sommaire
présidence de M. Philippe Richert
2. Modes de gestion des crises africaines. - Discussion d'une question orale avec débat
MM. André Dulait, auteur de la question ; Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères.
MM. André Ferrand, Robert Hue, Didier Boulaud, Yves Pozzo di Borgo.
Mmes Brigitte Girardin, ministre déléguée à la coopération, au développement et à la francophonie ; Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense ; Serge Vinçon, le président de la commission des affaires étrangères.
Clôture du débat.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet
3. Questions d'actualité au Gouvernement
MM. Yves Coquelle, Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
méthode d'apprentissage de la lecture
MM. Bernard Seillier, Gilles de Robien, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.
surpopulation carcérale en polynésie
MM. Gaston Flosse, Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice.
MM. Roland Courteau, François Loos, ministre délégué à l'industrie.
MM. Yves Détraigne, François Goulard, ministre délégué à l'enseignement supérieur et à la recherche.
M. Michel Houel, Mme Catherine Colonna, ministre déléguée aux affaires européennes.
hausse des prélèvements obligatoires
MM. Gérard Miquel, Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
MM. Serge Dassault, Gilles de Robien, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.
résultats de la politique de sécurité
MM. Pierre-Yves Collombat, Christian Estrosi, ministre délégué à l'aménagement du territoire.
installation illicite de gens du voyage
Mme Sylvie Desmarescaux, M. Christian Estrosi, ministre délégué à l'aménagement du territoire.
Suspension et reprise de la séance
présidence de Mme Michèle André
MM. Nicolas About, Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales ; Mme la présidente.
5. Candidature à un organisme extraparlementaire
6. Création d'un ordre national des infirmiers. - Adoption d'une proposition de loi
Discussion générale : M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités ; Mme Sylvie Desmarescaux, rapporteur de la commission des affaires sociales.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales ; Mme la présidente.
MM. Guy Fischer, Jean-Pierre Godefroy, Jean-Jacques Jégou, Mme Janine Rozier, M. Serge Lagauche.
M. le ministre.
Clôture de la discussion générale.
M. Bernard Seillier.
Amendement no 20 de M. Claude Domeizel. - M. André Vantomme, Mme le rapporteur, MM. le ministre, Guy Fischer. - Rejet de l'amendement par scrutin public.
Amendement no 26 de M. Claude Domeizel. - MM. Jean-Pierre Godefroy, Mme le rapporteur, M. le ministre. - Rejet.
Amendement no 38 rectifié de M. Jean-Jacques Jégou. - M. Jean-Jacques Jégou, Mme le rapporteur, MM. le ministre, Guy Fischer, André Vantomme. - Adoption.
Amendement no 27 de M. Claude Domeizel. - M. Jean-Pierre Godefroy, Mme le rapporteur, MM. le ministre, Guy Fischer. - Rejet.
Amendement no 1 de la commission. - Mme le rapporteur, M. le ministre. - Adoption.
Amendement no 2 de la commission. - Mme le rapporteur, M. le ministre. - Adoption.
Amendement no 39 de M. Jean-Jacques Jégou. - M. Jean-Jacques Jégou, Mme le rapporteur, M. le ministre. - Retrait.
Amendement no 40 de M. Jean-Jacques Jégou. - M. Jean-Jacques Jégou, Mme le rapporteur, M. le ministre. - Retrait.
Amendement no 3 de la commission. - Mme le rapporteur, M. le ministre. - Adoption.
Amendement no 4 de la commission. - Mme le rapporteur, M. le ministre. - Adoption.
Amendement no 41 de M. Jean-Jacques Jégou. - M. Jean-Jacques Jégou, Mme le rapporteur, M. le ministre. - Retrait.
Amendements nos 28 à 30 de M. Claude Domeizel et 5 à 8 de la commission. - M. Jean-Pierre Godefroy, Mme le rapporteur, MM. André Vantomme, le ministre, Jean-Jacques Jégou, François Autain. - Rejet de l'amendement no 28 et, par scrutin public, de l'amendement no 29 ; adoption des amendements nos 5 à 8 et 30.
Amendement no 9 de la commission. - Mme le rapporteur, M. le ministre. - Adoption.
Amendement no 10 de la commission. - Mme le rapporteur, M. le ministre. - Adoption.
Amendement no 31 de M. Claude Domeizel. - Rejet.
Amendements nos 32 de M. Claude Domeizel et 11 à 13 rectifié de la commission. - M. Jean-Pierre Godefroy, Mme le rapporteur, M. le ministre. - Rejet de l'amendement no 32 ; adoption des amendements nos 11 à 13 rectifié.
Amendements nos 14 rectifié de la commission, 33 et 34 de M. Claude Domeizel. - Mme le rapporteur, MM. André Vantomme, le ministre, Jean-Pierre Godefroy, Guy Fischer. - Adoption de l'amendement no 14 rectifié ; rejet des amendements nos 33 et 34.
Amendement no 15 de la commission. - Mme le rapporteur, M. le ministre. - Adoption.
Amendement no 35 de M. Claude Domeizel. - Rejet.
Adoption de l'article modifié.
Amendements nos 21, 36 de M. Claude Domeizel et 16 de la commission. - M. Jean-Pierre Godefroy, Mme le rapporteur, MM. le ministre, le président de la commission, François Autain. - Rejet des amendements nos 21 et 36 ; adoption de l'amendement no 16.
Adoption de l'article modifié.
Amendement no 22 de M. Claude Domeizel. - Rejet.
Adoption de l'article.
Amendements nos 23 de M. Claude Domeizel et 17 de la commission. - M. Jean-Pierre Godefroy, Mme le rapporteur, MM. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille ; François Autain. - Rejet de l'amendement no 23 ; adoption de l'amendement no 17 rédigeant l'article.
Amendement no 24 de M. Claude Domeizel. - Rejet.
Adoption de l'article.
Amendements nos 25 de M. Claude Domeizel et 18 de la commission. - M. Jean-Pierre Godefroy, Mme le rapporteur, M. le ministre délégué. - Rejet de l'amendement no 25 ; adoption de l'amendement no 18 rédigeant l'article.
Articles additionnels après l'article 6
Amendement no 37 rectifié de M. Claude Domeizel. - M. Jean-Pierre Godefroy, Mme le rapporteur, MM. le ministre délégué, le président de la commission. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement no 42 du Gouvernement. - M. le ministre délégué, Mme le rapporteur, MM. Guy Fischer, Jean-Pierre Godefroy. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement no 43 du Gouvernement. - M. le ministre délégué, Mme le rapporteur. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
M. Guy Fischer, Mme Marie-Thérèse Hermange, MM. Jean-Jacques Jégou, Jean-Pierre Godefroy.
Adoption, par scrutin public, de la proposition de loi.
M. le ministre délégué.
7. Nomination d'un membre d'un organisme extraparlementaire
8. Texte soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution
compte rendu intégral
PRÉSIDENCE DE M. Philippe Richert
vice-président
1
PROCÈS-VERBAL
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
MODES DE GESTION DES CRISES AFRICAINES
Discussion d'une question orale avec débat
M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion de la question orale avec débat n° 18 de M. André Dulait à M. le ministre des affaires étrangères.
Cette question est ainsi libellée :
M. André Dulait appelle l'attention de M. le ministre des affaires étrangères sur les modes de gestion des crises africaines.
L'ampleur des désastres humanitaires et la déstabilisation régionale que suscitent les crises africaines actuelles, qu'il s'agisse de la Côte d'Ivoire, du Darfour ou du Congo, nécessitent une implication extérieure qui soit à la fois légitime et efficace.
La France prend une part active dans la gestion de ces crises en privilégiant l'intervention de l'Organisation des Nations unies et de l'Union africaine. Force est de constater que, sur le terrain des opérations, elle se retrouve souvent en première ligne, par défaut de volonté ou de capacité d'autres acteurs (UA, UE, ONU...). Elle ne peut se désintéresser du sort de l'Afrique et des Africains, mais elle est parfois desservie par sa tradition de présence sur le continent.
Devant ce constat, quels instruments privilégier ?
L'exemple de la FINUL renforcée peut-il être le prélude à une rénovation attendue des opérations de maintien de la paix des Nations unies en Afrique, qui pourrait entraîner l'engagement sous casques bleus de forces armées occidentales ?
Quelle coopération militaire devons-nous développer face aux besoins des organisations sous-régionales africaines ?
Quelle place et quel rôle doit avoir l'Union européenne, qui paraît bien absente sur le terrain politique, alors qu'elle occupe le premier rang des bailleurs internationaux ?
Quelles formes d'aide au développement la France doit-elle soutenir, l'impératif premier de la réduction de la pauvreté ne pouvant être mis en oeuvre que dans des conditions de sécurité minimale des populations, servies par des formes d'organisations politiques légitimes et reconnues comme telles ?
Mes chers collègues, avant de donner la parole à M. André Dulait, auteur de la question, je voudrais vous rappeler que ce débat constitue le premier effet de la réflexion que nous avons engagée au sein de la conférence des présidents sur l'amélioration de nos méthodes de travail.
Sur l'initiative du président Serge Vinçon, nous avons mis en place pour les conventions internationales, et sous réserve de l'accord unanime des groupes, une procédure simplifiée d'examen en séance publique, de manière à dégager, en contrepartie, du temps pour l'organisation chaque année de deux débats, l'un de politique étrangère, l'autre de défense.
Je vous rappelle que la commission des affaires étrangères avait porté son choix sur le rôle de la France dans la gestion des crises africaines dès le mois de mai.
Cette initiative est emblématique de notre volonté de développer la fonction de contrôle, ce qui suppose de parvenir à un meilleur équilibre entre travaux législatifs et débats de contrôle en séance plénière.
Je tiens à remercier Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense, M. Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères, et Mme Brigitte Girardin, ministre déléguée à la coopération, au développement et à la francophonie, d'avoir répondu à notre demande et d'être venus en personne participer à ce premier débat.
La parole est à M. André Dulait, auteur de la question.
M. André Dulait. Monsieur le président, mesdames les ministres, monsieur le ministre, mes chers collègues, en travaillant sur la gestion des crises africaines, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées n'avait pas l'intention de réduire le continent africain, riche de nombreuses potentialités, à la seule dimension des conflits qui l'affectent, mais elle avait pour objectif de dresser le constat des évolutions intervenues dans ce domaine où notre pays prend une part très active.
Il s'agit d'un sujet complexe aux implications nombreuses, et je me réjouis tout particulièrement de la présence de Mme la ministre de la défense, de Mme la ministre déléguée à la coopération, au développement et à la francophonie et de M. le ministre des affaires étrangères.
Il s'agit d'un sujet dont nous ne pouvons nous désintéresser quand bien même nous le souhaiterions : le continent africain est notre voisin et nous ressentons les conséquences des secousses qui l'affectent. Ce n'est pas notre sensibilité historique à ce qui se passe sur ce continent qui est en jeu, mais c'est bien notre intérêt actuel, en tant qu'Européens, à voir l'Afrique prendre place dans la mondialisation et à entrer dans un processus vertueux de développement.
J'ajouterai qu'à l'heure où le continent africain intéresse tant les grands partenaires de l'Union européenne, qu'il s'agisse des États-Unis, de l'Inde ou de la Chine, dans le domaine économique mais aussi dans celui de la sécurité, un désengagement de ces questions serait particulièrement malvenu.
Les conflits africains, qu'ils soient interétatiques ou intra-étatiques, ont diverses origines et relèvent de divers registres : identitaires, politiques, pour la prise du pouvoir, militaires - violence publique, violence privée -, économiques, et je pense notamment aux questions foncières.
Je citerai un seul chiffre : de 1963 à 1998, 474 millions d'Africains ont été affectés par ces conflits, soit 60 % de la population.
Ces crises ont favorisé les pandémies, entraînant une mortalité très élevée des populations civiles, un blocage du développement économique ainsi que d'importants déplacements de population. Plus de 20 millions d'Africains ont ainsi été déplacés au cours de ces années.
La grande complexité de ces conflits rend très difficile toute tentative de prévention ou de résolution des crises.
À l'évidence, il est préférable qu'une crise politique et sécuritaire puisse trouver une solution endogène. Nous en avons quelques exemples. Mais, lorsque des drames humanitaires surviennent et que l'équilibre régional est menacé, une intervention extérieure peut être nécessaire.
En République démocratique du Congo, en Côte d'Ivoire, au Soudan, l'urgence s'est imposée. En Somalie, pays devenu symbole des difficultés de l'intervention extérieure, au Darfour, l'instabilité menace toute la sous-région. Or, une intervention est souvent, et même le plus souvent, mal reçue, qu'elle vienne d'une ancienne puissance coloniale, comme la France, alors que la rhétorique de la « seconde décolonisation » rencontre un écho profond auquel nous devons être attentifs, ou qu'elle vienne de l'Organisation des Nations Unies, parfois présentée comme l'instrument de puissances extérieures, comme c'est le cas dans la crise du Darfour.
La gestion des crises africaines est donc une double quête, celle de la légitimité et celle de l'efficacité. Quel peut être le rôle de la France dans la recherche de cet équilibre ?
Conscient de ces difficultés, notre pays a fait le choix du multilatéralisme et de l'appropriation africaine, un choix qu'il s'efforce de promouvoir et d'appliquer. Le multilatéralisme, c'est, en premier lieu, l'Organisation des Nations Unies, qui est à même de qualifier une situation et de rendre légitime l'emploi de la force. Toutefois, les reproches faits aux capacités d'action des casques bleus sont connus ; ils ont été rappelés lors de la crise libanaise et ont conduit les armées occidentales, notamment européennes, à privilégier d'autres voies, comme des interventions sous mandat ou des interventions nationales en appui aux casques bleus.
L'exemple de la FINUL - la force intérimaire des Nations unies au Liban - renforcée peut-il trouver d'autres applications ? Je souhaite que les conséquences puissent être tirées pour renforcer l'efficacité des opérations de maintien de la paix.
Le multilatéralisme s'exerce également à l'échelon régional. Profondément réformée, l'Union africaine est une source indéniable de légitimité, même si les vicissitudes de son intervention au Darfour illustrent ses difficultés à la fois politiques et capacitaires. Elle est le signe d'une volonté d'appropriation de leur destin par les Africains, que notre pays a choisi de soutenir. Le NEPAD, le nouveau partenariat pour le développement de l'Afrique, projet né en Afrique et porté par les Africains, comporte un important volet de gestion des crises, qui s'articule aujourd'hui avec les institutions de l'Union européenne et de l'Union africaine. Il faut qu'il puisse prendre corps.
Les organisations sous-régionales, bien qu'encore faiblement intégrées et équipées, commencent, à des degrés divers, à se structurer. Les capacités des États membres étant très diverses, il y a un risque à ce que la régionalisation n'aboutisse, dans certains cas, à la consécration d'une puissance régionale donnée ou à la rivalité entre plusieurs candidats à ce leadership.
La coopération avec les organisations sous-régionales me paraît représenter une voie prometteuse pour la coopération française sur les questions de sécurité. Elle permettrait de promouvoir des solutions régionales, d'apporter un soutien opérationnel qui ne soit pas seulement bilatéral et de diversifier nos partenariats en matière de sécurité.
Il faut souligner que les évolutions sensibles du rôle de la France dans la gestion des crises s'opèrent sur le fond d'une continuité de la présence militaire française, ce qui les rend parfois peu perceptibles par nos partenaires.
On a su faire évoluer le rôle des bases françaises et, de facto, la présence militaire en Afrique a été réorientée : les forces en présence ont fait place à des soutiens à la projection pour la gestion de crises, notamment des crises africaines. Elles ont permis le déploiement d'opérations autonomes de l'Union européenne.
Cependant, leur fondement juridique repose aujourd'hui encore sur des accords de défense conclus dans les années soixante, dans un contexte de guerre froide où l'adversaire était bien identifié. Dans le contexte des crises actuelles, qui ne sont que rarement des différends frontaliers et des conflits interétatiques, l'application de ces accords est problématique, comme l'a illustré la crise ivoirienne. Est-il possible de les moderniser ?
En Côte d'Ivoire, la France a soutenu l'intervention de la CEDEAO, la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest, puis l'ONUCI, l'opération des Nations unies en Côte d'Ivoire. Mais, du fait de sa présence militaire sur place, elle s'est retrouvée en première ligne pour les évacuations de ressortissants, puis pour le soutien opérationnel aux forces de l'ONU, alors qu'elle n'avait pas souhaité s'impliquer directement. Après avoir demandé la mise en oeuvre de l'accord de défense au début de la crise, le président ivoirien semble désormais réclamer le retrait non seulement de la force Licorne, mais aussi du BIMA, le bataillon d'infanterie de marine.
Quelles seront à l'avenir les missions de nos bases en Afrique, alors que le Président de la République a clairement indiqué que la France ne resterait pas là où sa présence n'est plus souhaitée ? Comment rénover notre coopération militaire ? Comment intégrer la prévention, mais aussi l'après-conflit dans nos outils de coopération ?
Une plus grande implication de l'Union européenne paraît s'imposer. Mais, alors que le lien entre sécurité et développement a été établi par la mise en place de la Facilité pour la paix en Afrique, elle suscite à l'évidence de nombreuses réticences.
Les échanges entre l'Union européenne et l'Union africaine se multiplient, comme en témoigne la réunion des deux commissions à Addis-Abeba, ce dont il faut se féliciter. Quelle coopération concrète en matière de sécurité les deux organisations pourraient-elles mettre en place ?
La réussite de l'opération au Congo, à laquelle l'Allemagne a pris une part active nous apparaît déterminante. Quel premier bilan les ministres de la défense des États membres, récemment réunis en Finlande, en ont-ils tiré ? Cette opération pourrait-elle en annoncer d'autres, notamment avec la mise en place des groupements tactiques ?
Quel est aujourd'hui le projet que peut porter notre pays pour la sécurité et la stabilité de ses partenaires africains ? Il a su convaincre de la nécessité de réduire la pauvreté, pourra-t-il persuader, dans les débats internationaux, que la condition première en est la paix civile et qu'elle appelle une implication plus efficace de l'ensemble des partenaires du continent africain ?
C'est l'ensemble de ces questions, mesdames les ministres, monsieur le ministre, que nous souhaitons aborder aujourd'hui, et nous vous remercions par avance des réponses que vous voudrez bien nous apporter. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens tout d'abord à vous remercier d'avoir organisé ce débat général sur l'Afrique et surtout à saluer la qualité, la justesse et la pertinence de l'important rapport d'information que M. Dulait a consacré à la gestion des crises africaines.
C'est bien sûr à ma collègue Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense, qu'il revient de répondre aux principales questions que vous avez posées, monsieur Dulait, dès l'introduction de votre rapport : Faut-il intervenir militairement dans les crises en Afrique ? Qui peut intervenir militairement en Afrique ?
Avant de lui laisser la parole, ainsi qu'à Brigitte Girardin, chargée des questions relatives au développement, et qui suit personnellement le difficile dossier ivoirien, je vous remercie, monsieur le président, de me donner l'occasion de dire pourquoi le fait d'apporter une réponse aux crises africaines constitue aujourd'hui une des grandes priorités de notre diplomatie et pourquoi elle suscite de notre part un engagement résolu et renforcé.
Je ne suis pas de ceux qui pensent que l'Afrique est vouée au chaos ou à l'enlisement et qu'il importe seulement par précaution ou par devoir moral d'en limiter les effets ou la contagion.
L'Afrique de ce début de siècle, mesdames, messieurs les sénateurs, c'est d'abord un continent dont la population a été multipliée par cinq en cinquante ans, passant de 150 millions à 800 millions d'habitants entre 1950 et 2000, et dont les deux tiers de la population ont aujourd'hui moins de vingt-cinq ans.
C'est aussi un continent dont la croissance moyenne est désormais durablement supérieure à la croissance mondiale et atteint même le triple de la croissance européenne. En 2006, selon le FMI, le Fonds monétaire international, la croissance de l'Afrique subsaharienne dépassera 5 % pour la neuvième année consécutive. Les investisseurs ne s'y sont d'ailleurs pas trompés puisque les flux internationaux et financiers vers le continent africain ont doublé depuis trois ans.
L'intervention croissante des grands partenaires du Sud, au premier rang desquels la Chine, mais aussi le Brésil, l'Inde et l'Iran, l'ampleur nouvelle des financements des pays arabes sont des signes tangibles.
En ce début de siècle, l'Afrique devient donc un enjeu stratégique de premier plan.
Ainsi, parmi tous les grands sujets qui sont aujourd'hui au coeur non seulement de l'agenda diplomatique international, mais également des préoccupations croissantes de nos concitoyens et de nos opinions publiques, j'en citerai cinq, qui tous me paraissent prioritaires et concernent très directement l'Afrique.
Il s'agit d'abord du terrorisme, et n'oublions pas que, avant d'atteindre New York en septembre 2001, Al Qaida avait déjà frappé, il y a près de dix ans, le Kenya et la Tanzanie. Il s'agit aussi des migrations, de la sécurité énergétique, de l'environnement et de la santé.
Ces thèmes représentent des enjeux majeurs et comportent des risques partagés. À ce titre, ils impliquent de notre part une mobilisation accrue et, surtout, collective. Ils ne seront gérés de façon efficace qu'en liaison étroite avec l'ensemble des partenaires concernés, ceux du Nord comme ceux du Sud. Au même titre que les conflits régionaux, la gestion de ces risques transversaux doit être un axe fort de notre action diplomatique.
C'est tout l'objet de l'initiative UNITAID, lancée par le président Chirac et le président brésilien Lula, pour faciliter la mise à disposition de médicaments adaptés aux besoins des pays du Sud, grâce à la mise en place d'une « contribution citoyenne » sur les billets d'avion. Elle a d'ores et déjà suscité l'adhésion de quarante-trois pays et illustre tout l'intérêt d'un partenariat nouveau, fondé non plus sur la compassion et le don, mais sur un intérêt mutuel.
Cette nécessité accrue d'une action collective et coordonnée de la communauté internationale est aussi au coeur du règlement des conflits qui secouent aujourd'hui de nombreux pays du continent africain.
Aucune crise aujourd'hui ne peut se résoudre indépendamment des intérêts et des préoccupations des pays voisins ; on le voit bien au Soudan, la situation du Darfour déstabilisant ses neuf pays voisins, notamment le Tchad et la République centrafricaine, dont j'ai encore rencontré le président hier matin.
Aucune crise ne peut trouver de solution en dehors d'un cadre collectif, qui garantit l'appui et l'engagement de la communauté internationale. Aucune crise ne sera résolue sans la prise en compte de l'ensemble des facteurs qui y contribuent, notamment ceux qui touchent au partage des ressources naturelles et aux équilibres de développement.
Généralement de faible intensité militaire, les crises africaines s'inscrivent, en revanche, souvent dans la durée. Elles s'étendent sur de vastes territoires au sein desquels l'autorité des États ne s'exerce plus. Elles sont entretenues par des acteurs le plus souvent imperméables au dialogue. Les premières victimes sont les populations civiles, notamment les jeunes, qui n'ont d'autre perspective que l'enrôlement dans les milices ou les rébellions, avec le risque de provoquer, comme je viens de l'évoquer, une déstabilisation régionale.
Les crises qui frappent ce continent sont de plus en plus complexes, leur stabilisation de plus en plus coûteuse. C'est pourquoi il est indispensable, comme vous le soulignez, monsieur le sénateur, de poursuivre la réflexion, afin d'adapter notre politique aux évolutions rapides de l'Afrique contemporaine.
La France n'entend pas se désengager d'un continent dont elle est proche, et avec lequel elle entretient depuis si longtemps des relations privilégiées. Elle entend continuer à exercer pleinement son rôle dans cette région du monde à laquelle elle est liée non seulement par l'histoire, par des liens culturels et humains tissés dans la durée, mais surtout par un avenir nécessairement commun.
Aujourd'hui, il faut adapter notre politique à la nouvelle donne géopolitique du XXIe siècle, à l'apparition de nouveaux enjeux, à l'entrée en scène de nouveaux acteurs et de nouveaux partenaires. Il faut associer nos moyens à ceux de nos partenaires et des institutions multilatérales, afin de construire un partenariat durable, garant d'un intérêt mutuel.
La France a longtemps privilégié le cadre bilatéral. Ce type d'intervention est désormais révolu parce qu'il est tout simplement inefficace. Comme vous le rappelez dans votre rapport, monsieur le sénateur, la France n'a plus vocation à être « le gendarme de l'Afrique ».
Nous privilégions aujourd'hui la démarche multilatérale, qui seule garantit la légitimité de notre action. Les interventions militaires françaises sont désormais menées dans le cadre de mandats confiés à l'ONU, l'Organisation des Nations unies. Cette approche présente plusieurs avantages. Elle assure un partage non seulement des risques et des coûts bien sûr, mais également des responsabilités opérationnelles sur le terrain.
Depuis le début de cette législature, la France s'est ainsi efforcée de mobiliser l'ensemble des grandes organisations internationales dont elle est membre - le Conseil de sécurité, le G 8, l'Union européenne et le FMI - en les sensibilisant notamment au risque collectif que constitue désormais l'enlisement ou la contagion des crises africaines.
En Côte d'Ivoire, nous avons saisi, dès 2002, le Conseil de sécurité, qui s'implique depuis lors pleinement dans ce dossier difficile, ainsi que les bailleurs multilatéraux. En République démocratique du Congo, c'est la France qui a accepté de fournir, sans délai, l'essentiel du contingent de l'opération Artémis et d'en être la nation-cadre. Première opération européenne effectuée en dehors du continent européen et sans l'appui de l'OTAN, l'Organisation du traité de l'Atlantique nord, l'opération Artémis a permis d'éviter une crise qui aurait pu conduire à une remise en cause de l'ensemble du processus congolais. L'opération EUFOR, conduite actuellement pour assurer la sécurité du déroulement du processus électoral, s'inscrit dans la continuité de cette action.
Depuis le conflit des Grands Lacs, qui a déstabilisé une partie de l'Afrique centrale puis, plus récemment, avec la crise ivoirienne et surtout le conflit du Darfour, qui représente pour moi le conflit le plus grave et le plus lourd de menaces pour le continent africain, la mobilisation de la communauté internationale s'est considérablement renforcée.
Oui, je le répète, le Darfour est pour moi le conflit le plus préoccupant du continent africain dans la mesure où il présente un triple risque.
Ce conflit risque d'entraîner tout d'abord une crise humanitaire majeure, avec près de 300 000 morts, essentiellement des civils, et près de 2 millions de déplacés, dont 200 000 à 300 000 réfugiés au Tchad.
Il présente également un risque politique, à savoir l'implosion du Soudan avec la remise en cause de l'accord Nord-Sud, conclu en 2004, après vingt ans de guerre civile.
Il peut aussi créer une déstabilisation de toute la région, au Tchad et au sein de la République centrafricaine tout d'abord, mais également au-delà, suivant le phénomène de dominos bien connu. En outre, l'Union africaine a accepté, le 21 septembre dernier - j'étais alors à New York -, de prolonger sa mission sur le terrain jusqu'en décembre prochain. Cette décision est sage et responsable. Nous travaillons à renforcer les moyens dévolus à cette opération en particulier avec nos partenaires de l'Union européenne et en liaison avec les Nations unies.
Enfin, le Conseil de sécurité des Nations unies a décidé, avec la résolution 1706, de mettre en place une opération de maintien de la paix de 17 000 hommes destinée à appuyer la mise en oeuvre de l'accord d'Abuja et à assurer la sécurité des populations civiles.
À cet égard, nous devons travailler dans trois directions : augmenter et améliorer l'équipement de l'Union africaine, afin d'accroître son efficacité jusqu'au 31 décembre ; faire en sorte que cet accord de paix soit signé par d'autres groupes rebelles qui l'ont refusé - j'en ai d'ailleurs parlé avec le président de l'Union africaine il y a quarante-huit heures à Brazzaville - ; et engager le dialogue avec Khartoum. Nous devons nous mobiliser aux côtés des membres de la Ligue arabe et de tous ceux du Conseil de sécurité des Nations unies pour expliquer aux autorités de Khartoum qu'elles doivent accepter le dialogue et le processus de paix.
Monsieur le président, je me suis permis de parler du Darfour, car il me semble que l'on ne peut pas aujourd'hui, au Sénat, dans le cadre du débat relatif à la gestion des crises africaines et au multilatéralisme, ne pas parler de ce sujet. Khartoum refuse les forces de l'ONU, à nous d'expliquer qu'il faut faire au nord ce qu'elle a accepté au sud.
Aujourd'hui, plus des deux tiers de l'agenda du Conseil de sécurité des Nations unies sont consacrés aux conflits africains. Quant au coût annuel moyen des opérations de maintien de la paix sur ce seul continent, il atteint désormais près de 5 milliards de dollars par an.
Face à cette évolution, la France a travaillé à renforcer tant l'implication de l'Union européenne que l'engagement des Africains en faveur de leur propre sécurité.
À cet égard, si l'Union européenne dispose, certes, de moyens importants et fournit un cadre de premier ordre à cette ambition multilatérale, il convient toutefois de renforcer encore la cohérence de ses instruments d'intervention.
Dans cette perspective, le Conseil européen de décembre 2005 a adopté une « Stratégie de l'Union européenne pour l'Afrique ». Celle-ci comporte un volet essentiel concernant la paix et la sécurité. Par ailleurs, une réflexion portant sur un « concept européen de renforcement des capacités africaines de prévention, de gestion et de résolution des conflits » se poursuit. Il s'agit de construire dès maintenant un partenariat stratégique avec l'Union africaine et les organisations régionales.
Parallèlement, l'Union européenne s'est dotée de nouveaux instruments d'intervention. La Facilité européenne pour la paix en Afrique a ainsi autorisé l'utilisation des moyens du fonds européen pour le développement, le FED, permettant ainsi de financer les efforts faits par les pays africains en matière de gestion des crises ou les opérations africaines de maintien de la paix.
Cela étant dit, comme vous le soulignez dans votre rapport, monsieur Dulait, il importe que les interventions européennes soient mieux perçues et mieux comprises par nos partenaires, notamment les États africains. Il est nécessaire qu'elles soient plus lisibles, notamment dans leurs modes de financement.
Il n'est pas rare que la complexité de certaines opérations entraîne l'action prépondérante d'une ou deux nations, ce qui conduit à diminuer grandement la visibilité de l'Union européenne sur la scène africaine. Un effort prioritaire devra donc être mené à l'avenir pour faciliter la mise en place rapide des opérations souhaitées.
Le règlement des crises africaines suppose également que la capacité des Africains à gérer leur sécurité collective soit confortée.
La politique française en Afrique repose désormais en grande partie sur l'appropriation. C'est dans cette optique que le projet RECAMP de soutien aux capacités africaines de prévention et de gestion des crises a été conçu. Je me réjouis de constater que nos partenaires de l'Union européenne nous rejoignent désormais sur ce programme d'initiative française.
C'est dans cet esprit que le Président de la République a décidé de faire évoluer le dispositif des forces prépositionnées, afin d'accompagner au plus près la montée en puissance de la force africaine en attente, la FAA, de l'Union africaine.
Parallèlement, nous poursuivons notre appui spécifique auprès de chacune des organisations régionales comme la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest, CEDEAO, la Communauté économique et monétaire des États d'Afrique centrale, CEMAC, et la Communauté de développement de l'Afrique australe.
La mission de nos forces s'oriente ainsi vers des partenariats régionaux en lien étroit avec les grandes puissances que sont l'Afrique du Sud et le Nigeria et dont vous avez d'ailleurs, à juste titre, souligné l'importance, monsieur Dulait.
L'Union africaine apporte une légitimité indispensable à l'appropriation et son rôle ira croissant dans l'intégration de ce continent, j'en suis convaincu. Il est vrai qu'elle est encore à ses débuts et qu'elle se heurte, dans l'immédiat, ce qui est normal, à un manque de capacités et de coordination. Les résultats limités de sa mission au Darfour, dont vous avez rappelé tout à l'heure les vicissitudes, illustrent l'ampleur de la tâche qui reste à accomplir. Il est donc essentiel de proposer des solutions rénovées et adaptées afin de soutenir l'engagement des États africains.
Voilà, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, ce que je souhaitais vous dire ce matin.
Il est essentiel de mesurer que le règlement définitif des crises passe par le renforcement de notre effort en faveur du développement.
Comme ma collègue Brigitte Girardin vous le dira tout à l'heure, dans la plupart des pays concernés, c'est l'absence de perspectives concrètes qui contribue à enliser les conflits. Dès lors, il est indispensable de tout mettre en oeuvre pour que, vis-à-vis de tous les acteurs concernés, et en premier lieu les jeunes, les dividendes de la paix apparaissent définitivement supérieurs aux intérêts de la guerre.
Il faut rompre le cercle vicieux qui conduit les bailleurs de fonds à suspendre leur coopération dès l'éclatement d'une crise, en attendant la conclusion du processus politique. Il est, au contraire, essentiel que les bailleurs, par un appui spécifiquement ciblé sur la sortie de crise - et nous sommes encore insuffisamment énergiques et dynamiques en la matière -, contribuent, dès le début du processus, à construire ces perspectives sans lesquelles aucune sortie de crise dans un pays pauvre ou détruit n'est possible.
C'est dans ce cadre que de nouvelles priorités ont été définies pour notre coopération et notre aide au développement. L'accent a été mis en particulier sur la restructuration des forces armées et de police, la réforme de la justice, le soutien aux administrations financières, la réinsertion des ex-combattants et des enfants soldats, ainsi que le retour des populations déplacées et réfugiées. Nous devons, par conséquent, persévérer dans cette voie.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, notre politique de gestion des crises africaines est parfois mal comprise.
À travers le maintien d'une présence militaire et l'implication de forces françaises dans le cadre d'opérations internationales de stabilisation, nous sommes accusés à la fois d'abandonner l'Afrique, en laissant le champ libre aux institutions multilatérales, et de continuer à mener une politique qualifiée par certains de « néocolonialiste ».
Aucune de ces deux lectures ne correspond à la réalité. C'est non pas d'un abandon de poste qu'il s'agit, mais d'un changement de posture. Le seul souci de la France est un souci d'efficacité. Sa seule ambition est de contribuer à l'avenir du continent africain, et, par là même, au nôtre.
Je souscris à vos préoccupations, monsieur Dulait, lorsque vous soulignez la nécessité de mieux communiquer. Cela implique de faire oeuvre de transparence et de pédagogie à l'attention non seulement des Africains, mais aussi de l'opinion publique française tout entière.
Aujourd'hui, je suis convaincu que l'Afrique peut et doit être la « nouvelle frontière » de ce XXIe siècle. C'est là un enjeu stratégique, qui exige audace, ambition et respect. Il s'agit de construire un nouveau partenariat entre le continent européen et le continent africain, de créer de nouvelles relations, plus équilibrées, respectueuses et confiantes.
Notre passé commun, notre histoire commune - avec, il est vrai, ses complexités, ses incompréhensions, voire, parfois, ses déchirures - doivent nous amener à construire un avenir partagé pour faire face, ensemble, aux risques de fractures du monde contemporain, mais aussi à ses formidables enjeux.
Tout doit être entrepris pour faire de la jeunesse, de la vitalité et de la créativité de cet immense continent une chance, pour lui d'abord, bien sûr, mais aussi pour l'Europe et pour la France ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe Union pour un mouvement populaire, 47 minutes ;
Groupe socialiste, 32 minutes ;
Groupe Union centriste-UDF, 14 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 11 minutes.
Dans la suite du débat, la parole est à M. André Ferrand.
M. André Ferrand. Monsieur le président, mesdames les ministres, débattre du mode de gestion des crises africaines, c'est s'interroger sur le rôle que joue la France dans le règlement de ces crises aujourd'hui et sur celui qu'elle jouera demain.
C'est également étudier les évolutions observées depuis une dizaine d'années dans ce domaine, je pense, notamment, à la place tenue par les organisations multilatérales, telles que l'Union européenne, l'ONU ou l'Union africaine.
C'est, enfin, se poser la question de la prise en charge de la sécurité du continent par les Africains eux-mêmes.
Le rôle de la France dans la gestion des crises africaines pose la question plus générale de la politique africaine de notre pays, de son histoire, de sa légitimité et de son avenir.
Les relations entre la France et l'Afrique sont traditionnellement marquées par un fort bilatéralisme, d'abord dans un contexte exclusivement francophone, puis - ce dont il faut se féliciter - dans le cadre d'un périmètre plus large, anglophone ou lusophone.
Cette logique traditionnelle de relations bilatérales s'articule autour de trois volets interdépendants : les questions de sécurité, c'est-à-dire la défense des États et la résolution des conflits ; les questions politiques, et, enfin, les questions économiques.
En matière de défense des États, il existe, à leur base les accords de défense et les accords de coopération militaire technique. Or nous assistons depuis plusieurs années à une évolution qui réside dans la désuétude de ces deux types d'accords.
En effet, les références aux premiers sont de plus en plus rares, même si certains sont encore en vigueur.
Quant aux seconds, à savoir les accords de coopération militaire technique, leur importance diminue depuis quelques années avec la réduction du nombre des coopérants, des forces prépositionnées et des stagiaires militaires africains en France.
Cette situation nouvelle permet de laisser place à des concepts innovants, dont le RECAMP, c'est-à-dire le renforcement des capacités africaines de maintien de la paix. Ce programme, lancé en 1997, consiste en un appui à la formation et à l'entraînement, voire, parfois, à des engagements opérationnels.
Désormais, la politique française en matière de sécurité en Afrique s'attache fortement au maintien de la paix et de la sécurité régionale. La France a choisi de renforcer les capacités africaines de maintien de la paix ; il s'agit de former des unités au sein des armées africaines au maintien de la paix et de la sécurité essentiellement régionales, en vue d'un déploiement en cas de conflit. Cette évolution ne se fait plus dans un cadre strictement francophone et reçoit le soutien financier et logistique de la France.
La France n'entend donc plus - on l'a dit et redit - être le « gendarme de l'Afrique », même si elle maintient une présence militaire importante sur le continent. On ne peut, en effet, ignorer que l'armée française est concernée au quotidien par les crises africaines, puisque quelque 11 000 hommes sont actuellement stationnés sur le continent.
Depuis septembre 2002 et le développement de la crise ivoirienne, elle met en oeuvre un mode nouveau de règlement des crises qui associe l'engagement direct des troupes françaises, placé sous mandat de l'Organisation des Nations Unies, et l'appui aux organisations régionales.
Comme le montre l'excellent rapport de nos collègues de la commission des affaires étrangères, sur l'initiative de son président André Dulait, l'enjeu consiste désormais à construire un partenariat sécuritaire à la fois légitime et efficace, dans un contexte politique africain de rejet global des interventions extérieures. L'ONU, l'Union africaine, l'Union européenne et les organisations sous-régionales africaines doivent trouver leur place dans le dispositif.
En matière de questions politiques, deux éléments nouveaux apparaissent : la démocratisation et l'État de droit.
La France s'attache à la promotion de la démocratie dans les États africains en soutenant les pays qui ont déjà franchi le pas avec l'instauration d'un pluralisme politique et l'organisation d'élections régulières.
L'évolution vers un État de droit constitue l'autre dimension des questions politiques et consiste en la mise en place d'un système juridique destiné à protéger les individus et les institutions contre toute ambition politique dictatoriale.
Dans cette optique, la coopération se concrétise par la pression que la France exerce en vue de l'instauration d'un État de droit au sein duquel la Constitution protège les institutions et consacre les libertés fondamentales, où la liberté d'expression et d'opinion prend corps dans un pluralisme politique responsable et par le refus des coups d'État, conformément au principe de l'Union africaine de prohibition des changements anticonstitutionnels.
Quant au volet économique de la politique africaine de la France, s'il est souvent considéré à travers l'aide publique au développement, il faut aussi et surtout prendre en compte la participation importante de nos entreprises aux économies africaines.
À cet égard, je souhaite mettre l'accent sur une initiative française particulièrement heureuse, à savoir l'organisation pour l'harmonisation en Afrique du droit des affaires, l'OHADA. Cette organisation regroupe aujourd'hui seize pays, dont les quatorze de la zone franc, et sa version Internet représente le portail du droit des affaires en Afrique.
À cette logique traditionnelle de relations bilatérales, qui connaît, nous venons de le voir, une évolution vers un partenariat fort dans une perspective de stabilité, de solidarité et de développement durable, il convient d'ajouter une nouvelle logique de relations multilatérales.
En effet, notre pays collabore de plus en plus avec les regroupements africains, notamment en matière de sécurité. Par ailleurs, la France inscrit cette politique dans le cadre plus large d'organisations internationales auxquelles elle participe. C'est le cas de l'Union européenne avec la politique étrangère et de sécurité commune, la PESC, qui s'attache à la prévention et au règlement des conflits.
En la matière, une coopération très avancée a été mise en place avec la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest et avec la Communauté de développement de l'Afrique australe.
Par ailleurs, hormis cette assistance financière, la PESC débouche essentiellement sur des prises de position commune des États de l'Union européenne et des déclarations de la présidence, auxquelles s'associent souvent d'autres pays européens non membres de l'Union.
Les positions de l'Union européenne sont en adéquation avec la nouvelle dynamique de la politique africaine de la France, s'agissant notamment des questions politiques. À cet égard, le cas de la crise ivoirienne est exemplaire.
La nouveauté de la politique africaine de la France réside dans le développement de sa dimension multilatérale. Notre pays, d'une part, collabore de plus en plus avec les regroupements d'États africains et, d'autre part, inscrit sa politique dans le cadre plus large d'organisations internationales, telles que l'Union européenne ou l'Organisation internationale de la francophonie.
La francophonie, en effet, c'est avoir en partage non seulement la langue française, mais également des valeurs universelles, à savoir la promotion de la paix, de la démocratie et des droits de l'homme. Elle constitue indiscutablement un périmètre d'influence pour notre pays, qui doit jouer un rôle dans le cadre de la gestion multilatérale des crises africaines.
La politique africaine de la France est donc en pleine évolution, à deux égards.
D'une part, on observe depuis quelques années une rationalisation des ressources de notre pays et de l'action africaine, qui correspond à l'impératif d'intérêt national. Celui-ci caractérise les relations extérieures de tous les États et contraste nettement avec la politique fondée sur des liens personnels, qui était le propre des rapports franco-africains jusqu'au milieu des années 1990.
D'autre part, on constate une responsabilisation implicite des dirigeants africains issus des nouvelles générations, qui souhaitent mettre fin aux relations traditionnelles de parrainage et n'hésitent pas à se tourner vers de nouveaux partenaires.
Aujourd'hui, nous sommes convaincus que, malgré la rationalisation de sa politique étrangère, dans un cadre bilatéral comme à travers le multilatéralisme, la France doit rester présente en Afrique. Elle ne doit en aucun cas se désengager des théâtres africains, car le vide qu'elle laisserait alors serait comblé par d'autres, souvent moins bien intentionnés.
Les événements de ces dernières années ont montré que la dimension stratégique de la présence française en Afrique permettait à la fois de protéger les quelque 200 000 ressortissants français qui y résident et d'aider les Africains à gérer les crises, tant qu'elles n'atteignent pas un degré d'intensité trop élevé.
Toutefois, la France ne peut se trouver en position de devoir régler seule les crises africaines. Toute intervention militaire française suppose une décision et un mandat de l'ONU, ainsi qu'une demande des organisations régionales. La responsabilité des opérations doit être rapidement confiée à d'autres acteurs, européens ou africains.
Le rôle de notre pays est de mieux impliquer ses partenaires européens en Afrique, car - soyons-en certains, mes chers collègues -, ce continent constitue plus que jamais une région propice aux crises. Or celles-ci ont des effets de plus en plus intenses hors d'Afrique, par le biais de l'immigration, des trafics de drogues ou d'armes ou encore des extrémismes religieux.
La communauté internationale doit donc s'impliquer de plus en plus fortement dans ces crises, comme le fait l'Union européenne en République démocratique du Congo avec l'opération Artémis. Les Nations unies, pour leur part, ont plus assuré des fonctions d'interposition que contribué à la résolution militaire des crises. Quant à l'OTAN, l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord, elle souhaite s'engager davantage en Afrique, sous l'impulsion, notamment, des États-Unis.
Il serait souhaitable de mettre fin à la rivalité qui oppose, principalement au Soudan, l'OTAN à l'Union européenne, d'autant que l'action internationale, il faut le reconnaître, n'est pas toujours très efficace, tant les sorties de crises sont lentes et les règlements politiques difficiles à conclure.
Les Africains doivent-ils s'approprier la gestion des crises ? Une telle démarche volontariste a été engagée par l'Union africaine, les organisations sous-régionales et leurs différentes instances, sur l'initiative de l'Afrique du Sud, en particulier. Il existe donc une réelle volonté d'agir, mais le décalage entre les très grandes ambitions affichées et les résultats limités obtenus, du fait de la faiblesse des moyens et des rivalités entre États et dirigeants, apparaît pour l'instant insurmontable.
Une nouvelle fois, il faut souligner le rôle joué par l'Afrique du Sud, qui bénéficie d'une aura politique incontestable et possède un poids militaire important. Ce pays est une véritable démocratie aux fondements solides. Il constitue sans nul doute un partenaire important, souvent encore potentiel, pour la France : nos objectifs peuvent coïncider, dans la mesure où ils correspondent à ceux des autres pays africains, ce qui, malheureusement, n'est pas toujours le cas.
La gestion des crises, particulièrement en Afrique, est donc de plus en plus difficile, car elles sont plus longues et leur résolution est plus complexe. La communauté internationale, c'est-à-dire les États qui disposent de la volonté et des moyens d'intervenir, a atteint ses limites en termes d'engagement financier et de capacités d'action.
Certaines crises, comme au Congo, posent des problèmes immenses, et leur résolution n'est pas à la portée de la France seule, ni même de l'Union européenne. Leur règlement global relève aujourd'hui du Conseil de sécurité des Nations unies. La conséquence en est simple : le règlement définitif d'une crise n'est jamais exclusivement militaire, mais toujours fondamentalement politique.
Je suis persuadé, comme le note fort bien le rapport de la commission, que la France doit réaliser un vrai travail d'explication et de pédagogie à propos de sa politique en Afrique. Nous devons afficher notre stratégie, nos objectifs et nos méthodes pour ce continent. La réorientation de la politique française sur les questions de sécurité en Afrique doit être lisible par tous.
En effet, nous avons un rôle crucial à jouer dans cette partie du monde, qui nous est si proche, grâce à notre expérience, notre connaissance des hommes et du terrain, notre réseau diplomatique, nos moyens militaires et, surtout, notre capacité à convaincre nos partenaires européens de l'importance des enjeux, même si nous savons que le chemin sera long et difficile avant que l'Union européenne ne soit perçue comme un acteur majeur en Afrique.
Il nous faut donc soutenir la présence de nos partenaires européens sur le terrain, dans les opérations et dans la formation des armées locales. Ce mouvement qui s'amorce doit être porté par notre pays au nom de la stabilité et de la sécurité en Afrique. Il doit permettre la mise en place d'un partenariat équilibré entre l'Europe et ce continent. C'est la seule façon d'apporter une réponse crédible et durable aux crises africaines. C'est la meilleure solution dont nous disposons pour que la place de notre pays en Afrique soit assumée et respectée.
Mes chers collègues, je voudrais conclure en évoquant la situation en Côte d'Ivoire. L'intervention française dans ce pays mobilise plus de 4 000 hommes, ce qui est considérable. Cette opération, placée sous mandat des Nations unies, visait à mettre en place, en appuyant les forces africaines de la CEDEAO, les conditions nécessaires à la recherche d'une solution politique.
Le choix de nous interposer militairement entre les deux camps en présence nous place dans une situation difficile, et nous n'avons pu, malheureusement, éviter de nous impliquer directement dans le conflit. Une résolution des Nations unies a créé le groupe de travail international sur la Côte d'Ivoire, qui doit définir un processus de sortie de crise.
Mesdames les ministres, pouvez-vous nous éclairer sur la situation actuelle en Côte d'Ivoire ? Comment imaginez-vous qu'elle puisse évoluer ? Jusqu'à quand durera l'opération Licorne ?
Madame la ministre de la défense, comment créer les conditions d'un retrait militaire, dans le respect de nos engagements, puis comment le gérer, tout en continuant à assurer la sécurité de nos compatriotes ?
Madame la ministre déléguée, s'agissant de la crise politique en Côte d'Ivoire, où des élections auraient dû être organisées en ce mois d'octobre 2006, quel est le scénario qui vous semble le plus plausible ? Qu'en pensent vos partenaires du groupe de travail international, au sein duquel vous jouez un rôle dont nous connaissons l'importance ?
Pour la France, bien plus que pour tout autre pays engagé en Côte d'Ivoire, la résolution de cette crise est essentielle, tant nos positions et nos intérêts politiques, stratégiques, économiques et culturels sont demeurés importants dans ce pays.
Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, parce que je suis leur représentant, je profite de l'occasion qui m'est offerte pour saluer avec chaleur l'engagement de tous nos compatriotes, encore nombreux, qui sont restés en Côte d'Ivoire et y assurent la présence de la France. Il était important, me semble-t-il, de leur rendre un hommage particulier au cours de ce débat. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Robert Hue.
M. Robert Hue. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, je me réjouis qu'un débat sur la gestion des crises en Afrique soit inscrit à l'ordre du jour de notre assemblée.
Mme Catherine Tasca. Il était temps !
M. Robert Hue. Ce débat doit nous permettre d'analyser les conditions nouvelles de l'implication de la France sur ce continent, notamment sur les plans militaire et politique. Toutefois, il n'aurait guère de signification s'il ne se centrait pas sur les nouveaux rapports qu'il convient d'établir entre la France, l'Europe et l'Afrique.
« La mondialisation a oublié l'Afrique », écrit Joseph Stiglitz, prix Nobel américain d'économie.
De fait, la mondialisation libérale a accentué la pauvreté, qui concerne aujourd'hui deux fois plus de personnes que vingt ans plus tôt.
Mesdames les ministres, cinq ans après l'adoption des objectifs du Millénaire pour le développement, destinés à combattre la pauvreté en fournissant aux pays pauvres une aide financière égale à 0,7 % du PIB des pays développés, où en sont les engagements de la France et de l'Europe ?
En fait, on est loin du compte ! Plus de 300 millions d'Africains vivent avec moins d'un dollar par jour, 240 millions souffrent de carences alimentaires et près de 200 millions de malnutrition.
Mesdames les ministres, sans anticiper sur d'autres débats, quels crédits le budget de la France de 2007, ou celui de l'Union européenne, consacreront-ils à nos engagements dans ce domaine ?
Les conclusions de la mission d'information, présidée efficacement par André Dulait, indiquent que « l'Afrique et les crises qui l'affectent doivent demeurer l'une des priorités de l'action extérieure de la France, par nécessité pour l'Afrique et pour l'Europe ».
Je partage cette analyse. Toutefois, j'ajoute qu'au-delà de la nécessité il est indispensable de mettre fin à un comportement qui continue, à bien des égards, d'être perçu comme post-colonial par les Africains, et qui consiste à envisager souvent les problèmes de leur continent du seul point de vue de l'Europe.
À ce propos, je le souligne, le vote par la majorité parlementaire d'une loi affirmant le rôle positif du colonialisme a fortement altéré l'image républicaine et universelle de la France.
Avant d'entrer dans le coeur de notre débat, il me semble indispensable d'analyser les véritables mobiles des conflits en Afrique.
L'Afrique, aujourd'hui, se trouve au centre des enjeux de la mondialisation libérale, puisqu'elle renferme près du tiers des réserves en matières premières de la planète, telles que le pétrole, l'or et l'uranium. Or, les multinationales, sous couvert de neutralité, jouent souvent le pourrissement des conflits, qui permet l'exploitation des richesses et l'accomplissement d'actes répréhensibles.
Ce n'est donc pas un hasard si ce continent détient le triste record des conflits armés dans le monde. Rien ne sera durablement possible si l'on ne reconnaît pas à l'Afrique son statut d'acteur essentiel de la civilisation mondiale, sur lequel nous devrons bâtir de nouvelles relations.
Ainsi, en Afrique du Sud, un pays dont le rôle s'étend sur le continent bien au-delà de l'Afrique australe - la mission de la délégation de la commission des affaires étrangères à Dakar en a fait le constat -, la France est attendue : elle pourrait y devenir un partenaire stratégique beaucoup plus engagé. Au demeurant, si elle n'est pas là, d'autres prendront la place.
Mme Hélène Luc. Eh oui !
M. Robert Hue. C'est malheureusement un fait : à cause de ses ressources, l'Afrique attise les convoitises, au tout premier rang celles des États-Unis. Ainsi l'administration Bush, animée d'une ambition impériale et particulièrement intéressée par les ressources énergétiques de l'Afrique, développe-t-elle une politique qui participe à la mise en concurrence des peuples.
Nous ne pouvons pas non plus, dans la perspective d'échanges mutuellement avantageux avec l'Afrique, ignorer que d'autres pays, telles la Chine et l'Inde, sont de plus en plus stratégiquement présents sur ce continent. Ils y sont déjà très actifs sur le plan économique, mais ils ne manqueront pas, à mon avis, de développer des relations d'une autre nature.
Réorganiser sur des bases différentes l'aide publique au développement, entreprendre les chantiers de l'alphabétisation, de la santé, du logement, développer l'agriculture et l'agro-industrie vers l'autosuffisance alimentaire, voilà autant de priorités pour la mise en place desquelles nous devrons, dans un avenir proche, construire des partenariats d'un type nouveau.
L'annulation totale et immédiate de la dette, qui s'élève à plus de 40 milliards de dollars, est évidemment un préalable à tout engagement. Elle faisait d'ailleurs partie des conclusions de la réunion du G8, au cours de l'été 2005. Aucune suite n'y a été donnée, pour le moment du moins.
Pourtant, de généreuses paroles ont été prononcées, notamment par le Président de la République, en faveur d'un engagement prochain des pays riches en faveur des pays les plus pauvres, parmi lesquels se trouvent de nombreux pays d'Afrique.
Que valent ces paroles si, dans les faits, nous profitons de la vulnérabilité des pays d'Afrique pour y exporter à moindre coût nos déchets polluants, nos déséquilibres économiques, nos conflits de puissance, au mépris des moyens de subsistance, de la santé ou de la vie même des Africains, qui pèse parfois bien peu face au fanatisme du marché-roi ?
Et que dire de la récente loi relative à l'immigration et à l'intégration ! Elle a souvent été reçue par les Africains, je peux en témoigner, comme une agression et un rejet, comme une nouvelle volonté de pillage et de ségrégation à l'égard de l'Afrique et de ses habitants.
À l'inverse, la proposition de la France d'instituer une taxe de solidarité prélevée sur les billets d'avion internationaux paraît positive. La France a obtenu le soutien de nombreux pays. Il s'agit d'un pas important, qui serait un préalable à tout engagement de la communauté internationale envers ce continent pour lutter contre les pandémies, notamment le sida et le paludisme.
Mme Hélène Luc. Absolument !
M. Robert Hue. Les forces militaires françaises sont activement présentes sur le sol africain. Ainsi, avec 11 000 hommes répartis dans différents pays, dont 4 000 soldats en Côte d'Ivoire, notre pays a pour objectif de contribuer au maintien de la paix.
La France pourra d'autant mieux jouer un rôle reconnu par les Ivoiriens et l'Union africaine qu'elle participera, sous l'égide de l'ONU, à la mise en oeuvre du dispositif proposé par l'ONU et l'Union africaine en faveur d'une issue politique à la crise, et ce dans le respect scrupuleux de la légalité et du processus électoral retenu, même s'il convient encore de prévoir d'autres aménagements.
Mon sentiment est que, compte tenu de l'ampleur de cette crise, l'heure n'est pas venue d'envisager un retrait. Celui-ci, que ne pourrait expliquer que telle ou telle difficulté conjoncturelle, créerait un vide qui serait vite comblé par d'autres et conduirait à une situation dangereuse.
Mes collègues du groupe CRC et moi-même souhaitons une augmentation sensible des crédits alloués pour les opérations extérieures. Elle nous paraît plus que jamais nécessaire.
Concernant la Côte d'Ivoire, l'ampleur de la catastrophe écologique et sanitaire survenue à Abidjan illustre une logique libérale poussée à l'extrême, qui consiste à exporter à bon compte les déchets polluants des pays industrialisés vers une Afrique « poubelle ». Où en sont les nombreuses propositions visant à mettre en place un véritable plan d'urgence international et des moyens de prévention de ces catastrophes ?
Par ailleurs, s'agissant de notre présence militaire en Afrique, l'heure n'est-elle pas venue de renégocier les traités de défense existants, qui datent d'une période qui n'a plus rien à voir avec la réalité politique et militaire d'aujourd'hui, et de revoir le contenu des missions traditionnellement affectées aux forces françaises présentes en Afrique ?
Mme Hélène Luc. Absolument !
M. Robert Hue. Nous voulons que la France contribue à l'instauration d'un système de sécurité fondé sur le désarmement, la prévention des conflits, et que, ce faisant, elle participe au renforcement du rôle de l'ONU et à une réforme de son fonctionnement.
La situation au Darfour illustre mon propos de façon dramatique. L'ONU doit s'engager avec force dans ce conflit et prendre des mesures concrètes et immédiates, en augmentant l'aide internationale et en assurant la protection des civils.
Tout doit être entrepris pour créer les conditions d'un règlement politique de la crise, par une négociation placée sous l'égide de l'ONU entre les parties et les pays concernés, le Soudan, bien sûr, mais aussi le Tchad
Malgré sa faible efficacité jusqu'à présent sur le terrain - de ce point de vue, notre aide est essentielle : le dispositif RECAMP, renforcement des capacités africaines de maintien de la paix, est tout à fait efficace et va dans le sens d'un nouveau type de démarche -, l'Union africaine a prouvé sa légitimité et sa crédibilité, en étant la seule à être intervenue dans ce conflit oublié par tous. Son rôle doit donc être renforcé. Enfin, les responsables des massacres perpétrés doivent être jugés par le Tribunal pénal international.
Par ailleurs, l'action extérieure de la France doit se traduire par le renforcement de son réseau diplomatique. C'est d'autant plus vrai que les zones qui sont considérées comme stables et dans lesquelles sont déployés nos militaires peuvent connaître, à l'occasion d'échéances électorales ou de crises de gouvernance, de possibles troubles. Je pense notamment au Sénégal.
Vous l'aurez compris, je souhaite que la France intensifie son engagement, avec le soutien et sous le commandement de l'ONU, mais aussi avec celui de l'Europe, sachant que les relations entre les pays africains et les pays européens restent le plus souvent, trop souvent, bilatérales.
À l'image de l'opération Artémis en République démocratique du Congo, l'Union européenne doit poursuivre, au-delà de l'aide publique, ses efforts pour contribuer à la stabilité politique du continent africain et à sa croissance. Cela passe surtout par une aide à la reconstruction d'un système sanitaire qui, seul, permettra d'éviter un drame gravissime, après cette terrible période de violence.
Le temps est venu de jeter les bases d'une nouvelle coopération, libérée de tout esprit de domination et de tout paternalisme, pour construire une dynamique fondée sur le respect et l'avantage réciproques. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Didier Boulaud.
M. Didier Boulaud. Monsieur le président, madame la ministre, madame la ministre déléguée, mes chers collègues, nos relations politiques, militaires, économiques, avec l'Afrique subsaharienne doivent être replacées dans une vision stratégique, qui fait aujourd'hui défaut, en particulier quand il s'agit de la question de l'aide au développement qui charrie, ici et là-bas, des scories historiques nombreuses. Pour avancer, nous devons chercher à dépasser aussi bien une vision technocratique qu'une vision néocoloniale de l'aide, afin de lui redonner tout son sens dans le cadre d'une politique globale.
Les pays, les peuples africains ne souhaitent pas tomber dans une nouvelle dépendance : ils savent que certaines aides, dans le domaine militaire par exemple, ont trop souvent des contreparties coûteuses pour l'indépendance du pays qui la reçoit.
Bien entendu, dans le domaine de la sécurité comme dans celui du développement, le défi majeur des politiques d'aide à l'Afrique est de concilier l'efficacité de l'intervention et le respect du droit des Africains à décider eux-mêmes de leur avenir. Dans l'un et l'autre domaine, la meilleure façon d'y répondre est d'inscrire résolument ces politiques dans un cadre multilatéral, en renforçant à la fois le système des Nations unies et celui des organisations africaines, autour de l'Union africaine.
Un récent rapport du Conseil d'analyse économique, du mois de septembre 2006, précisait : « Il ne s'agit pas de revenir à une gestion politique des relations entre la France et ses anciennes colonies, dont l'image de l'action de notre pays a pâti, mais de concevoir l'aide publique au développement (APD) comme le moyen privilégié d'associer les pays du Sud aux principaux flux économiques, financiers et commerciaux et à la production des biens publics mondiaux (BPM) que sont notamment la lutte contre le réchauffement climatique, la lutte contre les pandémies, la préservation de la biodiversité, le maintien de la paix et de la sécurité internationale, ou encore la mise en place d'un cadre multilatéral plus complet et plus efficace. » J'ajouterai : dans le respect des principes démocratiques et des droits de l'homme.
C'est dans cet esprit que je place mon intervention d'aujourd'hui.
Je commencerai par signaler que le rapport de la commission des affaires étrangères, présenté ici par notre éminent collègue André Dulait, dresse un constat lucide et pertinent de la situation en Afrique subsaharienne et des rapports que la France entretient avec les pays de cette région du monde. Je partage l'essentiel de ce constat et fais miennes les principales conclusions du rapport.
Je tiens aussi à affirmer encore une fois notre reconnaissance à l'égard du labeur effectué par les soldats français dans le cadre des différentes missions de protection de nos concitoyens résidant en Afrique.
Le rapport de la commission soulève les principaux problèmes, formule des propositions et suggère des pistes pour faire évoluer une situation qui n'est satisfaisante ni pour les Africains ni pour nous.
Il faut également préciser que ce rapport relève, en creux, les insuffisances de la politique française et, plus encore, l'incapacité du Président de la République et des différents gouvernements depuis 2002 à donner une nouvelle impulsion, à engager une nouvelle dynamique dans nos relations avec l'Afrique. Depuis 2002, la gestion des crises par ces gouvernements est devenue celle du statu quo.
La prise en compte des évolutions et des nouveaux éléments du contexte géopolitique nous oblige à adapter et à reformuler notre politique africaine ; dans ce domaine, nous n'avions que trop tardé. Ainsi, nos bases militaires sur ce continent, les accords de défense existants et les interventions de ces dernières années portent trop, à mon goût, le sceau d'une époque révolue.
La gestion des crises africaines est un vaste sujet que je me garderai d'aborder dans toute sa complexité. Je me contenterai ici de souligner trois aspects qui me semblent particulièrement importants.
Le premier concerne l'étroite relation qui existe, selon moi, entre sécurité et développement. J'attire votre attention sur le fait que les questions de sécurité sont, de nouveau, aujourd'hui, un élément central du débat international. Cela est valable pour les relations entre « puissances », mais aussi dans les rapports Nord-Sud, entre pays riches et pays pauvres, entre pays développés et pays émergents... Les étiquettes peuvent changer, mais la réalité subsiste.
Or axer la priorité exclusivement sur les questions de sécurité reviendra, je le crains, à occulter la nécessité de réformer et de renforcer la coopération internationale en matière de développement. Ainsi, nous pouvons tous constater que les États-Unis, par exemple, augmentent d'une manière considérable depuis 2003 leur aide aux pays africains... quand il s'agit de lutter contre le terrorisme. En revanche, l'aide économique et sociale stagne depuis des années et reste très en deçà des besoins exprimés.
C'est la raison pour laquelle je souhaite relayer le constat alarmant dressé par le Secrétaire général des Nations unies, au mois de septembre 2005, selon qui aucun des objectifs du millénaire ne serait rempli par l'Afrique si elle restait au rythme actuel de développement. Cet appel pressant à la communauté internationale ne semble pas avoir été entendu.
Or, sans développement, il n'y aura pas de sécurité, et les extrémismes - tous les extrémismes - trouveront dans la pauvreté et le désarroi des populations le bouillon de culture nécessaire à leur funeste croissance. Il ne sera plus temps, alors, d'augmenter les forces militaires ou de multiplier les interventions musclées : les incendies, sur fond d'indigence, de fragilisation des États, de famines, se propageront sans cesse.
La réduction de la pauvreté et le développement durable dans les pays africains constituent la première action de prévention des conflits que nous nous devons de réussir.
Certes, nous savons que le lien entre sécurité et développement est très complexe, et les remarques que je formule en cet instant ne vont pas épuiser le sujet. Toutefois, je souhaite encore signaler que la mise à l'écart de sociétés entières, l'enfermement de populations dans la pauvreté chronique et leur marginalisation à l'égard des bénéfices éventuels de la mondialisation sont de puissants facteurs d'instabilité politique, économique et sociale, susceptibles, de surcroît, de contribuer à développer les extrémismes violents, de conduire à des crises graves entraînant la faillite des États, des mouvements migratoires incontrôlés, et renforçant le cycle infernal de misère et de violence.
La réponse de notre pays ne peut pas être uniquement militaire. La multiplication de foyers de crises régionales exige une gestion européenne spécifique et globale des crises en Afrique. Ainsi, une caractéristique très préoccupante de certaines crises africaines est la progressive disparition des structures étatiques. Dans ce cas, il faut apporter une réponse européenne spécifique et adaptée.
Aider les pays africains à gérer leurs propres crises doit être plus qu'un simple slogan à la mode. La France ne peut et ne doit pas tout faire toute seule ; or j'ai l'impression que cela n'est pas encore compris de tout le monde et que souvent, « on fait comme si ». Nous devrions savoir que la tentation de poursuivre une politique autonome est incompatible avec la volonté, maintes fois affichée, de « partager le fardeau ».
L'action de prévention des conflits doit être notre priorité et, pour qu'elle soit plus efficace, un effort doit être réalisé en matière de renseignement.
Récemment encore, madame la ministre de la défense, vous évoquiez les crises en Afrique, indiquant que, « si elles se généralisent avec leur cortège de massacres et de génocides », elles « auront un jour ou l'autre un résultat immanquable : celui de nous retrouver avec 5, 6, 7 millions et peut-être davantage d'Africains qui iront chercher sur le continent le plus proche les moyens de survivre ».
L'une des facettes du lien entre développement et sécurité est ainsi exprimée avec franchise. La passivité face aux crises africaines serait contraire à nos intérêts.
En conclusion de ce premier point, il convient de dire que toute action internationale, toute action de notre pays et de l'Union européenne doit s'inscrire dans cette double préoccupation liant développement et sécurité, sécurité et développement, tout en veillant, en particulier en Afrique sub-saharienne, à ce que la lutte contre le terrorisme ne dérive pas vers une approche exclusivement sécuritaire, insensible aux aspects démocratiques, sociaux et économiques.
Le deuxième aspect que je veux évoquer a trait au lien entre nos institutions et la politique extérieure, en particulier la politique africaine.
Le rapport d'information signale à juste titre que « la politique française était mal comprise et parfois même qualifiée d'illisible », notamment en ce qui concerne les questions de sécurité et la stratégie qu'elle entend désormais poursuivre en Afrique. Je partage, bien entendu, cette remarque, mais je souhaite aller un peu plus loin.
Tout d'abord, il n'y a pas qu'en Afrique ou, d'une manière générale, à l'étranger que la politique extérieure française est « mal comprise ». Souvent, dans notre propre pays, cette même impression se fait jour, particulièrement pour ce qui est de nos interventions militaires en Afrique.
L'une des raisons de cette incompréhension, qui peut, sous certaines conditions, restreindre dangereusement l'adhésion des citoyens à la politique menée, réside dans la façon dont cette politique est élaborée, portée, appliquée et surtout expliquée aux Français.
Concrètement, l'absence du Parlement dans ce processus constitue un handicap sérieux, aujourd'hui incompatible avec les exigences d'une démocratie moderne.
Je veux parler, vous vous en doutez parce que ce n'est pas la première fois, de la question du contrôle parlementaire des opérations extérieures. À mon avis, il s'agit là d'un élément crucial du débat à venir.
L'actuel article 35 de la Constitution dispose : « La déclaration de guerre est autorisée par le Parlement. » Il n'a jamais été utilisé. En rédigeant cet article, le constituant de 1958 avait sans doute à l'esprit que le Parlement devait être saisi lorsque les forces françaises étaient engagées dans un conflit armé. Or la pratique a restreint un rôle que le texte de la Constitution, certes, n'avait pas bien défini.
L'actualité nous rappelle constamment l'importance de ces opérations.
Nos troupes ont été engagées en Côte d'Ivoire sans qu'un mandat soit clairement défini et, depuis, leur mission n'a cessé d'évoluer. Au Tchad, depuis vingt ans, nous avons une présence militaire importante. Encore récemment, les hommes du dispositif Épervier sont intervenus pour soutenir le gouvernement chancelant de M. ldriss Déby. Dans ces cas, le Parlement a été informé, et seulement informé, après coup.
Actuellement, les forces françaises s'engagent au Liban, avant même qu'un simple débat sans vote n'intervienne au Parlement.
Par ailleurs, l'absence du Parlement se fait sentir aussi en ce qui concerne l'ensemble de notre relation militaire avec l'Afrique, qu'elle prenne la forme d'accords de défense, de coopération militaire, etc. Comme l'a rappelé mon collègue Robert Hue, cette relation mériterait sans doute d'être réexaminée, voire élargie à d'autres partenaires de l'Union européenne ou, pourquoi pas, à l'Union européenne elle-même.
La situation actuelle ne saurait perdurer. Quel que soit le gouvernement, celui d'aujourd'hui comme celui de demain, le Parlement doit être saisi, informé et consulté sur toute intervention militaire des troupes françaises dans un cadre national, européen ou onusien. La confiance n'exclut pas le contrôle !
Ainsi, il me semble nécessaire d'ajouter aux propositions pertinentes avancées par le rapport de la commission cette exigence d'un nouveau rôle attribué au Parlement, lui permettant d'être partie prenante dans le processus décisionnel pour déclencher, maintenir ou faire cesser des opérations extérieures.
Le troisième et dernier aspect que je souhaite traiter concerne une réflexion plus générale sur nos relations avec les pays africains, avec les peuples de ce continent si riche et si malheureux.
Nous devons faire un effort pour analyser et comprendre les raisons pour lesquelles la politique de la France est si souvent mal comprise et parfois même durement critiquée par ceux-là mêmes que nous souhaitons aider.
Je pense que c'est notamment parce que notre pays, quelle que soit la majorité politique en place, n'a pas toujours soutenu ceux qu'il fallait. Nous avons permis que des situations peu ou pas démocratiques prolifèrent et que la volonté des peuples soit trop souvent bafouée. Nos interventions n'ont pas toujours été porteuses de liberté et de démocratie.
En conclusion, mes chers collègues, pour nous aider dans cet effort d'analyse, je voudrais vous citer les propos qu'un écrivain algérien, ancien militaire, Yasmina Khadra, a tenus lors d'un entretien accordé au journal Le Monde et publié le 29 septembre dernier, concernant les rapports entre le monde musulman et l'Occident. Toutefois, je considère qu'ils peuvent s'appliquer justement à nos relations avec l'Afrique.
Selon cet écrivain, « ce monde-là ne traverse pas une crise idéologique mais politique. Il y a une mal-gouvernance voire une non-gouvernance. Ceux qui sont censés protéger les peuples, les orienter, leur proposer un projet de société, ont d'autres chats à fouetter. Au lieu de bâtir des nations, ils se construisent des fortunes personnelles et des palais pour rois fainéants. » (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Yves Pozzo di Borgo.
M. Yves Pozzo di Borgo. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, au cours de l'histoire, les liens qui unissent l'Afrique et la France ont été façonnés par une présence plus ou moins glorieuse mais continue de notre nation sur ce continent depuis plusieurs siècles.
De cette histoire, nous avons hérité une forte responsabilité envers le développement de ce territoire, compte tenu, notamment, de la richesse des apports culturels, économiques et humains qui ont tant aidé à hisser la France à la place qui est la sienne aujourd'hui et qui continue de faire vivre la francophonie sur une grande partie du continent.
Aujourd'hui, nous avons une double responsabilité envers les Africains : une responsabilité historique d'abord, mais aussi, une responsabilité humaine devant les drames quotidiens qui secouent leur continent et qui font trop souvent l'objet, au mieux, de la honte des nations les plus puissantes de la planète, au pis, de l'indifférence la plus totale, alors que ces pays riches sont, aujourd'hui plus que jamais, dans un contexte de renchérissement général des matières premières, intéressés par les ressources naturelles du continent africain.
De la même façon, nous savons très bien quel est, pour nous, le prix à court terme d'une régulation équilibrée des flux migratoires en provenance d'Afrique : il s'agit du codéveloppement.
De la même façon, nous sommes bien conscients que la paix durable dans le monde ne pourra intervenir que grâce à une stabilisation, elle-même durable, du continent africain, où, en 2003, près de 20 % de la population était touchée par la guerre.
Cette stabilisation dépend, à l'évidence, de notre capacité à gérer les crises qui secouent d'une manière bien trop régulière l'Afrique.
Le rapport d'information, à l'élaboration duquel j'ai participé, au nom du groupe UC-UDF, est suffisamment complet pour que je n'y revienne pas, afin d'éviter toute redondance. Cependant, je souhaite faire deux remarques.
Tout d'abord, la France a toujours pu compter sur une présence très importante en Afrique sub-saharienne, à la fois par le biais de son réseau diplomatique - c'est une tradition française -, mais aussi grâce à une présence militaire nécessaire au règlement des crises, dans le strict respect des mandats qui nous sont confiés par l'ONU.
Cette zone géographique est d'ailleurs souvent considérée comme un « pré carré » français, ce qui est un avantage pour nos capacités d'intervention sur ce territoire, mais aussi un handicap certain pour l'engagement d'autres nations dans ces missions.
Or je pense que nous devons dès aujourd'hui, et pour plusieurs raisons, sortir de cette vision simpliste du pré carré français, même si, force est de le constater, certains réflexes ont la vie dure. Il convient, en particulier, d'adopter une vision plus internationale et multilatérale pour la stabilisation et la résolution de crises, comme on l'a fait avec la FINUL, par exemple. Mais nous devons aussi cultiver une vision plus européenne, notamment en ce qui concerne l'optimisation et la mise en commun des hommes et des matériels.
Madame la ministre, il faudra que nous menions aussi un jour une véritable réflexion sur notre périmètre d'intervention. La question que nous devons nous poser est de savoir non pas tant si la France a ou non vocation à intervenir sur tous les territoires de la planète, mais surtout si elle en a les moyens. Tel est le cas à l'heure actuelle, mais cette situation ne saurait durer. Aujourd'hui, ce sont 11 000 hommes que nous avons envoyés en Afrique, soit près d'un tiers de nos effectifs sur ce seul continent.
Il faut que nous sachions si notre diplomatie et si le rôle que la France joue dans le monde sont au niveau des moyens dont elle dispose. Je pense personnellement qu'une action européenne dans laquelle la France aurait un rôle majeur à jouer n'affaiblirait pas notre présence et notre diplomatie. Au contraire, elle les renforcerait - et nous avons pu le constater notamment au Liban -, en particulier grâce à un élargissement du territoire couvert et de l'impact de cette force européenne. Encore faudrait-il que la politique européenne soit plus rationnelle et beaucoup plus forte. J'espère que les débats qui auront lieu à l'occasion de la campagne pour l'élection présidentielle aborderont ce point.
Je souhaite terminer mon intervention par une remarque qui m'est venue à l'esprit lors de la visite que mes collègues MM. Dulait et Hue et moi-même avons effectuée en Afrique. Il me semble que, en Afrique sub-saharienne, le Nigeria est un pays politiquement et économiquement très fort sur lequel nous devons concentrer nos efforts. Les contacts que nous avons eus avec des responsables africains donnent à penser que ce pays est devenu une clef des relations internationales dans cette région. Il s'agit d'une puissance économique, certes de moindre importance que l'Afrique du Sud, et ce malgré le « décollage » potentiel de l'Angola, mais aussi d'une puissance politique et militaire. Sans doute est-elle déstabilisée et déstabilisante, mais, dans ce contexte, il serait intéressant de pouvoir avoir une plus grande souplesse dans la gestion des postes et des effectifs des ambassades, voire des militaires, en fonction non seulement des missions qui leur sont attribuées, mais aussi et surtout de l'importance géostratégique du pays dans lequel elles sont implantées.
Pour conclure, je souhaiterais, mesdames les ministres, mes chers collègues, attirer votre attention sur la situation dramatique dans laquelle la population soudanaise semble être abandonnée par la communauté internationale. L'Occident donne vraiment l'impression d'être impuissant. Il faut pourtant agir rapidement pour trouver une solution à ce dossier complexe : en effet, les populations sont dans une situation humanitaire critique et les risques de déstabilisation pour les pays voisins - nous le voyons très bien avec le Tchad - sont importants.
Les seules déclarations d'intention de la part du président El Béchir sont scandaleuses, alors qu'il refuse catégoriquement toute discussion avec les Nations unies et que la guerre fait rage dans l'ouest du pays.
Pouvez-vous, mesdames les ministres, nous éclairer sur les intentions et les actions de la France s'agissant de ce dossier, dans lequel, je le sais, beaucoup d'efforts sont faits ? (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Brigitte Girardin, ministre déléguée à la coopération, au développement et à la francophonie. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le continent africain est, vous le savez, une priorité dans le domaine de la coopération française, comme l'a souhaité le Président de la République.
Je tiens à remercier M. Dulait d'avoir traité de manière très pertinente ces questions qui, touchant un continent qui nous est si proche, intéressent non seulement le Gouvernement et le Parlement, mais aussi l'opinion publique en général.
La priorité française accordée à l'Afrique tient à la force des liens qui nous unissent à ce continent, mais également à la raison. En effet, on ne le répétera jamais assez, sans développement de l'Afrique, nous ne lutterons pas efficacement contre l'immigration clandestine, les grandes pandémies ou les atteintes à l'environnement.
Je voudrais surtout souligner que, contrairement à l'image souvent répandue, l'Afrique est un continent au fort potentiel. Pour s'en convaincre, il suffit de regarder l'attitude des nouvelles puissances économiques, en particulier des nouveaux pays émergents, qui s'intéressent de plus en plus à ce continent. Et quand j'évoque ce potentiel, je ne parle pas uniquement des ressources naturelles, comme le pétrole, les mines ou les forêts, je parle également de la grande richesse de ses hommes et du dynamisme de sa jeunesse. L'Afrique connaît ainsi, sur la période 2005-2007, avec un chiffre de 5 % à 6 % par an, une croissance économique supérieure à la moyenne mondiale.
Nous évoquons aujourd'hui plus particulièrement les crises qui secouent ce continent. C'est un aspect qu'il ne faut pas négliger. Nos actions pour remédier à ces crises sont nombreuses, qu'il s'agisse de prévention ou de reconstruction.
Pour ne citer qu'un exemple, nos efforts dans le domaine du renforcement de la gouvernance et de la transparence peuvent avoir un effet décisif en la matière. Ainsi, rendre public le niveau des revenus des ressources pétrolières et minières, comme le prévoit l'initiative dite EITI de transparence des industries extractives, c'est réduire fortement l'intérêt d'une appropriation de ces ressources par la force. Car on sait bien qu'en Afrique de nombreux conflits ont trouvé leur origine dans la compétition pour l'exploitation des richesses de son sous-sol.
Nous soutenons aussi fortement, dans les pays en sortie de crise, les processus de démobilisation, de désarmement et de réinsertion.
Notre engagement en faveur de l'Afrique est d'abord financier. C'est principalement pour ce continent que le Président de la République a décidé, en 2002, de porter notre aide publique au développement, qui était inférieure à 5 milliards d'euros en 2001, à plus de 9 milliards d'euros en 2007. Vous le constatez, monsieur Boulaud, il s'agit, depuis notre arrivée au pouvoir, d'un quasi-doublement de notre effort.
Nous avons décidé de consacrer les deux tiers de notre aide bilatérale à l'Afrique. Aucun autre pays ne fait un tel effort. Nous aurons l'occasion d'en reparler en détail lors des prochains débats budgétaires. Dans cet effort, je tiens à rassurer M. Pozzo di Borgo, le Nigeria, qui est en effet une puissance importante de ce continent, n'est pas pour autant négligé.
Mais notre engagement en faveur de l'Afrique n'est pas seulement financier et budgétaire. Je ne reviendrai pas sur les nombreuses initiatives prises, qu'il s'agisse de la mise en place d'une contribution de solidarité sur les billets d'avion affectée au secteur de la santé, des actions en faveur de la préservation de la biodiversité ou de la diversité culturelle, de la grande conférence sur la microfinance ouverte par le Président de la République il y a un an, de nos initiatives en matière de co-développement ou de l'annonce récente d'une enveloppe d'un milliard d'euros sur trois ans pour le secteur privé africain.
Vous le constatez, l'Afrique est et restera la priorité, je dirais même la première motivation, de nos actions particulièrement ambitieuses en matière de coopération.
Les Français ne s'y trompent d'ailleurs pas. Dans un sondage récent, 83 % d'entre eux considèrent que la France joue un rôle important dans l'aide publique au développement et 68 % approuvent notre priorité donnée à l'Afrique.
Je souhaiterais aborder un peu plus en détail le dossier de la Côte d'Ivoire, que j'ai été amenée à suivre depuis un an à la demande du Président de la République. Je me suis en effet rendue onze fois à Abidjan et dans le reste du pays depuis novembre dernier. La Côte d'Ivoire présente - de manière hélas « exemplaire » ! - tous les ingrédients et toutes les difficultés d'une sortie de crise avec ses composantes politique, diplomatique, militaire, économique et de sécurité de nos compatriotes encore présents dans le pays.
Nous sommes impliqués en Côte d'Ivoire pour des raisons historiques et politiques. Historiques, parce que la France entretient depuis longtemps une relation très étroite avec la Côte d'Ivoire, qui a compté la plus importante communauté française d'Afrique jusqu'aux événements de novembre 2004. Raisons politiques, car la France, de par sa connaissance du pays et son influence au sein de la communauté internationale, a une responsabilité particulière dans la résolution de la crise. Cette responsabilité nous est régulièrement rappelée par la plupart des Ivoiriens eux-mêmes, par les chefs d'État de la sous-région et par nos amis américains et britanniques, eux-mêmes impliqués respectivement au Liberia et en Sierra Leone.
Notre engagement politique, diplomatique et militaire reste fort.
Nous sommes engagés politiquement : la France est écoutée au sein des principales enceintes multilatérales, comme membre permanent du Conseil de sécurité de l'ONU et comme membre fondateur de l'Organisation internationale de la francophonie.
Nous sommes engagés diplomatiquement : la France ne ménage pas ses efforts pour faciliter, avec tous ses partenaires, une sortie de crise. Après les accords de Linas-Marcoussis du 24 janvier 2003, négociés sous l'égide de la France, nous participons activement, depuis novembre 2005, au groupe de travail international - GTI - mis en place par l'ONU à la demande de l'Union africaine.
Nous sommes engagés militairement avec l'opération Licorne, force d'interposition de 4 000 hommes, dont Mme Michèle Alliot-Marie vous parlera, et nous appuyons l'ONUCI, l'opération des Nations unies en Côte d'Ivoire, et cela représente pour la France un coût financier annuel de 250 millions d'euros.
Nos objectifs n'ont pas changé.
Nous voulons avant tout l'organisation d'élections libres, ouvertes et transparentes, dont la première condition est l'établissement de listes électorales renouvelées. Tel doit également être l'objectif de toutes les parties ivoiriennes. La transition engagée le 30 octobre 2005, sous la direction du Premier ministre, Charles Konan Banny, qui a été nommé par l'Union africaine, n'avait pas d'autre but. De nombreux blocages ont, hélas ! empêché la tenue du calendrier et donc l'organisation des élections dans les délais fixés par la résolution 1633, c'est-à-dire avant le 31 octobre 2006.
L'enjeu actuel est de définir les modalités d'une nouvelle transition qui permettra d'aboutir - enfin ! - à la tenue de ces élections, dont le résultat doit être incontestable et permettre ainsi aux Ivoiriens d'avoir un président légitimement élu.
Nous sommes aujourd'hui à la croisée des chemins.
À chacun de mes déplacements en Côte d'Ivoire, je mesure combien la population est fatiguée de ce conflit dont elle subit les conséquences, qu'il s'agisse du chômage, de la déscolarisation massive ou encore de l'effondrement du système de santé.
Je note, d'ailleurs, que la présence de la France est bien perçue dans le pays. Les campagnes anti-françaises et anti-onusiennes sont très minoritaires. J'ai mesuré sur le terrain combien la population ivoirienne aspire à une reprise rapide et importante de la coopération française.
Il est donc nécessaire et urgent, au moment où la transition s'achève sur un constat d'échec, que les Africains et la communauté internationale tirent les leçons de cette expérience.
À cette fin, la CEDEAO, la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest, se réunira le 6 octobre prochain, l'Union africaine les 16 et 17 octobre, et, enfin, le Conseil de sécurité de l'ONU vraisemblablement le 25 octobre. Il conviendra alors de décider de la mise en place d'un nouveau dispositif de transition remplaçant celui de la résolution 1633.
Il est bien sûr difficile d'imaginer le meilleur scénario possible de sortie de crise, monsieur Ferrand, avant la tenue de ces réunions décisives, où la position des Africains sera déterminante.
Le GTI, auquel, vous le savez, je participe depuis bientôt un an, a, lors de sa dernière réunion du 8 septembre, dessiné les contours qu'il souhaitait pour la future transition. Il a fait quelques propositions visant à sortir de la dualité institutionnelle, à permettre au Premier ministre d'exercer réellement les pouvoirs qui lui avaient été conférés par la résolution 1633 ; il a également suggéré un renforcement du mandat du Haut représentant des Nations unies pour les élections.
Nous sommes cependant conscients de notre responsabilité particulière et de notre engagement vis-à-vis de la communauté internationale et de l'ONUCI : nous ne prendrons aucune décision unilatérale qui risquerait de créer une déstabilisation supplémentaire en Côte d'Ivoire. Nous continuerons de privilégier la concertation avec tous nos partenaires et nous gardons bien sûr à l'esprit notre devoir d'assurer la protection de nos ressortissants encore présents en Côte d'Ivoire au cas où des troubles apparaîtraient de nouveau à Abidjan ou dans le reste du pays.
Telles sont les précisions que je souhaitais vous apporter sur le dossier particulièrement difficile de cette crise ivoirienne, dont nous espérons tous qu'elle puisse être résolue dans les délais les plus brefs possibles. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens à remercier à mon tour M. Dulait de la qualité de sa présentation et de son étude, et M. Vinçon, président de la commission des affaires étrangères, de l'écoute que chacun lui connaît pour les sujets concernant la sécurité de notre pays et notre défense.
Vous avez choisi, dans ce débat nouveau, d'aborder un sujet essentiel pour nous Français, pour nous Européens, pour nous citoyens du monde.
En 2006, près de la moitié des pays africains sont en état de guerre civile ou connaissent une crise politique grave.
Cela est dû à la montée des rivalités ethniques, qui tient tout simplement au renouveau du nationalisme ethnique dans quasiment tous les pays d'Afrique. Cela est dû aussi, Mme Girardin l'a mentionné, à la course à la préemption des richesses naturelles de l'Afrique. Cela est dû encore, ne le négligeons pas, à l'appétit de certains acteurs, intéressés par le seul profit : trafiquants d'armes, mercenaires et sociétés de mercenaires, trafiquants de tous ordres, grande criminalité.
Parallèlement, en 2006, nous constatons un afflux de plus en plus important d'immigrés clandestins sur nos côtes européennes, qui viennent tout simplement chercher chez nous la sécurité, la liberté, la justice, le bien-être.
En 2006, nous assistons au développement de la violence, qui devient le seul mode de règlement des conflits et de relations dans les pays africains.
En 2006, de la Somalie au Maroc, en passant par le Darfour et le Sahara, nous observons l'émergence de foyers du terrorisme se revendiquant d'Al-Qaida, qui se renforcent, s'arment et se font menaçants. Notre pays, comme d'autres, parfois plus que d'autres, apparaît comme l'une de leurs cibles.
Oui, monsieur Boulaud, la réponse à ces problèmes ne doit pas être que militaire ; mais elle est aussi militaire.
Nous n'avons pas le droit de nous désengager de l'Afrique. Sans nous substituer aux pays africains, nous devons développer avec eux de nouvelles formes de coopération susceptibles de répondre à ces défis en constante évolution.
Il convient que nous réaffirmions l'engagement de la France en Afrique. C'est un engagement psychologique et moral, mais également économique, physique et militaire.
Ainsi, nous continuons et nous continuerons d'être présents sur ce continent, pour respecter nos obligations, même si nous adaptons notre dispositif.
Notre obligation, comme notre intérêt, c'est d'abord la sécurité de nos deux cent quarante mille ressortissants français et celle de centaines de milliers de ressortissants européens. Je le rappelle, la plupart des opérations que nous avons menées en Afrique au cours des vingt dernières années avaient d'abord pour but de protéger nos ressortissants. Si nous sommes intervenus en Côte d'Ivoire, c'est bien, au départ, pour protéger les ressortissants français, mais aussi européens et mêmes américains - je pense notamment à des collégiens américains -, que nous avons « sortis » des combats et des massacres qui étaient en train de se produire dans le nord du pays.
Nous sommes d'abord intervenus pour eux. Ensuite, nous l'avons fait à la demande des autorités ivoiriennes, avant qu'interviennent, à notre demande, les autres pays africains et l'ONUCI.
Notre obligation, comme notre intérêt, c'est aussi que l'Afrique soit stable et prospère. Sur le continent africain, nos motivations ne sont pas différentes de celles qui nous animent par rapport aux autres parties du monde. Nous voulons, là aussi, la paix, la stabilisation de la sécurité, en particulier celle des populations civiles. Nous apportons notre aide quand surviennent des crises humanitaires et des catastrophes naturelles. Ainsi, tout récemment encore, à la suite du débarquement dans des conditions pour le moins douteuses de certains produits nocifs à Abidjan, nous sommes effectivement allés sur place pour aider les populations.
M. Charles Revet. Très bien !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Oui, monsieur Hue, l'Afrique étant notre première voisine, nos liens humains n'en sont que plus forts. Ce sont bien eux qui nous conduisent à être attentifs à tout ce qui s'y passe et à essayer d'apporter notre aide.
C'est la raison pour laquelle, en nous appuyant sur nos bases prépositionnées, nous sommes actifs, et même réactifs, dans la plupart des crises majeures qui secouent ce continent.
L'implantation de telles bases se justifie d'ailleurs totalement : nous le savons bien, très souvent, surtout dans le contexte que j'ai décrit tout à l'heure, si nous laissons une crise se développer, les solidarités ethniques la rendent beaucoup plus difficile à régler quand il y a déjà eu trop de sang versé.
Le passé récent a encore prouvé l'importance de ces forces prépositionnées en Afrique. Sans elles, les opérations menées en Somalie, au Rwanda, en Ituri, au Darfour et, aujourd'hui, en République démocratique du Congo ou en Côte d'Ivoire n'auraient pas pu être conduites aussi rapidement.
Pour autant, là comme ailleurs, nous adaptons bien entendu en permanence notre dispositif, en tenant compte du renforcement des capacités africaines de maintien de la paix.
Les quatre commandements interarmées de Djibouti, de la Réunion, de Libreville et de Dakar, qui ont été créés cette année, sont des outils à notre disposition pour oeuvrer en ce sens. Ces bases pourront ainsi continuer à jouer un rôle majeur dans l'engagement opérationnel des contingents africains : nous les accueillons, nous les équipons, nous les entraînons, et, très souvent, nous les soutenons.
Demain, ces bases accueilleront également des unités, des conseillers et des équipements européens. Notre volonté, en effet, dans le même esprit et selon les mêmes principes qui nous animent, est de faire participer l'ensemble des Européens à la résorption des conflits africains.
Notre volonté est d'appuyer notre action en Afrique sur une politique de sécurité et de défense rénovée, qui passe notamment par l'appropriation par les Africains eux-mêmes de leur destin. Cela constitue vraiment le noeud du problème, afin de pouvoir trouver des solutions pour l'Afrique dans les prochaines années. C'est d'ailleurs aussi le noeud de notre politique.
Par ailleurs, nous devons prendre conscience des nouvelles et légitimes aspirations africaines.
Je le répète, nous ne voulons pas nous substituer aux pays africains, lesquels doivent être à même, sur le plan politique comme sur le plan militaire, d'assurer leur propre sécurité et la paix.
La volonté de la France à l'égard du continent africain est, de ce fait, monsieur Ferrand, sans aucune ambiguïté. Nous n'avons plus, et depuis longtemps, vocation à être le gendarme de l'Afrique. Pour notre part, nous souhaitons éviter les situations de face-à-face et de confrontation, qui sont génératrices de malentendus et de tensions.
Nous voulons placer notre action dans un esprit de solidarité et de coopération internationales. Et c'est bien ce que nous faisons, monsieur Boulaud, car telle est notre conception : soutenir, mais pas nous substituer.
Il se trouve que cela correspond à la volonté des Africains eux-mêmes de prendre en charge leur propre sécurité. Cette volonté est de plus en plus exprimée, et nous ne pouvons que nous en réjouir.
Oui, monsieur Dulait, nous devons prendre en compte les multiples avancées en la matière, tant au sein de l'Union africaine que dans les communautés économiques régionales qui se dotent des mécanismes de sécurité nécessaires. Bien entendu, on ne va pas leur demander d'être capables, du jour au lendemain, de régler tous les problèmes. Il convient cependant de leur laisser de plus en plus la responsabilité des opérations, tout en continuant à les soutenir, mais de plus en plus discrètement.
Cette appropriation par les Africains est un gage de légitimité, non seulement pour eux mais également pour nous, s'agissant des actions de prévention et de gestion des crises en Afrique que nous pouvons être amenés à mener. L'Afrique acquiert progressivement les capacités opérationnelles effectives pour les conduire elle-même.
Mais il nous faut encore aider les initiatives en ce sens, comme le montrent la crise du Darfour, qui est toujours malheureusement une réalité, et les résultats de l'action des forces africaines au Soudan. À cet égard, je ne suis pas de ceux qui dénigrent l'action des forces africaines au Soudan. Je pense, au contraire, qu'il faut les valoriser, les encourager et les soutenir.
Une telle attitude montre bien le renouveau de nos formes de coopération. Aujourd'hui, notre action se fonde sur trois lignes directrices.
Premièrement, nous entendons donner à notre action une véritable dimension multilatérale. Dans cette optique, la France mène depuis plusieurs années une politique d'ouverture vers de nouveaux partenaires, européens mais aussi non européens, qu'il s'agisse des pays du Maghreb, du Machrek et de la péninsule arabique, lesquels sont directement concernés pour des raisons de voisinage géographique.
Bien entendu, notre action est d'abord menée en direction des pays européens. Oui, monsieur Pozzo di Borgo, nous les incitons, depuis quatre ans, à s'investir davantage dans le soutien à l'Afrique, dans le cadre de ces actions. Or, croyez-le bien, ce n'est pas toujours facile. En effet, pour un certain nombre de pays européens, l'Afrique, c'est loin : ils ne perçoivent pas toujours que ce qui s'y passe a et aura effectivement des répercussions sur nous et sur eux.
À l'évidence, lorsque des opérations européennes sont menées en Afrique, la France en est très souvent le moteur, et ce à un double titre. D'une part, elle est l'une des deux plus importantes puissances militaires européennes : par conséquent, quand nous ne prenons pas part à une opération, elle ne se fait pas. D'autre part, peut-être plus que de nombreux autres pays européens, nous avons des liens historiques et humains très forts avec l'Afrique.
Vous l'avez souligné, monsieur Dulait, la dernière opération que nous avons menée et que nous menons toujours se situe effectivement en République démocratique du Congo. Il s'agit, je le rappelle, de la deuxième opération autonome de l'Union européenne en Afrique. La première avait été menée dans ce même grand pays, à l'été 2003, en Ituri, où l'ONU nous avait appelés pour venir à la rescousse de la MONUC, la mission de l'ONU en République démocratique du Congo, qui rencontrait des difficultés eu égard à ses règles d'engagement et à la nature de sa mission.
La République démocratique du Congo est un immense pays avec beaucoup de richesses, qui, par là même, est indispensable à la stabilité de l'Afrique.
C'est la raison pour laquelle il nous a semblé impératif de répondre à la demande de la communauté internationale, pour garantir le bon déroulement du processus électoral dans ce pays, avant et pendant le scrutin.
Cela s'est bien passé pour le premier tour des élections. À l'échelle de ce pays et compte tenu des risques à craindre, nous avons effectivement réussi à éviter des drames majeurs, même s'il y a eu quelques incidents. Tout le monde l'a reconnu, les conditions d'un scrutin transparent et libre ont été obtenues. Dans l'immédiat, il faudra agir de même pour le second tour et pour les jours qui suivront, lesquels seront très importants. Bien entendu, j'en ai déjà parlé avec mes collègues européens ministres de la défense, à la fois dans le cadre strictement européen et, à titre d'information, dans le cadre de l'OTAN.
Oui, nous encourageons l'Union européenne en tant que telle à être plus présente et plus visible dans les organisations africaines, en particulier à l'Union africaine. C'est en effet notre façon de soutenir la « prise de pouvoir » de cette dernière.
C'est une immense responsabilité, à la dimension de nos deux continents. En effet, et cela a été dit, seul un continent peut intervenir en ce domaine, et non un simple pays.
La deuxième ligne directrice de notre politique consiste à favoriser l'engagement aussi autonome que possible des Africains dans les opérations de maintien de la paix.
Nous soutenons ce processus à travers le programme de formation, d'entraînement et d'équipement des forces africaines RECAMP, renforcement des capacités africaines de maintien de la paix, cité par MM. Dulait, Hue et Pozzo di Borgo. Nous avons obtenu, il y a dix-huit mois, à la suite d'une négociation que j'ai menée avec mes collègues européens, que ce programme soit intégré dans l'Union européenne. Je me réjouis que les Vingt-cinq aient accepté le principe d'une intervention de l'Europe dans ce programme, même si seuls certains pays membres, les plus motivés, contribueront à cette action.
Ainsi, l'Union africaine aura les moyens de mettre en oeuvre militairement ses décisions politiques.
De ce point de vue, la situation du Soudan est exemplaire.
Depuis le début de la crise que connaît ce pays, nous avons veillé, notamment vis-à-vis de tous ceux qui souhaitaient intervenir directement, à ce que l'Union africaine soit mise en avant dans le domaine tant des négociations politiques que des capacités d'intervention sur le terrain.
Dans la crise du Darfour, la France intervient en fournissant un important appui humanitaire, mais aussi un appui politique ainsi qu'un appui militaire de soutien, et non de visibilité.
L'Union européenne, quant à elle, apporte un soutien financier - depuis 2004, 242 millions d'euros pour la mission AMIS, African mission in Sudan, via la « facilité de paix » - ainsi qu'un soutien opérationnel comprenant du transport aérien, des planificateurs, des conseillers « police », de la formation, de l'observation du cessez-le-feu. Sur le terrain, un soutien logistique important a également permis aux forces africaines de se déployer.
La troisième ligne directrice de notre action est l'enrichissement de notre coopération bilatérale avec les armées africaines.
L'effort multilatéral que nous accomplissons depuis plusieurs années ne gêne nullement, il ne vient en rien se substituer à des opérations bilatérales auxquelles les pays africains sont très attachés et que nous maintiendrons avec chacune des armées africaines. Ces coopérations bilatérales sont en effet fondamentales pour que ces armées puissent remplir leur contrat opérationnel et agir efficacement à nos côtés pour le maintien de la paix, au sein d'une interopérabilité très utile.
MM. Dulait, Ferrand, Hue et Boulaud ont évoqué les accords de défense et la nécessité de les réviser.
En réalité, les accords de défense prévoient, dans un certain nombre de cas, le soutien de l'armée française à la formation, voire une aide sur le plan logistique. Aujourd'hui, certaines clauses de ces accords continuent d'être appliquées, tandis que d'autres ont été abandonnées de facto.
Je dois cependant faire une mise en garde : en remettant sur le métier les accords de défense, nous reverrons certes ce qui a été abandonné, mais nous devrons aussi réviser l'ensemble des dispositifs. Je crains que l'on ne remette ainsi en cause un certain nombre de garanties juridiques et de sécurité dont bénéficient nos personnels et leurs familles. Ces accords de défense concernent en effet également la protection de l'installation des militaires et de leurs familles.
La modification de ces accords risque donc de présenter plus d'inconvénients que d'avantages s'agissant du statut même des militaires.
S'il est possible d'envisager une réactualisation des accords de défense pour modifier ou supprimer des dispositions caduques, nous ne devons le faire que lorsque les circonstances s'y prêtent, c'est-à-dire quand nous pouvons maintenir les garanties dont bénéficient nos militaires sur le terrain.
Nous sommes très attachés à la présence en Afrique de nos militaires, notamment de nos forces prépositionnées ou de celles qui interviennent au titre de la coopération.
Cette présence permet à nos unités d'acquérir, grâce aux contacts personnels qu'elles établissent tant avec les militaires africains qu'avec les populations, une connaissance qui facilite par la suite leur insertion dans le milieu humain des opérations. En effet, dans ce type d'opérations, qui restent militaires, la dimension du contact avec les populations est un facteur essentiel de réussite.
C'est dans le même esprit que nous voulons intensifier notre politique d'échanges de jeunes cadres avec les armées africaines, en immergeant quelques-uns de leurs jeunes officiers dans nos forces et en faisant de même chez eux.
Nous allons aussi mieux prendre en compte la dimension civile du maintien de la paix, ce qui favorisera également les conditions d'une sécurité durable. C'est la raison pour laquelle j'ai décidé qu'un effort serait fait en direction de la force de gendarmerie africaine et de la réinsertion d'enfants soldats et d'orphelins de guerre. En effet, ce qui compte là aussi, c'est de travailler sur le facteur humain pour stabiliser directement la situation des pays africains.
Il me semble prioritaire de développer cette coopération enrichie, ce qui nous amène naturellement, comme nous le faisons régulièrement au ministère de la défense, à reconsidérer nos méthodes et à nous adapter constamment aux évolutions.
Tels sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les éléments de réponse que je voulais vous apporter.
Mme Girardin l'a évoqué : aujourd'hui, certains nous demandent de quitter l'Afrique. Ils sont peu nombreux et ont souvent des arrière-pensées bien éloignées de la sécurité, de la justice et du respect des hommes. Ils crient fort pour faire croire à leur nombre. Nos amis africains les écoutent mais, lorsque nous les rencontrons, ils s'excusent en leur nom.
Ceux qui veulent nous faire partir sont ceux qui ont le plus à cacher.
M. Charles Revet. Bien sûr !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Déni de justice, déni de bien-être, déni de sécurité, déni de transparence, déni de démocratie : voilà ce que recèlent souvent ces appels à notre départ.
Tous ces dénis entraînent l'Afrique dans la misère et la guerre. C'est pourquoi, écoutant ceux qui nous demandent au contraire de rester pour les aider à rétablir la stabilité, la paix et le développement, nous ne pouvons quitter l'Afrique.
Qui peut croire que notre désengagement du Tchad contribuera à la stabilisation de la région ? À cet égard, le passé est révélateur.
Reconnue comme un facteur de stabilité, notre présence oeuvre et doit oeuvrer - c'est notre légitimité - pour la sécurité dans le règlement de la crise au Darfour et dans la zone du Sahel.
En Côte d'Ivoire, M. Ferrand l'a indiqué, l'ONUCI est présente grâce au soutien de l'opération Licorne. L'ONUCI nous a dit très directement, ouvertement et publiquement que telle était d'ailleurs la condition de son déploiement.
Ne nous faisons aucune illusion : sans ce soutien et avec le départ de l'ONUCI, la Côte d'Ivoire connaîtrait de nouveau les luttes et les massacres que nous avons constatés au départ de l'opération. Mais la Côte d'Ivoire n'est pas le seul pays concerné. En effet, comme j'ai eu l'occasion de le dire à plusieurs reprises ici même, toute la région risquerait, par contagion, d'être totalement déstabilisée.
La France inscrit résolument sa politique en Afrique dans le cadre d'un soutien à l'Union africaine et dans le respect de la Charte des Nations unies.
Licorne et l'ONUCI sont au service de la paix. La situation sera de plus en plus tendue à l'approche du 31 octobre, date qui avait été fixée dans le prolongement de la première résolution pour organiser des élections libres et démocratiques. En effet, des affrontements entre les jeunes des différents mouvements sont à prévoir durant cette période.
Par ailleurs, nous le savons, nous disposons d'éléments à cet égard, des provocations sont préparées à l'encontre de Licorne dans l'intention de créer des incidents susceptibles de neutraliser non seulement Licorne mais l'ensemble de l'ONUCI. Nous ne nous laisserons pas intimider !
Notre action est légitime car elle se fait entièrement au profit de l'Afrique, que ce soit en Côte d'Ivoire ou ailleurs.
Cette action, monsieur Boulaud, est comprise par les Français : les enquêtes dont nous disposons le montrent. Un effort de communication plus important doit sans doute être fait en direction des Européens.
Monsieur le sénateur, vous avez regretté qu'en la matière le Parlement ne soit ni informé ni décisionnaire. Je ferai quelques remarques à cet égard.
Tout d'abord, le Parlement est informé aussi rapidement, aussi souvent et autant qu'il le veut. Je n'ai jamais refusé de venir m'exprimer, que ce soit devant la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat, ou en séance plénière. Par ailleurs, à chaque fois que sont posées des questions qui concernent mon ministère, je viens y répondre moi-même.
M. Robert Del Picchia. Effectivement !
M. Charles Revet. Tout à fait ! Il fallait le rappeler !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Donc, l'information du Parlement existe !
Vous avez ensuite évoqué l'autorisation parlementaire. La décision du Parlement n'intervient qu'en cas de déclaration de guerre. En effet, l'article 35 de la Constitution de 1958 dispose : « la déclaration de guerre est autorisée par le Parlement ». Or nous ne menons pas des opérations de guerre, nous menons des opérations de paix, et toutes nos actions s'effectuent dans le cadre des résolutions de l'ONU ! Depuis que je suis ministre de la défense, nous ne sommes jamais allés faire la guerre, et il en était de même avant que j'occupe cette fonction. La question n'est donc pas celle du respect d'une quelconque règle.
Vous pourriez effectivement proposer que l'on instaure une procédure d'autorisation parlementaire préalable à tout envoi de soldats français sur un théâtre d'opérations à l'étranger. Mais nous risquerions de nous heurter au problème majeur que connaissent plusieurs pays européens et dont nous avons discuté encore dernièrement entre ministres de la défense : à cause de telles procédures, les forces armées de ces pays arrivent parfois sur le terrain quand l'opération est quasiment terminée.
Vous le savez, la réactivité est un élément essentiel de l'efficacité, surtout en matière d'interposition et de maintien de la paix, avant que ne se produisent trop de dégâts de part et d'autre.
Cette réactivité implique en effet que la décision puisse être prise immédiatement. Que se serait-il passé au Liban - puisque vous avez cité cet exemple - si, pour intervenir, nous avions attendu la semaine dernière, moment où le Parlement était de nouveau en session ?
Nous sommes intervenus deux jours après le début de la crise parce que nous avons pu envoyer des militaires, dans le cadre de l'opération Baliste, pour aller chercher nos ressortissants et les ressortissants étrangers.
De même, nous avons pu intervenir dès la fin des hostilités pour apporter, à travers les ponts, de nouvelles possibilités de circulation, alors même que le Parlement n'était pas en session.
Tout cela appelle, à mon sens, pragmatisme, transparence et bonne foi.
Je le répète : je ne me dérobe jamais à une demande du Parlement. Je suis toujours prête à venir m'expliquer totalement sur les opérations, sur la façon dont elles sont décidées et conduites, comme sur leurs résultats.
Pour moi, c'est là, en effet, le jeu de la démocratie, une démocratie à laquelle je suis attachée, une démocratie qui est la marque de fabrique de notre défense, de nos militaires, qui est la marque de fabrique de la France. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires étrangères.
M. Serge Vinçon, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Je voudrais remercier la conférence des présidents d'avoir inscrit ce débat à notre ordre du jour. C'est notre façon de marquer la présence du Sénat dans les grandes questions internationales, et pas seulement au moment où une crise se déclare. Je rappelle que nous avons réuni la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées au mois d'août pour auditionner M. le ministre des affaires étrangères et vous-même, madame le ministre de la défense, sur la question du Liban.
Je remercie Mmes les ministres et M. le ministre des affaires étrangères d'avoir accepté cette invitation au débat et d'avoir apporté des réponses importantes et précises sur toutes les questions qui nous préoccupent à propos de l'Afrique.
Je remercie également M. André Dulait d'avoir posé cette question orale avec débat après la mission qu'il a conduite au nom de la commission des affaires étrangères en Afrique, et dont on a rappelé l'importance tout à l'heure.
Je remercie, enfin, l'ensemble des collègues qui ont participé au débat et ceux qui assistent à cette séance un peu inédite.
Il peut paraître paradoxal de parler de la situation africaine au moment où l'actualité internationale nous invite à nous intéresser au Proche-Orient, au chaos irakien ou aux crises nucléaires en Iran ou en Corée du Nord.
Toutefois, le paradoxe n'est en réalité qu'apparent puisque, en Afrique, les crises sont, hélas ! constantes, nombreuses, durables et graves.
On l'a dit, l'action de notre pays donne parfois l'impression d'être mal comprise. Pourtant, l'intérêt de la France pour l'Afrique est évidemment légitime. Membre permanent du Conseil de sécurité de l'ONU, elle est en effet concernée par toutes les crises à travers le monde, notamment en Afrique, que ce soit sur le plan diplomatique ou militaire.
Comme beaucoup d'autres nations, nous avons, en outre, des intérêts légitimes en Afrique. À la lueur d'un travail récent sur la Chine, on a bien vu combien celle-ci est présente en Afrique, participant au développement et s'impliquant sur les plans militaire et diplomatique.
Nous avons aussi un intérêt partagé, Français, Européens et Africains, à faire en sorte d'apaiser les motifs de tensions pour se consacrer au développement et à la bonne gouvernance. Ainsi, ces peuples pourront enfin travailler utilement au progrès social, au progrès tout court, ce qui nous évitera d'avoir à gérer a posteriori des questions aussi graves que celle des migrations dues à la misère.
Je crois aussi que nous avons un intérêt commun avec l'ONU à faire en sorte que les décisions du Conseil de sécurité visant à porter assistance aux populations concernées soient mieux appliquées, mieux respectées et mieux comprises.
Ce débat a été utile. Il arrive à temps. Je vous sais gré de nouveau, mesdames les ministres, d'avoir permis qu'il ait lieu au Sénat, dont l'une des fonctions essentielles est de participer au dialogue avec le Gouvernement sur les grandes questions internationales. (Applaudissements.)
M. le président. En application de l'article 83 du règlement, je constate que le débat est clos.
Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à onze heures cinquante, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Christian Poncelet.)
PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet
M. le président. La séance est reprise.
3
Questions d'actualité au Gouvernement
M. le président. L'ordre du jour appelle les réponses à des questions d'actualité au Gouvernement.
Je rappelle que l'auteur de la question de même que le ministre pour sa réponse disposent chacun de deux minutes trente.
privatisation de gdf
M. le président. La parole est à M. Yves Coquelle.
M. Yves Coquelle. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
La privatisation de Gaz de France, dont le principe a été voté par le seul groupe UMP mardi dernier à l'Assemblée nationale, se fonde sur un véritable mensonge d'État.
MM. Alain Gournac et Henri de Raincourt. Ah !
M. Yves Coquelle. En 2004, M. Sarkozy, ministre de l'économie et des finances, avait promis le maintien de GDF dans le secteur public.
Mme Hélène Luc. Eh oui !
M. Robert Hue. Très bien !
M. Yves Coquelle. Le ministre d'État, deuxième personnage du Gouvernement, est ainsi pris en flagrant délit de mensonge.
Ce projet de loi, élaboré avec la complicité de la Commission européenne dont le dogme est « tout pour la finance, rien pour le public », a été rejeté par 94 % des personnels de EDF et de GDF. Il est rejeté par les usagers, par l'opinion publique.
Vous avez refusé d'examiner sérieusement les alternatives à la privatisation telles que la fusion de EDF-GDF dans un cadre public, ce qui était pourtant le bon sens.
Seul l'État peut préserver les entreprises des OPA et des financiers.
L'indépendance énergétique, la sécurité exigent, bien au contraire, la nationalisation de EDF et de GDF.
Partout dans notre monde, ce sont les États qui prennent en charge le secteur clé de l'énergie et vous voulez faire l'inverse.
Tout au long du débat à l'Assemblée nationale, vous avez évité de répondre sérieusement à des questions essentielles.
Pourquoi légiférer aujourd'hui, alors que nous ne connaissons toujours pas les conditions imposées par Bruxelles pour l'opération de fusion ?
C'est un chèque en blanc que les députés UMP vous ont signé. Le problème, c'est que, l'argent du compte, c'est le patrimoine industriel de la France !
M. Robert Hue. Absolument !
M. Yves Coquelle. Vous n'avez pas non plus répondu sur l'audit concluant à 20 000 suppressions d'emplois à court terme en cas de fusion de GDF et de Suez.
M. Guy Fischer. Et la hausse des tarifs ?
M. Yves Coquelle. Vous n'avez pas plus répondu sur l'envolée prévisible des tarifs.
M. René-Pierre Signé. Ce sont les consommateurs qui vont répondre !
M. Yves Coquelle. Monsieur le ministre, le Président de la République, Jacques Chirac, a lui-même était à l'initiative, en 1995, d'une réforme constitutionnelle qui élargissait le champ du référendum aux services publics.
M. Alain Gournac. C'est long, monsieur le président !
M. Yves Coquelle. Le sacrifice du service public de l'énergie sur l'autel du marché ne justifie-t-il pas l'organisation d'un tel référendum ?
M. Robert Hue. Absolument !
M. Yves Coquelle. Les Françaises et les Français ont montré avec éclat le 29 mai 2005 qu'ils répondaient « présents » lorsque l'on sollicitait leur avis.
Mme Janine Rozier. C'est long !
M. Gérard Cornu. La question !
M. Yves Coquelle. Je vous demande, monsieur le ministre, de stopper l'examen de ce texte que seul l'UMP soutient, pour permettre au Président de la République de consulter le peuple.
Oui, il faut un référendum sur une question aussi importante que l'avenir énergétique de la France. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le sénateur, nous allons avoir le temps de discuter de cette question, puisque je crois savoir que la Haute Assemblée est saisie du projet de loi relatif au secteur de l'énergie.
M. Christian Demuynck. Eh oui !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Si vous répondiez aux questions qui vous sont posées !
M. Thierry Breton, ministre. Nous avons déjà eu une réunion fort intéressante sur ce sujet, présidée par le président de la commission des affaires économiques, M. Jean-Paul Émorine, en présence du rapporteur, M. Ladislas Poniatowski, et nous allons avoir tout le loisir de nous expliquer.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. On connaît vos explications : elles ne sont pas convaincantes !
M. Thierry Breton, ministre. De quoi s'agit-il, monsieur le sénateur ? Il s'agit de pouvoir transposer la directive relative au marché de l'énergie, qui vous rappelle certainement quelque chose, puisque c'est sous le gouvernement de Lionel Jospin (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.), ...
M. Alain Gournac. Vous étiez dans le Gouvernement !
M. Didier Boulaud. Mensonges !
M. Thierry Breton, ministre. ...lors du sommet de Barcelone, en 2002, qu'il a été décidé d'ouvrir les marchés de l'énergie. C'est un fait !
On peut attendre et voir ce qui se passera demain - vous êtes un peu les spécialistes de ce genre d'attitude -...
Mme Raymonde Le Texier. C'est tout ce que vous savez dire !
M. Thierry Breton, ministre. ...ou bien se donner les moyens de préserver ce à quoi nos compatriotes sont attachés, à savoir les tarifs réglementés pour l'électricité et pour le gaz, et c'est précisément l'objet du projet de loi relatif au secteur de l'énergie.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Que faites-vous de vos propres promesses ?
M. Robert Hue. Et la promesse de Sarkozy ?
M. Didier Boulaud. Vous vous reniez !
M. Thierry Breton, ministre. Il est vrai que les choses avancent vite dans notre monde contemporain.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Le bradage industriel avance vite !
M. Thierry Breton, ministre. Il est vrai aussi que nous sommes désormais entrés dans ce que certains appellent une « guerre énergétique ». (Protestations continues sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
Ce qui était vrai en 2000 ne l'est plus en 2006.
M. Guy Fischer. Les profits, en effet !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Le CAC 40 évolue très vite !
M. Thierry Breton, ministre. Dès lors, ou bien l'on regarde dans le rétroviseur en regrettant le passé ou bien, comme nous le faisons, on assume ses responsabilités pour donner notamment à Gaz de France la possibilité d'aller de l'avant.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous aurez tout le loisir de vous prononcer en toute connaissance de cause sur cette question essentielle. En tout cas, sachez que le Gouvernement, en particulier François Loos et moi-même, sera à la disposition de la Haute Assemblée pour répondre à toutes les questions. J'ajoute que nous caressons même l'espoir de vous convaincre ! (Bravo et applaudissements sur les travées de l'UMP.- Exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Si ce sont les mêmes réponses qu'à l'Assemblée nationale...
M. Guy Fischer. C'est de la provocation !
M. Jean-Pierre Sueur. Et les 70 % de M. Sarkozy ?
M. le président. Mes chers collègues, je vous prie de rester sereins.
méthode d'apprentissage de la lecture
M. le président. La parole est à M. Bernard Seillier.
M. Bernard Seillier. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Ici même, en décembre dernier, abordant le problème crucial de l'apprentissage de la lecture, vous avez annoncé le nécessaire abandon de la méthode globale et la possibilité désormais pour les enseignants d'utiliser la méthode analytique sans être sanctionnés.
Votre décision n'était ni arbitraire ni isolée. Elle était étayée par les résultats expérimentalement constatés et par des travaux des scientifiques démontrant la conformité des méthodes analytiques aux requêtes d'un cerveau d'enfant en cours de structuration.
Vous avez ensuite adressé une circulaire sur l'apprentissage de la lecture aux inspecteurs d'académie et aux directeurs des Instituts universitaires de formation des maîtres, les IUFM, le 3 janvier, suivie d'un arrêté, le 24 mars dernier.
M. Yannick Bodin. Cela a fait « pschitt » !
M. Bernard Seillier. Malheureusement, force est de constater que certains syndicats d'enseignants, bravant votre autorité ministérielle, refusent par parti pris idéologique les évidences de l'expérience confirmées par la connaissance scientifique du cerveau.
M. Jean-Pierre Sueur. C'est faux !
M. Bernard Seillier. Ils ont récemment diffusé 500 000 tracts intitulés : Apprendre à lire, pas si simple ! condamnant implicitement votre circulaire, faisant l'éloge des méthodes synthétiques et mettant l'accent sur le fait qu'aujourd'hui « les jeunes n'éprouvent pas plus de difficultés en matière de lecture que leurs aînés, bien au contraire ».
M. Jean-Pierre Sueur. Non au scientisme !
M. Bernard Seillier. Et ce alors qu'il est de notoriété publique qu'un collégien sur cinq ne maîtrise pas correctement la lecture à son entrée en sixième !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. On licencie ceux qui ne pensent pas la même chose !
M. Bernard Seillier. Or la première égalité des chances à l'école n'est-elle pas que tous les enfants apprennent à lire avec succès par la méthode dite « syllabique » parce qu'elle respecte le fonctionnement cérébral, associant consonnes et voyelles en syllabes, puis les syllabes entre elles, permettant ainsi de lire les mots avec sûreté ?
M. Didier Boulaud. Même moi, je n'ai pas appris avec la méthode globale !
M. Bernard Seillier. Devant cette situation plutôt scandaleuse quand on pense que l'attitude contestataire vient de personnes dont la mission est aussi de transmettre l'instruction civique et les règles démocratiques, quelles initiatives, quelles mesures concrètes pensez-vous prendre, monsieur le ministre, pour que tous les professeurs des écoles déjà prêts à utiliser la méthode syllabique puissent le faire sans intimidation...
M. Didier Boulaud. Quel retour en arrière !
M. René-Pierre Signé. C'est trop long !
M. Bernard Seillier. ... et avec possibilité de recours en cas d'abus, et pour que les autres professeurs soient très rapidement formés dès cet automne 2006 ? C'est tout à fait réalisable quand on sait que, devant la débâcle actuelle, un peu partout en France des parents, quelles que soient leurs opinions, s'organisent pour se former en quelques jours afin d'apprendre à lire à leurs enfants...
M. Didier Boulaud. C'est une mystification ! La vérité, c'est que la méthode globale n'existe plus depuis 1954 !
M. Bernard Seillier. ...photocopiant des fiches, vrais samizdats pédagogiques dans un pays qui doit rester celui de la liberté. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Gilles de Robien, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le sénateur, l'apprentissage de la lecture se fait dès les premières leçons du cours préparatoire par l'apprentissage des lettres et des sons qui forment des syllabes.
M. Didier Boulaud. À la maternelle, on apprend à lire !
M. Gilles de Robien, ministre. L'on forme ensuite les mots, puis les phrases qui font sens. Les scientifiques ont clairement dit que le cerveau apprenait par éléments.
M. Didier Boulaud. Vous êtes en retard d'une guerre !
M. Gilles de Robien, ministre. Nous avons évidemment le devoir de suivre les recommandations des scientifiques.
M. Jean-Pierre Sueur. Quels scientifiques ?
M. Didier Boulaud. Des oukases !
M. Gilles de Robien, ministre. Premièrement, 350 000 plaquettes d'explication ont été envoyées aux professeurs des écoles.
Deuxièmement, un DVD a été réalisé et les scientifiques s'y expriment sur ce sujet.
M. Didier Boulaud. Pas ceux que vous avez licenciés !
M. Gilles de Robien, ministre. Troisièmement, l'inspection générale est mobilisée : elle me remettra un rapport à la fin du mois d'octobre.
Quatrièmement, je demande à tous les recteurs de France de mettre en place, dans le cadre de la formation continue,...
M. Didier Boulaud. Vérifiez qu'ils savent lire avant !
M. Gilles de Robien, ministre. ... des apprentissages et des formations continues à l'intention des maîtres d'école en poste actuellement, de façon qu'il n'y ait aucune ambiguïté et qu'ils puissent suivre les textes officiels.
Par ailleurs, je travaille actuellement sur le cahier des charges des futurs IUFM...
M. Didier Boulaud. En licenciant les professeurs !
M. Gilles de Robien, ministre. ... dans le cadre de la loi d'orientation que vous avez votée, monsieur le sénateur ; sachez que les textes officiels s'appliqueront aux futurs enseignants.
Monsieur le sénateur, je suis sûr que l'immense majorité de la communauté éducative est tout à fait loyale vis-à-vis des textes officiels.
M. Didier Boulaud. Préparez vos valises, votre CDD sera bientôt terminé !
M. Gilles de Robien, ministre. Comme tous les fonctionnaires, ils ont le devoir de suivre les textes officiels.
D'ailleurs, un inspecteur de l'éducation nationale fait actuellement l'objet d'une procédure disciplinaire motivée par un manquement grave et caractérisé à ses obligations.
Je rappelle qu'un cadre de la fonction publique doit appliquer les instructions du ministre et doit également les faire appliquer. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.- Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Didier Boulaud. Quand c'est absurde, ils ont le droit de se révolter !
surpopulation carcérale en polynésie
M. le président. La parole est à M. Gaston Flosse.
M. Gaston Flosse. Ma question s'adresse à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Gaston Flosse. Durant ces derniers mois, j'ai essayé à plusieurs reprises, mais en vain, de vous alerter sur le sujet, désormais explosif, du centre pénitentiaire de Tahiti-Faa'a.
Ce dernier, construit il y a une trentaine d'années pour 126 détenus, en héberge aujourd'hui 352 !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ce n'est pas nouveau !
M. Gaston Flosse. À cette promiscuité vient s'ajouter la vétusté des locaux, une vétusté inacceptable en termes d'hygiène, de sécurité et tout simplement d'humanité.
Le problème particulier des conditions de détention des femmes a été soulevé à maintes reprises par le syndicat national des personnels de l'administration pénitentiaire : pas de grilles aux salles d'activités, pas de formation à la lutte contre l'incendie, absence d'extincteurs en état de fonctionnement et nombreux autres dysfonctionnements.
Le syndicat pénitentiaire de la Polynésie française, le CSTP, m'a également alerté de la situation alarmante des effectifs, dans cet établissement comme dans l'ensemble des établissements polynésiens. Il convient de souligner le déficit d'agents résultant de la différence entre l'effectif de référence des établissements pénitentiaires établi par l'administration pénitentiaire et l'effectif réel. Je vous avais écrit à ce sujet le 10 mai 2005 : le déficit était alors de dix-huit agents.
Le quartier des femmes en particulier manque cruellement de surveillantes, alors que le bâtiment est hors de l'enceinte de Nuutania. Il n'y aurait pas assez de détenues pour faire un roulement de deux surveillantes, comme en métropole. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste.)
M. Yannick Bodin. Allez, un petit effort !
M. René-Pierre Signé. Oui, il faut plus de femmes en prison !
M. Gaston Flosse. Aujourd'hui, les représentants syndicaux sont prêts à se mobiliser fortement si aucun geste n'est fait en leur faveur et si la prise de conscience de l'urgence de la situation n'est pas affichée clairement.
Mme Raymonde Le Texier. Quatre minutes !
M. Gaston Flosse. Cette mobilisation pourrait être de surcroît relayée par la population, très inquiète de l'impossibilité matérielle d'appliquer les peines d'emprisonnement prononcées à l'encontre d'environ 200 condamnés qui sont donc aujourd'hui en liberté. C'est intolérable !
M. le président. Veuillez poser votre question, mon cher collègue.
M. Gaston Flosse. Monsieur le garde des sceaux, allez-vous enfin répondre à ces alertes et prendre les décisions qui s'imposent ? Combien faudra-t-il de demandes pour que nous soyons écoutés et que nous obtenions des réponses concrètes ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur Flosse, je connais personnellement la prison de Faa'a, dont vous venez de décrire la situation avec précision.
M. Didier Boulaud. Et émotion !
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Sachez que je partage votre émotion quant à la surpopulation considérable de cet établissement.
Lorsque je l'avais visité, voilà deux ans, je m'étais demandé comment on avait pu laisser subsister un établissement dans cet état pendant si longtemps.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Et cela n'a pas changé !
M. Pascal Clément, garde des sceaux. J'ai demandé aux pouvoirs publics de proposer à la chancellerie un terrain susceptible d'accueillir un second établissement pénitentiaire. Mais il est vrai que le foncier est difficile à trouver, en particulier sur l'île de Tahiti. Faute d'avoir pu trouver un terrain disponible, nous avons décidé d'augmenter de cent places les capacités d'accueil de l'actuel centre pénitentiaire de Faa'a.
Pourquoi seulement cent places ? Tout simplement parce que le terrain sur lequel est implanté le centre de détention, bien que très vaste, a une forte déclivité, ce qui nous interdit de construire plus de cent places. Il s'agit là d'un vrai problème.
La Polynésie compte deux autres maisons d'arrêt : la première, très modeste, de quelques places seulement, aux îles Marquises, et la seconde, sur l'archipel de la Société, comportant vingt places.
La situation n'en demeure pas moins très difficile.
Au-delà, et en attendant la construction de ces cent places ainsi que d'un centre de semi-liberté de trente places, j'ai demandé à la protection judiciaire de la jeunesse de bien vouloir examiner l'hypothèse de la construction d'un centre éducatif fermé pour les mineurs. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe CRC.) Je pense que cela est de nature à remédier au problème qui se pose avec gravité en Polynésie française.
J'ajoute enfin que, s'agissant des personnels, dans le projet de budget que j'aurai l'honneur de présenter au Sénat dans quelques semaines, 700 postes nets seront inscrits pour l'administration pénitentiaire. Cela permettra de renforcer les effectifs, aujourd'hui insuffisants, du centre pénitentiaire de Faa'a en Polynésie française. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
privatisation de gdf
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau.
M. Roland Courteau. Ma question s'adresse à M. le ministre délégué à l'industrie.
Alors que l'Assemblée nationale vient tout juste de se prononcer sur le projet de loi visant notamment à privatiser Gaz de France (Exclamations sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE), voilà que le Sénat, sans délai et au pas de charge, est à son tour invité à légiférer.
Mme Janine Rozier. Au pas de charge ?
M. Roland Courteau. Pourquoi une telle obsession à vouloir à toute force privatiser GDF, alors que les nouveaux défis justifient l'accroissement de l'intervention des pouvoirs publics pour assurer le contrôle de l'énergie ?
Pourquoi un tel acharnement à démolir les fondements mêmes de notre service public de l'énergie qui, pourtant, a fait la preuve de son efficacité ?
M. René-Pierre Signé. Par idéologie !
M. Roland Courteau. N'eût-il pas été plus responsable, en cette fin de législature et sur un dossier aussi essentiel et aussi lourd de conséquences, de renvoyer une telle décision au vote des Français lors des élections de 2007 ?
M. René-Pierre Signé. Voilà !
M. Roland Courteau. Mais peut-être avez-vous peur de leur jugement ?
Quelle funeste erreur que de favoriser la transformation d'un monopole public en un monopole privé, pour le plus grand bénéfice de quelques actionnaires, alors que d'autres solutions existent !
Quelle faute majeure que d'abandonner les Français à la jungle des tarifs les plus fous...
M. René-Pierre Signé. Ça, ils vont payer !
M. Roland Courteau. ... à travers un projet de loi de complaisance à l'égard du marché et de négligence envers l'avenir ! Votre responsabilité sera écrasante, car on ne joue pas au Monopoly avec les entreprises publiques.
M. Jean-Jacques Hyest. Pour ça, vous pouvez parler !
M. Alain Gournac. Vous l'avez fait !
M. Roland Courteau. La morale ne s'y retrouve pas davantage et le Gouvernement, qui avait engagé sa parole, en sort décrédibilisée.
En effet, M. Sarkozy, voilà à peine quelques mois, affirmait que : « Compte tenu de leur caractère déterminant pour les intérêts vitaux de la France en termes de sécurité d'approvisionnement et de sécurité nucléaire, l'État conservera une part majoritaire du capital des entreprises EDF et GDF. »
M. Robert Hue. Bravo !
M. Roland Courteau. Et M. Sarkozy poursuivait en ces termes : « Je l'affirme parce que c'est un engagement du Gouvernement : EDF et GDF ne seront pas privatisés. » (M. Boulaud pointe le pouce vers le bas.)
M. René-Pierre Signé. Il l'affirme !
M. Roland Courteau. Et M. Sarkozy concluait en ces termes : « Ce qui nous garantit que la loi ne permettra pas de privatiser ultérieurement, c'est la parole de l'État ! » (M. Boulaud s'esclaffe !)
D'où ma question : monsieur le Premier ministre, que vaut la parole de l'État par les temps qui courent ?
M. Didier Boulaud. Rien !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Zéro !
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. René-Pierre Signé. Bien embarrassé pour répondre !
M. Didier Boulaud. Pourtant, la question est embarrassante !
M. François Loos, ministre délégué. C'est nous qui avons adopté une attitude responsable en déposant sans attendre le projet de loi relatif au secteur de l'énergie.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est qui « nous » ?
M. François Loos, ministre délégué. C'est nous qui prenons nos responsabilités.
Si nous n'avions rien fait, la directive européenne sur l'ouverture des marchés se serait appliquée automatiquement au 1er juillet 2007, ce qui aurait eu pour effet de supprimer les tarifs régulés dans notre pays.
M. Ladislas Poniatowski. Absolument !
M. Alain Gournac. Eh oui !
M. François Loos, ministre délégué. Monsieur Courteau, c'est parce que nous voulons maintenir l'intervention de l'État et les tarifs régulés, parce que nous savons que c'est fondamental pour les consommateurs français et pour l'économie de notre pays que nous sommes obligés de transposer la directive européenne avant la fin de l'année. Ainsi, au 1er juillet 2007, ...
M. Didier Boulaud. Nous serons revenus aux affaires !
M. René-Pierre Signé. Préparez vos vacances !
M. François Loos, ministre délégué. ... les consommateurs français pourront conserver les tarifs régulés qui, vous le savez, sont particulièrement intéressants, dans l'absolu et par rapport à ceux qui sont pratiqués dans les autres pays européens.
M. Guy Fischer. On en reparlera !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cela fera long feu !
M. François Loos, ministre délégué. Par ailleurs, vous aurez sans doute observé que, depuis 2004, les prix du pétrole et du gaz ont été multipliés par 2,5.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est pour cette raison que vous privatisez !
M. François Loos, ministre délégué. Face à de très grands vendeurs qui possèdent de très importantes réserves, ...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ce sont des États !
M. François Loos, ministre délégué. ...ce qui compte, c'est la capacité des entreprises à acheter sur le long terme, à investir dans des gisements, à acquérir elles-mêmes des ressources. Or Gaz de France ne possédant pas de gisement a besoin d'acquérir une taille plus importante.
Aujourd'hui, Gaz de France détient des réseaux de distribution et des fichiers de clients.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il fallait décider la fusion de EDF avec GDF. Que vient faire Suez là-dedans ?
M. François Loos, ministre délégué. Aujourd'hui, il nous faut donner à Gaz de France une dimension internationale. À cette fin, nous devons la doter des moyens nécessaires et d'une taille appropriée. C'est la raison pour laquelle nous avons préféré ouvrir le capital de Gaz de France plutôt que de demander à l'entreprise de s'endetter pour faire face à cette situation.
Alors, mesdames, messieurs les sénateurs, qui a raison en termes de calendrier ? Qui prend ses responsabilités ? C'est nous ! (Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. René-Pierre Signé. C'est la méthode Coué !
M. Yannick Bodin. C'est surtout la condamnation de Sarkozy !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cela fera onze millions d'abonnés de GDF pour les actionnaires de Suez. Vous n'êtes pas convaincant, monsieur le ministre !
M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne.
M. Yves Détraigne. Ma question s'adresse à M. le ministre délégué à l'enseignement supérieur et à la recherche.
En mars dernier, le Sénat a adopté en première lecture le projet de loi relatif aux organismes génétiquement modifiés.
Ce texte avait deux objectifs principaux : le premier était de nous mettre en conformité avec les directives européennes de 1998 et de 2001, dont la transposition tardive fait peser sur notre pays la menace d'une astreinte de 168 000 euros par jour de retard ; le second était de doter la France d'un cadre législatif pour encadrer la recherche et la nécessaire expérimentation sur les OGM.
Le Gouvernement s'était alors engagé à « traiter enfin une question trop longtemps laissée en jachère sous d'autres législatures ». Pourtant, compte tenu de l'encombrement du calendrier parlementaire et de la suspension des travaux du Parlement dès la mi-février 2007 du fait des prochaines échéances électorales, ce texte semble désormais reporté sine die. La réglementation des OGM n'est donc plus une priorité du Gouvernement.
Dans le même temps, des commandos anti-OGM ont continué à sévir partout en France cet été.
M. Rémy Pointereau. Ce n'est pas normal !
M. Jean-Jacques Hyest. Non, en effet !
M. Yves Détraigne. De la Moselle à la Haute-Garonne, du Tarn au Puy-de-Dôme, du Loiret à l'Eure-et-Loir, ce sont près de 65 % des essais de culture d'OGM - pourtant réalisés dans la plus totale légalité - qui ont été saccagés au nom du fameux principe de précaution.
M. René-Pierre Signé. Le principe de précaution ? Mais c'est Jacques Chirac !
M. Yves Détraigne. Le scénario est toujours le même : les faucheurs agissent sans véritable opposition des forces de l'ordre. Quelques-uns des meneurs sont ensuite interpellés par la gendarmerie et passent une ou deux nuits en garde à vue, ce qui donne d'ailleurs l'occasion à leurs sympathisants de manifester publiquement leur indignation.
Remis en liberté, ils peuvent recommencer leurs actes de vandalisme, assurés de la noblesse de leur cause par des décisions de justice malheureusement imprévisibles : parfois des peines d'emprisonnement, parfois des amendes ou des dédommagements, parfois aussi des décisions favorables aux faucheurs au motif qu'il y aurait « état de nécessité ».
M. Didier Boulaud. Mais que fait le garde des sceaux ?
M. Yves Détraigne. Monsieur le ministre délégué, l'esprit de désobéissance civile dont se targuent ces individus...
M. Roland Muzeau. Ces individus sont des citoyens !
M. Yves Détraigne. ... ne doit pas devenir la règle.
M. Rémy Pointereau. Très bien !
M. Yves Détraigne. La France va-t-elle oui ou non se décider à réglementer enfin la culture des OGM de sorte que la règle soit la même pour tout le monde et que notre pays cesse de prendre du retard ou bien le Gouvernement préfère-t-il laisser perdurer l'incertitude dans laquelle nous sommes depuis plusieurs années et qui finit par donner le sentiment que notre pays ne sait pas ce qu'il veut ? (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. François Goulard, ministre délégué à l'enseignement supérieur et à la recherche. Monsieur le sénateur, les actions violentes qui ont été menées sont évidemment condamnables car leurs auteurs enfreignent la loi. Il n'en demeure pas moins, et je vous rejoins sur ce point, que nous sommes contraints de revoir notre législation, parce que c'est nécessaire et parce que nous devons transposer deux directives européennes.
Comme vous l'avez rappelé, le Sénat a commencé à travailler sur ce sujet. Ses travaux, d'une grande qualité, notamment les longs débats qui ont eu lieu, sans idéologie, avec l'ensemble des groupes, ont permis d'améliorer le projet de loi qui a été déposé.
Ce texte, je le rappelle, met en oeuvre le principe constitutionnel de précaution, ce qui était évidemment nécessaire. Nous devons en effet nous préoccuper, s'agissant d'espèces nouvelles, des conséquences éventuelles sur l'environnement et sur la santé humaine. Parallèlement, il permettra à notre pays de bénéficier des progrès considérables permis par les OGM, à condition de respecter le principe de précaution.
Je rappelle que notre pays est à la fois une grande puissance agricole, comme chacun le sait, mais aussi une grande puissance scientifique dans le domaine de le l'agronomie. Le Premier ministre a d'ailleurs annoncé hier la constitution d'un réseau thématique de recherche avancée en agronomie, dont le centre sera situé à Montpellier.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est formidable !
M. François Goulard, ministre délégué. Par conséquent, l'examen de ce texte devra naturellement se poursuivre. Dès que le calendrier parlementaire le permettra - vous avez rappelé, monsieur le sénateur, qu'il est très chargé -, le projet de loi sera examiné par l'Assemblée nationale. Et je forme le voeu - mais je suis sûr d'être exaucé ! - que les débats qui se dérouleront à l'Assemblée nationale seront aussi riches que ceux qui ont eu lieu dans cet hémicycle.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Quand ?
M. François Goulard, ministre délégué. Une législation rénovée et conforme aux directives européennes est nécessaire dans ce domaine, qui est, à de nombreux points de vue, extrêmement important pour notre pays. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Mes chers collègues, nous venons d'écouter M. le ministre délégué dans la sérénité. Je suis certain que ceux qui nous regardent ont apprécié. Bravo et merci à tous ! (Sourires.)
affaire « gettlife »
M. le président. La parole est à M. Michel Houel.
M. Michel Houel. Ma question s'adresse à Mme la ministre déléguée aux affaires européennes.
Depuis le 11 avril 2006, Nathalie Gettliffe est retenue dans les prisons canadiennes pour l'enlèvement de ses deux enfants.
Au-delà d'une affaire dramatique qui montre des parents s'entre-déchirer jusqu'à l'extrême pour obtenir la garde de leurs enfants, c'est le drame humain vécu par une mère que je veux évoquer aujourd'hui devant vous.
M. Rémy Pointereau. C'est bien !
M. Michel Houel. Je m'interroge en effet, car les conditions de détention de cette femme qui vient d'accoucher en prison semblent inhumaines.
Nathalie Gettliffe est épuisée et ne peut se reposer dans une chambre qu'elle partage avec vingt autres détenues. De plus, elle semble avoir été maltraitée par ses codétenues et avoir manqué de nourriture et de soins durant toute sa grossesse.
Les nombreuses médiations conduites par la MAMIF, la Mission d'aide à la médiation internationale pour les familles, qui est placée sous l'égide du ministère de la justice, n'ont pu aboutir et nous savons que Nathalie Gettliffe doit être jugée à l'automne. Elle risque, madame la ministre déléguée, jusqu'à dix ans de prison en vertu de la législation canadienne.
Alors, sans vouloir intervenir dans cette affaire complexe de garde d'enfants, je vous demande de nous préciser les actions que vous comptez mettre en oeuvre pour obtenir le rapatriement de Nathalie Gettliffe, ce qui lui permettra d'être jugée en France. Dans un premier temps, pouvez-vous intervenir auprès du gouvernement canadien, afin qu'elle bénéficie d'un traitement plus humain ? (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Catherine Colonna, ministre déléguée aux affaires européennes. Monsieur le sénateur, M. Philippe Douste-Blazy, actuellement en déplacement à Madrid, vous prie de bien vouloir l'excuser. Il m'a demandé de vous répondre.
Croyez bien que le Gouvernement est très attentif à la situation de Mme Gettliffe, qui vit une véritable épreuve depuis de longues années. Nous ne ménageons aucun effort pour qu'une issue soit trouvée à cette délicate affaire.
Je souhaite vous apporter quelques précisions qui, je l'espère, apaiseront vos inquiétudes.
Dès la première arrestation de Mme Gettliffe, au mois d'avril dernier, le consul général de France à Vancouver est intervenu pour apporter la preuve de la levée du mandat de 2001. Il a alors obtenu qu'elle soit relâchée. Mais les autorités canadiennes ont ensuite ouvert une nouvelle enquête, émis un mandat d'arrêt pour enlèvement d'enfants et procédé à l'arrestation de Mme Gettliffe. De nouveau, le consulat général est aussitôt intervenu, pour obtenir des assurances sur les conditions de sa détention, ainsi que sur celles de son accouchement. À ce propos, je peux vous dire, monsieur le sénateur, que le bébé est né à l'hôpital et non pas en prison, comme vous le craigniez.
Le 24 mai dernier, Mme Gettliffe a été transférée dans un nouvel établissement pénitentiaire, plus adapté à son état. Nous avons pu obtenir qu'une chambre individuelle spécialement équipée lui soit affectée. Nous avons également insisté pour qu'une attention particulière continue de lui être portée, ainsi qu'à son jeune fils, Martin. Notre consulat est également intervenu pour que des facilités de communications téléphoniques avec ses proches résidant en France lui soient accordées.
Nous resterons vigilants et actifs. M. le Président de la République a évoqué cette affaire avec le Premier ministre du Canada et M. Philippe Douste-Blazy avec son homologue, il y a quelques semaines. Je peux vous indiquer, monsieur le sénateur, que je relaierai moi-même votre préoccupation auprès de l'ambassadeur du Canada dès aujourd'hui.
Enfin, vous vous interrogez sur les possibilités de rapatriement. Cette hypothèse ne pourrait être envisagée que si une peine privative de liberté venait à être prononcée à titre définitif contre Mme Gettliffe par un tribunal canadien. Ce n'est pas le cas actuellement et, bien entendu, personne, ici, ne le souhaite. Laissons donc la procédure judiciaire suivre son cours et parvenir à son terme. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
hausse des prélèvements obligatoires
M. le président. La parole est à M. Gérard Miquel.
M. Gérard Miquel. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Monsieur le ministre, en dépit de vos promesses électorales de 2002, les prélèvements obligatoires ont augmenté, passant de 43,1 % du PIB en 2002 à 44 % du PIB en 2006, comme le confirme un rapport officiel récent.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Les dirigeants ont vu leurs revenus augmenter, qu'ils paient !
M. Gérard Miquel. Si le niveau des prélèvements obligatoires est une chose, sa structure en est une autre, et le coeur de nos préoccupations s'attache au recul de la justice fiscale.
Nous regrettons vivement que la baisse des impôts perçus au profit de l'État ait été plus que compensée par l'augmentation obligée de la fiscalité locale, que chacun sait plus injuste.
Les collectivités locales, souffrant de l'indigence des compensations financières transférées du niveau central vers le niveau local, n'ont pas eu d'autre choix que d'augmenter leurs impôts.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est fait exprès !
M. Gérard Miquel. En dépit de vos promesses de compensation à « l'euro près », force est de constater que les compétences transférées, en particulier dans le domaine social, souffrent d'une sous-compensation chronique.
Les élus locaux n'ont pas à payer les pots cassés du désengagement de l'État s'agissant de ses missions de solidarité nationale.
M. René-Pierre Signé. M. le président l'a dit !
M. Gérard Miquel. L'observation est particulièrement vraie pour les départements, et c'est d'ailleurs sur ce point précis que je souhaite vous interroger, monsieur le ministre.
M. René-Pierre Signé. M. Poncelet est d'accord !
M. Gérard Miquel. Permettez au président du conseil général du Lot de vous donner quelques chiffres.
Le Lot, c'est 167 000 habitants, 2 270 allocataires du RMI, 2 215 000 euros non compensés pour 2005. Les contrats d'avenir et les CI-RMA, les contrats d'insertion-revenu minimum d'activité, représentent, pour le conseil général, un surcoût de 270 000 euros.
M. René-Pierre Signé. Alors, monsieur le ministre ?
M. Gérard Miquel. Le coût net de l'APA, l'allocation personnalisée d'autonomie (Exclamations sur les travées de l'UMP), a atteint, en 2002, 5,5 millions d'euros, en 2003, 7,2 millions d'euros, en 2004, 9,74 millions d'euros, et, en 2005, 13,8 millions d'euros. Dans le même temps, la compensation de l'État a été, en 2002, de 46 %, en 2003, de 55,2 % - c'était une bonne année ! -, en 2004, de 45 % et, en 2005, de 33 % seulement !
M. René-Pierre Signé. Et dans les Vosges ?
M. Jacques Mahéas. C'est partout pareil !
M. Gérard Miquel. Quant au transfert des personnels TOS, techniciens, ouvriers et de service, et des DDE, les directions départementales de l'équipement, soit 450 agents dans mon département, l'alignement des primes sur celles des agents des conseils généraux a coûté 800 000 euros.
M. Didier Boulaud. Haut les mains !
M. Gérard Miquel. Je pourrais ajouter à cette liste le nombre d'emplois non compensés ou les dépenses exponentielles des SDIS, les services départementaux d'incendie et de secours, lesquelles sont liées à l'application de décisions nationales non financées par l'État.
Un point d'impôt représente, dans le Lot, 460 000 euros. Ces chiffres vous permettent de mesurer les incidences de la situation que je viens de décrire sur la fiscalité.
Comment comptez-vous, monsieur le ministre, remédier à cette situation, qui accroît, de mois en mois, la rupture entre l'État et ses territoires ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Yannick Bodin. La cagnotte !
M. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur Miquel, vous aimez les chiffres !
M. Yannick Bodin. On va parler chiffres !
M. David Assouline. Les vrais chiffres !
M. Thierry Breton, ministre. Nous allons donc parler des chiffres, des vrais chiffres, monsieur Assouline !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cela va être dur !
M. Thierry Breton, ministre. Les prélèvements obligatoires, en ce qui concerne l'État, ont baissé. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Les impôts des riches diminuent et ceux des pauvres augmentent !
M. Thierry Breton, ministre. En effet, ils seront passés de 16,3 % en 2004 à 14,6 % en 2007, grâce à l'action conjuguée tout d'abord de M. Jean-Pierre Raffarin et de son gouvernement (Applaudissements sur les travées de l'UMP.), ...
M. Didier Boulaud. Merci, monsieur Raffarin !
M. Thierry Breton, ministre. ... et ensuite de M. le Premier ministre Dominique de Villepin et, modestement, de son gouvernement. Voilà la réalité !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est ridicule ! Vous nous prenez pour des imbéciles !
M. Jean-Pierre Bel. Répondez à la question !
M. Thierry Breton, ministre. Toutefois, c'est vrai, pendant que l'État faisait des efforts, l'appétit des autres grossissait ; je veux en particulier parler des régions. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste. - Marques d'approbation sur les travées de l'UMP.) Il faut tout dire, mesdames, messieurs les sénateurs, quand on évoque les prélèvements obligatoires !
M. Didier Boulaud. On parle des départements et de l'action sociale !
M. Thierry Breton, ministre. Le taux d'imposition des régions a augmenté de 21 % en 2005. C'est une réalité ! (Protestations continues sur les travées du groupe socialiste.) À quoi a-t-on consacré ces sommes ? Vous le savez, monsieur le sénateur, à des dépenses de fonctionnement, de communication, au bien-vivre, au paraître, y compris dans une région que M. Raffarin connaît bien ! Or le paraître, cela coûte cher !
M. Didier Boulaud. C'est scandaleux !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Mensonges !
M. Didier Boulaud. Répondez à la question !
M. René-Pierre Signé. Il est gêné !
M. Thierry Breton, ministre. Il est vrai que, globalement, pendant la même période, les prélèvements obligatoires des collectivités locales, toutes tendances confondues, ont, certes, augmenté, mais beaucoup moins, puisqu'ils sont passés de 5,3 % à 5,7 %.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Les pauvres paient les impôts des riches !
M. Thierry Breton, ministre. Cela montre que, malgré l'explosion des impôts régionaux, un certain nombre de départements français - une bonne moitié, pour être clair - ont su, eux, faire face aux défis qui sont les leurs, ont su, eux, utiliser les moyens que l'État mettait à leur disposition, ont su, eux, gérer correctement !
M. Didier Boulaud. Scandaleux !
Mme Hélène Luc. On vous parle de l'action sociale des départements, monsieur le ministre !
M. Thierry Breton, ministre. Et savez-vous comment on gère correctement, monsieur le président du conseil général du Lot ? On fait en sorte que tous ceux qui n'ont pas d'activité en retrouvent une. C'est toute la politique du Gouvernement de Dominique de Villepin que de permettre à ceux qui n'ont pas d'activité d'en avoir, ...
M. Guy Fischer. C'est honteux ! Répondez à la question !
M. Jean-Pierre Godefroy. Il ne répond pas !
M. Thierry Breton, ministre. ...grâce, notamment, à la prime pour l'emploi, aux structures d'aide au retour à l'emploi, à la sécurisation des parcours professionnalisant et à la réforme fiscale, qui permettra aux plus défavorisés d'entre nous de bénéficier, dès le 1er janvier de l'année prochaine, de plus de 3 milliards d'euros. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.- Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Gérard Cornu. Cela fait mal à la gauche !
M. René-Pierre Signé. Scandaleux !
M. Didier Boulaud. Vous bafouez le Parlement !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Tout à fait !
M. Yannick Bodin. Vous êtes incapable de répondre à la question, incapable !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ce silence est éloquent !
M. le président. La parole est à M. Serge Dassault.
M. Serge Dassault. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Les événements récents, en particulier l'agression inadmissible de deux policiers CRS dans ma commune, ainsi que mon intervention lors de la discussion générale du projet de loi relatif à la prévention de la délinquance m'amènent à vous poser, monsieur le ministre, la question suivante.
Ne pensez-vous pas que, si les jeunes deviennent des délinquants à partir de seize ans, c'est parce qu'ils ne travaillent plus, n'étant plus soumis à aucune obligation scolaire ?
M. René-Pierre Signé. Parole de RMIste !
M. Guy Fischer. Là aussi, il y a eu des mensonges !
M. Serge Dassault. Ils deviennent des oisifs soumis à toutes les tentations, qui sont nombreuses, et c'est la drogue, les vols de voitures, et j'en passe.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. En prison !
M. Serge Dassault. Ils sont sortis du collège, sans avoir eux-mêmes la volonté de poursuivre leurs études ou d'apprendre un métier.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. La faute à tout le monde !
M. Serge Dassault. En réalité, ils sont sortis trop tôt du système scolaire, qui n'a pas réussi à leur apprendre un métier en fonction de leurs capacités, et ce quels que soient les efforts de l'éducation nationale pour enseigner les connaissances nécessaires.
Vous n'y pouvez rien, monsieur le ministre, et il ne sert à rien d'en faire plus, car ils sont imperméables à toute formation théorique, mais pas à une formation pratique.
M. Didier Boulaud. Scandaleux !
M. David Assouline. N'importe quoi !
M. Serge Dassault. Cela signifie donc que l'une des raisons principales de la délinquance est l'arrêt de l'obligation scolaire à seize ans. Aussi, monsieur le ministre, pourquoi ne pas porter cette obligation à dix-huit ans ? (Vives exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Les jeunes à partir de seize ans, au lieu de ne rien faire,...
M. Didier Boulaud. C'est vous qui avez proposé l'apprentissage à quatorze ans et qui faites travailler les jeunes à cet âge ! Vous ne savez pas ce que vous voulez !
M. Serge Dassault. ... seraient obligés, s'ils ne veulent pas continuer des études, d'apprendre un métier et d'entrer en apprentissage.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. À huit ans ?
M. Serge Dassault. La mesure que je propose permettrait de réduire non seulement la délinquance, mais aussi le chômage des jeunes.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Bien sûr...
M. Serge Dassault. Les jeunes exerceraient un métier au lieu de ne rien faire et vivraient normalement. Cela aiderait la croissance et réduirait d'autant le nombre de chômeurs.
M. Yannick Bodin. Un mirage !
Mme Hélène Luc. Vous êtes disqualifié, monsieur Dassault, pour parler de cela !
M. Serge Dassault. Actuellement, plus de 60 000 jeunes sortent chaque année du système scolaire sans qualification, ce qui représente plus d'un dixième de chaque classe d'âge.
En conséquence, monsieur le ministre, pourquoi ne pas porter l'obligation scolaire et professionnelle à dix-huit ans pour réduire la délinquance et le chômage des jeunes ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Didier Boulaud. Pas terribles, les applaudissements !
M. René-Pierre Signé. La réponse sera courte !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Roland Muzeau. Difficile de répondre !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous avez de bons conseils, monsieur de Robien ?
M. Gilles de Robien, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur Dassault, vos préoccupations rejoignent parfaitement les objectifs du Gouvernement.
Pour nous, un jeune après seize ans doit être au collège, au lycée, en apprentissage ou au travail avec un emploi. Notre vrai défi, à l'éducation nationale, est donc d'améliorer le système pour qu'aucun enfant, aucun jeune, ne quitte le dispositif de l'éducation nationale sans avoir des qualifications qui lui donnent de vraies chances et lui permettent de ne pas être démoralisé ou de sombrer dans des excès, telle, parfois - hélas ! -, la violence.
Mme Hélène Luc. Pourquoi supprimer des postes comme vous le faites ?
M. Gilles de Robien, ministre. Notre problème est bien de donner aux jeunes les moyens d'aborder l'avenir.
Le premier de ces moyens, vous l'avez voté, c'est le socle commun de connaissances et de compétences, grâce auquel, j'en suis sûr, on va donner à tous les jeunes de France non seulement des repères et des connaissances, mais aussi une attitude plus citoyenne.
M. Jacques Mahéas. C'est la méthode Coué !
M. Gilles de Robien, ministre. Tel est le contrat de l'éducation nationale, de la République envers ces jeunes.
Le socle commun est mis en place à cette rentrée, à tous les échelons, avec des vérifications et des évaluations. Quand l'évaluation montrera que des jeunes ne suivent pas certains niveaux de ce socle commun, il y aura des programmes personnalisés de réussite éducative. En effet, l'avenir est beaucoup plus dans le suivi individuel de ces jeunes que dans des suivis collectifs identiques pour tous.
Au nombre de ces suivis individuels, monsieur Dassault, je place évidemment, pour ceux qui n'apprécient pas l'éducation trop abstraite, l'apprentissage ainsi que l'apprentissage junior.
Ainsi, cent cinquante sections sont ouvertes en lycées professionnels dès cette année.
M. Jacques Mahéas. Commencez par trouver les enseignants !
M. Gilles de Robien, ministre. De plus, avec Jean-Louis Borloo et Gérard Larcher, nous nous attachons à ce que le nombre d'apprentis en France passe, dans les deux ans, de 350 000 à 500 000. C'est un vrai défi que nous nous donnons, mais il est possible de le relever.
Ainsi, chaque jeune pourra, avec la note de vie scolaire, la découverte professionnelle, trouver de l'intérêt à apprendre, et cela selon son rythme, ses goûts et ses talents.
M. Roland Muzeau. Chez Dassault !
M. Gilles de Robien, ministre. C'est ainsi que l'on donnera du sens à la vie de ces jeunes. Alors, effectivement, ces derniers ne seront plus délinquants ; ils deviendront de vrais citoyens ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
résultats de la politique de sécurité
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur. Il n'est pas physiquement présent, mais peu importe, là où est la télévision, M. Sarkozy est aussi ! (Exclamations sur les travées de l'UMP.) C'est la vérité, chers collègues !
M. Henri de Raincourt. Mme Royal aussi !
M. Pierre-Yves Collombat. Quand j'ai vu la photo de M. Sarkozy au côté de George Bush, j'ai pensé : « Pourvu qu'il ne revienne pas des USA avec le manuel américain de traitement des crises en usage en Irak ! » Ce qui s'est passé la semaine dernière à Corbeil et, plus encore, hier, aux Mureaux, montre que c'est le cas...
Je m'adresse donc en cet instant à M. le ministre d'État.
Là où il faudrait retisser un tissu social qui se délite, vous le déchirez un peu plus, braquant la population et la rendant solidaire de ceux qu'il faudrait isoler.
Là où il faudrait enquêter dans la discrétion, vous dressez des murs de caméras et vous laissez filer ceux qu'il faudrait neutraliser. À se demander s'ils ne vous sont pas utiles ! (Murmures sur les travées du groupe socialiste.)
Là où il faudrait l'action patiente d'une police de proximité, vous multipliez les opérations « coup-de-poing », aux effets dévastateurs.
Là où il faudrait agir main dans la main avec les élus locaux, vous les méprisez.
« Suis-je un maire qui compte pour du beurre ? », constate le maire des Mureaux. « Je n'ai été prévenu qu'à sept heures quarante-cinq de l'intervention de la police, alors que l'ensemble des médias étaient présents dès cinq heures trente ».
M. Guy Fischer. C'est scandaleux !
M. Pierre-Yves Collombat. Il n'y a pas quinze jours, monsieur le ministre d'État, vous affirmiez ici même que, grâce à vous, le maire était enfin placé au coeur de la prévention de la délinquance. Quelle dérision ! Allez faire de la prévention quand votre commune est transformée en plateau pour série policière ou pour le « Sécurithon » !
M. Didier Boulaud. Un mensonge de plus !
M. Pierre-Yves Collombat. Monsieur le ministre de l'intérieur, vous nous conduisez à la catastrophe : 15 000 voitures brûlées en 2000, 45 588 en 2005 et déjà 21 000 au premier semestre 2006.
M. Didier Boulaud. Record battu !
Mme Christiane Hummel. Et combien avant ?
M. Pierre-Yves Collombat. Voilà la mesure de l'échec !
Ma question est donc simple : monsieur le ministre d'État, comptez-vous changer votre politique d'engagement des forces de l'ordre et redéployer une police de proximité dotée de moyens à la hauteur des enjeux ? Pour être clair, comptez-vous enfin faire passer vos obligations de ministre de la République avant vos intérêts de candidat à la présidence de cette même République ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. Veuillez conclure, monsieur Collombat !
M. Pierre-Yves Collombat. Vous m'obligeriez, et avec moi tous mes collègues, en ne vous contentant pas, comme M. Breton, de me rappeler ce que vos prédécesseurs n'ont pas fait ou ce que les autres devraient faire et, surtout, en me répondant ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Christian Estrosi, ministre délégué à l'aménagement du territoire. Monsieur le sénateur, je ne peux que vous inviter à plus de respect pour le ministre d'État, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire (Vives exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.), ainsi qu'à plus de modestie !
En effet, si ce que vous nous réclamez est un retour à la politique de proximité que vous avez conduite en matière d'insécurité entre 1997 et 2002, ...
M. Didier Boulaud. De quel droit vous permettez-vous de dire cela ?
M. Christian Estrosi, ministre délégué. ... politique que certains, dans vos propres rangs, et non des moindres, ont qualifiée de politique de naïveté, je vous rappelle qu'elle a eu pour conséquence une montée de la délinquance entre 1997 et 2002 de 14,5 %.
M. Christian Demuynck. Très bien !
M. David Assouline. Parlez plutôt de ce que vous faites !
M. Didier Boulaud. Parlez pour vous !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Depuis 2002, sous l'impulsion de deux ministres de l'intérieur, Dominique de Villepin et Nicolas Sarkozy, cette délinquance a en revanche baissé de 8,8 %. Voilà la réalité des chiffres ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Didier Boulaud. Mensonges ! Ce sont des mensonges !
M. Jacques Mahéas. Les chiffres sont truqués, tout le monde le sait !
M. Didier Boulaud. Les gens ne vous croient plus !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Vous m'interpellez sur des actions qui ne devraient souffrir aucune polémique, puisqu'elles sont consécutives à des actes d'agressions inqualifiables qui ont eu lieu à l'égard de policiers, tant aux Tarterêts qu'aux Mureaux.
Je veux vous dire, monsieur le sénateur, que vous devriez à cette occasion témoigner plus de respect (Vives protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC)...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Attention, monsieur le ministre délégué !
M. Didier Boulaud. Mais qu'est-ce que c'est que ce ton ?
M. Christian Estrosi, ministre délégué....et manifester votre soutien à des femmes et à des hommes engagés au service de la sécurité des personnes et des biens, qui ont fait un choix de métier et un choix d'engagement pour protéger celles et ceux qui, aujourd'hui, sont victimes.
M. Didier Boulaud. Répondez donc à la question !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Je vous rappelle que nous avions passé le cap des quatre millions de victimes en 2001.
M. Didier Boulaud. Ce n'est pas vrai !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Depuis 2002, nous avons évité à notre pays, par notre politique, un million de victimes. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Scandaleux !
M. Didier Boulaud. Que de mensonges !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Alors, oui, monsieur le sénateur, les Français sauront faire la différence, au moment où nous devons veiller à un meilleur fonctionnement de l'action pénale et de la chaîne pénale, ...
M. Didier Boulaud. Allez dans les commissariats, vous verrez !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. ... entre ce policier des Tarterêts, martyr au visage tuméfié, et ces multirécidivistes qui rentrent en faisant le « V » de la victoire dans leur cité ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Didier Boulaud. C'est scandaleux !
M. le président. La parole est à Mme Sylvie Desmarescaux.
Mme Sylvie Desmarescaux. Ma question s'adresse à M. le ministre délégué à l'aménagement du territoire et concerne le stationnement des gens du voyage. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Depuis la mise en oeuvre de la loi du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure, plus de 200 questions ont été posées par les parlementaires concernant l'accueil des gens du voyage. Le texte est loin d'avoir tout résolu et, malgré l'amélioration de la procédure d'évacuation en cas d'installation illicite des gens du voyage, les problèmes sont restés entiers sur les terrains.
M. Didier Boulaud. Exactement !
Mme Sylvie Desmarescaux. En tant que maire d'une commune du Nord de 3 200 habitants, j'ai été confrontée à cette épineuse question au cours de l'été, avec l'installation sans autorisation d'une cinquantaine de caravanes sur un terrain de sport.
M. Yannick Bodin. Que fait Estrosi ?
Mme Sylvie Desmarescaux. Huit jours auront été nécessaires pour obtenir l'autorisation d'expulser, les frais d'avocat et d'huissier, d'un montant de 1 200 euros, demeurant à la charge de la commune.
M. Yannick Bodin. Que fait Sarkozy ?
M. Didier Boulaud. Rien !
Mme Sylvie Desmarescaux. Très au fait des procédures, les gens du voyage sont partis le septième jour s'installer dans une commune voisine, où le même scénario s'est rejoué.
En tendant à réduire les délais d'expulsion, l'amendement de notre collègue Pierre Hérisson, adopté dans le cadre de l'examen du projet de loi relatif à la prévention de la délinquance, répond en partie à ces problèmes. S'il est définitivement retenu, il appartiendra alors non plus au juge mais au préfet de décider l'évacuation d'un terrain, et ce après une mise en demeure assortie d'un délai d'exécution qui ne pourra être inférieur à vingt-quatre heures. En cas de contestation, le tribunal administratif devra statuer dans un délai de soixante-douze heures à compter de sa saisine.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est anticonstitutionnel !
Mme Sylvie Desmarescaux. Cette nouvelle procédure d'évacuation forcée permettra de réduire de trois jours environ les délais d'expulsion et fera désormais peser sur les gens du voyage, et non plus sur les maires, les formalités de saisine du juge.
Pour autant, elle ne résout pas tous les problèmes. L'accélération de la procédure d'expulsion n'empêche ni la prise de possession illicite des terrains ni les dommages.
La vraie question, vous l'avez vous-même posée ici, monsieur le ministre : comment faire pour empêcher le stationnement illicite des gens du voyage ? L'amendement de notre collègue n'apporte pas de réponse à cette question-là. Il permet juste au préfet d'intervenir a posteriori, une fois les terrains occupés. Or, ce qu'il faut, c'est empêcher a priori les gens du voyage de s'installer là où ils n'y sont pas autorisés.
Monsieur le ministre, si je stationne, en famille, avec un camping-car devant votre ministère, je serai certainement verbalisée et délogée sur-le-champ, ce que je comprends parfaitement.
M. Charles Revet. Très bien !
Mme Sylvie Desmarescaux. Pourquoi n'en va-t-il pas de même pour les gens du voyage ? Pourquoi ne sont-ils jamais verbalisés ? Comment comptez-vous empêcher l'installation illicite des caravanes des gens du voyage ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF. - M. Didier Boulaud applaudit également.)
M. Yannick Bodin. Que fait le Gouvernement ? Rien !
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Christian Estrosi, ministre délégué à l'aménagement du territoire. Madame le sénateur, dans notre pays, 400 000 personnes ont décidé, par tradition, de ne pas vivre de manière sédentaire. Nous respectons leur choix dès lors qu'elles ne troublent pas l'ordre public.
Le problème que vous évoquez appelle une double exigence.
En premier lieu, il faut régler la question des emplacements.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il y a de la place dans les Hauts-de-Seine !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Il existe aujourd'hui dans notre pays 8 000 emplacements réguliers, là où il en faudrait 40 000. Le ministre de l'intérieur, pour répondre à ce problème, a abrogé une circulaire publiée en 2001, sous le gouvernement de M. Jospin (Exclamations sur les travées de l'UMP), qui fixait des critères techniques beaucoup trop contraignants pour l'aménagement de ces emplacements.
M. René-Pierre Signé. Il en a fait des choses, M. Jospin !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. La tâche des maires s'en trouvera dès lors facilitée. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Pour autant, nous n'avons pas l'ambition de remettre en cause la loi Besson du 5 juillet 2000 relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage, qui nous paraît constituer une bonne réponse. Nous voulons au contraire poursuivre en ce sens.
En second lieu, il faut simplifier les procédures d'évacuation. À cet égard, nous ne pouvons que nous réjouir que l'amendement du sénateur Hérisson ait été adopté. Il apporte des réponses importantes.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Non ! Il n'est pas applicable !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Dès l'entrée en vigueur de la loi, l'évacuation des terrains occupés par les gens du voyage pourra se faire plus rapidement et plus efficacement.
De surcroît, je rappelle que la loi du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure a prévu de nouvelles incriminations à l'encontre de ceux qui occupent sans droit ni titre les propriétés d'autrui ou les propriétés publiques.
Ainsi, il est désormais possible de saisir le véhicule automobile tractant une caravane - saisir cette dernière n'est pas possible, car elle est destinée à l'habitation. En outre, le conducteur dudit véhicule peut se voir retirer son permis pour une durée de trois ans. Enfin, l'occupation sans droit ni titre d'un terrain est passible d'une peine d'emprisonnement de six mois.
Madame le sénateur, je conviens que, forts de cette double exigence, nous devrons aller plus loin et être plus vigilants dans l'application de l'ensemble de ces dispositions. Néanmoins, si elles sont systématiquement appliquées, on ôtera toute envie à quiconque d'occuper sans droit ni titre la propriété d'autrui ou la propriété publique. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d'actualité au Gouvernement.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures quinze, sous la présidence de Mme Michèle André.)
PRÉSIDENCE DE Mme Michèle André
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
4
RAPPels au règlement
Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas About, pour un rappel au règlement.
M. Nicolas About. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, il y a une quinzaine de jours, nous adoptions en première lecture le projet de loi relatif à la prévention de la délinquance, en particulier l'hospitalisation sans consentement, dans le but d'améliorer la protection des droits et la sécurité des personnes.
Permettez-moi d'évoquer devant vous des faits précis.
Mardi dernier, à seize heures trente, une personne handicapée, estimant qu'elle était spoliée de ses droits, est venue dénoncer devant l'Assemblée nationale, à l'aide d'une pancarte, le sort que lui réservait l'UNEDIC ; quelques minutes plus tard, elle était saisie par neuf policiers, dont trois en civil, et emmenée à l'hôpital Georges-Pompidou.
À une heure du matin - l'hôpital n'a sans doute pas souhaité le garder -, cet homme a été transporté à l'infirmerie psychiatrique de la préfecture de police, 3, rue Cabanis. Déshabillé, mis en cellule, privé de toute possibilité de joindre ses proches, cet homme est resté jusqu'au lendemain matin à attendre l'arrivée du psychiatre, qui n'aura mis que dix minutes pour reconnaître qu'il n'avait aucun doute sur l'intégrité psychique et psychologique de la personne examinée. Il est regrettable que les policiers ne s'en soient pas aperçus dans le même délai !
Madame la présidente, je souhaite que la souffrance et la solitude des plus faibles ne soient plus prises pour de la folie, et, en tous les cas, que les débats que nous avons et les textes que nous votons servent à les protéger.
Pouvez-vous, madame la présidente, attirer l'attention des ministres de l'intérieur et de la justice sur cette affaire révoltante et faire en sorte que ce qui est arrivé à M. Langeron ne se reproduise plus ? Il est très important de veiller, à l'avenir, à renforcer la protection des personnes.
Je souhaite que des comptes nous soient rendus avant que nous ayons à examiner en deuxième lecture le projet de loi relatif à la prévention de la délinquance. À défaut, nous pourrions adopter d'autres mesures pour mieux protéger les personnes saines. (Applaudissements.)
Mme la présidente. Je vous donne acte de votre rappel au règlement, mon cher collègue. La Haute Assemblée sera attentive aux suites qui seront données à cette affaire.
La parole est à M. le ministre.
M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités. Monsieur About, ce que vous venez de dire est grave. Je ne sais pas quelle connaissance précise vous avez de ces faits, aujourd'hui portés à notre connaissance.
M. Nicolas About. Cet homme est un ami proche !
M. Xavier Bertrand, ministre. Vous avez interpellé les ministres de l'intérieur et de la justice. Je me sens bien évidemment aussi concerné, étant moi-même chargé, en tant que ministre de la santé, de l'AP-HP et donc de l'hôpital Georges-Pompidou.
Il est important, non seulement de faire toute la lumière sur cette affaire, mais aussi de veiller à éviter tout amalgame- je ne parle évidemment pas pour vous, monsieur About -entre la prévention de la délinquance et la prise en charge des plus démunis, en l'occurrence, des plus faibles.
Mais je sais que nous avons en commun, monsieur About, le souci d'éviter toute confusion à cet égard.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales, pour un rappel au règlement.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Avant que nous abordions la suite de nos travaux, je souhaiterais, cette fois en tant que président de la commission des affaires sociales, répondre au rappel au règlement que M. Bel, président du groupe socialiste, a fait avant-hier, pour protester contre la non-inscription à l'ordre du jour réservé du 17 octobre de la proposition de loi déposée par Michel Dreyfus-Schmidt et plusieurs de ses collègues relative aux droits des parents séparés en cas de garde alternée des enfants, prévoyant un partage des allocations familiales entre les détenteurs de l'autorité parentale.
Je voudrais rassurer M. Bel : si la conférence des présidents du 11 octobre décide l'inscription de cette proposition de loi à l'ordre du jour réservé du 17 octobre, la commission des affaires sociales sera tout à fait prête à la rapporter.
Comme je l'ai clairement indiqué lors de la dernière conférence des présidents, nous sommes à la disposition du Sénat.
Mme la présidente. Je vous donne acte de votre rappel au règlement, mon cher collègue. Je vous remercie d'avoir répondu aux interrogations de M. Bel, qui intéressent l'ensemble des sénateurs.
5
Candidature à un organisme extraparlementaire
Mme la présidente. Je rappelle au Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation du sénateur appelé à siéger au sein du conseil d'administration du Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres.
La commission des lois a fait connaître qu'elle propose la candidature de M. Simon Sutour pour siéger au sein de cet organisme extraparlementaire.
Cette candidature a été affichée et sera ratifiée, conformément à l'article 9 du règlement, s'il n'y a pas d'opposition à l'expiration du délai d'une heure.
6
Création d'un ordre national des infirmiers
Adoption d'une proposition de loi
Mme la présidente. L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, portant création d'un ordre national des infirmiers (nos390, [2005-2006], 1).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités. Madame la présidente, monsieur le président de la commission, madame le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, la proposition de loi que vous allez examiner est un texte attendu, très attendu, par les 460 000 infirmiers et infirmières de notre pays. Il créera l'ordre national des infirmiers, dont les représentants, élus par la profession, seront chargés d'élaborer les règles de déontologie, de les faire respecter et de concourir à la diffusion des règles de bonne pratique professionnelle.
Cette proposition de loi a été adoptée par les députés des groupes UMP et UDF à l'Assemblée nationale. Je veux ici rendre hommage au travail d'écoute et de concertation du rapporteur à l'Assemblée nationale, Mme Maryvonne Briot, et de l'auteur de la proposition de loi, M. Richard Mallié. Ce travail a permis d'élaborer un texte qui correspond aux attentes de la profession.
L'ordre des infirmiers doit répondre aux aspirations de l'ensemble des infirmiers, quels que soient leur statut ou leur mode d'exercice.
La profession infirmière occupe une fonction centrale dans la chaîne de soins. Au sein des établissements de santé, en collaboration avec les médecins qui y exercent, les infirmiers mettent en oeuvre des techniques et des protocoles toujours plus pointus, qui nécessitent des compétences et une formation toujours plus spécialisées. En exercice libéral ou au sein des services de soins à domicile, ils sont des intervenants essentiels pour le maintien à domicile des personnes les plus âgées et les plus faibles.
Les infirmiers et infirmières jouent également un rôle décisif dans toute politique de prévention ambitieuse. Leur implication est indispensable dans l'éducation thérapeutique et le suivi des malades chroniques, et l'apport de leur culture du soin est primordial dans la prise en charge des malades en soins palliatifs.
Les infirmiers et infirmières attendent donc une reconnaissance de leur profession à la hauteur de leur apport au système de santé. Ils veulent en maîtriser les enjeux éthiques, comme ceux qui portent sur la qualité de leur pratique.
Le texte qui vous est proposé répond à ces attentes. Fruit de la concertation engagée à ma demande par M. Édouard Couty et de celle menée à l'occasion de l'examen de la proposition de loi par le Parlement, ce texte traduit avant tout une volonté d'équilibre.
Le premier point de cet équilibre a trait au champ de compétence de l'ordre. Cet ordre sera chargé d'élaborer les règles de déontologie régissant les rapports entre infirmiers et patients et entre infirmiers eux-mêmes. Il sera également chargé de les faire respecter, au travers des chambres disciplinaires. Mais la compétence de l'ordre ne s'arrête pas là ; il est aussi chargé, avec la Haute autorité de santé, d'organiser l'évaluation des pratiques professionnelles et de diffuser les règles de bonne pratique. Il pourra enfin contribuer au débat, important, sur l'évolution de la démographie de la profession.
Les missions de l'ordre sont ainsi clairement distinctes de celles des syndicats qui, pour les salariés comme pour les infirmiers libéraux, conservent bien entendu leur pleine vocation de défense des intérêts des professionnels.
Le deuxième point de cet équilibre a trait à la représentation, au sein de l'ordre, des divers modes d'exercice. L'ordre doit assurer une représentation à la fois unitaire et fidèle de la profession. L'objectif est, je crois, atteint. Les conseillers ordinaux seront élus au sein de trois catégories représentant les trois principaux modes d'exercice - les salariés du secteur public, ceux du privé et les infirmiers libéraux -, mais aucune catégorie n'aura à elle seule la majorité des sièges, ce qui garantit la prise en compte des aspirations de l'ensemble de la profession.
Représentant l'ensemble des infirmiers, l'ordre devra être financé, pour assurer son indépendance, par une cotisation de tous les professionnels. Cette cotisation devra être modique - j'ai eu l'occasion de l'indiquer à différentes reprises -, c'est-à-dire forcément symbolique.
Le troisième point d'équilibre porte sur la structuration de l'ordre en trois échelons, départemental, régional et national. La concertation préalable à la loi a en effet montré le besoin de structures de proximité et d'un échelon départemental, qui se justifie largement par le nombre des professionnels et leur répartition sur le territoire.
La commission des affaires sociales, y compris vous-même, madame le rapporteur, s'est appuyée sur ces trois lignes de force pour améliorer la cohérence d'ensemble du texte. Je veux saluer tout particulièrement votre travail, madame Desmarescaux, un travail méthodique et approfondi qui s'accompagne d'une véritable vision des enjeux de la profession.
Je voulais mentionner un quatrième point, essentiel, mais qui ne figure pas dans ce texte, puisqu'il peut être mis en oeuvre par voie réglementaire. J'ai évoqué la mission de concertation confiée à M. Édouard Couty. Ses conclusions étaient claires : elles préconisaient à la fois la création d'un conseil national infirmier chargé de représenter la profession, d'établir ses règles déontologiques et de les faire respecter, et la création d'un haut conseil des professions paramédicales, destiné à remplacer l'actuel Conseil supérieur des professions paramédicales, qui n'est plus adapté.
Certains ne voudraient que d'un ordre sans conseil interprofessionnel, d'autres que d'un conseil interprofessionnel sans ordre. Les deux sont en fait indispensables. Au fur et à mesure que les professions se structurent, masseurs-kinésithérapeutes, pédicures-podologues, infirmiers maintenant, le besoin d'une organisation interprofessionnelle plus forte, traitant des sujets communs à l'ensemble des professions, est plus grand.
Toutes les organisations membres du Conseil supérieur des professions paramédicales ont été consultées. Comme je m'y étais engagé, le décret nécessaire à la création d'un haut conseil des professions paramédicales cheminera parallèlement à cette proposition de loi et sera publié avant la fin de l'année.
Je voudrais, à ce stade, évoquer un autre conseil interprofessionnel, le Conseil interprofessionnel des professions paramédicales, créé par la loi du 4 mars 2002. Il n'a jamais fonctionné et la création des ordres propres aux masseurs-kinésithérapeutes, aux podologues et aux infirmiers le rend de fait caduc. Vous allez proposer, madame le rapporteur, d'en tirer toutes les conséquences et de supprimer ces dispositions. Sachez d'avance que le Gouvernement vous soutiendra dans cette initiative.
La création de cet ordre, mesdames, messieurs les sénateurs, n'est que l'un des aspects de la politique que nous menons pour valoriser à sa juste mesure le métier d'infirmier.
Vous allez dans quelques semaines examiner le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Il comportera une disposition attendue par la profession, la reconnaissance du droit de prescrire des dispositifs médicaux. C'est une mesure de reconnaissance de la pleine compétence des infirmiers dans ce domaine, c'est aussi une mesure de simplification pour les infirmiers, les médecins et les patients. Ce premier pas en appelle d'autres, qui devront être largement concertés avec les différentes professions.
La valorisation de la profession passe également par une politique sociale et statutaire plus ambitieuse. S'agissant des infirmiers exerçant en établissement de santé, je viens de conclure le cycle de négociations entamé le 27 janvier dernier avec l'ensemble des organisations syndicales représentatives de la fonction publique hospitalière. Un protocole d'accord sera proposé à leur signature le 19 octobre prochain.
Nous aurons dans les prochaines années à faire face à un choc démographique sans précédent puisque la moitié ou presque des effectifs hospitaliers partiront à la retraite d'ici à 2015.
Il nous faut tout faire pour donner envie non seulement d'entrer dans la profession, mais aussi et surtout de rester dans la profession, car notre volonté, donc notre politique, est d'éviter dans les années qui viennent toute crise des vocations. Mon ambition est à la fois d'agir sur le début des carrières et de prolonger la réflexion sur les fins de carrière.
Pour valoriser ces métiers, nous comptons non seulement rénover les statuts, améliorer le déroulement de carrières et le régime indemnitaire, mais aussi agir sur les conditions de travail.
Nous voulons ainsi réactiver les contrats locaux d'amélioration des conditions de travail pour, entre autres choses, réduire la pénibilité - mot qui pour moi n'est pas tabou s'agissant des infirmiers et infirmières -, prévenir les risques professionnels, la violence, et garantir l'hygiène et la sécurité au travail.
Nous comptons aussi donner accès à des facilités comme les crèches, par exemple en mutualisant plus que ce n'est le cas aujourd'hui les crèches relevant des établissements hospitaliers, de l'État ou des collectivités territoriales, voire des entreprises privées. J'envisage aussi d'améliorer l'accès au logement, en particulier dans les régions où les loyers sont élevés, notamment par la construction de logements sociaux locatifs supplémentaires.
Nous devons ainsi créer un meilleur environnement professionnel, car nous savons bien qu'aucun discours ne suffira si les choses ne changent pas sur le terrain. Notre objectif est donc de faciliter l'entrée dans la profession, mais aussi de penser tout particulièrement à la seconde partie de la carrière, et vous m'excuserez d'y insister autant ; car, même si les motivations sont intactes, on n'a pas forcément les mêmes capacités de travail à vingt-cinq ou à cinquante-deux ans, en raison notamment de la pénibilité que j'évoquais à l'instant.
Nous devons montrer que les choses changent pour les hospitaliers. C'est pourquoi le métier d'infirmier aura toute sa place dans la grande campagne de valorisation des métiers de l'hôpital qui sera lancée le 9 octobre prochain.
Tout cela participe de notre volonté de créer des conditions favorables au recrutement et à la pérennisation de l'emploi infirmier.
Vous savez combien je suis sensible à la question de la démographie des professions de santé ; aussi, je souhaite que nous analysions les besoins de la profession pour les années à venir, région par région. Je veux être sûr, tout comme vous, que le quota de places en instituts de formation en soins infirmiers, IFSI, actuellement fixé à 30 000, est bien suffisant, non seulement pour aujourd'hui ou demain, mais aussi pour après-demain. Je demanderai donc dans les semaines à venir à un conseiller général des établissements de santé d'expertiser cette question, bien sûr dans un cadre concerté, et de porter toute son attention sur les infirmiers spécialisés, en particulier les infirmiers anesthésistes et les infirmiers de bloc opératoire diplômés d'État, les IADE et les IBODE, ainsi que sur ceux qui choisissent de travailler en psychiatrie. Car il ne sera plus temps, dans cinq ans ou dans dix ans, de regretter de ne pas avoir accepté aujourd'hui de relever ces quotas : je veux que la question soit tranchée dès maintenant.
S'agissant des infirmières libérales, il est indispensable que les négociations entre l'assurance maladie et la profession débutent rapidement - débutent enfin. L'enquête de représentativité, qui doit déterminer les syndicats habilités à négocier avec l'assurance maladie, sera achevée au mois d'octobre. Par ailleurs, je viens d'écrire au directeur général de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie, l'UNCAM, afin qu'il engage immédiatement les négociations avec les syndicats représentatifs, que ce soit sur l'évolution des indemnités kilométriques, sur l'évolution de la nomenclature, ou encore sur le développement de la démarche de soins infirmiers. C'est avant tout une question de reconnaissance pour ces professionnels.
M. Charles Revet. C'est tout à fait important !
M. André Ferrand. Très bien !
M. Xavier Bertrand, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, il s'agit d'un moment important pour les infirmiers et infirmières de France, celui qui confère à leur profession le moyen de s'organiser de façon autonome et de prendre davantage leur avenir en main. C'est cet ordre, porteur des valeurs essentielles de la profession, l'humanisme, l'éthique, le professionnalisme, l'attention au patient, que vous êtes appelés à créer aujourd'hui. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Charles Revet. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Sylvie Desmarescaux, rapporteur de la commission des affaires sociales. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que l'ordre du jour nous conduit à examiner aujourd'hui a pour objet de créer un ordre professionnel pour les 450 000 infirmiers que compte notre pays.
Sans qu'il faille en faire un argument décisif, l'aspect numérique du débat n'est pas négligeable. À titre de comparaison, l'effectif des infirmiers équivaut au double de celui des médecins ; il est aussi infiniment supérieur à celui des pharmaciens, des sages-femmes, des masseurs-kinésithérapeutes et des pédicures-podologues, autant de professions qui disposent déjà d'une structure ordinale pour leur représentation, la fixation des règles déontologiques et le règlement des contentieux disciplinaires.
L'absence d'un ordre infirmier apparaît plus singulière encore au regard du rôle dévolu aux infirmiers dans le système de santé, notamment auprès des malades âgés ou en soins palliatifs et dans les domaines de la prise en charge de la douleur et de la prévention, rôle d'ailleurs reconnu et renforcé par la loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique, qui a favorisé le développement des délégations de soins entre professionnels de santé.
Plus que jamais, la profession d'infirmier a donc besoin aujourd'hui d'une meilleure reconnaissance, en cohérence avec les fonctions qu'elle assume désormais, et d'un cadre déontologique adapté aux nouveaux enjeux de qualité et de permanence des soins. De fait, le respect des règles éthiques et des bonnes pratiques professionnelles est loin d'être assuré, la fixation des principes déontologiques par les décrets de 1993 ne s'étant pas accompagnée de la création d'une instance de contrôle et de sanction.
Devant ce constat, la mise en place d'un ordre professionnel constitue depuis plusieurs dizaines d'années une revendication forte des infirmiers libéraux, qui, plus que leurs confrères exerçant en établissement de santé, sont confrontés aux carences de la profession en matière tant de discipline interne que de représentativité.
Depuis 1996, cette attente s'est traduite par plusieurs initiatives parlementaires, dont aucune à ce jour n'a abouti. La raison de ces échecs a longtemps tenu aux réticences d'une partie de la profession. Je rappelle que celle-ci comporte une part largement majoritaire d'agents publics travaillant dans les hôpitaux et de salariés des établissements de santé privés, les infirmiers libéraux, fervents défenseurs d'une structure ordinale, représentant moins de 15 % de la profession. Or, les fonctionnaires et les salariés, qui disposent déjà d'un cadre disciplinaire défini par leurs statuts, ont longtemps considéré comme inutile et coûteuse la création d'une telle instance.
Cependant, ces positions de principe ont fortement évolué, et un consensus s'est progressivement dégagé sur le caractère insuffisant du système institutionnel actuel, sur les carences présentées par la procédure disciplinaire et sur la nécessité de mieux reconnaître l'identité et la compétence professionnelle des infirmiers. Telles sont aussi les conclusions de la mission de médiation que vous avez mise en place, monsieur le ministre, au début de cette année.
La proposition de loi adoptée par l'Assemblée nationale le 13 juin dernier constitue la traduction législative de ce nouveau consensus puisqu'elle vise la création d'un ordre national des infirmiers chargé des traditionnelles missions ordinales de contrôle de la déontologie et de défense des intérêts de la profession, mais aussi du suivi de la démographie et de l'évaluation des pratiques professionnelles.
Ainsi, les infirmiers français disposeront enfin, comme la plupart de leurs homologues européens, d'une instance capable de les représenter aux niveaux national et international. C'est désormais nécessaire, ne serait-ce que si l'on se réfère à la situation de la France au sein du Conseil international des infirmiers, qui compte 112 membres : en raison de la fragmentation des associations représentatives nationales, notre pays n'y occupe aujourd'hui que la 37e place, alors qu'il est celui où exercent le plus d'infirmiers.
L'ordre rassemblera de manière obligatoire l'ensemble des infirmiers, à l'exclusion des infirmiers militaires. Il assurera ses missions, comme l'a précisé M. le ministre, par le biais de trois échelons territoriaux - départemental, régional et national - et sera financé par la cotisation de ses membres.
Ses conseils comprendront chacun un nombre égal de membres titulaires et suppléants, calculé en fonction du nombre de professionnels établis sur leur territoire. Ceux-ci les éliront par catégorie : fonctionnaires, salariés du secteur privé ou infirmiers libéraux. À cet égard, l'Assemblée nationale a souhaité qu'aucune catégorie professionnelle, quelle que soit son importance numérique, ne puisse détenir la majorité des sièges afin d'éviter une surreprésentation des fonctionnaires dans les instances ordinales.
S'il est prévu que le conseil départemental soit plus particulièrement chargé des missions administratives de l'ordre, le règlement des contentieux sera confié aux conseils régionaux et au conseil national. Le conseil régional comprendra ainsi en son sein une chambre disciplinaire de première instance, compétente pour les infirmiers libéraux et les fonctionnaires qui seront déférés par les autorités habilitées. Pour les salariés du privé, l'employeur sera seulement tenu de prévenir le président du conseil national de toute sanction disciplinaire prononcée en raison d'une faute professionnelle. Le conseil national de l'ordre, pour sa part, comprendra une chambre disciplinaire nationale d'appel dont les décisions seront susceptibles de recours devant le Conseil d'État.
J'observe enfin que, si la proposition de loi ne mentionne plus l'existence de conseils interrégionaux - on a sans doute estimé, et c'est assez légitime, que la région constitue le seul échelon pertinent pour la mise en oeuvre des politiques de santé -, elle a conservé les références aux interrégions existant pour les autres ordres professionnels. Il en résulte que la possibilité de créer de telles instances pour l'ordre des infirmiers demeure. La commission s'en félicite dans la mesure où la plupart des ordres sont aujourd'hui dotés de ce type de structures lorsque le nombre de praticiens est trop faible sur un territoire donné : c'est notamment le cas outre-mer, où des conseils interrégionaux existent, par exemple pour les médecins et les chirurgiens-dentistes de la Réunion-Mayotte et des Antilles-Guyane.
À ce sujet, monsieur le ministre, la commission, sollicitée par les infirmiers et les élus de Nouvelle-Calédonie, souhaite que le projet de loi relatif à l'outre-mer que nous serons amenés à examiner dans les prochaines semaines prévoie la possibilité de créer en Nouvelle-Calédonie un ordre des infirmiers qui dépendrait du conseil national de l'ordre de métropole pour les questions disciplinaires.
Les auditions organisées par la commission ont révélé l'ampleur des besoins des infirmiers et l'ont convaincue de l'utilité de créer une instance ordinale. Elle proposera toutefois d'améliorer son dispositif sur deux points : par souci d'efficacité, d'abord, et pour organiser la compétence disciplinaire du futur ordre à l'égard de l'ensemble de la profession, en prévoyant que les infirmiers salariés du secteur privé relèvent aussi de ses chambres disciplinaires en cas de faute professionnelle ; par souci de cohérence, ensuite, en suggérant de supprimer le conseil national des professions paramédicales.
Ce dernier conseil, créé par la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, n'ayant jamais vu le jour faute de décrets, la participation des infirmiers y est totalement virtuelle. Dans le texte qui nous est soumis, il est proposé que, lorsque les infirmiers auront un ordre, ils seront exclus de cette instance, ce qui paraît logique. Pourtant, une option différente avait été retenue en 2004 pour les masseurs-kinésithérapeutes et les pédicures-podologues : malgré la création de leurs ordres respectifs, ils sont demeurés membres de l'assemblée interprofessionnelle du conseil. La situation ubuesque qui résulte aujourd'hui de la succession de textes relatifs à la représentation des professions paramédicales appelle à mon sens une solution radicale : la suppression d'un conseil qui ne me semble plus être de grande utilité.
En effet, les orthophonistes et les orthoptistes, dorénavant les seules professions paramédicales dépourvues de structure ordinale, nous ont fait savoir qu'ils préfèrent que les règles déontologiques soient fixées par la voie réglementaire et que le respect en soit assuré par l'autorité judiciaire. Nous souhaitons, monsieur le ministre, que vous puissiez prendre l'engagement devant la Haute Assemblée de satisfaire sans délai cette exigence légitime.
Je voudrais, pour conclure, saluer le travail de concertation mené depuis plusieurs mois par nos collègues députés Maryvonne Briot et Richard Mallié avec les associations et les syndicats infirmiers, ainsi qu'avec vous, monsieur le ministre.
La possibilité est envisagée d'organiser les premières élections ordinales dès le premier semestre de l'année prochaine. Nous souhaitons que cette échéance puisse être respectée. C'est pourquoi, mes chers collègues, au nom de la commission des affaires sociales, je vous invite à adopter cette proposition de loi, attendue par une profession dont nous reconnaissons tous le rôle essentiel dans notre système de santé. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
Motion d'ordre
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Pardonnez-moi, madame la présidente, d'interrompre quelques instants la discussion générale, mais je me dois d'indiquer d'emblée notre souhait de modifier l'organisation de nos débats.
En examinant les amendements extérieurs, la commission des affaires sociales a en effet constaté que, sur l'article 1er, trente et un d'entre eux se trouvaient en discussion commune du fait de l'existence d'un amendement de suppression, portant le numéro 20, présenté par Claude Domeizel. C'est là une situation classique, résultant d'une procédure traditionnelle, mais qui, en l'espèce, risque de rendre bien complexes la discussion et le vote de cet article.
C'est pourquoi je demande au Sénat de bien vouloir accepter de disjoindre l'examen de cet amendement de suppression. Ainsi, nous l'examinerions en premier lieu et, s'il devait ne pas être adopté par notre assemblée, nous procéderions à l'examen des amendements suivants dans l'ordre du texte, soit un par un lorsqu'ils se rapportent à des sujets distincts et que leur vote reste sans effet sur les autres, soit en discussion commune lorsqu'ils relèvent d'une même thématique.
Je précise que, lors de la réunion de la commission des affaires sociales, j'ai informé de cette démarche nos collègues de tous les groupes, notamment ceux du groupe socialiste, dont émane l'amendement n° 20. Je crois pouvoir dire qu'ils ont partagé cette analyse et soutenu la solution que je préconise.
M. Jean-Pierre Godefroy. Je le confirme !
Mme la présidente. Il n'y a pas d'opposition ?...
Il en est ainsi décidé.
Discussion générale (suite)
Mme la présidente. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe Union pour un mouvement populaire, 47 minutes ;
Groupe socialiste, 32 minutes ;
Groupe Union centriste-UDF, 14 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 11 minutes.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Madame la président, monsieur le ministre, mes chers collègues, quoi que certains nous en disent, la proposition de loi que nous nous apprêtons à examiner ne fait pas consensus. Pour preuve, c'est déjà la troisième fois depuis le début de cette législature que le Parlement est saisi de la création d'un ordre national des infirmiers !
Jusqu'à présent, monsieur le ministre, vous encouragiez les assemblées à reporter à plus tard l'examen de cette question,...
M. Guy Fischer. ...mais le rapport de force semble aujourd'hui avoir évolué : il est apparemment devenu plus favorable à quelques organisations d'infirmières et d'infirmiers libéraux qui, bien qu'ultraminoritaires, ont néanmoins réussi à nous imposer à nouveau ce débat...
Certes, la profession infirmière est confrontée à de nombreuses difficultés, principalement en matière de reconnaissance, de formation, de statut ou encore de salaire, et les réformes nécessaires sont nombreuses, ne serait-ce que parce que ce métier évolue en permanence, avec la science mais aussi avec la société dans son ensemble.
Cette profession subit d'importantes mutations, souvent contre son gré : elle est à notre sens l'une des nombreuses victimes de la politique de santé publique menée par la présente majorité.
D'un côté, les infirmiers se trouvent déqualifiés et mis en concurrence avec d'autres professions,...
M. Guy Fischer. ...en particulier dans le domaine des services à la personne, évolution qui se produit malheureusement parfois au détriment de la qualité des soins dispensés aux personnes âgées, privées du savoir-faire des infirmiers et infirmières.
M. Guy Fischer. La situation est particulièrement difficile, parfois même dramatique, dans les EPAD, les établissements pour personnes âgées dépendantes.
D'un autre côté, les infirmiers et infirmières sont de plus en plus sollicités pour pallier les manques de médecins - vous avez d'ailleurs formulé à cet égard des propositions qui seront examinées dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale dans quelques semaines - ou de personnels spécialisés et voient ainsi augmenter, bien malgré eux, les risques qu'ils encourent en termes de responsabilité. Encore convient-il d'ajouter que ces responsabilités sont assumées en toute connaissance de cause, comme nous avons pu le constater lors des auditions.
Les infirmiers voient ainsi, hélas ! leur profession « écartelée » par les incohérences des politiques menées par cette majorité.
Il est toutefois regrettable que certains veuillent utiliser les difficultés professionnelles auxquelles ils sont confrontés ou leurs légitimes interrogations face à l'avenir pour imposer la création d'un ordre infirmier qui ne sera au service que du plus petit nombre.
Non seulement la création d'un ordre ne se justifie d'aucune manière mais on est en droit de craindre qu'elle n'amène pour l'immense majorité de ces professionnels bien plus de difficultés que d'améliorations.
Nous rejoignons les organisations syndicales et les associations d'infirmiers, qui estiment à la quasi-unanimité...
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Combien de professionnels représentent-elles ?
M. Guy Fischer. ...que la création de cet ordre ne répondra pas du tout efficacement aux nombreuses interrogations auxquelles est soumise cette profession.
Si la création d'un ordre ne se justifie aucunement, cela s'explique avant tout par la répartition professionnelle.
Sur 460 000 professionnels, tous secteurs confondus, seuls 80 000 relèvent exclusivement du secteur libéral, ce qui signifie que près de 86 % des infirmiers exercent en établissements, publics ou privés.
Or il n'est pas inutile de rappeler après Mme le rapporteur que les ordres, comme l'ordre des médecins ou celui des sages-femmes, se justifient ou se sont justifiés dans le passé par la spécificité de professions exercées presque exclusivement de manière libérale.
M. Jean-Jacques Jégou. C'est faux !
M. Guy Fischer. Pour ces professions, l'existence d'un ordre pouvait trouver sa justification dans la nécessité de pallier les carences liées à l'absence de structures collectives.
On est bien loin de ces cas avec les infirmiers : le monde infirmier ne souffre certainement pas d'une absence de structures ou d'encadrement puisque le métier s'exerce déjà dans des cadres institutionnels très réglementés, que ce soit dans le domaine public ou dans les établissements privés.
Je relèverai quelques points spécifiques.
L'ordre aurait compétence pour étudier les questions concernant l'exercice de la profession.
Mais les règles professionnelles existent déjà, qu'elles soient fixées par les statuts de la fonction publique ou par les conventions collectives !
J'ajoute que, avant les regroupements, 120 associations professionnelles ou syndicales représentaient les infirmiers.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C'est beaucoup !
M. Guy Fischer. L'ordre aurait des compétences en matière disciplinaire.
Mais les infirmiers sont déjà soumis, en cas de faute ou de présomption de faute, au conseil de discipline ou aux autres instances judiciaires !
La loi, et notamment les procédures pénales qu'elle prévoit, encadre déjà le travail des infirmières et infirmiers. Pourquoi ajouter encore une instance de discipline ?
Et ce n'est pas tout : l'ordre aurait compétence pour préparer un code de déontologie.
Mais, là encore, les bases légales existent déjà puisque les règles professionnelles sont définies dans un texte qui constitue un véritable code de déontologie.
Enfin, l'ordre pourrait organiser toute oeuvre d'entraide et de retraite.
Mais les infirmiers peuvent, comme tous les autres citoyens, disposer du système de solidarité nationale. Pourquoi mettre en place des dispositifs annexes ou subsidiaires s'ajoutant à ceux qui existent ?
Décidemment, la création de cet ordre paraît bien hors de propos au regard des questions qu'il faudrait aborder, et il est regrettable que ce débat vienne court-circuiter les discussions de fond sur le métier infirmier.
Ce métier est en pleine mutation. Les moyens sont de plus en plus insuffisants alors que les besoins vont croissant. La population est vieillissante et la question de la dépendance se pose avec force. La précarité et la pauvreté qui, malheureusement, s'étendent dans notre pays conduisent aussi à l'augmentation des besoins en soins.
Parallèlement à ces besoins matériels et humains en hausse, les infirmiers et infirmières subissent de plein fouet les restrictions budgétaires et sont contraints de soumettre leurs pratiques à des objectifs d'économie et de rentabilité.
Il est regrettable d'opposer, de mettre dos à dos infirmiers libéraux et infirmiers salariés, ou encore infirmiers du secteur public et infirmiers du secteur privé. Cela ne correspond pas à la réalité, car, sur le terrain, il n'y a pas d'opposition de cette sorte entre les différentes organisations de personnels, qu'elles soient syndicales ou associatives.
Il est regrettable d'exploiter le malaise d'une profession attaquée de toute part dans ses fondements en montant les catégories professionnelles les unes contre les autres.
La création de cet ordre infirmier ne va décidemment pas dans le bon sens : au-delà des différents points que je viens d'aborder, comment justifier le caractère obligatoire de la cotisation pour adhérer à l'ordre ?
C'est un bouleversement profond et sans réelle justification de l'organisation de la profession. D'ailleurs, ce dont nous discutons est pratiquement ignoré par le plus grand nombre.
L'entrée dans le métier se faisait jusqu'à présent par l'obtention d'un diplôme, garant d'un niveau de qualifications et de compétences spécifiques. Avec l'adhésion obligatoire à l'ordre pour pouvoir exercer, on ajoute une étape supplémentaire qui ne se justifie aucunement.
Surtout, si l'adhésion est obligatoire, elle met en cause le libre droit de se syndiquer ou d'adhérer à une association quelconque. Qu'est-ce qui justifie une telle mise en cause des libertés fondamentales ?
Enfin, cette cotisation obligatoire, dont le montant pourrait être fixé à 40 euros, constituera une lourde charge supplémentaire pour des personnels dont le niveau de rémunération n'est pas très élevé.
Si cet ordre ne remplit des fonctions d'aide et de soutien qu'au bénéfice des personnels libéraux, pourquoi rendre cette cotisation obligatoire pour tous ? Pourquoi tous devraient-ils adhérer à une instance qui risque de surcroît de se révéler un outil de surveillance et de contrainte supplémentaire au lieu d'un outil de défense des droits ?
L'exemple des professions dans lesquelles existe un ordre devrait d'ailleurs plutôt nous inciter à nous méfier des risques que ferait peser sur les infirmiers la création d'un nouvel ordre.
Ainsi, pour les masseurs-kinésithérapeutes, le montant des cotisations ne cesse de s'élever - il doit passer à 200 euros l'an prochain - et l'ordre demande de plus en plus de moyens. Il serait étonnant qu'il n'en aille pas de même pour les infirmiers puisque l'on reçoit des demandes de budgets supplémentaires pour le fonctionnement de leur ordre alors que celui-ci n'est pas même créé !
Pourquoi ne pas donner des moyens aux organisations existantes plutôt que de créer une instance qui est loin d'avoir fait ses preuves dans les autres professions ? Je souligne par ailleurs que, depuis plusieurs années, un nombre croissant de médecins refusent de payer leur cotisation à l'ordre pour dénoncer l'inefficacité et l'opacité du système.
Plus généralement, l'expérience montre que les ordres s'occupent surtout de discipline et qu'ils laissent souvent le professionnel seul responsable des difficultés de son métier.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est sûr !
M. Guy Fischer. En raison justement des difficultés, matérielles et humaines, croissantes d'exercice des professions médicales, nous nous opposons à l'instauration d'un organe supplémentaire de sanction des personnels qui ne prendrait pas en compte le cadre dans lequel leur métier s'exerce mais qui les ramènerait sans cesse à leur manquement à « l'honneur » de leur profession.
Cette individualisation des rapports professionnels est, ici comme ailleurs, dangereuse pour les travailleurs.
Si la majorité souhaite s'intéresser pleinement aux conditions d'exercice et de représentativité du monde infirmier, elle ferait mieux de renforcer les structures existantes, principalement en leur donnant de véritables moyens budgétaires pour leurs actions.
Je veux parler en particulier du Conseil supérieur des professions paramédicales, qui appelle à être rénové.
Le caractère « transprofessionnel » de ce conseil répond déjà plus directement aux enjeux de la médecine actuelle que le repli sur des logiques corporatistes.
De surcroît, les infirmiers de toute catégorie sont représentés dans ce conseil, et ce n'est pas parce que le Gouvernement freine à dégager les moyens nécessaires pour le rendre vraiment efficace qu'il faut le condamner et le rendre carrément inopérant.
Les structures existantes sont nombreuses ; elles sont le fruit de la longue histoire de la construction des professions paramédicales. Plutôt que d'imposer un ordre infirmier, il faut au contraire augmenter les moyens des structures existantes et mettre en place une véritable démocratie sanitaire en renforçant la représentativité des personnels, des syndicats et des associations professionnelles.
Nous demandons aussi que la profession se démocratise dans le domaine de la formation, par l'extension du droit aux formations continues et par des recrutements de personnels en nombre suffisant à l'issue de la formation initiale.
Ces différentes demandes ne seront certainement pas relayées par un ordre infirmier soucieux des intérêts d'une minorité. C'est pourquoi, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voterons résolument contre ce texte à l'opposé des attentes des personnels infirmiers.
Loin de nier la nécessité d'améliorer les conditions de travail et les moyens qu'il conviendrait de donner aux infirmières et aux infirmiers, nous croyons que, tout comme nous, ces derniers sont déçus de constater que, une fois encore, les enjeux de leur profession sont réduits à la question de la création d'un ordre. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je dois vous avouer mon scepticisme à l'égard de la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui. Ce n'est sans doute pas une surprise pour vous, monsieur le ministre !
Ce scepticisme est d'ailleurs général à l'égard des ordres, je dois bien le reconnaître,...
M. Jean-Pierre Godefroy. ...mais il est surtout dû à l'opportunité et à la méthode choisie pour la création de cet ordre-ci.
La France compte aujourd'hui 460 000 infirmiers, qui exercent dans nos hôpitaux, dans nos cliniques ou en libéral. Cela en fait la profession de santé la plus importante.
M. Jean-Pierre Godefroy. Le rôle des infirmiers est essentiel dans la chaîne de soins, c'est évident. Leur professionnalisme et le dévouement en font également l'une des professions les plus appréciée de nos concitoyens.
M. Guy Fischer. C'est vrai !
M. Jean-Pierre Godefroy. Aujourd'hui, les infirmières et les infirmiers demandent la reconnaissance de leur identité et de leurs compétences ; c'est bien la moindre des choses. Or cela justifie-t-il pour autant la création d'un ordre ? À mon sens, la réponse est non, et ce pour plusieurs raisons.
La première raison concerne le rôle des infirmiers. Celui-ci ne se conçoit qu'au sein des équipes de soins. L'infirmier n'intervient en effet jamais seul auprès du patient ; son action est coordonnée, en fonction de la pathologie du patient, avec celle d'autres professionnels paramédicaux tels les aides-soignants, les kinésithérapeutes, etc. L'évolution du métier et des compétences des infirmiers impose non pas le refuge dans des corporatismes, mais le développement d'organisations interdisciplinaires aptes à évaluer les pratiques et à élaborer des règles professionnelles tournées vers un but commun : améliorer la qualité de notre système de santé.
C'est d'ailleurs ce que prévoyait l'article 71 de la loi du 4 mars 2002 relative au droit des malades et à la qualité du système de santé en instituant un conseil interprofessionnel des professions paramédicales regroupant les infirmiers, les masseurs-kinésithérapeutes, les orthophonistes, les orthoptistes et les pédicures-podologues. En 1998, le rapport Brocas, puis, en 2000, le rapport Nauche considéraient qu'il s'agissait là de la mesure « la plus rationnelle pour réaliser les objectifs fixés - règles communes, représentation nationale et régionale des professions, promotion du service rendu - en permettant une représentation collégiale et unifiée des professionnels paramédicaux ».
De par sa composition et ses missions, ce conseil interprofessionnel permettait ainsi d'exercer à la fois les fonctions traditionnelles dévolues aux ordres et des fonctions comparables à celles que remplissent les unions régionales des médecins libéraux. Au-delà des schémas classiques, ce conseil permettait d'innover et de moderniser la représentation de ces professions.
Je rappelle, à cet égard, qu'en 2002 la commission des affaires sociales avait jugé la création de ce conseil interprofessionnel tout à fait pertinente et que, dans son ensemble, la loi Kouchner avait été votée de manière consensuelle. Un changement de législature est malheureusement intervenu par la suite et, pendant ces cinq années, la volonté du Parlement n'a pas été respectée. Sans doute allez-vous me dire, monsieur le ministre, que le Parlement est saisi à nouveau de ce problème ; c'est vrai. Néanmoins, faire l'impasse pendant cinq ans, soit tout au long d'une législature, sur la volonté exprimée par celui-ci, rendant de ce fait son rôle inopérant...
M. Jean-Pierre Godefroy. ...et son vote non pas caduc, mais sans effet, est pour le moins contestable et nous conduit à nous interroger véritablement sur le rôle exact du Parlement.
M. Guy Fischer. C'est sûr !
M. Jean-Pierre Godefroy. Sans doute serait-il souhaitable d'avoir un vaste débat sur les décrets, mais cela fera certainement l'objet d'une autre discussion au sein de cet hémicycle.
M. Jean-Pierre Godefroy. Ni vos prédécesseurs ni vous-même, monsieur le ministre de la santé, n'avez depuis cinq ans publié les décrets d'application de la loi de 2002, pourtant nécessaires. Vous êtes donc en partie responsable du vide dont vous vous prévalez aujourd'hui.
M. Guy Fischer. Eh oui !
M. Jean-Pierre Godefroy. Pire, vous vous êtes empressé de vider cet article de son sens en créant un ordre des masseurs-kinésithérapeutes, qui concerne 50 000 personnes, et un ordre des pédicures-podologues, qui touche à peine 10 000 personnes.
M. Xavier Bertrand, ministre. Ce sont donc les données chiffrées qui sont les plus importantes à vos yeux ?
M. Jean-Pierre Godefroy. Vous privilégiez ainsi une vision fractionnée de la chaîne de soins plutôt qu'une gestion globale en réseau, qui me paraît pourtant bien plus efficace que celle des individualismes corporatistes, notamment dans le cadre des efforts accomplis pour redresser les comptes de la sécurité sociale.
À ce stade de mon intervention, permettez-moi de faire un aparté - avec un peu de malice, mais sans méchanceté, soyez-en sûr - pour évoquer une question que j'ai soulevée auprès de vous à de multiples reprises. Ainsi, de courriers en questions écrites et orales, j'ai tout utilisé pour vous demander de publier les décrets d'application d'un autre article de la loi Kouchner, relatif à la reconnaissance de la profession d'ostéopathe. Or, à chaque fois, vous me promettiez une publication imminente de ces décrets et il ne se passait toujours rien !
M. Jean-Pierre Godefroy. Finalement, c'est le Conseil d'État qui vous a enjoint de publier ces décrets avant le 23 novembre prochain sous peine d'astreinte. La date approche ; où en êtes-vous ? On entend tout et son contraire. Peut-être vous sentirez-vous enclin à publier ces décrets si je vous dis que, ce faisant, vous aurez alors tout loisir de créer un ordre supplémentaire pour les ostéopathes.
J'en reviens au texte proprement dit.
La deuxième raison de mon scepticisme tient à l'inadaptation du système proposé. En effet, la création d'un ordre est une demande des infirmiers libéraux, qui représentent grosso modo 14 % des professionnels concernés - l'on peut discuter de la fourchette qui semble se situer entre 15 % et 20 % -, ce qui, certes, est loin d'être négligeable.
Comme le souligne d'ailleurs parfaitement le rapport de la mission de concertation que vous avez confiée à M. Couty, les infirmiers salariés ne sont majoritairement pas favorables à la création de cet ordre, considérant que les missions qui lui seraient dévolues sont déjà assez largement prévues par la réglementation.
En premier lieu, le code de la santé publique définit déjà les modalités d'exercice de la profession d'infirmier, tant dans le secteur libéral que dans le secteur salarié, tout comme il définit déjà clairement les règles professionnelles et déontologiques de la profession.
En deuxième lieu, les règles de bonnes pratiques et l'évaluation des pratiques professionnelles relèvent de la Haute autorité de santé.
En troisième lieu, le suivi de la démographie et l'enregistrement des diplômes sont effectués par le ministère de la santé ; ce sont les DDASS qui assurent cet enregistrement au niveau départemental.
Enfin, en quatrième lieu, l'exercice illégal de la profession est depuis peu défini par l'ordonnance n°2005- 1040 du 26 août 2005.
La seule valeur ajoutée serait donc celle de la mise en place d'une procédure disciplinaire pour les infirmiers libéraux. Pourtant, le conseil interprofessionnel de la loi Kouchner prévoyait, lui aussi, la mise en place d'une procédure disciplinaire qui, il est vrai, fait aujourd'hui défaut. Or il suffisait de publier les décrets !
S'agissant des infirmiers salariés, nous sommes opposés, d'une part, à ce que je qualifierais la « double peine » introduite par l'Assemblée nationale pour les fonctionnaires et, d'autre part, à la proposition de la commission concernant les salariés du privé. Des institutions et des procédures existent dans les hôpitaux et les cliniques ; laissons-les fonctionner !
Pour ce qui est de la méthode, l'on peut également s'étonner qu'après avoir confié une mission de conciliation à un éminent spécialiste, et alors que celui-ci a fait des propositions équilibrées permettant de concilier les préoccupations de tous les acteurs concernés, vous avez décidé, monsieur le ministre, de ne pas suivre ces recommandations, préférant donner satisfaction aux infirmiers libéraux.
En début d'année, lorsque l'Assemblée nationale examinait la proposition de l'UDF, vous reconnaissiez l'existence d'un clivage...
M. Jean-Pierre Godefroy. ...et prôniez la nécessité de trouver une solution acceptable par tous les infirmiers. Quelques mois plus tard, la concertation a eu lieu, mais le clivage existe toujours !
M. Jean-Pierre Godefroy. Le consensus n'est plus d'actualité ! Tout au long d'un débat qui a duré quinze jours, c'est devenu une vérité !
M. Guy Fischer. Il faut écouter les minorités, monsieur le ministre !
M. Jean-Pierre Godefroy. La création d'un ordre est en fait une solution réductrice. À mes yeux, elle ne permettra de répondre ni aux enjeux tels que la reconnaissance des évolutions de la profession d'infirmier, l'environnement professionnel, la formation et la place dans le système de santé, ni à ceux qui touchent aux conditions de travail - pénibilité, évolution des carrières, niveau des salaires, accès au logement. Elle ne réglera pas non plus, monsieur le ministre, le problème de la démographie paramédicale, qui va de pair avec la démographie médicale, car ce sont les mêmes territoires qui manquent cruellement de médecins et d'infirmiers.
En fait, l'organisation ordinale est peu propice au principe du travail en réseau et aux transferts de compétences. Elle ne favorisera en rien le nécessaire engagement d'une réforme des professions paramédicales. Au contraire, elle ne fera qu'accentuer les corporatismes que le Gouvernement critique régulièrement par ailleurs. Il est vrai que ce dernier stigmatise le plus souvent le « corporatisme » des fonctionnaires et qu'il sait se montrer beaucoup plus tolérant avec celui des professions libérales.
M. Guy Fischer. Voilà !
M. Jean-Pierre Godefroy. Au lieu de créer un ordre, ne serait-il pas temps de renforcer les structures existantes et de dynamiser les instruments actuels ? Je pense notamment au conseil supérieur des professions paramédicales. Pour ce faire, il eût été préférable de suivre les préconisations du rapport Couty, c'est-à-dire de commencer par donner au système institutionnel actuel les moyens de fonctionner. Mon collègue Serge Lagauche reviendra en détail sur les raisons qui nous amèneront à voter contre la création d'un ordre national des infirmiers. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Jégou.
M. Jean-Jacques Jégou. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, devenir infirmière ou infirmier, c'est embrasser une bien noble profession plébiscitée par notre population depuis des années sans que celle-ci soit toujours consciente de tout le dévouement, des compétences, des conditions de travail ainsi que des rémunérations de ces professionnels.
Si j'en parle aussi aisément, c'est parce que, voilà quelques années, j'ai exercé ce métier, et je ne suis d'ailleurs pas le seul ici dans ce cas.
M. Guy Fischer. En effet, moi aussi, je l'ai fait !
M. Jean-Jacques Jégou. D'autres, sur ces travées, ont suivi un parcours comparable au mien, toutes tendances confondues.
La création d'un ordre national des infirmiers devrait être une pure question d'intérêt général, transcendant les clivages partisans. Or, depuis dix ans, c'est tout le contraire, et une polémique vient à nouveau de s'engager sur ce point.
Depuis dix ans, la création d'un ordre national des infirmiers est réclamée par une part substantielle de la profession. Déjà, en 1993, un collectif réunissant trente-deux organisations et syndicats se formait en faveur d'une telle création. De nos jours, des enquêtes récentes montrent que 65 % à 80 % des infirmiers sont favorables à une structure à cotisation obligatoire. Dernièrement, un groupement de 38 associations s'est constitué sous l'appellation de « Groupe Sainte-Anne » pour réclamer la création d'un tel ordre. Enfin, lors de la journée nationale d'action du 12 mai 2005, la création d'un ordre national figurait au nombre des revendications principales de la profession.
Monsieur le ministre, l'UDF appelle de ses voeux la création d'un ordre national des infirmiers, et ce depuis plus de dix ans. Mon collègue et ami député Jean-Luc Préel a déposé trois propositions de loi sur ce thème en 1995, 2002 et 2005.Or la gauche puis la droite les ont tour à tour rejetées.
L'argument socialiste était simple et peut se résumer ainsi : nul n'est besoin d'un ordre national des infirmiers ; l'essentiel figure déjà dans le décret !
Quant à l'UMP, si elle se déclarait favorable à la création d'un ordre national des infirmiers, elle ajoutait : « pas tout de suite, plus tard, nous verrons ! ». Je vous remercie, monsieur le ministre, d'avoir fait cesser ces atermoiements.
Ces deux arguments sont fallacieux : non, la création d'un ordre infirmier n'est pas inutile ; oui, il est urgent de s'y atteler.
La création d'un ordre national des infirmiers est indispensable, car l'éclatement de leur représentation affaiblit toute la profession sur le plan tant national qu'international.
Du point de vue national, la représentation des infirmiers et infirmières est éparpillée entre plus de cent cinquante associations ou syndicats professionnels dont la représentativité est assez faible, puisque seuls 4 % des infirmières adhèrent à une confédération syndicale et 8 % à une association professionnelle.
Sur les plans européen et international, la France, cela a été parfaitement démontré, est sous-représentée au Conseil international des infirmières, alors que l'importance numérique de la profession lui donnera la première place lorsque la représentation sera unifiée. Cette situation est d'autant plus regrettable qu'elle est marginale.
En France, la profession d'infirmier est, avec ses 460 000 membres, dont 60 000 libéraux, la profession de santé la plus nombreuse. Or elle n'est toujours pas organisée, alors que les 206 000 médecins, les 69 000 chirurgiens-dentistes et pharmaciens, les 60 000 kinésithérapeutes, les 16 550 sages-femmes, sans parler des 10 500 pédicures-podologues, disposent de leur propre ordre professionnel.
Cette marginalité existe aussi à l'échelle européenne, puisque dans de nombreux pays européens tels que l'Espagne, l'Irlande, le Danemark, l'Italie ou le Royaume-Uni, des ordres infirmiers existent déjà.
S'il est nécessaire de créer un ordre national des infirmiers, c'est parce que ces professionnels de santé jouent un rôle médical de premier plan dans notre pays ; ils sont ainsi par tradition des partenaires privilégiés du médecin. En France, médecins et infirmiers forment un tandem inséparable et complémentaire.
En outre, au cours de la période récente, cette caractéristique du métier d'infirmier français s'est fortement accentuée, ce qui explique que la création de l'ordre national des infirmiers est non seulement nécessaire, mais aussi urgente.
Comme nombre de procès l'attestent, hélas ! les infirmiers sont aujourd'hui confrontés à des questionnements éthiques extrêmement lourds, notamment au moment de la fin de vie des patients.
Plus généralement, l'évolution des techniques médicales, particulièrement dans les domaines du génie génétique, des soins palliatifs et de la lutte contre la douleur, ainsi que l'utilisation de molécules très efficaces, et donc potentiellement dangereuses, ont compliqué les protocoles et accru sans cesse les compétences médicales des infirmiers et infirmières.
La technicité de cette profession s'est fortement affirmée. En témoigne l'allongement des études, dont la durée est passée de deux ans à trois ans et demi.
Le partenariat entre médecins et infirmiers est de plus en plus étroit. Ces derniers sont au coeur de ce que l'on nomme désormais « l'équipe médicale ». L'infirmière et l'infirmier accomplissent la prescription, nouent des liens privilégiés avec le patient et, dans les cas les plus graves, l'accompagnent jusqu'au bout.
Tout cela, nous n'avons cessé de le clamer. Nous ne pouvons donc aujourd'hui que nous réjouir : nous avons apparemment été entendus par ceux-là même qui dénonçaient naguère notre « harcèlement textuel ». Mais peu importe l'origine du texte - nous ne défendrons pas nos droits d'auteurs ! -, ce qui compte, c'est que l'ordre national des infirmiers soit finalement créé.
Que signifie la création d'un ordre national des infirmiers ? Il s'agit d'un acte de reconnaissance, qui atteste l'importance et la compétence d'une profession. Le texte qui nous est soumis aujourd'hui constitue-t-il un acte réel de reconnaissance ? Pour une large part, oui !
Dorénavant, l'adhésion à l'ordre national des infirmiers sera une condition d'exercice de ce métier. Ainsi, les pouvoirs publics trouveront en cette instance l'interlocuteur représentatif de toute la profession dont ils avaient besoin, afin de débattre des problèmes de déontologie, d'éthique, de formation initiale et continue, de définition et d'évaluation des bonnes pratiques.
C'est d'ailleurs parce que l'universalité est la condition sine qua non de l'utilité de l'ordre national que nous ne comprenons pas pourquoi les infirmiers militaires en seraient exclus. Nous proposerons de supprimer cette disposition.
Certains aspects de la proposition de loi peuvent encore laisser penser aux esprits chagrins que l'ordre national des infirmiers que l'on entend créer s'apparentera plus à une association loi de 1901 ou à un club qu'à un véritable ordre.
Rappelons que les termes « assemblée générale » figuraient dans la première version du texte, ce qui constituait un indice fâcheux ! Heureusement, ils ont été supprimés, mais il faut encore faire le ménage.
Le texte prévu pour l'article L. 4312-2 du code de la santé publique donne comme toute première mission à l'ordre celle d'assurer « la défense de l'honneur et de l'indépendance de la profession d'infirmier ». Qu'est-ce que cela peut bien signifier ? De qui se moque-t-on ? Ce qu'attendent les infirmières, ce n'est pas qu'on lave leur honneur, c'est qu'on reconnaisse leur compétence !
Et qu'en est-il de l'indépendance ? S'exerce-t-elle vis-à-vis du médecin ? C'est ridicule ! Par définition, l'infirmier ne peut être indépendant du médecin. Une fois de plus, pour faire plaisir à certains, on a demandé à des fonctionnaires de « pondre » un texte, bien loin des attentes des populations concernées. Je défendrai un amendement tendant à mettre un terme à cet égarement.
Si l'ordre national des infirmiers n'est pas une association loi de 1901, il n'est pas non plus un syndicat. Des syndicats, il en existe déjà ; il n'est pas besoin d'en créer par la loi !
C'est pourquoi la possibilité donnée à l'ordre d'organiser « toutes oeuvres d'entraide et de retraite au bénéfice de ses membres et de leurs ayants droit » ne me semble pas avoir sa place dans ce texte.
M. Guy Fischer. Absolument !
M. Jean-Jacques Jégou. Ce n'est pas à l'ordre d'organiser la retraite de ses ressortissants, c'est à la représentation syndicale.
Par ailleurs, la présente proposition de loi passe sous silence une question qui nous semble très importante, à savoir la représentativité des conseils départementaux et régionaux, ainsi que du conseil national de l'ordre.
Certes, il est normal que la loi n'entre pas dans ces détails, car tel n'est pas son rôle. Toutefois, monsieur le ministre, je m'interroge : comment les diverses catégories d'infirmières et d'infirmiers seront-elles représentées dans les instances de l'ordre ? Avez-vous prévu une disposition pour répondre à ce problème, qui n'est pas négligeable ?
M. Guy Fischer. On aimerait bien le savoir !
M. Jean-Jacques Jégou. En conclusion, l'UC-UDF votera ce texte, mais nous ferons très attention à ce qu'il soit appliqué. Il ne suffit pas de créer sur le papier un ordre national des infirmiers. Encore faut-il qu'il voie effectivement le jour ! Pour mémoire, la création de l'ordre des kinésithérapeutes, votée en 1995, a été suspendue, puis supprimée, avant d'être rétablie l'an dernier.
Monsieur le ministre, puisse l'ordre des infirmiers ne pas connaître le même sort ! Pour ma part, je veillerai à ce qu'il n'en soit pas ainsi. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Janine Rozier.
Mme Janine Rozier. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, les infirmières et les infirmiers jouent un rôle essentiel dans notre pays. Nous sommes tous conscients du travail difficile et formidable qu'ils effectuent chaque jour.
Sur l'ensemble de notre territoire, 460 000 infirmiers et infirmières interviennent chaque jour pour soulager et soigner des patients. Ces professionnels participent à la prévention et à l'éducation pour la santé et maintiennent bien souvent le lien social au plus près des malades, avec dévouement. Nous le constatons chaque jour dans nos villes et villages.
Monsieur le ministre, vous nous proposez aujourd'hui de créer une structure ordinale, interlocuteur unique des pouvoirs publics, qui accompagnera l'évolution de la profession, répondra de manière optimale aux demandes de soins et développera les démarches de qualité qu'attendent les professionnels.
Cette instance permettra à la profession d'évoluer au plus près des réalités locales et de suivre le progrès des techniques, tout en veillant au respect de la déontologie. Elle sera non seulement un organisme disciplinaire, mais encore un lieu de discussion et de concertation, dont l'objectif sera la promotion du métier d'infirmier. C'est d'autant plus important qu'en raison du rôle central des infirmiers et infirmières dans la chaîne de soins, les responsabilités qui leur sont confiées iront croissant.
Nous savons tous que la mise en place d'un tel ordre, qui sera un atout majeur pour la profession, est devenue une véritable nécessité. Elle était d'ailleurs très attendue par l'immense majorité des professionnels.
Tout d'abord, il est paradoxal qu'en dépit de leur nombre les infirmiers français soient si mal représentés à l'échelle européenne et internationale, face à leurs homologues étrangers qui disposent de longue date d'un ordre.
Ensuite, nous souffrons d'une grave pénurie d'infirmières, ce qui est particulièrement inquiétant. L'ordre jouera un rôle de premier plan dans les actions menées pour valoriser cette filière et améliorer le rapport démographique de la profession.
Enfin, les procédures disciplinaires manquent singulièrement de cohérence. Un ordre professionnel permettra de mieux les organiser.
Attendue par les infirmiers depuis une trentaine d'années, cette proposition de loi a fait l'objet d'une réelle concertation, qui a permis d'informer les professionnels et de mesurer leurs attentes, leurs besoins, mais aussi leurs craintes, qui sont habituelles face à une nouveauté.
Nous savons que la concertation entre professionnels n'a pas toujours été facile, car les salariés ont, dans un premier temps, émis des réserves sur la création d'un ordre. Aujourd'hui, grâce au dialogue qui s'est instauré, les infirmiers salariés et hospitaliers perçoivent mieux l'utilité de la création d'une structure ordinale.
À ceux qui craignent que l'ordre ne soit pas compatible avec l'existence de syndicats, il faut rappeler que nombre de professions ont à la fois un ordre national et des syndicats, les deux entités ne jouant pas le même rôle.
Un effort de pédagogie sera donc indispensable afin de délimiter les missions respectives de chacun. Ainsi, l'ordre national des infirmiers ne sera pas chargé de traiter les problèmes relatifs aux conditions de travail. Ceux-ci relèvent par nature de la compétence des syndicats, qui accomplissent aujourd'hui un travail remarquable, qu'il n'est pas question de mettre en cause.
En revanche, l'ordre devra rassembler l'ensemble de la profession pour évoquer tous les dossiers liés à la santé publique, tout particulièrement en matière de définition des bonnes pratiques et de déontologie.
Néanmoins, rassurons ceux qui craignent que la création de l'ordre n'aboutisse à la construction d'une « pensée unique » à laquelle les professionnels seraient tenus d'adhérer. Personne ne le souhaite ! L'ordre sera institué pour profiter à toute la profession, et non pour imposer quoi que ce soit.
Et s'il m'est permis de répondre avec malice à mes collègues intervenus pour s'opposer à la proposition de loi, je dirais même que l'ordre empêchera peut-être qu'une certaine pensée unique, négative parfois, ne finisse par s'installer dans les esprits. (Sourires.)
M. Guy Fischer. Ne nous provoquez pas ! (Nouveaux sourires.)
Mme Janine Rozier. D'ailleurs, il est intéressant de relever l'une des remarques formulées par le représentant des masseurs kinésithérapeutes devant la commission des affaires sociales, au cours des auditions : la distinction traditionnellement opérée entre les masseurs kinésithérapeutes libéraux, d'une part, et ceux qui sont salariés, d'autre part, est finalement secondaire au regard des grands enjeux de la profession, sur lesquels il est indispensable qu'une réflexion soit menée, tels que la notion de bonnes pratiques professionnelles.
L'institution ordinale répond donc à de réels besoins, et non pas, comme on l'a parfois prétendu, à une soif de reconnaissance de certains professionnels.
Les attentes des infirmiers sont nombreuses et importantes. Le futur ordre devra contribuer à l'évolution de la profession, en réponse aux nouveaux enjeux et besoins de la santé publique, afin de garantir aux patients la sécurité et la qualité des soins.
Il veillera à l'application des principes éthiques et au respect des règles énoncées par le code de déontologie de la profession, qui sera préparé par le conseil national de l'ordre des infirmiers et édicté sous la forme d'un décret en Conseil d'État.
Par ailleurs, l'ordre jouera le rôle d'interlocuteur des pouvoirs publics pour les projets de loi ou de règlement relatifs à l'exercice de la profession.
En accord avec la Haute Autorité de santé, il organisera l'évaluation des règles de bonnes pratiques et participera à leur diffusion auprès des professionnels. Il contribuera également au suivi de la démographie de la profession et à la production de données statistiques, au regard, notamment, des besoins de santé.
L'ordre sera structuré en trois niveaux, départemental, régional et national, et chacun aura des attributions claires et distinctes.
Le conseil départemental assurera la représentation de la profession dans le département, ainsi qu'une mission de conciliation en cas de litige entre un patient et un professionnel ou entre professionnels.
Le conseil régional représentera la profession dans la région et comprendra une chambre disciplinaire de première instance, compétente pour les infirmiers libéraux, qui pourra décider la suspension temporaire du droit d'exercer en cas d'infirmité du professionnel ou d'état pathologique rendant dangereux l'exercice de sa profession, ce qui permettra plus de cohérence, s'agissant en particulier des procédures de radiation.
Le conseil national élaborera le code de déontologie et étudiera les questions qui lui seront soumises par le ministre chargé de la santé. Il fixera le montant unique de la cotisation versée à l'ordre et exercera l'appel des décisions rendues par les chambres disciplinaires de première instance.
Enfin, l'Assemblée nationale a souhaité supprimer l'échelon interrégional, qui lui paraissait inadapté et superflu, mais cela n'empêchera pas pour autant les coopérations entre les régions.
S'agissant de la cotisation qui devra être versée à l'ordre, nous avons pu constater que certains professionnels étaient réticents. Pourtant, sur le plan des principes, le caractère obligatoire de la cotisation assurera l'indépendance de l'ordre.
En ce qui concerne le niveau de cotisation, vous avez assuré, monsieur le ministre, qu'il resterait modeste, des déductions fiscales étant utilement mises en place afin d'alléger la charge qui pèsera réellement sur les professionnels.
Pour autant, certains continuent à s'opposer à une telle contribution, qui serait contraire au principe de droit communautaire tendant à proscrire toute obligation de payer pour travailler. Monsieur le ministre, qu'en est-il exactement ? Je suis certaine que vous répondrez à cette interrogation.
Par ailleurs, la profession attend d'autres réponses, complémentaires à la création de l'ordre.
Pour ce qui est des infirmières qui exercent dans les établissements de santé, vous nous avez indiqué, monsieur le ministre, que vous aviez engagé le 27 janvier dernier des négociations avec l'ensemble des représentants de la fonction publique hospitalière, afin de rendre attractive une profession confrontée à une véritable crise des vocations. Il a été question de réactiver les contrats locaux d'amélioration des conditions de travail, afin, entre autres, de réduire la pénibilité, mais aussi de repenser la dernière partie de la carrière.
S'agissant des infirmières libérales, des négociations entre l'assurance maladie et la profession ont également été engagées, qui portent, en particulier, sur l'évolution de la nomenclature et l'affirmation du rôle propre des infirmières, grâce au développement de la démarche de soins infirmiers et à la reconnaissance de leur place dans le suivi des malades chroniques et l'éducation thérapeutique des patients.
Nous savons aussi que, tout récemment, le statut des infirmiers de sapeurs-pompiers professionnels de catégorie A a été réétudié pour le rendre compatible avec celui des cadres territoriaux de santé infirmiers sans qu'il leur soit nécessaire d'effectuer un passage dans la fonction publique hospitalière, comme cela était prévu précédemment.
Toutes ces attentions, ces compréhensions et ces améliorations sont à mettre au crédit de votre écoute et des concertations que vous avez menées, monsieur le ministre. Elles n'ont pas eu de retour médiatique et je le regrette.
En conclusion, cette proposition de loi constitue un geste fort de reconnaissance de l'identité, des compétences et du dévouement des infirmières et des infirmiers. C'est un texte qui rassemble. La création de cet ordre doit être considérée comme une chance à saisir par la profession, qui pourra ainsi se construire une identité propre et un bel avenir
C'est pourquoi le groupe UMP soutiendra la proposition de loi qui nous est soumise aujourd'hui. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. Serge Lagauche.
M. Serge Lagauche. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, après plusieurs tentatives laborieuses, l'Assemblée nationale a adopté la proposition de loi portant création d'un ordre national des infirmiers.
Il est vrai que, depuis plusieurs années, ce sujet revient comme un serpent de mer, rencontrant la même opposition quasi unanime. Faisons le point !
Cette proposition de loi satisfait-elle les professionnels concernés ? Pas tous, loin de là ! Sur les 450 000 infirmiers que compte la profession, les 400 000 infirmiers salariés ne réclament rien de tel. Les 50 000 infirmiers libéraux seraient-ils vraiment intéressés ? Si oui, dans quelle proportion ?
Nous avons malheureusement tous l'occasion de rencontrer ces professionnels de santé, qui exercent courageusement un métier difficile et d'une grande responsabilité. Pris entre le marteau et l'enclume, ils font, avec les aides-soignants, le lien entre le médecin, le patient et sa famille, dans toutes les circonstances de la vie du patient.
La création d'un ordre est-elle la première de leurs préoccupations ? Non ! Les infirmiers et infirmières vous interpellent surtout sur les salaires, la formation ou les conditions de travail.
Savez-vous que, dans la fonction publique hospitalière, qui compte 250 000 infirmiers, ce métier est, avec celui d'aide-soignant, celui qui connaît le plus grand nombre de pensions d'invalidité ? C'est bien la preuve incontestable de la pénibilité de cette profession. Ce constat est identique pour les salariés du privé. Il doit être pire pour les infirmiers libéraux, qui ne trouvent pas toujours les meilleures conditions ergonomiques pour dispenser les soins, en particulier pour relever un malade.
Face à des préoccupations majeures - conditions de travail, formation continue ou salaires -, la création d'une structure ordinale passe au second plan.
Cette proposition de loi satisfait-elle les syndicats représentatifs de la profession ? Non, ceux-ci sont farouchement contre ! J'en veux pour preuve le communiqué commun que tous les syndicats ont signé et par lequel ils réaffirment leur refus de la création d'un ordre : « Cette instance supplémentaire n'est pas la priorité des professionnels aujourd'hui.
« Ce qu'ils réclament, ce sont de meilleures conditions de soins, de meilleures conditions de travail, des salaires qui reconnaissent leur qualification. [...]
« Le Conseil supérieur des professions paramédicales, le CSPPM, représentatif tant de la pluralité syndicale qu'associative de la profession infirmière et des différents types d'exercice, doit voir son rôle renforcé avec un pouvoir décisionnel et non consultatif.
« Les textes législatifs donnent la possibilité d'interdire d'exercer, momentanément ou définitivement, pour insuffisance ou faute professionnelle ; les structures disciplinaires pour les salariés fonctionnent, mais, semble-t-il, pas pour les libérales, alors que les textes de 1980 le prévoient. Il faut donc examiner les formes de mise en place avec les représentants des libérales. Les DDASS et les DRASS doivent être en capacité d'accomplir les missions qui leur sont dévolues. »
Cette proposition de loi satisfait-elle le groupe UMP ? Pas si sûr ! Il n'est qu'à constater qu'à l'Assemblée nationale ce texte a singulièrement manqué de signatures : celle du président du groupe de l'Assemblée nationale et du président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, tous deux UMP et, qui plus est, médecins.
Et c'est sans aucun doute face à l'absence évidente de consensus sur le texte qu'une mission de concertation a été confiée le 25 janvier 2006 à M. Édouard Couty, afin de définir « les missions et le fonctionnement d'une instance représentative de la profession ».
Mes chers collègues, les conclusions de ce rapport ont bien mis en évidence le fort besoin de reconnaissance de la profession. En effet, les infirmiers et infirmières ont des revendications des plus légitimes : reconnaissance des évolutions de la profession, formation et place dans le système de santé, environnement professionnel, conditions de travail, niveau des salaires, etc.
Le rapport Couty a mis également au jour le caractère insatisfaisant du système institutionnel en place, notamment le Conseil supérieur des professions paramédicales. Face à ce constat, il recommande d'éviter la multiplication des structures et la redondance de leurs missions. Il ne propose absolument pas la création d'un ordre, mais suggère l'instauration d'un conseil national et de conseils régionaux d'infirmiers.
En outre -°et c'est le plus important -, le rapport préconise la création d'un Haut Conseil des professions paramédicales, qui remplacerait le CSPPM.
Or cette proposition de loi ne reprend aucune des recommandations, pourtant intéressantes, de ce rapport, qui a été remis au mois de mars dernier. Dans ces conditions, pourquoi créer un ordre ?
Par ailleurs, cet ordre regrouperait l'ensemble des infirmiers habilités à exercer en France, à l'exception toutefois de ceux qui relèvent du service de santé des armées. L'adhésion obligatoire et la cotisation qui s'ensuivra suscitent néanmoins quelques doutes. N'est-ce pas l'obtention du diplôme d'État qui doit être le fondement de l'exercice de la profession ?
À la question de l'adhésion obligatoire s'ajoute celle de la représentativité de la profession dans ses différents modes d'exercice. Il se trouve que 86 % des infirmiers refusent la création d'un tel ordre. Mme le rapporteur le souligne elle-même dans son rapport : les infirmiers libéraux, fervents défenseurs d'une structure ordinale, représentent moins de 15 % de la profession.
Les fonctionnaires et les salariés, soutenus par les syndicats, ont depuis longtemps considéré comme inutile et coûteuse la création d'une telle instance, dans la mesure où ils disposent déjà d'un cadre disciplinaire défini par leurs statuts. La très grande majorité de salariés - ils représentent 86 % de la profession - s'est d'ailleurs largement exprimée par voie de pétitions, que nous avons tous reçues.
Dans ces conditions, pourquoi insister, alors que le rôle central des infirmiers dans la chaîne de soins impose plus que jamais à la fois le développement d'organisations interprofessionnelles aptes à évaluer les pratiques et à élaborer des règles professionnelles tournées vers un but commun, et l'amélioration de la qualité de notre système de santé, et non le refuge dans les corporatismes, à l'image des médecins, dont les infirmiers veulent pourtant s'affranchir ?
La création d'un ordre apparaît donc réductrice. Elle n'est en mesure de répondre ni aux enjeux actuels, tels que la reconnaissance des évolutions de la profession d'infirmier, l'environnement professionnel, la formation et la place dans le système de santé, ni même à ceux qui concernent les conditions de travail : pénibilité, évolution des carrières, niveau des salaires, frais de déplacements, accès au logement.
L'organisation ordinale est en effet peu propice au principe du travail en réseau et aux transferts de compétences.
L'accentuation des corporatismes ne favorisera en rien la nécessaire réforme des professions paramédicales. Au contraire, elle ne peut que contribuer encore d'avantage à l'éclatement des différentes professions, qui est déjà accentué par la création des ordres de masseurs-kinésithérapeutes et de pédicures-podologues.
Enfin, un constat s'impose : de nombreuses instances et de multiples textes existent ; des représentants de la profession siègent déjà dans des instances nationales, tels le CSPPM et le Conseil supérieur de la fonction publique territoriale, le CSFPT.
Le CSPPM est composé de membres appartenant à la profession, désignés par les syndicats de professionnels salariés, de syndicats de professionnels libéraux et d'associations reconnues par le ministère.
Les commissions professionnelles du CSPPM comprennent une « commission infirmière », qui est composée de représentants de toutes les spécialités et de tous les exercices professionnels : secteurs public, privé et libéral. Celle-ci rassemble la pluralité des organisations syndicales et associatives. Sa représentation couvre l'ensemble de l'exercice professionnel infirmier, y compris l'encadrement et l'enseignement. C'est dans ce cadre que sont notamment donnés des avis sur les quotas étudiants, les contenus de formation et les règles professionnelles...
Que demander de plus ?
Au lieu de créer un ordre qui se surajoute à d'autres structures, il conviendrait de donner au CSPPM de nouvelles prérogatives et les moyens d'un fonctionnement efficace.
Par ailleurs, les commissions administratives paritaires, les conseils de prud'hommes, la commission des soins, la Haute Autorité de santé, toutes ces structures répondent aux besoins d'évaluation des pratiques professionnelles. L'obligation d'inscription auprès de la DDASS est également prévue dans le code de la santé publique.
L'éthique de la profession est déjà précisée par voie réglementaire : le décret n° 2004-802 unifie dans un seul texte le code de déontologie et le champ des compétences s'appliquant à l'exercice professionnel aussi bien libéral que salarié.
Enfin, je rappelle que la loi relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé du 4 mars 2002, dite « loi Kouchner », a créé un conseil interprofessionnel regroupant les professions d'infirmier, masseur-kinésithérapeute, pédicure-podologue, orthophoniste et orthoptiste, codifié aux articles L. 4391-1 à L. 4398-5 du code de la santé publique. Mais les décrets d'application n'ont jamais été publiés !
Au risque de me répéter, je réaffirme qu'il est grand temps, au lieu de créer un ordre, de renforcer les structures existantes et de dynamiser les instruments actuels. En d'autres termes, il convient de suivre la préconisation du rapport Couty, en commençant par donner au système institutionnel actuel les moyens de fonctionner.
Se donner bonne conscience en créant une nouvelle instance pour régler tout, sans s'attribuer les moyens de faire fonctionner ce qui existe déjà, risque fort de ne rien régler du tout et d'ajouter de la confusion aux problèmes rencontrés par la profession.
Les membres du groupe socialiste du Sénat, très sceptiques sur ce texte, voteront contre cette proposition de loi. Néanmoins, dans un esprit constructif et prenant acte des conclusions du rapport Couty, ils vous proposeront quelques amendements. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Xavier Bertrand, ministre. Madame la présidente, monsieur le président de la commission, madame le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, j'ai bien saisi l'esprit qui ressortait de cette discussion : être constructif. Nous verrons, à l'issue de ce débat, s'il y a loin des mots aux actes.
Je commencerai par saluer, une fois encore, le travail de la commission des affaires sociales pour améliorer ce texte, donc l'organisation de la profession infirmière. Madame le rapporteur, vous avez évoqué le double souci d'efficacité et de cohérence. Sachez que, sur ces deux points, le Gouvernement suivra les propositions de la commission et émettra un avis favorable s'agissant du CSPPM.
Madame le rapporteur, vous avez également évoqué le souhait de nos compatriotes de Nouvelle-Calédonie de disposer d'un ordre infirmier. À l'évidence, la création d'un tel ordre relève d'une décision propre aux autorités locales. Je ne vois aucun obstacle à ce que les dispositions de coordination avec l'ordre métropolitain puissent être adoptées prochainement.
Enfin, s'agissant des professions d'orthophoniste et d'orthoptiste, qui ne souhaitent pas nécessairement la création d'un ordre, je suis tout à fait disposé à travailler dès à présent avec elles pour élaborer les règles professionnelles dont vous avez fait état lors de votre intervention.
Monsieur Fischer, je n'ai jamais entendu reporter le débat sur la création d'un ordre infirmier. J'avais pris un engagement devant l'Assemblée nationale et, comme tout engagement que je prends, je l'ai tenu. En revanche, j'ai voulu prendre le temps d'engager une concertation sur la création de cet ordre, et tel est le sens de la mission que j'ai confiée à M. Édouard Couty, au mois de janvier dernier. Cela nous permet d'aboutir aujourd'hui à un texte équilibré, ce qui n'était peut-être pas le cas à une certaine époque.
Par ailleurs, l'ordre n'est pas réservé aux seuls infirmiers libéraux. Vos propos ont retenu mon attention, monsieur Fischer : selon vous, le nombre de professionnels libéraux ne justifierait pas la création d'un tel ordre. J'avais pourtant le sentiment qu'en matière de santé vous étiez attaché, tout comme moi, à la qualité plus qu'à la quantité. En matière de santé, c'est l'aspect qualité des soins qui doit guider nos pas : c'est du moins ce que j'avais cru comprendre à l'occasion des nombreux débats auxquels vous avez participé au sein de la Haute Assemblée.
En outre, l'ordre me semble nécessaire à l'organisation commune de l'ensemble de la profession. Peut-on imaginer des règles de déontologie qui ne s'appliqueraient qu'à une seule partie de la profession ? Ce n'est ni pensable ni souhaitable !
Monsieur Godefroy, l'ordre n'est certainement pas le refuge des corporatismes. Il offre, au contraire, la possibilité d'organiser, avec toute une profession, l'évaluation des pratiques professionnelles. C'est ce que tous - les professionnels, comme les patients - demandent aujourd'hui.
Il en est de même en ce qui concerne la diffusion des recommandations de bonnes pratiques. C'est véritablement une organisation tournée vers la qualité qui est attendue à présent.
Pour ce qui est du conseil interprofessionnel des professions paramédicales, créé par la loi du 4 mars 2002, il faut entendre le souhait exprimé par toute une profession. Sans doute, à l'époque, n'avons-nous pas examiné suffisamment le problème, notamment s'agissant des modalités d'application du texte. En tout état de cause, nous ne pouvons envisager de créer un ordre pour la seule partie libérale de la profession.
Invoquer des « petites » ou des « grandes » professions dans le domaine de la santé, cela n'a pas de sens ! Chaque acteur représente un maillon de la chaîne de santé. Il est pour le moins surprenant d'établir une hiérarchie en fonction du nombre de professionnels.
Par ailleurs, dans le rapport Couty, les préconisations émises ont été suivies. Dans le cadre de la concertation globale, des solutions générales ont été reprises.
Monsieur Jégou, dans vos propos, vous avez résumé les enjeux de la création de cet ordre national des infirmiers, permettant une représentation unitaire globale. Bien évidemment, nous avons besoin d'avoir un interlocuteur fort.
Vous avez également fait allusion à l'apport de Jean-Luc Préel. Lors de la dernière ligne droite, à savoir la présentation de cette proposition de loi à l'Assemblée nationale, l'UMP et l'UDF ont accordé leur vote, ce que je n'avais pas manqué de souligner.
Vous avez aussi noté l'importance des questionnements éthiques, notamment lors de la phase de concertation préalable.
Par ailleurs, vous avez évoqué les décrets. Je sais que, comme tout parlementaire, vous êtes très attaché à ce que l'exécutif puisse mettre en oeuvre les mesures prises.
Au cours de l'exercice de mes fonctions précédentes de secrétaire d'État à l'assurance maladie, j'ai toujours eu à coeur, notamment lors de la réforme de l'assurance maladie, de publier les décrets en temps et en heure. J'avais même pris l'engagement que 80 % des décrets d'application de la loi du 13 août 2004 seraient publiés d'ici à la fin de l'année en question. En définitive, 85 % desdits décrets ont été publiés.
Je suis toujours la même ligne de conduite, parce que tant qu'une réforme n'est pas appliquée, elle n'existe pas pour nos concitoyens, et ceux-ci ont raison. Cette ligne de conduite doit concerner tant les décrets que les circulaires ou les arrêtés.
Mme Rozier a retracé la genèse de ce texte, attendu depuis longtemps. Elle en a également rappelé les enjeux. Il s'agit non pas de créer une structure disciplinaire, mais de mettre en place une organisation, instance de réflexion, de débats et de propositions.
Monsieur Lagauche, chacun doit veiller à ne pas susciter ou entretenir une quelconque confusion entre le rôle, la place des syndicats, qui sont absolument inchangés, et ceux de l'ordre. Ne cherchons pas à créer artificiellement une confusion qui n'existe pas.
À la fin de votre propos, vous nous avez fait part de votre scepticisme. Vous avez indiqué que vous étiez attaché aux conclusions du rapport Couty. Eh bien ! ce texte constitue la base de la proposition de loi qui vous est soumise. J'espère donc que l'appel de chacun à être constructif nous réunira sur un sujet qui rassemblera l'ensemble de la profession d'infirmier. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Article 1er
Le chapitre II du titre Ier du livre III de la quatrième partie du code de la santé publique est ainsi rédigé :
« Chapitre II
« Organisation de la profession et règles professionnelles
« Section 1
« Ordre national des infirmiers
« Art. L. 4312-1. - Il est institué un ordre national des infirmiers groupant obligatoirement tous les infirmiers habilités à exercer leur profession en France, à l'exception de ceux relevant du service de santé des armées.
« L'ordre national des infirmiers veille au maintien des principes d'éthique, de moralité, de probité et de compétence indispensables à l'exercice de la profession d'infirmier et à l'observation, par tous ses membres, des devoirs professionnels ainsi que des règles édictées par le code de déontologie de la profession d'infirmier.
« Un code de déontologie, préparé par le conseil national de l'ordre des infirmiers, est édicté sous la forme d'un décret en Conseil d'État. Les dispositions de ce code concernent notamment les droits et devoirs déontologiques et éthiques des infirmiers dans leurs rapports avec les membres de la profession, avec les patients et avec les membres des autres professions de la santé. Les dispositions de l'article L. 4398-1 ne sont pas applicables aux infirmiers.
« Art. L. 4312-2. - L'ordre national des infirmiers assure la défense de l'honneur et de l'indépendance de la profession d'infirmier. Il en assure la promotion.
« Il peut organiser toutes oeuvres d'entraide et de retraite au bénéfice de ses membres et de leurs ayants droit.
« Il étudie les questions ou projets qui lui sont soumis par le ministre chargé de la santé, concernant en particulier l'exercice de la profession. Pour ce faire, il peut consulter notamment les associations professionnelles, les syndicats, les associations d'étudiants en soins infirmiers et toute association agréée d'usagers du système de santé.
« En coordination avec la Haute autorité de santé, il participe à la diffusion des règles de bonnes pratiques en soins infirmiers auprès des professionnels et organise l'évaluation de ces pratiques.
« Il participe au suivi de la démographie de la profession d'infirmier, à la production de données statistiques homogènes et étudie l'évolution prospective des effectifs de la profession au regard des besoins de santé.
« Il accomplit ses missions par l'intermédiaire des conseils départementaux, des conseils régionaux et du conseil national de l'ordre.
« Section 2
« Conseils départementaux
« Art. L. 4312-3. - I. - Le conseil départemental de l'ordre des infirmiers, placé sous le contrôle du conseil national, remplit, sur le plan départemental, les missions définies à l'article L. 4312-2. Il assure notamment les fonctions de représentation de la profession dans le département ainsi qu'une mission de conciliation en cas de litige entre un patient et un professionnel ou entre professionnels.
« II. - Le conseil départemental est composé de membres titulaires et d'un nombre égal de membres suppléants. Ces représentants sont élus au suffrage direct par scrutin uninominal, pour une durée de quatre ans, avec renouvellement de la moitié des élus tous les deux ans, comme suit :
« - les représentants des infirmiers relevant du secteur public sont élus par les infirmiers inscrits au tableau, remplissant les conditions fixées par l'article L. 4123-5 et relevant du secteur public ;
« - les représentants des infirmiers salariés du secteur privé sont élus par les infirmiers inscrits au tableau, remplissant les conditions fixées par l'article L. 4123-5 et salariés du secteur privé ;
« - les représentants des infirmiers exerçant à titre libéral sont élus par les infirmiers inscrits au tableau, remplissant les conditions fixées par l'article L. 4123-5 et exerçant à titre libéral.
« Le conseil départemental élit en son sein son président tous les deux ans après renouvellement de la moitié du conseil.
« Le nombre des membres de chaque conseil départemental est fixé par voie réglementaire compte tenu du nombre d'infirmiers inscrits au dernier tableau publié. Aucune des trois catégories de représentants susmentionnées ne peut cependant détenir à elle seule la majorité absolue des sièges au sein du conseil départemental.
« Les infirmiers inscrits au tableau de l'ordre, appelés à élire les membres du conseil départemental ou à procéder au remplacement des membres du conseil dont le mandat vient à expiration, sont convoqués par les soins du président du conseil départemental en exercice et, en cas d'empêchement, par les soins du conseil national de l'ordre, les frais restant à la charge du conseil départemental intéressé.
« Une convocation individuelle est adressée, à cet effet, à tous les infirmiers du département et inscrits au tableau de l'ordre, au moins deux mois avant la date fixée pour les élections. Le vote s'effectue sur place, par correspondance ou par voie électronique.
« III. - Les dispositions des articles L. 4123-1 et L. 4123-2, L. 4123-5, L. 4123-7, L. 4123-10 à L. 4123-12 et L. 4123-15 à L. 4123-17 sont applicables aux infirmiers dans des conditions fixées par voie réglementaire.
« Art. L. 4312-4. - Les conseils départementaux de l'ordre des infirmiers peuvent tenir séance avec les conseils départementaux des autres ordres professionnels pour l'examen de questions communes.
« Section 3
« Conseils régionaux
« Art. L. 4312-5. - I. - Le conseil régional, placé sous le contrôle du conseil national, remplit, sur le plan régional, les missions définies à l'article L. 4312-2. Il assure notamment les fonctions de représentation de la profession dans la région ainsi que la coordination des conseils départementaux.
« Il étudie les projets, propositions ou demandes d'avis qui lui sont soumis notamment par les instances compétentes en matière de santé sur le plan régional. Il est consulté sur le plan institué par l'article L. 214-13 du code de l'éducation avant l'approbation de ce plan par le conseil régional intéressé.
« Il peut décider la suspension temporaire du droit d'exercer en cas d'infirmité du professionnel ou d'état pathologique rendant dangereux l'exercice de sa profession. Le conseil peut, en ce cas, se réunir en formation restreinte.
« Les délibérations du conseil régional ne sont pas publiques.
« II. - Les décisions des conseils régionaux en matière d'inscription au tableau et de suspension temporaire du droit d'exercer en cas d'infirmité ou d'état pathologique rendant dangereux l'exercice de la profession peuvent faire l'objet d'un recours hiérarchique devant le conseil national.
« III. - Le conseil régional est composé de membres titulaires et d'un nombre égal de membres suppléants. Ces représentants sont élus au suffrage direct par scrutin uninominal, pour une durée de quatre ans, avec renouvellement de la moitié des élus tous les deux ans, comme suit :
« - les représentants régionaux des infirmiers relevant du secteur public sont élus par les représentants départementaux des infirmiers relevant du secteur public ;
« - les représentants régionaux des infirmiers salariés du secteur privé sont élus par les représentants départementaux des salariés du secteur privé ;
« - les représentants régionaux des infirmiers exerçant à titre libéral sont élus par les représentants départementaux des infirmiers exerçant à titre libéral.
« Le conseil régional élit en son sein son président tous les deux ans après renouvellement de la moitié du conseil.
« Un décret fixe le nombre des membres de chaque conseil régional, compte tenu du nombre d'infirmiers inscrits au dernier tableau publié. Aucune des trois catégories de représentants susmentionnées ne peut cependant détenir à elle seule la majorité absolue des sièges au sein du conseil régional.
« Lorsque les membres d'un conseil régional mettent celui-ci dans l'impossibilité de fonctionner, le représentant de l'État dans la région, sur proposition du conseil national de l'ordre, peut, par arrêté, prononcer la dissolution du conseil régional. Il nomme dans ce cas une délégation de trois à cinq membres suivant l'importance numérique du conseil dissous. Jusqu'à l'élection d'un nouveau conseil organisée sans délai, cette délégation assure la gestion des affaires courantes ainsi que les fonctions attribuées au conseil.
« En cas de démission de tous les membres du conseil, une délégation assurant les fonctions précitées est nommée dans les mêmes conditions.
« En cas de démission de la majorité des membres de cette délégation, celle-ci est dissoute de plein droit et, jusqu'à l'entrée en fonction du nouveau conseil, ses fonctions sont exercées par le conseil national.
« IV. - Le conseil régional comprend une chambre disciplinaire de première instance, présidée par un membre du corps des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel désigné par le vice-président du Conseil d'État.
« La chambre disciplinaire de première instance est composée de membres élus en son sein par le conseil régional et dont le nombre est fixé par voie réglementaire en fonction des effectifs d'infirmiers inscrits au dernier tableau publié dans la région. Un ou des suppléants sont désignés dans les mêmes conditions.
« La chambre disciplinaire n'est pas compétente pour connaître des plaintes au titre d'une activité salariée. Toutefois, l'employeur informe le président du conseil national de l'ordre de toute sanction disciplinaire prononcée à l'encontre d'un infirmier en raison d'une faute professionnelle, sous dix jours et par voie écrite.
« Les dispositions des articles L. 4124-1 à L. 4124-8, du premier alinéa de l'article L. 4124-9, du premier alinéa de l'article L. 4124-10, du premier alinéa de l'article L. 4124-12, de l'article L. 4124-13 et du premier alinéa de l'article L. 4124-14 sont applicables aux infirmiers dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État.
« Art. L. 4312-6. - Les conseils régionaux de l'ordre des infirmiers peuvent tenir séance avec les conseils régionaux ou interrégionaux des autres ordres professionnels pour l'examen des questions communes aux professions intéressées.
« Section 4
« Conseil national
« Art. L. 4312-7. - I. - Le conseil national de l'ordre remplit sur le plan national les missions définies à l'article L. 4312-2. Il élabore le code de déontologie. Il veille notamment à l'observation, par tous les membres de l'ordre, des devoirs professionnels et des règles édictées par ce code. Il étudie les questions ou projets qui lui sont soumis par le ministre chargé de la santé.
« Il peut, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile relativement aux faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession d'infirmier, y compris en cas de menaces ou de violences commises en raison de l'appartenance à cette profession.
« Le conseil national est assisté par un membre du Conseil d'État ayant au moins le rang de conseiller d'État et avec voix délibérative, nommé par le ministre de la justice ; un ou plusieurs suppléants sont désignés dans les mêmes conditions.
« Les délibérations du conseil national ne sont pas publiques.
« II. - Le conseil national fixe le montant unique de la cotisation versée à l'ordre par toute personne inscrite au tableau.
« Il répartit le produit de cette cotisation, entre les conseils en fonction de leur charge, en précisant la part consacrée au fonctionnement des chambres disciplinaires.
« La cotisation est obligatoire.
« Le conseil national gère les biens de l'ordre et peut créer ou subventionner des oeuvres intéressant la profession d'infirmier ainsi que des oeuvres d'entraide.
« Il contrôle la gestion des conseils régionaux ainsi que départementaux, lesquels doivent notamment l'informer préalablement de la création et lui rendre compte de la gestion de tous les organismes dépendant de ces conseils.
« III. - Le conseil national est composé de membres titulaires et d'un nombre égal de membres suppléants. Ces représentants sont élus au suffrage direct par scrutin uninominal, pour une durée de quatre ans, avec renouvellement de la moitié des élus tous les deux ans, comme suit :
« - les représentants nationaux des infirmiers relevant du secteur public sont élus par les représentants régionaux des infirmiers relevant du secteur public ;
« - les représentants nationaux des infirmiers salariés du secteur privé sont élus par les représentants régionaux des salariés du secteur privé ;
« - les représentants nationaux des infirmiers exerçant à titre libéral sont élus par les représentants régionaux des infirmiers exerçant à titre libéral.
« Le conseil national élit en son sein son président tous les deux ans après renouvellement de la moitié du conseil.
« Un décret en Conseil d'État fixe le nombre des membres du conseil national, compte tenu du nombre d'infirmiers inscrits au dernier tableau publié. Aucune des trois catégories de représentants susmentionnées ne peut cependant détenir à elle seule la majorité absolue des sièges au sein du conseil national.
« Lorsque les membres du conseil national mettent celui-ci dans l'impossibilité de fonctionner, sa dissolution est prononcée par décret pris sur la proposition du ministre chargé de la santé.
« En cas de dissolution du conseil national ou en cas de démission de tous ses membres, le ministre chargé de la santé nomme une délégation de cinq membres. Cette délégation organise l'élection d'un nouveau conseil sans délai. Elle règle les affaires courantes, assure les fonctions qui sont attribuées au conseil et statue sur les recours contre les décisions des conseils régionaux en application du code de déontologie.
« IV. - Le conseil national comprend en son sein une chambre disciplinaire nationale, qui connaît en appel des décisions rendues par les chambres disciplinaires de première instance. Les dispositions de l'article L. 4122-3 sont applicables aux infirmiers.
« V. - Les dispositions de l'article L. 4132-6 relatives à la commission de contrôle des comptes et placements financiers sont applicables au conseil national de l'ordre des infirmiers.
« Art. L. 4312-8. - Le conseil national de l'ordre des infirmiers peut tenir séance avec les conseils nationaux des autres ordres professionnels pour l'examen des questions communes aux professions intéressées.
« Section 5
« Dispositions communes
« Art. L. 4312-9. - Les dispositions des articles L. 4125-1 à L. 4125-3, L. 4125-5 et L. 4126-1 à L. 4126-6 sont applicables à la profession d'infirmier dans des conditions fixées par voie réglementaire. »
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Seillier, sur l'article.
M. Bernard Seillier. La création d'un ordre national des infirmiers est attendue depuis près de trente ans par de nombreuses associations professionnelles. C'est à la fois une nécessité et une urgence.
Il est en effet pour le moins surprenant qu'en dépit de ses effectifs la profession d'infirmier, pivot de notre système de soins, ne soit pas dotée d'un ordre, à l'instar des médecins, sages-femmes, pharmaciens, masseurs-kinésithérapeutes ou pédicures-podologues.
La création d'un ordre national des infirmiers conduirait à une meilleure reconnaissance de l'identité de cette profession, dont l'importance dans la chaîne de soins n'est plus à démontrer, tant à l'échelon national que sur la scène internationale.
Au niveau national, l'ordre serait notamment le garant des principes de moralité et d'intégrité de la profession. Il permettrait d'unifier les pratiques professionnelles, principalement en matière de déontologie. Il assurerait la défense et l'indépendance de la profession et contribuerait à son évolution, en réponse aux nouveaux enjeux et besoins de santé publique.
À ce sujet, mes chers collègues, je voudrais vous faire part d'une expérience intéressante que j'ai eu l'occasion de vivre ces dernières semaines. J'ai été invité à participer à une matinée de réflexions et de débats par l'ordre national des médecins, dans le cadre des Jeudis de l'ordre, organisés périodiquement. Le thème traité était « la précarité, nouvelles exigences pour l'éthique médicale ». Les débats ont été passionnants et passionnés. J'ai alors pu rendre hommage au président du Conseil national de l'ordre des médecins pour son initiative, mais cela n'a été possible qu'en raison de l'existence même de l'ordre.
Actuellement, l'absence d'organe fédérateur de la profession d'infirmier conduit à l'éclatement de sa représentation, partagée entre plus de cent cinquante associations et syndicats professionnels, et à l'impossibilité d'organiser - pourquoi pas ? -des Jeudis de l'ordre des infirmiers.
Sur la scène internationale, l'ordre permettrait de représenter et de défendre les infirmiers français dans les instances européennes et internationales. Alors que de nombreux pays européens disposent déjà d'un ordre infirmier, dont certains depuis plus de cinquante ans, tels l'Italie, l'Espagne, la Grèce, le Portugal, le Danemark ou le Royaume-Uni, la France n'a pas d'interlocuteur unique capable de s'exprimer au nom de l'ensemble des infirmiers. Elle est ainsi sous-représentée au Conseil international des infirmières, bien qu'elle soit le pays qui compte le plus grand nombre d'infirmiers.
Quant à l'organisation de l'ordre selon trois niveaux, il est vrai que certains syndicats et associations ont émis quelques craintes : risque d'alourdir le fonctionnement de l'ordre ou d'engendrer une cotisation trop onéreuse pour les infirmiers.
Je pense, en revanche, qu'une telle structure serait souhaitable, car elle faciliterait la proximité des infirmiers avec leurs patients. C'est dire à quel point la grande majorité de mes collègues et moi-même nous réjouissons de cette proposition de loi et de la perspective d'obtenir enfin la création de cet ordre. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, je vous rappelle que le Sénat a décidé l'examen séparé de l'amendement n° 20, tendant à supprimer l'article 1er, afin d'éviter la mise en discussion commune automatique des trente et un amendements déposés sur ledit article.
L'amendement n° 20, présenté par MM. Domeizel et Godefroy, Mmes Campion, Demontès, Jarraud-Vergnolle, Le Texier, Schillinger et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. André Vantomme.
M. André Vantomme. L'article 1er tend à créer l'ordre national des infirmiers et à en définir les modalités de fonctionnement.
Une première question nous vient à l'esprit : pourquoi créer un ordre ?
On nous dit que la création d'une instance ordinale pour les infirmiers s'imposerait aujourd'hui en raison du rôle central de ceux-ci dans la chaîne de soins. Mme Desmarescaux, dans son rapport, souligne d'ailleurs, à juste titre, le rôle essentiel joué par la profession auprès des malades âgés ou des patients en soins palliatifs.
Cependant, l'argument se retourne aisément. C'est du fait même, d'une part, du rôle central des infirmiers dans la chaîne de soins et au sein des équipes de soins, et, d'autre part, de l'évolution du métier et des compétences que s'impose plus que jamais, non pas le refuge dans des corporatismes, mais le développement d'organisations interprofessionnelles aptes à évaluer les pratiques et à élaborer des règles professionnelles tournées vers un but commun : l'amélioration de la qualité de notre système de santé dans son ensemble.
D'aucuns évoquent ensuite l'anomalie, tant au niveau national qu'européen, que constituerait l'absence d'un tel ordre. On saisit d'ailleurs, au passage, le traumatisme de bon nombre de professions qui n'ont pas encore d'ordre. Le vieux rêve d'une époque antérieure va-t-il se réaliser ? Chaque profession aura-t-elle droit à son ordre ?
À l'échelon national, l'importance numérique de ces professionnels est invoquée pour justifier la création d'un ordre. Il nous semble que devrait plutôt être pris en compte le mode d'exercice. Or, justement, une grande majorité des professionnels infirmiers sont salariés ; seule une minorité d'entre eux exerce en libéral. Le moins que l'on puisse dire alors, c'est que la création d'un ordre ne va pas de soi.
On comprend d'ailleurs bien les limites de l'argument numérique lorsque l'on sait que les aides-soignantes, par exemple, sont plus de 330 000 et les pédicures-podologues à peine plus de 10 000. On a pourtant créé un ordre pour ces derniers. Faudra-t-il aussi en créer un pour les aides-soignantes? Où s'arrêtera-t-on ?
Quant à l'argument européen, il nous semble aussi sans fondement. En effet, chacun sait que, même à l'intérieur de l'Europe, les systèmes de santé sont loin de fonctionner à l'identique et qu'il n'est donc pas forcément opportun de vouloir calquer ce qui existe ailleurs, du fait d'évolutions ou de conceptions différentes. L'exemple italien peut illustrer ce propos, puisque les infirmiers partagent leur instance ordinale avec d'autres professions, telles que les aides-soignantes et les puéricultrices.
Enfin, la création d'un ordre serait justifiée par le besoin d'une meilleure reconnaissance de la profession d'infirmier, « en cohérence avec les fonctions qu'elle assume désormais, et d'un cadre déontologique adapté aux nouveaux enjeux de qualité et de permanence des soins infirmiers. », précise Mme Desmarescaux. Et cette dernière ajoute : « De fait, le respect des règles éthiques et des bonnes pratiques professionnelles est loin d'être assuré : les principes déontologiques fixés par les décrets de 1993 n'ont pas été accompagnés par la création d'une instance de contrôle et de sanction. »
Je ne suis pas sûr, madame le rapporteur, que les professionnels apprécient votre constat, ni même que la minorité souhaitant apparemment la création d'un ordre formule une telle demande pour des questions de contrôle et de sanctions.
Le besoin de reconnaissance de la profession est évident. Il est fort et doublé du caractère insatisfaisant du système institutionnel en place, comme le souligne M. Couty.
La création d'un ordre donne peut-être bonne conscience, mais elle apparaît bien réductrice face aux réels besoins de l'ensemble de cette profession. Elle n'est pas opportune pour répondre à l'évolution de sa place dans le système de santé et de l'environnement professionnel.
Elle n'est pas non plus apte à lever les difficultés rencontrées dans l'exercice de la profession en matière de formation, de conditions de travail, d'évolution des carrières, de niveau des salaires, d'accès aux logements, etc.
En outre, une telle création ne s'inscrit pas dans une perspective d'amélioration et de qualité de notre système de santé en général, puisqu'elle va à l'encontre d'une réforme nécessaire de l'ensemble des professions paramédicales.
Pour toutes ces raisons, les membres du groupe socialiste demandent la suppression de l'article 1er.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Sylvie Desmarescaux, rapporteur. Mon cher collègue, comme vous le savez, la commission s'est prononcée en faveur de la création d'un ordre national des infirmiers, qui est attendue par une majorité de la profession pour en améliorer la reconnaissance et pour répondre à ses besoins.
De ce fait, elle émet un avis défavorable sur cet amendement de suppression.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Même avis, madame la présidente, pour les raisons que j'ai exposées lors de la discussion générale.
Mme la présidente. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.
M. Guy Fischer. Bien entendu, en toute logique, les membres du groupe CRC voteront en faveur de cet amendement de suppression.
La création d'un ordre national des infirmiers est-elle vraiment nécessaire ? Parmi les organisations syndicales confédérées, seule la CGC-CFE y est favorable.
Par ailleurs, la commission infirmière du CSPPM regroupe tous les types d'exercices de la profession d'infirmier, qu'il s'agisse du public, du privé, du secteur libéral, ou des spécialités. Cette instance est composée de vingt membres appartenant à la profession, désignés par le ministre de la santé, sur proposition des organisations syndicales et des associations représentant la plupart des champs professionnels. Elle a un pouvoir consultatif. Aujourd'hui, il suffit de lui donner une compétence décisionnelle.
La profession d'infirmier est exercée majoritairement par des salariés. Si les professionnels libéraux ont des besoins particuliers, ce que nous avons bien noté lorsque nous avons reçu leurs associations représentatives, il faut les identifier et y répondre. L'instauration d'un ordre national des infirmiers n'est pas la réponse adaptée. De surcroît, quel serait le rôle de cet ordre ?
Si le ministère de la santé et des solidarités modifie un certain nombre de règles statutaires actuelles, au moment où les pôles doivent se mettre en place, c'est afin de remettre en cause le code du travail et de sortir les infirmiers du statut de la fonction publique hospitalière. Cette crainte est partagée par un certain nombre d'organisations syndicales, notamment au vu de l'évolution de la profession et, surtout, des difficultés auxquelles sont confrontés les infirmiers salariés, en particulier dans les hôpitaux publics.
Pour avoir le droit de travailler, il faudrait payer ? Pour notre part, nous considérons que le diplôme suffit.
Il est apparu, lors des auditions, que l'ordre national des infirmiers pourra refuser une mutation ou un détachement vers un département qu'il estimera trop doté en infirmiers. Mais, pour être conseiller général du Rhône et connaître fort bien un grand quartier populaire très emblématique, celui des Minguettes, je sais que se pose une problématique que nous ne parvenons pas à résoudre pour différentes raisons : un désert médical ou paramédical s'installe dans de tels quartiers.
Voilà pourquoi mon groupe votera pour cet amendement de suppression.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 20.
Je suis saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
Mme la présidente. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 2 :
Nombre de votants | 327 |
Nombre de suffrages exprimés | 327 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 164 |
Pour l'adoption | 126 |
Contre | 201 |
Le Sénat n'a pas adopté.
L'amendement n° 26, présenté par MM. Domeizel et Godefroy, Mmes Campion, Demontès, Jarraud-Vergnolle, Le Texier, Schillinger et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 4312-1 du code de la santé publique, après le mot :
groupant
supprimer les mots :
obligatoirement tous
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. Il s'agit, par cet amendement, de rendre l'adhésion à l'ordre facultative : puisque notre amendement de suppression n'a pas été adopté, nous proposons d'autres amendements.
En effet, la profession d'infirmier a deux caractéristiques principales : un grand nombre de spécialisations et des modes d'exercices différents.
Dès lors que l'on sait que la majorité de ses membres, soit 86 %, est salariée et que seule une petite minorité est libérale, non seulement la création d'un ordre est contestable, mais, de plus, une adhésion obligatoire à cette instance de l'ensemble de ces professionnels se révèle injustifiée, d'autant que, bien que l'on veuille nous faire croire qu'une évolution et un consensus se sont dégagés en faveur d'un ordre, la réalité est tout autre : il existe en fait un clivage très net entre les organisations infirmières. La nécessité d'une telle instance est contestée par la majorité des organisations syndicales fédérées ou confédérées.
Par ailleurs, la vocation d'une juridiction ordinale qui viendrait concurrencer la réglementation existant à l'intérieur des hôpitaux ou des cliniques ne semble pas évidente, et ce d'autant moins que sont exclus de cet ordre les infirmiers du service de santé des armées, alors même qu'ils participent aux réseaux de soins. Pourquoi soustraire les uns au contrôle disciplinaire de l'ordre et ne pas rendre pour les autres l'adhésion facultative ?
Il semblerait normal et démocratique de rendre facultative, pour les salariés, l'inscription au tableau et la cotisation. Cela ne gênerait en rien la création de cet ordre national des infirmiers. Ces derniers pourraient choisir d'y adhérer ou non. Ce ne serait pas une contrainte pour pouvoir travailler.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Sylvie Desmarescaux, rapporteur. Cette proposition est tout à fait contraire à la vocation d'un ordre professionnel qui, par principe, doit rassembler l'ensemble des personnes qui exercent un même métier, au-delà des spécificités de leur statut : les fonctionnaires, les salariés et les libéraux.
La commission est donc défavorable à cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Godefroy. À partir du moment où l'on rend obligatoire l'adhésion des salariés à un ordre, je me demande si, demain, pour exercer le métier de boucher ou de boulanger, il ne faudra pas aussi entrer dans un ordre spécifique. C'est là une conception très moyenâgeuse de l'organisation de la société, un véritable corporatisme !
Rendre obligatoire cette adhésion pour les médecins travaillant dans les hôpitaux peut se comprendre, mais contraindre à l'adhésion et à la cotisation les salariés qui ont leur diplôme d'État et qui entendent rester salariés me semble assez contestable, même sur le plan du droit.
Mme la présidente. L'amendement n° 38, présenté par M. Jégou et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :
À la fin du premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 4312-1 du code de la santé publique, supprimer les mots :
, à l'exception de ceux relevant du service de santé des armées
La parole est à M. Jean-Jacques Jégou.
M. Jean-Jacques Jégou. Je n'ai pas voulu prolonger la discussion de l'amendement précédent, mais l'emploi de l'adjectif « moyenâgeux » me paraît excessif. Cela ne vous ressemble pas, mon cher collègue !
M. Jean-Pierre Godefroy. Vous m'avez compris !
M. François Autain. Archaïque est suffisant !
M. Jean-Jacques Jégou. Même le terme « archaïque » est exagéré !
Nous ne sommes pas sur la même longueur d'onde : les partisans de la création de l'ordre veulent que la profession des infirmiers soit représentée sur le plan non seulement national, mais aussi européen, voire international. Plusieurs d'entre nous ont indiqué quelles étaient nos carences en la matière. On confond, me semble-t-il, l'ordre et les syndicats : les syndicats joueront leur rôle ; l'ordre s'occupera de la déontologie, des bonnes pratiques et de la promotion.
Nous souhaitions que les infirmiers militaires puissent être également représentés. Il s'avère que l'ordre des médecins ne compte aucun médecin militaire. Je propose donc de modifier mon amendement en remplaçant les mots : «, à l'exception de ceux relevant du service de santé des armées » par les mots : «, à l'exception de ceux régis par le statut général des militaires ».
Ainsi seraient concernés les infirmiers exerçant dans les hôpitaux militaires, mais n'étant pas régis par le statut militaire.
Mme la présidente. Je suis donc saisie de l'amendement n° 38 rectifié, présenté par M. Jégou et les membres du groupe Union centriste - UDF, qui est ainsi libellé :
À la fin du premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 4312-1 du code de la santé publique, remplacer les mots :
, à l'exception de ceux relevant du service de santé des armées
par les mots :
, à l'exception de ceux régis par le statut général des militaires
Quel est l'avis de la commission ?
Mme Sylvie Desmarescaux, rapporteur. Il est vrai qu'à la différence des médecins militaires, les infirmiers des services de santé des armées sont en majorité des civils. Ils dépendant cependant d'une hiérarchie particulière pour les questions de déontologie et de discipline.
Une solution équilibrée pourrait consister à inclure dans l'ordre des infirmiers les civils qui exercent dans les hôpitaux militaires.
Je souhaite entendre l'avis du Gouvernement.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Xavier Bertrand, ministre. À l'Assemblée nationale, le Gouvernement avait émis un avis défavorable sur ce point, le statut militaire étant tout simplement incompatible avec l'appartenance à un ordre.
À partir du moment où, du fait de la rectification qui vient d'intervenir, il est bien précisé que les personnes qui sont sous statut militaire ne sont pas visées, le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat. Peut-être des expertises juridiques complémentaires seront-elles nécessaires.
Mme la présidente. La parole est à M. André Vantomme, pour explication de vote.
M. André Vantomme. Le groupe socialiste votera contre cet amendement.
J'avoue avoir quelques difficultés à comprendre pourquoi les infirmiers susvisés échapperaient à cette mesure et pas les fonctionnaires. Il faut être logique ! Je pense qu'il y a là une contradiction. Au-delà de notre opposition à la création de cet ordre, nous aurions souhaité une certaine cohérence.
Mme la présidente. La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Monsieur le ministre, vous venez de faire évoluer la position du Gouvernement en réponse à M. Jégou, qui propose une solution juridique très astucieuse. Mais pourquoi traiter différemment les fonctionnaires de la fonction publique hospitalière et les civils qui travaillent au sein des armées ? Il y a vraiment deux poids deux mesures ! Nous n'avons pas dit notre dernier mot sur ce sujet.
Mme la présidente. L'amendement n° 27, présenté par MM. Domeizel et Godefroy, Mmes Campion, Demontès, Jarraud-Vergnolle, Le Texier, Schillinger et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Supprimer la première phrase du troisième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 4312-1 du code de la santé publique.
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. Non seulement la création d'un ordre n'apparaît ni opportune ni apte à répondre aux véritables enjeux de la profession d'infirmier, mais, en outre, une telle instance dans notre paysage sanitaire semble superflue. En effet, il faut bien admettre que de nombreuses instances et de multiples textes existent déjà.
Ainsi, il existe des instances nationales dans lesquelles siègent les représentants de la profession : le Conseil supérieur des professions paramédicales et le Conseil supérieur de la fonction publique hospitalière.
Le CSPPM dispose d'une commission infirmière constituée de représentants de toutes les spécialités et de tous les exercices professionnels - secteur public, privé ou libéral - et rassemble la pluralité des organisations syndicales et associatives. Il émet notamment un avis sur les quotas étudiants, sur les contenus de formation et sur les règles professionnelles.
Au lieu de créer un ordre qui se surajoute à l'existant, il conviendrait peut-être de donner au CSPPM d'autres prérogatives et les moyens d'un fonctionnement efficace.
Par ailleurs, les attributions des commissions administratives paritaires, des prud'hommes, de la commission de soins et de la Haute Autorité de santé répondent aux besoins d'évaluation des pratiques professionnelles. Quant à l'obligation d'inscription auprès de la DDASS, elle est prévue dans le code de la santé publique. Il est vrai qu'aucune cotisation obligatoire n'est prévue pour ces instances.
En outre, pour en venir à l'objet même de cet amendement, l'éthique de la profession est déjà précisée par la voie réglementaire.
En effet, dans sa nouvelle partie réglementaire, le code de la santé publique regroupe au titre Ier « Profession d'infirmier ou d'infirmière » du livre III « Auxiliaires médicaux » de la quatrième partie « Professions de santé », sous les articles R. 4311-1 à R. 4312-49, l'ensemble des actes, des règles professionnelles et des champs de compétences s'appliquant aussi bien à l'exercice professionnel libéral que salarié.
Il ne paraît donc pas souhaitable de prévoir que le Conseil national de l'ordre des infirmiers édicte un code de déontologie sous la forme d'un décret en Conseil d'État, disposition d'autant moins pertinente qu'elle aurait pour conséquence l'abrogation des règles existantes.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Sylvie Desmarescaux, rapporteur. S'il est vrai que des règles déontologiques ont été définies pour les infirmiers par les décrets de 1993, puisque cette profession disposera d'un ordre, il doit lui revenir aujourd'hui de fixer elle-même le code de déontologie qui la régira. Je suis d'ailleurs convaincue que les règles de 1993 serviront de base à ce nouveau code.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.
M. Guy Fischer. En définitive, le CSPPM est voué aux gémonies : vous n'en voulez plus !
Pour notre part, nous estimons au contraire qu'il pourrait être rénové, dans le sens des propositions formulées lors des discussions que nous avons eues avec les différentes organisations syndicales. Monsieur le ministre, sa composition pourrait être revue, si vous en acceptiez le principe. Mais c'est bien vous le seul responsable des dysfonctionnements de cette instance.
M. Guy Fischer. Mais non, monsieur le ministre !
Nous faisons donc plusieurs propositions : revoir cette composition, pour la fonder sur une meilleure représentativité syndicale et associative des professionnels ; définir le champ des compétences décisionnelles et consultatives, avec autosaisine de ses membres ; renforcer ses missions, qu'il s'agisse du suivi des textes réglementaires, de l'actualité médicale, technique et thérapeutique ou du contenu des formations ; décliner le CSPPM au niveau des régions et des départements, pour être au plus près des décisions en fonction des besoins des professionnels comme des besoins de santé territoriaux ; élire en son sein, à l'heure où il est beaucoup question de l'Europe, des représentants au niveau des organismes européens et mondiaux ; créer des liens avec les autres structures des corps professionnels, que ce soit en matière médicale, éducative ou sociale, ou avec le Comité consultatif national d'éthique, la Commission du médicament, la Haute Autorité de santé pour ce qui concerne l'évaluation des pratiques professionnelles ; enfin, élire des membres pour des instances disciplinaires de droit commun à créer pour les infirmiers libéraux.
Ce sont autant de propositions formulées par des organisations syndicales, mais qui n'ont l'écoute ni de M. le ministre ni de la majorité.
Mme la présidente. L'amendement n° 1, présenté par Mme Desmarescaux, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Dans la deuxième phrase du troisième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 4312-1 du code de la santé publique, après les mots :
Les dispositions de ce code concernent
supprimer le mot :
notamment
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Sylvie Desmarescaux, rapporteur. Il s'agit d'un amendement rédactionnel visant à supprimer le terme « notamment », puisque le code de déontologie ne concerne que les droits et les devoirs des infirmiers.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L'amendement n° 2, présenté par Mme Desmarescaux, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Supprimer la dernière phrase du troisième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 4312-1 du code de la santé publique.
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Sylvie Desmarescaux, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de cohérence avec la suppression du Conseil supérieur des professions paramédicales, que la commission proposera à l'article 4 de la présente proposition de loi.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L'amendement n° 39, présenté par M. Jégou et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 4312-2 du code de la santé publique :
L'ordre national des infirmiers assure la promotion de la profession d'infirmier.
La parole est à M. Jean-Jacques Jégou.
M. Jean-Jacques Jégou. Il importe que l'instance créée soit réellement un ordre des infirmiers, et non une association loi 1901 ou un club.
Dans la nouvelle rédaction de l'article L. 4312-1 proposée à l'article 1er, il est prévu, au deuxième alinéa, que l'ordre national des infirmiers « veille au maintien des principes d'éthique, de moralité, de probité et de compétence » et il est fait référence, au troisième alinéa, à un code de déontologie. On entre trop dans le détail !
Par ailleurs, aux termes de l'article L. 4312-2 du même code, l'« ordre national des infirmiers assure la défense de l'honneur et de l'indépendance de la profession d'infirmier. » Il n'est point besoin d'ordre pour défendre l'honneur des infirmiers et des infirmières. C'est pourquoi je propose une nouvelle rédaction du premier alinéa de cet article L. 4312-2, qui ne retienne, parmi toutes les déclarations de principe, que la nécessité d'assurer la promotion de la profession d'infirmier.
En ce sens, j'entends supprimer ce qui s'apparente à du « bavardage ». Même si l'honneur et l'indépendance sont des notions importantes, elles n'ont pas de lien, me semble-t-il, avec l'ordre que nous voulons créer.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Sylvie Desmarescaux, rapporteur. Mon cher collègue, une telle modification ne nous paraît pas opportune, dans la mesure où la rédaction proposée pour les missions de l'ordre est calquée sur celle qui existe pour tous les autres ordres professionnels.
Je vous demanderai donc de bien vouloir retirer cet amendement. À défaut, j'émettrai un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Monsieur le sénateur, il me semble important de faire figurer ces deux notions, qui sont bien évidemment présentes à l'esprit de tous les professionnels de santé.
À cet égard, je prendrai un exemple significatif : nous avons voulu renforcer très clairement les contrôles au niveau de l'assurance maladie, et j'assume ce choix ; or, lorsqu'une fraude en la matière a été rendue publique, le secrétaire général du Conseil de l'ordre des médecins a justement fait état de l'honneur des médecins en question. Cela montre bien que, quand il est nécessaire de rappeler les fondements de notre système, dont nul ne doit s'écarter, il est très important de pouvoir y faire référence. Bien sûr, c'est le respect de ces notions dans la pratique qui compte, mais il importe de faire figurer celles-ci dans les textes.
Telles sont les raisons pour lesquelles je vous demanderai de bien vouloir retirer cet amendement, faute de quoi je serai contraint d'émettre un avis défavorable.
Mme la présidente. Monsieur Jégou, l'amendement est-il maintenu ?
M. Jean-Jacques Jégou. Je pensais, en toute candeur, que la déontologie et l'honneur pouvaient cohabiter. Cela étant, je retire cet amendement, bien que je ne sois pas complètement convaincu.
Je rappellerai que cette rédaction reprend le style quelque peu pompeux adopté lors de la création de l'ordre des médecins, style que nous traînons depuis le 7 octobre 1940. Mais je n'en dirai pas plus ! (Marques d'approbation sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Guy Fischer. Nous non plus !
Mme la présidente. L'amendement n° 39 est retiré.
L'amendement n° 40, présenté par M. Jégou et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :
Supprimer le deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 4312-2 du code de la santé publique.
La parole est à M. Jean-Jacques Jégou.
M. Jean-Jacques Jégou. Je propose de « toiletter » quelque peu cette proposition de loi, car nous sommes souvent accusés d'être trop « bavards » dans les textes et, accessoirement, dans l'hémicycle. Du reste, ce qui se dit dans l'hémicycle n'est pas forcément lu après, et c'est regrettable.
En l'espèce, la disposition proposée me paraît d'ordre réglementaire, voire du ressort même de l'ordre des infirmiers. J'en propose donc la suppression.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Sylvie Desmarescaux, rapporteur. Mon cher collègue, une telle précision existe déjà pour tous les autres ordres professionnels. Dans un souci de cohérence, il ne me semble donc pas judicieux de la supprimer.
Là encore, je vous demanderai de bien vouloir retirer cet amendement, pour ne pas avoir à émettre un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Monsieur Jégou, je comprends bien votre souci d'éviter de voter des dispositions qui, aujourd'hui, seraient devenues d'une certaine façon obsolètes.
En ce qui concerne l'entraide, je prendrai l'exemple des médecins, même si ce n'est pas la seule référence que nous connaissions vous et moi. Il existe un service important d'entraide en faveur des médecins en difficulté. Ainsi, un médecin qui se trouve dans l'incapacité d'exercer pour des raisons pathologiques et qui n'a pas souscrit une assurance professionnelle peut justement être aidé par le biais de ce service. C'est le cas également pour les veuves et les enfants, ces derniers pouvant bénéficier d'une aide au financement de leurs études.
Si, à l'évidence, ce n'est pas la vocation première d'un ordre, de telles actions font également partie de ses missions. Elles sont financées par les cotisations et relèvent bien du domaine législatif.
Sous le bénéfice de ces précisions, je vous demande de bien vouloir retirer cet amendement, faute de quoi j'émettrai un avis défavorable.
Mme la présidente. Monsieur Jégou, l'amendement n° 40 est-il maintenu ?
M. Jean-Jacques Jégou. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 40 est retiré.
L'amendement n° 3, présenté par Mme Desmarescaux, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Dans la première phrase du troisième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 4312-2 du code de la santé publique, après le mot :
concernant
supprimer les mots :
en particulier
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Sylvie Desmarescaux, rapporteur. Il s'agit d'un amendement rédactionnel visant à supprimer une précision inutile.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L'amendement n° 4, présenté par Mme Desmarescaux, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Dans la seconde phrase du troisième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 4312-2 du code de la santé publique, après les mots :
il peut consulter
supprimer le mot :
notamment
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Sylvie Desmarescaux, rapporteur. Il s'agit également d'un amendement rédactionnel.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L'amendement n° 41, présenté par M. Jégou et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :
Dans le quatrième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 4312-2 du code de la santé publique remplacer les mots :
il participe à la diffusion des règles
par les mots :
il élabore et diffuse les règles
La parole est à M. Jean-Jacques Jégou.
M. Jean-Jacques Jégou. Monsieur le ministre, je pense vous avoir entendu tout à l'heure confirmer le souhait que j'exprime dans cet amendement. Je ne pense pas que vos propos aient dépassé votre pensée, car je vous sais très précis sur ce point.
Nous entendons créer un ordre responsable de la profession d'infirmier, capable de réfléchir sur des problèmes déontologiques et éthiques. Son rôle ne peut donc se limiter à la seule participation à la diffusion des règles de bonnes pratiques professionnelles. En l'espèce, ce que je propose n'est pas révolutionnaire : il s'agit de permettre également à l'ordre des infirmiers d'élaborer ces règles avec la Direction générale de la santé.
Ce partenariat lui donnerait plus d'importance, d'autant que vous-même, monsieur le ministre, avez sollicité publiquement le concours de cet ordre dans l'édiction des règles de bonnes pratiques.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Sylvie Desmarescaux, rapporteur. Mon cher collègue, je vous rappelle que l'élaboration et la diffusion des règles de bonnes pratiques professionnelles ont été confiées, pour l'ensemble des professions médicales et paramédicales, à la Haute Autorité de santé. Les ordres professionnels participent donc à l'élaboration et à la diffusion de telles règles, et ce en coordination avec cette instance.
Je vous demande donc de bien vouloir retirer cet amendement, pour ne pas avoir à émettre un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Monsieur le sénateur, encore une fois, je vous demanderai de bien vouloir retirer cet amendement, faute de quoi je serai contraint d'émettre un avis défavorable.
Sur le fond, nous sommes d'accord, mais il faut tenir compte de la loi du 13 août 2004, qui définit très clairement à la fois la place et le rôle de la Haute Autorité de santé : c'est elle qui est chargée d'élaborer les règles de bonnes pratiques professionnelles. Cependant, il est évidemment exclu qu'elle agisse seule.
Bien entendu, il y a tout un travail à conduire avec les représentants de la profession. Nul ne peut imaginer que l'ordre ne soit pas amené à collaborer à ces travaux. Par conséquent, il importe de ne pas se méprendre sur le rôle de la Haute Autorité de santé et sur la place des uns et des autres. Or l'adoption de votre proposition entraînerait une véritable confusion sur le rôle de chacun dans l'élaboration de ces règles.
On pourrait donc imaginer, dans ces conditions, que se crée une situation de concurrence entre la Haute autorité de santé et l'ordre national des infirmiers au niveau de l'élaboration des règles. Personne n'y gagnerait : ni les patients, ni les infirmiers.
Pour cette raison, je vous demande, monsieur le sénateur, de bien vouloir retirer cet amendement.
Mme la présidente. Monsieur Jégou, l'amendement n° 41 est-il maintenu ?
M. Jean-Jacques Jégou. Si j'ai bien compris, monsieur le ministre, nous sommes d'accord, mais vous me demandez tout de même de retirer mon amendement !
Je souhaitais voir remplacer les mots « il participe à la diffusion des règles » par une formule indiquant que l'ordre national des infirmiers participe à l'élaboration de ces règles, idée dont vous venez d'admettre la validité, monsieur le ministre.
Il me semble en effet important que l'on inscrive dans le texte de la proposition de loi le principe d'une participation active de l'ordre national des infirmiers à l'élaboration des règles. Or la formule retenue dans l'article L. 4312-2 du code de la santé publique laisse entendre que le rôle de l'ordre est quelque peu passif en la matière.
Je retirerai mon amendement si vous trouvez que ma proposition est incompatible avec l'esprit du texte, mais je crois que nous pouvons nous entendre sur ce point.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Xavier Bertrand, ministre. Dans la loi du 13 août 2004 relative à l'assurance maladie, il est précisé, s'agissant des compétences et des attributions de la Haute autorité de santé, que l'élaboration de ces règles se fait à chaque fois en lien avec les organismes concernés.
Bien sûr, il n'est pas fait mention à proprement parler de l'ordre national des infirmiers dans ce texte, puisque celui-ci n'existait pas en 2004. Mais à partir du moment où cette instance existe, alors l'élaboration des règles entre dans le cadre des attributions de la Haute autorité de santé.
La présente proposition de loi ne peut donc pas modifier la loi de 2004. En revanche, cette dernière autorise cette participation à l'élaboration des règles.
Mme la présidente. Monsieur Jégou, compte tenu de ces explications, l'amendement n° 41 est-il maintenu ?
M. Jean-Jacques Jégou. Non, madame la présidente, je le retire.
Mme la présidente. L'amendement n° 41 est retiré.
Je suis saisie de sept amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 28, présenté par MM. Domeizel et Godefroy, Mmes Campion, Demontès, Jarraud-Vergnolle, Le Texier, Schillinger et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
I. Supprimer le texte proposé par cet article pour la section 2 du chapitre II du titre Ier du livre III de la quatrième partie du code de la santé publique.
II. En conséquence, supprimer le texte proposé par cet article pour les articles L. 4312-3 et L. 4312-4 du code de la santé publique.
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. Monsieur le ministre, vous avez commandé un rapport relatif à la création d'un ordre infirmier. Or il apparaît que les conclusions de cette mission ne sont pas prises en compte dans la présente proposition de loi.
En effet, le rapport Couty prévoit une structure ordinale fondée sur deux strates : une strate nationale et une strate régionale. Il n'est pas fait mention d'une strate départementale.
Le présent amendement tend donc à suivre les préconisations de ce rapport en évitant la création d'un ordre départemental, l'argument de proximité n'étant valable que pour les infirmiers libéraux.
Cet amendement se justifie d'autant plus que la compétence en matière de santé est transférée aux régions, l'échelon régional étant considéré comme le plus pertinent. De plus, il faut rappeler que toutes les formations paramédicales ont été transférées aux régions à la suite de la mise en application de la loi de décentralisation de M. Raffarin. Il s'agit donc d'être logique.
J'ajoute que, parmi les tenants de l'ordre, certaines coordinations de professionnels infirmiers sont opposées au principe d'une structuration à trois niveaux, car ils estiment que celle-ci multiplierait par trois les frais de gestion - salaires des élus locaux, secrétariat, etc - et induirait une cotisation trop élevée.
Par ailleurs, les ordres professionnels qui sont organisés en trois niveaux concernent des professions majoritairement libérales, ce qui n'est pas le cas de la profession d'infirmier.
L'auteur du rapport conclut que les infirmiers ne veulent pas d'un ordre calqué sur le modèle de ceux qui existent, mais qu'ils souhaitent la création d'une instance ordinale faite par les infirmiers pour les infirmiers, qui tienne compte des évolutions administratives et législatives.
C'est la raison pour laquelle nous proposons une structuration sur deux niveaux, national et régional.
Mme la présidente. L'amendement n° 5, présenté par Mme Desmarescaux, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Dans la seconde phrase du I du texte proposé par cet article pour l'article L. 4312-3 du code de la santé publique, après les mots :
Il assure
supprimer le mot :
notamment
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Sylvie Desmarescaux, rapporteur. Il s'agit d'un amendement rédactionnel.
Mme la présidente. L'amendement n° 6, présenté par Mme Desmarescaux, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Aux deuxième, troisième et quatrième alinéas du II du texte proposé par cet article pour l'article L. 4312-3 du code de la santé publique, après les mots :
les infirmiers inscrits au tableau
supprimer les mots :
, remplissant les conditions fixées par l'article L. 4123-5
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Sylvie Desmarescaux, rapporteur. L'article L. 4312-3, en son paragraphe III, renvoie déjà à l'article L. 4123-5 du code de la santé publique relatif aux conditions d'éligibilité aux conseils départementaux des ordres des professions médicales.
Il convient donc de supprimer par trois fois, au paragraphe II de cet article, les mots « remplissant les conditions fixées par l'article L. 4123-5 », dont la mention est redondante et qui pourraient prêter à confusion, dans la mesure où ils semblent définir les électeurs et non les candidats.
Mme la présidente. L'amendement n° 29, présenté par MM. Domeizel et Godefroy, Mmes Campion, Demontès, Jarraud-Vergnolle, Le Texier, Schillinger et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
I - Après le quatrième alinéa du II du texte proposé par cet article pour l'article L. 4312-3 du code de la santé publique, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Il est constitué à la proportionnelle des collèges ci-dessus mentionnés.
II - Supprimer la dernière phrase du sixième alinéa du même texte.
La parole est à M. André Vantomme.
M. André Vantomme. La question de la représentation des différents collèges professionnels ne cesse de faire débat.
Dans la première version de la proposition de loi, il était question que les trois conseils - départemental, régional et national - soient constitué chacun, « pour un tiers au moins » de leurs membres, « de représentants des infirmiers exerçant à titre libéral ».
Lors de l'examen du texte en commission à l'Assemblée nationale, le président Jean-Michel Dubernard avait lui-même rappelé « que les trois quarts des infirmiers exercent à l'hôpital et qu'il semble dès lors très peu opportun de prévoir une représentation minimale des libéraux à hauteur d'un tiers dans les instances ordinales ».
En séance publique, l'Assemblée nationale a finalement opté pour une solution visant à éviter une représentation trop déséquilibrée des salariés, en prévoyant « qu'aucune des trois catégories de représentants ne peut cependant détenir à elle seule la majorité absolue des sièges » au sein de chaque conseil.
La raison même de ce débat fournit une preuve supplémentaire, s'il en fallait, des limites de cette proposition de loi, qui vise à créer un ordre national des infirmiers sans prendre en compte les spécificités de la profession d'infirmier, qui est, rappelons-le, essentiellement constituée de salariés.
De deux choses l'une : soit on crée un ordre pour le secteur libéral et on n'oblige pas l'ensemble de la profession à y adhérer et à cotiser, soit on crée un ordre pour l'ensemble de la profession et alors, la représentation la plus juste doit correspondre, en termes de proportions, à la réalité de l'exercice de la profession d'infirmier qui, selon les données fournies dans le rapport Couty, s'exerce à 86 % dans le secteur non libéral.
Mme la présidente. L'amendement n° 7, présenté par Mme Desmarescaux, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Dans le III du texte proposé par cet article pour l'article L. 4312-3 du code de la santé publique, remplacer les mots :
L. 4123-10 à
par les mots :
les troisième et quatrième alinéas de l'article L. 4123-8, les articles L. 4123-9 à
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Sylvie Desmarescaux, rapporteur. Cet amendement vise à rendre applicables à l'ordre des infirmiers les dispositions des troisième et quatrième alinéas de l'article 4123-8, relatif au remplacement des membres titulaires du conseil départemental par leurs suppléants, et de l'article L. 4123-9, qui prévoit des élections complémentaires lorsque les suppléants ne sont plus en nombre suffisant pour permettre le remplacement des titulaires, en cas de besoin.
Mme la présidente. L'amendement n° 30, présenté par MM. Domeizel et Godefroy, Mmes Campion, Demontès, Jarraud-Vergnolle, Le Texier, Schillinger et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans le texte proposé par cet article pour l'article L. 4312-4 du code de la santé publique, remplacer les mots :
peuvent tenir
par le mot :
tiennent
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. Cet amendement tend à instituer la tenue de séances de discussions entre les ordres professionnels « pour l'examen de questions communes ». Ainsi serait mis en avant le principe d'une réflexion pluridisciplinaire, objectif de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, dite loi Kouchner, qui avait créé un conseil interprofessionnel regroupant un certain nombre de professions paramédicales.
Or les différents textes liés à la création des ordres professionnels depuis 2002 vident cet objectif légal de sa substance. Vous proposez d'ailleurs, madame le rapporteur, dans un amendement dont nous débattrons ultérieurement, d'anéantir cette démarche en supprimant purement et simplement ce conseil interprofessionnel.
Il nous semble, pour notre part, très important de rendre cette concertation obligatoire en ce qui concerne les questions communes. Dans le cas contraire, nous prendrions le risque de voir disparaître toute réflexion pluridisciplinaire.
Mme la présidente. L'amendement n° 8, présenté par Mme Desmarescaux, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par cet article pour l'article L. 4312-4 du code de la santé publique par les mots :
aux professions intéressées
La parole est à Mme le rapporteur, pour présenter cet amendement et pour donner l'avis de la commission sur les amendements n°s 28, 29 et 30.
Mme Sylvie Desmarescaux, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de précision.
L'amendement n° 28 vise à supprimer l'échelon départemental de l'ordre national des infirmiers.
Or il serait fort utile que les infirmiers puissent bénéficier d'un échelon situé au plus près des professionnels et de leurs patients, comme c'est le cas dans les autres ordres professionnels, qui sera chargé des missions administratives dévolues à l'ordre et qui assumera un rôle de conciliation en cas de difficulté, avant que patients et professionnels ne saisissent la chambre disciplinaire de première instance.
Pour ces raisons, la commission est défavorable à cet amendement.
La disposition prévue dans l'amendement n° 29 reviendrait à faire bénéficier les fonctionnaires d'une majorité absolue des sièges au conseil départemental, ce qui est contraire à l'objectif affiché par la proposition de loi qu'aucune catégorie ne soit surreprésentée au sein de cette instance. Il s'agit de permettre à l'ordre de prendre en compte équitablement les besoins et les attentes de chaque catégorie d'infirmiers.
La commission est donc également défavorable à cet amendement.
La proposition contenue dans l'amendement n° 30 paraît judicieuse dans la mesure où les professions paramédicales sont confrontées régulièrement à des situations et à des difficultés identiques. Or aucune instance n'existe actuellement pour les rassembler au niveau local.
La commission est donc favorable à cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Le Gouvernement est favorable aux amendements nos 5, 6 et 7 et défavorable aux amendements nos 28 et 29.
S'agissant de l'amendement n° 30, il émet un avis défavorable, dans la mesure où les ordres professionnels ont toute liberté pour organiser leurs travaux les uns par rapport aux autres et surtout au sein de leurs instances respectives. Le manquement à l'obligation de tenir des séances de discussions interprofessionnelles ne saurait donc être sanctionné. Par conséquent, une telle disposition n'a pas de valeur juridique.
Je reprends à cet égard les propos de M. Jégou : les lois ne doivent pas être trop bavardes, surtout quand le manquement aux obligations qu'elles instaurent ne peut être sanctionné.
Le Gouvernement émet, en revanche, un avis favorable sur l'amendement n° 8.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote sur l'amendement n° 29.
M. Jean-Pierre Godefroy. Vous êtes en pleine contradiction ! En effet, alors que nous proposons d'autres façons de procéder, notamment en prévoyant de laisser les infirmiers libres de s'inscrire ou non à l'ordre, vous voulez rendre cette adhésion obligatoire pour tous les infirmiers, tout en sachant pertinemment que 86 % d'entre eux sont des salariés. Puis, vous nous dites que cela ne peut pas fonctionner en termes de représentativité.
Il en effet évident que les salariés seront majoritaires puisqu'ils représentent 86% des infirmiers et que, en outre, ils seront obligés d'adhérer !
Je ne comprends pas votre position. Soit vous obligez tous les infirmiers à adhérer et vous retenez le principe « un homme égale une voix », soit vous laissez aux salariés la liberté d'adhérer ou non. Que signifie cette procédure consistant à obliger des personnes à adhérer à un ordre professionnel et à réduire ensuite leur représentativité, parce qu'on ne veut pas qu'une des catégories représentées soit majoritaire ?
Certes, nous comprenons qu'il faille établir un équilibre au sein de l'instance ordinale et, pour notre part, nous ne souhaitons pas voir s'installer une situation de déséquilibre, mais nous sommes en l'occurrence en plein paradoxe.
Laissez donc aux infirmiers la liberté de s'inscrire ou non, ou bien, dans le cas contraire, tirez les conséquences de votre décision !
Il faut une représentation proportionnelle, sans quoi nous assisterons à la mise en place d'un ordre professionnel, non pas moyenâgeux, pour reprendre ce mot qui a choqué M. Jégou, mais en tout cas bien peu moderne sur le plan de la démocratie participative.
Mme la présidente. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.
M. Guy Fischer. Mme le rapporteur l'a dit très clairement : vous ne souhaitez pas de surreprésentation des fonctionnaires.
Vous voulez inscrire dans la loi l'obligation pour les infirmiers d'adhérer à l'ordre et d'acquitter une cotisation. Mais ensuite, vous disqualifiez le mode de désignation proportionnelle en proposant que les infirmiers libéraux soient représentés dans les instances ordinales à hauteur d'un tiers minimum.
Vous mettez ainsi en place une discrimination. Cette proposition de loi traduit l'attention particulière que vous portez à une minorité, tandis que vous disqualifiez la majorité des 460 000 infirmiers salariés, qui représentent 86 % de la profession. Nous estimons au contraire que c'est le principe de proportionnalité qui doit jouer.
Vous voulez « sous-représenter » les infirmiers salariés, qu'ils travaillent dans le secteur public ou dans le secteur privé. Pour ma part, je refuse que cette proposition de loi traduise une telle volonté idéologique.
Mme la présidente. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Sylvie Desmarescaux, rapporteur. Mon cher collègue, je ne peux pas accepter vos propos.
Comme je m'en étais déjà expliquée en commission, je ne souhaite disqualifier personne. Je reconnais la qualité du travail de l'ensemble des infirmiers, qu'ils exercent dans le privé, dans le public ou en tant que professionnels libéraux. Mais il s'agit ici d'une question d'équité.
Quoi qu'il en soit, je respecte l'ensemble des infirmiers. (Brouhaha sur les travées du groupe CRC.)
M. André Vantomme. Il y en a qui sont plus égaux que d'autres !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Jégou, pour explication de vote.
M. Jean-Jacques Jégou. Chers collègues socialistes et communistes, j'aurais aimé que cette discussion ne tourne pas à une querelle idéologique. (Exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. Jean-Jacques Jégou. Vous vous trompez de registre, mais, comme vous êtes des gens très avisés, je pense que vous faites semblant de ne pas comprendre : l'ordre national des infirmiers n'est pas un syndicat.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Ils ont compris !
M. Jean-Jacques Jégou. J'ai, pour ma part, trop d'affection et de respect envers la profession que j'ai exercée un certain nombre d'années pour ignorer que, quel que soit son statut, libéral ou salarié, infirmier d'entreprise, par exemple, l'on doit avoir la même attitude, la même éthique et la même bonne pratique en présence du patient.
C'est à cela que doit veiller l'ordre, plutôt qu'à défendre différentes revendications catégorielles. Opposer ces différents exercices et statuts ne me paraît pas de bon aloi en la matière.
M. André Vantomme. Même s'ils ont les mêmes valeurs ?
M. Guy Fischer. Ce sont les mêmes adhérents !
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Xavier Bertrand, ministre. Monsieur Fischer, sur ce thème, gardons-nous, comme l'a dit M. Godefroy, de toute idéologie. Vous avez pourtant essayé d'entraîner la Haute Assemblée dans cette voie, ce qui ne vous ressemble pas et me semble d'ailleurs en contradiction avec ce que vous avez dit lors de la discussion générale.
Si vous êtes contre le principe, pourquoi vouloir modifier les règles de représentation à l'intérieur de cet ordre ?
Vous êtes, je le sais, idéologiquement attaché à la proportionnelle en tant que telle. Encore faut-il veiller à ne pas compromettre l'équilibre du texte qui nous est soumis. C'est bien là l'essentiel.
Mme la présidente. La parole est à M. André Vantomme, pour explication de vote.
M. André Vantomme. Je suis extrêmement surpris de ce que j'entends. Outre les mêmes valeurs et pratiques professionnelles, ces personnes ont un point supplémentaire qui les rassemble : la cotisation que vous voulez faire payer à tout le monde. Dés lors, je ne vois pas ce qui s'opposerait à la démocratie et à la représentativité de chacun des groupes.
M. Jean-Jacques Jégou. Les différents exercices !
M. André Vantomme. Mais non ! Les divers secteurs d'exercice, hospitalier ou privé, sont tout aussi respectables !
Mme la présidente. La parole est à M. François Autain, pour explication de vote.
M. François Autain. J'ai bien écouté ce débat très intéressant. Il est vrai que l'on va créer une différence de traitement entre les infirmiers fonctionnaires et les autres. Si les effectifs étaient à peu près comparables, cela ne poserait pas de problèmes. Mais on relève un écart considérable entre l'effectif des infirmiers hospitaliers et l'effectif des infirmiers libéraux : 400 000 environ pour les premiers, 50 000 pour les seconds.
Cette disparité sera très mal ressentie par les fonctionnaires, par ailleurs très opposés à la création de cet ordre.
Monsieur le ministre, je me demande si cette disposition ne va pas les dissuader de payer leurs cotisations à l'ordre.
Le cas s'est déjà produit dans le passé. Médecin dans ma jeunesse et élu en 1981 sur une promesse,...
M. François Autain. ... celle de supprimer l'ordre des médecins, je n'ai pas payé pendant quelques années ma cotisation à l'ordre justement pour protester contre le rôle qu'il jouait à cette époque.
Certes, je dois le reconnaître, la situation s'est améliorée depuis, mais, d'une façon générale, les ordres n'ont jamais des positions très novatrices.
M. François Autain. Leurs positions sont plutôt réactionnaires, dirais-je, au risque de choquer M. Jégou, qui n'aime pas ces adjectifs un peu archaïques.
C'est ainsi que les ordres n'ont jamais encouragé les nouvelles formes d'exercice de la médecine. J'en sais quelque chose pour avoir voulu m'installer en médecine de groupe et m'être heurté à bien des difficultés parce que l'ordre s'y opposait.
Le risque est réel que, demain, les infirmiers fonctionnaires décident de ne pas régler leurs cotisations à l'ordre. La question se poserait alors de savoir s'il y a lieu de les licencier ou de les sanctionner. C'est un autre problème, qu'il reviendra peut-être à un autre gouvernement de gérer.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 29.
Je suis saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
Mme la présidente. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 3 :
Nombre de votants | 329 |
Nombre de suffrages exprimés | 329 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 165 |
Pour l'adoption | 127 |
Contre | 202 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Je mets aux voix l'amendement n° 7.
(L'amendement est adopté.)
Mme la présidente. L'amendement n° 9, présenté par Mme Desmarescaux, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Dans la seconde phrase du premier alinéa du I du texte proposé par cet article pour l'article L. 4312-5 du code de la santé publique, après les mots :
Il assure
supprimer le mot :
notamment
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Sylvie Desmarescaux, rapporteur. Il s'agit d'un amendement rédactionnel.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L'amendement n° 10, présenté par Mme Desmarescaux, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Dans la première phrase du deuxième alinéa du I du texte proposé par cet article pour l'article L. 4312-5 du code de la santé publique, après les mots :
qui lui sont soumis
supprimer le mot :
notamment
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Sylvie Desmarescaux, rapporteur. Il s'agit également d'un amendement rédactionnel.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L'amendement n° 31, présenté par MM. Domeizel et Godefroy, Mmes Campion, Demontès, Jarraud-Vergnolle, Le Texier, Schillinger et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
I. - Après le quatrième alinéa du III du texte proposé par cet article pour l'article L. 4312-5 du code de la santé publique, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Il est constitué à la proportionnelle des collèges ci-dessus mentionnés.
II. - Supprimer la dernière phrase du sixième alinéa du même texte.
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. Cet amendement a déjà été défendu.
Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 32, présenté par MM. Domeizel et Godefroy, Mmes Campion, Demontès, Jarraud-Vergnolle, Le Texier, Schillinger et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi le IV du texte proposé par cet article pour l'article L. 4312-5 du code de la santé publique :
« IV. - Les litiges relatifs à l'exercice libéral sont instruits devant la chambre de première instance mentionnée à l'article L. 4391-3 du code de la santé publique.
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. On le voit bien, la création d'un ordre des infirmiers n'est pas sans poser de multiples problèmes du fait des différents modes d'exercice de cette profession. L'aspect disciplinaire n'y échappe pas, et pour cause, puisque c'est l'une des raisons avancées pour justifier la création d'un ordre.
Tout le souci vient, encore une fois, du fait que le manque d'instances disciplinaires concerne le seul secteur libéral qui, rappelons-le, est minoritaire. En effet, la majorité des professionnels infirmiers étant des salariés, ils dépendent d'instances déjà existantes et compétentes en matière disciplinaire.
Face à cette problématique, l'Assemblée nationale a fait le choix de « sortir » les infirmiers salariés de la procédure disciplinaire de l'ordre, notamment pour éviter les « doubles peines ».
Madame le rapporteur, vous revenez sur cette décision et vous nous proposez que les « infirmiers salariés du secteur privé relèvent, comme les libéraux, des chambres disciplinaires de l'ordre lorsqu'ils commettent une faute professionnelle. »
Encore une fois, on le voit bien, ces tergiversations sont la preuve qu'un ordre pour la profession d'infirmier n'est pas vraiment une évidence. Fidèles à notre conception, nous vous proposons un amendement qui permettrait d'apporter une solution satisfaisante à « ce casse-tête ».
Il s'agirait de juger l'ensemble des litiges entre patients et professionnels paramédicaux au sein du conseil des professions d'infirmier, masseur-kinésithérapeute, pédicure-podologue, orthophoniste et orthoptiste, créé par la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades.
Ce conseil qui, je vous le rappelle, est codifié aux articles L. 4391-1 et suivants du code de la santé publique constitue une innovation majeure, susceptible d'apporter de nouvelles pratiques et une concertation constante entre des professions complémentaires qui ne peuvent se contenter d'exister les unes à côté des autres, mais qui doivent bien plutôt fonctionner en synergie.
Je regrette que le Gouvernement ait émis un avis défavorable sur l'amendement n° 30 et je remercie le Sénat de l'avoir adopté. Il faut qu'il y ait des convergences.
Lors de l'examen de la loi Kouchner, votée ici avec un très large consensus, la commission des affaires sociales avait proposé - nous n'étions, d'ailleurs, pas d'accord - un ordre interprofessionnel paramédical pour répondre à ces objectifs.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C'est vrai !
M. Jean-Pierre Godefroy. Ce que nous proposons, c'est de revenir au texte voté en 2002 et, le cas échéant, d'exaucer le souhait qu'avait alors exprimé la commission des affaires sociales. Je ne vois pas pourquoi on a attendu cinq ans ! Faute de prendre les décrets d'application, on a créé un désordre qui n'avait pas lieu d'être.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Vous l'avez placé !
M. Jean-Pierre Godefroy. Effectivement !
Nous vous soumettons donc cet amendement pour « rectifier le tir ».
Mme la présidente. L'amendement n° 11, présenté par Mme Desmarescaux, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Après les mots :
première instance
supprimer la fin du premier alinéa du IV du texte proposé par cet article pour l'article L. 4312-5 du code de la santé publique.
L'amendement n° 12, présenté par Mme Desmarescaux, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Supprimer les deuxième et troisième alinéas du IV du texte proposé par cet article pour l'article L. 4312-5 du code de la santé publique.
L'amendement n° 13 rectifié, présenté par Mme Desmarescaux, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Compléter le IV du texte proposé par cet article pour l'article L. 4312-5 du code de la santé publique par un alinéa ainsi rédigé :
« L'employeur informe le président du conseil régional de l'ordre de toute sanction disciplinaire mentionnée au premier alinéa de l'article L. 4311-26, prononcée en raison d'une faute professionnelle à l'encontre d'un infirmier relevant du secteur public.
La parole est à Mme le rapporteur, pour présenter les amendements nos 11, 12 et 13 rectifié, et pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 32
Mme Sylvie Desmarescaux, rapporteur. En ce qui concerne l'amendement n° 11, la précision qui est visée est déjà prévue par l'article L. 4124-7 auquel renvoie le quatrième alinéa.
J'en viens à l'amendement n° 12. Le deuxième alinéa est redondant avec les dispositions de l'article L. 4123-7 du code de la santé publique relatif à la composition et au fonctionnement des chambres disciplinaires de première instance auquel renvoie déjà le quatrième alinéa du IV.
En outre, la suppression du troisième alinéa, qui exclut la compétence ordinale pour les salariés du privé, permet d'harmoniser la procédure disciplinaire avec celle qui existe pour les autres professions. Les infirmiers salariés du secteur privé seront donc soumis à la compétence disciplinaire de l'ordre.
L'amendement n° 13 rectifié vise à ce que l'ordre soit informé des sanctions lourdes, par exemple le licenciement, la révocation ou la suspension d'activité, qui sont prises à l'encontre des infirmiers du secteur public, y compris lorsque l'intéressé n'a pas été déféré devant les structures disciplinaires ordinales.
Quant à l'amendement n °32, il est contraire à la position de la commission qui souhaite supprimer ce conseil. Il ne peut, en tout état de cause, être appliqué dans la mesure où cette instance n'existe pas. La commission émet donc un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur l'amendement n° 32 et un avis favorable sur les amendements nos 11, 12 et 13 rectifié.
Mme la présidente. L'amendement n° 14 rectifié, présenté par Mme Desmarescaux, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Dans la troisième phrase du premier alinéa du I du texte proposé par cet article pour l'article L. 4312-7 du code de la santé publique, après les mots :
Il veille
supprimer le mot :
notamment
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Sylvie Desmarescaux, rapporteur. Il s'agit de la suppression d'une précision tout à fait inutile.
Mme la présidente. L'amendement n° 33, présenté par MM. Domeizel et Godefroy, Mmes Campion, Demontès, Jarraud-Vergnolle, Le Texier, Schillinger et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi le premier alinéa du II du texte proposé par cet article pour l'article L. 4312-7 du code de la santé publique :
« Le conseil national module le montant de la cotisation versée à l'ordre par les personnes inscrites au tableau en fonction de leur collège.
La parole est à M. André Vantomme.
M. André Vantomme. Je le retire au profit de l'amendement n° 34.
Mme la présidente. L'amendement n° 33 est retiré.
L'amendement n° 34, présenté par MM. Domeizel et Godefroy, Mmes Campion, Demontès, Jarraud-Vergnolle, Le Texier, Schillinger et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Supprimer le troisième alinéa du II du texte proposé par cet article pour l'article L. 4312-7 du code de la santé publique.
La parole est à M. André Vantomme.
M. André Vantomme. Nous proposons la suppression de cette cotisation obligatoire. En effet, compte tenu de ce que nous avons dit précédemment, il semble tout à fait inacceptable de faire payer une cotisation unique à l'ensemble d'une profession alors qu'elle ne servira à rien pour une grande majorité de ses membres.
Par ailleurs, l'ensemble des professionnels salariés ou agents de la fonction publique - mais pas seulement - se sont déclarés farouchement opposés - et on les comprend - au paiement d'une cotisation pour avoir le droit d'exercer leur métier.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Sylvie Desmarescaux, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur l'amendement n° 34.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Le Gouvernement émet un avis favorable sur l'amendement n° 14 rectifié.
Quant à l'amendement n° 34, monsieur Vantomme, pouvez-vous nous dire qui s'est exprimé de cette façon parmi les représentants des infirmiers et quand ? On sait bien que ce que vous dites ne correspond pas à la réalité !
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote sur l'amendement n° 34.
M. Jean-Pierre Godefroy. La situation nous semble tout à fait anormale. Nous avons proposé de laisser la libre adhésion. Ce faisant, nous accomplissions un pas et cela ne pouvait en aucun cas porter préjudice à l'ordre que vous souhaitez créer.
Vous voulez maintenant généraliser la cotisation en faisant référence à des ordres qui existent déjà et qui ne sont pas du tout de même nature.
Il s'agit ici d'un ordre dans lequel 86 % des personnes qui sont obligées d'adhérer sont des salariés : s'ils n'adhèrent pas et s'ils ne paient pas de cotisation, ils n'ont pas le droit de travailler !
Mes chers collègues de la majorité, est-il concevable, en droit français, que l'on soit obligé de cotiser à un ordre ou à un syndicat pour avoir le droit d'exercer sa profession ou d'être employé salarié ? Je réponds : non ! Quand on passe un diplôme d'État, on a le droit de travailler. Si un ordre existe, on peut y adhérer volontairement, mais la cotisation obligatoire pour avoir le droit d'exercer son travail est tout à fait anormale.
M. Jean-Pierre Godefroy. Ce n'est pas une référence en la matière !
M. Jean-Pierre Godefroy. Le fait d'être obligé de cotiser n'est pas une référence ! Voilà ce que je voulais dire, monsieur le ministre ! Ne cherchez pas à m'entraîner dans cette voie, cela ne marchera pas !
On évoque souvent l'ordre des médecins. Vous me dîtes que les médecins qui travaillent dans les hôpitaux, qui sont donc salariés, y cotisent obligatoirement. Mais ils ont pour beaucoup le droit à l'exercice libéral de la médecine dans l'hôpital.
Monsieur le ministre, envisagez-vous d'autoriser l'exercice libéral des soins infirmiers en milieu hospitalier pour les personnes qui cotiseront à l'ordre national des infirmiers ?
M. Guy Fischer. C'est ce qu'il prépare !
M. Jean-Pierre Godefroy. Par ailleurs, si l'on crée demain un ordre national des bouchers, des charcutiers, des métallurgistes...
M. Jean-Pierre Godefroy. Ce n'est pas une caricature, monsieur le ministre. On pourra les obliger à cotiser et ils ne pourront pas travailler s'ils refusent !
M. Jean-Pierre Godefroy. Cela n'a rien de scandaleux ou alors, vous méprisez le métier de boucher ! Il n'y a pas des métiers nobles et des métiers moins nobles ; il y a des métiers que l'on pratique librement et des métiers que l'on exerce en étant obligé de payer une cotisation !
M. François Autain. Je suis petit-fils de boucher, monsieur le ministre...
M. Jean-Pierre Godefroy. On peut se demander s'il est légal qu'une personne qui exerce une profession salariale soit obligée de verser une cotisation pour entrer dans un ordre.
Nous verrons, le cas échéant, si nous ne devons pas saisir le Conseil constitutionnel sur ce point.
Mme la présidente. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.
M. Guy Fischer. Je partage la colère de Jean-Pierre Godefroy.
M. Guy Fischer. La profession compte aujourd'hui 400 000 salariés qui sont loin d'être au fait des réalités qu'on veut leur imposer : que ce soit sur l'adhésion ou la cotisation obligatoires, il existe des désaccords de fond. Or, ce sont ces salariés qui apporteront l'essentiel des ressources à l'ordre ainsi créé.
J'ai contrarié Mme le rapporteur tout à l'heure en disant que l'on veut créer une discrimination dans la représentation.
On leur demande de payer...
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Je connais des élus qui sont obligés de payer !
M. Guy Fischer. ...et lorsqu'il s'agit ensuite d'établir des règles qui permettraient de représenter comme il se doit les 400 000 salariés infirmiers, on refuse.
Nous ne comprenons plus les intentions des auteurs de la proposition de loi et nous en concluons qu'elle vise à satisfaire une minorité.
Mme la présidente. L'amendement n° 15, présenté par Mme Desmarescaux, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Dans le dernier alinéa du II du texte proposé par cet article pour l'article L. 4312-7 du code de la santé publique, après les mots :
lesquels doivent
supprimer le mot :
notamment
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Sylvie Desmarescaux, rapporteur. Il s'agit de supprimer un mot inutile.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L'amendement n° 35, présenté par MM. Domeizel et Godefroy, Mmes Campion, Demontès, Jarraud-Vergnolle, Le Texier, Schillinger et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
I- Après le quatrième alinéa du III du texte proposé par cet article pour l'article L. 4312-7 du code de la santé publique, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Il est constitué à la proportionnelle des collèges ci-dessus mentionnés.
II- Supprimer la deuxième phrase du sixième alinéa du même texte.
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. Il est défendu !
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Sylvie Desmarescaux, rapporteur. Défavorable.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 1er, modifié.
(L'article 1er est adopté.)
Article 2
I. - Les troisième, quatrième et cinquième alinéas de l'article L. 4311-15 du code de la santé publique sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :
« Nul ne peut exercer la profession d'infirmier s'il n'a pas satisfait à l'obligation prévue au premier alinéa et s'il n'est pas inscrit au tableau de l'ordre des infirmiers. Toutefois, l'infirmier n'ayant pas de résidence professionnelle peut-être autorisé par le conseil départemental de l'ordre des infirmiers, et pour une durée limitée, renouvelable dans les mêmes conditions, à remplacer un infirmier. Le représentant de l'État dans le département ainsi que le parquet du tribunal de grande instance ont un droit d'accès permanent au tableau du conseil départemental de l'ordre et peuvent en obtenir copie. La liste des professionnels inscrits à ce tableau est portée à la connaissance du public dans des conditions fixées par décret. »
II. - L'article L. 4311-16 du même code est ainsi rédigé :
« Art. L. 4311-16. - Le conseil départemental de l'ordre des infirmiers refuse l'inscription au tableau de l'ordre si le demandeur ne remplit pas les conditions légales exigées pour l'exercice de la profession, s'il est frappé d'une interdiction temporaire ou définitive d'exercer la profession en France ou à l'étranger, ou s'il est frappé d'une suspension prononcée en application des articles L. 4311-26, L. 4393-1 ou L. 4398-3. »
Mme la présidente. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 21, présenté par MM. Domeizel et Godefroy, Mmes Campion, Demontès, Jarraud-Vergnolle, Le Texier, Schillinger et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. Il est défendu !
Mme la présidente. L'amendement n° 36, présenté par MM. Domeizel et Godefroy, Mmes Campion, Demontès, Jarraud-Vergnolle, Le Texier, Schillinger et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans le texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 4311-16 du code de la santé publique, supprimer les mots :
ou à l'étranger
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. J'attire votre attention sur cet amendement.
Le paragraphe II de l'article 2 est consacré au refus d'inscription au tableau de l'ordre national des infirmiers. Désormais, il appartient non plus au préfet mais au conseil départemental de l'ordre des infirmiers de refuser l'inscription au tableau si le demandeur ne satisfait pas aux conditions légales exigées pour l'exercice de la profession ou s'il est sous le coup d'une suspension ou d'une interdiction d'exercice.
Il s'agit, par cet amendement, de supprimer le refus systématique d'inscription à l'ordre, et donc d'exercice en France, lorsqu'un infirmier est frappé d'une interdiction dans un pays étranger. J'y insiste, monsieur le ministre, et j'aimerais que nous trouvions un accord sur ce point.
En effet, même en supposant que cette règle puisse être applicable - transmission des informations d'un pays à un autre - il n'est pas évident que les raisons d'une interdiction à l'étranger soient justifiées sur notre territoire.
On pourrait citer de nombreux exemples qui pourraient engendrer une interdiction d'exercice à l'étranger : mise en pratique de certaines démarches de prévention, lutte contre les MST, contraception, participation à une IVG, refus le cas échéant de porter le voile dans l'exercice de la profession.
Il conviendrait donc au minimum, avant de refuser une inscription à l'ordre en cas d'interdiction d'exercice à l'étranger, que soient vérifiées au préalable les raisons qui ont conduit à une telle décision.
S'il n'y avait pas ce contrôle, le risque serait important parce que, dans certains pays, l'interdiction d'exercer touche aux droits de l'homme. L'on ne pourrait donc pas l'appliquer directement en France.
Mme la présidente. L'amendement n° 16, présenté par Mme Desmarescaux, au nom de la commission, est ainsi libellé :
A la fin du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 4311-16 du code de la santé publique, remplacer les références :
des articles L. 4311-26, L. 4393-1 ou L. 4398-3
par la référence :
de l'article L. 4311-26
La parole est à Mme le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 16 et pour donner l'avis de la commission sur les amendements nos 21 et 36.
Mme Sylvie Desmarescaux, rapporteur. Les articles figurant dans l'amendement n° 16 font référence au conseil des professions paramédicales qu'il vous sera proposé de supprimer à l'article 4 et dont les infirmiers sont exclus du fait de la création de l'ordre.
Sur l'amendement n° 21, la commission émet un avis défavorable.
S'agissant de l'amendement n° 36, s'il est vrai que des abus peuvent être commis à l'étranger en matière d'interdiction d'exercer, il n'en demeure pas moins que la disposition prévue par la proposition de loi constitue une mesure de sécurité certaine pour les patients. En outre, le professionnel peut faire appel de cette décision lorsqu'il l'estime illégitime.
Cela étant, la commission s'en remet à la sagesse du Sénat.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur l'amendement n° 21 et un avis favorable sur l'amendement n° 16.
Je m'attarderai sur l'amendement n° 36, qui le mérite.
M. François Autain. Ah oui, il est important !
M. Xavier Bertrand, ministre. La suppression envisagée reviendrait, en définitive, à instaurer des conditions d'inscription à l'ordre plus favorables pour les infirmiers étrangers que pour les infirmiers nationaux, ce qui serait paradoxal, avec le danger d'attirer sur notre territoire des infirmiers interdits d'exercer dans leur pays du fait, par exemple, de fautes lourdes, ce qui ne serait pas sans risque pour les patients français.
Par ailleurs, l'ordre se doit de respecter les décisions prises par un pays étranger en matière d'interdiction d'exercer.
La notion de réciprocité doit également être prise en compte, car si nous mettions en place un tel dispositif, les professionnels interdits d'exercer en France pourraient aller exercer à l'étranger.
L'adoption de cet amendement aujourd'hui, même si vos arguments doivent être entendus, ne serait pas sans poser des risques réels. Il pourrait déstabiliser la partie qui n'est pas propre à ce conseil.
Il faut savoir également qu'il existe des voies de recours devant les tribunaux. Il ne s'agit donc absolument pas d'une situation qui serait définitive et sans appel. Les dispositifs en vigueur permettent d'apporter la sécurisation qui est recherchée. C'est pourquoi le Gouvernement émet un avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote sur l'amendement n° 36.
M. Jean-Pierre Godefroy. Monsieur le ministre, votre argumentation, très pertinente, aurait pu me conduire à retirer cet amendement, si vous n'aviez pas évoqué le principe de réciprocité.
Vous considérez, en effet, que l'on est obligé de respecter les interdictions d'exercer qui ont été prises dans un pays étranger. Cela confirme ce que je disais tout à l'heure, à savoir qu'une infirmière peut se voir interdire d'exercer son métier en France au motif qu'elle a, dans un pays étranger, refusé de porter le voile, assisté un médecin dans la pratique d'une IVG, voire participé à une action humanitaire.
L'affirmation de ce principe de réciprocité me conduit donc à maintenir mon amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Je suis sensible aux arguments qu'a développés M. Godefroy.
Sans doute conviendrait-il de distinguer les pays européens et les pays qui ne sont pas membres de l'Union européenne. Cette question pourrait être évoquée au cours de la navette. Il deviendrait dès lors possible de décider qu'une interdiction d'exercer prononcée dans un État non membre de l'Union européenne doit être soumise au préfet.
Le présent texte inverse le système actuel. Il appartiendra désormais aux infirmiers de faire la preuve qu'ils ont été condamnés à tort dans un pays étranger.
Afin de remédier à cette situation, nous pourrions admettre le principe de réciprocité, d'automaticité, pour les pays de l'Union européenne, qui sont tous régis par des règles similaires. Pour les autres pays, nous pourrions, afin de préserver les droits des infirmiers qui pourraient être poursuivis abusivement, adopter une attitude plus responsable en prévoyant que le préfet aura la faculté de faire « sauter » cette clause a priori, sans que l'infirmier soit contraint de déposer un recours.
Mme la présidente. La parole est à M. François Autain, pour explication de vote.
M. François Autain. Je voterai l'amendement n° 36, car je considère que le principe d'automaticité peut-être contesté, même pour des pays membres de l'Union européenne.
Prenons le cas d'une infirmière qui aurait, au Portugal, pays dans lequel l'interruption volontaire de la grossesse n'est pas légale, aidé un médecin à pratiquer une IVG. Il s'agit d'une hypothèse d'école. Si cette infirmière décidait de venir travailler dans notre pays, devrait-on lui interdire d'exercer son métier dès lors qu'elle aurait pratiqué au Portugal un acte qui est reconnu par la législation française ?
Il s'agit là d'un problème parmi d'autres. Aussi, j'invite ceux de mes collègues qui s'apprêtent à repousser cet amendement à bien réfléchir aux conséquences de leur vote.
Mme la présidente. La parole est à M. André Vantomme, pour explication de vote.
M. André Vantomme. Il convient, me semble-t-il, de retenir l'amendement n° 36. De cette façon, comme nous y invite M. About, nous pourrions revenir sur cette question au cours de la navette.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Xavier Bertrand, ministre. Monsieur le sénateur, adopter l'amendement n° 36 nous conduirait à modifier la législation en vigueur. Or le système actuel comporte des garanties.
Je comprends, certes, les motivations qui inspirent M. About, mais force est de constater que sa position ne fait pas l'objet d'un consensus, puisque M. Autain évoquait à l'instant la situation qui prévaut au Portugal.
M. François Autain. Et en Irlande !
M. Xavier Bertrand, ministre. Le Gouvernement, considérant qu'il convient d'en rester à la rédaction du texte qui vous est présenté, a donc émis un avis défavorable sur l'amendement n° 36.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 2, modifié.
(L'article 2 est adopté.)
Article 3
I. - L'article L. 4311-17 du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° Dans la première phrase, les mots : « sur la liste départementale » sont remplacés par les mots : « au tableau » ;
2° Dans la dernière phrase, après les mots : « de l'intéressé », sont insérés les mots : « ou du conseil départemental de l'ordre ».
II. - L'article L. 4311-18 du même code est ainsi rédigé :
« Art. L. 4311-18. - S'il apparaît que le demandeur est atteint d'une infirmité ou se trouve dans un état pathologique qui rend dangereux l'exercice de sa profession, le conseil départemental de l'ordre des infirmiers refuse l'inscription au tableau. En cas de doute, une vérification peut être effectuée, à la demande du conseil de l'ordre ou de l'intéressé, par le médecin inspecteur départemental de santé publique. »
Mme la présidente. L'amendement n° 22, présenté par MM. Domeizel et Godefroy, Mmes Campion, Demontès, Jarraud-Vergnolle, Le Texier, Schillinger et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. Il a été défendu !
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Sylvie Desmarescaux, rapporteur. Défavorable.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 3.
(L'article 3 est adopté.)
Article 4
Le titre IX du livre III de la quatrième partie du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° Dans l'intitulé du chapitre Ier, les mots : « d'infirmier, » sont remplacés par le mot : « de » ;
2° Dans la première phrase de l'article L. 4391-1, les mots : « d'infirmier, » sont remplacés par le mot : « de » ;
3° Dans le second alinéa de l'article L. 4393-6, le mot : « infirmiers, » est supprimé ;
4° Dans le second alinéa de l'article L. 4393-8, le mot : « infirmiers, » est supprimé.
Mme la présidente. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 23, présenté par MM. Domeizel et Godefroy, Mmes Campion, Demontès, Jarraud-Vergnolle, Le Texier, Schillinger et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. Sous le prétexte de la création d'un ordre national des infirmiers et infirmières, l'article 4 exclut ces professionnels du champ du conseil interprofessionnel créé par la loi du 4 mars 2002, relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé.
Ce conseil interprofessionnel regroupe, je le rappelle, un certain nombre de professions paramédicales exerçant de manière libérale, parmi lesquelles les infirmiers.
Bien que codifié au titre IX du livre III de la quatrième partie du code de la santé publique sous les articles L. 4391-1 et suivants, ce conseil n'a toutefois jamais été mis en place, faute de parution des décrets d'application. Je n'y reviendrai pas.
On doit le regretter, car ce conseil, en disposant d'une organisation et de compétences proches d'une structure ordinale, a le mérite, de par sa nature interprofessionnelle, de rompre avec le corporatisme.
En outre, on peut s'étonner que l'article 4, suivant la même logique, n'exclue pas non plus les masseurs-kinésithérapeutes et les pédicures-podologues qui, désormais, ont eux aussi leur ordre. La raison en est que la loi du 9 août 2004, relative à la politique de santé publique, qui a créé ces ordres, a retenu une option différente puisque ces professionnels demeurent membres du conseil, mais sont uniquement représentés au sein de son assemblée interprofessionnelle. Cette option paraissait bien plus pertinente, le conseil interprofessionnel subsistant au moins en partie.
Madame le rapporteur, dans l'amendement n° 17, vous faites un choix radical, puisque vous proposez la suppression pure et simple du conseil interprofessionnel. Vous vous doutez bien que nous ne pouvons que nous opposer à une telle démarche qui rompt avec le principe d'interprofessionnalité.
Une structure associant un certain nombre de professionnels paramédicaux est, pour nous, essentielle dans la perspective de la modernisation et de l'amélioration de la qualité de notre système de santé.
Se donner bonne conscience en créant une nouvelle instance - un ordre pour tout régler - sans se doter des moyens de faire fonctionner les institutions existantes ou, pire encore, procéder à des suppressions radicales sans solution de remplacement risque fort de ne rien résoudre et de rendre plus confus les problèmes rencontrés par la profession.
Mme la présidente. L'amendement n° 17, présenté par Mme Desmarescaux, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
Le titre IX : « Organisation de certaines professions paramédicales » du livre III de la quatrième partie du code de la santé publique est abrogé.
La parole est à Mme le rapporteur, pour présenter cet amendement et pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 23.
Mme Sylvie Desmarescaux, rapporteur. Cet amendement vise à supprimer le conseil des professions paramédicales. Créée par la loi du 4 mars 2002, relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, cette instance devait réunir les professions pour lesquelles, à cette époque, aucun ordre n'existait : les infirmiers, les masseurs-kinésithérapeutes, les pédicures-podologues, les orthophonistes et les orthoptistes.
Or cette structure n'a jamais été mise en place. Les mois passant, elle a été progressivement vidée de son contenu avec la création, par la loi du 9 août 2004, relative à la politique de santé publique, de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes et de l'ordre des pédicures-podologues.
La création de l'ordre national des infirmiers achève de tuer ce conseil dans l'oeuf. Il convient donc d'en supprimer les références dans le code de la santé publique.
L'amendement n° 23 est contraire à l'amendement de la commission qui vise non pas à exclure les infirmiers du conseil des professions médicales, mais à supprimer cette instance. La commission ne peut donc qu'y être défavorable.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Le Gouvernement est favorable à l'amendement 17 et il partage l'avis de la commission sur l'amendement n° 23.
Mme la présidente. La parole est à M. François Autain, pour explication de vote sur l'amendement n° 23.
M. François Autain. Avant votre arrivée, monsieur le ministre, M. Xavier Bertrand a fait état de la diligence, et je dirai même de la célérité avec laquelle le Gouvernement fait désormais publier les décrets. C'est vrai pour loi de 2004, relative à l'assurance maladie, pour laquelle sans doute plus de 80 % des décrets ont été publiés.
S'agissant, en revanche, des autres lois votées au cours de la présente législature, cela reste à démontrer. On peut notamment en douter pour ce qui concerne la loi relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, puisque l'un des arguments qui a été avancé par Mme le rapporteur à l'appui de la décision prise par la commission de supprimer le conseil des professions paramédicales tient précisément au fait que les décrets n'ont pas été publiés.
Le Gouvernement semble d'ailleurs ne pas apprécier cette loi. En effet, si 80 % des décrets sont parus pour la loi relative à l'assurance maladie, moins de 50 % des décrets nécessaires à l'application de la loi relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé ont à ce jour été publiés. En d'autres termes, sur les cent vingt articles que compte cette loi, quarante-neuf ne peuvent pas être appliqués faute de décrets. Et parmi ces quarante-neuf articles figure bien entendu l'article 71, qui se rapporte à notre discussion.
Aussi, je m'interroge, monsieur le ministre : s'agit-il d'une volonté délibérée de rendre inapplicables des dispositions législatives avec lesquelles le Gouvernement n'est pas d'accord ou est-ce qu'une difficulté - et dans l'affirmative, laquelle - vous empêche de publier les décrets dans des délais raisonnables ?
La création du conseil de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes, qui a été invoquée par Mme le rapporteur pour justifier la suppression du conseil des professions paramédicales, n'est intervenue qu'en 2004, soit deux ans après le vote de la loi. Et pendant ces deux années, aucun décret n'est paru.
Je ne peux donc pas m'empêcher de penser que le Gouvernement ne souhaitait pas voir fonctionner cette structure parce qu'il y était opposé.
La question est aujourd'hui de savoir ce que vont devenir les orthoptistes et les orthophonistes. Ils risquent de se sentir un peu orphelins ?
Mme la présidente. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Sylvie Desmarescaux, rapporteur. Mon cher collègue, les orthoptistes et les orthophonistes ne vont pas se sentir seuls puisque, comme je l'ai indiqué dans mon propos liminaire, ils ne souhaitent ni la création d'un ordre spécifique ni rester dans le conseil.
M. François Autain. Ils ne veulent rien !
Mme Sylvie Desmarescaux, rapporteur. Les demandes qu'ils ont formulées ont été satisfaites par décret.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Philippe Bas, ministre délégué. Madame la présidente, comme vous le savez, le Gouvernement est naturellement très attaché à la mise en oeuvre intégrale de la loi relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé. Un calendrier a été fixé - je me le suis fait communiquer récemment - afin de prendre tous les textes réglementaires nécessaires à la complète application de cette loi.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Nous voilà rassurés !
M. François Autain. C'est la langue de bois !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Godefroy. M. Philippe Bas vient de nous indiquer que le Gouvernement met tout en oeuvre pour que les décrets d'application de la loi relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé soient pris.
Tout à l'heure, j'ai demandé à M. Xavier Bertrand où en étaient les décrets concernant les ostéopathes. Monsieur le ministre, comme je sens poindre une dynamique forte, permettez-moi de vous demander également où en sont ces décrets, que l'on attend depuis cinq ans et que le Conseil d'État vous a fait obligation de prendre avant le 23 novembre, sous peine d'astreinte.
Ce retard est paradoxal, car la loi de 2002 visait d'abord à protéger les patients, ensuite à organiser la profession d'ostéopathe, à éviter la création d'écoles qui ne seraient pas sérieuses. À l'époque, il devait exister une vingtaine de formations. Aujourd'hui, faute d'avoir pris les décrets nécessaires, le nombre des écoles a dû tripler, voire quadrupler.
Puisque vous venez d'affirmer la volonté du Gouvernement de faire paraître les décrets nécessaires à l'application des lois, puis-je vous demander quand les décrets concernant les ostéopathes verront le jour ? Ces décrets seront-ils conformes à la loi relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé ou seront-ils « aménagés » afin de ne pas froisser la susceptibilité d'autres professions qui viennent, par exemple, d'obtenir la création de leur propre ordre ?
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Eh oui !
M. Guy Fischer. Bonne question !
Mme la présidente. La parole est à M. François Autain, pour explication de vote sur l'amendement n° 17.
M. François Autain. Monsieur le ministre, vous n'avez pas répondu aussi bien que je l'espérais à la question que je vous avais posée. C'est la raison pour laquelle je vous en pose une autre ! Comme vous répondez bien aux questions, vous m'encouragez à vous en poser de nouvelles ! (Sourires.)
Je suis très attaché à l'article 26 de la loi relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, ce qui ne veut pas dire que je ne considère pas ses autres articles comme importants. J'ai interrogé à ce sujet M. le directeur général de la santé, qui m'a répondu que le décret d'application des dispositions prévues par cet article allait être publié incessamment. J'ai ensuite posé une question écrite à M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités, à la fin de la dernière session, mais je n'ai toujours pas obtenu de réponse.
Aux termes de cet article, « les membres des professions médicales qui ont des liens avec des entreprises et établissements produisant ou exploitant des produits de santé ou des organismes de conseil intervenant sur ces produits sont tenus de les faire connaître au public lorsqu'ils s'expriment lors d'une manifestation publique ou dans la presse écrite ou audiovisuelle sur de tels produits ».
C'est d'ailleurs l'une des recommandations figurant à la suite du rapport Les conditions de mise sur le marché et de suivi des médicaments - Médicament : restaurer la confiance, élaboré par la commission des affaires sociales du Sénat et publié en juin dernier.
Je me pose donc la question suivante : pourquoi le décret d'application de cet article n'a-t-il pas été publié ? Je sais, monsieur le ministre, que vous n'allez sans doute pas pouvoir me répondre. Vous ajouterez sans doute que ce décret interviendra incessamment !
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Philippe Bas, ministre délégué. Monsieur le sénateur, vous faites les questions et les réponses ! Permettez-moi simplement de compléter la réponse que vous venez d'esquisser, et que vous avez d'ailleurs déjà reçue. Bien entendu, l'engagement qui a été pris devant vous sera tenu : ces décrets seront pris incessamment.
À cet égard, je vous rappelle que nous sommes réunis ce soir pour débattre d'un texte très attendu, concernant une profession qui n'a pas toujours été reconnue à sa juste valeur et qui joue un rôle de plus en plus important auprès de nos compatriotes, notamment les personnes âgées. En effet, les infirmiers et les infirmières les assistent, alors qu'ils sont malades et souffrants, à leur domicile, dans les établissements pour personnes âgées dépendantes, ou bien en cas d'hospitalisation.
Naturellement, ce débat peut être l'occasion, pour vous, de poser au Gouvernement un certain nombre de questions qui ont trait à d'autres domaines de son action en faveur de la santé publique et à la mise en oeuvre d'autres textes que celui qui vous est aujourd'hui présenté.
Monsieur le sénateur, sur l'ensemble des questions que vous posez concernant le rythme de parution des décrets d'un certain nombre de textes, je tiens à vous dire que nous avons à coeur de mettre en oeuvre, dans leur intégralité, l'ensemble des lois que vous avez mentionnées. Je suis également tout prêt à vous faire communiquer toutes les informations techniques nécessaires pour satisfaire votre soif de connaître nos calendriers en ce qui concerne l'ensemble de ces textes.
M. François Autain. Me voilà rassuré !
Mme la présidente. En conséquence, l'article 4 est ainsi rédigé.
Article 5
I. - Les articles L. 4311-24 et L. 4311-25 du code de la santé publique sont abrogés.
II. - L'article L. 4311-28 du même code est ainsi rédigé :
« Art. L. 4311-28. - Les dispositions des articles L. 4112-3 à L. 4112-6, L. 4113-3, L. 4113-5, L. 4113-6 et L. 4113-9 à L. 4113-14 sont applicables aux infirmiers dans des conditions précisées par voie réglementaire. »
Mme la présidente. L'amendement n° 24, présenté par MM. Domeizel et Godefroy, Mmes Campion, Demontès, Jarraud-Vergnolle, Le Texier, Schillinger et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. Cet amendement est défendu.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Sylvie Desmarescaux, rapporteur. La commission ne peut émettre qu'un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 5.
(L'article 5 est adopté.)
Article 6
I. - L'article L. 145-5-1 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Dans le premier alinéa, après les mots : « à l'exception de ceux relevés à l'encontre des masseurs-kinésithérapeutes », sont insérés les mots : « et des infirmiers » ;
2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Les fautes, abus, fraudes et tous faits intéressant l'exercice de la profession relevés à l'encontre des infirmiers à l'occasion des soins dispensés aux assurés sociaux sont soumis en première instance à une section de la chambre disciplinaire de première instance des infirmiers dite «section des assurances sociales de la chambre disciplinaire de première instance», et, en appel, à une section de la chambre disciplinaire nationale du conseil national de l'ordre des infirmiers dite «section des assurances sociales du conseil national de l'ordre des infirmiers» » .
II. - Dans le premier alinéa de l'article L. 145-5-2 du même code, après les mots : « conseil national de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes », sont insérés les mots : «, par la section des assurances sociales de la chambre disciplinaire de première instance des infirmiers ou par la section spéciale des assurances sociales du conseil national de l'ordre des infirmiers ».
III. - Dans la première phrase du premier alinéa de l'article L. 145-5-3 du même code, après les mots : « du conseil national de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes », sont insérés les mots : « et de l'ordre des infirmiers ».
IV. - Dans l'article L. 145-5-4 du même code, après les mots : « du conseil national de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes », sont insérés les mots : « et de l'ordre des infirmiers ».
V. - Dans l'article L. 145-5-5 du même code, après les mots : « du conseil national de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes », sont insérés les mots : « et de l'ordre des infirmiers ».
VI. - L'article L. 145-7-1 du même code est ainsi modifié :
1° Dans le quatrième alinéa, après les mots : « de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes », sont insérés les mots : « et de l'ordre des infirmiers » ;
2° Dans le cinquième alinéa, après les mots : « de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes », sont insérés les mots : « et de l'ordre des infirmiers ».
VII. - L'article L. 145-7-2 du même code est ainsi modifié :
1° Dans la première phrase du premier alinéa, après les mots : « du conseil national de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes », sont insérés les mots : « et de l'ordre des infirmiers » ;
2° Dans la deuxième phrase du premier alinéa, après les mots : « ou membres de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes », sont insérés les mots : « et de l'ordre des infirmiers » ;
3° Dans le deuxième alinéa, après les mots : « de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes », sont insérés les mots : « et de l'ordre des infirmiers ».
VIII. - Dans l'article L. 145-7-3 du même code, après les mots : « du conseil national de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes », sont insérés les mots : « et de l'ordre des infirmiers ».
IX. - Dans l'article L. 145-9-1 du même code, après les mots : « du conseil national de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes », sont insérés les mots : « et de l'ordre des infirmiers ».
X. - Dans l'article L. 145-9-2 du même code, après les mots : « du conseil national de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes », sont insérés les mots : « et le président de la section des assurances sociales du conseil national de l'ordre des infirmiers ».
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 25, présenté par MM. Domeizel et Godefroy, Mmes Campion, Demontès, Jarraud-Vergnolle, Le Texier, Schillinger et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. Cet amendement est défendu.
Mme la présidente. L'amendement n° 18, présenté par Mme Desmarescaux, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
I. La sous-section 2 de la section première du chapitre V du titre IV du livre premier du code de la sécurité sociale est ainsi rédigée :
« Sous-section 2
« Dispositions générales relatives à certaines professions paramédicales
« Art. L. 145-5-1. - Les fautes, abus, fraudes et tous faits intéressant l'exercice de la profession relevés à l'encontre des masseurs-kinésithérapeutes et des infirmiers à l'occasion des soins dispensés aux assurés sociaux sont soumis en première instance à une section de la chambre disciplinaire de première instance des masseurs-kinésithérapeutes ou à une section de la chambre disciplinaire de première instance des infirmiers dites « section des assurances sociales de la chambre disciplinaire de première instance » et, en appel, à une section de la chambre disciplinaire du conseil national de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes ou du conseil national de l'ordre des infirmiers, dites « section des assurances sociales du conseil national de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes » et « section des assurances sociales du conseil national de l'ordre des infirmiers ».
« Art. L. 145-5-2. - Les sanctions susceptibles d'être prononcées par la section des assurances sociales de la chambre disciplinaire de première instance et par la section des assurances sociales du conseil national de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes et du conseil national de l'ordre des infirmiers sont :
« 1° L'avertissement ;
« 2° Le blâme, avec ou sans publication ;
« 3° L'interdiction temporaire ou permanente, avec ou sans sursis, du droit de dispenser des soins aux assurés sociaux ;
« 4° Dans le cas d'abus d'honoraires, le remboursement à l'assuré du trop-perçu ou le reversement aux organismes de sécurité sociale du trop-remboursé, même s'il n'est prononcé aucune des sanctions prévues ci-dessus.
« La section des assurances sociales peut assortir les sanctions prévues ci-dessus de leur publication selon les modalités qu'elle fixe.
« Si, pour des faits commis dans un délai de cinq ans à compter de la notification d'une sanction assortie du sursis, dès lors que cette sanction est devenue définitive, la juridiction prononce la sanction mentionnée au 3°, elle peut décider que la sanction, pour la partie assortie du sursis, devient exécutoire sans préjudice de l'application de la nouvelle sanction.
« Les sanctions prévues au présent article ne sont pas cumulables avec celles mentionnées à l'article L. 4124 6 du code de la santé publique lorsqu'elles ont été prononcées à l'occasion des mêmes faits. Si les juridictions compétentes prononcent des sanctions différentes, seule la sanction la plus lourde est mise à exécution.
« Les décisions devenues définitives ont force exécutoire. Elles doivent, dans le cas prévu au 3° ou si le jugement le prévoit, faire l'objet d'une publication par les organismes de sécurité sociale.
« Art. L. 145-5-3. - Les sanctions prévues aux 1° et 2° de l'article 145-5-2 entraînent la privation du droit de faire partie du conseil départemental, régional, interrégional et national de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes ou de l'ordre des infirmiers pendant une durée de trois ans. Les sanctions prévues aux 3° et 4° du même article entraînent la privation de ce droit à titre définitif.
« Le professionnel frappé d'une sanction définitive d'interdiction permanente du droit de dispenser des soins aux assurés sociaux peut être relevé, après un délai de trois ans suivant la sanction, de l'incapacité en résultant par une décision de la chambre disciplinaire de première instance qui a prononcé la sanction.
« Lorsque la demande a été rejetée après examen au fond, elle ne peut être représentée qu'après un nouveau délai de trois années.
« Art. L. 145-5-4. - Tout professionnel qui contrevient aux décisions du conseil régional ou interrégional, de la section disciplinaire du conseil national, de la section des assurances sociales de la chambre disciplinaire de première instance ou de la section des assurances sociales du conseil national de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes ou de l'ordre des infirmiers en dispensant des soins à un assuré social, alors qu'il est privé du droit de le faire, est tenu de rembourser à l'organisme de sécurité sociale le montant de toutes les prestations que celui-ci a été amené à payer audit assuré social du fait des soins dispensés.
« Art. L. 145-5-5. - Les décisions rendues par la section des assurances sociales du conseil national de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes et de l'ordre des infirmiers sont susceptibles de recours devant le Conseil d' État, par la voie du recours en cassation.
II. La sous-section 2 de la section 2 du chapitre V du titre IV du livre premier du code de la sécurité sociale est ainsi rédigée :
« Sous-section 2
« Organisation des juridictions relatives à certaines professions paramédicales
« Art. L. 145-7-1. - La section des assurances sociales de la chambre disciplinaire de première instance de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes et celle de l'ordre des infirmiers sont des juridictions. Elles sont présidées par un membre du corps des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel nommé par le vice-président du Conseil d'État au vu des propositions du président de la cour administrative d'appel dans le ressort duquel se trouve le siège du conseil régional ou interrégional. Le cas échéant, deux présidents suppléants peuvent être nommés dans les mêmes conditions.
« Elles comprennent un nombre égal d'assesseurs membres selon le cas, de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes ou de l'ordre des infirmiers, et d'assesseurs représentants des organismes de sécurité sociale, dont au moins un praticien conseil, nommés par l'autorité compétente de l'État. Les assesseurs membres des ordres sont désignés par le conseil régional ou interrégional de chacun de ces ordres, en son sein.
« Art. L. 145-7-2. - La section des assurances sociales du conseil national de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes et celle de l'ordre des infirmiers sont chacune présidées par un conseiller d'État nommé en même temps qu'un ou plusieurs conseillers d'État suppléants par le Garde des Sceaux, ministre de la justice. Elles comprennent un nombre égal d'assesseurs membres, selon le cas, de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes ou de l'ordre des infirmiers, et d'assesseurs praticiens conseils, représentants des organismes de sécurité sociale, nommés par l'autorité compétente de l'État sur proposition de la caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés. Les assesseurs membres des ordres sont désignés par le conseil national de chacun de ces ordres, en son sein.
« Art. L. 145-7-3. - Les membres de la section des assurances sociales de la chambre disciplinaire de première instance ou du conseil national de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes et de l'ordre des infirmiers ne peuvent siéger à raison de faits dont ils auraient eu à connaître en qualité de membres de la chambre disciplinaire.
III. La sous-section 2 de la section 3 du chapitre V du titre IV du livre premier du code de la sécurité sociale est ainsi rédigée :
« Sous-section 2
« Procédure relative à certaines professions paramédicales
« Art. L. 145-9-1. - La procédure devant la section des assurances sociales de la chambre disciplinaire de première instance et devant la section des assurances sociales du Conseil national de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes et de l'ordre des infirmiers est contradictoire.
« Art. L. 145-9-2. - Le président de la section des assurances sociales de la chambre disciplinaire de première instance et le président de la section des assurances sociales du conseil national de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes, ainsi que le président de la section des assurances sociales de la chambre disciplinaire de première instance et le président de la section des assurances sociales du conseil national de l'ordre des infirmiers peuvent, par ordonnance, donner acte des désistements, rejeter une requête ne relevant manifestement pas de la compétence de leur juridiction, constater qu'il n'y a pas lieu de statuer sur une requête, rejeter les conclusions entachées d'une irrecevabilité manifeste non susceptible d'être couverte en cours d'instance et statuer sur les requêtes qui ne présentent plus à juger de questions autres que la condamnation prévue à l'article 761-1 du code de justice administrative, la charge des dépens ou la fixation des dates d'exécution des sanctions mentionnées à l'article L. 145-5-2. »
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Sylvie Desmarescaux, rapporteur. La commission propose une nouvelle rédaction de l'article 6, qui permet de modifier les dispositions du code de la sécurité sociale relatives au contentieux technique des professions paramédicales, pour prendre en compte la création d'un ordre national des infirmiers et la suppression du Conseil supérieur des professions paramédicales que nous avons proposée à l'article 4.
Cet amendement a également pour objet de permettre à un magistrat de l'ordre administratif qui ne serait plus en activité de présider la section des assurances sociales de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes et des infirmiers, afin d'élargir les possibilités de recrutement pour la présidence de ces instances.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Philippe Bas, ministre délégué. Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 25, mais favorable à l'amendement n° 18.
Mme la présidente. En conséquence, l'article 6 est ainsi rédigé.
Articles additionnels après l'article 6
Mme la présidente. L'amendement n° 37, présenté par MM. Domeizel et Godefroy, Mmes Campion, Demontès, Jarraud-Vergnolle, Le Texier, Schillinger et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 6, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Dans les deux mois suivant la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport relatif à la proposition de remplacement du Conseil supérieur des professions paramédicales issu du décret n° 73-901 du 14 septembre 1973 en faveur d'une structure interdisciplinaire composée des représentants des organisations syndicales du secteur de la santé, de conseillers des professions paramédicales destinée à mettre en oeuvre les liens nécessaires entre tous les acteurs du système de santé.
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. Rappelons que, dans son rapport, M. Couty, considérant que les méthodes de fonctionnement du Conseil supérieur des professions paramédicales ne sont plus adaptées à ses missions, notamment depuis la création des deux ordres paramédicaux, préconise la création d'un Haut conseil des professions paramédicales, pour édifier, à côté des « ordres paramédicaux », une structure de concertation.
Cette structure issue de décrets pourrait ainsi rendre applicables les articles L. 4391-1 et suivants du code de la santé publique, si, toutefois, le Parlement ne supprime pas le conseil interprofessionnel, comme l'a proposé la commission.
M. Xavier Bertrand a annoncé, lors du débat à l'Assemblée nationale, la réforme prochaine du Conseil supérieur des professions paramédicales. En juin dernier, il s'est donc engagé à publier un texte au plus tard à l'automne. Or nous y sommes ! Permettez-moi de vous demander, monsieur le ministre, où en est cette démarche.
Au-delà de réflexions spécifiques à la régulation de certaines professions libérales, auxquelles, vous l'avez compris, nous ne sommes pas favorables, il convient de mettre en oeuvre une véritable politique coordonnée, au sein de laquelle les professions dispersées pourraient se réunir, afin d'échafauder les problématiques de soins du futur.
Mes chers collègues, c'est dans cette optique, et pour accélérer l'avancée de travaux annoncés avant l'été et promis pour la rentrée, que nous vous proposons cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Sylvie Desmarescaux, rapporteur. Cette disposition, comme vous l'avez rappelé, monsieur le sénateur, est issue du rapport remis au mois de mars par M. Couty.
Une telle structure de concertation paraît effectivement utile pour traiter, au niveau national, des questions communes aux professions paramédicales.
La commission émet donc un avis favorable sur cet amendement, sous réserve que soient supprimées les dispositions prévues pour la composition de la future structure interdisciplinaire.
Mme la présidente. Monsieur Godefroy, que pensez-vous de la suggestion de Mme le rapporteur ?
M. Jean-Pierre Godefroy. Je l'accepte, et je rectifie mon amendement en ce sens, madame la présidente.
Mme la présidente. Je suis donc saisie d'un amendement n° 37 rectifié, présenté par MM. Domeizel et Godefroy, Mmes Campion, Demontès, Jarraud-Vergnolle, Le Texier, Schillinger et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, et ainsi libellé :
Après l'article 6, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Dans les deux mois suivant la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport relatif à la proposition de remplacement du Conseil supérieur des professions paramédicales issu du décret n° 73-901 du 14 septembre 1973 par une structure interdisciplinaire destinée à mettre en oeuvre les liens nécessaires entre tous les acteurs du système de santé.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Philippe Bas, ministre délégué. Le Gouvernement n'est pas favorable à cet amendement, car M. le ministre de la santé et des solidarités s'est tout récemment engagé à entreprendre la réforme de cette instance. Toutes les professions qui y sont représentées ont été sollicitées pour donner leur avis sur les évolutions nécessaires.
Vous le savez, monsieur le sénateur, cette instance a été créée par décret et non par la loi. Il semblerait donc singulier que l'on puisse prévoir dans la loi qu'un rapport émanant d'une telle instance créée par décret doit obligatoirement être adressé au Parlement.
Par ailleurs, vous demandez à cette instance d'établir un énième rapport, alors même qu'elle est en train d'être réformée !
Ce rapport pourra-t-il donc être élaboré à temps par une instance qui aura, entre-temps, été réformée ? Monsieur le sénateur, une telle proposition témoigne certainement de votre souhait, que nous partageons bien entendu, de faire évoluer cette institution. Nous avons répondu à ce souhait en engageant ce travail. Je crois donc véritablement que l'amendement n° 37 rectifié n'est plus utile.
C'est la raison pour laquelle je vous demande de bien vouloir le retirer ; à défaut, le Gouvernement se verrait contraint d'émettre un avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Monsieur le ministre, à mes yeux - je le dis en toute amitié -, il n'est pas déplacé que le Parlement veuille exercer sa mission de contrôle. Par conséquent, en demandant un rapport sur l'évolution d'une structure qui existe, il me semble tout à fait dans son rôle.
Cet amendement, rectifié à la demande de la commission, ne me choque donc pas.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l'article 6.
L'amendement n° 42, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l'article 6, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
I - Il est inséré dans le code de la santé publique un article L. 4133-5 ainsi rédigé :
« Art.L.4133-5.- Une convention passée entre l'État et le conseil national de l'ordre des médecins fixe les modalités selon lesquelles le fonctionnement administratif et financier des conseils de la formation médicale continue ainsi que du comité de coordination de la formation médicale continue est assuré, à l'échelon national, par le conseil national et, à l'échelon régional, par les conseils régionaux ou interrégionaux de l'ordre des médecins. »
II - Avant le dernier alinéa de l'article L.4143-1 du même code, il est inséré deux alinéas ainsi rédigés :
« Le dispositif de formation continue odontologique comprend un conseil national et des conseils régionaux ou interrégionaux.
« Une convention passée entre l'État et le conseil national de l'ordre des chirurgiens-dentistes fixe les modalités selon lesquelles le fonctionnement administratif et financier du conseil national et des conseils régionaux ou interrégionaux de la formation continue odontologique est assuré, à l'échelon national, par le conseil national de l'ordre des chirurgiens-dentistes et, à l'échelon régional, par les conseils régionaux ou interrégionaux de l'ordre des chirurgiens-dentistes. »
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Philippe Bas, ministre délégué. Cet amendement, dont les termes sont très juridiques, a pour objet de permettre à l'État de déléguer, par voie de convention, la gestion matérielle des conseils de la formation médicale continue aux ordres des médecins et des chirurgiens-dentistes. Il s'agit d'une exigence impérative pour permettre le développement de cette formation médicale continue, que la réforme de 2004 a rendue obligatoire.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Sylvie Desmarescaux, rapporteur. Monsieur le ministre, soyons honnêtes : nous sommes là à la limite du texte ! Je conviens toutefois que cette disposition permettra de renforcer l'efficacité de la formation médicale continue, activité qui est importante, en impliquant les ordres dans sa mise en oeuvre.
La commission émet donc un avis favorable sur cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.
M. Guy Fischer. Cet amendement ainsi que le suivant nous semblent constituer des cavaliers.
Nous nous interrogeons ensuite sur cette disposition, selon laquelle les ordres auraient la charge de la formation médicale continue. Pour le moment, faute d'explication, nous considérons que le problème est simplement posé.
Nous sommes donc défavorables à l'amendement n° 42.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Godefroy. Pour les mêmes raisons que M. Fischer, nous nous interrogeons sur cet amendement qui, véritablement, n'a pas grand-chose à voir avec la proposition de loi qui nous est soumise ! Par conséquent, nous voterons contre cette disposition.
Je m'étonne du reste de la rapidité avec laquelle nous arrivent ces cavaliers... (Sourires.)
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l'article 6.
L'amendement n° 43, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l'article 6, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
La deuxième phrase de l'article L. 4322-14 du code de la santé publique est ainsi rédigée :
« Les dispositions de ce code concernent notamment les droits et devoirs déontologiques et éthiques des pédicures-podologues dans leurs rapports avec les membres de la profession, avec les patients et avec les membres des autres professions de santé »
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Philippe Bas, ministre délégué. Cet amendement a pour objet d'apporter un ajustement à la loi du 9 août 2004, qui crée l'ordre des pédicures podologues. Comme il arrive parfois - heureusement assez rarement ! -, cette loi comportait une malfaçon, qui aboutissait à différencier les dispositions applicables à l'ordre des pédicures podologues des dispositions qui le sont à d'autres professions bénéficiant d'une organisation ordinale.
Ainsi, s'agissant des droits et des devoirs déontologiques des pédicures podologues, la loi ne traite que des relations entre les professionnels et leurs patients, et non des relations entre professionnels, contrairement au code de déontologie des autres professions de santé.
Il est donc proposé d'aligner strictement le contenu du code de déontologie de pédicures podologues sur celui des infirmiers.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Sylvie Desmarescaux, rapporteur. Avis favorable.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l'article 6.
Vote sur l'ensemble
Mme la présidente. Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Guy Fischer, pour explication de vote.
M. Guy Fischer. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, à l'issue de ce débat, nous conservons l'idée que la création d'un ordre national des infirmiers est, compte tenu de la spécificité de cette profession, une mauvaise réponse à un vrai problème.
Le métier d'infirmier est au coeur des mutations de notre société. Au quotidien, les infirmiers sont confrontés à des changements démographiques, sociaux et économiques.
Les changements démographiques sont liés en particulier à l'allongement de la durée de la vie, donc au vieillissement de la population, et de plus en plus à la dépendance. Cela bouleverse la profession et ses attributions, tout comme l'évolution des pratiques : je pense notamment à l'hospitalisation à domicile, qui induit une présence forte non seulement des médecins, mais aussi de la chaîne de soins.
Les infirmiers sont aussi confrontés à des changements sociaux, car la santé de certaines catégories de population se dégrade à mesure que la pauvreté s'étend dans notre pays. Nous constatons en effet l'apparition, ces dernières années, de travailleurs pauvres. Même si, grâce à la CMU, les RMIstes peuvent accéder gratuitement aux soins, un trop grand nombre de personnes en sont encore exclues en raison des difficultés qu'elles rencontrent. L'explosion de la précarité nous inquiète. Face à ce phénomène dramatique, la demande de soins est de plus en plus importante, et ce sont souvent les infirmiers et les infirmières qui se trouvent sollicités.
Enfin, les professionnels sont confrontés à des changements économiques, car les orientations clairement libérales de cette majorité en matière de politique économique touchent de plein fouet la santé, en particulier la santé publique. Des efforts considérables restent à faire en matière de prévention, laquelle est encore à l'état de balbutiement.
Les économies budgétaires drastiques bouleversent aussi la profession d'infirmiers et d'infirmières, qui se trouve de plus en plus sollicitée pour des tâches revenant traditionnellement aux médecins ou à d'autres professionnels, et en même temps, mise en situation de concurrence avec d'autres professions, telles que les aides soignantes par exemple.
Parallèlement, la profession souffre d'un profond manque de reconnaissance - la majorité y apporte certes une réponse ce soir - qui se traduit par la faiblesse des rémunérations et des difficultés dans le déroulement des carrières.
Face à une telle fragilisation de leur profession et à cette augmentation de leurs responsabilités, le besoin de se rassembler, de s'organiser est tout à fait légitime. Mais l'ordre national des infirmiers ne répondra pas à la grande majorité de ce corps.
L'ordre national des infirmiers prendra probablement la suite des ordres existants, qui se résument, la plupart du temps, à n'être que des structures ayant des besoins financiers. De plus, nous nous interrogeons sur le corporatisme qui se développe.
Malheureusement, la plupart du temps, les ordres existants agissent comme des organismes de sanctions et de contrôle des personnels, bien plus que comme des outils de promotion de leur profession.
Selon nous, la création de cet ordre national des infirmiers se justifie d'autant moins que des structures existent déjà. Il conviendrait de revitaliser, de rénover ces dernières, et mieux vaudrait leur donner les moyens de fonctionner.
Pour notre groupe, cette proposition de loi est un texte d'opportunisme politique, bien loin des réalités de terrain et des revendications de la profession. Certes, les professionnels, notamment les infirmières et infirmiers libéraux, doivent faire face à des réalités qui s'imposent à eux et nous entendons leur voix. Mais, après avoir débattu tout l'après-midi de l'ensemble des problèmes, nous n'avons pas été confortés par les arguments avancés. Aussi nous voterons contre ce texte.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Thérèse Hermange, pour explication de vote.
Mme Marie-Thérèse Hermange. Le groupe UMP voudrait remercier Mme le rapporteur, Sylvie Desmarescaux, et le Gouvernement d'avoir, après de si longues années d'attente, fait aboutir cette démarche de constitution d'un ordre national des infirmiers, qui existe d'ailleurs dans de nombreux pays européens.
Pour ma part, après avoir consulté une institution, certes limitée, monsieur Fischer, mais symbolique, l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris, j'ai constaté à cette occasion combien cet ordre national des infirmiers était réclamé.
Dans un autre ordre d'idées, rendant visite, ce matin, à une personne âgée qui venait de recevoir des soins à domicile, j'ai dit à l'infirmier que je partais pour le Sénat, où nous allions instituer un ordre national des infirmiers. Il m'a remerciée : « c'est bien d'être reconnaissant envers la profession d'infirmier ». Par conséquent, nombreuses et nombreux sont celles et ceux qui attendaient la création de cet ordre.
Mme Marie-Thérèse Hermange. Les débats de la Haute Assemblée ont permis d'apporter des réponses aux inquiétudes de certains et d'améliorer le texte sur plusieurs points.
D'abord - cela a été réaffirmé dans le débat -, la place des syndicats dans la défense du statut et des conditions de travail des salariés n'est pas remise en cause, au contraire.
L'ordre national des infirmiers, pour sa part, sera chargé non seulement des traditionnelles missions ordinales de contrôle de la déontologie et de la défense des intérêts de la profession, mais aussi, et c'est fondamental pour l'avenir, du suivi de la démographie et de l'évolution des pratiques professionnelles.
Par ailleurs, plusieurs amendements de cohérence ont été adoptés.
Ainsi, la procédure disciplinaire de l'ordre national des infirmiers est désormais harmonisée avec celle qui existe pour les autres professions médicales et paramédicales, et les infirmiers salariés du secteur privé seront soumis, comme les infirmiers libéraux, à la compétence disciplinaire de l'ONI. Pour ce qui concerne les salariés du secteur public, dans l'hypothèse de sanctions disciplinaires prises à leur l'encontre - j'ai retiré l'amendement que j'avais déposé au profit de celui de Mme le rapporteur - l'ordre national des infirmiers sera informé en cas de faute lourde commise dans l'exercice de leurs fonctions.
Enfin, et Mme le rapporteur a eu raison d'y veiller, le conseil supérieur des professions paramédicales, qui a été créé en 2002 et qui n'a jamais vu le jour, est supprimé. Il conviendra, comme l'a souligné Mme Desmarescaux, de réfléchir à la structure la mieux adaptée pour traiter les questions interprofessionnelles qui se posent, avec toujours pour objectif une meilleure coordination des soins paramédicaux, afin de servir toujours mieux nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Jégou, pour explication de vote.
M. Jean-Jacques Jégou. Monsieur le ministre, je me réjouis de la discussion que nous avons eue cet après-midi et de la création de l'ordre national des infirmiers. C'est une reconnaissance indéniable, un véritable départ pour cette profession, dont la disponibilité et le dévouement suscitent souvent chez nos concitoyens - je l'ai dit dans mon intervention - l'admiration et parfois même l'attendrissement.
Quelquefois, il y avait méconnaissance du fonds, de la technicité et de l'évolution véritable de la profession au coeur des soins, que ce soit à l'hôpital, en libéral ou même - on l'a oublié - au coeur des entreprises. La profession d'infirmière et d'infirmier est en effet parfaitement représentée dans l'industrie et dans l'ensemble des entreprises.
Je voudrais toutefois faire part d'un petit regret à mes collègues socialistes et communistes : c'est non pas qu'ils soient restés sur une position idéologique - je ne veux pas porter le fer aussi loin ! -, mais qu'ils n'aient pas compris que l'ordre national des infirmiers n'était pas un syndicat. Au contraire ! Au sein de l'Europe, voire dans le monde entier, se tiennent de plus en plus de colloques, de symposiums, qui sont l'occasion de confronter les professionnels, lesquels représentent de nombreux emplois. Je vous rappelle que les infirmiers sont 460 000 en France ! On ne peut donc pas reconnaître l'importance de la profession sans lui permettre d'être clairement identifiée et de s'organiser, afin d'apporter, avec les pouvoirs publics, encore plus de sécurité et de compétences aux patients et aux malades.
Madame la présidente, sans faire de particularisme, je me réjouis doublement ce soir, car, voilà dix ans déjà, le groupe UDF avait déposé une proposition de loi similaire, qu'il a déposée de nouveau plusieurs fois par la suite. Mais peut-être un tel projet n'était-il pas mûr ? Je me réjouis que nous soyons aujourd'hui parvenus au bout du chemin et que nous ayons enfin reconnu l'importance de cette profession au coeur de notre système de santé. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Godefroy. Monsieur le ministre, durant ces quatre heures de débat, nous avons tenté d'expliquer, en défendant nos amendements, notre opposition à la création, dans les conditions actuelles, de cet ordre national des infirmiers.
Nous sommes parfaitement conscients du travail remarquable que réalisent les infirmières et les infirmiers. Président du conseil d'administration d'un hôpital durant vingt et un ans et comptant parmi mes proches des représentants de cette profession, je connais bien ce métier et ai conscience de tout le dévouement de ces personnes.
Nous sommes bien sûr tous reconnaissants aux infirmières et infirmiers de ce qu'ils font. Mais la première des reconnaissances eût été de publier les décrets d'application de la loi du 4 mars 2002 instituant un conseil des professions paramédicales, et de ne pas attendre la fin de la législature pour traiter de cette question.
Si nous nous opposons à la création de l'ordre national des infirmiers, ce n'est pas pour une raison idéologique. La preuve en est que nous avons déposé des amendements ; malheureusement, hormis deux d'entre eux, ils ont tous été rejetés ! Vouloir qu'un ordre, s'il devait jamais voir le jour, soit organisé dans les conditions les plus démocratiques possible pour que sa pérennité soit assurée n'a rien d'idéologique. Or, sans jouer les Cassandre, je ne suis pas convaincu que, tel que vous le « ficelez », cet ordre passe comme une lettre à la poste !
L'adhésion et la cotisation obligatoires à un ordre représentant une profession composée pour 86 % de salariés ne nous semblent ni adaptées, ni réalistes, ni conformes au mouvement de la société d'aujourd'hui. Nous avons essayé de vous en convaincre, malheureusement sans succès.
Nous voterons donc contre ce projet de loi, non pas contre la reconnaissance de la profession, mais contre cet ordre tel que vous voulez nous l'imposer.
Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.
Je suis saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
Mme la présidente. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 4 :
Nombre de votants | 329 |
Nombre de suffrages exprimés | 329 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 165 |
Pour l'adoption | 202 |
Contre | 127 |
Le Sénat a adopté.
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Philippe Bas, ministre délégué. Je tiens à remercier la Haute Assemblée d'avoir adopté cette proposition de loi, au terme de débats riches et féconds. Une fois de plus, elle a démontré sa capacité d'améliorer un texte qui lui était soumis, après adoption par l'Assemblée nationale.
Ce texte était très attendu par une profession insuffisamment reconnue jusqu'à présent. Je crois pouvoir vous dire, mesdames, messieurs les sénateurs, que les 460 000 infirmières et infirmiers de France, tournés vers les débats du Sénat, vous remercient d'avoir adopté cette proposition de loi. L'institution démocratique qui vient d'être créée assurera une représentation unifiée de cette profession dont nous avons vraiment besoin, tant aujourd'hui que pour l'avenir, et pour laquelle il nous faut susciter de nouvelles vocations.
Cette institution coexistera avec les organisations syndicales, dont il n'était évidemment pas question de minorer l'importance. Chacun tient son rôle : d'un côté, la représentation des intérêts catégoriels ; de l'autre, la représentation unitaire de la profession.
Enfin, je dirai à la très large majorité des sénateurs ayant voté en faveur de ce texte que les infirmières et les infirmiers de France savent aujourd'hui qui défend leurs intérêts au Parlement ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF. -Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
7
NOMINATION d'un membre d'un organisme extraparlementaire
Mme la présidente. Je rappelle que la commission des lois a proposé une candidature pour un organisme extraparlementaire.
La présidence n'a reçu aucune opposition dans le délai d'une heure prévu par l'article 9 du règlement.
En conséquence, cette candidature est ratifiée et je proclame M. Simon Sutour membre du conseil d'administration du Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres.
8
TEXTE SOUMIS AU SÉNAT EN APPLICATION DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION
Mme la présidente. J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de règlement du Conseil portant adaptation de certains règlements et décisions adoptés dans les domaines de la libre circulation des marchandises, de la libre circulation des personnes, du droit des sociétés, de la politique de la concurrence, de l'agriculture (y compris la législation vétérinaire et phytosanitaire), de la politique des transports, de la fiscalité, des statistiques, de l'énergie, de l'environnement, de la coopération dans les domaines de la justice et des affaires intérieures, de l'union douanière, des relations extérieures, de la politique étrangère et de sécurité commune et des institutions, en raison de l'adhésion de la République de Bulgarie et de la Roumanie.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-3252 et distribué.
9
ordre du jour
Mme la présidente. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 10 octobre 2006 :
À dix heures :
1. Dix-huit questions orales.
(Le texte des questions figure en annexe).
À seize heures quinze et le soir :
2. Éloge funèbre de Marcel Vidal.
3. Discussion du projet de loi (n° 3, 2005-2006), adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif au secteur de l'énergie ;
Rapport (n° 6, 2006-2007) de M. Ladislas Poniatowski, fait au nom de la commission des affaires économiques ;
Avis (n° 7, 2006-2007) présenté par M. Philippe Marini au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation.
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 9 octobre 2006, avant dix-sept heures ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 9 octobre 2006, à seize heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt heures cinq.)
La Directrice
du service du compte rendu intégral,
MONIQUE MUYARD