faire circuler les informations nécessaires au bon traitement social des difficultés des familles ?
Nous voulons précisément mettre fin à ces cloisonnements, en instaurant une bonne articulation entre l'action des maires qui s'engagent dans le domaine social, celle des présidents de conseils généraux qui disposent, effectivement, des moyens les plus importants en matière de travail social, et celle des caisses d'allocations familiales et d'autres intervenants qui, naturellement, ont leur rôle à jouer dans ce domaine, comme Mme Létard le rappelait tout à l'heure.
Aujourd'hui, une telle coordination n'existe pas. L'opposition veut en rester à la situation actuelle : ce n'est pas la volonté du Gouvernement, nous le confessons bien volontiers. Nous souhaitons au contraire assurer une meilleure efficacité de l'action sociale, en mettant en place une coordination, car nous savons bien que des difficultés peuvent se poser s'agissant de l'articulation entre l'action sociale des départements et celle des communes, que nous voulons renforcer parce que les maires jouent un grand rôle de proximité avec les familles.
Nous avons effectivement rédigé l'article 5 du projet de loi en veillant à ce que le président du conseil général soit partie prenante. Mais nous sommes également ouverts à la discussion. M. le ministre délégué aux collectivités territoriales le disait justement hier soir, à propos des amendements qui ont été déposés, notamment l'amendement n° 11 rectifié de la commission, dont nous discuterons tout à l'heure. Nous pouvons encore, répondant à la préoccupation de M. Mercier, améliorer notre texte. La délibération parlementaire est naturellement là pour ça !
Je vous propose de ne pas être plus long, car l'essentiel de ma réponse interviendra au moment de la discussion de chacun des amendements qui ont été déposés sur cet article. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme la présidente. Je suis saisie de douze amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 183 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
L'amendement n° 252 est présenté par MM. Godefroy et Peyronnet, Mme Campion, MM. Cazeau et Domeizel, Mmes Demontès et Jarraud-Vergnolle, M. Michel, Mme Schillinger, MM. Badinter, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mahéas, Sueur, Guérini, Lagauche, Madec, Mélenchon, Mermaz et Ries, Mmes Tasca, Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Roland Muzeau, pour présenter l'amendement n° 183.
M. Roland Muzeau. Cet article prévoit le partage d'informations entre les acteurs sociaux et les professionnels de la santé ou de l'action sociale, en donnant de nouvelles prérogatives aux maires.
Avec cette modification du code de l'action sociale et des familles, tout professionnel aura l'obligation d'informer le maire des situations spécifiques des familles et des éventuelles interventions sociales en cours.
Les dispositions de cet article font, une fois encore, coexister les missions de l'action sociale et les objectifs fixés en matière de prévention de la délinquance.
Plus avant, il y a bel et bien inversion des rôles actuels du président du conseil général et du maire, puisque le premier n'interviendrait qu'en cas de carence du second, ce qui pose le problème de la lisibilité des compétences respectives de ces deux autorités.
Par ailleurs, la désignation d'un coordonnateur à la discrétion du maire soulève de nombreuses questions, d'autant plus que le texte reste particulièrement évasif sur ce thème.
On peut noter cependant l'avis unanimement défavorable des organisations qui interviennent dans le domaine de la protection de l'enfance. Actuellement, les professionnels exercent, sachons-le, dans le cadre d'une mission dévolue à une association, ce qui les préserve en partie, dans le cadre de leurs relations hiérarchiques, d'une trop grande mise en cause de leur responsabilité individuelle.
Enfin, l'obligation de signalement au maire de toutes les personnes en graves difficultés sociales, éducatives ou matérielles risque de déstructurer complètement le fondement du travail social.
En effet, la relation professionnelle ne peut s'établir qu'à partir d'une relation de confiance dont la confidentialité est garantie. C'est pour cette raison que le secret professionnel existe. Arrêtons de dire que les professionnels ne se parlent pas entre eux ! Comme M. Mercier, chacun peut témoigner ici que, dans les communes ou les départements, les travailleurs sociaux communiquent entre eux.
Ces derniers ne peuvent devenir les « contrôleurs », au service du maire, de certaines populations. La confiance, qui s'établit difficilement, jour après jour, avec les familles, disparaîtra dès que celles-ci sauront que ce qu'elles peuvent confier aux travailleurs sociaux sera, ou pourra être, immédiatement divulgué au maire.
Ainsi, on peut craindre que les familles qui ont le plus besoin d'aide et de soutien développent des stratégies d'évitement des travailleurs sociaux, par crainte d'être éventuellement expulsées de leur logement ou de voir leurs allocations familiales suspendues.
L'article 5 du projet de loi est bien à l'opposé de ce qui constituerait une réelle politique de prévention de la délinquance. C'est pourquoi nous tenons particulièrement à sa suppression.
Mme la présidente. La parole est à Mme Christiane Demontès, pour présenter l'amendement n° 252.
Mme Christiane Demontès. Avec l'examen de l'article 5, nous abordons un point qui pose un énorme problème : celui du secret professionnel, du secret partagé et du partage d'informations.
En fait, cet article remet en cause, comme cela a déjà été dit, le secret professionnel, en établissant une confusion entre les missions de sécurité, de justice et de cohésion sociale.
Monsieur le ministre, selon vous, cet article permet la coordination. Mais, non, il sème la pagaille ! Il instaure, comme M. Mercier l'a fort bien dit, une confusion s'agissant des rôles respectifs du maire et du président du conseil général. Il remet en cause l'un des fondements du travail social, le secret professionnel, élément indispensable pour sauvegarder un espace de confiance nécessaire entre les familles et les professionnels.
Par la création de l'article L. 121-6-2 du code de l'action sociale et des familles, vous organisez la levée de ce secret professionnel par une obligation d'information du maire, quand la gravité des difficultés sociales, éducatives ou matérielles d'une personne ou de plusieurs personnes composant une même famille est constatée par un travailleur social et appelle l'intervention de plusieurs intervenants. Dans ce cas, le coordonnateur désigné par le maire sera autorisé à lui révéler les informations confidentielles qu'il détient.
Vous instaurez ainsi, monsieur le ministre, une véritable confusion des pouvoirs, qui ne satisfera ni les familles, qui se sentiront trahies et qui risqueront de s'éloigner durablement des professionnels, ni les professionnels eux-mêmes, qui se sentiront dévalorisés et mis en cause, ni les maires, que vous placez dans une situation insupportable.
Voilà quelques semaines, au cours du débat sur le projet de loi réformant la protection de l'enfance, notre assemblée faisait du président du conseil général le chef de file de la protection de l'enfance. M. le ministre délégué à la sécurité sociale déclarait alors : « D'ores et déjà, je peux cependant vous indiquer qu'aucun autre texte ne prévoit un partage d'informations au service de ce que vous appelez un « contrôle social », impliquant la communication aux élus d'informations couvertes par le secret professionnel, en dehors des cas prévus explicitement ». Sans doute auriez-vous pu ajouter : « Je suis tenu dans l'ignorance de ce qui se trame place Beauvau » ! Mais nous avons l'habitude de telles situations !
En tout état de cause, les dispositions introduites par l'article 5 contreviennent à l'exercice et à l'efficacité même du travail social.
Comment envisager sérieusement que des familles connaissant de grandes difficultés se confient aux travailleurs sociaux dès lors qu'elles sauront que la loi ne garantit plus la confidentialité ? Cela a été dit, le travail social demande du temps, de la confiance et de la discrétion. Tout cela est bien souvent assujetti à l'existence du secret professionnel. Si, dans certains cas, nous pensons que le maire doit effectivement être informé, et il l'est généralement, il n'est pas nécessaire qu'il ait en sa possession l'ensemble des informations relevant du secret professionnel.
Au contraire, il doit se prévaloir d'une indépendance, tant vis-à-vis des travailleurs sociaux...
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Cela sera apprécié par les travailleurs sociaux !
Mme Christiane Demontès. ... que des forces de police, indépendance qui lui confère une légitimité aux yeux des familles. C'est cette autonomie qui a permis de dédramatiser bien des situations, dans bien des villes et bien des quartiers, en particulier - je ne peux pas ne pas y penser - en novembre dernier.
Nous estimons que le travailleur social est, par essence et par définition, apte à alerter les élus de l'existence de cas graves.
Qui plus est, le Gouvernement a-t-il envisagé les répercussions que pourrait avoir sur les maires une telle remise en cause, si, d'aventure, un drame survenait et que les mesures appropriées n'avaient pas été prises ?
Dans la même logique, le travailleur social, qui ne sera plus couvert par le secret professionnel, en butte à ces situations, mais également conscient des insuffisances, notamment en matière de personnels, dont souffre le secteur social, ne sera-t-il pas mécaniquement poussé à informer le maire de toutes les situations, dès lors qu'un risque existera ?
Pour en revenir à cette confusion entre les missions du maire et celles du président du conseil général, je rappelle que l'article 5 instaure un coordonnateur « lorsque plusieurs professionnels interviennent auprès d'une même personne ou de personnes composant une même famille ». Cette rédaction est inquiétante à plus d'un titre.
En effet, comment ne pas s'interroger sur les personnes désignées par le terme de « professionnels » ? Nous avons besoin d'une clarification ! Tous les professionnels ne sont pas soumis aux mêmes règles, notamment au regard du secret professionnel. Serait-il imaginable, par exemple, que la police se retrouve en situation de coordonnateur de l'action sociale ?
Enfin, une telle rédaction permet de mettre en concurrence les prérogatives du maire et celles du président du conseil général, qui - je le rappelle parce que c'est essentiel - est chargé de l'action sociale de son département. En effet, si la responsabilité du maire en matière de prévention de la délinquance est réelle, elle l'est beaucoup moins en matière d'action sociale, domaine jusqu'ici réservé au conseil général.
En donnant au maire la possibilité de nommer ce coordonnateur, cet article le place en situation d'acteur direct et essentiel de l'action sociale, ce qui ne peut être accepté, comme en témoigne d'ailleurs la rédaction de l'amendement n° 11 rectifié de la commission. Ce point nous semble d'autant plus important que, si le maire peut nommer un coordinateur, il ne dispose d'aucun levier pour influer sur l'ensemble des facteurs, notamment en matière de personnel et de finances, qui conditionnent l'action sociale telle qu'elle est définie à l'article L. 116-1 du code de l'action sociale et des familles.
Parce que cet article 5 remet dangereusement en cause le secret professionnel, dans une vision qui est non pas éducative et sociale, mais uniquement répressive, parce que le fait que le maire soit effectivement en possession des informations lui permettant d'assurer ses missions ne doit pas remettre en cause le secret professionnel, et parce que cet article introduit une confusion entre les missions des présidents de conseils généraux et celles des maires, nous vous demandons, mes chers collègues, de le supprimer. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. L'amendement n° 11 rectifié, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le texte proposé par cet article pour insérer un article L. 121-6-2 dans le code de l'action sociale et des familles:
« Art. L. 121-6-2. - Lorsqu'un professionnel de l'action sociale, définie à l'article L. 116-1, constate que la gravité des difficultés sociales, éducatives ou matérielles d'une personne ou d'une famille appelle l'intervention de plusieurs professionnels, il en informe le maire de la commune de résidence et le président du conseil général. L'article 226-13 du code pénal n'est pas applicable aux personnes qui transmettent des informations confidentielles dans les conditions et aux fins prévues au présent alinéa.
« Lorsque plusieurs professionnels interviennent auprès d'une même personne ou d'une même famille, le maire désigne un coordonnateur parmi eux, après accord de l'autorité dont il relève et consultation du président du conseil général.
« Le coordonnateur est soumis au secret professionnel dans les conditions prévues aux articles 226-13 et 226-14 du code pénal.
« Par exception à l'article 226-13 du code pénal, les personnes soumises au secret professionnel ou à une obligation de réserve ou de discrétion et qui interviennent auprès d'une même personne ou d'une même famille sont autorisées à partager entre elles des informations à caractère secret, afin d'évaluer leur situation, de déterminer les mesures d'action sociale nécessaires et de les mettre en oeuvre. Le coordonnateur a connaissance des informations ainsi transmises. Le partage de ces informations est limité à ce qui est strictement nécessaire à l'accomplissement de la mission d'action sociale.
« Le coordonnateur est autorisé à transmettre au président du conseil général et au maire de la commune de résidence les informations confidentielles strictement nécessaires à l'exercice de leurs compétences d'action sociale respectives. Les informations ainsi transmises ne peuvent être communiquées à des tiers sous peine des sanctions prévues à l'article 226-13 du code pénal. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Concernant cet amendement important, le travail du rapporteur a été plus un travail artisanal qu'un travail philosophique.
Cet amendement est le fruit de longues discussions avec M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Il traduit le souci de rapprocher les points de vue partiellement différents de nos deux commissions.
Mes chers collègues, je dois tout de suite vous dire, avant même d'aborder le détail de cet amendement, que je suis favorable non seulement à la reconnaissance du rôle de chef d'orchestre, de pilote, du maire s'agissant de la prévention de la délinquance, mais aussi à certaines modalités de secret partagé.
Si certains redoutent que ce dernier porte atteinte à la crédibilité des travailleurs sociaux vis-à-vis des familles, je rappelle que, parfois, l'absence de partage des informations - je pense en particulier aux affaires d'Outreau et d'Angers - a pu nuire considérablement à la crédibilité de certains travailleurs sociaux.
Je m'inscris également dans la logique de désignation d'un coordonnateur qui aurait pour mission, aux côtés des professionnels du travail social, de définir avec eux les informations, y compris celles qui sont couvertes par le secret professionnel, devant être confiées à la fois au maire et au président du conseil général, de façon à ce que ces derniers puissent assumer leurs responsabilités.
Nous n'avons pas dû rencontrer les mêmes interlocuteurs ! Le rapporteur de la commission des lois que je suis n'a pas noté chez les représentants des associations, qu'elles soient de grandes communes, de petites communes, de communes rurales ou de communes urbaines, ni chez les élus, qu'ils soient de droite, de gauche ou du centre, une quelconque opposition de nature politique, idéologique, sur ce dossier. Tous, au contraire, ont été particulièrement attentifs et ouverts au principe de compétences nouvelles, plus précisément de rôle nouveau, en termes de prévention de la délinquance pour les maires. Ils se sont montrés également intéressés par la possibilité d'accéder à des informations que, jusqu'à présent, ils ne parvenaient pas à obtenir.
Nous n'avons pas dû rencontrer non plus les mêmes travailleurs sociaux ! En effet, même si ces derniers auraient préféré, comme je l'ai dit dans la discussion générale, être en rapport avec le président du conseil général en raison de son expérience - je n'aurai pas l'outrecuidance d'ajouter en raison parfois d'un certain éloignement - plutôt que le maire, dont ils redoutent la proximité, je n'ai décelé aucune hostilité de leur part au partage de l'information. Les travailleurs sociaux m'ont même dit que des chartes de confidentialité étaient mises en place de manière tout à fait pragmatique dans leur département.
M. Guy Fischer. Alors !
Mme Josiane Mathon-Poinat. Voilà !
M. Roland Muzeau. C'est ce qu'on a dit !
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. J'en reviens tout simplement à ce qui a été dit hier lors de la discussion générale, ce projet de loi vise effectivement à étendre et à généraliser ce qui a été mis en place sur le terrain, parfois de manière empirique et pragmatique, et qui fonctionne bien, et donc à partir de l'expérimentation pour en tirer ensuite une généralisation. C'est une logique qui me paraît satisfaisante.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Chaque cas est différent !
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Ces premières précautions oratoires étant prises, permettez-moi d'entrer maintenant dans le détail de ce travail d'artisanat auquel nous sommes parvenus, avec les dispositions de l'amendement n° 11 rectifié, pour tenter de rapprocher nos points de vue.
Selon le premier alinéa, lorsqu'un professionnel de l'action sociale constate que la gravité des difficultés sociales, éducatives ou matérielles d'une personne ou d'une famille appelle l'intervention de plusieurs professionnels, il en informe le maire de la commune de résidence et le président du conseil général. C'est la première modification importante par rapport à l'amendement initial de la commission des lois. Sur ce point, nous avons donc une information conjointe des deux autorités qui participent, l'une comme l'autre, à ce rôle de prévention de la délinquance dans le cadre de leurs responsabilités en matière d'action sociale.
À diverses reprises, des associations de prévention ou des présidents de conseils généraux avaient fait valoir qu'il serait particulièrement choquant qu'un coordonnateur fût désigné au sein d'une hiérarchie, sans que le responsable de cette hiérarchie y soit totalement associé. C'est l'objet du deuxième point que nous avons voulu régler à l'occasion de ce travail de partenariat. Désormais - c'est le deuxième alinéa de l'amendement -, lorsque plusieurs professionnels interviennent auprès d'une même personne ou d'une même famille, le maire désigne un coordonnateur parmi eux - c'est-à-dire les professionnels de l'action sociale -, après accord de l'autorité dont ils relèvent et consultation du président du conseil général.
Nous prévoyons donc l'accord de l'autorité hiérarchique dont relève le travailleur social. Cela signifie que, quatre-vingt fois sur cent, ce sera effectivement un accord du président du conseil général qui devra être donné et qui retirera d'ailleurs toute utilité à la consultation ultérieure du même président. On ne va pas, en effet, en faire un codécideur et lui demander ensuite un avis que, par hypothèse, il a déjà donné !
Je vous rappelle, mes chers collègues - le président About nous l'a déjà rappelé hier -, que les travailleurs sociaux relèvent pour 80 % des départements, pour 4 % des communes et pour 16 % du mouvement associatif ou des CAF.
L'avant-dernier alinéa de l'amendement étant très largement inspiré des textes relatifs à la protection de l'enfance, permettez-moi d'insister maintenant sur le dernier alinéa.
Nous avons prévu que le coordonnateur est autorisé à transmettre au président du conseil général et au maire de la commune de résidence les informations confidentielles strictement nécessaires à l'exercice de leurs compétences d'action sociale respective. Nous sommes en quelque sorte parvenus à un équilibre en citant, dans le premier alinéa, le maire avant le président du conseil général et, dans le dernier alinéa, le président du conseil général avant le maire !
Permettez-moi de reprendre maintenant un certain nombre des points qui, lors de la discussion, ont été abordés par différents collègues, notamment André Lardeux - M. Michel Mercier avait également évoqué longuement cette question.
Des exemples ont été cités de l'action menée par les professionnels de l'action sociale du département, notamment dans le cadre des mesures administratives prises à l'égard des enfants, et M. André Lardeux a insisté avec beaucoup de pertinence sur le problème indispensable de l'adhésion des familles pour qu'une réussite puisse être effectivement escomptée.
Sur ce point, chacun rejoint les propos qui ont été tenus. Mais, dans le cadre de la protection de l'enfance, d'une part, de la prévention de la délinquance, d'autre part, il existe des aspects similaires et d'autres qui autorisent un certain nombre de distinctions.
En matière de prévention de la délinquance, les problèmes de violences conjugales, de mariages forcés, concernent, que je sache, non une catégorie particulière de population, mais toute la société française d'aujourd'hui. Pour ce type de problèmes, il existe une différence fondamentale sur l'adhésion qui peut être exigée des personnes concernées. S'il va de soi qu'un professionnel de l'action sociale doit immédiatement informer les familles des mesures qui seront prises à leur égard pour ne pas perdre leur confiance, on comprendrait mal qu'il agisse de même en cas de suspicion de violences conjugales ou, dans le cas de mariages forcés, d'une pression inadmissible exercée sur une personne, car cela mettrait cruellement en danger la finalité de son action.
J'ai pris ces exemples pour tenter de démontrer que le secret partagé ne s'exerce pas exactement de la même manière dans le domaine de la protection de l'enfance et dans celui de la prévention de la délinquance.
Le hasard fait que j'ai été désigné rapporteur du projet de loi relatif au contrôle de la validité des mariages, qui viendra bientôt en discussion devant notre assemblée après avoir été adopté par l'Assemblée nationale en première lecture. À l'occasion des auditions auxquelles j'ai procédé, il m'a été rappelé maintes fois, s'agissant des mariages, que, tant dans les consulats que sur le territoire de la République française, la « future épouse » pouvait avoir deux attitudes différentes : l'une pour demander, soit au consul, soit au maire, de ne pas célébrer le mariage pour lequel elle n'était pas absolument pas consentante, l'autre, radicalement différente - et l'on comprend pourquoi -, lorsqu'elle est en compagnie de sa famille ou de son futur conjoint ! Par conséquent, l'information des uns, indispensable dans certains cas, comme le disait M. Michel Mercier, peut être particulièrement dommageable dans d'autres cas.
Tels sont, mes chers collègues, les efforts qui ont été réalisé par les deux commissions pour tenter de rapprocher leurs points de vue. Si du travail reste à faire, beaucoup a déjà été réalisé !
M. Nicolas About, rapporteur pour avis. Très bien !
Mme la présidente. Le sous-amendement n° 146 rectifié, présenté par M. Demuynck, est ainsi libellé :
Dans le texte proposé par l'amendement n° 11 pour le premier alinéa de l'article L. 121-6-2 du code de l'action sociale et des familles, après les mots :
il en informe
insérer les mots :
dans les meilleurs délais
Ce sous-amendement n'est pas soutenu.
Le sous-amendement n° 176 rectifié, présenté par Mme Hermange et M. Gournac, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi le deuxième alinéa du texte proposé par l'amendement n° 11 pour l'article L. 121-6-2 du code de l'action sociale et des familles :
Lorsque plusieurs professionnels interviennent auprès d'une même personne ou d'une même famille, le maire confie la coordination de leurs actions à l'instance qui a constaté, en premier lieu, ces difficultés ou, à défaut, après accord de l'autorité dont il relève et consultation du président du conseil général, à l'un des professionnels intervenant auprès d'elles.
Je rappelle que ce sous-amendement a été retiré par Mme Marie-Thérèse Hermange.
Le sous-amendement n° 321, présenté par M. Mercier, Mme Létard, MM. Détraigne, Zocchetto et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le deuxième alinéa du texte proposé par l'amendement n° 11 rectifié pour insérer un article L. 121-6-2 dans le code de l'action sociale et des familles :
Lorsque plusieurs professionnels interviennent auprès d'une même personne ou d'une même famille, le président du conseil général désigne un coordonnateur parmi eux, après accord de l'autorité dont il relève et consultation du maire de la commune de résidence. Il peut également, en application de l'article L. 121-6, déléguer au maire cette compétence.
La parole est à Mme Létard.
Mme Valérie Létard. Michel Mercier a exposé brillamment les raisons qui nous motivaient, partant du travail accompli par la commission des lois et son rapporteur, pour améliorer le texte de l'article 5 par le biais de sous-amendements destinés à rappeler tout ce qui vient d'être exposé sur la nécessaire réaffirmation de la place du conseil général, de ses missions d'action sociale, cela afin d'éviter toute confusion dans la nouvelle rédaction de cet article sur le rôle et la compétence obligatoire du président du conseil général.
Ce premier sous-amendement n° 321 est essentiel pour nous. Dans les faits, le coordonnateur sera désigné de la même manière parmi les travailleurs sociaux existants. Mais réaffirmer qu'il le sera par le président du conseil général, après consultation du maire, c'est réaffirmer que l'action sociale menée auprès des mineurs relève bien de la compétence du président du conseil général. Si, parmi les quatre ou cinq professionnels qui interviennent auprès d'une même personne ou d'une même famille, un travailleur social doit toujours être au coeur de l'accompagnement du mineur et de l'action menée, et avoir obligatoirement mandat pour ce faire, c'est bien celui qui dépend du conseil général !
A partir d'un tel constat, comment pourrait-on imaginer, lorsqu'il y a plusieurs travailleurs sociaux, que ce soit quelqu'un d'autre que le président du conseil général qui procède à la désignation du pilote de l'action en quelque sorte, le coordonnateur ? Il est impossible qu'il en soit autrement, sauf à changer les lois de décentralisation.
Mme la présidente. Le sous-amendement n° 322, présenté par M. Mercier, Mme Létard, MM. Détraigne, Zocchetto et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :
Dans le deuxième alinéa du texte proposé par l'amendement n° 11 rectifié pour insérer un article L. 121-6-2 dans le code de l'action sociale et des familles, supprimer le mot :
consultation
La parole est à Mme Valérie Létard.
Mme Valérie Létard. Il s'agit d'un sous-amendement de repli visant à prévoir que, lorsque le maire désigne un coordonnateur, celui-ci sollicite un accord du président du conseil général, et pas seulement son avis.
Bien évidemment, ce sous-amendement a été déposé pour éviter à tout prix une confusion en cas de rejet du sous-amendement n°321. Il était donc nécessaire de présenter toutes les formulations possibles. Mais j'espère que nous n'aurons pas à nous replier sur cette rédaction, car elle ne rendrait pas suffisamment efficace l'article 5.
Mme la présidente. Le sous-amendement n° 315 rectifié, présenté par Mme Létard et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :
Compléter le quatrième alinéa du texte proposé par l'amendement n° 11 pour insérer un article L. 121-6-2 dans le code de l'action sociale et des familles par une phrase ainsi rédigée :
Les personnes concernées en sont préalablement informées, sauf si cette information risque de nuire à l'efficacité de l'action sociale.
La parole est à Mme Valérie Létard.
Mme Valérie Létard. Ce sous-amendement vise à sécuriser les règles applicables en matière de partage d'informations entre travailleurs sociaux intervenant auprès d'une même famille.
Mme la présidente. Le sous-amendement n° 317 rectifié, présenté par Mme Létard et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi la première phrase du cinquième alinéa du texte proposé par l'amendement n° 11 pour insérer un article L. 121-6-2 dans le code de l'action sociale et des familles :
« Les professionnels mentionnés à l'alinéa précédent peuvent également autoriser le coordonnateur à transmettre au maire de la commune de résidence et au président du conseil général les informations confidentielles strictement nécessaires à l'exercice de leurs compétences d'action sociale respectives sous réserve d'en informer préalablement les personnes concernées, sauf si cette information risque de nuire à l'efficacité de l'action sociale. »
La parole est à Mme Valérie Létard.
Mme Valérie Létard. Ce sous-amendement a un double objet.
Il vise d'abord à autoriser la transmission d'informations concernant les familles en difficulté non seulement au maire, mais aussi au président du conseil général dans la mesure où celui-ci est responsable à titre principal de l'aide et de l'action sociale.
Il vise ensuite à clarifier les règles applicables à la transmission d'informations au maire et au président du conseil général. Il subordonne cette transmission d'informations à un accord préalable de l'auteur initial de l'information.
Voilà, madame la présidente, tous nos sous-amendements de repli, du plus fort au plus faible, ont été présentés, mais, personnellement, j'ai bien l'intention de me battre pour que soit retenu le plus ambitieux !
Mme la présidente. L'amendement n° 80, présenté par M. About, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit les deux premiers alinéas du texte proposé par cet article pour insérer un article L. 121-6-2 dans le code de l'action sociale et des familles :
« Lorsqu'un professionnel de l'action sociale, définie à l'article L. 116-1, constate que la gravité des difficultés sociales, éducatives ou matérielles d'une personne ou d'une famille appelle l'intervention de plusieurs professionnels, il en informe le président du conseil général et le maire de la commune de résidence. L'article 226-13 du code pénal n'est pas applicable aux personnes qui transmettent des informations confidentielles dans les conditions et aux fins prévues au présent alinéa.
« Lorsque plusieurs professionnels interviennent auprès d'une même personne ou d'une même famille, le président du conseil général désigne un coordonnateur parmi eux, après accord de l'autorité dont il relève et consultation du maire de la commune de résidence. Il peut également, en application de l'article L. 121-6, déléguer au maire cette compétence.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Nicolas About, rapporteur pour avis. Comme vous l'a dit tout à l'heure M. Lecerf, nous avons beaucoup travaillé depuis les réunions de la commission des lois et de la commission des affaires sociales. Ce travail a abouti à la présentation de l'amendement n° 11 rectifié par le rapporteur de la commission des lois.
Pour autant, cet amendement nous donne-t-il parfaitement satisfaction ? Nous avons le sentiment qu'il est nécessaire de faire encore quelques progrès.
Nous sommes tombés d'accord sur l'idée que, dans la logique de ce texte, le maire est au centre des dispositifs de prévention de la délinquance. Malheureusement, l'article 5 traite essentiellement, voire exclusivement, la question de l'action sociale. Or, en vertu de l'article L. 121-1 du code de l'action sociale et des familles, c'est le département, c'est-à-dire le président du conseil général, qui définit et met en oeuvre la politique d'action sociale sur son territoire. Aussi, une harmonisation était nécessaire.
Pardonnez-moi de ne pas en venir immédiatement à l'amendement n° 80 de la commission des affaires sociales puisque la position que j'adopterai à son égard découlera de l'analyse à laquelle je vais me livrer.
S'agissant du premier alinéa de l'amendement n° 11 rectifié de la commission des lois, nous sommes tombés d'accord sur l'idée qu'il fallait que le maire et le président du président conseil général soient tous deux informés.
Nous sommes aussi tombés d'accord sur le fait que, dans le cas ou plusieurs professionnels interviennent, il appartiendra au maire, en raison de sa proximité, de désigner le coordonnateur, même si la compétence en matière d'action sociale appartient au président du conseil général.
En revanche, nous estimons qu'il n'est pas possible que le maire et le président du conseil général puissent s'opposer : on ne peut pas opposer la proximité à la compétence. Par conséquent, il nous semble indispensable que le président du conseil général donne son accord à la désignation du coordonnateur.
Dans 80 % des cas, dira-t-on, le coordonnateur étant un employé du conseil général, la disposition que propose la commission des lois règlera le problème. Or tel n'est pas du tout le cas, parce que, en cas de tension entre le président du conseil général et le maire, ce dernier choisira le coordonnateur non parmi les employés du conseil général, mais parmi ceux de la caisse d'allocations familiales ou parmi les travailleurs sociaux d'une association.
Dès lors, nous sommes de nouveau confrontés au problème qu'a soulevé tout à l'heure le président Mercier. En cas de tension, la coordination de l'action des travailleurs sociaux ne pourra se faire sereinement et l'on aboutira à un échec. C'est le contraire de ce que nous souhaitons. C'est la raison pour laquelle nous estimons que même si le coordonnateur n'est pas désigné parmi les salariés du conseil général, il est important d'obtenir l'accord de ce dernier dans la mesure où 80 % des travailleurs sociaux sont placés sous sa dépendance.
S'agissant de la question du partage du secret professionnel, nous avons avancé. Pourtant, tant les sous-amendements défendus à l'instant par Mme Létard ou par M. Lardeux que les exemples qui ont été donnés par les uns et les autres, y compris par M. le ministre - mais pas par M. le rapporteur - portaient sur la protection de l'enfance. Tous, madame Hermange.
De fait, le rapporteur, qui a bien saisi le danger, a évoqué d'autres cas qui pourraient survenir. Néanmoins, il faut apporter une réponse. Les sous-amendements de Mme Létard apportent une réponse partielle. Néanmoins, je pense qu'il faut aller plus loin et qu'il faut non seulement permettre que les personnes concernées, comme le demandait le président Mercier, soient préalablement informées - la confiance dans les travailleurs sociaux est en jeu -, mais que cette information ne nuise pas à l'efficacité de l'action sociale, comme le disait Valérie Létard. Enfin, pour répondre à M. le rapporteur, il faut aussi que cette information ne nuise pas à la sécurité des personnes.
C'est pourquoi je retire les amendements n°s 80 et 81 au profit de trois sous-amendements, que je dépose, à l'amendement n° 11 rectifié : le premier vise à ce que le coordonnateur soit désigné conjointement par le maire et par le président du conseil général ; les deuxième et troisième ont pour objet de prévenir préalablement toute personne visée par une transmission d'information la concernant, sauf si cette mesure risque de nuire à l'efficacité de l'action sociale ou à la sécurité des personnes.
Ces sous-amendements répondent à toutes les préoccupations qui ont été exprimées tant par nos collègues que par le Gouvernement.
Mme la présidente. L'amendement n° 80 est retiré. Par conséquent, le sous-amendement n° 144 rectifié, présenté par MM. Vasselle et Milon, et tendant, dans le dernier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 80, à supprimer le mot : « consultation », n'a plus d'objet.
Je suis donc saisie de trois sous-amendements.
Le sous-amendement n° 325, présenté par M. About, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Dans le deuxième alinéa du texte proposé par l'amendement n° 11 rectifié pour insérer un article L. 121-6-2 dans le code de l'action sociale et des familles, supprimer le mot :
consultation
Le sous-amendement n° 326, présenté par M. About, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Compléter le quatrième alinéa du texte proposé par l'amendement n° 11 rectifié pour insérer un article L. 121-6-2 dans le code de l'action sociale et des familles par une phrase ainsi rédigée :
Les personnes concernées en sont préalablement informées, sauf si cette information risque de nuire à l'efficacité de l'action sociale ou à la sécurité des personnes.
Le sous-amendement n° 327, présenté par M. About, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Compléter la première phrase du dernier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 11 rectifié pour insérer un article L. 121-6-2 dans le code de l'action sociale et des familles par les mots :
sous réserve d'en informer préalablement les personnes concernées, sauf si cette information risque de nuire à l'efficacité de l'action sociale ou à la sécurité des personnes
Ces sous-amendements ont déjà été défendus.
L'amendement n° 117 rectifié, présenté par M. Mercier, Mme Létard, MM. Détraigne, Zocchetto et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :
Dans le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 121-6-2 du code de l'action sociale et des familles, après les mots :
en informe
insérer les mots :
le président du conseil général et
La parole est à Mme Valérie Létard.
Mme Valérie Létard. Dans la mesure où le conseil général est le chef de file en matière d'action sociale, il importe qu'il soit également informé par un professionnel des graves difficultés sociales, éducatives ou matérielles rencontrées par une personne ou plusieurs personnes d'une famille.
Mme la présidente. L'amendement n° 106 rectifié, présenté par M. Mercier, Mme Létard, MM. Détraigne, Zocchetto et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :
À la fin du premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 121-6-2 du code de l'action sociale et des familles, supprimer les mots :
pour assurer une meilleure efficacité de l'action sociale
La parole est à Mme Valérie Létard.
Mme Valérie Létard. Il revient au conseil général d'être le chef de file en matière d'action sociale. Cet amendement vise donc à éviter toute confusion entre les différentes compétences des collectivités territoriales.
Mme la présidente. L'amendement n° 110 rectifié, présenté par M. Mercier, Mme Létard, MM. Détraigne, Zocchetto et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 121-6-2 du code de l'action sociale et des familles :
« Lorsque plusieurs professionnels interviennent auprès d'une même personne ou de personnes composant une même famille, un coordonnateur peut être désigné parmi eux, par le président du conseil général, après consultation du maire et l'accord de l'autorité dont il relève. »
La parole est à Mme Valérie Létard.
Mme Valérie Létard. Cet amendement tend, d'une part, à rendre facultative la désignation d'un coordonnateur et, d'autre part, à confier cette responsabilité au président du conseil général plutôt qu'au maire dans le but de respecter la compétence de principe du département en matière d'action sociale.
Mme la présidente. L'amendement n° 140 rectifié, présenté par MM. Hérisson, Girod et Houel, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 121-6-2 du code de l'action sociale et des familles :
« Lorsque plusieurs professionnels interviennent auprès d'une même personne ou de personnes composant une même famille, un coordonnateur peut, après accord de l'autorité dont il relève, être désigné parmi eux par le maire.
La parole est à M. Michel Houel.
M. Michel Houel. Il importe que le maire soit libre de décider de l'opportunité et de la nécessité de désigner un coordonnateur parmi les professionnels de l'action sociale. Quant à la désignation elle-même, il paraît nécessaire qu'elle se fasse avec l'accord de l'autorité dont ce coordonnateur relève hiérarchiquement et, notamment, du président du conseil général.
Il semble, en revanche, peu pertinent de reconnaître un pouvoir, même facultatif, de substitution au président du conseil général si le maire a décidé de ne pas recourir à un coordonnateur.
Mme la présidente. L'amendement n° 81, présenté par M. About, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Remplacer les deux derniers alinéas du texte proposé par cet article pour insérer un article L. 121-6-2 dans le code de l'action sociale et des familles par trois alinéas ainsi rédigés :
« Le coordonnateur est soumis au secret professionnel dans les conditions prévues aux articles 226-13 et 226-14 du code pénal.
« Par exception à l'article 226-13 du code pénal, les personnes soumises au secret professionnel ou à une obligation de réserve ou de discrétion et qui interviennent auprès d'une même personne ou d'une même famille sont autorisées à partager entre elles des informations à caractère secret, afin d'évaluer leur situation, de déterminer les mesures d'action sociale nécessaires et de les mettre en oeuvre. Le partage de ces informations est limité à ce qui est strictement nécessaire à l'accomplissement de la mission d'action sociale. Les personnes concernées en sont préalablement informées.
« Les professionnels mentionnés à l'alinéa précédent peuvent également autoriser le coordonnateur à transmettre au président du conseil général et au maire de la commune de résidence les informations confidentielles strictement nécessaires à l'exercice de leurs compétences d'action sociale respectives sous réserve d'en informer préalablement les personnes concernées. Les informations ainsi transmises ne peuvent être communiquées à des tiers sous peine des sanctions prévues à l'article 226-13 du code pénal. »
Cet amendement a été retiré.
L'amendement n° 142 rectifié, présenté par MM. Hérisson, Jarlier, Girod et Houel, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le début du dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 121-6-2 du code de l'action sociale et des familles :
Tous les professionnels de l'action sociale intervenant auprès d'une même personne ou de personnes composant une même famille sont autorisés...
La parole est à M. Michel Houel.
M. Michel Houel. Le professionnel de l'action sociale intervenant seul ainsi que le coordonnateur désigné par le maire lorsque plusieurs professionnels interviennent auprès d'une même personne ou de personnes composant une même famille sont habilités, selon le texte, à révéler au maire ou à son représentant, au sens de l'article L. 2122-18 du code général des collectivités territoriales, les informations confidentielles qui sont nécessaires à l'exercice de ses compétences dans les domaines sanitaire, social et éducatif.
Pour plus d'efficacité, le maire doit disposer d'une information complète et directe de la part des professionnels de l'action sociale, notamment lorsqu'il existe plusieurs intervenants auprès d'une même personne ou de personnes composant une même famille.
Par conséquent, dans cette dernière hypothèse, tous les professionnels doivent être habilités à révéler au maire les informations confidentielles qui sont nécessaires à l'exercice de ses compétences, et non le seul coordonnateur, comme le texte le prévoit.
Mme la présidente. L'amendement n° 111 rectifié, présenté par M. Mercier, Mme Létard, M. Détraigne et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :
Après les mots :
du code général des collectivités territoriales,
rédiger comme suit la fin du dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 121-6-2 du code l'action sociale et des familles :
les informations confidentielles dans les domaines sanitaire, social et éducatif qui sont nécessaires à l'exercice de ses compétences en matière de prévention de la délinquance.
La parole est à M. Yves Détraigne.
M. Yves Détraigne. Le secret partagé est délicat à mettre en oeuvre. Il convient d'éviter tout abus. Aussi, par cet amendement, nous proposons que le champ d'application de cet article en matière d'échange d'informations soit parfaitement canalisé et que ne puissent être divulguées que les informations qui sont étroitement liées aux compétences confiées au maire en matière de prévention de la délinquance.
Mme la présidente. L'amendement n° 141 rectifié, présenté par MM. Hérisson, Jarlier, Girod et Houel, est ainsi libellé :
À la fin du dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 121-6-2 du code de l'action sociale et des familles, remplacer les mots :
dans les domaines sanitaire, social et éducatif.
par les mots :
en matière de prévention de la délinquance.
La parole est à M. Michel Houel.
M. Michel Houel. Le professionnel de l'action sociale intervenant seul ou le coordonnateur sont autorisés, selon le texte, à révéler au maire ou à son représentant les informations confidentielles qui sont nécessaires à l'exercice de ses compétences dans les domaines sanitaire, social et éducatif.
Afin de cadrer avec l'économie générale du texte, les informations fournies au maire doivent lui permettre d'exercer ses compétences en matière de prévention de la délinquance.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. La suppression de l'article 5 retirerait tout intérêt au projet de loi. Ce serait un peu comme si nous décidions de ne pas en délibérer. Or, des motions de procédure ont été déposées, qui ont été rejetées. Aussi, la commission émet un avis défavorable sur les amendements de suppression n°s 183 et 252.
Le sous-amendement n° 321, présenté par Mme Létard, vise à ce que le coordonnateur soit désigné par le président du conseil général, ce dernier pouvant toutefois déléguer cette compétence au maire. Il est radicalement contraire à la position de la commission, qui s'appuie sur la proximité du maire.
Je rappelle que l'amendement n° 11 rectifié de la commission prévoit l'accord de l'autorité dont relève le coordonnateur, qui, dans 80 % des cas, sera effectivement le président du conseil général, puisque 80% des travailleurs sociaux dépendent du département.
Bien qu'elle ne l'ait pas examiné, la commission émet donc un avis défavorable sur ce sous-amendement, fidèle en cela à la logique de son analyse. Nous estimons que la désignation du coordonnateur par le président du conseil général ruine la relation de proximité du maire dans son action en faveur de la prévention de la délinquance.
Les sous-amendements nos 322 et 325 sont identiques. Ils visent à instaurer la codécision du maire et du président du conseil général pour la désignation du coordonnateur. La décision n'émanerait donc pas seulement du président du conseil général.
La commission émet un avis défavorable sur ces sous-amendements. Nous estimons en effet que c'est au maire de procéder à la désignation du coordonnateur, même si cela doit se faire en étroite collaboration avec le président du conseil général.
Les maires que j'ai rencontrés ont mis en avant leur situation et leur autorité morale. Ils sont globalement reconnus par l'ensemble de la population de leur commune. En outre, à partir du moment où la désignation est effectuée à un niveau supérieur, c'est-à-dire par le président du conseil général, une certaine politisation peut se produire. Ce dernier est effectivement considéré comme une autorité plus politique (M. Michel Mercier s'exclame.- Protestations sur les travées du groupe CRC.),...
M. Robert Bret. Ce n'est pas un argument !
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. ...et un certain nombre de maires, dont certains ont exercé les responsabilités de président de conseil général, sont venus me dire qu'ils connaîtraient des problèmes pour désigner le coordonnateur. Ils ont affirmé que, pour des raisons liées aux opinions divergentes qui pouvaient exister entre eux et les présidents de conseils généraux, ces derniers pourraient s'opposer à leur choix. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'exclame.)
Nous avons estimé que, à partir du moment où nous avions prévu que la hiérarchie du travailleur social devait donner son accord, nous laissions une toute petite fenêtre à l'hypothèse, à mon sens rarissime, où le président du conseil général et le maire seraient obligés de s'asseoir à la même table pour travailler ensemble, sans a priori, et désigner un travailleur social de la caisse d'allocations familiales ou d'une association.
Le sous-amendement n° 315 rectifié, qui a trait à l'information préalable et qui tend à reprendre certaines dispositions relatives à la protection de l'enfance, nous semble souffrir d'un certain nombre de défauts.
En effet, nuire à l'efficacité de l'action sociale, c'est une chose, mais présenter un danger pour les personnes, c'est une autre chose. D'ailleurs, un sous-amendement présenté par le président de la commission des affaires sociales tend à ajouter une précaution supplémentaire.
La commission n'est pas favorable à cette information préalable, qui peut s'avérer dangereuse dans certains cas. Elle estime qu'il vaut mieux faire confiance au travailleur social, qui a la possibilité de prévenir lorsqu'il estime que son devoir et sa déontologie l'exigent. Mais il existe des hypothèses où il n'est pas nécessaire d'ériger cette information en règle générale. Cela pourrait se retourner contre l'intérêt des uns et des autres ; je pense aux cas de violences conjugales ou de mariages forcés, que j'ai évoqués.
M. Michel Mercier. Me permettez-vous de vous interrompre, monsieur le rapporteur ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Je vous en prie, monsieur Mercier.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Mercier, avec l'autorisation de M. le rapporteur.
M. Michel Mercier. Je viens d'entendre des propos inadmissibles, selon lesquels les décisions du président du conseil général seraient influencées par ses opinions politiques. Comme si les maires n'en avaient pas ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Madame la présidente, en application des dispositions du règlement, je demande une suspension de séance afin que mon groupe puisse se réunir et adopter une position commune. (Nouveaux applaudissements sur les mêmes travées.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Le rapporteur est là pour rapporter ce que lui ont dit les maires et les associations d'élus locaux qu'il a rencontrés. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) Si notre collègue Michel Mercier veut faire de l'angélisme, libre à lui !
Le nombre de maires, toutes tendances politiques confondues, qui ont soulevé le risque d'une telle situation était trop important pour que je le cache. Et vous savez très bien vous-même, mon cher collègue, que ce risque existe et qu'il serait naïf de vouloir le masquer ! (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'exclame.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet.
M. Jean-Claude Peyronnet. Je ne préside plus de conseil général, mais je soutiens M. Mercier, car je suis scandalisé par les propos de M. le rapporteur !
Je crois vraiment que, si les présidents de conseils généraux n'avaient qu'à se préoccuper de questions politiques de ce type, ce serait lamentable. L'éloignement du conseil général est au contraire une garantie importante que les opinions politiques n'interféreront pas dans cette affaire. J'appuie totalement la demande de suspension de séance de M. Mercier.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Nicolas About, rapporteur pour avis. J'essaie de vous faire imaginer comment vont oeuvrer les travailleurs sociaux sur le terrain.
Retenons l'hypothèse de M. le rapporteur et supposons que le président du conseil général et le maire soient en farouche opposition politique. Même si ce problème peut sembler mineur sur le plan intellectuel, il est important, puisque les élus refusent de s'entendre dans l'intérêt des citoyens et des êtres les plus défavorisés. Admettons-le.
Imaginons que, grâce à ce texte, qui n'aurait pas prévu la codécision, le maire puisse désigner d'autorité le travailleur social de son choix comme coordonnateur, et que, pour éviter les ennuis, il choisisse un travailleur social hors du conseil général. Puisque 80 % des travailleurs sociaux appartiennent au conseil général, on se demande comment cette coordination va fonctionner lorsque le président du conseil général aura enjoint à ses collaborateurs de ne pas travailler avec le maire et le coordonnateur qu'il a choisi...
Nous sommes donc condamnés à nous entendre pour défendre l'intérêt des plus fragiles d'entre nous. C'est l'honneur de la loi de défendre les plus faibles, c'est l'honneur aussi des élus. Et imaginer que deux élus, un président de conseil général et un maire, puissent s'opposer farouchement pour choisir le meilleur coordonnateur, quitte à mettre en péril des êtres en situation de fragilité, c'est pour moi impensable ! Et si cela se produit, ils seront comptables de leurs actes devant l'ensemble des citoyens.
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons accéder à la demande de M. Mercier et interrompre nos travaux. Je vous propose de les reprendre à vingt et une heures trente. (Assentiment.)
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures vingt-cinq, est reprise à vingt et une heures quarante.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
Nous poursuivons l'examen du projet de loi relatif à la prévention de la délinquance.
Dans la discussion des articles, nous en étions parvenus, au sein de l'article 5, à l'avis de la commission sur le sous-amendement n° 326.
Mais je suis saisie d'un amendement n° 11 rectifié bis, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, et qui est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le texte proposé par cet article pour insérer un article L. 121-6-2 dans le code de l'action sociale et des familles:
« Art. L. 121-6-2. - Lorsqu'un professionnel de l'action sociale, définie à l'article L. 116-1, constate que l'aggravation des difficultés sociales, éducatives ou matérielles d'une personne ou d'une famille appelle l'intervention de plusieurs professionnels dans les domaines sanitaire, social et éducatif relevant des compétences du maire, il en informe le maire de la commune de résidence et le président du conseil général. L'article 226-13 du code pénal n'est pas applicable aux personnes qui transmettent des informations confidentielles dans les conditions et aux fins prévues au présent alinéa.
« Lorsque plusieurs professionnels interviennent auprès d'une même personne ou d'une même famille, le maire, saisi dans les conditions prévues à l'alinéa précédent ou par le président du conseil général ou de sa propre initiative, désigne parmi ces professionnels un coordonnateur, après accord de l'autorité dont il relève et consultation du président du conseil général.
« Lorsque les professionnels concernés relèvent tous de l'autorité du président du conseil général, le maire désigne le coordonnateur parmi eux, sur la proposition du président du conseil général.
« Le coordonnateur est soumis au secret professionnel dans les conditions prévues aux articles 226-13 et 226-14 du code pénal.
« Par exception à l'article 226-13 du code pénal, les personnes soumises au secret professionnel ou à une obligation de réserve ou de discrétion et qui interviennent auprès d'une même personne ou d'une même famille sont autorisées à partager entre elles des informations à caractère secret, afin d'évaluer leur situation, de déterminer les mesures d'action sociale nécessaires et de les mettre en oeuvre. Le coordonnateur a connaissance des informations ainsi transmises. Le partage de ces informations est limité à ce qui est strictement nécessaire à l'accomplissement de la mission d'action sociale.
« Le coordonnateur est autorisé à transmettre au président du conseil général et au maire de la commune de résidence les informations confidentielles strictement nécessaires à l'exercice de leurs compétences d'action sociale respectives. Les informations ainsi transmises ne peuvent être communiquées à des tiers sous peine des sanctions prévues à l'article 226-13 du code pénal. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Madame la présidente, la commission souhaite apporter plusieurs modifications à l'amendement n° 11 rectifié.
Le premier alinéa concerne l'information du maire, et deux limitations sont proposées à cet égard.
Tout d'abord, c'est lorsqu'un professionnel de l'action sociale constate que l'aggravation des difficultés sociales, éducatives ou matérielles d'une personne ou d'une famille appelle l'intervention de plusieurs professionnels qu'il en informe le maire. La mention de l'aggravation répond à une objection qui a été formulée selon laquelle il n'est pas systématiquement nécessaire de désigner un coordonnateur lorsque le fait que plusieurs travailleurs sociaux suivent une même famille ou une même personne ne pose aucun problème. Autrement dit, la désignation du coordonnateur doit être non pas systématique dans tous les cas où les professionnels de l'action sociale suivent la même famille ou la même personne, mais limitée aux hypothèses où cette désignation apporte un plus.
Par ailleurs - c'est la seconde limitation -, l'intervention des professionnels doit se focaliser dans les domaines sanitaire, social et éducatif relevant des compétences du maire. C'est donc bien strictement dans les compétences qui sont les siennes que le maire pourra être informé de la situation et qu'il pourra bénéficier de renseignements à caractère confidentiel.
Ensuite, dans le deuxième alinéa, il est précisé que, lorsque plusieurs professionnels interviennent auprès d'une même personne ou d'une même famille, le maire peut être saisi non seulement dans les conditions prévues à l'alinéa précédent, mais également par le président du conseil général ou de sa propre initiative, et il désigne parmi ces professionnels un coordonnateur, après accord de l'autorité dont il relève - la plupart du temps, le président du conseil général - et consultation du président du conseil général dans les rares cas où le coordonnateur ne relèverait pas de l'autorité hiérarchique de ce dernier.
Enfin, dans le troisième alinéa, est envisagée la situation où l'ensemble des professionnels de l'action sociale qui interviendraient auprès de la personne ou auprès de la famille relèveraient tous de l'autorité du président du conseil général. Nous souhaitons, dans cette hypothèse, que la désignation parmi eux du coordonnateur ne puisse se faire que sur la proposition du président du conseil général. Autrement dit, ce dernier se trouve désormais être l'autorité qui proposera au maire la désignation du coordonnateur.
M. Thierry Foucaud. Soyez sérieux !
M. Roland Muzeau. Franchement, vous y croyez, à un tel amendement ? Qui va pouvoir l'appliquer ?
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Nicolas About, rapporteur pour avis. Il est vrai que c'est une bonne question, monsieur Muzeau ! Pour autant, je crois que nous avons réellement avancé sur ces premier et deuxième alinéas.
Je soulignerai cependant que, à titre personnel, je reste réservé sur la possibilité ouverte au maire dans le deuxième alinéa de désigner un coordonnateur de sa propre initiative, car il n'est alors plus soumis à la condition d'aggravation de la situation évoquée au premier alinéa.
Ce deuxième alinéa énumère en effet plusieurs cas. Le maire peut être saisi « dans les conditions prévues à l'alinéa précédent », donc par le professionnel de l'action sociale. Mais il peut l'être également « par le président du conseil général », ou encore agir « de sa propre initiative » : dès lors, il n'est plus dans le champ des conditions prévues à l'alinéa précédent.
Cette disposition répond certainement à des cas réels, mais je m'étonne et je regrette qu'il soit possible qu'aucun professionnel ne dépende du maire alors qu'il agit dans les domaines qui sont les siens.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. 4 % !
M. Nicolas About, rapporteur pour avis. Cela reste gênant : cela prouve qu'il n'a pas fait face à ses obligations.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Mercier.
M. Michel Mercier. Je voudrais d'abord remercier M. le rapporteur des efforts qu'il a consentis. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Christian Cointat. Très bien !
M. Michel Mercier. Mes chers collègues, il faut toujours dire les choses comme elles sont, et je n'ai aucune raison de ne pas souligner les efforts du rapporteur. D'autres en ont fait, certes, mais lui aussi : il avait une position qu'il a accepté de faire évoluer.
Trois points me paraissent intéressants dans l'amendement n° 11 rectifié bis.
D'abord, le champ est défini. Dans la version précédente de l'amendement, étaient concernées l'ensemble des politiques d'action sociale ; désormais, il s'agit des politiques sanitaire, sociale et éducative, c'est-à-dire de politiques qui relèvent de la compétence du maire.
M. Jean-Claude Peyronnet. Ce n'est pas plus défini !
M. Michel Mercier. Lisez le code des communes, mon cher collègue : vous y trouverez la description de toutes les politiques concernées, et éventuellement même la loi de 1886 sur l'enseignement primaire qui donne au maire les compétences dans le domaine éducatif ! Tout y figure, et il serait malvenu de reprendre l'énumération dans l'amendement, qui est déjà assez long.
Le champ de compétences est donc bien déterminé : ce sont les compétences du maire, et non l'action sociale en général, qui continue de relever du département.
Ensuite est précisé quand il y a lieu de nommer un coordonnateur : lorsque, dans ce champ de politiques ainsi défini, est constatée une aggravation de la situation d'une personne ou d'une famille. Dans le cas contraire, lorsque la situation reste stable, cette disposition ne jouera pas.
Enfin, le mode de désignation du coordonnateur est explicité. Naturellement, un effort de synthèse a été fait.
M. Jean-Claude Peyronnet. On le comprend !
M. Michel Mercier. S'il y en a un qui doit savoir ce que c'est que la synthèse, c'est bien vous ! Vous devriez reconnaître ma capacité à vous rejoindre sur ce point-là ! Je fais ce que je peux, alors, n'exagérons pas.
Un effort de synthèse a été fait, et deux hypothèses ont été retenues. Première hypothèse : tous les travailleurs sociaux concernés dépendent du département. Le président du conseil général nomme alors un coordonnateur et informe le maire que ce sera son interlocuteur pour tel dossier, notamment s'il est nécessaire d'organiser des rencontres. Seconde hypothèse : les travailleurs sociaux concernés dépendent de la mairie, du département, de la CAF, de la MSA... Dans ce cas, le maire pourra, soit de sa propre initiative, soit après avoir été saisi par le président du conseil général, nommer un coordonnateur après consultation du président du conseil général.
Même si cela reste compliqué, au moins en apparence, nous avons bien structuré les choses : le champ d'action est clairement délimité ; une condition est posée : l'aggravation de la situation ; la nomination du coordonateur est assurée par le président du conseil général quand tous les travailleurs sociaux dépendent du département, et par le maire, avec le concours du département, quand ils ne dépendent pas tous de la même autorité.
Quand on recherche un compromis, une synthèse, chacun fait des efforts, et personne ne peut être pleinement satisfait. Dans le cas qui nous occupe, puisque 80 % des travailleurs sociaux dépendent du département, nous dirons que nous sommes satisfaits à 80 % !
Dans ces conditions, je retire les sous-amendements nos 321, 322 et 315 rectifié.
Mme la présidente. Les sous-amendements nos 321, 322 et 315 rectifié sont retirés.
Monsieur le rapporteur pour avis, les sous-amendements n° 325, 326 et 327 sont-ils maintenus ?
M. Nicolas About, rapporteur pour avis. Je retire le sous-amendement no 325, qui n'aurait plus d'objet, mais je maintiens les sous-amendements nos 326 et 327, qui portent sur des alinéas qui n'ont pas été rectifiés.
Mme la présidente. Le sous-amendement n° 325 est retiré.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 326 ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Avis défavorable.
Mme la présidente. Madame Létard, le sous-amendement n° 317 rectifié est-il maintenu ?
Mme Valérie Létard. Compte tenu du travail qui a été réalisé par M. le rapporteur pour essayer de répondre à nos inquiétudes sur la façon de nommer le coordonnateur lorsque les travailleurs sociaux relevaient du conseil général, nous retirons ce sous-amendement.
Mme la présidente. Le sous-amendement n° 317 rectifié est retiré.
Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement n° 327 et sur les amendements nos 142 rectifié, 111 rectifié et 141 rectifié ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur le sous-amendement n° 327, qui a le même objet que le sous-amendement n° 326.
L'amendement n° 142 rectifié vise à permettre à chaque professionnel de l'action sociale de transmettre des informations au maire sans passer par le coordonnateur. La commission a émis un avis défavorable, car il lui semble nécessaire de laisser le coordonnateur jouer son rôle de filtre, de façon que le maire ne soit pas surchargé d'informations.
M. Michel Houel. Je retire cet amendement !
Mme la présidente. L'amendement n° 142 rectifié est retiré.
Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. L'amendement n° 111 rectifié nous semble modifier l'esprit dans lequel les informations seraient partagées. Or nous ne souhaitons pas prendre le risque de transformer les travailleurs sociaux en auxiliaires de la police en ne les faisant intervenir que dans le domaine de la prévention de la délinquance.
C'est la raison pour laquelle la commission des lois n'est pas favorable à l'amendement n° 111 rectifié, non plus qu'à l'amendement n° 141 rectifié, qui a un objet similaire.
M. Michel Houel. Je retire l'amendement n° 141 rectifié, madame la présidente.
M. Philippe Bas, ministre délégué. Le Gouvernement est bien évidemment défavorable aux amendements identiques de suppression nos 183 et 252.
Il se réjouit du travail accompli pour la rédaction de l'amendement n° 11 rectifié bis, qui apporte en effet des améliorations et les clarifications nécessaires.
Le sous-amendement n° 326 soulève une question importante : faut-il prévenir la famille préalablement à la mise en oeuvre d'une mesure de coordination et de partage de l'information ?
C'est une question à laquelle le Gouvernement a longuement réfléchi, tout comme, je le sais, les commissions.
Nous avions adopté cette solution en matière de protection de l'enfance pour l'intérêt de l'enfant et l'efficacité de la procédure, tout en veillant à ce que cette information préalable n'ait pas lieu lorsque la sécurité de l'enfant pouvait être en cause.
Il s'agit ici d'un champ beaucoup plus large que la protection de l'enfance et qui appelle une réflexion distincte. Nous devons traiter de l'action sociale dans sa globalité, en ayant à l'esprit, comme l'a rappelé hier soir M. le rapporteur, que la loi spéciale déroge à la loi générale, selon un principe d'interprétation juridique unanimement reconnu. Il s'agit donc de l'ensemble de l'action sociale, en dehors de ce qui relève de la protection de l'enfance au sens strict.
Nous y trouverons les violences conjugales, les mariages forcés - M. le rapporteur y a fait allusion tout à l'heure -, mais aussi les problèmes de ressources familiales, d'addiction, d'aide aux parents, les problèmes d'insertion, de prévention spécialisée, notamment l'intervention d'éducateurs de rue du conseil général et de la commune, avec des actions coordonnées entre eux.
Nous sommes donc là dans un champ tout à fait différent, si bien que le Gouvernement, en accord avec la commission des lois, a considéré que cette formalité supplémentaire de l'information préalable de la famille pouvait comporter plus d'inconvénients que d'avantages. Telle est la raison pour laquelle le Gouvernement émet un avis défavorable sur le sous-amendement n° 326.
Le sous-amendement n° 327 traite du même sujet. Par conséquent, le Gouvernement émet le même avis défavorable.
L'amendement n° 111 rectifié vise à limiter le partage d'informations à ce qui relève de la prévention de la délinquance. Or le champ de la prévention de la délinquance est plus étroit que celui de l'action sociale ; si nous voulons que cette dernière joue pleinement son rôle, y compris pour la prévention de la délinquance, il faut embrasser toute l'action sociale dans ce partage d'informations. Ce partage ne remet pas en cause le secret professionnel, puisqu'il se fait entre professionnels également habilités au secret et dans les conditions qui seront prévues par le texte si l'amendement n° 11 rectifié bis est adopté.
À partir du moment où le texte justifie ce partage d'informations par les nécessités de la continuité et de l'efficacité de l'action sociale, nous ne souhaitons pas le réduire à la prévention de la délinquance. Il s'agit en effet d'une ambition plus large que la prévention de la délinquance. C'est parce que nous aurons réussi à être efficaces dans l'action sociale que nous réussirons par contrecoup, dans un certain nombre de cas, à mieux prévenir la délinquance.
Mme la présidente. La parole est à M. Louis Mermaz, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 183 et 252.
M. Louis Mermaz. Le conseil général est en charge de l'action sociale et de la protection de l'enfance.
Or le maire, traditionnellement chargé de la prévention de la délinquance, se trouvera, si le présent projet de loi est adopté, chargé d'une prévention de la délinquance qui, selon nous, donne la priorité à la répression.
D'ailleurs, le ministre de l'intérieur a rappelé à diverses reprises - à Toulouse, à Sens - que la sanction était selon lui un élément de la prévention, ce que nous ne pouvons accepter car cela ne correspond pas à notre philosophie.
Par conséquent, si nous souhaitons la suppression de cet article 5, qui est au centre du dispositif, c'est précisément parce qu'il va créer une confusion entre les prérogatives du président du conseil général et celles du maire - cela a donné lieu à la crise que nous avons vécue en fin d'après-midi. Mais il va également être à l'origine d'un transfert bizarre et hybride d'une prérogative d'un président de conseil général chargé de l'action sociale et de la protection de la petite enfance vers un maire qui est désormais chargé d'une prévention de la délinquance sous forme de répression. Cela pose bien entendu de nombreux problèmes.
On observera d'ailleurs, à l'occasion de l'examen de ce texte, ce sympathique défaut des Français consistant à vouloir tout codifier, tout régler, tout organiser, défaut qui remonte à l'Ancien Régime. Nous croulons sous les lois et les règlements. D'ailleurs, le nombre des délits prévus par le code pénal est tel que l'on risque d'en commettre comme on respire ! (Sourires.)
Les magistrats et les avocats vous diront de plus en plus souvent qu'ils se perdent dans ce labyrinthe. Et là, nous avons l'impression que Kafka fait du tourisme à Byzance (Nouveaux sourires) - il y est d'ailleurs allé -, tellement ce texte est un hybride compliqué.
Nous avons même failli vivre cette situation folle d'un travailleur social érigé en coordonnateur, en « casque bleu », pour qu'un président de conseil général et un maire ne s'entendant pas puissent néanmoins se parler ! (Sourires.) Heureusement, grâce à la rapidité de M. Mercier, cette horreur a été évitée! Cela ne nous conduira pas à voter comme lui, mais nous lui donnons acte qu'il s'est bien battu pour débarrasser ce texte d'une très grande absurdité.
Enfin, lorsque tout sera établi, il y aura les foudres de la loi et le risque de se retrouver devant les tribunaux.
Deux propositions du texte sont en effet assez étonnantes.
Le texte proposé par le projet de loi pour le troisième alinéa de l'article L. 121-6-2 est ainsi rédigé : « Ces professionnels - les travailleurs sociaux notamment - et le coordonnateur sont autorisés à partager les informations et documents nécessaires à la continuité et à l'efficacité de leurs interventions. Les informations ainsi communiquées ne peuvent être divulguées à des tiers sous peine des sanctions prévues à l'article 226-13 du code pénal. » Ces sanctions sont lourdes : 15 000 euros d'amende, un emprisonnement d'un an. Avant de parler, il faudra tourner sa langue sept fois dans sa bouche !
Quant à l'alinéa suivant, il se lit ainsi : « Le professionnel intervenant seul dans les conditions prévues au premier alinéa et le coordonnateur sont autorisés à révéler au maire ou à son représentant, au sens de l'article L. 2122-18 du code général des collectivités territoriales, les informations confidentielles qui sont nécessaires à l'exercice de ses compétences dans les domaines sanitaire, social et éducatif. » C'est fin et difficile à apprécier... Comment faire pour ne pas commettre de fautes ? Bref, il s'agit à mon sens d'un mouton à cinq pattes !
Étant donné l'inscription progressive du maire dans la chaîne pénale, nous tenons absolument à préserver l'autorité politique et morale de ce dernier, qui doit rester avant tout un médiateur à l'écoute de sa population, pour la guider dans le meilleur sens possible. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 183 et 252.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 326.
M. Nicolas About, rapporteur pour avis. Tout d'abord, compte tenu de la nouvelle rédaction de l'amendement n° 11 rectifié bis, je rectifie le sous-amendement n° 326 afin qu'il vise à compléter non plus le quatrième alinéa mais le cinquième alinéa du texte proposé pour l'article L. 121-6-2 du code de l'action sociale et des familles.
Mme la présidente. Je suis donc saisie d'un sous-amendement n° 326 rectifié, présenté par M. About, au nom de la commission des affaires sociales, et ainsi libellé :
Compléter le cinquième alinéa du texte proposé par l'amendement n° 11 rectifié bis pour insérer un article L. 121-6-2 dans le code de l'action sociale et des familles par une phrase ainsi rédigée :
Les personnes concernées en sont préalablement informées, sauf si cette information risque de nuire à l'efficacité de l'action sociale ou à la sécurité des personnes.
Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur pour avis.
M. Nicolas About, rapporteur pour avis. Si le code pénal protège de façon si ferme le secret professionnel, c'est parce que ce dernier constitue une garantie fondamentale pour les intéressés. Il s'agit d'une mesure de protection de leur vie privée. Il vise à rendre possible - c'est un médecin qui vous parle - la relation de confiance avec ces personnes qui sont souvent placées en situation de vulnérabilité.
On ne peut donc s'affranchir de ce secret que dans l'intérêt supérieur des personnes concernées et en s'attachant à préserver autant que possible leur vie privée
Il ne s'agit ici que d'une information préalable et non pas bien sûr d'un régime d'autorisation, qui serait en effet trop lourd. En outre, nous assortissons cette simple information préalable d'une exception importante et indispensable : les travailleurs sociaux devront s'abstenir d'informer si cette information risque de réduire à néant les efforts recherchés en matière d'action sociale ou de mettre en danger les intéressés.
Nous l'avons fait pour les enfants. Pourquoi n'accorderions-nous pas la même sécurité aux adultes ? A-t-on le droit d'être maltraité si l'on est majeur et en difficulté ? Non ! L'être humain mérite toujours le respect, et la confiance, si difficile à créer entre deux personnes, en particulier entre quelqu'un qui est en situation de grande difficulté et un professionnel, doit être respectée. Les informations doivent donc être traitées avec une très grande prudence.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Mercier, pour explication de vote.
M. Michel Mercier. Je formulerai deux observations.
Premièrement, tout le travail social repose sur la confiance,...
M. Nicolas About, rapporteur pour avis. C'est sûr !
M. Michel Mercier. ...sinon il n'y a pas de travail social, comme vient de le rappeler M. le rapporteur pour avis.
M. Nicolas About, rapporteur pour avis. Il faut être médecin pour le savoir !
M. Michel Mercier. Il faut simplement être habitué au travail social.
Deuxièmement, le champ d'application de l'amendement n° 11 rectifié bis n'est plus du tout le même ; il ne traite plus que des compétences du maire. Il faudra que les compétences du maire soient rappelées, par exemple par une circulaire, pour que les choses soient claires du point de vue du secret professionnel.
Tels sont les deux points qui doivent nous inspirer maintenant.
Mme la présidente. Je mets aux voix le sous-amendement n° 326 rectifié.
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix le sous-amendement n° 327.
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Roland Muzeau, pour explication de vote sur l'amendement n° 11 rectifié bis.
M. Roland Muzeau. Je n'ai pas la prétention de pouvoir expliquer mon vote sur un tel amendement. Pour cela, il aurait fallu que j'en comprenne plus précisément l'objet et les implications.
M. Mercier affirme que nous avons échappé au pire. M. About semble partager ce point de vue sans faire preuve de beaucoup d'enthousiasme. M. Mercier nous fait part de ce qu'il a compris, et M. About nous a donné son propre avis. Peut-être y a-t-il autant d'avis que de parlementaires - et de ministres - présents dans l'hémicycle !
Nous avons l'habitude d'entendre dire ici que la loi doit être claire, donc bien faite, afin d'être bien appliquée et comprise par tous.
Comment un tel amendement, qui soulage les uns, parce que l'on a évité le pire, et inquiète les autres, dont nous sommes - c'est pourquoi nous avions déposé un amendement de suppression de l'article 5 -, sera-t-il applicable ? Les dispositions prévues donneront lieu à autant d'interprétations qu'il y aura de lecteurs, d'intervenants sociaux, de présidents de conseil général ou de maires.
Pouvons-nous considérer que nous faisons bien la loi en adoptant un tel amendement ? Aucun de nous ne peut en être convaincu. Grâce au vote de la majorité, nous allons passer le cap du mini-incident de séance qui s'est produit tout à l'heure. Mais nous n'aurons fait que cela. Nous n'aurons rien résolu.
J'ai observé l'embarras de M. Bas qui, tout à l'heure, a eu bien de la peine à accepter ce compromis vasouillard.
Ce texte, s'il était définitivement adopté, serait à la source de contentieux multiples ; mais il ne survivra probablement pas à la navette ! À l'évidence, nous avons passé une heure et demie à discuter d'une situation qui reste aussi inacceptable qu'elle l'était auparavant et qui ne satisfait personne.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Nul ne prétend que cet amendement ait des accents lamartiniens. Nous avons bien conscience des défauts qui émaillent sa rédaction.
Je tiens toutefois à rappeler une évidence : nous entamons la discussion d'un texte important sur lequel l'urgence n'a pas été déclarée. Son amélioration se fera donc au fur et à mesure du travail parlementaire et de la navette.
Si, sur la forme, bien des choses méritent d'être respectées, sur le fond, en l'occurrence sur le champ d'application de l'article, nous avons accompli un travail important. Je ne considère pas que nous avons perdu une heure et demie, monsieur Muzeau, et je remercie chaleureusement M. Mercier de l'aide qu'il nous a apportée. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Peyronnet. Je partage les propos de M. Muzeau.
M. Christian Demuynck. Pas nous !
M. Jean-Claude Peyronnet. Nous ne nous mêlerons pas de cette affaire. Nous sommes parvenus à un texte qui est presque incompréhensible, qui ne clarifie en rien la situation et qui sera source de contentieux.
Nous maintenons que, si le Sénat avait travaillé avec sérieux, au lieu de faire du travail de commission en séance publique, il aurait pris son temps et adopté la motion de renvoi à la commission. Après tout, nous avons trois semaines pour examiner ce projet de loi. Dans ces conditions, pourquoi nous précipiter ? Nous avions largement le temps de revenir sur ce sujet en commission, d'engager la concertation afin de parvenir à un texte plus acceptable, plus lisible et qui ne serait pas source de contentieux. Au lieu de cela, le Sénat va adopter un texte qui ne subsistera sans doute pas jusqu'au terme de la discussion du projet de loi.
Mme la présidente. En conséquence, l'amendement n° 111 rectifié n'a plus d'objet.
Je mets aux voix l'article 5, modifié.
Je suis saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
Mme la présidente. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 224 :
Nombre de votants | 329 |
Nombre de suffrages exprimés | 328 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 165 |
Pour l'adoption | 202 |
Contre | 126 |
Le Sénat a adopté.
Article additionnel avant l'article 6
Mme la présidente. L'amendement n° 184, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article 6, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les articles 48 et 49 de la loi n° 2006-396 du 31 mars 2006 pour l'égalité des chances sont abrogés.
La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat
Mme Josiane Mathon-Poinat. Cet amendement vise à supprimer le contrat de responsabilité parentale, disposition indigne et dénoncée de toutes parts. Notre groupe avait d'ailleurs voté contre la création de ce contrat lors de la discussion du projet de loi pour l'égalité des chances.
Si nous rouvrons le débat à l'occasion de l'examen du présent projet de loi, c'est qu'il nous paraît nécessaire de supprimer ce contrat qui fait basculer le travail social et l'accompagnement des familles en difficulté dans le sens de l'injonction et de la contrainte.
Au lieu d'accompagner les parents, de soutenir les familles en difficulté, ce contrat les déresponsabilise en les rappelant à l'ordre comme s'ils étaient eux-mêmes des « incapables », au sens juridique du terme.
Mais la dérive ne s'arrête malheureusement pas là puisque ce contrat prévoit aussi la suspension du versement des allocations familiales, lesquelles deviennent alors des cadeaux pour bonne conduite.
Par ailleurs, la valeur de sanction que l'on attribue aux prestations sociales dans ce contrat est parfaitement incompatible avec l'objectif affiché de cette mesure, qui se veut éducative. Plusieurs réponses administratives ou judiciaires aux difficultés éducatives existent déjà. C'est le cas, par exemple, lorsqu'il y a intervention d'une conseillère en économie sociale et familiale.
Ainsi, on s'acharne bel et bien sur quelques familles. Par les mesures qui sont prises, on semble considérer qu'elles sont dans des difficultés telles qu'elles ne pourront même pas intervenir auprès de leurs propres enfants.
Le contrat de responsabilité parentale est le point d'orgue d'une dérive absolument répressive à l'encontre des familles en difficulté, accusées par ce gouvernement d'être indignes, à l'origine du comportement délinquant de leurs enfants. C'est pourquoi nous en demandons la suppression.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. La commission a le sentiment que cet amendement rouvre le débat sur la loi pour l'égalité des chances. Or le contrat de responsabilité parentale a été mis en place à la fin du mois de mars. La commission considère qu'il doit entrer concrètement en vigueur et que ses effets doivent être évalués. C'est pourquoi elle émet un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Philippe Bas, ministre délégué. Le contrat de responsabilité parentale a été adopté par le Parlement en mars 2006. Le décret d'application venant d'être publié, il entre tout juste en vigueur.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous connaissez les principes qui inspirent ce contrat. Il s'agit, lorsque des parents sont désemparés, qu'ils rencontrent de grandes difficultés avec leurs enfants, de leur tendre la main. Le contrat de responsabilité parentale s'adresse à des parents d'enfants qui, dès l'âge de dix ou douze ans, sont livrés le soir à eux-mêmes, sans surveillance de leurs parents, et qui sont durablement absents de l'école. Nombre de ces parents, qui ne sont pas de mauvaise volonté, peuvent, si une aide leur est apportée, réussir à reprendre leurs enfants en main.
Parallèlement, nous avons pris une mesure qui sonnera comme un coup de semonce pour les parents - en nombre minoritaire - qui refusent de faire les efforts nécessaires. Nous avons prévu la possibilité - je dis bien « la possibilité » -, soit de suspendre les allocations familiales, soit de saisir le juge, lequel peut alors prononcer la mise sous tutelle des allocations familiales.
Nous avons donc prévu à la fois les moyens d'accompagnement nécessaires pour permettre à des familles de retrouver leur équilibre, à des parents d'assurer le plein exercice de leurs fonctions parentales, mais aussi, dans des cas exceptionnels, les moyens de faire pression sur certaines familles, soit en décidant la suspension des allocations familiales avant que le juge soit éventuellement saisi, soit en saisissant directement le juge.
Le contrat de responsabilité parentale était indispensable. Le présent projet de loi vient encore renforcer des initiatives qui vont dans la même direction en permettant au maire de prendre, lui aussi, des dispositions pour venir en aide aux parents en difficulté, qu'il est particulièrement bien placé pour connaître.
C'est la raison pour laquelle, madame Mathon-Poinat, le Gouvernement ne peut que s'opposer à votre amendement.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 184.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 6
Au titre IV du livre Ier du code de l'action sociale et des familles, il est rétabli un chapitre Ier ainsi rédigé :
« CHAPITRE IER
« CONSEIL POUR LES DROITS ET DEVOIRS DES FAMILLES
« Art. L. 141-1. - Le conseil pour les droits et devoirs des familles est réuni par le maire afin :
« - d'entendre une famille, de l'informer de ses droits et devoirs envers l'enfant et de lui adresser des recommandations destinées à prévenir des comportements susceptibles de mettre l'enfant en danger ou de causer des troubles pour autrui ;
« - d'examiner avec la famille les mesures d'accompagnement parental susceptibles de lui être proposées et l'opportunité d'informer les professionnels de l'action sociale et les tiers intéressés des recommandations qui lui sont faites et, le cas échéant, des engagements qu'elle a pris dans le cadre d'un contrat de responsabilité parentale prévu à l'article L. 222-4-1.
« Il est consulté par le maire lorsque celui-ci envisage de proposer un accompagnement parental prévu à l'article L. 441-2.
« Il peut, sans préjudice des dispositions prévues à l'article L. 552-6 du code de la sécurité sociale, lorsque le suivi social ou les informations portées à sa connaissance font apparaître que la situation d'une famille ou d'un foyer est de nature à compromettre l'éducation des enfants, la stabilité familiale et qu'elle a des conséquences pour la tranquillité ou la sécurité publique, proposer au maire de demander à la caisse d'allocations familiales de mettre en place, en faveur de la famille, un dispositif d'accompagnement consistant en des mesures d'aide et de conseil de gestion destinées à permettre une utilisation des prestations familiales conforme à l'intérêt de l'enfant et de la famille.
« Sa création est obligatoire dans les communes de plus de 10 000 habitants.
« Le conseil est présidé par le maire ou son représentant. Il peut comprendre des représentants de l'État dont la liste est fixée par décret, des représentants des collectivités territoriales, et des personnes oeuvrant dans les domaines de l'action sociale, sanitaire et éducative, de l'insertion et de la prévention de la délinquance. Les informations communiquées, le cas échéant, à ses membres ne peuvent être divulguées à des tiers sous peine des sanctions prévues à l'article 226-13 du code pénal.
« Art. L. 141-2. - Lorsqu'il ressort de ses constatations ou d'informations portées à sa connaissance, que l'ordre, la sécurité ou la tranquillité publiques sont menacés à raison du défaut de surveillance ou d'assiduité scolaire d'un mineur, le maire peut proposer aux parents ou au représentant légal du mineur concerné, un accompagnement parental. Il vérifie qu'il n'a pas été conclu avec eux un contrat de responsabilité parentale dans les conditions fixées à l'article L. 222-4-1.
« Cet accompagnement parental consiste en un suivi individualisé au travers d'actions de conseil et de soutien à la fonction éducative.
« L'accompagnement parental peut aussi être mis en place à l'initiative des parents ou du représentant légal du mineur.
« Lorsqu'un accompagnement parental est mis en place, le maire en informe le président du conseil général.
« Au terme de l'accompagnement, il est délivré aux parents ou au représentant légal du mineur une attestation comportant leur engagement solennel à se conformer aux obligations liées à l'exercice de l'autorité parentale.
« Lorsque les parents ou le représentant légal du mineur refusent sans motif légitime l'accompagnement parental ou l'accomplissent de manière partielle, le maire saisit le président du conseil général en vue de la conclusion du contrat de responsabilité parentale mentionné à l'article L. 222-4-1. »
Mme la présidente. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, sur l'article.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, voilà, s'il en était besoin, une illustration supplémentaire des trois principaux défauts de ce projet de loi : l'affichage, la confusion et l'arbitraire.
La création du Conseil pour les droits et devoirs des familles est en effet avant tout une mesure d'affichage : c'est, me semble-t-il, un message que vous tentez de transmettre à une partie de la population que vous espérez peut-être capter dans un but électoral.
Votre message, comme souvent, présente une fausse apparence de simplicité.
Votre discours me paraît être le suivant : « La délinquance des mineurs pose problème. Si ces mineurs sont délinquants, c'est parce que leurs parents sont défaillants. Par conséquent, si l'on frappe ensemble enfants et parents, et avec plus de force encore, la délinquance disparaîtra comme par magie. »
Vous instituez à cet effet une structure nouvelle.
Ce conseil, je l'ai dit, est une sorte d'OVNI juridique. Il contribue à l'ambiguïté générale et à la confusion.
Ce conseil, réuni par le maire, est sans équivalent dans l'administration française.
Ses caractéristiques sont telles, ses pouvoirs et compétences sont si étendus que l'on est en droit de se demander si ce conseil ne constitue pas une « para-juridiction ». Ce serait une sorte de tribunal des familles pauvres, déjà fragilisées ou en difficulté, un tribunal où, de plus, on nierait le droit à la défense.
Comme nous l'ont dit les avocats que nous avons auditionnés, on pourrait tout au moins prévoir que les familles aient le droit d'être assistées, compte tenu des conséquences que pourraient avoir les décisions prises par ce conseil. Nous sommes ici confrontés à un arbitraire total.
Il est inutile de répéter qu'il s'agit d'une mesure de contrôle social supplémentaire.
Ce qu'il convient de noter en revanche, c'est que le Gouvernement récidive en ce qui concerne la criminalisation des familles. Cette criminalisation est apparue avec le contrat de responsabilité parentale, adopté dans le cadre de la loi pour l'égalité des chances.
Par ailleurs, et de façon assez étrange, vous semblez revenir sur ce que vous venez à peine de bâtir, en ne laissant pas le temps à la première mesure de produire ses effets : le décret d'application de celle-ci date du 1er septembre.
Sans même prendre le temps de constater l'efficacité ou l'inefficacité de ce contrat, on entreprend déjà d'instituer de nouvelles mesures.
Il nous semble que le masque commence à tomber. Naguère, quand il s'agissait de la loi relative au traitement de la récidive des infractions pénales, de la loi relative à la lutte contre le terrorisme ou de la loi relative à la maîtrise de l'immigration, les Français pouvaient se dire : « je ne suis pas concerné : ces personnes violent la loi, ce sont des terroristes, des récidivistes ou des étrangers... ».
Cette fois, cependant, vous attaquez de front les droits du citoyen français « lambda » : vous tentez de faire reculer ses droits. N'import qui, en effet - je dis bien « n'importe qui » - pourra se retrouver demain au banc des accusés de ce qui sera quasiment un tribunal : des parents qui souffriraient de problèmes financiers ou qui seraient victimes de turbulences familiales, des parents dont les enfants auraient des difficultés de scolarisation ou seraient simplement des adolescents en pleine crise.
Tous, ici, pouvons être victimes de ce système arbitraire et liberticide. Personne n'est à l'abri de l'éventuelle dérive d'un de ses enfants.
C'est la preuve que ce dispositif relève évidemment non pas de la prévention de la délinquance, mais bien de la répression.
Mme la présidente. Je suis saisie de seize amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les trois premiers sont identiques.
L'amendement n° 127 rectifié est présenté par M. Détraigne, Mme Létard et les membres du groupe Union centriste - UDF.
L'amendement n° 185 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
L'amendement n° 253 est présenté par MM. Godefroy et Peyronnet, Mme Campion, MM. Cazeau et Domeizel, Mmes Demontès et Jarraud-Vergnolle, M. Michel, Mme Schillinger, MM. Badinter, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mahéas, Sueur, Guérini, Lagauche, Madec, Mélenchon, Mermaz et Ries, Mmes Tasca, Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Yves Détraigne, pour présenter l'amendement n° 127 rectifié.
M. Yves Détraigne. Monsieur le ministre délégué, voilà quelques minutes, en donnant l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 184 que présentait Mme Mathon-Poinat, vous affirmiez que le dispositif prévu à l'article 6 venait renforcer les dispositions déjà applicables. Je ne le nierai pas, mais ce dispositif vient surtout les compliquer, assurément.
Je rappellerai que l'article 6 tend d'abord à créer un conseil pour les droits et devoirs des familles, conseil présidé par le maire. À ce conseil seraient dévolues diverses missions : entendre une famille pour l'informer de ses droits et devoirs envers l'enfant, lui adresser des recommandations et examiner avec elle les mesures d'accompagnement parental susceptibles de lui être proposées.
Tous ces éléments sont intéressants mais, comme je le disais lors de la discussion générale, je m'interroge sur l'opportunité d'une nouvelle structure. Ne serait-il pas préférable d'examiner le fonctionnement des structures existantes, tels les conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance, et de les adapter, le cas échéant, à l'esprit de l'article 6 de ce projet de loi ?
Nous dirigeons-nous véritablement vers une simplification et une clarification en créant une nouvelle structure ?
Un tel procédé n'a rien de nouveau en France : les majorités et les gouvernements successifs empilent les structures, sans se préoccuper de l'efficacité des dispositifs déjà existants, sans se soucier d'une éventuelle adaptation de ces derniers qui permettrait de gagner une étape, de clarifier et de simplifier les choses, ce qui ne serait pas un mal.
Telle est donc ma première question : quelle est l'opportunité de la création de ce nouveau conseil ?
Je me demande par ailleurs, comme Mme Boumediene-Thiery, s'il n'y aura pas confusion entre cet accompagnement parental et le contrat de responsabilité parental : le décret d'application de cette dernière mesure, adoptée voilà moins de six mois, est paru il y a une douzaine de jours, comme vous l'avez rappelé, monsieur le ministre délégué.
Je soulignerai que l'article L. 222-4-1 du code de l'action sociale précise que, « en cas d'absentéisme scolaire [...], de trouble porté au fonctionnement d'un établissement scolaire ou de toute autre difficulté liée à une carence de l'autorité parentale, le président du conseil général [...] propose aux parents ou au représentant légal du mineur un contrat de responsabilité parentale ou prend toute autre mesure d'aide sociale à l'enfance adaptée à la situation. » Avec ce texte, nous sommes bien au coeur du débat de ce soir.
L'article 6 du projet de loi prévoit que, « lorsqu'il ressort de ses constatations ou d'informations portées à sa connaissance, que l'ordre, la sécurité ou la tranquillité publiques sont menacés à raison du défaut de surveillance ou d'assiduité scolaire d'un mineur, » - l'article du code que je citais portait précisément sur l'absentéisme - « le maire peut proposer aux parents ou au représentant légal du mineur concerné, un accompagnement parental. ».
Pour parler clairement, en cas d'absentéisme scolaire, nous ferons face à deux procédures concurrentes.
Vous nous expliquiez, monsieur le ministre, que l'une d'elle constituait un « coup de semonce » avant ce que j'appellerai l'« artillerie lourde », à savoir la mise en place, par le président du conseil général, d'un contrat de responsabilité parentale.
Mais qu'il s'agisse de la loi de mars dernier ou du projet de loi que nous examinons ce soir, la rédaction n'est pas conforme à votre propos, et il sera possible de recourir soit à l'accompagnement parental, soit au contrat de responsabilité parentale, sans que nulle part ne soit mentionné le fait que le deuxième fasse nécessairement suite au premier. Cela constitue un véritable problème.
L'article 6 n'est d'ailleurs pas le seul à poser problème. Je ne reviendrai pas sur le débat de la fin d'après-midi, mais il me semble vraiment que l'on introduit complexité et confusion alors que, pour régler efficacement la question de la prévention de la délinquance, clarté et simplification seraient nécessaires.
C'est pourquoi nous demandons la suppression du conseil pour les droits et devoirs des familles, et donc de l'article 6.
Mme la présidente. La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat, pour présenter l'amendement n° 185.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Vous nous dites, monsieur le ministre, que le contrat de responsabilité parentale dont je demandais tout à l'heure la suppression est très important et utile, mais qu'il faut quelque temps pour qu'il puisse faire effet.
Or vous nous proposez à présent la création d'un conseil des droits et devoirs qui devrait, lui aussi, être utile et dont nous devrions également voir les effets.
Quels effets en attend-on cependant ? Comme le soulignait M. Détraigne, ces deux formes de contrat vont se superposer, s'emboîter. Comment vont-elles fonctionner ? J'ai bien peur que les effets de l'une comme de l'autre ne se révèlent négatifs.
Vous persistez, de plus, à montrer les familles comme des incapables, vous les stigmatisez. Ces familles ont besoin d'aide, c'est un fait, mais ces structures ne me semblent pas propres à les aider, à leur apporter le secours dont elles ont besoin, et la suppression des prestations familiales n'améliorera pas leur situation.
Mme la présidente. La parole est à Mme Patricia Schillinger, pour présenter l'amendement n° 253.
Mme Patricia Schillinger. Dans notre pays, un ménage sur dix est en difficulté, 114 200 mineurs en danger font l'objet de signalements judiciaires, alors que 235 000 autres sont pris en charge au titre d'au moins une mesure de protection de l'enfance.
Dans le même temps, les atteintes volontaires à l'intégrité physique sont en hausse de 7 % et atteignent le chiffre catastrophique de 423 000 cas, auxquels nous pouvons ajouter plus de 2 600 000 atteintes aux biens. La hausse en ce dernier cas est de 6.9 %.
À l'heure des bilans - et, en la matière, il s'agit de la responsabilité du ministre d'Etat -, comment ne pas parler d'échec cinglant ?
Tout comme les terribles émeutes de novembre dernier, ces chiffres illustrent la vacuité de la politique gouvernementale : nos concitoyens constatent que l'insécurité progresse. Et encore, je ne parle même pas de l'insécurité économique ou sociale que vous avez fait exploser.
Le communiqué de la commission des lois ne dit rien d'autre à ce sujet.
Vous êtes obnubilé par les échéances électorales, et ces résultats vous placent en situation d'urgence. Une fois de plus, vous vous lancez dans une opération populiste, une opération d'affichage qui néglige les politiques existantes et les moyens indispensables à la réussite d'une véritable politique de prévention de la délinquance.
L'article 6 tend à instaurer un conseil pour les droits et devoirs des familles dont l'existence serait obligatoire dans toute commune de plus de 10 000 habitants.
Selon l'exposé des motifs du projet de loi, cette nouvelle instance a pour objectif d'« être le lieu de coordination des dispositifs existants tout en fournissant une occasion de dialogue aux familles intéressées et une instance de proposition pour le maire », ce dernier pouvant, « après avis de ce conseil, proposer un accompagnement parental ou demander au directeur de la caisse des allocations familiales de mettre en place des mesures d'aide et de conseil dans l'intérêt de l'enfant et de la famille ».
Si, comme nous l'avions affirmé lors de l'examen de l'article 24 de la loi pour l'égalité des chances, nous souscrivons à une démarche de responsabilisation des parents, je tiens à réaffirmer que nous nous élevons contre la philosophie et la logique qui sous-tendent l'article 6 de ce projet de loi et sur lesquels se fonde le contrat de responsabilité parentale.
Avant l'adoption de la loi pour l'égalité des chances, la législation permettait de mettre en oeuvre une graduation de l'accompagnement, des obligations et de la sanction des parents en difficulté. Vous avez voulu y ajouter le contrat de responsabilité parentale.
Pour notre part, nous avions jugé que, loin de répondre aux besoins des familles connaissant des carences éducatives, ce dispositif privilégiait la rigidité par rapport au nécessaire renforcement des dispositifs d'accompagnement.
Par là même, et sous prétexte de responsabilité, vous donniez corps à cette vieille lubie de droite qu'est la sanction financière.
Dans les faits, ce contrat de responsabilité devenait un contrat de stigmatisation et de sanction parentale.
Même si, lors de son discours du 27 juillet dernier, M Sarkozy se disait attaché à la prévention - c'est effectivement une dimension « indispensable à toute politique globale de sécurité » -, dans les faits, c'est une logique de stigmatisation, de pénalisation et de mise à l'écart des citoyens les plus en difficulté que nous constatons.
Or, comme le relève la commission des lois, « la réponse ne peut être seulement policière mais doit comporter un volet social et éducatif ».
C'est dans cette logique que l'opposition, mais aussi la très grande majorité des travailleurs sociaux, vous ont adressé nombre de recommandations. Vous les avez balayées d'un revers de manche. Le président de l'Union nationale des associations familiales, l'UNAF, n'avait-il pas à juste titre estimé que le contrat de responsabilité contenait « en germe un dévoiement des allocations familiales qui sont destinées à couvrir les charges que représente un enfant, et non à décerner un brevet de bonne conduite » ? Avec votre majorité, vous ne l'avez pas entendu, et c'est bien dommage.
Ainsi, que penser de la création d'un accompagnement parental pris sur l'initiative du maire alors que la loi pour l'égalité des chances donne compétence aux présidents des conseils généraux pour la mise en place d'un contrat de responsabilité parentale qu'instaure un très récent décret ?
C'est à l'évidence une dangereuse source de confusion. Imaginons qu'un maire propose aux parents cet accompagnement parental qui, selon le texte proposé pour l'article L. 141-2 du code de l'action sociale et des familles, « consiste en un suivi individualisé au travers d'actions de conseil et de soutien à la fonction éducative », laquelle fonction est, conformément à l'article L. 221-1 du même code, du ressort du service de l'aide sociale à l'enfance du conseil général : comment sera-t-il mis en place ? À qui les travailleurs sociaux devront-ils rendre compte : au maire ou au président du conseil général ?
Qui plus est, pour être efficace, cet accompagnement devra mobiliser des moyens financiers et en personnels adéquats. Or les conseils généraux n'ont pas assez de personnels sociaux, et ce n'est pas votre politique de précarisation du tissu associatif et la suppression de 7 000 postes d'enseignants dans l'éducation nationale qui permettront de répondre à ces défis.
De même, quels seront les moyens dont disposeront les villes dépourvues de ressources budgétaires suffisantes ? N'est-ce pas une source supplémentaire d'inégalité entre territoires et entre citoyens qui se fait jour, alors que l'État se déresponsabilise encore un peu plus ?
Visiblement, telles ne sont pas vos préoccupations, mais je vous concède que vous faites tout de même oeuvre de rupture !
En appliquant aux maires de telles dispositions, vous brisez le principe de séparation des pouvoirs et faites des premiers magistrats locaux des « juges de proximité », ainsi que le soulignait le député-maire UMP Pierre Cardo, pour ne pas dire que vous en faites des « shérifs de l'action sociale », comme d'autres le pensent. Vous rendez les rôles de chaque acteur illisibles et prenez le risque de confronter les familles concernées à des injonctions contradictoires.
Ce risque de confusion institutionnelle prévaut aussi pour ce qui est de l'aide à la gestion ou au contrôle de gestion des prestations familiales. Dans ce cadre, le Gouvernement entend privilégier la seule vision répressive, alors que la mise sous tutelle permet au juge la mise en place d'une gestion de substitution.
À ce titre, monsieur le ministre, si vous vous préoccupiez un peu plus de la réalité et un peu moins de votre ambition personnelle (Protestations sur les travées de l'UMP), vous n'auriez pas omis le fait que la possibilité de mise sous tutelle des prestations familiales existait depuis près de quarante ans, plus précisément depuis la loi du 18 octobre 1966, et cohabitait avec plusieurs autres dispositifs.
Ainsi, dans certaines situations graves, le juge pour enfants peut décider cette mise sous tutelle. Il peut aussi désigner un « tuteur », un travailleur social ou un éducateur, par exemple, qui sera chargé d'aider la famille à reprendre ses marques. La mise sous tutelle peut durer deux ans.
En outre, je rappelle que c'est la loi Jacob, promulguée le 2 janvier 2004, qui a remis en cause, dans le cas de l'absentéisme, les dispositions du code de la sécurité sociale qui permettaient à la CAF de « suspendre », voire, en cas d'aggravation, de supprimer les prestations familiales. Désormais, ces dispositions sont remplacées par une amende de 750 euros pour les familles qui ne prennent pas les mesures nécessaires pour que leur enfant cesse de « sécher » les cours.
Enfin, nul n'ignore que, depuis la loi du 31 mars dernier, le président du conseil général peut, en cas de non-respect du « contrat de responsabilité parentale », demander à la CAF une suspension de tout ou partie des allocations dans une limite de trois mois, renouvelable dans la limite d'un an. En outre, il peut demander l'application de la contravention de 750 euros créée en 2004 ou saisir le juge pour enfants pour obtenir une « mise sous tutelle » des allocations, comme le prévoit la loi de 1966.
Ainsi, en ce qui concerne les mesures qui peuvent être prises pour contraindre les familles à exercer leur responsabilité parentale, ce texte n'innove pas. Au mieux, il s'agit d'une redite ; au pire, et c'est ce que nous craignons, il est question de redéfinir le rôle du maire et les principes qui guident l'action sociale en les inféodant à la seule répression.
Vous superposez au contrat de responsabilité parentale, qui n'a pu encore démontrer s'il était ou non efficace, un nouveau dispositif quasi identique mais mis en oeuvre à l'échelon du maire, avec des moyens humains et financiers moindres.
En cas d'échec ou de refus des parents, le maire se retournera vers le président du conseil général, qui lui-même saisira, toujours en cas d'échec ou de refus, le juge des enfants.
Où est l'intérêt de l'enfant dans tout cela ? Ces dispositions entraîneront une perte de temps et de moyens, l'usure des parents et des travailleurs sociaux, une absence de lisibilité.
Pour notre part, nous estimons que c'est notamment en renforçant les moyens dévolus à l'action sociale, en cessant de fragiliser le tissu associatif, en favorisant le travail en réseau, en responsabilisant les parents et les auteurs de troubles qu'une véritable politique de prévention de la délinquance, ciblée et efficace, pourra voir le jour.
Aussi, nous vous demandons de supprimer ce dangereux article 6. (M. Jean-Claude Peyronnet applaudit.)
Mme la présidente. L'amendement n° 159, présenté par M. About, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
A. - Rédiger comme suit le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 141-1 du code de l'action sociale et des familles :
Le maire peut réunir un conseil pour les droits et les devoirs des familles afin :
B. - En conséquence, supprimer le sixième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 141-1 du code de l'action sociale et des familles.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Nicolas About, rapporteur pour avis. Cet amendement vise à rendre facultative la création du conseil pour les droits et les devoirs des familles.
Rendre obligatoire un tel conseil, qui est déjà préfiguré dans certaines communes, engendrerait en effet des lourdeurs administratives pour les maires et leur ferait perdre en réactivité et en proximité sans leur donner véritablement des moyens supplémentaires pour être plus efficaces dans leurs interventions auprès des familles.
Évidemment, si le Gouvernement ne souhaitait pas que la création de ces conseils soit facultative, les maires seraient tenus de les créer, mais libre à eux après tout de les utiliser ou de ne pas les utiliser ensuite...
Mme la présidente. L'amendement n° 145 rectifié, présenté par MM. Vasselle et Milon, est ainsi libellé :
A - Rédiger comme suit le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 141-1 du code de l'action sociale et des familles :
Le maire peut réunir un conseil des droits et des devoirs des familles afin :
B - En conséquence, supprimer le sixième alinéa du même texte.
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° 12, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
À la fin du quatrième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 141-1 du code de l'action sociale et des familles, remplacer la référence :
L. 441-2
par la référence :
L. 141-2
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. C'est un amendement de simple correction.
Mme la présidente. L'amendement n° 13, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Compléter le cinquième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 141-1 du code de l'action sociale et des familles par une phrase ainsi rédigée :
Il peut également proposer au maire de saisir le président du conseil général en vue de la mise en oeuvre de mesures d'accompagnement en économie sociale et familiale.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. L'utilité de cet amendement est double : d'une part, il prévoit des mesures de coordination entre le maire et le président du conseil général ; d'autre part, il assure une coordination supplémentaire entre le présent projet de loi et le projet de loi relatif à l'accueil et à la protection de l'enfance, dans la mesure où nous donnons la possibilité au conseil pour les droits et devoirs des familles de proposer au maire de saisir le président du conseil général en vue de la mise en oeuvre de mesures d'accompagnement en économie sociale et familiale, sachant que lesdites mesures figurent dans le projet de loi relatif à l'accueil et à la protection de l'enfance et remplacent la tutelle aux prestations familiales.
Mme la présidente. L'amendement n° 139 rectifié, présenté par MM. Hérisson, Jarlier, Girod et Houel, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le sixième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 141-1 du code de l'action sociale et des familles :
« Sa création par la commune est facultative.
La parole est à M. Michel Houel.
M. Michel Houel. Le conseil pour les droits et devoirs des familles est présidé par le maire ou son représentant. Il est chargé notamment d'adresser des recommandations aux familles et d'examiner avec elles les mesures d'accompagnement parental susceptibles de leur être proposées.
La création du conseil pour les droits et devoirs des familles est obligatoire dans les communes de plus de 10 000 habitants.
La mise en place de ce dispositif doit être laissée à l'appréciation de la commune. La création d'un conseil pour les droits et devoirs des familles doit donc être facultative. Dans ce contexte, le seuil de 10 000 habitants prévu par le texte pour la création obligatoire de ce conseil n'a plus lieu d'exister.
Mme la présidente. L'amendement n° 82 rectifié, présenté par M. About, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le texte proposé par cet article pour l'article L. 141-2 du code de l'action sociale et des familles :
« Art. L. 141-2. - En application de l'article L. 121-6, le président du conseil général peut déléguer à un maire sa compétence pour proposer et conclure les contrats de responsabilité parentale mentionnés à l'article L. 222-4-1 avec les personnes résidant sur le territoire de sa commune. »
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Nicolas About, rapporteur pour avis. Cet amendement vise à assurer une coordination entre le présent projet de loi et les dispositions adoptées au printemps dernier concernant le contrat de responsabilité parentale.
Nous souhaitons donner au président du conseil général la possibilité de déléguer aux maires ses compétences pour proposer et conclure les contrats de responsabilité parentale mentionnés à l'article L. 222-4-1 avec les personnes résidant sur le territoire de leur commune.
À l'issue d'un plan d'accompagnement parental, il n'y a en effet guère d'autre issue que d'aller vers un contrat de responsabilité parentale. En cas de délégation, les familles en grande difficulté auront donc gagné beaucoup de temps et la commune aura gagné en efficacité.
Mme la présidente. L'amendement n° 14, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Dans la première phrase du premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 141-2 du code de l'action sociale et des familles, remplacer le mot :
publiques
par le mot :
publics
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. C'est un amendement rédactionnel.
Mme la présidente. L'amendement n° 136 rectifié, présenté par MM. Hérisson, Jarlier, Girod et Houel, est ainsi libellé :
Dans la première phrase du premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 141-2 du code de l'action sociale et des familles, supprimer les mots :
ou d'assiduité scolaire
La parole est à M. Michel Houel.
M. Michel Houel. Selon le texte, le maire peut proposer aux parents ou au représentant légal d'un enfant mineur un accompagnement parental lorsqu'il ressort de ses constatations ou d'informations portées à sa connaissance que l'ordre, la sécurité ou la tranquillité publiques sont menacés à raison du défaut de surveillance ou d'assiduité scolaire de cet enfant.
Les nouvelles compétences confiées aux maires par le projet de loi relatif à la prévention de la délinquance ne doivent pas entraîner une confusion entre les missions qui relèvent de l'éducation nationale, acteur à part entière de la prévention de la délinquance, et celles des maires.
De la même façon, aucun transfert de responsabilités ne doit avoir lieu de la part des services de l'éducation nationale vers les maires.
En effet, si le maire peut relever les manquements à l'obligation scolaire, il doit les signaler à l'autorité académique, seule compétente pour décider des suites à donner.
Mme la présidente. L'amendement n° 15, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Compléter le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 141-2 du code de l'action sociale et des familles par les mots :
et qu'aucune mesure d'assistance éducative n'a été ordonnée dans les conditions fixées à l'article 375 du code civil
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Dans un souci de cohérence de l'ensemble des mesures d'aide à l'éducation qui peuvent être prises, cet amendement prévoit que le maire doit s'assurer, avant de proposer un accompagnement parental à une famille, qu'aucune mesure d'assistance éducative n'a été ordonnée par le juge des enfants.
Mme la présidente. L'amendement n° 107 rectifié, présenté par M. Mercier, Mme Létard, MM. Détraigne, Zocchetto et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :
Au quatrième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 141-2 du code de l'action sociale et des familles, remplacer les mots :
en informe le
par les mots :
recueille l'avis du
La parole est à M. Yves Détraigne.
M. Yves Détraigne. Dans le respect des compétences sociales confiées au département, le maire doit solliciter l'avis du président du conseil général, et non pas simplement l'informer sur la mesure d'accompagnement parental.
Mme la présidente. L'amendement n° 16, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Compléter le quatrième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 141-2 du code de l'action sociale et des familles par les mots :
, l'inspecteur d'académie, le chef d'établissement d'enseignement, le directeur de l'organisme débiteur des prestations familiales, le procureur de la République et le préfet
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Cet amendement prévoit que l'inspecteur d'académie, le directeur de l'organisme débiteur des prestations familiales, le procureur de la République et le préfet seraient également avertis de la mise en place par le maire d'un accompagnement parental, alors que le projet de loi prévoit simplement l'information du président du conseil général.
L'article du code de l'action sociale et des familles qui crée le contrat de responsabilité parentale prévoit que celui-ci est mis en oeuvre par le département en cas d'absentéisme scolaire, de trouble porté au fonctionnement d'une école ou de toute autre difficulté liée à une carence de l'autorité parentale, mais ce contrat est proposé par le président du conseil général, soit de sa propre initiative, soit sur saisine de l'inspecteur d'académie, du préfet, du chef d'établissement, du directeur des prestations familiales ou du maire.
Or le projet de loi permettait au maire de proposer, de son côté, un accompagnement parental dans des circonstances similaires à celles qui étaient prévues pour le contrat de responsabilité parentale.
Afin d'assurer la cohérence du dispositif et de donner toute sa place à l'accompagnement parental de la commune avant d'en arriver à la conclusion d'un contrat de responsabilité parentale, il convient de s'assurer que l'ensemble des autorités habilitées à saisir le président du conseil général ont été également informées de la conclusion d'un accompagnement parental par le maire.
L'information du procureur peut aussi se révéler utile, puisque, au bout de la chaîne, en cas d'échec du contrat de responsabilité parentale, le président du conseil général pourra saisir l'autorité judiciaire en vue de la suspension ou de la mise sous tutelle des prestations familiales.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 108 rectifié est présenté par M. Mercier, Mme Létard, MM. Détraigne, Zocchetto et les membres du groupe Union centriste-UDF.
L'amendement n° 132 rectifié est présenté par M. de Broissia, Mme Garriaud- Maylam, MM. Huré, Grignon, Doligé, Besse, Cléach, Houel, Jarlier, Sido, Billard, Fournier, Esneu, Vial, Leroy et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire et M. Retailleau.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Au dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 141- 2 du code de l'action sociale et des familles, après le mot :
« conclusion »
insérer le mot :
« éventuelle »
La parole est à M. Yves Détraigne, pour présenter l'amendement n° 108 rectifié.
M. Yves Détraigne. Cet amendement vise à ce que le président du conseil général garde toute sa liberté d'appréciation lorsqu'il est saisi en vue de la conclusion d'un contrat de responsabilité parentale.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Houel, pour défendre l'amendement n° 132 rectifié.
M. Michel Houel. La loi pour l'égalité des chances a confié au président du conseil général la possibilité de conclure un contrat de responsabilité parentale avec les parents d'un enfant confronté à des problèmes d'absentéisme scolaire, de trouble au bon fonctionnement d'un établissement scolaire ou de carence de l'autorité parentale.
S'il est opportun, comme le prévoit la loi du 31 mars 2006, que le maire ait la possibilité de saisir le président du conseil général pour lui proposer de conclure un contrat de responsabilité parentale, il ne doit cependant pas le lui imposer.
En effet, le président du conseil général doit pouvoir conserver une marge de manoeuvre dans la mise en place de cette mesure et, plus généralement, dans la politique d'accompagnement des familles en difficulté qu'il entend mener.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Sur les trois amendements de suppression nos 127 rectifié, 185 et 253, la commission émet un avis défavorable.
En effet, si l'on regarde les compétences qui sont dévolues au conseil pour les droits et devoirs des familles, l'on constate, notamment, que ce dernier aurait pour principale mission d'écouter les familles, de les informer de leurs droits et devoirs envers l'enfant et d'examiner les mesures d'aide et d'accompagnement susceptibles de leur être proposées.
Nous sommes donc très loin de la stigmatisation des familles concernées. Il s'agit plutôt pour ce conseil pour les droits et devoirs des familles de tendre la main aux familles.
Certains de nos collègues se sont, il est vrai, demandé s'il ne faisait pas double emploi avec d'autres structures, avec, par exemple, le CSLPD. Nous estimons, pour notre part, que le conseil pour les droits et devoirs des familles est beaucoup plus compétent pour régler les problèmes concernant des personnes prises individuellement, et ce avec toute la discrétion nécessaire, discrétion qui n'est pas toujours la règle dans les réunions globales du conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance.
Par l'amendement n° 159, M. About propose de rendre facultative la création du conseil pour les droits et devoirs des familles pour les communes de plus de 10 000 habitants, puisqu'il en est déjà ainsi pour les autres communes. Nous craignons que ce caractère facultatif ne conduise à limiter la portée du présent dispositif. C'est la raison pour laquelle la commission n'est pas favorable à cet amendement.
Cet avis vaut également pour l'amendement n° 139 rectifié, qui est très proche du précédent.
Quant à l'amendement n° 82 rectifié, il est contraire à la position de la commission des lois qui a, au contraire, souhaité conforter le dispositif prévu dans le projet de loi en assurant une bonne coordination avec le contrat de responsabilité parentale.
Il s'agit là, à nos yeux, de l'application du principe de subsidiarité. En effet, si l'on parvient à régler le problème grâce à une plus grande proximité, au niveau de la commune, par le biais de cette assistance familiale, alors il ne sera pas utile de mettre en place, au niveau du département, un contrat de responsabilité parentale, ce dont toutes les parties, à savoir la commune, le département ainsi que la famille concernée, ne pourront que se féliciter.
L'amendement n° 136 rectifié tend à supprimer la possibilité de proposer un accompagnement parental en cas de défaut d'assiduité scolaire d'un mineur. Les auteurs de l'amendement souhaitent éviter toute confusion entre les compétences du maire et celles de l'éducation nationale. Il nous semble, au contraire, que le maire a un rôle important à jouer en matière de soutien à la parentalité et que le fait de réduire le champ d'application de l'accompagnement parental reviendrait à lui retirer une partie de son intérêt.
En outre, nous considérons que le maire est capable d'agir très en amont et rapidement, plus rapidement sans doute que l'inspecteur d'académie. Dans un pays où 10 % de la population scolaire est en situation de rupture d'assiduité, il convient, nous semble-t-il, de ne pas passer à côté de cette chance.
C'est la raison pour laquelle la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
L'amendement n° 107 rectifié prévoit que le maire doit recueillir l'avis du président du conseil général lorsqu'il met en place un accompagnement parental, alors que le projet de loi dispose uniquement que le maire l'informe de sa démarche.
La commission des lois a décidé sur ce point de s'en remettre à la sagesse du Sénat.
J'en viens, enfin, aux amendements identiques nos108 rectifié et 132 rectifié.
L'article 6 du projet de loi précise que, lorsque les parents refusent l'accompagnement parental proposé par le maire ou l'accomplissent seulement partiellement, le maire saisit le président du conseil général en vue de la conclusion du contrat de responsabilité parentale.
Il nous est demandé, par cet amendement, de rappeler que la conclusion de ce contrat constitue une simple éventualité pour le président du conseil général. Il nous semble que cette clause était déjà contenue dans l'esprit du texte.
Toutefois, ce qui va sans dire allant encore mieux en le disant, la commission est favorable à cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Je me contenterai de donner l'avis du Gouvernement sur les trois amendements de suppression nos127 rectifié, 185 et 253, laissant le soin à mon collègue Philippe Bas d'évoquer plus précisément tout ce qui touche au contrat de responsabilité parentale.
Avant tout, je voudrais rappeler ce que nous voulons faire à travers cet article 6, et ce dans la continuité de la loi du 31 mars 2006 pour l'égalité des chances.
Deux choses très simples mais essentielles y sont proposées.
Il s'agit, en premier lieu, de créer auprès des maires des communes de plus de 10 000 habitants une instance adaptée, chargée d'écouter les familles, de les informer de leurs droits et devoirs envers les enfants et d'examiner les mesures d'aides et d'accompagnement susceptibles de leur être proposées. Ce sera le rôle des conseils pour les droits et devoirs des familles.
En second lieu, notre souhait est de permettre au maire de proposer aux parents, après avis du conseil pour les droits et devoirs des familles, un accompagnement parental, c'est-à-dire un suivi individualisé à travers des actions de conseil et de soutien.
Ce dispositif appelle, certes, des précisions et sans doute quelques ajustements, que M. le rapporteur de la commission des lois, tout comme MM. Mercier et de Broissia, ont très utilement proposés.
Le Gouvernement est donc naturellement défavorable à ces amendements de suppression, défendus, pour des raisons très différentes, par Mme Mathon-Poinat, M. Godefroy et M. Détraigne.
Cela étant dit, je souhaiterais concentrer mon propos sur les inquiétudes qui ont été exprimées, notamment, par M. Détraigne.
Tout d'abord, il est inexact d'affirmer que le conseil pour les droits et devoirs des familles se superposerait au conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance.
En effet, le CLSPD a une vocation transversale et, comme nous l'avons déjà vu lors de l'examen de l'article 1er, son rôle ne consiste pas à examiner des situations individuelles, tandis que la vocation du conseil pour les droits et devoirs des familles sera, elle, ciblée sur l'aide à la parentalité.
Je crois, en outre, que l'accompagnement parental et le contrat de responsabilité parentale, loin d'être antinomiques, se complètent. Ainsi l'accompagnement parental constitue-t-il une mesure de proximité ; dépourvu de toute sanction directe, il est destiné à faciliter la reconstitution de l'équilibre familial.
Il s'agit d'une mesure qui relève de l'action facultative de la commune. Nous avons veillé, Philippe Bas et moi-même, à une bonne articulation entre l'accompagnement parental et le contrat de responsabilité parentale, et ce dans un souci de gradation et d'efficacité de la réponse publique.
Avant de proposer un accompagnement parental, le maire devra s'assurer qu'un contrat de responsabilité parentale n'a pas été conclu, ce qui permettra d'éviter les doublons.
Lors de la mise en place de l'accompagnement parental, le maire en informera le président du conseil général.
Enfin, en cas d'échec de l'accompagnement parental, le maire pourra saisir le président du conseil général pour passer à la vitesse supérieure en vue de la conclusion d'un contrat de responsabilité parentale.
Ne nous privons pas de ces outils ! Améliorons-les le plus possible, mais ne biffons surtout pas d'un trait de plume ces instruments qui ont déjà été expérimentés avec succès dans plusieurs communes.
J'ajoute, monsieur Détraigne, que nous serons très ouverts aux amendements permettant d'améliorer encore cette articulation ; je pense, notamment, aux amendements nos 107 rectifié et 108 rectifié émanant du groupe UC-UDF, auxquels le Gouvernement est favorable, ce qui devrait, me semble-t-il, répondre pleinement à votre inquiétude.
C'est la raison pour laquelle je vous demande, monsieur le sénateur, de bien vouloir retirer l'amendement nos 127 rectifié.
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Bas, ministre délégué.
M. Philippe Bas, ministre délégué. À ce stade du débat, il me paraît utile de revenir sur certains points.
Mme Boumediene-Thiery, puis Mme Mathon-Poinat nous ont en quelque sorte accusés de vouloir stigmatiser les parents.
Je voudrais leur rappeler un élément important. Pendant longtemps, la règle voulait que l'éducation nationale, lorsqu'elle constatait que certains enfants n'allaient plus à l'école, leur absentéisme étant devenu chronique, saisisse le directeur de la caisse d'allocations familiales, qui n'avait pas à suspendre les allocations familiales, puisqu'il les supprimait purement et simplement !
Cette règle fut appliquée sous les gouvernements Rocard, Cresson, Bérégovoy, Jospin, et je me souviens qu'à l'époque, Ségolène Royal étant successivement ministre déléguée à l'enseignement scolaire et ministre déléguée à la famille et à l'enfance, il n'était venu à l'idée de personne de remédier à cette situation par des mesures d'accompagnement permettant de venir en aide aux parents en difficulté.
Il a fallu attendre 2004 et le projet de loi présenté par M. Christian Jacob, mon prédécesseur au ministère de la famille, pour que l'on s'avise qu'il serait sans doute préférable de mettre en place un accompagnement en faveur des parents en difficulté plutôt que de prendre des sanctions financières aveugles et générales à leur encontre, sanctions qui d'ailleurs restaient sans effet en raison même de leur caractère aveugle et général.
Ces dispositions, c'est non pas la majorité socialiste de l'époque qui les a prises, puisqu'elle se contentait d'appliquer le code de la sécurité sociale à la lettre, mais bel et bien la majorité actuelle !
Nous avons cherché à approfondir, enrichir, compléter cette philosophie qui est à l'oeuvre depuis 2004, et c'est la raison pour laquelle nous avons créé, cette année, le contrat de responsabilité parentale.
À qui l'avons-nous confié ? Au président du conseil général. Et pourquoi ? Parce que ce dernier est chargé de la protection de l'enfance et qu'il nous a semblé que cela était de nature à apporter les meilleures garanties possibles avant la mise en en oeuvre effective de ce contrat qui, dans certains cas exceptionnels, peut, il est vrai, comporter des sanctions telles que la suspension des allocations familiales ; mais j'insiste sur le fait qu'il s'agit là de cas exceptionnels.
Par ailleurs, le président du conseil général a naturellement la possibilité de saisir le juge qui devra décider de la mise sous tutelle éventuelle des prestations familiales.
Le présent projet de loi ne comporte aucun ajout à ces mesures qui ont été prises dans le cadre du contrat de responsabilité parentale. Ce texte n'édicte pas de sanctions ; il a pour objet de permettre au maire, pour la bonne raison qu'il est proche des familles et les connaît bien, de s'adresser aux parents au sein de ce nouveau conseil pour les droits et devoirs des familles, et ce, je le rappelle, sans qu'il soit en aucun cas question de sanctions, puisqu'il s'agit exclusivement de prévention.
Cet enrichissement, qui vient à son heure, nous a paru tout à fait souhaitable afin de multiplier les possibilités d'intervention auprès de certains parents qui se trouvent souvent dans le plus grand désarroi.
Madame Boumediene-Thiery, madame Mathon-Poinat, ne considérez pas que l'on stigmatise les parents, ainsi que vous l'avez dit de manière très injuste, chaque fois que l'on ose nommer et traiter les problèmes, chaque fois que l'on veut venir en aide aux parents en difficulté !
Mme Josiane Mathon-Poinat. Vous ne les aidez pas !
M. Philippe Bas, ministre délégué. Madame la présidente, comme vient de le dire Christian Estrosi, le Gouvernement est défavorable aux amendements identiques nos 127 rectifié, 185 et 253. Il est également défavorable aux amendements nos 159, 145 rectifié, 139 rectifié, 82 rectifié et136 rectifié.
En revanche, il émet un avis favorable sur les amendements nos 12, 13, 14, 15, 107 rectifié - pour le dépôt duquel il remercie M. Détraigne - 16, ainsi que sur les amendements identiques nos 108 rectifié et 132 rectifié.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 127 rectifié, 185 et 253.
M. Jean-Claude Peyronnet. La présentation très partiale de M. Philippe Bas me conduit à intervenir.
Que les allocations familiales puissent être suspendues, mises sous tutelle, voire supprimées à un moment ou à un autre, c'est une disposition ancienne. Ce projet de loi n'apporte rien, sinon qu'il transfère cette compétence au maire.
Monsieur le ministre délégué, admettez qu'il serait fort peu habile pour un président de conseil général de supprimer les allocations familiales. Cela reviendrait, en effet, à mettre en difficulté matérielle une famille qui, de ce fait, lui demanderait le versement de prestations mensuelles, prélevées sur les fonds propres du conseil général, alors que, jusque-là, c'était l'État qui avait la charge des allocations.
Croyez-vous, monsieur le ministre délégué, que les présidents de conseils généraux se soient amusés à cela ? Non ! Certes, il leur est arrivé de mettre les allocations familiales sous tutelle, lorsque les familles étaient incapables de gérer leur budget. Certaines suspensions ont même pu être décidées, mais assez rarement.
Nous présenter la situation en prétendant avoir modifié et humanisé le dispositif est donc complètement faux.
Par ailleurs, monsieur le ministre délégué, vous justifiez ce transfert de pouvoir au maire en arguant du fait que celui-ci connaît ses administrés. Je vous ai déjà dit - la formule n'était peut-être pas heureuse - que vous aviez une vision agreste, voire archaïque, du maire et de sa fonction : vous le présentez comme s'il était toujours le maire de Clochemerle, ou plutôt le maire de Jules Renard !
Certes, les maires de petites communes connaissent leur population dans son entier, mais il n'en est pas du tout de même d'un maire d'une commune de 800 000 habitants ! Ce maire ne connaît pas mieux la population de sa commune que le président du conseil général. La description que vous faites est fausse !
Dans le meilleur des cas, dans les grandes communes, ce sont les services de la mairie, les délégués au maire, éventuellement ses adjoints, qui connaissent mieux la population.
C'est pourquoi, monsieur le ministre délégué, nous présenter cette nouvelle configuration comme étant plus favorable et plus efficace en raison de la proximité que ces élus entretiendraient avec leurs administrés témoigne d'une vision complètement fausse de la réalité. Sans doute voulez-vous flatter les maires !
M. Robert Bret. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Yves Détraigne, pour explication de vote.
M. Yves Détraigne. Messieurs les ministres, j'ai écouté avec attention les explications que vous avez fournies s'agissant de l'articulation entre le contrat de responsabilité parentale et l'accompagnement parental. Elles ont permis d'apporter un certain nombre d'éclaircissements.
Toutefois, ces précisions auraient plus de portée si elles étaient inscrites dans la loi, afin d'éviter toute confusion. On pourrait peut-être profiter de la navette pour cela. Ainsi, le Gouvernement ne serait pas le seul à avoir une vision nette du dispositif prévu à l'article 6 : pour le lecteur, le maire, le président de conseil général également, il n'y aurait plus aucune ambiguïté.
Sous cette réserve, je retire l'amendement n° 127 rectifié.
Mme la présidente. L'amendement n° 127 rectifié est retiré.
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Godefroy. Je suis élu de la communauté urbaine de Cherbourg, que M. Philippe Bas connaît bien - j'ai été maire de ce qui est aujourd'hui la ville-centre. Dans notre communauté, nous avons un conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance, qui succède au conseil communal de prévention de la délinquance. Il réunit toutes les personnes habilitées à intervenir sur ces questions, maires, centres communaux d'action sociale, police, procureur, et il fonctionne très bien.
La création du conseil pour les droits et devoirs des familles, qui viendra s'ajouter, est obligatoire dans les communes de plus de 10 000 habitants. Or une agglomération est formée de communes de plus de 10 000 habitants et de communes de moins de 10 000 habitants.
Lorsqu'un maire d'une commune de plus de 10 000 habitants, qui aura créé un conseil des droits et devoirs des familles, aura conclu un contrat de responsabilité parentale avec des parents et que ces derniers déménageront pour s'installer dans une commune de moins de 10 000 habitants qui n'a pas de conseil pour les droits et devoirs des familles, que se passera-t-il ?...
Ce n'est pas la peine que je continue, je n'obtiendrai pas de réponse. On verra plus tard... !
Mme la présidente. La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat, pour explication de vote.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Je souhaite demander à M. le ministre s'il connaît le nombre d'enfants scolarisés en France, de l'entrée à l'école primaire jusqu'à seize ans... Non ? Je ne le connais pas non plus.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Il est de 13 millions !
Mme Josiane Mathon-Poinat. Pourtant, monsieur le ministre, vous nous présentez l'absentéisme comme un véritable fléau.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Or le rapport de la commission saisie au fond précise : « Selon M. François Giquel, vice-président de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, environ 80 000 avertissements sont pris chaque année. » Cela revient donc à considérer que 80 000 élèvent seraient pour ainsi dire dans la nature...
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Pas du tout !
Mme Josiane Mathon-Poinat. Qu'est-ce que cela représente par rapport au nombre d'élèves scolarisés ? Une infime proportion. Apparemment, nous sommes loin du « fléau » que vous avez présenté, monsieur le ministre.
Quant à la suppression des allocations familiales, c'est en effet une mesure ancienne, mais elle est très peu mise en application. Au demeurant, les prestations familiales sont multiples : aide au logement, allocation de rentrée scolaire, etc. Lorsqu'on les supprime pour absentéisme, on ne les supprime pas toutes !
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Madame Mathon-Poinat, le problème de l'assiduité scolaire a été longuement abordé au cours des discussions et des auditions qu'a organisées la commission des lois pour préparer ce débat.
Le nombre d'avertissements qui sont délivrés ne rend pas compte du nombre d'élèves qui, d'après les textes, devraient être considérés en rupture d'assiduité. Il y a même une marge considérable ! L'Éducation nationale répugne à adresser ces avertissements ; les responsables d'établissement tentent de résoudre la situation par eux-mêmes le plus longtemps possible.
D'après l'Observatoire national de la délinquance, un dixième de la population scolarisée est en rupture d'assiduité, soit, non pas 80 000 élèves, mais 1 300 000 !
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 185 et 253.
Je suis saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
Mme la présidente. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 225 :
Nombre de votants | 328 |
Nombre de suffrages exprimés | 328 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 165 |
Pour l'adoption | 126 |
Contre | 202 |
Le Sénat n'a pas adopté.
La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour explication de vote sur l'amendement n° 159.
M. Nicolas About, rapporteur pour avis. Il me semble très important de rendre la création du conseil pour les droits et devoirs des familles facultative. En effet, cette instance, qui a pour mission de proposer des mesures d'accompagnement parental, peut également « proposer au maire de demander à la caisse d'allocations familiales de mettre en place, en faveur des familles, un dispositif d'accompagnement consistant en des mesures d'aide... »
Cela signifie-t-il que le maire a désormais la possibilité de contraindre la caisse d'allocations familiales à mettre en place le dispositif d'accompagnement ? C'est ce qui semble ressortir de la lecture de l'article.
Certes, l'article 6 ne le dit pas expressément. Mais, à partir du moment où le conseil pour les droits et devoirs des familles a la possibilité de demander au maire de faire appliquer une mesure, il semblerait illogique que le maire n'en ait pas le pouvoir.
Cette disposition va au-delà des droits du conseil d'administration des caisses d'allocations familiales puisque, sur simple proposition de son conseil pour les droits et devoirs des familles, le maire pourra mettre en demeure la caisse d'allocations familiales de mettre en place un dispositif d'accompagnement.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Non !
M. Nicolas About, rapporteur pour avis. Mon cher collègue, il faudrait relire les textes que vous nous soumettez.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Il est indiqué que le conseil en question peut « proposer au maire de demander à la caisse d'allocations familiales ».
M. Nicolas About, rapporteur pour avis. Certes, mais quand un élu formule une demande, il faut que cette dernière puisse être satisfaite, sinon le pouvoir qui est censé lui être donné est vidé de sens. Si la mesure, telle qu'elle figure à l'article 6, ne peut pas être exécutée, il est inutile de l'inscrire dans le projet de loi.
Je vous indique d'ores et déjà que les mêmes remarques pourront être formulées ultérieurement, à propos du contrat de responsabilité parentale.
Par ailleurs, M. le rapporteur nous a fait part de sa crainte que le conseil pour les droits et devoirs des familles ne soit pas créé s'il a un caractère facultatif. Cette remarque m'inquiète quelque peu. Quand un outil est bon, adapté, les élus locaux, sauf à être de grands maladroits, l'utilisent. Pour ce qui me concerne, je pense que le caractère obligatoire traduit un doute quant à l'utilité du dispositif.
Quoi qu'il en soit, le mieux étant l'ennemi du bien, je préfère en rester au bien et, madame la présidente, je retire l'amendement n° 159.
Mme la présidente. L'amendement n° 159 est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 12.
(L'amendement est adopté.)
Mme la présidente. Monsieur Houel, l'amendement n° 139 rectifié est-il maintenu ?
M. Michel Houel. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 139 rectifié est retiré.
La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour explication de vote sur l'amendement n° 82 rectifié.
M. Nicolas About, rapporteur pour avis. Je suis de nouveau un peu surpris.
On retrouve, au sujet de l'accompagnement parental, la nécessité de mettre en oeuvre un certain nombre d'outils qui ne sont pas entre les mains du maire mais entre celles du président du conseil général ou de la caisse d'allocations familiales entre autres. Dans ces conditions, le maire éprouvera de grandes difficultés pour mettre en oeuvre l'accompagnement parental. C'est pourquoi la commission des affaires sociales avait pensé opportun de donner d'ores et déjà au président du conseil général la possibilité de déléguer à un maire sa compétence en matière de contrats de responsabilité parentale, possibilité qu'ouvre l'article 2 du projet de loi - j'espère que cette délégation aura lieu le plus souvent possible - pour que la délégation des moyens suive. En effet, si les autres institutions ne délèguent pas les moyens de mettre en oeuvre l'accompagnement parental, ce dernier restera lettre morte.
Au demeurant, comme toujours, le mieux étant l'ennemi du bien, je retire l'amendement n° 82 rectifié, qui n'est souhaité ni par le Gouvernement ni par la commission saisie au fond. Toutefois, nous prenons date.
Mme la présidente. L'amendement n° 82 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 14.
(L'amendement est adopté.)
Mme la présidente. Monsieur Houel, l'amendement n° 136 rectifié est-il maintenu ?
M. Michel Houel. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 136 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 15.
(L'amendement est adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Philippe Bas, ministre délégué. Aux termes de l'amendement n° 16, la liste des destinataires des informations comporte le procureur de la République. Or la mesure d'aide aux familles en question n'implique nullement des suites judiciaires. Par conséquent, le Gouvernement estime qu'il n'y a pas lieu d'informer le procureur de la République de la mise en oeuvre d'un accompagnement parental. C'est la raison pour laquelle il a déposé un sous-amendement tendant à supprimer, les mots «, le procureur de la République ».
Mme la présidente. Je suis donc saisie du sous-amendement n° 328, présenté par le Gouvernement, ainsi libellé :
Dans le texte proposé par l'amendement n° 16 pour compléter le quatrième alinéa de l'article L. 141-2 du code de l'action sociale et des familles, supprimer les mots :
«, le procureur de la République »
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. L'amendement n° 16 a pour objet de faire en sorte que les différentes autorités qui peuvent demander au président du conseil général la mise en oeuvre d'un contrat de responsabilité parentale soient parfaitement informées de l'instauration d'un accompagnement parental.
Si la commission des lois a mentionné le procureur de la République, c'est parce qu'elle estimait qu'il aurait pu délivrer au juge des enfants une information grâce à laquelle ce dernier aurait été au courant de l'accompagnement parental avant de mettre en oeuvre des mesures éducatives.
Quoi qu'il en soit, le plus important pour la commission des lois, c'est que les autorités qui peuvent demander la mise en oeuvre du contrat de responsabilité parentale soient informées. C'est le cas, même avec le sous-amendement n° 328, auquel, à titre personnel, je donne un avis favorable.
Par ailleurs, madame la présidente, par coordination avec l'amendement n° 107 rectifié qui vient d'être adopté, la commission souhaite modifier son amendement n° 16. Il convient désormais d'y ajouter les mots : « Il en informe. »
Mme la présidente. Je suis donc saisie de l'amendement n° 16 rectifié, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, et ainsi libellé :
Compléter le quatrième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 141-2 du code de l'action sociale et des familles par une phrase ainsi rédigée :
« Il en informe l'inspecteur d'académie, le chef d'établissement d'enseignement, le directeur de l'organisme débiteur des prestations familiales, le procureur de la République et le préfet »
Je mets aux voix le sous-amendement n° 328.
(Le sous-amendement est adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 16 rectifié, modifié.
(L'amendement est adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 108 rectifié et 132 rectifié.
(Les amendements sont adoptés.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 6, modifié.
(L'article 6 est adopté.)
Article 7
Après l'article L. 552-6 du code de la sécurité sociale, il est inséré un article L. 552-7 ainsi rédigé :
« Art. L. 552-7. - Lorsque le maire ou son représentant au sein du conseil pour les droits et devoirs des familles saisit le juge des enfants, au titre de l'article L. 552-6, il peut, en sa qualité de président de ce conseil, conjointement avec la caisse d'allocations familiales, proposer au juge des enfants que le professionnel coordonnateur de la commune soit, par dérogation au 2° de l'article L. 167-5 du code de la sécurité sociale, désigné pour exercer la tutelle aux prestations sociales.
« Le fonctionnement de la tutelle des prestations sociales prévue dans le présent cadre obéit aux règles posées par les articles L. 167-2 à L. 167-4 et les 1° et 3 à 5° de l'article L. 167-5 du code de la sécurité sociale. »
Mme la présidente. Je suis saisi de sept amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les quatre premiers sont identiques.
L'amendement n° 83 est présenté par M. About, au nom de la commission des affaires sociales.
L'amendement n° 115 rectifié est présenté par M. Mercier, Mmes Létard et Gourault, MM. Détraigne, Zocchetto et les membres du groupe Union centriste - UDF.
L'amendement n° 186 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
L'amendement n° 254 est présenté par MM. Godefroy et Peyronnet, Mme Campion, MM. Cazeau et Domeizel, Mmes Demontès et Jarraud-Vergnolle, M. Michel, Mme Schillinger, MM. Badinter, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mahéas, Sueur, Guérini, Lagauche, Madec, Mélenchon, Mermaz et Ries, Mmes Tasca, Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour présenter l'amendement n° 83.
M. Nicolas About, rapporteur pour avis. Aux termes de l'article 7, en cas de mise sous tutelle des prestations familiales, le maire peut proposer au juge des enfants que le coordonnateur soit désigné pour gérer lesdites prestations. Mais ce dernier est-il compétent ? C'est bien peu probable. Par ailleurs, est-il l'employé du maire ? C'est encore moins probable, puisque 96 % des travailleurs sociaux ne sont pas des employés communaux.
Ainsi, il est proposé de charger ledit coordonnateur d'exercer la tutelle aux prestations familiales sans preuve de sa compétence et en dehors de l'exercice de toute autorité hiérarchique sur ce salarié. Selon moi, cette mesure n'a pas été suffisamment réfléchie. Par conséquent, à ce stade de la discussion, il convient de supprimer l'article 7, qui, de toute façon, relève du règlement.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Mercier, pour présenter l'amendement n° 115 rectifié.
M. Michel Mercier. L'intervention de M. About me dispense d'ajouter quoi que ce soit.
Mme la présidente. La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat, pour présenter l'amendement n° 186.
Mme Josiane Mathon-Poinat. L'article 7 s'inscrit dans le prolongement du précédent. Une fois encore, le lien est établi entre mauvaise utilisation des prestations familiales et délinquance, comme dans la loi pour l'égalité des chances et d'autres textes précédents.
Cet article revient à modifier en profondeur les interventions sociales, puisque le recours à un tuteur a, en principe, une valeur éducative et ne devrait en aucun cas devenir une mesure de sanction.
Une nouvelle fois, on nage en pleine confusion en ce qui concerne les prérogatives de chacun, puisque la demande conjointe formulée par la caisse d'allocations familiales et le maire pose la question des responsabilités des différentes instances.
En cet instant, mes chers collègues, je souhaite vous citer la déclaration de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, la CNIL, relative au présent projet de loi : « En l'état, les articles 6 et 7 appellent une réserve de la Commission en ce qu'ils instituent un dispositif de signalement des mineurs et des familles à problème résidant dans la commune, sans qu'aucune garantie soit apportée ni sur l'origine des informations qui seraient utilisées pour procéder à ce signalement, ni sur les critères déclenchant ce signalement, ni sur les modalités de transmission des informations et la nécessaire confidentialité de celles-ci. »
Mes chers collègues, je note avec satisfaction que nous sommes nombreux à demander la suppression de l'article 7 !
Mme la présidente. La parole est à Mme Patricia Schillinger, pour présenter l'amendement n° 254.
Mme Patricia Schillinger. L'article 7 procède de la même logique que les deux précédents. Il renforce les prérogatives et les pouvoirs du maire et entretient une néfaste confusion entre le rôle et les compétences du président du conseil général, du maire et du juge des enfants.
Ainsi, le maire ou son représentant au sein du conseil pour les droits et devoirs des familles pourra saisir le juge des enfants, afin que le professionnel coordonnateur de la commune puisse être désigné pour exercer la tutelle aux prestations familiales.
Comme nous l'avons rappelé au sujet de l'article 6, la mise sous tutelle n'est pas une mesure nouvelle puisque cette possibilité est offerte aux pouvoirs publics depuis quarante ans. Reste que le ministre entend faire d'une mesure de soutien et d'aide un instrument de contrainte, de stigmatisation et de pénalisation des familles considérées comme défaillantes.
Nous sommes donc non plus dans une logique de prévention, mais bien dans la pure et unique répression, ce que nous condamnons.
En réalité, l'élément novateur de cette rédaction réside dans le fait que c'est non plus seulement le juge des enfants ou le président du conseil général qui est à l'initiative de la nomination de la personne exerçant la tutelle aux prestations familiales, mais, de manière concurrentielle, le maire ou son représentant.
Alors que nous savons tous que la prévention de la délinquance nécessite un travail en partenariat, fondé sur la confiance et sur la répartition claire des prérogatives des divers acteurs, ce texte instaure délibérément la confusion.
L'aide à la gestion ou le contrôle de gestion des prestations familiales se retrouve en pleine confusion institutionnelle puisque cette question pourra, de la même manière, être abordée par de multiples intervenants : le président du conseil général, dans le cadre du contrat de responsabilité parentale ou lors de la mise en place d'une mesure d'accompagnement en économie sociale et familiale, telle que prévue dans le projet loi réformant la protection de l'enfance ; le maire, dans le cadre du conseil pour les droits et devoirs des familles, autorité judiciaire saisie en vue d'une mesure de tutelle. À terme, des conflits de compétence ne sont-ils pas à craindre ? Pour notre part, nous le pensons.
Nous considérons que la mise sous tutelle des prestations familiales ne doit pas être d'initiative municipale et qu'elle relève des compétences attribuées aux magistrats ou aux présidents de conseil général, acteurs à part entière de la prévention de la délinquance.
Dans cette logique, le fait que le maire puisse proposer cette mesure le met en concurrence avec le juge, et ce même si ce dernier demeure libre de sa décision finale.
Que se passera-t-il si le juge des enfants rejette les demandes du maire ou de son représentant ? Ce climat de défiance sera-t-il propice à la mise en oeuvre d'une politique de prévention efficace ? Nous ne le pensons pas.
Il n'est donc pas imaginable que cette distinction des rôles et des pouvoirs disparaisse au profit d'une confusion des compétences nuisible qui, sur le fond, remet en cause les objectifs propres à la mesure de tutelle aux prestations familiales.
C'est pourquoi nous demandons la suppression de cet article.
Mme la présidente. L'amendement n° 143 rectifié, présenté par MM. Hérisson, Jarlier, Girod et Houel, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le texte proposé par cet article pour l'article L. 552-7 du code de la sécurité sociale :
« Art. L. 552-7. - Lorsque le maire a connaissance de cas où le montant des prestations sociales n'est pas employé dans l'intérêt des enfants, il peut saisir le juge des enfants pour lui signaler ces difficultés ».
La parole est à M. Michel Houel
M. Michel Houel. Il n'appartient pas au maire d'enclencher une procédure judiciaire de mise sous tutelle des prestations sociales ni de proposer au juge des enfants que celui-ci désigne le professionnel de l'action sociale coordonnateur de la commune pour exercer la tutelle aux prestations sociales. Toutefois, le maire doit pouvoir alerter le juge des enfants pour lui signaler, lorsqu'il en a connaissance, les cas où le montant des prestations sociales n'est pas employé dans l'intérêt de l'enfant.
Mme la présidente. L'amendement n° 17, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Dans les premier et second alinéas du texte proposé par cet article pour l'article L. 552-7 du code de la sécurité sociale, remplacer les mots :
la tutelle aux prestations sociales
par les mots :
la fonction de délégué aux prestations familiales dans le cadre de la mesure judiciaire d'aide à la gestion du budget familial
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de coordination avec les dispositions du projet de loi relatif à la protection de l'enfance.
En effet, ce dernier réforme l'ensemble du dispositif de mise sous tutelle des prestations familiales. A1insi, il remplace la fonction de tuteur aux prestations sociales par celle de délégué aux prestations familiales dans le cadre de la mesure judiciaire d'aide à la gestion du budget familial.
Nous prenons acte de cette modification : telle est la raison du dépôt de cet amendement.
Mme la présidente. L'amendement n° 109 rectifié, présenté par M. Mercier, Mme Létard, MM. Détraigne, Zocchetto et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :
Compléter le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 552-7 du code de la sécurité sociale par les mots :
après avis conforme du président du conseil général.
La parole est à M Michel Mercier.
M. Michel Mercier. Je retire cet amendement.
Mme la présidente. L'amendement n° 109 rectifié est retiré.
Quel est l'avis de la commission sur les amendements ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. La commission des lois est défavorable aux amendements de suppression. Les arguments que leurs auteurs, notamment M. le rapporteur pour avis, ont avancés pour justifier leur dépôt tiennent essentiellement à l'absence de coordination avec le projet de loi relatif à la protection de l'enfance. Or nous mettons en place cette coordination.
Un autre argument important repose sur le caractère réglementaire de ces dispositions. La commission des lois est, sur ce point, moins catégorique : il lui semble que le partage entre la loi et le règlement n'est pas si clair que cela, puisque l'article L. 167-5 renvoie à un décret la détermination des conditions d'agrément du tuteur. Or il semble qu'en l'espèce la nomination du coordonnateur comme tuteur constituerait une dérogation au principe de l'agrément. La compétence législative nous paraît donc possible.
L'amendement n° 143 rectifié tend à ce que soit retirée au maire la faculté de saisir directement le juge des enfants aux fins de la mise sous tutelle des prestations sociales, lui laissant celle de signaler des difficultés éventuelles.
Ce dispositif rend le pouvoir du maire doublement facultatif, puisque la saisine du juge par le maire n'oblige nullement le juge à la mise sous tutelle des prestations, le juge gardant tout son pouvoir d'appréciation.
La commission des lois, estimant que le maintien de l'entier pouvoir d'appréciation du juge ne justifie pas cet amendement, émet un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Philippe Bas, ministre délégué. Les auteurs des amendements de suppression ont souhaité obtenir des éclaircissements de la part du Gouvernement. Je vais donc préciser quelques points.
Il ne s'agit en aucune façon de conférer au maire quelque pouvoir que ce soit sur le maintien, la suspension, la suppression des prestations familiales ; il s'agit simplement de lui permettre, en tant que président du conseil pour les droits et devoirs des familles, de faire quelque chose d'utile s'il a connaissance d'une situation dans laquelle les prestations familiales ne sont pas utilisées au bénéfice des enfants.
Dès lors qu'il pourra suivre les efforts des parents, puisque les communes de plus de 10 000 habitants sont dotées de centres communaux d'action sociale, il ne devra pas laisser sans solution une situation dramatique dans laquelle des enfants seraient privés du nécessaire alors même que les parents recevraient les prestations familiales permettant de couvrir les charges d'éducation et d'entretien de ces enfants.
Ne pas reconnaître au maire cette faculté toute simple de saisir le juge des enfants conduirait à priver l'enfant lui-même d'une chance.
C'est la raison pour laquelle j'insiste auprès des auteurs des amendements de suppression pour qu'ils acceptent de retirer leurs amendements, au nom de ces enfants.
J'insiste : ce n'est pas le maire qui apprécie ce qu'il y a lieu de faire, c'est le juge des enfants lui-même, et ce en toute souveraineté, en toute indépendance.
L'avis du Gouvernement est également défavorable sur l'amendement n° 143 rectifié, mais il est en revanche favorable sur l'amendement n° 17, amendement de coordination avec le texte déjà adopté relatif à la protection de l'enfance.
Mme la présidente. Monsieur le rapporteur pour avis, l'amendement n° 83 est-il maintenu ?
M. Nicolas About, rapporteur pour avis. Je serais près à retirer cet amendement à deux conditions.
Selon la rédaction actuelle de l'article 7, le maire agit en tant que président du conseil pour les droits et devoirs des familles, lequel n'existe pas dans les communes de moins de 10 000 habitants. Ce n'est donc pas en tant que maire qu'il pourra agir dans ces dernières. Voilà qui est original !
D'autre part, il est fait état du « coordonnateur de la commune ». Je ne sais pas ce que c'est, car nulle part ailleurs dans le texte il n'en est fait mention. Un coordonnateur est prévu à l'article 5, mais ce n'est pas celui-là. Il y a un coordonnateur par affaire !
Enfin, il faudrait au moins qu'il soit fait référence à l'accord de l'autorité hiérarchique, puisque le maire peut charger de tutelle quelqu'un qui n'est pas son employé. Je ne voudrais pas mettre de l'huile sur le feu, mais le président du conseil général ferait une drôle de tête si tous ses collaborateurs étaient nommés coordonnateurs !
Bref, je serais prêt à retirer l'amendement, si l'imprécision relative aux coordonnateurs était corrigée et s'il était fait référence à l'accord de l'autorité hiérarchique.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. La preuve est faite que nous travaillons bien à n'importe quelle heure, puisque M. le rapporteur pour avis vient de soulever un problème qui nous avait échappé. (Sourires.) Effectivement, la référence au coordonnateur de la commune n'est pas satisfaisante.
Une solution consisterait à modifier l'article en remplaçant les mots : « que le professionnel coordonnateur de la commune soit » par les mots : «, après accord de l'autorité dont relève le coordonnateur mentionné à l'article L. 121-6-2 du code de l'action sociale et des familles, que ce dernier soit ».
Mme la présidente. Je suis donc saisie d'un amendement n° 329, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, et qui est ainsi libellé :
Dans le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 552-7 du code de la sécurité sociale, remplacer les mots :
que le professionnel coordonnateur de la commune soit
par les mots :
, après accord de l'autorité dont relève le coordonnateur mentionné à l'article L. 121-6-2 du code de l'action sociale et des familles, que ce dernier soit
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Philippe Bas, ministre délégué. Je remercie et M. le rapporteur pour avis d'avoir soulevé des anomalies de rédaction correspondant, d'ailleurs, à des problèmes de fond qui n'avaient pas été suffisamment approfondis, et M. le rapporteur d'avoir si bien répondu à ces très pertinentes interrogations.
Le Gouvernement est favorable à cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. Messieurs les ministres, je vais répéter la question que je vous ai posée tout à l'heure à propos des communautés urbaines et à laquelle vous ne m'avez pas répondu : qu'advient-il si une famille résidant dans une communauté urbaine où il existe un conseil pour les droits et devoirs des familles déménage vers une commune comptant moins de 10 000 habitants, où il n'y en a donc pas ? Garde-t-elle son coordonnateur d'origine ? Vous ne m'écoutiez pas tout à l'heure, mais j'ai l'impression que vous ne m'avez pas davantage écouté maintenant.
Cette question est tout de même très importante. Il faudra bien qu'elle obtienne une réponse un jour, car, en définitive, une famille qui se voit « infliger » une mesure d'accompagnement par le président du conseil pour les droits et devoirs des familles risque de ne pas avoir le droit de déménager dans une commune de l'agglomération moins peuplée, sous prétexte qu'elle n'a pas rempli ses obligations, alors même qu'elle pourrait y bénéficier d'un logement plus adapté !
J'aimerais vraiment obtenir des explications sur ce point, car il intéresse tous les gestionnaires qui, au quotidien, « mettent les mains dans le cambouis ».
M. Robert Bret. M. le ministre est-il sans voix ?
Mme la présidente. La parole est à Mme Bernadette Dupont, pour explication de vote.
Mme Bernadette Dupont. Monsieur le ministre, c'est un vrai métier que d'être délégué à la tutelle ! Il importe de ne pas confier cette mission à une personne qui n'est pas habilitée à l'exercer.
M. Nicolas About, rapporteur pour avis. Eh oui !
Mme Bernadette Dupont. Je vous mets donc en garde sur le risque qu'il y a à choisir le coordonnateur, lequel, dans une commune de plus de 10 000 habitants, pourra être rapidement débordé par la quinzaine de dossiers qu'il aura à traiter en même temps.
À cet égard, la proposition contenue dans l'amendement n° 143 rectifié a l'intérêt de laisser le juge des enfants décider du choix du délégué, qui pourra donc très bien être le coordonnateur d'une autre commune. En tout état de cause, il existe des associations qui sont habilitées à exercer les fonctions de délégué à la tutelle. Laissons-leur faire leur métier !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Peyronnet. Je voterai les amendements de suppression de l'article 7, cet article dont M. About a fort bien montré les incohérences.
Madame Dupont, je partage tout à fait votre sentiment : être délégué à la tutelle, cela ne s'improvise pas. De plus, le coordonnateur devra s'occuper de plusieurs familles en même temps, peut-être cinq, sept, voire dix.
En réalité, monsieur le ministre, cette disposition va aboutir à retirer la gestion d'un certain nombre de dossiers aux associations et, par là même, à les mettre en difficulté, alors qu'elles font très bien leur travail, grâce à du personnel spécialement formé à un tel métier.
Tout cela est donc complètement incohérent, et nous ne savons pas où nous allons. Après dix heures de débat, nous en sommes encore à bricoler, sur un coin de table, pour essayer d'améliorer un texte qui ne peut pas l'être. Il faut véritablement supprimer cet article.
Mme la présidente. Monsieur le rapporteur pour avis, maintenez-vous l'amendement n° 83 ?
M. Nicolas About, rapporteur pour avis. Madame la présidente, je préférerais vraiment que le Gouvernement passe par la voie règlementaire, mais je ne vais tout de même pas demander l'impossible !
Par conséquent, ayant obtenu satisfaction sur les points que j'avais soulevés, je retire l'amendement.
Mme la présidente. L'amendement n° 83 est retiré.
Monsieur Mercier, l'amendement n° 115 rectifié est-il maintenu ?
M. Michel Mercier. Madame la présidente, puisque M. le président de la commission des affaires sociales est satisfait, je le serai également.
Mais il ne faudrait pas croire qu'en adoptant une telle disposition on va pouvoir dicter au juge sa décision ; ce serait tout de même largement méconnaître la façon dont travaillent les juges des enfants dans ce pays !
Le juge fera ce qu'il voudra et surtout pas ce qu'on lui dictera : il ne choisira donc pas le coordonnateur. Comme l'a fort bien dit notre collègue Bernadette Dupont, être délégué à la tutelle des prestations familiales, c'est un vrai métier, qui demande beaucoup de savoir-faire, de temps et de patience.
Cela dit, je retire cet amendement.
Mme la présidente. L'amendement n° 115 rectifié est retiré.
Je mets aux voix les amendements identiques nos 186 et 254.
Je suis saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
Mme la présidente. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 226 :
Nombre de votants | 327 |
Nombre de suffrages exprimés | 327 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 164 |
Pour l'adoption | 125 |
Contre | 202 |
Le Sénat n'a pas adopté.
La parole est à M. Michel Houel, pour explication de vote sur l'amendement n° 143 rectifié.
M. Michel Houel. Madame la présidente, je souhaiterais compléter cet amendement par les termes « lequel agira en conséquence. »
Mme la présidente. Je suis donc saisie d'un amendement n° 143 rectifié bis, présenté par MM. Hérisson, Jarlier, Girod et Houel, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le texte proposé par cet article pour l'article L. 552-7 du code de la sécurité sociale :
« Art. L. 552-7. - Lorsque le maire a connaissance de cas où le montant des prestations sociales n'est pas employé dans l'intérêt des enfants, il peut saisir le juge des enfants pour lui signaler ces difficultés, lequel agira en conséquence. »
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. La commission maintient son avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Philippe Bas, ministre délégué. Monsieur le sénateur, même s'il comprend bien les arguments qui motivent votre proposition, le Gouvernement est très attaché à cette nouvelle faculté, pour le juge des enfants, de désigner le coordonnateur, non pas systématiquement, mais quand il jugera cette décision utile, dans l'intérêt de l'enfant.
Nous tenons beaucoup à notre idée. Si nous avons prévu la possibilité de désigner le coordonnateur, c'est parce que nous croyons qu'une telle décision peut réellement améliorer le suivi de la famille concernée. Si le coordonnateur remplit correctement ses fonctions de travailleur social, dans l'intérêt de la famille, il serait bon que le juge des enfants ait au moins la possibilité de le choisir comme délégué aux prestations familiales pour cette même famille. C'est lui qui connaîtra en effet le mieux la situation et qui pourra être le plus utile. Tel est bien notre objectif. Or cette possibilité n'est pas du tout prévue dans votre amendement.
Par ailleurs, sur l'initiative de M. About, M. le rapporteur de la commission des lois a déposé un nouvel amendement. Dès lors, vous avez toute garantie que le coordonnateur de la commune ne sera pas systématiquement proposé par le maire au juge des enfants, puisque la décision sera subordonnée à l'accord de l'autorité dont relève ce coordonnateur.
Vous craignez que les désignations d'un même coordonnateur ne se multiplient. Si c'était le cas, ce dernier, qui a déjà beaucoup de travail, risquerait en effet d'être complètement surchargé et de manquer d'efficacité. Mais je vous le redis, une telle situation pourra être évitée, car le maire et l'autorité dont relève le coordonnateur auront préalablement discuté et se seront mis d'accord avant de faire une proposition au juge des enfants, qui reste souverain dans cette affaire.
Sous le bénéfice de ces explications complémentaires, je vous demande avec insistance de bien vouloir retirer l'amendement n° 143 rectifié bis, au profit des amendements nos 17 et 329.
Mme la présidente. Monsieur Houel, l'amendement n° 143 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Michel Houel. Madame la présidente, je fais confiance à M. le ministre et je retire cet amendement.
Mme Josiane Mathon-Poinat et M. Robert Bret. Vous avez tort !
Mme la présidente. L'amendement n° 143 rectifié bis est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 329.
(L'amendement est adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 7, modifié.
(L'article 7 est adopté.)
Article additionnel avant l'article 8
Mme la présidente. L'amendement n° 292, présenté par MM. Guené et Milon, est ainsi libellé :
Avant l'article 8, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Dans le troisième alinéa (2°) de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales, les mots : « repos des habitants », sont insérés les mots : «, l'ivresse publique ».
II. - Après l'article L. 2213-4 du même code, il est inséré un article additionnel ainsi rédigé :
« Art. L. ... - Le maire peut, par arrêté, interdire la consommation de boissons alcoolisées dans les voies, rues, chemins, places et autres lieux publics de la commune, à l'exception des établissements où la consommation d'alcool est autorisée et, le cas échéant de leurs terrasses et à l'exception des moments où elle est expressément autorisée. »
Cet amendement n'est pas soutenu.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
5
COMMUNICATION DE L'ADOPTION DÉFINITIVE DE TEXTES SOUMIS AU SÉNAT EN APPLICATION DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION
Mme la présidente. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre une communication, en date du 14 septembre 2006, l'informant de l'adoption définitive des textes soumis en application de l'article 88-4 de la Constitution suivants :
E2207 - COM (2002) 719 final : Proposition de décision du Conseil modifiant la décision 1999/468/CE fixant les modalités de l'exercice des compétences d'exécution conférées à la Commission.
Adoption définitive le 17 juillet 2006.
E2337 - COM (2003) 331 final : Proposition de décision du Conseil concernant la conclusion, au nom de la Communauté européenne, de la convention de Stockholm sur les polluants organiques persistants.
Adoption définitive le 14 octobre 2004.
E2509 - COM (2004) 35 final : Proposition de directive du Conseil faisant obligation aux États membres de maintenir un niveau minimum de stocks de pétrole brut et/ou de produits pétroliers (version codifiée).
Adoption définitive le 24 juillet 2006.
E2647 - COM (2004) 492 final : Proposition de règlement du Conseil portant dispositions générales sur le Fonds Européen de Développement Régional, le Fonds Social Européen et le Fonds de cohésion.
Adoption définitive le 11 juillet 2006.
E2656 - COM (2004) 497 final : Proposition de règlement du Conseil relatif au Fonds européen pour la pêche.
Adoption définitive le 27 juillet 2006.
E2660 - COM (2004) 495 final : Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif au Fonds européen de développement régional.
Adoption définitive le 5 juillet 2006.
E2668 - COM (2004) 493 final : Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif au Fonds social européen (FSE) [programmation 2007-2013]
Adoption définitive le 5 juillet 2006.
E2724 - COM (2004) 627 final : Proposition de règlement du Conseil établissant un instrument d'aide de préadhésion (IAP).
Adoption définitive le 17 juillet 2006.
E2849 - COM (2005) 89 final : Proposition de directive du Conseil modifiant la directive 77/388/CEE en ce qui concerne certaines mesures visant à simplifier la perception de la taxe sur la valeur ajoutée et à lutter contre la fraude et l'évasion fiscales et abrogeant certaines décisions accordant des dérogations : présentée par la Commission européenne.
Adoption définitive le 24 juillet 2006.
E2929 - 10706/05 ENFOPOL 83 COMIX 429 : Initiative du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord en vue de l'adoption d'une décision du Conseil modifiant la décision 2003/170/JAI relative à l'utilisation commune des officiers de liaison détachés par les autorités répressives des États membres.
Adoption définitive le 24 juillet 2006.
E2934 - COM (2005) 325 final : Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion, au nom de la Communauté européenne, de la convention relative au renforcement de la Commission interaméricaine du thon tropical établie par la convention de 1949 entre les États-Unis d'Amérique et la République du Costa Rica.
Adoption définitive le 22 mai 2006.
E3014 - COM (2005) 591 final : Proposition de règlement du Conseil relatif à la conclusion de l'accord sous forme d'échange de lettres relatif aux amendements modifiant le protocole fixant les possibilités de pêche et la contrepartie financière prévues dans l'accord de coopération en matière de pêches maritimes entre la Communauté européenne et la République islamique de Mauritanie pour la période allant du 1er août 2001 au 31 juillet 2006
Adoption définitive le 22 mai 2006.
E3032 - COM (2005) 630 final : Proposition de règlement du Conseil relatif à la conclusion de l'accord sous forme d'échange de lettres relatif à la prorogation du protocole fixant les possibilités de pêche et la contrepartie financière prévues dans l'accord entre la Communauté économique européenne et le gouvernement de la République démocratique de São Tomé e Príncipe concernant la pêche au large de São Tomé e Príncipe pour la période allant du 1er juin 2005 au 31 mai 2006.
Adoption définitive le 11 juillet 2006.
E3041 - COM (2005) 613 final : Proposition de règlement du Conseil portant application de certaines règles de concurrence à la production et au commerce des produits agricoles (version codifiée).
Adoption définitive le 24 juillet 2006.
E3110 - COM (2005) 080 final : Proposition de décision du Conseil sur l'adoption, au nom de la Communauté européenne du protocole sur la protection des sols, du protocole sur l'énergie et du protocole sur le tourisme de la convention alpine.
Adoption définitive le 27 juin 2006.
E3117 - COM (2006) 139 final : Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion d'un accord intérimaire concernant le commerce et les mesures d'accompagnement entre la Communauté européenne, d'une part, et la République d'Albanie, d'autre part.
Adoption définitive le 12 juin 2006.
E3141 - COM (2006) 183 final : Proposition de décision du Conseil relative à signature au nom de la Communauté européenne, et à l'application provisoire de l'accord sous forme d'échange de lettres relatif à la prorogation du protocole fixant les possibilités de pêche et la contrepartie financière prévues dans l'accord entre la Communauté économique européenne et le gouvernement de la République de Guinée-Bissau concernant la pêche au large de Guinée-Bissau pour la période allant du 16 juin 2006 au 15 juin 2007.
Adoption définitive le 11 juillet 2006.
E3169 - COM (2006) 242 final : Proposition de règlement du Conseil portant modification de l'annexe IV du règlement (CE) n° 850/2004 du Parlement européen et du Conseil concernant les polluants organiques persistants et modifiant la directive 79/117/CEE.
Adoption définitive le 18 juillet 2006.
E3197 - COM (2006) 393 final : Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 234/2004 du Conseil imposant certaines mesures restrictives à l'égard du Libéria et abrogeant le règlement (CE) n° 1030/2003.
Adoption définitive le 24 juillet 2006.
6
TEXTE SOUMIS AU SÉNAT EN APPLICATION DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION
Mme la présidente. J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de règlement du Conseil modifiant la définition de certains contingents d'importation de viande bovine de haute qualité.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-3238 et distribué.
7
ordre du jour
Mme la présidente. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 19 septembre 2006, à dix heures, quinze heures et le soir :
Suite de la discussion du projet de loi (n° 433, 2005-2006) relatif à la prévention de la délinquance.
Rapport (n° 476, 2005-2006) de M. Jean-René Lecerf, fait au nom de la commission des lois.
Avis (n° 477, 2005-2006) présenté par M. Nicolas About, au nom de la commission des affaires sociales.
Le délai limite pour le dépôt des amendements est expiré.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée le vendredi 15 septembre 2006, à zéro heure quinze.)
La Directrice
du service du compte rendu intégral,
MONIQUE MUYARD