Article 3
Le second alinéa de l'article L. 144-1 du code monétaire et financier est ainsi rédigé :
« La Banque de France peut communiquer tout ou partie des renseignements qu'elle détient sur la situation financière des entreprises aux autres banques centrales, aux autres institutions chargées d'une mission similaire à celles qui lui sont confiées en France et aux établissements de crédits et établissements financiers ». - (Adopté.)
Article 4
Le premier alinéa de l'article L. 144-1 du code monétaire et financier est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Ces entreprises et groupements professionnels peuvent communiquer à la Banque de France des informations sur leur situation financière ». - (Adopté.)
Article 5
L'article L. 142-9 du code monétaire et financier est complété par cinq alinéas ainsi rédigés :
« Les dispositions des troisième à huitième alinéas de l'article L. 432-1 du code du travail et les dispositions des articles L. 432-5 et L. 432-9 du même code ne sont pas applicables à la Banque de France.
« Les dispositions du chapitre II du titre III du livre IV du code du travail autres que celles énumérées à l'alinéa précédent sont applicables à la Banque de France uniquement pour les missions et autres activités qui, en application de l'article L. 142-2 du présent code, relèvent de la compétence du conseil général.
« Le comité d'entreprise et, le cas échéant, les comités d'établissement de la Banque de France ne peuvent faire appel à l'expert visé au premier alinéa de l'article L. 434-6 du code du travail que lorsque la procédure prévue à l'article L. 321-3 du même code est mise en oeuvre.
« Les conditions dans lesquelles s'appliquent à la Banque de France les dispositions de l'article L. 432-8 du même code sont fixées par un décret en Conseil d'État.
« Le conseil général de la Banque de France détermine, dans les conditions prévues par le troisième alinéa de l'article L. 142-2 du présent code, les règles applicables aux agents de la Banque de France dans les domaines où les dispositions du code du travail sont incompatibles avec le statut ou avec les missions de service public dont elle est chargée ».
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 1 est présenté par Mme Bricq, MM. Massion, Masseret, Angels, Auban, Charasse, Demerliat, Frécon, Haut, Marc, Miquel, Moreigne, Sergent et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 3 est présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Vera et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Nicole Bricq, pour présenter l'amendement n° 1.
Mme Nicole Bricq. J'ai exposé dans la discussion générale les trois motivations qui nous fondent à demander la suppression de l'article 5 ; je les rappelle.
Premièrement, cet article n'a pas sa place dans ce texte.
Deuxièmement, cet article contrevient à la nécessité affirmée de privilégier le dialogue social.
Troisièmement, cet article affaiblit, une fois encore, le rôle des instances représentatives du personnel et nie en définitive la démocratie sociale.
Nous, socialistes, nous sommes très attachés à ce que les partenaires sociaux participent à l'élaboration et, s'il en est besoin, à la modification des droits des salariés, et nous privilégions les corps intermédiaires. Vous nous avez tellement reproché, quand nous étions aux responsabilités, d'être étatistes, de vouloir tout faire par la loi, de ne pas laisser respirer la société et la démocratie sociale... Et voilà qu'aujourd'hui vous faites exactement le contraire de ce que vous prétendiez vouloir quand vous étiez dans l'opposition !
M. Philippe Marini, rapporteur. Vous voyez que nous ne sommes pas doctrinaires ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud, pour présenter l'amendement n° 3.
M. Thierry Foucaud. Je ne reprendrai pas les arguments contre l'article 5 que j'ai développés lorsque j'ai présenté, au nom du groupe CRC, la motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité votée par le groupe CRC ainsi que par le groupe socialiste.
Je ne donnerai pas non plus la lecture des articles du code du travail visés dans cet article 5, lecture pourtant particulièrement éclairante, notamment celles des articles L. 432-1 et L. 432-5, et qui pourrait pratiquement suffire, à elle seule, à motiver notre amendement de suppression.
Je me contenterai de rappeler qu'adopter l'article 5 reviendrait à priver les agents de la Banque de France de la moindre des possibilités d'obtenir des réponses sur le contenu des décisions, notamment stratégiques, d'aménagement du territoire inhérentes au maintien et au développement du service public qu'ils assument.
Nous nous trouverions dans une étrange situation : au coeur de Paris, nous aurions créé une véritable république bananière où le droit du travail se confondrait, dans le cas précis, avec le seul fait du prince, en l'occurrence le gouverneur de l'établissement.
C'est ce qui ressort de l'analyse des éléments constitutifs du texte, qu'il s'agisse de la fixation de la contribution au comité d'entreprise au gré des impératifs financiers tels qu'appréciés par le seul gouverneur, du refus de l'approche critique de la gestion prévisionnelle de l'emploi et des compétences contenue dans l'intervention de l'expert missionné par le comité d'entreprise, de la suppression rendue possible de certaines activités - celles des commissions de surendettement par exemple - ou de l'affiliation éventuelle d'autres activités.
Mes chers collègues, pour l'ensemble de ces raisons, nous ne pouvons que vous inviter à voter, et ce par scrutin public, la suppression de l'article 5.
M. le président. L'amendement n° 12, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. - Supprimer les deuxième, troisième, quatrième et cinquième alinéas de cet article.
II. - En conséquence, dans le premier alinéa, remplacer les mots :
cinq alinéas ainsi rédigés
par les mots :
un alinéa ainsi rédigé
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Christine Lagarde, ministre déléguée. Le Gouvernement approuve l'objectif de clarification et de simplification des modalités d'application du code du travail à la Banque de France dans le respect des droits fondamentaux du travail, objectif de la proposition de loi et, plus particulièrement, de son article 5. Il remercie d'ailleurs les auteurs de la proposition de loi d'avoir pris l'initiative de cette évolution.
Cependant, une telle évolution demande des travaux préparatoires, notamment des concertations avec les organisations syndicales, conformément à l'engagement général qui a été pris par le Président de la République.
Le Président de la République a en effet déclaré la semaine passée devant le Conseil économique et social : « Il ne sera plus possible de modifier le code du travail sans que les partenaires sociaux aient été mis en mesure de négocier sur le contenu de la réforme engagée. Et aucun projet de loi ne sera présenté au Parlement sans que les partenaires sociaux soient consultés sur son contenu. [...]
« Les partenaires sociaux vont devoir travailler différemment. Leur saisine ne saurait servir de prétexte à l'inaction, voire au blocage. Les négociations devront se dérouler dans un délai clairement délimité, conciliable avec le temps et les exigences de l'action politique. »
Dans le cas particulier de la Banque de France, il me semble que cette concertation à laquelle le Gouvernement est prêt doit se tenir, pour se conformer à ce principe général, entre le vote de la proposition de loi par le Sénat et son examen par l'Assemblée nationale ; le Sénat aura naturellement l'occasion de s'exprimer lors de la deuxième lecture de ce texte, après examen par l'autre assemblée.
Cependant, il ne me semble pas souhaitable de supprimer cet article 5 et je vous propose, mesdames, messieurs les sénateurs, de retenir d'ores et déjà la traduction législative de la jurisprudence administrative.
C'est l'objet de cet amendement, qui ne constitue donc pas une innovation mais vise simplement à reprendre dans la loi une jurisprudence existante, jurisprudence selon laquelle le droit du travail s'applique à la Banque de France tant qu'il n'est pas incompatible ni avec son statut ni avec ses missions.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur. La commission n'est favorable à aucun de ces trois amendements.
En premier lieu, le dispositif de l'article 5 a bien sa place dans le texte puisqu'il s'agit d'adapter la Banque de France à sa nouvelle mission d'institut d'émission au sein du système européen des banques centrales.
En second lieu, s'agissant du dialogue social, admettez, mes chers collègues, qu'il était depuis longtemps facile au gouverneur, dans un « paysage » bien connu, de dialoguer avec des interlocuteurs syndicaux qu'il connaît bien. Il ne dépendait que de lui de lancer les concertations nécessaires, en particulier à partir de la publication du rapport de la Cour des comptes qui a fait ressortir l'anomalie réelle que constituaient certaines pratiques et le décalage de ces dernières tant par rapport aux besoins de l'entreprise que par rapport à l'évolution du secteur bancaire et de l'ensemble des entreprises.
En ce qui concerne l'affaiblissement du rôle des instances représentatives qui résulterait de l'article 5, je veux rappeler à nos collègues du groupe socialiste et du groupe CRC que l'article L. 432-1 du code du travail restera pleinement applicable dans ses dispositions qui prévoient l'information et la consultation du comité d'entreprise « sur les questions intéressant l'organisation, la gestion et la marche générale de l'entreprise et, notamment, sur les mesures de nature à affecter le volume ou la structure des effectifs, la durée du travail, les conditions d'emploi, de travail et de formation professionnelle du personnel ».
De même, restera applicable l'alinéa prévoyant la consultation du comité d'entreprise « sur la politique de recherche et de développement technologique de l'entreprise ».
De même, resteront applicables les dispositions de l'article L. 432-2 prévoyant la consultation du comité d'entreprise sur les évolutions technologiques « lorsque celles-ci sont susceptibles d'avoir des conséquences sur l'emploi, la qualification, la rémunération, la formation ou les conditions de travail du personnel ».
De même, resteront applicables les dispositions de l'article L. 432-2-1 prévoyant la consultation du comité d'entreprise sur « les méthodes ou techniques d'aide au recrutement des candidats à un emploi ».
De même, demeurera l'obligation d'un rapport annuel écrit du chef d'entreprise « sur la situation comparée des conditions générales d'emploi et de formation des femmes et des hommes dans l'entreprise », prévue à l'article L. 432-3-1, l'article L. 432-3-2 renvoyant quant à lui à un autre rapport sur « le risque décès, les risques portant atteinte à l'intégrité physique de la personne ou liés à la maternité ou des risques d'incapacité de travail ou d'invalidité ».
De même, en application de l'article L. 432-4, le chef d'entreprise demeurera tenu de remettre une documentation économique et financière aux instances représentatives.
De même, demeurera applicable l'article L. 432-4-1, qui détaille le contenu de l'information au moins trimestrielle sur la situation de l'emploi, des rémunérations et de la qualification.
Je pourrais poursuivre cette liste mais je m'en tiens à l'essentiel, et cela pour répondre en particulier à M. Foucaud, qui assurait tout à l'heure que, si notre loi scélérate avait été en application, la réforme du réseau des succursales n'aurait pas été soumise au comité d'entreprise. C'est évidemment totalement faux, comme les articles du code du travail que je viens de citer le démontrent, articles qui demeureront applicables au sein de la Banque de France comme de toute entreprise.
Il s'agit d'un socle de droits qu'il n'est aucunement question d'entamer. Simplement, permettez-moi de répéter ce que je disais dans la discussion générale, à savoir qu'étant à 100 % étatique la Banque de France ne risque pas de faire l'objet d'une offre publique d'échange non sollicitée. Dès lors, il n'y a pas lieu de prévoir dans son cas particulier les consultations et interventions des instances représentatives du personnel destinées, et c'est justifié, à rassurer les salariés d'entreprises dont le capital pourrait ne pas être contrôlé et qui pourraient faire l'objet de raids ou d'opérations non sollicitées.
Mes chers collègues, je crois qu'il faut être très modéré en cette affaire. Au demeurant, j'ai le sentiment que les salariés de la Banque de France le sont puisque, selon nos informations, la manifestation que l'on nous avait annoncée réunirait ce matin six personnes devant le Sénat. (Sourires sur les travées de l'UMP.) Mais, bien entendu, il ne faut négliger personne et il faut expliquer, sans cesse expliquer.
Je poursuivrai donc mon explication en abordant la question des institutions culturelles et sociales. Je rappelle, après M. Arthuis, que les effectifs de la Banque de France ont diminué au cours des dernières années de plus de 12 %, mais que, grâce au dispositif dit du « cliquet social », les dépenses affectées sur la masse salariale aux oeuvres sociales ont continué à progresser légèrement. Elles s'élèvent aujourd'hui à 13 % de la masse salariale, ce qui est le record toutes catégories et toutes entreprises, y compris la Caisse des dépôts et consignations, où les 10 % ne sont pas atteints, ces 13% représentant plus de 5 000 euros par salarié et par an.
Pour reprendre une expression que j'ai utilisée tout à l'heure et que Mme Bricq a bien voulu relever, je donne à apprécier aux membres de tous les comités d'entreprise de France et de Navarre ces 5 000 euros par salarié et par an. Disposent-ils de telles sommes ? Les tâches sont-elles d'une pénibilité telle au sein des services de la Banque de France que tant d'accidents du travail et tant de maladies professionnelles puissent justifier ces 5 000 euros par salarié et par an ?
Ce sont quelques questions que l'on peut se poser, étant rappelé, et ce sera mon dernier point, que la commission des finances ne dit pas même qu'il faut faire diminuer ces dépenses ; elle dit seulement qu'il ne faut pas les augmenter automatiquement chaque année indépendamment de l'évolution des effectifs.
Mes chers collègues, le Sénat est maintenant dûment éclairé sur les motivations qui ont conduit ce matin la commission des finances à émettre un avis défavorable sur ces trois amendements.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Philippe Marini a parfaitement fait le tour de la question. Le législateur est invité à énoncer clairement sa volonté, car les pratiques qui ont attiré l'attention de la Cour des comptes, puis la nôtre, se sont développées en dehors de son intervention.
Mes chers collègues, qui peut affirmer que le droit d'alerte a vocation à s'appliquer à la Banque de France ? Cette procédure concerne des entreprises confrontées à des difficultés financières, qui risquent le dépôt de bilan ou le règlement judiciaire ! Qui peut croire qu'elle s'applique également à la Banque de France, dont le comité central d'entreprise, en conséquence, devrait faire appel à un cabinet d'expertise comptable pour se trouver convenablement éclairé et être capable d'exprimer son avis sur de tels risques ?
Or il s'agit là manifestement d'une dépense publique : la Banque de France fait partie de la sphère publique et le dividende qu'elle verse au budget de l'État est conditionné par le niveau de ses dépenses. Qui peut prétendre qu'une telle charge se trouve justifiée, d'autant que, nous l'avons vu, celle-ci a eu tendance à dériver ces dernières années, au point qu'une décision de justice a été nécessaire pour la contenir ?
Nous n'avons pas d'autre souhait que de régler ce problème. En ce qui concerne les allocations versées au comité central d'entreprise, dont Philippe Marini a rappelé le montant, nous souhaitons qu'il soit renvoyé à un décret d'application.
Mes chers collègues, le Sénat va se prononcer sur ce texte, qui sera discuté ensuite par l'Assemblée nationale. Pendant les délais imposés par la navette, le gouverneur de la Banque de France aura certainement la possibilité d'engager des discussions. D'ailleurs, je n'imagine pas un instant que ces questions n'aient pas déjà fait l'objet de négociations au sein de la Banque de France, tant elles posent de véritables problèmes.
À la commission des finances, nous avons du mal à accepter l'idée que le maintien du statu quo soit devenu la règle. Je me souviens de la discussion de la loi de finances pour 2006. Chaque fois que nos positions étaient susceptibles de provoquer la réaction de certains groupes que l'on pourrait soupçonner de corporatisme, il y avait convergence d'amendements entre le Gouvernement et nos collègues du groupe socialiste et du groupe communiste républicain et citoyen. Sur cette disposition, j'observe, en quelque sorte, la réédition de cette convergence.
Je le répète, nous sommes favorables au dialogue social et adhérons pleinement aux déclarations récentes du Président de la République sur ce sujet.
Toutefois, il serait peut-être positif que le Sénat fixe un cap, afin que des négociations s'engagent ! Sinon, mes chers collègues, nous serons tous suspects de complicité avec l'immobilisme qui est en train de ruiner l'autorité de l'État.
En effet, que peuvent penser en cet instant les femmes et les hommes salariés de petites entreprises, parfois touchées par la crise, dont les comités d'entreprise, qui d'ailleurs ne sont pas centraux, disposent de moyens souvent dérisoires ?
Tel est l'unique objet de cette disposition. Le Sénat, ou en tout cas sa majorité, ne se montrera pas suspect, je l'espère, de je ne sais quelle complicité ou adhésion à ce respect systématique du statu quo qui fait que l'on ne réforme pas et que le pays perd en compétitivité !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Christine Lagarde, ministre déléguée. En ce qui concerne les amendements nos 1 et 3, présentés respectivement par le groupe socialiste et par le groupe CRC, le Gouvernement émet un avis défavorable.
En effet, il approuve le fond de la réforme proposée par la commission des finances à travers l'article 5. Son amendement n° 12 vise seulement à en modifier la forme.
Lorsqu'il donnait son avis sur l'amendement n° 11, M. Marini sollicitait des délais, afin de pouvoir consulter les établissements de crédit. Or l'amendement n° 12 a précisément pour objet de donner le temps nécessaire à cette concertation avec les acteurs sociaux que le Président de la République a appelée récemment de ses voeux.
Je le répète, le Gouvernement propose une modification sur la forme et non sur le fond, puisqu'il est favorable au principe d'une clarification du statut de la Banque de France, et ce dans des délais raisonnables, car la concertation devra être organisée entre l'examen de ce texte par le Sénat, aujourd'hui, et la discussion qui se déroulera à l'Assemblée nationale, ultérieurement.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 1 et 3.
M. Jean-Pierre Fourcade. Il est clair qu'à travers ses conclusions la commission des finances a voulu utilement clarifier et adapter aux nécessités du monde actuel le statut de la Banque de France. La suppression du conseil de la politique monétaire, entre autres, va dans ce sens et me parait tout à fait acceptable.
C'est la raison pour laquelle, à l'exception de l'article 5, les dispositions de ce texte ne suscitent chez moi qu'un sentiment d'adhésion - je tiens à le signaler à M. le président de la commission des finances et à M. le rapporteur.
En revanche, l'article 5 me semble poser problème. Certes, le statut social de la Banque de France est quelque peu original par rapport à d'autres régimes. Toutefois, pour avoir été le ministre qui a introduit un représentant du personnel dans le conseil général de la Banque de France, je ne puis aujourd'hui assister sans réaction à sa disparition dans le cadre des discussions menées avec les organisations syndicales. (MM. Jean Arthuis, président de la commission des finances, et Philippe Marini, rapporteur, protestent.)
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Monsieur Fourcade, me permettez-vous de vous interrompre ?
M. Jean-Pierre Fourcade. Je vous en prie, monsieur le président de la commission.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission, avec l'autorisation de l'orateur.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Monsieur Fourcade, ce représentant est maintenu au sein du conseil général de la Banque de France, ne vous méprenez pas !
M. Jean-Pierre Fourcade. Très bien, j'en accepte l'augure. Mais je crois que le temps n'est pas venu de modifier complètement le statut de la Banque de France.
M. Philippe Marini, rapporteur. Mais nous ne modifions rien du tout !
M. Jean-Pierre Fourcade. C'est pourquoi je voterai contre les amendements de suppression de l'article 5 et me rallierai, comme mon groupe, à l'amendement n° 12 du Gouvernement, dont la position n'est pas réactionnaire mais de bon sens, me semble-t-il, car elle maintient le principe de l'application à la Banque de France et à son comité d'entreprise de l'ensemble des dispositions du droit du travail.
M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud, pour explication de vote.
M. Thierry Foucaud. Monsieur le rapporteur, vous avez affirmé tout à l'heure que six personnes seulement protestaient contre les conclusions de ce rapport en ce moment devant le Sénat ! Or, même si je ne dirige pas le mouvement syndical, il me semble que le rendez-vous pour la manifestation n'est qu'à midi.
Ce genre de discours est dangereux. Je ne referai pas l'historique du CPE, mais peut-être devriez-vous y songer et vous efforcer de rester humble !
M. Josselin de Rohan. Cela n'a rien à voir !
M. Thierry Foucaud. Peut-être, mais vous comprenez bien ce que je veux dire !
En ce qui concerne l'article 5, j'ai déjà eu l'occasion de souligner que nous nous opposions aux dispositions relatives au code du travail, notamment. Je ferai quelques remarques supplémentaires afin d'expliciter notre vote.
Tout d'abord, cet article entre pour une part essentielle, sinon exclusive, dans le champ du droit social. On ne peut donc que s'étonner que le ministère de M. Borloo n'ait pas été sollicité pour donner son avis sur le texte qui nous est soumis. Il me semble que l'on ne peut donner force de loi à de telles dispositions sans un minimum de concertation interministérielle !
Ensuite, le gouverneur de la Banque de France lui-même a répondu par un courrier aux remarques formulées par la Cour des comptes dans son rapport public. Mes chers collègues, je tiens ce document à votre disposition. (M. Foucaud brandit un document). Il contredit certaines des affirmations de M. le président de la commission des finances et de M. le rapporteur, s'agissant en particulier des salaires de la Banque de France.
Je cite M. Christian Noyer : « Enfin la maîtrise par la banque de ses charges est clairement évoquée et je souligne, de ce point de vue, que nous avons fait preuve d'une extrême modération salariale : ainsi, de 1993 à ce jour, la valeur du point de la fonction publique a progressé de 14,55 % alors que l'indice Banque de France n'a été relevé que de 10,33 % ».
Ces chiffres sont d'ailleurs corroborés par une étude du comité central d'entreprise, qui évalue à près de 11 % la perte de pouvoir d'achat des agents de notre banque centrale depuis 1985. Je crois qu'il était bon de le rappeler. (Exclamations ironiques sur les travées de l'UMP.)
M. Josselin de Rohan. On va faire la quête ! Sortez vos mouchoirs ! Monsieur Foucaud, ces agents sont tout de même des privilégiés !
M. Thierry Foucaud. Je ferai également quelques observations sur l'action du comité d'entreprise, que M. le rapporteur a seulement évoqué pour souligner que les dépenses réalisées à ce titre par la banque seraient trop importantes au regard des moyennes observées ailleurs. Or, je l'ai montré, la vérité est tout autre, et soutenir le contraire s'apparenterait à une pure falsification des faits.
M. le rapporteur, pourquoi n'avez-vous pas rappelé que le comité d'entreprise de la Banque de France prenait en charge des dépenses que les comités d'autres entreprises n'assument pas ?
Pour donner quelques chiffres, je citerai la dotation moyenne de la Banque de France, qui atteint 755,27 euros par agent, mais il faut rappeler, bien sûr, que 40 % des dépenses du comité d'entreprise visent à couvrir des frais qui, dans d'autres organismes, incombent soit au budget de l'État, quand il s'agit d'administrations publiques, soit au système de protection sociale.
De même, le taux d'appel fixé par la Banque de France pour fournir les ressources nécessaires à son comité d'entreprise ne se révèle pas plus élevé que celui qui est appliqué dans d'autres établissements financiers, et notamment à BNP Paribas, où il est même supérieur.
Il est bon de rappeler ces quelques éléments, me semble-t-il. Ils ont d'ailleurs été évoqués par le groupe CRC, aussi bien lors de l'examen de la motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité que dans la défense des amendements. Et, bien sûr, il faut garder à l'esprit que les élus des salariés accomplissent avec la même rigueur leurs fonctions au sein du comité central d'entreprise et leurs missions de service public.
Mes chers collègues, nous vous invitons, en conséquence, à adopter cet amendement de suppression de l'article 5.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 1 et 3.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 11 :
Nombre de votants | 322 |
Nombre de suffrages exprimés | 314 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 158 |
Pour l'adoption | 120 |
Contre | 194 |
Le Sénat n'a pas adopté.
La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote sur l'amendement n° 12.
Mme Nicole Bricq. Cet amendement est un pis-aller dans la mesure où il tend à supprimer quatre alinéas de l'article 5 de la présente proposition de loi, article relatif à l'application du droit du travail à la Banque de France.
Cela étant, il laisse subsister le dernier alinéa, qui vise à conférer au conseil général de la Banque de France le soin de déterminer les règles applicables aux agents de cette dernière dans certains domaines.
Surtout, il justifie finalement que nous légiférions sur ce qui doit relever de la négociation sociale.
Ainsi que je l'ai dit au cours de la discussion générale- mais il y avait alors moins de monde en séance -, je considère qu'il s'agit là d'un débat interne à la majorité présidentielle, débat qu'il n'appartient pas à l'opposition d'arbitrer.
Mes chers collègues, vous êtes majoritaires au sein de cette assemblée - vous êtes d'ailleurs majoritaires ce matin en séance, sans doute après avoir été convoqués et, en réalité, sans bien savoir de quoi il retourne. (Protestations sur les travées de l'UMP.)
Je ne vous fais pas de procès : il est déjà bien que vous soyez présents !
En tout cas, c'est à vous de prendre vos responsabilités ! (« On les prendra » ! sur les travées de l'UMP.)
M. Josselin de Rohan. Occupez-vous plutôt du débat qui aura lieu ce soir entre les trois prétendants socialistes !
M. Hubert Falco. N'y a-t-il donc pas de débats chez vous, madame Bricq ?
Mme Nicole Bricq. Pas sur ce sujet, mon cher collègue !
Que la majorité sénatoriale prenne conscience qu'elle risque de créer un précédent juridique qui pourrait ne pas être sans conséquences !
Monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur, vous vous êtes prononcés avec force contre l'amendement du Gouvernement. J'aimerais que vous défendiez avec autant de conviction les travailleurs dépourvus de toute protection. Je ne vous ai jamais entendus défendre la salariée d'une blanchisserie industrielle, aux horaires déraisonnables, mal payée, qui met beaucoup de temps pour se rendre à son travail et à qui l'on demanderait presque de travailler le dimanche ou à flux continu.
Aujourd'hui, vous tombez dans la facilité en vous attaquant aux salariés d'une institution bicentenaire. Cela en dit long sur les intentions qui seront les vôtres au cours de la confrontation électorale de l'année prochaine.
Alors, mes chers collègues de la majorité, prenez vos responsabilités ! Quant à nous, nous prendrons les nôtres. L'argumentation que nous avons développée dans la défense de nos amendements reste valable. Nous voterons contre l'amendement du Gouvernement, autant pour des raisons de fond que pour des raisons de forme.
M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.
Mme Marie-France Beaufils. L'amendement du Gouvernement, dans la mesure où il laisse subsister certaines des dispositions prévues à l'article 5, est un pis-aller, comme l'a dit Nicole Bricq. Celles-ci remettent malgré tout en cause un certain nombre des règles régissant le comité d'entreprise.
En particulier, je ne suis pas certaine que nos collègues, qui sont par ailleurs des élus locaux, soient bien conscients des incidences que pourrait avoir leur décision de réduire les capacités d'intervention d'un comité d'entreprise dans les oeuvres sociales.
À la suite de la modification des règles applicables à leur financement, les oeuvres sociales de France Télécom ou de La Poste, par exemple, ont perdu une partie de leurs moyens. Aussi, nous sommes aujourd'hui sollicités en tant qu'élus locaux pour y suppléer et prendre à notre charge ceux qui en étaient les bénéficiaires.
De la même façon, si les oeuvres sociales de la Banque de France ne disposaient plus des moyens financiers qui leur sont actuellement accordés, elles se trouveraient confrontées à de grandes difficultés dont pourraient avoir à pâtir les territoires dont nous sommes les élus.
Certes, à ma connaissance, tel n'est pas encore le cas chez moi, mais, là où cela arrivera, il sera bien difficile de faire machine arrière.
Puisse cette réflexion guider votre choix, mes chers collègues !