sommaire
Présidence de M. roland du Luart
2. Candidatures à des organismes extraparlementaires
3. Candidatures à la commission spéciale chargée de vérifier et d'apurer les comptes
4. Contrôle de la validité des mariages. - Discussion d'un projet de loi
Discussion générale : MM. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice ; Jean-René Lecerf, rapporteur de la commission des lois ; Christian Cambon, Mmes Josiane Mathon-Poinat, Monique Cerisier-ben Guiga, Jacqueline Gourault, Joëlle Garriaud-Maylam, M. Michel Dreyfus-Schmidt, Mme Alima Boumediene-Thiery.
M. le garde des sceaux.
Clôture de la discussion générale.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.
Motion no 19 rectifié bis de Mme Monique Cerisier-ben Guiga. - MM. Richard Yung, le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejet.
Motion no 35 de Mme Josiane Mathon-Poinat. - Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. le rapporteur, le garde des sceaux, Michel Dreyfus-Schmidt. - Rejet par scrutin public.
Demande de renvoi à la commission
Motion no 18 rectifié bis de Mme Monique Cerisier-ben Guiga. - MM. Charles Gautier, le président de la commission, le garde des sceaux. - Rejet.
Suspension et reprise de la séance
5. Nomination des membres de la commission spéciale chargée de vérifier et d'apurer les comptes
6. Nomination de membres d'organismes extraparlementaires
7. Contrôle de la validité des mariages. - Suite de la discussion et adoption d'un projet de loi
M. Richard Yung.
Amendements identiques nos 26 de Mme Monique Cerisier-ben Guiga et 36 de Mme Josiane Mathon-Poinat. - Mmes Monique Cerisier-ben Guiga, Josiane Mathon-Poinat, MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejet des deux amendements.
Amendements nos 1 de la commission et 27 de Mme Monique Cerisier-ben Guiga. - MM. le rapporteur, Michel Dreyfus-Schmidt, le garde des sceaux. - Adoption de l'amendement no 1, l'amendement no 27 devenant sans objet.
Amendements nos 20 rectifié et 21 de M. Christian Cointat. - MM. Christian Cointat, le rapporteur, le garde des sceaux, Mme Monique Cerisier-ben Guiga. - Retrait de l'amendement no 21 ; adoption de l'amendement no 20 rectifié.
Amendement no 28 de Mme Monique Cerisier-ben Guiga. - Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejet.
Amendement no 29 de Mme Monique Cerisier-ben Guiga. - Mme Monique Cerisier-ben Guiga. - Devenu sans objet.
Amendement no 2 de la commission. - MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Mme Josiane Mathon-Poinat, M. le président de la commission.
Adoption de l'article.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
Amendements identiques nos 30 de Mme Monique Cerisier-ben Guiga et 37 de Mme Josiane Mathon-Poinat. - M. Richard Yung, Mme Josiane Mathon-Poinat, MM. le rapporteur, le garde des sceaux, Mme Monique Cerisier-ben Guiga. - Rejet des deux amendements.
Amendements nos 40 rectifié de M. Laurent Béteille. - MM. Christian Cambon, le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.
Amendement no 3 de la commission. - MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.
Amendements nos 4 de la commission et 31 de Mme Monique Cerisier-ben Guiga. - M. le rapporteur, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, M. le garde des sceaux. - Adoption de l'amendement no 4, l'amendement no 31 devenant sans objet.
Amendement no 32 rectifié de Mme Monique Cerisier-ben Guiga. - Devenu sans objet.
Amendements nos 5 et 6 de la commission. - MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption des deux amendements.
Amendement no 41 rectifié bis de M. Laurent Béteille. - MM. Christian Cambon, le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.
Amendement no 7 rectifié de la commission. - MM. le rapporteur, le garde des sceaux, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, M. Christian Cointat. - Adoption.
Amendement no 22 de M. Christian Cointat. - MM. Christian Cointat, le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.
Amendement no 8 de la commission. - MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.
Amendement no 9 de la commission. - MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.
Amendement no 10 de la commission. - MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.
Amendement no 23 de M. Christian Cointat. - MM. Christian Cointat, le rapporteur, le garde des sceaux, Mme Monique Cerisier-ben Guiga. - Adoption.
Amendement no 24 de M. Christian Cointat. - MM. Christian Cointat, le rapporteur, le garde des sceaux. -Adoption.
Amendement no 11 de la commission. - MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.
Amendement no 25 de M. Christian Cointat. - Retrait.
Adoption de l'article modifié.
Article additionnel après l'article 3
Amendement no 12 de la commission. - MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement no 13 de la commission. - MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Amendement no 38 de Mme Josiane Mathon-Poinat. - Devenu sans objet.
Adoption de l'article.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
présidence de M. Guy Fischer
Amendements nos 39 de Mme Josiane Mathon-Poinat, 14 de la commission et sous-amendements nos 33 de Mme Monique Cerisier-ben Guiga et 42 de Mme Alima Boumediene-Thiery ; amendement no 15 de la commission. - Mme Josiane Mathon-Poinat, MM. le rapporteur, Richard Yung, Mme Alima Boumediene-Thiery, M. le garde des sceaux. - Rejet de l'amendement no 39 et des sous-amendements nos 33 et 42 ; adoption des amendements nos 14 et 15.
Adoption de l'article modifié.
Article additionnel après l'article 7
Amendement no 16 de la commission. - MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement no 17 de la commission. - MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Article additionnel après l'article 8
Amendement no 34 de Mme Monique Cerisier-ben Guiga. - MM. Charles Gautier, le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejet.
Mmes Monique Cerisier-ben Guiga, Josiane Mathon-Poinat, M. Christian Cointat.
Adoption du projet de loi.
9. Texte soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution
10. Renvoi pour avis
12. Dépôt d'un rapport d'information
13. Dépôt d'un avis
14. Ordre du jour
compte rendu intégral
PRÉSIDENCE DE M. Roland du Luart
vice-président
1
PROCÈS-VERBAL
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
CANDIDATURES À des organismes extraparlementaires
M. le président. Je rappelle au Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation des sénateurs appelés à siéger au sein du Centre national d'art et de culture Georges-Pompidou, du Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres et de la Commission supérieure des sites, perspectives et paysages.
La commission des affaires culturelles a fait connaître qu'elle propose les candidatures de M. Jean-François Picheral, de M. Robert Tropeano et de M. Yves Dauge pour siéger respectivement au sein de ces organismes extraparlementaires.
Ces candidatures ont été affichées et seront ratifiées, conformément à l'article 9 du règlement, s'il n'y a pas d'opposition à l'expiration du délai d'une heure.
3
CANDIDATURES À la COMMISSION spéciale chargée de vérifier et d'apurer les comptes
M. le président. L'ordre du jour appelle la nomination des membres de la commission spéciale chargée de vérifier et d'apurer les comptes.
Conformément à l'article 8 du règlement, la liste des candidats remise par les bureaux des groupes a été affichée.
Cette liste sera ratifiée s'il n'y a pas d'opposition dans le délai d'une heure.
4
Contrôle de la validité des mariages
Discussion d'un projet de loi
M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif au contrôle de la validité des mariages (n°s 275, 492, 2005-2006).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le garde des sceaux.
M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, vous examinez aujourd'hui le projet de loi relatif au contrôle de la validité des mariages tel qu'il a été adopté par l'Assemblée nationale le 22 mars dernier.
Ce texte, qui prévoit un dispositif global et cohérent, vise à mieux lutter contre les détournements dont le mariage est l'objet à des fins migratoires.
Un tiers des mariages célébrés en France ou à l'étranger sont aujourd'hui des mariages mixtes. Cette situation a deux conséquences immédiates : d'une part, le mariage avec un conjoint français constitue le premier motif d'immigration vers la France et, d'autre part, près de 50 % des acquisitions de la nationalité française se font par mariage.
Bien évidemment, je n'oublie pas que la plupart des mariages mixtes sont animés d'une intention matrimoniale sincère, et il ne s'agit nullement ici de jeter une suspicion d'ensemble sur ces mariages. Toutefois, force est de constater que le nombre d'annulations prononcées par les juridictions françaises n'a cessé d'augmenter depuis une dizaine d'années et que, dans leur très grande majorité, celles-ci concernent des mariages mixtes.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Binationaux !
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Ainsi, en 2004, 85 % des 745 mariages qui ont été annulés par les tribunaux de grande instance et les cours d'appel étaient mixtes, et la majorité d'entre eux avaient été contractés à l'étranger.
En outre, il est à craindre que ces chiffres ne rendent pas entièrement compte de la réalité de la situation. En effet, la preuve de l'absence d'intention matrimoniale est parfois difficile à rapporter, et nous savons que, dans un certain nombre de cas, le conjoint victime d'un mariage de complaisance ou d'un mariage forcé préfère demander le divorce plutôt que l'annulation du mariage.
Tout cela démontre que le dispositif existant en matière de prévention des mariages frauduleux n'est pas adapté à la situation actuelle, et il l'est d'autant moins lorsque le mariage est conclu à l'étranger.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. C'est votre circulaire de 2005 !
M. Pascal Clément, garde des sceaux. S'agissant des mariages célébrés en France, les lois du 24 août 1993 et du 26 novembre 2003 ont certes apporté des améliorations utiles. Ainsi, l'officier de l'état civil s'est vu confier le pouvoir d'auditionner les futurs époux et, si un doute subsiste quant à la validité du mariage, il peut saisir le procureur de la République afin qu'il s'oppose à la célébration.
L'application de ces dispositions a déjà permis de détecter de nombreux projets de mariages frauduleux et d'empêcher leur concrétisation.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Combien ?
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Environ trois cent cinquante ! (Sourires.)
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Je constate votre présence amicale, monsieur Dreyfus-Schmidt, et je m'en réjouis !
Toutefois, ceux qui parmi vous ont célébré des mariages - et ils sont sans doute nombreux ! - connaissent les difficultés de mise en oeuvre de ce dispositif.
En ce qui concerne les mariages contractés par des Français à l'étranger, c'est le seul article 170-1 du code civil qui fixe les modalités de contrôle. Contrairement à ce qui se passe pour les mariages célébrés sur notre territoire, cet article ne prévoit aucun mécanisme de prévention des mariages irréguliers, puisque c'est seulement à l'occasion de la demande de transcription sur les registres de l'état civil que la validité du mariage est vérifiée. Il n'est donc pas surprenant de constater que ce sont ces mariages-là qui font, le plus souvent, l'objet d'une annulation.
En outre, le dispositif applicable aux mariages contractés à l'étranger présente deux inconvénients majeurs.
D'une part, la transcription n'étant pas obligatoire, sauf pour l'obtention d'un titre de séjour ou de la nationalité française, les époux peuvent faire produire à leur mariage tous les autres effets prévus par la loi sans que la validité de leur union ait jamais fait l'objet d'une vérification préalable.
D'autre part, même lorsque la transcription est demandée, il est bien plus difficile de procéder aux vérifications nécessaires plusieurs années après la célébration. J'ajoute que les règles actuelles contraignent le parquet et les services de police à accomplir ces vérifications en moins de six mois, faute de quoi la transcription est automatique.
Enfin, ce dispositif n'est pas équitable, car il soumet les Français qui se marient à l'étranger à un contrôle moins strict que celui qui est applicable en France, alors que tous ces mariages ouvrent les mêmes droits sur notre territoire.
Telles sont les raisons qui ont conduit le Gouvernement à engager une réforme du contrôle de la validité des mariages.
Ce projet de loi prévoit un nouveau dispositif complet et cohérent, aux termes duquel les mariages contractés par des Français à l'étranger feront l'objet d'un contrôle avant même leur célébration, comme c'est le cas des mariages célébrés en France. Il a d'ailleurs été enrichi par les débats qui se sont déroulés à l'Assemblée nationale, le 22 mars dernier. L'examen de ce texte par votre Haute Assemblée sera l'occasion d'y apporter, je n'en doute pas, mesdames, messieurs les sénateurs, de nouvelles améliorations.
Ainsi, votre commission des lois a proposé que certaines dispositions figurant dans ce projet de loi en soient extraites pour être reprises par voie règlementaire. Je suis bien entendu favorable à cette démarche, qui contribue à améliorer la lisibilité de la loi.
Ce projet de loi s'articule autour de trois axes principaux que je présenterai successivement : clarifier et renforcer la procédure de contrôle des mariages célébrés en France ; soumettre au même contrôle le mariage des Français à l'étranger ; simplifier et améliorer la procédure de vérification des actes de l'état civil étranger remis à l'administration française, afin de mieux empêcher la fraude.
Le premier objectif est de clarifier et de renforcer la procédure applicable à tous les mariages célébrés sur notre territoire, quelle que soit la nationalité des époux.
Premièrement, de nombreux officiers de l'état civil ont fait valoir que, au gré des réformes, l'article 63 du code civil a beaucoup perdu de sa lisibilité, de sorte qu'il est devenu difficile de distinguer clairement la chronologie des formalités qui doivent précéder la célébration du mariage. Or, elle est essentielle.
L'expérience montre que la publication des bans a parfois lieu avant que l'ensemble des formalités et vérifications préalables n'aient été accomplies, alors qu'elle ne doit intervenir qu'une fois toutes les conditions de la célébration réunies.
À cet égard, la circulaire du 2 mai 2005 a déjà apporté certaines réponses. Le projet de loi va plus loin encore, et répond pleinement à l'attente des officiers de l'état civil en prévoyant une nouvelle rédaction de l'article 63 du code civil faisant apparaître plus distinctement les différentes étapes qui précèdent la célébration.
Deuxièmement, ce texte comporte des dispositions nouvelles, qui renforcent l'efficacité de la procédure actuelle.
Tout d'abord, il est indispensable que l'identité des futurs époux soit mieux contrôlée. Il est aujourd'hui paradoxal de constater que l'on peut exiger d'une personne qui effectue un paiement par chèque qu'elle présente une pièce d'identité alors qu'on ne peut l'exiger de la part des futurs époux.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Tout à fait !
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Il n'existe aucune disposition légale en ce sens. Le projet de loi comble donc cette lacune en exigeant la présentation d'une pièce d'identité officielle.
Par ailleurs, il est nécessaire de systématiser davantage l'audition des futurs époux, qui est un moment privilégié pour s'assurer de la sincérité de leur intention matrimoniale. Or, trop souvent, le fait que l'un des futurs époux réside à l'étranger constitue un obstacle insurmontable. C'est pourquoi l'officier de l'état civil doit être en mesure de déléguer cette audition à l'autorité diplomatique ou consulaire, et réciproquement, si le mariage est célébré à l'étranger alors que le futur époux réside en France.
À cet égard, l'examen du texte par l'Assemblée nationale a permis d'intégrer les nouvelles dispositions issues de la loi du 4 avril 2006 renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple ou commises contre les mineurs, qui permettent au maire et au consul de déléguer la réalisation de l'audition à un fonctionnaire titulaire du service de l'état civil. Je suis convaincu que cette mesure contribuera, elle aussi, à augmenter le nombre d'auditions.
Enfin, le projet de loi renforce le droit d'opposition du ministère public. Actuellement, l'opposition est automatiquement caduque au terme de un an. Il faut donc la renouveler si les candidats au mariage maintiennent leur projet au-delà de ce délai, même s'ils n'ont pas demandé la mainlevée.
Incontestablement, cette situation profite aux fraudeurs. Le texte revient donc sur cette règle et prévoit que l'opposition du parquet continuera de produire ses effets tant qu'aucune décision de mainlevée n'aura été rendue.
J'en viens maintenant aux dispositions relatives aux mariages contractés par les Français à l'étranger.
Je l'ai dit, les règles actuellement applicables à ces mariages ne sont pas adaptées aux détournements dont l'institution matrimoniale est l'objet. Il convient donc de les modifier.
À cet égard, le projet de loi introduit dans le code civil un nouveau chapitre intitulé « Du mariage des Français à l'étranger », entièrement consacré à cette question. Celui-ci présente un dispositif innovant, mais dont vous remarquerez qu'il est directement inspiré du régime applicable aux mariages célébrés en France.
En premier lieu, le projet de loi limite la possibilité pour les époux de faire produire des effets à leur mariage dès lors que celui-ci n'a pas été transcrit sur les registres de l'état civil.
C'est ainsi que les mariages non transcrits ne seront pas opposables aux tiers et produiront leurs effets civils seulement à l'égard des époux et de leurs enfants.
Cette règle est identique au mécanisme prévu à l'article 194 du code civil pour les époux mariés en France. Il est légitime que nul ne puisse réclamer le titre d'époux et les effets civils du mariage s'il ne présente un acte de mariage inscrit sur les registres de l'état civil.
Bien évidemment, il ne s'agit pas de nuire aux tiers de bonne foi. Leurs droits seront préservés, et ils pourront par exemple se prévaloir de la solidarité entre époux.
L'objectif visé par le Gouvernement au travers de cette disposition est d'empêcher qu'un mariage célébré à l'étranger, et dont la validité n'a pas encore été vérifiée, soit opposable aux autorités publiques.
Toutefois, dès lors qu'il a été célébré conformément à la loi étrangère, chacun des époux sera tenu aux devoirs du mariage prévus aux articles 212 et suivants du code civil, et la présomption de paternité à l'égard des enfants s'appliquera.
En second lieu, les conditions dans lesquelles les époux pourront obtenir la transcription de leur acte de mariage étranger dépendront désormais de l'accomplissement de certaines formalités préalables.
Ainsi, avant de se marier à l'étranger, les Français devront obtenir du consulat ou de l'ambassade un certificat de capacité à mariage.
A l'instar des mariages célébrés en France, ils devront constituer un dossier complet, être auditionnés par l'officier de l'état civil et faire procéder à la publication des bans. Si le projet de mariage ne remplit pas les conditions de validité posées par la loi française, le parquet pourra s'opposer à la célébration et, bien entendu, le certificat ne sera pas délivré.
L'obligation d'obtenir un certificat de capacité à mariage figure déjà dans un décret du 19 août 1946, mais elle n'est que rarement respectée, car aucune sanction n'y est attachée.
Le projet prévoit donc une innovation importante : le fait de ne pas avoir obtenu ce certificat rendra désormais plus difficile la transcription du mariage.
En pratique, au moment de la demande de transcription, trois hypothèses seront susceptibles de se présenter, et dans chaque cas une réponse adaptée est prévue.
Première hypothèse : les époux ont obtenu le certificat de capacité à mariage.
Dans la mesure où ils se sont soumis aux vérifications nécessaires, ils bénéficieront alors d'une présomption de bonne foi et la transcription leur sera en principe acquise. Seul un élément nouveau pourra justifier des vérifications supplémentaires, mais le parquet devra se prononcer dans les six mois, faute de quoi la transcription sera automatique.
Deuxième hypothèse : les époux se sont mariés devant l'autorité étrangère malgré l'opposition du ministère public.
En application du principe d'indépendance souveraine des États, nous savons que, même si le parquet fait opposition au mariage, les autorités étrangères pourront décider de ne pas suivre cet avis.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Évidemment !
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Dans ce cas, la transcription ne sera possible qu'à condition que les époux aient obtenu du tribunal la mainlevée de l'opposition du parquet.
Enfin, troisième et dernière hypothèse : les époux se sont mariés sans avoir accompli les démarches en vue de la délivrance du certificat de capacité à mariage.
Dans ce cas, le projet prévoit que la demande de transcription donnera obligatoirement lieu à une audition par l'autorité diplomatique ou consulaire, et que, en cas de doute sur la validité du mariage, le dossier sera transmis au parquet.
En effet, dans cette hypothèse, il n'y a pas lieu de faire bénéficier les époux de la présomption de bonne foi, et par conséquent, si le parquet n'autorise pas expressément la transcription, ils devront saisir le tribunal. À cette occasion, la validité de leur mariage pourra être examinée.
Sur ce point, votre commission a souhaité introduire une exception au principe de l'audition systématique prévu par l'article 171-7. Elle propose que la transcription puisse être ordonnée sans audition, lorsque l'autorité consulaire dispose déjà d'éléments qui lui permettent d'écarter tout risque de mariage de complaisance ou forcé. Cette décision devra alors être motivée sur les éléments de faits qui permettent d'écarter ce risque.
Je comprends l'objectif visé par cet amendement, qui tend à apporter des garanties suffisantes. J'y suis donc favorable.
J'en viens maintenant au dernier volet du projet de loi, qui concerne la procédure de vérification des actes de l'état civil faits à l'étranger.
Le régime juridique des actes de l'état civil étranger est actuellement prévu à l'article 47 du code civil.
Si le principe est celui de la force probante des actes de l'état civil étranger, le législateur de 2003 avait aménagé un mécanisme de sursis administratif et de vérification judiciaire des actes douteux. Toutefois, celui-ci s'est révélé trop lourd et complexe à mettre en oeuvre, et n'a pas permis de mettre fin à l'augmentation significative des fraudes.
C'est pourquoi le projet de loi prévoit de le simplifier en donnant à l'administration le pouvoir de rejeter les actes étrangers qui, après toutes vérifications utiles, se révèlent être irréguliers ou frauduleux.
À cet égard, votre commission a judicieusement proposé deux amendements qui me paraissent améliorer la précision juridique de l'ensemble.
Mesdames, messieurs les sénateurs, au terme de cet exposé, permettez-moi de remercier à nouveau votre commission des lois, et en particulier son président et son rapporteur, dont le travail rigoureux et très constructif a permis d'apporter de réelles améliorations à ce projet de loi.
Ces débats démontrent que nous partageons le souci de rétablir l'équilibre entre la liberté fondamentale du mariage et le contrôle de la régularité de l'intention matrimoniale.
À mon avis, le texte qui vous est soumis présente un dispositif abouti, qui contribuera à préserver la valeur de l'institution matrimoniale dans notre société. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le garde des seaux, mes chers collègues, il m'apparaît important, en abordant la discussion de ce projet de loi relatif au contrôle de la validité des mariages, qui a été adopté en première lecture par l'Assemblée nationale le 22 mars dernier, de faire un rapide inventaire des points qui, je le crois, nous rassemblent tous. Nous pourrons ainsi mieux discerner nos véritables oppositions, et cela nous permettra peut-être de les relativiser.
Le sujet est suffisamment sensible pour rappeler que le principe de la liberté du mariage, « composante de la liberté individuelle protégée par les articles II et IV de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen », a été affirmé par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 13 août 1993 et réaffirmé par lui dans sa décision du 20 novembre 2003. (M. Michel Dreyfus-Schmidt s'exclame.)
Le respect de ce principe interdit, par exemple, de subordonner la célébration du mariage à la régularité du séjour d'un futur conjoint étranger,...
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. ...ou même de considérer qu'un mariage est suspect de complaisance du seul fait de cette situation irrégulière.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Nous en reparlerons !
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Nul ne conteste que l'augmentation du nombre des mariages mixtes - la commission des lois, sur la suggestion de notre collègue Alima Boumediene-Thiery, préfèrerait que l'on parle de mariages binationaux - traduit avant tout l'évolution d'une société qui se mondialise et reflète l'importance croissante de la population française issue de l'immigration. La sincérité de l'immense majorité de ces unions n'est pas mise en cause...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ah bon ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. ... et participe largement d'une bonne intégration des populations d'origine étrangère.
Enfin, la présence d'un grand nombre de ressortissants français dans le monde constitue une exceptionnelle richesse pour le rayonnement de notre pays. N'oublions pas qu'ils sont très nombreux à avoir une double nationalité et que la multiplication d'obstacles à la transcription de leur mariage en France, jointe à la regrettable politique de réduction de la carte consulaire, risquerait de les amener à renoncer à notre nationalité, affaiblissant ainsi l'influence planétaire française.
Ces remarques consensuelles une fois faites, on se trouve confronté à une alternative des plus simples : soit on se refuse même à envisager, au nom du politiquement correct et d'une certaine forme d'angélisme, que le fondement de l'institution du mariage puisse être remis en cause par la multiplication des unions contractées exclusivement à des fins étrangères aux droits et obligations attachés au mariage par la loi ; soit on accepte de regarder la réalité en face, sans pour autant chercher à la noircir, et l'on prend les mesures nécessaires pour à la fois lutter contre les dérives dont le mariage fait l'objet et préserver la pleine possibilité de nouer des liens matrimoniaux pour toutes celles et tous ceux, quelle que soit leur nationalité, qui souhaitent s'engager dans une communauté de vie.
Nous savons tous que les mariages simulés existent, que ce soit par défaut de sincérité d'intention matrimoniale - c'est le mariage de complaisance ou le mariage blanc, conclu essentiellement à des fins migratoires - ou par atteinte à la liberté de se marier...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Dans Molière, oui !
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. ... - c'est le cas, beaucoup plus tragique encore au regard des droits élémentaires de la personne, des mariages forcés.
Combien de fois, mes chers collègues, lorsque nous avons célébré des mariages, en qualité de maire ou d'adjoint, nous sommes-nous demandés si les larmes de la jeune épouse étaient bien des larmes de joie ? (Murmures sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.) Combien de fois, après avoir cru de notre devoir d'alerter le procureur de la République, nous sommes-nous vu inviter, pardonnez la familiarité de l'expression, à nous « occuper de ce qui nous regardait », suspectés au mieux de zèle excessif ou au pire d'arrière-pensées discriminatoires ?
Les statistiques dont nous disposons conduisent à redouter une augmentation des mariages simulés, même si la disponibilité des chiffres s'avère médiocre - nous ne disposons, par exemple, d'aucune statistique par sexe et par nationalité sur les mariages binationaux célébrés en France - et s'il convient de les manier avec prudence.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Créez un fichier ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Il faut ainsi à la fois se garder d'assimiler mariages célébrés à l'étranger et mariages mixtes, puisqu'il y a aussi des mariages entre Français célébrés à l'étranger,...
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Ce sont de bons mariages !
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. ...et conserver à l'esprit que les mariages mixtes célébrés à l'étranger ne peuvent être pris en compte aussi longtemps que les intéressés n'en demandent pas la transcription.
Sans abuser de votre patience, permettez-moi de citer quelques statistiques indiscutables et aisément vérifiables.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Nous vérifierons !
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. De 1999 à 2003, le nombre des mariages célébrés en France entre des Français et des ressortissants étrangers a progressé de 62 %. En 2005, ils représentaient 50 000 des 275 000 mariages célébrés en France. Parallèlement, les mariages mixtes célébrés à l'étranger ont plus que triplé en dix ans passant de 13 000 en 1995 à 44 900 en 2004. Aujourd'hui, environ 95 000 des 320 000 mariages célébrés chaque année sont binationaux, soit près d'un tiers,...
M. Robert Bret. C'est effrayant !
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. ...alors qu'on s'accorde à estimer que 8 % à 10 % de la population vivant en France est étrangère.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est effrayant ! C'est l'apocalypse !
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Je ne sais pas si c'est effrayant, mais ce sont les chiffres, et ils sont têtus !
Comment ne pas noter encore l'étroite corrélation de l'envolée des mariages mixtes, dans le temps et dans l'espace, avec le renforcement des contraintes de l'immigration ? Entre 1994 et 2004, le nombre de mariages à l'étranger de ressortissants français avec un conjoint algérien a augmenté de 595 %, avec un conjoint marocain de 506 %, avec un conjoint tunisien de 314 %, et avec un conjoint turc de 656 %.
M. Robert Bret. Et avec les Sénégalais ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Mon cher collègue, je tiens ces chiffres à votre disposition !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il faut donner les chiffres et non les pourcentages ! On est peut-être passé de un à trois, de un à six, à partir de quelques unités !
M. Dominique Mortemousque. Laissez parler M. le rapporteur ! Vous interviendrez ensuite !
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Parallèlement, le mariage avec un Français est désormais la première source d'immigration légale en France. En 2004, sur 75 753 personnes devenues françaises par déclaration de nationalité, 34 440 l'ont été à raison du mariage. Elles n'étaient que 19 493 en 1994.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Aïe aïe aïe !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Oui, mais il y a les naturalisations !
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Mes chers collègues, lorsque l'on retrouve, dans un ravin, une voiture criblée de balles, on peut toujours estimer que l'accident est dû à une panne d'essence !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Quel rapport ?
M. Robert Bret. Quelle comparaison !
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Autrement dit, gardons-nous tout autant de noircir les chiffres que de verser dans l'angélisme ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est une comparaison meurtrière !
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Quant au nombre d'annulations de mariages - 786 en 2004 -, je reconnais volontiers qu'il reste peu significatif. Cependant, compte tenu des exigences en termes de charge de la preuve qui conditionnent la saisine de l'autorité judiciaire en vue de l'annulation du mariage, je crains qu'il ne témoigne davantage de l'augmentation des mariages simulés que de leur ampleur.
Monsieur le garde des sceaux, entendu par la commission d'enquête du Sénat sur l'immigration clandestine, le 21 décembre dernier, vous faisiez état de réseaux d'organisation de mariages de complaisance demandant aux candidats au mariage de débourser de 12 000 à 15 000 euros et versant aux Françaises, souvent des personnes en situation de précarité, entre 3 000 et 8 000 euros. La lutte contre cette délinquance organisée et le démantèlement de ces filières d'immigration clandestine - ce fut récemment le cas d'une filière tunisienne dans la région de Clermont-Ferrand - apparaissent comme une ardente obligation.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cela suffit !
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Le présent projet de loi s'inscrit dans la continuité de la loi du 30 décembre 1993 portant diverses dispositions relatives à la maîtrise de l'immigration et modifiant le code civil, de celle du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité, comme de la loi plus récente, du 4 avril 2006, renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple.
Il donne davantage de moyens de lutte contre les mariages simulés, qu'il convient d'appréhender au regard du principe fondamental de la liberté du mariage. (M. Michel Dreyfus-Schmidt s'exclame.)
Les dispositions nouvelles applicables à tous les mariages célébrés sur notre territoire, quelle que soit la nationalité des époux, ne posent guère de problème, qu'il s'agisse de l'ordre dans lequel doivent être accomplies les formalités préalables au mariage, de la constitution du dossier à la publication des bans, ou de l'amélioration des conditions de réalisation de l'audition des futurs époux.
Ce projet de loi comble également un vide juridique en faisant de l'obligation pour les futurs époux de présenter une identité officielle une exigence légale.
C'est assez surprenant, mes chers collègues, mais, comme M. le ministre l'a rappelé tout à l'heure, en l'état actuel du droit, l'officier d'état civil ne peut, sous peine de commettre une voie de fait, refuser de célébrer un mariage si les futurs époux se refusent à produire une quelconque pièce d'identité.
Votre rapporteur aurait même souhaité aller un peu plus loin sur ce point - mais la commission ne l'a pas suivi -, en prévoyant que l'identité des futurs époux devrait être justifiée par le seul moyen de la carte nationale d'identité ou du passeport, à l'exclusion de toute pièce délivrée par une autorité publique.
Le récent rapport de la mission d'information de la commission des lois du Sénat sur la nouvelle génération de documents d'identité et la fraude documentaire, présidée par Charles Guené et dont j'étais le rapporteur, préconise de retenir la carte d'identité et le passeport comme seuls documents valant justificatif d'identité pour l'ensemble des relations avec l'administration, tant le niveau de sécurité présenté par les autres documents se révèle évanescent.
Je sais bien que, à ce jour, la carte nationale d'identité n'est pas obligatoire. Toutefois, par cette remarque incidente, je souhaite me montrer cohérent avec nos travaux antérieurs et donner au Gouvernement l'occasion de s'exprimer sur la question.
Les dispositions essentielles du présent projet de loi concernent les mariages contractés par des Français à l'étranger. Elles privilégient les contrôles antérieurs à la cérémonie, dans la mesure où le Français désirant se marier devant une autorité étrangère devra obtenir préalablement un certificat de capacité à mariage attestant qu'il a accompli les formalités requises, notamment l'audition.
Les conditions de la transcription du mariage dépendront de l'octroi de ce certificat, ce qui se révèle d'autant plus essentiel que le projet de loi fait désormais de la transcription une condition de l'opposabilité du mariage en France, à tout le moins à l'égard des tiers.
Enfin, le projet de loi prend acte de l'échec de la procédure de vérification des actes de l'état civil étranger instaurée par la loi du 26 novembre 2003. Trop complexe, ce mécanisme de sursis administratif et de vérification par le procureur de la République de Nantes est resté inutilisé.
La mission d'information que j'évoquais précédemment avait constaté la validité incertaine de bon nombre d'actes de l'état civil établis à l'étranger. Ainsi, en 2001 et 2002, le ministère des affaires étrangères a tenté d'évaluer la réalité du phénomène en consultant certains de ses postes consulaires, en particulier en Afrique francophone. Il a conclu, par exemple, que le nombre d'actes irréguliers, falsifiés ou inexistants représentait une part considérable de ceux qui étaient présentés aux agents diplomatiques et consulaires - de l'ordre de 32 % au Niger, 60 % en Guinée et 90 % en République démocratique du Congo ou aux Comores.
Le Gouvernement entend donc mettre en place une nouvelle procédure plus efficace de sursis à statuer et de vérification, dont il prévoit de préciser les modalités par décret.
Tout en approuvant, sur le fond, la simplification souhaitée par le Gouvernement, la commission estime, en revanche, que le nouveau dispositif doit être explicitement prévu dans la loi. Elle vous présentera donc un amendement dans ce sens.
En conclusion, loin de stigmatiser les mariages binationaux, ce projet de loi rétablit cohérence et symétrie en appliquant les mêmes formalités aux mariages, qu'ils soient célébrés à l'étranger ou en France.
Sans mettre en cause la liberté constitutionnellement garantie de se marier, il apporte des moyens nouveaux de prévention des mariages simulés ou, à tout le moins, de paralysie de leurs effets.
Sous réserve de quelques amendements de précision et de simplification, votre commission vous invite donc à adopter ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Fermez le ban !
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe Union pour un mouvement populaire, 47 minutes ;
Groupe socialiste, 32 minutes ;
Groupe Union centriste-UDF, 14 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 11 minutes.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Christian Cambon.
M. Christian Cambon. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'examen du projet de loi relatif au contrôle de la validité des mariages qui nous est soumis aujourd'hui s'inscrit dans une série de textes dont l'objet est de doter notre pays de moyens efficaces et équilibrés de maîtrise de l'immigration irrégulière.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il serait temps !
M. Christian Cambon. On sait, en effet, que les mariages simulés constituent un phénomène en forte augmentation et contribuent, pour une large part, à l'entrée irrégulière d'étrangers sur notre territoire.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. C'est faux !
M. Christian Cambon. Ce texte renforce aussi les moyens de lutte contre la recrudescence des fraudes aux actes d'état civil, en simplifiant et en rendant plus efficaces les procédures de vérification des actes d'état civil étrangers.
En effet, la lutte contre l'immigration illégale est un combat global. Qui peut croire qu'un corpus législatif partiel permettra une action efficace ? Fermer dix vannes, si la onzième n'est pas étanche, c'est l'ensemble du dispositif qui devient inutile.
Certes, notre rapporteur l'a rappelé, la loi de 2003 relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité a permis un meilleur contrôle des étrangers entrant sur notre territoire. La loi relative au droit d'asile a permis, quant à elle, de lutter plus efficacement contre cette forme d'immigration irrégulière qui consiste à entrer légalement sur le territoire avec un visa de tourisme, puis à demander l'asile une fois en France, après avoir détruit ses propres papiers. (Mme Nicole Borvo et M. Michel Dreyfus-Schmidt protestent.)
Détourner le mariage de sa finalité légitime est une autre source d'immigration illégale. La loi de 2003 a, certes, doté les pouvoirs publics de moyens efficaces pour lutter contre ces mariages en France, en permettant une audition séparée des futurs mariés avant la célébration du mariage, pour vérifier la réalité de leur intention matrimoniale.
Elle a également mis en place un dispositif pénal aux fins de réprimer le mariage de complaisance.
De plus, en augmentant, en juillet dernier, de un à deux ans, puis de deux à quatre ans, le temps nécessaire pour pouvoir prétendre à l'acquisition de la nationalité par simple déclaration à raison du mariage, le Gouvernement a souhaité donner un signal fort, dont l'objet était de démonétiser la valeur migratoire du mariage.
Dès lors, une loi supplémentaire sur le mariage était-elle nécessaire ?
Certains de nos collègues se sont inquiétés de nouvelles entraves qui pourraient porter atteinte à cette liberté fondamentale qu'est la liberté de se marier. D'autres ont évoqué l'incompatibilité de ce projet de loi avec les conventions internationales qui protègent le mariage.
Légiférer sur le mariage aboutirait-il inexorablement à l'affaiblir ? Pour notre part, à l'UMP, nous ne le croyons pas.
L'intention du Gouvernement n'est évidemment pas d'empêcher les Français de l'étranger de se marier ; elle est plutôt de protéger le mariage contre ceux qui l'instrumentalisent à des fins migratoires, de lutter contre les mariages simulés, c'est-à-dire les mariages de complaisance et les mariages forcés.
Il ne s'agit donc ici, en aucune manière, de porter atteinte à la liberté du mariage. C'est contre la fraude au mariage que nous devons agir pour que les obligations applicables sur le territoire français le soient également, et de la même manière, à l'étranger.
Désormais, le mariage ne doit plus avoir pour seule finalité de permettre à certains hommes d'entrer sur le territoire.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Et les femmes ?
M. Christian Cambon. Il ne doit pas faire l'objet de trafic migratoire, de négoce fructueux, dont la monnaie d'échange est constituée de femmes mineures ou soumises.
Car ce sont elles les premières victimes de ce trafic : des jeunes femmes, parfois de nos cités, issues de la deuxième génération de l'immigration. Insuffisamment informées et protégées, elles sont conduites, souvent de force, dans leur pays d'origine pour y épouser un homme qu'elles n'ont pas choisi et qui, parce qu'il est resté au pays, demeure le seul époux acceptable aux yeux de leur famille.
Cela n'est pas un mythe, mes chers collègues ! Dans nos banlieues, nous connaissons ce phénomène qui se manifeste aujourd'hui et dont les medias se font régulièrement l'écho.
Si nous ne partageons pas tous la même vision de la politique migratoire, nous ne devons et ne pouvons pas demeurer insensibles à une telle dérive de plus en plus fréquente.
Pour autant, il ne s'agit pas de nier les évolutions de notre société, bien au contraire. Le nombre de mariages binationaux est en constante augmentation : entre 1999 et 2003, ils ont progressé de 62 %. Ils représentent aujourd'hui près d'un mariage sur trois. Environ la moitié de ces mariages sont célébrés à l'étranger : 44 727 en 2004.
C'est le signe que la société française est une société dynamique, ouverte sur le monde et confiante en elle-même.
Compte tenu du nombre croissant d'immigrés de la deuxième génération en âge de se marier, il est tout à fait naturel que le nombre de mariages avec des ressortissants de leur pays d'origine, dont ils partagent la même culture, soit en augmentation.
En revanche, nous devons porter à ces chiffres toute l'attention qu'ils méritent.
Leur progression est particulièrement importante pour les pays dans lesquels la pression migratoire est très forte, tels que les pays du Maghreb ou de l'Afrique subsaharienne francophone, qui enregistrent près de 60 % de ces mariages. Ces chiffres ont triplé en dix ans, alors qu'ils sont parfois en recul dans certains États de l'Union européenne, et cela alors même que nos échanges avec ces pays n'ont jamais été aussi intenses.
Ce constat nous invite donc à la plus grande prudence.
À l'évidence, le présent projet de loi aborde de nombreux aspects concernant l'ensemble des mariages, notamment entre deux Français. Mais il est aussi, et surtout, une pierre supplémentaire apportée au dispositif de lutte contre l'immigration irrégulière. Si l'on veut être à la hauteur des défis qui nous sont posés, il faut lutter sur tous les fronts.
Comme en témoigne le remarquable rapport de la commission d'enquête sur l'immigration clandestine, élaboré par notre excellent collègue François-Noël Buffet, le mariage est, malheureusement, l'un des moyens les plus communs pour un étranger d'entrer illégalement sur le territoire et de tenter d'obtenir un titre de séjour ou la nationalité française.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Caricature !
M. Christian Cambon. C'est un moyen commun, mais surtout avantageux, car, si l'on en croit les chiffres, le mariage avec un Français est devenu la première source d'immigration légale en France.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Mais non ! C'est une bêtise !
M. Christian Cambon. Le Sénat n'a pas attendu pour se saisir de ces problèmes, et son influence a été décisive sur les lois de 2006. Ainsi, lors de l'examen de la proposition de loi renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple ou commises contre les mineurs, l'amendement de notre collègue Mme Joëlle Garriaud-Maylam a permis de faire passer l'âge nubile des femmes de quinze à dix-huit ans.
Ne sous-estimons pas l'importance de cette mesure, sans doute la plus significative qui ait été prise ces dernières années dans la lutte contre les mariages forcés. Cela nous a permis à tout le moins de nous mettre en conformité avec les recommandations du Comité des droits des enfants des Nations unies pour l'application de la convention sur les droits des enfants. Puisqu'elle est présente sur nos travées, permettez moi de saluer la clairvoyance de notre collègue en la matière. (M. Robert Del Picchia applaudit.)
Le projet de loi relatif au contrôle de la validité des mariages s'intègre donc parfaitement dans la double ambition de maîtrise de l'immigration irrégulière et de lutte contre les mariages forcés.
Il le fait en luttant contre le mariage de complaisance et dans le respect de cette institution, qui est, je le rappelle, un principe constitutionnel, composante de la liberté individuelle protégée par les articles II et IV de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.
Le Gouvernement propose de mettre en place un dispositif de contrôle a priori de la validité des mariages célébrés à l'étranger.
À cet effet, l'une des principales mesures du projet de loi - notre excellent rapporteur vient de la présenter - vise à la délivrance, à l'issue d'une audition par l'autorité diplomatique ou consulaire, d'un certificat de capacité à mariage dont l'obtention conditionnera ensuite les modalités de la transcription du mariage sur les registres de l'état civil français.
L'audition permettra de vérifier les motivations des deux époux dans leur démarche d'union. Elle apparaît essentielle à plus d'un titre, son avantage principal étant, à notre sens, de décourager les candidats d'utiliser le mariage comme moyen d'immigration. Elle permettra aussi de déceler la pression dont sont victimes de trop nombreuses jeunes femmes de la part de leur famille : il est utile de rappeler ici que le libre consentement est un principe de notre République et que les candidats à la nationalité française se doivent de le respecter s'ils veulent séjourner sur notre territoire.
Pour toutes ces raisons, mon groupe adhère à ce projet de loi, qui instaure un outil dissuasif efficace contre l'utilisation du mariage aux seules fins d'acquérir la nationalité française. Il constituera aussi, sans aucun doute, un pas important dans la lutte contre les mariages forcés.
Reste cependant un point que la commission des lois et son président, M. Jean-Jacques Hyest, mais aussi, plus particulièrement, notre collègue Christian Cointat ont soulevé dans l'examen du projet de loi : doit-on en effet, par une audition conditionnant la transcription de leurs voeux au registre d'état civil français, inquiéter des époux sincères qui se sont mariés devant une autorité étrangère selon les coutumes locales et qui n'ont pas fourni de certificat de capacité à mariage ?
En effet, si le mariage est la première source d'immigration légale vers la France, l'immense majorité des unions est évidemment sincère. Or, dans ce cas, le dispositif peut se révéler relativement contraignant, surtout lorsque des centaines de kilomètres séparent la résidence des époux de la représentation consulaire la plus proche. Il peut donc apparaître délicat de mettre en doute la bonne foi des époux au seul motif qu'ils n'ont pas sollicité préalablement le certificat de capacité à mariage.
La commission avait donc initialement proposé que les époux sincères s'étant unis devant les autorités étrangères sans solliciter préalablement ce certificat puissent être exonérés d'audition dans le cas où, au vu des pièces du dossier, celle-ci ne semblerait pas nécessaire. Il serait en effet regrettable que de jeunes mariés soient inquiétés par les autorités françaises au lendemain de leurs voeux pour avoir oublié d'effectuer une démarche administrative.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Sauf...
M. Christian Cambon. Seraient également concernées les personnes mariées depuis plus longtemps, mais n'ayant pas sollicité le certificat de capacité au mariage.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il faut les faire divorcer, s'ils se sont mal mariés !
M. Christian Cambon. Mon groupe comprend donc le souci témoigné par la commission des lois de simplifier le dispositif. Cependant, il a également été sensible aux objections de la Chancellerie et partage la volonté de celle-ci de ne pas vider le texte de sa substance au détour d'une mesure qui, pour être de bon sens, n'en pourrait pas moins créer une véritable brèche.
Nous nous satisfaisons donc aujourd'hui de la position de compromis à laquelle nous avons abouti, qui permet de donner davantage de latitude d'interprétation aux postes diplomatiques et consulaires tout en les responsabilisant sur l'enjeu d'un tel contrôle. En effet, si l'audition est en principe le moyen le plus adapté pour procéder à la vérification de l'existence d'une fraude, il en existe d'autres. Il convient donc de permettre la transcription sans audition lorsque les postes consulaires disposent de suffisamment d'informations permettant de ne pas douter de la validité et de la sincérité du mariage.
Si nous nous satisfaisons de cette nouvelle rédaction, nous nous interrogeons toutefois sur la possibilité pratique de réaliser de telles auditions, alors que les postes consulaires sont déjà surchargés par les nouvelles missions qui leur ont été dévolues.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est bien vrai !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Très bien !
M. Christian Cambon. Voilà trois ans, ne l'oublions pas, nous avions déjà confié aux ambassades et aux consulats la lourde et importante mission de réaliser les visas biométriques afin de disposer de données précises sur les étrangers qui entrent en France et de mieux lutter contre la propension de certains à entrer avec un visa de tourisme sur notre territoire et à ne plus le quitter.
Quoi qu'il en soit, la question de la pertinence de la politique de réduction des postes consulaires se trouve clairement posée, monsieur le ministre. Nous souhaitons que ces postes à l'étranger puissent mener à bien les missions que nous leur confions ; pouvez-vous nous donner ici les garanties que nos représentants à l'étranger seront bien à même de conduire cette nouvelle mission ?
M. Robert Del Picchia. Très bien !
M. Christian Cambon. De la même manière, notre groupe salue les dispositions visant à lutter contre la recrudescence des fraudes aux actes d'état civil. Lorsque l'on constate que 90 % des actes présentés dans nos consulats aux Comores ou en République démocratique du Congo sont faux ou frauduleux, on comprend la nécessité de réagir avec efficacité pour éviter la multiplication des filiations fictives ou des reconnaissances mensongères d'enfants.
En supprimant le caractère judiciaire des procédures de vérification et en autorisant les autorités administratives à opérer elles-mêmes ces vérifications dans un délai raisonnable, le projet de loi apporte, là aussi, des éléments de lutte efficace contre la fraude en matière d'actes d'état civil.
Parvenu au terme de mes propos, je souhaiterais saluer le remarquable travail qu'a effectué le rapporteur, M. Jean-René Lecerf. Il a su en effet, à travers son rapport et les amendements que nous examinerons, améliorer ce texte et le rendre plus efficace, sans jamais porter atteinte à cette liberté fondamentale du mariage.
M. René Garrec. Très bien !
M. Christian Cambon. C'est également l'honneur de ce gouvernement, singulièrement du ministre d'État, ministre de l'intérieur, Nicolas Sarkozy,...
M. Christian Cambon. ... et du garde des sceaux, ministre de la justice, Pascal Clément, ...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ah ! Quand même !
M. Robert Bret. Et le Premier ministre ?
M. Christian Cambon. ... d'avoir su apporter une réponse législative courageuse et efficace à ces problèmes d'immigration irrégulière.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Mais non, ce ne sera pas efficace !
M. Christian Cambon. En la matière, c'est ce qu'attendent nos concitoyens de leurs élus, de tous leurs élus.
Aussi mon groupe souscrit-il à la totalité des dispositions qui nous sont proposées, et votera ce texte, enrichi des amendements de M. le rapporteur.
Encore une fois, ces nouvelles dispositions permettront de lutter contre les fraudes multiples qui favorisent l'immigration illégale tout en préservant cette liberté fondamentale qu'est la liberté de mariage. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, l'objet du projet de loi dont la discussion nous réunit aujourd'hui est clair : durcir la législation sur le mariage afin de l'utiliser comme outil de régulation des flux migratoires. Il vise, de ce fait, directement les étrangers et cible exclusivement les mariages binationaux. L'esprit de ce texte sous-entend que ces mariages seraient en majorité des mariages de complaisance.
Les deux premières phrases de l'exposé des motifs sont sans ambiguïté et illustrent parfaitement mes propos : « La lutte contre l'immigration irrégulière et les mariages forcés constitue l'une des priorités du Gouvernement. Force est de constater que les règles du mariage, conforme à notre idéal républicain, sont trop souvent détournées de leur objet à des fins purement migratoires. » Tout est dit !
Par parenthèse, que penser des grands mariages bourgeois du xixe siècle, ô combien arrangés, qui déjà détournaient les règles du mariage à des fins purement économiques ?
À l'Assemblée nationale, monsieur le garde des sceaux, vous accusiez nos collègues de critiquer un texte qui n'était pas le vôtre, car, prétendiez-vous, il n'y est nullement question d'immigration. L'exposé des motifs, nous venons de le voir, vient apporter un premier bémol à ces allégations.
Le rapport de notre collègue M. Lecerf vient en apporter un second. Il est en effet très clair quand il établit insidieusement un lien entre mariages mixtes - ou binationaux, pour être en accord avec mes collègues socialistes - et mariages de complaisance : « Certes, il serait caricatural d'assimiler mariages binationaux et mariages simulés. [...] Néanmoins, » - et tout est dans cette nuance - « la coïncidence de ce phénomène avec le renforcement des contrôles de l'immigration et l'intérêt comparatif accru du mariage binational n'apparaît pas totalement fortuite ».
Le doute n'est plus permis : les mariages binationaux sont purement et simplement identifiés à des mariages de complaisance, contractés dans le seul but d'obtenir un titre de séjour et/ou la nationalité française.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Vous caricaturez, chère collègue !
Mme Josiane Mathon-Poinat. Pas du tout ! Je vous ai cité, mon cher collègue !
Cet amalgame est effarant, tout autant d'ailleurs que d'autres arguments utilisés pour restreindre le droit au mariage des étrangers avec un citoyen français et pour stigmatiser toujours plus les étrangers, toujours suspects, toujours fraudeurs.
J'en veux pour preuve l'argument du nombre d'enfants issus des couples binationaux, qui serait insuffisant au regard du nombre important de mariages mixtes. Je reprends ici les propos du garde des sceaux : « Près d'un mariage sur trois est un mariage mixte ; or, seul un enfant sur dix naît d'un couple mixte. La comparaison de ces deux chiffres et le décalage qui en résulte suffisent à révéler que le mariage est utilisé à des fins étrangères à l'instauration du lien conjugal et à la fondation d'une famille ». Quels raccourcis !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est scandaleux !
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Honnêtement, c'est le bon sens ! Le rapprochement des chiffres est frappant !
Mme Josiane Mathon-Poinat. Quel syllogisme !
Mme Josiane Mathon-Poinat. Votre argumentation est un syllogisme rabougri ! (Sourires.)
Comment affirmer sérieusement que le nombre insuffisant d'enfants issus de mariages mixtes serait la preuve de mariages à caractère frauduleux ? Les étrangers et les Français qui se marient auraient-ils une obligation de résultat quant au nombre d'enfants à mettre au monde ?
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il faut y soumettre aussi les autres ! Un contrat !
Mme Josiane Mathon-Poinat. Vos propos, monsieur le garde des sceaux, sont consternants et dangereux par l'amalgame et les insinuations détestables qu'ils opèrent !
Quant à l'argument selon lequel l'ampleur de la fraude au mariage serait corroborée par l'évolution du nombre de signalements transmis au parquet par les autorités consulaires, il est lui aussi fort discutable. J'ai, pour ma part, l'impression que la logique est inverse : les étrangers subissent depuis plus de dix ans une législation sur le droit au séjour de plus en en plus ferme ; dans ce contexte, qui leur est plutôt hostile, il me semble que la suspicion entretenue sur leurs unions avec des Français entraîne une augmentation du nombre des signalements.
Une fois de plus, on ne peut établir de lien direct entre les signalements et le nombre de mariages blancs effectivement constatés. La preuve en est que le nombre de mariages effectivement annulés pour être de complaisance est très nettement inférieur au nombre de signalements.
Par ailleurs, l'union avec un Français est loin de constituer une garantie en ce qui concerne tant le droit au séjour que l'acquisition de la nationalité. Contrairement à ce que voudrait faire croire le Gouvernement, le statut de conjoint étranger n'est plus protégé ni protecteur depuis 2003 ; voilà d'ailleurs plus d'une dizaine d'années qu'il n'offre plus d'automaticité en matière de titre de séjour ou d'acquisition de la nationalité française.
Avant 1993, un étranger qui se mariait avec un Français pouvait se voir immédiatement délivrer une carte de séjour valable dix ans, sans condition de séjour régulier, d'ailleurs, et, six mois plus tard, obtenir la nationalité française par déclaration. Depuis la loi du 24 août 1993 incluse, les différentes lois relatives à l'immigration, mise à part peut-être la loi Chevènement de 1998, ont toutes durci les conditions d'octroi aux conjoints étrangers des titres de séjour et de la nationalité.
En ce qui concerne l'acquisition de la nationalité, la loi de 1998 prévoyait un délai de un an à compter du mariage avant que le conjoint étranger puisse demander la nationalité française. Ce délai est passé à deux ans avec la première loi Sarkozy sur l'immigration, loi du 26 novembre 2003. Trois ans plus tard, avec la loi du 24 juillet 2006, toute neuve, toute récente, qui vient donc à peine d'être promulguée, ce délai est désormais de quatre ans.
Quant à la délivrance de la carte de résident, avant 2006, elle était de plein droit pour le conjoint étranger marié depuis au moins deux ans avec un Français, ce délai ayant été lui-même allongé d'un an par la loi de 2003.
Depuis la loi du 24 juillet dernier, la délivrance de la carte de résident n'est plus de droit pour un conjoint étranger ; elle est à la discrétion de l'autorité préfectorale, et après trois ans de mariage, ce délai ayant lui aussi été allongé.
Rien ne permet de dire par conséquent que le fait de se marier avec un Français facilite le séjour ou l'acquisition de la nationalité française. Le statut de conjoint de Français n'ouvre pas un droit automatique à l'accès à un titre de séjour ou à la nationalité, comme c'est si souvent répété dans les rangs de la majorité ou parmi les membres du Gouvernement.
À moins de considérer, bien sûr, que les lois votées par ce gouvernement en matière d'immigration ne sont pas efficaces !
Enfin, était-il nécessaire, comme le prévoit ce projet de loi, de multiplier les obstacles a priori et a posteriori, pour les mariages à l'étranger, si ce n'est afin de dissuader purement et simplement deux personnes sincères, mais qui n'ont pas la même nationalité ?
Il est donc permis d'affirmer que ce texte remet en cause le droit au mariage, pourtant reconnu par la Déclaration universelle des droits de l'homme et la Convention européenne des droits de l'homme. En effet, la liberté de se marier ne dépendra plus de la volonté de deux individus, mais elle sera subordonnée à l'avis et à la décision soit de l'officier d'état civil, soit du procureur de la République.
Ce texte porte atteinte non seulement au droit au mariage, mais également au principe de non-discrimination garanti par l'article 14 de la Convention européenne des droits de l'homme, la CEDH. Ce dernier interdit en effet toute restriction à l'exercice des droits protégés par la Convention en raison de considérations discriminatoires, notamment liées à l'origine nationale.
Ce projet de loi remet en cause non seulement ces droits fondamentaux, mais également la liberté de se marier pour les étrangers en situation irrégulière, liberté pourtant reconnue par le Conseil constitutionnel dans sa décision de 1993, réaffirmée en 2003, ainsi que par un jugement rendu la semaine dernière déboutant un maire UMP qui refusait de célébrer un mariage dans sa commune.
En effet, l'exigence d'une pièce d'identité, prévue par l'article 1er, sera le moyen détourné d'exiger de l'étranger souhaitant se marier un titre de séjour, qui est une pièce délivrée par une autorité publique. Un étranger en situation irrégulière sera, de fait, privé de son droit de se marier.
Ne me rétorquez pas qu'il est inconcevable de ne pas pouvoir demander une pièce d'identité aux futurs époux, comme je l'ai entendu récemment ! Le contexte politique actuel et la philosophie de ce projet de loi étant de dénier les droits les plus fondamentaux des étrangers, permettez-moi d'être très sceptique quant à la finalité précise de l'exigence d'une pièce d'identité !
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. C'est pour savoir qui l'on marie !
Mme Josiane Mathon-Poinat. Cette nouvelle condition se trouve être un moyen de contrôle qui tombe à point nommé pour vérifier l'existence d'un titre de séjour.
Lorsque le rapporteur de l'Assemblée nationale parle de « clairvoyance » dans le cas de mariages binationaux et de leur contrôle, j'ai toutes les raisons d'être plutôt inquiète quant à la subjectivité qui risque fort de régner dans les mairies.
De manière générale, en décidant d'édicter des règles plus sévères dès lors qu'il s'agit d'un mariage binational, ce sont les droits du conjoint de nationalité française auxquels vous portez atteinte également. Mais dans les deux cas, les deux futurs conjoints sont lésés
Pourtant, dans cet hémicycle, combien fut vantée l'institution du mariage ! Mais vous refusez ce dernier aux homosexuels et aux étrangers !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Cela n'a rien à voir !
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Le Pape le refuse aux prêtres !
Mme Josiane Mathon-Poinat. Et vous refusez aussi le droit de vote aux étrangers en rétorquant : qu'ils prennent la nationalité française !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C'est un amalgame insupportable !
Mme Josiane Mathon-Poinat. Vos paradoxes sont sublimes, mais la vérité est autre.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. C'est un syllogisme rabougri !
Mme Josiane Mathon-Poinat. Non, ce n'en est pas un !
Dans l'analyse des statistiques, vous évitez magistralement de reconnaître que les mariages binationaux résultent en fait du brassage des populations, de ce mouvement sans frontière, de rencontres, de connaissance ou de reconnaissance des autres cultures, ce besoin contemporain de pouvoir vivre ici ou ailleurs, avec un compagnon d'ici ou d'ailleurs.
Ces mariages binationaux sont, en particulier avec le Maghreb, le fruit de notre histoire commune avec ces pays et les signes plutôt positifs d'une « mixité » réussie.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Indigènes !
Mme Josiane Mathon-Poinat. Ce texte opère avec le même acharnement sur un sujet qui vous obsède : l'immigration. Nous le rejetons tout aussi fortement que les lois précédentes. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, un parcours d'obstacles : voilà en quoi ce texte transforme le projet des 90 000 Français qui, chaque année, veulent se marier avec un étranger.
Les Français établis à l'étranger s'inquiètent des conséquences que ce texte aura pour eux, mais ils sont loin d'être tous situés au coeur de la cible de ce projet répressif. Ils seront atteints, comme le seront les Français résidant en France, surtout ceux dont les ascendants d'origine étrangère formeront le projet d'épouser un étranger.
Ce texte sera très discriminatoire, il suffit de lire l'exposé des motifs et les dispositions proposées dans les différents articles pour en être persuadé.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Ce texte porte évidemment atteinte au droit constitutionnel de vie en famille consacré par la Convention européenne des droits de l'homme.
Ce texte pose aussi de sérieux problèmes de relations internationales, et certains de mes collègues développeront ce point.
Contraint de respecter ses engagements internationaux, le Gouvernement est confronté au fait que, lorsqu'un mariage est célébré à l'étranger, l'intention matrimoniale n'est pas contrôlée par un officier d'état civil français.
Ce projet de loi, avec ses complications administratives, ses procédures judiciaires perpétuellement susceptibles de recours, a donc pour but de vérifier, même a posteriori, même alors que le mariage est consommé, comme en témoigne la naissance d'enfants, que l'intention matrimoniale est - ou était - la seule fin du mariage et que celui-ci n'est entaché d'absolument aucun objectif migratoire.
Il me semble que, avant d'aller plus loin, chacun de nous devrait s'assurer de pouvoir répondre positivement à trois questions.
Premièrement, ce projet de loi apporte-t-il une réponse efficace à des faits qui mettraient en danger notre société ?
Deuxièmement, ce projet de loi améliore-t-il le dispositif préexistant de lutte contre les mariages migratoires ?
Troisièmement, ce projet de loi est-il applicable par l'administration et par la justice ? J'insiste beaucoup sur cette troisième question, parce que le problème de l'applicabilité met en jeu le sens de notre travail. Si nous légiférons pour que la loi ne soit pas applicable, cela n'a aucun sens. Je crains que ce ne soit le cas.
M. Charles Gautier. Ce ne serait pas la première fois !
M. Robert Bret. Surtout depuis 2002 !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Cette loi est-elle une réponse efficace à un problème de société ?
L'existence de mariages contractés à seule fin d'assurer à un conjoint étranger la possibilité de s'établir en France me choque tout particulièrement.
En effet, quand on représente les Français à l'étranger, on est confronté à ces situations : le courrier reçu à Paris, les visites dans les consulats montrent qu'il existe quelques problèmes.
Et on sait trop de quelles souffrances vont se payer, pour le conjoint victime et les enfants, un mariage d'intérêt fondé sur une tromperie plus ou moins déguisée et dont la victime, homme ou femme, est plus ou moins consentante.
Mais, de grâce, ces affaires qui touchent à l'intimité ne se prêtent pas aux analyses sommaires que nous venons d'entendre.
D'abord, rappelons-nous que le mariage d'intérêt n'est pas une nouveauté ! En quoi le migrant qui cherche, à la faveur d'un mariage, un accès vers la France est-il différent, dans l'usage qu'il fait du mariage, du chasseur de dot dont se méfiaient les familles de nos grands-mères ?
Et de même que, dans ma Sarthe natale, le montant de la dot de la jeune fille et les espérances du jeune homme étaient, voilà moins de cent ans - il suffit que je lise le contrat de mariage de mes grands-parents pour le savoir -, l'un des facteurs les plus importants d'une union négociée par les familles et leurs notaires, de même la faculté du conjoint français d'offrir le droit au séjour en France entre en ligne de compte dans certains mariages. Sinon, pourquoi des filles de vingt ans épouseraient-elles des barbons sexagénaires ou septuagénaires français (Exclamations sur les travées de l'UMP) ...
M. le président. Tous les sexagénaires ne sont pas des barbons !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. On était barbon à quarante ans du temps de Molière, on est vraiment barbon à soixante ou soixante-dix ans en France, aujourd'hui !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Mais ces mariages-là ne représentent qu'une toute petite partie des mariages célébrés à l'étranger, et ce dans moins d'une dizaine de pays.
Dans l'immense majorité des cas, la mobilité professionnelle internationale, le tourisme, l'usage d'Internet, le très grand nombre de citoyens plurinationaux - nous appartenons maintenant à des familles dont les membres comptent deux, trois, quatre nationalités différentes - expliquent largement le fait que l'on se marie à l'étranger, ou en France avec un étranger.
Combien y a-t-il de mariages Erasmus en Europe aujourd'hui ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Il y a une baisse des mariages !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Combien de coopérants naguère, combien de volontaires internationaux, combien d'expatriés, de diplomates sont-ils mariés à des ressortissants étrangers ?
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Mais c'est le cas de l'immense majorité des mariages !
On fait sa première expérience d'expatriation à l'âge où l'on tombe le plus facilement amoureux, et vous voudriez que cela ne se termine pas par des mariages internationaux ?
Quant aux mariages qui sont dans la ligne de mire du décret de février 2005 et de ce projet de loi, c'est-à-dire les mariages contractés par des Français dont les parents ou les grands-parents, établis en France, sont originaires du Maghreb ou d'Afrique, certains, c'est vrai, sont arrangés par des familles soucieuses de préserver la tradition. Mais sont-ils tous pour autant des mariages forcés, des mariages de complaisance, des mariages blancs ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Personne ne le dit !
M. Robert Del Picchia. Pas tous, mais il y en a !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Je connais bien ce milieu, et je peux dire que, dans la plupart des cas, ce n'en sont pas !
Monsieur le garde des sceaux, d'après les statistiques du ministère de la justice, en 2004, sur les mariages annulés, vingt seulement étaient des mariages forcés. Ce sont vingt mariages de trop, mais il n'y en a quand même eu que vingt !
M. Robert Bret. Il n'y a pas besoin de faire une loi !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Dans la plupart des cas, à l'occasion des vacances, tout comme à la faveur des rallyes dans la bonne société française contemporaine, les jeunes gens ont le bon goût de ressentir de l'attrait tout justement pour le partenaire jugé idéal par les familles. C'est une histoire vieille comme le patriarcat. C'est complètement archaïque, mais cela existe dans les familles d'origine maghrébine, comme dans les familles du VIIe arrondissement !
Nous légiférons donc actuellement sur une proportion infime des mariages célébrés à l'étranger, comme en témoigne le fait que, en 2005, sur 46 000 mariages, 1 733 dossiers ont été adressés par les consulats au parquet de Nantes. Sur ces 1 733 dossiers, 760 seulement ont donné lieu à une assignation. On suppose que 350 jugements environ statueront en faveur d'un refus de transcription des mariages étrangers. Au total, le soupçon d'intention migratoire ne serait donc juridiquement établi que pour moins d'un mariage sur 1 000. Nous sommes dans un État de droit, et il n'y a que le fait juridiquement établi qui compte.
Je conclurai sur ce point en disant que le mariage migratoire existe, mais que son occurrence et le danger qu'il représente pour la société sont surestimés pour des raisons fondamentalement idéologiques et politiciennes.
Deuxième question : ce projet de loi constitue-t-il une amélioration du dispositif antérieur ?
Nous n'avons pas de recul sur le dispositif de contrôle de l'intention matrimoniale, placé en amont de la transcription de l'acte de mariage étranger à l'état civil.
La procédure mise en place par la loi du 26 novembre 2003 n'est devenue réellement opérationnelle qu'avec le décret du 23 février 2005 qui centralise le contentieux relatif aux mariages à l'étranger au seul parquet et au seul TGI de Nantes.
Nous légiférons donc à un moment où le dispositif antérieur n'a pas atteint ses ultimes étapes judiciaires, et nous n'avons que des chiffres estimatifs sur le résultat.
Légiférer à nouveau sans connaître les résultats de la législation antérieure, c'est abuser de la loi, la dévaloriser, dévaloriser le rôle du Parlement, et tout cela à des fins d'affichage politicien évident.
M. Charles Gautier. Oui !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. On ne peut que s'élever contre une telle dérive du travail parlementaire !
M. Charles Gautier. Eh oui !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Ce que nous connaissons, en revanche, ce sont les difficultés d'application administratives et judiciaires et les atteintes à la vie privée suscitées par le décret de 2005.
Il est de plus en plus fréquent que les délais pour la transcription d'un acte de mariage se calculent en années et entraînent l'impossibilité de la vie commune, puisque le conjoint étranger ne peut pas venir en France.
Les auditions sont effectuées avec plus ou moins de clairvoyance et de tact par des agents consulaires surmenés que rien n'a préparé à cette tâche de police de la vie privée.
Depuis mars 2005, le parquet et le greffe du tribunal de Nantes croulent sous la tâche. Les magistrats du service de l'état civil du parquet ne traitent plus que le contentieux du mariage, un seul poste nouveau ayant été créé. Quant au TGI, dans lequel travaillent quatre magistrats, il a vu le nombre d'affaires qui lui échoit passer de 700 à 1 400.
Ce que l'on sait de l'application du décret de 2005 laisse donc présager le pire en termes tant de dysfonctionnements administratifs et judiciaires que d'atteintes à la vie familiale.
Le présent projet de loi complique le dispositif antérieur, et rien n'assure que la loi sera applicable.
En effet, si ce projet est voté, il sera désormais possible de remettre en cause la validité du mariage à tout moment.
Ce sera tout d'abord possible a priori, avec l'obligation pour tout Français qui se marie à l'étranger d'obtenir au préalable un certificat de capacité à mariage. Ce contrôle a priori est, j'y reviendrai, parfaitement utopique. La France n'a pas pouvoir sur tous les pays du monde en matière de mariage.
Il sera également possible de remettre en cause la validité des mariages a posteriori, comme dans le cadre du décret de 2005, soit après sa célébration, soit avant la transcription de l'acte étranger. En outre, le parquet aura à tout moment la faculté - s'il en a le temps et les moyens - d'attaquer la validité du mariage en cas d'« élément nouveau ». Cet « élément nouveau » est la porte ouverte à tous les abus.
La loi multiplie donc les obstacles à la transcription du mariage et allonge tous les délais qui séparent le couple du moment où il pourra y avoir communauté de vie effective. Multiplication des obstacles, allongement de tous les délais, on retrouve la méthode qui a prévalu dans la loi dite « CESEDA », relative à l'immigration et à l'intégration, et on sent la patte du même auteur.
En poussant l'analyse plus au fond, nous constaterons que cette loi vise à renverser les procédures judiciaires et, de ce fait, induit une inégalité entre les citoyens et entre les justiciables.
Dans le cadre du décret de 2005, le parquet est toujours demandeur. C'est lui qui doit assigner et prouver au tribunal que son assignation repose sur des faits objectifs. Si le projet de loi que nous examinons est adopté, ce sera dorénavant le consulat qui refusera de transcrire le mariage, et le parquet de Nantes sera en situation de défense face à des époux qui l'attaqueront pour refus de transcription.
Le fait de renverser la charge de l'attaque introduit une discrimination entre les justiciables, entre ceux qui pourront faire face aux dépenses de la procédure, qui auront les moyens de prendre un avocat à Nantes, et ceux qui ne le pourront pas.
Par ailleurs, les couples devront faire la preuve de la sincérité de leurs intentions. Mais comment prouver son innocence en un domaine aussi intime ?
Comme nous le verrons dans le cours du débat, le cumul de l'engagement des consulats, du parquet et du TGI de Nantes, la difficulté de délivrer les assignations à l'étranger et de signifier les jugements feront que, en dépit de l'importance du travail accompli, des fonds publics investis et de l'énergie dépensée, le dispositif sera encore moins opérationnel que le précédent, ne permettant guère d'annuler les mariages réellement entachés de fraude qui sont célébrés à l'étranger. La réponse judiciaire aux mariages migratoires, abusivement confondus avec tous les mariages binationaux, c'est-à-dire le recours à une procédure écrite contradictoire, est inadaptée à ces situations liées à la vie intime.
Ce texte porte une atteinte disproportionnée aux droits des personnes par rapport aux objectifs poursuivis et aux résultats prévisibles. Nous ne le voterons donc pas. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Gourault.
Mme Jacqueline Gourault. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, le projet de loi qui est aujourd'hui soumis à la Haute Assemblée s'inscrit dans la politique de contrôle de l'immigration.
En effet, l'objectif affiché est de limiter l'acquisition de la nationalité française ou d'une carte de séjour en France par le biais du mariage grâce à un renforcement du contrôle de la validité des mariages. Il s'agit donc d'améliorer notre législation contre les mariages de complaisance et les mariages forcés.
Monsieur le garde des sceaux, depuis les huit derniers mois, c'est le troisième texte relatif aux mariages simulés qui nous est soumis par le Gouvernement. Il eût peut-être été plus opportun de déposer un texte unique !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Très bien !
Mme Jacqueline Gourault. Ainsi, la loi du 4 avril 2006 crée un dispositif spécifique contre les mariages forcés, notamment en relevant l'âge nubile des femmes de 15 à 18 ans.
Par ailleurs, cette même loi autorise le ministère public à demander la nullité d'un mariage contracté sans le consentement des époux.
Désormais, l'exercice d'une contrainte sur les époux, y compris par crainte révérencielle envers un ascendant, constitue un cas de nullité du mariage.
Quant à la loi du 24 juillet 2006 relative à l'immigration et à l'intégration, elle rend moins attractif le mariage avec un Français au regard des règles applicables en matière de droit au séjour ou d'acquisition de la nationalité française, notamment en supprimant le caractère automatique de la délivrance de la carte de résident et en portant le délai à compter duquel la carte peut être délivrée à trois ans de mariage. D'autres orateurs ayant évoqué cet aspect, je ne m'y attarderai pas.
Le présent projet de loi vise à renforcer le contrôle de la validité des mariages. Il s'agit donc d'un dispositif qui aborde le sujet plus en amont, mais dont l'objectif est le même que celui des deux précédentes lois, à savoir la lutte contre les mariages simulés.
Il faut dire que certaines dispositions de la loi du 4 avril 2006 traitent des mêmes sujets que le présent texte, ce qui confirme la teneur de mon propos introductif. Je pense en particulier à celle qui autorise la délégation de la réalisation des auditions à des fonctionnaires titulaires ainsi qu'à celle qui prévoit, lorsque l'un au moins des futurs époux ne réside pas dans le pays de célébration du mariage projeté, que cette audition puisse être réalisée par l'officier de l'état civil territorialement compétent.
J'en viens maintenant aux dispositions proposées pour garantir un meilleur contrôle de la validité des mariages.
Comme M. le rapporteur, dont je salue l'excellent travail, nous souscrivons à l'objectif de lutter contre les mariages de complaisance ou les mariages forcés dans la mesure où ceux-ci détournent l'institution du mariage, lequel repose sur un échange de consentement libre et de bonne foi. Le mariage ne doit pas être utilisé à des fins purement migratoires.
Il convient toutefois de rester prudent dans la mesure où un tel texte pourrait aboutir à suspecter tous les mariages mixtes d'être frauduleux. Ce serait une conclusion hâtive. Il faut bien garder cela à l'esprit, monsieur le garde des sceaux, et ne pas rendre les mariages binationaux impossibles du fait d'une réglementation qui ne concernerait que 800 cas par an.
Mme Jacqueline Gourault. Cependant, si des mariages sont empreints de mauvaise foi et de dévoiement, il convient bien évidemment de les combattre.
En effet, comme l'a relevé notre collègue Jean-Guy Branger dans son rapport sur la lutte contre les violences au sein du couple, publié en mars 2005, les mariages forcés peuvent constituer une forme de violence pour des femmes qui n'ont d'autres choix que d'accepter des mariages arrangés.
C'est pourquoi nous ne pouvons que souscrire à la lutte contre les mariages forcés.
Par ailleurs, en qualité de maire, je connais très bien les difficultés que peuvent rencontrer l'ensemble de mes collègues pour intervenir et anticiper efficacement la célébration des mariages simulés. Il est donc nécessaire de leur offrir un maximum d'outils juridiques leur permettant de faire face à cette situation.
À ce titre, le projet de loi s'articule autour de trois axes : mieux contrôler les mariages célébrés en France, modifier les règles de validité des mariages célébrés à l'étranger, revoir la législation sur le contrôle de la validité des actes d'état civil faits par une autorité étrangère.
Ces dispositions m'inspirent quelques remarques.
Tout d'abord, monsieur le garde des sceaux, je m'interroge sur la nécessité de choisir des témoins dès la constitution du dossier. Quelles sont l'opportunité, la motivation profonde de cette décision ? Je ne suis pas persuadée de l'efficacité de cette mesure dans la perspective d'un meilleur contrôle de la validité des mariages. C'est pourquoi j'approuve la précision de M. le rapporteur selon laquelle le remplacement des témoins ne doit pas empêcher la célébration du mariage.
Je m'interroge également sur l'opportunité de modifier les règles qui régissent l'opposabilité du mariage. En effet, dans la mesure où ce texte vise à renforcer la lutte contre les mariages simulés et que la transcription du mariage est déjà nécessaire pour l'obtention d'un titre de séjour ou pour l'acquisition de la nationalité française, la généralisation de son opposabilité importe peu dans l'optique du projet de loi.
Par ailleurs, sans entrer dans les détails - mes collègues représentant les Français de l'étranger le feront mieux que moi -, on peut se demander quelle sera la charge de travail nouvelle créée par ce texte pour les agents en poste dans les consulats et dans les ambassades.
Enfin, au regard du principe constitutionnel de la liberté du mariage, je m'interroge sur la validité de la suppression du délai de caducité de l'opposition du procureur de la République. N'y a t-il pas là un risque d'inconstitutionnalité ?
Nous attendons par conséquent de ce débat quelques éclaircissements. Si nous approuvons la nécessité de lutter contre les mariages de complaisance et les mariages forcés, nous savons tous qu'il faut garantir le principe de la liberté du mariage. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, lutter plus efficacement contre la fraude au mariage est un impératif et une urgence, le but essentiel étant la protection des personnes et des libertés individuelles.
Dans un contexte français de pression migratoire forte et croissante, toute institution donnant accès à des droits importants peut susciter des convoitises et faire l'objet de détournements.
Le mariage est devenu un catalyseur de dérives souvent orchestrées par des individus peu scrupuleux qui détournent la volonté des personnes et altèrent ainsi le principe de libre consentement qui est à la base de cette institution séculaire.
Mariage simulé, mariage forcé ou mariage arrangé - lorsqu'il y a vice de consentement - sont devenus si répandus qu'ils requièrent un renforcement approprié de notre législation. Il est du devoir des responsables politiques et de l'État de protéger les citoyens en prévenant de tels détournements et atteintes intolérables à la liberté individuelle et à la dignité humaine.
La Haute Assemblée, qui est à l'origine du renforcement de la prévention des mariages forcés avec le relèvement à 18 ans de l'âge nubile du mariage pour la femme - je remercie d'ailleurs M. Christian Cambon des propos qu'il a tenus sur ce sujet -, ne peut que se satisfaire du dispositif présenté aujourd'hui, qui parachève le travail accompli au cours des derniers mois tant par le Sénat que par l'Assemblée nationale.
Un grand pas a été franchi avec la loi du 4 avril 2006 renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple ou commises contre des mineurs. Grâce à cette loi, qui autorise le ministère public à demander la nullité d'un mariage contracté sans le consentement libre des époux et qui considère que l'exercice d'une contrainte sur les époux, y compris par crainte révérencielle envers un ascendant, constitue un cas de nullité du mariage, les jeunes femmes sont aujourd'hui mieux protégées et les mineures ne peuvent plus être contraintes au mariage.
Je ne m'étendrai pas sur le détail du dispositif du projet de loi, qui a été excellemment analysé par le remarquable rapporteur de la commission des lois, M. Jean-René Lecerf, et par M. le garde des sceaux. J'en approuve l'économie générale et la philosophie. Mon intervention se limitera à quelques réflexions sur les conséquences des nouvelles dispositions pour nos compatriotes résidant à l'étranger et sur leur incidence sur nos postes diplomatiques et consulaires, voire sur les services judiciaires de Nantes.
Tout d'abord, et c'est ma première réflexion, l'harmonisation des formalités applicables aux mariages célébrés tant à l'étranger qu'en France, en renforçant le contrôle a priori par rapport au contrôle a posteriori, qui était jusqu'à présent la règle à l'étranger, est tout à fait logique.
Elle traduit l'égalité des droits entre tous les Français, qu'ils résident dans l'hexagone ou à l'étranger, principe qui a toujours été défendu dans cet hémicycle. C'est d'ailleurs en me fondant sur ce principe d'égalité de traitement que j'avais souhaité, lors de l'examen du projet de loi relatif à l'immigration et à l'intégration, que les conditions d'acquisition de la nationalité par le mariage soient identiques pour tous les Français, qu'ils résident en France ou à l'étranger.
Il faut se féliciter de l'introduction dans le code civil, par cette future loi, d'un nouveau chapitre consacré au mariage des Français à l'étranger, regroupant, dans des articles 171-1 à 171-8, toutes les prescriptions relatives aux conditions de validité d'un mariage célébré à l'étranger, aux formalités préalables au mariage, à la transcription et à la possibilité de sursis à transcription.
Je tiens à le souligner, on ne peut accuser le renforcement du contrôle de ces mariages de viser expressément nos compatriotes qui, résidant à l'étranger, s'y marient pour des raisons évidentes, sans la moindre intention de détourner les procédures. Nous sommes d'ailleurs un certain nombre, sur les travées de cette assemblée, à appartenir à la catégorie des Français ayant épousé un étranger. Nous savons qu'un mariage sur trois, aujourd'hui, concerne un étranger.
À ce titre, il aurait été intéressant, monsieur le garde des sceaux, de savoir combien de mariages, parmi les 45 000 recensés, ont impliqué des Français résidant à l'étranger et combien d'annulations, parmi les 786 prononcées en 2004 - leur nombre est en diminution l'année suivante -, leur sont imputables.
Ma deuxième réflexion porte sur l'obtention d'un certificat de capacité à mariage, lequel ne devrait pas poser de problème de fond à nos compatriotes de l'étranger, sauf si, pour la réalisation de l'audition préalable, ils doivent parcourir des centaines de kilomètres pour se rendre au consulat le plus proche. Un tel déplacement serait, n'en doutons pas, fort dissuasif.
Sur ce point, deux options se présentent.
Si la réalisation de l'audition peut être déléguée aux fonctionnaires dirigeant une chancellerie détachée ou aux consuls honoraires de nationalité française compétents, celle-ci se déroulera à proximité du lieu de résidence de nos ressortissants. Une telle option fait l'objet d'amendements que notre excellent collègue Christian Cointat présentera dans un instant et que j'ai cosignés.
Si cette tâche est confiée par délégation, ainsi que le prévoit le projet de loi, aux seuls fonctionnaires titulaires chargés de l'état civil, la réalisation, dans de bonnes conditions, de ces auditions, pour nos personnels surchargés de travail et dont les effectifs ont été réduits, représentera une véritable gageure. Il s'agit là d'un réel problème de mise en oeuvre. Je serais très heureuse, monsieur le garde des sceaux, que vous puissiez également nous répondre sur ce point.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Cela relève du ministère des affaires étrangères !
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. M. le rapporteur propose d'ailleurs que l'audition préalable à la transcription conserve un caractère obligatoire, sauf s'il apparaît, au vu des pièces du dossier, qu'elle n'est pas nécessaire au regard des articles 146 et 180 du code civil. Ainsi, sans l'assurance que les moyens mis à la disposition des services consulaires permettront une application dans de bonnes conditions de l'audition qui constitue le pivot de la vérification de l'intention matrimoniale des candidats au mariage, il serait sans doute beaucoup plus prudent d'assouplir le système.
Notre souci porte sur deux aspects. Il s'agit, d'une part, de l'encombrement des circuits pour la transcription des mariages, encombrement qui risque d'être rapidement ingérable, et, d'autre part, de la formation de personnels compétents pour réaliser les auditions, dont la forme, comme le fond, s'avère complexe.
Une concertation interministérielle entre vos services et ceux du ministère des affaires étrangères a-t-elle bien eu lieu, monsieur le garde des sceaux ? Des moyens seront-ils dégagés pour permettre à nos services d'état civil à l'étranger d'assumer leurs nouvelles obligations ?
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. La réponse est « non » !
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Qu'en est-il également de l'encombrement des services juridiques à Nantes, lesquels ne manqueront pas d'être davantage sollicités et pourraient peiner à respecter les délais de réponse qui leur sont impartis, délais qu'on ne peut allonger sans pénaliser gravement la liberté au mariage ? Je vous remercie, monsieur le garde des sceaux, des informations que vous pourrez nous apporter sur ce point.
J'en viens à ma troisième réflexion. Le texte proposé pour le nouvel article 171-5 du code civil rend obligatoire la transcription d'un mariage célébré à l'étranger devant une autorité étrangère pour qu'il soit opposable à un tiers en France. Cette transcription est impérative, indépendamment du fait que la France ait signé, ou non, avec ces pays une convention prévoyant une clause de dispense de légalisation des actes d'état civil.
Une telle mesure n'est pas choquante en soi, et nos compatriotes de l'étranger ont tout intérêt à transcrire leur acte de mariage sur les registres de l'état civil français. Mais cette nouvelle disposition risque de ne pas être comprise des couples binationaux dont le conjoint étranger est ressortissant de l'Union européenne. Ces derniers, qui n'ont pas besoin de faire transcrire leur mariage pour vivre en France, pourraient être les premiers à pâtir d'une telle mesure, alors qu'ils sont les moins susceptibles de recourir aux mariages simulés.
C'est un fait, nombre de nos compatriotes mariés à un ressortissant de l'Union européenne ne demandent pas la transcription de leur mariage, car rien ne les y oblige. Comment seront-ils informés des conséquences potentiellement graves de la non-transcription de leur mariage ? Comment, dans une logique d'intégration et de rapprochement des États membres de l'Union européenne et dans le souci du développement d'une citoyenneté européenne qui n'en est encore qu'à ses prémices, justifier ce qui pourrait apparaître comme une défiance à l'égard des pratiques de nos partenaires européens ?
Je vous remercie, monsieur le garde des sceaux, des réponses que vous apporterez à ces questionnements. Ceux-ci ne m'empêchent en aucune manière de soutenir ce projet de loi, qui renforce non seulement la protection des personnes, mais aussi, in fine, l'institution du mariage, à laquelle nos concitoyens sont très attachés. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, le projet de loi que nous examinons a été adopté par l'Assemblée nationale le 22 mars dernier. Or vous vous souvenez certainement du Mouvement du 22 mars, mouvement quelque peu révolutionnaire, puisqu'il avait conduit aux événements de 1968.
M. Robert Bret. Cela n'a rien à voir !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Nous y étions, mais pas forcément du même côté !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Pour ma part, j'étais à la Sorbonne...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'était donc la même époque !
Le texte que nous examinons est également révolutionnaire. Comment les membres de la majorité ont-ils d'ailleurs pu accepter qu'il ne vienne en débat qu'aujourd'hui ? S'il devait véritablement atteindre les buts que certains en attendent, il aurait dû être présenté voilà très longtemps ! Mieux, pourquoi n'avez-vous pas demandé la déclaration d'urgence sur ce texte, monsieur le garde des sceaux ? À vos propres yeux, vous êtes particulièrement coupable !
M. Robert Bret. Je le crois aussi !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Par ailleurs, c'est M. le garde des sceaux qui nous présente ce texte.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je ne suis pas convaincu qu'il est le mieux placé en matière de validité des mariages ! Il me semble que d'autres membres du Gouvernement seraient plus à même de dire si un mariage est valable ou s'il ne l'est pas.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. M. Dreyfus-Schmidt doit penser à M. Jean-François Lamour ! (Sourires.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Mais peut-être ceci explique-t-il cela ! J'ajoute que, si ce texte vise surtout les mariages binationaux, certaines de ses dispositions s'appliquent, rappelons-le, aux mariages prononcés en France. Je pense notamment à l'article 63 du code civil que le projet de loi vise à modifier.
Par ailleurs, pourquoi un audit n'a-t-il pas été mené pour tenir compte d'une disposition nouvelle votée récemment, selon laquelle les jeunes filles doivent, pour se marier, avoir non plus quinze ans, mais dix-huit ans ? En effet, vraisemblablement, et conformément à la volonté qui a présidé à l'instauration de cette modification, de nombreux mariages prétendument arrangés n'ont plus été prononcés. Il aurait été intéressant de connaître plus précisément la situation à cet égard.
En guise de conclusion, je souhaite revenir sur une idée à laquelle je tiens beaucoup : la pratique. J'ai été amené à poser des questions écrites sur ce point à M. le Premier ministre, qui était alors ministre de l'intérieur. Sans réponse de sa part, j'ai fini par l'interroger lors des questions d'actualité au Gouvernement, et il a d'ailleurs répondu totalement à côté du sujet.
Le Conseil constitutionnel - j'allais dire ce Conseil constitutionnel - a clairement énoncé qu'il n'est pas possible de ne pas prononcer un mariage pour le seul motif que l'un des futurs conjoints serait en situation irrégulière. Une telle disposition est également conforme aux principes internationaux, comme cela a été rappelé, ainsi qu'aux principes européens.
Or nous savons que ce principe est bafoué dans la pratique. L'officier de l'état civil avertit le procureur de la République qu'une personne en situation irrégulière prétend se marier. Cette information est alors transmise au préfet, mais il ne s'agit pas de savoir si l'intéressé est de bonne foi et s'il a l'intention de faire un véritable mariage. À ce propos, je m'étonne d'ailleurs que personne n'ait proposé que l'on s'assure, comme pour les reines de France, que le mariage a été véritablement consommé ! (Sourires.)
Quoi qu'il en soit, les futurs jeunes mariés se trouvent souvent renvoyés dans leur pays d'origine avant même que le mariage ait été prononcé. Il s'agit donc d'une violation absolue des décisions du Conseil constitutionnel !
Monsieur le garde des sceaux, vous êtes un juriste scrupuleux (M. le garde des sceaux manifeste son contentement), et j'ai enfin trouvé avec vous l'interlocuteur que je cherchais !
Monsieur le garde des sceaux, est-il admissible que l'on puisse expulser une personne en situation irrégulière, à qui l'on n'a rien à reprocher et dont le mariage doit être prononcé ? Quelles dispositions comptez-vous prendre pour que force reste à la loi ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite tout d'abord exhorter chacun d'entre nous à abandonner le terme de « mariages mixtes » et à utiliser celui de « mariages binationaux », qui reflète mieux la réalité, tout au moins en France, où le mariage est toujours mixte, entre un homme et une femme. Je remercie d'ailleurs M. le rapporteur d'avoir accepté cette formulation. J'espère que M. le garde des sceaux suivra son exemple, car les mots ont un sens.
En effet, l'utilisation abusive du terme « mixte » pour évoquer l'union de deux personnes, l'une de nationalité française et l'autre de nationalité étrangère, est simplement inacceptable et stigmatisante, surtout lorsque vous procédez à un amalgame avec le mariage forcé, que vous utilisez aujourd'hui, monsieur le ministre, comme alibi. Pourtant, ce projet de loi n'apporte aucune solution à cette pratique intolérable, d'autant plus que les pays visés par ce texte sont ceux qui sont les plus stigmatisés en termes d'immigration, à savoir les pays du Maghreb et d'Afrique subsaharienne et, dans une moindre mesure, les pays d'Asie.
Officiellement, le Gouvernement annonce que ce projet de loi a pour objet de renforcer le contrôle exercé sur la sincérité de l'intention matrimoniale et de lutter plus efficacement contre la fraude à l'état civil, fraude que vous liez bien évidemment à l'immigration. Une fois de plus, vous désignez à la vindicte populaire le même bouc émissaire !
En fait, vous nous proposez ni plus ni moins qu'une loi de suspicion généralisée à l'encontre non seulement des étrangers, mais également de tous Français d'origine étrangère, binationaux et Français désirant se marier avec une personne étrangère, en France ou ailleurs. Ainsi, vous continuez à injecter le venin de la méfiance et de la peur de l'étranger. En trompant les Français sur l'ampleur du phénomène, vous jouez sur les peurs à des fins électoralistes. Une fois de plus, vous faites du marketing politique et, pour ce faire, vous n'hésitez pas à remettre en cause toute une série de principes essentiels de notre droit.
Le premier principe remis en cause est la liberté matrimoniale, garantie par la Déclaration universelle des droits de l'homme, devenue une norme obligatoire par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques de 1966 et par le protocole additionnel s'y rapportant, tous deux signés par la France. En effet, la liberté de conclure une union matrimoniale et le droit de choisir le mode d'expression de son amour ne découleront plus de la volonté des futurs époux, mais seront subordonnés à l'avis et à la décision soit de l'officier de l'état civil, soit du procureur de la République.
Votre projet introduit une insécurité juridique supplémentaire, dans la suite logique de votre loi visant « la désintégration de l'immigration », ainsi qu'une différence de traitement totalement inacceptable devant la loi. Année après année, loi après loi, les conditions de conclusion d'un mariage entre un Français et un étranger célébré à l'étranger n'ont cessé de se durcir, et les droits liés au mariage avec un citoyen français ont déjà été restreints pour l'accès à la nationalité et au droit au séjour.
Le seuil supplémentaire que vous nous proposez de passer conduit à s'interroger sur le respect du principe de non-discrimination que l'on retrouve dans la Constitution et dans différents engagements internationaux. Ainsi, à l'article 14 de la Convention européenne des droits de l'homme, il est précisé ceci : « La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation. ».
En complexifiant les formalités préalables au mariage, vous introduisez clairement un contrôle a priori et des règles que nous ne pouvons accepter.
Il en va ainsi de la rédaction que vous nous proposez de l'article 63 du code civil. L'une des nouvelles dispositions impose la justification de l'identité, excluant de facto toutes les personnes sans papier et faisant de la simple irrégularité du séjour une raison suffisante de présomption de fraude au mariage. Selon vous, sans papier, on n'aurait plus le droit d'exprimer son amour !
Monsieur le ministre, ce que vous semblez oublier - ou plutôt ce que vous tentez de nous faire oublier -, c'est que des personnes étrangères, même sans papiers, ne sont pas pour autant sans sentiments. Le coeur est un organe qui, ici comme ailleurs, n'est conditionné ni par la possession d'une pièce d'identité ni par la nature de la situation administrative de la personne ! La disposition que vous proposez est d'autant plus condamnable que la possession d'une pièce d'identité n'est jusqu'à présent pas obligatoire en France.
Je comprends une chose : M. le ministre de l'intérieur, qui est le réel inspirateur de ce projet de loi, espère nous imposer une « France d'après », où les enfants, dès l'âge de trois ans, se verront inspectés par des policiers, où les adolescents seront interpellés et jugés comme des majeurs, où les familles pauvres verront leurs allocations « coupées » dès que leur enfant sera absent de l'école, où beaucoup d'entre nous se retrouveront fichés, enfin une France où les mariages entre Français et étrangers seront non pas en augmentation, mais bien en recul. En fait, vous rêvez d'une France bien blanche !
C'est inutile et dangereux, monsieur le ministre. Ceux qui ont contribué à libérer la France du nazisme hier nous prouvent, comme ceux qui peuplent nos cours d'école aujourd'hui, que la France n'a jamais été bien blanche et qu'elle ne le sera jamais !
De la même façon que vous étendiez les pouvoirs du maire avec votre projet de loi relatif à la répression de la délinquance, aujourd'hui, avec ce projet de loi, vous accroissez de façon disproportionnée les pouvoirs de l'officier d'état civil. Ce dernier pourra contrôler des documents, imposer leur présentation, émettre des doutes sur la réalité du lien unissant les époux ainsi que sur la véracité d'un document, et ainsi saisir le procureur.
L'obligation de demande de mainlevée en cas d'opposition à mariage est la meilleure illustration de cette disproportion. Cette procédure paraît simple, mais elle est totalement injuste lorsque les époux vivent à l'étranger. Ces derniers auront alors les plus grandes difficultés à venir se défendre convenablement en France pour obtenir la levée de l'opposition !
Il est un autre domaine dans lequel le pouvoir du procureur de la République est accru, c'est celui de l'opposition au mariage.
Jusqu'à présent, une opposition venant du parquet ou des parents est caduque après un an - c'est l'article 176 du code civil. Avec ce projet de loi, vous proposez de prolonger cette nullité, uniquement pour le parquet. Elle persiste dans le temps et ne prend fin que lorsque les candidats au mariage auront saisi le tribunal d'une demande de mainlevée. Ici, on frôle l'inversement de la preuve, principe contraire à notre tradition juridique.
Après la loi sur la prévention de la délinquance, laquelle introduit un système généralisé de suspicion et de délation autour du maire, des travailleurs sociaux et des enseignants, voici une loi de plus pour renforcer votre obsession du contrôle social, de la présomption de fraude et de culpabilité, et le sentiment de suspicion envers - toujours les mêmes ! - les étrangers ou les binationaux que vous continuez, en fait, de considérer comme des étrangers.
À nouveau, l'émiettement des droits fondamentaux et des libertés frappe tout d'abord les étrangers, puis se répand jusqu'à toucher également les Français !
J'évoquais le projet de loi relatif à la prévention de la délinquance et la dénaturation de la mission des maires, des enseignants et des travailleurs sociaux. Ce projet de loi procède de la même logique en dénaturant la fonction des services consulaires, du fait des nouvelles obligations qui pèseront désormais sur eux. Les agents de ces services deviennent à leur tour des agents du contrôle social et de la délation à l'étranger.
Qui plus est, ces dispositions impliqueront une charge de travail supplémentaire considérable et sans équivalent dans chacune de nos représentations consulaires ainsi qu'au tribunal de Nantes, alors que les consulats comme ce tribunal croulent déjà sous l'immense fardeau de leurs missions actuelles. Il est d'ailleurs étonnant que la commission des affaires étrangères n'ait pas été saisie pour avis de ce projet de loi, car les autorités consulaires sont très concernées par ce dernier !
Cela me permet de faire deux remarques sur les notions de réciprocité.
Tout d'abord, il convient d'évaluer les conséquences de l'application de ce projet de loi sur les relations avec les pays tiers, notamment ceux avec lesquels la France a signé des conventions bilatérales. Ces conventions présentent des dispositions qui, au-delà de la régularité formelle de l'acte, traitent des conditions de jouissance et d'exercice du droit au mariage entre ressortissants de la France et de l'autre pays signataire. Je m'interroge donc sur les contradictions que suscitera l'entrée en vigueur de ce projet avec le maintien de ces conventions.
De plus, monsieur le ministre, face aux durcissements que nous imposons aux étrangers désirant épouser des Français, les États étrangers avec qui les liens interpersonnels des Français se renforcent ne risquent-ils pas d'appliquer à leur tour des conditions similaires à leurs ressortissants contractant des mariages avec des Français, en France ou ailleurs ?
Ce projet de loi va toucher des familles entières, déstabiliser un grand nombre de destins, car c'est avant tout d'amour, de familles et de vies d'êtres humains qu'il s'agit !
En tant que parlementaire, je reçois un grand nombre de Françaises et de Français qui, désespérés, me saisissent comme un ultime recours face à une administration sourde et parfois même à une justice détournée de son rôle premier. Ces personnes ne veulent ni plus ni moins que vivre leur amour et fonder une famille en toute tranquillité, comme n'importe qui.
Je vous poserai une dernière question, monsieur le ministre. Cette progression dans la répression, dans la restriction de nos droits, dans la limitation de nos libertés, s'explique-t-elle par le constat d'échec de votre politique ou est-elle tout simplement mise en oeuvre à dose homéopathique afin de mieux faire passer les lois intolérables qui nous attendent encore ?
Quoi qu'il arrive, face à cette vision répressive, « orwellienne », terrifiante de notre société, les Verts continueront à s'opposer farouchement et à manifester leur attachement inconditionnel aux droits fondamentaux et aux libertés de toutes et de tous. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice. Mesdames, messieurs les sénateurs, j'ai écouté avec beaucoup d'attention, vous le devinez, les différents exposés des orateurs. Je suis heureux des éléments qui ont été apportés par les sénateurs de la majorité. Je suis en revanche stupéfait d'un certain angélisme développé tout au long des discours de l'opposition, laissant penser que les uns seraient pour les mariages d'amour et les autres y seraient opposés ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) Cela est quelque peu simplificateur ! Quelles que soient les travées, personne n'est opposé au mariage d'amour ; c'est en tout cas ce que je souhaite.
Monsieur le rapporteur, vous voulez un encadrement plus strict de la justification d'identité, en particulier en imposant que seuls la carte d'identité et le passeport soient acceptés. Je tiens à vous assurer que le Gouvernement partage votre volonté d'améliorer la lutte contre la fraude documentaire.
À cet égard, un projet de loi relatif à la protection de l'identité est en cours de préparation et permettra de sécuriser les conditions de délivrance des cartes d'identité et des passeports. Le débat sera l'occasion de savoir si nous voulons imposer que la justification d'identité se fasse uniquement par ce moyen. Mais la question que vous posez correspond à un autre débat que celui d'aujourd'hui.
Je souligne toutefois que le projet de loi prévoit d'ores et déjà une amélioration par rapport à la situation actuelle. En l'état du droit, il est possible aujourd'hui de justifier de son identité par tout moyen. Désormais, le code civil exigera que l'identité soit justifiée par une pièce délivrée par une autorité publique.
Monsieur Cambon, vous avez souligné que l'immense majorité des mariages binationaux sont sincères. Vous avez bien fait, car, à écouter d'autres orateurs, on finirait par croire que nous doutons de cet évident constat !
Votre appréciation conduit à une proposition d'amendement pour le cas où les formalités du mariage n'ont pas été respectées. Ainsi, avec le rapporteur de la commission des lois, vous souhaitez que le principe de l'audition ne soit conservé qu'à une exception : si l'autorité diplomatique ou consulaire dispose de suffisamment d'informations pour établir l'insincérité du mariage. Le Gouvernement se ralliera à cet amendement. En effet, dans ce cas, l'audition apparaît totalement inutile, tout le monde le conçoit.
Madame Mathon-Poinat, vous vous êtes étonnée de la différence entre le nombre de signalements de mariage frauduleux et le nombre d'oppositions. Je vais tenter de répondre à vos interrogations sur les chiffres.
En 2004, les procureurs de la République ont été saisis par les officiers d'état civil communaux de 5 272 signalements de mariage frauduleux. Toutefois, ce chiffre ne reflète pas celui des signalements faits sur le fondement de l'article 175-2 du code civil en vue d'une opposition à la célébration du mariage. En effet, il comprendrait également celui des signalements effectués sur le fondement de l'article 40 du code de procédure pénale, le plus souvent à raison de la situation irrégulière de l'un des futurs époux, qui a été soulignée par M. Dreyfus-Schmidt et qui donne lieu à l'ouverture d'une procédure pénale. Dès lors, le chiffre de 444 oppositions doit être accueilli avec prudence. Il ne peut en tout cas être rapproché de celui des 5 272 signalements. Ce n'est pas de même nature !
Madame Cerisier-ben Guiga, vous avez donné des informations inexactes sur le fonctionnement du TGI de Nantes.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. J'en viens, et les informations m'ont été données là-bas !
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Vous allez avoir maintenant celles du garde des sceaux, avec la modestie qui convient quand on donne des informations !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Le TGI ne m'aurait-il pas donné de bonnes informations ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Pardonnez-moi de donner mes chiffres ; j'ai le sentiment que c'est presque audacieux, mais acceptez de les entendre !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Je vous écoute, et je prends des notes !
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Les délais de réponse du parquet de Nantes étaient parfois supérieurs au délai de six mois prévu pour lui permettre de se prononcer après vérification de l'authenticité d'un acte de l'état civil des étrangers fait en pays étranger. Sur ce point, vous avez raison. J'ai donc affecté de nouveaux moyens. Votre enquête est peut-être ancienne...
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Elle date de huit jours !
M. Pascal Clément, garde des sceaux. J'ai affecté de nouveaux moyens au TGI de Nantes, notamment cinq nouveaux greffiers en chef. Les délais sont aujourd'hui réduits et l'échéance de six mois est toujours respectée.
Dans le même sens, si de nouveaux moyens sont nécessaires, je m'engage devant le Sénat à les affecter tant au parquet qu'au greffe. Je crains que vos chiffres ne soient antérieurs à l'arrivée des cinq greffiers en chef actuellement en poste au TGI de Nantes.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Ce sont les magistrats qui manquent, pas les greffiers !
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Ce sont les chiffres de la Chancellerie, madame la sénatrice.
Madame Gourault, vous m'avez demandé si l'identité des futurs témoins serait demandée à l'avance. Notre objectif est d'éviter que ne surgissent des difficultés le jour de la cérémonie. En outre, si une enquête est diligentée aux fins de vérifier la sincérité de l'intention matrimoniale, l'audition des témoins s'en trouvera facilitée. Pour autant, les futurs époux pourront évidemment changer de témoins avant le mariage si un quelconque événement le justifie. Le droit demeure inchangé sur ce point.
Madame Garriaud-Maylam, vous m'avez interrogé sur la concertation avec le ministère des affaires étrangères. Je vous rassure, s'il en était besoin : elle a été parfaite. Dans les consulats les plus exposés à la fraude, le principe de l'audition systématique est déjà appliqué. Elle a lieu le plus souvent à l'occasion de la demande de transcription du mariage. Désormais, il y sera procédé avant le mariage. La charge de travail ne s'en trouvera pas accrue pour autant.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Comment pouvez-vous dire cela ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Dans d'autres consulats, la généralisation des auditions est susceptible de représenter une charge nouvelle. À cet égard, le développement des délégations données à certains fonctionnaires facilitera la tâche de ces consulats. Au besoin, des moyens supplémentaires y seront affectés.
Monsieur Dreyfus-Schmidt - je m'adresse à vous aussi, madame Boumediene-Thiery, dans la mesure où vos arguments étaient en partie communs à ceux de votre collègue -, vous avez prétendu que ce projet de loi portait atteinte à la liberté de mariage.
Sauf votre respect, permettez-moi de vous contredire : ce texte ne vise qu'à étendre aux Français qui se marient à l'étranger le dispositif qui est déjà appliqué en France, ce dont je ne comprends pas que vous vous étonniez.
Loin de porter atteinte au droit fondamental du mariage, ce texte vise au contraire à rétablir l'égalité de traitement entre les Français qui se marient à l'étranger et ceux qui se marient en France, en les soumettant aux mêmes formalités préalables - vous devriez y être sensible, monsieur Dreyfus-Schmidt.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Comment peut-on dire cela ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Je repréciserai ce point dans ma réponse aux motions déposées par votre groupe.
Monsieur le président, je pense avoir ainsi répondu à l'ensemble des intervenants.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Pour faciliter l'examen de l'article 1er et de l'article 3, la commission souhaite que les amendements de suppression nos 26 et 36, d'une part, et nos 30 et 37, d'autre part, soient examinés en premier lieu, sans discussion commune avec les autres amendements déposés sur ces articles.
Tant sur la forme que sur le fond, le débat n'en sera que plus clair.
M. le président. Je suis saisi, par Mme Cerisier-ben Guiga, MM. Yung, Dreyfus-Schmidt et C. Gautier, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, d'une motion n° 19 rectifié bis, tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l'article 44 alinéa 2 du règlement, le Sénat déclare irrecevable le projet de loi adopté par l'Assemblée nationale relatif au contrôle de la validité des mariages (n° 275, 2005-2006).
Je rappelle que, en application de l'article 44, alinéa 8 du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n'excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à M. Richard Yung, auteur de la motion.
M. Richard Yung. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, le texte que nous examinons aujourd'hui est très important et requiert toute notre vigilance, car il est irrecevable à plus d'un titre.
À cet égard, je partage les observations et remarques pertinentes qu'a formulées en commission notre collègue le doyen Gélard, qui a mis en avant les risques d'inconstitutionnalité de ce texte et sa possible incompatibilité avec les conventions internationales.
Loin de moi l'idée de nier l'ampleur et le développement des mariages mixtes, qu'ils soient célébrés en France ou à l'étranger. Ce phénomène, dans un pays dont les citoyens d'origine étrangère représentent une part non négligeable de la population, est explicable.
De nombreux Français d'origine étrangère ont conservé des liens forts avec leur pays d'origine. Certains y retournent pour se marier avec un compatriote. De nombreux couples binationaux dont le mariage a été célébré à l'étranger choisissent d'y demeurer.
Les Français eux-mêmes bougent, en raison notamment de la mondialisation. Ils rencontrent des partenaires avec lesquels ils peuvent se marier.
Quant aux mariages détournés à des fins purement migratoires, ils représentent une proportion malheureusement croissante - je le déplore -, mais faible des mariages binationaux. D'après la commission d'enquête sénatoriale sur l'immigration clandestine, il est très difficile de les quantifier : « Il n'existe pas de statistiques sur les mariages de complaisance car ces affaires, comme les mariages forcés, sont poursuivies sur le fondement de l'article 146 du code civil, c'est-à-dire de l'absence de consentement, et ne donnent pas lieu à un enregistrement spécifique de la part des greffes. »
Cette absence de consentement est bien sûr très difficile à prouver, quand elle existe.
Il est vrai que, pour certains étrangers, le mariage est devenu l'ultime moyen pour franchir les frontières de notre pays. J'affirme même que les mariages blancs sont la conséquence directe de la politique migratoire du Gouvernement et de la fermeture progressive de nos frontières depuis 2003.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Quel raisonnement extraordinaire !
M. Richard Yung. Monsieur le ministre, votre projet de loi participe aussi du phénomène bien connu d'hyperinflation législative et traduit l'échec de votre politique de fermeté.
La suppression de la procédure de sursis administratif, à l'article 6, prouve par exemple que la loi du 26 décembre 2003 relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité est inapplicable. Aussi, je m'interroge : si le texte qui nous est proposé est, par mégarde, adopté, subira-t-il dans trois ans le même sort, lorsque vous aurez pris conscience de son absurdité ?
Une chose est sûre en tout cas : nous l'aurons déjà supprimé en 2007.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Vous êtes bien présomptueux !
M. Richard Yung. Monsieur le ministre, à la suite de l'adoption de la loi du 24 juillet 2006 relative à l'immigration et à l'intégration, vous ne pouvez plus avancer masqué, comme Descartes, et nier que ce nouveau texte d'affichage s'inscrit dans un contexte de suspicion généralisée à l'égard des couples binationaux. Vous venez défendre ici non pas « l'immigration choisie » mais les « mariages choisis ».
M. Richard Yung. Sous prétexte de vouloir protéger l'institution du mariage, vous cherchez à enrayer une prétendue vague migratoire.
Pourquoi votre texte n'a-t-il pas alors été intégré à la loi relative à l'immigration et à l'intégration ?
À présent, je souhaite développer les motifs juridiques d'irrecevabilité du présent projet de loi.
À nos yeux, nombre des dispositions de ce texte sont anticonstitutionnelles.
Elles portent atteinte au principe constitutionnel de la liberté du mariage, principe consacré par le Conseil constitutionnel, en particulier dans sa décision du 13 août 1993.
En dépit de vos dénégations, monsieur le ministre, en cherchant à détourner le contrôle des mariages afin d'en faire un mode légal de contrôle des flux migratoires, vous risquez, avec ce projet de loi, de remettre en cause fortement tant la liberté du mariage, qui est une composante de la liberté personnelle protégée par les articles II et IV de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1789, que cette belle institution républicaine qu'est le mariage.
Dans la mesure où, désormais, le statut de conjoint n'ouvre pratiquement pas droit à l'entrée sur le territoire, au séjour ou à l'accès à la nationalité française, une nouvelle réforme du contrôle de la validité des mariages risque de décourager définitivement certains couples respectueux de la loi et donc d'avoir des effets contre-productifs.
Certes, le législateur peut et doit prendre des mesures relatives aux questions migratoires, mais il lui appartient avant tout de respecter la liberté du mariage. Or, si ce texte était adopté en l'état, les futurs conjoints seraient soumis à un double contrôle extrêmement sévère qui précariserait leur situation.
Vous risqueriez alors de jeter de nombreux couples dans le péché ! (Rires.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ce n'est pas bien !
M. Richard Yung. Or ce n'est certainement pas votre objectif, monsieur le garde des sceaux !
La multiplication des contrôles est d'autant plus inutile que le parquet peut demander la nullité du mariage trente ans après sa célébration !
Conjuguées à la paupérisation des services consulaires et des services judiciaires, ces nouvelles dispositions auraient pour conséquence principale d'allonger excessivement et inutilement les délais courant avant et après la célébration des mariages.
Les jeunes iront alors à Gretna Green, ville écossaise située à la frontière avec l'Angleterre, où, depuis deux cent cinquante ans, le maréchal-ferrant a le privilège de célébrer les mariages sans conditions légales, pour autant que les futurs époux soient âgés de plus de 16 ans. Ce n'est certainement pas ce que nous recherchons.
Il pourrait même s'écouler plusieurs années entre le dépôt du dossier au consulat et la transcription du mariage. Au nom d'un nouveau slogan politique non identifié, ce texte risque donc de transformer le mariage à l'étranger en un véritable parcours du combattant.
Pis encore, ce projet de loi rompt l'égalité entre les Français qui se marient en France et ceux qui se marient à l'étranger. Même les couples de bonne foi seront systématiquement soupçonnés de fraude.
Au sein de l'Union européenne, j'imagine que de jeunes Français épousant, en Allemagne ou en Grande-Bretagne, devant les autorités légales de ces pays, un conjoint allemand ou anglais ne penseront pas à suivre cette procédure extrêmement lourde que vous êtes en train d'élaborer, véritable usine à gaz. Par conséquent, ils seront confrontés à de grandes difficultés.
Ce projet de loi contrevient également à l'engagement gouvernemental de simplification du droit - il est vrai que je ne suis pas le mieux placé pour en parler. Il viole en quelque sorte l'objectif de valeur constitutionnelle de compréhensibilité et d'intelligibilité de la loi.
Enfin, ce texte risque d'instaurer une insécurité juridique jusqu'à la transcription du mariage dans la mesure où cette dernière deviendrait la condition préalable à l'opposabilité dudit mariage en France.
Le Sénat doit refuser cette « judiciarisation » du mariage célébré à l'étranger. Depuis l'entrée en vigueur de la loi du 30 décembre 1993 portant diverses dispositions relatives à la maîtrise de l'immigration et modifiant le code civil, le procureur de la République peut s'opposer à la célébration du mariage, cette décision devenant caduque au bout d'un an. Or le texte proposé par l'article 3 pour l'article 171-6 du code civil met fin à ce principe en contraignant les candidats au mariage à demander devant le tribunal de grande instance la mainlevée de l'opposition afin de renouveler leur demande de mariage.
Certes, cette procédure aurait théoriquement le mérite de raccourcir quelque peu les délais. Mais, outre son coût onéreux pour les candidats au mariage, elle aurait pour sérieux inconvénient d'inverser la charge de la preuve. En effet, il appartiendrait dans ce cas aux futurs époux de prouver leur bonne foi et non pas au procureur de démontrer qu'il a des éléments sérieux de doute sur l'honnêteté de leurs intentions.
En outre, après le mariage célébré à l'étranger, les époux pourraient également être amenés à saisir le juge si le procureur de la République ne se prononce pas sur la transcription du mariage au bout de six mois ou s'il s'oppose à celle-ci.
Pour ce faire, les époux devront avoir les moyens financiers d'être défendus par un avocat du barreau de Nantes. Or, tous les Français de l'étranger ne sont pas des nantis : ils n'ont pas forcément les moyens de payer cet avocat.
De toute façon, nous savons tous ici que le parquet de Nantes serait bien incapable de se prononcer au cours de cette période de six mois. Je ne vais pas revenir sur ce point.
J'ajoute que le garde des sceaux n'est probablement pas le ministre le mieux placé pour évoquer les moyens supplémentaires qui pourraient éventuellement être donnés aux consulats.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Très bien !
M. Richard Yung. Il revient plutôt au ministre des affaires étrangères de nous en parler. Il n'est pas là : nous discutons donc un peu dans le vide.
Pour finir, ce texte est contraire au droit international. L'article 9 de la convention du 14 mars 1978 sur la célébration et la reconnaissance de la validité des mariages prévoit que « le mariage qui a été valablement conclu selon le droit de l'État de la célébration, ou qui devient ultérieurement valable selon ce droit, est considéré comme tel dans tout État contractant ». La France est partie à cette convention. Or, la multiplication des procédures administratives avant et après le mariage risque de constituer une violation de cette disposition qui, dans la hiérarchie des normes, est supérieure à la loi. En d'autres termes, seront considérés comme nuls et non avenus certains mariages, ou tout mariage d'ailleurs, célébrés par des autorités étrangères. J'imagine que nos partenaires, dans l'Union européenne comme en dehors, en tireront aussi les conséquences.
Tels sont, mes chers collègues, les principaux arguments que je voulais développer pour vous prouver qu'il n'y a pas lieu de poursuivre le débat sur ce texte qui est inutile, inique et pour tout dire irrecevable. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, j'ai bien écouté notre collègue Richard Yung. J'aurais pu tenir des propos similaires à ceux qui ont été les siens au début de son intervention.
En effet, il ne nie pas que des mariages soient détournés à des fins migratoires...
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. On ne le nie pas !
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. ...ni même que ceux-ci soient en augmentation. Il estime simplement que le nombre de ces mariages de complaisance ou forcés est faible. Comme nous passons notre temps à dire ici que la plupart des mariages binationaux sont effectivement des mariages sincères, je ne vois pas de différence entre sa position et la nôtre.
J'essaie vainement de trouver les griefs d'inconstitutionnalité. M. Yung a parlé d'une remise en cause de la liberté du mariage. Qu'exigeons-nous pour les mariages célébrés en France ? Nous demandons qu'un document d'identité soit présenté, qu'il émane d'une autorité publique et qu'il comporte une photographie, même ancienne. Cette exigence est tout à fait invraisemblable, vous l'avouerez... En quoi est-elle une atteinte à la liberté du mariage ?
M. Yung voit également, si j'ai bien compris, une rupture de l'égalité entre les mariages célébrés en France et ceux qui le sont à l'étranger. Nous n'avons pas dû lire le même texte ! Toutes les dispositions du projet de loi visent en effet à faire en sorte qu'une personne qui se marie à l'étranger soit soumise aux mêmes conditions que celle qui se marie en France.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Ce n'est pas réalisable !
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Quel est donc alors ce poids colossal que nous imposons aux uns et aux autres ? Effectivement, en cas de doutes sérieux sur la validité - j'allais dire sur la pureté - de l'intention matrimoniale, une audition pourra être organisée. Nous pourrons aussi demander soit aux officiers d'état civil, soit aux autorités consulaires, soit aux fonctionnaires de l'état civil placés sous leur responsabilité, de se forger leur conviction sur l'intention matrimoniale, sous le contrôle éventuel d'un juge.
L'ultime argument d'inconstitutionnalité serait le renversement de la charge de la preuve. Je le cherche désespérément !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Vous n'avez pas entendu ce que le doyen Gélard a dit en commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Si l'on peut éventuellement arriver à trouver un renversement de la charge de la saisine du juge, il n'y a en revanche pas l'ombre d'un renversement de la charge de la preuve. Il appartiendra toujours au procureur de démontrer l'absence d'intention matrimoniale.
Mes chers collègues, les motifs du dépôt de cette motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité me paraissent plus justifiés par la proximité d'échéances électorales importantes que par le fond du texte. La commission a cherché en vain les arguments d'inconstitutionnalité, et elle vous demande de repousser cette motion.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Je me demande une fois de plus si nous parlons bien des mêmes choses. (Absolument ! sur les travées du groupe socialiste.)
Je le dirai avec respect : il ne s'agit ni de changer le droit national du mariage ni de mettre en cause les règles applicables au sursis ou à l'opposition au mariage.
Le projet de loi a pour objet de transposer ces règles aux mariages de Français ou de binationaux célébrés dans nos consulats. Admettez que, si ce texte était inconstitutionnel, nous nous en serions déjà aperçus ! La loi en France ne change pas.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Un petit peu...
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Absolument pas ! Ce qui est réglementaire peut devenir législatif mais le fond ne change pas.
Si je creuse le début de raisonnement juridique que je crois deviner derrière votre argumentation, le droit français ne pourrait pas s'appliquer dans nos consulats à l'étranger.
À peine énoncée, cette théorie ne peut que prêter à sourire ! Il ne saurait être question d'inconstitutionnalité : le droit reste le même, il est simplement transposé aux mariages de Français ou de binationaux dans nos consulats.
Je demande donc à la Haute Assemblée de repousser cette motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.
M. le président. Je mets aux voix la motion n° 19 rectifié bis, tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.
Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.
(La motion n'est pas adoptée.)
Question préalable
M. le président. Je suis saisi, par Mmes Mathon-Poinat, Borvo Cohen-Seat, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, d'une motion n° 35, tendant à opposer la question préalable.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l'article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif au contrôle de la validité des mariages (n° 275, 2005-2006).
Je rappelle que, en application de l'article 44, alinéa 8 du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n'excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, auteur de la motion.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, je déplore que le règlement du Sénat prévoie que les motions tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité et la question préalable ne soient examinées qu'après la clôture de la discussion générale. Je ne manque jamais de le rappeler, dans l'espoir que le règlement sera modifié pour permettre au débat de se dérouler normalement.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Nous ne sommes pas d'accord sur les modifications !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous avons eu la réponse de M. le garde des sceaux. Or, si ce projet de loi n'était pas discriminatoire - mais hélas ! il l'est -, il ne concernerait pas les seuls mariages avec les étrangers. Au nom de l'égalité des citoyens, le contrôle de tous les mariages devrait être renforcé : il faudrait d'abord vérifier si ceux-ci ne seraient pas, dans leur grande majorité, arrangés à des fins patrimoniales, fiscales, ou pour des intérêts familiaux. Il faudrait ensuite s'assurer qu'ils ont bien été consommés, sans quoi il ne s'agirait évidemment pas de vrais mariages.
Je ferai deux constats. D'une part, ce texte vient s'ajouter à une liste déjà bien longue de lois fort répressives portant sur la lutte contre l'immigration : il ne vise en effet que les mariages entre un Français et un étranger. D'autre part, il repose sur un fantasme selon lequel les mariages mixtes seraient a priori de complaisance et participeraient de l'afflux de hordes étrangères sur notre territoire.
La preuve en est le brouillage sémantique entre mariage de complaisance, mariage simulé, mariage forcé. Ces notions, qui sont tout de même différentes, sont maniées de façon tout à fait floue. La présentation des statistiques est un autre élément de brouillage : faire état, par exemple, de 500 % d'augmentation des mariages binationaux avec des étrangers de tel ou tel pays, sans citer aucun chiffre absolu, n'est guère précis. Et si l'on part de trois mariages, une augmentation de 500 % aboutira à un résultat dérisoire !
Les annulations de mariage sont très faibles : on en dénombre 300, 500, peut-être 700. Ce chiffre, selon vous, ne correspondrait pas à la réalité : il serait en fait beaucoup plus élevé. Combien ? On l'ignore !
Notre législation en matière de droit au séjour des étrangers et de mariage forcés, qui sont bien évidemment répréhensibles, est loin d'être insignifiante.
Le rapporteur lui-même parle d'un « dispositif législatif pléthorique ». Il a raison ! La loi du 30 décembre 1993 ainsi que la loi du 26 novembre 2003, toutes deux relatives à l'immigration, ont posé les premières pierres de l'arsenal législatif du contrôle de la validité des mariages entre un Français et un étranger.
Préalablement au mariage, la loi de 1993 a mis en place une procédure d'opposition à la célébration du mariage en cas d'indices sérieux présumant l'absence de réelle intention matrimoniale.
La loi de 2003 prévoit, quant à elle, que l'officier d'état civil doit entendre les époux afin de vérifier leur intention matrimoniale, sauf s'il apparaît que cette audition n'est pas nécessaire.
De même, les modalités de transcription du mariage sur les registres d'état civil ont été durcies par ces deux lois. La loi de 1993 prévoit que l'agent diplomatique ou consulaire doit surseoir à la transcription en cas de doutes sérieux, le ministère public disposant d'un délai de six mois pour se prononcer.
La loi de 2003 a renforcé ce dispositif puisqu'elle prévoit que les époux sont entendus préalablement à cette transcription. Cette dernière a également renforcé l'arsenal répressif, en créant le nouveau délit du mariage de complaisance.
La lutte contre les mariages forcés nous tient à coeur. Nous avons déposé - même si nous n'étions pas les seuls - une proposition de loi en ce sens, reprise dans la loi du 4 avril 2006 sur les violences au sein du couple, afin de porter l'âge du mariage à 18 ans pour les jeunes filles. Le projet de texte qui nous est soumis ne va pas apporter grand-chose concernant les mariages forcés.
Cette loi a par ailleurs renforcé le dispositif de contrôle des mariages, en autorisant la délégation de la réalisation des auditions des futurs époux, en permettant au ministère public de demander la nullité du mariage contracté sans le consentement libre des époux, ou encore en considérant que l'exercice d'une contrainte sur les époux constitue un cas de nullité du mariage. La question est bien là : si le consentement n'est pas libre, le mariage doit être considéré comme frauduleux.
Enfin, et pour clore cet inventaire à la Prévert, la loi du 24 juillet dernier, qui vient donc à peine d'être d'adoptée, a elle aussi étendu le dispositif visant à décourager les personnes de nationalité étrangère de se marier avec un Français.
Cette motion tendant à opposer la question préalable pourrait d'ailleurs être justifiée par le simple motif que nous avons examiné, voilà à peine trois mois, un texte très vaste sur l'immigration. Les dispositions qui nous sont présentées aujourd'hui auraient eu toute leur place dans la loi de juillet dernier, si nous avions été d'accord avec vous sur ce texte, ce qui n'est bien sûr pas le cas !
Il ne s'agit ni plus ni moins que d'entretenir une suspicion généralisée à l'encontre des étrangers, suspectés de vouloir, par tous moyens et en particulier par le mariage, profiter de notre système et obtenir un titre de séjour ou la nationalité française.
L'arsenal législatif contre les étrangers souhaitant se marier avec un Français étant suffisamment étoffé à notre sens, il n'est nul besoin d'en rajouter. Nous n'avons évidemment pas le même point de vue sur cette question, puisque tant le Gouvernement que M. le rapporteur considèrent que les résultats en la matière sont « largement insuffisants ».
Le critère retenu est le nombre de signalements effectués par les officiers d'état civil, ce nombre étant en constante augmentation. Mais les signalements ne sont pas synonymes de mariages simulés. La confusion est pourtant sciemment entretenue. Serait-ce que vous souhaitez voir tous les signalements aboutir à une annulation du mariage ?
Si le nombre de signalements est en effet relativement important, celui des mariages annulés l'est nettement moins, comme le révèle une étude d'Infostat justice, publication qui dépend du ministère de la justice et dont le numéro d'août 2006 est consacré aux annulations de mariages en 2004. On peut y lire des informations réellement très intéressantes.
Certes, le nombre d'affaires en matière d'annulation de mariage traitées par les tribunaux a augmenté entre 1995 et 2004. Certains ont expliqué que cela va dans le sens de l'histoire. Au total, 1 210 affaires ont été traitées en 2004. Néanmoins, sur ces 1 210 affaires, 737 se sont soldées par une annulation. Et sur ces 737 annulations, seules 363 concernaient des mariages de complaisance. Évidemment, monsieur le garde des sceaux, vous subodorez, sans le démontrer, qu'il y a beaucoup plus de mariages de complaisance.
Par ailleurs, afin de ne pas entretenir de fantasmes, il serait bon que nous puissions fonder notre discussion sur des éléments précis. Ainsi, il serait intéressant de savoir combien de mariages sont célébrés dans le seul objectif, non avouable, d'obtenir un titre de séjour et combien d'entre eux sont rompus une fois l'effet juridique obtenu.
L'étude que j'ai évoquée indique certes le nombre de mariages de complaisance qui ont été annulés en 2004, mais elle ne précise pas si ces mariages étaient mixtes. Nous n'avons pas plus d'explications sur les raisons pour lesquelles leur nombre serait en augmentation. Nous ne disposons que de suppositions !
De nombreuses ambiguïtés doivent encore être levées afin de nous permettre de légiférer en toute connaissance de cause. Établir un lien direct entre le nombre de signalements et le nombre de mariages prétendument de complaisance semble hasardeux, voire mensonger, faute de preuves précises.
Toute affirmation, tout chiffre non fondé sur une étude sérieuse n'est que pure spéculation, destinée à entretenir la suspicion. Or on ne peut légiférer à partir de suspicions !
Notre législation en matière de fraude au mariage est pourtant loin d'être laxiste, si on la compare à celle qui est en vigueur dans d'autres pays de l'Union européenne. Selon les situations, l'harmonisation européenne est un prétexte à géométrie variable !
En Allemagne, en Belgique, au Danemark, en Espagne et en Italie, pays censés avoir adopté un dispositif comparable à celui de la France, la situation est en fait tout autre. Les peines de prison y sont bien moins élevées que ce qui est prévu par notre législation, quand elles ne sont pas inexistantes.
Les sanctions vont de trois ans de prison ou une amende en Allemagne à six mois de prison ou une amende au Danemark. En Belgique, la peine encourue est comprise entre huit jours et trois mois de prison, l'amende entre 130 et 500 euros. En Italie, il n'existe pas de sanction pénale spécifique en cas de mariage de complaisance. En Espagne, les seules sanctions prévues touchent l'officier d'état civil.
Quant aux pays qui, comme la France, ont adopté une législation particulière en matière de lutte contre les mariages de complaisance, qu'il s'agisse des Pays-Bas, de l'Angleterre ou du Pays de Galles, ils n'ont prévu aucune sanction pénale spécifique non plus.
Notre législation est donc bien plus sévère que celle de nos voisins européens. Pourquoi avoir créé voilà trois ans à peine une sanction pénale spécifique si le Gouvernement considère aujourd'hui qu'il est nécessaire de renforcer le dispositif de lutte contre les mariages de complaisance ?
Une fois de plus, ce sont l'incohérence et la volonté d'affichage qui caractérisent ce texte, non la rationalité et le discernement.
Ce projet de loi vient compléter un dispositif déjà lourd et complexe en matière de mariages de binationaux, notamment ceux qui sont célébrés à l'étranger, ce qui portera évidemment préjudice à la très grande majorité des personnes de bonne foi désireuses de se marier.
En prévoyant de renforcer le contrôle a priori et a posteriori des mariages célébrés, c'est au droit au mariage de ces personnes que vous portez atteinte. Vous ne nous avez pas démontré le contraire, monsieur le garde des sceaux.
Dans le cas des mariages célébrés à l'étranger, l'allongement des délais d'opposition à la célébration ou à la transcription du mariage, ou encore le fait de prévoir que, à chaque étape administrative antérieure ou postérieure au mariage, le procureur pourra être saisi en cas de doutes sur les finalités de l'union, créent une véritable insécurité juridique au détriment des Français et des étrangers souhaitant se marier. Encore une fois, l'égalité entre les citoyens, qu'ils soient ou non Français, est rompue.
Enfin, la présomption de régularité des actes d'état civil étrangers est elle aussi un peu plus remise en cause par ce projet de loi, qui parachève ainsi le travail commencé avec la loi de 2003.
L'article 47 du code civil nous permettait pourtant de vivre en bonne intelligence avec les États voisins, puisqu'il prévoyait, avant 2003, une présomption de régularité des actes d'état civil établis par un pays étranger.
La loi de 2003 a remis en cause cette présomption : désormais, l'acte d'état civil étranger fait foi, sauf s'il est établi qu'il est falsifié ou mensonger. Le projet de loi va même plus loin puisqu'il prévoit que des vérifications pourront encore intervenir avant la transcription de l'acte. Cette fois encore, l'insécurité juridique va planer sur les actes d'état civil établis à l'étranger.
Nous sommes donc bien dans l'ère du soupçon à l'égard de tout ce qui vient de l'étranger !
À l'heure où certains voudraient plus de liberté pour les capitaux et les marchandises, la liberté pour les femmes et les hommes de se déplacer, de fonder une famille, quel que soit le pays choisi, se fait encore attendre. Ce paradoxe ne peut durer éternellement. C'est là un grand préjudice pour les gens et pour notre pays.
Ce projet de loi est aussi inutile que dangereux. Sous couvert de permettre le contrôle de la validité des mariages, il tend ni plus ni moins à empêcher les mariages mixtes et à décourager les Français de se marier avec des étrangers ! Pis, et c'est en cela qu'il est dangereux, il véhicule l'idée selon laquelle, en épousant un Français ou une Française, les étrangers cherchent exclusivement un moyen de rester sur notre territoire.
Telles sont les raisons pour lesquelles je vous invite à rejeter ce texte en votant cette motion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Je partage le point de vue de Mme Borvo Cohen-Seat sur un point, celui des chiffres.
Monsieur le garde des sceaux, nous aimerions effectivement disposer à l'avenir de plus de précisions sur les mariages binationaux célébrés en France, comme je l'ai indiqué lors de la discussion générale.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Pourquoi à l'avenir ? Avant de légiférer !
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Il serait ainsi utile de connaître la durée de ces mariages. Je suis personnellement convaincu que la durée d'un certain nombre de ces mariages est particulièrement limitée, ce qui confirmerait les appréhensions qui sont les nôtres.
J'ai été maire d'une commune de 40 000 habitants. À ce titre, je me suis adressé à plusieurs reprises au procureur de la République au sujet de mariages binationaux qui me paraissaient être soit des mariages de complaisance, soit des mariages forcés. J'ai rarement obtenu de réponse de sa part. Or j'ai très rapidement constaté ensuite la dissolution de ces mariages une fois acquis un titre de séjour.
Je n'ai malheureusement pas d'autres points d'accord avec Mme Borvo Cohen-Seat. En ce qui me concerne, je suis convaincu que le mariage n'est pas une décision anodine. Même si le nombre de mariages simulés correspond au nombre de mariages annulés, c'est déjà beaucoup trop. Nous avons donc besoin d'une législation nous permettant de faire respecter l'institution qu'est le mariage.
Mais il serait déraisonnable de notre part de verser dans l'angélisme. Nous savons très bien, les uns et les autres, que le nombre de mariages annulés ne représente que la partie émergée de l'iceberg...
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. On n'en sait rien !
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. ...et que, en réalité, le nombre de mariages de complaisance ou de mariages forcés est bien plus élevé.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ce ne sont que des supputations !
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Quant à l'incohérence du projet de loi évoquée par Mme Borvo Cohen-Seat, je ne vois pas où elle est. En revanche, je cherche vainement la cohérence des propos de notre collègue ! Cette dernière s'insurge ainsi contre le fait que des sanctions pénales soient prévues en cas de mariage de complaisance, infraction qui peut en outre être commise en bande organisée. Cette incrimination pénale me paraît pourtant tout à fait nécessaire.
Ce texte permet de manière fort utile de vérifier que le mariage n'est pas détourné des fins qui sont les siennes, à savoir la communauté de vie. Nous pourrons nous débarrasser à tout jamais des amalgames douteux évoqués à l'occasion de cette motion tendant à opposer la question préalable entre étrangers, mariages frauduleux, droit au séjour et acquisition de la nationalité lorsque nous aurons pris des mesures permettant de faire clairement respecter l'intention matrimoniale.
Telles sont les raisons pour lesquelles, mes chers collègues, la commission des lois vous demande de ne pas voter cette motion tendant à opposer la question préalable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Madame Borvo Cohen-Seat, je crois pouvoir dire que vos arguments reposent sur un constat erroné, ce dont j'aimerais vous convaincre.
M. Robert Bret. On n'a aucun chiffre !
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Tout d'abord, loin d'être inutile, ce texte s'inscrit au contraire dans un dispositif global de lutte contre les mariages frauduleux.
En effet, vous savez que l'objectif principal des dispositions de la loi du 4 avril 2006 renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple ou commises contre les mineurs est de lutter plus particulièrement contre les mariages forcés.
Les dispositions applicables au mariage qui figurent dans la loi du 24 juillet 2006 relative à l'immigration et à l'intégration visent quant à elles à rendre moins attractive la conclusion d'un mariage aux seules fins d'obtenir un titre de séjour ou d'acquérir la nationalité française.
Le texte qui vous est aujourd'hui soumis ne constitue pas une énième révision : les mesures qu'il comporte sont parfaitement complémentaires de celles que je viens d'évoquer, puisqu'elles tendent à renforcer notre dispositif de prévention des mariages frauduleux, en France comme à l'étranger, et à mieux lutter contre la fraude des documents d'état civil.
L'objectif du Gouvernement est ainsi de parvenir à un dispositif global et cohérent, qui permette de rétablir l'équilibre entre liberté du mariage et lutte contre la fraude.
Ensuite, ce texte n'est pas non plus dangereux.
Je l'ai indiqué lors de la discussion générale, il ne s'agit pas de faire un amalgame entre mariages mixtes et mariages frauduleux. Personne ne conteste que la plupart des mariages mixtes ne font que traduire l'ouverture de notre société vers le monde extérieur et sont fondés sur des sentiments sincères. On ne peut que s'en réjouir !
Toutefois, les chiffres que j'ai indiqués voilà quelques instants, et que vous considérez comme insuffisants, sont là pour nous le rappeler : un nombre important de ces unions obéissent exclusivement à des stratégies migratoires. Nous le savons tous, nous ne devons pas le nier. Nous devons empêcher de telles unions.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Oui, il y en a, mais pas en nombre important !
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Personne ne le nie ! Mais si vous constatez comme nous qu'il y en a - nous sommes donc d'accord ! -, adoptons alors une législation nous permettant de faire face à ces cas que, contrairement à nous, vous estimez rares - mais là n'est pas le débat.
Tel est l'objet de ce projet de loi, qui mérite bien entendu d'être examiné et adopté par le Sénat. Je vous demande en conséquence, mesdames, messieurs les sénateurs, de rejeter la motion du groupe CRC tendant à opposer la question préalable.
M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Le groupe socialiste votera cette motion, et je voudrais essayer de convaincre nos collègues d'en faire autant.
L'attention de l'Assemblée nationale est actuellement retenue par le projet de loi de finances pour 2007.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ce sera ensuite le tour du Sénat. Quand donc l'Assemblée nationale examinera-t-elle le présent projet de loi ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux. La semaine prochaine ! Pas de chance ! Votre argumentaire s'écroule... (Sourires.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Nous verrons !
Et si ce texte n'est pas adopté conforme par l'Assemblée nationale, sera-t-il à nouveau soumis au Sénat ? On peut véritablement en douter !
Il me semble tout à fait inutile de retenir l'attention du Sénat sur un texte dont vous vous êtes parfaitement passés depuis le 22 mars dernier et qui ne sert strictement à rien !
Telles sont les raisons pour lesquelles, mes chers collègues, vous pourriez vous joindre à nous et voter cette motion tendant à opposer la question préalable.
M. le président. Je mets aux voix la motion n° 35, tendant à opposer la question préalable.
Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 1 :
Nombre de votants | 329 |
Nombre de suffrages exprimés | 321 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 161 |
Pour l'adoption | 120 |
Contre | 201 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Demande de renvoi à la commission
M. le président. Je suis saisi, par Mme Cerisier-ben Guiga, MM. Yung, Dreyfus-Schmidt et C. Gautier, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, d'une motion n° 18 rectifié bis, tendant au renvoi à la commission.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l'article 44, alinéa 5, du règlement, le Sénat décide qu'il y a lieu de renvoyer à la commission des lois le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif au contrôle de la validité des mariages (n° 275, 2005-2006).
Je rappelle que, en application de l'article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
Aucune explication de vote n'est admise.
La parole est à M. Charles Gautier, auteur de la motion.
M. Charles Gautier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la première phrase de l'exposé des motifs du texte que nous examinons aujourd'hui en dit long sur l'état d'esprit dans lequel ce texte a été rédigé : « La lutte contre l'immigration irrégulière et les mariages forcés constitue l'une des priorités du Gouvernement. »
C'est éloquent ! Dès la première phrase, on nous inflige un amalgame entre immigration et mariage forcé - comme s'il n'existait pas de mariages forcés entre Français. Pourquoi instituer une sorte de rapport systématique entre immigration et mariage forcé ?
La suspicion est permanente : les règles du mariage seraient détournées a priori à des fins purement migratoires. L'argumentation paraît peu sérieuse. Les chiffres cités sont inexistants ou peu précis. En réalité, ce phénomène touche combien de mariages ? Quel pourcentage représente-t-il sur l'ensemble des mariages binationaux ?
En fait, il semble que la proportion soit très faible. L'application de la loi de 2003 et du décret de 2005 s'y rapportant entraîne l'annulation d'à peu près 200 mariages par an. On parle de 34 000 personnes par an qui acquièrent la nationalité française par le mariage,...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ce n'est pas beaucoup.
M. Charles Gautier. ...chiffre à rapprocher des 75 000 personnes naturalisées chaque année en France.
Et puis, je m'interroge car il existe déjà des règles permettant aux officiers d'état civil de dénoncer un mariage qui leur paraîtrait peu sincère. Les textes protégeant les jeunes femmes contre le mariage forcé n'ont-ils pas été récemment réformés, notamment grâce à nos collègues Nicole Borvo Cohen-Seat et Roland Courteau, qui se sont battus pour le relèvement de l'âge légal du mariage à dix-huit ans ? (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Cela ne figurait pas dans la proposition de Roland Courteau !
M. Charles Gautier. Monsieur le garde des sceaux, ce texte est un pur produit de campagne électorale, mais il est aussi dangereux.
Il est dangereux, car il induit automatiquement une suspicion vis-à-vis des couples binationaux. Il stigmatise celui ou celle qui, de nationalité française, oserait proposer le mariage à un étranger.
Il est dangereux aussi et surtout parce qu'il renverse la charge de la preuve. Comme cela a déjà été dit plusieurs fois, ce n'est plus à l'officier d'état civil de prouver que le mariage est délictueux, mais au couple binational de prouver sa volonté réelle de se marier. Quelle chose est plus dure à prouver que son amour profond ?
Par cette réforme, vous ne parviendrez qu'à une seule chose : fabriquer une nouvelle catégorie d'étrangers irrégularisables, dont le désir de vie commune sera contrarié et qui viendront tout de même en France. Ils seront alors inexpulsables, contraints de vivre dans la clandestinité, et vous savez très bien ce que cela entraîne : le gymnase de la ville de Cachan est rempli de familles dans ce cas !
Monsieur le garde des sceaux, nous avons déposé cette motion de renvoi à la commission pour une raison bien précise. Vous prévoyez dans ce texte une charge de travail supplémentaire pour les services diplomatiques et consulaires, ainsi que pour le parquet de Nantes. Dans la réponse que vous avez faite à Mme Cerisier-ben Guiga sur ce sujet, vous n'avez parlé que des postes de greffier. Votre silence concernant les postes de magistrat ne fait que confirmer la véracité des propos de ma collègue.
M. Charles Gautier. L'article 3 du projet de loi que nous examinons aujourd'hui renforce les contrôles a priori et a posteriori concernant les mariages célébrés à l'étranger.
Les autorités diplomatiques et consulaires seront chargées désormais de délivrer obligatoirement des certificats de capacité de mariage, de réaliser les auditions des futurs époux, d'engager les procédures d'opposition et de transcrire les mariages célébrés à l'étranger. Par là, vous durcissez les conditions d'accès au mariage de façon considérable.
Le durcissement de ces conditions entraînera automatiquement des contentieux nombreux. Ceux-ci sont de la compétence du tribunal de grande instance de Nantes depuis le décret du 23 février 2005. Or, depuis la sortie de ce décret, aucun bilan n'a été établi, aucune audition n'a été faite. Quelles en sont les conséquences pour le parquet de Nantes ? Il suffit d'aller rencontrer les personnes concernées - c'est plus facile pour moi que pour d'autres, je le reconnais volontiers - pour constater que leurs conditions de travail ne se sont pas améliorées, c'est le moins que l'on puisse dire !
Monsieur le ministre, les services diplomatiques et consulaires sont déjà dans des situations financières et matérielles inquiétantes. Le tribunal de grande instance de Nantes, comme une grande partie des tribunaux de grande instance de France, est surchargé de dossiers.
Nous considérons donc qu'il aurait été important de prévoir, dans le cadre de la préparation de la discussion de ce texte, une saisine pour avis de la commission des affaires étrangères. Celle-ci aurait, au minimum, procédé à l'audition de la direction des affaires consulaires et du parquet de Nantes. Le ministre des affaires étrangères n'a même pas été auditionné par la commission des lois, il est pourtant concerné au premier chef par la mise à disposition de moyens supplémentaires, comme l'a démontré mon collègue Richard Yung.
De plus, ce texte a été déposé à l'Assemblée nationale en février 2006 ; il a été retiré de l'ordre du jour au profit du texte sur l'immigration, tout cela voilà plus de six mois. La précipitation avec laquelle la commission des lois vient d'être saisie n'est donc absolument pas justifiée.
C'est pour toutes ces raisons que le groupe socialiste demande le renvoi à la commission de ce texte. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Je n'interviendrai pas sur les critiques concernant le texte, je me bornerai à répondre au sujet du renvoi à la commission.
Notre rapporteur a été nommé au mois d'avril, il a donc eu tout le temps de procéder aux auditions nécessaires des services de la chancellerie et du ministère des affaires étrangères.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Lui seul !
Mme Alima Boumediene-Thiery. La commission ne les a pas entendus.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Il nous en a rendu compte. Je pense que le rapporteur a bien fait son travail. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
La commission a eu le temps d'examiner les divers aspects de ce texte. Nous avons d'ailleurs tenu compte des difficultés qui nous étaient signalées et apporté un certain nombre de modifications afin de répondre aux besoins de sécurité juridique, mais aussi de simplicité.
D'ailleurs, mes chers collègues, nous ne sommes pas obligés, pour chaque texte, d'entendre tous les ministres. Nous n'avons pas entendu le garde des sceaux.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Cela aurait pourtant été utile ! Demandez aux consuls ce qu'ils en pensent !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Madame Cerisier-ben Guiga, veuillez cesser de m'interpeller !
Nous estimons que nous pouvons parfaitement délibérer, nos collègues étant tout à fait informés des divers aspects de ce projet de loi. C'est la raison pour laquelle j'invite le Sénat à rejeter la motion de renvoi à la commission. (Mme Alima Boumediene-Thiery proteste.)
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Cette motion tend à obtenir le renvoi du texte à la commission des affaires étrangères afin que le ministre des affaires étrangères puisse faire connaître son point de vue sur cette réforme.
Chacun est conscient qu'il s'agit là d'une demande dilatoire. Le ministère des affaires étrangères a déjà été auditionné par le rapporteur de la commission des lois.
Je tiens à indiquer que, dans un certain nombre de consulats, ceux qui sont parmi les plus exposés à la fraude, le principe de l'audition systématique des époux est déjà appliqué, d'ailleurs avec un certain succès. Lorsque cela est possible, cette audition a lieu avant le mariage. Néanmoins, le plus souvent, elle se déroule après la célébration, à l'occasion de la demande de transcription. Quoi qu'il en soit, les consulats qui pratiquent ainsi soulignent l'efficacité de cette mesure afin de détecter les cas de fraude.
Si la généralisation des auditions est susceptible de créer une charge nouvelle, la réforme a également pour objet de rendre plus efficace le dispositif de contrôle des mariages. Ainsi, le développement des dispositions relatives à la délégation donnée à certains fonctionnaires pour procéder à l'audition, de même que la réalisation d'un contrôle plus en amont peuvent alléger ces charges.
En tout état de cause, le Gouvernement assurera le suivi de l'application de cette réforme et affectera les besoins nécessaires à sa réussite.
Cela étant dit, j'aimerais à nouveau répondre à Mme Cerisier-ben Guiga ainsi qu'à M. Gautier, qui viennent de me reprocher de n'avoir parlé que des greffiers et non des magistrats. Comme je veux tout faire pour leur être agréable, je vais leur donner immédiatement satisfaction. (Sourires.)
Par le passé, le parquet civil de Nantes comptait trois magistrats. Mon prédécesseur a créé un quatrième poste, et je viens d'affecter un cinquième magistrat à cette juridiction. Le nombre de magistrats est donc passé de trois à cinq.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Pour un doublement de la charge de travail !
M. Pascal Clément, garde des sceaux. De la même façon, par le passé, il y avait onze greffiers. Les efforts de mon prédécesseur et de moi-même ont abouti à faire passer leur nombre de onze à seize.
Telle est la situation, qui, j'en suis heureux, permettra de rassurer Mme Cerisier-ben Guiga et M. Gautier, dont j'ai pu mesurer à quel point l'inquiétude était sincère.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Oui, très sincère !
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Au bénéfice de ces explications, le Gouvernement demande au Sénat de bien vouloir rejeter la motion tendant au renvoi à la commission. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. Je mets aux voix la motion n° 18 rectifié bis, tendant au renvoi à la commission.
Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.
(La motion n'est pas adoptée.)
M. le président. Mes chers collègues, avant d'aborder l'examen des articles, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures, est reprise à dix-huit heures dix.)
M. le président. La séance est reprise.
5
NOMINATION DEs MEMBRES de la COMMISSION spéciale chargée de vérifier et d'apurer les comptes
M. le président. Je rappelle qu'il a été procédé à l'affichage de la liste des candidats aux fonctions de membres de la commission spéciale chargée de vérifier et d'apurer les comptes.
Le délai fixé par le règlement est expiré.
Je n'ai reçu aucune opposition.
En conséquence, la liste est ratifiée et je proclame membres de la commission spéciale chargée de vérifier et d'apurer les comptes : MM. Joël Bourdin, François Fortassin, Thierry Foucaud, Yves Fréville, Yann Gaillard, Paul Girod, Jean-Jacques Jégou, François Marc, Marc Massion, Jean-Pierre Plancade et François Trucy.
6
NOMINATION DE MEMBRES d'organismes extraparlementaires
M. le président. Je rappelle que la commission des affaires culturelles a proposé des candidatures pour trois organismes extraparlementaires.
La présidence n'a reçu aucune opposition dans le délai d'une heure prévu par l'article 9 du règlement.
En conséquence, ces candidatures sont ratifiées et je proclame : M. Jean-François Picheral, membre du Centre national d'art et de culture Georges-Pompidou ; M. Robert Tropéano, membre du Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres et M. Yves Dauge, membre de la Commission supérieure des sites, perspectives et paysages.
7
Contrôle de la validité des mariages
Suite de la discussion et adoption d'un projet de loi
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif au contrôle de la validité des mariages.
Nous passons à la discussion des articles.
CHAPITRE IER
Dispositions relatives au contrôle de la validité des mariages
Article 1er
Les deuxième à quatrième alinéas de l'article 63 du code civil sont remplacés par onze alinéas ainsi rédigés :
« La publication prévue au premier alinéa, ou, en cas de dispense de publication accordée conformément aux dispositions de l'article 169, la célébration du mariage est subordonnée :
« 1° À la remise, pour chacun des futurs époux, des indications ou pièces suivantes :
« - un certificat médical datant de moins de deux mois attestant, à l'exclusion de toute autre indication, que l'intéressé a été examiné en vue du mariage ;
« - les pièces exigées par les articles 70 ou 71 ;
« - la justification de l'identité au moyen d'une pièce délivrée par une autorité publique ;
« - l'indication des prénoms, nom, date et lieu de naissance, profession et domicile des témoins, sauf lorsque le mariage doit être célébré par une autorité étrangère ;
« 2° À l'audition commune des futurs époux, sauf en cas d'impossibilité ou s'il apparaît, au vu des pièces fournies, que cette audition n'est pas nécessaire au regard des articles 146 et 180.
« L'officier de l'état civil, s'il l'estime nécessaire, demande à s'entretenir séparément avec l'un ou l'autre des futurs époux.
« L'audition du futur conjoint mineur se fait hors la présence de ses père et mère ou de son représentant légal et de son futur conjoint.
« L'officier de l'état civil peut déléguer à un ou plusieurs fonctionnaires titulaires du service de l'état civil de la commune la réalisation de l'audition commune ou des entretiens séparés. Lorsque l'un des futurs époux réside à l'étranger, l'officier de l'état civil peut demander à l'autorité diplomatique ou consulaire territorialement compétente de procéder à son audition. Le compte rendu de cette audition lui est adressé sans délai.
« L'autorité diplomatique ou consulaire peut déléguer à un ou plusieurs fonctionnaires titulaires chargés de l'état civil la réalisation de l'audition commune ou des entretiens séparés. Lorsque l'un des futurs époux réside dans un pays autre que celui de la célébration, l'autorité diplomatique ou consulaire peut demander à l'officier de l'état civil territorialement compétent de procéder à son audition. Le compte rendu de cette audition lui est adressé sans délai. »
M. le président. La parole est à M. Richard Yung, sur l'article.
M. Richard Yung. Les dispositions proposées à l'article 1er sont superfétatoires, car elles sont déjà en vigueur.
En l'état actuel du droit, l'officier d'état civil ne peut en effet procéder à la publication des bans qu'après la remise, par chacun des époux, d'un certificat médical et d'un extrait d'acte de naissance.
Par ailleurs, l'article 63 du code civil a déjà été modifié par la loi du 26 novembre 2003 et par la loi du 4 avril 2006 afin d'y introduire l'obligation pour l'officier d'état civil de procéder à une éventuelle audition des futurs époux.
En outre, les officiers d'état civil demandent d'ores et déjà aux futurs époux de présenter une pièce d'identité et de communiquer un justificatif de domicile, les informations concernant leurs témoins, etc.
Le présent projet de loi n'apporte donc aucune valeur ajoutée au droit actuel.
En ce qui concerne les témoins, ils peuvent actuellement être choisis au moment même de la célébration du mariage. Ils doivent, en vertu du code civil - article 37 et 7° de l'article 76 - être majeurs.
Le projet de loi fait obligation aux futurs époux d'indiquer par avance à l'officier d'état civil l'identité, la date et le lieu de naissance, ainsi que la profession et le domicile des témoins sauf lorsque le mariage doit être célébré par une autorité étrangère. Cette disposition est regrettable. En effet, il faut éviter que l'absence de l'un des témoins le jour du mariage ne compromette la célébration du mariage. Les maires sont souvent amenés à substituer au dernier moment un autre témoin au témoin absent.
Pour ces raisons, nous proposerons la suppression de cet article 1er.
M. le président. Je rappelle, monsieur le président de la commission, que vous avez demandé que les amendements déposés à l'article 1er et à l'article 3 ne fassent pas l'objet d'une discussion commune.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. En effet, monsieur le président.
M. le président. Nous allons donc procéder ainsi.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 26 est présenté par Mme Cerisier-ben Guiga, MM. Yung, Dreyfus-Schmidt et C. Gautier, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 36 est présenté par Mmes Mathon-Poinat, Borvo Cohen-Seat, Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga, pour présenter l'amendement n° 26.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Je souhaite compléter le propos de mon collègue Richard Yung.
Notre opposition à cet article tient très précisément aux conditions prévues pour les auditions des futurs conjoints.
La délégation de la responsabilité d'auditionner à des fonctionnaires du service de l'état civil, pratique qui existe déjà depuis longtemps, pose problème.
Les fonctionnaires ne sont pas officiers d'état civil. Leur droit à interférer dans la vie privée des citoyens par un interrogatoire sur leur projet matrimonial est des plus fragiles.
Effectuée par un fonctionnaire pour lequel aucune procédure d'assermentation n'est prévue et qui n'est pas astreint à un strict respect de la confidentialité, l'audition change de caractère juridique.
Si, de surcroît, le fonctionnaire n'a reçu aucune formation préalable et s'il n'est pas encadré dans l'exercice de cette fonction, l'audition se transforme facilement, selon les présupposés idéologiques du fonctionnaire d'état civil promu « sondeur des reins et des coeurs », en une mise en cause parfois raciste - il faut le dire, car cela se produit trop souvent ! - du bien-fondé de l'union.
La même dérive se produit dans les consulats français à l'étranger.
Que je sache, mes chers collègues, les officiers de police judiciaire ne peuvent pas déléguer leurs responsabilités à un agent de police dépourvu de cette qualification ! Pourquoi en irait-il différemment pour un officier d'état civil ?
Nous nous interrogeons également sur l'obligation faite aux époux de justifier leur identité au moyen d'un document fourni par l'administration. Monsieur le ministre, le passeport étranger d'un futur conjoint en situation irrégulière - et n'ayant donc pas de pièce d'état civil délivrée par l'administration française - sera-t-il admis ?
Enfin, l'obligation d'indiquer à l'avance la date, le lieu, la profession et le domicile des témoins fait naître une interrogation.
S'agit-il seulement de faciliter la rédaction de l'acte de mariage, préalable à la célébration, ou s'agit-il également de permettre des contrôles sur des témoins qui pourraient ensuite être considérés comme les complices d'un mariage entaché de fraudes ?
M. le président. La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat, pour présenter l'amendement n° 36.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Actuellement, l'officier d'état civil ne peut procéder à la publication des bans et à la célébration du mariage que si les futurs époux lui ont remis un certificat médical datant de moins de deux mois et, éventuellement, après les avoir auditionnés.
Cette audition n'est en effet pas obligatoire. L'officier d'état civil peut simplement décider de s'entretenir avec les futurs époux s'il existe un doute quant à la réalité du consentement.
Enfin, les futurs époux doivent remettre à l'officier d'état civil leurs extraits d'acte de naissance.
Voilà donc ce que prévoit le code civil aujourd'hui. La procédure concrète de célébration du mariage est encadrée par l'instruction générale relative à l'état civil, l'IGEC, du 11 mai 1999. Il se trouve que les dispositions prévues à l'article 63 du code civil modifié par le projet de loi sont déjà prévues par l'IGEC.
En ce qui concerne la vérification de l'identité des futurs époux, l'IGEC du 11 mai 1999 est très claire : « L'officier de l'état civil doit s'assurer de l'identité des futurs époux. [...] En l'absence de texte exigeant la preuve de l'identité des futurs époux - ce qui est le cas aujourd'hui -, le refus par ceux-ci de fournir cette preuve n'autoriserait pas le maire à refuser la célébration du mariage ». Par conséquent, la célébration du mariage n'est pas subordonnée à la production d'une pièce justifiant l'identité des futurs époux.
Le projet de loi prévoit justement cette justification. Si je comprends bien, contrairement à ce qui est prévu aujourd'hui dans les textes, le mariage ne pourra pas avoir lieu si cette condition n'est pas remplie.
Il en est de même en ce qui concerne les témoins. L'IGEC du 11 mai 1999 précise : « Aucun texte n'impose aux époux d'indiquer par avance à l'officier de l'état civil l'identité des témoins de la cérémonie. »
Le projet de loi modifie donc également ce point et tend à obliger les futurs époux à indiquer dans leur dossier de mariage les noms, les prénoms, les dates de naissance, les professions et les domiciles des témoins.
La célébration du mariage est donc très encadrée, tant d'un point de vue législatif que d'un point de vue réglementaire.
Étant donné que le mariage est un droit constitutionnellement protégé, il doit pouvoir s'exercer librement. C'est pourquoi ni la non-justification de l'identité des futurs époux ni l'absence, par avance, des informations relatives aux témoins ne sauraient empêcher la célébration du mariage.
Par ailleurs, je m'étonne de constater que le Gouvernement donne valeur législative à des dispositions qui ne sont que d'ordre réglementaire.
Toutes ces raisons nous conduisent donc à demander la suppression de cet article 1er.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. La commission est défavorable à ces deux amendements de suppression de l'article.
Effectivement, la commission approuve le fait que les futurs époux doivent justifier de leur identité en présentant une pièce officielle délivrée par l'administration.
Actuellement, comme vous l'avez dit, en l'absence d'une justification d'identité, l'officier d'état civil ne peut pas reporter le mariage. Or nous estimons qu'une telle justification d'identité est la moindre des choses.
Nous estimons également que les précisions sur les témoins sont utiles, même si nous ne souhaitons pas que le mariage soit différé pour le cas où les témoins prévus seraient absents. Je ne pense pas d'ailleurs que telle ait été l'intention du Gouvernement. C'est pourquoi la commission a déposé un amendement afin que le mariage soit malgré tout célébré.
Enfin, nous approuvons les améliorations qui portent sur l'audition des futurs époux. Je rassure Mme Cerisier-ben Guiga : les officiers d'état civil sont soumis non seulement à une obligation de réserve mais également à une stricte obligation de secret professionnel !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Pas les fonctionnaires !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Le Gouvernement est évidemment défavorable à ces amendements puisqu'ils visent à supprimer le texte.
Le groupe socialiste et le groupe CRC expliquent au Sénat qu'il n'est pas nécessaire de remettre de l'ordre dans la situation actuelle. Actuellement, la procédure est la suivante : des officiers d'état civil publient les bans et procèdent ensuite à une audition.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Tout à fait !
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Nous souhaitons nous que l'ordre de l'intelligence soit respecté : dans un premier temps, on doit procéder à l'audition des futurs époux pour s'assurer de leur ferme intention et ensuite seulement on publiera les bans !
La deuxième clarification indispensable à laquelle le groupe socialiste et le groupe CRC sont opposés est la présentation d'une pièce d'identité.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Non, ce n'est pas ce qu'on a dit !
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Alors là, on croit rêver ! Si pour se marier on ne doit pas présenter une pièce d'identité, à quoi sert la pièce d'identité ? On pourrait même ne pas demander le nom des intéressés pendant qu'on y est ! C'est totalement déraisonnable.
Enfin, mesdames, messieurs, vous vous opposez à une mesure qui témoigne pourtant d'une grande largeur d'esprit : permettre que l'on ne fasse pas obstacle, en cas de nécessité, à un changement de dernière minute des témoins. On ne peut pas être plus libéral !
M. le président. La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga, pour explication de vote.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Monsieur le ministre, nous n'avons dit à aucun moment que nous étions hostiles à une modification de l'ordre des procédures devant être suivies lors d'un mariage.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Il faut donc conserver l'article !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Nous sommes seulement hostiles à l'ajout d'une disposition au sujet de laquelle je vous ai posé une question sans obtenir de réponse.
Je comprends très bien que, de nos jours, obligation soit faite aux époux de présenter une pièce d'identité. Dans un contexte urbain, les officiers d'état civil ne peuvent pas connaître personnellement tous les mariés. Le problème est qu'il est question d'une pièce d'identité délivrée par l'administration.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Par une autorité publique !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. S'agit-il de l'administration française exclusivement ou peut-il s'agir éventuellement d'une autre administration, pour le cas où le futur conjoint serait étranger et n'aurait pas de pièce d'identité française à présenter ?
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Une autorité publique qui peut être étrangère ?
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Ce n'est pas clair dans le texte.
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Mais si, cela y figure parfaitement bien ! C'est du français, tout le monde comprend !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Peut-être, mais on n'arrête pas de faire une différence entre les Français et les étrangers. Je souhaiterais donc que les choses soient bien précisées !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. On ne fait aucune différence, madame !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 26 et 36.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L'amendement n° 1, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission, est ainsi libellé :
I. Supprimer la dernière phrase de l'avant-dernier alinéa de cet article.
II. Supprimer la dernière phrase du dernier alinéa de cet article.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Cet amendement tend à supprimer des dispositions d'ordre réglementaire relatives à la notification du compte rendu en cas de délégation de la réalisation de l'audition.
La commission propose - je le répéterai à diverses reprises - d'avoir recours à un décret en Conseil d'État pour régler l'ensemble de ces problèmes.
M. le président. L'amendement n° 27, présenté par Mme Cerisier-ben Guiga, MM. Yung, Dreyfus-Schmidt et C. Gautier, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
I. - Compléter la dernière phrase de l'avant dernier alinéa du texte proposé par cet article pour compléter l'article 63 du code civil par les mots :
, à peine de nullité, dans un délai d'un mois
II. - Compléter la dernière phrase du dernier alinéa du même texte par les mots :
, à peine de nullité, dans un délai d'un mois
La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. En vérité, cet amendement n'a pas été rédigé comme il aurait dû l'être. J'exposerai tout de même son objet. Si nous sommes d'accord sur le fond, la navette permettra de le corriger.
Aux termes de cet article 1er, « l'officier de l'état civil peut déléguer à un ou plusieurs fonctionnaires titulaires du service de l'état civil de la commune la réalisation de l'audition commune ou les entretiens séparés. » - cela concerne la métropole. « Lorsque l'un des futurs époux réside à l'étranger - deuxième hypothèse -, l'officier de l'état civil peut demander à l'autorité diplomatique ou consulaire territorialement compétente de procéder à son audition. Le compte rendu de cette audition lui est adressé sans délai. »
Cette formule n'est évidemment pas acceptable, car on sait bien que « sans délai » signifie éventuellement jamais !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. « Sans délai » signifie immédiatement !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. On voudrait que la transmission soit immédiate, mais en l'absence de sanction, c'est comme s'il n'y avait pas de délai !
Nous souhaitons donc que soit ajouté au texte, pour les deux cas de figure, mariage célébré en France ou mariage célébré à l'étranger, que le compte rendu de l'audition est adressé «, à peine de nullité, dans un délai d'un mois ». Il faut prévoir une sanction.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. La meilleure sanction est évidemment la nullité.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Cet amendement étant incompatible avec celui de la commission, celle-ci a émis un avis défavorable.
Je souligne qu'un amendement de la commission qui sera examiné ultérieurement vise à supprimer toutes les dispositions de nature réglementaire et prévoit qu'un décret en Conseil d'État énoncera les précisions nécessaires. Cela nous paraît plus respectueux de la Constitution.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 1.
Quant à l'amendement n° 27, j'ai du mal à le comprendre. Monsieur Dreyfus-Schmidt, aux termes du projet de loi, le compte rendu doit être transmis sans délai aux personnes qui veulent se marier. Or, dans votre amendement, vous précisez que ce compte rendu doit être transmis « dans un délai d'un mois ». Est-ce un progrès ? C'est incompréhensible ! (M. Michel Dreyfus-Schmidt s'exclame.) Heureusement, cet amendement tombera si l'amendement n° 1 est adopté !
M. le président. La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga, pour explication de vote.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Actuellement, le compte rendu d'audition n'est pas donné au conjoint et plusieurs mois peuvent s'écouler entre le moment où a eu lieu l'audition et celui où le compte rendu d'audition est transmis au parquet. C'est ce qui m'a été dit aussi bien dans les consulats qu'au parquet de Nantes. Je tiens donc cette information de la « bouche du cheval » !
Par conséquent, je souhaite que soient prises au sérieux ces questions de délai, car « sans délai » ne veut rien dire, alors que « dans un délai d'un mois » permet, une fois ce délai passé, d'attaquer.
M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je suis vraiment étonné de ne pas réussir à me faire comprendre de M. le garde des sceaux. C'est pourquoi je me permets d'insister.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Vous rédigez mal vos amendements, vous l'avez dit vous-même !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. « Sans délai » ne veut rien dire. En effet, en l'absence de transmission, aucune sanction n'est prévue.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Mais si !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il faut que l'obligation soit réelle. C'est pourquoi nous proposons - et je ne comprends pas qu'un juriste aussi fin que M. le garde des sceaux ne saisisse pas ce que nous voulons dire - d'assortir de nullité l'absence de transmission. Dès lors, on sera assuré que cette transmission aura bien lieu. Je ne vois pas ce que cela a d'extraordinaire.
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Monsieur Dreyfus-Schmidt, vous êtes bien plus fin juriste que moi, mais, moi, je me pose des questions bêtes : « veut-on aider les gens avec un texte de loi ou cherche-t-on à les embêter ? » Vous, vous allez les embêter ; alors que moi, je cherche à les aider. (M. Michel Dreyfus-Schmidt proteste.)
Il est dit que le consul qui a reçu les futurs époux doit transmettre le fruit de son audition sans délai. Vous discutez le sens de « sans délai » et proposez d'ajouter « à peine de nullité, dans un délai d'un mois ». Si l'on vous suivait, cela impliquerait qu'il faudrait recommencer l'audition.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Exact !
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Rendrez-vous ainsi service aux gens à qui vous vous adressez ? Pour vous, la loi est-elle une abstraction ou s'adresse-t-elle à des personnes réelles ?
Votre proposition est donc incompréhensible. Vous compliquez les choses de façon extraordinaire. Il est peu probable d'ailleurs qu'au bout d'un mois il n'y ait pas transmission. En tout cas, vous n'avez pas pu entendre grand-chose de la « bouche du cheval » à ce sujet puisque ce n'est pas la pratique en vigueur ! Mais si, demain, le délai s'allongeait, on pourrait imaginer, ainsi que vous le proposez, de prévoir un butoir. Toujours est-il qu'il ne peut être question d'annuler la procédure ; dans ce cas, il faudrait procéder de nouveau à l'audition. Alors que vous êtes le premier à dire que l'on embête les gens par cette obligation d'audition, vous voudriez que l'on fasse recommencer l'audition !
Monsieur Dreyfus-Schmidt, reconnaissez honnêtement que votre amendement est mauvais !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Prévoyez un délai plus long et une sanction !
M. le président. En conséquence, l'amendement n° 27 n'a plus d'objet.
L'amendement n° 20 rectifié, présenté par M. Cointat, Mme Brisepierre, MM. Cantegrit, Del Picchia, Duvernois et Ferrand, Mme Garriaud-Maylam, M. Guerry et Mme Kammermann, est ainsi libellé :
Dans la première phrase du dernier alinéa du texte proposé par cet article pour remplacer les deuxième à quatrième alinéas de l'article 63 du code civil, après les mots :
chargés de l'état civil
insérer les mots :
ou, le cas échéant, aux fonctionnaires dirigeant une chancellerie détachée ou aux consuls honoraires de nationalité française compétents
L'amendement n° 21, présenté par M. Cointat, Mme Brisepierre, MM. Cantegrit, Del Picchia, Duvernois et Ferrand, Mme Garriaud-Maylam, M. Guerry et Mme Kammermann, est ainsi libellé :
Après la première phrase du dernier alinéa du texte proposé par cet article pour remplacer les deuxième à quatrième alinéas de l'article 63 du code civil, insérer une phrase ainsi rédigée :
Les délégataires ne peuvent exercer cette compétence qu'après avoir reçu une formation particulière dans les conditions fixées par arrêté du ministre des affaires étrangères.
La parole est à M. Christian Cointat.
M. Christian Cointat. Les auditions ne sont pas systématiques puisqu'elles ne sont pas obligatoires si l'on a la preuve que les dispositions des articles 146 et 180 du code civil sont bien respectées. Quand ces auditions ont lieu, c'est qu'il y a un problème et elles doivent se dérouler dans les meilleures conditions.
Si, en France, il y a toujours une mairie à proximité de son domicile, ce n'est pas forcément le cas quand on réside à l'étranger. Les distances peuvent être considérables et il faut éviter de rendre par trop contraignante cette audition pour ceux qui devront la subir. S'il n'y a pas des consulats partout, il existe en revanche un réseau beaucoup plus dense constitué par les consulats honoraires et les chancelleries détachées. C'est pourquoi nous proposons de déléguer aux responsables de nationalité française quand ce sont des consuls honoraires et aux fonctionnaires chefs de chancellerie détachée la possibilité de procéder à ces auditions. Cela facilitera la vie de nos compatriotes en leur évitant trop de déplacements.
À l'heure actuelle, cette mission est déléguée à des fonctionnaires chargés de l'état civil qui n'ont pas toujours la formation appropriée, alors que c'est un exercice extrêmement délicat.
Imaginez que vous envisagiez de vous marier de bonne foi : subir une telle audition n'est certainement pas un exercice agréable. Pour ma part, moi qui ai épousé une étrangère, devenue française par le mariage, j'aurais refusé de subir cette audition si l'on me l'avait demandé, parce que je considère cette obligation comme scandaleuse sur le plan de la vie privée. Au demeurant, pour celui qui est obligé de se prêter à un tel exercice, il faudrait qu'il soit rendu le moins douloureux possible, notamment sur le plan financier. Les Français établis hors de France doivent en effet intégralement payer leur voyage quand ils se déplacent. Il n'y a pas de remboursement de la part de l'État, et il faut en tenir compte.
Voilà pourquoi, afin d'adoucir l'exercice, il me paraît préférable de déléguer à des fonctionnaires responsables, c'est-à-dire les chefs de chancellerie - qui ont autant de compétences que les fonctionnaires chargés de l'état civil puisqu'ils sont obligés de s'occuper de l'état civil dans le cadre de leurs fonctions - la possibilité de procéder aux auditions.
Quant aux consuls honoraires de nationalité française, ce sont en règle générale des personnes de bon sens ; ce ne sont pas des fonctionnaires, c'est vrai, mais on peut leur donner des délégations. Ils connaissent la population du pays dans lequel ils vivent et sont donc tout à fait à même de remplir cette fonction, peut-être mieux que les fonctionnaires auxquels cette tâche est traditionnellement dévolue.
Cet amendement n° 20 rectifié a donc pour objet de faciliter la vie de nos compatriotes quand ils devront se soumettre à cet exercice extrêmement délicat et parfois très difficile à supporter.
L'amendement n° 21 est la conséquence du précédent. Cet amendement, qui, je le sais très bien, monsieur le ministre, est plutôt d'ordre réglementaire que législatif - quand je dis « plutôt », c'est pour me permettre de le présenter (Sourires.) - vise à souligner que l'audition n'est pas un exercice facile. Déceler s'il y a malice, volonté de tricher, s'il s'agit de mariages simulés, de mariages blancs, de mariages forcés nécessite doigté, compétence et diplomatie. Il faut aussi avoir le sens de l'humain, le sens de la vie. Cela demande une formation particulière.
Puisque vous allez me répondre, monsieur le ministre, que ma proposition relève du domaine réglementaire, j'aimerais que vous fassiez le nécessaire pour qu'elle soit mise en oeuvre, pas uniquement auprès des services municipaux mais bien auprès du ministère des affaires étrangères. (M. le garde des sceaux opine.) Il faudrait que les personnes ayant reçu délégation dans ce cadre soient soumises aux mêmes règles que les agents des collectivités locales qui sont chargés de cette audition.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Sur l'amendement n° 20 rectifié, la commission a émis un avis favorable.
En revanche, pour les raisons que vient d'évoquer M. Cointat lui-même, elle souhaite le retrait de l'amendement n° 21. La commission est bien évidemment sensible, sur le fond, à cette disposition. Elle estime toutefois que la compétence est réglementaire et qu'il est difficile de faire figurer une référence à un arrêté du ministre des affaires étrangères dans le code civil.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Le Gouvernement est bien entendu favorable à l'amendement n° 20 rectifié, qui prévoit la délégation aux consuls honoraires et à certaines personnes qualifiées, mais il est défavorable à l'amendement n° 21. Ainsi que M. Cointat l'a dit lui-même, la disposition qu'il contient est d'ordre réglementaire.
Le comité interministériel de contrôle de l'immigration, le CICI, réfléchit actuellement sur la formation des agents des collectivités locales mais aussi des agents consulaires. La procédure de l'audition demande bien entendu une formation, même si celle-ci peut être courte. La manière de présenter les choses afin de ne pas heurter les intéressés, la nécessité de faire preuve de finesse dans les questionnements, qui peuvent parfois apparaître comme intimes, requièrent effectivement une préparation.
M. le président. Monsieur Cointat, l'amendement n° 21 est-il maintenu ?
M. Christian Cointat. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 21 est retiré.
La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga, pour explication de vote sur l'amendement n° 20 rectifié.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Les consuls honoraires sont des personnes éminemment respectables, auxquelles nous devons beaucoup. Il s'agit de bénévoles qui acceptent, dans des villes très éloignées de nos consulats - et nos consulats sont de plus en plus éloignés les uns des autres -, de rendre des services au nom de l'État français, sans pour autant avoir aucune délégation d'autorité publique.
Le malheureux consul honoraire que je rencontre un peu partout dans le monde accepte de mettre son énergie et son temps, avec l'aide d'un secrétaire qu'il rétribue lui-même, au service des Français de la zone où il exerce et au service de l'État français en fonction de ses besoins dans la zone, mais il n'a aucune délégation d'autorité publique. Il n'est nullement assermenté, qu'il soit français ou qu'il soit étranger.
Je comprends bien le désir de mes collègues de faciliter l'audition du chercheur de Los Alamos qui, parce qu'il veut épouser sa collègue uruguayenne, doit pour cela demander un certificat de capacité de mariage au consulat de Los Angeles distant de 1 000 kilomètres, sans parler de l'enseignant de Perth qui doit se rendre au consulat de Sydney, distant de 3 284 kilomètres - car c'est cela la réalité des Français de l'étranger.
Toutefois, donner à un consul honoraire, qui n'est pas assermenté, qui n'a pas de délégation d'autorité publique, le pouvoir de réaliser des auditions, c'est une façon de botter en touche afin de ne pas attaquer un texte qui est une véritable catastrophe pour tous les Français établis durablement à l'étranger et que, mes chers collègues, vous ne défendez pas sérieusement avec cet amendement. (Exclamations sur plusieurs travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Christian Cointat pour explication de vote.
M. Christian Cointat. Je voudrais faire comprendre à tous nos collègues qu'il faut être pragmatique quand on veut régler les problèmes qui concernent nos compatriotes expatriés. Nous devons, autant que faire se peut, aligner les règles qui leur sont applicables sur le droit commun français, parce que c'est ce qu'ils souhaitent, mais nous devons aussi tenir compte des spécificités locales.
Tout à l'heure, j'ai cité mon propre cas, ce que je n'aurais pas dû faire dans la mesure où la question de l'audition ne se serait pas posée et où le risque de non-consentement au mariage était nul. (Exclamations sur les travées du groupe CRC.) Du moins, monsieur le ministre, j'ose, à de nombreuses années de distance, l'espérer... (Sourires.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Tout mariage est suspect !
M. Christian Cointat. En tout état de cause, les cas visés seront relativement rares, du moins peut-on l'espérer, dans un grand nombre de pays. Mais, à l'évidence, dans ces cas-là, il faudrait que nos compatriotes puissent disposer sur place, ou tout au moins pas trop loin, d'une possibilité d'audition. Être obligé de faire un aller-retour entre Sydney et Perth - qui sont éloignées non pas de 3 200 kilomètres mais de presque 5 000 -, cela fait 10 000 kilomètres pour chaque futur époux, soit 20 000 kilomètres au total, ce qui représente tout de même beaucoup d'argent, beaucoup de temps.
M. Robert Del Picchia. Beaucoup d'amour ! (Sourires.)
M. Christian Cointat. Il faut donc être pragmatique.
J'ai beaucoup de respect pour les consuls honoraires, qui consacrent effectivement du temps, de l'argent au service de la France et lui sont dévoués. Mais leur dévouement peut aller encore un peu plus loin, d'autant qu'en ce domaine ils n'auront pas énormément de travail.
De plus, je souligne que ce sont souvent eux qui remettent le certificat de nationalité française et qu'à cette occasion ils organisent une petite cérémonie. Ils peuvent donc parfaitement procéder à ces auditions, pour lesquelles on les formera. En tant que consuls honoraires de nationalité française, ils ne seront pas systématiquement délégués. Une délégation sera donc nécessaire, puis une formation. Il y aura donc un choix et une garantie.
Nous avons tout intérêt à mettre en oeuvre cette disposition, parce que l'audition, il faut le reconnaître, est parfois indispensable quand il y a un doute, ne serait-ce que pour protéger l'un ou l'autre des futurs époux. Il est donc de l'intérêt de tous d'être pragmatique.
M. Robert Del Picchia. Très bien !
M. le président. L'amendement n° 28, présenté par Mme Cerisier-ben Guiga, MM. Yung, Dreyfus-Schmidt et C. Gautier, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par cet article pour modifier l'article 63 du code civil par un alinéa ainsi rédigé :
« Le compte rendu de l'audition réalisée, en France, par l'officier d'état civil ou par le fonctionnaire de l'état civil délégué par lui ou, à l'étranger, par l'autorité diplomatique ou consulaire ou le fonctionnaire de l'état civil délégué par lui est transmise dans un délai d'un mois, à peine de nullité, aux futurs époux. »
La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Cet amendement vise à résoudre une difficulté rencontrée en pratique : les futurs époux qui ont été auditionnés n'ont pas toujours accès aux comptes rendus de ces auditions.
En effet, lorsque ces documents sont transmis au parquet de Nantes, ils ne portent ni mention d'une prise de connaissance par les intéressés ni signature.
Dans ces conditions, le droit pour tout citoyen de consulter les documents administratifs ou professionnels le concernant, droit qui a été obtenu difficilement au cours des trente dernières années, n'est pas respecté s'agissant des comptes rendus des auditions préalables à un mariage. Il y va pourtant du droit pour les personnes d'organiser leur défense.
Si le présent amendement était adopté, la transparence qui serait ainsi instituée contraindrait les agents, dont la formation et les délégations de pouvoir sont au demeurant insuffisantes, à plus de rigueur dans la rédaction des comptes rendus.
En outre, la procédure serait plus efficace. En effet, c'est parce que certains comptes rendus sont empreints de subjectivité et mal rédigés que le procureur de Nantes ne prononce pas d'assignation ou est débouté par le tribunal de grande instance.
Par conséquent, l'obligation que les comptes rendus d'auditions soient lus et signés par les personnes concernées renforcerait la rigueur et l'efficacité du dispositif.
Cet amendement a donc pour objet d'améliorer la rédaction qui nous est proposée pour l'article 63 du code civil.
Permettez-moi également d'évoquer brièvement l'amendement n° 29. Certes, celui-ci, tout comme l'amendement similaire déposé par M. Cointat, n'a plus d'objet. Toutefois, je tenais à apporter quelques précisions.
Les fonctionnaires qui ont la responsabilité de mener les entretiens préalables au mariage ne bénéficient pas d'une formation adaptée à de telles fonctions et sont souvent extrêmement demandeurs en la matière.
En effet, dans la mesure où il est difficile de distinguer l'existence d'une fraude à l'intention matrimoniale, ces agents ressentent un certain malaise à l'idée de devoir faire intrusion dans l'intimité des gens. Ils aimeraient donc à tout le moins pouvoir bénéficier d'une formation appropriée, afin d'être en mesure de s'acquitter convenablement de leur mission.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 28 ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Permettez-moi d'émettre deux observations.
D'une part, lorsque le mariage est célébré en France, les comptes rendus d'auditions sont signés par chacun des futurs époux.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Pas dans les consulats !
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. D'autre part, le dispositif que cet amendement tend à instituer est très proche de celui de l'amendement n° 27, que nous avons déjà évoqué.
L'avis de la commission sera donc identique. Dans la mesure où de telles dispositions sont de nature réglementaire, il est préférable de les faire figurer dans un décret en Conseil d'État.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux. J'aimerais en appeler à votre bon sens, madame Cerisier-ben Guiga.
Lorsque l'officier d'état civil ou le fonctionnaire qui a réalisé les auditions émet un avis favorable, il est inutile d'alourdir la procédure et de créer des coûts supplémentaires en adressant un rapport aux intéressés. C'est une simple question de bon sens, madame Cerisier-ben Guiga.
En revanche, lorsque l'avis de l'agent est défavorable, les personnes concernées reçoivent obligatoirement un document.
Par conséquent, je vous prie de bien vouloir retirer cet amendement.
M. le président. Maintenez-vous l'amendement n° 28, madame Cerisier-ben Guiga ?
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Oui, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 29, présenté par Mme Cerisier-ben Guiga, MM. Yung, Dreyfus-Schmidt et C. Gautier, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par cet article pour modifier l'article 63 du code civil par un alinéa ainsi rédigé :
« Les fonctionnaires titulaires du service de l'état civil à qui peuvent être délégué par l'officier d'état civil en France ou par l'autorité diplomatique ou consulaire à l'étranger la réalisation de l'audition commune ou des entretiens séparés des futurs époux, reçoivent une formation dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État. »
Cet amendement n'a plus d'objet.
L'amendement n° 2, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission, est ainsi libellé :
I. Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
II.- Après l'article 74 du code civil, il est inséré un article 74-1 ainsi rédigé :
"Art. 74-1.- Avant la célébration du mariage, les futurs époux confirment l'identité des témoins déclarés en application de l'article 63 ou, le cas échéant, désignent les nouveaux témoins choisis par eux".
II. En conséquence, faire précéder le début de cet article de la mention :
I.-
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Cet amendement tend à éviter qu'un maire ne puisse se croire en droit contraint de refuser de célébrer un mariage au seul motif que les témoins présents lors de la cérémonie ne sont pas ceux indiqués préalablement à la publication des bans.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 1er, modifié.
(L'article 1er est adopté.)
Article 2
L'article 70 du code civil est ainsi rédigé :
« Art. 70. - La copie intégrale de l'acte de naissance remise par chacun des futurs époux à l'officier de l'état civil qui doit célébrer leur mariage ne doit pas dater de plus de trois mois si elle a été délivrée en France et de plus de six mois si elle a été délivrée dans un consulat. »
M. le président. La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat, sur l'article.
Mme Josiane Mathon-Poinat. L'article 2 tend à instituer l'obligation pour les futurs époux de remettre à l'officier d'état civil la copie intégrale, et non plus l'extrait, de leur acte de naissance.
Comme vous le savez, exiger la copie intégrale de l'acte de naissance pose des problèmes.
En effet, dans le cadre de la délivrance des nouveaux passeports biométriques, de nombreuses personnes ont pu découvrir des secrets de famille, par exemple qu'elles avaient été adoptées.
Il est donc fréquent, voire systématique, que les mairies prennent d'infinies précautions avant de remettre un tel document à leurs administrés.
Malheureusement, ces précautions, qui aboutissent le plus souvent à la saisine du parquet, ont fini par engendrer des lenteurs et des tracasseries administratives qui sont tout à fait préjudiciables pour les personnes en attente de leur passeport.
Pourtant, une telle prudence est nécessaire lorsqu'il n'est pas certain que les individus concernés soient au courant de leurs origines.
Nous sommes donc confrontés à un véritable imbroglio juridique - la copie intégrale de l'acte de naissance est obligatoire pour les passeports biométriques, mais sa délivrance arrive très, voire trop, tardivement -, ainsi qu'à un problème humain, puisque des personnes peuvent se voir révéler des secrets de famille concernant leurs origines.
Bien évidemment, nous ne souhaitons pas qu'une telle situation perdure ni qu'elle soit aggravée par l'obligation de faire figurer une copie intégrale de l'acte de naissance dans le dossier de mariage.
Jusqu'à présent, un simple extrait d'acte de naissance suffisait. Pourquoi ne pas s'en tenir à cette règle ?
Le Gouvernement ne sait d'ailleurs pas comment résoudre ce problème s'agissant des passeports biométriques. Il semble donc pour le moins hasardeux de prévoir les mêmes dispositions pour les formalités à remplir avant le mariage.
Il serait peut-être utile de connaître la position du Gouvernement sur ce sujet.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. La question de la copie intégrale de l'acte de naissance constitue un véritable sujet et nécessitera, me semble-t-il, la recherche de formules adaptées.
En effet, une telle obligation est susceptible d'entraîner pour certaines personnes la connaissance brutale de leur filiation ou de leur absence de filiation. Il faut donc faire preuve de prudence.
Nous sommes parfois confrontés à des demandes de copie intégrale d'acte de naissance de la part de personnes dont nous ne sommes pas certains qu'elles soient parfaitement informées de leur situation et de leur filiation. À mon sens, il y a donc une réflexion à mener sur ce sujet.
En effet, jusqu'à présent, la copie intégrale de l'acte de naissance pouvait être transmise entre les administrations et elle n'était pas communiquée aux personnes concernées. Si ces dernières devaient désormais avoir accès à ce document, cela pourrait effectivement susciter des difficultés.
Au demeurant, la chancellerie est consciente de ce problème et je suis certain qu'elle apportera bientôt une réponse satisfaisante à ces interrogations légitimes.
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Effectivement, nous travaillons sur ce dossier et nous y apporterons une réponse ...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Quand ?
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Autant dire que ce n'est pas pour tout de suite !
M. le président. Je mets aux voix l'article 2.
(L'article 2 est adopté.)
Article 3
Après le chapitre II du titre V du livre Ier du code civil, il est inséré un chapitre II bis ainsi rédigé :
« CHAPITRE II BIS
« Du mariage des Français à l'étranger
« Section 1
« Dispositions générales
« Art. 171-1. - Le mariage contracté en pays étranger entre Français, ou entre Français et étranger, est valable s'il a été célébré dans les formes usitées dans le pays de célébration et pourvu que les ou le Français n'aient point contrevenu aux dispositions contenues au chapitre Ier du présent titre.
« Il en est de même du mariage célébré par les autorités diplomatiques ou consulaires françaises, conformément aux lois françaises.
« Toutefois, ces autorités ne peuvent procéder à la célébration du mariage entre un Français et un étranger que dans les pays qui sont désignés par décret.
« Section 2
« Des formalités préalables au mariage célébré à l'étranger par une autorité étrangère
« Art. 171-2. - Lorsqu'il est célébré à l'étranger par une autorité étrangère, le mariage d'un Français doit être précédé de la délivrance d'un certificat de capacité à mariage établi après l'accomplissement, auprès de l'autorité diplomatique ou consulaire dans le ressort de laquelle le mariage doit être célébré, des prescriptions prévues à l'article 63.
« Sous réserve des dispenses prévues à l'article 169, la publication prévue à l'article 63 est également faite auprès de l'officier de l'état civil ou de l'autorité diplomatique ou consulaire du lieu où le futur époux français a son domicile ou sa résidence.
« Art. 171-3. - À la demande de l'autorité diplomatique ou consulaire dans le ressort de laquelle le mariage doit être célébré, l'audition des futurs époux prévue à l'article 63 est réalisée par l'officier de l'état civil du lieu du domicile ou de résidence en France du ou des futurs conjoints, ou par l'autorité diplomatique ou consulaire territorialement compétente en cas de domicile ou de résidence à l'étranger.
« Le compte rendu de l'audition est adressé, sans délai, à l'autorité diplomatique ou consulaire dans le ressort de laquelle le mariage doit être célébré.
« Art. 171-4. - Lorsque des indices sérieux laissent présumer que le mariage envisagé encourt la nullité au titre des articles 144, 146, 146-1, 147, 161, 162, 163, 180 ou 191, l'autorité diplomatique ou consulaire saisit le procureur de la République compétent et en informe les intéressés.
« Le procureur de la République peut, dans le délai de deux mois à compter de la saisine, faire connaître par une décision motivée, à l'autorité diplomatique ou consulaire du lieu où la célébration du mariage est envisagée, qu'il s'oppose à cette célébration.
« L'acte d'opposition est signifié aux futurs époux lorsqu'ils résident en France ou leur est notifié par tout moyen par l'autorité diplomatique ou consulaire mentionnée à l'alinéa précédent, s'ils résident à l'étranger.
« La mainlevée de l'opposition peut être demandée, à tout moment, devant le tribunal de grande instance conformément aux dispositions des articles 177 et 178 par les futurs époux, même mineurs.
« Section 3
« De la transcription du mariage célébré à l'étranger par une autorité étrangère
« Art. 171-5. - Pour être opposable aux tiers en France, l'acte de mariage d'un Français célébré à l'étranger par une autorité étrangère doit être transcrit sur les registres de l'état civil français. En l'absence de transcription, le mariage d'un Français, valablement célébré à l'étranger par une autorité étrangère, produit ses effets civils en France à l'égard des époux et des enfants.
« Les futurs époux sont informés des règles prévues à l'alinéa précédent à l'occasion de la délivrance du certificat de capacité à mariage.
« La demande de transcription est faite auprès de l'autorité consulaire ou diplomatique dans le ressort de laquelle a été célébré le mariage.
« Art. 171-6. - Lorsque le mariage a été célébré malgré l'opposition du procureur de la République, l'officier de l'état civil consulaire ne peut transcrire l'acte de mariage étranger sur les registres de l'état civil français qu'après remise par les époux d'une décision de mainlevée judiciaire.
« Art. 171-7. - Lorsque le mariage a été célébré en contravention aux dispositions de l'article 171-2, la transcription doit être précédée de l'audition des époux, ensemble ou séparément, par l'autorité diplomatique ou consulaire.
« À la demande de l'autorité diplomatique ou consulaire dans le ressort de laquelle le mariage a été célébré, l'audition est réalisée par l'officier de l'état civil du lieu du domicile ou de résidence en France des époux, ou par l'autorité diplomatique ou consulaire territorialement compétente si les époux ont leur domicile ou résidence à l'étranger. La réalisation de l'audition peut être déléguée à un ou plusieurs fonctionnaires titulaires chargés de l'état civil.
« Le compte rendu de l'audition est adressé, sans délai, à l'autorité diplomatique ou consulaire dans le ressort de laquelle a été célébré le mariage.
« Lorsque des indices sérieux laissent présumer que le mariage encourt la nullité au titre des articles 144, 146, 146-1, 147, 161, 162, 163, 180 ou 191, l'autorité diplomatique ou consulaire chargée de transcrire l'acte en informe immédiatement le ministère public et surseoit à la transcription.
« Le procureur de la République se prononce sur la transcription dans les six mois à compter de sa saisine.
« S'il ne s'est pas prononcé à l'échéance de ce délai ou s'il s'oppose à la transcription, les époux peuvent saisir le tribunal de grande instance pour qu'il soit statué sur la transcription du mariage. Le tribunal de grande instance statue dans le mois. En cas d'appel, la cour statue dans le même délai.
« Dans le cas où le procureur de la République demande, dans le délai de six mois, la nullité du mariage, il ordonne que la transcription soit limitée à la seule fin de saisine du juge. Jusqu'à la décision de celui-ci, une expédition de l'acte transcrit ne peut être délivrée qu'aux autorités judiciaires ou avec l'autorisation du procureur de la République.
« Art. 171-8. - Lorsque les formalités prévues à l'article 171-2 ont été respectées et que l'acte de mariage étranger a été dressé dans les formes de la loi locale, il est procédé à sa transcription sur les registres de l'état civil à moins que des éléments nouveaux laissent présumer que le mariage encourt la nullité au titre des articles 144, 146, 146-1, 147, 161, 162, 163, 180 ou 191.
« Dans ce dernier cas, l'autorité diplomatique ou consulaire, après avoir procédé à l'audition des époux, ensemble ou séparément, informe immédiatement le ministère public et surseoit à la transcription.
« À la demande de l'autorité diplomatique ou consulaire dans le ressort de laquelle le mariage a été célébré, l'audition est réalisée par l'officier de l'état civil du lieu du domicile ou de résidence en France des époux, ou par l'autorité diplomatique ou consulaire territorialement compétente si les époux ont leur domicile ou résidence à l'étranger. La réalisation de l'audition peut être déléguée à un ou plusieurs fonctionnaires titulaires chargés de l'état civil.
« Le compte rendu de l'audition est adressé, sans délai, à l'autorité diplomatique ou consulaire dans le ressort de laquelle a été célébré le mariage.
« Le procureur de la République dispose d'un délai de six mois à compter de sa saisine pour demander la nullité du mariage. Dans ce cas, les dispositions du dernier alinéa de l'article 171-7 sont applicables.
« Si le procureur de la République ne s'est pas prononcé dans le délai de six mois, l'autorité diplomatique ou consulaire transcrit l'acte. La transcription ne fait pas obstacle à la possibilité de poursuivre ultérieurement l'annulation du mariage en application des articles 180 et 184. »
M. le président. La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga, sur l'article.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. L'article 3 est le coeur du présent projet de loi.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Or, en le lisant, j'ai été frappée par le caractère répétitif des contrôles sur la validité des mariages célébrés à l'étranger et par l'irréalisme des mesures adoptées et des procédures judiciaires à mettre en oeuvre.
En l'occurrence, monsieur le garde des sceaux, monsieur Cointat, le pragmatisme et le réalisme sont, je le crois, de mon côté, et non du côté du projet de loi. (Murmures ironiques sur les travées de l'UMP.)
Cet article tend à instituer un contrôle a priori, dans un souci de parallélisme avec les dispositions qui sont applicables en France.
Or le problème est que nous sommes à l'étranger, et non en France.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Mais il s'agit toujours d'un mariage ! Cela ne change rien !
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Bonne réponse, monsieur le président de la commission ! (Sourires.)
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Dès lors, l'obligation de demander un certificat de capacité à mariage qui n'est plus seulement de nature juridique, mais qui tend à certifier la réalité de l'intention matrimoniale, se heurte à l'impossibilité d'informer les Français dispersés dans le monde entier de cette nouvelle règle.
Ainsi, en Allemagne, où vivent entre 200 000 et 300 000 Français, il ne reste plus que trois consulats. Imaginez le cas d'un Français qui habiterait à Osnabrück - c'est d'ailleurs le cas de beaucoup d'Angevins, puisqu'il existe un jumelage entre cette ville et la ville d'Angers -, c'est-à-dire à 424 kilomètres du consulat de Berlin. Si cette personne souhaite épouser une Néerlandaise résidant à proximité - Osnabrück se situe près de la frontière avec les Pays-Bas -, comment pourra-t-elle savoir qu'elle doit demander un certificat de capacité à mariage au consulat de Berlin ?
Il faudra des années pour que des Français établis de longue date hors de France et bien insérés dans leur pays d'accueil, qui ne comprendront rien à ce qui leur sera demandé, assimilent cette nouvelle obligation. Dans ces conditions, le parallélisme des pratiques et des formes que tend à instituer la règle du certificat de capacité à mariage ne tient pas du tout compte de la réalité de l'expatriation ni de la dispersion des personnes concernées.
Il est un autre élément dont je suis certaine : dans la ville de Fès, par exemple, où il y a de multiples officines autour du consulat pour aider les personnes dans la demande d'un visa ou d'un document administratif, le certificat de capacité à mariage sera sollicité dans les formes, que l'intention matrimoniale soit réelle ou non !
Ainsi, les Français de bonne foi qui ne seront pas au courant de ce nouveau dispositif rencontreront des problèmes, tandis que des personnes moins honnêtes - le consulat de Fès est celui où l'on constate le plus de cas litigieux - sauront parfaitement se mettre en règle.
J'attire également votre attention sur la multiplication des auditions. Ce ne sont non plus quelques milliers d'auditions, mais des dizaines de milliers, qui devront être réalisées. De ce point de vue, il me semble indispensable d'adopter l'amendement tendant à permettre aux consuls de ne pas systématiquement procéder à une audition quand il n'y a pas eu de certificat de capacité à mariage. Dans le cas contraire, il leur serait impossible de mener à bien leur mission.
Je voudrais également insister sur les délais, qui sont à la fois trop courts pour que la justice puisse enquêter et statuer et trop longs pour les couples auxquels ils interdisent trop longtemps de mener une vie commune.
Permettez-moi de mentionner quelques exemples.
Le parquet dispose de deux mois pour décider si un refus de certificat de capacité à mariage est justifié ou non. Or, lorsqu'un des conjoints réside à des milliers de kilomètres, est-il réellement possible de mener une enquête en deux mois ? Le parquet ne statuera pas dans les délais et les certificats seront délivrés par défaut. Autrement dit, ce certificat de capacité à mariage n'aura fait que retarder le mariage sans y mettre d'obstacles, même si le défaut d'intention matrimoniale est finalement avéré.
Il en est de même du délai de six mois dont dispose le procureur pour se prononcer sur une transcription ou sur une annulation et du délai d'un mois qu'a le TGI pour statuer.
De tels dispositifs sont adaptés pour une justice villageoise, mais pas pour une justice internationale ! Les délais et les procédures sont totalement inadaptés.
Or ces délais cumulés, à la fois trop longs pour les couples et trop courts pour que les procédures soient correctement réalisées, exposent les pouvoirs publics à des recours judiciaires d'époux abusivement séparés pendant plusieurs années. En effet, si la réalité de l'intention matrimoniale est reconnue au bout de toutes ces années, les personnes concernées seront en droit d'attaquer l'État français et de réclamer des dommages et intérêts.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 30 est présenté par Mme Cerisier-ben Guiga, MM. Yung, Dreyfus-Schmidt et C. Gautier, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 37 est présenté par Mmes Mathon-Poinat, Borvo Cohen-Seat, Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Richard Yung, pour présenter l'amendement n° 30.
M. Richard Yung. Je ne reprendrai pas l'ensemble des arguments qui ont été excellemment développés par ma collègue Mme Cerisier-ben Guiga. Je souhaite simplement apporter une précision.
L'obligation pour tout Français désirant se marier à l'étranger devant une autorité étrangère d'obtenir préalablement un certificat de capacité à mariage existe déjà : elle est instituée par l'article 10 du décret du 19 août 1946 sur les attributions des agents diplomatiques et consulaires en matière d'état civil. Pourquoi ne pas l'appliquer ? Pourquoi légiférer à nouveau sur une procédure qui ne fonctionne pas ? Nous pensons donc que cet article est inutile et superfétatoire.
Les formalités qui seront exigées lorsqu'un citoyen français désirera se marier devant une autorité étrangère vont créer un ensemble flottant de jeunes Français qui se seront mariés légalement devant les autorités des pays de l'Union européenne, entre autres, mais qui, n'ayant pas accompli les démarches requises, auront les plus grandes difficultés à faire transcrire leur mariage sur les registres de l'état civil français. Au bout d'un certain temps, il faudra bien en prendre acte et annuler cette mesure.
Je ne reviens pas sur la question des moyens accordés aux consulats et aux chancelleries : nous savons que, en l'état actuel des choses, ces services sont hors d'état d'assumer de nouvelles compétences. Telles sont les raisons pour lesquelles nous proposons la suppression de cet article.
M. le président. La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat, pour présenter l'amendement n° 37.
Mme Josiane Mathon-Poinat. L'article 3 crée un nouveau chapitre dans le code civil, qui remplace les anciens articles 170 et 170-1, reprenant leurs dispositions tout en les durcissant.
Quelques remarques peuvent être dès à présent formulées.
Les nouvelles dispositions prévues par l'article 3 viennent modifier celles qui ont été adoptées dans la loi du 4 avril 2006. Pourtant, aucun bilan n'a été tiré de l'application de ces mesures récentes, ce qui est surprenant et prouve un manque de sérieux témoignant d'un certain mépris du travail parlementaire. Cette seule raison justifierait la suppression de cet article.
Les obstacles que devront désormais franchir les futurs époux sont multipliés ainsi que les nombreux délais qu'ils devront respecter avant de pouvoir se marier ou de voir leur mariage retranscrit sur les registres d'état civil. L'ensemble de ce dispositif représente un véritable parcours du combattant pour les Français souhaitant se marier avec un étranger ; ceux-ci seront en outre plongés dans l'insécurité juridique, leur union pouvant être remise en cause à tout moment, ce qui n'est guère tolérable. N'oublions pas qu'ils seront aussi soumis aux nouvelles obligations de l'article 63 du code civil tel qu'il vient d'être modifié.
Dans ces conditions, comment ne pas considérer que ce nouvel arsenal juridique présenté par le Gouvernement n'est pas destiné à empêcher le mariage entre un Français et un étranger ? La question est posée.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Ces deux amendements touchent à l'article 3, qui constitue le coeur de ce projet de loi. Il va de soi qu'adopter ces amendements reviendrait à demander une nouvelle fois qu'on ne délibère pas sur ce texte. La commission ne saurait y être favorable.
Notre collègue Richard Yung s'est interrogé sur le point de savoir pourquoi on reparlerait d'un certificat de capacité à mariage puisque son existence est prévue par décret depuis 1946. Je pense que cette circonstance n'interdit nullement que ce certificat soit désormais prévu par la loi et que le fait de ne pas en disposer emporte des conséquences qui interviendront au niveau de la transcription.
Quant au fait qu'une série de textes récents traitent déjà de problèmes relativement proches- la loi du 24 août 1993, la loi du 26 novembre 2003, les lois des 4 avril et 24 juillet 2006 - j'y vois une complémentarité et non une opposition. Ce n'est pas faire insulte à la représentation parlementaire que de lui demander parfois de préciser sur certains points les positions qu'elle a adoptées.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est reconnaître que ces lois ont été mal préparées !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Il ne s'agit pas de savoir si on insulte ou non le Parlement. Pourquoi légiférons-nous à nouveau ? Parce que nous nous sommes aperçus qu'il fallait perfectionner le texte actuel.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il a été modifié en 2006 !
M. Pascal Clément, garde des sceaux. C'est pour cela qu'aujourd'hui nous présentons un dispositif de contrôle de la validité des mariages contractés à l'étranger. C'est un dispositif global et cohérent de prévention des mariages frauduleux. Bien entendu, je le répète au cas où il y aurait des doutes, il ne s'agit absolument pas de porter atteinte à la liberté du mariage. Qui pourrait l'imaginer, ne serait-ce qu'un court instant ?
Mmes Nicole Borvo Cohen-Seat et Josiane Mathon-Poinat. Qui pourrait l'imaginer, en effet ! (Sourires sur les travées du groupe CRC.)
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Quant à la charge de travail des consulats, elle est certes importante, mais le Gouvernement s'est engagé à affecter les moyens nécessaires à l'application de cette réforme.
M. Richard Yung. Paroles !
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Je suis donc totalement opposé à la suppression de l'article 3.
M. le président. La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga, pour explication de vote.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Le personnel du ministère des affaires étrangères a diminué de 10 % au cours des cinq dernières années et le projet de loi de finances pour 2007 prévoit la suppression de 70 postes équivalents temps plein, pour l'essentiel dans les consulats. Voilà les moyens supplémentaires qui seront mis à la disposition des consulats pour surveiller les mariages...
M. Richard Yung. Ils s'occupent tous des visas !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. En outre, effectivement, les personnels des consulats sont de plus en plus affectés au service des visas, au détriment de toutes les autres fonctions consulaires.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ils travailleront deux fois plus !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 30 et 37.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L'amendement n° 40 rectifié, présenté par MM. Béteille et Cambon, est ainsi libellé :
Dans le premier alinéa du texte proposé par cet article pour insérer un article 171-2 dans le code civil, supprimer les mots :
à l'étranger
La parole est à M. Christian Cambon.
M. Christian Cambon. Il n'a pas échappé à mon collègue Laurent Béteille qu'on ajoutait une précision inutile en écrivant « lorsqu'il est célébré à l'étranger par une autorité étrangère ». Cet amendement vise donc à supprimer les mots « à l'étranger ».
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 3, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission, est ainsi libellé :
I. Dans le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 171-2 du code civil, remplacer les mots :
dans le ressort de laquelle le mariage doit être célébré
par les mots :
compétente au regard du lieu de célébration du mariage
II. Dans le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 171-3 du code civil, remplacer les mots :
dans le ressort de laquelle le mariage doit être célébré
par les mots :
compétente au regard du lieu de célébration du mariage
III. Dans le dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 171-5 du code civil, remplacer les mots :
dans le ressort de laquelle a été célébré le mariage
par les mots :
compétente au regard du lieu de célébration du mariage
IV. Dans le deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 171-7 du code civil, remplacer les mots :
dans le ressort de laquelle le mariage a été célébré
par les mots :
compétente au regard du lieu de célébration du mariage
V. Dans le troisième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 171-8 du code civil, remplacer les mots :
dans le ressort de laquelle le mariage a été célébré
par les mots :
compétente au regard du lieu de célébration du mariage
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Il s'agit d'un amendement rédactionnel.
La notion de ressort, pour désigner la zone de compétence géographique de l'autorité diplomatique ou consulaire, est susceptible de créer des difficultés d'interprétation lorsqu'un poste est compétent pour plusieurs pays. Nous proposons donc, à cinq reprises, de lui préférer la notion d'autorité « compétente au regard du lieu de célébration du mariage ».
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 4, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Supprimer le second alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 171-3 du code civil.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Cet amendement tend à supprimer des dispositions de caractère réglementaire relatives à la notification du compte rendu en cas de délégation.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 31, présenté par Mme Cerisier-ben Guiga, MM. Yung, Dreyfus-Schmidt et C. Gautier, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter le second alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 171-3 du code civil, par les mots :
, ainsi qu'aux futurs époux
Cet amendement n'a plus d'objet.
L'amendement n° 32 rectifié, présenté par Mme Cerisier-ben Guiga, MM. Yung, Dreyfus-Schmidt et C. Gautier, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 171-4 du code civil, après les mots :
l'autorité diplomatique ou consulaire saisit
insérer les mots :
dans un délai d'un mois, à partir de la date de l'audition, à peine de nullité,
Cet amendement n'a plus d'objet.
M. le président. L'amendement n° 5, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Dans le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 171-4 du code civil, avant les mots :
le procureur de la République compétent
insérer les mots :
sans délai
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Cet amendement tend à obliger l'autorité diplomatique ou consulaire à saisir, en cas de doute, le procureur de la République de Nantes « sans délai », afin d'éviter tout retard arbitraire. L'article 170-1, abrogé par le présent projet de loi, prévoit dans sa rédaction actuelle une saisine immédiate.
Un amendement ultérieur introduira en outre, par coordination, une telle obligation pour les mariages célébrés en France. Actuellement, seule une circulaire préconise de le faire « le plus rapidement possible ». La commission est consciente du caractère peu juridique de l'expression « sans délai », mais elle pense cependant que son sens, en français, est relativement précis.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 6, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission, est ainsi libellé :
I. Dans le deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 171-4 du code civil, après les mots :
est envisagée
insérer les mots :
et aux intéressés
II. Supprimer le troisième alinéa du même texte.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Cet amendement tend à supprimer des dispositions de caractère réglementaire.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Le texte n'en sera que plus efficace !
M. le président. L'amendement n° 41 rectifié, présenté par MM. Béteille et Cambon, est ainsi libellé :
Dans le premier alinéa du texte proposé par cet article pour insérer un article 171-5 dans le code civil, supprimer (à deux reprises) les mots :
à l'étranger
et supprimer le mot :
valablement
La parole est à M. Christian Cambon.
M. Christian Cambon. Cet amendement a un double objet.
Tout d'abord, et il s'inscrit en cela dans un esprit identique à celui de l'amendement n° 40 rectifié, il tend à faire disparaître les termes « à l'étranger » lorsqu'il est déjà précisé que le mariage est « célébré par une autorité étrangère ».
Ensuite, il vise à faire disparaître l'adverbe « valablement » puisque, à partir du moment où un mariage est célébré devant une autorité étrangère, il est valable de fait.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. La commission a émis un avis favorable, monsieur le président.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Monsieur le président, je demande le retrait de cet amendement pour les raisons suivantes.
Comme l'amendement n° 40 rectifié, cet amendement vise tout d'abord à alléger le texte en supprimant la précision selon laquelle l'article 171-5 du code civil est applicable au mariage conclu par un Français « à l'étranger ». Je n'y verrais que des avantages, dès lors que les dispositions en cause figurent dans une section 3 intitulée : « De la transcription du mariage célébré à l'étranger par une autorité étrangère ».
En revanche, la deuxième partie de l'amendement, qui tend à supprimer la précision selon laquelle en l'absence de transcription, seul le mariage d'un Français « valablement » célébré à l'étranger produit des effets civils à l'égard des époux et des enfants, pose un problème.
En effet, au regard des règles du droit international privé, seul le mariage « valablement » célébré à l'étranger est susceptible de produire des effets en France. Il s'agit donc d'une précision tout à fait essentielle. À défaut, un mariage célébré par une autorité étrangère incompétente au regard de la loi locale pourrait produire des effets, ce qui, évidemment, n'est pas souhaitable.
C'est pourquoi, monsieur le sénateur, je souhaite que vous retiriez votre amendement.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Je voudrais simplement suggérer à mon collègue de rectifier son amendement en supprimant sa deuxième partie. De cette façon, je crois que chacun aurait satisfaction.
M. le président. Monsieur Cambon, acceptez-vous de modifier votre amendement dans le sens suggéré par M. le rapporteur ?
M. Christian Cambon. Oui, monsieur le président.
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 41 rectifié bis, présenté par MM. Béteille et Cambon, et ainsi libellé :
Dans le premier alinéa du texte proposé par cet article pour insérer un article 171-5 dans le code civil, supprimer (à deux reprises) les mots :
à l'étranger
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 7 rectifié, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission, est ainsi libellé :
I.- Dans le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 171-7 du code civil, remplacer les mots :
doit être
par le mot :
est
II. Compléter le même texte par une phrase ainsi rédigée :
"Toutefois, si cette dernière dispose d'informations établissant que la validité du mariage n'est pas en cause au regard des articles 146 et 180, elle peut, par décision motivée, faire procéder à la transcription sans audition préalable des époux."
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Nous avons déjà parlé à diverses reprises, y compris lors de la discussion générale, de cet amendement important qui tend à prévoir un assouplissement s'agissant de la réalisation de l'audition des époux lorsque ceux-ci se sont mariés devant une autorité étrangère, sans solliciter préalablement de certificat de capacité à mariage.
Certes, ils n'ont pas respecté les formalités préalables, dont l'audition, et il est normal de leur appliquer ces obligations a posteriori. Mais il ne paraît pas raisonnable de prévoir que l'audition soit obligatoire en l'absence de tout doute sur la réalité du consentement, alors qu'une telle exception est prévue pour les mariages célébrés en France. Beaucoup de personnes, en effet, peuvent se marier sans ce certificat, par pure méconnaissance de cette obligation et non par volonté de fraude.
Néanmoins, l'autorité diplomatique ou consulaire devrait alors motiver sa décision.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Je comprends très bien le souci de la commission des lois. On peut imaginer, en effet, qu'un consul recevant à sa table, de manière habituelle, des personnes qui s'épousent un beau jour, puisse estimer qu'elles n'auront pas besoin de subir une audition. C'est ce que vous voulez dire, monsieur le rapporteur. Votre amendement évitera effectivement une formalité lourde dans les cas où elle est inutile, mais avouez que ceux-ci seront rares.
Vous avez cependant raison de prévoir cette hypothèse, c'est pourquoi j'émets un avis favorable.
M. le président. La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga, pour explication de vote.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Nous voterons l'amendement de la commission. L'application de cette disposition ne sera pas si rare que le prétend M. le garde des sceaux : des milliers de mariages ne poseront pas le moindre problème à un consul un tant soit peu sagace. Il est vrai que cette disposition risque d'introduire une certaine dose d'arbitraire, mais je souhaite faire confiance aux consuls et à leurs adjoints.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Comme il s'agit d'une transcription a posteriori, dans beaucoup de cas elle sera évidente. Imaginez, par exemple, un couple marié depuis dix ans et ayant quatre enfants qui demanderait la transcription de son mariage : il n'y aura pas besoin d'enquête...
Manifestement, dans de nombreuses situations l'enquête ne sera pas nécessaire. Il faut prévoir la possibilité de procéder à l'audition en cas de besoin, vous avez raison, monsieur le garde des sceaux, mais quand l'audition est manifestement inutile, elle ne doit pas avoir lieu. En commission, nos collègues avaient été extrêmement sensibles à cet aspect des choses.
M. le président. La parole est à M. Christian Cointat, pour explication de vote.
M. Christian Cointat. Monsieur le garde des sceaux, il s'agit, pour nous Français établis hors de France, d'un amendement extrêmement important, qui permettra précisément de sortir du tableau extrêmement noir qu'a brossé tout à l'heure Mme Cerisier-ben Guiga.
En effet, nous comptons parmi nous beaucoup de binationaux, qui observent les lois du pays dans lequel ils résident et dont ils ont la nationalité quand ils se marient, mais ne pensent pas forcément à se conformer à la lettre à la législation française, dont ils ignorent d'ailleurs souvent les arcanes. Il y aura donc un grand nombre de cas où des citoyens français binationaux, de bonne foi, voulant garder des attaches avec la France, se rendront compte qu'ils n'ont pas respecté les normes fixées, en matière de mariage, par la loi que nous allons voter.
Voilà pourquoi il est essentiel de ne pas créer une « audition sanction » et de n'entendre les époux que lorsque c'est nécessaire. Cet amendement revêt donc une importance majeure, et son adoption rendra crédible le dispositif de l'article 3.
À cet instant, je voudrais lancer un appel au Gouvernement. En effet, la situation des Français établis hors de France n'est pas aussi facile à appréhender que l'on veut bien le croire à l'intérieur des limites du boulevard périphérique parisien. La réalité est beaucoup plus complexe, et je donnerai un exemple qui montrera les difficultés, parfois insoupçonnées, qui peuvent exister.
Je connais plusieurs cas de Français ayant longtemps vécu en Amérique du Nord, qui se sont mariés avec un ressortissant américain, avant d'être mutés en France. Ils se sont alors renseignés sur les conditions à remplir pour que leur conjoint puisse les suivre dans notre pays. Or s'il suffisait encore, avant l'été, d'un visa de tourisme valable trois mois, la situation devant ensuite être réglée en prenant l'attache de la préfecture du lieu de résidence, la loi du 24 juillet 2006 relative à l'immigration et à l'intégration prévoit désormais qu'un visa de long séjour est nécessaire. Par conséquent, certaines personnes, qui s'étaient informées au mois de juin des dispositions en vigueur, se trouvent maintenant en France et s'affolent parce que le visa de court séjour de leur conjoint arrive à expiration ! On leur dit maintenant que ce denier doit retourner dans son pays d'origine, accomplir seize heures de vol aller-retour - qui paiera les billets ? -, afin de se faire délivrer un visa de long séjour !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Oui !
M. Christian Cointat. Ce sont des cas que nous rencontrons tous les jours !
M. Christian Cointat. C'est pourquoi je lance un appel au Gouvernement. Votre démarche est positive, monsieur le garde des sceaux : les problèmes que vous cherchez à régler sont réels.
M. Christian Cointat. Cependant, la réalité que nous vivons, nous Français établis hors de France, n'est pas toujours bien comprise à Paris, où elle peut sembler abstraite. Par conséquent, n'hésitez pas, quand vous abordez ces questions sensibles, à consulter les sénateurs représentant les Français établis hors de France, toutes tendances politiques confondues. En effet, même si je trouve parfois que l'on tient des propos quelque peu excessifs sur les travées de l'opposition, tout ce qui a été dit à gauche n'était pas sans fondement, il faut en être conscient.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Mais vous votez tous les textes qu'on vous présente !
M. Christian Cointat. De telles consultations permettraient peut-être d'éviter des dérapages que nous-mêmes n'avions pas prévus en votant les lois et que nous sommes maintenant obligés d'essayer de réparer au cas par cas.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Que ne l'avez-vous dit avant !
M. Christian Cointat. Ce point est important et sensible. Bien entendu, je voterai l'amendement n° 7 rectifié, puisqu'il tend à maintenir ouverte une porte que nous ne voulions pas voir refermer ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 7 rectifié.
(L'amendement est adopté à l'unanimité.)
M. le président. L'amendement n° 22, présenté par M. Cointat, Mme Brisepierre, MM. Cantegrit, Del Picchia, Duvernois et Ferrand, Mme Garriaud-Maylam, M. Guerry et Mme Kammermann, est ainsi libellé :
Compléter le deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 171-7 du code civil par les mots :
ou, le cas échéant, aux fonctionnaires dirigeant une chancellerie détachée ou aux consuls honoraires de nationalité française compétents
La parole est à M. Christian Cointat.
M. Christian Cointat. Cet amendement de coordination est défendu.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 8, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Supprimer le troisième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 171-7 du code civil.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Cet amendement vise à la suppression de dispositions réglementaires.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 9, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Dans le quatrième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 171-7 du code civil, après le mot :
mariage
insérer les mots :
célébré devant une autorité étrangère
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. C'est un amendement de précision.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 10, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Dans le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 171-8 du code civil, remplacer les mots :
l'acte de mariage étranger a été dressé dans les formes de la loi locale
par les mots :
le mariage a été célébré dans les formes usitées dans le pays
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Il s'agit, là aussi, d'un amendement de précision.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 23, présenté par M. Cointat, Mme Brisepierre, MM. Cantegrit, Del Picchia, Duvernois et Ferrand, Mme Garriaud-Maylam, M. Guerry et Mme Kammermann, est ainsi libellé :
Au premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 171-8 du code civil, après les mots :
à moins que des éléments nouveaux
insérer les mots :
fondés sur des indices sérieux
La parole est à M. Christian Cointat.
M. Christian Cointat. Cet amendement tend à reprendre des dispositions qui figurent d'ailleurs à d'autres articles du projet de loi. Il a donc pour objet d'assurer une coordination.
Si des éléments nouveaux amènent à soupçonner l'irrégularité d'un mariage au regard des conditions fixées par la loi française, ils doivent reposer sur des bases solides, d'autant qu'il s'agit ici de la transcription a posteriori des mariages considérés : il importe donc vraiment que les indices retenus soient sérieux pour que l'on remette tout en cause.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. La commission était quelque peu partagée sur cet amendement. En effet, si elle approuvait pleinement les intentions de ses auteurs sur le fond et sur le plan des principes, il lui semblait toutefois que la précision apportée présentait un caractère de relative évidence. Cela étant, dans la mesure où ce qui va sans dire va parfois mieux en le disant, elle a émis un avis de sagesse favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Je suis favorable à cet amendement, quoique la précision soit quelque peu superfétatoire. On n'imagine pas que le procureur de la République puisse être saisi sur le fondement d'indices fantaisistes ! Il est évident qu'ils devront être sérieux. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Bien sûr, on peut souhaiter insister sur ce point. Par conséquent, j'émets un avis favorable sur l'amendement.
M. le président. Monsieur Cointat, l'amendement n° 23 est-il maintenu ?
M. Christian Cointat. Oui, monsieur le président.
M. le président. La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga, pour explication de vote.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. La précision apportée n'est pas, à mon sens, superfétatoire.
En effet, à la lecture des jugements par lesquels le tribunal de grande instance de Nantes a débouté le parquet, on constate qu'un certain nombre d'indices ayant été considérés comme sérieux par les consulats ne tiennent pas sur le plan juridique.
C'est là toute la différence entre les impressions que l'on peut éprouver au cours d'une audition et ce qui apparaît à la suite d'une procédure écrite et contradictoire. D'une manière générale, on voit bien que ce texte ne sera guère applicable. Cela étant dit, je suis tout à fait favorable à cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 24, présenté par M. Cointat, Mme Brisepierre, MM. Cantegrit, Del Picchia, Duvernois et Ferrand, Mme Garriaud-Maylam, M. Guerry et Mme Kammermann, est ainsi libellé :
Compléter in fine le troisième alinéa du texte proposé pour l'article 171-8 du code civil, par les mots :
ou, le cas échéant, aux fonctionnaires dirigeant une chancellerie détachée ou aux consuls honoraires de nationalité française compétents
La parole est à M. Christian Cointat.
M. Christian Cointat. Il s'agit d'un amendement de coordination.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 11, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Supprimer l'antépénultième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 171-8 du code civil.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Cet amendement vise à la suppression de dispositions réglementaires.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 25, présenté par M. Cointat, Mme Brisepierre, MM. Cantegrit, Del Picchia, Duvernois et Ferrand, Mme Garriaud-Maylam, M. Guerry et Mme Kammermann, est ainsi libellé :
Après le texte proposé par cet article pour l'article 171-8 du code civil, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
« Art. ... - Dans les cas prévus aux articles 171-7 et 171-8 où la faculté d'entendre les époux est déléguée, les délégataires ne peuvent exercer cette compétence qu'après avoir reçu une formation particulière dans les conditions fixées par arrêté du ministre des affaires étrangères. »
La parole est à M. Christian Cointat.
M. Christian Cointat. Je retire cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 25 est retiré.
Je mets aux voix l'article 3, modifié.
(L'article 3 est adopté.)
Article additionnel après l'article 3
M. le président. L'amendement n° 12, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Après l'article 3, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans la première phrase du premier alinéa de l'article 175-2 du code civil, après les mots : « peut saisir », sont insérés les mots : « sans délai ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Cet amendement de coordination, auquel j'ai fait allusion tout à l'heure, tend à obliger l'officier d'état civil à saisir le procureur de la République sans délai en cas de doute sur la validité du mariage envisagé, afin d'éviter tout retard arbitraire.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 3.
Article 4
L'article 176 du code civil est ainsi rédigé :
« Art. 176. - Tout acte d'opposition énonce la qualité qui donne à l'opposant le droit de la former. Il contient également les motifs de l'opposition, reproduit le texte de loi sur lequel est fondée l'opposition et contient élection de domicile dans le lieu où le mariage doit être célébré.
« Les prescriptions mentionnées à l'alinéa précédent sont prévues à peine de nullité et de l'interdiction de l'officier ministériel qui a signé l'acte contenant l'opposition.
« Après une année révolue, l'acte d'opposition cesse de produire effet. Il peut être renouvelé, sauf dans le cas visé par le deuxième alinéa de l'article 173.
« Toutefois, lorsque l'opposition est faite par le ministère public, elle ne cesse de produire effet que sur décision judiciaire. »
M. le président. L'amendement n° 13, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Compléter le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 176 du code civil par une phrase ainsi rédigée :
Toutefois, lorsque l'opposition est faite en application de l'article 171-4, le ministère public fait élection de domicile au siège de son tribunal.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. C'est un amendement de précision.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 4, modifié.
(L'article 4 est adopté.)
Article 5
Les articles 170 et 170-1 du code civil sont abrogés.
M. le président. L'amendement n° 38, présenté par Mmes Mathon-Poinat, Borvo Cohen-Seat, Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
Cet amendement n'a plus d'objet.
Je mets aux voix l'article 5.
(L'article 5 est adopté.)
CHAPITRE II
Dispositions diverses et transitoires
Article 6
L'article 47 du code civil est ainsi modifié :
1° Dans le premier alinéa, après les mots : « lui-même établissent », sont insérés les mots : «, le cas échéant après toutes vérifications utiles, » ;
2° Les deuxième à cinquième alinéas sont supprimés.
M. le président. La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga, sur l'article.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. C'est ici un bon article, car il permettra de supprimer, à l'article 47 du code civil, des alinéas qui avaient été insérés par la loi du 26 novembre 2003 et dont les dispositions n'ont jamais pu être mises en oeuvre. Elles se sont, en effet, révélées totalement inapplicables.
On reconnaît donc, en la circonstance, que l'on a légiféré à la légère, sans tenir compte des conditions réelles d'application de la loi. Trois ans plus tard, le Parlement est amené à défaire ce qu'il avait fait. Une fois de plus, ses prérogatives et le sérieux de son travail n'ont pas été respectés. On revient constamment sur les textes votés, c'est un travail de Pénélope.
Je me réjouis néanmoins que l'on supprime des dispositions inapplicables, mais ce qui vaut aujourd'hui pour la loi du 26 novembre 2003 et l'article 47 du code civil préfigure l'avenir du texte que nous allons voter, dont les trois quarts des dispositions, s'agissant en particulier de l'article 3, ne seront pas applicables en pratique. Souvent, on aboutira même au résultat inverse de celui que l'on recherchait.
Par conséquent, je mets en garde contre le fait que nous serons probablement amenés, dans quelques années, à reconnaître que les dispositions que nous aurons votées aujourd'hui sont inapplicables.
(M. Guy Fischer remplace M. Roland du Luart au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. Guy Fischer
vice-président
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 39, présenté par Mmes Mathon-Poinat, Borvo Cohen-Seat, Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L'article 47 du code civil est ainsi rédigé :
« Art. 47 - Tout acte de l'état civil des français et des étrangers, fait en pays étranger, fera foi, s'il est rédigé dans les formes usitées dans ledit pays. »
La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.
Mme Josiane Mathon-Poinat. L'article 47 du code civil a été modifié par la loi du 26 novembre 2003 en vue de lutter contre les mariages frauduleux. Cette modification entretenait l'idée, toujours d'actualité, que les mariages binationaux célébrés à l'étranger sont systématiquement susceptibles d'être des mariages de complaisance.
L'amalgame entre mariages binationaux et fraude est donc incessant. En 2003, de nombreuses restrictions au droit au mariage ont déjà été introduites dans notre législation. Trois ans plus tard, nous sommes forcés de constater que ces mariages continuent de déranger quelque peu, puisque de nouvelles restrictions à la liberté de se marier ont été apportées par la loi du 24 juillet 2006 et que le présent projet de loi en prévoit d'autres.
Notre philosophie va, bien évidemment, à l'encontre de cette tendance. Nous souhaitons mettre fin à cette suspicion généralisée contre les mariages binationaux. C'est pourquoi nous avons déposé cet amendement, qui vise à rétablir l'article 47 du code civil dans la rédaction qui était la sienne avant que n'entre en vigueur la loi du 26 novembre 2003.
M. le président. L'amendement n° 14, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission, est ainsi libellé :
I. Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
II. Après l'article 22 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, il est inséré un article 22-1 ainsi rédigé :
« Art. 22-1 - Par dérogation aux articles 21 et 22 et sous réserve d'exceptions prévues par décret en Conseil d'État, lorsque, en cas de doute sur l'authenticité ou l'exactitude d'un acte de l'état civil étranger, l'autorité administrative, saisie d'une demande d'établissement ou de délivrance d'un acte ou de titre, procède ou fait procéder, en application de l'article 47 du code civil, aux vérifications utiles auprès de l'autorité étrangère compétente, le silence gardé pendant huit mois vaut décision de rejet.
« Dans le délai prévu aux articles 21 et 22, l'autorité administrative informe, par tous moyens, l'intéressé de l'engagement de ces vérifications.
« En cas de litige, le juge forme sa conviction au vu des éléments fournis tant par l'autorité administrative que par l'intéressé. »
II. En conséquence, faire précéder le début de cet article de la mention :
I.-
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Cet amendement tend à inscrire dans la loi la procédure administrative de vérification des actes de l'état civil étranger.
Le projet de loi supprime le mécanisme de sursis administratif et de vérification par le procureur du tribunal de grande instance créé par la loi du 26 novembre 2003, jugé trop complexe et, en pratique, resté inutilisé. Ainsi, le procureur de la République de Nantes, qui centralise ces procédures, n'a été saisi qu'à dix-neuf reprises en 2004, et dix fois en 2005. Cela n'a abouti à aucune saisine du tribunal de grande instance de Nantes.
Selon les informations communiquées à votre rapporteur par la chancellerie, une procédure de vérification de la régularité des actes de l'état civil étranger sera fixée par décret en Conseil d'État. Ces dispositions devaient initialement figurer dans le projet de loi, mais ont été disjointes par le Conseil d'État, en raison de leur supposée nature réglementaire.
En cas de doute sur l'authenticité ou l'exactitude d'un acte de l'état civil étranger, l'autorité administrative saisie d'une demande d'établissement ou de délivrance d'un acte ou d'un titre procéderait ou ferait procéder aux vérifications utiles auprès de l'autorité étrangère compétente. Dans un délai de deux mois, elle devrait informer l'intéressé de l'engagement de ces vérifications.
Le silence gardé pendant huit mois vaudrait décision de rejet. Le juge administratif pourrait alors être saisi par le requérant. Il formerait sa conviction au vu des éléments fournis tant par l'autorité administrative que par l'intéressé.
Une simplification de ce dispositif paraît très pertinente à la commission des lois. La décision sur la validité de l'acte civil étranger dépendra de toute façon des vérifications effectuées par l'autorité diplomatique ou consulaire, qui devra rechercher concrètement si l'acte existe dans les registres de l'état civil étranger ou non. Actuellement, le procureur de la République du tribunal de grande instance de Nantes semble dans une large mesure jouer le rôle d'une simple boîte à lettres.
Néanmoins, il ne paraît pas possible à la commission de procéder à une réforme d'une telle ampleur par décret en Conseil d'État. En effet, il ne s'agit pas seulement de déroger au délai au terme duquel le silence de l'administration équivaut à un rejet, mais également de prévoir la compétence du juge administratif, et non plus celle du procureur de la République du tribunal de grande instance de Nantes, puis du tribunal de grande instance.
Je propose donc au Sénat de réintégrer dans le texte le dispositif envisagé par le Gouvernement.
Je ferai par ailleurs observer que les délais prévus par cet amendement seraient plus protecteurs : huit mois, contre douze mois actuellement.
M. le président. Le sous-amendement n° 33, présenté par Mme Cerisier-ben Guiga, MM. Yung, Dreyfus-Schmidt et C. Gautier, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans le premier alinéa du II du texte proposé par l'amendement n° 14 pour l'article 22-1 de la loi du 12 avril 2000, remplacer les mots :
le silence gardé pendant huit mois vaut décision de rejet
par les mots :
le silence gardé pendant six mois vaut décision d'acceptation
La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. Nous avons été sensibles à l'argumentation de M. le rapporteur, mais nous voudrions en quelque sorte inverser la proposition.
En effet, il est extrêmement fréquent que les autorités étrangères ne répondent pas aux demandes que M. le rapporteur vient d'évoquer. Or il nous paraît inconcevable que cette absence de réponse pénalise les futurs époux, qui ne peuvent être tenus pour responsables. Nous proposons donc de faire valoir le principe « qui ne dit mot consent ».
Outre que nous proposons de raccourcir le délai en le ramenant à six mois, au lieu de huit, nous souhaitons donc, par cet amendement, inverser les effets de l'absence de réponse des autorités étrangères.
M. le président. Le sous-amendement n° 42, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et M. Desessard, est ainsi libellé :
Dans le premier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 14 pour l'article 22-1 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000, remplacer les mots :
huit mois
par les mots :
quatre mois
La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Il est essentiel d'apporter des garanties suffisantes aux personnes qui seront confrontées à l'administration. Il convient donc de raccourcir le délai au-delà duquel le silence de l'administration vaut décision de rejet et il paraît cohérent de le rapprocher du régime en cours pour les juridictions administratives.
M. le président. L'amendement n° 15, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission, est ainsi libellé :
I. Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
II.- Dans l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les mots : « La légalisation ou » sont supprimés.
II- En conséquence, faire précéder le début de cet article de la mention :
I.-
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Cet amendement tend à supprimer la référence à la légalisation, qui entraîne une confusion entre la légalisation des actes d'état civil étranger, formalité administrative assurée par les autorités consulaires françaises requises visant à authentifier la qualité et la signature de l'autorité délivrant la copie ou l'extrait de l'acte produit et la valeur probante de l'acte de l'état civil étranger dont l'article 47 du code civil assure la reconnaissance. Or l'article 47 ne contient aucune disposition relative à la légalisation.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 39, ainsi que sur les sous-amendements nos33 et 42 ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. L'amendement n° 39 tend à revenir à la version de l'article 47 antérieur à la loi du 26 novembre 2003. Si la procédure introduite en 2003 n'a pas fait ses preuves, nous le reconnaissons volontiers, les difficultés ayant conduit à sa mise en oeuvre perdurent et se sont même aggravées. On a cité des États, comme les Comores ou la République démocratique du Congo, où le taux de fraude dépasse 90 %.
Par conséquent, la commission est défavorable à cet amendement.
La commission a émis un avis défavorable sur le sous-amendement n° 33, qui tend à substituer un régime de décision implicite d'acceptation au système de décision implicite de rejet et à raccourcir le délai à six mois. Il nous semble que le « curseur » proposé par la commission est déjà satisfaisant, puisqu'il améliore considérablement la situation.
La commission n'a pas examiné le sous-amendement n° 42, mais, à titre personnel, j'émettrai un avis défavorable parce qu'il n'est pas compatible avec l'amendement de la commission.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux. J'émets un avis défavorable sur l'amendement n° 39.
Je suis en revanche favorable à l'amendement n° 14, qui vise à introduire dans la loi du 12 avril 2000 une disposition que le Gouvernement comptait faire figurer dans un décret d'application.
Compte tenu de l'importance de ce dispositif, je comprends que la commission souhaite le faire figurer dans la loi.
Sur le fond, comme vous le savez, l'article 47 du code civil, dans sa rédaction issue de la réforme de 2003, permet à une administration ayant un doute sur l'authenticité d'un acte d'état civil étranger de surseoir à l'instruction du dossier. Il revient alors à l'usager de saisir le procureur de la République de Nantes d'une demande en vérification d'acte.
Après deux ans d'application, ce dispositif apparaît inopérant en raison de sa lourdeur. C'est pourquoi, dans un souci d'efficacité, ce mécanisme est retiré de l'article 47.
Néanmoins, il est nécessaire que soit organisé, pour les administrations et leurs usagers, un régime dérogatoire aux dispositions actuellement énoncées aux articles 21 et 22 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations.
En effet, selon ces textes, le silence gardé pendant plus de deux mois par l'autorité administrative vaut, selon le cas, soit décision de rejet, soit au contraire décision d'acceptation. Chacun comprendra que ce délai de deux mois n'est pas adapté aux vérifications faites à l'étranger.
La vérification de l'existence de l'acte original ou de son contenu suppose généralement que les autorités consulaires françaises aillent consulter sur place les registres d'état civil détenus par les autorités étrangères locales ou, à tout le moins, leur en demandent une copie. La rapidité de ces opérations dépend de nombreux éléments que les autorités françaises ne maîtrisent pas.
C'est pourquoi il est nécessaire de disposer d'un délai de huit mois à l'issue duquel le silence gardé par l'administration vaudra rejet de la demande principale déposée par l'usager.
Pour les raisons que je viens d'invoquer, le Gouvernement est défavorable au sous-amendement n° 33, qui vise à faire passer le délai de huit mois à six mois et, a fortiori, au sous-amendement n° 42 puisque celui-ci tend à le porter à quatre mois.
J'observe que, par ailleurs, le sous-amendement n° 33 prévoit que, en cas de dépassement du délai, la demande principale sera acceptée de façon tacite. Je ne peux souscrire à une telle modification. Si, à l'expiration du délai, la vérification n'a pu aboutir, c'est, le plus souvent, parce que les registres de l'état civil n'existent pas ou ne sont pas à jour. Dans ces conditions, l'authenticité de l'acte de l'état civil qui a été produit à une administration française est sujette à caution. Il n'est donc pas possible de faire produire, à l'expiration du délai, une décision implicite d'acceptation.
Enfin, l'amendement n° 15 vise à supprimer le terme « légalisation ». Il s'agit d'apporter une correction rédactionnelle, mais importante, de la loi du 24 juillet 2006 relative à l'immigration et l'intégration et de lever ainsi toute ambiguïté entre « légalisation » et « vérification » d'un acte civil étranger. Le Gouvernement approuve donc sans réserve cette précision.
M. le président. Je mets aux voix l'article 6, modifié.
(L'article 6 est adopté.)
Article 7
I. - Dans le deuxième alinéa de l'article 169 du code civil, les mots : « le troisième alinéa de » sont supprimés.
II. - Dans le premier alinéa de l'article L. 2121-1 du code de la santé publique, les mots : « du troisième alinéa » sont supprimés. - (Adopté.)
Article additionnel après l'article 7
M. le président. L'amendement n° 16, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Après l'article 7, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Un décret en Conseil d'État fixe les modalités d'application du chapitre Ier.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Cet amendement tend à prévoir, par le biais d'un décret en Conseil d'État : les modalités de réalisation des auditions ; les délais dans lesquels les auditions doivent être réalisées ; les modalités de notification du compte rendu de l'audition en cas de délégation ; les conditions de notification de l'acte d'opposition prévu à l'article 171-4. La plupart de ces dispositions sont pour l'instant prévues par voie de circulaire, ce qui ne nous paraît pas totalement satisfaisant.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Cet avis est favorable. Un décret d'application reprendra l'ensemble des dispositions que le Sénat a jugées réglementaires, ainsi que d'autres dispositions de procédure nécessaires, en particulier pour le calcul des délais.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 7.
Article 8
Les dispositions du chapitre Ier entrent en vigueur le premier jour du quatrième mois suivant la promulgation de la présente loi.
Elles ne sont pas applicables aux mariages célébrés avant leur entrée en vigueur.
M. le président. L'amendement n° 17, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le premier alinéa de cet article :
Les dispositions de la présente loi, à l'exception de l'article 6, entrent en vigueur le premier jour du quatrième mois suivant sa promulgation.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de précision.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 8, modifié.
(L'article 8 est adopté.)
Article additionnel après l'article 8
M. le président. L'amendement n° 34, présenté par Mme Cerisier-ben Guiga, MM. Yung, Dreyfus-Schmidt et C. Gautier, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 8, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Le gouvernement présente au Parlement un rapport d'évaluation annuel de l'exécution de la présente loi.
La parole est à M. Charles Gautier.
M. Charles Gautier. au cours de la discussion générale, presque tous les intervenants ont signalé que l'état exact de la situation était mal connu. Nous aurions aimé obtenir communication de statistiques précises avant de discuter ce projet de loi. Or nous achevons l'examen du texte, et nous n'en disposons toujours pas... Mais cela ne veut pas dire qu'il ne serait pas utile d'en disposer par la suite. La présentation au Parlement, par le Gouvernement, d'un rapport annuel d'évaluation de l'exécution de la présente loi serait donc très utile.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. La commission a été assez partagée sur cet amendement. Elle n'est généralement pas favorable aux rapports d'évaluation complémentaires et suppose que de telles données doivent pouvoir trouver leur place dans des rapports déjà existants.
Toutefois, comme l'a dit notre collègue Charles Gautier, la commission n'a pas obtenu de statistiques aussi précises qu'elle l'aurait souhaité, notamment sur la durée des mariages binationaux célébrés en France. Une comparaison entre la durée des mariages binationaux et celle des mariages qui sont célébrés entre Français pourrait en effet se révéler utile.
C'est la raison pour laquelle la commission s'en remet à la sagesse du Sénat.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Quel dommage !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 34.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Vote sur l'ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à Mme Monique Cerisier-ben Guiga, pour explication de vote.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, de notre point de vue, le projet de loi a un objet légitime : il faut en effet empêcher les mariages d'intérêt, en l'occurrence ceux qui sont strictement dictés par des motifs d'émigration. Mais cet objectif ne peut être atteint avec les moyens dont dispose aujourd'hui l'administration consulaire, et ce n'est pas le recours à un arsenal judiciaire lourd et totalement inadapté aux conditions d'une procédure qui se déroule à un niveau international qui améliorera quoi que ce soit à cet égard.
Ainsi, la signification d'un jugement prononcé à l'étranger oblige à mettre en oeuvre des techniques qui dépendent des conventions internationales d'entraide judiciaire et des accords bilatéraux. Les conditions sont donc très variables d'un pays à l'autre. Or, si la signification du jugement d'annulation d'un mariage célébré à l'étranger ou d'un jugement portant le refus de transcrire n'intervient pas dans les six mois, le jugement est frappé de caducité. C'est ce qui, dans un très grand nombre de pays, conduira à l'échec de la procédure judiciaire, alors même que le parquet et le tribunal de grande instance de Nantes auront réalisé un travail important pour aboutir à ce jugement ; tout leur travail sera réduit à néant et le jugement sera caduc.
Oui, il faut lutter contre les mariages d'intérêt, contre les mariages à visée migratoire ; mais les moyens mis en oeuvre ne sont pas proportionnés à l'objectif visé.
Ce texte engendrera des dysfonctionnements gravissimes dans les consulats et des contentieux que le parquet de Nantes et le tribunal de grande instance ne seront pas en mesure de traiter. Nous serons confrontés à des recours auprès de la cour d'appel, auprès de la Cour de cassation, auprès de la Cour européenne de Luxembourg.
Il faut se rendre à l'évidence : il n'est pas possible de faire régner l'ordre social absolument dans tous les cas, il n'est pas possible de faire prévaloir la raison auprès de conjoints français manifestement abusés. Je m'y suis essayée ; je me suis heurtée à la force d'illusion de l'amour. Quand des femmes de mon âge croient qu'un garçon de vingt-cinq ans est amoureux d'elles - mais ce peut aussi être l'inverse -, franchement, c'est qu'elles sont complètement folles, et vous ne pouvez leur faire entendre raison !
Cette volonté d'ordre à tout prix, de contrôle étroit du fonctionnement de la société, me paraît décidément tout à fait chimérique. De plus, elle est susceptible d'engendrer de tels dénis des droits de la personne que l'on ne peut pas accepter le texte qui nous est proposé. Celui-ci est donc à la fois irréaliste et dangereux.
Telle est la raison fondamentale pour laquelle mon groupe votera contre ce projet de loi.
M. le président. La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il est vrai que ce projet de loi peut paraître anodin. En réalité, il s'enveloppe de fausses raisons : son seul objet, qu'il cherche à atteindre avec acharnement, est de traquer les mariages frauduleux pour mieux réguler les flux migratoires. Sa logique repose essentiellement sur l'amalgame entre mariage binational et mariage frauduleux. Il porte cependant atteinte à un droit fondamental : le droit au mariage.
Toutes les mesures qui s'accumulent depuis quelques années ne seront guère efficaces, et j'espère qu'il est encore possible de croire que notre société pourra, comme le disait Mme Cerisier-ben Guiga, échapper à cet ordre social absolu qui tend à nous faire tous entrer dans le même moule.
Mon groupe votera donc, bien évidemment, contre ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Christian Cointat.
M. Christian Cointat. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, ce projet de loi part d'une bonne intention : face à des difficultés, face à des problèmes, on ne peut rester sans rien faire, il faut agir. Le texte a donc pour objet d'assainir une situation parfois désastreuse, et l'on peut s'en féliciter.
Il est vrai que, à l'origine, le projet de loi était un peu « fermé ». Je tiens cependant à rendre hommage au ministre qui, avec son équipe, a accepté d'entrouvrir la porte et a permis de rendre beaucoup plus adapté à la réalité de ce qui se passe à l'étranger.
Je voudrais néanmoins souligner également que, pour que son application soit un succès, il faut des moyens, des moyens en hommes et des moyens en consulats. Malheureusement, nous assistons à des recherches d'économies insensées, alors que tous les Français, qu'ils résident en métropole, outre-mer ou à l'étranger, doivent être traités de la même façon. Il faudra faire un effort, monsieur le ministre, car je n'ai pas l'impression que le personnel des sous-préfectures ou du corps préfectoral subisse les mêmes réductions que le personnel diplomatique. Or cette réforme ne portera tous ses fruits que si le personnel est en nombre suffisant pour l'appliquer là où elle doit l'être, c'est-à-dire dans les endroits les plus sensibles, en d'autres termes, dans les consulats.
Le projet de loi représente un pas en avant, et l'on peut féliciter le Gouvernement de l'avoir fait, d'avoir écouté les parlementaires pour arriver à un texte qui, pardonnez-moi l'expression un peu familière, mes chers collègues, « tient la route ».
Bien entendu, mon groupe le votera, et il le votera sans état d'âme parce que nous savons qu'il servira la France et les Français. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Le groupe CRC vote contre.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Le groupe socialiste et apparentés également.
(Le projet de loi est adopté.)
8
DÉPÔT D'UN PROJET DE LOI
M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre un projet de loi ratifiant l'ordonnance n° 2006-870 du 13 juillet 2006 relative au statut du fermage et modifiant le code rural.
Le projet de loi sera imprimé sous le n° 5, distribué et renvoyé à la commission des affaires économiques, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
9
TEXTE SOUMIS AU SÉNAT EN APPLICATION DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION
M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil définissant un cadre pour la protection des sols et modifiant la directive 2004/35/CE.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-3251 et distribué.
10
Renvoi pour avis
M. le président. J'informe le Sénat que le projet de loi relatif à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur (n° 467, 2005-2006), dont la commission des affaires culturelles est saisie au fond est renvoyé pour avis, à sa demande, à la commission des affaires économiques.
11
DÉPÔT D'UN RAPPORT
M. le président. J'ai reçu de M. Ladislas Poniatowski un rapport fait au nom de la commission des affaires économiques sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif au secteur de l'énergie (n° 3, 2006-2007).
Le rapport sera imprimé sous le n° 6 et distribué.
12
DÉPÔT D'UN RAPPORT D'INFORMATION
M. le président. J'ai reçu de M. Roland du Luart un rapport d'information fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation sur la formation des magistrats et des greffiers en chef à la gestion.
Le rapport d'information sera imprimé sous le n° 4 et distribué.
13
DÉPÔT D'UN avis
M. le président. J'ai reçu de M. Philippe Marini un avis présenté au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif au secteur de l'énergie (n° 3, 2006-2007).
L'avis sera imprimé sous le n° 7 et distribué.
14
ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au jeudi 5 octobre 2007 :
À neuf heures trente :
1. Discussion de la question orale avec débat n° 18 de M. André Dulait à M. le ministre des affaires étrangères sur les modes de gestion des crises africaines.
M. André Dulait appelle l'attention de M. le ministre des affaires étrangères sur les modes de gestion des crises africaines.
L'ampleur des désastres humanitaires et la déstabilisation régionale que suscitent les crises africaines actuelles, qu'il s'agisse de la Côte d'Ivoire, du Darfour ou du Congo, nécessitent une implication extérieure qui soit à la fois légitime et efficace.
La France prend une part active dans la gestion de ces crises en privilégiant l'intervention de l'Organisation des Nations unies et de l'Union africaine. Force est de constater que, sur le terrain des opérations, elle se retrouve souvent en première ligne, par défaut de volonté ou de capacité d'autres acteurs (UA, UE, ONU...). La France ne peut se désintéresser du sort de l'Afrique et des Africains, mais elle est parfois desservie par sa tradition de présence sur le continent.
Devant ce constat, quels instruments privilégier ?
L'exemple de la FINUL renforcée peut-il être le prélude à une rénovation attendue des opérations de maintien de la paix des Nations unies, en Afrique, qui pourrait entraîner l'engagement sous casques bleus de forces armées occidentales ?
Quelle coopération militaire devons-nous développer face aux besoins des organisations sous-régionales africaines ?
Quelle place et quel rôle pour l'Union européenne, qui paraît bien absente sur le terrain politique alors qu'elle occupe le premier rang des bailleurs internationaux ?
Quelles formes d'aide au développement la France doit-elle soutenir, l'impératif premier de la réduction de la pauvreté ne pouvant être mis en oeuvre que dans des conditions de sécurité minimale des populations, servies par des formes d'organisation politiques légitimes et reconnues comme telles ?
Aucune inscription de parole dans le débat n'est plus recevable.
À quinze heures :
2. Questions d'actualité au Gouvernement.
3. Discussion de la proposition de loi (n° 390, 2005-2006), adoptée par l'Assemblée nationale, portant création d'un ordre national des infirmiers ;
Rapport (n° 1, 2006-2007) de Mme Sylvie Desmarescaux, fait au nom de la commission des affaires sociales.
Aucune inscription de parole dans la discussion générale n'est plus recevable.
Le délai limite pour le dépôt des amendements est expiré.
Délai limite pour les inscriptions de parole et pour le dépôt des amendements
Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif au secteur de l'énergie (n° 3, 2006-2007) ;
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 9 octobre 2006, à dix-sept heures ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 9 octobre 2006, à seize heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-neuf heures cinquante.)
La Directrice
du service du compte rendu intégral,
MONIQUE MUYARD