Article 9
Dossier législatif : proposition de loi instituant la fiducie
Article 11

Article 10

I. - Après le troisième alinéa de l'article L. 12 du livre des procédures fiscales, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsqu'un contrat de fiducie ou les actes le modifiant n'ont pas été enregistrés dans les conditions prévues à l'article 2018 du code civil, ou révélés à l'administration fiscale avant l'engagement de l'examen contradictoire de la situation fiscale personnelle d'un contribuable qui y est partie ou en tient des droits, la période prévue au troisième alinéa est prorogée du délai écoulé entre la date de réception de l'avis de vérification et l'enregistrement ou la révélation de l'information. ».

II. - L'article L. 13 du même livre est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les fiducies, en la personne de leur fiduciaire, sont soumises à vérification de comptabilité dans les conditions prévues au présent article. ».

III. - L'article L. 53 du même livre est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« En ce qui concerne les fiducies, la procédure de vérification des déclarations déposées par le fiduciaire pour le compte de ces dernières est suivie entre l'administration des impôts et le fiduciaire. ».

IV. - Dans la section IV du chapitre premier de la première partie (partie législative) du même livre, il est ajouté un V ainsi rédigé :

« V. Fiducie

« Art. L. 64 C. - Sans préjudice de la sanction de nullité prévue à l'article 2013 du code civil, les contrats de fiducie consentis dans une intention libérale au sens de l'article 792 bis du code général des impôts, et qui conduisent à une minoration des droits au titre de tous impôts et taxes dus par l'une quelconque des personnes parties au contrat ou en tenant des droits, ne peuvent être opposés à l'administration, qui est en droit de restituer son véritable caractère à l'opération litigieuse. »

V. - Le deuxième alinéa de l'article L. 68 du même livre est complété par les mots : «, ou, pour les fiducies, si les actes prévus à l'article 635 du code général des impôts n'ont pas été enregistrés ».

VI. - Après le 1° bis de l'article L. 73 du même livre, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« 1° ter Le bénéfice imposable des fiducies lorsque la déclaration annuelle prévue à l'article 223 VH du code général des impôts n'a pas été déposée dans le délai légal par le fiduciaire ; ».

VII. - Après l'article L. 96 E du même livre, il est inséré un article L. 96 F ainsi rédigé :

« Art. L. 96 F. - Le fiduciaire, le constituant, le bénéficiaire, ou toute personne physique ou morale exerçant par quelque moyen, un pouvoir de décision direct ou indirect sur la fiducie, doivent communiquer sur sa demande à l'administration des impôts tout document relatif au contrat de fiducie, sans que puisse être opposée l'obligation de secret prévue à l'article 226-13 du code pénal. »  - (Adopté.)

Article 10
Dossier législatif : proposition de loi instituant la fiducie
Article 12

Article 11

Le dernier alinéa de l'article 1729 du code général des impôts est complété par les mots : « ou en cas d'application des dispositions de l'article 792 bis ».  - (Adopté.)

CHAPITRE IV

DISPOSITIONS COMPTABLES

Article 11
Dossier législatif : proposition de loi instituant la fiducie
Article 13

Article 12

I. - Les éléments d'actif et de passif transférés dans le cadre de l'opération mentionnée à l'article 2011 du code civil forment un patrimoine d'affectation. Les opérations affectant ce dernier font l'objet d'une comptabilité autonome chez le fiduciaire.

II. - Les personnes morales mentionnées à l'article 2014 du code civil établissent des comptes annuels conformément aux dispositions des articles L. 123-12 à L. 123-15 du code de commerce.

III. - Le contrôle de la comptabilité autonome mentionnée au premier alinéa est exercé par un ou plusieurs commissaires aux comptes nommés par le fiduciaire, lorsque le ou les constituants sont eux-mêmes tenus de désigner un commissaire aux comptes. Le rapport du commissaire aux comptes est présenté au fiduciaire. Le commissaire aux comptes est délié du secret professionnel à l'égard des commissaires aux comptes des parties au contrat de fiducie.

IV. - Les dispositions des I et II sont précisées par un règlement du comité de la réglementation comptable.  -  (Adopté.)

CHAPITRE V

DISPOSITIONS COMMUNES

Article 12
Dossier législatif : proposition de loi instituant la fiducie
Article 14

Article 13

Le constituant et le fiduciaire doivent être résidents d'un État de la Communauté européenne ou d'un État ou territoire ayant conclu avec la France une convention fiscale en vue d'éliminer les doubles impositions qui contient une clause d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude ou l'évasion fiscale.  - (Adopté.)

Article 13
Dossier législatif : proposition de loi instituant la fiducie
Article 15

Article 14

Lorsque le contrat de fiducie a pour objet de couvrir des risques d'assurance ou de réassurance, les dispositions de la présente loi s'appliquent sous réserve des dispositions du code des assurances.  - (Adopté.)

Article 14
Dossier législatif : proposition de loi instituant la fiducie
Article 16

Article 15

Les documents relatifs au contrat de fiducie sont transmis, à leur demande et sans que puisse leur être opposé le secret professionnel, au service institué à l'article L. 562-4 du code monétaire et financier, aux services des douanes et aux officiers de police judiciaire, aux autorités de contrôle compétentes en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux, à l'administration fiscale et au juge, par le fiduciaire, le constituant, le bénéficiaire ou par toute personne physique ou morale exerçant, de quelque manière que ce soit, un pouvoir de décision direct ou indirect sur la fiducie.

Ces documents sont exigibles pendant une durée de dix ans après la fin du contrat de fiducie.  - (Adopté.)

Article 15
Dossier législatif : proposition de loi instituant la fiducie
Article 17

Article 16

Après l'article 2328 du code civil, il est inséré un article 2328-1 ainsi rédigé :

« Art. 2328-1.- Toute sûreté réelle peut être inscrite, gérée et réalisée pour le compte des créanciers de l'obligation garantie par une personne qu'ils désignent à cette fin dans l'acte qui constate cette obligation. »  - (Adopté.)

Article 16
Dossier législatif : proposition de loi instituant la fiducie
Article 18

Article 17

Le code civil est ainsi modifié :

1° Après l'article 468, il est inséré un article 468-1 ainsi rédigé :

« Article 468-1.- Les biens ou droits d'un mineur ne peuvent être transférés dans un patrimoine fiduciaire. » ;

2° L'article 1424 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« De même, ils ne peuvent, l'un sans l'autre, transférer un bien de la communauté dans un patrimoine fiduciaire. » ;

3° L'article 1596 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les fiduciaires, des biens ou droits composant le patrimoine fiduciaire. ».

M. le président. L'amendement n° 10, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

  Supprimer les 1° et 2° de cet article.

La parole est à M. le garde des sceaux.

M. Pascal Clément, garde des sceaux. Il s'agit d'un amendement de coordination qui, là encore, tend à tirer les conséquences de la limitation de la fiducie aux seules personnes morales soumises à l'impôt sur les sociétés.

Cet amendement a pour objet de supprimer les dispositions relatives à la protection des biens des mineurs et des époux, qui avaient été insérées dans le code civil en raison de l'extension de la fiducie aux personnes physiques.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Henri de Richemont, rapporteur. L'article 17 des conclusions du rapport de la commission contenait de bonnes dispositions ! En vertu de celles-ci, les mineurs n'auraient pu apporter de biens à un fiduciaire, et les couples mariés sous le régime de la communauté n'y auraient été autorisés que sous réserve de l'accord des deux époux.

Toutefois, ces belles dispositions - nous les regretterons ! (Sourires) - n'ont plus lieu d'être dès lors que l'amendement n° 1 rectifié du Gouvernement a été adopté. La commission s'en remet donc à la sagesse de notre assemblée.

M. le président. La parole est à M. François Zocchetto, pour explication de vote.

M. François Zocchetto. Je m'interroge sur les sociétés civiles, car certaines d'entre elles peuvent être soumises à l'impôt sur les sociétés. Sommes-nous vraiment sûrs qu'elles ne sont plus concernées par ce dispositif ?

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Henri de Richemont, rapporteur. Mon cher collègue, aux termes de l'amendement n° 1 rectifié, qui a été voté tout à l'heure, seules les personnes morales soumises de plein droit ou sur option à l'impôt sur les sociétés pourront constituer des fiducies.

Toute SCI, ou société civile immobilière, qui fait le choix de se trouver assujettie à l'impôt sur les sociétés pourra donc être constituante.

M. François Zocchetto. Même si elle est détenue par des personnes mineures ?

M. Henri de Richemont, rapporteur. Tout à fait, dès lors qu'elle fait le choix d'être soumise à l'impôt sur les sociétés.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 10.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 17, modifié.

(L'article 17 est adopté.)

Article 17
Dossier législatif : proposition de loi instituant la fiducie
Article 19 (début)

Article 18

Le code de commerce est ainsi modifié :

1° Le II de l'article L. 233-10 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« 5° Entre le fiduciaire et le bénéficiaire d'un contrat de fiducie, si ce bénéficiaire est le constituant »

2° Le I de l'article L. 632-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« 9° Tout transfert de biens ou de droits dans un patrimoine fiduciaire en application des articles 2011 et suivants du code civil ».  - (Adopté.)

Article 18
Dossier législatif : proposition de loi instituant la fiducie
Article 19 (fin)

Article 19

Les conséquences financières entraînées par l'application des dispositions de la présente loi sont compensées à due concurrence par une majoration de la contribution prévue à l'article 527 du code général des impôts.

M. le président. L'amendement n° 11, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

 Supprimer cet article.

La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Christine Lagarde, ministre déléguée. Cet amendement a pour objet de lever le gage.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Henri de Richemont, rapporteur. Il ne peut qu'être favorable, monsieur le président !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 11.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'article 19 est supprimé.

Personne ne demande la parole ?...

Je mets aux voix, modifiées, les conclusions du rapport de la commission des lois sur la proposition de loi n° 178.

(La proposition de loi est adoptée.)

M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures vingt, est reprise à vingt-deux heures, sous la présidence de M. Philippe Richert.)

PRÉSIDENCE DE M. Philippe Richert

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

Article 19 (début)
Dossier législatif : proposition de loi instituant la fiducie
 

9

 
Dossier législatif : proposition de loi relative aux droits des parents séparés en cas de garde alternée des enfants
Discussion générale (suite)

Droits des parents séparés en cas de garde alternée des enfants

Adoption des conclusions négatives du rapport d'une commission

(Ordre du jour réservé)

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi relative aux droits des parents séparés en cas de garde alternée des enfants
Explications de vote sur l'ensemble (début)

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions du rapport de M. André Lardeux, fait au nom de la commission des affaires sociales, sur la proposition de loi relative aux droits des parents séparés en cas de garde alternée des enfants présentée par M. Michel Dreyfus-Schmidt et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés (n° 18 ; n° 483, 2005-2006).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.

M. André Lardeux, rapporteur de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui a pour objet d'organiser le partage des prestations familiales entre les deux parents, en cas de résidence alternée de leurs enfants.

La résidence alternée a été reconnue officiellement par la loi du 4 mars 2002 relative à l'autorité parentale. Elle est choisie au terme de 10 % environ des 70 000 divorces impliquant des mineurs qui sont prononcés en France, et concerne donc 12 000 enfants de plus chaque année.

Dans ce cadre, les enfants résident alors alternativement chez chacun de leurs parents, le plus souvent selon un rythme hebdomadaire.

Ce mode de résidence implique que les parents s'entendent ou, à tout le moins, respectent une répartition équitable des charges liées à l'entretien de l'enfant, en tenant compte des avantages fiscaux et sociaux qui atténuent ces charges.

La loi de finances rectificative pour 2002 a prévu que les avantages fiscaux pouvaient être répartis entre les parents grâce au partage du quotient familial se rapportant aux enfants. En revanche, les prestations familiales restent attribuées en intégralité à l'un des deux parents. Le choix de l'allocataire est normalement effectué d'un commun accord entre eux, mais, si cet accord se révèle impossible, les caisses d'allocations familiales versent les prestations à celui des deux ex-conjoints qui avait la qualité d'allocataire avant le divorce.

Le fait est que le droit de la sécurité sociale ne s'est pas adapté à l'évolution du droit de la famille et n'a pas tiré les conséquences de la reconnaissance de la résidence alternée.

C'est la raison pour laquelle les auteurs de la proposition de loi proposent un partage des prestations familiales en deux parts égales en cas de résidence alternée, sauf si la convention homologuée par le juge, par laquelle les parents règlent les questions relatives à l'autorité parentale, ou la décision du juge lui-même en décident autrement.

À l'appui de leur proposition, ils invoquent un avis de la Cour de cassation du 26 juin dernier dans lequel la Cour estime qu'en cas de résidence alternée on peut considérer que les enfants sont à la charge des deux parents et que, de ce fait, ils ouvrent droit aux prestations familiales au titre de l'un comme de l'autre.

Cependant, j'observe que la solution ici proposée va beaucoup plus loin que ne l'exigerait en réalité la Cour.

D'une part, le texte prévoit un partage des prestations familiales, quel que soit le type de résidence alternée, c'est-à-dire que celle-ci soit ou non « égalitaire ». Or la Cour précise que la résidence alternée doit être effective et équivalente pour que l'enfant puisse être considéré comme étant à la charge de ses deux parents, au sens du code de la sécurité sociale, et écarte a contrario tout partage quand la charge de l'enfant n'est pas répartie de façon équitable entre les parents.

D'autre part, le texte impose un partage systématique de toutes les prestations familiales, selon un modèle unique - la division en deux parts égales de leur montant -, alors que la Cour encadre ce partage en le subordonnant à des adaptations en fonction de la situation des parents et des règles propres à chaque prestation.

Quelques exemples concrets permettent de mesurer le caractère excessivement simpliste de la solution proposée.

Prenons l'allocation de parent isolé : ne serait-il pas singulier de diviser ce minimum social entre les deux parents, sans considération du fait que l'un d'entre eux pourrait en réalité ne pas remplir la condition d'isolement qui conditionne l'attribution de cette allocation ?

Les prestations sous condition de ressources soulèvent également un grand nombre de difficultés : dans la majorité des cas, les ressources des deux parents ne seront pas équivalentes et n'ouvriront pas forcément droit aux mêmes prestations ou alors à des prestations qui ne seront pas nécessairement d'un montant identique. S'il faut déterminer le droit à telle ou telle prestation, quelles ressources les caisses d'allocations familiales devront-elles retenir ? L'addition des ressources des deux parents, même si ceux-ci sont séparés ? Les ressources de l'un ou de l'autre ? Mais alors, comment choisir celui des deux parents qui servira de référence ?

Un problème supplémentaire se pose pour l'allocation de logement familial, puisque son attribution non seulement est soumise à une condition de ressources, mais encore dépend de critères liés au logement lui-même. Or, par définition, des parents séparés n'occupent pas le même logement.

On le voit, même si une solution doit être apportée au vide juridique créé par le développement de la résidence alternée dans l'attribution des prestations familiales, le dispositif doit impérativement être adapté à chaque prestation.

C'est d'ailleurs le sens de la démarche qu'a adoptée le Gouvernement. Ainsi, au printemps dernier, il a mis en place un groupe de travail chargé, d'une part, d'étudier les prestations familiales pouvant faire l'objet d'un partage entre des parents séparés, d'autre part, d'identifier les difficultés juridiques et pratiques d'un tel partage.

Grâce à ces travaux, une première étape sera proposée dans le prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale, pour le partage des seules allocations familiales. La rédaction retenue, même si elle ne répond pas à toutes nos interrogations, est bien plus satisfaisante que celle de la présente proposition de loi, car elle fait référence à une mise en oeuvre effective et équivalente de la résidence alternée et permet de préciser les modalités de répartition des parts ouvrant droit au bénéfice de ces allocations, notamment dans le cas des familles recomposées.

Pour les autres prestations, le groupe de travail poursuit ses réflexions. Dans ces conditions, il serait prématuré de poser le principe d'un partage de toutes les prestations.

Pour toutes ces raisons, la commission des affaires sociales vous propose, mes chers collègues, de rejeter l'ensemble de cette proposition de loi.

Avant de conclure, et bien que ce ne soit pas directement l'objet de la proposition de loi sur laquelle la commission se prononce aujourd'hui, je voudrais rappeler les critiques dont fait l'objet la résidence alternée.

En effet, plusieurs spécialistes de l'enfance dénoncent l'effet néfaste qu'elle peut avoir au plan psychologique sur l'enfant, notamment lorsqu'il est très jeune, dans la mesure où elle contrarie ses besoins de stabilité et de repères.

Il s'agit en outre d'un mode d'organisation contraignant et coûteux, puisque chaque parent doit être en mesure de loger ses enfants dans des conditions permettant une scolarisation continue.

Si l'on obligeait les parents à subir les mêmes changements, cela leur poserait sans doute beaucoup de problèmes ! (Mme Janine Rozier applaudit.)

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. On peut essayer !

M. André Lardeux, rapporteur. Ne nous étonnons pas, alors, qu'il en soit de même pour les enfants.

La résidence alternée implique une collaboration constante entre les parents, parfois difficile à nouer en cas de séparation très conflictuelle. Ces contraintes font que ce mode de garde concerne en grande majorité des couples aisés, qui se séparent par consentement mutuel.

Cinq ans après sa reconnaissance officielle par la loi, il me paraît indispensable que l'on évalue les conséquences de cette pratique, non au plan financier, mais au regard des conséquences de la garde alternée sur la vie et sur le comportement des enfants concernés. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, j'ai souhaité intervenir dans ce débat afin d'exposer clairement les raisons pour lesquelles la commission des affaires sociales a rendu des conclusions négatives sur la proposition de loi de notre collègue Michel Dreyfus-Schmidt.

Cette position est en effet suffisamment rare - elle est même inédite pour la commission des affaires sociales - pour justifier qu'elle soit expliquée.

Je ne reviendrai pas sur les nombreux arguments techniques présentés par le rapporteur, André Lardeux, qui sont, me semble-t-il, imparables. On ne peut en tirer qu'une seule conclusion : sur le strict plan de leur mise en oeuvre, les propositions qui nous sont faites sont réellement inapplicables en l'état.

Il se trouve que je préside le conseil de surveillance de la Caisse nationale des allocations familiales, la CNAF. À ce titre, en prévision de notre débat de ce soir, j'ai interrogé ses responsables pour connaître leur sentiment sur l'éventualité du partage de toutes les prestations familiales légales que sert la Caisse. Ils m'ont exprimé leurs plus vives réserves.

Pour mémoire, il existe neuf prestations différentes, qui, pour certaines d'entre elles, viennent d'ailleurs d'être évoquées : la prestation d'accueil du jeune enfant, les allocations familiales, le complément familial, l'allocation de logement, l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé, l'allocation de soutien familial, l'allocation de rentrée scolaire, l'allocation de parent isolé et l'allocation journalière de présence parentale.

Cette énumération montre bien qu'à l'évidence certaines de ces prestations sont par nature « non partageables ».

De plus - je conviens que ce n'est pas un argument décisif, mais le législateur se doit d'en tenir compte -, la gestion des prestations familiales par les caisses d'allocations familiales se trouverait grandement complexifiée si elle devait intégrer le calcul supplémentaire du partage des sommes entre les parents, le contrôle du bien-fondé de leur attribution et le dédoublement des procédures de versement, assortis des frais qui en découleraient forcément.

Cette charge, de surcroît, s'alourdirait au fil des ans avec l'augmentation constatée du taux des divorces et, parallèlement, l'accroissement du nombre des familles recomposées, lequel rendrait encore plus ardu le calcul des droits.

Je vous rappelle que, chaque année, environ 12 000 enfants supplémentaires entrent dans le champ de la garde alternée. On peut aussi évoquer le cas de ceux qui, au bout de quelque temps, retrouvent un mode de résidence plus classique auprès d'un seul parent, au profit duquel il faudrait alors rétablir le paiement intégral des prestations familiales.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Bref, ce dispositif risquerait d'être source de sérieuses difficultés d'application.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Au moment où le Parlement commence l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007, dans le contexte que nous connaissons de l'exigence d'une bonne gestion des comptes sociaux, de la recherche d'économies et de la meilleure affectation possible des ressources disponibles, je ne crois pas qu'il soit opportun d'alourdir les coûts de fonctionnement pesant sur la branche « famille ».

Dans le même souci de ne pas rendre plus rigides encore des procédures qui le sont déjà suffisamment, je vous rappelle que, lorsqu'un juge fixe le montant de la pension alimentaire d'un enfant, il tient compte des revenus de chaque parent, en incluant les prestations familiales qui s'y ajoutent. Prévoir dans la loi le partage de ces prestations par moitié risque de rouvrir un certain nombre de dossiers sur lesquels l'accord des parents peut être remis en cause si l'on modifie les bases de calcul.

On m'objectera sans doute que, le plus souvent, dans 70 % des cas environ, lorsque l'on retient le principe d'une garde alternée, la convention prévoit qu'il n'y a pas lieu à versement d'une pension alimentaire. J'en conclus que, dans 30 % des cas, il y a donc bien fixation d'une pension, qu'il faudrait peut-être recalculer, et que la donne pourrait se trouver changée pour les 70 % des cas où elle n'a pas été retenue au départ.

Est-il vraiment nécessaire de multiplier les causes potentielles de conflits lorsqu'ils ont été évités jusqu'alors ? Je ne le crois pas.

Pour autant, et c'est sur ce point que je voudrais conclure, la commission des affaires sociales en adoptant cette position n'a nullement pour objectif de refuser aux pères divorcés ou séparés de faire valoir leurs droits vis-à-vis de leurs enfants et la reconnaissance de leur statut. Si je parle des pères, c'est que nous savons bien qu'en pratique ce sont eux qui, le plus souvent, éprouvent le sentiment d'être, en quelque sorte, mis à l'écart et niés dans leur paternité.

J'ai été autrefois l'auteur d'une proposition de loi relative à la prestation compensatoire en cas de divorce, rapportée par M. Hyest au nom de la commission des lois en février 1998 et dont le texte définitivement voté a été promulgué le 1er juin 2000. Je me suis alors profondément investi dans la cause des pères pour avoir vu, autour de moi, de nombreux cas d'injustice flagrante. Je crois toutefois que la solution proposée par Michel Dreyfus-Schmidt d'un partage par moitié de toutes les prestations familiales n'est pas la réponse qu'il convient d'apporter, même si j'en mesure parfaitement l'intérêt symbolique.

Nous aurons d'ailleurs l'occasion de revenir sur cette question très prochainement, puisque le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007 prévoit lui-même d'organiser le partage des droits entre les parents séparés ou divorcés, mais pour les seules allocations familiales et dans le strict respect du principe d'adéquation à la charge effective de l'enfant par chacun de ses parents.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est un cavalier !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Et, pour être parfaitement honnête - M. le ministre délégué connaît mon sentiment sur ce point -, même dans cette forme simplifiée, très en deçà des ambitions de la présente proposition de loi, le dispositif envisagé ne serait pas si simple à mettre en oeuvre, ni même souhaitable, à mes yeux.

Je souhaite donc que la réflexion se poursuive sur ces questions de société délicates, dont il convient de prendre l'exacte mesure et dont l'évolution doit nous conduire à prendre en compte, avant toute chose, l'intérêt supérieur de l'enfant. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)

M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :

Groupe Union pour un mouvement populaire, 19 minutes ;

Groupe socialiste, 14 minutes ;

Groupe communiste républicain et citoyen, 7 minutes ;

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Esther Sittler.

Mme Esther Sittler. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons ce soir a été inscrite à l'ordre du jour de notre assemblée par la conférence des présidents mercredi dernier. Elle a fait l'objet d'un rapport de la commission des affaires sociales dès le jeudi.

Je tiens à féliciter notre rapporteur ainsi que ses collaborateurs pour leur efficacité, qui nous permet de débattre dans les meilleures conditions ce soir.

Il est proposé, dans ce texte, une solution à la délicate question de la répartition des prestations familiales en cas de résidence alternée après un divorce. Ce système, qui donne la possibilité aux enfants de vivre tantôt chez le père, tantôt chez la mère, après la séparation des parents, a été instauré par la loi du 4 mars 2002 relative à l'autorité parentale.

Sur les 130 000 nouveaux divorces prononcés chaque année, la garde alternée en concernerait environ 10 000, selon le ministère de la justice. Dans 80 % des cas, soit la grande majorité, les demandes de garde alternée sont formulées conjointement par les deux parents. Lorsqu'un seul la demande, elle est retenue dans 25 % des cas.

J'en viens au problème des allocations familiales.

Alors que les deux parents assument parfois tous deux la charge effective de l'enfant, seul l'un des deux peut être allocataire, a priori celui qui percevait précédemment l'allocation. La seule possibilité offerte par la CNAF est d'alterner le bénéficiaire, par exemple par période d'un an, ce qui n'est pas très satisfaisant.

Le code de la sécurité sociale n'a donc pas tiré les conséquences du nouveau dispositif de la garde alternée.

La situation paraît d'autant moins équitable qu'une solution a été trouvée sur le plan fiscal. La loi de finances rectificative du 30 décembre 2002 prévoit en effet qu'« en cas de résidence alternée au domicile de chacun des parents et sauf dispositions contraires dans la convention homologuée par le juge, la décision judiciaire ou, le cas échéant, l'accord des parents, les enfants mineurs sont réputés être à la charge égale de l'un et l'autre parent. Ils ouvrent droit à une majoration de 0,25 part pour chacun des deux premiers et de 0,5 part à compter du troisième ».

La justice a ainsi été saisie de plusieurs cas, en matière sociale, où l'un des deux parents, le plus souvent le père, se sentait lésé par la situation.

Attaché à trouver une solution, monsieur le ministre délégué, vous avez engagé une réflexion sur le sujet au mois de mai dernier. Un groupe de travail a été formé pendant l'été, réunissant en son sein des représentants de la CNAF et des associations familiales ainsi que des magistrats. Les experts ainsi rassemblés n'ont pu que constater à quel point la question était en effet extrêmement complexe et délicate.

Toutes les prestations familiales ne peuvent être traitées de la même façon, les conditions posées variant d'une prestation à l'autre. Ainsi, les prestations sous condition de ressources peuvent-elles être partagées sans qu'il soit tenu compte des revenus respectifs des parents séparés ? Et selon quelles modalités ?

Les prestations soumises à des conditions spécifiques - l'isolement pour l'allocation de parent isolé - ou liées à l'exercice d'une activité professionnelle - comme la prestation d'accueil du jeune enfant, la PAJE - peuvent-elles être partagées, et selon quels critères ? Comme l'a très bien expliqué M. le rapporteur, il faut éviter d'aboutir à des situations juridiques inextricables.

La question se pose également pour les allocations familiales qui sont universelles. Lorsque la garde alternée est égale entre le père et la mère et que les relations sont demeurées sereines, le partage ne devrait pas poser de problème.

C'est évidemment beaucoup plus complexe lorsque la durée de la garde et/ou les ressources du père et de la mère sont différentes. D'autres paramètres peuvent aussi venir s'ajouter, comme le fait que l'un des parents ou les deux aient fondé une autre famille.

Il y a eu des cas où les CAF ont dû suspendre le versement des allocations familiales parce que les parents se déchiraient et ne pouvaient se mettre d'accord lors du jugement sur le destinataire des prestations.

Des juristes se sont également inquiétés du risque, réel, de demande de révision du niveau de la pension alimentaire afin de compenser la perte financière d'un partage des allocations familiales si l'un des parents ne joue pas le jeu. Que faire également dans l'hypothèse où la pension alimentaire n'est pas versée ?

Il convient donc d'être très prudent afin de ne pas commettre de nouvelles injustices.

Or les auteurs de la présente proposition de loi proposent une solution unique : celle du partage des prestations familiales en deux parts égales en cas de résidence alternée, sauf si les parents se sont entendus pour en convenir autrement dans le cadre de la convention homologuée par le juge. Ils évoquent, dans leur exposé des motifs, un avis de la Cour de cassation saisie par un tribunal des affaires de sécurité sociale qui a permis, l'été dernier, le partage en faveur d'un père qui demandait que son droit soit reconnu.

Or, comme nous venons de l'exposer, la situation est complexe et impose des réponses diverses et circonstanciées.

Le texte ainsi soumis à notre examen n'apparaît, par conséquent, pas applicable en l'état. Une réflexion technique est indispensable pour examiner au cas par cas chaque prestation, l'opportunité de son partage et ses modalités.

C'est d'ailleurs la conclusion à laquelle a abouti le groupe de travail mis en place par le Gouvernement, qui poursuit sa réflexion. Une solution semble toutefois avoir été trouvée s'agissant du cas spécifique des allocations familiales.

En effet, l'article 65 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007 devrait permettre de reconnaître la qualité d'allocataire à chacun des deux parents séparés, sous certaines conditions précisées par décret en Conseil d'État, lorsqu'il y a partage de la charge effective de l'enfant.

Pour toutes ces raisons, l'initiative de nos collègues apparaît prématurée. C'est pourquoi le groupe UMP votera les conclusions présentées par notre excellent rapporteur proposant très sagement de rejeter cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. le président. La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.

Mme Josiane Mathon-Poinat. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, la proposition de loi de notre collègue Michel Dreyfus-Schmidt a pour objet de permettre un partage des allocations familiales entre les deux parents séparés ou divorcés qui auront choisi la garde alternée pour leurs enfants.

Ces dernières années, la pratique de la garde alternée s'est développée. Reconnue officiellement par la loi du 4 mars 2002, elle concerne aujourd'hui environ 10 % des 70 000 cas de divorce prononcés chaque année. Le plus souvent, l'alternance s'effectue à un rythme hebdomadaire.

Mais elle ne s'est pas forcément développée de la même manière chez tous les couples divorcés. En effet, des disparités existent dans le choix d'une garde alternée selon le niveau social des parents.

Dans son rapport, la mission d'information sur la famille et les droits de l'enfant de février 2006 fait état que « si seuls les parents relativement aisés choisissent la résidence alternée, c'est qu'elle induit un certain nombre de contraintes matérielles et de surcoûts ».

Choisir la garde alternée n'est donc pas qu'une question philosophique ou éducative, et repose également sur les moyens financiers dont disposent les deux parents. Occupent-ils un appartement suffisamment équipé pour recevoir leurs enfants une semaine sur deux ? Ont-ils la possibilité de satisfaire les besoins essentiels à l'épanouissement de leurs enfants ?

Si ce mode de garde apparaît plutôt favorable aux enfants, il nécessite toutefois une assise financière certaine. Les parents qui ont de faibles revenus devraient-ils pour autant renoncer à opter pour la garde alternée ?

Dans certains domaines, des mesures d'accompagnement ont été prévues, comme le partage du quotient familial en matière fiscale ou l'inscription de l'enfant sur la Carte vitale de chacun des parents.

En revanche, les allocations et les autres prestations familiales ne pouvaient être versées qu'à un seul parent. Sans compter toutes les aides dont l'attribution est liée à la perception des allocations familiales.

La question du partage des allocations familiales s'est donc posée de manière concrète à un moment donné.

Cependant, le code de la sécurité sociale ne prévoit absolument pas ce partage, puisque, dans toutes les situations, il ne vise qu'une seule personne bénéficiaire. Et même si la CNAF a adapté quelque peu ses procédures de règlement, les caisses restaient tributaires de décisions de justice.

En juin dernier, la Cour de cassation est venue éclairer une situation qui devenait de plus en plus obscure pour les parents séparés ayant opté pour la garde alternée.

Dans son avis du 26 juin 2006, la Cour de cassation considère en effet que, désormais, en cas de résidence alternée, « le droit aux prestations familiales [sera] reconnu alternativement à chacun des parents en fonction de leur situation respective et des règles particulières à chaque prestation ».

Néanmoins, la situation, bien que partiellement éclaircie d'un point de vue juridique, n'est pas complètement clarifiée sur le plan pratique.

Tout d'abord, tant que la référence expresse à la garde alternée du ou des enfants n'est pas insérée dans les articles L. 513-1 et R. 513-1 du code de la sécurité sociale, le vide juridique continue plus ou moins d'exister.

Les deux parents devraient pouvoir être allocataires non pas alternativement, mais continuellement. En effet, je le disais en introduction, opter pour la garde alternée a un coût, que les deux parents doivent assumer.

Par ailleurs, d'un point de vue très concret, des difficultés d'application vont apparaître. Les prestations familiales correspondant à la composition de la famille à charge, la prise en compte des partages de garde se révélera forcément complexe.

M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Eh oui !

Mme Josiane Mathon-Poinat. Que se passera-t-il, par exemple, dans le cas des familles recomposées ? Le parent qui déciderait de revivre en couple continuerait-il de percevoir les allocations familiales ?

M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Bien sûr !

Mme Josiane Mathon-Poinat. De même, si le père et la mère sont tous deux bénéficiaires, pourront-ils percevoir les autres prestations, comme les allocations de logement ou l'allocation de rentrée scolaire ?

Toujours est-il que le principe du partage des allocations familiales entre le père et la mère est a priori acquis, puisque le Gouvernement a décidé de l'introduire dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007.

C'est d'ailleurs l'un des arguments utilisés par la commission des affaires sociales pour conclure au rejet de la présente proposition de loi.

Nous demandons néanmoins au Gouvernement de nous présenter, dès aujourd'hui, les mesures concrètes qu'il envisage de prendre en cas de partage des allocations familiales, sans attendre l'examen par notre assemblée du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Le Gouvernement s'engage-t-il à permettre, une fois le code de la sécurité sociale modifié dans sa partie législative, une application effective de ce partage ?

Souhaitant que les deux parents soient allocataires des prestations familiales, nous voterons cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, mes premiers mots seront pour remercier et le Sénat et la conférence des présidents qui a accepté, pour une fois, d'inscrire à l'ordre du jour de la séance mensuelle consacrée à l'ordre du jour réservé une proposition de loi émanant du groupe socialiste.

Je rappelle en effet que, en la matière, contrairement à ce qui prévaut à l'Assemblée nationale, où chaque groupe dispose, en quelque sorte, d'un « droit de tirage », le Sénat prétendait jusqu'ici choisir lui-même entre les propositions de loi de l'opposition celles qui seraient inscrites à l'ordre du jour et celles qui ne le seraient pas.

Pour une fois, donc, on a accepté une proposition de loi choisie par le groupe socialiste, celle précisément dont nous discutons, et je tiens à en remercier de nouveau et la conférence des présidents et le Sénat tout entier.

Je voudrais remercier également, non sans un soupçon d'ironie, la commission des affaires sociales de son rapport, même si je note que le rapporteur avait déjà été désigné, si j'ai bien compris, lorsque la commission s'est réunie... Voilà sur la forme !

Sur le fond, maintenant, je constate que le rapporteur, rejoint en cela par M. le président de la commission, formule des observations totalement inadmissibles. Tout d'abord, il s'interroge : la garde alternée est-elle une bonne chose pour les enfants ? Il semblerait que non ! Et puis, il faut avoir les moyens...

Or, vous le savez tous, il est évidemment souhaitable que les deux parents aient la possibilité d'accueillir les enfants, ce qui vaut pour la garde des enfants en général et non plus seulement pour la garde alternée. Mais le rapporteur nous dit, non sans un certain mépris, que la garde alternée n'intéresse après tout que les gens qui ont les moyens...

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Non !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Si, cela a été dit, monsieur le président de la commission !

J'ai d'ailleurs sous les yeux l'intervention du rapporteur : « Bien que ce ne soit pas directement l'objet de la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui, je voudrais rappeler les critiques dont fait l'objet cette modalité d'organisation de la résidence alternée des enfants de parents séparés ou divorcés. En effet, de nombreux spécialistes de l'enfance dénoncent l'effet néfaste qu'elle peut produire pour l'enfant sur le plan psychologique, notamment lorsqu'il est très jeune, car elle contrarie ses besoins de stabilité et de repères. »

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Notre rapporteur est le spécialiste « famille » de la commission !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Monsieur le ministre délégué, vous qui avez constitué un groupe de travail sur cette question afin qu'une solution durable soit apportée au problème de la garde alternée, vous devez être très intéressé par les affirmations du rapporteur, en particulier celle-ci : « Il s'agit en outre d'un mode d'organisation contraignant et coûteux, puisque chaque parent doit être en mesure de loger ses enfants dans des conditions permettant une scolarisation continue. Tout cela suppose une collaboration constante entre les parents, parfois difficile à nouer en cas de séparation très conflictuelle ». Dans ce dernier cas, bien évidemment, la garde alternée n'existe pas !

Mais je poursuis ma citation : « Ces contraintes font que la résidence alternée concerne en grande majorité des couples aisés, qui se séparent par consentement mutuel. » Des couples « aisés », mes chers collègues ! Et je n'invente rien, ce sont les termes du rapporteur, extraits de son rapport rédigé avant même que la commission ne sache qui serait désigné comme rapporteur !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C'est notre rapporteur pour la famille !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ah bon ? C'est comme ça que cela se passe au sein de la commission des affaires sociales ? En général, le rapporteur est désigné par la commission. C'est du moins ce qui se pratique au sein de la commission des lois, vous vous en souvenez certainement, pour y avoir siégé longtemps, monsieur About !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. J'ai beaucoup appris à votre contact, mon cher collègue !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Vous êtes trop aimable, monsieur le président de la commission !

Cela étant dit, afin de vous convaincre, monsieur le ministre délégué, et au-delà, je l'espère, nos collègues, permettez-moi de rappeler les propos que j'avais tenus le 21 novembre 2001, lors de la discussion générale de la proposition de loi relative à l'autorité parentale :

« Un autre point nous paraît important, qui ne figure ni dans le texte de l'Assemblée nationale ni dans celui de la commission des lois du Sénat, en matière d'autorité parentale alternée. Elle n'est pas forcément paritaire et, à l'évidence, [...] cela suppose qu'elle soit possible, c'est-à-dire que l'enfant puisse continuer à fréquenter la même école et que les parents habitent l'un près de l'autre. [...] Quoi qu'il en soit, aucune disposition n'est prévue quant au devenir des avantages fiscaux, familiaux et sociaux. Il faudrait que ces avantages fiscaux, familiaux et sociaux fassent l'objet d'un partage, sur lequel les parents se mettraient d'accord ou qui serait arrêté par le juge lui-même.

« Si, par hypothèse, les deux parents disposent des mêmes ressources, qu'ils habitent l'un près de l'autre et qu'ils exercent une autorité parentale alternée, qui touchera éventuellement les allocations familiales ? Qui percevra l'indemnité de rentrée scolaire ? Le texte est muet sur ce point ! C'est pourquoi nous proposons un amendement qui prévoit que le partage sera ordonné ou mentionné dans la convention proportionnellement à ce que sera éventuellement l'autorité parentale alternée. »

C'était, je le répète, le 21 novembre 2001 ! M. Laurent Béteille, alors rapporteur de la commission des lois, s'était opposé à cette disposition : « Je ne suis pas persuadé que cette solution soit adaptée, disait-il. En effet, il y a lieu de ne pas figer la situation afin de respecter l'autonomie des parents s'agissant des conventions qu'ils prévoient pour décider des modalités d'exercice de l'autorité parentale et fixer la pension alimentaire. Par conséquent, la commission est défavorable à ce sous-amendement. »

La ministre déléguée à la famille, à l'enfance et aux personnes handicapées d'alors y était très favorable et avait émis un avis en ce sens. Je rappelle qu'il s'agissait de Mme Ségolène Royal.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Elle était favorable à la garde alternée !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Dinah Derrick, alors présidente de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, y était également favorable. Car, oui, mes chers collègues, une femme socialiste présidait alors la délégation, mais, dès que notre collègue nous a quittés, la majorité a repris cette présidence !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Plus exactement, le groupe centriste !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Dinah Derrick précisait alors que le sous-amendement que nous avions déposé répondait « à un souhait de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes qui avait été voté à l'unanimité des personnes présentes, lesquelles représentaient tous les groupes. »

Notre regrettée collègue poursuivait en ces termes : « Il s'agit d'une question fondamentale. Si l'on veut s'orienter vers la garde alternée, il faut effectivement répondre aux préoccupations des parents en matière de répartition des avantages fiscaux et sociaux. »

Je souligne à votre attention, mes chères collègues, vous qui êtes très nombreuses dans l'hémicycle, que la délégation aux droits des femmes avait soutenu, à l'unanimité, cette proposition. C'est elle qui revient en somme aujourd'hui devant le Sénat.

S'agissant des réflexions de votre groupe de travail, monsieur le ministre délégué, nous pensons, pour notre part, qu'il est inutile d'en attendre plus longtemps le résultat sachant que le sujet est très simple et qu'il a déjà fallu bien du temps avant que la Cour de cassation ne mette un terme à la résistance des tribunaux des affaires de sécurité sociale.

Et vous êtes de cet avis, vous l'avez dit et écrit. De plus, mais la commission des affaires sociales, dans sa majorité, l'a sans doute totalement oublié, vous avez prévu dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007 un article 65 qui dispose ceci : « En cas de résidence alternée de l'enfant au domicile de chacun des parents telle que prévue à l'article 373-2-9 du code civil, mise en oeuvre de manière effective, les parents désignent l'allocataire. Cependant, la charge de l'enfant pour le calcul des allocations familiales est partagée par moitié entre les deux parents, soit sur demande conjointe des parents, soit si les parents sont en désaccord sur la désignation de l'allocataire. Un décret en Conseil d'État fixe les conditions d'application du présent alinéa. »

Nous sommes d'accord avec vous sur le principe d'un décret en Conseil d'État, monsieur le ministre délégué.

M. Philippe Bas, ministre délégué. C'est déjà bien ! (Sourires.)

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Mais je vous renvoie sur ce point au texte de nos deux amendements : nous prévoyons comme vous un décret en Conseil d'État.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Comme ce décret ne sortira jamais...

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. En général, on ne les voit jamais !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. On pourra discuter sur la question de savoir s'il convient de limiter le décret aux seules allocations familiales, ou bien s'il doit s'appliquer à toutes les prestations familiales, ce qui est beaucoup plus compliqué, je le reconnais. En revanche, en ce qui concerne les allocations familiales, les choses sont très simples...

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C'est faisable, mais ce n'est pas simple !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Cela ne devrait pas soulever de difficultés, qu'il s'agisse d'un partage par moitié ou d'un partage proportionnel à la durée de la garde.

Par ailleurs, monsieur le ministre délégué, permettez-moi de vous le dire, cet article 65 ainsi introduit dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale est évidemment un cavalier.

M. Philippe Bas, ministre délégué. Non !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Mais si ! Encore une fois, la mesure ne coûte rien !

M. Philippe Bas, ministre délégué. Oh si !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Si, pour les caisses !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je persiste : la mesure n'a pas de coût pour la sécurité sociale. Je tenais donc à vous mettre en garde sur ce point.

Je vous rappelle que tout le monde a été d'accord sur le bien-fondé de cette mesure, à commencer par le Médiateur de la République. Et nombreux sont ceux qui l'ont réclamée !

Surtout, je tiens à attirer votre attention sur le fait que la garde alternée peut parfois concerner les grands-parents, voire des tiers. En vous référant aux seuls parents dans l'article proposé, vous ne réglez que partiellement le problème.

Les amendements que nous avons présentés sur la présente proposition de loi sont d'ailleurs rédigés en ce sens.

Le premier tend à insérer, à la fin du texte proposé par l'article 1er pour l'article L. 513-1 du code de la sécurité sociale, les mots : « les prestations familiales sont, sous la même réserve, dues aux personnes physiques qui assument la charge effective et permanente de l'enfant, au prorata des temps de résidence respectifs. Un décret en Conseil d'État fixe les conditions d'application du présent alinéa. »

Le second amendement vise à rédiger comme suit la fin du texte proposé par l'article 2 pour l'article L. 521-2 du code de la sécurité sociale « à proportion du temps de résidence de l'enfant, aux personnes qui en assument la charge effective et permanente. Un décret en Conseil d'État fixe les conditions d'application du présent alinéa. »

Voilà donc, à mon avis, un problème simple : la Cour de cassation et le Conseil d'État sont unanimes sur ce point. Cette question concerne 10 % des divorces prononcés et ne devrait entraîner aucune difficulté, dès lors que nous nous référons non pas aux parents, mais aux personnes - encore une fois, ce ne sont pas nécessairement les parents qui sont concernés - et qu'un décret en Conseil d'État détermine ce qui peut être partagé ou non.

Voilà, monsieur le président, les explications que je voulais donner au Sénat : j'espère avoir convaincu les uns set les autres que, avec les amendements que nous avons déposés, la question est désormais simple.

Vous affirmez, monsieur le ministre délégué, que votre mesure n'est pas un cavalier. Selon nous, un risque subsiste ; nous nous permettons de vous le signaler. Ce risque disparaîtrait si le Sénat adoptait la solution que prévoient nos amendements, tout en confortant finalement votre propre position.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Le sujet qui nous retient ce soir est d'importance, et je voudrais, pour commencer, saluer l'inspiration de la proposition de loi qui fait l'objet de ce débat.

La question du partage des allocations familiales se pose en effet depuis longtemps, en cas de séparation des parents, lorsque ceux-ci ont adopté un mode de garde alternée entre les domiciles des deux parents.

Cette question se résout certes en pratique lorsque le juge aux affaires familiales doit calculer le montant de ce qu'il est convenu d'appeler la pension alimentaire qui est versée par celui des deux anciens conjoints dont les revenus sont supérieurs à ceux de l'autre.

Dans ce cas de figure, le juge apprécie en effet l'ensemble des ressources de chacun des deux parents et peut et même doit tenir compte des ressources provenant des prestations familiales. Si bien que, on le voit, il est déjà tenu compte des prestations familiales dans le calcul du montant de l'obligation alimentaire.

Il est cependant exact que ces règles peuvent paraître complexes et que de nombreux ex-conjoints peinent à comprendre que les allocations familiales ne soient pas également partagées quand la charge de l'enfant est également partagée entre les deux, surtout dans le cas, fréquent, où chacun des deux parents dispose de ressources comparables.

C'est pourquoi, il y a plusieurs mois déjà, j'ai engagé une réflexion avec la Caisse nationale d'allocations familiales. Cette réflexion, entamée avant même l'avis de la Cour de cassation, s'est poursuivie par la mise en place d'un groupe de travail qui devait examiner l'ensemble de ces questions.

Chacun des orateurs qui se sont succédé à la tribune l'a en effet souligné, il n'est pas simple de déterminer quelles seront les prestations qui seront éligibles à un partage et dans quelle mesure ce partage aura lieu, alors que la garde alternée peut être partagée sur un rythme hebdomadaire, une semaine chez l'un, une semaine chez l'autre, mais aussi sur un rythme moins simple, quatre jours d'un côté, trois jours de l'autre. Des différences se font alors jour entre la charge assumée par chaque parent.

La question n'est pas simple non plus de savoir si l'on doit appliquer les dispositions nouvelles uniquement aux séparations ou divorces qui auront lieu après leur adoption ou si elles peuvent être appliquées à l'ensemble des parents qui élèvent leurs enfants sous le régime de la garde alternée.

Toutes ces questions ont été examinées dans le cadre de ce groupe de travail, composé non seulement de représentants de la CNAF, de représentants du ministère, mais aussi d'avocats, de magistrats et même du Médiateur de la République, qui s'est penché sur cet important dossier.

La réflexion du groupe de travail a bien progressé. Elle se poursuit. Elle sera menée à son terme dans les prochaines semaines.

D'ores et déjà, j'ai souhaité que le projet de loi de financement de la sécurité sociale puisse comporter une première disposition, qui me paraît relever du bon sens et qui ouvre un droit d'option.

La règle actuelle serait maintenue, sauf si les deux parents décidaient un partage des allocations. En cas de désaccord entre eux, s'ils voulaient adopter une autre formule que celle de l'allocataire unique sans pour autant savoir comment répartir les prestations, ils pourraient s'en remettre à leur juge.

Pourquoi cela figure-t-il dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, monsieur Dreyfus-Schmidt ? Tout simplement parce que les caisses d'allocations familiales, qui ont déjà consenti de gros efforts pour l'amélioration du service des familles, auront certainement de nouvelles dépenses à assumer dans la mise en oeuvre de cette réforme, qui représente un coût de gestion substantiel.

M. Philippe Bas, ministre délégué. C'est d'ailleurs pourquoi, tout à l'heure, M. le président de la commission des affaires sociales s'inquiétait des difficultés d'organisation que cette réforme pouvait susciter, difficultés confirmées par les gestionnaires de la branche « famille ».

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. À juste titre !

M. Philippe Bas, ministre délégué. Par conséquent, ces dispositions, que j'aurai l'honneur de vous présenter dans quelques semaines, ont toute leur place dans la loi de financement de la sécurité sociale.

Après avoir rendu hommage à l'inspiration qui nous est commune, monsieur Dreyfus-Schmidt, vous l'avez vous-même souligné, j'ai le devoir de vous dire que le Gouvernement ne peut retenir la proposition de loi en l'état.

En effet, d'une part, vous englobez toutes les prestations familiales, y compris les prestations soumises à conditions de ressources, pour lesquelles un partage serait pour le moins difficile à envisager et, d'autre part, au lieu d'ouvrir une simple option, vous fixez une règle dont le caractère très automatique nous paraît, lui aussi, emporter de redoutables conséquences.

Je ferai donc une suggestion. Pourquoi ne pas reprendre ce débat à l'occasion de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007, sur les bases, plus restreintes certes, du texte qui vous sera alors proposé, mais que la Haute Assemblée pourra à loisir amender, le cas échéant dans le sens de ce que vous proposez, monsieur Dreyfus-Schmidt ?

Pour toutes les raisons précédemment invoquées, le Gouvernement a le regret de devoir émettre un avis négatif sur cette proposition de loi, tout en insistant sur la qualité du travail de la commission des affaires sociales et de son rapporteur et en saluant, de nouveau, la légitime ambition qui a inspiré l'auteur de l'initiative. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...

La discussion générale est close.

Explications de vote

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi relative aux droits des parents séparés en cas de garde alternée des enfants
Explications de vote sur l'ensemble (fin)

M. le président. Avant de mettre aux voix les conclusions négatives de la commission des affaires sociales tendant au rejet de la proposition de loi, je donne la parole à M. Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Nous avons déposé des amendements sur notre propre proposition de loi ; ne serait-il pas normal de les mettre aux voix ? Au cas où le Sénat les adopterait, la commission pourrait nous donner alors sa position.

Si nous procédons autrement et que les conclusions négatives de la commission sont adoptées, la proposition de loi sera de ce fait rejetée, et nos amendements auront perdu tout objet.

Ou alors convenons que, même si les conclusions de la commission étaient adoptées, il serait encore possible de modifier le texte que nous proposons.

J'ai bien entendu M. le ministre délégué ; M. le ministre délégué m'a entendu. Je n'y reviendrai pas.

En revanche, quand je faisais observer que ce ne sont pas nécessairement les parents qui sont concernés, vous ne m'avez pas répondu sur ce point. Peut-être me donnerez-vous acte du bien-fondé de mon observation ?

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Philippe Bas, ministre délégué. Monsieur le sénateur, prenons l'article 373-2-9 du code civil, adopté il y a quelques années pour permettre la garde alternée.

Que prévoit cet article ? « La résidence de l'enfant peut être fixée en alternance au domicile de chacun des parents ou au domicile de l'un d'eux. »

M. Gérard César. C'est clair !

M. Philippe Bas, ministre délégué. Il me semble que le texte du code civil répond très directement à la question que vous souleviez : les règles de la garde alternée,...

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Mais la jurisprudence ?

M. Philippe Bas, ministre délégué. ...telle qu'elle est régie par le code civil, ne s'appliquent qu'à une garde alternée au domicile de chacun des deux parents, à l'exclusion de tout autre domicile. Je n'invente rien, ce sont les termes du code civil.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Voyez la jurisprudence !

M. le président. Monsieur Dreyfus-Schmidt, puisque vous vous inquiétez de la procédure ici suivie, permettez-moi de vous rappeler les termes du c de l'alinéa 6 de l'article 42 du règlement, que vous connaissez sans doute mieux que moi, vous qui avez présidé tant de nos séances. On y lit que, « si les conclusions négatives de la commission sont rejetées, le Sénat est appelé à discuter le texte initial de la proposition ».

Voilà ce que prévoit très explicitement le règlement du Sénat, qu'il m'incombe d'appliquer, sans chercher à innover.

Je vais donc tout à l'heure d'abord mettre aux voix les conclusions négatives de la commission et, si et seulement si celles-ci sont rejetées par le Sénat, la proposition de loi sera effectivement discutée et, avec elle, les amendements.

La parole est à M. Alain Milon, pour explication de vote.

M. Alain Milon. Comme le groupe de l'UMP tout entier, je me prononcerai contre cette proposition de loi en votant les conclusions négatives de la commission.

Néanmoins, monsieur le ministre délégué, j'aimerais aller au-delà. Vous avez constitué un groupe de travail chargé d'étudier les modalités d'une possible répartition de l'ensemble des prestations familiales entre les parents ayant la garde alternée de l'enfant. Avez-vous, dans le même temps, mis en place une mission ou demandé des études pour connaître l'évolution psychologique des enfants qui vivent, ou plutôt subissent la garde alternée ? Ce dernier aspect me semble plus important !

Il a beaucoup été question aujourd'hui des intérêts financiers des parents, mais à aucun moment n'a été évoqué l'intérêt de l'enfant. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Monsieur Dreyfus-Schmidt, vous vous êtes fortement appuyé sur l'avis de la Cour de cassation du 26 juin 2006 pour étayer votre proposition.

Or, vous le savez parfaitement, « la règle de l'unicité de l'allocataire prévue à l'article R. 513-1 du code de la sécurité sociale ne s'oppose pas à ce que, lorsque la charge effective et permanente de l'enfant est partagée de manière égale », et c'est la seule modalité de partage évoquée par la Cour, « entre les parents, en raison de la résidence alternée et de l'autorité parentale conjointe, le droit aux prestations familiales soit reconnu alternativement à chacun des parents [...]. »

Heureusement, la Cour de cassation pose cette condition de répartition égale ! Sinon, si le prorata qui a été souhaité dans l'un des amendements devait être appliqué, imaginez la complexité des cas. Songez à ces enfants qui sont pour un dixième du temps chez l'un et pour neuf dixièmes chez l'autre ; songez à ces parents que leur métier amène à s'absenter durant certaines périodes... Quel serait le coût de la répartition des prestations ? Les caisses d'allocations familiales seraient dans l'impossibilité de l'assumer !

La Cour de cassation l'a clairement indiqué, n'est concerné que le cas où « la charge effective et permanente de l'enfant est partagée de manière égale ». Je crois donc, mon cher collègue, qu'il ne faut pas regretter votre amendement, qui, malheureusement, ne sera pas débattu.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Philippe Bas, ministre délégué. Monsieur Milon, il ne s'agissait pas ce soir de savoir s'il était opportun de favoriser ou, au contraire, de contrarier le développement de la garde alternée, non, il n'était question que des éventuelles modalités de répartition, entre les parents séparés, des allocations familiales et, plus généralement, des prestations familiales dans le cas d'une garde alternée.

La question que vous soulevez, après M. le rapporteur, n'en est pas moins judicieuse : dans quels cas la garde alternée est-elle favorable à l'enfant et dans quels cas lui est-elle défavorable ? À cet égard, il serait en effet très pertinent, après quelques années d'application de la loi, de procéder à une évaluation de cette pratique. En ce qui me concerne, je suis tout à fait ouvert à ce que nous en discutions ensemble.

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix les conclusions négatives de la commission des affaires sociales, tendant au rejet de la proposition de loi.

(Ces conclusions sont adoptées.)

M. le président. En conséquence, la proposition de loi est rejetée.

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : proposition de loi relative aux droits des parents séparés en cas de garde alternée des enfants